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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le mercredi 8 mai 1974 - Vol. 15 N° 36

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Etude des crédits du ministère des Affaires sociales


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales

Séance du mercredi 8 mai 1974

(Dix heures quinze minutes)

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Nous reprenons ce matin les travaux de la commission parlementaire des affaires sociales sur l'étude des crédits. Nous en sommes toujours au programme 2. Le député de Rouyn-Noranda avait posé une question hier soir. Nous lui cédons la parole.

Aide sociale (suite)

M. SAMSON: M. le Président, cette question concernait le fonds d'urgence qui existe actuellement à Montréal, me dit-on. Je voulais savoir si cela existait dans d'autres régions. Suivant les réponses que j'ai eues, il semble que cela n'existe pas présentement. Je n'ai pas cru déceler d'intention, du moins à brève échéance, de la création d'un tel fonds d'urgence dans les autres régions du Québec.

Je voudrais souligner, M. le Président, que dans les autres régions et dans la mienne, que je connais plus particulièrement, il y a aussi des besoins qui sont exactement les mêmes que ceux de Montréal, même si la population est moindre. Evidemment, nous considérons que le fait d'avoir commencé cette expérience à Montréal, là où il y a une plus grande densité de population est, je pense, ce qu'il fallait faire. Mais le moment est sûrement venu pour le ministère de penser à étendre ce service dans les autres régions.

Que se passe-t-il chez nous quand nous avons un cas d'urgence en dehors des heures de bureau? Nous ne savons vraiment pas où orienter les gens. Cela nous arrive assez souvent. Heureusement, nous avons eu, jusqu'à maintenant, une collaboration des corps policiers qui, en ce sens, font un travail qui, normalement, ne devrait pas leur revenir. Lorsque quelqu'un a besoin d'un gîte et qu'il n'y a aucun bureau ouvert, j'ai eu connaissance qu'il est arrivé que nous ayons eu recours à la Maison Rouyn-Noranda, qui est une maison pour jeunes délinquants, donc pas un foyer d'hébergement pour les gens en panne.

A d'autres occasions, c'est tout simplement le poste de police qui a servi d'hébergement. C'est la bonne vieille méthode que nous connaissions, il y a déjà plusieurs années. C'est l'ancienne méthode, si quelqu'un n'avait pas de gîte pour la nuit, il allait coucher en prison. Ces temps-là sont dépassés. On vit dans une société différente maintenant. Il faudrait à tout prix éviter que cela se produise, et je sais que cela se fait dans toutes les régions du Québec, parce que ce sont les seuls recours que nous avons. Et même la nourriture, dans des cas semblables, est fournie par le poste de police. Etant donné ces circonstances et étant donné qu'il n'y a pas d'autres disponibilités, les gens n'en viennent à cette solution qu'à l'extrême. Je vous assure qu'on passe des mauvais quarts d'heure avant d'en arriver à cette solution.

Je sais que c'est peut-être différent pour un ministère, c'est peut-être plus difficile d'instaurer un tel système dans les autres régions, mais il y aurait sûrement lieu, avec la collaboration des centres de services sociaux qui sont sûrement capables d'avoir une collaboration des autorités municipales, dans ces régions, d'en arriver à des arrangements d'urgence afin qu'il y ait quelqu'un attitré à cela. Et même, j'en ai déjà parlé à M. Castonguay, il y a quelque deux ou trois ans. Je sais que les autorités de la police de Rouyn, par exemple, chez nous, auraient été d'accord pour collaborer, à la condition que le ministère mette à leur disposition une petite caisse d'urgence dans ces circonstances. Cela veut dire que le travail qui serait nécessité pour cette opération, en fait, ne serait pas à la charge du ministère.

Je pense qu'il y a possibilité, dans certaines régions, de la part des clubs sociaux, peut-être, ou des organismes publics, d'obtenir une collaboration qui pourrait donner satisfaction en ce domaine. J'aimerais bien connaître l'opinion du ministre là-dessus.

M. FORGET: M. le Président, le député de Rouyn-Noranda fait allusion à des problèmes qui ont déjà reçu l'attention du ministère des Affaires sociales. Il en est résulté un certain nombre de projets entrepris depuis un ou deux ans, dont l'objet essentiel était, précisément, d'empêcher une des catégories de situations auxquelles on vient de faire allusion, c'est-à-dire l'incarcération temporaire, dans les prisons communes, de certains jeunes qui ont besoin d'une ressource d'urgence pour leur propre protection ou, parfois, celle de leur entourage et qui, trop souvent, ont été confiés aux prisons communes. Il y a un certain nombre de projets en cours actuellement dans quelques régions du Québec. A certains endroits, c'est déjà chose faite. Il existe une seule région pour laquelle l'autorisation finale est sur le point d'être accordée après plusieurs mois de difficultés. Il y aura donc des ressources, à brève échéance, en place dans chaque région du Québec pour empêcher que des jeunes soient confiés aux prisons communes dans des situations d'urgence qui requièrent un hébergement immédiat, parfois dans un milieu un peu sécuritaire.

C'est une dimension du problème qui a attiré l'attention du ministère, et qui a aussi bénéficié de solutions qui, nous l'espérons, seront satisfaisantes. Cependant, ce n'est pas l'ensemble du problème —je le reconnais avec le député de Rouyn-Noranda — qui est réglé de cette façon.

II y a eu, traditionnellement, et cela continue d'être le cas dans les centres de services sociaux, une certaine disponibilité d'aide financière d'urgence. Ce sont des fonds minimes, comblés selon les besoins qui sont destinés à servir à des besoins d'urgence soit au cours des fins de semaine, etc. Ils sont utilisés, selon les informations que j'ai, encore aujourd'hui.

L'organisation des centres de services sociaux replace cette ressource dans un nouveau cadre. Je retiens, sans aucun doute, la suggestion implicite dans la question du député de Rouyn-Noranda, de même que dans la question du député de Saint-Jacques, d'examiner, avec les centres de services sociaux, la suffisance ou l'insuffisance possible de ces ressources d'urgence, non seulement sur le plan financier, mais également, sans doute aussi, sur le plan d'une accessibilité, 24 heures par jour, et sept jours par semaine, pour des urgences dites sociales. C'est une approche que l'organisation nouvelle des centres de services sociaux, la masse plus importante des ressources qu'ils contrôlent et dont ils disposent, peut permettre, tout probablement, de résoudre sans grand problème. C'est une question qui, même en dépit des ressources existantes à Montréal, dans le réseau d'aide sociale, malgré tout, fait l'objet aussi de discussions et de commentaires. Il est clair qu'il y a un travail d'organisation à faire auprès des centres de services sociaux pour qu'ils assument plus pleinement cette continuité des services, et peut-être certaines possibilités d'assistance financière d'urgence. Encore faudra-t-il en discuter et établir, entre l'aide sociale et ces centres de services sociaux, les relations qui s'imposent à cet égard. Je retiens, très volontiers, cette suggestion.

Dès maintenant, il existe donc des possibilités dans toutes les régions, à cet égard, puisque dans toutes les régions, il y a des centres de services sociaux qui ont, traditionnellement d'ailleurs, assumé des responsabilités financières de dépannage, encore plus importantes que celles qu'ils ont maintenant puisque, avant la création du réseau d'aide sociale, ils jouaient, à cet égard, un rôle fort important.

Il y existe, également, dans les centres comme Montréal et Québec, certains centres d'accueil pour les jeunes adultes ou même pour ce qui est compris d'appeler les itinérants ou des personnes qui n'ont pas de lieu de résidence fixe, parfois, des personnes âgées. Ce sont des centres qui sont appelés, évidemment, à recevoir une population de l'extérieur de la région, qui se retrouve souvent sans ressources et qui peut bénéficier de ces services. Sont-ils de nature à pouvoir accommoder les besoins d'urgence de familles expulsées, etc.? Je pense que nous abordons une dimension nouvelle, à laquelle M. Houde faisait allusion hier soir, c'est-à-dire cette espèce de rôle qui est, par défaut, impartie à l'aide sociale de régler tous les problèmes de tous les autres régimes, en quelque sorte, d'aide aux citoyens lorsqu'ils font défaut, pour une raison ou pour une autre, ou qui sont déficients ou incomplets. C'est un éventail qui est très vaste et qui s'élargit continuellement, mais il n'est pas exclu que nous examinions cette question, et que nous cherchions à y apporter des solutions. C'est un point, cependant, cette question des familles évincées, etc., envers lequel j'hésiterais à prendre un engagement formel ici, avant d'en avoir examiné toutes les implications. Il existe, malgré tout, pour les jeunes, pour éviter de les confier à des prisons communes, pour les itinérants dans les centres, ou qui attirent ce genre de population mobile, déjà des ressources. Sur le plan financier, il existe aussi quelque chose qui est peut-être minimal et qu'il y aurait peut-être lieu de développer ou de perfectionner, ce que, d'ailleurs, l'organisation nouvelle des centres de services sociaux permet de faire.

M. SAMSON: J'aimerais, M. le Président, de la part du ministère, une étude peut-être plus complète du problème en ce sens que, si j'ai bien compris le ministre — si je n'ai pas bien compris, qu'il me corrige — j'ai l'impression qu'il m'a parlé de l'aide aux jeunes surtout. Moi, lorsque je parle de fonds d'urgence, cela s'adresserait à tout le monde. Il y a des jeunes, évidemment, qui, en voyageant, par exemple, l'été, ont des besoins, comme nous le savons. Mais il arrive beaucoup d'autres problèmes qui se posent, et notamment lorsqu'on parle d'hébergement en prison commune, il s'est produit des situations assez cocasses où un type, justement, est libéré de prison, d'une prison de Montréal, par exemple, il arrive dans la région avec aucune espèce de ressource. On n'a pas la possibilité de l'aider parce que les bureaux d'aide sociale sont fermés. Le soir, on lui offre, comme gîte, une autre prison. Ce sont des situations assez cocasses. De toute façon, il y aussi cette question des incendies; en fait, il y a toutes sortes de problèmes qui peuvent arriver. Je suis conscient du fait qu'il faudrait que ce fonds d'urgence soit administré suivant des normes, bien entendu, mais qu'il y ait un fonds d'urgence disponible et que le lieu en soit connu du public. Parce que, évidemment, s'il y a un fonds d'urgence disponible et si la personne qui en a besoin cherche trois jours avant de le trouver, cela ne règlera pas le problème. Entre-temps, il y aura des bureaux d'aide sociale d'ouverts. Ce que je considère comme important, c'est qu'un fonds d'urgence soit disponible en dehors des heures de bureaux ordinaires, parce qu'à l'intérieur de ces heures, il y a les bureaux qui sont là et c'est leur travail.

Si je comprends bien le ministre, par ses signes de tête, j'ai l'impression qu'il a l'intention d'aller plus loin que ce qu'il a mentionné tantôt.

M. le Président, à moins que le ministre veuille me donner une réponse là-dessus, j'aurais peut-être d'autres commentaires sur d'autres sujets.

M. FORGET: Je n'ai pas d'autre réponse plus spécifique à vous donner.

M. SAMSON: On peut considérer que votre étude ne s'arrêtera pas là.

M. FORGET: En effet.

M. SAMSON: Parmi les autres problèmes qui nous sont soumis, quant au bien-être social, il y a celui de personnes qui sont présumées, par les agents du bien-être social, avoir travaillé.

Nous avons un nombre de dossiers assez important là-dessus. Les agents du bien-être social ont annulé tout simplement les chèques de prestation sous le prétexte que le bénéficiaire a travaillé et ce, sans qu'il y ait eu une preuve suffisante à l'effet que le bénéficiaire ait travaillé, sur une simple présomption. Il semble que c'est monnaie courante. J'espère que non, en tout cas, mais il semble, suivant les informations que nous avons, que c'est monnaie courante, que nous laissons le fardeau de la preuve au bénéficiaire alors que cela doit être le contraire.

Dans les autres domaines de l'administration, en tout cas devant la justice, ce n'est pas l'accusé qui doit faire la preuve de son innocence, c'est l'accusateur qui doit plutôt faire la preuve alors que, au bien-être social, on retrouve le contraire. On pense qu'il y a eu infraction et on coupe le chèque. Après cela, on dit: Faites-nous la preuve que vous n'avez pas travaillé.

Cela a comme conséquence que des membres d'une famille, la mère de famille, les enfants sont directement pénalisés, parce que le père aurait peut-être travaillé. J'ai certains cas en mémoire. Il y en a d'autres où c'est un autre genre, où on offre de l'emploi, par exemple, à quelqu'un. Je sais qu'il y a des représentants du bien-être social au centre de la main-d'oeuvre. On cherche des emplois pour des assistés sociaux et, évidemment, compte tenu de la situation du chômage actuel, bien sûr, quand le représentant du bien-être social trouve un emploi, ce n'est généralement pas un emploi adéquat. En tout cas, on use de tous les prétextes possibles pour couper encore une fois le chèque d'allocation sociale, parce que le père de famille aurait, soi-disant, refusé un emploi qui, dans bien des cas, n'a pas de sens du tout. Mais parce qu'on lui a offert un emploi, cela a justifié de couper le chèque du bien-être social pour la famille.

Il y a des cas évidemment où les assistés sociaux ne devraient pas refuser d'emploi, parce qu'ils sont capables de travailler et que c'est un emploi convenable. Il y a de ces cas. Mais quand c'est un cas comme cela et que le père de famille refuse quand même de travailler, il y a un manque net de responsabilité du père de famille. Mais, est-ce qu'on doit pénaliser la famille? Est-ce qu'on doit pénaliser les enfants parce que le père n'a pas pris ses responsabilités dans des cas comme cela, qui ne sont pas généralisés? On pense là-dessus, M. le Président, que le ministre devrait, sinon donner immédiatement des directives plus sévères, au moins considérer cette question pour qu'il y ait des directives données, parce que, particulièrement dans le domaine où on présume que quelqu'un a travaillé, cela devient une question d'appréciation de l'agent. Dans le fond, c'est l'agent qui décide. Nous savons tous que, même si, avec le système d'ordinateur, on a soulagé les agents, il demeure quand même que les agents sont assez chargés de travail. Ils n'ont pas toujours le temps de faire une enquête valable et on se retrouve devant ces situations.

Un cas analogue peut passer dans le même bureau avec deux décisions différentes selon qu'il est présenté à un agent ou à un autre agent. Je ne sais pas de quelle façon on procède dans les bureaux. Je ne sais pas si ces cas doivent obtenir ou non l'approbation du directeur. En tout cas, on s'explique mal comment des cas analogues peuvent être assujettis à des décisions différentes dans le même bureau. J'aimerais bien connaître...

M. CHARRON: J'aimerais ajouter une phrase à ce que vient de dire le député de Rouyn-Noranda avant que le ministre ne réponde, parce que j'avais aussi l'intention de soulever cette question. C'est que, parmi les griefs — si vous me passez l'expression — retenus par le Protecteur du citoyen à l'endroit du ministère des Affaires sociales, il y a, entre autres, cette injustice que vient de dénoncer le député de Rouyn-Noranda, c'est-à-dire la présomption de culpabilité plutôt que la présomption d'innocence que l'on fait dans les cas de revenu. Le Protecteur du citoyen dénonce, dans son rapport, cette application du règlement.

M. LECOURS: J'aurais une question, moi aussi.

Est-ce que les agents d'aide sociale sont tenus d'aller à domicile pour faire enquête lors d'une demande de prestation?

M. FORGET: M. le Président, j'aimerais peut-être indiquer qu'il faut faire une distinction dans l'ordre des problèmes qui sont soulevés ici. Je crois qu'il est nécessaire de distinguer, d'une part, si l'on veut, la procédure administrative par laquelle on diminue ou on interrompt une prestation lorsque, effectivement, il y a un revenu d'emploi qui commence et qui diminue ou supprime le droit à une prestation.

Est-ce que cette procédure est la bonne, est la meilleure que l'on peut imaginer dans le moment? C'est sans doute un point qui mérite attention et c'est le point qui a été d'ailleurs souligné par le Protecteur du citoyen dans son rapport.

Est-ce que dans tous les cas ou dans certains cas la décision devrait avoir un effet immédiat ou la présomption devrait avoir un effet immé-

diat? Ou, ne devrait-elle pas avoir un effet différé? Cette question de procédure, encore une fois, mérite d'être examinée et j'ai indiqué hier qu'après avoir pris connaissance des commentaires du Protecteur du citoyen sur les plaintes reçues chez lui relativement à l'aide sociale, je vais demander, sur ce point-là parmi d'autres, que l'on examine les possibilités d'améliorer les procédures suivies.

Ceci est une part; d'autre part, c'est l'autre élément de la distinction, il y a cette question du fardeau de la preuve. Je pense que le fardeau de la preuve peut difficilement reposer complètement ou même principalement sur le régime d'aide sociale lui-même, puisque pour faire cette preuve sans participation du principal intéressé, il faudrait mettre sur pied des mécanismes de contrôle plus graves par leurs implications quant à l'intrusion dans la vie privée des bénéficiaires et pas seulement des bénéficiaires mais pratiquement de tout le monde, puisque virtuellement chacun peut être éventuellement un bénéficiaire de l'aide sociale. Je pense qu'il est préférable de mettre le bénéficiaire devant le choix de fournir des indications sur sa situation plutôt que d'essayer d'obtenir directement de telles indications, de telles preuves, sur son état de revenu, etc.

Donc, pour ce qui est du fardeau de la preuve, je pense qu'il est important de conserver aux bénéficiaires le principal fardeau de la preuve, mais je suis conscient de la possibilité d'améliorer la procédure.

Maintenant, on a signalé hier qu'il y avait une quarantaine de mille radiations, inscriptions, ou modifications par mois dans les dossiers. Il est clair qu'il faut examiner très sérieusement les implications de procédures nouvelles qui feraient que ces très nombreuses modifications pourraient rester sans effet pendant des mois. On conçoit aisément le sentiment de certains bénéficiaires dans de telles situations, qu'après plusieurs mois, alors que leur situation aurait changé trois ou quatre mois avant, jusqu'à ce que toutes sortes de procédures ne soient écoulées, ils auraient un droit acquis à des prestations que la loi cependant ne leur reconnaît pas.

Il pourrait y avoir des conséquences financières très importantes. Mais, encore une fois, il y a peut-être des distinctions qu'il est possible de faire et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé que l'on étudie cette question.

Maintenant, pour illustrer, malgré tout, quelle peut être la nature du problème et aussi permettre de répondre à la question du député de Frontenac sur l'obligation dans laquelle sont ou ne sont pas les agents de sécurité sociale quant aux visites à domicile, je pourrais demander, peut-être, à M. Houde ou à ses collaborateurs de nous donner un bref exposé sur les procédures qui sont suivies lors de ces modifications aux prestations.

La question de présomption à laquelle a fait allusion le député de Rouyn-Noranda n'est pas celle qui se pose. Nos directives actuelles sont claires, on ne doit modifier la prestation que s'il y a preuve au dossier, par une formule qui émane de l'employeur ou par une déclaration du bénéficiaire. Comme vient de le dire le ministre, nous souhaitons, dans toute la mesure du possible, que l'initiative et même l'incitation à tenir son dossier à jour vienne du bénéficiaire. Le principal moyen par lequel nous faisons les modifications réside dans une formule annexée au chèque que le bénéficiaire nous retourne mensuellement, qui fait foi de son revenu et que, dans la très grande majorité des cas, nous acceptons comme telle.

Quant aux visites à domicile, il est évident qu'une telle démarche est toujours préférable pour bien des raisons. Tout d'abord, le bénéficiaire est amené à s'expliquer dans un milieu qui est le sien, qui lui est naturel. Il y a un élément de contrôle dans la visite qui est naturelle et non pas forcée, je veux dire par là une visite forcée au bureau, pour venir porter un document, sans parler de la question de temps. De façon générale, nous tendons vers des éléments de vérification qui sont de plus en plus axés sur la connaissance de la clientèle dans son milieu à elle, et non pas sur des éléments de vérification qui sont dans notre cadre à nous, qu'on pourrait qualifier de bureaucratiques, car c'est cette image que donne évidemment le bureau d'aide sociale. Nous pourrions dire qu'à l'heure actuelle, pas tout à fait la moitié des vérifications se font à domicile, mais le pourcentage s'accroît.

La question du député de Rouyn-Noranda soulève quand même un élément intéressant. Nous avons senti constamment par l'entremise de nos agents d'aide sociale, particulièrement pour les jeunes de moins de 30 ans, aptes au travail, un souci de nous représenter assez fortement un besoin de coercition, parce qu'on nous dit qu'il y a des situations évidentes, patentes, où on refuse du travail pour accepter plutôt des prestations d'aide sociale.

Jusqu'ici, nous avons toujours adopté la même ligne de conduite, soit de faire valoir qu'aussi longtemps qu'une politique plus précise ne sera pas arrêtée, une politique qui, d'ailleurs, s'élabore dans le cadre du processus auquel le ministre faisait allusion hier, et aussi longtemps que nous n'aurons pas la satisfaction de savoir que les citoyens de l'aide sociale ont d'abord accès à des services continus, des services de main-d'oeuvre, de formation, de réintégration au marché du travail satisfaisants, nous n'adopterions pas de mesure coercitive.

De là à dire qu'au niveau local, les agents ne traduisent quand même pas par des attitudes un peu plus rigoureuses, à l'occasion, leurs sentiments personnels en dépit de ce que nous leur disons, en dépit des directives très claires que nous leurs avons adressées de temps à autre, évidemment, il y a la différence de cas particuliers auxquels le député de Rouyn-Noranda faisait allusion.

Ce que nous voulons faire, de façon plus positive, sur deux plans, c'est d'essayer de mieux connaître notre clientèle. Il faut mieux la connaître d'abord parce que les catégories qu'on a données dans le cadre de l'opération placement ne sont pas nuancées, elles sont assez mathématiques, ce sont des catégories d'âges et d'aptitudes. Une étude plus approfondie de la clientèle permettrait sans doute de percevoir, au niveau de la valorisation sociale, de la référence aux ressources, des modalités qui sont beaucoup plus adaptées aux besoins de chaque type de clientèle.

D'autre part, il y a un deuxième élément qui me préoccupe de façon très vive, c'est de faire en sorte que le contrôle soit d'abord axé sur l'incitation du client et non pas sur le rôle de l'agent. En d'autres mots, si nous pouvions faire en sorte, par nos mesures de cessation d'aide ou d'octroi de l'aide, que le client soit lui-même incité à venir nous donner les renseignements pertinents, ou qu'il soit incité, au moment où il retrouve un revenu normal, à nous le dire, ne serait-ce qu'un cumul, pour le premier ou le deuxième mois, ou toutes espèces de modalités qui font qu'il n'y aurait pas une sanction immédiatement punitive, sur le plan du contrôle, et même, pour employer un mot qu'on a relevé hier, des économies possibles vues dans le sens que leur donnait le ministre, nous y gagnerions.

Cette analyse de la clientèle est en voie de se faire par notre service de la planification. Pour le moment, encore une fois, les procédures que nous avons sont des procédures qui sont mathématiques, mais qui exigent quand même des preuves écrites.

Maintenant, elles sont quand même nécessaires aussi longtemps que nous n'aurons pas mieux. Pour vous donner un exemple, nous avons comparé les chiffres de la Régie des rentes avec les nôtres, après des difficultés de raccordement. Au moment où je vous parle, ces 2000 cas de revenus non déclarés de la Régie des rentes que nous avons pu mettre en regard par rapport au dossier d'aide sociale, si on considère que ce n'est que pour un régime et qu'évidemment nous pouvons être loin de penser que tous les bénéficiaires d'aide sociale ont un certain revenu qui provient de la Régie des rentes, c'est quand même un pourcentage assez élevé. Il est important, pour des raisons d'équité évidemment, que les revenus qu'on reçoit de l'Etat, de toutes sources, soient quand même comptabilisés pour fins du support final que constitue l'aide sociale.

Je retiens les remarques du député de Rouyn-Noranda au plan de la procédure. Je ne sais pas si on souhaiterait qu'on aille dans des détails encore plus élaborés.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, cette répon- se m'incite à poser une série de questions concernant cet aspect qu'a soulevé le député de Rouyn-Noranda des revenus non déclarés des bénéficiaires. D'abord, la dernière partie de la réponse du ministre a fait état du fait qu'un grand nombre de ces revenus non déclarés, suite aux examens qu'a faits la direction de l'aide sociale, proviendraient de la Régie des rentes.

M. FORGET: Non, j'ai donné un exemple. On pourrait parler de la Commission des accidents du travail, de la Commission de l'assurance-chômage. J'ai seulement voulu citer un exemple.

M. CHARRON: D'accord. Prenons l'exemple que vous avez donné, puisque c'est celui que vous avez mis en évidence. Quand vous parlez de ce revenu non déclaré qui proviendrait des sources mêmes de l'Etat et non pas d'un travail occasionnel ou quoi que ce soit, il y a une explication, qui n'est pas une justification, notez bien, mais une explication de ce phénomène en vertu duquel des bénéficiaires de l'aide sociale "cacheraient" le fait que, de l'Etat même et par une autre tentacule, ils reçoient un revenu supplémentaire. Cela provient probablement du fait que si les revenus provenant de la Régie des rentes sont indexés, ceux provenant de l'aide sociale ne le sont pas, ni de façon trimestrielle, ni de façon semestrielle, à peine le sont-ils de façon annuelle, pour reprendre l'expression du ministre à l'Assemblée nationale, lorsque les circonstances le commandent. C'est donc dire qu'une modification du revenu provenant de la Régie des rentes signifie pour le bénéficiaire de l'aide sociale une perte à l'autre bout de l'échelle. Ce qu'il recevra de plus de la Régie des rentes, il le perdra de ce qui provient de l'aide sociale.

Donc, la tentation, surtout lorsqu'on parle de revenus totalisant $170 par mois pour une personne seule, par exemple, de chercher l'occasion de profiter de cette indexation de la Régie des rentes, sans être pénalisé de l'autre côté, est parfaitement évidente. Ce que vous avez signalé, je l'ai moi-même à plusieurs reprises vécu. Des gens me disent: J'ai telle augmentation provenant de la Commission des accidents du travail ou de la Régie des rentes, ou d'un travail occasionnel dans le secteur privé de l'économie. Je ne l'ai pas déclarée car que m'aurait valu cette augmentation qu'on me donne à une échelle, puisqu'immédiatement, à l'aide sociale, on m'aurait retiré l'équivalent de cette augmentation?

En fait, je dis que c'est parce que le régime est mal construit, est mal fait, qu'il est une incitation à ce qui s'appelle "des gestes malhonnêtes" de la part de bénéficiaires ou, si vous voulez, qui ne respectent pas la loi. C'est dans ce sens. Je n'ai pas terminé les questions que j'ai à poser sur ce sujet.

M. FORGET: Vous me permettez de faire

peut-être un commentaire sur cet élément, quitte à ce que vous continuiez sur les autres. Il me semble que l'exemple que vous prenez est peut-être mal choisi, puisqu'effectivement les deux régimes en question, la Régie des rentes et le régime d'aide sociale, sont indexés de la même façon en fonction du même indice, une fois par année : le régime des rentes en vertu de sa loi, telle qu'amendée à l'automne, en décembre dernier, et l'aide sociale en vertu des règlements également adoptés en décembre dernier.

Pour ce qui est de l'indexation comme telle, c'est-à-dire la majoration des prestations d'une année à l'autre en fonction de l'indice du coût de la vie, les lois ou les règlements, selon les cas, prévoient la même indexation. Dans l'aide sociale, il y a eu effectivement une majoration bien supérieure à ce qu'aurait produit une indexation dans les 14 mois qui se sont terminés en janvier de cette année, puisqu'encore une fois on a eu un taux d'accroissement, pour les personnes seules, de 45 p.c, et pour les familles, de 20 p.c, sans compter les allocations familiales. Donc, il n'y a pas de perte dans le calcul ou la comptabilisation des revenus provenant du régime des rentes pour les assistés sociaux. Au contraire, je pense que si on majore la base sur laquelle s'est calculée — du moins durant l'année passée — la majoration au titre de l'aide sociale, ils sont gagnants de le faire plutôt que de continuer à recevoir une plus forte partie de leurs revenus sous forme de...

M. CHARRON: Ces 2,000 cas de revenus non déclarés auxquels vous avez fait allusion par l'intermédiaire de M. Houde, tout à l'heure dans votre réponse, c'est un cas. On mentionnait les accidents de travail également. On peut souligner également, dans le cas où une des deux personnes du couple est bénéficiaire de la sécurité de vieillesse provenant du fonds fédéral, que le même cas se produit. Les agents de l'aide sociale sont souvent obligés de trancher une question, quelle que soit la parité d'indexation. Même si celle de l'aide sociale est supérieure, au cours des derniers mois, à ce qu'a été l'indexation de la Régie des rentes ou l'indexation de la Commission des accidents du travail, le fait est que cette double indexation ne se traduit pas dans le revenu du bénéficiaire par la totalité. Il ne peut pas bénéficier de la totalité des deux indexations, l'augmentation qui lui provient de l'indexation de la Régie des rentes et celle qui lui parviendra par une autre décision de l'aide sociale. L'une n'est pas sans effet sur l'autre dans son revenu total à lui.

Si, par exemple, le gouvernement fédéral, pour une raison électorale ou pour une autre, décide d'augmenter le pension de vieillesse, cela n'a pas directement de conséquences immédiates sur l'indexation de l'aide sociale. Cela pourra venir d'une autre décision plus tard. Au moment où l'augmentation parviendrait — et on sait que c'est indexé de façon trimestrielle — dans les goussets, l'expression est large, dans les revenus du bénéficiaire, cela se transposera momentanément jusqu'à ce que vous modifiez l'aide sociale par une impossibilité de bénéficier pleinement de ce que veut dire l'augmentation qu'on lui accorde à l'autre source, parce que l'équivalent lui sera retiré de l'autre source jusqu'à ce qu'il y ait indexation. Vous pouvez m'affirmer, et vous avez probablement raison au calcul, qu'une indexation suivant l'autre, et puisque vous vous accordez à l'une ou à l'autre, en fait, il n'y a pas d'indexation au niveau de l'aide sociale. Il y a des ajustements occasionnels.

M. FORGET: II y a une indexation. M. CHARRON: Où se trouve-t-elle?

M. FORGET: Dans les règlements. Il y a une clause d'indexation dans les règlements. Maintenant, le problème auquel fait allusion le député de Saint-Jacques n'est pas un problème qui découle d'une indexation imparfaite ou incomplète. C'est le problème qui a été discuté hier et qui est bien connu, qui, d'ailleurs, fait l'objet des efforts de développement d'un régime de revenu minimum garanti, à qui veut que toute augmentation d'un revenu autre que celui de l'aide sociale se traduit par une diminution, dollar pour dollar, de l'aide sociale, sauf les exceptions que j'ai mentionnées, c'est-à-dire les exemptions qui seront accordées et la comptabilisation partielle qui est faite lors de la prise d'un nouvel emploi. C'est une caractéristique générale d'un régime comme celui de l'aide sociale, encore une fois, qui n'a rien à voir avec l'indexation ou des défauts d'indexation, parce que l'indexation est pleinement prévue, mais qui découle du fait qu'il y a ce qu'on appelle un taux d'imposition, en quelque sorte des revenus autres que ceux de l'aide sociale, qui fait diminuer l'aide sociale pour chaque dollar de revenu additionnel qui provient d'une autre source.

C'est la raison qui nous fait poser comme objectif le développement d'un régime de sécurité du revenu qui ne comporte pas cet élément négatif, qui comporte des incitations qu'il est convenu d'appeler des incitations au travail, puisqu'on pense normalement à un revenu de travail comme complément à l'aide sociale ou à un régime de sécurité du revenu.

Mais cela affecte en théorie, de la même manière, le revenu provenant d'épargne ou d'autres prestations sociales. C'est le problème que nous discutions hier, qui n'a rien à voir avec l'indexation.

M. CHARRON: Où se retrouve l'indexation?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): En attendant, le député de Taschereau pourrait poser sa question.

M. BONNIER: M. le Président, ce n'était pas tellement sur l'aspect technique que je voulais revenir, mais simplement sur tous les problèmes de relation entre les employés d'un bureau local d'aide sociale, du ministère des Affaires sociales et ce qu'on appelle des clients qui sont, en fait, des individus qui sont dans une difficulté plus ou moins permanente.

Je pense que les remarques que j'ai le plus souvent constatées concernent l'attitude. Je voudrais insister de nouveau sur un point qu'on a soulevé hier soir: toute la formation du personnel. Je sais que c'est un grave problème et que cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais je pense que certaines personnes peuvent parfois établir une espèce de dichotomie entre les objectifs qui sont tracés par le ministre... Je crois que lorsque le ministre parle d'humanisation, il y croit. J'y crois aussi. Cependant, concernant l'espèce de relation ou d'interrelation qui existe entre une personne qui est employée du ministère et une autre personne qui a besoin d'aide — et vous l'avez souligné, je pense bien, tout à l'heure — c'est que, malgré vos directives, parfois il existe une espèce de difficulté de relation. Ce sont ces cas surtout qui nous reviennent sans doute et les plaintes que nous avons sont là-dessus.

Je ne voudrais pas parler des avocats populaires ici, mais si on retrace, à l'origine ce pourquoi il y a eu des avocats populaires... Je ne blâme pas le ministère, parce que j'ai appartenu à un mouvement coopératif où on a eu aussi des mouvements contre nous, parce qu'on n'était pas suffisamment démocratique, probablement. Mais, j'ai l'impression que lorsqu'un organisme comme celui-là ne correspond pas véritablement, dans ses transactions quotidiennes avec les individus, à des objectifs globaux qui sont clairement exprimés, on est susceptible d'avoir des difficultés.

Concernant l'individu, par exemple, comme le mentionnait le député de Rouyn-Noranda, qui a un travail occasionnel, il me semble que le rôle, à ce moment-là, du préposé au ministère des Affaires sociales n'est pas un rôle d'enquêteur, comme on l'appelait traditionnellement; il est véritablement quelqu'un qui est là pour aider quelqu'un à mieux se situer dans sa difficulté temporaire et à en sortir par lui-même et non pas être toujours aux crochets de l'Etat. Mais je pense que c'est vraiment une question d'attitude et c'est tout un programme de formation.

M. FORGET: Sur ce point, M. le Président, on a assez bien indiqué hier que les attitudes du personnel — il y a environ 1,600 personnes qui sont dans ce réseau de l'aide sociale — ne peuvent être modifiées par des directives ou par des actions autoritaires de la part des autorités supérieures du ministère. Ce qui est la seule chose possible à entreprendre, ce sont des actions pour leur permettre de mieux comprendre leur rôle, pour les éveiller ou les sensibiliser à l'importance des relations humaines positives plutôt que négatives envers la clientèle. C'est le but précisément de ce programme de formation en trois étapes que nous avons exposé hier, qui se poursuit et qui se poursuivra encore une fois, parce qu'il débouche sur des possibilités de formation au niveau collégial. C'est un effort de valorisation du personnel, qui lui donne des instruments de travail mais qui aussi a pour but de modifier son attitude en face de son travail.

Il y a d'autres actions qui sûrement, dans cette même orientation, peuvent être entreprises, mais qui ont toujours ce même caractère d'incitation à une attitude plus positive. Encore une fois, des procédés autoritaires sont impuissants à modifier les attitudes.

Il faut bien voir que, sociologiquement, la plupart des employés des bureaux locaux sont issus de milieux sociaux comparables à la clientèle avec laquelle ils ont à faire affaires, en quelque sorte. Leur situation est susceptible de créer des tensions ou des incompréhensions, mais, encore une fois, il y a eu, à la direction de l'aide sociale, une préoccupation constante au cours des dernières années pour modifier et faire évaluer ces attitudes.

Il y a aussi des problèmes de rétention du personnel plus qualifié, de motivation, de valorisation de cette catégorie d'employés comme tels. Il y a des efforts qui doivent se poursuivre au niveau des classifications de la fonction publique, etc., pour apporter un concours aux efforts de valorisation entrepris de manière à permettre de garder chez nous ces employés une fois leur formation terminée.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Frontenac.

M. LECOURS: M. le Président, j'ai souvent, à mon bureau, des gens qui m'arrivent bien découragés, parce qu'Us reçoivent des comptes du bien-être social, parce qu'ils ont reçu soit des prestations du bien-être social en attendant de recevoir l'assurance-chômage, soit des prestations de la Commission des accidents du travail. Ce sont des cultivateurs qui, durant l'hiver, n'ont pas de revenus. Ils travaillent dans le bois, ils coupent du bois et ils le vendent seulement au printemps. J'ai des cas extrêmes. Il y en a qui doivent de $100 à $4,000 au bien-être social.

Tous les jours, ils viennent me voir et me demandent ce qu'on va faire avec cela. J'ai de la difficulté à faire vivre ma famille déjà. Je suis obligé de rembourser cela. Est-ce qu'on va avoir des poursuites judiciaires? Ce matin, j'aimerais clarifier la situation. J'aimerais savoir, M. le ministre, si ces personnes sont susceptibles d'avoir des poursuites judiciaires, oui ou non.

M. FORGET: Je vais passer la parole à quelques-uns des mes collaborateurs sur la façon dont le problème des surpaiements peut se poser, les procédures et la façon de régler ces

problèmes dans les faits. Il reste que ces phénomènes sont, malgré tout, un témoignage que l'aide sociale qui est apportée à des familles ou à des personnes seules n'est pas de nature à priver des individus d'une aide dans tous les cas, même lorsque parfois ils sont admissibles à d'autres prestations, parce que c'est très largement la source de certaines de ces difficultés.

Il y a donc un bénéfice du doute qui est accordé à des bénéficiaires et qui se traduit éventuellement par des réclamations. C'est malgré tout, un témoignage que cette administration, même si elle donne à l'occasion des problèmes de ce genre, est assez flexible pour que ces problèmes ne soient pas éliminés à leur source même. J'aimerais peut-être que l'on décrive un peu les procédures utilisées.

La question tombe à point. Nous sommes justement sur le point de soumettre un projet de directives concernant ce problème au ministre et au sous-ministre. Essentiellement, il y a deux catégories de situations. Il y a évidemment ceux qui doivent de l'argent et qui sont encore bénéficiaires. Là-dessus, notre attitude a toujours été la même, c'est que, comme l'aide sociale est un minimum, on ne saurait pendant que quelqu'un en bénéficie, puiser à même sa prestation mensuelle pour rembourser un surpaiement qui est intervenu antérieurement. Il y a une seule exception, c'est quand il y a fraude caractérisée avec intention criminelle. Ce sont quand même des cas assez rares et évidemment la protection ne joue plus alors. Ce sont des cas qui sont référés, de temps à autre, mais encore une fois, assez rarement, au ministère de la Justice.

Pour ceux qui ont quitté l'aide sociale, notre attitude, de façon générale, jusqu'ici, a été d'être assez large. Nous acceptons, de façon générale, la majorité des règlements qui nous sont soumis, même pour des montants extrêmement bas, à la condition qu'il y ait une certaine régularité dans le paiement. Nous n'avons pas, quand même, de critères quantitatifs et nous nous proposons de créer, avec l'aide de ce comité qui comprendra des représentants de notre contentieux, de notre service de vérification de l'aide sociale et même du vérificateur des comptes, qui nous a donné ses conseils, des normes qui viseront surtout non pas à récupérer quoi que ce soit — c'est une obligation que nous avons jusqu'à ce que le gouvernement décide autrement de récupérer ces comptes — mais surtout à essayer d'établir des critères en deça desquels on ne devrait pas réclamer.

Il est évident que quelqu'un qui retourne sur le marché du travail, à des conditions qui se rapprochent du salaire minimum, si on le soumettait ou si on l'assujettissait à une pression le moindrement forte et si on le ramenait à l'aide sociale en le faisant, on n'y gagnerait pas au change. Même quantitativement, l'Etat trouve intérêt et justifie qu'on adopte le genre de politique dont j'ai fait état.

Ce matin, je ne pourrais pas citer de chiffres.

L'an prochain, à pareille date, je pense que nous aurons des critères un peu plus quantifiés, mais de façon générale, je pense que les députés qui vivent les problèmes peuvent aussi témoigner du fait que nous acceptons quand même des règlements, encore une fois, à la seule condition qu'ils aient une certaine régularité, même si les montants sont bas, au point que cela nous coûte plus cher, au fond, pour administrer le compte, que le montant que nous percevons.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, avant que nous entreprenions un autre volet de cette question de l'aide sociale, j'ai quelques autres questions à adresser, soit au ministre, soit à M. Houde, s'il convient d'y répondre, sur cet aspect des revenus non déclarés ou irréguliers que feraient certains bénéficiaires de l'aide sociale. Le député de Rouyn-Noranda lui-même a touché, en exposant son opinion au début de cette question, le fait de la vérification sur cette présomption de revenus non déclarés. Le ministre lui a répondu, par l'intermédiaire de M. Houde, que cette vérification se faisait essentiellement par les agents de l'aide sociale, en particulier à domicile. Est-il exact de dire que cette vérification se fait, comme l'ont soutenu certains groupes populaires, comme le soutiennent certains assistés sociaux qui disent en avoir été victimes, à la suite de dénonciations provenant de voisins, ou d'autres bénéficiaires de l'aide sociale? Je crois que c'est le député de Taschereau qui, hier, signalait que cet aspect de comparaison permanente qu'ont entre eux, puisque, la plupart du temps, ils habitent le même quartier ou la même région, les citoyens bénéficiaires de l'aide sociale, cette comparaison permanente qu'ils ont à l'esprit entre les revenus de l'un et les revenus de l'autre par rapport aux moyens de l'un et aux moyens de l'autre, fait très souvent qu'on a eu cette espèce de conspiration et de dénonciation que l'on fait l'un de l'autre et que ce serait à la suite de pareilles dénonciations, les unes plus pesantes que les autres, plus accablantes que les autres, qu'interviendrait la vérification de l'agent des Affaires sociales dans ce domaine.

M. FORGET: La réponse est non. Il n'y a pas 1 p.c, il n'y a probablement pas 1/10 p.c. des cas qui sont révisés de cette façon. Il y a trois sources essentiellement de vérification: la première est une comparaison des fichiers informatiques de l'assurance-chômage au niveau de Montréal et cela doit s'étendre, des accidents du travail, de la Régie des rentes; la deuxième est cette formule attachée au talon du chèque; la troisième, ce sont les visites périodiques de nos équipes de vérification qui relèvent, remarquez bien, non pas des cas de fraude caractérisée, comme les cas de la Régie des rentes, mais des cas où les bénéficiaires finissent par dévoiler

leur revenu avec un certain retard et dont on accélère, au fond, la déclaration, et non pas des cas où on peut imputer malhonnêteté, parce que nous n'avons quand même pas l'impression que les bénéficiaires de l'aide sociale sont différents des autres citoyens. Il faut être prudent. Quant à la dénonciation, nous ne la favorisons aucunement. Personnellement, je vous avoue que je trouve que ce que nous pourrions y gagner serait largement détruit par ce que nous y perdrions. Je sais, par les faits, que le pourcentage de corrections qui résultent de ces éléments est très faible.

Il est évident que, dans un milieu donné, un très grand nombre de bureaux locaux sont dans leur milieu propre. Des remarques se font, de part et d'autre, à des agents d'aide sociale qui, à l'occasion, doivent en tenir compte. Par les chiffres globaux de modification que nous avons et les effets des programmes que je viens de mentionner, nous savons que l'incidence est très faible. Je sais aussi, pour vérifier les cas qui sont portés à ma connaissance de part et d'autre, de temps à autre, parce qu'il arrive qu'on nous écrive pour dénoncer des cas, que ces plaintes reposent souvent sur des présomptions qui ne sont pas fondées ou qui sont incorrectes.

Je pense que j'apprécie la question du député de Saint-Jacques, parce que c'est notre philosophie de ne recourir et de n'insister en aucune façon sur ce type de procédé.

M. CHARRON : M. le Président, je suis satisfait de la réponse du ministre à cette question parce que ce n'est pas la première fois. C'est exactement ce que je croyais être la réalité. De l'entendre du ministre, c'est tellement satisfaisant, parce que les préjugés ou les accusations générales... Je me souviens très bien, par exemple, que le prédécesseur de l'actuel ministre a eu à faire face à un tollé d'accusations du genre, au congrès libéral, il y a quelques années, alors que des délégués, venant de toutes les régions du Parti libéral, avaient fait une critique extrêmement sévère en visant les paresseux, les gens qui vivent à nos dépens, etc. Une assertion de ce genre de la bouche même du ministre devrait, à mon avis, être prise à la lettre.

M. le Président, une dernière question au sujet des revenus dont les bénéficiaires de l'aide sociale peuvent, à quelques occasions, se prévaloir. C'est une question très précise sur le règlement. Si vous me permettez d'y faire référence, c'est à l'article 4.05, paragraphe f) — je ne sais pas comment appeler cela — alinéa 1. Si on descend toujours, c'est à la page 35 dans le règlement. C'est le paragraphe 6, dois-je dire.

Si je me réfère en haut: "Ne sont pas inclus, dans les calculs des revenus, les gains occasionnels de vacances, de fins de semaine et autres du même genre, qu'un enfant à charge réalise". Est-ce que ne sont pas inclus également, en même temps, les gains qu'une des deux personnes du couple peut faire dans le même genre, soit des gains occasionnels de vacances, de fins de semaines ou autres du même genre?

M. FORGET: La réponse est qu'ils sont inclus parce que la famille est considérée comme touchant un revenu si l'un des membres de la famille, le père ou la mère, les touche, mais ils bénéficient de l'exemption dont la famille jouit, de $40 plus $5 par enfant qui, finalement, a pour effet d'en exclure la très grande partie.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. le Président, c'est en rapport avec la question que je posais au début. M. Houde, dans sa réponse, m'a mentionné qu'avant d'annuler les prestations d'allocations sociales à un bénéficiaire qui est présumé avoir travaillé, le ministère exige que l'agent ait une preuve écrite au dossier. Je n'ai pas l'impression que cela se fait comme cela dans tous les cas. C'est ce que vous avez dit, que vous exigiez une preuve écrite au dossier?

M. FORGET: Oui, mais j'ai ajouté que, de là à dire que...

M.SAMSON: Ah bon!

M. FORGET: ... les agents traduisent toujours cela dans la réalité et dans tous les cas particuliers, c'est une autre chose.

M. SAMSON: M. le Président, c'est cela que je voulais savoir. Je crois savoir que le ministère est conscient qu'en pratique les directives ne sont pas appliquées à la lettre. Il y a — je voudrais le souligner — ce danger que les agents, ne suivant pas à la lettre les directives en ce sens, peuvent causer des torts graves aux bénéficiaires. Il y a aussi un autre aspect. Il serait peut-être important de souligner que, par l'expérience que nous avons de certains cas, nous retrouvons que des agents mentionnent aux bénéficiaires qu'ils ont une preuve au dossier, une preuve écrite. La bénéficiaire, se défendant d'avoir travaillé évidemment, et l'agent continuant à dire qu'il a une preuve écrite au dossier, cela crée une situation assez difficile.

Je me demande s'il n'y aurait pas lieu, parce que je ne crois pas qu'on doive pénaliser des bénéficiaires sur de simples présomptions, advenant qu'il y ait réellement une preuve écrite au dossier, que le bénéficiaire, qui est quand même le premier concerné dans tout cela, puisse prendre connaissance de cette preuve écrite et éviter ce qui pourrait être qualifié de chantage et permettre aussi au bénéficiaire, s'il y a preuve au dossier, de contester cette preuve.

Je pense que c'est important. Je m'en rapporte à un cas particulier dont j'ai pris connaissance dernièrement où il y avait preuve

écrite au dossier. Finalement, à force de discussion, nous avons découvert que cette preuve écrite était contestable et elle a été contestée. Le directeur du bureau a donné gain de cause au bénéficiaire, mais il a fallu tout un processus et il a fallu du temps. Ce qui prouve qu'il y aurait avantage à différer les décisions dans des cas comme ceux-là, pour que le paiement ne soit pas coupé automatiquement et que le bénéficiaire ait le temps de présenter une défense, s'il y a lieu. Il est toujours temps de couper l'allocation un mois après si le bénéficiaire a commis une réelle infraction. Cela ne risquerait pas de coûter bien cher au gouvernement, mais aurait comme avantage de ne pas pénaliser des gens qui ne sont pas coupables de telles infractions.

Il y a, M. le Président, un autre aspect qui m'intéresse aussi, c'est l'annulation de prestations sociales dans certains cas où l'agent est allé au domicile une couple de fois et où le bénéficiaire n'était pas à son domicile. J'ai pris connaissance d'annulations de chèques parce que l'agent n'a pu rencontrer le bénéficiaire à domicile. Je ne sais pas si c'est pratique courante. Je demanderais au ministre de me dire si c'est pratique courante ou non. En tout cas, je considère que cela ne devrait pas se produire. Quand vous avez un célibataire qui demeure dans une chambre, entre quatre murs, on ne doit pas s'étonner que cette personne ne demeure pas dans sa chambre toute la journée, personne ne le ferait. Evidemment, si l'agent se rend à domicile et que le bénéficiaire n'est pas là, il n'y a rien de plus normal. J'ai pris connaissance de certains cas où on a pénalisé le bénéficiaire. On a coupé l'allocation sociale et, par la suite, il s'écoule un certain temps avant que le bénéficiaire puisse se défendre et apporter des preuves. Finalement, le but visé par le ministère en matière de bien-être social, qui est d'apporter du bien-être à ceux qui en ont besoin, est complètement dévié dans ces cas particuliers parce que, si on coupe pour un mois ou deux une allocation sociale à des gens qui n'ont pas d'autres sources de revenu, on leur enlève le pain de la bouche. J'aimerais que le ministre puisse nous dire s'il a l'intention d'émettre de nouvelles directives et d'envisager l'éventualité, dans les cas de gens qui ont présumément travaillé, que les chèques d'allocation ne soient pas annulés automatiquement et qu'un certain temps soit alloué. La Chambre de commerce provinciale le suggérait même hier dans son mémoire, dans un autre domaine, si vous voulez, que les citoyens ne soient pas présumés connaître toutes les lois et que cette question de ne pouvoir plaider l'ignorance de la loi soit contestée. On est allé jusque-là dans le mémoire de la Chambre de commerce hier, en suggérant que pour une première infraction, en tout cas, un avertissement soit donné. Il me semble que, surtout au bien-être social, on devrait appliquer cette pratique. A l'occasion d'une première infraction, au moins.

S'il y a récidive, évidemment, il y a lieu de s'inquiéter, mais à l'occasion d'une première infraction, qu'un avertissement soit donné ainsi qu'un délai pour que la personne ne récidive pas s'il y a eu infraction; et s'il n'y a pas eu infraction, qu'elle ne soit pas pénalisée.

M. FORGET: M. le Président, au risque de me répéter, mais je n'ai aucune hésitation à le faire si je peux, de cette façon, être plus clair, j'ai indiqué, en réponse à une question formulée un peu différemment mais qui était essentiellement la même tantôt, que cette question des procédures, en vertu desquelles un bénéficiaire est radié ou voit sa prestation réduite, doit faire l'objet d'un examen attentif à la suite, non seulement des propos échangés ici en commission, mais des commentaires formulés par le Protecteur du citoyen. Etant donné le très grand nombre de modifications aux dossiers qui sont faites tous les mois, c'est une question qui doit être examinée soigneusement pour en voir les implications et voir aussi s'il y a des distinctions qu'il faut faire.

Je suis d'ailleurs d'accord pour affirmer à nouveau que, s'il était possible d'assurer qu'aucune prestation n'est réduite ou interrompue sans qu'un certain délai ait été donné, de manière à obtenir soit l'accord du bénéficiaire ou lui donner un délai pour qu'il fasse des représentations qu'il croit appropriées, etc., ce serait souhaitable. Cependant, une telle procédure n'est peut-être pas possible dans tous les cas et j'ai demandé qu'on l'examine. Dès que cet examen sera fait, il y aura, sans aucun doute, des décisions à prendre dans le sens indiqué, c'est-à-dire soit des directives ou des règlements nouveaux. Mais je suis d'accord pour les propos qui ont été tenus qu'il est possible, au moins idéalement, de concevoir une amélioration à cet égard et j'ai demandé que l'on étudie le problème et qu'on me fasse des recommandations à ce sujet. Pour le moment, c'est aussi loin qu'il m'est possible d'aller étant donné, encore une fois, le très grand nombre — on a parlé de 40,000 — de modifications aux dossiers mensuellement. Il faut voir à quelle proportion de ces modifications une telle règle s'appliquerait et quelles en seraient les implications possibles.

M. SAMSON: A une autre partie de ma question, M. le Président, j'aimerais bien que le ministre, si possible, me donne une réponse, à savoir: lorsque l'agent du bien-être social dit avoir une preuve écrite au dossier qu'un bénéficiaire a travaillé, j'ai demandé que le bénéficiaire puisse prendre connaissance de cette preuve écrite lorsqu'on y fait référence. Pour toutes les raisons que j'ai données, je me demande si le ministre est en mesure de nous dire si des directives ont été données en ce sens ou si des directives devront être données.

M. FORGET: Je pense qu'il s'agit essentielle-

ment du même problème, c'est-à-dire est-ce que l'on donne effet à un document que l'on a ou que l'on croit avoir ou que l'on prétend avoir immédiatement, ou est-ce qu'on laisse ouverte la possibilité d'une contestation de la valeur ou de la signification d'un tel document qu'on veut apporter comme preuve d'un autre revenu? Je pense que c'est essentiellement ce problème. Maintenant, je ne sais pas si M. Houde veut ajouter — quant à ce qui est des procédures actuellement suivies à cet égard — des précisions additionnelles, mais je pense qu'essentiellement c'est cela.

La loi décrète que l'agent d'aide sociale doit venir non seulement fournir au bénéficiaire l'occasion d'aller en révision ou en appel, mais doit l'aider à le faire. Et il est évident que, par voie de conséquence, cela implique que les documents qui touchent le droit même du bénéficiaire, le bénéficiaire doit pouvoir en prendre connaissance et les contester. Non seulement doit-il pouvoir le faire, mais on doit le faire pour lui si c'est nécessaire. C'est ce que la loi dit à l'article 50, je pense. Alors, il est évident que toutes nos procédures vont dans ce sens-là.

Encore une fois, en relation avec ce que je disais précédemment, il est possible aussi que, pour parvenir à la vérité qu'il présume, un agent, à l'occasion, puisse se servir d'un moyen qui n'est pas celui que la loi elle-même édicte. Encore une fois, c'est là une question d'attitude. Ce qui m'encourage, c'est que, par le renforcement du palier régional, il y a quand même maintenant un volume de 7,000 révisions par année. Les bénéficiaires ont raison dans plus de 1,000 cas — je ne me souviens pas des chiffres exacts — et de façon générale, par le nouveau système qui a ses inconvénients et ses avantages, l'agent peut aussi même s'adresser à son client par le talon du chèque pour le prévenir de ses visites, etc.

Or, tous ces petits outils améliorent la situation au bout de la ligne. Il y a la question d'attitude à laquelle le ministre faisait allusion et il y a aussi la question de procédure où je ne veux pas aller plus loin. Il a donné sa position.

M. SAMSON: Je n'ai pas obtenu de réponse pour l'autre partie de ma question. C'est la question de radiation dans le cas où l'agent ne peut rencontrer le bénéficiaire à son domicile, comme je l'ai mentionné tantôt. Je voudrais savoir quelles sont les directives dans ce sens.

M. FORGET: Pourriez-vous préciser?

M. SAMSON: Quand un agent se rend au domicile d'un bénéficiaire. Je donne en exemple des cas dont j'ai eu connaissance. Après deux visites qu'un agent fait au domicile, n'ayant pu rencontrer le bénéficiaire au domicile, il coupe le chèque totalement.

M. FORGET: Non. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, sur ce plan, de critère précis. En d'autres mots, il n'y a pas de critère disant qu'après deux visites et trois appels téléphoniques ou trois visites ou deux appels téléphoniques, le chèque est annulé. Cela fait encore partie de la révision dont le ministre parlait. Je ne sais pas d'ailleurs s'il serait sage d'aller jusque-là.

Mais la règle est que maintenant le chèque est retenu ou suspendu à la demande de l'agent, et non pas annulé. Ainsi si le bénéficiaire donne signe de vie, la reprise peut être maintenant presque instantanée parce que dès la paye suivante — et je vous rappelle qu'il y en a trois par semaine — l'agent peut rétablir le paiement.

C'est une question d'équilibre. Dans la population d'aide sociale, comme dans toute autre clientèle ou même parmi nous, il y a évidemment des attitudes qui font qu'il y a des ordres de réponse qu'on ne donne pas. Il est évident qu'à un certain moment l'agent doit avoir la possibilité de faire en sorte que son bénéficiaire vienne le trouver. Regardez, par exemple, un régime comme l'assurance-chômage où le bénéficiaire doit, chaque vendredi, poster une déclaration, faute de quoi son aide est suspendue.

Nous avons à l'aide sociale un climat où je pense qu'on peut très rarement dire qu'il y a eu suspension de l'aide à moins de deux ou trois visites ou de plusieurs appels téléphoniques. De là à passer à des critères plus précis, c'est une question vraiment délicate parce qu'elle touche des attitudes et cela rejoint, encore une fois, la question que le ministre posait. Je pourrais difficilement être plus précis à l'heure actuelle, d'autant plus que je souligne une autre dimension. C'est que la question d'empathie, de contacts entre l'agent et le bénéficiaire, va aussi trouver sa valeur dans le fait qu'on va laisser une certaine latitude à l'agent. Plus on va l'encadrer dans des procédures d'action, plus on risquera de nuire à cet autre objectif.

Je pense que ce qu'il faut viser à atteindre, c'est un cadre minimum de garantie qui nous assure, dans les procédures mêmes, que le bénéficiaire a utilisé toute circonstance raisonnable de faire valoir son droit avant qu'une action ne soit prise. C'est ce à quoi j'ai compris que le ministre voulait faire allusion.

M. SAMSON: Si je comprends bien, il n'y a pas de directive de donnée à l'effet d'amender une prestation simplement parce que l'agent n'a pas pu rencontrer...

M. FORGET: D'aucune façon.

M. SAMSON: D'aucune façon. Il peut la retenir jusqu'à ce que le bénéficiaire se présente. Cela veut dire, en pratique, que si un bénéficiaire ne reçoit pas son chèque il se présente au bureau.

M. FORGET: Et il est sûr que certains le retiennent trop vite, et c'est ce qui justifie la nécessité de procédures...

M. SAMSON: J'ai compris lorsque vous avez mentionné que si on encadre les agents avec un tas de procédures, cela ne sera pas facile. Je sais que vous n'avez pas à encadrer la majorité des agents, mais il y en a une minorité qui, malheureusement, rendent un très mauvais service aux autres, qui ne savent pas se servir de ce qui dépasse le col de chemise.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'ai encore quelques questions très brèves et à réponses très brèves également, mais qui sont importantes pour les personnes dont nous parlons depuis maintenant quelques heures, je dois dire.

J'ai glissé hier, dans la discussion, cette question des relations entre Hydro-Québec et le ministère des Affaires sociales pour ce qui est de l'assurance que ce service essentiel de l'électricité à la population ne soit en aucun temps objet de décisions trop rapides lorsqu'il s'agit de couper le courant.

J'ai demandé si on en était venu à une entente avec Hydro-Québec, s'il y avait eu des discussions et quels en sont les résultats.

M. FORGET: II y a eu, effectivement, depuis environ un an, des discussions avec HydroQuébec. D'un côté, nous voulions que HydroQuébec agisse avec le plus de largesse possible vis-à-vis des bénéficiaires, ce qu'elle fait maintenant. Je pense que vous l'avez mentionné.

A Montréal où le problème est peut-être un peu plus urgent, nous avons maintenant, par lettre, une entente administrative qui fait que Hydro-Québec ne supprime plus le service, mais a recours à nous dans le cadre de mécanismes où nous avançons l'argent aux bénéficiaires à même une prestation future.

Il y a eu, dans d'autres régions, des cas plus isolés. Je me souviens de la Beauce, où nous avons réglé ce problème par la caisse de dépannage. Je crois me souvenir d'un cas porté justement à notre connaissance par le député de Rouyn-Noranda où nous avons eu la même attitude. S'il fallait le faire, nous n'hésiterions pas à étendre la solution de Montréal à l'ensemble du Québec.

M. CHARRON: Sur un autre plan, la nouvelle directive ou le nouveau système administratif implanté depuis mars comportait de nouvelles dispositions en ce qui concerne, à Montréal en particulier, la taxe d'eau. Les autorités de la ville envoyaient annuellement le compte aux bénéficiaires. Il semble que cela ne se produira plus. Comment envisage-t-on maintenant cette taxe que le locataire a à défrayer?

M. FORGET: La situation de la taxe d'eau, à Montréal, a fait l'objet de plusieurs discussions avec les autorités de la ville de Montréal au cours des dernières années. La pratique qui, effectivement, a été suivie par cette municipalité qui, en même temps, est un agent du ministère des Affaires sociales pour l'administration de l'aide sociale, était exceptionnelle par rapport à la pratique généralement suivie par l'aide sociale, c'est-à-dire une retenue à la source, en quelque sorte, du compte de taxe d'eau.

Cette pratique a toujours suscité des difficultés et je dois dire que maintenant, pour résumer un peu l'évolution de cette situation, il n'est plus question pour Montréal d'un régime distinct de celui que l'on retrouve dans le reste du Québec. C'est-à-dire qu'il n'y a pas effectivement administration par le bureau des affaires sociales ou le service des affaires sociales de Montréal de cette partie du budget des assistés sociaux. C'est un compte qui est considéré comme tous les autres.

Il y a eu, présumément, d'autres aménagements qui ont été faits pour coïncider avec cette période de transition entre un régime où cette perception était faite à la source et la situation générale que M. Houde, peut-être, peut décrire plus en détail.

En fait, même si on le déduisait effectivement de leur prestation par voie mensuelle, quand nous sommes passés au nouveau régime avec une prestation unique, les bénéficiaires de Montréal ou certains d'entre eux ont eu l'impression, même si la taxe d'eau avait été "prévue" dans la prestation effectivement — quand je dis prévue, je le mets entre guillemets; je veux dire que c'est un montant global dont on peut parler de la suffisance — qu'ils étaient, je ne dirai pas défavorisés, mais sur une base distincte du reste du territoire.

UNE VOIX: Lésés.

M. FORGET: Lésés, oui. Parce que la taxe d'eau est différente à Montréal et beaucoup plus sensible qu'ailleurs. Le problème que nous avions était qu'il fallait éviter aussi que nous n'ayons des prestations différentes pour des régions différentes. Ce problème d'ajustement s'est fait dans un climat qu'il nous était difficile d'expliquer complètement aux bénéficiaires, si ce n'est que nous ne voyons pas quelles autres alternatives nous pouvions avoir, en faisant en sorte quand même que, pour l'année en cours, celle où le changement s'est fait, la formule des années passées soit appliquée et que le bénéficiaire ait au moins neuf mois devant lui pour faire face au nouveau compte.

Nous avons minimisé l'impact, évidemment, pour lui, de la taxe d'eau qu'il devra payer à l'automne.

M. CHARRON: Qui, à compter de maintenant, défraiera la taxe d'eau des assistés sociaux du territoire de Montréal?

M. FORGET: C'est le bénéficiaire lui-même qui doit le faire à même sa prestation.

M. CHARRON: Quel est le montant que l'on a prévu dans le revenu annuel des assistés sociaux devant couvrir ces nouveaux frais qu'on lui fait porter maintenant?

M. FORGET: On pourrait préciser cela. M. Garcia, qui est malade ce matin malheureusement, est celui qui m'avait mentionné ce fait. Je vous avoue que j'ignore le chiffre exact personnellement, mais je crois savoir que c'était un montant qui correspondait à ce que la taxe d'eau était au moment où le changement a été fait.

M. CHARRON: $13 par mois?

M. FORGET: Non, ce n'est pas aussi élevé que cela. La taxe d'eau est d'environ $60 ou $70 par année. On parle de $5 ou $6 par mois. Elle est en fonction du coût du loyer, mais en moyenne elle est d'environ $5 par mois, ramenée à une base mensuelle.

M. CHARRON: II faut donc entendre que, dans les montants prévus à l'article 3.01 du règlement actuellement, dans toute la ventilation que j'essayais de faire hier, il y a nourriture, vêtement, dépenses personnelles, il faut maintenant inclure, également, la taxe d'eau que le locataire a lui-même à défrayer.

M. FORGET: Avec l'impact que vous avez fort bien senti, je suppose, à Montréal, encore une fois, on dit que c'est dans le montant global. Il est évident que les bénéficiaires peuvent avoir une impression différente. C'est la solution, évidemment, qui nous échappait si on voulait avoir un revenu équilibré unique pour toutes les régions du Québec. C'est vraiment dû au fait qu'à Montréal il y a une taxe d'eau importante, relativement parlant, par rapport aux autres municipalités.

M. CHARRON: C'est qu'on a une administration municipale très particulière à Montréal. Egalement, ce n'est pas sans effet sur la taxe d'eau.

M. le Président, j'ai une dernière question et cela va certainement, j'imagine, soulager M. Houde de l'aborder. C'est cette plainte qu'a portée...

M. FORGET: Je trouve cela très agréable.

M. CHARRON: ... un groupe de citoyens du centre sud et particulièrement, je dois dire, du comté de Saint-Jacques, il y a peu de temps. Ils ont porté des accusations assez graves sur cinq agents du bureau du bien-être, situé sur la rue Plessis à Montréal.

A la suite de ces accusations, parues dans un journal du quartier publié par un groupe de citoyens, est-ce qu'il y a eu enquête et quelles sont les conclusions de cette enquête? A-t-on des recommandations précises à formuler à ce bureau ou à l'ensemble des bureaux de Montréal?

M. FORGET: J'aimerais, avant de permettre à M. Houde de répondre à votre question plus spécifiquement, indiquer que toutes sortes d'accusations sont formulées à l'occasion contre ou relativement à des personnes employées par, soit l'aide sociale, dans ce cas spécifique, ou, dans d'autres occasions, envers d'autres services qui ont affaire directement avec la population. Je pense que ce qu'il faut bien avoir à l'esprit c'est que, même si, dans des cas très exceptionnels, de telles accusations s'avéraient fondées — et il y a eu, dans le passé, des enquêtes qui ont montré qu'au moins certaines de ces accusations ne l'étaient pas — il s'agit d'une infime exception, par rapport à un réseau fort important qui compte plus de 100 bureaux et, encore une fois, plus de 1,500 employés. De telles accusations sont, évidemment, dommageables pour le moral dans ces bureaux. Elles créent un climat qui, lui-même, est déplorable et qui, lui-même, a des retombées sur les relations entre le personnel et les agents de sécurité sociale. Il me parait malheureux, parfois, que l'on donne une publicité tout à fait exagérée à des cas exceptionnels. Dans l'ensemble, il ne fait pas de doute que nous avons un personnel qui remplit vraiment sa tâche avec dévouement et de façon consciencieuse.

Il y a inévitablement une espèce de publicité, assez tapageuse qui est faite et qui est déplorable, étant donné particulièrement les efforts que nous faisons pour valoriser cette fonction d'agent de sécurité sociale.

Maintenant, sur le cas spécifique que vous mentionnez, peut-être M. Houde peut-il vous donner certaines indications.

En réponse à la question du député de Saint-Jacques, il y a eu effectivement enquête complète et j'ai reçu un rapport récemment. Je ne me souviens pas si le ministre lui-même en a déjà reçu copie, je crois que non. Essentiellement, nos enquêteurs ont vu d'abord toutes les personnes qui étaient présentes à la réunion et qui avaient porté des allégations. Les enquêteurs ont même vu, à ma demande, les gens qui en avaient fait état. Il y avait un animateur de radio, il y avait d'autres personnes. Je leur ai demandé aussi de voir les comités d'où émanaient des allégations semblables. Il y avait un journal de quartier...

M. CHARRON: De Montréal?

M. FORGET: ... Le Va-Vite. Nous avons vu le rédacteur, et nous avons vu aussi le mouvement de l'Association pour la défense des droits sociaux, l'ADS. Nous avons vu évidemment les plaignantes elles-mêmes; dans tous les cas, on s'est refusé catégoriquement à nous donner des faits.

Ce que nous demandions, ce n'était pas la preuve, ce n'était qu'un fait d'origine pour

pouvoir continuer l'enquête, quitte même à la référer à un autre palier plus autonome, pour que ce soit très objectif. Nous n'avons pas eu de fait, malheureusement. On a allégué...

M. CHARRON: Je m'excuse. A mon avis, si je retrouve le dossier de presse qui a porté là-dessus, le ministre a raison, cela a été largement détaillé dans la presse. On portait des accusations très précises à l'égard de personnes très précises également: Cinq agents sociaux. Ces personnes, devant la presse, avaient mentionné des accusations. Par exemple, on a accusé un agent de service social d'avoir tenté d'abuser physiquement d'une assistée sociale, en lui versant de l'argent a même les fonds du service. Un autre aurait donné des contrats de déménagement. Enfin, toutes ces accusations qui étaient fort précises dans la presse et devant les media, on a refusé de les reprendre et de les expliquer devant les enquêteurs de votre service. C'est ce que vous voulez dire?

M. FORGET: Oui. D'un côté, certains ont dit: Si nous ne sommes pas partie à l'enquête, nous refusons de croire que l'enquête sera objective. Dans un certain milieu, les plaignantes elles-mêmes ont cité des mots qui, s'ils avaient été prononcés — c'est extrêmement difficile de le dire — auraient été de mauvais goût, mais elles ont laissé entendre qu'il n'y avait pas de fait précis à citer, et que, de toute façon, elles ne voulaient pas en citer. Du côté du mouvement pour la défense des droits, on s'est refusé à continuer la démarche avec nous.

Ce rapport d'enquête laisse croire que, dans ce cas précis, c'était plutôt le résultat d'une remarque faite au cours d'une assemblée un peu surchauffée par les circonstances, où les gens ont fait ces remarques dans un contexte qui n'était peut-être pas complètement propice à les faire, et qu'après coup, évidemment, ils y ont repensé. Il y a un seul élément qui reste en suspens dans mon esprit et je vais consulter le ministre. C'est cette allégation d'un groupe particulier, voulant que si l'enquête était faite de façon objective, il pourrait parler. Pour ma satisfaction, je pense, et celle du ministère, je voudrais pousser les choses un peu plus loin et essayer de déléguer quelqu'un dont l'autonomie ne peut être mise en doute...

M. CHARRON: Est-ce qu'on ne pourrait pas...

M. FORGET: ... pour faire en sorte qu'on ait l'assurance absolue...

M. CHARRON: Au moment où je vous parle...

M. FORGET: ... qu'aucun fait ne nous laisse croire même qu'il y a lieu de faire enquête, même pour les bénéficiaires eux-mêmes.

M. CHARRON: Puis-je suggérer que — si votre volonté est exprimée, cela devient celle du ministre — effectivement, on élargisse l'enquête en y incluant d'autres personnes que celles qui sont directement du ministère des Affaires sociales? Dans ce cas précis, je pense que ce ne serait pas forcer l'entente de son rôle, pourrons-nous impliquer le Protecteur du citoyen dans ce genre d'enquête, demander au bureau de M. Marceau de déléguer quelqu'un, en particulier, de son bureau. Alors, cette espèce de refus, qui peut être justifié, notez bien, de certains groupes de croire que c'est la partie elle-même qui fait enquête sur des accusations, puisqu'en fin de compte c'est le même service, pourrait se trouver contourné.

Ce n'est pas simplement parce que j'ai un besoin de savoir, comme bien d'autres, si oui ou non tel geste, tel mot, telles accusations sont fondés, mais aussi, dans le même esprit que le ministre a signalé en ouvrant la réponse à ma question, parce que ce genre d'accusation fait porter un jugement sur l'ensemble du service des Affaires sociales, malheureusement à plusieurs endroits, et que l'ensemble du service y gagnerait à ce que le Protecteur du citoyen soit lui-même attaché à ce dossier.

M. FORGET: Je n'ai certainement aucune objection à ce que le Protecteur du citoyen fasse partie d'une enquête comme celle-là. Je ne peux évidemment pas me prononcer à sa place, à savoir s'il croit opportun de s'impliquer dans une enquête où aucun fait précis, au départ, n'est allégué, où il doit aller, en quelque sorte, à la cueillette d'une plainte possible et documentée. Je ne sais pas quelle politique il peut avoir à cet égard, puisqu'il ne me paraît pas qu'il ait jamais exercé ses activités dans le sens d'une commission d'enquête, mais plutôt d'une espèce de juge ou d'arbitre. Cependant, nous avons des relations fort correctes avec le Protecteur du citoyen et il serait peut-être possible de faire cesser, de cette manière — soit en trouvant que ces accusations sont fondées, soit, ce qui est encore plus important, en trouvant qu'elles ne le sont pas — des allégations qui, dans l'état actuel des choses, si on n'y met pas fin de manière convaincante, ont cet effet déplorable que je soulignais tantôt.

Cependant, je trouve assez sérieux que l'on fasse des allégations et que l'on se refuse, après, à donner au moins une indication de départ pour permettre de poursuivre une enquête et à nous donner aussi ce bénéfice du doute qui, je pense, est mérité, que nous allons au moins essayer de découvrir des faits, quitte à ce que les groupes en question, s'ils ne sont pas satisfaits, fassent après appel au Protecteur du citoyen. Mais je pense que l'on inverse un peu la procédure normale qui est suivie dans tous les autres cas. On s'adresse d'abord au ministère; on lui fait au moins ce minimum de confiance qu'il est de bonne foi. Je pense que cette enquête est faite de bonne foi et, si ça devait se répéter, nous serions incapables de découvrir nous-mêmes, à tout moment, s'il y aurait des

causes possibles que des individus pourraient porter à l'attention du Protecteur du citoyen. Je pense que ce n'est pas une situation normale, mais, dans ce cas précis, étant donné la publicité donnée à ces prétendues dénonciations, si le Protecteur du citoyen peut jouer un rôle utile et, encore une fois, mettre fin à ces rumeurs pour autant qu'elles durent, c'est une chose qu'on peut regarder, sans aucun doute.

Nous le rencontrerons prochainement; je lui ferai part de vos observations.

M. CHARRON: Merci.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Vanier.

M. DUFOUR: II est dit quelque part que l'esprit est prompt, mais que la chair est faible. Il est un peu malheureux que certains journalistes fassent des allégations semblables. Je me demande s'il ne serait pas dangereux d'aller plus loin dans cette enquête, parce qu'avec l'expérience que j'ai du milieu...

M. CHARRON: M. le Président, je m'excuse auprès du député de Vanier, mais il y a quelque chose de faux, en partant, dans ce qu'il dit. Ce ne sont pas des journalistes qui ont fait cette allégation. Les journalistes se sont rendus à l'appel de citoyens et ont simplement pris en note les accusations portées par les citoyens. Ce n'est pas un journaliste qui a lancé ça.

M. DUFOUR: Ils ont bien écrit des choses qui n'étaient pas prouvées.

M. CHARRON: Ils vont à des conférences de presse où des gens affirment des choses et ils les rapportent. C'est exactement comme quand un ministre fait une déclaration; ils la rapportent, que ce soit vrai ou que ce ne le soit pas.

M. DUFOUR: Avant de poser des gestes comme ça qui peuvent avoir une répercussion sur la réputation de certaines gens, je crois qu'on doit partir de données sérieuses. Je déplore que certaines allégations sortent trop souvent dans les journaux. Avec l'expérience que j'ai de vivre dans un milieu un peu défavorisé, même ça peut arriver aussi dans les milieux très fashionable, il y a beaucoup de personnes qui baissent leurs culottes un peu facilement. Peut-être qu'on a provoqué ces gens et qu'ils sont tombés dans le panneau.

Si l'enquête se continuait, peut-être que les femmes seraient condamnées. A ce moment-là, moi, je trouve que ce serait malheureux de publier des allégations semblables dans les journaux. Cela ne mène absolument à rien.

M. CHARRON: Qu'est-ce que vous pensez de l'allégation que vous venez de faire?

M. DUFOUR: En fin de compte, ils ne sont pas obligés de la publier dans le journal.

M. CHARRON: Vous l'affirmez à l'Assemblée nationale, un député prend sous sa responsabilité d'affirmer ce genre de choses à l'Assemblée nationale et vous reprocheriez aux journalistes de la remettre.

M. DUFOUR: II y a des livreurs de pain et il y a des livreurs de pharmacie qui se font provoquer en faisant leurs livraisons. Est-ce que les enquêteurs...

M. SAMSON: Pour des raisons...

M. DUFOUR: ... pour des raisons, est-ce que ça ne pourrait pas arriver aussi? Je vous le dis, la chair est faible.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): On revient à l'étude des crédits, élément 1.

M. CHARRON: Je m'en voudrais de ne pas poser cette question puisque nous l'avons abordée. Le porte-parole du Parti québécois l'avait abordée l'année dernière et avait reçu une réponse, je dirais, qui laissait entendre que le ministère allait s'occuper de la question. Alors je la reprends. Le Dr Laurin avait demandé l'année dernière à M. Castonguay si on envisageait, au ministère, la possibilité d'émettre les chèques aux assistés sociaux au nombre de 26 par année, soit à chaque deux semaines, ce qui permettrait toutes les facilités de budgétisation, etc. Est-ce qu'on en est encore à la politique mensuelle?

M. FORGET: Non, nous aurions pu le faire. Le nouveau système l'aurait permis. Curieusement, le jeu politique nous a servis, pour une fois. Je m'excuse, M. le ministre. La raison principale était d'essayer de rapprocher le bénéficiaire d'un statut aussi normal que possible, d'un revenu normal. Il se posait quand même un problème, c'est que la prestation, divisée en deux, aurait, au début du mois, au moment du paiement du loyer, pu créer des difficultés. Comme l'intégration pour les familles, qui était notre principal souci, faisait que le 20 du mois, qui aurait été l'autre date de paiement, les allocations familiales devenaient payables et qu'elles représentaient pour les familles une partie importante de leur budget et que, d'autre part, nous, au début du mois, nous avions un montant plus élevé qui, en même temps, permettait de faire face à cette dépense du mois du loyer, le paiement naturel des deux, juxtaposé, faisait que ça nous paraissait une solution meilleure que la solution de diviser le chèque d'aide sociale. Effectivement, après avoir consulté les comités de citoyens eux-mêmes, ils ont préféré cette solution et c'est la nature même des choses qui a apporté la réponse.

M. CHARRON: D'accord, j'ai la réponse à ce que je voulais savoir. M. le Président, je constate l'heure et, sur cette question de l'aide sociale, j'ai fini, à l'exception d'une chose que nous

pourrions peut-être reprendre à une autre séance. Ce ne sera pas très long, mais j'ai quand même cette question qui est très importante et c'est un des objectifs définis par le ministre dans ses crédits du revenu. C'est l'incitation au travail, l'opération placement. Je ne sais pas si, en cinq minutes, nous avons le temps de l'aborder. Pour ma part, je serais prêt, à la condition que nous puissions discuter de cette question, à déclarer le programme 2 adopté, en ce qui me concerne —je ne veux pas le faire pour les autres — quitte à reprendre l'opération placement au début du programme 3, ce qui pourrait libérer un certain nombre de fonctionnaires pour la prochaine séance.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: C'est une question que je voudrais poser au ministre. Elle concerne les prestations sociales aux mères de famille, par exemple, dont l'époux a quitté le foyer. Un cas de séparation de fait qui n'est pas encore devenu une séparation légale. J'aimerais savoir quels sont les délais avant qu'une personne puisse bénéficier de l'aide sociale. Je crois savoir qu'il y avait certains délais où les agents n'étaient pas autorisés à effectuer un paiement de prestations à des personnes dont la séparation était tout à fait récente.

M. FORGET: Je vous avoue qu'il n'y a pas de délai comme tel, M. le Président.

Il se peut qu'il y en ait eu, en raison de la confusion inévitable qu'engendrent des situations de séparation, mais, effectivement, la Loi de l'aide sociale, dans ses définitions, reconnaît les situations de fait, de sorte que si une personne est effectivement privée de ressources, quelle que soit même sa condition juridique formelle, encore une fois, c'est la situation de fait qui compte. Elle doit pouvoir compter sur l'aide sociale. Si le député de Rouyn-Noranda avait des éléments ou un cas précis, évidemment, ce n'est pas l'endroit ici pour discuter d'un cas précis, mais s'il pouvait le porter à ma connaissance dans le but simplement de préciser la nature du problème que j'ai peine à définir, si ce n'est évidemment qu'il se peut que des délais aient été encourus dans un cas. Je vous avoue que...

M. SAMSON: M. le Président, ce que je peux dire ici, je peux en discuter avec M. Houde plus tard si cela l'intéresse. Ce que je peux dire ici, c'est que j'ai eu des cas précis où, ayant référé à certains bureaux de bien-être social, on m'a dit: II faut attendre un mois.

M. FORGET: II y a un délai de 30 jours dans les règlements.

UNE VOIX: D'accord!

M. SAMSON: C'est ce qui m'intéresse, c'est ce que je veux savoir, si ce délai va être modifié.

M. FORGET: C'est à l'étude dans la révision des règlements. Il y a des représentations qui nous ont été faites par l'Aide juridique et nous sommes en voie de parvenir ou nous espérons pouvoir parvenir à des accords avec l'Aide juridique. Si tel était le cas, il se peut qu'effectivement il soit logique de le modifier.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais demander au minsitre...

M. FORGET: C'est un délai de 30 jours.

M. SAMSON: ... de prendre un engagement à ce sujet. Cela n'a pas de sens. Quand il arrive une séparation, surtout quand le cas se présente comme suit: lorsque l'époux quitte le foyer, l'épouse, qui demeure avec des enfants, n'a aucune espèce de ressources et, évidemment, elle peut aller à l'Aide juridique, si vous le voulez, pour entreprendre des procédures, mais tel n'est pas son désir dans plusieurs cas, espérant le retour de l'époux au foyer, ce qui est légitime. Mais, entre-temps, il y a un besoin réel qui se fait sentir dès le départ de l'époux, où il n'y a aucune espèce de revenu qui entre au foyer. Le seul revenu possible, c'est le bien-être social, dans des cas comme celui-là et le délai de 30 jours est nettement... J'ai l'impression que l'on traite une mère de famille, dans un cas comme celui-là, plus mal que l'on traiterait n'importe qui dans une autre situation qui serait considérée comme urgente.

Si on considère quelqu'un qui sort de prison comme un cas urgent, s'il n'a pas de situation, on doit d'autant plus considérer la mère de famille qui a des enfants et qui n'a pas de revenu. J'aimerais que le ministre aille plus loin que des intentions et qu'il s'engage à nous dire qu'il va réviser le délai et que la mère de famille sera admissible immédiatement lorsqu'il y a un cas, évidemment, une fois vérifié — je vous concède qu'il faut bien vérifier — mais lorsque l'agent est en mesure de dire qu'il est vrai que l'époux a quitté le foyer, qu'on la rende admissible immédiatement.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Taschereau avait posé une question. On va donc lui laisser poser sa question avant que le ministre réponde, si vous le permettez.

M. BONNIER: M. le Président, c'est simplement une demande de renseignement quant à l'élément 2, du programme 2, avant qu'on ne l'adopte. On a un montant de $11,877,000 à cet élément qui s'intitule: Aide préventive. Je me demandais ce que cela comprend vraiment.

M. FORGET: C'est l'aide qui, en vertu des articles 8 et 9 de la loi, est accordée à des

personnes qui ne sont pas privées de moyen de subsistance, qui ont déjà un certain revenu.

M. BONNIER: Les économiquement faibles?

M. FORGET: Oui, c'est cela, mais où on peut faire la preuve de l'une des trois situations prévues par la loi, c'est-à-dire que si on ne leur venait pas en aide, elles pourraient être autrement privées de ces moyens de subsistance où elles risqueraient d'être menées à un dénuement total.

M. BONNIER: C'est un reliquat de la...

M. FORGET: La très grande majorité des cas relève de l'article 6, l'aide est accordée à ceux qui sont privés de moyens de subsistance; mais aux articles 8 et 9, on permet aussi de le faire à l'égard de ceux qui n'en sont pas totalement privés. Il y a 8,000 cas de cette nature et ce sont eux qui reçoivent les $11 millions dont vous faites état.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le ministre voudrait répondre à une question posée hier par le député de Saint-Jacques et, en même temps, en profiter pour répondre au député de Rouyn-Noranda.

Allocations familiales

M. FORGET: J'aurais une réponse, ce matin, quant à la façon de calculer les prévisions budgétaires pour le programme 1, élément 1, c'est-à-dire les allocations familiales.

Voici la base utilisée pour ces calculs: Pour ce qui est du nombre d'enfants en 1974, de 0 à 11 ans, 1,260,000; de 12 à 17 ans, 800,000; l'indexation prévue dans les crédits pour les trois derniers mois de l'exercice, ou les trois premiers mois de l'année 1975 est de 6.67 p.c; la probabilité quant à l'indexation qui sera requise par la loi est supérieure à ce chiffre. Cela confirme l'indication donnée hier, suivant laquelle une évaluation conservatrice avait été faite à l'automne. La prévision actuelle, quant à l'indexation qui sera applicable en 1975, est de 10.4 p.c, ce qui fait une différence dans les crédits de $900,000 qui viendraient s'ajouter à ces crédits si la prévision, quant au nombre d'enfants, est différente de la réalité pour l'année. Cependant, ce qui peut-être le cas, ce montant de $900,000 est donc hypothétique et continue d'être hypothétique pour encore quelques mois.

M. CHARRON: ... transposer sur un chèque, on peut prévoir que le montant de $3 pour le premier enfant, de moins de 12 ans, pourrait être porté à quelque chose comme $3.35 ou $3.40?

M. FORGET: Oui, effectivement, à un peu plus de 10 p.c.

M. CHARRON: Merci.

M. FORGET: Pour répondre à la question posée par le député de Rouyn-Noranda, au risque peut-être de le décevoir un peu, puisqu'il souhaitait un engagement précis à l'égard de la question qu'il m'avait posée, concernant les séparations de fait et la situation dans laquelle cela place certains ménages. C'est une question qui se rapproche fort du problème qu'il a mentionné au début de la matinée ou hier, sauf erreur, mais dans un sens inverse, c'est-à-dire cette possibilité que des séparations interviennent apparemment sans réellement être le cas. Il faut donc examiner cette question avant de prendre un engagement ferme et d'accorder un secours immédiat et complet sans délai, étant donné également ce qui a été dit aujourd'hui quant à la difficulté ou le soin qu'il faut apporter lorsqu'une telle prestation serait diminuée ou retirée le mois subséquent. Je pense qu'il faut être extrêmement prudent et j'aimerais faire le tour de cette question avant de prendre un engagement ferme à cet égard.

M. SAMSON: M. le Président, je voudrais faire remarquer au ministre que je veux être conséquent aussi avec ce que j'ai dit hier. Il faut des politiques pour inciter davantage le maintien de l'unité familiale, oui. En réalité, il y a quand même des cas comme ceux-là qui se présentent et certains de ces cas où l'épouse a nettement l'espoir de reprendre la vie commune, mais en attendant, est-ce qu'il faut laisser les enfants crever de faim? C'est là la question.

On n'a pas le droit de faire cela. Même au risque qu'il y ait justement, parmi ces cas, des cas de séparation théorique. Il y en aura peut-être parmi ceux-là, je le conçois, mais comme ce n'est sûrement pas la majorité, mais plutôt la minorité qui peut être des cas de séparation théorique, alors la majorité qui serait des cas réels se trouve nettement pénalisée et on n'a pas le droit de pénaliser les enfants dans des cas comme ceux-là. Je pense que le ministre comprend cela.

C'est bien dommage, M. le Président, je vais revenir cet après-midi là-dessus, je ne me contenterai pas d'un simple voeu pieux. Je veux que le ministre nous donne au moins une indication, une bonne indication qu'il va changer de délai. Je ne veux pas dire que le délai soit rapporté au jour zéro, mais qu'il le change pour que cela devienne une possibilité, pour des cas comme ceux-là, d'obtenir de l'aide parce qu'ils ne peuvent pas obtenir ailleurs qu'à l'aide sociale l'aide dont ils ont besoin.

C'est bien dommage, mais je n'accepterai jamais que l'on pénalise des enfants parce qu'il y aurait risque d'une séparation théorique plutôt que d'une séparation réelle.

M. le Président, si le ministre est disposé à dire qu'il va au moins faire quelque chose dans un bref délai, d'accord, sinon on reviendra là-dessus.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Etant donné qu'il est déjà 12 h 5...

M. SAMSON: Est-ce qu'on peut le demander au ministre?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous voulez, on va donner des explications. Le ministre serait prêt à garder la réponse pour la prochaine séance. On pourra adopter les crédits du programme 2.

M. SAMSON: Non, M. le Président, on ne les adoptera pas.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Avec restrictions, soit la réponse que le ministre remettra mardi prochain à l'ouverture de la prochaine séance.

M. SAMSON: Non, M. le Président, je n'accepte pas cela.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): La commission ajourne ses travaux jusqu'à mardi prochain, 10 heures.

(Fin de la séance à 12 h 6)

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