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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le jeudi 1 avril 1976 - Vol. 17 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales

Séance du 1er avril 1976

(Dix heures vingt et une minutes)

M. Cornellier (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires sociales reprend ses travaux, ce matin, pour l'étude des crédits du ministère.

Le ministre des Affaires sociales s'excuse; ce matin, il ne pourra pas être présent à la commission, mais il sera ici pour la séance de cet après-midi. Lors de la dernière réunion de la commission, le député de Saint-Jacques avait la parole. Cependant, étant donné l'absence du ministre, le député de Saint-Jacques a proposé de retarder la continuation de son intervention, étant donné qu'il s'adressait directement au ministre, qu'il donnait la réplique au ministre. Je céderai donc la parole au député de Rouyn-Noranda qui fera ses remarques et commentaires généraux.

Le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, il me fait plaisir de participer à cette commission des affaires sociales qui doit discuter des crédits annuels de ce ministère. Bien sûr, à l'occasion d'une telle séance, il est permis au début de faire un survol des problèmes connus au cours des années passées, ainsi que des solutions qui peuvent être apportées par ce ministère au cours de l'année à venir.

Je pense qu'il est important pour un membre de l'Assemblée nationale de pouvoir avoir telle occasion, au moins une fois par année, alors que nous avons la chance d'avoir avec nous les hauts fonctionnaires du ministère qui sont là pour donner des réponses à plusieurs des questions que peuvent se poser les membres de la commission. Surtout, je pense qu'il est intéressant de pouvoir donner, au nom de nos commettants, notre point de vue quant à tout ce qui touche le ministère des Affaires sociales.

M. le Président, au tout début de ces remarques, je voudrais toucher deux aspects particuliers qui relèvent du ministère des Affaires sociales, soit l'application du régime d'aide sociale et, d'autre part, les services sociaux, soit les centres de services sociaux plus précisément. C'est une suggestion que je fais, ce matin, au ministre. Je ne pense pas avoir eu l'occasion de voir tel genre de suggestion faite par le passé, mais je m'expliquerai tantôt et le ministre comprendra pourquoi je fais ce genre de suggestion aujourd'hui.

Il me semble que l'administration de l'aide sociale, par les bureaux d'aide sociale qui sont actuellement existants en province, devrait aussi in- tégrer l'administration des services sociaux. Je m'explique là-dessus, M. le Président.

Surtout depuis le 1er janvier dernier, avec les nouveaux règlements, nous avons des plaintes qui sont, je pense, fondées de la part de bénéficiaires d'aide sociale qui doivent aussi faire affaires avec le centre de service social. Je me demande pourquoi on n'aurait pas un seul système, un seul genre d'enquête à faire. Je trouve qu'on double inutilement le travail. Cela donne, évidemment, des situations assez cocasses où un bénéficiaire de l'aide sociale doit faire affaires avec son agent de l'aide sociale à son bureau. S'il advient que, pour des raisons de santé, la mère de famille a besoin d'aide ménagère, par exemple, pour une période donnée, là, depuis le 1er janvier, on les réfère au centre de service social. Au centre de service social, on reprend tout le processus d'un bout à l'autre et, finalement, le citoyen a l'impression d'être charrié entre deux sortes d'administrations.

De plus, M. le Président, alors que, dans l'administration de l'aide sociale, les employés de ces bureaux d'administration relèvent évidemment de la Fonction publique, relèvent de l'autorité du ministère directement, les centres de service social nous semblent relever de je ne sais trop qui, sauf que le gouvernement paie. Le gouvernement paie pour les employés, le gouvernement paie pour les services qui ont été autorisés par ces employés, mais il semble que lorsqu'il y a des problèmes, le gouvernement manque d'autorité sur ces gens.

Je prends à témoin plusieurs de mes commettants de mon propre comté, d'autres comtés de la province également qui m'ont fait des plaintes. Parlons de mon comté pour le moment. Il est arrivé à plusieurs reprises que des gens se sont rendus comme il se doit, malgré que ce soit un peu aberrant pour la population d'être obligée de courir entre deux bureaux lorsqu'on a des besoins qui sont semblables.

Moi je considère qu'un agent d'aide sociale qui est capable de faire une enquête raisonnable pour déterminer si un citoyen peut être éligible ou non à l'assistance sociale peut aussi déterminer s'il a droit ou non, à une aide ménagère. Alors, ces gens-là, se sentent charriés. Même si on vient voir le député, on leur recommande de se rendre d'abord au centre de service social, comme il se doit.

Il y en a qui n'aiment pas cela, mais ils le font finalement quand ils voient que nous faisons ces recommandations pour permettre aux agents du service social de faire leur travail. Et, M. le Président, il y a beaucoup trop de plaintes qui me parviennent dès que le citoyen fait mention qu'il est venu voir son député, comme c'est son droit. C'est un droit qui appartient à tous les citoyens du Québec d'aller voir leur député, d'aller le rencontrer et de lui demander des services, quel que soit le parti que représente le député.

Or, il est arrivé trop souvent et il arrive encore trop souvent que ces gens se font faire des remarques dès qu'ils font mention à un représentant du service social qu'ils ont vu leur député. Jadis c'était à l'aide sociale qu'ils se faisaient dire cela;

c'est changé maintenant, je dois le dire. J'ai beaucoup moins de plaintes de ce côté, mais maintenant c'est le service social qui dit: Votre député on s'en fout comme de l'an quarante. Ce n'est pas lui qui m'a engagé, ce n'est même pas le gouvernement qui m'a engagé, je n'ai de compte à rendre à personne. Cela est le genre de réponse que certains employés du service social donnent à nos commettants.

Alors, je me demande si c'est normal que le gouvernement ne fasse qu'une seule chose dans toute cette affaire, payer ces employés, payer les dépenses que ces employés ordonnent, puis que le gouvernement n'ait pas d'autorité là-dessus. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse comme député? On a des services à donner à notre population, qui a droit de nous demander ces services. On se réfère au cabinet du ministre et on se réfère à l'autorité. Mais l'autorité, finalement, vous renvoie au bas de la ligne et là tout ce qu'on a comme réponse c'est celle qui vient d'en bas de la ligne, alors que le sujet de l'intervention était justement l'insatisfaction des services donnés en bas de la ligne.

Qu'est-ce que cela nous donne, à ce moment-là, de communiquer avec le cabinet du ministre pour tenter d'obtenir justice, quand on considère qu'il y a eu injustice ou quand on considère qu'il n'y a pas eu totalement justice?

Qu'est-ce que cela nous donne de communiquer avec l'autorité, alors que nous voyons qu'à la suite de nos communications et, à la suite des communications des autorités du ministère, tout ce que cela a comme conséquence est que cela entraîne un délai de trois semaines ou un mois pour se faire dire: Vous devriez conseiller à votre commettant de se rendre au bureau du service social. C'est cela qu'on lui a conseillé au début; c'est parce qu'il n'a pas été satisfait là que nous sommes obligés d'intervenir.

M. le Président, la suggestion que je voulais faire au ministre ce matin c'est d'étudier sérieusement la possibilité d'intégrer ces deux services. Je pense qu'il y aurait, d'abord, une économie d'argent considérable, parce que les assistés sociaux ou ceux qui ont besoin de services sociaux sont à peu près les mêmes gens, à quelques exceptions près, qui ont un dossier au bureau de l'aide sociale et un dossier au bureau du service social.

On double les enquêtes, on double le travail pour rien, et puis on se retrouve, d'un côté, avec un groupe sur qui personne n'a d'autorité. Je trouve cela absolument anormal. Le gouvernement est quand même responsable devant le peuple de ses actes, alors que ces gens ne sont pas responsables devant personne, paraît-il. Au moins, s'ils sont responsables devant quelqu'un, ce n'est pas devant le gouvernement et ce n'est pas devant le peuple, parce qu'on se fait dire trop souvent... En tout cas, le ministre me dira s'il a des moyens autres que ceux que je suggère pour corriger cette situation. S'il en a d'autres, je n'ai pas d'objection à les envisager, mais, pour le moment, après de mauvaises expériences qui se sont trop souvent répétées, je n'ai pas d'autre chose à faire que de suggérer qu'on intègre ces deux services et qu'on les place sous l'autorité du ministère pour que le ministère puisse, advenant qu'il y ait des choses à corriger, prendre les dispositions pour le faire.

D'ailleurs, M. le Président, certaines gens vont plus loin; certaines gens vont même jusqu'à dire qu'ils n'ont pas d'ordre à recevoir, même du ministre. J'ai des témoignages là-dessus. Moi, je trouve, en tout cas, quelles que soient les opinions politiques des agents concernés, que c'est absolument déplacé, absolument déplacé. L'autorité, dans notre système actuel démocratique, vient de la majorité. La majorité s'étant, aux dernières élections, manifestée, nous devons respecter l'autorité.

Bien sûr, nous pouvons contester les lois, nous pouvons contester les mesures; c'est notre travail de le faire et, en tant que député de l'Opposition, c'est surtout notre travail de voir à surveiller l'application et la législation, etc. Il reste qu'aussi longtemps qu'une loi existe, même si nous avons le droit et le devoir de la critiquer si nous ne sommes pas d'accord avec cette loi, nous devons la respecter, sinon c'est l'anarchie totale.

Je pense que le respect de nos lois veut dire aussi le respect de nos législateurs, de nos administrateurs et aussi du peuple, quel que soit leur nom ou leur couleur politique. Aux centres de service social, les élus du peuple ne sont pas respectés, suivant les témoignages que j'ai obtenus. C'est d'ailleurs, M. le Président, le même centre de service social du Nord-Ouest québécois qui donne ce genre de réponse à la population qui, la semaine dernière, a provoqué les interventions que j'ai faites à l'Assemblée nationale concernant les retenues à la source pour fins de caisses électorales.

Je ne reviens pas sur le sujet, ce n'est pas mon intention ce matin de faire un débat là-dessus, mais c'est le même service social; ils sont 140 dans la région du Nord-Ouest québécois et j'aimerais bien, ce matin, que le député d'Abitibi-Ouest soit présent. Je sais qu'il a aussi été victime dans son propre comté de ce genre de choses. Nous en avons discuté ensemble. Je croyais être la seule, dans la région du Nord-Ouest québécois — étant un député de l'Opposition — victime de ce genre de choses, mais il semble que dans les autres comtés, c'est la même chose.

Alors là, il s'agit de mettre en cause les centres de service social du Nord-Ouest québécois. A l'Est de la province j'ai ouï-dire, parce que j'ai discuté avec d'autres aussi, que la même chose se produisait en certains endroits. Il y a aussi des plaintes qui me parviennent d'électeurs de l'Est de la province, parce que j'ai une volumineuse correspondance de la province, et je suis en mesure de vous dire que dans plusieurs comtés du Québec, nous avons ce genre de plaintes aussi.

M. le Président, sachant que le ministre d'Etat aux affaires sociales est particulièrement près de ce genre de problèmes et sachant aussi qu'il a l'habitude de tenter de les résoudre, avec les moyens qu'il a, bien entendu, je fais cette sugges-

tion, ce matin, pour que soit envisagée sérieusement l'intégration.

Non pas l'intégration automatique des employés, parce que ces gens n'ont pas été engagés par la fonction publique; ils n'ont pas été engagés par les voies normales. Ils ont été engagés, pour différentes raisons, par différents moyens qui ne sont pas ceux qui sont normalement utilisés par le gouvernement. L'intégration devrait se faire sur la base de nouveaux concours; que ceux qui sont habilités à passer à travers soient intégrés et, s'il n'y en a pas assez qui sont habilités à le faire, qu'on ouvre des concours à d'autres.

Mais je n'accepte pas — je le dis bien clairement, M. le Président — que les gens soient engagés au gouvernement seulement pour leur option politique, quelle que soit leur option politique; qu'ils soient rouges, qu'ils soient bleus, qu'ils soient "câilles", je n'accepte pas cela. Je pense que tous les citoyens du Québec, honnêtes et qualifiés, doivent avoir le droit de servir le gouvernement du Québec, de servir la population à travers le gouvernement du Québec, bien entendu.

Dans ce secteur, les normes gouvernementales n'ont pas été utilisées. C'est pour cela qu'on se fait dire à tort, parce que ces gens devraient comprendre qu'ils sont au service de la population, qu'ils se foutent éperdument des députés et des ministres. Moi, M. le Président, je n'admets pas cela. Je n'admets tellement pas cela que je suis à la veille de faire une motion à l'Assemblée nationale, si cela continue, pour qu'on discute de cette affaire et qu'on prenne des mesures appropriées, si cela ne change pas. Mais je sais que cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd et qu'il y aura sûrement des vérifications faites et des mesures prises de ce côté.

Quant à l'aide sociale, M. le Président, je ne peux que regretter... Honnêtement, là-dessus, mon collègue, le député de Saint-Jacques, a fait mention, au mois de novembre, je crois, ou de décembre, de son désir de voir la commission parlementaire siéger avant l'adoption des nouveaux règlements. Je me rappelle avoir appuyé ce genre de choses et je ne reviens pas sur ma parole; je pense que le député de Saint-Jacques avait raison de faire cette demande à ce moment-là. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de constater qu'il avait doublement raison. L'application des nouveaux règlements fait que, si nous avions eu cette commission parlementaire auparavant, avant l'application des nouveaux règlements, on aurait peut-être pu faire des suggestions utiles qui auraient amené, peut-être, de petits amendements à ces règlements et qui auraient permis que l'aide sociale soit réellement une aide sociale.

Tout ce qu'il semble qu'on ait fait — je n'irai pas dans tous les détails de ce nouveau règlement mais dans le principe — tout ce qu'on retrouve, dans le fond, c'est que ce qui est augmenté d'une part est pris ailleurs. On a enlevé certains services spéciaux, on a remplacé cela par une augmentation, mais il reste que nous sommes toujours devant des assistés sociaux, toujours devant des défavorisés. Les besoins spéciaux qui couvraient, par exemple, des possibilités de réparations de maison pour les petits propriétaires qui sont défavorisés et qui vivent de l'aide sociale, c'est parti. C'est remplacé par une possibilité d'emprunt. Je ne suis pas sûr qu'on rende bien service aux assistés sociaux en leur permettant d'emprunter au lieu de leur remettre les sommes dont ils avaient besoin pour les réparations de leur foyer.

Il y a aussi la question de l'ameublement. Au moment où on avait des besoins spéciaux — évidemment c'était l'autre partie de l'aide sociale qui faisait défaut, à ce moment-là — mais, du côté des besoins spéciaux, placez-vous à la place d'une mère de famille qui, un bon matin, commence à faire son lavage et dont la machine à laver se détraque tout à coup. Là, ii n'y a plus de besoins spéciaux possibles dans son cas. Elle doit emprunter de l'argent. Evidemment, vous avez cette possibilité d'emprunt de $500 qui semble avoir été négociée dernièrement, parce qu'avec l'application du nouveau règlement d'aide sociale, au 1er janvier, ce n'était pas encore négocié, cette possibilité d'emprunt. Placez-vous à sa place et vous verrez que, rapidement, la capacité d'emprunt sera utilisée et l'assisté social se retrouvera devant d'autres sortes de besoins qu'il ne pourra pas combler parce qu'il ne peut pas emprunter. Si c'est la machine à laver qui fait défaut, un bon matin, il faut la remplacer parce que c'est un besoin essentiel. Il y a des choses, comme cela, qui peuvent faire défaut et, quand cela arrive, cela prend de l'argent. Les besoins spéciaux n'étant plus là pour couvrir ce genre de choses, on se retrouve devant une impossibilité, une incapacité, pour ces gens, de faire face à des besoins.

On dira peut-être que l'an dernier il y a eu un ajustement, quand on a coupé ces besoins spéciaux, il y avait eu un ajustement de $8 par mois, je pense, qui devait couvrir cela. C'est un peu ridicule, M. le Président, $8 par mois, pour couvrir des besoins spéciaux. Cela ne couvre même pas la dépréciation du mobilier, des parties essentielles du mobilier. Ces gens se retrouvent devant l'impossibilité de satisfaire à leurs besoins.

Aujourd'hui, nous savons que même avec les — dans un autre ordre d'idées — efforts faits par le ministre des Affaires sociales, l'automne dernier, il y a encore des coupures d'électricité qui s'effectuent chez des assistés sociaux. Il y a encore des coupures de gaz naturel qui s'effectuent chez des assistés sociaux. Il y a encore des assistés sociaux qui, à un moment donné, parce qu'ils doivent chauffer leur résidence en hiver, comme tout le monde, ne peuvent plus payer le distributeur d'huile à chauffage et se retrouvent sans ressources. Il y a encore de ces enfants, de ces familles d'assistés sociaux dont la pauvreté est telle qu'on se prive du nécessaire; on se prive de certains repas, puis on se prive de chauffage.

Dans notre société moderne, quoi qu'on dise et quoi qu'on pense de l'inflation, on ne me fera jamais accepter que les capacités de production, les capacités physiques et les richesses naturelles au Québec ne sont pas là. Vous comprenez cela. L'économie est ce qu'elle est présentement, mais

elle pourrait être changée. Ce n'est pas parce que quelqu'un a décidé un jour quelque part qu'il faut se serrer la ceinture que les terres vont arrêter de produire, que les richesses naturelles sont disparues, que les capacités de production sont disparues. M. le Président, je n'accepte pas cela.

Si nous vivions dans un pays comme l'Inde, où on est dépourvu de ressources, on ne pourrait pas dire la même chose. Mais on vit dans un pays pourvu de ressources. Cela est différent.

Qu'on aménage le système économique. Bien sûr, le ministre des Affaires sociales va me dire que cela ne relève pas seulement de sa compétence. Je suis d'accord sur cela. Mais il reste qu'il fait partie d'un gouvernement et que ce gouvernement a des responsabilités vis-à-vis de la population, que ce gouvernement devrait utiliser toutes les ressources possibles, sans les gaspiller, bien entendu, mais les utiliser. Toutes les ressources possibles, cela veut dire que tous les Québécois devraient être en mesure d'avoir accès à un minimum vital, et cela parce que notre province est capable de le leur procurer.

Cela m'amène, M. le Président, à vous parler de revenu annuel garanti sur une base universelle. Pourquoi sur une base universelle? D'abord parce que tout ce qui est sélectif, à mon sens, amène évidemment des enquêtes. Tout ce qui amène des enquêtes amène le besoin d'un jugement de quelqu'un, d'un employé quelconque quelque part.

Le jugement humain étant ce qu'il est, M. le Président, les citoyens québécois, par le mode de la sélectivité, sont traités un peu selon l'humeur de l'être humain qui doit prendre la décision, qui doit porter le jugement, de sorte que nous multiplions les injustices par ce genre de moyens. C'est pourquoi je réclame un revenu minimum garanti annuel, mais universel. Qu'il soit donné à tout le monde à la base, quel que soit le montant accepté et acceptable, compte tenu du montant d'argent qui serait fixé selon le seuil de pauvreté et compte tenu également de l'indexation qui devrait suivre Ja tendance du coût de la vie. Si la tendance était à la baisse, on pourrait parler de la suivre à la baisse, mais je pense que ce n'est pas le cas présentement; il faut la suivre à la hausse. Cela doit être ajusté pour suivre le coût de la vie.

Pourquoi de façon universelle, M. le Président? Certains pourront me faire la réflexion que ce serait accorder le revenu minimum garanti à des gens qui ont déjà un gros salaire. Je dis: Oui, cela le permettrait, mais cela éviterait, par exemple, beaucoup de bureaucratie, beaucoup d'enquêtes, beaucoup de dépenses de ce côté. N'oublions pas que cela permettrait à tous les petits salariés ou à tous les défavorisés d'obtenir au moins ce minimum sans risque d'injustice. Pour ceux qui ont un meilleur revenu, le revenu minimum garanti, finalement, serait une question d'entrée et de sortie de comptabilité, parce qu'il retournera automatiquement dans les coffres du trésor public par les voies de l'impôt. Nous savons tous que l'impôt pour celui qui a un gros salaire ou pour le millionnaire est à ce point élevé que le revenu minimum garanti qu'il recevrait, pour lui ne serait qu'un transfert d'argent. Il retournerait dans les coffres. Pour ceux-là, finalement, ce ne serait pas un avantage, mais ce serait un avantage pour la classe de gagne-petit et la classe moyenne. Il y aurait également un autre genre d'avantage à cela, M. le Président — je sais que le ministre est sensibilisé à ce genre de choses — c'est que nous ne détruirions pas l'initiative au travail des gagne-petit. La formule actuelle d'aide sociale finit par détruire l'initiative au travail de certains assistés.

M. le Président, la formule actuelle fait que, quand quelqu'un devient un assisté social, sachant qu'il ne peut pas gagner d'argent sans voir réduire ses revenus de l'aide sociale de quelque façon, eh bien, au bout de quelques mois, plusieurs de ces personnes finissent par comprendre que, étant des défavorisés, étant des gens qui de, toute façon, ne gagneraient jamais de gros salaires finissent par comprendre que c'est quasiment aussi payant de se contenter de l'aide sociale, qui n'est pas imposable, qu'aller travailler à un petit salaire qui, lui, est imposable et entraîne des dépenses. Alors, c'est le genre de choses, je pense, qui doit nous intéresser. Pourquoi laisser détruire l'initiative au travail de oes personnes?

Je pense qu'on n'a pas le droit de faire cela. Les humains ont besoin de s'occuper à quelque chose et, bien entendu, il y a encore des petites industries, des petits commerçants, des petits employeurs qui auraient besoin de travailleurs, mais qui ne sont pas capables de payer des gros salaires, qui sont presqu'au salaire minimum. Aujourd'hui, le salaire minimum et l'aide sociale, et les conséquences qu'entraînent les dépenses pour celui qui va travailler au salaire minimum font que, dans certains cas, compte tenu du nombre d'enfants dans ta famille, il n'y a presque pas de différence entre celui qui travaille et celui qui ne travaille pas. Selon un vieil adage, la différence entre celui qui travaille et celui qui ne travaille pas, au bout de l'année, est de $0.05, et c'est celui qui ne travaille pas qui a les $0.05. On pourrait peut-être répéter cela aujourd'hui puis c'est encore aussi vrai que cela l'était déjà.

Je voudrais, M. le Président, faire remarquer que si nous arrivions à un revenu minimum garanti sélectif, ou plutôt appelons les choses plus par leur nom, si nous arrivions à une garantie du revenu sur une base sélective, comme il semble que les gouvernements s'orientent vers ce genre de chose présentement, nous découragerions davantage les citoyens de travailler.

C'est pourquoi je le réclame sur une base universelle. Je le réclame sur une base universelle, parce que je ne veux pas que le gouvernement soit l'artisan de la destruction de l'initiative au travail de nos concitoyens. Par contre, tous ont droit à un minimum vital, tous ont le droit de vivre raisonnablement, et la province de Québec, par ses ressources, est capable de leur procurer cela. C'est là la justice distributive dont pourrait être capable le Québec.

M. le Président, bien sûr, quand on parle d'affaires sociales, on peut presque jouer du coq-à-

l'âne, parce qu'il y a tellement de choses qui se retrouvent dans ce ministère qu'il nous prendrait deux ou trois jours pour couvrir tous les angles, mais comme nous reviendrons plus en détail dans certains programmes, j'en passerai plusieurs. Mais il reste que j'aimerais que nous prenions quelques minutes pour discuter d'un point qui me préoccupe particulièrement: c'est à la Régie de l'assurance-maladie que nous retrouvons que des avortements pratiqués à l'extérieur du Québec sont remboursés par la Régie de l'assurance-maladie.

M. le Président, je pense qu'il est anormal, que, par une de ses régies, le gouvernement du Québec paye pour des choses pratiquées à l'extérieur du Québec, pour des choses qui seraient reconnues illégales au Québec. J'ai posé quelques questions à ce sujet dernièrement et depuis déjà longtemps. Je me rappelle en avoir posé à l'ex-ministre de la Justice, mon collègue d'Outremont, qui avait pris certaines positions qui, je vous l'avoue, M. le Président, m'avaient plu à l'époque. Le député d'Outremont avait manifesté son désir de faire appliquer intégralement la loi. D'ailleurs, il était passé aux actes, peut-être pas à mon entière satisfaction mais, en tout cas, à une grande partie de ma satisfaction.

Mais aujourd'hui, les mêmes questions que je pose au Solliciteur général ne trouvent pas le même genre de réponses. Le Solliciteur général nous ramène toujours au fait que l'avortement n'est pas nécessairement illégal au Québec. Je pense, M. le Président, que c'est là s'évader des problèmes, c'est là glisser sur les problèmes, parce que, quand on pose des questions sur l'avortement, bien sûr, il s'agit de l'avortement libre qui, lui, selon mes informations, est reconnu illégal. C'est le genre de choses qui se fait à l'extérieur du pays, aux cliniques de Plattsburg ou autres dans l'Etat de New York. Selon les renseignements qui ont été donnés l'an dernier en Chambre par le ministre, ce fut payé par la Régie de l'assurance-maladie.

Je pense qu'il est temps que l'on prenne des dispositions pour éviter qu'un gouvernement, de ses deniers, des deniers de la population, mais des deniers dont il a l'administration, paie à l'extérieur du pays des choses qu'il n'a pas le droit de payer au Québec et qui sont reconnues illégales au Québec.

C'est ainsi que le gouvernement devrait plutôt avoir une politique d'encouragement des naissances, plutôt qu'un laisser-aller qui fait que nous arrivons de plus en plus dans un cycle où la population, ou une partie de la population en tout cas, se fait complice de la dénatalité. Quand je pense que nous devons, comme nation québécoise, prendre certaines initiatives pour la survie de notre population, de notre peuple, je trouve qu'il est contradictoire d'un côté de penser qu'un jour on pourra, par nos propres moyens, faire certaines choses si d'un autre côté nous n'avons pas une politique d'encouragement des naissances. On s'en va directement vers la destruction de notre peuple québécois; l'autodestruction, c'est aussi fort que cela; l'autodestruction.

Quand un peuple commence à faire ce que nous faisons présentement — et, grâce à Dieu, ce n'est pas la majorité de la population encore qui fait cela — avant que ce cancer continue à progresser, il faut faire quelque chose. Cela ne se fait pas facilement par des moyens coercitifs, cela se fait par des mesures d'encouragement à la mère de famille. Cela se rattache directement à ce que je vous disais tantôt, au revenu minimum garanti, parce que, si nous donnons les moyens à la famille de vivre raisonnablement, nous encourageons déjà par ce fait les naissances. Mais, si en plus on donne à la mère de famille, la mère au foyer une allocation spéciale quelconque, là je pense qu'on encouragera la mère de famille à demeurer au foyer plutôt que de l'obliger à en sortir. La situation actuelle fait que celles qui sortent du foyer, en grande majorité — bien sûr il y en a qui le font pour d'autres raisons —le font par besoin, par obligation, parce que le revenu familial n'est pas suffisant et que la mère doit aller chercher un supplément de revenu par son travail pour permettre à la famille de boucler le budget.

Or, M. le Président, ce revenu garanti dont je vous parlais tantôt est une partie de l'encouragement qu'on peut donner aux familles. L'autre partie, c'est d'accueillir une nouvelle naissance comme un actif.

Le gouvernement pourrait, par le ministère des Affaires sociales, avoir une politique qui encourage les naissances en donnant en quelque sorte une allocation à la naissance parce que nous savons tous qu'une naissance amène des dépenses, que dans les foyers défavorisés ou dans d'autres foyers qui sont peut-être de classe moyenne, mais qui ont de la difficulté quand même à boucler le budget, on ne peut pas recevoir facilement une naissance parce qu'on n'est pas pourvu des facilités qu'il faut.

Evidemment, comme conséquences directes, on évite les naissances. Un couple qui agirait ainsi toute sa vie ferait que, si l'on part du barème 2 aujourd'hui, dans 30 ou 40 ans on serait rendu à 0. M. le Président, faites la projection sur l'ensemble de la population du Québec et vous verrez à quel rythme on est en train d'assister à l'autodestruction des Québécois.

Quand je vois que, par-dessus le marché, nous avons des artisans de ce genre de destruction, je pense que c'est le comble. Rappelons-nous, M. le Président, qu'à l'occasion de la dernière guerre mondiale, nos concitoyens québécois, nos concitoyens canadiens, nos alliés, si vous voulez, ont fait la guerre pour sauvegarder les droits et les libertés des humains. Nos concitoyens québécois se sont rendus faire la guerre en Allemagne pour tenter d'éviter la destruction d'une partie du peuple allemand d'origine juive, parce qu'il y avait là des raisons humanitaires, de très bonnes raisons d'aller défendre ces gens. Cela a été le scandale du siècle, la destruction de presque tout un peuple.

Mais, M. le Président, une trentaine d'années après, par des moyens peut-être différents qui ne sont plus les fours crématoires, on est en train d'assister à la destruction du peuple québécois

chez nous. Drôle de coïncidence: parmi certains artisans de cette destruction, nous retrouvons des gens de la nationalité de ceux que nous avons tenté de sauver en mettant en jeu la vie de certains de nos concitoyens.

De toute façon, je n'irai pas plus loin sur ce sujet, mais il reste que j'invite le ministre des Affaires sociales à étudier la possibilité de l'éventualité d'une politique d'aide à la famille, d'aide à la naissance, d'aide à la mère au foyer.

Nous étions plus forts, M. le Président, quand le Québec pouvait se vanter de sa fameuse revanche des berceaux. Aujourd'hui, ce sont les gens des autres provinces qui utilisent ce seul moyen que nous avions à notre disposition il y a déjà plusieurs années. Ce qui a permis au peuple canadien-français de survivre, c'est la revanche des berceaux, mais ce qui est en train de nous détruire aujourd'hui, c'est qu'on a laissé tomber cela. Parce que les politiques du gouvernement ne sont pas suffisamment incitatives, ce sont les Anglais des autres provinces qui utilisent la formule que nous utilisions jadis.

M. le Président, je pense que le ministre des Affaires sociales doit entrer en communication le plus rapidement possible avec les mouvements pro-vie, avec le Front commun pour le respect de la vie et discuter avec ces gens qui ont des dossiers bien complets, qui ont des statistiques là-dessus.

Le docteur Jutras, de Victoriaville, publiait — c'était dans le journal de la semaine dernière, je crois — un avis à ce sujet. Par cet avis, nous sommes en mesure de voir jusqu'à quel point notre peuple québécois est actuellement en danger d'extermination. Peut-être que cela pourrait coûter moins cher, évidemment, à l'administration de la Régie de l'assurance-maladie si on s'autodétruisait rapidement, parce qu'il y aurait beaucoup moins de personnes à être enregistrées. Peut-être qu'il y aurait plus de cartes encore que de monde, comme c'est le cas présentement. Une chance que ces cartes ne votent pas, M. le Président, parce que cela dérangerait drôlement la démocratie. Il reste que je voudrais souligner à ces honorables messieurs que, si l'autodestruction du peuple canadien-français amenait peut-être moins de paiements de l'assurance-maladie, elle amènerait aussi moins de revenus à l'assurance-maladie.

Je pense que nous nous devons de rencontrer les gens du groupement pro-vie et de considérer leurs justes revendications. Ils sont un demi-million dans ce mouvement, dans le Front commun pour le respect de la vie. Un demi-million de Québécois engagés. Je pense qu'ils ont fait la preuve que ce n'est pas la majorité qui veut l'autodestruction des Canadiens français. C'est une minorité qui, malheureusement, est beaucoup plus tapageuse que la majorité. Cette minorité, M. le Président, laissons-la faire le tapage; mais nous de la majorité bien pensante, passons donc plutôt aux actes et permettons une meilleure politique de la famille.

Quand on parle d'avortement, bien sûr, cela nous amène à penser aussi à l'euthanasie. Je voudrais aussi qu'on se penche sur ce problème; ce n'est pas un problème qui existe tellement au Québec présentement, mais, parce qu'il semble qu'au Québec on fait toujours, nous autres, les erreurs qui se font ailleurs, 20 ans ou 30 ans après, j'ai peur qu'on fasse aussi au Québec ce genre d'erreur dans quelque temps. Cela se fait déjà dans quelques pays; il y a des pays qui la pratiquent.

Je dis qu'on fait au Québec les mêmes erreurs qui se font ailleurs, 20 ans ou 30 ans après. Pensons aux fameuses régionales et aux fameuses polyvalentes qui ont été expérimentées aux Etats-Unis. Nous autres, au Québec, comme par hasard, on a lancé ce mode de construction de polyvalentes au moment où, aux Etats-Unis, on avait calculé que cela avait été une erreur de l'avoir fait. Au moment où on savait qu'aux Etats-Unis, on s'était trompé, nous autres, au Québec, on s'engageait dans la même expérience. Au moment où on s'est engagé là-dedans, M. le Président — je me souviens de l'avoir dit souvent publiquement — nous faisions une erreur monumentale.

Aujourd'hui, je pense qu'il y a beaucoup de gens en tout cas, si ce n'est pas tout le monde, qui sont prêts à accepter de dire que ces grosses polyvalentes sont des géants inefficaces qui ne permettent pas une meilleure éducation. En tout cas, le ministère de l'Education l'a reconnu, parce qu'il ne s'en fabrique plus, des polyvalentes de 3500 ou 4000 élèves; on a réduit cela maintenant aux alentours de 1000. Comme vous voyez, on s'aperçoit qu'on a fait une erreur.

Ce que je trouve mauvais, c'est qu'au moment où on a tenté l'expérience, ailleurs cela avait été prouvé comme néfaste. Nous, on l'a tenté au Québec à ce moment-là. Puis, 20 ans ou 15 ans après, on arrive au même résultat auquel les autres sont arrivés. On n'est pas des humains différents des autres, M. le Président. Quand les Etats-Unis font des erreurs, pourquoi tentons-nous les mêmes expériences? Je dis que c'est arrivé dans ce cas et c'est arrivé dans d'autres cas aussi. Là, c'est en train de nous arriver, peut-être, si on ne met pas le frein à temps, dans la question de l'euthanasie.

Je dis qu'il faut mettre les freins à temps. A temps, cela veut dire avant qu'il n'y ait un seul cas connu au Québec. Il vaut mieux freiner avant d'arriver à la traverse à niveau que de freiner sur la traverse à niveau quand le train arrive. C'est pourquoi je dis que nous devons, de ce côté, avoir une politique préventive.

Je voudrais également, M. le Président, dans un autre ordre d'idées parler de l'urgence de reconnaître, pour les fins de la Régie de l'assurance-maladie, la chiropraxie ainsi que la thérapeutique, les physiothérapeutes. Ces gens, M. le Président, donnent des services qui sont nécessaires. Nous les avons reconnus par la Loi sur le Code des professions. Aujourd'hui, nous avons des cas où des médecins de médecine générale ou autres pratiquent pour rendre des services — remarquez bien que je ne veux pas blâmer les médecins qui le font, au contraire, et je ne vou-

drais pas être mal interprété — à des gens qui, autrement, ne pourraient pas avoir ce genre de traitements parce qu'ils ne sont pas capables de les payer. Plusieurs médecins pratiquent la chiropraxie, peut-être totalement, dans certains cas, ou partiellement, dans d'autres cas. Pourquoi le font-ils? Parce, dans plusieurs cas, leurs clients ne pourraient pas se payer ces services ou ces soins s'ils les prenaient directement des chiropraticiens qui sont spécialisés dans ce genre de choses. Alors on fait un détour pour tenter d'obtenir l'équivalence du service par un autre spécialiste de la santé, si vous voulez, un autre professionnel de la santé qui, lui, est déjà surchargé, qui, lui, pourrait occuper toutes ses journées à faire de la médecine et encore. Je pense que tous les médecins sont d'accord là-dessus. Les salles d'attente des médecins ne sont jamais vides. Elles sont toujours pleines. Il y a un besoin, et nos médecins surchargés sont obligés de faire autre chose pour rendre des services à la population défavorisée. Je pense qu'il est urgent que la Régie de l'assurance-maladie couvre ces soins chez les chiropraticiens et chez les physiothérapeutes.

J'aimerais aussi revenir sur un autre sujet qui a fait l'objet d'un débat assez long, l'an dernier, à l'Assemblée nationale. Il s'agit de la fluoration des eaux de consommation. Je n'ai jamais été convaincu, malgré que la loi ait été adoptée par la force, que c'est une bonne mesure, jamais. Qu'on se réfère aux cas de fièvre thyphoïde dans la région de Saint-Gabriel-de-Brandon, dernièrement, pour voir jusqu'à quel point tout ce qui est introduit dans l'eau peut être néfaste. L'eau naturelle ou encore améliorée pour détruire les bactéries, bien sûr, c'est valable, mais quand on arrive à la fluoration des eaux, c'est encore un sujet qui, sur la place publique, fait qu'il y a des professionnels de la santé qui ne sont pas d'accord sur le bienfait ou sur le méfait de cette mesure.

Si, dans ce domaine, parmi les professionnels de la santé, parmi les savants même, on n'est pas d'accord, je pense que le Québec court encore un risque inutile. Il y a eu également — je n'ai pas besoin de vous le dire — dans ce domaine, des expériences de faites ailleurs, qui se sont avérées néfastes. On a cessé, ailleurs, la fluoration dans certains coins. Nous, au Québec, comme d'habitude, quand ailleurs ils ont fait des mauvaises expériences, il semble qu'il faille qu'on fasse encore les mauvaises expériences.

Parce que la loi 88 l'a dit, on est en train d'installer, partout où c'est possible, à un rythme aussi accéléré que possible, des appareils de fluoration des eaux de consommation.

M. le Président, moi, aussi longtemps que tous les professionnels de la santé, aussi longtemps que tous les savants ne seront pas d'accord, à 100%, pour nous dire que c'est une bonne mesure, je la mettrai en doute. Je réclame que cette loi soit revue, M. le Président. Un gouvernement peut faire des erreurs, c'est humain, les erreurs; quand un gouvernement les corrige, il n'y a pas de honte à cela non plus. Qu'on revoie cette loi, parce qu'on n'a même pas donné la possibilité aux populations concernées de dire leur mot. On la leur impose par la force alors que, si au moins on leur avait donné la possibilité d'un référendum dans les municipalités concernées, la majorité de la population aurait pu dire oui ou non. Cela aurait été un moindre mal si on leur avait donné cette possibilité. Mais ils n'ont même pas cette possibilité, ils doivent accepter de force oette mesure qui est encore une mesure discutée et contestée par les professionnels de la santé, certains professionnels de la santé, parce que évidemment, les avis sont partagés.

On pourrait vous parler aussi des centres hospitaliers au Québec. Beaucoup de plaintes nous parviennent de ce côté. Les centres hospitaliers ne reçoivent pas les crédits nécessaires à leur bonne marche, dans certains cas. Plusieurs administrateurs de centres hospitaliers nous font des plaintes régulièrement à l'effet que les coupures de leurs crédits font qu'ils ont des difficultés à donner des services adéquats à leur population. Je ne veux pas faire uniquement référence à l'hôpital de Val-d'Or, qui connaît des problèmes très particuliers de ce temps-ci, problèmes qui ont obligé l'administration de l'hôpital à fermer certains étages, problèmes qui ont même amené tous les médecins de l'hôpital à décider de contester à un tel point qu'ils voulaient tout lâcher à un certain moment. Je ne fais pas uniquement référence à ce cas particulier. Je fais référence à plusieurs autres cas où des administrateurs d'hôpitaux se plaignent de ne pas pouvoir donner les services adéquats, faute de crédits. Bien sûr, je n'apprends rien à personne en disant que les salles d'urgence sont devenues des salles d'attente, non pas pour des soins d'urgence, mais pour toutes sortes de soins. Faute d'avoir une politique valable, nous retrouvons dans nos salles d'urgence tous ceux qui veulent avoir des soins et qui ne peuvent pas les obtenir parce que les médecins sont surchargés dans leur cabinet de médecine et que les rendez-vous sont à trois ou quatre semaines, dans certains cas plus loin que cela, dépendant de la spécialité. Ces gens se retrouvent aux salles d'urgence. Ce qu'on ne fait pas dans les cabinets de médecin, il faut le faire dans les salles d'urgence. Puis là, on va surcharger les médecins qui sont de garde aux salles d'urgence. C'est ainsi qu'il y a des gens qui entrent à neuf ou dix heures de la matinée et ils sortent de là à dix ou onze heures le soir. Parce que la mécanographie est ainsi faite, il y en a dont le cas est plus urgent que d'autres qui passent à onze heures le soir alors que d'autres dont le cas est moins urgent passent dans la matinée ou dans l'après-midi. J'ai déjà vu même un cas où quelqu'un s'est enregistré à la salle d'urgence à neuf heures le matin. Son dossier s'est glissé entre d'autres dossiers, un cas d'urgence, puis finalement le père de famille a décidé de s'en aller pour faire donner les soins à son enfant dans un hôpital de l'Ontario, situé à 55 milles. Evidemment, c'est une erreur qui s'est glissée, mais c'est le genre d'erreur qui peut se produire parce que nos salles d'urgence sont devenues presque des salles à tout faire, par la force des choses.

Moi, je pense qu'on doit, de ce côté, apporter une attention spéciale qui permettrait aux administrateurs d'hôpitaux d'avoir les crédits qu'il faut pour donner un bon service, et permettre aussi que les médecins qui oeuvrent dans ce secteur aient, évidemment, tout ce qu'il faut pour bien faire leur travail et qu'ils aient tous les services à leur disposition.

M. le Président, cela m'amène, évidemment, à vous parler de la fameuse liste des médicaments. Quand on parle de médecine, on ne peut pas facilement en parler sans en arriver à cette liste de médicaments pour personnes pauvres. Pour les personnes qui ont les capacités de payer elles-mêmes leurs médicaments, on utilise les médicaments prescrits par le médecin qui, selon moi, est celui en qui le client, le patient a confiance. Pour ma part — je représente à ce moment-ci pas mal de monde — c'est mon médecin qui me prescrit mes médicaments quand j'en ai besoin et c'est en lui que j'ai confiance. S'il me donne une prescription dont les médicaments ne se retrouvent pas sur la liste, c'est que le médecin a considéré que je devais utiliser tel genre de médicaments plutôt que tel autre. C'est drôle, quand on arrive avec les défavorisés, les assistés sociaux qui sont poignés avec la carte de médicaments, ceux-là n'ont pas droit d'avoir accès à toute la médication qu'il y a sur le marché. Eux-autres, on les restreints à un petit livre où il y a une liste et on dicte au docteur ce qu'il faut prescrire. M. le Président, j'ai eu trop de plaintes là-dessus, je ne peux pas passer cela sous silence. Il y a des gens qui ont besoin de choses autres que ce qui est prescrit sur la liste. On fait des démarches pour ces gens. Il y a des médicaments qui sont utiles et nécessaires pour des défavorisés et qui coûtent plus cher que certains médicaments inscrits sur la liste. On nous donne comme réponse: Que votre commettant demande à son médecin de consulter la liste et qu'il lui prescrive l'équivalent. Dans certains cas, même le pharmacien peut faire la livraison de l'équivalent. Après des semaines ou des mois, on trouve que l'équivalent a rendu le patient plus malade que s'il n'avait pas été voir son médecin, parce qu'il existe des allergies à certains médicaments. Dans ce domaine, on ne laisse pas le médecin traitant décider. Cela a été fait par certains technocrates, quelque part, qui ont décidé que les citoyens québécois devaient se contenter d'être soignés par tel, tel ou tel autre médicament, en fonction du prix et non en fonction du résultat. C'est comme cela qu'on traite les défavorisés québécois. C'est en fonction de l'argent et non en fonction du besoin; non en fonction du besoin de la santé.

M. le Président, ce genre de chose est inacceptable dans une société dite civilisée. C'est inacceptable. Cela fait des années qu'on en parle et on est encore rendu au même point. Le médecin dont le cabinet et la salle d'attente sont pleins de monde prend plus de temps à chercher sur la liste des médicaments qu'à diagnostiquer la maladie. On pense qu'on rend service à la population avec cela. Je me demande comment et par quel processus on en arrive à déterminer quel genre de médicaments et quelles compagnies figurent sur la liste?

Il y a encore des gens qui font des dépenses d'environ $50 par mois pour des médicaments qui ne se retrouvent pas sur la liste. Parce que ce sont les seuls médicaments qui sont valables dans leur cas, après avoir essayé, les équivalents et après avoir été malades à cause de ces équivalents, ces gens paient de leur poche ce que le gouvernement devrait normalement payer pour eux. Pour chaque médicament payé de sa poche, un assisté social est obligé de se priver de nourriture. N'oubliez pas cela.

Je pense que la nourriture fait partie des choses nécessaires à la santé, mais le gouvernement place les défavorisés devant un choix: ou bien vous allez au plus urgent et vous payez avec votre allocation qui ne couvre pas les médicaments. Vous payez vos médicaments, ce qui est le plus urgent, puis vous vous serrez la ceinture ailleurs, en sachant que déjà les allocations sociales ne correspondent pas au coût de la vie.

Alors, déjà au départ, pour quelqu'un qui n'est pas malade, c'est serré. On l'oblige à se serrer la ceinture. En plus de cela, quand il est malade, on l'oblige à prendre pour les médicaments l'argent qui devrait être utilisé pour la nourriture, pour le logement, pour le vêtement et pour le chauffage, alors que normalement le gouvernement devrait payer ces médicaments, puis on les empêche de bien manger ou de bien se loger ou de bien se chauffer ou d'avoir au moins le minimum vital.

M. le Président, je ne le dirai jamais trop: Ce genre de liste là, cela me fait drôlement penser à ce qui a été dénoncé dans certains coins de la province durant la dernière grande crise économique de 1929 à 1939, alors que les chômeurs défavorisés, qui s'adressaient à leur municipalité pour avoir de l'aide, étaient catalogués de sorte qu'on devait les reconnaître sur la rue. C'est le printemps, on utilise des couvre-chaussures; on appelle cela en canadien des claques. Dans ce temps-là, il y a certaines municipalités qui devaient faire le don de cela à certains chômeurs, puis, pour être bien certain qu'on reconnaisse au travers des autres que c'étaient des chômeurs, on leur donnait des claques blanches avec une barre rouge, toutes pareilles. Bien, vous autres, dans le domaine de la santé, vous êtes en train de faire cela, cela ressemble à cela. Pour être bien certain qu'on reconnaisse les défavorisés, on leur impose une liste spéciale de médicaments.

Si vous aviez fait la preuve que les autres médicaments ne sont pas valables, je vous demanderais: Pourquoi en permettre la vente dans les pharmacies? Mais jamais personne n'a pu nous faire la preuve que les médicaments qui ne sont pas inscrits sur la liste ne sont pas valables. Au contraire, on nous prescrit plus souvent des médicaments qui ne sont pas sur la liste, puis ce sont ceux-là qui sont les plus valables; la pratique le prouve.

M. le Président, je demande une considération spéciale de ce côté-là. Qu'on arrête donc, de

grâce qu'on arrête donc de cataloguer les défavorisés pour être sûr de bien les reconnaître au travers des autres. Qu'on leur laisse donc leur dignité à ces gens-là! C'est une atteinte directe à la dignité du citoyen défavorisé de l'obliger à demander à son médecin: Voulez-vous regarder la liste, parce que moi, je n'ai pas d'argent, je suis sur le bien-être social. C'est déjà une atteinte à la dignité de la personne de l'obliger à faire cela. En plus, après cela, vous l'envoyez devant le pharmacien, en étant encore bien certain que le pharmacien va être sûr de son coup qu'il fait affaires avec un homme pauvre.

Bien, moi, j'ai mon voyage de cela, de ce genre d'atteinte à la dignité de la personne! Si les autres, ceux qui ne vivent pas de l'aide sociale, ont le droit d'acheter d'autres sortes de médicaments, suivant la prescription de leur médecin, je pense que les défavorisés doivent avoir les mêmes droits. Je pense que ce n'est pas au gouvernement de décider quel est le genre de médicament dont a besoin un patient. C'est à son médecin de décider cela.

Mais, aujourd'hui, malheureusement, on est rendu à un tel point que le médecin est devenu un fonctionnaire, payé par un seul client, depuis la Régie de l'assurance-maladie. Le médecin n'a plus 50, 100 ou 60 clients; il a 50, 100, 150 ou 200 patients, mais il n'a qu'un client, le gouvernement. Il n'a pas le choix. Il a un client, puis, s'il ne veut pas faire cela, il débarque de la régie et ses patients ne reçoivent pas de compensation pour les services qu'il donne; donc, ils sont pénalisés.

Alors, le gouvernement du Québec a fait de nos médecins des fonctionnaires qui sont au service du gouvernement, payés à l'acte oui, mais au service du gouvernement.

En plus d'être au service du gouvernement, vous leur dictez quoi faire, vous leur dites quel genre de médicament prescrire. Cela, en bon ca-nayen "c'est le bout"; c'est rendu trop loin et il faut revenir là-dessus. Il faut conserver la liberté du citoyen de consulter le professionnel de la santé de son choix, et conserver la liberté du citoyen d'utiliser les médicaments tels que prescrits par son médecin, et quel que soit le rang qu'occupe ce citoyen dans la société. Cela, c'est un minimum.

Nous pourrions parler très longtemps sur tous ces sujets, mais je résume ma pensée en demandant, au moins, au ministre d'Etat aux Affaires sociales de considérer ces griefs, de les considérer sérieusement. Je répète qu'il n'y a pas de honte, aucune honte, à changer son fusil d'épaule, quand c'est pour le plus grand bien de la population. Il n'y a aucune honte à revenir sur un programme, à le repenser et à l'améliorer; il n'y a aucune honte à cela, pour le plus grand bien de la population.

M. le Président, je pourrais bien faire une lutte idéologique ce matin, je pourrais bien faire une lutte partisane, je pourrais bien dire: Nous ferions ceci, nous ferions cela, etc., mais je pense que vous auriez raison de me dire ou de penser, en tout cas, que c'est une lutte partisane en vue d'aller chercher des votes. Je demande au gouverne- ment qui est en place, qui est élu par la population, d'apporter ces correctifs. Cela, ce n'est pas de la partisanerie, c'est en fonction du bien de la population du Québec, et nous avons tous certaines responsabilités vis-à-vis ce bien commun de la population du Québec.

Que les correctifs viennent du gouvernement et que le gouvernement en prenne le crédit, je n'y ai pas d'objection; ce que je veux c'est que la population ait de meilleurs services alors qu'on est capable de lui donner de meilleurs services. Cela ne coûterait pas plus cher de permettre à tous nos défavorisés d'avoir accès au minimum vital; cela ne coûterait pas plus cher de leur permettre d'avoir accès à tous les médicaments selon la décision de leur médecin. Il y aurait peut-être quelques cents de différence, mais ces gens-là ne sont quand même pas la majorité. Pourquoi continuer à les regarder comme des gens qui ne sont pas comme les autres? C'est ce que je voulais faire ressortir davantage ce matin.

Je demande au ministre de considérer ces points et, avec son équipe de hauts fonctionnaires, revoir la situation, revoir les barèmes d'aide sociale, revoir la nouvelle réglementation et la soumettre à la commission parlementaire avant application la prochaine fois, pour qu'on puisse, à l'avance, donner notre avis. Cela pourrait peut-être faire changer certaines petites phrases quelque part qui pourraient changer l'ensemble des services à être donnés, qui pourraient au moins changer le résultat de certains de ces services à être donnés. On pourrait revoir, aussi, du côté de l'assurance-maladie pour permettre une meilleure couverture des soins, des services. On pourrait revoir également cette question, que je considère très importante, de l'avortement pour que l'assurance-maladie cesse d'être indirectement — je ne dis pas directement, mais indirectement — complice de cette dénatalité que nous connaissons actuellement au Québec, de ce genre d'extermination de Canadiens français que nous connaissons.

Nous pourrions aussi revoir la question pour avoir une meilleure politique de natalité, une meilleure politique d'aide à la famille, une meilleure politique de l'habitation familiale. Cela ne relève pas directement des Affaires sociales, mais il y a un problème social; le ministère des Affaires sociales devra s'intéresser à l'habitation, soit en permettant à la famille de devenir propriétaire de son habitation, de sa petite maison unifamiliale ou, encore mieux, en permettant aux défavorisés d'avoir accès à l'habitation à des taux plus acceptables que ceux qu'ils sont obligés de subir présentement.

Nous pourrions revoir tout le domaine de l'hospitalisation, tout le domaine des médicaments, comme je l'ai dit tantôt. Nous pourrions revoir aussi toute la grande question des pensions de retraite qui font que, lorsque vous recevez une partie d'une pension de retraite, on en coupe un autre bout ailleurs. Je pense que tous les citoyens québécois qui paient le régime de retraite devraient pouvoir recevoir entièrement ce pour quoi

ils ont payé; ils devraient recevoir entièrement les prestations au moment de la retraite. Encore là, il y a toujours des réglementations qui font que, si vous recevez le supplément fédéral au complet, vous recevez la régie des rentes provinciale partiellement ou vice versa. Ou encore, si vous gagnez plus qu'un certain montant d'argent par année, on vous coupe de $0.50 dans la piastre que vous gagnez de votre régie de rentes.

M. le Président, la Régie des rentes, c'est payé cela. Il y a des jeunes, lorsqu'ils arriveront à l'âge de 65 ans, qui auront payé pendant 45 ans pour la Régie des rentes et, au train où vont les choses, on ne leur remettra même pas une infime partie de ce qu'ils auront donné pendant tout ce temps. Et dans tout le domaine de la santé, bien sûr, il y a des améliorations à apporter. Je n'ai pas la prétention d'avoir couvert tout le sujet ce matin; il aurait fallu que je parle beaucoup plus longtemps pour couvrir le sujet. Mais nous aurons l'occasion de revenir à certains postes et cela nous permettra de donner nos commentaires au fur et à mesure.

Je sais, M. le Président, que le ministre a été très attentif à mes propos; cela ne veut pas dire que je prétends qu'il partage entièrement ces propos. Mais je veux bien reconnaître que le ministre me semble objectif habituellement et son objectivité me permet d'espérer qu'il envisagera, au moins, l'étude de certains de ces problèmes que j'ai énumérés ce matin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable ministre d'Etat aux Affaires sociales.

M. Julien Giasson

M. Giasson: M. le Président, le député de Rouyn-Noranda a voulu, dans un tour d'horizon qui marque habituellement le début de l'étude des crédits des commissions parlementaires, mentionner différents programmes ou diverses mesures que nous retrouvons à l'intérieur du ministère des Affaires sociales.

J'aimerais signaler, même si c'est déjà connu de la plupart de mes collègues, qu'au ministère des Affaires sociales mon ministre en titre, M. Forget, m'avait demandé de suivre de plus près certains programmes au ministère.

On m'avait demandé de suivre de plus près le secteur de la Régie des rentes du Québec, les allocations familiales du Québec ainsi que la Loi de l'aide sociale. Je me bornerai, ce matin, à commenter les propos du député de Rouyn-Noranda en ce qui a trait, d'abord, aux programmes du ministère que je suis plus particulièrement.

Mais, avant de ce faire, vous me permettrez peut-être de revenir un peu en arrière pour rappeler qu'en décembre dernier nous avions devant l'Assemblée nationale une motion du député de Saint-Jacques qui demandait, somme toute, au gouvernement la convocation ou la tenue de la commission parlementaire des affaires sociales, afin de permettre à des gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, qui sont la clientèle de notre ré- seau, de venir devant cette commission discuter et donner des avis ou des opinions en ce qui avait trait aux changements à la réglementation que le gouvernement voulait apporter à l'époque.

Or, si vous vous rappelez bien, il était question dans le temps que le gouvernement modifie sa réglementation ou, du moins, une partie de la réglementation. On peut même dire toute la réglementation parce que, sauf erreur, il s'agissait des modifications les plus profondes que le gouvernement voulait apporter à l'aide sociale en ce qui a trait aux règlements qui la régissent. Après le débat sur la motion du député de Saint-Jacques, il avait été convenu que, pour une première fois, je pense, au Québec, on tiendrait une commission parlementaire, au cours de laquelle nos bénéficiaires de l'aide sociale — c'était là leur désir — viendraient faire un examen, avec les députés membres de la commission, de la réglementation nouvelle qui devait suivre.

Mais comme le dépôt de la nouvelle réglementation devait se faire au début de l'année 1976, nous avions indiqué au cours du débat qu'il valait peut-être mieux vivre l'expérience de la nouvelle réglementation. Cependant, le député de Saint-Jacques avait demandé qu'on prenne l'engagement de convoquer ou d'inviter, si vous voulez, les bénéficiaires ou les groupes de bénéficiaires à venir devant la commission pour discuter quand même de la réglementation et de l'ensemble de la loi.

Or, l'engagement que nous avions pris dans le temps était de réunir notre commission dans un délai assez court, assez bref, soit de tenir des audiences dans les quatre mois qui suivraient la publication de la nouvelle réglementation dans la Gazette officielle, ce qui indiquait que cette commission devait se tenir au plus tard à la fin d'avril. Récemment, j'ai eu l'occasion de discuter avec le député de Saint-Jacques et nous avons réexaminé cette question. Il n'était pas question, évidemment, de revenir sur cette décision. Cependant, à cause de la poursuite des travaux de l'Assemblée nationale, particulièrement à l'époque que nous vivons, soit l'étude des crédits des ministères, nous avons reconnu qu'il serait assez difficile ou compliqué, peut-être, pour certains membres de la commission, de participer à la tenue de notre commission parlementaire et de vaquer en même temps à tous les travaux de l'Assemblée, cette époque d'avril étant marquée par l'étude des crédits des différents ministères.

Comme nous reconnaissons que, du côté de l'Opposition, le travail est assez lourd au temps de l'étude des crédits, parce que les députés ont à suivre différentes commissions et, en plus, participer aux travaux de l'Assemblée, le député de Saint-Jacques m'a suggéré de retarder quelque peu la date limite dont nous avions convenu afin de tenir au plus tard vers le milieu du mois de mai la commission parlementaire à laquelle seraient convoqués les groupes ou les personnes qui désirent se faire entendre.

Je voudrais remercier ie député de Saint-Jacques de cette attitude. J'ai compris d'ailleurs

que sa suggestion était fondée, compte tenu des conditions que je viens d'énumérer il y a quelques moments.

Sur ce, je voudrais, dans les minutes qui vont suivre, revoir les commentaires ou les opinions émises par le député de Rouyn-Noranda en ce qui a trait d'abord à notre Loi de l'aide sociale. Dès le début de ses propos, le député de Rouyn-Noranda a manifesté le voeu de réunir sous une même administration des programmes qui, présentement, s'administrent par eux-mêmes, il a fait allusion à la possibilité de ramener à l'aide sociale l'administration des CSS. Je pense qu'il est bon de se rappeler certaines situations. D'abord, si l'on examinait le rôle de chacun de ces programmes, nous nous rappellerions rapidement que, du côté de l'aide sociale, sa première fonction est l'attribution de ressources à cette classe de citoyens de notre société qui sont les plus démunis. Tout le monde s'entend là-dessus.

Evidemment, cela peut aller au-delà de ce rôle d'attribution. Il y a également des contacts permanents à maintenir entre les bénéficiaires de l'aide sociale et les employés du réseau de l'aide sociale, il y a la dimension de la valorisation sociale qui pourrait et qui doit être ceile, à mon sens, de nos bureaux d'aide sociale. Mais, lorsque nous parlons de regrouper des services qui sont donnés à la population par nos centres de services sociaux, il faut voir également quel est le rôle qu'on a demandé à ces services de jouer. Pour ce faire, il faut se rappeler que c'est ce gouvernement qui, assez récemment, a tenté de modifier l'appareil administratif de beaucoup de services donnés par le ministère.

Je fais référence à la loi 65 que nous avons votée ici, il n'y a pas tellement d'années, at qui, justement, a modifié les pouvoirs traditionnels que nous avions dans les établissements du réseau. Quand le député de Rouyn-Noranda se demande d'où tiennent leurs pouvoirs, ces organismes, tels que les CRSSS, les CSS, les CLSC, les centres hospitaliers, il doit se rappeler sans doute que ces pouvoirs, ils les détiennent de par la loi 65 qui a fait que le gouvernement a voulu modifier un peu et, dans certains cas, peut-être passablement les concepts de l'administration et de l'orientation de ces services.

Par la loi 65, le gouvernement a voulu que ces organismes, que ce soit du côté de la santé, pour soins sociaux ou autres, fonctionnent à partir d'une autorité ou d'une direction différente de celle que nous avions connue traditionnellement. Les CSS existent en fonction de la loi 65, mais pour un rôle qui est assez différent de celui que nous réservons à nos bureaux d'aide sociale, soit celui de donner des soins professionnels en matière de service social.

Parmi ces fonctions qui sont celles des CSS, une qui prend passablement d'importance est celle du placement. Or, les CSS ont cette responsabilité de s'occuper de placement à l'intérieur des territoires au-delà des autres responsabilités qui sont les leurs.

Vouloir regrouper les CSS avec nos bureaux d'aide sociale ne m'apparaît pas, à mon sens, la solution qui pourrait être celle recherchée par le député de Rouyn-Noranda. Se rappelant toujours que nos bureaux d'aide sociale ont une fonction particulière, soit celle de l'attribution de ressources, et se rappelant que ces bureaux fonctionnent à l'intérieur de ce qu'on appelle communément le secteur public et que nos CSS, ainsi que les autres organismes émanant de la loi 65 font partie du secteur parapublic, est-ce qu'on doit remettre en cause cette expérience assez récente que nous avons vécue par la mise en application de la loi 65? Pour ma part, je ne crois pas qu'on doive aller jusque-là. Il y a possibilité, à mon sens, de maintenir les formules dans leur statut actuel.

Le député de Rouyn-Noranda a fait allusion à cette possibilité de regrouper les services en partant d'une petite modification qui a été apportée dans nos règlements de l'aide sociale. Or, vous savez que, depuis le 1er janvier, en ce qui a trait aux services spéciaux que nous avions dans la Loi de l'aide sociale, au sujet de l'aide apportée à certaines familles en mettant à leur disposition soit des auxiliaires familiales ou des aides familiales, ce changement apporté aux règlements a maintenu les droits acquis des familles qui bénéficiaient d'aide familiale, mais que, par contre, on a cessé de couvrir, à l'intérieur de nos règlements, cette aide pour les nouveaux cas qui avaient besoin d'aide familiale.

Dans cette opération, le ministère a demandé à d'autres établissements, tels les CSS ou les CLSC, de fournir cette aide à ces bénéficiaires qui avaient de nouveaux besoins en matière d'aide familiale. Je reconnais qu'au moment où cette décision a été prise nous n'étions peut-être pas en mesure d'appliquer cette aide nouvelle qu'on voulait par d'autres établissements du réseau, parce que nous n'avions pas défini et que nous n'avions pas indiqué à ces organismes, tels les CSS ou les CLSC, leur capacité financière d'accorder les services.

Je veux dire par là que lorsque le ministère a fait un transfert de crédits affectés à des besoins du côté de l'aide familiale, il n'a pas, dans la même transaction, donné les mêmes pouvoirs financiers aux organismes en question d'accorder de l'aide. D'ailleurs, les organismes tels les CSS ou les CLSC ne fonctionnent pas de la même façon en matière d'aide familiale que la Loi de l'aide sociale. La Loi de l'aide sociale va requérir les services de femmes qui veulent agir comme aides familiales, qui vont travailler parfois un mois dans une famille, deux mois et sont appelées à se déplacer très régulièrement dans une famille par rapport aux besoins qui existent dans une région. Par contre, les CSS ont tendance à avoir, et les CLSC aussi, une équipe d'aides familiales qui travaillent beaucoup plus à plein temps à l'intérieur de ce service qui est le CLSC, et encore, ces organismes tels les CLSC doivent, dans leur programmation annuelle, faire accepter des autorisations ou obtenir des crédits pour engager tel ou tel type de personnes selon les activités que ces services veulent donner.

Je pense, il me paraît, du moins, que nous pourrions revoir cette partie de la réglementation,

à l'intérieur de notre Loi de l'aide sociale. C'est le fruit d'une réflexion que j'ai faite, et à la suite de nombreux commentaires que j'ai entendus au cours des dernières semaines, lorsqu'il m'a été donné de faire une tournée en province, d'aller dans les régions, de rencontrer le personnel des bureaux d'aide sociale. C'étaient des discussions très ouvertes, d'ailleurs j'invitais les gens à y aller de la façon la plus ouverte possible, de livrer leurs pensées. Et j'y tenais, parce que cela me permettait d'avoir un éventail d'opinions beaucoup plus grand, de la part de personnes qui vivent quotidiennement dans le milieu de l'aide sociale, c'est-à-dire qui ont des contacts constants avec les bénéficiaires de notre Loi de l'aide sociale.

Cela ne veut pas dire pour autant que si nous gardions à l'intérieur de la Loi de l'aide sociale cette capacité de maintenir les services d'aide familiale, les autres établissements que j'ai énumérés, il y a un instant, ne pourraient pas continuer à donner des services équivalents.

Evidemment, les changements qui ont été apportés à notre réglementation de l'aide sociale peuvent provoquer de nombreux commentaires. C'est dans ce sens que le député de Rouyn-Noranda, dans un esprit que je considère très positif, a livré des opinions. Il a fait allusion, au début, au retrait des services spéciaux, pour revenir, à la toute fin de son exposé, à la question des médicaments, après avoir fait une tournée ou une révision du côté des services de santé comme tels. La question des médicaments qui sont fournis aux bénéficiaires de l'aide sociale en fonction de la liste n'est peut-être pas aussi dramatique qu'a voulu nous le laisser entendre le député de Rouyn-Noranda, lorsqu'il croit que, de cette façon, on a réussi à cataloguer les bénéficiaires de l'aide sociale. Evidemment, il peut maintenir l'opinion que ce n'est pas le rôle du gouvernement, qu'il n'appartient pas au gouvernement de décréter les listes de médicaments. Sans que ce soit le gouvernement comme tel qui puisse le faire, je crois, je maintiens qu'il appartient au gouvernement, à la suite de consultations, par la mise sur pied de comités de travail, de déterminer certaines politiques. N'étant pas là au moment où le règlement touchant la médication a été mis en vigueur, j'ai cette certitude que le ministre des Affaires sociales de l'époque n'a pas décidé unilatéralement quelle était la liste de médicaments. Là encore, on a procédé après une série de consultations. On a vu des spécialistes dans ce secteur pour déterminer que les médicaments qu'on mettait à la disposition des clients de l'aide sociale étaient des médicaments qui pouvaient raisonnablement répondre aux besoins de cette clientèle, sans leur causer des préjudices très graves.

D'ailleurs, il ne faut pas s'en faire, parmi ces mille et mille médicaments qui sont sur la liste, dans la plupart des cas, l'ensemble de tous les citoyens de la province de Québec qui utilisent les médicaments vont aller chercher ces médicaments à la pharmacie. Pour ma part, lorsque j'ai besoin de médicaments, même s'il s'agit de médicament listés, je ne me sens aucunement catalogué comme citoyen du Québec.

Il y a peut-être un examen nouveau à apporter de ce côté, mais selon l'information que j'ai, les équivalences qu'on peut retrouver à l'intérieur de la liste acceptée correspondent assez bien aux besoins de la très grande majorité — même de la clientèle de l'aide sociale — de cette clientèle.

On a également soulevé les problèmes découlant du comportement de deux grands services dans la région de Montréal. Cette situation ferait que de façon assez régulière — on dit que cela se produit encore — la corporation Gaz métropolitain, comme l'Hydro-Québec couperait les services à nos bénéficiaires de l'aide sociale. Une question a été posée récemment en Chambre et j'ai eu l'occasion de voir qu'il s'agissait de cas qui se produisaient toujours. En dépit de la meilleure volonté que pourraient apporter ces organismes publics, il sera toujours assez difficile d'éviter ces coupures auxquelles on assiste assez régulièrement.

Je crois que nous ne pouvons atteindre la situation désirée si nous n'avons pas une collaboration immédiate de notre clientèle. Même si on se permettait de livrer à ces deux organismes publics la liste des clients de l'aide sociale de Montréal, on ne pourrait pas encore, sans collaboration, résoudre le problème dans sa totalité. Vous savez comme moi qu'il s'agit d'une clientèle qui se modifie chaque mois. Vous avez un certain nombre de bénéficiaires qui sortent du réseau chaque mois; vous avez de nouveaux bénéficiaires. Ce serait à peu près impossible, en dépit des meilleurs efforts et de la meilleure volonté, d'empêcher que l'événement se produise, sauf s'il y avait une volonté très ferme de nos bénéficiaires de collaborer avec les bureaux de l'aide sociale. Si un bénéficiaire reçoit un dernier avis d'une de ces entreprises de services à l'effet que le service sera coupé s'il n'y a pas paiement du compte, il serait absolument requis, à ce moment, que le bénéficiaire établisse une communication avec son bureau de l'aide sociale. Il pourrait aller chez le député comme quelqu'un l'a proposé, mais je pense que l'organisme qui donne le service, c'est le bureau de l'aide sociale et c'est là qu'il doit s'adresser. Il doit dire: Je fais face à une coupure de services et je n'ai aucune possibilité financière de faire une remise à l'organisme qui m'envoie un compte. Si nous avions cette collaboration, le bureau de l'aide sociale, à l'intérieur du protocole signé entre les organismes et le ministère ou la Direction de l'aide sociale, pourrait convenir, soit avec l'Hydro-Québec, soit avec le Gaz métropolitain, de faire une remise ou s'entendre sur une remise mensuelle qui serait garantie par le bureau de l'aide sociale. Ce serait, d'après moi, la seule possibilité que nous aurions d'éviter de façon complète qu'il y ait coupure de services essentiels, et peut-être encore plus à certaines époques de l'année.

On a également indiqué au cours de l'intervention que notre régime d'aide sociale était peut-être néfaste pour la productivité, dans ce sens que les barèmes tels qu'établis surtout dans le cas de familles qui vivent de l'aide sociale, des familles qui comptent trois enfants ou plus, ces barèmes font en sorte que le bénéficiaire chef de

famille vivant de l'aide sociale peut avoir un revenu minimum quasi aussi élevé que celui qui est sur le marché du travail vivant à un taux salarial qui serait celui du salaire minimum. Il est exact de dire que la situation est telle dans le cas — je ne dis pas d'un célibataire — d'un chef de famille de trois enfants et plus, si nous examinons le barème qui lui permet d'aller chercher environ $400 par mois en tenant compte de certains tests, test de logement ou autres. S'il est éligible en plus à certains besoins spéciaux, il devient assez évident qu'il est traité aussi bien que le chef de famille vivant du salaire minimum qui n'est pas éligible aux besoins spéciaux et qui doit participer à des cotisations à l'intérieur de certains régimes tels que la Régie des rentes, l'assurance-chômage et la Régie de l'assurance maladie. C'est une question qui m'apparaît fondamentale. Elle ne s'applique pas à la très grande majorité des bénéficiaires de l'aide sociale, c'est vrai, mais tout de même elle touche une partie de notre clientèle qui est éligible selon des barèmes tels que ceux mentionnés. Je pense que nous ne pourrons trouver de solutions définitives.

D'ailleurs, il n'y a peut-être jamais de solutions définitives, mais je pense que nous ne pourrons pas trouver de solutions raisonnables tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas mis en application un régime nouveau qui serait celui de revenu familial garanti.

Le député de Rouyn-Noranda peut employer d'autres termes, mais je pense que les fins poursuivies sont les mêmes. Ce nouveau régime, nous devons y tendre. Vous savez tous qu'il y a eu des rencontres, que cela a été une volonté du gouvernement fédéral d'aller vers un régime qui s'appliquerait à tout le pays, c'est-à-dire un régime auquel les provinces devraient accepter d'accéder. Je ne saurais dire encore à quel moment, à quelle date précise nous pourrions le mettre en application, il y a eu des rencontres; j'ai eu l'occasion récemment, au cours de l'hiver, de participer à une de ces rencontres fédérales-provinciales, et nous avons senti un déblocage. C'est-à-dire que la réticence que beaucoup de provinces avaient manifestée auparavant a commencé à tomber, à diminuer et, au début de juin, une autre rencontre doit avoir lieu, qui devrait permettre d'en arriver à une entente définitive qui fera en sorte que les provinces pourront graduellement, peut-être dans les années soixante-dix-huit, je ne saurais le dire exactement, mettre en application, à l'intérieur de leur juridiction, le nouveau régime de revenu familial garanti.

Au-delà de ces commentaires, je présume que nous aurons l'occasion, lorsque la commission parlementaire siégera au cours de mai, de revoir la réglementation de l'aide sociale. Les députés qui participeront à cette commission vont revoir différents sujets touchant notre réglementation et les principes de l'aide sociale. Au lieu de faire un long débat ici, il y aura peut-être lieu, lors des échanges que nous aurons durant la tenue de cette commission parlementaire, de revoir beaucoup d'éléments ou beaucoup d'aspects de notre loi, surtout du côté de sa réglementation.

Est-ce que vous préféreriez que nous procédions à l'étude des crédits comme tels des programmes dont je m'occupe principalement, ou si le député d'Outremont voudrait faire l'intervention qui est réservée habituellement aux chefs ou aux représentants des différents groupes politiques?

Le Président (M. Cornellier): Le député d'Outremont.

M. Choquette: M. le Président, j'aurais une intervention à faire, mais je préférerais la faire au moment où le ministre des Affaires sociales sera présent. Je tiens à dire que ce n'est pas par mépris pour le ministre d'Etat. D'ailleurs, je le remercie des explications qu'il a données ce matin, à la suite de l'intervention du député de Rouyn-Noranda. J'ai trouvé que les explications qu'il a données étaient largement intéressantes et valables, mais si on me permettait de réserver mon intervention pour le moment où le ministre en titre sera là, je l'apprécierais.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, peut-être que l'on accepterait que je pose quelques questions au ministre relativement aux sujets sur lesquels il a eu l'amabilité de me donner certaines réponses, tantôt. Par exemple, sans vouloir faire un débat sur la question de l'aide sociale — parce que j'accepte que la commission devant siéger vers le milieu de mai sera un endroit valable où on pourra débattre le sujet de façon plus complète — est-ce que le ministre peut nous dire, s'il pourrait envisager des mesures, par exemple, dans deux domaines qui me semblent urgents, soit les coupures d'électricité et de gaz naturel qui se produisent dans la région de Montréal et également dans la région du Nord-Ouest québécois, qui est desservie par le Gaz provincial du nord? Est-ce que, dans le contexte de la réponse que m'a donnée le ministre, disant qu'une plus grande collaboration des bénéficiaires de l'aide sociale pourrait permettre d'éviter certaines coupures, il serait possible pour le ministère de voir à avertir les bénéficiaires de l'aide sociale, par un moyen officiel — je ne sais pas, moi — soit à l'occasion de rémission des chèques, en insérant une petite note leur disant qu'advenant que certains de ces cas se produisent vous les invitez, avant qu'il ne soit trop tard, avant de faire face à la coupure, à se rendre à leur bureau d'aide sociale pour discuter de la situation. Cela serait-il possible?

M. Giasson: Oui. D'ailleurs, cela fait partie des objectifs que l'on s'était fixés pour obtenir la collaboration de notre clientèle. Il fallait lui donner une capacité de savoir et de prendre une décision au bon moment; ne pas attendre la coupure avant de donner avis au bureau d'aide sociale qui pourra immédiatement intervenir auprès de l'organisme qui fournit des services et dire: Voici, ne coupez pas, nous prenons entente avec vous, selon les modalités du protocole dont nous avons convenu.

Nous prenons entente et nous vous rembourserons tant par mois ou donnerons un paiement de x. Cela empêchera ce genre de situations.

Je comprends parfaitement que pour une famille qui, au cours de l'hiver, dans une période de grand froid, se voit couper son chauffage de façon complète, c'est la tragédie, c'est inacceptable. Je comprends la réaction de ces gens-là. Il nous faut trouver la formule qui empêchera que de telles choses ne se produisent. Mais, comme je vous le disais, si nous n'avons pas ce contrôle ou cette collaboration de la part de nos bénéficiaires, il arrivera encore des moments où on assistera à des coupures de services.

M. Samson: Je suis absolument d'accord qu'une collaboration des bénéficiaires est nécessaire.

M. Giasson: D'ailleurs, nous nous proposons de communiquer de l'information, beaucoup plus qu'on ne l'a fait dans le passé, en joignant aux chèques mensuels des feuillets explicatifs, des notes d'information. Du côté du problème que vous venez de citer, c'est par une information assez précise que les bénéficiaires seront en mesure de dire: Je n'attends pas la journée ultime, j'établis mon contact et, de cette façon, je serai en mesure d'éviter la coupure d'un service qui m'est essentiel.

M. Samson: D'accord. Egalement, sur la question des médicaments inscrits sur la liste, le ministre a suggéré tantôt que cette liste était quand même valable. Je crois utile de souligner que je considère qu'il y a sûrement des médicaments valables dans cette liste. Mais le point que j'ai voulu développer davantage, et je le réitère, c'est que, même s'il y a des médicaments très valables dans cette liste-là, elle ne me semble pas, en pratique en tout cas, être suffisamment complète pour permettre aux médecins de prescrire, dans certains cas, les médicaments qui sont absolument nécessaires aux assistés sociaux.

Je prends à témoin plusieurs médecins députés qui, l'an dernier, à l'occasion des mêmes crédits, ont posé des questions très pertinentes sur le sujet, liste en main. Avec, évidemment, une argumentation beaucoup plus spécialisée que la mienne, ils ont démontré qu'il y avait lieu de réaménager la liste, au moins dans les cas dont j'ai été témoin, pour inclure d'autres genres de médicaments.

Evidemment, vous ne m'enlèverez pas — personne ne voudrait le faire, d'ailleurs — l'idée que j'ai de voir l'abolition d'une telle liste et que ce soit le médecin qui décide de quel genre de médicaments le patient a besoin. Mais, si on se place dans le contexte actuel de la liste existante, il y a au moins une chose dont j'ai été témoin, c'est qu'il y a contestation de la part de plusieurs médecins. Je ne suis pas médecin et, évidemment, on pourrait me dire que je ne suis pas spécialisé, que je ne suis pas en mesure de vous dire si tel ou tel médicament inscrit sur la liste est plus valable qu'un autre. D'ailleurs, je ne tenterais même pas d'ef- fleurer ce sujet, mais il reste que je prends à témoin des médecins qui eux, je pense, ont la compétence de nous dire ces choses-là.

J'aimerais voir le ministre étudier de façon assez sérieuse cette possibilité de couvrir, au moins si on ne va pas jusqu'à me donner entière satisfaction, cette possibilité de couvrir davantage de médicaments pour qu'on cesse... Ce n'est pas parce que je n'aime pas recevoir les gens chez nous; cela me fait toujours plaisir. Mais ce qui ne me fait pas plaisir c'est de voir des gens arriver en me disant: Ce mois-ci m'a coûté $50 à $60 de médicaments. C'est un assisté social qui n'a pas les moyens de les payer. Je n'aime pas cela et je pense qu'on pourrait, au moins, remédier à cette partie.

Troisièmement, la question des CSS. Je parlerai surtout de la question des CSS parce que je sais que la loi 65 couvrait beaucoup plus de monde que les seuls CSS. Si le ministre, comme il le prétend, trouve que cette application de la loi 65 est absolument valable et qu'il serait difficile de regrouper sous une même administration les bureaux d'aide sociale et les bureaux de service social, peut-être accepterait-il d'envisager qu'au moins il y ait une meilleure coordination des mouvements. Ces bureaux — dans un effort qui prendrait un peu de temps, mais qui serait peut-être valable — pourraient se retrouver, sinon sous un même toit, du moins être assez rapprochés. Ainsi, si à l'aide sociale on découvre que le besoin demandé ne relève pas de l'aide sociale mais plutôt du service social, on pourrait diriger ces gens facilement et, comme on le sait tous, les assistés sociaux sont des gens dans le besoin. Quand on les oblige à se transporter d'un bout à l'autre de la ville, cela occasionne certains problèmes.

Ce qui m'intéresserait de savoir, c'est comment en pratique, dans la question des CSS, on en arrive à déterminer l'autorité qui engage les employés, qui régit ces employés; comment en pratique cela se fait-il dans la province? Je ne parle pas d'un seul bureau mais, dans la province, cela se fait-il partout de la même façon?

M. Giasson: Au conseil d'administration, avec la direction du personnel.

NI. Samson: Oui, peut-être qu'on pourrait me donner plus d'explications là-dessus.

M. Giasson: C'est exactement la même chose qu'un centre hospitalier, dans le fond, ou que n'importe lequel des autres organismes parapublics, une commission scolaire. Ce sont des corporations qu'on appelle parapubliques, dont le conseil d'administration est formé selon la loi avec des représentants. C'est le conseil d'administration qui engage le directeur général et c'est le directeur général qui engage le personnel selon les modalités prévues à l'intérieur.

M. Samson: M. le Président, on ne pourra pas me faire le reproche de ne pas me rappeler de tout ce qui s'est passé à l'occasion des discussions sur la loi 65; d'ailleurs ce n'est pas moi qui couvrait ce

secteur à ce moment. Il y a tellement d'autres secteurs qu'on ne peut pas tout savoir et se rappeler tout en même temps. Est-ce qu'on accepterait de me rafraîchir la mémoire et de me dire de quelle façon les conseils d'administration sont nommés?

M. Giasson: Pour le centre de service social, il y a deux représentants du socio-économique, il y a le directeur général qui siège au conseil d'administration, il y a un représentant élu par le personnel du centre, un représentant des universités lorsqu'il y a un contrat avec les universités et il y a deux personnes élues par les usagers.

M. Samson: Les représentants que vous venez de mentionner sont nommés par le gouvernement?

M. Giasson: Non, les gens qui représentent le personnel sont élus par le personnel du centre, ceux qui représentent les usagers sont élus par les usagers au moment d'une élection.

M. Samson: Ne permet-on de faire une parenthèse immédiatement? Ce genre d'élection qui se fait tous les deux ans, peut-on affirmer, en pratique, que la population est bien au courant de ces faits et qu'elle peut y participer facilement?

M. Giasson: II y a des problèmes, mais le conseil régional est responsable d'assurer qu'il y a de l'information dans les journaux; il y a même dans la réglementation ou dans la loi quelque chose qui prévoit que cela doit être annoncé, au moins, dans deux journaux locaux. C'est dans la loi: deux journaux locaux, et l'information donnée par le centre lui-même sur son territoire.

Maintenant, le nombre d'usagers qui vont voter. Les dernières élections datent de deux ans, il y en aura ce printemps. En fait c'est presque la deuxième véritable expérience qui va nous permettre de dire si vraiment il y a suffisamment de gens pour que ce soit significatif. Le problème, c'est que les gens aillent voter. Dans la plupart des endroits, il y a des chiffres indiquant le minimum de gens qui doivent voter pour que l'élection soit valable; je pense que c'est fixé à 100. Dans la plupart des endroits, il y a autour de 200 à 300 personnes.

M. Samson: Justement, M. le Président, du côté de la nomination des représentants des usagers — en fait si j'ai posé la question, c'est parce que je connaissais un peu la réponse, je voulais vous la faire confirmer — je considère qu'il y a quelque chose à faire de ce côté. Ce n'est réellement pas représentatif. Ce n'est réellement pas représentatif.

M. Giasson: Qu'est-ce que vous entendez par là? Les usagers ne se prévalent pas de leur droit d'assister...

M. Samson: Bien, est-ce que cela dépend du mécanisme ou quoi, exactement? Je ne suis pas en mesure de vous dire de quoi cela dépend. Mais le genre de représentation, c'est-à-dire d'assistance à l'occasion de ces votes, ne me semble pas être suffisant. Il faudrait revoir sûrement le mécanisme, même si on me dit que cela paraît dans deux journaux. Vous savez que les journaux, premièrement, il faudrait peut-être savoir dans quelle proportion la population lit les journaux, dans quelle proportion cela atteint du monde, les annonces dans les journaux. Il y a peut-être 5% de la population du Québec, en moyenne, qui lisent les journaux. Cela veut dire qu'on ne rejoint pas plus que 5% par ce moyen. Malheureusement — ce sont des réflexions qui ne nous arrivent que par la suite — on nous dit: Tiens, ils ont élu du monde et on n'en a pas eu connaissance.

Je ne veux pas dire que c'est fait intentionnellement pour empêcher des gens de participer, mais j'ai l'impression que le mécanisme n'est pas suffisamment développé, en tout cas pour permettre à plus de monde de participer à cela. J'aimerais bien avoir l'avis du ministre là-dessus. De quelle façon envisage-t-on de permettre à davantage de personnes de participer à ce genre d'élection?

M. Giasson: Je comprends que ce n'est pas la formule parfaite. Vous faites allusion au faible pourcentage de ceux qui reçoivent les journaux, surtout les journaux qui peuvent publier des avis de réunions ou d'assemblées. C'est évident que c'est une formule qui a ses faiblesses. Même chez beaucoup de gens qui ont l'occasion de voir l'avis de convocation de l'assemblée, beaucoup de gens sont indifférents ou ne se sentent pas obligés d'aller à l'assemblée, D'ailleurs, la moyenne de participation, suite à l'expérience vécue il y a deux ans, nous indique que ce n'est pas la masse ou la majorité des citoyens d'un secteur qui va se déplacer pour aller à l'assemblée qui va élire les représentants des usagers.

Mais le but poursuivi par la loi 65, à tort ou à raison — on peut toujours en discuter — était d'ouvrir davantage au public l'administration des programmes ou d'établissements gouvernementaux dans les régions. C'est une expérience, comme le disait le sous-ministre il y a un instant, qui est nouvelle, il fallait la vivre. Nous allons penser vivre le deuxième tour au cours de 1976. Il y a peut-être des modifications à apporter, je ne le conteste pas, mais il s'agissait d'un élément assez nouveau ici, au Québec, par rapport à ce qu'on avait connu traditionnellement en matière de participation du public ou de la population en général dans l'administration et l'orientation des services que les citoyens pouvaient se donner. Je pense qu'il faut vivre l'expérience de façon assez complète pour être en mesure de porter un jugement qui tienne et qui débouche et nous amène à des changements, à certaines modifications dans ce secteur.

M. Samson: Ce que je ve'jx porter à l'attention du ministre, c'est surtout le fait que lorsque c'est le ministère ou le gouvernement qui nomme, par exemple, le directeur d'un bureau d'aide sociale quelconque et là où il y a des employés, s'il y a un mauvais service donné par ce bureau, le ministère,

le ministre, le gouvernement a des comptes, finalement, à rendre à la population un jour ou l'autre, s'il y a mauvaise administration ou mauvais services, alors que, dans le cas présent des CSS, les gens qui gravitent autour de ce secteur, dans l'administration, n'ont pas de comptes à rendre directement à la population. C'est ce qui fait que lorsqu'il y a services douteux ou mauvais services, les moyens de pression — quels qu'ils soient — des députés ou autres sont inefficaces, parce qu'on ne fait pas affaire avec des gens qui ont des comptes à rendre à la population.

S'ils sont nommés par une université ou s'ils sont nommés par les représentants immédiats du centre, ces gens n'ont pas à passer devant l'élec-torat et n'auront pas de comptes à rendre à la population, au bout de quatre ans.

Quant aux usagers, s'ils représentaient une bonne proportion des usagers ou de la population, ils auraient plus de comptes à rendre, ceux-là, mais, en tout cas jusqu'à maintenant, l'expérience nous démontre qu'en pratique cela se fait tellement en catimini, volontairement ou involontairement, que finalement même ceux-là n'ont pas à rendre des comptes à la population. Même s'il y avait des plaintes de formulées, cela ne les dérangerait pas.

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Quel que soit le mécanisme utilisé, je n'ai pas de mécanisme spécial à vous suggérer, mais j'apporte le problème tel qu'il est, tel qu'il m'apparaît et tel qu'il m'est posé par mes commettants. Dans ce secteur, comparativement au secteur des bureaux d'aide sociale, il y a nettement une différence dans les services donnés à la population.

Alors que, jadis, nous avions beaucoup de plaintes dans les bureaux d'aide sociale au sujet d'un service pas toujours correct, d'une courtoisie douteuse de la part de certains agents de l'aide sociale, aujourd'hui, il me semble qu'il y a eu de l'amélioration, sinon partout, du moins dans certains coins de la province quant à ces services donnés par vos bureaux d'aide sociale. En tout cas, on y a gagné en courtoisie. Déjà, c'est une grande amélioration. Même si, en restant dans le cadre de la loi, on ne peut pas toujours donner à un assisté social ce qu'il demande, la façon de lui répondre est déjà, je pense, une partie de la réponse à son problème. Si on répond à quelqu'un d'une façon courtoise, en lui donnant des explications valables, le citoyen québécois comprend mieux la situation et est moins frustré. Si on a le même problème en face de soi et qu'au lieu de donner des explications valables, au lieu de prendre le temps de le faire comprendre, on le bouscule en lui disant: Toi, tu n'auras rien, ne viens plus m'achaler, ou des choses comme cela... C'est le genre de réponses, M. le ministre, qui nous sont transmises, que je n'accepte pas et que, d'ailleurs, vous non plus n'acceptez pas. Or, on trouve actuellement dans les centres de services sociaux ce genre de réponses.

Ce que j'aimerais voir, c'est une amélioration de ce côté aussi. Je ne m'en prends pas à des personnes comme telles. Je pense que le mécanisme est tel qu'elles sentent cette autonomie tellement forte que même le gouvernement ne les dérange pas. Je pense que cela mérite, en tout cas, qu'on se penche sur ce problème.

M. Giasson: Là, le député soulève un problème qui dépasse, si vous voulez, les structures. Il s'agit d'une attitude, d'un comportement de la part d'employés, que ce soit dans nos bureaux d'aide sociale ou dans d'autres établissements du réseau. Peut-être que vous avez vécu, dans votre région, une expérience moins favorable ou défavorable, je ne sais trop.

Mais, pour ma part, j'ai eu à établir des contacts avec le bureau du CSS de ma région et j'ai toujours eu énormément de courtoisie de la part des gens avec qui j'ai communiqué. Il peut se produire que, dans ces bureaux, vous avez des gens qui reçoivent plus cavalièrement des clients.

M. Samson: M. le ministre, je dois ouvrir une parenthèse. Je ne voudrais pas dire que ce genre de choses se produisent à la grandeur du territoire de la même façon. Ce serait malhonnête de dire cela, parce qu'on a, comme vous le dites, des communications qui nous apportent des témoignages favorables dans certains endroits. Mais je pense que, quelle que soit la portée des services à être améliorés, que ce soit dans une seule région dans deux, ou dans trois, le principe que je défends n'est pas le principe d'une seule région. Si cela se fait dans d'autres régions — je sais qu'il y a eu d'autres plaintes reçues d'ailleurs — je pense que c'est inacceptable.

Maintenant, est-ce que ça provient du fait qu'il y a une trop grande autonomie et que le gouvernement n'a pas tellement de possibilités d'intervention quand il y a un problème connu? Cela peut provenir facilement de cela. Vous, comme ministre, vous avez des responsabilités et des comptes à rendre. Evidemment, quand vous avez de l'autorité sur un service quelconque, ayant des comptes à rendre, vous utilisez votre autorité, c'est normal, pour rétablir l'ordre. Si vous n'avez pas ce genre d'autorité, ce n'est pas facile, ni pour vous, ni pour les hauts fonctionnaires de rétablir un meilleur service. C'est ce problème que je soulève. Vous avez sûrement beaucoup plus de chances que n'importe qui d'entre nous d'avoir des suggestions à faire en haut lieu pour corriger ce problème. Je ne demande pas qu'on coupe des têtes — je voudrais être bien compris — je demande qu'on améliore le service de ce côté. Puis, si on améliore le service de ce côté, je serai le premier à manifester ma satisfaction.

M. Giasson: Non, mais ces gens qui oeuvrent à l'intérieur des établissements dont on vient de discuter, il ne faut pas croire, non plus, qu'ils ont le pouvoir suprême. Si, dans une région donnée, il se révèle que leur comportement tant au niveau des contacts que des rencontres crée une situation qui ne va pas dans le sens de ce qui est recherché par le ministère, le gouvernement, le ministère comme tel a encore des pouvoirs de faire des suggestions ou des recommandations. D'ailleurs, si des situations dans certaines régions de-

venaient intenables à cause de comportements inadmissibles ou inacceptables de la part des employés soit des CSS ou d'autres établissements, cela finirait par se savoir; cela finit par se transmettre, par se transposer au niveau d'un autre palier, CRSSS. Il peut y avoir des avis disant: Voici, vous devez modifier votre attitude, vous devez avoir des cheminements qui correspondent davantage à l'esprit de service, parce que vous êtes là pour donner des services. S'il n'y avait pas de rajustement dans ce sens, le ministre a des pouvoirs qui peuvent aller peut-être même jusqu'à une mise en tutelle. Si vraiment, devant des situations intenables, il se révèle que cela prend un administrateur ou un tuteur pendant quelques mois ou quelque temps pour rétablir une situation qui n'est pas admissible dans les services qu'on veut effectivement donner à une population, il reste des pouvoirs entre les mains du législateur peut-être plus que ce que j'ai cru déceler lors de vos commentaires.

M. Samson: Entre les mains du législateur, oui, il reste des pouvoirs.

M. Giasson: Législateur administrateur.

M. Samson: Est-ce qu'on peut régler le problème sans être obligé de toujours avoir recours au législateur? C'était le sens de ma question.

M. Giasson: Tous tant que nous sommes ici, nous sommés des représentants de comtés, nous avons à vivre des contacts au niveau de tous les établissements qui représentent le gouvernement dans les régions, quels que soient les ministères. Nous avons tous intérêt à ce que l'appareil de l'Etat, qui est implanté dans tout le territoire du Québec, puisse agir dans le sens des buts que nous recherchons tous ensemble.

Mais il y aura toujours des correctifs à apporter, quelles que soient les structures qu'on bâtisse. Et, même si vous donniez des pouvoirs à des députés au niveau des conseils d'administration, n'allez pas croire que tout va être réglé.

M. Samson: M. le ministre, je vous arrête immédiatement; je ne voudrais pas les avoir, ces pouvoirs.

Le Président (M. Cornellier): Alors, messieurs...

M. Samson: Si les députés devenaient des agents de l'aide sociale, vous savez, vous auriez d'autres sortes de problèmes. Ce n'est pas notre rôle et je ne veux pas toucher à cela.

Le Président (M. Comellier): ...suspension jusqu'après la période des questions, cet après-midi, c'est-à-dire vers seize heures.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

Reprise de la séance à 16 h 50

M. Comellier (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs! La parole est à l'honorable député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron (suite)

M. Charron: Merci, M. le Président. Cela fait un peu bizarre de reprendre à 24 heures d'intervalle une intervention qui se voulait cohérente et logique; elle le sera dans l'esprit si elle ne l'a pas été dans le temps, j'espère, M. le Président. Mais j'ai préféré attendre ce moment de la présence du ministre en titre des Affaires sociales parce que je voulais mon intervention dans le même sentier que lui-même avait choisi de suivre lors de l'ouverture de nos travaux, à la séance de mardi dernier.

Alors que, l'année dernière, le ministre des Affaires sociales s'était contenté de faire un rapport d'administrateur du budget que nous lui avions précédemment confié et de celui qu'il nous réclamait, pour la première fois, peut-être, cette année, il a choisi d'ouvrir le débat sur un sentier un peu plus politique et a voulu profiter de l'ouverture des travaux de cette commission pour faire le point, dans un langage qu'il n'a pas adopté très souvent depuis qu'il est titulaire des Affaires sociales, sur le dossier fédéral-provincial en matières d'affaires sociales.

Je lui ai dit aussi que ce n'est pas moi qui lui en ferai grief, au contraire. S'il avait choisi la ligne traditionnelle du gouvernement dont il est membre de passer sous silence, et à peu près à chaque occasion, toutes les ingérences fédérales dans un domaine reconnu de compétence provinciale, il aurait été anormal, je pense, que cette attitude traditionnelle du gouvernement libéral soit celle qui préside à l'ouverture des travaux de la commission. En effet, M. le Président, et c'est lui-même qui l'a signalé, le développement des relations fédérales-provinciales en matières sociales, dans la politique sociale à l'égard des Québécois, ne peut plus rester sous les bureaux ou ne peut plus rester dans les tiroirs des négociateurs et des comités qui se multiplient et qui s'enchevêtrent.

Les conséquences sur la vie quotidienne des Québécois, sur leur santé, sur les services sociaux qui leur sont offerts sont trop nombreuses pour qu'on choisisse, encore une fois, le camouflage des rebuffades continuelles que reçoit le Québec dans ses négociations avec le gouvernement central.

C'est le ministre qui a choisi de qualifier ces négociations avec le ministère fédéral de la Santé nationale et du Bien-Etre social comme une longue et décevante série de discussions. C'est lui qui a choisi d'appeler la loi qui doit bientôt limiter la participation du gouvernement fédéral au financement de l'assurance-maladie, une loi que nous n'aimons pas. C'est lui qui a dit que les accords actuels dans lesquels vit le Québec et le carcan dans lequel le Québec est obligé de développer sa politique sociale sont des accords qui ne fournissent plus ce qu'on espérait qu'ils rendent.

Malheureusement, M. le Président, cette espèce — j'emploie une expression qu'il a lui-même employée à son arrivée à l'Assemblée nationale — de coquetterie nationaliste qu'il ajoute maintenant à sa boutonnière ne nous conduit pas très loin. En effet, après avoir fait ce baroud d'honneur de revendications nationalistes, on s'attendrait à plus de sa part. Il est évidemment conscient des conséquences que cela a sur la vie quotidienne des Québécois. Nous aimerions le voir, je ne dis pas un peu plus consistant, mais à tout le moins un peu plus innovateur lorsqu'il nous dit: Devant cette situation, nous devons retrouver la position — c'est lui-même qui l'a qualifiée comme telle, ce qui m'évite tout autre commentaire — traditionnelle du Québec.

Mais quelle était donc la position traditionnelle du Québec à laquelle nous convie, dans le domaine des accords à frais partagés, le ministre des Affaires sociales? La position traditionnelle du Québec, c'était la revendication, c'était l'exigence. C'était, en même temps, le tapage publicitaire qui accompagnait les démarches traditionnelles du Québec en face du gouvernement fédéral non pas pour le plaisir de donner à des politiciens des lignes agate dans les journaux, mais pour se gagner l'opinion publique québécoise, élément essentiel pour une victoire devant un gouvernement central qui possède, de façon presque illimitée, le pouvoir de dépenser.

C'était effectivement la position traditionnelle du Québec, en ce sens que c'était la position traditionnelle de tous les partis politiques, à partir du moment où ils devenaient le gouvernement des Québécois. M. Duplessis, à son époque, M. Lesage pendant six ans, M. Johnson pendant son court mandat, et M. Bertrand qui a achevé, sous le même titre et sous le même règne, la période du pouvoir de l'Union Nationale. Il est curieux de voir un ministre libéral réclamer aujourd'hui que le Québec retourne à ses positions traditionnelles, parce qu'il n'était pas là en 1970, le ministre actuel; mais il était bien là en 1973, lorsqu'il cautionnait la même politique.

Cette politique traditionnelle de l'Union Nationale de revendications, d'exigences et d'affirmations claires et nettes de l'obligation des Québécois de rapatrier un certain nombre de pouvoirs au Québec, pour pouvoir développer, selon notre propre guise, la société québécoise, elle a été qualifiée, M. le Président, en 1970, par le gouvernement libéral, de position dépassée, démodée.

Celui qui nous sert de premier ministre actuellement se pavanait à la télévision en parlant des "plorines" de l'Union Nationale, des incompétents de l'Union Nationale. Elisez-nous, disait-il, et nous, nous irons à Ottawa; et au lieu de faire le grand tapage publicitaire nationaliste traditionnel québécois, nous allons arriver avec des dossiers sérieux, nous allons négocier et nous prouverons que le fédéralisme est rentable.

Cela a eu des heures de gloire et, forcément, on devait donner une certaine chance à cette nouvelle approche. Et tout cela se faisait en cabinet, tout cela se faisait en réunions secrètes. Quel était le moyen des Québécois de s'informer sur la progression des politiques sociales québécoises? C'était un comité, c'était à l'étude, c'était: Les négociations avancent. Tantôt, c'étaient les hauts fonctionnaires fédéraux qui se déplaçaient à Québec, à d'autres occasions, c'étaient les Québécois qui se rendaient à la maison mère. Mais peu importe, le secret, le silence, la couverture. Surtout, éviter un affrontement public avec le gouvernement central qui aurait inévitablement conduit de l'eau au moulin de l'Opposition indépendantiste était un mot d'ordre absolu.

On a bien maintenu, pour la frime, une bataille dans les communications aux fins d'exciter les intellectuels qui ont encore des préoccupations nationalistes, mais dans les domaines quotidiens de la vie des Québécois, à part ce pèlerinage du $200 millions que l'ancien ministre de la Justice avait effectué lui-même, peu d'affrontements avec le gouvernement fédéral. Au contraire, les éviter à toutes mesures. Les éviter, parce que cela devait conduire tôt ou tard les Québécois à s'apercevoir que dans ces négociations ils sont perpétuellement perdants. Il s'agit effectivement d'une longue et décevante série de négociations où des politiques que nous aurions envie de réaliser, que nous aurions les capacités de réaliser chez nous sont retardées parce que nous n'avons pas le consentement de la majorité anglaise du pays et des gouvernements provinciaux que cette majorité s'est donnés au nombre de neuf.

Retour à la position traditionnelle du Québec. C'est curieux parce que c'est une position que le même gouvernement a tellement de fois dénoncée comme étant inutile, comme conduisant à un cul-de-sac, comme conduisant nulle part. A quel moment mentait donc ce gouvernement, M. le Président, parce qu'il a véritablement menti dans ce dossier? Est-ce qu'il mentait en 1970 quand il disait que c'était une méthode dépassée et que sa propre méthode de négociations secrètes cachées et de concessions camouflées allait être meilleure pour l'intérêt des Québécois? Ou est-ce qu'il ment maintenant, le gouvernement québécois, quand il nous dit qu'il va retourner à cette position traditionnelle que lui-même a décriée? Est-ce qu'il ment maintenant parce qu'il évite de voir l'autre voie qu'il s'agirait de prendre?

Retour à une position traditionnelle. Pendant ce temps, M. le Président, maintenant que le ministre des Affaires sociales se greffera aux autres dans la lignée de pétage de bretelles traditionalistes et nationalistes en même temps, sans aucun aboutissement, le gouvernement fédéral continuera à gouverner de la même manière qu'il gouverne. Comme quand il décide d'abandonner certains programmes sociaux qu'il a financés à l'aide des Projets d'initiatives locales en disant: Démerdez-vous maintenant avec le problème, les provinces, nous, on n'embarque plus dedans. Cela a obligé le gouvernement québécois — c'est l'exemple que je donne — à improviser une politique de garderies absolument bâtarde et absolument injuste à l'égard de la majorité des Québécois, tellement l'abandon des Projets d'initiatives locales dans le domaine des garderies a réveillé le gouvernement québécois avec une urgence qu'il

n'avait même pas vu venir lui-même. Ce n'est pas simplement de cela que je parle. Je pense que quand les décisions unilatérales du gouvernement fédéral, comme celle de ne pas indexer les allocations familiales, ont des effets directs sur le budget québécois et créent une obligation nette et claire au gouvernement québécois d'ajouter $55 millions supplémentaires pour subvenir aux besoins des familles les plus défavorisées, c'est plus qu'une rebuffade. C'est une intervention dans le budget.

M. le Président, quand le premier ministre tout à l'heure, à la période des questions, nous disait qu'il refuse un arbitre dans la négociation avec le secteur parapublic parce qu'il refuse aux étrangers de venir décider ce que le gouvernement québécois lui seul a à faire, la gestion des ressources financières, il faudrait bien voir aussi à l'occasion qu'il y a des décisions étrangères au Québec qui nous obligent à intervenir directement dans le budget de fonctionnement des Québécois.

On revient à la position traditionnelle. Le ministre des Affaires sociales va retourner aux conférences fédérales-provinciales taper du pied, réclamer, insister, et revenir bredouille. Nous revenons les mains vides, comme disait l'ancien premier ministre du Québec, mais nous avons les mains libres. Ce sera curieux de la part du ministre des Affaires sociales, lui qui le 18 novembre dernier, par exemple, annonçait, à partir même de son bureau, une décision qui n'est jamais venue. Il émettait un communiqué disant que les allocations familiales allaient connaître cette progression normale du 1er janvier 1976, dû à cette merveilleuve entente intervenue administrativement en 1973, qui n'avait pas de consistance constitutionnelle, mais c'était là une coquetterie, avait-il dit à l'époque.

Peu importe, d'abord que c'est arrangé administrativement. Comme il a d'excellentes relations avec son partenaire fédéral, il pouvait se permettre, le 18 novembre, de fixer le montant que les familles québécoises allaient recevoir en allocations familiales, par un communiqué qu'il émettait lui-même. Ministère des Affaires sociales, Direction des communications. Le ministre des Affaires sociales annonce que les allocations familiales payables par le Québec et par le fédéral au Québec seront augmentées de 11,2% à partir du 1er janvier 1976. Un gouvernement de croupions qui est rendu à être attaché de presse du gouvernement fédéral sur le territoire québécois. C'est lui, servilement, qui annonce des mesures fédérales sur le territoire québécois.

Si au moins c'était vrai, mais ce qu'on annonçait pompeusement à partir de Québec, le 18 novembre 1975, n'a jamais eu lieu. Pour vous montrer l'état excellent des relations qui existent dans les communications fédérales-provinciales, cette grande harmonie administrative établie par le pacte de 1973, adopté par une loi de cette Assemblée dès le début de cette Législature en novembre 1973, elle était du passé. Il ne le savait même pas, lui qui se faisait l'attaché de presse du ministre fédéral de la Santé et du Bien-Etre, que quel- ques semaines après, quelques jours après, son homologue fédéral — et pour reprendre la délicieuse expression du député de Verdun, son monologue fédéral — allait, lui, annoncer que les contingences financières du gouvernement de la majorité anglaise du pays les obligeaient à abandonner l'indexation des allocations familiales.

Il avait l'air fin, le gouvernement québécois, toujours en quête de vendre le fédéralisme rentable aussitôt qu'il y a une annonce de $0.05 faite quelque part, comme si c'était un cadeau, comme si c'était un don, comme si ce n'était pas une redistribution normale de ce que les Québécois sont en mesure d'espérer, eux qui fournissent plus de $10 milliards de contribution en impôts et en taxes par année au gouvernement central.

Toujours la manie de s'annoncer et de se forcer: Regardez si c'est bon le fédéralisme! Ce n'était même pas vrai, ce qu'il annonçait au gouvernement québécois. Ce n'était même pas fixé encore et on se faisait déjà porte-flambeau du fédéralisme!

Aujourd'hui, quelques mois après, voulant évidemment oublier ce genre d'incartade, on propose de retourner aux positions traditionnelles. Vous verrez, M. le Président, le ministre des Affaires sociales reprendre le langage des Québécois.

Nous pourrions bien le laisser faire ce jeu. Libre à lui de faire six ans de négociations et de concessions camouflées, de laisser le nationalisme refaire surface, pour redisparaître par la suite. C'est sa propre honnêteté et c'est sa propre intégrité qui sont en jeu lorsqu'il s'adresse intellectuellement aux Québécois de cette façon. Il en est le seul responsable.

Pour les Québécois, ces sparages nouveaux du ministre des Affaires sociales, après une longue et décevante série de discussions, donneront quoi concrètement? Lui qui a fait partie d'un gouvernement qui a dénoncé ce genre de mesures et qui s'apprête à les reprendre maintenant, de quelles idées dispose-t-il donc pour dire que le retour aux positions traditionnelles sera plus efficace pour le Québec qu'il ne l'a jamais été avec les gouvernements précédents, ce que vous avez vous-mêmes dénoncé comme méthode infructueuse pour les Québécois? Pourquoi revenir à une méthode qui était infructueuse au moment de Lesage, de Johnson et de Bertrand, et au moment où le Canada n'avait pas un premier ministre aussi têtu et aussi désireux d'humilier le Québec que celui qui préside les destinées du Canada actuellement? Pourquoi cette position décriée deviendrait-elle, soudainement, rentable? Pourquoi ce retour aux positions traditionnelles du Québec?

Pour une chose, j'imagine. Parce qu'on l'estime plus efficace dans le contexte actuel. On estime que la politique fédérale est à ce point non populaire que le gouvernement québécois doit reprendre les racines qu'il a voulu lui-même abandonner pendant six ans. Je pense que les hommes qui sont au pouvoir dans ce gouvernement découvrent maintenant que ceux qui étaient en face d'eux ne faisaient pas que de la stratégie, ne fai-

saient pas que du jeu et que, donc, il ne suffisait pas de le dénoncer, mais qu'ils suivaient la seule ligne possible pour les Québécois.

Tout le temps où on l'a abandonné dans des négociations secrètes et dans un camouflage des intérêts réels des Québécois et des enjeux réels des négociations, on trahissait le Québec en le faisant. Si cette ligne avait été celle de tous les partis politiques précédents qui ont exercé le pouvoir au Québec, ce n'est pas l'effet d'un hasard, c'est la ligne obligatoire du Québec, tant qu'il est une minorité à l'intérieur d'une fédération et tant que son nombre devient de plus en plus relatif par rapport au reste de la majorité. On est en train de le découvrir de l'autre côté de la table; on reprend un vocabulaire ancien, malheureusement, et, c'est à notre tour de le dire, dépassé.

Nous ne nous contenterons pas de vous voir retourner et de raviver les anciennes querelles provinciales-fédérales que vous avez tout fait pour éteindre et camoufler pendant six ans. Nous n'endosserons pas ce retour aux politiques traditionnelles du Québec comme s'il s'agissait d'une victoire après que vous nous ayez vous-mêmes convaincus, en 1970, que c'était la voie de l'échec.

Pourquoi cela deviendrait-il tout à coup la voie du succès quand vous nous avez démontré depuis six ans l'aplatventrisme le plus inconditionnel face aux mesures fédérales, que vous avez accepté de vous faire baver par un premier ministre du Canada en plein centre de la capitale nationale des Québécois, sans même avoir le coeur de répondre de façon digne et fière, de la façon des Québécois? Pourquoi vous ferions-nous confiance quand nous vous avons vu abandonner dans le domaine de l'habitation, de la justice et dans tant d'autres domaines, dans le domaine économique essentiellement, tout ce que le Québec avait commencé à gagner au cours de la période?

M. Choquette: Question de règlement, M. le Président; dans le domaine de la justice, le député pourrait-il donner des exemples?

M. Charron: La police.

M. Choquette: Quelle police?

M. Charron: Avez-vous l'impression, vous, que les $200 millions que vous avez réclamés de façon...

M. Choquette: Je n'ai pas abandonné moi.

M. Charron: Vous n'avez pas abandonné, les avez-vous reçus?

M. Choquette: Non, non, je n'ai pas abandonné, moi.

M. Charron: Le gouvernement du Québec les a-t-il reçus?

M. Choquette: Non.

M. Charron: Là est la question.

M. Boudreault: M. le Président, question de règlement; suis-je bien à l'étude des crédits des affaires sociales?

M. Charron: Oui, mon cher ami; si c'est trop dur pour vous, vous pouvez vous reposer.

M. Saint-Germain: On est dans la police.

M. Boudreault: La pertinence du débat, où est-elle?

M. Charron: Si c'est trop dur pour vous, je vous répète encore une fois que vous pouvez vous retirer.

M. Boudreault: Cela ne me fatigue pas du tout.

M. Charron: Très bien.

M. Boudreault: C'est fatigant de vous entendre, par exemple.

M. Charron: II y a une autre raison, M. le Président; celle-là le député de Bourget réussira peut-être, avec un peu d'effort, à la comprendre. Il y a une autre raison qui peut inciter...

M. Boudreault: Je n'ai pas d'effort à faire pour comprendre.

M. Charron: ... le gouvernement à reprendre ce chemin traditionnel de l'échec, c'est son besoin financier et la situation financière dans laquelle il se trouve.

Il n'y a pas que les $200 millions de la police, ou tes $200 millions des Jeux olympiques, c'est sur tous les fronts maintenant que le gouvernement québécois, à cause de sa mauvaise administration, de son incompétence dans la gestion des fonds publics québécois, est obligé de quémander au gouvernement central. Il est évident que, dans le partage actuel de la taxation et des impôts, nous sommes effectivement condamnés, d'une certaine mesure, à attendre une participation fédérale si nous voulons développer des politiques sociales cohérentes. C'est exact, M. le Président.

Je suis convaincu que s'il était dans les capacités financières du Québec, actuellement, par exemple, ou du moins je l'espère, j'espère avoir cette conviction, s'il était dans la mesure du Québec, dans ses capacités financières actuelles d'établir un revenu familial garanti à l'égard de tous les Québécois, le ministre des Affaires sociales et le ministre d'Etat aux Affaires sociales, les membres du cabinet l'établiraient, ne reprendraient plus le chemin des "sparages" fédéraux-provinciaux, se retireraient purement et simplement, exigeraient la compensation financière qui est d'usage et rétabliraient ici. Mais cela non plus, nous ne pouvons pas le faire, M. le Président. Cela non plus, nous ne pouvons pas le faire.

Le gouvernement nous a conduits à l'étau qui se resserre maintenant sur lui-même. Il a abandonné les revendications de pouvoirs du Québec.

Pas un cent de plus n'est venu d'Ottawa en vertu de programmes nouveaux, de partages fiscaux et de partage des taxes, depuis six ans. Tout ce que les gouvernements traditionnels avaient réclamé a été abandonné. Il ne fallait pas faire de bataille avec Ottawa. Le gouvernement s'est conduit dans cette propre situation lui-même. Il s'est vendu presque inconditionnellement au gouvernement fédéral. Il s'aperçoit maintenant que ce n'est pas à l'avantage des Québécois. Mais comme il ne peut pas s'en retirer parce qu'il n'a pas suffisamment d'argent pour le remplacer lui-même dans le développement des politiques sociales, il est condamné à participer à l'engrenage fédéral-provincial mais en tapant du pied.

Nous voilà donc revenus au point de départ. Il est dans une incapacité d'affirmer lui-même des programmes sociaux nouveaux autrement qu'avec l'assentiment, non seulement politique mais financier, de la majorité anglaise du pays. Je ne parle pas du fait que ce gouvernement s'est mis lui-même, après sa négligence, à couvrir à lui seul un déficit de $900 millions dans l'organisation d'une fiesta de deux semaines. Je ne fais même pas mention du fait que ce gouvernement est à l'origine d'un projet de développement hydroélectrique qui a multiplié ses coûts par cinq au cours des cinq dernières années. Mais parce qu'il a déjà lui-même procédé à des compressions budgétaires dans des services déjà existants — nous ne pouvons donc espérer qu'il en développe beaucoup d'autres — à des compressions budgétaires qui vont diminuer la qualité des services de santé offerts aux citoyens du Québec, les budgets des hôpitaux ont été coupés de façon uniforme, sans tenir compte des situations particulières. Le cas de l'hôpital de Val-d'Or est un exemple, M. le Président; d'autres surviendront, j'espère pas de façon aussi dramatique que celui-là qui connaissait déjà, au départ, une situation peu avantageuse pour faire face aux coupures annoncées par le ministre des Affaires sociales.

Mais c'est de nous dire et de nous répéter, comme je le disais à l'ouverture des travaux de cette commission — et c'est visible à la seule lecture des crédits tels que déposés et annoncés actuellement avant l'annonce de tout budget supplémentaire qui pourrait survenir au cours de l'année financière qui commence aujourd'hui — que certains programmes, qu'il serait urgent de mettre sur pied et que le ministre continue à endosser théoriquement mais qui ne reçoivent jamais, de façon économique et financière, l'appui sans lequel ils ne peuvent se réaliser, ne verront pas le jour cette année encore.

Il n'y aura pas de politique familiale convenable; il n'y aura pas d'aide spéciale pour les femmes seules, chefs de famille; il n'y aura pas de développement dans le réseau de garderies autre que l'émiettement de la politique déjà en place. Les personnes âgées devront encore attendre. Des régions qui vivent avec des foyers d'hébergement sous la norme québécoise des six par mille devront encore attendre. Il n'y aura pas de réseau complet de soins à domicile; il n'y aura pas de développement de nouveaux services de santé dans les centres hospitaliers; il n'y aura pas de budget supplémentaire d'appoint aux centres locaux de services communautaires en pleine période de croissance; il n'y aura pas d'extension majeure de la couverture de l'assurance-maladie; il n'y aura pas de politique de revenu familial minimum garanti; il n'y aura pas de développements nouveaux de services en milieux scolaires.

Si vous examinez les budgets qui sont là, ils ne font qu'épouser la progression normale des coûts dans les services déjà offerts si on tient compte que les travailleurs qui y oeuvrent et les services eux-mêmes connaissent, comme tous les autres domaines, une croissance normale annuelle.

Rares sont les endroits qui, au cours de cette année, en affaires sociales, selon l'affirmation même que le ministre nous a faite au début des travaux de la commission, vont connaître un essor. Le ministre tient la barque, le ministre gouverne une barque dans laquelle il a lui-même voulu se contenir. Il a refusé de participer à des revendications financières qui auraient augmenté la capacité d'agir du Québec. Il a lui-même accepté de se soumettre à un fédéralisme qui retarde des décisions au niveau du Québec. Il doit donc, lui, mais malheureusement avec lui tous les Québécois, épouser un choix politique qui devient de plus en plus coûteux pour l'ensemble des contribuables québécois.

Je pense, M. le Président — je voudrais terminer là-dessus en faisant la boucle avec le sujet des négociations fédérales-provinciales qui a occupé la majeure partie du temps de l'intervention du ministre des Affaires sociales lui-même — que le passé de haut fonctionnaire du ministre des Affaires sociales ne le sert guère dans ce domaine. Je m'explique. Les négociations fédérales-provinciales sont, dans tous les domaines, en fait, conduites beaucoup plus par les hauts fonctionnaires de chacun des ministères que par les ministres. Les hommes politiques ratifient, ordonnent — dans le sens de mettre de l'ordre — les priorités, les fronts, choisissent les revendications les plus importantes, mais ceux qui vont sur le front même de la négociation, ceux qui font quotidiennement face au blocus fédéral, pour ne pas dire, à l'occasion, anglo-saxon, en face de nous, sont ceux qui sont les premiers aides du ministre des Affaires sociales.

Je sais d'expérience, parce que mon parti compte un grand nombre de ces hommes qui ont participé à ces négociations et qui en sont sortis complètement désabusés, que c'est eux qui ont le fardeau le plus lourd de la tâche, la plupart du temps. Buter sur un article, buter sur un pourcentage, buter sur une statistique, buter sur un "niet" ou un "no" opposé de façon catégorique de l'autre côté. C'est eux qui doivent revenir à leur ministre faire rapport et faire part de l'entêtement d'une province quelconque, Terre-Neuve, l'lle-du-Prince-Edouard, l'Alberta ou c'est le gouvernement central lui-même, dans la plupart des cas qui refuse.

Ainsi, M. le Président — cela constitue peut-être la perte d'énergie en intelligence et en dé-

vouement la plus scandaleuse du Québec actuellement — ces hommes qui travaillent volontairement et se dévouent pour le Québec dans ces négociations, en viennent à développer un prisme dans lequel ils analysent continuellement le développement. Ils sont tellement habitués à se buter à un refus que, lorsqu'ils reviennent avec une concession où qu'elle se trouve du côté fédéral, ils en viennent à estimer cela — peut-on leur en faire grief — comme une victoire du Québec. Lorsqu'ils ont réussi à endiguer l'invasion fédérale, c'est une victoire du Québec. Lorsqu'ils ont réussi à aller chercher le consentement du Manitoba sur un programme, c'est une victoire du Québec, pour eux, après des heures, des jours, des semaines et des séances interminables de négociation. Mais, pour les Québécois — encore une fois, avec tout le respect que je peux avoir pour le développement de ces hommes qui continuent à s'user dans le labyrinthe des négociations fédérales-provinciales — l'acquisition du oui du Manitoba, au mois de mai, puis du oui de la Colombie-Britannique, au mois de novembre, et puis le recul de l'île-du-Prince-Edouard, au mois d'avril suivant, cela a changé quoi? Pour un haut fonctionnaire, c'est peut-être une victoire de revenir avec un acquis, un article paraphé par les deux parties, mais, pour le Québec, il n'y a pas un pas de fait de plus dans ce sens.

Je ne sais pas si le ministre, dans son passé de haut fonctionnaire, a lui-même été impliqué directement dans des négociations avec la partie adverse — il faut bien l'appeler comme cela — mais j'ai l'impression souvent que, lorsque, comme je le disais dans le communiqué du 18 novembre, il se met à annoncer avant le temps, des victoires québécoises, il est encore trop près de son passé et pas encore assez dans son présent d'homme politique québécois responsable de maintenir l'intégrité de la société québécoise dans son développement social. Lui ne peut plus se contenter d'une victoire aussi mince. Lui ne peut plus claironner. Lui ne peut plus réduire à l'état de coquetterie constitutionnaliste le fait que le Québec n'obtient pas plus de pouvoirs.

C'est à lui, en fin de compte, lui qui nous annonce son retour aux positions traditionnelles du Québec, qu'il faut adresser le message suivant: le retour aux positions traditionnelles du Québec veut dire s'engager dans l'affirmation de la collectivité québécoise vers son autodétermination. Si vous n'êtes pas capable de la suivre jusqu'au bout, si tel n'est pas votre choix, vous serez libre de l'abandonner en cours de route. Mais il est évident que l'heure n'est plus à triompher par communiqués de presse sur des virgules ou sur des points. Vous le savez. Tous les membres du gouvernement doivent maintenant le savoir. Et c'est à eux qu'incombe cette responsabilité maintenant.

J'aborderai donc, M. le Président, l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales un peu comme le faisait lui-même, l'année dernière, le ministre des Affaires sociales, un peu comme un administrateur d'une chose déjà en marche, sans espérer y retrouver beaucoup de changements. L'impasse politique pour laquelle le ministre lui- même a accepté de militer et le cul-de-sac financier du Québec, dont, comme membre du gouvernement, il est lui-même coauteur font que nous ne pouvons guère demander plus à ce gouvernement de fin de régime.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cornellier): Est-ce que le ministre veut faire des commentaires?

M. Forget: Non, M. le Président. J'inviterais peut-être un de mes collègues à faire ses remarques préliminaires et j'en ferai peut-être à la fin.

M. Choquette: Je ne ferai pas de remarques préliminaires, M. le Président.

Le Président (M. Cornellier): Est-ce que d'autres membres de la commission auraient des remarques générales à faire? Sinon, j'invite l'honorable ministre des Affaires sociales

M. Claude Forget

M. Forget: Je vous remercie. M. le Président, j'ai manqué la séance de ce matin de cette commission, mais j'étais représenté de façon tout à fait adéquate par mon collègue, le ministre d'Etat. J'ai cependant eu l'occasion de suivre une partie des délibérations de mon bureau, et d'entendre parler de ce qui s'est discuté ici ce matin. Je serai donc en mesure de faire quelques commentaires sur l'ensemble des remarques préliminaires. Je dois avouer, avant de commencer, que l'impression principale que j'en retire, après plusieurs années de participation aux travaux de la commission pour l'étude des crédits, est que non seulement peut-on se permettre de manquer une séance de temps à autre, mais on peut presque se permettre de manquer une année complète parce qu'on est à peu près sûr de retrouver, la deuxième année, les mêmes notions et les mêmes idées exprimées de la même façon.

M. Charron: II y a sept ans que j'ai cette impression.

M. Forget: Ce n'est pas avec un très grand enthousiasme que je participe à un débat de la qualité de celui auquel on a assisté jusqu'à maintenant. Je pense que les minutes de cette commission devraient être assez précieuses puisqu'elles sont, malgré tout, un moment privilégié dans nos procédures parlementaires pour éclairer le public sur ce qu'un ministère parmi d'autres — et tous y passent à tour de rôle — fait pour la population, comment il utilise les crédits très importants qui lui sont confiés pour découvrir des réponses à toutes ces questions que l'on prétend, à d'autres moments, avoir vis-à-vis de l'administration publique et que, souvent, le moment venu, on n'a tout simplement pas.

Il est évidemment beaucoup plus facile de se livrer à des dissertations qui se répètent d'année en année et qui ne nous apprennent rien. Je serais presque porté à citer un personnage célèbre au-

quel le député de Saint-Jacques a fait allusion et qui dit, comme réplique totale à ce qu'il vient de nous dire: Et puis après? Qu'est-ce qu'il nous a dit de nouveau? Pas seulement à nous, bien sûr, il est évident qu'il ne peut pas nous apprendre grand-chose dans ce secteur. Qu'est-ce qu'il dit de nouveau à la population qui, espérons-le du moins, continue à nous écouter même quand nous ne faisons pas trop de sens? A-t-il vraiment proposé une alternative valable à quoi que ce soit?

J'ai pris connaissance largement, par les media d'information, du débat qui vient de se terminer à l'Assemblée nationale sur le discours inaugural et j'ai pu constater qu'il est impossible de savoir sur quelle base l'Opposition a formulé ses critiques. Tantôt on parle d'une période de restriction excessive, tantôt on parle d'une période de prodigalité éhontée. On ne semble pas bien pouvoir choisir. J'ai souvent pu constater, chez l'Opposition, un certain désir de prêcher toutes les causes à la fois. Quoi qu'il en soit, dans ce secteur qui est celui des Affaires sociales, nous avons assisté à un long exposé — et nous n'avons pas compté les minutes, fort heureusement pour le député de Saint-Jacques — sur le développement économique et sa signification pour le développement social de toute société. Jusque-là, pas de problèmes, nous pouvons le suivre assez facilement, mais encore là, je crois qu'il y a une incapacité de choisir. On tire un argument dans les deux sens de la croissance ou de l'absence de croissance d'un budget.

Si le budget des Affaires sociales s'accroît, accroît sa part dans le total des dépenses publiques, on dit: Voyez comment le Québec périclite, les dépenses qui sont consacrées pour mettre des cataplasmes sur les problèmes plutôt que de les régler par la voie du développement économique augmentent d'année en année, et cela manifeste l'échec ou la défaite d'une stratégie de développement économique. On pense saisir le sens de ce raisonnement et, immédiatement après, on nous dit: Bien, si ce pourcentage, au lieu d'augmenter, diminue, voyez un autre échec dans le sens opposé, mais contradictoire, où ce domaine prioritaire de l'activité de l'Etat reçoit de moins en moins d'importance dans les budgets publics.

Je crois, M. le Président, que c'est un exemple parmi d'autres d'une espèce d'incapacité de choisir sur quelle base on va exactement attaquer l'activité gouvernementale. C'est certainement une façon très vague et très générale de le faire. J'espère que nos travaux seront plus spécifiques, parce qu'il me semble que nous pouvons apporter des réponses quand les questions sont clairement formulées, ce qui est évidemment impossible à faire quand elles sont formulées de façon confuse. On vient d'entendre un plaidoyer, dont je ne dirai pas qu'il était éloquent mais certainement passionné, sur les difficultés de négociation.

Je n'ai pas à épiloguer longuement sur la position d'un parti qui fait de la non-négociation pratiquement sa raison d'être. Il est clair qu'avec cette optique, on n'aura pas de difficulté à s'entendre avec personne. On ne dialoguera tout simplement pas. Quelles que soient les institutions politiques, le Québec est condamné à chercher à s'entendre avec les autres. C'est beaucoup plus sur le contenu de ces ententes et sur les avantages concrets qui peuvent en résulter pour les Québécois, que la discussion devrait porter, plutôt que sur de soi-disant difficultés ou même des difficultés réelles sur lesquelles on épilogue longuement en taisant par ailleurs les domaines où les discussions ont eu une conclusion ou sont en passe d'avoir une conclusion favorable.

Dans mon exposé préliminaire, j'ai parlé non seulement d'un domaine qui... et je ne renie aucune des épithètes que j'ai utilisées à l'époque: c'est une loi que l'on n'aime pas, etc. C'est tout à fait vrai. J'ai parlé aussi des autres secteurs où le développement est immensément préférable, beaucoup plus encourageant et où le Québec a réussi, dans un nombre impressionnant de cas, à faire passer son point de vue et ses priorités. Le fait même que ces réunions, que ces discussions aient eu lieu depuis trois ans reflète dans une très large mesure une préoccupation du Québec, à l'époque, dont il a réussi à persuader ses partenaires. C'est une malhonnêteté intellectuelle — puisque le député de Saint-Jacques aime beaucoup ce genre d'accusation, il aime beaucoup les décerner à d'autres — c'est un genre caractérisé de malhonnêteté intellectuelle de faire porter ces remarques sur le seul point, dans toute la situation, qui pourrait de loin appuyer, bien qu'imparfaitement, son argumentation et de ne dire aucun mot des autres.

De toute manière, je n'ai pas l'intention de répondre plus longuement à cet exposé. Je crois qu'il est décevant de réentendre toujours les mêmes rengaines, qui masquent trop facilement l'incapacité de choisir très clairement entre des hypothèses ou des alternatives par rapport auxquelles les activités gouvernementales pourraient être jugées avec un peu de cohérence. A entendre le député de Saint-Jacques, il a toutes les solutions à tous les problèmes, mais je peux juger que son problème est précisément de choisir entre toutes ces solutions, puisqu'un certain nombre d'entre elles sont incompatibles les unes avec les autres.

Pour ce qui est du député de Rouyn-Noranda, là aussi nous avons entendu beaucoup de répétitions. Il emploie assez facilement le ton que l'on qualifie de populiste. Tous les partis sont populistes à leurs heurs probablement. Mais je ne sais pas pourquoi il s'attache à épouser toutes les causes, même les plus invraisemblables, sur tous les sujets les plus excentriques, à employer le langage de l'ignorance pour presque tous les dossiers sur lesquels il s'exprime alors que depuis des années nous nous acharnons à les lui expliquer, dans l'espoir qu'il comprendra enfin et qu'il utilisera cette compréhension pour l'expliquer à ses commettants, qui, prétend-il, viennent le visiter pour lui poser les mêmes questions, année après année.

Je pense à ses plaidoyers pour toutes sortes de causes, mais sur un point qui nous intéresse de façon plus immédiate, puisqu'il touche à un programme que nous administrons, celui de l'assurance-médicaments, il sait très bien la raison

pour laquelle la liste est ce qu'elle est. Il a eu de nombreuses explications, et fort détaillées dans des cas particuliers d'ailleurs, par une correspondance qu'il a reçue du ministère. Ce n'est rien d'autre qu'un désir de parler, encore une fois, avec la voix de ceux qui ne comprennent rien, sur des sujets sur lesquels il a eu toutes les explications.

C'est aussi une forme de malhonnêteté intellectuelle et je crois que, de ce côté-là, il n'y a pas beaucoup d'autres réponses qu'il soit nécessaire d'apporter. Les procès-verbaux des réunions des commissions parlementaires sur les crédits depuis cinq ans lui fourniront toute la documentation nécessaire à lui ou à ses recherchistes si vraiment il s'intéresse à la réponse à ses questions pour autre chose que des déclarations symboliques.

Je souhaiterais, M. le Président, que l'on passe à l'étude des crédits et que l'on profite de la présence du président de la Régie des rentes et des hauts fonctionnaires des différentes directions du ministère, qui sont ici ou qui se succéderont au cours des séances de la commission parlementaire, de manière à connaître les détails que l'on prétend, encore une fois, très souvent vouloir connaître, mais dont on ne cherche pas à poursuivre l'exploration lorsque l'occasion se présente enfin.

Il y a près de quatre heures que cette commission siège; je crois, quant à moi, qu'elle n'a fait, jusqu'à maintenant, aucun progrès.

Allocations familiales

Le Président (M. Cornellier): Messieurs, nous allons procéder maintenant au programme 1, Soutien du revenu familial, élément 1., Allocations familiales. Y a-t-il des questions sur l'élément 1. du programme 1?

M. Charron: J'imagine que le ministre voudra lui-même faire progresser la commission le premier.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas, je pense bien, à expliquer le programme des allocations familiales; il est connu de tous. Nous sommes à la disposition de tous les membres de la commission pour répondre à des questions qui pourraient exister dans ce domaine.

Le Président (M. Cornellier): Pas de question à l'élément 1.?

L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: Au domaine des allocations familiales, il est vrai que nous devons connaître tous, comme vient de le dire le ministre, le programme puisqu'il s'agit d'une loi que cette Législature a adoptée il y a trois ans.

Le gouvernement central a annoncé, le 18 décembre dernier, qu'il n'indexerait plus les allocations familiales. Quand le ministre des Affaires sociales avait-il été mis au courant de cette décision?

M. Forget: Dans les jours qui ont précédé.

M. Charron: De quelle manière?

M. Forget: Ecoutez, probablement, en premier, par une conversation téléphonique. Peut-être, pour être plus précis, je dois dire que la première nouvelle a dû être transmise par une communication entre le sous-ministre fédéral et le sous-ministre des Affaires sociales.

M. Charron: Puis-je demander au sous-ministre des Affaires sociales si, dans cette communication avec son homologue fédéral, on l'a consulté ou on l'a avisé de la décision fédérale?

M. Forget: On l'a avisé.

M. Charron: Je voudrais savoir une chose du ministre des Affaires sociales, qui était si fier de parrainer cette première loi à l'Assemblée nationale, parce que, selon lui, elle contenait un tas d'avantages pour les Québécois. Voulez-vous que je vous cite pour vous montrer comment vous aviez le langage pompeux, cette journée-là?

Comment se fait-il que vous n'ayez pas même pris la précaution comme gouvernement québécois de faire en sorte que, lorsque le partenaire à l'autre bout se sent serré financièrement et incapable de répondre à un engagement qu'il a pris, il ne fasse pas juste vous aviser comme si vous étiez une succursale, mais vous consulter. Je croyais, à la façon pompeuse dont vous aviez annoncé ce programme, qu'il s'agissait d'une entente entre deux gouvernements responsables et non pas d'un gouvernement central et d'une succursale qui émet des chèques. Comment se fait-il que vous n'ayez même pas réclamé que ce soit inscrit dans l'entente — je sais que vous n'aimez pas que ce soit des constitutions, ce sont des coquetteries — que tel avertissement, telle décision serait, au préalable, le fruit d'une consultation?

M. Forget: II faut faire des distinctions, que le député de Saint-Jacques comprendra sans peine, entre les caractéristiques principales du régime qui sont inscrites de part et d'autre dans les lois et les caractéristiques secondaires. Il y a une caractéristique fort importante du régime qui permet au gouvernement du Québec, comme à celui de toutes les autres provinces, de déterminer la répartition des sommes qui sont mises à la disposition des familles par le gouvernement fédéral. Cette répartition, comme on le sait, est différente selon les provinces. Quant aux modes de répartition, quant au profil de répartition, par exemple, selon l'ordre des enfants — on sait qu'au Québec on verse substantiellement davantage pour les enfants d'un ordre plus élevé — il n'existe pas dans les ententes dont on vient de parler de dispositions qui obligent même les provinces à consulter le gouvernement fédéral avant de décréter la répartition ou le profil de répartition qui paraît approprié dans une province.

J'utilise cet exemple pour illustrer qu'une entente peut prévoir différentes modalités de collaboration entre les parties. Une entente peut prévoir une modalité par laquelle, à l'intérieur ou pour

certains sujets, l'une des deux parties a une discrétion totale et vice versa pour l'autre partie.

Une entente pourrait également prévoir — c'est la seule hypothèse retenue implicitement dans la question du député de Saint-Jacques — que pour chaque décision, sur chaque sujet, il y a des consultations. Mais ceci n'est qu'une modalité particulière d'une, entente qui n'a pas été retenue comme mode général de fonctionnement de cet arrangement administratif relativement aux allocations familiales.

Au contraire, les modalités qui ont été retenues consistent à permettre soit au gouvernement fédéral, soit aux gouvernements des provinces de déterminer un certain nombre de choses unilatéralement. Mais, comme les sujets sur lesquels portent ces décisions unilatérales sont prédéterminés, il n'y a, en soi, aucune surprise dans l'exercice de ce pouvoir par l'autre partie. Il peut évidemment y avoir des surprises de fait quand l'autre partie utilise son pouvoir, mais cela ne répugne pas au mode de coopération administrative que l'événement qui s'est produit.

Un an plus tôt, nous avions d'ailleurs modifié, par une loi du Québec, l'aménagement entre les enfants des allocations familiales, et ceci a été fait par une loi du Québec. Nous avons, à toutes fins pratiques, informé le gouvernement fédéral de notre intention de le faire et comme les chiffres que nous utilisions permettaient de le faire à l'intérieur de la masse attribuable pour ces fins, du côté fédéral, c'était une décision qui était unilatérale dans son essence.

Pour ce qui est de l'indexation, nous avons, relativement au régime des allocations familiales fédérales, une disposition qui se retrouve, à ma connaissance, dans la réglementation fédérale plutôt que dans la loi et qu'il est possible de changer sans consultation. Même si c'était dans la loi, il reste que cela demeure leur loi, comme notre loi provinciale demeure entièrement sous notre contrôle. Il n'y a donc aucune incompatibilité et nous avons pu, subséquemment à la décision fédérale, prendre une autre décision, quant à nous, aussi unilatérale que la décision fédérale, de combler, pour les bénéficiaires de l'aide sociale, ce manque à gagner résultant de la non-indexation. En ce faisant, nous décidions d'utiliser des fonds fédéraux pour combler le manque à gagner résultant d'une autre décision fédérale. Pour cela non plus il n'y a pas eu, de notre part, vis-à-vis des autorités fédérales, de consultation; nous avons agi de notre propre chef.

M. Charron: Cela aurait été le bout!

M. Forget: Bien, M. le Président, je crois que le député de Saint-Jacques ne se rend pas compte de ce qu'il dit quand il fait une affirmation comme celle-là, puisque le sens de notre action était d'annuler, en quelque sorte, pour une part, une décision fédérale. Je suis sûr que si le gouvernement fédéral avait agi de cette façon vis-à-vis du Québec, il aurait été le premier à proclamer qu'il s'agissait là d'une situation absolument intolérable.

M. Charron: Pensez-vous que cela les dérange, le fait que vous annuliez partiellement, pour les plus pauvres, en recourant à vos propres goussets, c'est-à-dire en retirant ce que, ailleurs, vous pourriez mettre d'argent pour le mettre là? Pensez-vous que cela l'a dérangé, lui, par exemple, quand dans le domaine — je reprends cet exemple et ce n'est pas pour m'éloigner du sujet, au contraire — des garderies, il se soit retiré?

Que cela vous oblige, vous, à mettre tel budget dans les garderies, c'est votre problème. Lui, il a décidé qu'il n'en mettait plus. Cela nous a coûté $55 millions de fonds québécois qui auraient pu être utilisés à autre chose mais parce que vous avez — je reconnais que c'était essentiel — décidé d'intervenir pour les familles les plus pauvres et de consacrer $55 millions qui auraient pu servir ailleurs, pensez-vous que cela le dérange? Pensez-vous que cela l'affecte? Lui, il a fait son affaire.

Je reviens à ma question première: Comment se fait-il que vous ayez signé une entente qui comporte, par les conséquences que vous-même venez de mentionner, le pouvoir d'intervenir dans la gestion financière du Québec, qui vous oblige, à un moment donné, alors que nous pouvons planifier, ici, une répartition des sommes à l'intérieur des affaires sociales? Le gouvernement fédéral décide de se retirer ou de ne pas donner ce qu'il avait promis de donner à un endroit; cela bouscule tout ce qu'on était en mesure de faire, ce qu'on se préparait à faire avec ces $55 millions. Comment se fait-il que vous ayez accepté et signé quant à ce pouvoir fédéral d'intervenir dans nos affaires?

M. Forget: II y a une erreur de fait dans la question du député de Saint-Jacques. Il n'est pas question d'une entente signée qui nous oblige à intervenir dans quelque domaine que ce soit à la suite d'une décision fédérale. Les exemples qu'il cite ne sont pas applicables puisqu'il s'agit, dans tous les cas, de décision que nous avons prises, que nous aurions pu ne pas prendre et que nous avons prises de la façon qui nous convenait dans chacun des cas et qui ne convenait pas nécessairement au gouvernement fédéral, qui avait pris des orientations différentes dans les deux cas que le député vient de mentionner.

M. Charron: M. le Président, le ministre des Affaires sociales affirmait en Chambre, lorsqu'il parrainait cette loi, en décembre 1973: "Ce droit qu'a acquis le Québec de modifier, d'infléchir, de déterminer les sommes que versera le gouvernement fédéral aux citoyens du Québec, ce n'est pas un droit, ce n'est pas un acquis qui sera facilement retiré ou perdu". N'est-ce pas?

M. Forget: Cela demeure vrai.

M. Charron: Cela demeure partiellement vrai.

M. Forget: Cela demeure totalement vrai puisque cette déclaration s'appliquait — c'est ce que je viens de vous expliquer à nouveau — à la configu-

ration des paiements, à la façon dont les paiements sont répartis parmi les enfants d'une même famille. Certaines provinces ont choisi de répartir également, quel que soit le nombre d'enfants dans une famille, entre tous les enfants, les allocations familiales. Le Québec a choisi une répartition différente.

M. Charron: Je ne parle pas de répartition des sommes. Je pense que vous me comprenez bien, Je parle de la somme elle-même.

M. Forget: Ce pouvoir est demeuré intact. Il est encore utilisé et, subséquemment à cela, l'Assemblée nationale a même légiféré pour corriger la première distribution qui avait été faite.

M. Charron: Ce n'est pas de cela que je vous parle.

M. Forget: Moi, c'est de ce sujet que je vous parle puisque...

M. Charron: Je vais vous laisser continuer, si vous le voulez, mais je reviendrai à la charge.

M. Forget:... l'implication que vous faites que le refus d'indexer les allocations familiales est une exception à ce pouvoir, ce n'est pas du tout une exception puisque cela ne couvrait pas cette possibilité d'indexation qui demeurait et qui demeure jusqu'à maintenant un pouvoir que le fédéral peut utiliser de façon complètement unilatérale.

M. Charron: N'avez-vous pas dit, dans ce communiqué de presse du 18 novembre 1975, que l'indexation était incluse dans l'entente et qu'elle faisait donc partie des sommes que verse le gouvernement fédéral, puisque vous terminez votre communiqué en disant, en tout cas, votre attaché de presse vous prête cette déclaration: M. Forget a expliqué que le régime des allocations familiales prévoit l'ajustement annuel des allocations familiales payables par le Québec et par le gouvernement fédéral aux citoyens du Québec, en fonction de l'augmentation des prix à la consommation. Vous dites vous-mêmes que le régime prévoit l'indexation annuelle. Donc, l'indexation annuelle fait partie des sommes que le gouvernement fédéral verse au Québec. Quant à la somme totale, je ne vous parle pas de ce droit du Québec d'en donner plus aux quatorze ans ou aux huit ans où de celui de la Saskatchewan de tout donner aux huit ans. Cela aurait été le bout que vous ayez cédé cela, d'accord. On n'a pas la même configuration démographique qu'ailleurs. Voyez-vous qu'on est déjà en train — ce que je vous disais à la fin de mes remarques — de considérer comme une victoire le fait d'avoir résisté. On a encore le droit de modifier les échelles. Ce n'est pas un mince détail, je le sais très bien. Mais de présenter cela comme une victoire...

Ce que je trouve malhonnête, c'est que vous avez présenté comme une victoire plus que cela alors que ce n'était pas vrai. Vous avez présenté comme victoire le droit du Québec de modifier, d'infléchir et de déterminer les sommes que versera le gouvernement fédéral. Or, ce n'est pas vrai. Le Québec n'a pas le droit de les déterminer. La preuve, c'est que vous avez été avisé que le gouvernement fédéral avait décidé de modifier la somme qu'il donnait au Québec. Il l'a modifiée de $55 millions. Ce n'est pas vous qui les perdiez, c'étaient les familles québécoises. Vous, vous avez rajouté une dizaine de millions à l'aide sociale pour pouvoir aider les plus pauvres. Mais toutes les familles en haut de l'aide sociale les ont carrément perdus, elles. Vous aviez pourtant affirmé que le fédéral ne pourrait pas changer ces sommes et que le régime prévoyait l'indexation.

M. Forget: Non...

M. Charron: Ecoutez, j'ai les deux affaires ici. Je vais vous citer intégralement, d'accord?

M. Forget: Faites-le donc.

M. Charron: On va le faire, 281. Je vais vous citer longuement, à part cela, vous allez voir. "Cependant, je crois qu'un gouvernement qui, pour satisfaire à des coquetteries de constitution-nalistes, aurait tenu les familles québécoises défavorisées en otage, en quelque sorte, jusqu'à la solution de tous ces conflits, porterait une très lourde responsabilité vis-à-vis de ces familles et vis-à-vis de ces enfants qui vivent dans un milieu défavorisé et qui n'ont peut-être pas la patience, contrairement au chef de l'Opposition — à qui vous répondiez — d'attendre la solution éventuelle à toutes ces difficultés. Il a également affirmé que, dans le passé, ce champ de juridiction avait été en quelque sorte assombri par l'utilisation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Il a même suggéré, je crois, que l'utilisation du pouvoir de dépenser créait en quelque sorte une modification à la constitution, ou du moins qualifiait la situation constitutionnelle dans un sens différent de ce que les textes eux-mêmes font." "Je trouve étrange, continuiez-vous, que, si on fait une telle hypothèse, on refuse de reconnaître l'effet que peut avoir sur la situation constitutionnelle, le précédent que crée un arrangement législatif de cette nature puisque ce droit qu'a acquis — par cet arrangement, j'imagine — le Québec de modifier, d'infléchir, de déterminer les sommes que versera le gouvernement fédéral aux citoyens du Québec, ce n'est pas un droit, ce n'est pas un acquis qui sera facilement retiré ou perdu". Vous l'avez perdu deux ans après avoir fait cela. En décembre 1975, qui a décidé le total de la somme que le gouvernement fédéral dépensait ici? C'est Ottawa. Ce n'est pas vous, ce n'est pas le Québec qui a décidé la somme. La somme devait être indexée. Celle de l'année passée devait être indexée. Vous avez dit que le régime prévoit l'ajustement annuel. Or, ils ont avisé votre sous-ministre que la somme ne serait pas celle que vous attendiez. Est-ce le Québec qui l'a décidée, la somme d'argent fédéral versée en allocations familiales, ou si c'est Ottawa?

M. Forget: M. le Président, je crois que le député de Saint-Jacques ne cherche pas vraiment une réponse à son développement réthorique. Il sait très bien qu'il faut faire la distinction entre la distribution d'un total et la détermination de ce total.

M. Charron: C'est de la détermination que je parle. La distribution, c'est autre chose.

M. Forget: La détermination du total est établie par la loi fédérale et ses règlements en fonction d'un montant qui, en 1974, était une moyenne de $20 par enfant, montant que les règlements fédéraux, qui sont, évidemment, éminemment amenda-bles, prévoyaient d'indexer ou de majorer selon l'augmentation du coût de la vie d'une année à l'autre.

La détermination du total est faite par la loi fédérale et je n'ai jamais affirmé... Si je l'avais fait, il faudrait trouver dans les Débats une dénégation de la part de l'Oppositon à l'époque, puisqu'il aurait été facile, à l'époque, de dire que ce n'était pas vrai que c'était le Québec qui déterminait la somme des allocations familiales.

M. Charron: Ne prenez pas ce chemin-là. Le chef de l'Opposition vous l'avait carrément dit en Chambre.

M. Forget: Je prends le chemin qu'il faut pour démontrer que votre affirmation est mal fondée.

M. Charron: C'est la vôtre qui est mal fondée.

M. Forget: La détermination dont on parlait ne pouvait donc pas se rapporter au total, puisqu'elle aurait été fausse dès 1973, cette affirmation. Tout le monde savait en 1973, à la simple lecture des journaux, que c'était le gouvernement fédéral qui avait fixé à $20 la moyenne des paiements par enfant à cette époque. Son rythme de progression était déterminé en fonction de la législation fédérale et de la réglementation fédérale connues à l'époque, de façon unilatérale par le gouvernement fédéral.

Ce à quoi je me référais et ce à quoi je devais seulement me référer — sinon j'aurais dû être rappelé à l'ordre par l'Opposition pour avoir dit des choses qui étaient fausses, même à ce moment-là — la distribution de ce total, le total produit par les $20 multipliés par le nombre d'enfants en bas de dix-huit ans, cette distribution du total demeurait, elle était, pour la première fois dans un programme fédéral, un sujet de juridiction provinciale qui était déterminé par une loi provinciale. Et ceci demeure vrai maintenant, était vrai en décembre dernier et va être vrai l'an prochain également, à moins que l'on dénonce, du côté fédéral, et qu'on abroge la loi qui permet de faire cela.

M. Charron: Bien moi je vais vous dire. Quand vous disiez cela, c'était en clôture, votre droit de réplique, en deuxième lecture, avant l'adoption de principe de la loi, si je ne m'abuse. C'est cela, avant l'adoption de principe de la loi. L'Opposition n'avait aucun loisir de vous répliquer à ce moment-là. Mais en commission parlementaire, et cela vous devez vous en rappeler, le chef de l'Opposition a fait des reproches sévères sur la détermination du montant total qu'Ottawa dépense ici. Ce débat, auquel vous faites référence vous-même, que le chef de l'Opposition a eu quant aux pouvoirs de dépenser du gouvernement fédéral a eu lieu précisément là-dessus. Ce qui nous importait à nous de savoir, c'est si le Québec, non seulement avait le droit de déterminer, chez lui, comment il partageait entre ses enfants cette somme-là, mais s'il était capable de décider des sommes que le fédéral dépensait ici. En ce sens c'eût été une victoire, peut-être par rapport à la situation précédente, que ce soit nous qui fixions le montant qu'il dépense ici. Mais vous avez présenté comme tel...

M. Forget: C'est une affirmation complètement ridicule.

M. Charron: Vous l'avez présenté comme telle.

M. Forget: Comment des parlementaires, qu'ils soient à Québec, à Tombouctou ou n'importe où, peuvent-ils prétendre qu'il pourrait y avoir une entente quelconque entre deux gouvernements en vertu de laquelle un gouvernement déterminerait le niveau des dépenses de l'autre? Et si cette affirmation a pu un jour effleurer l'esprit des membres de l'Opposition, je crois qu'ils étaient dans un état de distraction complète...

M. Charron: Bien voulez-vous que je vous en donne un exemple? Le premier ministre du Québec, en parlant, en faisant le "show" du rapatriement de la constitution, avec Trudeau a, entre autres, donné l'exemple que, parmi les conditions qu'il mettrait avant le rapatriement de la constitution, il y aurait une limite aux sommes que dépense le fédéral dans le domaine culturel au Québec. Il le propose, votre premier ministre, ce genre de pouvoir d'un gouvernement provincial de dire au fédéral: Vous pouvez dépenser jusqu'à telle somme chez nous. Cela fait partie des conditions qu'il pose, cela s'appelle souveraineté culturelle, préserver l'intrusion, dire: Oui vous pouvez dépenser, mais pas plus que cela.

Je soutiens encore que c'est ce que vous affirmiez à l'Assemblée nationale, vous-même, en 1973.

Aujourd'hui, maintenant que vous avez été avisé que de l'autre côté on ne fonctionnait pas, vous essayez de faire une belle sortie du tableau en disant que ce n'était pas de cela que vous parliez, mais bien des sommes, qui sont données à chaque enfant. Mais vos affirmations ici, vos affirmations du 18 novembre, que vous annonciez un mois avant la décision du gouvernement fédéral de ne pas participer aux indexations, cela fait encore état, comme si tout cela était un acquis pour le gouvernement du Québec. Je soutiens encore qu'à ce moment-là vous avez mal informé la Chambre sur le contenu réel. Je soutiens encore que vous n'au-

riez jamais dû signer une entente qui vous place dans une telle situation, où le téléphone du sous-ministre fédéral vient dire à votre collègue que le gouvernement a décidé de mettre moins d'argent qu'il n'était, par l'entente, obligé de mettre.

Vous avez dit que, dans l'entente, vous avez expliqué que le régime des allocations prévoit l'ajustement annuel. C'est ce que vous avez signé et c'est de l'autre côté, unilatéralement, qu'on a décidé de ne pas respecter cette entente, vous le savez. Si ce n'est pas vrai, pourquoi d'abord le 18 novembre 1975 disiez-vous que c'était dans le régime des allocations? Vous saviez parfaitement que le gouvernement fédéral pouvait, du jour au lendemain, décider de ne pas participer à l'indexation, de modifier le montant de la somme qu'il dépense au Québec dans cette affaire-là. Pourquoi vous êtes-vous fait si vite le défenseur de ce régime, alors que vous saviez bien que tel n'était pas son contenu?

M. Forget: Je me suis fait le défenseur de ce régime et je le ferais encore. Ce que j'ai affirmé était vrai à l'époque, quant à l'indexation, puisque l'intention fédérale était claire et manifeste à l'époque d'indexer les sommes globales qui servaient à déterminer combien serait versé en allocations familiales dans chaque province.

Cette clause, cependant, a été changée; la loi fédérale n'a pas été changée et c'est sur la loi fédérale, qui donne aux provinces et qui donne toujours aux provinces, encore au moment où nous parlons, le pouvoir de distribuer les sommes ainsi déterminées, que mes déclarations ont porté. Je ne suis pas du tout convaincu par les propos du député de Saint-Jacques que j'ai, de quelque manière que ce soit, induit l'Assemblée nationale ou la commission en erreur. Ces textes fédéraux étaient connus à l'époque; la loi fédérale était, je crois, adoptée ou du moins déposée et débattue, à ce moment-là, du côté fédéral. C'étaient donc des textes publics, c'étaient des textes qui sont d'ailleurs demeurés inchangés, qui continuent de justifier les affirmations que j'ai faites, pourvu que l'on ne cherche pas à leur donner un sens qu'ils n'ont évidemment pas,

M. Charron: Oui, bien sûr. N'empêche que le 18 novembre dernier, vous présentiez un tableau, lançant à grands renforts de tambours des sommes qu'aucun jeune Québécois ne reçoit actuellement. Pour un ministre responsable, c'est quand même assez curieux d'annoncer le 18 novembre des sommes que tout le monde allait recevoir le premier janvier, alors qu'aucune de ces sommes n'est réelle.

Le Président (M. Cornellier): Messieurs, la commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 5)

Reprise de la séance à 20 h 30

M. Cornellier (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Si vous voulez bien prendre vos sièges, la commission des affaires sociales reprend ses travaux pour l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales. Au moment de la suspension pour le dîner ce soir, nous en étions au programme 1, élément 1, allocations familiales. J'ai l'impression qu'au moment où nous avons arrêté le débat les membres de la commission étaient prêts à adopter l'élément 1. Est-ce que l'élément 1 du programme 1 est adopté?

M. Charron: Non, M. le Président.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, le temps d'arrêt m'a permis de remonter un peu dans le temps. Je ne veux pas reprendre le débat que nous avons eu avant le dîner, mais je veux quand même que soit bien claire la démonstration à laquelle je me suis appliqué et que le ministre n'a aucunement, à mon avis, réussi à détruire à propos de la fameuse entente sur les allocations familiales qui a fait suite à l'échec de la conférence de Victoria en 1971. Ce fameux arrangement administrato-législatif qu'on a voulu présenter comme l'équivalent d'un gain constitutionnel du Québec en disant que le gain constitutionnel du Québec n'aurait été qu'une coquetterie à ce moment-là n'en était pas en fait l'équivalent.

Si dans les rapports fédéraux-provinciaux le Québec avait gagné le pouvoir de décider des sommes versées à chacune des familles au chapitre de ce programme des allocations familiales, M. le Président, premièrement, nous n'aurions pas assisté au scénario ridicule d'un ministre annonçant, le 18 novembre, des allocations qui n'auront jamais lieu, démenti par son collègue, le 18 décembre. Deuxièmement, les familles québécoises auraient touché effectivement ces sommes qui leur étaient dues en vertu du régime d'allocations. Ce régime d'allocations, disait le ministre dans son communiqué du 18 novembre, incluait le principe de l'indexation annuelle. C'était l'entente. Cela partait d'un montant fédéral de $20 par enfant, auquel il fallait ajouter les $2 de l'année 1974 et éventuellement les $2 de l'année 1975, ce qui fut retiré.

M. le Président, j'ai eu l'occasion, pendant le temps d'arrêt, de remonter plus loin et d'ajouter ce que j'appelle un élément de plus à la preuve de la soumission québécoise dans ce dossier comme dans tous les autres ou à peu près. La décision fédérale était à ce point importante, et constituait à ce point un bris du régime d'allocation établi et vanté et reconnu dans la loi adoptée par l'Assemblée nationale qu'elle a effectivement conduit le gouvernement québécois et obligé le gouvernement québécois à adopter un amendement à ses réglementations par arrêté en conseil.

Cet arrêté en conseil date du lendemain de l'annonce du gouvernement fédéral, donc du 19 décembre 1975: Attendu, attendu, attendu, il est ordonné que l'article 1101 du règlement sur les allocations familiales du Québec ne reçoive pas son application pour l'année 1976. Le règlement 1101, M. le Président, sur les allocations familiales, c'est celui qui disait, dans un règlement adopté à partir d'une loi votée par l'Assemblée nationale du Québec, qu'à compter du 1er janvier 1975, le montant de l'allocation visé à l'article 26 de la loi doit, au début de chaque année, être révisé suivant la méthode énoncée à l'article 5 de la loi.

Et l'article 26 de la loi, M. le Président — il faut tout mettre noir sur blanc pour trouver la soumission puis l'à-plat-ventrisme qui accompagnaient cela, puis le mensonge qui avait été fait à l'Assemblée nationale dans la présentation du projet de loi — il s'agit des sommes fédérales, exactement ce à quoi avait souscrit le ministre des Affaires sociales: L'Allocation mensuelle prévue à la loi de 1973 sur les allocations familiales Canada est payable de la façon prévue en raison de $12 pour le premier enfant, $18 pour le deuxième, etc. Quand on se réfère à l'article 26, c'est au montant fédéral fixé par la loi.

C'est donc dans notre loi à nous. Et l'intervention fédérale, vous ne me direz pas qu'elle ne rompait pas l'entente précédemment annoncée et contenue dans la loi votée par l'Assemblée nationale. Elle intervenait à ce point dans notre propre loi, votée à l'unanimité de l'Assemblée nationale, que cela vous a obligés à émettre un arrêté en conseil pour modifier la réglementation que vous aviez émise à partir de cette loi.

Je ne sais pas si vous ferez encore des pirouettes, comme vous l'aviez fait en 1973 au moment de la présentation de la loi. Le ministre annonçait alors que le Québec venait d'obtenir le pouvoir de déterminer les sommes que le gouvernement fédéral dépensait au chapitre des allocations familiales au Québec. Ou bien faut-il encore d'autre preuves?

M. le Président, je n'ai pas l'intention d'allonger inutilement le débat là-dessus. Mais tant et aussi longtemps que de l'autre côté on n'admettra pas que la décision fédérale constitue un bris du contrat que le Québec avait accepté, ou, si elle n'est pas un bris du contrat, que le contrat signé faisait que le Québec se soumettait à une décision fédérale au point d'être obligé de modifier sa propre réglementation issue d'une loi de sa propre Assemblée, en conséquence d'une décision fédérale, tant qu'on essaiera de me faire prendre ce qui n'est pas la vérité pour l'équivalent de la vérité, je ne peux pas fonctionner là-dedans.

Je suis bien prêt à examiner la nature exacte, la répartition des sommes que le Québec s'est conservée comme petit pouvoir d'aménager les sommes fédérales à l'intérieur de sa propre société. Cela aurait été le bout! Je le dis encore, il abandonne cette revendication. Ce qu'il est important de noter, c'est qu'en 1973, quand le gouvernement du Québec a accepté ce régime d'allocations familiales, il abandonnait une partie de sa souveraineté dans le domaine de la politique sociale. Il admettait de n'être qu'un réglementateur par sa propre loi, dans une décision centrale, à tel point qu'il se soumettait à chacune des modifications que, de l'autre côté, on allait adopter.

L'arrêté en conseil que je viens de vous citer obligeait le ministre, sans qu'il ait été même averti, consulté. Il avait été avisé, nous a dit le sous-ministre des Affaires sociales tout à l'heure; cela l'obligeait. Voici pour vous montrer à quel point nous sommes dépendants, M. le Président, dans ce domaine. Un arrangement législatif, contrairement à toutes les pirouettes que l'on peut faire lorsqu'on présente une loi à l'Assemblée nationale, un arrangement administratif n'équivalent jamais à une répartition des pouvoirs équitablement écrits et inscrits dans la constitution d'un pays.

On appellera cela coquetterie si on veut. La coquetterie a coûté aux familles québécoises, actuellement, $55 millios en revenus et a obligé le gouvernement du Québec à puiser à même ses propres ressources pour subvenir au besoin des familles les plus pauvres au chapitre de l'aide sociale.

Voilà donc, M. le Président, ce que je voudrais marquer comme point dès le départ de cette discussion sur les allocations familiales. On ne me fera plus prendre des vessies pour des lanternes. Le Québec, dans un arrangement administratif, a cédé au gouvernement fédéral, a reconnu, pas cédé, mais reconnu au gouvernement fédéral le droit de déterminer les grandes orientations générales de notre politique sociale en fonction de ses propres priorités, c'est-à-dire celles de la majorité anglaise du pays et il a réservé au Québec un pouvoir d'administration interne des sommes prédéterminées par le gouvernement fédéral. Quant on a fait ce genre de geste, on n'a pas promu la souveraineté du Québec au chapitre de sa politique sociale.

Le Président (M. Massicotte): L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. Forget: J'aimerais conclure, M. le Président, comme Molière: Et voilà pourquoi ma fille est muette On n'a rien prouvé du tout. Même si le député de Saint-Jacques proclame qu'il a découvert des choses nouvelles alors que tout cela est connu depuis deux ans et que cela prouve sa thèse, cela ne prouve absolument rien. Et s'il attend pour arrêter d'en parler que je sois d'accord avec lui, il va attendre longtemps. Je ne serai certainement pas d'accord avec lui sur ce point comme je ne l'ai pas été dans le passé. Il vaut peut-être la peine de continuer ce débat que le député de Saint-Jacques disait ne pas vouloir commencer, mais il est en trop bonne veine pour s'arrêter tout de suite sur le sujet et prendre quelques minutes pour regarder un peu ce qu'il s'est passé avant l'adoption de la loi des allocations familiales en 1973 pour voir s'il est vrai de dire, comme il le fait, que le Québec a abandonné, a cédé des pouvoirs qu'il avait dans le domaine des allocations familiales et qu'à cause de cela les familles québécoises ont été privées, spoliées de $50 millions en 1976.

Je ne veux pas faire toute l'histoire du débat qui s'est déroulé largement entre le Québec et le gouvernement fédéral à partir de 1971, 1972, mais j'imagine que le député de Saint-Jacques n'a pas totalement oublié le projet Munro de l'époque.

Je me demande si, dans la belle théorie qu'il vient de nous échafauder, il peut expliquer pourquoi le projet Munro a été abandonné et pourquoi on a eu un programme d'allocations familiales fédéral qui est ce qu'il est, plutôt que d'être ce qui avait été recommandé en 1971/72. Est-ce qu'il peut expliquer pourquoi, sinon par l'intervention non seulement de toutes les provinces unanimement réunies sur le même sujet, mais particulièrement du Québec?

Mais ce serait probablement remonter trop loin et abuser de la mémoire de tout le monde d'essayer de reprendre l'histoire de ces événements. Il reste qu'à la fin de 1973 une entente est intervenue, une entente où l'on trouve des éléments essentiels et où on trouve des éléments accessoires, pour reprendre la définition et la distinction que je faisais avant le dîner. Les éléments accessoires sont assez nombreux, puisqu'ils sont tous ceux qu'on retrouve dans la réglementation; il y a toutes sortes de règles. Plusieurs mois ou plusieurs semaines après que l'entente comme telle eut été conclue par mon prédécesseur, d'ailleurs, au moment où j'ai assumé les responsabilités des Affaires sooiales, ces éléments n'étaient pas encore finalisés. Je crois que la distinction entre l'accord dans ses éléments fondamentaux qui sont inscrits dans la loi fédérale et qui sont, dans une large mesure aussi, pour notre part, inscrits dans la loi provinciale, apparaît très nettement quand on se rend compte que, dans le temps, ces questions ont été réglées à deux moments différents.

Il y a eu le moment où on s'est entretenu de la relation générale qui devait exister entre les deux régimes, le fédéral et le provincial, et l'autre moment, celui où je suis intervenu dans le dossier à cause des événements qu'on sait, à la fin de 1973, où il restait à déterminer les éléments accessoires qui se retrouveraient éventuellement largement dans la réglementation à un palier de gouvernement ou à l'autre. Parmi ces éléments, je m'en souviens très nettement, il y avait la question de l'indexation, de l'augmentation des prestations d'allocations familiales, soit au Québec, soit au fédéral, puisque cette question de l'indexation n'avait pas fait l'objet, comme telle, des discussions, des négociations entre les niveaux de gouvernement.

On s'était attaché, comme c'est normal, à définir les caractéristiques en quelque sorte permanentes du régime et leur interrelation en supposant que l'indexation ou les modifications éventuelles à apporter au niveau des prestations d'allocations familiales, cela viendrait en temps et lieu et cela découlerait de la nature générale de l'arrangement.

Mais l'entente — on parle d'une entente mais il n'y a pas, je le répète encore une fois, un texte écrit, une espèce de contrat écrit — telle qu'on la retrouve dans les procès-verbaux et l'échange de correspondance, laissait sous silence, dans ses éléments essentiels, cette question d'indexation.

Il est évident qu'il y a un problème de technique législative et de technique réglementaire qu'il est impossible de régler autrement qu'il ne l'a été. En effet, si l'on suppose, un instant, que le gouvernement fédéral, dans ce schéma général de relations entre les deux régimes, détermine le montant, le quantum total qu'il est prêt à accorder sous forme d'allocations familiales, et si on suppose, par ailleurs, que ce montant total peut être indexé, peut être modifié, et si, d'autre part, il revient au gouvernement des provinces de déterminer la répartition de cette somme, la façon dont elle est versée aux enfants qui sont du 1er, 2e, 3e ou 4e rang, il faut finalement en arriver à faire dépendre, en quelque sorte, la définition précise, en termes de dollars et de cents, en une année particulière des règles d'indexation qui sont déterminées dans l'autre loi.

Mais il ne s'agit pas là d'une relation de dépendance d'une loi par rapport à une autre. Il s'agit simplement de l'implication, de la conséquence inévitable du fait que le total est fixé par Ottawa, que sa distribution est fixée par Québec. Mais on ne peut pas fixer la distribution de dollars abstraits, de dollars constants. Ce sont les dollars de l'année, ce sont les dollars indexés que l'on détermine, d'où la nécessité de retrouver, dans la réglementation provinciale, les montants précis qui correspondent à la décision provinciale, qui, elle, est unilatérale, de distribuer ce total qui croît d'année en année.

C'est là une question peut-être fort complexe et fort compliquée mais qui ne change pas la nature de l'entente fondamentale, qui ne change pas la vérité des affirmations qui ont été faites et qui continuent d'être vraies.

Sur un plan plus général, M. le Président, je pense qu'il y a entre le député de Saint-Jacques et moi-même quelque chose de beaucoup plus fondamental que ce que je viens de décrire comme divergence. Il a fait état de son intérêt manifeste pour la question constitutionnelle et s'est étonné qu'on ait employé le mot coquetterie pour définir ces préoccupations.

Il y a là tout un ordre de priorités, et l'ordre de priorités qui était le nôtre en 1973, c'était de dire qu'il y avait la possibilité immédiate pour janvier 1974 d'accorder une augmentation très substantielle aux familles québécoises, au titre des allocations familiales. Est-ce que cette possibilité, l'actualisation de cette possibilité va prendre la première place et que de façon subsidiaire, sans abandonner les prétentions que nous avons toujours formulées sur le plan de la répartition du pouvoir, cet autre dossier constitutionnel, nous allons le poursuivre à un autre moment, par d'autres moyens? Cela était notre position en 1973, cela demeure notre position aujourd'hui.

L'attitude que nous suggère le député de Saint-Jacques est le contraire, totalement opposée à celle que nous avons adoptée. Réglons d'abord ou ne réglons pas du tout le problème constitutionnel et attendons, dans un avenir incertain qui ne viendra peut-être jamais, que les Québécois et les Québécoises qui ont des enfants bénéficient de ces sommes. C'est très facile de parler de prio-

rité abstraite, mais est-ce qu'en 1974, si l'option du Parti québécois avait été retenue, est-ce qu'en 1974 les allocations familiales auraient été accrues dans la même proportion? Ce n'est pas une pénalisation de $50 millions, cette année, dont il faut parler, c'est un accroissement de $350 millions par année depuis 1974. Et cela c'est une question de priorité. Nous avons placé en premier lieu la possibilité d'obtenir cet accroissement pour les familles du Québec; il aurait préféré que l'on diffère dans un avenir lointain et indéfini cette possibilité pour privilégier des discussions sur la distribution des pouvoirs. On ne serait pas plus avancé, j'ai de fortes raisons de le croire aujourd'hui, que nous ne le sommes actuellement. Rien dans la conjoncture de l'époque ne pouvait nous laisser croire qu'il serait possible de déboucher sur un règlement rapide de cette question, et c'est une pénalisation considérable des familles du Québec que le député de Saint-Jacques nous invite à privilégier.

Et c'est un peu diricule et c'est même presque hypocrite de prétendre que parce qu'il n'y a pas eu d'indexation, cette année, nous avons pénalisé les-familles de $50 millions, ce qui est à peu près le montant de l'indexation des pensions fédérales. Mais seulement parler de $50 millions, c'est qu'on admet que la base que l'on aurait indexée est de l'ordre de $500 millions. Or, on sait très bien par quoi se chiffraient les allocations familiales fédérales avant 1974.

Elles se chiffraient au tiers de cette somme. Si l'indexation ne s'était pas faite dans l'ancien système, c'était au plus $114 millions que l'indexation aurait fait perdre aux familles. Si on a perdu $50 millions, et c'est vrai, nous le déplorons, ce n'est pas une décision qui est la nôtre, mais ce ne sont pas nos ressources fiscales. Cela indique très clairement la masse sur laquelle s'applique l'indexation. C'est une question de priorité, et les priorités nous les avons indiquées très clairement par les choix que nous avons posés. Ce n'est pas en nous parlant maintenant d'une perte de $50 millions qu'on nous impressionnera quand on nous suggère de perdre par ailleurs $350 millions par année en attendant qu'on ait fini de parler.

M. Charron: M. le Président...

M. Bonnier: M. le Président, j'ai demandé la parole tout à l'heure.

M. Charron: Je voudrais intervenir immédiatement. J'ai eu la bonne grâce d'écouter le député de Taschereau.

M. Bonnier: Je m'excuse, mais j'ai demandé la parole même avant que le ministre parle. Je m'excuse, mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'un débat entre deux personnes. Je crois que nous sommes tous membres de cette commission-ci et nous avons droit de parole.

M. Charron: J'aimerais beaucoup qu'il réponde et entendre ensuite les arguments du député de Taschereau.

Le Président (M. Cornellier): Je reconnais les commentaires et les remarques du député de Taschereau. J'ai été absent pendant quelques minutes et avant mon absence, j'avais indiqué au député de Taschereau que je le reconnaîtrais un peu plus tard. Mais étant donné que la discussion, le débat est déjà engagé sur une question qu'avait soulevée le député de Saint-Jacques, je croyais qu'on pouvait continuer le débat...

M. Bonnier: C'est sur la même question.

Le Président: M. Cornellier):... et remettre par la suite la parole au député de Taschereau et au député de Sainte-Marie qui, lui aussi, m'a demandé la parole. Je permets actuellement au député de Saint-Jacques de poursuivre brièvement, de façon à ne pas priver les autres membres de la commission de leur droit de parole.

M. Charron: Je le ferai brièvement, M. le Président, parce que les derniers arguments du ministre des Affaires sociales n'invitent certainement pas à aller plus loin dans le chemin qu'il s'apprête à emprunter pour défendre le régime qui, manifestement, n'a pas conduit au résultat que peut-être il escomptait sincèrement en 1973. Tant qu'il s'efforcera de façon aussi soumise à défendre un régime que manifestement il aurait fort mauvaise grâce à reconnaître, ou alors il devait le reconnaître immédiatement... si la décision unilatérale du gouvernement fédéral du 18 décembre dernier ne lui est pas apparue comme grave, qu'elle est simplement un accident de parcours et que le régime lui apparaît fort bon, aussi bien connaître immédiatement son intention et ne pas poursuivre le débat. J'espérais d'un ministre du gouvernement québécois un peu plus de résistance et un peu plus de consistance dans une position qu'il nous avait pourtant affirmée comme étant celle de l'avenir des Québécois.

M. le Président, je voudrais simplement ajouter, suite aux remarques que vient de faire le ministre des Affaires sociales, nous invitant au début de ses remarques à remonter au projet Munro qui a été abandonné et nous demandant: ce que le député de Saint-Jacques nous dirait aujourd'hui si c'était le projet Munro qui avait été adopté contrairement à celui auquel nous sommes arrivés, que voilà justement des exemples de ce que j'ai appelé tantôt la tentation facile de présenter comme victoire du Québec, tout ce qui s'appelle résistance à l'empiètement fédéral. On en est rendu, de l'autre côté de la table, M. le Président, dans ce gouvernement, à se réjouir d'à peu près toutes les réticences fédérales qui peuvent exister à un moment donné devant une opposition québécoise un tant soit peu organisée.

Je ne vous parle pas du plan Munro et je ne réclame pas l'application du plan Munro et du projet Munro, tel qu'il était en 1971 ou 1972. Je vous dis seulement que, quand vous présentiez, en 1973, le régime des allocations familiales comme un acquis équivalant à un gain constitutionnel du Québec qui aurait signifié sa souveraineté dans le

domaine des allocations familiales, ou vous vous trompiez, et vous pouvez forcément le reconnaître ce soir, ou vous nous trompiez et, à ce moment-là, c'est à nous de vous le dire maintenant.

Mais il n'y a certainement pas d'équivalent entre une société qui décide elle-même de sa politique familiale et une société qui doit attendre après le consentement d'une autre et les volontés qu'une autre veut y mettre dans les sommes qui sont à l'origine des allocations familiales. M. le Président, s'il est exact que tout ce que vient de raconter le ministre s'est passé, une chose est claire, c'est que le ministre aurait pu, dans un cas où le partage des pouvoirs était aussi peu sûr, s'abstenir de courir vendre le régime et le propa-dandiser comme il l'a fait dans le communiqué du 18 novembre dernier.

Est-ce que je peux espérer que la leçon tirée de cette décision unilatérale, qui a été communiquée à votre sous-ministre le 18 décembre dernier, vous apportera au moins la sagesse, comme ministre d'un gouvernement québécois, de ne pas immédiatement vous lancer dans une propagande un mois à l'avance pour vous faire du capital de quelque ordre que ce soit et surtout pour leurrer les Québécois sur les sommes exactes qui vont leur revenir, avant d'en être sûr.

Vous le savez, maintenant; vous êtes membre d'un gouvernement dépendant. Avant d'annoncer quoi que ce soit, assurez-vous donc que le gouvernement patron est d'accord avec vous. Sinon, c'est véritablement manquer de respect à l'égard de tous les Québécois et de tous ceux qui, élus par les Québécois, ont voté à l'unanimité une loi que vous leur avez présentée comme étant l'équivalent de la souveraineté en matière d'allocations familiales pour les Québécois. C'est vraiment non seulement leur manquer de respect, mais les tromper.

Des communiqués qui n'ont aucune suite, qui portent eux-mêmes des mensonges, n'en faites plus. Vous l'avez vous-même reconnu, car ce communiqué portait l'estimation que le régime d'allocations familiales prévoyait l'ajustement annuel. Vous avez multiplié les entourloupettes depuis le début de cette discussion pour nous dire que ce n'est pas vrai, que le régime ne prévoit pas les indexations. Bien, ne le dites pas. Ne le dites pas quand ce n'est pas vrai.

Vous vous êtes manifesté, au cours de ce communiqué et tout au long du débat, comme un véritable membre de ce gouvernement à part entière, c'est-à-dire prêt, plus que prêt, disponible et soucieux de se soumettre à tout ce qui revient du gouvernement central, à défendre dans quelque occasion que ce soit, même quand ils ne sont pas sûrs, même quand ils doivent être démentis quelques jours par la suite, les rapports fédéraux-provinciaux bénéfiques à l'ensemble des Québécois.

La prochaine fois, pourrez-vous tirer au moins vous-même conclusion de ce débat, surtout en pensant aux sommes que les Québécois n'ont pas reçues. J'y reviens encore, parce que ce sont effectivement des sommes que vous-même, le 18 novembre, leur annonciez comme étant les leurs et qu'ils n'ont jamais reçues. Puissiez-vous au moins avoir la décence à l'égard de l'ensemble des Québécois de ne pas annoncer des choses dont vous n'êtes pas sûr.

Si, dans des domaines que vous contrôlez, vous pouvez l'annoncer, faites-le. Mais, dans un domaine où vous avez vous-même accepté une entente qui vous soumet à des décisions fédérales, pour fins de propagande ou autres, ne prenez pas l'avance avant le temps. Ce n'est pas simplement pour votre image que je le dis, vous en êtes responsable vous-même; je le dis pour l'intérêt des Québécois. Tous ceux qui nous ont élus ici espèrent avoir un gouvernement responsable qui ne leur annonce pas des mirages dans le domaine social, comme il leur en annonce quotidiennement dans le domaine économique. Vous le savez que vous êtes dépendant, vous le savez que, du jour au lendemain, vous pouvez recevoir un appel du sous-ministre fédéral qui vous dit qu'il ne fournira pas l'indexation.

Vous le savez que vous serez obligé de demander au cabinet d'adopter un arrêté en conseil pour modifier votre propre réglementation d'une loi de l'Assemblée nationale! Vous le savez que vous devrez trouver des montants supplémentaires pour subvenir, aux familles, une aide sociale dans des cas de décision unilatérale fédérale, comme celles qui vous a...

Puisse la leçon vous servir! Et puissiez-vous, maintenant, lorsque vous interviendrez un peu hautainement à l'Assemblée pour dire que tout cela n'est que coquetterie, vous apercevoir que lorsque vous annoncez à des gens qu'ils recevront des sommes qui sont un soutien de revenu familial et qu'ils ne les recevront pas, pour eux, ce ne sont pas des coquetteries. Pour eux, c'est un soutien d'apport.

Quand vous annonciez que les allocations familiales payables au Québec, à partir du 1er janvier 1976, seraient, pour des enfants de 0 à 11 ans, $18.41, $27.01, $42.66 et $47.66, vous saviez que ce n'était pas la vérité. Attendez donc; vous faites uniquement partie d'une succursale, vous le savez et vous l'avez accepté. Vous vendez vous-même le régime pour être dans cette succursale. Contentez-vous de votre "job" et laissez le patron décider.

Quand le patron vous aura avisé, puisque vous n'avez même pas requis d'être consulté dans l'entente, quand le patron vous avisera de ce qu'il est disposé à donner aux Québécois, vous pourrez, si vous le voulez, multiplier les feuilles d'érable et les fleurs de lys, et vous en émettrez des communiqués. Mais, tant que vous n'êtes pas souverain et tant que vous n'êtes qu'un estampilleur des décisions fédérales, contentez-vous de votre rang.

Cela nous évitera ce genre de débat qui à l'heur de vous déplaire ce soir, mais c'est obligatoire de le faire. Vous avez souvent annoncé des décisions que vous avez, par la suite, été obligé de changer, après avoir dénoncé, du bout des lèvres, à l'Assemblée, une décision comme celle conte-

nue dans le budget fédéral de M. Turner, l'année dernière.

Vous regrettiez! C'était bien dommage! Mon Dieu, comment cela se fait-il que nous n'avons pas été consultés! Mais, n'empêche que la décision fédérale de ne plus augmenter sa participation au régime d'assurance-maladie, vous le savez, vous obligeait à des décisions comme celle des compressions budgétaires, auxquelles vous avez soumis les centres hospitaliers québécois.

Terminons là, pour ma part. Je ne veux pas empêcher le député de Taschereau d'intervenir sur ce sujet. Mais par cet exemple qui s'est joué sur le dos des familles québécoises, vous-mêmes membres d'un parti politique qui a fait de la famille le thème de ses congrès, puissiez-vous savoir que vous n'êtes pas souverains dans la politique familiale québécoise, loin de là, que les priorités appartiennent à un autre gouvernement. C'est lui qui décide des grandes lignes, c'est lui qui décide des grandes orientations de la politique sociale. Vous, vous aménagez à l'intérieur. Vous vous êtes contentés d'avoir le rôle de distribuer les sommes, de les répartir. Vous n'avez pas voulu avoir mot, m'avez-vous dit tantôt. Je croyais vous avoir mal interprété dans votre discours de 1973. Vous n'avez pas souveraineté sur la somme que le gouvernement fédéral dépense sur le territoire québécois. Vous n'avez droit qu'à l'aménager entre les classes d'âge et les rangs des enfants, contentez-vous donc de votre rang. Ne venez pas présenter aux Québécois le gain de 1973 comme étant un gain de souveraineté. Vous êtes soumis, vous êtes dépendants et nous vous reconnaissons comme tels.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Taschereau.

M. Bonnier: Ce pourquoi je voulais intervenir, je ne sais pas si le débat est terminé, cela ne servirait à rien, mais je dois admettre...

M. Charron: Le débat n'est pas terminé.

M. Bonnier: ... que j'ai beaucoup de difficulté à suivre le député de Saint-Jacques dans ses propos. Ce pourquoi j'ai pensé intervenir, c'est parce qu'il ne faudrait quand même pas laisser l'impression que ces arrangements de 1973, qui ont été discutés par l'ex-ministre des Affaires sociales, sur lesquels nous sommes tout à fait d'accord, puisque nous avons voté la première loi du Parlement qui a été élu en 1973 exactement sur ce sujet...

Mais, ce pourquoi j'ai de la difficulté à suivre le député de Saint-Jacques, c'est que lors de son intervention première, il a beaucoup insisté sur l'importance d'un revenu familial garanti. Je pense que, comme moi et comme d'autres, il l'espère et le plus tôt possible. Ce que j'ai de la difficulté à concevoir, cependant, dans son argumentation, c'est qu'il ne semble pas se rendre compte que les arrangements qui ont été faits sont exactement dans cette ligne.

C'est une étape absolument essentielle en vue d'un plan d'ensemble de sécurité du revenu et plus particulièrement du revenu minimum garanti, en ce sens qu'il permet au Québec d'utiliser des sommes à sa façon. Ces sommes, contrairement à ce que dénonce le député de Saint-Jacques, comportent un montant important que j'appellerais un montant principal, et il y avait de prévus des accords administratifs qui faisaient que ce montant serait indexé.

Je pense que le ministre a bien fait ressortir dans sa dernière argumentation qu'il fallait établir une distinction entre ces deux montants. Je ne pense pas que le député de Saint-Jacques serait prêt ce soir à dire: Vous savez, cet accord, on n'en veut plus. Au contraire, je pense que, s'il examine vraiment le processus de développement d'une politique sociale de sécurité du revenu, il se rendra très bien compte que cet accord de 1973 était une étape essentielle à l'établissement de ce programme.

Il y avait peut-être des ajouts administratifs, comme la question d'indexer, mais indexer un montant principal comme celui-là n'est pas l'indexer ou non, n'est pas enlever la valeur même de ce montant, ni des objectifs qui sont poursuivis dans cette politique. C'est là que j'ai de la difficulté à suivre le député de Saint-Jacques. D'abord dans sa pensée d'objectifs sociaux, sa structure sociale. Il prône quelque chose d'un côté, mais d'autre part il semble regretter l'établissement de cette étape essentielle, en vue d'atteindre ses objectifs.

Deuxièmement, il y a ce manque de distinction entre un montant principal et ce qu'on y avait ajouté d'une façon temporaire, on le sait. Je suis d'accord avec lui cependant qu'il faut regretter ce geste; c'est bien sûr, c'est de l'argent de moins dans nos poches. Mais cela ne veut pas dire que l'entente principale n'est pas extrêmement valable en soi et nécessaire à rétablissement d'une politique sociale cohérente au Québec.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Malépart: M. le Président, j'ai des questions concernant le régime de rentes. Dernièrement, j'ai vécu...

M. Charron: M. le Président, je m'excuse auprès du député de Sainte-Marie. Je voudrais terminer les allocations familiales; nous aborderons immédiatement après le régime de rentes et je serai tout heureux de l'entendre participer au débat.

M. Malépart: D'accord.

M. Forget: Sur le même élément, nous sommes d'accord.

M. Charron: C'est le même élément du programme.

M. Forget: C'est la suie occasion où on voit la Régie des rentes ici puisqu'après c'est la...

M. Charron: Pouvons-nous terminer les allo-

cations familiales et enchaîner tout de suite avec le régime de rentes?

Le Présidet: (M. Cornellier) Avec l'accord du député de Sainte-Marie, je donne la parole au député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, le geste du gouvernement central qui a occupé notre débat depuis que vous avez appelé cet élément du programme a conduit le ministre des Affaires sociales à introduire dans la réglementation de l'aide sociale un article qui visait dans ses objectifs à épargner aux familles à plus faible revenu, c'est-à-dire celles qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, la perte de l'indexation des allocations familiales suite à la décision centrale.

L'article se lisait comme suit, M. le Président, le député de Sainte-Marie en a certainement eu connaissance. L'article 10.05 disait: Pour les mois de janvier, février et mars 1976 seulement, les besoins ordinaires d'une famille sont majorés du montant qui suit, selon le cas, pour tout enfant à charge de moins de 18 ans; premier enfant: $l, deuxième enfant: $2, troisième enfant: $3, le quatrième enfant et plus: $4.

Le présent règlement entrait en vigueur le premier janvier 1976. Or, M. le Président, c'est le premier avril, aujourd'hui; l'article 10.05 est donc, dans sa portée, expiré. Effectivement, pour les trois mois qui viennent de s'écouler, il faut compenser la décision unilatérale fédérale de ne pas indexer les allocations familiales. Ces familles ont obtenu les montants, ont connu, de plus, les montants qui leur sont accordés ici.

Qu'advient-il pour avril, mai, juin et le reste de l'année 1976?

M. Forget: Le même régime va continuer à s'appliquer, M. le Président.

M. Charron: II y aurait donc une modification à la réglementation de l'aide sociale?

M. Forget: Exactement.

M. Charron: Modification déjà adoptée par arrêté en conseil?

M. Forget: Bien, c'est ce que j'essayais de déterminer si elle est déjà adoptée ou non mais, de toute manière, elle sera effective en avril et pour les mois subséquents.

M. Charron: Mais comme la plupart des bénéficiaires de l'aide sociale reçoivent leur chèque aux alentours du 5, donc lundi de la semaine prochaine, pouvez-nous nous assurer que ce sera fait dans le chèque du 5?

M. Forget: Oui, effectivement, c'est maintenu dans le chèque du 5.

M. Charron: La décision que vous avez prise pour avril est-elle prise pour plus longtemps encore? Pour toute l'année 1976?

M. Forget: Effectivement, comme je viens de l'indiquer tantôt, c'est une décision; nous nous sommes donné, lors de l'adoption de cet arrêté en conseil ou, enfin, de cette modification aux règlements de l'aide sociale, le 19 ou le 20 décembre, une période de trois mois pour examiner si oui ou non nous devrions continuer selon la même formule. C'est ce que nous sommes en mesure de faire maintenant.

M. Charron: Donc, si je m'y retrouvais, l'article 10.05 se lirait ainsi; plutôt que de dire "pour les mois de janvier, février et mars 1976 seulement", on y lirait "pour l'année 1976"?

M. Forget: Oui, effectivement, ou quelque chose ayant le même effet.

M. Charron: Donc, la décision a été prise de maintenir ce rajout à l'allocation d'aide sociale déjà prévue, pour toute l'année 1976.

Avant d'abandonner ce sujet, M. le Président — puisque le ministre a été obligé de modifier le règlement de l'aide sociale par deux fois, suite à la décision du gouvernement fédéral — j'aimerais savoir du ministre de quelle manière il a fait connaître au gouvernement central son mécontentement à l'effet que le gouvernement d'Ottawa ait procédé de façon unilatérale dans le refus d'indexer, pour l'année 1976, les allocations familiales. Y a-t-il eu correspondance entre le ministre des Affaires sociales du Québec et le ministre de la Santé nationale et du Bien-Etre à Ottawa? Peut-il déposer cette correspondance?

M. Forget: C'est le même canal de communications qui a été utilisé, auquel j'ai déjà fait allusion. C'est-à-dire, ce sont des communications verbales.

M. Charron: Uniquement? M. Forget: Uniquement.

M. Charron: Au cours de ces communications verbales où, j'espère, vous avez fait connaître, de façon plus ferme que vous ne l'avez fait au cours des travaux de cette commission, votre mécontentement quant à la façon unilatérale de procéder du gouvernement central, avez-vous reçu l'assurance du gouvernement fédéral qu'il ne s'agirait que d'un refus d'indexer, donc d'une modification au régime des allocations familiales qui ne s'appliquerait que pour l'année 1976 et qu'en 1977 l'indexation que vous annonciez serait incluse au régime d'allocations?

M. Forget: Je dois faire deux mises au point à ce sujet. Je crois que l'hypothèse qui alimente le raisonnement du député est légèrement faussée. Nous reconnaissons — et c'est le sens de mes remarques de tantôt — au gouvernement fédéral qu'il s'agit là d'un pouvoir qu'il a d'indexer ou de ne pas indexer ses allocations. Ceci vaut pour les allocations familiales comme pour les autres ver-

sements qu'il fait. Encore une fois, cette disposition d'indexation est une décision qui a été prise subséquemment à la décision de fond sur la relation devant exister entre les deux régimes et entre les deux ordres de gouvernement relativement aux allocations familiales. On sait par ailleurs, et c'est la deuxième mise au point, que la décision qui a été prise relativement aux allocations familiales l'a été dans le contexte d'un programme de lutte à l'inflation dont le public et les électeurs auront à juger vis-à-vis de chacun des ordres de gouvernement impliqués.

Il y a un certain nombre de décisions qui relèvent de nous, c'est-à-dire du Québec, que nous prenons et pour lesquelles nous n'envisageons pas de prendre des avis ou de faire des consultations avec le gouvernement fédéral même dans le cadre du régime d'allocations familiales. Il en est de même pour les autres sujets qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral.

Encore une fois, l'entente n'était pas une entente du type où chaque décision doit faire l'objet d'une consultation. Il y a des décisions qui appartiennent à un gouvernement et d'autres décisions qui appartiennent à l'autre. Il est clair que, face aux décisions d'un gouvernement, l'autre est susceptible ou peut, de toute manière, prendre les décisions qui lui paraissent appropriées. C'est la situation qu'il paraît approprié de maintenir pour l'avenir, du moins tant que le régime actuel des allocations familiales et de leur division entre les deux niveaux de gouvernement sera maintenu. Nous ne voyons pas d'intérêt et nous ne recherchons pas d'engagement de la part du gouvernement fédéral vis-à-vis de l'indexation future de ses allocations. C'est une dépense qu'il lui appartient de faire. Ce que l'arrangement administratif nous permet de faire, c'est, étant donné les sommes qu'il détermine, en effectuer la répartition.

Nous savons que les sommes sont à leur niveau actuel et nous n'avons aucune raison, évidemment, de mettre en doute que... Si le régime est modifié, bien sûr, il ne reste rien à répartir, mais, dans le cadre actuel du régime, nous sommes satisfaits de cette distribution des pouvoirs de décision de part et d'autre.

Donc, la question qui est posée porte un peu à faux, en ce sens que nous avons signifié verbalement qu'il nous semblait une priorité étrange, que nous n'aurions pas nous-mêmes prise, de ne pas indexer les allocations familiales dans une période d'inflation. Mais il n'a jamais fait de doute, dans notre esprit, que c'était une décision fédérale qui pouvait être prise par Ottawa sans consultation.

Bien sûr, comme le montant moyen donné par enfant, dans toutes les provinces, n'était pas indexé, les sommes que nous devons attribuer de façon précise en termes de dollars et de cents au premier enfant, au deuxième, au troisième, au quatrième et à ceux de rang subséquent, il a fallu les modifier en conséquence, mais il n'y a pas moyen de distribuer des sommes entre des enfants, dans une famille, en fonction de l'ordre qu'ils occupent dans la famille, sans, bien sûr, préciser les montants. C'est une question de concordance, ce n'est rien d'autre. C'est une décision fédérale et nous ne nous attendons pas que le gouvernement fédéral, sur ce point, prenne des engagements envers le Québec ou envers quelque autre province que ce soit.

M. Charron: M. le Président, dans son communiqué du 18 novembre 1975 que, j'espère, nous ne verrons plus jamais se répéter, à moins qu'il n'en soit sûr, le ministre des Affaires sociales annonçait qu'à compter du 1er janvier 1976, pour les enfants de 0 à 11 ans, par exemple, de premier rang dans la famille, le montant serait de $18.41. Il présumait là-dessus de ses propres forces. Il n'avait pas respecté le pouvoir du fédéral de changer de décision. Le montant réel est de $16.93. Il annonçait, pour le deuxième enfant, $27.01 ; le montant réel est de $24.78. Il annonçait, pour le troisième enfant, $42.66; le montant réel est de $39.08. Pour le quatrième, on annonçait $47.57; il n'est que de $43.52. Le régime québécois, lui, n'a pas subi de modification: premier enfant, $3.68; deuxième, $4.91 ; troisième, $6.14; quatrième, $7.36. Est-ce que le ministre peut tout de suite nous annoncer, au début de cette année fiscale, que le montant québécois — je ne l'invite pas à se prononcer sur l'autre, il en est incapable — sera indexé au 1er janvier 1977?

M. Forget: Je crois que l'indexation est déterminée dans la loi pour ce qui est du régime québécois, contrairement au régime fédéral. Donc, à moins d'un amendement législatif dont le député de Saint-Jacques sera saisi s'il y a lieu, il n'y aura pas de modification dans les règles et l'indexation aura lieu en janvier 1977.

C'est automatique, il n'y a pas de décision requise pour cela. La seule décision, si on peut appeler cela une décision, se prend après la fin d'octobre, lorsque l'indice des rentes est déterminé et que l'on sait quel est le taux d'indexation qui doit s'appliquer à ce régime et aux autres régimes auxquels le Québec applique l'indexation puisque, dans tous les régimes, maintenant, je crois, sauf exception qui m'échappe, c'est l'indice des rentes qui sert à l'indexation.

M. Charron: Je posais cette question, M. le Président, parce que pour l'année en cours, celle qui a débuté le 1er janvier, l'année dernière, lors de la discussion des crédits, j'avais posé la même question que je viens de poser, et on me disait qu'à cause précisément de l'article de la loi auquel se réfère le ministre des Affaires sociales lui-même, on avait prévu que l'indexation connue le 1er janvier 1976 serait de l'ordre de 8%. Elle a été, en fait, de 11,2%. Je voudrais savoir quelle est celle que vous prévoyez. Nous connaîtrons bien la réelle, à un moment ou à un autre, mais si vous en prévoyez une, quelle somme des $108 776 000 que nous nous apprêtons à voter est uniquement due non pas à l'arrivée de nouveaux enfants comme bénéficiaires de l'allocation familiale, mais bien simplement comme indexation de ceux qui s'y trouvent déjà?

M. Forget: On me dit que le montant d'ac-

croissement des crédits à ce poste reflète pratiquement en entier l'effet de l'indexation puisque la population des jeunes, des enfants qui bénéficient des allocations est à peu près stable.

M. Charron: Ah! bon. Alors le fait que l'on part de $102 millions à $108 millions est à peu près uniquement dû au fait que vous avez trois mois d'indexation à payer sur ce budget, $6 millions, donc ce serait 6%?

M. Forget: L'indexation pour cette année.

M. Charron: Ah! oui, c'est vrai, les neuf mois qui comptent les 11,2%. Mais ce que je veux savoir, c'est que dans les calculs — je ne sais pas si c'est actuariel ou simplement mathématique — vous vous êtes fixés à 8% encore pour l'année prochaine. Donc il y a dans cette somme les 11,2% à absorber pendant neuf mois, et un 8% calculé sur les trois premiers mois de 1977?

Le ministre vient de faire état, M. le Président, dans sa réponse, du fait que l'on ne prévoit pas beaucoup plus de nouveaux bénéficiaires des allocations familiales, de nouveaux enfants arrivés dans les catégories de zéro an au cours de l'année 1976. Etant donné qu'il y en a un grand nombre, à l'autre bout de l'échelle, qui atteignent 18 ans, et deviennent des électeurs québécois, je voudrais demander ceci au ministre des Affaires sociales. Moi j'ai des chiffres et je voudrais simplement profiter de la présence de M. Fortier pour les vérifier. Les chiffres de 1974 nous disaient que le nombre moyen d'enfants par famille au Québec était de 2.166, qu'en 1975 il était de 2,082, et qu'en 1976 — la chute continue avec toutes les implications évoquées — 2,023.

M. Forget: Vous avez des chiffres, vous, pour le nombre moyen d'enfants pour toute la famille, mais moi, malheureusement, j'ai des chiffres pour le nombre moyen d'enfants par famille, mais qui sont admissibles aux allocations familiales. Mais ces chiffres peuvent se recouper. Par exemple, pour l'année 1973/74 la moyenne était de 2,19, 1974/75, 2,15 et en décembre 1975, à la fin de décembre c'était 2,10, alors...

M. Charron: Voulez-vous répéter le dernier? M. Forget: 2,10. M. Charron: 2,10.

M. Forget: 2,10.

Evidemment, depuis l'année 1973, le nombre moyen d'enfants par famille a diminué. Il est parti de 2,19 et il est à 2,10.

M. Charron: Est-ce que les prévisions démographiques font dire que nous arriverons sous le 2 au cours des prochaines années?

M. Forget: II y a une légère augmentation en 1975.

M. Charron: Une légère augmentation des taux de naissances?

M. Forget: Oui, 0,1. On cite les statistiques sur le nombre de naissances. D'ailleurs, c'est un chiffre qui a été publié puisque les données démographiques ont été publiées, je crois, vers l'été dernier, montrant qu'en 1974 — parce que les données en 1975 ne sont pas complètes — il y a eu une légère hausse du taux de natalité, ce qui devrait se refléter évidemment ou compenser en quelque mesure. Evidemment, il y a ceux qui quittent et ceux qui arrivent.

M. Charron: Ils sont plus nombreux, oui. Est-ce que les statistiques pour 1975 sont déjà connues?

M. Forget: Non, pour le régime des allocations familiales, l'année se termine le 31 mars. Alors, nous allons produire notre rapport annuel dans un mois ou un mois et demi. Les dernières statistiques que j'ai ici sont de décembre 1975 et il y avait à ce moment 930 000 familles et 1 952 000 enfants. Le nombre de familles augmente donc.

M. Charron: A quelle date dites-vous?

M. Forget: En décembre 1975, il y avait 930 939 familles et il y avait 1 952 000 enfants tandis que, l'année précédente, il y avait 915 000 familles et 1 962 000 enfants. Donc, le nombre de familles augmente et le nombre des enfants diminue.

M. Charron: C'est donc dire que des couples se forment sans nécessairement procréer. Il y a 1 952 000 jeunes Québécois bénéficiaires des allocations familiales.

M. Forget: C'est cela.

M. Charron: M. le Président, au chapitre des allocations familiales, j'ai terminé.

Le Président (M. Cornellier): Je donnerai maintenant la parole à l'honorable député de Sainte-Marie.

Régime de rentes

M. Malépart: M. le Président, concernant le régime de rentes, d'abord, je ne sais pas si on prévoit des amendements au régime de rentes cette année. Il y en aurait deux que j'aimerais voir si c'est possible. Tout d'abord, il y a plusieurs personnes qui se plaignent qu'après la réception des chèques du régime de rentes ou de rentes d'invalidité qu'il y a des erreurs administratives qui sont faites à l'endroit des bénéficiaires. J'ai un cas en particulier d'un montant de $3 700. Automatiquement, à la suite de la découverte de l'erreur dont le bénéficiaire n'était d'aucune façon responsable parce qu'à chaque fois on lui envoyait un avis que son allocation était augmentée et il n'allait pas

contester car cela venait de la Régie des rentes, on lui a coupé tous ses revenus pour lui faire rembourser les $3 700. Cela veut dire qu'il sera trois ans sans aucune allocation. En plus de cela on lui dit qu'il a payé de l'impôt pour les années passées là-dessus et que dans son prochain rapport il n'aura qu'à réclamer, mais automatiquement, n'ayant pas de revenu, il ne pourra réclamer aucun montant d'impôt. On m'informe qu'au fédéral, au niveau des pensions de vieillesse, le gouvernement ne réclame pas ces montants lorsqu'il y a des erreurs? Est-ce que vous prévoyez faire la même chose?

M. Forget: D'abord, au sujet de ce cas dont je suis familier, je dois dire que c'est contraire à notre pratique administrative de couper comme cela a été fait dans ce cas. Evidemment, lorsqu'il s'agit d'une erreur administrative comme celle-là, ce n'est pas la politique de la régie de couper entièrement la prestation. Je dois dire que cela a été corrigé effectivement. Dans ces cas, ce que nous faisons, c'est que nous étudions généralement la situation économique de la personne et, la plupart du temps, nous trouvons un arrangement qui est satisfaisant pour elle.

On peut lui permettre de remettre ce montant sans que ce soit une charge financière trop lourde. Dans les cas où il y a évidemment impossibilité de paiement, nous avons le pouvoir de remettre la dette, et nous l'avons fait dans certains cas.

M. Malépart: Dans un cas comme cela, même si on diminue le remboursement, on va en avoir pour cinq ans à...

M. Forget: Ecoutez, il y en a qui ne nous rembourseront peut-être jamais. Cette personne a 65 ans, si on lui demande de nous rembourser $10 ou $20 par mois, cela équivaut quasiment à une remise de dette.

La politique est de prendre en considération... Evidemment, il y a eu une erreur administrative, c'est bien sûr que c'est notre faute, c'est malencontreux que cela se soit produit, mais il reste quand même un fait, c'est que la personne a reçu des montants qui ne lui étaient pas dus et, d'après la loi, les montants sont remboursables. Mais on ne prend pas une attitude aussi légaliste que cela. On étudie généralement chaque cas en particulier. D'une façon générale, on trouve un arrangement qui est satisfaisant pour tout le monde.

M. Malépart: D'accord. Comme deuxième point, concernant la rétroactivité pour la rente de retraite pour les gens entre 65 et 70 ans, souvent des gens manquent d'information, sur le moment où ils ont droit à la rente puis ils attendent six mois, un an, deux ans, que quelqu'un les informe qu'ils y ont droit. Automatiquement ils y ont droit seulement à partir de la date de la demande, alors que, dans tous les autres cas, on a droit à une rétroactivité, même pour la pension de vieillesse.

M. Forget: C'est un point qui a été souligné à quelques reprises récemment. Disons que c'est un point qu'on va examiner au cours des prochains mois pour voir s'il est possible d'améliorer les choses. C'est une caractéristique du régime, je le fais remarquer en passant, depuis le début, mais il semble que tout à coup cela devient un peu plus irritant que dans le passé. Je pense qu'il y a peut-être aussi des causes qui ont fait ressortir ce problème de façon plus visible que dans le passé. Enfin, je ne m'étendrai pas sur cela, mais on peut imaginer plusieurs situations qui ne se produisaient pas dans le passé qui ont fait ressortir l'importance du problème.

Nous allons l'examiner, nous allons l'étudier, mais je ne suis pas en mesure aujourd'hui de préciser quelle attitude on va prendre vis-à-vis de cela, ni à plus forte raison préciser si un changement à la loi serait approprié.

M. Malépart: D'accord.

M. Charron: M. le Président, puisque le député de Sainte-Marie a donné le ton sur les questions d'application très précises du régime avant que nous en fassions un peu l'évaluation plus générale, aussi bien enchaîner tout de suite. Il y a quelques autres cas de difficultés que des citoyens rencontrent avec la régie. Il y a le problème des conjoints également bénéficiaires, l'un comme l'autre, du régime, mais dont, l'un à un moment où à un autre, disparaît, décède. Je vous donne un exemple que j'ai tiré d'un certain nombre de cas.

Vous verrez que ma question, malgré toute la série de certains chiffres qui se posent, est quand même quotidienne. Une personne que je connais touchait avant ses 65 ans, elle, la rente de son conjoint décédé, qui était de $130 par mois. Lorsque cette personne a atteint 65 ans et qu'elle est devenue pensionnée de vieillesse, la rente est tombée à $67.14. Lorsqu'en janvier dernier, cette personne s'est mise à toucher ses propres contributions au régime de rentes, après avoir travaillé toute sa vie, elle a reçu, pour elle, $44.58, mais les $130 de son conjoint, précédemment fondus à $67.14, se réduisaient à $10.28, parce qu'elle était avisée par la régie que le montant maximum était fixé à $154, étant donné qu'elle était en même temps bénéficiaire de la loi pour les personnes âgées.

Dans un communiqué laconique — cela, c'est peut-être une remarque administrative que je peux faire à la régie; on n'explique peut-être pas toujours très clairement aux gens ce qui leur arrive, c'est-à-dire que, dans un style très très, je dirais, technocratique, on les prévient d'une modification qu'ils ont du mal à saisir et où le député, à l'occasion, peut être un interprète du langage — on lui disait: "Les conditions d'admissibilité du bénéficiaire ayant changé," et, là, on lui apprenait qu'au lieu de $67.14 qu'elle touchait de la rente de son conjoint décédé, c'était maintenant $10.28. Cette personne m'est arrivée au bureau, me demandant: Qu'est-ce qui m'est arrivé de nouveau? Qu'est-ce qui m'est arrivé de neuf? Je vous assure que je n'ai pas fait de dépenses folles. J'ai

une vieille télévision qui a une quinzaine d'années, etc.

Mais, vraiment — et j'en profite pendant que j'ai le président devant moi pour faire cette remarque — quelle que soit la nature du régime, il faudrait peut-être expliquer un peu plus clairement aux gens ce qui leur arrive. Mais, indépendamment de cette explication en des termes qui puissent être compris, pourquoi ce maximum de $154 et pourquoi cette rétrogression?

M. Forget: D'abord, sur le premier point, vous avez dit, à certains moments, la régie et je pense qu'il faut dire le régime.

M. Charron: J'aime mieux dire cela.

M. Forget: Alors, le régime a été construit de cette façon-ci: dans le cas de la rente de conjoint survivant, le conjoint survivant qui a moins de 65 ans reçoit une prestation X, mais il est prévu que, lorsqu'il atteint 65 ans, vu qu'à ce moment-là il reçoit une pension de sécurité de la vieillesse, la prestation est réduite. Cela a été décidé comme cela, cela a été la philosophie qui a été à la base de cela, de tenir compte, dans l'établissement du montant qui serait payable à partir de 65 ans, du fait que la personne recevait la pension de sécurité de la vieillesse.

Quant à l'autre point, c'est le problème de la personne qui reçoit deux rentes. Encore là, le régime a prévu que personne ne devait recevoir plus, à 65 ans, que le montant maximum de la rente de retraite, qui est $154, le montant que vous avez mentionné. Alors, si quelqu'un est bénéficiaire d'une rente de son propre chef, soit d'une rente de retraite, et bénéficiaire d'une rente de conjoint survivant parce que son conjoint est décédé, à ce moment-là, il y a un montant maximum qui est payable et qui est égal au montant maximum de la rente de retraite.

M. Charron: Je vous remercie de l'explication et d'avoir vraiment indiqué qu'il s'agit là de la philosophie du régime lui-même qui est en cause. Comme je l'ai expliqué à la personne au moment où elle s'est présentée devant moi, je lui ai dit que je n'estimais pas qu'il s'agissait d'une erreur administrative.

Si tel avait été le cas, évidemment, j'aurais entrepris les démarches pour que justice se rétablisse à l'égard de cette personne.

Mais il s'agit ici effectivement d'une philosophie du régime et c'est au ministre que je vais adresser ma question. Voici l'argument de certains citoyens, surtout lorsqu'ils ont été conjoints et, dans ce cas, conjoints pendant plusieurs années, puisque l'un est décédé et que l'autre a atteint l'âge de sa pension de vieillesse. La personne peut soutenir moralement et, à mon avis, justement, qu'elle a été participante à la vie du conjoint décédé, donc aux efforts du conjoint décédé pour contribuer au régime tout le temps où il a vécu, et que cela lui paraît normalement son dû que le dû de son mari lui soit intégralement remis, quels que soient les efforts qu'elle ait fournis elle-même sur le marché du travail.

Je veux dire que cette personne a véritablement l'impression que lorsque son mari acceptait, chaque semaine ou toutes les deux semaines, sur son chèque de paie, de payer une certaine somme en contribution au régime, que c'était un effort du couple, que cela affectait la vie du couple, que c'était une contribution pour les deux, où les deux pensaient ensemble assurer leur sécurité lorsque la retraite viendrait.

Je pense qu'ils n'ont pas tort d'estimer ce genre de contribution semblable à celle d'un travailleur à l'assurance-chômage, c'est-à-dire une assurance-retraite. Je pense aussi qu'il est évident que le citoyen, lorsqu'il acceptait de contribuer au régime de rentes, tout au long de sa vie, espérait que non seulement cela lui serait profitable à lui au moment de sa retraite à 65 ans, mais bien sûr, à sa conjointe pour laquelle il pouvait très normalement et très humainement espérer une sécurité de revenu au moment où il disparaîtrait éventuellement, si cela devait arriver.

Dans le cas que je vous ai mentionné, c'est malheureusement arrivé. Je pense que les couples mariés estiment que leurs contributions au régime de rentes se fait de façon conjointe et que les deux, au cas où les deux sont sur le marché du travail, les deux donc contribuant au régime de rentes, se trouvent ainsi à s'assurer, l'un comme l'autre, la sécurité. Peu d'hommes aujourd'hui aimeraient apprendre, et peut-être l'appren-draient-ils s'ils écoutaient notre débat, ce soir, que tout le temps qu'ils contribuent au régime de rentes n'est en fait qu'une contribution pour eux, et que s'ils disparaissent, ils n'ont pas assuré la sécurité de leur conjointe qui, elle, peut avoir absolument le même âge et être dans le même état de dépendance.

C'est vraiment cette philosophie que je mets en doute. Je ne soutiens pas, parce que je sais que cela aurait affecté gravement la somme du régime des contributions peut-être à la caisse des contributions, que le montant intégral soit maintenu par après la disparition d'un conjoint et qu'une personne seule puisse en bénéficier par la suite, mais il me semble que le rajustement à $154 que l'on fait constitue un plafonnement extrêmement bas. Dans certains cas où une personne a participé au régime pendant une dizaine ou une quinzaine d'années, c'est extrêmement injuste pour la personne qui devient veuf ou veuve.

M. Forget: Pour ce qui est de la philosophie du régime, je dois éclaircir un point d'ordre général pour rappeler à l'attention de la commission que le gouvernement a créé un comité d'étude à la suite du dépôt, l'été dernier, du deuxième rapport actuariel quinquennal du régime de rentes. Le mandat de ce comité d'étude est passablement vaste. On se situe dix ans ou un peu plus après la mise en vigueur du régime de rentes. Il y a pas mal d'eau qui est passée sous les ponts depuis cette époque; il y a certaines choses qui étaient très controversées il y a dix ans et qui ne le sont plus

du tout. Il y a une évolution sociale qui s'est produite et il y a aussi eu une maturation du régime dans le sens où, à compter de cette année, les bénéfices maximums du régime sont payables pour la première fois pour ceux qui prennent leur retraite, par exemple.

Donc, il y a une nécessité de revoir la philosophie du régime, son financement, le rôle que les orgnismes comme la Régie des rentes, comme la caisse de dépôt jouent dans notre économie sur le plan du développement économique comme sur le plan de leurs contributions sur le développement social.

A ce moment-ci les membres du gouvernement ayant créé ce comité d'étude, il est prématuré de se prononcer sur la façon dont la philosophie du régime pourrait évoluer. Nous avons créé ce comité parce que nous étions conscients qu'il était extrêmement difficile de saisir toutes les ramifications des différentes propositions que nous pourrions être amenés à considérer.

On sait, d'une part, que le régime établi en 1965 est un régime qui est partiellement capitalisé. La période d'accumulation des actifs ne touche pas à sa fin à proprement parler mais nous nous en approchons à chaque année; elle n'est plus qu'à quelques années de distance. Il faudra prendre une décision d'ici trois ou quatre ans sur l'avenir du financement du régime. Mais on ne peut pas prendre une décision sur l'avenir du financement du régime sans se poser des questions sur le rôle d'un régime public universel de rentes, ses relations avec les régimes privés de rentes supplémentaires, la contribution au développement économique que peut faire et qu'a faite effectivement l'accumulation de capital que l'institution du régime a permise, les besoins futurs en capital, en investissements de la collectivité québécoise, l'évolution de la société qui fait — et ceci nous rapproche d'un peu plus près de votre question — que le rôle respectif des conjoints, sur le plan économique en particulier, n'est plus perçu tout à fait de la même façon qu'il l'était en 1965, sans, bien sûr, être complètement bouleversé.

Donc, il y aura plusieurs questions qui devront se poser quand le comité aura terminé son travail puisque le comité fera des propositions, mettra de l'avant des alternatives entre lesquelles il faudra choisir. C'est sans doute là pour les prochaines années un des débats les plus importants pour l'avenir du Québec que nous pourrons faire à l'Assemblée nationale. Je ne voudrais pas anticiper les conclusions d'un comité d'experts qui devront non seulement nous suggérer des améliorations sur des points individuels mais voir comment tout cela s'imbrique l'un avec l'autre. La question peut-être fondamentale sur le plan social et sur laquelle le comité d'étude devra se prononcer, c'est la question de l'âge de la retraite qui surgit à l'occasion de toutes sortes de questions mais parfois beaucoup plus par des symptômes accessoires, quoique fort ennuyeux pour certains individus, que comme questions qu'on regarde au mérite.

Il est clair que la structure d'âge de la population et d'autres facteurs sociaux nous amènent la participation plus grande des femmes au marché du travail. Les modifications d'ordre économique nous amènent à repenser la question de l'âge de la retraite. On ne peut pas repenser l'âge de la retraite sans repenser à une grande partie de la philosophie non seulement au régime public mais également de la législation qui est relative aux régimes supplémentaires, aux régimes privés de retraite. Parce qu'il faut qu'il y ait une coordination entre les modifications qu'on fait à l'un et à l'autre.

Alors, tout ceci pour dire que dans une certaine mesure, pour cette année au moins, je me trouve un peu handicapé pour faire des commentaires sur la philosophie parce que je crois qu'il est dans l'intérêt de tous les Québécois de ne pas modifier, sans mûrement réfléchir à toutes les implications, un régime de l'importance du régime de rentes qui alimente la Caisse de dépôt, qui est un moteur de développement économique, etc. Donc, il faut faire bien attention que les gestes que nous posons soient pris avec le bénéfice de la réflexion que nous avons demandée à ce comité d'étude.

Cependant, ceci étant dit, il reste que, si l'on se place dans le cadre actuel de la philosophie du régime, il n'est pas si étonnant que cela qu'on ait adopté la position qui a été adoptée relativement à cette question des rentes de retraite dans le cas où il y a un conjoint qui est décédé. Si par ailleurs le conjoint survivant est autorisé, est en mesure de bénéficier de la rente de retraite maximum, eh bien! le fait que son conjoint ait contribué à son régime à lui, enfin que le conjoint décédé ait contribué à son régime à lui et lui ait donné un droit à une rente de conjoint survivant au moment de son décès, cela n'a plus de signification pratique.

Il reste que le régime public était un régime de base qui, dans sa philosophie, devait permettre à chacun, à chaque travailleur et à chaque famille de travailleurs de bénéficier, au moment de la retraite, d'un revenu plancher, en quelque sorte, d'un revenu de retraite minimum. Il est clair que ce minimum est lui-même fonction, comme on le voit dans tous les régimes de prestations sociales, des conditions dans lesquelles se retrouve la famille. On présume normalement que les sommes qui sont nécessaires pour un individu seul sont, bien sûr, inférieures à celles qui sont nécessaires pour un couple.

C'est sans aucun doute ce qui a inspiré ceux qui, en 1965 — nous n'étions là personne, je pense — ont fait ce régime avec cette configuration et en tenant compte également du fait qu'il y a un régime de sécurité de vieillesse qui a été conçu il y a 20 ou 30 ans, vers 1949 ou 1950, comme un régime semi-contributoire à l'époque, donc à propos duquel on pouvait entretenir à peu près le même genre de raisonnement, surtout en 1965, où c'était, malgré tout, moins éloigné dans le temps que cela ne l'est aujourd'hui.

Mais je ne voudrais pas défendre aveuglément la configuration actuelle. Je pense qu'elle est défendable. Ceux qui l'ont fait avaient sans aucun doute les raisons que je viens d'indiquer, qui sont valables. Encore une fois, il faut réévaluer tout cela parce que l'occurrence qu'on vise, c'est-à-

dire le fait où les deux conjoints ont eux-mêmes un droit à une rente de retraite, était beaucoup moins fréquente en 1965 qu'elle ne l'est maintenant. C'était une situation, dans une certaine mesure, exceptionnelle, pour laquelle on n'a peut-être pas pleinement tiré toutes les conséquences qui pouvaient s'imposer.

J'ai indiqué, d'ailleurs, que ce problème de la situation des conjoints où les deux travaillent ferait l'objet — puisqu'il s'agit dans ce cas d'amendements véritablement mineurs — d'amendements avant même que le comité d'étude dont j'ai parlé fasse rapport. D'ailleurs, le contenu de ces amendements est largement, sur le plan des principes généraux, connu maintenant, au moins pour une part, c'est-à-dire celle qui a trait à l'exclusion de la période cotisable des années pendant lesquelles une femme se retire du marché du travail et, donc, cesse de contribuer au régime pour s'occuper d'enfants qui ont moins de sept ans.

M. Charron: La conclusion de la réponse du ministre, M. le Président, peut nous induire à poser une question encore plus précise. Effectivement, j'ai vu que, dans ses rapports avec le gouvernement central à ce chapitre, le gouvernement québécois a déjà fait connaître son intention d'avoir cette modification à l'égard des femmes qui se retirent du marché du travail et pour qui l'essentiel du travail est d'élever des enfants pendant une certaine période de temps. Est-ce qu'on peut s'attendre, de la part du ministre, à une pareille considération éventuelle pour le cas que j'ai soulevé qui se manifesterait par une hausse du plafond actuellement fixé à $154? Qu'est-ce qui a fixé cela à $154? Pourquoi $154?

M. Forget: C'est le montant maximum de la retraite de celui qui a droit, à son titre à lui, à une rente de retraite. C'est un maximum qui varie à tous les ans puisque, bien sûr, il est fixé en fonction du maximum des gains admissibles, etc.

C'est le maximum de la rente de retraite. Pour une année donnée...

M. Charron: Qui accompagne la pension de vieillesse.

M. Forget: ... quelqu'un qui a 65 ans ne peut pas retirer plus que le maximum de la rente de retraite qui est payable en vertu du régime. Je pense que cette année cela se situe aux alentours de $154 mais l'an prochain, dans ceux qui vont prendre leur retraite, il y a des gens qui vont retirer plus de $154 à cause du phénomène de calcul, l'augmentation du maximum des gains admissibles, etc. Le montant va augmenter l'an prochain.

M. Charron: M. le Président, un autre cas. J'ai apprécié la distinction que le ministre a faite sur le fait, par exemple, qu'un couple dont les deux époux contribuent au régime de rentes n'était peut-être pas un phénomène très prévisible en 1965. C'est peut-être plus adapté à nos années et donc cela crée un problème sur lequel le comité, dont nous reparlerons tout à l'heure, devrait né- cessairement se pencher puisque les auteurs de la loi n'avaient peut-être pas à l'esprit ce phénomène social qui n'était pas répandu à cette époque comme il l'est aujourd'hui.

Il est un autre phénomène social que, disons, les dix dernières années ont vu se développer et qui peut léser, à mon avis, certains droits des travailleurs. Il s'agit de ceux qui quittent le marché du travail d'une façon temporaire pour suivre des cours de formation, de perfectionnement ou de recyclage. Je sais que cette Assemblée, comme le Parlement fédéral ont adopté des lois qui incitent, à l'occasion, les travailleurs à quitter leur emploi pour aller chercher une formation professionnelle, pendant un an ou deux ans, ce qu'on appelle à proprement parler du recyclage et qui reviennent, par la suite, sur le marché du travail.

Actuellement — d'ailleurs, l'Opposition a déjà écrit au ministre à ce sujet, nous avons eu des cas qui nous ont été soulevés — les travailleurs sont quelque peu pénalisés par cette période où ils sont absents du marché du travail régulier. Je me demande si, dans l'évolution du régime, il ne serait pas temps de normaliser cette situation. Dans le même esprit qu'on n'a pas voulu pénaliser les femmes qui se retirent du marché du travail pour élever des enfants de moins de sept ans, il ne faudrait pas pénaliser des travailleurs qui, pour pouvoir demeurer sur le marché du travail et, donc, contribuer à nouveau au Régime de rentes, se retirent temporairement pour aller chercher une formation professionnelle adéquate.

M. Forget: Bien, là-dessus, c'est plutôt le contraire qui est arrivé. Nous inspirant des possibilités déjà existantes du régime, nous avons imaginé en faire profiter les femmes qui se retirent du marché du travail et qui ont un revenu nul pendant ce moment. Il y a une disposition générale du régime qui permet de retrancher, dans la moyenne annuelle des gains, pendant la période où on peut cotiser un bénéficiaire, les années pendant lesquelles ses gains sont nuls, pourvu que ces années ne totalisent pas plus que 15% de la durée de la période cotisable. La période cotisable, comme on le sait, pour tout le monde, c'est de 18 ans à 65 ans, pour ceux au moins qui avaient moins de 18 ans en 1966, et c'est depuis 1966 pour tous ceux qui avaient plus de 18 ans à l'époque.

Donc, il y a déjà une possibilité de ce côté d'éviter que soit pénalisé quelqu'un qui se retire du marché du travail pour suivre des cours, par exemple, pour obtenir un diplôme, etc., pendant un an, deux ans ou trois ans, pourvu, encore une fois, que cela ne dépasse pas 15% de la durée totale de sa période cotisable. La période cotisable de 18 à 65 ans, c'est quand même 47 ans. Alors, 15% de 47 ans, cela fait sept ans.

M. Charron: Le problème...

Le Président (M. Cornellier): Si vous me le permettez, le député de Jacques-Cartier, depuis un bon moment a demandé la parole.

M. Charron: Me permet-il d'achever sur les travailleurs en recyclage?

Le Président (M. Cornellier): Très bien.

M. Charron: Je lui céderai volontiers la parole, M. le Président. J'admets cette distinction, ce calcul des 15%, mais le problème se pose de façon plus aiguë pour les conjoints de ces personnes, dans le cas où cette personne, ce travailleur qui a participé à un recyclage, meurt rapidement après. Le conjoint, lui, est pénalisé.

M. Forget: II peut l'être. M. Charron: II peut l'être.

M. Forget: Parce qu'il n'y aurait pas de contribution. Alors, si, durant ces années, il n'a pas contribué, peut-être qu'il n'aura pas suffisamment de contributions pour donner ouverture à la rente de conjoint ou à la rente d'invalidité.

M. Charron: Oui. Je ne dis pas que ces cas se multiplient à l'infini — évidemment, il ne faudrait pas souhaiter que ça se multiplie — mais je ne sais pas si, pour ces personnes, en tout cas, qui, en plus de se trouver privées de leur conjoint, se trouvent pénalisées, il ne serait pas possible de penser à une modification.

M. Forget: Ce sont certains points que j'ai indiqués, je crois, dans ma correspondance à laquelle a fait allusion le député de Saint-Jacques. C'est un point qu'on va sans aucun doute considérer.

Est-ce que je pourrais demander au député, parce que le petit message m'étonne beaucoup, qu'il me donne la référence. Lorsque vous avez parlé du message laconique, j'aimerais bien avoir le nom.

M. Charron: Le nom de la personne? Fort bien, je vous le remettrai.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais attirer de nouveau l'attention du ministre surtout sur les gens de 65 ans à 70 ans qui, après avoir pris leur retraite, se trouvent un autre emploi. Ceux qui gagnent un revenu d'au-delà de $2000 sont pénalisés pour le surplus. Ils sont obligés de remettre 50% de ce revenu au régime de rentes. Dans mon comté en particulier — je reçois une correspondance assidue — il y a plusieurs personnes qui sont pénalisées — si vous me permettez le terme — à ce sujet. Je comprends très bien. D'ailleurs le ministre a fait, l'année dernière, une déclaration de principe là-dessus, il y avait eu une certaine propagande dans les journaux, des lettres ouvertes à l'éditeur.

Je comprends bien la philosophie qui sous-tend cette amende, mais il me semble qu'en fait au Canada on considère presque universellement, sinon légalement du moins, mais en fait, que la pension se prend à 65 ans. C'est confirmé par les em- ployeurs en général qui obligent les gens de 65 ans à prendre leur retraite. Je pense bien que cela a été confirmé aussi maintenant par l'assurance-chômage puisqu'à 65 ans, on considère les gens en dehors du marché du travail. Comme tels ils ne reçoivent plus d'assurance-chômage. Il est facile de comprendre, surtout dans ces temps inflationnistes, surtout avec les taxes sur la propriété et le coût des services pour l'entretien d'une propriété et le chauffage etc. qui sont haussés énormément, qu'il y a beaucoup de gens qui sont obligés pratiquement, pour maintenir un niveau de vie auquel ils sont habitués, de travailler après 65 ans.

Il me semble évident que cette taxe de 50% devient un manque de motivation au travail. Je pense bien qu'on est tous sensibilisés au fait. On reconnaît aisément que toutes nos législations sociales, à un moment donné, ont fait perdre à beaucoup de gens la motivation au travail et je crois qu'on fait des efforts terribles maintenant pour remédier à ce phénomène. Là, en particulier, je crois que la perte de motivation peut être apparente. Je me demande — surtout que les sommes impliquées dans ce 50% sont minimes, même si le montant n'est pas trop considérable — s'il n'y aurait beaucoup plus de gens de 65 ans qui travailleraient si on ne les taxait pas aussi lourdement. J'aimerais bien attirer l'attention du ministre là-dessus. Je ne sais pas s'il aurait quelque chose à ajouter, depuis les derniers commentaires qu'il a faits à ce sujet.

M. Forget: C'est en pensant à cette question, sur laquelle on attire effectivement mon attention régulièrement, que j'ai parlé tout à l'heure du problème de l'âge de la retraite. Et il me semble que la question de l'âge de la retraite est centrale pour vraiment comprendre et résoudre ce problème.

En effet, si une personne n'avait pas à se retirer à 65 ans, à abandonner son emploi, le problème ne se poserait pas puisqu'elle pourrait continuer son travail, continuer ses prestations au régime et accroître d'autant, enfin là il y a des questions de philosophie de régime là aussi, mais présumément, dans un régime où l'âge de la retraite serait plus flexible, accroître d'autant sa contribution au régime et le montant futur des avantages qu'elle pourrait en retirer.

Dans une situation où l'âge de la retraite est rigidement défini, elle peut effectivement être appelée à abandonner l'emploi permanent ou régulier qu'elle occupe depuis l'âge mûr ou depuis sa jeunesse, et le faire à un moment où elle ne désire pas vraiment cesser de travailler. C'est à ce moment-là que le problème que le député de Jacques-Cartier pose se présente.

Il n'est pas absolument exact de dire que les montants impliqués sont insignifiants. Bien sûr que si on prend les statistiques actuelles de la Régie des rentes, si on essaie de déterminer le nombre de personnes qui sont dans cette situation, le nombre n'est peut-être pas très considérable, mais c'est là le genre de modification au régime qui en modifie inévitablement la nature de façon assez profonde, puisqu'en rendant inconditionnel le ver-

sement d'une rente de retraite dont le but est de garantir une personne contre l'interruption de son revenu, justement, lorsque les revenus d'emploi cessent parce qu'elle prend sa retraite, en rendant inconditionnel le versement de cette somme on accrédite la notion qu'il s'agit là d'une somme qui sera payée en tout état de cause, quelles que soient les circonstances, à partir d'un âge donné, comme la pension de vieillesse fédérale est payée et qu'une personne est libre d'ajouter à cela un revenu d'emploi.

Evidemment, à supposer qu'on fasse cette modification immédiatement, la première question qui nous sera posée, le mois suivant, ce cera: Qu'est-ce qui arrive à la personne qui a 70 ans et qui a fini de travailler pour vrai? Elle avait un revenu d'emploi qui s'ajoutait à sa pension de retraite et cela n'est pas garanti. C'est un peu un cercle vicieux. Là on peut dire qu'on peut continuer de l'assurer contre la perte de son salaire additionnel de 65 à 70 ans et on reposera la question, peut-être, si elle continue de travailler à 71 ans, à savoir qu'on devrait lui en laisser malgré tout une partie. De fil en aiguille on arrive à un programme universel inconditionnel qui ne sert plus la fin qu'il était destiné à servir, c'est-à-dire résoudre les problèmes d'une personne qui s'habitue à un style de vie ou à un niveau de vie et qui, le lendemain du jour où elle cesse son emploi, se voit tout à coup soudainement, brutalement coupée de cette source de revenu.

Plus on lui permet de conserver ou d'avoir des sommes indépendamment de son statut d'emploi, plus on accentue le choc qui va se produire au moment où physiquement, psychologiquement et autrement l'emploi ne sera plus possible. A ce moment-là, on peut anticiper qu'on produira également un résultat contraire à celui qu'on cherchait. C'est-à-dire que pour ceux qui pourraient continuer de travailler au-delà de 65 ans parce qu'ils sont dans des entreprises qui le permettent, comme ils seront en face d'une perte s'ils n'abandonnent pas leur emploi permanent, parce que s'ils le font ils auront une rente inconditionnelle, même s'ils ne perdent aucun revenu, on va rendre encore plus obligatoire l'âge de la retraite à 65 ans et peut-être créer une pression pour le réduire à 64 ans, 61 ans et faire perdre, dans le fond, là où ils sont probablement le plus utiles à la société, à l'économie les services de gens pour leur faire prendre des petites jobs secondaires qui vont les qualifier pour leur rente de retraite.

C'est toute cette implication-là d'une modification qui semble bénigne, qui semble n'être peut-être pas très coûteuse, qu'il faut se poser. C'est tout le problème de l'âge de la retraite qui devrait être beaucoup plus flexible qu'il ne l'est actuellement. Et si on le rend flexible, il est possible d'imaginer un régime qui évite des pénalisations apparentes ou réelles et qui évite de forcer les gens à prendre des décisions tout simplement pour se qualifier à des allocations sociales qui sont devenues inconditionnelles avec le temps. C'est particulièrement un problème pour lequel je crois que le comité d'étude qui a été créé nous sera utile.

Le problème de l'âge de la retraite est à l'étude dans tous les pays actuellement. Il est à l'étude aux Etats-Unis, il est à l'étude en France, il est à l'étude, je pense, dans tous les pays où se sont développés des régimes de retraite publics.

Même les régimes de retraite privés font face, dans le fond, quant à leur financement, à la plupart des mêmes problèmes. Etant donné les modifications dans l'évolution de la natalité, la participation des femmes au marché du travail, toutes ces modifications, dans notre milieu économique et social, ce n'est pas là un sujet qui est aussi facile à trancher qu'il le semble à première vue. Je pense que, sans être fermé à aucune des solutions, y compris la solution qui semble être souhaitée par bien des gens, il est important qu'on réfléchisse à toutes les implications de ce que l'on fait. Si l'on va dans la voie d'une pension de retraite universelle et inconditionnelle à un âge donné, on se prépare à des problèmes très aigus, à mon avis.

M. Charron: M. le Président...

M. Saint-Germain: Maintenant, M. le Président, le fédéral a modifié, pour les autres provinces, ce plan et a accepté de payer une rente à 65 ans, sans condition.

M. Charron: Les autres provinces aussi.

M. Saint-Germain: C'est-à-dire que pour les autres provinces, le régime étant fédéral, c'est uniforme.

M. Charron: Toutes les autres provinces.

M. Saint-Germain: Est-ce que, ici, au niveau de la régie, on a étudié le problème et analysé les réactions au fait que dans les autres provinces le programme est payable à 65 ans sans condition? Est-ce que cela a amené certains problèmes, comme le ministre vient de le laisser entendre, du moins en théorie, qui pourraient...

M. Forget: Si, dans les autres provinces, on a étudié les implications des modifications apportées?

M. Saint-Germain: C'est cela. M. Forget: A ma connaissance...

M. Saint-Germain: Avez-vous fait, dans le Québec, des comparaisons entre les phénomènes et les réactions de la population ou du moins des gens de 65 ans, relativement à notre régime?

M. Forget: Oui, il y a des gens qui protestent contre cette différence entre les deux régimes, mais je crois que ce n'est pas la nature de la question. Vous voulez savoir si les comportements...

M. Saint-Germain: Non, non.

M. Forget: ... vis-à-vis du phénomène de la re-

traite sont différents au Québec de ce qu'ils sont dans les autres provinces?

M. Saint-Germain: Oui, vous avez énuméré des phénomènes ou des motivations, si vous voulez.

M. Forget: Cette étude-là n'est pas faite, mais le comité que nous avons créé a pour but d'étudier des phénomènes comme ceux-là et nous faire des recommandations à la lumière de ce qu'il observera. Comme vous l'observez vous-même, il y a des différences entre le régime canadien et le régime québécois. Evidemment, il n'y a pas tellement longtemps que la modification a été faite à Ottawa; cela fait un an. Dans un an, je pense bien que les habitudes de vie et les habitudes de l'âge auquel on prend la retraite ne changeront pas de façon très frappante. Cela prend quand même du temps à se manifester, mais le comité se penchera sur ce sujet, c'est un de ses problèmes prioritaires.

M. Saint-Germain: Quand attendez-vous le rapport de ce comité? Je pense que vous l'avez mentionné dans le courant de la soirée.

M. Forget: II a un mandat jusqu'à la fin de l'année en cours, mais le mandat est extrêmement vaste. Je crois qu'il ne faut pas se faire d'illusion sur la capacité du comité de déboucher avant la fin de l'année de calendrier. Je pense qu'il serait plus raisonnable d'attendre un rapport au cours de 1977.

M. Saint-Germain: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, la question très intéressante et importante que vient de soulever le député de Jacques-Cartier, le ministre s'en souviendra, avait fait l'objet d'un débat assez sérieux, l'année dernière.

Je ne veux ajouter que quelques mots. Mon opinion est à peu près celle du député de Jacques-Cartier. Je ne me suis pas encore expliqué cet entêtement québécois sur ce point. J'écoutais encore attentivement les arguments que le ministre a apportés en réponse aux questions du député de Jacques-Cartier. Ils étaient dans la même veine, mais différaient un peu de ceux qu'il m'avait fournis l'année dernière.

Disons qu'ils étaient un peu plus complets, mais je demeure convaincu à l'écouter, et multiplierait-il les arguments, il donne véritablement l'impression, à ce moment-ci, quand il développe cette argumentation, de défendre beaucoup plus la machine que de défendre les humains qui sont en arrière de cette machine.

On dirait que c'est d'une cohérence, d'une logique que lui seul peut percevoir, mais qui lui semble extrêmement précieuse. Il multiplie les adresses pour ia défendre, mais ce ne sont pas des humains qu'il défend, ce sont des principes.

Les humains, au bout de l'allée, ceux dont on parle, ceux pour qui intervenait le député de Jacques-Cartier probablement en soulevant cette question que j'avais moi-même soulevée l'année dernière, lors de l'étude des crédits, c'est une tout autre chose.

Ces retraités, qui travaillent encore et qui, par leur travail, par leurs efforts physiques, obtiennent des revenus financiers, voient leur pension diminuer de 50% pour chaque dollar gagné au-dessus du gain mensuel exempté, alors que celui qui ne travaille pas et qui reçoit des revenus de placements conserve sa pleine pension. Défendez-la comme vous voulez, la machine, la logique et tous les intérêts que vous pouvez y voir en arrière, il se trouve, dans les faits, ceci: Une personne qui atteint 65 ans, qui n'a, pour elle, de revenus pour assurer sa vie que le maximum qu'elle puisse retirer du régime de rentes, d'une part, et la pension de vieillesse, d'autre part, qui estime que ce revenu est insuffisant et que, par son travail, elle pourrait l'augmenter pour bénéficier encore plus de la fin de ses jours. Il faut bien identifier de quels citoyens nous parlons, de 65 ans et plus, qui se voient dans l'obligation de travailler pour augmenter ce revenu qu'ils jugent insuffisant, ce citoyen est pénalisé. L'autre, qui aura été plus chanceux, tout au cours de sa vie, peut-être un peu plus riche, qui aura réussi à mettre de l'argent de côté, qui touchait ainsi un revenu de capital ou un revenu de placement ou un revenu à partir de placements immobiliers, par exemple, celui-là n'est absolument pas pénalisé.

Celui-là peut continuer à recevoir, peut-être, s'il a placé $150 000, $200 000 en fiducie, des revenus qui vont lui permettre quand même de toucher le maximum de tous ces revenus, sans perdre un seul cent de ce que le régime de rentes lui permet. Une autre personne qui a encore de l'énergie à 65 ans, qui veut travailler, qui a la possibilité de travailler va être pénalisée. C'est l'injustice, au bout de la ligne. C'était tellement cela que le régime fédéral canadien n'a pas été en mesure de le soutenir plus longtemps, s'est rendu aux pressions de ceux qui disaient: C'est une injustice. Je ne le demande pas, mais si c'est aussi logique que vous le dites et aussi impératif que vous le dites, expliquez-moi l'injustice qui dit: Allez chercher 50% du revenu de ceux qui travaillent et ne prenez pas un cent de plus de ceux qui touchent des revenus de placement.

M. Forget: M. le Président, on parle du régime de rentes qui vise à protéger quelqu'un contre une perte d'un revenu de travail. Ce n'est pas une assurance-dépôt, ce n'est pas une assurance-investissement dont on parle; on parle d'un régime qui a un tout autre but que celui qu'on semble lui attribuer.

Je ne pense pas qu'il soit sérieux de prétendre que, parce que celui qui a des revenus de placement ou celui qui vit dans sa propre maison, plutôt que d'être locataire, est avantagé, c'est là une inéquité du Régime de rentes. On pourrait le prétendre en suivant le même raisonnement que le député de Saint-Jacques, mais ce n'est pas le but du

régime d'établir l'équité et la justice distributive dans le même sens qu'un régime de sécurité de revenu, qu'un régime de soutien et de supplément de revenu, tel que, par ailleurs, il existe et se développe. Il s'agit là d'une assurance pour un revenu d'emploi et il est assez normal, dans un régime d'assurance, que l'assurance paie quand le risque se matérialise. On ne paie pas les gens pour l'assurance-incendie pour les avantager ou les récompenser parce que leur maison n'a pas pris feu pendant dix ans; on leur paie un dédommagement quand la maison a brûlé.

D'une certaine manière, ce que l'on nous invite à faire, c'est dire: Bien, écoutez, il y a des gens dont la maison n'a pas brûlé; c'est donc qu'ils ont été prudents. Alors, payons-leur donc la valeur de leur maison; s'ils ont vécu dedans pendant dix ans, il faut peut-être en tenir compte; si jamais elle brûle, elle sera plus dépréciée, donc elle va épargner de l'argent à l'assurance.

M. Charron: C'est carré un peu comme raisonnement.

M. Forget: C'est un peu carré peut-être, mais c'est exactement la même carrure que celle qu'on vient de nous offrir avec l'idée des revenus d'investissement. Ce sont les choux et les betteraves que l'on mélange un peu hors de propos.

Il est sûr que ce serait une mesure très populaire de donner plus d'argent à plus de monde. Si c'est cela le point qu'on veut exposer, je suis complètement d'accord avec vous, ce serait beaucoup plus populaire de donner plus d'argent et plus de rentes à plus de bénéficiaires. Lorsqu'on dit: On ne s'occupe pas des humains, on s'occupe de l'administration, bien, ce n'est pas du tout cela. L'administration peut se faire en donnant plus d'argent à plus de monde; il n'y a vraiment rien qui répugne à administrer plus de prestataires et de plus grosses prestations.

Mais il faut aussi se poser des questions pour le lendemain. Gouverner, c'est un peu aussi prévoir ce qui va arriver avec ce Régime de rentes et ne pas, aujourd'hui — parce que cela fait l'affaire, que c'est commode et que cela peut être populaire — dire: Bien, lorsque vous allez prendre votre retraite, il y a toutes sortes de belles et bonnes choses qui vont vous arriver, sans se soucier d'avoir un régime qui va permettre effectivement cela, alors qu'il y a toutes sortes de changements qui se passent dans la société et que le Régime de rentes lui-même, par son évolution, a une influence sur le changement social, une influence sur le comportement des gens sur le marché du travail, y compris l'année où ils prennent leur retraite.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais je dis: Avant de le faire, étudions la situation et convainquons-nous que nous posons un geste qui non seulement est populaire — ce qui nous est très agréable — mais qui est sensé et responsable. C'est moins populaire et c'est moins agréable parfois. Je pense qu'à l'occasion, quand on parle d'un Régime de retraite, c'est par excellence le moment où il faut se poser la question.

M. Charron: Croyez-vous que le geste du Canada n'a pas été sensé?

M. Forget: Sur ce point, non, je ne le crois pas. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas voulu emboîter le pas au régime fédéral sur cette question. Je ne crois pas que ce soit un geste sensé. C'est un geste qui a été populaire. Cela a été posé dans une année et dans une période d'euphorie où bien des choses se sont faites à ce niveau, y compris d'autres régimes que je ne mentionnerai pas et sur lesquels je ne suis pas d'accord, comme l'assurance-chômage. Quant à le mentionner indirectement, on peut bien le mentionner directement. Mais je pense que ce n'est pas plus sage de l'avoir fait sans comprendre exactement où cela nous menait. Je ne crois pas, et je suis même persuadé pour avoir vu les papiers qui ont circulé au moment où la décision a été prise, que l'on savait vraiment ce que l'on faisait quand on l'a fait.

Je m'excuse mais il faut appeler les choses par leur nom. Encore une fois, si on me convainc que c'est une bonne mesure, je serai heureux d'en prendre l'initiative dans un an, quand nous aurons une étude qui nous montrera que c'est là la direction qu'il faut poursuivre.

Mais il ne faudra peut-être pas s'arrêter seulement à cela. Cela, c'est un gadget, c'est une mesure qui est importante pour quelques individus, à l'heure actuelle, et qui a des implications beaucoup plus profondes. Il faudra aller plus loin que cela.

Encore une fois, toute la question de l'âge de la retraite et de son rôle dans un régime de rentes, il faut se poser des questions, des questions pour lesquelles nous n'avons pas de réponses actuellement et pour lesquelles — ce n'est pas un reproche — personne alentour de cette table, je pense bien, ne peut nous apporter des réponses entièrement satisfaisantes.

M. Charron: M. Le Président, l'année dernière, nous avons soulevé le cas — on s'en souviendra — d'employés de la ville de Montréal dont les revenus n'avaient pas été inscrits totalement à leur registre de gains. Le chef de l'Opposition recevait cette semaine une lettre d'un employé de la Société Radio-Canada — on change — qui le mettait au courant des difficultés que rencontrent certains employés retraités à retirer leur rente du fait que leurs revenus pour les années 1972 à 1975 n'ont pas été portés à leur registre, encore une fois.

Il semble qu'il y a des problèmes de communication avec le ministère du Revenu. C'est comme cela que nous l'avions établi l'année dernière. Le président nous avait assuré que cette non-inscription ne pourrait pas causer de préjudice à des bénéficiaires. Or, il se trouve que les faits établissent, je ne dis pas généralement le contraire, mais malheureusement, dans quelques cas, le contraire. Le ministre peut-il nous indiquer quelles sont les procédures que doivent suivre ces retraités pour que leurs droits soient respectés?

M. Forget: J'aimerais demander à M. Fortier de répondre. Mais, avant qu'il ne réponde sur les

procédures qui doivent être suivies, j'aimerais indiquer que nous nous sommes préoccupés durant toute l'année, les deux ministères impliqués de même que la Régie des rentes, à résoudre et à améliorer les communications en question. Dès le mois de septembre dernier, j'avais une rencontre avec mon collègue, le nouveau ministre d'alors du Revenu, en présence du président de la régie et du sous-ministre du Revenu, M. Gauvin, de manière qu'on convienne d'une procédure de transmission des données entre les deux organismes pour éviter que ne se reproduisent les difficultés rencontrées dans le passé.

Durant l'année, de manière à faciliter encore plus les communications sur une base suivie et à la faveur d'un départ au conseil d'administration de la régie, le gouvernement a nommé le sous-ministre du Revenu comme un des administrateurs de la Régie des rentes, encore une fois afin de multiplier les occasions de contacts et d'échanges. Je dois noter qu'à la suite de la rencontre du mois de septembre il y a eu une amélioration sensible dans la rapidité avec laquelle le ministère du Revenu a fait parvenir à la Régie des rentes les données qui sont nécessaires à l'établissement du fichier des rentes pour chaque bénéficiaire.

Malgré tout, tous les problèmes ne sont pas résolus mais, à ce point-ci, j'aimerais que M. Fortier explique ce qui s'est fait.

Ce que j'ai dit l'an dernier, que les bénéficiaires ne souffraient pas préjudice, cela demeure vrai parce que — évidemment, ils subissent des inconvénients — chaque bénéficiaire...

M. Charron: Ils ne perdent rien.

M. Forget: ... d'une rente de retraite reçoit un état de son registre de gains et on l'invite à l'examiner et à nous signaler toute inexactitude qu'il pourrait y avoir.

Alors, il suffit que le bénéficiaire communique avec nous pour que la situation soit corrigée. C'est sûr qu'à ce moment, il peut y avoir paiement d'une rente immédiatement, qui sera révisée plus tard lorsque toutes les entrées auront été faites. Pour reprendre un peu ce que le ministre a dit, il y a encore des problèmes relativement au registre des gains, mais les fonctionnaires du ministère du Revenu et de la régie travaillent ensemble pour corriger la situation. Toutes les situations n'ont pas encore été corrigées pour le passé, mais, pour l'avenir, une entente est intervenue et nous devrions recevoir beaucoup plus rapidement les données que par les années passées. Je pense que, dans les prochains jours, on doit commencer à recevoir les données pour 1975. Il suffit pour le bénéficiaire de s'adresser à nous et nous allons prendre les mesures nécessaires pour corriger la situation.

M. Charron: Bien. Dernière question, M. le Président, sur le régime de rentes. Le comité dont nous avons parlé, qui a été nommé en juin dernier, je pense, devait faire rapport d'ici la fin de l'année 1976. Je voudrais demander au ministre, qui est sans doute en contact avec le comité assez régulièrement, s'il estime qu'effectivement il présentera son rapport au moment où il l'a annoncé?

M. Forget: Comme je l'indiquais tantôt, à la suite d'une question du député de Jacques-Cartier, deux décisions successives sont intervenues. Une première décision, qui est intervenue à la fin de juin ou au tout début de juillet 1975, était une décision de principe de former le comité. Pour toutes sortes de raisons, attribuables en partie à des absences, à des discussions, à un effort de consultation avec un assez grand nombre de groupes préalablement à la constitution du comité lui-même, c'est-à-dire la désignation de personnes pour en faire partie, ce n'est qu'au tout début de 1976 qu'il a été possible de réunir le comité et de le désigner officiellement. A tout événement, le retard n'est pas si grand qu'il paraît, parce que de toute manière les personnes qui avaient été pressenties pour faire partie du comité, dans un certain nombre de cas, n'étaient pas disponibles immédiatement, ne pouvaient pas se libérer à quelques semaines d'avis. Le comité n'aurait peut-être pas fonctionné beaucoup plus tôt de toute manière. Quoi qu'il en soit, j'ai eu l'occasion, récemment, d'en discuter avec le président et il ne semble pas réaliste d'anticiper que le terme actuellement déterminé, qui se termine le 31 décembre 1976, soit suffisant pour permettre au comité de remplir son mandat. J'ai demandé au président d'essayer de préciser un échéancier en même temps que le travail lui-même était planifié de façon plus concrète, plus détaillée, et de me faire une recommandation quant à l'échéance qu'il suggère. Je lui ai cependant indiqué que cela devrait se situer en 1977. Il ne s'agit pas d'une commission d'enquête qui va siéger pendant quatre ou cinq ans, mais étant donné l'ampleur des problèmes, il lui faudra plus de huit ou neuf mois pour faire son travail. Disons qu'on peut peut-être présumer six mois additionnels ou quelque chose de cet ordre.

M. Charron: Je vous ai entendu, tantôt, en faisant référence à ce comité, parler du fait que vous espériez du comité qu'il indique certaines modifications à apporter à la philosophie même du régime tel qu'il nous avait été présenté à l'Assemblée nationalel c'est d'ailleurs une remarque que nous avions faite à ce moment. Il nous avait été présenté comme étant beaucoup plus une analyse actuarielle portant sur le financement et l'avenir financier, je dirais, du régime lui-même, c'est-à-dire ses capacités de subvenir à ses besoins. Jusqu'à quel point la philosophie du régime, — vous me direz qu'elle est toujours impliquée par le financement, j'en conviens — jusqu'à quel point des questions aussi précises que la flexibilité de l'âge de la retraite, le montant des plafonds des contributions et des prestations par la suite relèvent du comité? Jusqu'à quel point le comité est-il invité en fin de compte à reprendre une réflexion sur un régime de rentes public québécois?

M. Forget: II est invité à le faire de façon passablement large parce que les éléments de philosophie — comme vous le dites — relativement à l'âge de la retraite, relativement aux relations qui doivent exister entre un régime public de retraite et les régimes supplémentaires de rentes — les régimes privés si vous le voulez — posent immédiatement des questions d'assez grande envergure, de même que les relations qui doivent exister entre un régime de rentes qui est un régime contribu-toire, un régime d'assurance sociale et un régime de sécurité du revenu, c'est-à-dire un régime de soutien et de supplément de revenu. De ce côté là on est, sur le plan de la réflexion et sur le plan de la définition des objectifs, beaucoup plus loin que nous étions forcément en 1965. Un certain nombre d'options ont été retenues dans le processus de révision de la sécurité sociale qui font l'objet d'un très large consensus entre tous les gouvernements qui y ont participé et dont les applications devraient à mon avis être soigneusement examinées par le comité. Il y a des éléments dans le régime de rentes qui sont non contributoires et la question se pose à leur égard à savoir s'ils doivent demeurer des éléments d'un régime essentiellement contributoire, d'un régime de rentes, un régime d'assurance sociale ou s'ils ne devraient pas au contraire être intégrés dans un régime de soutien et de supplément de revenu. Cette question est en partie une question de philosophie, elle est en partie une question de financement puisqu'il faudra choisir, au moment de l'évaluation du financement, entre une source tirée de la fiscalité générale de l'Etat ou une source qui est affectée au financement du régime telle que les contributions prélevées sur la masse salariale. Le choix entre les deux contributions est en partie une question de philosophie aussi. Donc, c'est une option par le financement sur un régime particulier de complémentarité entre un régime d'assurance et un régime de supplément de revenu. Tout est lié comme vous le voyez. Les projections actuarielles, la philosophie, le financement, les questions d'âge de retraite, enfin c'est un mandat qui est très ambitieux. J'espère que le comité saura malgré tout trouver le moyen de ne pas reprendre l'étude de toute la société à l'occasion d'une étude du régime de rentes. Je suis sûr qu'on va éviter de tomber dans ce travers.

Il reste que c'est le moment après dix ans de fonctionnement, alors qu'on est à la veille de décisions assez importantes, de se poser les questions, pas dans un cadre étroit comme: combien faut-il élever les cotisations. Pas du tout cela. Seulement, il faut se poser comme question: mais qu'est-ce que cela vient faire dans notre vie sociale, dans notre vie économique, un régime public de rentes? Je pense que l'expérience qu'on a vécue montre que cela peut faire beaucoup et que les réticences que plusieurs milieux ont exprimées en 1964, en 1965 et même dans les années subséquentes quant à l'impact économique, strictement sur le plan économique d'un régime public de rentes, ont été démontrées être largement sans fondement.

Par exemple, alors que beaucoup d'observa- teurs avaient jugé qu'une épargne publique aussi massive, découragerait l'épargne privée et donc diminuerait la somme, la masse a investir dans l'économie, serait peut-être un facteur de ralentissement économique, au contraire l'expérience montre que le régime public et les régimes privés sont complémentaires. Pourvu qu'il y ait une certaine base d'acquise, des gens qui n'auraient pas songé à économiser se seraient dit: mon Dieu! on va être tellement pauvre, de toute façon, à la retraite, qu'il ne sert vraiment à rien de faire quelques économies puisqu'il y aura l'aide sociale et qu'il y aura je ne sais quoi. Comme on est sûr d'un certain minimum, on dit que c'est quand même intéressant de faire quelques économies. Alors cela a changé beaucoup les optiques et les comportements sociaux et économiques et cela illustre justement combien des décisions comme celles-là sont importantes.

C'est beaucoup plus que simplement un régime. Puis, la constitution d'une caisse, cela change la façon dont la société fonctionne, de façon parfois imprévisible. Pas que, dans ce cas, ce développement ait été imprévu par tous, mais il était certainement non seulement imprévu mais c'était le contraire qui avait été prévu par des gens qui, honnêtement, croyaient que ç'aurait l'effet contraire à ce que cela a eu.

Alors, le contexte des débats qui sont susceptibles de survenir dans un an, un an et demi ou deux ans, va être bien différent de ce qu'il a été au moment de la création du régime. L'expérience acquise avec la Caisse de dépôt, le succès qu'a eu la Caisse de dépôt comme organisme d'investissement, de placement, probablement l'organisme qui a eu le plus grand succès sur un plan strictement de rentabilité financière, alors que des prédictions très sombres avaient été formulées, nous permet d'envisager avec beaucoup de confiance un tas de solutions qui, il y a dix ans, auraient paru tirées par les cheveux et absolument folles par les chances que cela faisait courir à tout le monde. Alors dans un contexte comme celui-là, il est temps de revoir un tas de questions. Sans aucun doute, on n'abolira pas le régime, on va l'améliorer, on va le perfectionner. Encore là, il va falloir attendre le rapport pour prendre position et je ne voudrais pas, par des remarques trop complètes, étaler mes préjugés ici, parce que je ne veux pas me refuser le droit de changer d'idée quand le rapport du comité sera connu.

M. Charron: M. le Président, je suis disposé à adopter le programme 1.

Le Président (M. Cornellier): Alors élément 1, adopté. Elément 2 adopté. Le programme 1 est adopté. Programme 2.

M. Charron: Le programme 2, M. le Président — ma suggestion a été retenue par le ministre d'Etat aux Affaires sociales ce matin — est retardé et peut être considéré comme adopté pour fins budgétaires. Mais le débat aura lieu lorsque nous aurons entendu les groupes et que les députés, suite aux remarques des groupes, pourront se

pencher sur toute la politique d'aide sociale. Donc adopté comme tel pour les fins budgétaires.

Le Président (M. Cornellier): Alors, le programme 2 est adopté, ce qui fait que les éléments 1, 2 et 3 du programme 2 sont adoptés. Programme 3.

NI. Charron: Le programme 3, M. le Président, est l'occasion pour nous de parler de l'assurance-maladie. Nous avons convenu hier, le ministre et moi, de retarder cela à la fin de nos travaux ou à un autre moment de nos travaux, plutôt que de l'étudier au moment où vous l'appelez ce soir, puisque nous espérons avoir la présence du président de la régie lui-même pour ce débat.

Le Président (M. Cornellier): Le programme 3 est suspendu. Programme 4, Services communautaires.

M. Charron: Le programme 4, M. le Président, traite des CLSC et n'est pas adopté. Il le sera dès la prochaine séance, si vous le voulez bien.

Le Président (M. Cornellier): Si je comprends bien, le député de Saint-Jacques fait motion pour que la commission ajourne ses travaux?

M. Forget: Est-ce qu'on peut ajourner à dix heures trente, mardi?

M. Charron: On ne siège pas demain?

M. Forget: Non, ce n'est pas possible, je pars ce soir.

M. Charron: Vous partez ce soir. D'accord, dix heures trente, mardi.

Le Président (M. Cornellier): La commission ajourne ses travaux à mardi, dix heures trente. Mardi qui sera le 6 avril.

(Fin de la séance à 22 h 40)

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