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Commission permanente des affaires sociales
Etude des crédits du ministère des
Affaires sociales
Séance du 1er avril 1976
(Dix heures vingt et une minutes)
M. Cornellier (président de la commission permanente des
affaires sociales): A l'ordre, messieurs!
La commission des affaires sociales reprend ses travaux, ce matin, pour
l'étude des crédits du ministère.
Le ministre des Affaires sociales s'excuse; ce matin, il ne pourra pas
être présent à la commission, mais il sera ici pour la
séance de cet après-midi. Lors de la dernière
réunion de la commission, le député de Saint-Jacques avait
la parole. Cependant, étant donné l'absence du ministre, le
député de Saint-Jacques a proposé de retarder la
continuation de son intervention, étant donné qu'il s'adressait
directement au ministre, qu'il donnait la réplique au ministre. Je
céderai donc la parole au député de Rouyn-Noranda qui fera
ses remarques et commentaires généraux.
Le député de Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, il me fait plaisir de
participer à cette commission des affaires sociales qui doit discuter
des crédits annuels de ce ministère. Bien sûr, à
l'occasion d'une telle séance, il est permis au début de faire un
survol des problèmes connus au cours des années passées,
ainsi que des solutions qui peuvent être apportées par ce
ministère au cours de l'année à venir.
Je pense qu'il est important pour un membre de l'Assemblée
nationale de pouvoir avoir telle occasion, au moins une fois par année,
alors que nous avons la chance d'avoir avec nous les hauts fonctionnaires du
ministère qui sont là pour donner des réponses à
plusieurs des questions que peuvent se poser les membres de la commission.
Surtout, je pense qu'il est intéressant de pouvoir donner, au nom de nos
commettants, notre point de vue quant à tout ce qui touche le
ministère des Affaires sociales.
M. le Président, au tout début de ces remarques, je
voudrais toucher deux aspects particuliers qui relèvent du
ministère des Affaires sociales, soit l'application du régime
d'aide sociale et, d'autre part, les services sociaux, soit les centres de
services sociaux plus précisément. C'est une suggestion que je
fais, ce matin, au ministre. Je ne pense pas avoir eu l'occasion de voir tel
genre de suggestion faite par le passé, mais je m'expliquerai
tantôt et le ministre comprendra pourquoi je fais ce genre de suggestion
aujourd'hui.
Il me semble que l'administration de l'aide sociale, par les bureaux
d'aide sociale qui sont actuellement existants en province, devrait aussi in-
tégrer l'administration des services sociaux. Je m'explique
là-dessus, M. le Président.
Surtout depuis le 1er janvier dernier, avec les nouveaux
règlements, nous avons des plaintes qui sont, je pense, fondées
de la part de bénéficiaires d'aide sociale qui doivent aussi
faire affaires avec le centre de service social. Je me demande pourquoi on
n'aurait pas un seul système, un seul genre d'enquête à
faire. Je trouve qu'on double inutilement le travail. Cela donne,
évidemment, des situations assez cocasses où un
bénéficiaire de l'aide sociale doit faire affaires avec son agent
de l'aide sociale à son bureau. S'il advient que, pour des raisons de
santé, la mère de famille a besoin d'aide ménagère,
par exemple, pour une période donnée, là, depuis le 1er
janvier, on les réfère au centre de service social. Au centre de
service social, on reprend tout le processus d'un bout à l'autre et,
finalement, le citoyen a l'impression d'être charrié entre deux
sortes d'administrations.
De plus, M. le Président, alors que, dans l'administration de
l'aide sociale, les employés de ces bureaux d'administration
relèvent évidemment de la Fonction publique, relèvent de
l'autorité du ministère directement, les centres de service
social nous semblent relever de je ne sais trop qui, sauf que le gouvernement
paie. Le gouvernement paie pour les employés, le gouvernement paie pour
les services qui ont été autorisés par ces
employés, mais il semble que lorsqu'il y a des problèmes, le
gouvernement manque d'autorité sur ces gens.
Je prends à témoin plusieurs de mes commettants de mon
propre comté, d'autres comtés de la province également qui
m'ont fait des plaintes. Parlons de mon comté pour le moment. Il est
arrivé à plusieurs reprises que des gens se sont rendus comme il
se doit, malgré que ce soit un peu aberrant pour la population
d'être obligée de courir entre deux bureaux lorsqu'on a des
besoins qui sont semblables.
Moi je considère qu'un agent d'aide sociale qui est capable de
faire une enquête raisonnable pour déterminer si un citoyen peut
être éligible ou non à l'assistance sociale peut aussi
déterminer s'il a droit ou non, à une aide
ménagère. Alors, ces gens-là, se sentent charriés.
Même si on vient voir le député, on leur recommande de se
rendre d'abord au centre de service social, comme il se doit.
Il y en a qui n'aiment pas cela, mais ils le font finalement quand ils
voient que nous faisons ces recommandations pour permettre aux agents du
service social de faire leur travail. Et, M. le Président, il y a
beaucoup trop de plaintes qui me parviennent dès que le citoyen fait
mention qu'il est venu voir son député, comme c'est son droit.
C'est un droit qui appartient à tous les citoyens du Québec
d'aller voir leur député, d'aller le rencontrer et de lui
demander des services, quel que soit le parti que représente le
député.
Or, il est arrivé trop souvent et il arrive encore trop souvent
que ces gens se font faire des remarques dès qu'ils font mention
à un représentant du service social qu'ils ont vu leur
député. Jadis c'était à l'aide sociale qu'ils se
faisaient dire cela;
c'est changé maintenant, je dois le dire. J'ai beaucoup moins de
plaintes de ce côté, mais maintenant c'est le service social qui
dit: Votre député on s'en fout comme de l'an quarante. Ce n'est
pas lui qui m'a engagé, ce n'est même pas le gouvernement qui m'a
engagé, je n'ai de compte à rendre à personne. Cela est le
genre de réponse que certains employés du service social donnent
à nos commettants.
Alors, je me demande si c'est normal que le gouvernement ne fasse qu'une
seule chose dans toute cette affaire, payer ces employés, payer les
dépenses que ces employés ordonnent, puis que le gouvernement
n'ait pas d'autorité là-dessus. Qu'est-ce que vous voulez qu'on
fasse comme député? On a des services à donner à
notre population, qui a droit de nous demander ces services. On se
réfère au cabinet du ministre et on se réfère
à l'autorité. Mais l'autorité, finalement, vous renvoie au
bas de la ligne et là tout ce qu'on a comme réponse c'est celle
qui vient d'en bas de la ligne, alors que le sujet de l'intervention
était justement l'insatisfaction des services donnés en bas de la
ligne.
Qu'est-ce que cela nous donne, à ce moment-là, de
communiquer avec le cabinet du ministre pour tenter d'obtenir justice, quand on
considère qu'il y a eu injustice ou quand on considère qu'il n'y
a pas eu totalement justice?
Qu'est-ce que cela nous donne de communiquer avec l'autorité,
alors que nous voyons qu'à la suite de nos communications et, à
la suite des communications des autorités du ministère, tout ce
que cela a comme conséquence est que cela entraîne un délai
de trois semaines ou un mois pour se faire dire: Vous devriez conseiller
à votre commettant de se rendre au bureau du service social. C'est cela
qu'on lui a conseillé au début; c'est parce qu'il n'a pas
été satisfait là que nous sommes obligés
d'intervenir.
M. le Président, la suggestion que je voulais faire au ministre
ce matin c'est d'étudier sérieusement la possibilité
d'intégrer ces deux services. Je pense qu'il y aurait, d'abord, une
économie d'argent considérable, parce que les assistés
sociaux ou ceux qui ont besoin de services sociaux sont à peu
près les mêmes gens, à quelques exceptions près, qui
ont un dossier au bureau de l'aide sociale et un dossier au bureau du service
social.
On double les enquêtes, on double le travail pour rien, et puis on
se retrouve, d'un côté, avec un groupe sur qui personne n'a
d'autorité. Je trouve cela absolument anormal. Le gouvernement est quand
même responsable devant le peuple de ses actes, alors que ces gens ne
sont pas responsables devant personne, paraît-il. Au moins, s'ils sont
responsables devant quelqu'un, ce n'est pas devant le gouvernement et ce n'est
pas devant le peuple, parce qu'on se fait dire trop souvent... En tout cas, le
ministre me dira s'il a des moyens autres que ceux que je suggère pour
corriger cette situation. S'il en a d'autres, je n'ai pas d'objection à
les envisager, mais, pour le moment, après de mauvaises
expériences qui se sont trop souvent répétées, je
n'ai pas d'autre chose à faire que de suggérer qu'on
intègre ces deux services et qu'on les place sous l'autorité du
ministère pour que le ministère puisse, advenant qu'il y ait des
choses à corriger, prendre les dispositions pour le faire.
D'ailleurs, M. le Président, certaines gens vont plus loin;
certaines gens vont même jusqu'à dire qu'ils n'ont pas d'ordre
à recevoir, même du ministre. J'ai des témoignages
là-dessus. Moi, je trouve, en tout cas, quelles que soient les opinions
politiques des agents concernés, que c'est absolument
déplacé, absolument déplacé. L'autorité,
dans notre système actuel démocratique, vient de la
majorité. La majorité s'étant, aux dernières
élections, manifestée, nous devons respecter
l'autorité.
Bien sûr, nous pouvons contester les lois, nous pouvons contester
les mesures; c'est notre travail de le faire et, en tant que
député de l'Opposition, c'est surtout notre travail de voir
à surveiller l'application et la législation, etc. Il reste
qu'aussi longtemps qu'une loi existe, même si nous avons le droit et le
devoir de la critiquer si nous ne sommes pas d'accord avec cette loi, nous
devons la respecter, sinon c'est l'anarchie totale.
Je pense que le respect de nos lois veut dire aussi le respect de nos
législateurs, de nos administrateurs et aussi du peuple, quel que soit
leur nom ou leur couleur politique. Aux centres de service social, les
élus du peuple ne sont pas respectés, suivant les
témoignages que j'ai obtenus. C'est d'ailleurs, M. le Président,
le même centre de service social du Nord-Ouest québécois
qui donne ce genre de réponse à la population qui, la semaine
dernière, a provoqué les interventions que j'ai faites à
l'Assemblée nationale concernant les retenues à la source pour
fins de caisses électorales.
Je ne reviens pas sur le sujet, ce n'est pas mon intention ce matin de
faire un débat là-dessus, mais c'est le même service
social; ils sont 140 dans la région du Nord-Ouest
québécois et j'aimerais bien, ce matin, que le
député d'Abitibi-Ouest soit présent. Je sais qu'il a aussi
été victime dans son propre comté de ce genre de choses.
Nous en avons discuté ensemble. Je croyais être la seule, dans la
région du Nord-Ouest québécois étant un
député de l'Opposition victime de ce genre de choses, mais
il semble que dans les autres comtés, c'est la même chose.
Alors là, il s'agit de mettre en cause les centres de service
social du Nord-Ouest québécois. A l'Est de la province j'ai
ouï-dire, parce que j'ai discuté avec d'autres aussi, que la
même chose se produisait en certains endroits. Il y a aussi des plaintes
qui me parviennent d'électeurs de l'Est de la province, parce que j'ai
une volumineuse correspondance de la province, et je suis en mesure de vous
dire que dans plusieurs comtés du Québec, nous avons ce genre de
plaintes aussi.
M. le Président, sachant que le ministre d'Etat aux affaires
sociales est particulièrement près de ce genre de
problèmes et sachant aussi qu'il a l'habitude de tenter de les
résoudre, avec les moyens qu'il a, bien entendu, je fais cette
sugges-
tion, ce matin, pour que soit envisagée sérieusement
l'intégration.
Non pas l'intégration automatique des employés, parce que
ces gens n'ont pas été engagés par la fonction publique;
ils n'ont pas été engagés par les voies normales. Ils ont
été engagés, pour différentes raisons, par
différents moyens qui ne sont pas ceux qui sont normalement
utilisés par le gouvernement. L'intégration devrait se faire sur
la base de nouveaux concours; que ceux qui sont habilités à
passer à travers soient intégrés et, s'il n'y en a pas
assez qui sont habilités à le faire, qu'on ouvre des concours
à d'autres.
Mais je n'accepte pas je le dis bien clairement, M. le
Président que les gens soient engagés au gouvernement
seulement pour leur option politique, quelle que soit leur option politique;
qu'ils soient rouges, qu'ils soient bleus, qu'ils soient "câilles", je
n'accepte pas cela. Je pense que tous les citoyens du Québec,
honnêtes et qualifiés, doivent avoir le droit de servir le
gouvernement du Québec, de servir la population à travers le
gouvernement du Québec, bien entendu.
Dans ce secteur, les normes gouvernementales n'ont pas été
utilisées. C'est pour cela qu'on se fait dire à tort, parce que
ces gens devraient comprendre qu'ils sont au service de la population, qu'ils
se foutent éperdument des députés et des ministres. Moi,
M. le Président, je n'admets pas cela. Je n'admets tellement pas cela
que je suis à la veille de faire une motion à l'Assemblée
nationale, si cela continue, pour qu'on discute de cette affaire et qu'on
prenne des mesures appropriées, si cela ne change pas. Mais je sais que
cela ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd et qu'il y aura sûrement des
vérifications faites et des mesures prises de ce côté.
Quant à l'aide sociale, M. le Président, je ne peux que
regretter... Honnêtement, là-dessus, mon collègue, le
député de Saint-Jacques, a fait mention, au mois de novembre, je
crois, ou de décembre, de son désir de voir la commission
parlementaire siéger avant l'adoption des nouveaux règlements. Je
me rappelle avoir appuyé ce genre de choses et je ne reviens pas sur ma
parole; je pense que le député de Saint-Jacques avait raison de
faire cette demande à ce moment-là. Aujourd'hui, nous sommes en
mesure de constater qu'il avait doublement raison. L'application des nouveaux
règlements fait que, si nous avions eu cette commission parlementaire
auparavant, avant l'application des nouveaux règlements, on aurait
peut-être pu faire des suggestions utiles qui auraient amené,
peut-être, de petits amendements à ces règlements et qui
auraient permis que l'aide sociale soit réellement une aide sociale.
Tout ce qu'il semble qu'on ait fait je n'irai pas dans tous les
détails de ce nouveau règlement mais dans le principe tout
ce qu'on retrouve, dans le fond, c'est que ce qui est augmenté d'une
part est pris ailleurs. On a enlevé certains services spéciaux,
on a remplacé cela par une augmentation, mais il reste que nous sommes
toujours devant des assistés sociaux, toujours devant des
défavorisés. Les besoins spéciaux qui couvraient, par
exemple, des possibilités de réparations de maison pour les
petits propriétaires qui sont défavorisés et qui vivent de
l'aide sociale, c'est parti. C'est remplacé par une possibilité
d'emprunt. Je ne suis pas sûr qu'on rende bien service aux
assistés sociaux en leur permettant d'emprunter au lieu de leur remettre
les sommes dont ils avaient besoin pour les réparations de leur
foyer.
Il y a aussi la question de l'ameublement. Au moment où on avait
des besoins spéciaux évidemment c'était l'autre
partie de l'aide sociale qui faisait défaut, à ce
moment-là mais, du côté des besoins spéciaux,
placez-vous à la place d'une mère de famille qui, un bon matin,
commence à faire son lavage et dont la machine à laver se
détraque tout à coup. Là, ii n'y a plus de besoins
spéciaux possibles dans son cas. Elle doit emprunter de l'argent.
Evidemment, vous avez cette possibilité d'emprunt de $500 qui semble
avoir été négociée dernièrement, parce
qu'avec l'application du nouveau règlement d'aide sociale, au 1er
janvier, ce n'était pas encore négocié, cette
possibilité d'emprunt. Placez-vous à sa place et vous verrez que,
rapidement, la capacité d'emprunt sera utilisée et
l'assisté social se retrouvera devant d'autres sortes de besoins qu'il
ne pourra pas combler parce qu'il ne peut pas emprunter. Si c'est la machine
à laver qui fait défaut, un bon matin, il faut la remplacer parce
que c'est un besoin essentiel. Il y a des choses, comme cela, qui peuvent faire
défaut et, quand cela arrive, cela prend de l'argent. Les besoins
spéciaux n'étant plus là pour couvrir ce genre de choses,
on se retrouve devant une impossibilité, une incapacité, pour ces
gens, de faire face à des besoins.
On dira peut-être que l'an dernier il y a eu un ajustement, quand
on a coupé ces besoins spéciaux, il y avait eu un ajustement de
$8 par mois, je pense, qui devait couvrir cela. C'est un peu ridicule, M. le
Président, $8 par mois, pour couvrir des besoins spéciaux. Cela
ne couvre même pas la dépréciation du mobilier, des parties
essentielles du mobilier. Ces gens se retrouvent devant l'impossibilité
de satisfaire à leurs besoins.
Aujourd'hui, nous savons que même avec les dans un autre
ordre d'idées efforts faits par le ministre des Affaires
sociales, l'automne dernier, il y a encore des coupures
d'électricité qui s'effectuent chez des assistés sociaux.
Il y a encore des coupures de gaz naturel qui s'effectuent chez des
assistés sociaux. Il y a encore des assistés sociaux qui,
à un moment donné, parce qu'ils doivent chauffer leur
résidence en hiver, comme tout le monde, ne peuvent plus payer le
distributeur d'huile à chauffage et se retrouvent sans ressources. Il y
a encore de ces enfants, de ces familles d'assistés sociaux dont la
pauvreté est telle qu'on se prive du nécessaire; on se prive de
certains repas, puis on se prive de chauffage.
Dans notre société moderne, quoi qu'on dise et quoi qu'on
pense de l'inflation, on ne me fera jamais accepter que les capacités de
production, les capacités physiques et les richesses naturelles au
Québec ne sont pas là. Vous comprenez cela. L'économie est
ce qu'elle est présentement, mais
elle pourrait être changée. Ce n'est pas parce que
quelqu'un a décidé un jour quelque part qu'il faut se serrer la
ceinture que les terres vont arrêter de produire, que les richesses
naturelles sont disparues, que les capacités de production sont
disparues. M. le Président, je n'accepte pas cela.
Si nous vivions dans un pays comme l'Inde, où on est
dépourvu de ressources, on ne pourrait pas dire la même chose.
Mais on vit dans un pays pourvu de ressources. Cela est différent.
Qu'on aménage le système économique. Bien
sûr, le ministre des Affaires sociales va me dire que cela ne
relève pas seulement de sa compétence. Je suis d'accord sur cela.
Mais il reste qu'il fait partie d'un gouvernement et que ce gouvernement a des
responsabilités vis-à-vis de la population, que ce gouvernement
devrait utiliser toutes les ressources possibles, sans les gaspiller, bien
entendu, mais les utiliser. Toutes les ressources possibles, cela veut dire que
tous les Québécois devraient être en mesure d'avoir
accès à un minimum vital, et cela parce que notre province est
capable de le leur procurer.
Cela m'amène, M. le Président, à vous parler de
revenu annuel garanti sur une base universelle. Pourquoi sur une base
universelle? D'abord parce que tout ce qui est sélectif, à mon
sens, amène évidemment des enquêtes. Tout ce qui
amène des enquêtes amène le besoin d'un jugement de
quelqu'un, d'un employé quelconque quelque part.
Le jugement humain étant ce qu'il est, M. le Président,
les citoyens québécois, par le mode de la
sélectivité, sont traités un peu selon l'humeur de
l'être humain qui doit prendre la décision, qui doit porter le
jugement, de sorte que nous multiplions les injustices par ce genre de moyens.
C'est pourquoi je réclame un revenu minimum garanti annuel, mais
universel. Qu'il soit donné à tout le monde à la base,
quel que soit le montant accepté et acceptable, compte tenu du montant
d'argent qui serait fixé selon le seuil de pauvreté et compte
tenu également de l'indexation qui devrait suivre Ja tendance du
coût de la vie. Si la tendance était à la baisse, on
pourrait parler de la suivre à la baisse, mais je pense que ce n'est pas
le cas présentement; il faut la suivre à la hausse. Cela doit
être ajusté pour suivre le coût de la vie.
Pourquoi de façon universelle, M. le Président? Certains
pourront me faire la réflexion que ce serait accorder le revenu minimum
garanti à des gens qui ont déjà un gros salaire. Je dis:
Oui, cela le permettrait, mais cela éviterait, par exemple, beaucoup de
bureaucratie, beaucoup d'enquêtes, beaucoup de dépenses de ce
côté. N'oublions pas que cela permettrait à tous les petits
salariés ou à tous les défavorisés d'obtenir au
moins ce minimum sans risque d'injustice. Pour ceux qui ont un meilleur revenu,
le revenu minimum garanti, finalement, serait une question d'entrée et
de sortie de comptabilité, parce qu'il retournera automatiquement dans
les coffres du trésor public par les voies de l'impôt. Nous savons
tous que l'impôt pour celui qui a un gros salaire ou pour le millionnaire
est à ce point élevé que le revenu minimum garanti qu'il
recevrait, pour lui ne serait qu'un transfert d'argent. Il retournerait dans
les coffres. Pour ceux-là, finalement, ce ne serait pas un avantage,
mais ce serait un avantage pour la classe de gagne-petit et la classe moyenne.
Il y aurait également un autre genre d'avantage à cela, M. le
Président je sais que le ministre est sensibilisé à
ce genre de choses c'est que nous ne détruirions pas l'initiative
au travail des gagne-petit. La formule actuelle d'aide sociale finit par
détruire l'initiative au travail de certains assistés.
M. le Président, la formule actuelle fait que, quand quelqu'un
devient un assisté social, sachant qu'il ne peut pas gagner d'argent
sans voir réduire ses revenus de l'aide sociale de quelque façon,
eh bien, au bout de quelques mois, plusieurs de ces personnes finissent par
comprendre que, étant des défavorisés, étant des
gens qui de, toute façon, ne gagneraient jamais de gros salaires
finissent par comprendre que c'est quasiment aussi payant de se contenter de
l'aide sociale, qui n'est pas imposable, qu'aller travailler à un petit
salaire qui, lui, est imposable et entraîne des dépenses. Alors,
c'est le genre de choses, je pense, qui doit nous intéresser. Pourquoi
laisser détruire l'initiative au travail de oes personnes?
Je pense qu'on n'a pas le droit de faire cela. Les humains ont besoin de
s'occuper à quelque chose et, bien entendu, il y a encore des petites
industries, des petits commerçants, des petits employeurs qui auraient
besoin de travailleurs, mais qui ne sont pas capables de payer des gros
salaires, qui sont presqu'au salaire minimum. Aujourd'hui, le salaire minimum
et l'aide sociale, et les conséquences qu'entraînent les
dépenses pour celui qui va travailler au salaire minimum font que, dans
certains cas, compte tenu du nombre d'enfants dans ta famille, il n'y a presque
pas de différence entre celui qui travaille et celui qui ne travaille
pas. Selon un vieil adage, la différence entre celui qui travaille et
celui qui ne travaille pas, au bout de l'année, est de $0.05, et c'est
celui qui ne travaille pas qui a les $0.05. On pourrait peut-être
répéter cela aujourd'hui puis c'est encore aussi vrai que cela
l'était déjà.
Je voudrais, M. le Président, faire remarquer que si nous
arrivions à un revenu minimum garanti sélectif, ou plutôt
appelons les choses plus par leur nom, si nous arrivions à une garantie
du revenu sur une base sélective, comme il semble que les gouvernements
s'orientent vers ce genre de chose présentement, nous
découragerions davantage les citoyens de travailler.
C'est pourquoi je le réclame sur une base universelle. Je le
réclame sur une base universelle, parce que je ne veux pas que le
gouvernement soit l'artisan de la destruction de l'initiative au travail de nos
concitoyens. Par contre, tous ont droit à un minimum vital, tous ont le
droit de vivre raisonnablement, et la province de Québec, par ses
ressources, est capable de leur procurer cela. C'est là la justice
distributive dont pourrait être capable le Québec.
M. le Président, bien sûr, quand on parle d'affaires
sociales, on peut presque jouer du coq-à-
l'âne, parce qu'il y a tellement de choses qui se retrouvent dans
ce ministère qu'il nous prendrait deux ou trois jours pour couvrir tous
les angles, mais comme nous reviendrons plus en détail dans certains
programmes, j'en passerai plusieurs. Mais il reste que j'aimerais que nous
prenions quelques minutes pour discuter d'un point qui me préoccupe
particulièrement: c'est à la Régie de l'assurance-maladie
que nous retrouvons que des avortements pratiqués à
l'extérieur du Québec sont remboursés par la Régie
de l'assurance-maladie.
M. le Président, je pense qu'il est anormal, que, par une de ses
régies, le gouvernement du Québec paye pour des choses
pratiquées à l'extérieur du Québec, pour des choses
qui seraient reconnues illégales au Québec. J'ai posé
quelques questions à ce sujet dernièrement et depuis
déjà longtemps. Je me rappelle en avoir posé à
l'ex-ministre de la Justice, mon collègue d'Outremont, qui avait pris
certaines positions qui, je vous l'avoue, M. le Président, m'avaient plu
à l'époque. Le député d'Outremont avait
manifesté son désir de faire appliquer intégralement la
loi. D'ailleurs, il était passé aux actes, peut-être pas
à mon entière satisfaction mais, en tout cas, à une grande
partie de ma satisfaction.
Mais aujourd'hui, les mêmes questions que je pose au Solliciteur
général ne trouvent pas le même genre de réponses.
Le Solliciteur général nous ramène toujours au fait que
l'avortement n'est pas nécessairement illégal au Québec.
Je pense, M. le Président, que c'est là s'évader des
problèmes, c'est là glisser sur les problèmes, parce que,
quand on pose des questions sur l'avortement, bien sûr, il s'agit de
l'avortement libre qui, lui, selon mes informations, est reconnu
illégal. C'est le genre de choses qui se fait à
l'extérieur du pays, aux cliniques de Plattsburg ou autres dans l'Etat
de New York. Selon les renseignements qui ont été donnés
l'an dernier en Chambre par le ministre, ce fut payé par la Régie
de l'assurance-maladie.
Je pense qu'il est temps que l'on prenne des dispositions pour
éviter qu'un gouvernement, de ses deniers, des deniers de la population,
mais des deniers dont il a l'administration, paie à l'extérieur
du pays des choses qu'il n'a pas le droit de payer au Québec et qui sont
reconnues illégales au Québec.
C'est ainsi que le gouvernement devrait plutôt avoir une politique
d'encouragement des naissances, plutôt qu'un laisser-aller qui fait que
nous arrivons de plus en plus dans un cycle où la population, ou une
partie de la population en tout cas, se fait complice de la
dénatalité. Quand je pense que nous devons, comme nation
québécoise, prendre certaines initiatives pour la survie de notre
population, de notre peuple, je trouve qu'il est contradictoire d'un
côté de penser qu'un jour on pourra, par nos propres moyens, faire
certaines choses si d'un autre côté nous n'avons pas une politique
d'encouragement des naissances. On s'en va directement vers la destruction de
notre peuple québécois; l'autodestruction, c'est aussi fort que
cela; l'autodestruction.
Quand un peuple commence à faire ce que nous faisons
présentement et, grâce à Dieu, ce n'est pas la
majorité de la population encore qui fait cela avant que ce
cancer continue à progresser, il faut faire quelque chose. Cela ne se
fait pas facilement par des moyens coercitifs, cela se fait par des mesures
d'encouragement à la mère de famille. Cela se rattache
directement à ce que je vous disais tantôt, au revenu minimum
garanti, parce que, si nous donnons les moyens à la famille de vivre
raisonnablement, nous encourageons déjà par ce fait les
naissances. Mais, si en plus on donne à la mère de famille, la
mère au foyer une allocation spéciale quelconque, là je
pense qu'on encouragera la mère de famille à demeurer au foyer
plutôt que de l'obliger à en sortir. La situation actuelle fait
que celles qui sortent du foyer, en grande majorité bien
sûr il y en a qui le font pour d'autres raisons le font par besoin,
par obligation, parce que le revenu familial n'est pas suffisant et que la
mère doit aller chercher un supplément de revenu par son travail
pour permettre à la famille de boucler le budget.
Or, M. le Président, ce revenu garanti dont je vous parlais
tantôt est une partie de l'encouragement qu'on peut donner aux familles.
L'autre partie, c'est d'accueillir une nouvelle naissance comme un actif.
Le gouvernement pourrait, par le ministère des Affaires sociales,
avoir une politique qui encourage les naissances en donnant en quelque sorte
une allocation à la naissance parce que nous savons tous qu'une
naissance amène des dépenses, que dans les foyers
défavorisés ou dans d'autres foyers qui sont peut-être de
classe moyenne, mais qui ont de la difficulté quand même à
boucler le budget, on ne peut pas recevoir facilement une naissance parce qu'on
n'est pas pourvu des facilités qu'il faut.
Evidemment, comme conséquences directes, on évite les
naissances. Un couple qui agirait ainsi toute sa vie ferait que, si l'on part
du barème 2 aujourd'hui, dans 30 ou 40 ans on serait rendu à 0.
M. le Président, faites la projection sur l'ensemble de la population du
Québec et vous verrez à quel rythme on est en train d'assister
à l'autodestruction des Québécois.
Quand je vois que, par-dessus le marché, nous avons des artisans
de ce genre de destruction, je pense que c'est le comble. Rappelons-nous, M. le
Président, qu'à l'occasion de la dernière guerre mondiale,
nos concitoyens québécois, nos concitoyens canadiens, nos
alliés, si vous voulez, ont fait la guerre pour sauvegarder les droits
et les libertés des humains. Nos concitoyens québécois se
sont rendus faire la guerre en Allemagne pour tenter d'éviter la
destruction d'une partie du peuple allemand d'origine juive, parce qu'il y
avait là des raisons humanitaires, de très bonnes raisons d'aller
défendre ces gens. Cela a été le scandale du
siècle, la destruction de presque tout un peuple.
Mais, M. le Président, une trentaine d'années
après, par des moyens peut-être différents qui ne sont plus
les fours crématoires, on est en train d'assister à la
destruction du peuple québécois
chez nous. Drôle de coïncidence: parmi certains artisans de
cette destruction, nous retrouvons des gens de la nationalité de ceux
que nous avons tenté de sauver en mettant en jeu la vie de certains de
nos concitoyens.
De toute façon, je n'irai pas plus loin sur ce sujet, mais il
reste que j'invite le ministre des Affaires sociales à étudier la
possibilité de l'éventualité d'une politique d'aide
à la famille, d'aide à la naissance, d'aide à la
mère au foyer.
Nous étions plus forts, M. le Président, quand le
Québec pouvait se vanter de sa fameuse revanche des berceaux.
Aujourd'hui, ce sont les gens des autres provinces qui utilisent ce seul moyen
que nous avions à notre disposition il y a déjà plusieurs
années. Ce qui a permis au peuple canadien-français de survivre,
c'est la revanche des berceaux, mais ce qui est en train de nous
détruire aujourd'hui, c'est qu'on a laissé tomber cela. Parce que
les politiques du gouvernement ne sont pas suffisamment incitatives, ce sont
les Anglais des autres provinces qui utilisent la formule que nous utilisions
jadis.
M. le Président, je pense que le ministre des Affaires sociales
doit entrer en communication le plus rapidement possible avec les mouvements
pro-vie, avec le Front commun pour le respect de la vie et discuter avec ces
gens qui ont des dossiers bien complets, qui ont des statistiques
là-dessus.
Le docteur Jutras, de Victoriaville, publiait c'était dans
le journal de la semaine dernière, je crois un avis à ce
sujet. Par cet avis, nous sommes en mesure de voir jusqu'à quel point
notre peuple québécois est actuellement en danger
d'extermination. Peut-être que cela pourrait coûter moins cher,
évidemment, à l'administration de la Régie de
l'assurance-maladie si on s'autodétruisait rapidement, parce qu'il y
aurait beaucoup moins de personnes à être enregistrées.
Peut-être qu'il y aurait plus de cartes encore que de monde, comme c'est
le cas présentement. Une chance que ces cartes ne votent pas, M. le
Président, parce que cela dérangerait drôlement la
démocratie. Il reste que je voudrais souligner à ces honorables
messieurs que, si l'autodestruction du peuple canadien-français amenait
peut-être moins de paiements de l'assurance-maladie, elle
amènerait aussi moins de revenus à l'assurance-maladie.
Je pense que nous nous devons de rencontrer les gens du groupement
pro-vie et de considérer leurs justes revendications. Ils sont un
demi-million dans ce mouvement, dans le Front commun pour le respect de la vie.
Un demi-million de Québécois engagés. Je pense qu'ils ont
fait la preuve que ce n'est pas la majorité qui veut l'autodestruction
des Canadiens français. C'est une minorité qui, malheureusement,
est beaucoup plus tapageuse que la majorité. Cette minorité, M.
le Président, laissons-la faire le tapage; mais nous de la
majorité bien pensante, passons donc plutôt aux actes et
permettons une meilleure politique de la famille.
Quand on parle d'avortement, bien sûr, cela nous amène
à penser aussi à l'euthanasie. Je voudrais aussi qu'on se penche
sur ce problème; ce n'est pas un problème qui existe tellement au
Québec présentement, mais, parce qu'il semble qu'au Québec
on fait toujours, nous autres, les erreurs qui se font ailleurs, 20 ans ou 30
ans après, j'ai peur qu'on fasse aussi au Québec ce genre
d'erreur dans quelque temps. Cela se fait déjà dans quelques
pays; il y a des pays qui la pratiquent.
Je dis qu'on fait au Québec les mêmes erreurs qui se font
ailleurs, 20 ans ou 30 ans après. Pensons aux fameuses régionales
et aux fameuses polyvalentes qui ont été
expérimentées aux Etats-Unis. Nous autres, au Québec,
comme par hasard, on a lancé ce mode de construction de polyvalentes au
moment où, aux Etats-Unis, on avait calculé que cela avait
été une erreur de l'avoir fait. Au moment où on savait
qu'aux Etats-Unis, on s'était trompé, nous autres, au
Québec, on s'engageait dans la même expérience. Au moment
où on s'est engagé là-dedans, M. le Président
je me souviens de l'avoir dit souvent publiquement nous faisions
une erreur monumentale.
Aujourd'hui, je pense qu'il y a beaucoup de gens en tout cas, si ce
n'est pas tout le monde, qui sont prêts à accepter de dire que ces
grosses polyvalentes sont des géants inefficaces qui ne permettent pas
une meilleure éducation. En tout cas, le ministère de l'Education
l'a reconnu, parce qu'il ne s'en fabrique plus, des polyvalentes de 3500 ou
4000 élèves; on a réduit cela maintenant aux alentours de
1000. Comme vous voyez, on s'aperçoit qu'on a fait une erreur.
Ce que je trouve mauvais, c'est qu'au moment où on a tenté
l'expérience, ailleurs cela avait été prouvé comme
néfaste. Nous, on l'a tenté au Québec à ce
moment-là. Puis, 20 ans ou 15 ans après, on arrive au même
résultat auquel les autres sont arrivés. On n'est pas des humains
différents des autres, M. le Président. Quand les Etats-Unis font
des erreurs, pourquoi tentons-nous les mêmes expériences? Je dis
que c'est arrivé dans ce cas et c'est arrivé dans d'autres cas
aussi. Là, c'est en train de nous arriver, peut-être, si on ne met
pas le frein à temps, dans la question de l'euthanasie.
Je dis qu'il faut mettre les freins à temps. A temps, cela veut
dire avant qu'il n'y ait un seul cas connu au Québec. Il vaut mieux
freiner avant d'arriver à la traverse à niveau que de freiner sur
la traverse à niveau quand le train arrive. C'est pourquoi je dis que
nous devons, de ce côté, avoir une politique
préventive.
Je voudrais également, M. le Président, dans un autre
ordre d'idées parler de l'urgence de reconnaître, pour les fins de
la Régie de l'assurance-maladie, la chiropraxie ainsi que la
thérapeutique, les physiothérapeutes. Ces gens, M. le
Président, donnent des services qui sont nécessaires. Nous les
avons reconnus par la Loi sur le Code des professions. Aujourd'hui, nous avons
des cas où des médecins de médecine générale
ou autres pratiquent pour rendre des services remarquez bien que je ne
veux pas blâmer les médecins qui le font, au contraire, et je ne
vou-
drais pas être mal interprété à des
gens qui, autrement, ne pourraient pas avoir ce genre de traitements parce
qu'ils ne sont pas capables de les payer. Plusieurs médecins pratiquent
la chiropraxie, peut-être totalement, dans certains cas, ou
partiellement, dans d'autres cas. Pourquoi le font-ils? Parce, dans plusieurs
cas, leurs clients ne pourraient pas se payer ces services ou ces soins s'ils
les prenaient directement des chiropraticiens qui sont
spécialisés dans ce genre de choses. Alors on fait un
détour pour tenter d'obtenir l'équivalence du service par un
autre spécialiste de la santé, si vous voulez, un autre
professionnel de la santé qui, lui, est déjà
surchargé, qui, lui, pourrait occuper toutes ses journées
à faire de la médecine et encore. Je pense que tous les
médecins sont d'accord là-dessus. Les salles d'attente des
médecins ne sont jamais vides. Elles sont toujours pleines. Il y a un
besoin, et nos médecins surchargés sont obligés de faire
autre chose pour rendre des services à la population
défavorisée. Je pense qu'il est urgent que la Régie de
l'assurance-maladie couvre ces soins chez les chiropraticiens et chez les
physiothérapeutes.
J'aimerais aussi revenir sur un autre sujet qui a fait l'objet d'un
débat assez long, l'an dernier, à l'Assemblée nationale.
Il s'agit de la fluoration des eaux de consommation. Je n'ai jamais
été convaincu, malgré que la loi ait été
adoptée par la force, que c'est une bonne mesure, jamais. Qu'on se
réfère aux cas de fièvre thyphoïde dans la
région de Saint-Gabriel-de-Brandon, dernièrement, pour voir
jusqu'à quel point tout ce qui est introduit dans l'eau peut être
néfaste. L'eau naturelle ou encore améliorée pour
détruire les bactéries, bien sûr, c'est valable, mais quand
on arrive à la fluoration des eaux, c'est encore un sujet qui, sur la
place publique, fait qu'il y a des professionnels de la santé qui ne
sont pas d'accord sur le bienfait ou sur le méfait de cette mesure.
Si, dans ce domaine, parmi les professionnels de la santé, parmi
les savants même, on n'est pas d'accord, je pense que le Québec
court encore un risque inutile. Il y a eu également je n'ai pas
besoin de vous le dire dans ce domaine, des expériences de faites
ailleurs, qui se sont avérées néfastes. On a cessé,
ailleurs, la fluoration dans certains coins. Nous, au Québec, comme
d'habitude, quand ailleurs ils ont fait des mauvaises expériences, il
semble qu'il faille qu'on fasse encore les mauvaises expériences.
Parce que la loi 88 l'a dit, on est en train d'installer, partout
où c'est possible, à un rythme aussi
accéléré que possible, des appareils de fluoration des
eaux de consommation.
M. le Président, moi, aussi longtemps que tous les professionnels
de la santé, aussi longtemps que tous les savants ne seront pas
d'accord, à 100%, pour nous dire que c'est une bonne mesure, je la
mettrai en doute. Je réclame que cette loi soit revue, M. le
Président. Un gouvernement peut faire des erreurs, c'est humain, les
erreurs; quand un gouvernement les corrige, il n'y a pas de honte à cela
non plus. Qu'on revoie cette loi, parce qu'on n'a même pas donné
la possibilité aux populations concernées de dire leur mot. On la
leur impose par la force alors que, si au moins on leur avait donné la
possibilité d'un référendum dans les municipalités
concernées, la majorité de la population aurait pu dire oui ou
non. Cela aurait été un moindre mal si on leur avait donné
cette possibilité. Mais ils n'ont même pas cette
possibilité, ils doivent accepter de force oette mesure qui est encore
une mesure discutée et contestée par les professionnels de la
santé, certains professionnels de la santé, parce que
évidemment, les avis sont partagés.
On pourrait vous parler aussi des centres hospitaliers au Québec.
Beaucoup de plaintes nous parviennent de ce côté. Les centres
hospitaliers ne reçoivent pas les crédits nécessaires
à leur bonne marche, dans certains cas. Plusieurs administrateurs de
centres hospitaliers nous font des plaintes régulièrement
à l'effet que les coupures de leurs crédits font qu'ils ont des
difficultés à donner des services adéquats à leur
population. Je ne veux pas faire uniquement référence à
l'hôpital de Val-d'Or, qui connaît des problèmes très
particuliers de ce temps-ci, problèmes qui ont obligé
l'administration de l'hôpital à fermer certains étages,
problèmes qui ont même amené tous les médecins de
l'hôpital à décider de contester à un tel point
qu'ils voulaient tout lâcher à un certain moment. Je ne fais pas
uniquement référence à ce cas particulier. Je fais
référence à plusieurs autres cas où des
administrateurs d'hôpitaux se plaignent de ne pas pouvoir donner les
services adéquats, faute de crédits. Bien sûr, je
n'apprends rien à personne en disant que les salles d'urgence sont
devenues des salles d'attente, non pas pour des soins d'urgence, mais pour
toutes sortes de soins. Faute d'avoir une politique valable, nous retrouvons
dans nos salles d'urgence tous ceux qui veulent avoir des soins et qui ne
peuvent pas les obtenir parce que les médecins sont surchargés
dans leur cabinet de médecine et que les rendez-vous sont à trois
ou quatre semaines, dans certains cas plus loin que cela, dépendant de
la spécialité. Ces gens se retrouvent aux salles d'urgence. Ce
qu'on ne fait pas dans les cabinets de médecin, il faut le faire dans
les salles d'urgence. Puis là, on va surcharger les médecins qui
sont de garde aux salles d'urgence. C'est ainsi qu'il y a des gens qui entrent
à neuf ou dix heures de la matinée et ils sortent de là
à dix ou onze heures le soir. Parce que la mécanographie est
ainsi faite, il y en a dont le cas est plus urgent que d'autres qui passent
à onze heures le soir alors que d'autres dont le cas est moins urgent
passent dans la matinée ou dans l'après-midi. J'ai
déjà vu même un cas où quelqu'un s'est
enregistré à la salle d'urgence à neuf heures le matin.
Son dossier s'est glissé entre d'autres dossiers, un cas d'urgence, puis
finalement le père de famille a décidé de s'en aller pour
faire donner les soins à son enfant dans un hôpital de l'Ontario,
situé à 55 milles. Evidemment, c'est une erreur qui s'est
glissée, mais c'est le genre d'erreur qui peut se produire parce que nos
salles d'urgence sont devenues presque des salles à tout faire, par la
force des choses.
Moi, je pense qu'on doit, de ce côté, apporter une
attention spéciale qui permettrait aux administrateurs d'hôpitaux
d'avoir les crédits qu'il faut pour donner un bon service, et permettre
aussi que les médecins qui oeuvrent dans ce secteur aient,
évidemment, tout ce qu'il faut pour bien faire leur travail et qu'ils
aient tous les services à leur disposition.
M. le Président, cela m'amène, évidemment, à
vous parler de la fameuse liste des médicaments. Quand on parle de
médecine, on ne peut pas facilement en parler sans en arriver à
cette liste de médicaments pour personnes pauvres. Pour les personnes
qui ont les capacités de payer elles-mêmes leurs
médicaments, on utilise les médicaments prescrits par le
médecin qui, selon moi, est celui en qui le client, le patient a
confiance. Pour ma part je représente à ce moment-ci pas
mal de monde c'est mon médecin qui me prescrit mes
médicaments quand j'en ai besoin et c'est en lui que j'ai confiance.
S'il me donne une prescription dont les médicaments ne se retrouvent pas
sur la liste, c'est que le médecin a considéré que je
devais utiliser tel genre de médicaments plutôt que tel autre.
C'est drôle, quand on arrive avec les défavorisés, les
assistés sociaux qui sont poignés avec la carte de
médicaments, ceux-là n'ont pas droit d'avoir accès
à toute la médication qu'il y a sur le marché. Eux-autres,
on les restreints à un petit livre où il y a une liste et on
dicte au docteur ce qu'il faut prescrire. M. le Président, j'ai eu trop
de plaintes là-dessus, je ne peux pas passer cela sous silence. Il y a
des gens qui ont besoin de choses autres que ce qui est prescrit sur la liste.
On fait des démarches pour ces gens. Il y a des médicaments qui
sont utiles et nécessaires pour des défavorisés et qui
coûtent plus cher que certains médicaments inscrits sur la liste.
On nous donne comme réponse: Que votre commettant demande à son
médecin de consulter la liste et qu'il lui prescrive
l'équivalent. Dans certains cas, même le pharmacien peut faire la
livraison de l'équivalent. Après des semaines ou des mois, on
trouve que l'équivalent a rendu le patient plus malade que s'il n'avait
pas été voir son médecin, parce qu'il existe des allergies
à certains médicaments. Dans ce domaine, on ne laisse pas le
médecin traitant décider. Cela a été fait par
certains technocrates, quelque part, qui ont décidé que les
citoyens québécois devaient se contenter d'être
soignés par tel, tel ou tel autre médicament, en fonction du prix
et non en fonction du résultat. C'est comme cela qu'on traite les
défavorisés québécois. C'est en fonction de
l'argent et non en fonction du besoin; non en fonction du besoin de la
santé.
M. le Président, ce genre de chose est inacceptable dans une
société dite civilisée. C'est inacceptable. Cela fait des
années qu'on en parle et on est encore rendu au même point. Le
médecin dont le cabinet et la salle d'attente sont pleins de monde prend
plus de temps à chercher sur la liste des médicaments qu'à
diagnostiquer la maladie. On pense qu'on rend service à la population
avec cela. Je me demande comment et par quel processus on en arrive à
déterminer quel genre de médicaments et quelles compagnies
figurent sur la liste?
Il y a encore des gens qui font des dépenses d'environ $50 par
mois pour des médicaments qui ne se retrouvent pas sur la liste. Parce
que ce sont les seuls médicaments qui sont valables dans leur cas,
après avoir essayé, les équivalents et après avoir
été malades à cause de ces équivalents, ces gens
paient de leur poche ce que le gouvernement devrait normalement payer pour eux.
Pour chaque médicament payé de sa poche, un assisté social
est obligé de se priver de nourriture. N'oubliez pas cela.
Je pense que la nourriture fait partie des choses nécessaires
à la santé, mais le gouvernement place les
défavorisés devant un choix: ou bien vous allez au plus urgent et
vous payez avec votre allocation qui ne couvre pas les médicaments. Vous
payez vos médicaments, ce qui est le plus urgent, puis vous vous serrez
la ceinture ailleurs, en sachant que déjà les allocations
sociales ne correspondent pas au coût de la vie.
Alors, déjà au départ, pour quelqu'un qui n'est pas
malade, c'est serré. On l'oblige à se serrer la ceinture. En plus
de cela, quand il est malade, on l'oblige à prendre pour les
médicaments l'argent qui devrait être utilisé pour la
nourriture, pour le logement, pour le vêtement et pour le chauffage,
alors que normalement le gouvernement devrait payer ces médicaments,
puis on les empêche de bien manger ou de bien se loger ou de bien se
chauffer ou d'avoir au moins le minimum vital.
M. le Président, je ne le dirai jamais trop: Ce genre de liste
là, cela me fait drôlement penser à ce qui a
été dénoncé dans certains coins de la province
durant la dernière grande crise économique de 1929 à 1939,
alors que les chômeurs défavorisés, qui s'adressaient
à leur municipalité pour avoir de l'aide, étaient
catalogués de sorte qu'on devait les reconnaître sur la rue. C'est
le printemps, on utilise des couvre-chaussures; on appelle cela en canadien des
claques. Dans ce temps-là, il y a certaines municipalités qui
devaient faire le don de cela à certains chômeurs, puis, pour
être bien certain qu'on reconnaisse au travers des autres que
c'étaient des chômeurs, on leur donnait des claques blanches avec
une barre rouge, toutes pareilles. Bien, vous autres, dans le domaine de la
santé, vous êtes en train de faire cela, cela ressemble à
cela. Pour être bien certain qu'on reconnaisse les
défavorisés, on leur impose une liste spéciale de
médicaments.
Si vous aviez fait la preuve que les autres médicaments ne sont
pas valables, je vous demanderais: Pourquoi en permettre la vente dans les
pharmacies? Mais jamais personne n'a pu nous faire la preuve que les
médicaments qui ne sont pas inscrits sur la liste ne sont pas valables.
Au contraire, on nous prescrit plus souvent des médicaments qui ne sont
pas sur la liste, puis ce sont ceux-là qui sont les plus valables; la
pratique le prouve.
M. le Président, je demande une considération
spéciale de ce côté-là. Qu'on arrête donc,
de
grâce qu'on arrête donc de cataloguer les
défavorisés pour être sûr de bien les
reconnaître au travers des autres. Qu'on leur laisse donc leur
dignité à ces gens-là! C'est une atteinte directe à
la dignité du citoyen défavorisé de l'obliger à
demander à son médecin: Voulez-vous regarder la liste, parce que
moi, je n'ai pas d'argent, je suis sur le bien-être social. C'est
déjà une atteinte à la dignité de la personne de
l'obliger à faire cela. En plus, après cela, vous l'envoyez
devant le pharmacien, en étant encore bien certain que le pharmacien va
être sûr de son coup qu'il fait affaires avec un homme pauvre.
Bien, moi, j'ai mon voyage de cela, de ce genre d'atteinte à la
dignité de la personne! Si les autres, ceux qui ne vivent pas de l'aide
sociale, ont le droit d'acheter d'autres sortes de médicaments, suivant
la prescription de leur médecin, je pense que les
défavorisés doivent avoir les mêmes droits. Je pense que ce
n'est pas au gouvernement de décider quel est le genre de
médicament dont a besoin un patient. C'est à son médecin
de décider cela.
Mais, aujourd'hui, malheureusement, on est rendu à un tel point
que le médecin est devenu un fonctionnaire, payé par un seul
client, depuis la Régie de l'assurance-maladie. Le médecin n'a
plus 50, 100 ou 60 clients; il a 50, 100, 150 ou 200 patients, mais il n'a
qu'un client, le gouvernement. Il n'a pas le choix. Il a un client, puis, s'il
ne veut pas faire cela, il débarque de la régie et ses patients
ne reçoivent pas de compensation pour les services qu'il donne; donc,
ils sont pénalisés.
Alors, le gouvernement du Québec a fait de nos médecins
des fonctionnaires qui sont au service du gouvernement, payés à
l'acte oui, mais au service du gouvernement.
En plus d'être au service du gouvernement, vous leur dictez quoi
faire, vous leur dites quel genre de médicament prescrire. Cela, en bon
ca-nayen "c'est le bout"; c'est rendu trop loin et il faut revenir
là-dessus. Il faut conserver la liberté du citoyen de consulter
le professionnel de la santé de son choix, et conserver la
liberté du citoyen d'utiliser les médicaments tels que prescrits
par son médecin, et quel que soit le rang qu'occupe ce citoyen dans la
société. Cela, c'est un minimum.
Nous pourrions parler très longtemps sur tous ces sujets, mais je
résume ma pensée en demandant, au moins, au ministre d'Etat aux
Affaires sociales de considérer ces griefs, de les considérer
sérieusement. Je répète qu'il n'y a pas de honte, aucune
honte, à changer son fusil d'épaule, quand c'est pour le plus
grand bien de la population. Il n'y a aucune honte à revenir sur un
programme, à le repenser et à l'améliorer; il n'y a aucune
honte à cela, pour le plus grand bien de la population.
M. le Président, je pourrais bien faire une lutte
idéologique ce matin, je pourrais bien faire une lutte partisane, je
pourrais bien dire: Nous ferions ceci, nous ferions cela, etc., mais je pense
que vous auriez raison de me dire ou de penser, en tout cas, que c'est une
lutte partisane en vue d'aller chercher des votes. Je demande au gouverne- ment
qui est en place, qui est élu par la population, d'apporter ces
correctifs. Cela, ce n'est pas de la partisanerie, c'est en fonction du bien de
la population du Québec, et nous avons tous certaines
responsabilités vis-à-vis ce bien commun de la population du
Québec.
Que les correctifs viennent du gouvernement et que le gouvernement en
prenne le crédit, je n'y ai pas d'objection; ce que je veux c'est que la
population ait de meilleurs services alors qu'on est capable de lui donner de
meilleurs services. Cela ne coûterait pas plus cher de permettre à
tous nos défavorisés d'avoir accès au minimum vital; cela
ne coûterait pas plus cher de leur permettre d'avoir accès
à tous les médicaments selon la décision de leur
médecin. Il y aurait peut-être quelques cents de
différence, mais ces gens-là ne sont quand même pas la
majorité. Pourquoi continuer à les regarder comme des gens qui ne
sont pas comme les autres? C'est ce que je voulais faire ressortir davantage ce
matin.
Je demande au ministre de considérer ces points et, avec son
équipe de hauts fonctionnaires, revoir la situation, revoir les
barèmes d'aide sociale, revoir la nouvelle réglementation et la
soumettre à la commission parlementaire avant application la prochaine
fois, pour qu'on puisse, à l'avance, donner notre avis. Cela pourrait
peut-être faire changer certaines petites phrases quelque part qui
pourraient changer l'ensemble des services à être donnés,
qui pourraient au moins changer le résultat de certains de ces services
à être donnés. On pourrait revoir, aussi, du
côté de l'assurance-maladie pour permettre une meilleure
couverture des soins, des services. On pourrait revoir également cette
question, que je considère très importante, de l'avortement pour
que l'assurance-maladie cesse d'être indirectement je ne dis pas
directement, mais indirectement complice de cette
dénatalité que nous connaissons actuellement au Québec, de
ce genre d'extermination de Canadiens français que nous connaissons.
Nous pourrions aussi revoir la question pour avoir une meilleure
politique de natalité, une meilleure politique d'aide à la
famille, une meilleure politique de l'habitation familiale. Cela ne
relève pas directement des Affaires sociales, mais il y a un
problème social; le ministère des Affaires sociales devra
s'intéresser à l'habitation, soit en permettant à la
famille de devenir propriétaire de son habitation, de sa petite maison
unifamiliale ou, encore mieux, en permettant aux défavorisés
d'avoir accès à l'habitation à des taux plus acceptables
que ceux qu'ils sont obligés de subir présentement.
Nous pourrions revoir tout le domaine de l'hospitalisation, tout le
domaine des médicaments, comme je l'ai dit tantôt. Nous pourrions
revoir aussi toute la grande question des pensions de retraite qui font que,
lorsque vous recevez une partie d'une pension de retraite, on en coupe un autre
bout ailleurs. Je pense que tous les citoyens québécois qui
paient le régime de retraite devraient pouvoir recevoir
entièrement ce pour quoi
ils ont payé; ils devraient recevoir entièrement les
prestations au moment de la retraite. Encore là, il y a toujours des
réglementations qui font que, si vous recevez le supplément
fédéral au complet, vous recevez la régie des rentes
provinciale partiellement ou vice versa. Ou encore, si vous gagnez plus qu'un
certain montant d'argent par année, on vous coupe de $0.50 dans la
piastre que vous gagnez de votre régie de rentes.
M. le Président, la Régie des rentes, c'est payé
cela. Il y a des jeunes, lorsqu'ils arriveront à l'âge de 65 ans,
qui auront payé pendant 45 ans pour la Régie des rentes et, au
train où vont les choses, on ne leur remettra même pas une infime
partie de ce qu'ils auront donné pendant tout ce temps. Et dans tout le
domaine de la santé, bien sûr, il y a des améliorations
à apporter. Je n'ai pas la prétention d'avoir couvert tout le
sujet ce matin; il aurait fallu que je parle beaucoup plus longtemps pour
couvrir le sujet. Mais nous aurons l'occasion de revenir à certains
postes et cela nous permettra de donner nos commentaires au fur et à
mesure.
Je sais, M. le Président, que le ministre a été
très attentif à mes propos; cela ne veut pas dire que je
prétends qu'il partage entièrement ces propos. Mais je veux bien
reconnaître que le ministre me semble objectif habituellement et son
objectivité me permet d'espérer qu'il envisagera, au moins,
l'étude de certains de ces problèmes que j'ai
énumérés ce matin. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable ministre d'Etat
aux Affaires sociales.
M. Julien Giasson
M. Giasson: M. le Président, le député de
Rouyn-Noranda a voulu, dans un tour d'horizon qui marque habituellement le
début de l'étude des crédits des commissions
parlementaires, mentionner différents programmes ou diverses mesures que
nous retrouvons à l'intérieur du ministère des Affaires
sociales.
J'aimerais signaler, même si c'est déjà connu de la
plupart de mes collègues, qu'au ministère des Affaires sociales
mon ministre en titre, M. Forget, m'avait demandé de suivre de plus
près certains programmes au ministère.
On m'avait demandé de suivre de plus près le secteur de la
Régie des rentes du Québec, les allocations familiales du
Québec ainsi que la Loi de l'aide sociale. Je me bornerai, ce matin,
à commenter les propos du député de Rouyn-Noranda en ce
qui a trait, d'abord, aux programmes du ministère que je suis plus
particulièrement.
Mais, avant de ce faire, vous me permettrez peut-être de revenir
un peu en arrière pour rappeler qu'en décembre dernier nous
avions devant l'Assemblée nationale une motion du député
de Saint-Jacques qui demandait, somme toute, au gouvernement la convocation ou
la tenue de la commission parlementaire des affaires sociales, afin de
permettre à des gens qui sont bénéficiaires de l'aide
sociale, qui sont la clientèle de notre ré- seau, de venir devant
cette commission discuter et donner des avis ou des opinions en ce qui avait
trait aux changements à la réglementation que le gouvernement
voulait apporter à l'époque.
Or, si vous vous rappelez bien, il était question dans le temps
que le gouvernement modifie sa réglementation ou, du moins, une partie
de la réglementation. On peut même dire toute la
réglementation parce que, sauf erreur, il s'agissait des modifications
les plus profondes que le gouvernement voulait apporter à l'aide sociale
en ce qui a trait aux règlements qui la régissent. Après
le débat sur la motion du député de Saint-Jacques, il
avait été convenu que, pour une première fois, je pense,
au Québec, on tiendrait une commission parlementaire, au cours de
laquelle nos bénéficiaires de l'aide sociale
c'était là leur désir viendraient faire un examen,
avec les députés membres de la commission, de la
réglementation nouvelle qui devait suivre.
Mais comme le dépôt de la nouvelle réglementation
devait se faire au début de l'année 1976, nous avions
indiqué au cours du débat qu'il valait peut-être mieux
vivre l'expérience de la nouvelle réglementation. Cependant, le
député de Saint-Jacques avait demandé qu'on prenne
l'engagement de convoquer ou d'inviter, si vous voulez, les
bénéficiaires ou les groupes de bénéficiaires
à venir devant la commission pour discuter quand même de la
réglementation et de l'ensemble de la loi.
Or, l'engagement que nous avions pris dans le temps était de
réunir notre commission dans un délai assez court, assez bref,
soit de tenir des audiences dans les quatre mois qui suivraient la publication
de la nouvelle réglementation dans la Gazette officielle, ce qui
indiquait que cette commission devait se tenir au plus tard à la fin
d'avril. Récemment, j'ai eu l'occasion de discuter avec le
député de Saint-Jacques et nous avons réexaminé
cette question. Il n'était pas question, évidemment, de revenir
sur cette décision. Cependant, à cause de la poursuite des
travaux de l'Assemblée nationale, particulièrement à
l'époque que nous vivons, soit l'étude des crédits des
ministères, nous avons reconnu qu'il serait assez difficile ou
compliqué, peut-être, pour certains membres de la commission, de
participer à la tenue de notre commission parlementaire et de vaquer en
même temps à tous les travaux de l'Assemblée, cette
époque d'avril étant marquée par l'étude des
crédits des différents ministères.
Comme nous reconnaissons que, du côté de l'Opposition, le
travail est assez lourd au temps de l'étude des crédits, parce
que les députés ont à suivre différentes
commissions et, en plus, participer aux travaux de l'Assemblée, le
député de Saint-Jacques m'a suggéré de retarder
quelque peu la date limite dont nous avions convenu afin de tenir au plus tard
vers le milieu du mois de mai la commission parlementaire à laquelle
seraient convoqués les groupes ou les personnes qui désirent se
faire entendre.
Je voudrais remercier ie député de Saint-Jacques de cette
attitude. J'ai compris d'ailleurs
que sa suggestion était fondée, compte tenu des conditions
que je viens d'énumérer il y a quelques moments.
Sur ce, je voudrais, dans les minutes qui vont suivre, revoir les
commentaires ou les opinions émises par le député de
Rouyn-Noranda en ce qui a trait d'abord à notre Loi de l'aide sociale.
Dès le début de ses propos, le député de
Rouyn-Noranda a manifesté le voeu de réunir sous une même
administration des programmes qui, présentement, s'administrent par
eux-mêmes, il a fait allusion à la possibilité de ramener
à l'aide sociale l'administration des CSS. Je pense qu'il est bon de se
rappeler certaines situations. D'abord, si l'on examinait le rôle de
chacun de ces programmes, nous nous rappellerions rapidement que, du
côté de l'aide sociale, sa première fonction est
l'attribution de ressources à cette classe de citoyens de notre
société qui sont les plus démunis. Tout le monde s'entend
là-dessus.
Evidemment, cela peut aller au-delà de ce rôle
d'attribution. Il y a également des contacts permanents à
maintenir entre les bénéficiaires de l'aide sociale et les
employés du réseau de l'aide sociale, il y a la dimension de la
valorisation sociale qui pourrait et qui doit être ceile, à mon
sens, de nos bureaux d'aide sociale. Mais, lorsque nous parlons de regrouper
des services qui sont donnés à la population par nos centres de
services sociaux, il faut voir également quel est le rôle qu'on a
demandé à ces services de jouer. Pour ce faire, il faut se
rappeler que c'est ce gouvernement qui, assez récemment, a tenté
de modifier l'appareil administratif de beaucoup de services donnés par
le ministère.
Je fais référence à la loi 65 que nous avons
votée ici, il n'y a pas tellement d'années, at qui, justement, a
modifié les pouvoirs traditionnels que nous avions dans les
établissements du réseau. Quand le député de
Rouyn-Noranda se demande d'où tiennent leurs pouvoirs, ces organismes,
tels que les CRSSS, les CSS, les CLSC, les centres hospitaliers, il doit se
rappeler sans doute que ces pouvoirs, ils les détiennent de par la loi
65 qui a fait que le gouvernement a voulu modifier un peu et, dans certains
cas, peut-être passablement les concepts de l'administration et de
l'orientation de ces services.
Par la loi 65, le gouvernement a voulu que ces organismes, que ce soit
du côté de la santé, pour soins sociaux ou autres,
fonctionnent à partir d'une autorité ou d'une direction
différente de celle que nous avions connue traditionnellement. Les CSS
existent en fonction de la loi 65, mais pour un rôle qui est assez
différent de celui que nous réservons à nos bureaux d'aide
sociale, soit celui de donner des soins professionnels en matière de
service social.
Parmi ces fonctions qui sont celles des CSS, une qui prend passablement
d'importance est celle du placement. Or, les CSS ont cette
responsabilité de s'occuper de placement à l'intérieur des
territoires au-delà des autres responsabilités qui sont les
leurs.
Vouloir regrouper les CSS avec nos bureaux d'aide sociale ne
m'apparaît pas, à mon sens, la solution qui pourrait être
celle recherchée par le député de Rouyn-Noranda. Se
rappelant toujours que nos bureaux d'aide sociale ont une fonction
particulière, soit celle de l'attribution de ressources, et se rappelant
que ces bureaux fonctionnent à l'intérieur de ce qu'on appelle
communément le secteur public et que nos CSS, ainsi que les autres
organismes émanant de la loi 65 font partie du secteur parapublic,
est-ce qu'on doit remettre en cause cette expérience assez
récente que nous avons vécue par la mise en application de la loi
65? Pour ma part, je ne crois pas qu'on doive aller jusque-là. Il y a
possibilité, à mon sens, de maintenir les formules dans leur
statut actuel.
Le député de Rouyn-Noranda a fait allusion à cette
possibilité de regrouper les services en partant d'une petite
modification qui a été apportée dans nos règlements
de l'aide sociale. Or, vous savez que, depuis le 1er janvier, en ce qui a trait
aux services spéciaux que nous avions dans la Loi de l'aide sociale, au
sujet de l'aide apportée à certaines familles en mettant à
leur disposition soit des auxiliaires familiales ou des aides familiales, ce
changement apporté aux règlements a maintenu les droits acquis
des familles qui bénéficiaient d'aide familiale, mais que, par
contre, on a cessé de couvrir, à l'intérieur de nos
règlements, cette aide pour les nouveaux cas qui avaient besoin d'aide
familiale.
Dans cette opération, le ministère a demandé
à d'autres établissements, tels les CSS ou les CLSC, de fournir
cette aide à ces bénéficiaires qui avaient de nouveaux
besoins en matière d'aide familiale. Je reconnais qu'au moment où
cette décision a été prise nous n'étions
peut-être pas en mesure d'appliquer cette aide nouvelle qu'on voulait par
d'autres établissements du réseau, parce que nous n'avions pas
défini et que nous n'avions pas indiqué à ces organismes,
tels les CSS ou les CLSC, leur capacité financière d'accorder les
services.
Je veux dire par là que lorsque le ministère a fait un
transfert de crédits affectés à des besoins du
côté de l'aide familiale, il n'a pas, dans la même
transaction, donné les mêmes pouvoirs financiers aux organismes en
question d'accorder de l'aide. D'ailleurs, les organismes tels les CSS ou les
CLSC ne fonctionnent pas de la même façon en matière d'aide
familiale que la Loi de l'aide sociale. La Loi de l'aide sociale va
requérir les services de femmes qui veulent agir comme aides familiales,
qui vont travailler parfois un mois dans une famille, deux mois et sont
appelées à se déplacer très
régulièrement dans une famille par rapport aux besoins qui
existent dans une région. Par contre, les CSS ont tendance à
avoir, et les CLSC aussi, une équipe d'aides familiales qui travaillent
beaucoup plus à plein temps à l'intérieur de ce service
qui est le CLSC, et encore, ces organismes tels les CLSC doivent, dans leur
programmation annuelle, faire accepter des autorisations ou obtenir des
crédits pour engager tel ou tel type de personnes selon les
activités que ces services veulent donner.
Je pense, il me paraît, du moins, que nous pourrions revoir cette
partie de la réglementation,
à l'intérieur de notre Loi de l'aide sociale. C'est le
fruit d'une réflexion que j'ai faite, et à la suite de nombreux
commentaires que j'ai entendus au cours des dernières semaines,
lorsqu'il m'a été donné de faire une tournée en
province, d'aller dans les régions, de rencontrer le personnel des
bureaux d'aide sociale. C'étaient des discussions très ouvertes,
d'ailleurs j'invitais les gens à y aller de la façon la plus
ouverte possible, de livrer leurs pensées. Et j'y tenais, parce que cela
me permettait d'avoir un éventail d'opinions beaucoup plus grand, de la
part de personnes qui vivent quotidiennement dans le milieu de l'aide sociale,
c'est-à-dire qui ont des contacts constants avec les
bénéficiaires de notre Loi de l'aide sociale.
Cela ne veut pas dire pour autant que si nous gardions à
l'intérieur de la Loi de l'aide sociale cette capacité de
maintenir les services d'aide familiale, les autres établissements que
j'ai énumérés, il y a un instant, ne pourraient pas
continuer à donner des services équivalents.
Evidemment, les changements qui ont été apportés
à notre réglementation de l'aide sociale peuvent provoquer de
nombreux commentaires. C'est dans ce sens que le député de
Rouyn-Noranda, dans un esprit que je considère très positif, a
livré des opinions. Il a fait allusion, au début, au retrait des
services spéciaux, pour revenir, à la toute fin de son
exposé, à la question des médicaments, après avoir
fait une tournée ou une révision du côté des
services de santé comme tels. La question des médicaments qui
sont fournis aux bénéficiaires de l'aide sociale en fonction de
la liste n'est peut-être pas aussi dramatique qu'a voulu nous le laisser
entendre le député de Rouyn-Noranda, lorsqu'il croit que, de
cette façon, on a réussi à cataloguer les
bénéficiaires de l'aide sociale. Evidemment, il peut maintenir
l'opinion que ce n'est pas le rôle du gouvernement, qu'il n'appartient
pas au gouvernement de décréter les listes de médicaments.
Sans que ce soit le gouvernement comme tel qui puisse le faire, je crois, je
maintiens qu'il appartient au gouvernement, à la suite de consultations,
par la mise sur pied de comités de travail, de déterminer
certaines politiques. N'étant pas là au moment où le
règlement touchant la médication a été mis en
vigueur, j'ai cette certitude que le ministre des Affaires sociales de
l'époque n'a pas décidé unilatéralement quelle
était la liste de médicaments. Là encore, on a
procédé après une série de consultations. On a vu
des spécialistes dans ce secteur pour déterminer que les
médicaments qu'on mettait à la disposition des clients de l'aide
sociale étaient des médicaments qui pouvaient raisonnablement
répondre aux besoins de cette clientèle, sans leur causer des
préjudices très graves.
D'ailleurs, il ne faut pas s'en faire, parmi ces mille et mille
médicaments qui sont sur la liste, dans la plupart des cas, l'ensemble
de tous les citoyens de la province de Québec qui utilisent les
médicaments vont aller chercher ces médicaments à la
pharmacie. Pour ma part, lorsque j'ai besoin de médicaments, même
s'il s'agit de médicament listés, je ne me sens aucunement
catalogué comme citoyen du Québec.
Il y a peut-être un examen nouveau à apporter de ce
côté, mais selon l'information que j'ai, les équivalences
qu'on peut retrouver à l'intérieur de la liste acceptée
correspondent assez bien aux besoins de la très grande majorité
même de la clientèle de l'aide sociale de cette
clientèle.
On a également soulevé les problèmes
découlant du comportement de deux grands services dans la région
de Montréal. Cette situation ferait que de façon assez
régulière on dit que cela se produit encore la
corporation Gaz métropolitain, comme l'Hydro-Québec couperait les
services à nos bénéficiaires de l'aide sociale. Une
question a été posée récemment en Chambre et j'ai
eu l'occasion de voir qu'il s'agissait de cas qui se produisaient toujours. En
dépit de la meilleure volonté que pourraient apporter ces
organismes publics, il sera toujours assez difficile d'éviter ces
coupures auxquelles on assiste assez régulièrement.
Je crois que nous ne pouvons atteindre la situation
désirée si nous n'avons pas une collaboration immédiate de
notre clientèle. Même si on se permettait de livrer à ces
deux organismes publics la liste des clients de l'aide sociale de
Montréal, on ne pourrait pas encore, sans collaboration, résoudre
le problème dans sa totalité. Vous savez comme moi qu'il s'agit
d'une clientèle qui se modifie chaque mois. Vous avez un certain nombre
de bénéficiaires qui sortent du réseau chaque mois; vous
avez de nouveaux bénéficiaires. Ce serait à peu
près impossible, en dépit des meilleurs efforts et de la
meilleure volonté, d'empêcher que l'événement se
produise, sauf s'il y avait une volonté très ferme de nos
bénéficiaires de collaborer avec les bureaux de l'aide sociale.
Si un bénéficiaire reçoit un dernier avis d'une de ces
entreprises de services à l'effet que le service sera coupé s'il
n'y a pas paiement du compte, il serait absolument requis, à ce moment,
que le bénéficiaire établisse une communication avec son
bureau de l'aide sociale. Il pourrait aller chez le député comme
quelqu'un l'a proposé, mais je pense que l'organisme qui donne le
service, c'est le bureau de l'aide sociale et c'est là qu'il doit
s'adresser. Il doit dire: Je fais face à une coupure de services et je
n'ai aucune possibilité financière de faire une remise à
l'organisme qui m'envoie un compte. Si nous avions cette collaboration, le
bureau de l'aide sociale, à l'intérieur du protocole signé
entre les organismes et le ministère ou la Direction de l'aide sociale,
pourrait convenir, soit avec l'Hydro-Québec, soit avec le Gaz
métropolitain, de faire une remise ou s'entendre sur une remise
mensuelle qui serait garantie par le bureau de l'aide sociale. Ce serait,
d'après moi, la seule possibilité que nous aurions
d'éviter de façon complète qu'il y ait coupure de services
essentiels, et peut-être encore plus à certaines époques de
l'année.
On a également indiqué au cours de l'intervention que
notre régime d'aide sociale était peut-être néfaste
pour la productivité, dans ce sens que les barèmes tels
qu'établis surtout dans le cas de familles qui vivent de l'aide sociale,
des familles qui comptent trois enfants ou plus, ces barèmes font en
sorte que le bénéficiaire chef de
famille vivant de l'aide sociale peut avoir un revenu minimum quasi
aussi élevé que celui qui est sur le marché du travail
vivant à un taux salarial qui serait celui du salaire minimum. Il est
exact de dire que la situation est telle dans le cas je ne dis pas d'un
célibataire d'un chef de famille de trois enfants et plus, si
nous examinons le barème qui lui permet d'aller chercher environ $400
par mois en tenant compte de certains tests, test de logement ou autres. S'il
est éligible en plus à certains besoins spéciaux, il
devient assez évident qu'il est traité aussi bien que le chef de
famille vivant du salaire minimum qui n'est pas éligible aux besoins
spéciaux et qui doit participer à des cotisations à
l'intérieur de certains régimes tels que la Régie des
rentes, l'assurance-chômage et la Régie de l'assurance maladie.
C'est une question qui m'apparaît fondamentale. Elle ne s'applique pas
à la très grande majorité des bénéficiaires
de l'aide sociale, c'est vrai, mais tout de même elle touche une partie
de notre clientèle qui est éligible selon des barèmes tels
que ceux mentionnés. Je pense que nous ne pourrons trouver de solutions
définitives.
D'ailleurs, il n'y a peut-être jamais de solutions
définitives, mais je pense que nous ne pourrons pas trouver de solutions
raisonnables tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas mis en application
un régime nouveau qui serait celui de revenu familial garanti.
Le député de Rouyn-Noranda peut employer d'autres termes,
mais je pense que les fins poursuivies sont les mêmes. Ce nouveau
régime, nous devons y tendre. Vous savez tous qu'il y a eu des
rencontres, que cela a été une volonté du gouvernement
fédéral d'aller vers un régime qui s'appliquerait à
tout le pays, c'est-à-dire un régime auquel les provinces
devraient accepter d'accéder. Je ne saurais dire encore à quel
moment, à quelle date précise nous pourrions le mettre en
application, il y a eu des rencontres; j'ai eu l'occasion récemment, au
cours de l'hiver, de participer à une de ces rencontres
fédérales-provinciales, et nous avons senti un déblocage.
C'est-à-dire que la réticence que beaucoup de provinces avaient
manifestée auparavant a commencé à tomber, à
diminuer et, au début de juin, une autre rencontre doit avoir lieu, qui
devrait permettre d'en arriver à une entente définitive qui fera
en sorte que les provinces pourront graduellement, peut-être dans les
années soixante-dix-huit, je ne saurais le dire exactement, mettre en
application, à l'intérieur de leur juridiction, le nouveau
régime de revenu familial garanti.
Au-delà de ces commentaires, je présume que nous aurons
l'occasion, lorsque la commission parlementaire siégera au cours de mai,
de revoir la réglementation de l'aide sociale. Les députés
qui participeront à cette commission vont revoir différents
sujets touchant notre réglementation et les principes de l'aide sociale.
Au lieu de faire un long débat ici, il y aura peut-être lieu, lors
des échanges que nous aurons durant la tenue de cette commission
parlementaire, de revoir beaucoup d'éléments ou beaucoup
d'aspects de notre loi, surtout du côté de sa
réglementation.
Est-ce que vous préféreriez que nous procédions
à l'étude des crédits comme tels des programmes dont je
m'occupe principalement, ou si le député d'Outremont voudrait
faire l'intervention qui est réservée habituellement aux chefs ou
aux représentants des différents groupes politiques?
Le Président (M. Cornellier): Le député
d'Outremont.
M. Choquette: M. le Président, j'aurais une intervention
à faire, mais je préférerais la faire au moment où
le ministre des Affaires sociales sera présent. Je tiens à dire
que ce n'est pas par mépris pour le ministre d'Etat. D'ailleurs, je le
remercie des explications qu'il a données ce matin, à la suite de
l'intervention du député de Rouyn-Noranda. J'ai trouvé que
les explications qu'il a données étaient largement
intéressantes et valables, mais si on me permettait de réserver
mon intervention pour le moment où le ministre en titre sera là,
je l'apprécierais.
Le Président (M. Cornellier): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, peut-être que l'on
accepterait que je pose quelques questions au ministre relativement aux sujets
sur lesquels il a eu l'amabilité de me donner certaines réponses,
tantôt. Par exemple, sans vouloir faire un débat sur la question
de l'aide sociale parce que j'accepte que la commission devant
siéger vers le milieu de mai sera un endroit valable où on pourra
débattre le sujet de façon plus complète est-ce que
le ministre peut nous dire, s'il pourrait envisager des mesures, par exemple,
dans deux domaines qui me semblent urgents, soit les coupures
d'électricité et de gaz naturel qui se produisent dans la
région de Montréal et également dans la région du
Nord-Ouest québécois, qui est desservie par le Gaz provincial du
nord? Est-ce que, dans le contexte de la réponse que m'a donnée
le ministre, disant qu'une plus grande collaboration des
bénéficiaires de l'aide sociale pourrait permettre
d'éviter certaines coupures, il serait possible pour le ministère
de voir à avertir les bénéficiaires de l'aide sociale, par
un moyen officiel je ne sais pas, moi soit à l'occasion de
rémission des chèques, en insérant une petite note leur
disant qu'advenant que certains de ces cas se produisent vous les invitez,
avant qu'il ne soit trop tard, avant de faire face à la coupure,
à se rendre à leur bureau d'aide sociale pour discuter de la
situation. Cela serait-il possible?
M. Giasson: Oui. D'ailleurs, cela fait partie des objectifs que
l'on s'était fixés pour obtenir la collaboration de notre
clientèle. Il fallait lui donner une capacité de savoir et de
prendre une décision au bon moment; ne pas attendre la coupure avant de
donner avis au bureau d'aide sociale qui pourra immédiatement intervenir
auprès de l'organisme qui fournit des services et dire: Voici, ne coupez
pas, nous prenons entente avec vous, selon les modalités du protocole
dont nous avons convenu.
Nous prenons entente et nous vous rembourserons tant par mois ou
donnerons un paiement de x. Cela empêchera ce genre de situations.
Je comprends parfaitement que pour une famille qui, au cours de l'hiver,
dans une période de grand froid, se voit couper son chauffage de
façon complète, c'est la tragédie, c'est inacceptable. Je
comprends la réaction de ces gens-là. Il nous faut trouver la
formule qui empêchera que de telles choses ne se produisent. Mais, comme
je vous le disais, si nous n'avons pas ce contrôle ou cette collaboration
de la part de nos bénéficiaires, il arrivera encore des moments
où on assistera à des coupures de services.
M. Samson: Je suis absolument d'accord qu'une collaboration des
bénéficiaires est nécessaire.
M. Giasson: D'ailleurs, nous nous proposons de communiquer de
l'information, beaucoup plus qu'on ne l'a fait dans le passé, en
joignant aux chèques mensuels des feuillets explicatifs, des notes
d'information. Du côté du problème que vous venez de citer,
c'est par une information assez précise que les
bénéficiaires seront en mesure de dire: Je n'attends pas la
journée ultime, j'établis mon contact et, de cette façon,
je serai en mesure d'éviter la coupure d'un service qui m'est
essentiel.
M. Samson: D'accord. Egalement, sur la question des
médicaments inscrits sur la liste, le ministre a suggéré
tantôt que cette liste était quand même valable. Je crois
utile de souligner que je considère qu'il y a sûrement des
médicaments valables dans cette liste. Mais le point que j'ai voulu
développer davantage, et je le réitère, c'est que,
même s'il y a des médicaments très valables dans cette
liste-là, elle ne me semble pas, en pratique en tout cas, être
suffisamment complète pour permettre aux médecins de prescrire,
dans certains cas, les médicaments qui sont absolument
nécessaires aux assistés sociaux.
Je prends à témoin plusieurs médecins
députés qui, l'an dernier, à l'occasion des mêmes
crédits, ont posé des questions très pertinentes sur le
sujet, liste en main. Avec, évidemment, une argumentation beaucoup plus
spécialisée que la mienne, ils ont démontré qu'il y
avait lieu de réaménager la liste, au moins dans les cas dont
j'ai été témoin, pour inclure d'autres genres de
médicaments.
Evidemment, vous ne m'enlèverez pas personne ne voudrait
le faire, d'ailleurs l'idée que j'ai de voir l'abolition d'une
telle liste et que ce soit le médecin qui décide de quel genre de
médicaments le patient a besoin. Mais, si on se place dans le contexte
actuel de la liste existante, il y a au moins une chose dont j'ai
été témoin, c'est qu'il y a contestation de la part de
plusieurs médecins. Je ne suis pas médecin et, évidemment,
on pourrait me dire que je ne suis pas spécialisé, que je ne suis
pas en mesure de vous dire si tel ou tel médicament inscrit sur la liste
est plus valable qu'un autre. D'ailleurs, je ne tenterais même pas d'ef-
fleurer ce sujet, mais il reste que je prends à témoin des
médecins qui eux, je pense, ont la compétence de nous dire ces
choses-là.
J'aimerais voir le ministre étudier de façon assez
sérieuse cette possibilité de couvrir, au moins si on ne va pas
jusqu'à me donner entière satisfaction, cette possibilité
de couvrir davantage de médicaments pour qu'on cesse... Ce n'est pas
parce que je n'aime pas recevoir les gens chez nous; cela me fait toujours
plaisir. Mais ce qui ne me fait pas plaisir c'est de voir des gens arriver en
me disant: Ce mois-ci m'a coûté $50 à $60 de
médicaments. C'est un assisté social qui n'a pas les moyens de
les payer. Je n'aime pas cela et je pense qu'on pourrait, au moins,
remédier à cette partie.
Troisièmement, la question des CSS. Je parlerai surtout de la
question des CSS parce que je sais que la loi 65 couvrait beaucoup plus de
monde que les seuls CSS. Si le ministre, comme il le prétend, trouve que
cette application de la loi 65 est absolument valable et qu'il serait difficile
de regrouper sous une même administration les bureaux d'aide sociale et
les bureaux de service social, peut-être accepterait-il d'envisager qu'au
moins il y ait une meilleure coordination des mouvements. Ces bureaux
dans un effort qui prendrait un peu de temps, mais qui serait peut-être
valable pourraient se retrouver, sinon sous un même toit, du moins
être assez rapprochés. Ainsi, si à l'aide sociale on
découvre que le besoin demandé ne relève pas de l'aide
sociale mais plutôt du service social, on pourrait diriger ces gens
facilement et, comme on le sait tous, les assistés sociaux sont des gens
dans le besoin. Quand on les oblige à se transporter d'un bout à
l'autre de la ville, cela occasionne certains problèmes.
Ce qui m'intéresserait de savoir, c'est comment en pratique, dans
la question des CSS, on en arrive à déterminer l'autorité
qui engage les employés, qui régit ces employés; comment
en pratique cela se fait-il dans la province? Je ne parle pas d'un seul bureau
mais, dans la province, cela se fait-il partout de la même
façon?
M. Giasson: Au conseil d'administration, avec la direction du
personnel.
NI. Samson: Oui, peut-être qu'on pourrait me donner plus
d'explications là-dessus.
M. Giasson: C'est exactement la même chose qu'un centre
hospitalier, dans le fond, ou que n'importe lequel des autres organismes
parapublics, une commission scolaire. Ce sont des corporations qu'on appelle
parapubliques, dont le conseil d'administration est formé selon la loi
avec des représentants. C'est le conseil d'administration qui engage le
directeur général et c'est le directeur général qui
engage le personnel selon les modalités prévues à
l'intérieur.
M. Samson: M. le Président, on ne pourra pas me faire le
reproche de ne pas me rappeler de tout ce qui s'est passé à
l'occasion des discussions sur la loi 65; d'ailleurs ce n'est pas moi qui
couvrait ce
secteur à ce moment. Il y a tellement d'autres secteurs qu'on ne
peut pas tout savoir et se rappeler tout en même temps. Est-ce qu'on
accepterait de me rafraîchir la mémoire et de me dire de quelle
façon les conseils d'administration sont nommés?
M. Giasson: Pour le centre de service social, il y a deux
représentants du socio-économique, il y a le directeur
général qui siège au conseil d'administration, il y a un
représentant élu par le personnel du centre, un
représentant des universités lorsqu'il y a un contrat avec les
universités et il y a deux personnes élues par les usagers.
M. Samson: Les représentants que vous venez de mentionner
sont nommés par le gouvernement?
M. Giasson: Non, les gens qui représentent le personnel
sont élus par le personnel du centre, ceux qui représentent les
usagers sont élus par les usagers au moment d'une élection.
M. Samson: Ne permet-on de faire une parenthèse
immédiatement? Ce genre d'élection qui se fait tous les deux ans,
peut-on affirmer, en pratique, que la population est bien au courant de ces
faits et qu'elle peut y participer facilement?
M. Giasson: II y a des problèmes, mais le conseil
régional est responsable d'assurer qu'il y a de l'information dans les
journaux; il y a même dans la réglementation ou dans la loi
quelque chose qui prévoit que cela doit être annoncé, au
moins, dans deux journaux locaux. C'est dans la loi: deux journaux locaux, et
l'information donnée par le centre lui-même sur son
territoire.
Maintenant, le nombre d'usagers qui vont voter. Les dernières
élections datent de deux ans, il y en aura ce printemps. En fait c'est
presque la deuxième véritable expérience qui va nous
permettre de dire si vraiment il y a suffisamment de gens pour que ce soit
significatif. Le problème, c'est que les gens aillent voter. Dans la
plupart des endroits, il y a des chiffres indiquant le minimum de gens qui
doivent voter pour que l'élection soit valable; je pense que c'est
fixé à 100. Dans la plupart des endroits, il y a autour de 200
à 300 personnes.
M. Samson: Justement, M. le Président, du
côté de la nomination des représentants des usagers
en fait si j'ai posé la question, c'est parce que je connaissais un peu
la réponse, je voulais vous la faire confirmer je
considère qu'il y a quelque chose à faire de ce
côté. Ce n'est réellement pas représentatif. Ce
n'est réellement pas représentatif.
M. Giasson: Qu'est-ce que vous entendez par là? Les
usagers ne se prévalent pas de leur droit d'assister...
M. Samson: Bien, est-ce que cela dépend du
mécanisme ou quoi, exactement? Je ne suis pas en mesure de vous dire de
quoi cela dépend. Mais le genre de représentation,
c'est-à-dire d'assistance à l'occasion de ces votes, ne me semble
pas être suffisant. Il faudrait revoir sûrement le
mécanisme, même si on me dit que cela paraît dans deux
journaux. Vous savez que les journaux, premièrement, il faudrait
peut-être savoir dans quelle proportion la population lit les journaux,
dans quelle proportion cela atteint du monde, les annonces dans les journaux.
Il y a peut-être 5% de la population du Québec, en moyenne, qui
lisent les journaux. Cela veut dire qu'on ne rejoint pas plus que 5% par ce
moyen. Malheureusement ce sont des réflexions qui ne nous
arrivent que par la suite on nous dit: Tiens, ils ont élu du
monde et on n'en a pas eu connaissance.
Je ne veux pas dire que c'est fait intentionnellement pour
empêcher des gens de participer, mais j'ai l'impression que le
mécanisme n'est pas suffisamment développé, en tout cas
pour permettre à plus de monde de participer à cela. J'aimerais
bien avoir l'avis du ministre là-dessus. De quelle façon
envisage-t-on de permettre à davantage de personnes de participer
à ce genre d'élection?
M. Giasson: Je comprends que ce n'est pas la formule parfaite.
Vous faites allusion au faible pourcentage de ceux qui reçoivent les
journaux, surtout les journaux qui peuvent publier des avis de réunions
ou d'assemblées. C'est évident que c'est une formule qui a ses
faiblesses. Même chez beaucoup de gens qui ont l'occasion de voir l'avis
de convocation de l'assemblée, beaucoup de gens sont indifférents
ou ne se sentent pas obligés d'aller à l'assemblée,
D'ailleurs, la moyenne de participation, suite à l'expérience
vécue il y a deux ans, nous indique que ce n'est pas la masse ou la
majorité des citoyens d'un secteur qui va se déplacer pour aller
à l'assemblée qui va élire les représentants des
usagers.
Mais le but poursuivi par la loi 65, à tort ou à raison
on peut toujours en discuter était d'ouvrir davantage au
public l'administration des programmes ou d'établissements
gouvernementaux dans les régions. C'est une expérience, comme le
disait le sous-ministre il y a un instant, qui est nouvelle, il fallait la
vivre. Nous allons penser vivre le deuxième tour au cours de 1976. Il y
a peut-être des modifications à apporter, je ne le conteste pas,
mais il s'agissait d'un élément assez nouveau ici, au
Québec, par rapport à ce qu'on avait connu traditionnellement en
matière de participation du public ou de la population en
général dans l'administration et l'orientation des services que
les citoyens pouvaient se donner. Je pense qu'il faut vivre l'expérience
de façon assez complète pour être en mesure de porter un
jugement qui tienne et qui débouche et nous amène à des
changements, à certaines modifications dans ce secteur.
M. Samson: Ce que je ve'jx porter à l'attention du
ministre, c'est surtout le fait que lorsque c'est le ministère ou le
gouvernement qui nomme, par exemple, le directeur d'un bureau d'aide sociale
quelconque et là où il y a des employés, s'il y a un
mauvais service donné par ce bureau, le ministère,
le ministre, le gouvernement a des comptes, finalement, à rendre
à la population un jour ou l'autre, s'il y a mauvaise administration ou
mauvais services, alors que, dans le cas présent des CSS, les gens qui
gravitent autour de ce secteur, dans l'administration, n'ont pas de comptes
à rendre directement à la population. C'est ce qui fait que
lorsqu'il y a services douteux ou mauvais services, les moyens de pression
quels qu'ils soient des députés ou autres sont
inefficaces, parce qu'on ne fait pas affaire avec des gens qui ont des comptes
à rendre à la population.
S'ils sont nommés par une université ou s'ils sont
nommés par les représentants immédiats du centre, ces gens
n'ont pas à passer devant l'élec-torat et n'auront pas de comptes
à rendre à la population, au bout de quatre ans.
Quant aux usagers, s'ils représentaient une bonne proportion des
usagers ou de la population, ils auraient plus de comptes à rendre,
ceux-là, mais, en tout cas jusqu'à maintenant,
l'expérience nous démontre qu'en pratique cela se fait tellement
en catimini, volontairement ou involontairement, que finalement même
ceux-là n'ont pas à rendre des comptes à la population.
Même s'il y avait des plaintes de formulées, cela ne les
dérangerait pas.
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Quel que soit le
mécanisme utilisé, je n'ai pas de mécanisme spécial
à vous suggérer, mais j'apporte le problème tel qu'il est,
tel qu'il m'apparaît et tel qu'il m'est posé par mes commettants.
Dans ce secteur, comparativement au secteur des bureaux d'aide sociale, il y a
nettement une différence dans les services donnés à la
population.
Alors que, jadis, nous avions beaucoup de plaintes dans les bureaux
d'aide sociale au sujet d'un service pas toujours correct, d'une courtoisie
douteuse de la part de certains agents de l'aide sociale, aujourd'hui, il me
semble qu'il y a eu de l'amélioration, sinon partout, du moins dans
certains coins de la province quant à ces services donnés par vos
bureaux d'aide sociale. En tout cas, on y a gagné en courtoisie.
Déjà, c'est une grande amélioration. Même si, en
restant dans le cadre de la loi, on ne peut pas toujours donner à un
assisté social ce qu'il demande, la façon de lui répondre
est déjà, je pense, une partie de la réponse à son
problème. Si on répond à quelqu'un d'une façon
courtoise, en lui donnant des explications valables, le citoyen
québécois comprend mieux la situation et est moins
frustré. Si on a le même problème en face de soi et qu'au
lieu de donner des explications valables, au lieu de prendre le temps de le
faire comprendre, on le bouscule en lui disant: Toi, tu n'auras rien, ne viens
plus m'achaler, ou des choses comme cela... C'est le genre de réponses,
M. le ministre, qui nous sont transmises, que je n'accepte pas et que,
d'ailleurs, vous non plus n'acceptez pas. Or, on trouve actuellement dans les
centres de services sociaux ce genre de réponses.
Ce que j'aimerais voir, c'est une amélioration de ce
côté aussi. Je ne m'en prends pas à des personnes comme
telles. Je pense que le mécanisme est tel qu'elles sentent cette
autonomie tellement forte que même le gouvernement ne les dérange
pas. Je pense que cela mérite, en tout cas, qu'on se penche sur ce
problème.
M. Giasson: Là, le député soulève un
problème qui dépasse, si vous voulez, les structures. Il s'agit
d'une attitude, d'un comportement de la part d'employés, que ce soit
dans nos bureaux d'aide sociale ou dans d'autres établissements du
réseau. Peut-être que vous avez vécu, dans votre
région, une expérience moins favorable ou défavorable, je
ne sais trop.
Mais, pour ma part, j'ai eu à établir des contacts avec le
bureau du CSS de ma région et j'ai toujours eu énormément
de courtoisie de la part des gens avec qui j'ai communiqué. Il peut se
produire que, dans ces bureaux, vous avez des gens qui reçoivent plus
cavalièrement des clients.
M. Samson: M. le ministre, je dois ouvrir une parenthèse.
Je ne voudrais pas dire que ce genre de choses se produisent à la
grandeur du territoire de la même façon. Ce serait
malhonnête de dire cela, parce qu'on a, comme vous le dites, des
communications qui nous apportent des témoignages favorables dans
certains endroits. Mais je pense que, quelle que soit la portée des
services à être améliorés, que ce soit dans une
seule région dans deux, ou dans trois, le principe que je défends
n'est pas le principe d'une seule région. Si cela se fait dans d'autres
régions je sais qu'il y a eu d'autres plaintes reçues
d'ailleurs je pense que c'est inacceptable.
Maintenant, est-ce que ça provient du fait qu'il y a une trop
grande autonomie et que le gouvernement n'a pas tellement de
possibilités d'intervention quand il y a un problème connu? Cela
peut provenir facilement de cela. Vous, comme ministre, vous avez des
responsabilités et des comptes à rendre. Evidemment, quand vous
avez de l'autorité sur un service quelconque, ayant des comptes à
rendre, vous utilisez votre autorité, c'est normal, pour rétablir
l'ordre. Si vous n'avez pas ce genre d'autorité, ce n'est pas facile, ni
pour vous, ni pour les hauts fonctionnaires de rétablir un meilleur
service. C'est ce problème que je soulève. Vous avez
sûrement beaucoup plus de chances que n'importe qui d'entre nous d'avoir
des suggestions à faire en haut lieu pour corriger ce problème.
Je ne demande pas qu'on coupe des têtes je voudrais être
bien compris je demande qu'on améliore le service de ce
côté. Puis, si on améliore le service de ce
côté, je serai le premier à manifester ma satisfaction.
M. Giasson: Non, mais ces gens qui oeuvrent à
l'intérieur des établissements dont on vient de discuter, il ne
faut pas croire, non plus, qu'ils ont le pouvoir suprême. Si, dans une
région donnée, il se révèle que leur comportement
tant au niveau des contacts que des rencontres crée une situation qui ne
va pas dans le sens de ce qui est recherché par le ministère, le
gouvernement, le ministère comme tel a encore des pouvoirs de faire des
suggestions ou des recommandations. D'ailleurs, si des situations dans
certaines régions de-
venaient intenables à cause de comportements inadmissibles ou
inacceptables de la part des employés soit des CSS ou d'autres
établissements, cela finirait par se savoir; cela finit par se
transmettre, par se transposer au niveau d'un autre palier, CRSSS. Il peut y
avoir des avis disant: Voici, vous devez modifier votre attitude, vous devez
avoir des cheminements qui correspondent davantage à l'esprit de
service, parce que vous êtes là pour donner des services. S'il n'y
avait pas de rajustement dans ce sens, le ministre a des pouvoirs qui peuvent
aller peut-être même jusqu'à une mise en tutelle. Si
vraiment, devant des situations intenables, il se révèle que cela
prend un administrateur ou un tuteur pendant quelques mois ou quelque temps
pour rétablir une situation qui n'est pas admissible dans les services
qu'on veut effectivement donner à une population, il reste des pouvoirs
entre les mains du législateur peut-être plus que ce que j'ai cru
déceler lors de vos commentaires.
M. Samson: Entre les mains du législateur, oui, il reste
des pouvoirs.
M. Giasson: Législateur administrateur.
M. Samson: Est-ce qu'on peut régler le problème
sans être obligé de toujours avoir recours au législateur?
C'était le sens de ma question.
M. Giasson: Tous tant que nous sommes ici, nous sommés des
représentants de comtés, nous avons à vivre des contacts
au niveau de tous les établissements qui représentent le
gouvernement dans les régions, quels que soient les ministères.
Nous avons tous intérêt à ce que l'appareil de l'Etat, qui
est implanté dans tout le territoire du Québec, puisse agir dans
le sens des buts que nous recherchons tous ensemble.
Mais il y aura toujours des correctifs à apporter, quelles que
soient les structures qu'on bâtisse. Et, même si vous donniez des
pouvoirs à des députés au niveau des conseils
d'administration, n'allez pas croire que tout va être
réglé.
M. Samson: M. le ministre, je vous arrête
immédiatement; je ne voudrais pas les avoir, ces pouvoirs.
Le Président (M. Cornellier): Alors, messieurs...
M. Samson: Si les députés devenaient des agents de
l'aide sociale, vous savez, vous auriez d'autres sortes de problèmes. Ce
n'est pas notre rôle et je ne veux pas toucher à cela.
Le Président (M. Comellier): ...suspension
jusqu'après la période des questions, cet après-midi,
c'est-à-dire vers seize heures.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
Reprise de la séance à 16 h 50
M. Comellier (président de la commission permanente des
affaires sociales): A l'ordre, messieurs! La parole est à
l'honorable député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron (suite)
M. Charron: Merci, M. le Président. Cela fait un peu
bizarre de reprendre à 24 heures d'intervalle une intervention qui se
voulait cohérente et logique; elle le sera dans l'esprit si elle ne l'a
pas été dans le temps, j'espère, M. le Président.
Mais j'ai préféré attendre ce moment de la présence
du ministre en titre des Affaires sociales parce que je voulais mon
intervention dans le même sentier que lui-même avait choisi de
suivre lors de l'ouverture de nos travaux, à la séance de mardi
dernier.
Alors que, l'année dernière, le ministre des Affaires
sociales s'était contenté de faire un rapport d'administrateur du
budget que nous lui avions précédemment confié et de celui
qu'il nous réclamait, pour la première fois, peut-être,
cette année, il a choisi d'ouvrir le débat sur un sentier un peu
plus politique et a voulu profiter de l'ouverture des travaux de cette
commission pour faire le point, dans un langage qu'il n'a pas adopté
très souvent depuis qu'il est titulaire des Affaires sociales, sur le
dossier fédéral-provincial en matières d'affaires
sociales.
Je lui ai dit aussi que ce n'est pas moi qui lui en ferai grief, au
contraire. S'il avait choisi la ligne traditionnelle du gouvernement dont il
est membre de passer sous silence, et à peu près à chaque
occasion, toutes les ingérences fédérales dans un domaine
reconnu de compétence provinciale, il aurait été anormal,
je pense, que cette attitude traditionnelle du gouvernement libéral soit
celle qui préside à l'ouverture des travaux de la commission. En
effet, M. le Président, et c'est lui-même qui l'a signalé,
le développement des relations fédérales-provinciales en
matières sociales, dans la politique sociale à l'égard des
Québécois, ne peut plus rester sous les bureaux ou ne peut plus
rester dans les tiroirs des négociateurs et des comités qui se
multiplient et qui s'enchevêtrent.
Les conséquences sur la vie quotidienne des
Québécois, sur leur santé, sur les services sociaux qui
leur sont offerts sont trop nombreuses pour qu'on choisisse, encore une fois,
le camouflage des rebuffades continuelles que reçoit le Québec
dans ses négociations avec le gouvernement central.
C'est le ministre qui a choisi de qualifier ces négociations avec
le ministère fédéral de la Santé nationale et du
Bien-Etre social comme une longue et décevante série de
discussions. C'est lui qui a choisi d'appeler la loi qui doit bientôt
limiter la participation du gouvernement fédéral au financement
de l'assurance-maladie, une loi que nous n'aimons pas. C'est lui qui a dit que
les accords actuels dans lesquels vit le Québec et le carcan dans lequel
le Québec est obligé de développer sa politique sociale
sont des accords qui ne fournissent plus ce qu'on espérait qu'ils
rendent.
Malheureusement, M. le Président, cette espèce
j'emploie une expression qu'il a lui-même employée à son
arrivée à l'Assemblée nationale de coquetterie
nationaliste qu'il ajoute maintenant à sa boutonnière ne nous
conduit pas très loin. En effet, après avoir fait ce baroud
d'honneur de revendications nationalistes, on s'attendrait à plus de sa
part. Il est évidemment conscient des conséquences que cela a sur
la vie quotidienne des Québécois. Nous aimerions le voir, je ne
dis pas un peu plus consistant, mais à tout le moins un peu plus
innovateur lorsqu'il nous dit: Devant cette situation, nous devons retrouver la
position c'est lui-même qui l'a qualifiée comme telle, ce
qui m'évite tout autre commentaire traditionnelle du
Québec.
Mais quelle était donc la position traditionnelle du
Québec à laquelle nous convie, dans le domaine des accords
à frais partagés, le ministre des Affaires sociales? La position
traditionnelle du Québec, c'était la revendication,
c'était l'exigence. C'était, en même temps, le tapage
publicitaire qui accompagnait les démarches traditionnelles du
Québec en face du gouvernement fédéral non pas pour le
plaisir de donner à des politiciens des lignes agate dans les journaux,
mais pour se gagner l'opinion publique québécoise,
élément essentiel pour une victoire devant un gouvernement
central qui possède, de façon presque illimitée, le
pouvoir de dépenser.
C'était effectivement la position traditionnelle du
Québec, en ce sens que c'était la position traditionnelle de tous
les partis politiques, à partir du moment où ils devenaient le
gouvernement des Québécois. M. Duplessis, à son
époque, M. Lesage pendant six ans, M. Johnson pendant son court mandat,
et M. Bertrand qui a achevé, sous le même titre et sous le
même règne, la période du pouvoir de l'Union Nationale. Il
est curieux de voir un ministre libéral réclamer aujourd'hui que
le Québec retourne à ses positions traditionnelles, parce qu'il
n'était pas là en 1970, le ministre actuel; mais il était
bien là en 1973, lorsqu'il cautionnait la même politique.
Cette politique traditionnelle de l'Union Nationale de revendications,
d'exigences et d'affirmations claires et nettes de l'obligation des
Québécois de rapatrier un certain nombre de pouvoirs au
Québec, pour pouvoir développer, selon notre propre guise, la
société québécoise, elle a été
qualifiée, M. le Président, en 1970, par le gouvernement
libéral, de position dépassée, démodée.
Celui qui nous sert de premier ministre actuellement se pavanait
à la télévision en parlant des "plorines" de l'Union
Nationale, des incompétents de l'Union Nationale. Elisez-nous,
disait-il, et nous, nous irons à Ottawa; et au lieu de faire le grand
tapage publicitaire nationaliste traditionnel québécois, nous
allons arriver avec des dossiers sérieux, nous allons négocier et
nous prouverons que le fédéralisme est rentable.
Cela a eu des heures de gloire et, forcément, on devait donner
une certaine chance à cette nouvelle approche. Et tout cela se faisait
en cabinet, tout cela se faisait en réunions secrètes. Quel
était le moyen des Québécois de s'informer sur la
progression des politiques sociales québécoises? C'était
un comité, c'était à l'étude, c'était: Les
négociations avancent. Tantôt, c'étaient les hauts
fonctionnaires fédéraux qui se déplaçaient à
Québec, à d'autres occasions, c'étaient les
Québécois qui se rendaient à la maison mère. Mais
peu importe, le secret, le silence, la couverture. Surtout, éviter un
affrontement public avec le gouvernement central qui aurait
inévitablement conduit de l'eau au moulin de l'Opposition
indépendantiste était un mot d'ordre absolu.
On a bien maintenu, pour la frime, une bataille dans les communications
aux fins d'exciter les intellectuels qui ont encore des préoccupations
nationalistes, mais dans les domaines quotidiens de la vie des
Québécois, à part ce pèlerinage du $200 millions
que l'ancien ministre de la Justice avait effectué lui-même, peu
d'affrontements avec le gouvernement fédéral. Au contraire, les
éviter à toutes mesures. Les éviter, parce que cela devait
conduire tôt ou tard les Québécois à s'apercevoir
que dans ces négociations ils sont perpétuellement perdants. Il
s'agit effectivement d'une longue et décevante série de
négociations où des politiques que nous aurions envie de
réaliser, que nous aurions les capacités de réaliser chez
nous sont retardées parce que nous n'avons pas le consentement de la
majorité anglaise du pays et des gouvernements provinciaux que cette
majorité s'est donnés au nombre de neuf.
Retour à la position traditionnelle du Québec. C'est
curieux parce que c'est une position que le même gouvernement a tellement
de fois dénoncée comme étant inutile, comme conduisant
à un cul-de-sac, comme conduisant nulle part. A quel moment mentait donc
ce gouvernement, M. le Président, parce qu'il a véritablement
menti dans ce dossier? Est-ce qu'il mentait en 1970 quand il disait que
c'était une méthode dépassée et que sa propre
méthode de négociations secrètes cachées et de
concessions camouflées allait être meilleure pour
l'intérêt des Québécois? Ou est-ce qu'il ment
maintenant, le gouvernement québécois, quand il nous dit qu'il va
retourner à cette position traditionnelle que lui-même a
décriée? Est-ce qu'il ment maintenant parce qu'il évite de
voir l'autre voie qu'il s'agirait de prendre?
Retour à une position traditionnelle. Pendant ce temps, M. le
Président, maintenant que le ministre des Affaires sociales se greffera
aux autres dans la lignée de pétage de bretelles traditionalistes
et nationalistes en même temps, sans aucun aboutissement, le gouvernement
fédéral continuera à gouverner de la même
manière qu'il gouverne. Comme quand il décide d'abandonner
certains programmes sociaux qu'il a financés à l'aide des Projets
d'initiatives locales en disant: Démerdez-vous maintenant avec le
problème, les provinces, nous, on n'embarque plus dedans. Cela a
obligé le gouvernement québécois c'est l'exemple
que je donne à improviser une politique de garderies absolument
bâtarde et absolument injuste à l'égard de la
majorité des Québécois, tellement l'abandon des Projets
d'initiatives locales dans le domaine des garderies a réveillé le
gouvernement québécois avec une urgence qu'il
n'avait même pas vu venir lui-même. Ce n'est pas simplement
de cela que je parle. Je pense que quand les décisions
unilatérales du gouvernement fédéral, comme celle de ne
pas indexer les allocations familiales, ont des effets directs sur le budget
québécois et créent une obligation nette et claire au
gouvernement québécois d'ajouter $55 millions
supplémentaires pour subvenir aux besoins des familles les plus
défavorisées, c'est plus qu'une rebuffade. C'est une intervention
dans le budget.
M. le Président, quand le premier ministre tout à l'heure,
à la période des questions, nous disait qu'il refuse un arbitre
dans la négociation avec le secteur parapublic parce qu'il refuse aux
étrangers de venir décider ce que le gouvernement
québécois lui seul a à faire, la gestion des ressources
financières, il faudrait bien voir aussi à l'occasion qu'il y a
des décisions étrangères au Québec qui nous
obligent à intervenir directement dans le budget de fonctionnement des
Québécois.
On revient à la position traditionnelle. Le ministre des Affaires
sociales va retourner aux conférences
fédérales-provinciales taper du pied, réclamer, insister,
et revenir bredouille. Nous revenons les mains vides, comme disait l'ancien
premier ministre du Québec, mais nous avons les mains libres. Ce sera
curieux de la part du ministre des Affaires sociales, lui qui le 18 novembre
dernier, par exemple, annonçait, à partir même de son
bureau, une décision qui n'est jamais venue. Il émettait un
communiqué disant que les allocations familiales allaient
connaître cette progression normale du 1er janvier 1976, dû
à cette merveilleuve entente intervenue administrativement en 1973, qui
n'avait pas de consistance constitutionnelle, mais c'était là une
coquetterie, avait-il dit à l'époque.
Peu importe, d'abord que c'est arrangé administrativement. Comme
il a d'excellentes relations avec son partenaire fédéral, il
pouvait se permettre, le 18 novembre, de fixer le montant que les familles
québécoises allaient recevoir en allocations familiales, par un
communiqué qu'il émettait lui-même. Ministère des
Affaires sociales, Direction des communications. Le ministre des Affaires
sociales annonce que les allocations familiales payables par le Québec
et par le fédéral au Québec seront augmentées de
11,2% à partir du 1er janvier 1976. Un gouvernement de croupions qui est
rendu à être attaché de presse du gouvernement
fédéral sur le territoire québécois. C'est lui,
servilement, qui annonce des mesures fédérales sur le territoire
québécois.
Si au moins c'était vrai, mais ce qu'on annonçait
pompeusement à partir de Québec, le 18 novembre 1975, n'a jamais
eu lieu. Pour vous montrer l'état excellent des relations qui existent
dans les communications fédérales-provinciales, cette grande
harmonie administrative établie par le pacte de 1973, adopté par
une loi de cette Assemblée dès le début de cette
Législature en novembre 1973, elle était du passé. Il ne
le savait même pas, lui qui se faisait l'attaché de presse du
ministre fédéral de la Santé et du Bien-Etre, que quel-
ques semaines après, quelques jours après, son homologue
fédéral et pour reprendre la délicieuse expression
du député de Verdun, son monologue fédéral
allait, lui, annoncer que les contingences financières du gouvernement
de la majorité anglaise du pays les obligeaient à abandonner
l'indexation des allocations familiales.
Il avait l'air fin, le gouvernement québécois, toujours en
quête de vendre le fédéralisme rentable aussitôt
qu'il y a une annonce de $0.05 faite quelque part, comme si c'était un
cadeau, comme si c'était un don, comme si ce n'était pas une
redistribution normale de ce que les Québécois sont en mesure
d'espérer, eux qui fournissent plus de $10 milliards de contribution en
impôts et en taxes par année au gouvernement central.
Toujours la manie de s'annoncer et de se forcer: Regardez si c'est bon
le fédéralisme! Ce n'était même pas vrai, ce qu'il
annonçait au gouvernement québécois. Ce n'était
même pas fixé encore et on se faisait déjà
porte-flambeau du fédéralisme!
Aujourd'hui, quelques mois après, voulant évidemment
oublier ce genre d'incartade, on propose de retourner aux positions
traditionnelles. Vous verrez, M. le Président, le ministre des Affaires
sociales reprendre le langage des Québécois.
Nous pourrions bien le laisser faire ce jeu. Libre à lui de faire
six ans de négociations et de concessions camouflées, de laisser
le nationalisme refaire surface, pour redisparaître par la suite. C'est
sa propre honnêteté et c'est sa propre intégrité qui
sont en jeu lorsqu'il s'adresse intellectuellement aux Québécois
de cette façon. Il en est le seul responsable.
Pour les Québécois, ces sparages nouveaux du ministre des
Affaires sociales, après une longue et décevante série de
discussions, donneront quoi concrètement? Lui qui a fait partie d'un
gouvernement qui a dénoncé ce genre de mesures et qui
s'apprête à les reprendre maintenant, de quelles idées
dispose-t-il donc pour dire que le retour aux positions traditionnelles sera
plus efficace pour le Québec qu'il ne l'a jamais été avec
les gouvernements précédents, ce que vous avez vous-mêmes
dénoncé comme méthode infructueuse pour les
Québécois? Pourquoi revenir à une méthode qui
était infructueuse au moment de Lesage, de Johnson et de Bertrand, et au
moment où le Canada n'avait pas un premier ministre aussi têtu et
aussi désireux d'humilier le Québec que celui qui préside
les destinées du Canada actuellement? Pourquoi cette position
décriée deviendrait-elle, soudainement, rentable? Pourquoi ce
retour aux positions traditionnelles du Québec?
Pour une chose, j'imagine. Parce qu'on l'estime plus efficace dans le
contexte actuel. On estime que la politique fédérale est à
ce point non populaire que le gouvernement québécois doit
reprendre les racines qu'il a voulu lui-même abandonner pendant six ans.
Je pense que les hommes qui sont au pouvoir dans ce gouvernement
découvrent maintenant que ceux qui étaient en face d'eux ne
faisaient pas que de la stratégie, ne fai-
saient pas que du jeu et que, donc, il ne suffisait pas de le
dénoncer, mais qu'ils suivaient la seule ligne possible pour les
Québécois.
Tout le temps où on l'a abandonné dans des
négociations secrètes et dans un camouflage des
intérêts réels des Québécois et des enjeux
réels des négociations, on trahissait le Québec en le
faisant. Si cette ligne avait été celle de tous les partis
politiques précédents qui ont exercé le pouvoir au
Québec, ce n'est pas l'effet d'un hasard, c'est la ligne obligatoire du
Québec, tant qu'il est une minorité à l'intérieur
d'une fédération et tant que son nombre devient de plus en plus
relatif par rapport au reste de la majorité. On est en train de le
découvrir de l'autre côté de la table; on reprend un
vocabulaire ancien, malheureusement, et, c'est à notre tour de le dire,
dépassé.
Nous ne nous contenterons pas de vous voir retourner et de raviver les
anciennes querelles provinciales-fédérales que vous avez tout
fait pour éteindre et camoufler pendant six ans. Nous n'endosserons pas
ce retour aux politiques traditionnelles du Québec comme s'il s'agissait
d'une victoire après que vous nous ayez vous-mêmes convaincus, en
1970, que c'était la voie de l'échec.
Pourquoi cela deviendrait-il tout à coup la voie du succès
quand vous nous avez démontré depuis six ans l'aplatventrisme le
plus inconditionnel face aux mesures fédérales, que vous avez
accepté de vous faire baver par un premier ministre du Canada en plein
centre de la capitale nationale des Québécois, sans même
avoir le coeur de répondre de façon digne et fière, de la
façon des Québécois? Pourquoi vous ferions-nous confiance
quand nous vous avons vu abandonner dans le domaine de l'habitation, de la
justice et dans tant d'autres domaines, dans le domaine économique
essentiellement, tout ce que le Québec avait commencé à
gagner au cours de la période?
M. Choquette: Question de règlement, M. le
Président; dans le domaine de la justice, le député
pourrait-il donner des exemples?
M. Charron: La police.
M. Choquette: Quelle police?
M. Charron: Avez-vous l'impression, vous, que les $200 millions
que vous avez réclamés de façon...
M. Choquette: Je n'ai pas abandonné moi.
M. Charron: Vous n'avez pas abandonné, les avez-vous
reçus?
M. Choquette: Non, non, je n'ai pas abandonné, moi.
M. Charron: Le gouvernement du Québec les a-t-il
reçus?
M. Choquette: Non.
M. Charron: Là est la question.
M. Boudreault: M. le Président, question de
règlement; suis-je bien à l'étude des crédits des
affaires sociales?
M. Charron: Oui, mon cher ami; si c'est trop dur pour vous, vous
pouvez vous reposer.
M. Saint-Germain: On est dans la police.
M. Boudreault: La pertinence du débat, où
est-elle?
M. Charron: Si c'est trop dur pour vous, je vous
répète encore une fois que vous pouvez vous retirer.
M. Boudreault: Cela ne me fatigue pas du tout.
M. Charron: Très bien.
M. Boudreault: C'est fatigant de vous entendre, par exemple.
M. Charron: II y a une autre raison, M. le Président;
celle-là le député de Bourget réussira
peut-être, avec un peu d'effort, à la comprendre. Il y a une autre
raison qui peut inciter...
M. Boudreault: Je n'ai pas d'effort à faire pour
comprendre.
M. Charron: ... le gouvernement à reprendre ce chemin
traditionnel de l'échec, c'est son besoin financier et la situation
financière dans laquelle il se trouve.
Il n'y a pas que les $200 millions de la police, ou tes $200 millions
des Jeux olympiques, c'est sur tous les fronts maintenant que le gouvernement
québécois, à cause de sa mauvaise administration, de son
incompétence dans la gestion des fonds publics québécois,
est obligé de quémander au gouvernement central. Il est
évident que, dans le partage actuel de la taxation et des impôts,
nous sommes effectivement condamnés, d'une certaine mesure, à
attendre une participation fédérale si nous voulons
développer des politiques sociales cohérentes. C'est exact, M. le
Président.
Je suis convaincu que s'il était dans les capacités
financières du Québec, actuellement, par exemple, ou du moins je
l'espère, j'espère avoir cette conviction, s'il était dans
la mesure du Québec, dans ses capacités financières
actuelles d'établir un revenu familial garanti à l'égard
de tous les Québécois, le ministre des Affaires sociales et le
ministre d'Etat aux Affaires sociales, les membres du cabinet
l'établiraient, ne reprendraient plus le chemin des "sparages"
fédéraux-provinciaux, se retireraient purement et simplement,
exigeraient la compensation financière qui est d'usage et
rétabliraient ici. Mais cela non plus, nous ne pouvons pas le faire, M.
le Président. Cela non plus, nous ne pouvons pas le faire.
Le gouvernement nous a conduits à l'étau qui se resserre
maintenant sur lui-même. Il a abandonné les revendications de
pouvoirs du Québec.
Pas un cent de plus n'est venu d'Ottawa en vertu de programmes nouveaux,
de partages fiscaux et de partage des taxes, depuis six ans. Tout ce que les
gouvernements traditionnels avaient réclamé a été
abandonné. Il ne fallait pas faire de bataille avec Ottawa. Le
gouvernement s'est conduit dans cette propre situation lui-même. Il s'est
vendu presque inconditionnellement au gouvernement fédéral. Il
s'aperçoit maintenant que ce n'est pas à l'avantage des
Québécois. Mais comme il ne peut pas s'en retirer parce qu'il n'a
pas suffisamment d'argent pour le remplacer lui-même dans le
développement des politiques sociales, il est condamné à
participer à l'engrenage fédéral-provincial mais en tapant
du pied.
Nous voilà donc revenus au point de départ. Il est dans
une incapacité d'affirmer lui-même des programmes sociaux nouveaux
autrement qu'avec l'assentiment, non seulement politique mais financier, de la
majorité anglaise du pays. Je ne parle pas du fait que ce gouvernement
s'est mis lui-même, après sa négligence, à couvrir
à lui seul un déficit de $900 millions dans l'organisation d'une
fiesta de deux semaines. Je ne fais même pas mention du fait que ce
gouvernement est à l'origine d'un projet de développement
hydroélectrique qui a multiplié ses coûts par cinq au cours
des cinq dernières années. Mais parce qu'il a déjà
lui-même procédé à des compressions
budgétaires dans des services déjà existants nous
ne pouvons donc espérer qu'il en développe beaucoup d'autres
à des compressions budgétaires qui vont diminuer la
qualité des services de santé offerts aux citoyens du
Québec, les budgets des hôpitaux ont été
coupés de façon uniforme, sans tenir compte des situations
particulières. Le cas de l'hôpital de Val-d'Or est un exemple, M.
le Président; d'autres surviendront, j'espère pas de façon
aussi dramatique que celui-là qui connaissait déjà, au
départ, une situation peu avantageuse pour faire face aux coupures
annoncées par le ministre des Affaires sociales.
Mais c'est de nous dire et de nous répéter, comme je le
disais à l'ouverture des travaux de cette commission et c'est
visible à la seule lecture des crédits tels que
déposés et annoncés actuellement avant l'annonce de tout
budget supplémentaire qui pourrait survenir au cours de l'année
financière qui commence aujourd'hui que certains programmes,
qu'il serait urgent de mettre sur pied et que le ministre continue à
endosser théoriquement mais qui ne reçoivent jamais, de
façon économique et financière, l'appui sans lequel ils ne
peuvent se réaliser, ne verront pas le jour cette année
encore.
Il n'y aura pas de politique familiale convenable; il n'y aura pas
d'aide spéciale pour les femmes seules, chefs de famille; il n'y aura
pas de développement dans le réseau de garderies autre que
l'émiettement de la politique déjà en place. Les personnes
âgées devront encore attendre. Des régions qui vivent avec
des foyers d'hébergement sous la norme québécoise des six
par mille devront encore attendre. Il n'y aura pas de réseau complet de
soins à domicile; il n'y aura pas de développement de nouveaux
services de santé dans les centres hospitaliers; il n'y aura pas de
budget supplémentaire d'appoint aux centres locaux de services
communautaires en pleine période de croissance; il n'y aura pas
d'extension majeure de la couverture de l'assurance-maladie; il n'y aura pas de
politique de revenu familial minimum garanti; il n'y aura pas de
développements nouveaux de services en milieux scolaires.
Si vous examinez les budgets qui sont là, ils ne font
qu'épouser la progression normale des coûts dans les services
déjà offerts si on tient compte que les travailleurs qui y
oeuvrent et les services eux-mêmes connaissent, comme tous les autres
domaines, une croissance normale annuelle.
Rares sont les endroits qui, au cours de cette année, en affaires
sociales, selon l'affirmation même que le ministre nous a faite au
début des travaux de la commission, vont connaître un essor. Le
ministre tient la barque, le ministre gouverne une barque dans laquelle il a
lui-même voulu se contenir. Il a refusé de participer à des
revendications financières qui auraient augmenté la
capacité d'agir du Québec. Il a lui-même accepté de
se soumettre à un fédéralisme qui retarde des
décisions au niveau du Québec. Il doit donc, lui, mais
malheureusement avec lui tous les Québécois, épouser un
choix politique qui devient de plus en plus coûteux pour l'ensemble des
contribuables québécois.
Je pense, M. le Président je voudrais terminer
là-dessus en faisant la boucle avec le sujet des négociations
fédérales-provinciales qui a occupé la majeure partie du
temps de l'intervention du ministre des Affaires sociales lui-même
que le passé de haut fonctionnaire du ministre des Affaires sociales ne
le sert guère dans ce domaine. Je m'explique. Les négociations
fédérales-provinciales sont, dans tous les domaines, en fait,
conduites beaucoup plus par les hauts fonctionnaires de chacun des
ministères que par les ministres. Les hommes politiques ratifient,
ordonnent dans le sens de mettre de l'ordre les priorités,
les fronts, choisissent les revendications les plus importantes, mais ceux qui
vont sur le front même de la négociation, ceux qui font
quotidiennement face au blocus fédéral, pour ne pas dire,
à l'occasion, anglo-saxon, en face de nous, sont ceux qui sont les
premiers aides du ministre des Affaires sociales.
Je sais d'expérience, parce que mon parti compte un grand nombre
de ces hommes qui ont participé à ces négociations et qui
en sont sortis complètement désabusés, que c'est eux qui
ont le fardeau le plus lourd de la tâche, la plupart du temps. Buter sur
un article, buter sur un pourcentage, buter sur une statistique, buter sur un
"niet" ou un "no" opposé de façon catégorique de l'autre
côté. C'est eux qui doivent revenir à leur ministre faire
rapport et faire part de l'entêtement d'une province quelconque,
Terre-Neuve, l'lle-du-Prince-Edouard, l'Alberta ou c'est le gouvernement
central lui-même, dans la plupart des cas qui refuse.
Ainsi, M. le Président cela constitue peut-être la
perte d'énergie en intelligence et en dé-
vouement la plus scandaleuse du Québec actuellement ces
hommes qui travaillent volontairement et se dévouent pour le
Québec dans ces négociations, en viennent à
développer un prisme dans lequel ils analysent continuellement le
développement. Ils sont tellement habitués à se buter
à un refus que, lorsqu'ils reviennent avec une concession où
qu'elle se trouve du côté fédéral, ils en viennent
à estimer cela peut-on leur en faire grief comme une
victoire du Québec. Lorsqu'ils ont réussi à endiguer
l'invasion fédérale, c'est une victoire du Québec.
Lorsqu'ils ont réussi à aller chercher le consentement du
Manitoba sur un programme, c'est une victoire du Québec, pour eux,
après des heures, des jours, des semaines et des séances
interminables de négociation. Mais, pour les Québécois
encore une fois, avec tout le respect que je peux avoir pour le
développement de ces hommes qui continuent à s'user dans le
labyrinthe des négociations fédérales-provinciales
l'acquisition du oui du Manitoba, au mois de mai, puis du oui de la
Colombie-Britannique, au mois de novembre, et puis le recul de
l'île-du-Prince-Edouard, au mois d'avril suivant, cela a changé
quoi? Pour un haut fonctionnaire, c'est peut-être une victoire de revenir
avec un acquis, un article paraphé par les deux parties, mais, pour le
Québec, il n'y a pas un pas de fait de plus dans ce sens.
Je ne sais pas si le ministre, dans son passé de haut
fonctionnaire, a lui-même été impliqué directement
dans des négociations avec la partie adverse il faut bien
l'appeler comme cela mais j'ai l'impression souvent que, lorsque, comme
je le disais dans le communiqué du 18 novembre, il se met à
annoncer avant le temps, des victoires québécoises, il est encore
trop près de son passé et pas encore assez dans son
présent d'homme politique québécois responsable de
maintenir l'intégrité de la société
québécoise dans son développement social. Lui ne peut plus
se contenter d'une victoire aussi mince. Lui ne peut plus claironner. Lui ne
peut plus réduire à l'état de coquetterie
constitutionnaliste le fait que le Québec n'obtient pas plus de
pouvoirs.
C'est à lui, en fin de compte, lui qui nous annonce son retour
aux positions traditionnelles du Québec, qu'il faut adresser le message
suivant: le retour aux positions traditionnelles du Québec veut dire
s'engager dans l'affirmation de la collectivité québécoise
vers son autodétermination. Si vous n'êtes pas capable de la
suivre jusqu'au bout, si tel n'est pas votre choix, vous serez libre de
l'abandonner en cours de route. Mais il est évident que l'heure n'est
plus à triompher par communiqués de presse sur des virgules ou
sur des points. Vous le savez. Tous les membres du gouvernement doivent
maintenant le savoir. Et c'est à eux qu'incombe cette
responsabilité maintenant.
J'aborderai donc, M. le Président, l'étude des
crédits du ministère des Affaires sociales un peu comme le
faisait lui-même, l'année dernière, le ministre des
Affaires sociales, un peu comme un administrateur d'une chose
déjà en marche, sans espérer y retrouver beaucoup de
changements. L'impasse politique pour laquelle le ministre lui- même a
accepté de militer et le cul-de-sac financier du Québec, dont,
comme membre du gouvernement, il est lui-même coauteur font que nous ne
pouvons guère demander plus à ce gouvernement de fin de
régime.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cornellier): Est-ce que le ministre veut
faire des commentaires?
M. Forget: Non, M. le Président. J'inviterais
peut-être un de mes collègues à faire ses remarques
préliminaires et j'en ferai peut-être à la fin.
M. Choquette: Je ne ferai pas de remarques préliminaires,
M. le Président.
Le Président (M. Cornellier): Est-ce que d'autres membres
de la commission auraient des remarques générales à faire?
Sinon, j'invite l'honorable ministre des Affaires sociales
M. Claude Forget
M. Forget: Je vous remercie. M. le Président, j'ai
manqué la séance de ce matin de cette commission, mais
j'étais représenté de façon tout à fait
adéquate par mon collègue, le ministre d'Etat. J'ai cependant eu
l'occasion de suivre une partie des délibérations de mon bureau,
et d'entendre parler de ce qui s'est discuté ici ce matin. Je serai donc
en mesure de faire quelques commentaires sur l'ensemble des remarques
préliminaires. Je dois avouer, avant de commencer, que l'impression
principale que j'en retire, après plusieurs années de
participation aux travaux de la commission pour l'étude des
crédits, est que non seulement peut-on se permettre de manquer une
séance de temps à autre, mais on peut presque se permettre de
manquer une année complète parce qu'on est à peu
près sûr de retrouver, la deuxième année, les
mêmes notions et les mêmes idées exprimées de la
même façon.
M. Charron: II y a sept ans que j'ai cette impression.
M. Forget: Ce n'est pas avec un très grand enthousiasme
que je participe à un débat de la qualité de celui auquel
on a assisté jusqu'à maintenant. Je pense que les minutes de
cette commission devraient être assez précieuses puisqu'elles
sont, malgré tout, un moment privilégié dans nos
procédures parlementaires pour éclairer le public sur ce qu'un
ministère parmi d'autres et tous y passent à tour de
rôle fait pour la population, comment il utilise les
crédits très importants qui lui sont confiés pour
découvrir des réponses à toutes ces questions que l'on
prétend, à d'autres moments, avoir vis-à-vis de
l'administration publique et que, souvent, le moment venu, on n'a tout
simplement pas.
Il est évidemment beaucoup plus facile de se livrer à des
dissertations qui se répètent d'année en année et
qui ne nous apprennent rien. Je serais presque porté à citer un
personnage célèbre au-
quel le député de Saint-Jacques a fait allusion et qui
dit, comme réplique totale à ce qu'il vient de nous dire: Et puis
après? Qu'est-ce qu'il nous a dit de nouveau? Pas seulement à
nous, bien sûr, il est évident qu'il ne peut pas nous apprendre
grand-chose dans ce secteur. Qu'est-ce qu'il dit de nouveau à la
population qui, espérons-le du moins, continue à nous
écouter même quand nous ne faisons pas trop de sens? A-t-il
vraiment proposé une alternative valable à quoi que ce soit?
J'ai pris connaissance largement, par les media d'information, du
débat qui vient de se terminer à l'Assemblée nationale sur
le discours inaugural et j'ai pu constater qu'il est impossible de savoir sur
quelle base l'Opposition a formulé ses critiques. Tantôt on parle
d'une période de restriction excessive, tantôt on parle d'une
période de prodigalité éhontée. On ne semble pas
bien pouvoir choisir. J'ai souvent pu constater, chez l'Opposition, un certain
désir de prêcher toutes les causes à la fois. Quoi qu'il en
soit, dans ce secteur qui est celui des Affaires sociales, nous avons
assisté à un long exposé et nous n'avons pas
compté les minutes, fort heureusement pour le député de
Saint-Jacques sur le développement économique et sa
signification pour le développement social de toute
société. Jusque-là, pas de problèmes, nous pouvons
le suivre assez facilement, mais encore là, je crois qu'il y a une
incapacité de choisir. On tire un argument dans les deux sens de la
croissance ou de l'absence de croissance d'un budget.
Si le budget des Affaires sociales s'accroît, accroît sa
part dans le total des dépenses publiques, on dit: Voyez comment le
Québec périclite, les dépenses qui sont consacrées
pour mettre des cataplasmes sur les problèmes plutôt que de les
régler par la voie du développement économique augmentent
d'année en année, et cela manifeste l'échec ou la
défaite d'une stratégie de développement
économique. On pense saisir le sens de ce raisonnement et,
immédiatement après, on nous dit: Bien, si ce pourcentage, au
lieu d'augmenter, diminue, voyez un autre échec dans le sens
opposé, mais contradictoire, où ce domaine prioritaire de
l'activité de l'Etat reçoit de moins en moins d'importance dans
les budgets publics.
Je crois, M. le Président, que c'est un exemple parmi d'autres
d'une espèce d'incapacité de choisir sur quelle base on va
exactement attaquer l'activité gouvernementale. C'est certainement une
façon très vague et très générale de le
faire. J'espère que nos travaux seront plus spécifiques, parce
qu'il me semble que nous pouvons apporter des réponses quand les
questions sont clairement formulées, ce qui est évidemment
impossible à faire quand elles sont formulées de façon
confuse. On vient d'entendre un plaidoyer, dont je ne dirai pas qu'il
était éloquent mais certainement passionné, sur les
difficultés de négociation.
Je n'ai pas à épiloguer longuement sur la position d'un
parti qui fait de la non-négociation pratiquement sa raison
d'être. Il est clair qu'avec cette optique, on n'aura pas de
difficulté à s'entendre avec personne. On ne dialoguera tout
simplement pas. Quelles que soient les institutions politiques, le
Québec est condamné à chercher à s'entendre avec
les autres. C'est beaucoup plus sur le contenu de ces ententes et sur les
avantages concrets qui peuvent en résulter pour les
Québécois, que la discussion devrait porter, plutôt que sur
de soi-disant difficultés ou même des difficultés
réelles sur lesquelles on épilogue longuement en taisant par
ailleurs les domaines où les discussions ont eu une conclusion ou sont
en passe d'avoir une conclusion favorable.
Dans mon exposé préliminaire, j'ai parlé non
seulement d'un domaine qui... et je ne renie aucune des épithètes
que j'ai utilisées à l'époque: c'est une loi que l'on
n'aime pas, etc. C'est tout à fait vrai. J'ai parlé aussi des
autres secteurs où le développement est immensément
préférable, beaucoup plus encourageant et où le
Québec a réussi, dans un nombre impressionnant de cas, à
faire passer son point de vue et ses priorités. Le fait même que
ces réunions, que ces discussions aient eu lieu depuis trois ans
reflète dans une très large mesure une préoccupation du
Québec, à l'époque, dont il a réussi à
persuader ses partenaires. C'est une malhonnêteté intellectuelle
puisque le député de Saint-Jacques aime beaucoup ce genre
d'accusation, il aime beaucoup les décerner à d'autres
c'est un genre caractérisé de malhonnêteté
intellectuelle de faire porter ces remarques sur le seul point, dans toute la
situation, qui pourrait de loin appuyer, bien qu'imparfaitement, son
argumentation et de ne dire aucun mot des autres.
De toute manière, je n'ai pas l'intention de répondre plus
longuement à cet exposé. Je crois qu'il est décevant de
réentendre toujours les mêmes rengaines, qui masquent trop
facilement l'incapacité de choisir très clairement entre des
hypothèses ou des alternatives par rapport auxquelles les
activités gouvernementales pourraient être jugées avec un
peu de cohérence. A entendre le député de Saint-Jacques,
il a toutes les solutions à tous les problèmes, mais je peux
juger que son problème est précisément de choisir entre
toutes ces solutions, puisqu'un certain nombre d'entre elles sont incompatibles
les unes avec les autres.
Pour ce qui est du député de Rouyn-Noranda, là
aussi nous avons entendu beaucoup de répétitions. Il emploie
assez facilement le ton que l'on qualifie de populiste. Tous les partis sont
populistes à leurs heurs probablement. Mais je ne sais pas pourquoi il
s'attache à épouser toutes les causes, même les plus
invraisemblables, sur tous les sujets les plus excentriques, à employer
le langage de l'ignorance pour presque tous les dossiers sur lesquels il
s'exprime alors que depuis des années nous nous acharnons à les
lui expliquer, dans l'espoir qu'il comprendra enfin et qu'il utilisera cette
compréhension pour l'expliquer à ses commettants, qui,
prétend-il, viennent le visiter pour lui poser les mêmes
questions, année après année.
Je pense à ses plaidoyers pour toutes sortes de causes, mais sur
un point qui nous intéresse de façon plus immédiate,
puisqu'il touche à un programme que nous administrons, celui de
l'assurance-médicaments, il sait très bien la raison
pour laquelle la liste est ce qu'elle est. Il a eu de nombreuses
explications, et fort détaillées dans des cas particuliers
d'ailleurs, par une correspondance qu'il a reçue du ministère. Ce
n'est rien d'autre qu'un désir de parler, encore une fois, avec la voix
de ceux qui ne comprennent rien, sur des sujets sur lesquels il a eu toutes les
explications.
C'est aussi une forme de malhonnêteté intellectuelle et je
crois que, de ce côté-là, il n'y a pas beaucoup d'autres
réponses qu'il soit nécessaire d'apporter. Les
procès-verbaux des réunions des commissions parlementaires sur
les crédits depuis cinq ans lui fourniront toute la documentation
nécessaire à lui ou à ses recherchistes si vraiment il
s'intéresse à la réponse à ses questions pour autre
chose que des déclarations symboliques.
Je souhaiterais, M. le Président, que l'on passe à
l'étude des crédits et que l'on profite de la présence du
président de la Régie des rentes et des hauts fonctionnaires des
différentes directions du ministère, qui sont ici ou qui se
succéderont au cours des séances de la commission parlementaire,
de manière à connaître les détails que l'on
prétend, encore une fois, très souvent vouloir connaître,
mais dont on ne cherche pas à poursuivre l'exploration lorsque
l'occasion se présente enfin.
Il y a près de quatre heures que cette commission siège;
je crois, quant à moi, qu'elle n'a fait, jusqu'à maintenant,
aucun progrès.
Allocations familiales
Le Président (M. Cornellier): Messieurs, nous allons
procéder maintenant au programme 1, Soutien du revenu familial,
élément 1., Allocations familiales. Y a-t-il des questions sur
l'élément 1. du programme 1?
M. Charron: J'imagine que le ministre voudra lui-même faire
progresser la commission le premier.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas, je pense bien,
à expliquer le programme des allocations familiales; il est connu de
tous. Nous sommes à la disposition de tous les membres de la commission
pour répondre à des questions qui pourraient exister dans ce
domaine.
Le Président (M. Cornellier): Pas de question à
l'élément 1.?
L'honorable député de Saint-Jacques.
M. Charron: Au domaine des allocations familiales, il est vrai
que nous devons connaître tous, comme vient de le dire le ministre, le
programme puisqu'il s'agit d'une loi que cette Législature a
adoptée il y a trois ans.
Le gouvernement central a annoncé, le 18 décembre dernier,
qu'il n'indexerait plus les allocations familiales. Quand le ministre des
Affaires sociales avait-il été mis au courant de cette
décision?
M. Forget: Dans les jours qui ont
précédé.
M. Charron: De quelle manière?
M. Forget: Ecoutez, probablement, en premier, par une
conversation téléphonique. Peut-être, pour être plus
précis, je dois dire que la première nouvelle a dû
être transmise par une communication entre le sous-ministre
fédéral et le sous-ministre des Affaires sociales.
M. Charron: Puis-je demander au sous-ministre des Affaires
sociales si, dans cette communication avec son homologue fédéral,
on l'a consulté ou on l'a avisé de la décision
fédérale?
M. Forget: On l'a avisé.
M. Charron: Je voudrais savoir une chose du ministre des Affaires
sociales, qui était si fier de parrainer cette première loi
à l'Assemblée nationale, parce que, selon lui, elle contenait un
tas d'avantages pour les Québécois. Voulez-vous que je vous cite
pour vous montrer comment vous aviez le langage pompeux, cette
journée-là?
Comment se fait-il que vous n'ayez pas même pris la
précaution comme gouvernement québécois de faire en sorte
que, lorsque le partenaire à l'autre bout se sent serré
financièrement et incapable de répondre à un engagement
qu'il a pris, il ne fasse pas juste vous aviser comme si vous étiez une
succursale, mais vous consulter. Je croyais, à la façon pompeuse
dont vous aviez annoncé ce programme, qu'il s'agissait d'une entente
entre deux gouvernements responsables et non pas d'un gouvernement central et
d'une succursale qui émet des chèques. Comment se fait-il que
vous n'ayez même pas réclamé que ce soit inscrit dans
l'entente je sais que vous n'aimez pas que ce soit des constitutions, ce
sont des coquetteries que tel avertissement, telle décision
serait, au préalable, le fruit d'une consultation?
M. Forget: II faut faire des distinctions, que le
député de Saint-Jacques comprendra sans peine, entre les
caractéristiques principales du régime qui sont inscrites de part
et d'autre dans les lois et les caractéristiques secondaires. Il y a une
caractéristique fort importante du régime qui permet au
gouvernement du Québec, comme à celui de toutes les autres
provinces, de déterminer la répartition des sommes qui sont mises
à la disposition des familles par le gouvernement fédéral.
Cette répartition, comme on le sait, est différente selon les
provinces. Quant aux modes de répartition, quant au profil de
répartition, par exemple, selon l'ordre des enfants on sait qu'au
Québec on verse substantiellement davantage pour les enfants d'un ordre
plus élevé il n'existe pas dans les ententes dont on vient
de parler de dispositions qui obligent même les provinces à
consulter le gouvernement fédéral avant de décréter
la répartition ou le profil de répartition qui paraît
approprié dans une province.
J'utilise cet exemple pour illustrer qu'une entente peut prévoir
différentes modalités de collaboration entre les parties. Une
entente peut prévoir une modalité par laquelle, à
l'intérieur ou pour
certains sujets, l'une des deux parties a une discrétion totale
et vice versa pour l'autre partie.
Une entente pourrait également prévoir c'est la
seule hypothèse retenue implicitement dans la question du
député de Saint-Jacques que pour chaque décision,
sur chaque sujet, il y a des consultations. Mais ceci n'est qu'une
modalité particulière d'une, entente qui n'a pas
été retenue comme mode général de fonctionnement de
cet arrangement administratif relativement aux allocations familiales.
Au contraire, les modalités qui ont été retenues
consistent à permettre soit au gouvernement fédéral, soit
aux gouvernements des provinces de déterminer un certain nombre de
choses unilatéralement. Mais, comme les sujets sur lesquels portent ces
décisions unilatérales sont prédéterminés,
il n'y a, en soi, aucune surprise dans l'exercice de ce pouvoir par l'autre
partie. Il peut évidemment y avoir des surprises de fait quand l'autre
partie utilise son pouvoir, mais cela ne répugne pas au mode de
coopération administrative que l'événement qui s'est
produit.
Un an plus tôt, nous avions d'ailleurs modifié, par une loi
du Québec, l'aménagement entre les enfants des allocations
familiales, et ceci a été fait par une loi du Québec. Nous
avons, à toutes fins pratiques, informé le gouvernement
fédéral de notre intention de le faire et comme les chiffres que
nous utilisions permettaient de le faire à l'intérieur de la
masse attribuable pour ces fins, du côté fédéral,
c'était une décision qui était unilatérale dans son
essence.
Pour ce qui est de l'indexation, nous avons, relativement au
régime des allocations familiales fédérales, une
disposition qui se retrouve, à ma connaissance, dans la
réglementation fédérale plutôt que dans la loi et
qu'il est possible de changer sans consultation. Même si c'était
dans la loi, il reste que cela demeure leur loi, comme notre loi provinciale
demeure entièrement sous notre contrôle. Il n'y a donc aucune
incompatibilité et nous avons pu, subséquemment à la
décision fédérale, prendre une autre décision,
quant à nous, aussi unilatérale que la décision
fédérale, de combler, pour les bénéficiaires de
l'aide sociale, ce manque à gagner résultant de la
non-indexation. En ce faisant, nous décidions d'utiliser des fonds
fédéraux pour combler le manque à gagner résultant
d'une autre décision fédérale. Pour cela non plus il n'y a
pas eu, de notre part, vis-à-vis des autorités
fédérales, de consultation; nous avons agi de notre propre
chef.
M. Charron: Cela aurait été le bout!
M. Forget: Bien, M. le Président, je crois que le
député de Saint-Jacques ne se rend pas compte de ce qu'il dit
quand il fait une affirmation comme celle-là, puisque le sens de notre
action était d'annuler, en quelque sorte, pour une part, une
décision fédérale. Je suis sûr que si le
gouvernement fédéral avait agi de cette façon
vis-à-vis du Québec, il aurait été le premier
à proclamer qu'il s'agissait là d'une situation absolument
intolérable.
M. Charron: Pensez-vous que cela les dérange, le fait que
vous annuliez partiellement, pour les plus pauvres, en recourant à vos
propres goussets, c'est-à-dire en retirant ce que, ailleurs, vous
pourriez mettre d'argent pour le mettre là? Pensez-vous que cela l'a
dérangé, lui, par exemple, quand dans le domaine je
reprends cet exemple et ce n'est pas pour m'éloigner du sujet, au
contraire des garderies, il se soit retiré?
Que cela vous oblige, vous, à mettre tel budget dans les
garderies, c'est votre problème. Lui, il a décidé qu'il
n'en mettait plus. Cela nous a coûté $55 millions de fonds
québécois qui auraient pu être utilisés à
autre chose mais parce que vous avez je reconnais que c'était
essentiel décidé d'intervenir pour les familles les plus
pauvres et de consacrer $55 millions qui auraient pu servir ailleurs,
pensez-vous que cela le dérange? Pensez-vous que cela l'affecte? Lui, il
a fait son affaire.
Je reviens à ma question première: Comment se fait-il que
vous ayez signé une entente qui comporte, par les conséquences
que vous-même venez de mentionner, le pouvoir d'intervenir dans la
gestion financière du Québec, qui vous oblige, à un moment
donné, alors que nous pouvons planifier, ici, une répartition des
sommes à l'intérieur des affaires sociales? Le gouvernement
fédéral décide de se retirer ou de ne pas donner ce qu'il
avait promis de donner à un endroit; cela bouscule tout ce qu'on
était en mesure de faire, ce qu'on se préparait à faire
avec ces $55 millions. Comment se fait-il que vous ayez accepté et
signé quant à ce pouvoir fédéral d'intervenir dans
nos affaires?
M. Forget: II y a une erreur de fait dans la question du
député de Saint-Jacques. Il n'est pas question d'une entente
signée qui nous oblige à intervenir dans quelque domaine que ce
soit à la suite d'une décision fédérale. Les
exemples qu'il cite ne sont pas applicables puisqu'il s'agit, dans tous les
cas, de décision que nous avons prises, que nous aurions pu ne pas
prendre et que nous avons prises de la façon qui nous convenait dans
chacun des cas et qui ne convenait pas nécessairement au gouvernement
fédéral, qui avait pris des orientations différentes dans
les deux cas que le député vient de mentionner.
M. Charron: M. le Président, le ministre des Affaires
sociales affirmait en Chambre, lorsqu'il parrainait cette loi, en
décembre 1973: "Ce droit qu'a acquis le Québec de modifier,
d'infléchir, de déterminer les sommes que versera le gouvernement
fédéral aux citoyens du Québec, ce n'est pas un droit, ce
n'est pas un acquis qui sera facilement retiré ou perdu". N'est-ce
pas?
M. Forget: Cela demeure vrai.
M. Charron: Cela demeure partiellement vrai.
M. Forget: Cela demeure totalement vrai puisque cette
déclaration s'appliquait c'est ce que je viens de vous expliquer
à nouveau à la configu-
ration des paiements, à la façon dont les paiements sont
répartis parmi les enfants d'une même famille. Certaines provinces
ont choisi de répartir également, quel que soit le nombre
d'enfants dans une famille, entre tous les enfants, les allocations familiales.
Le Québec a choisi une répartition différente.
M. Charron: Je ne parle pas de répartition des sommes. Je
pense que vous me comprenez bien, Je parle de la somme elle-même.
M. Forget: Ce pouvoir est demeuré intact. Il est encore
utilisé et, subséquemment à cela, l'Assemblée
nationale a même légiféré pour corriger la
première distribution qui avait été faite.
M. Charron: Ce n'est pas de cela que je vous parle.
M. Forget: Moi, c'est de ce sujet que je vous parle
puisque...
M. Charron: Je vais vous laisser continuer, si vous le voulez,
mais je reviendrai à la charge.
M. Forget:... l'implication que vous faites que le refus
d'indexer les allocations familiales est une exception à ce pouvoir, ce
n'est pas du tout une exception puisque cela ne couvrait pas cette
possibilité d'indexation qui demeurait et qui demeure jusqu'à
maintenant un pouvoir que le fédéral peut utiliser de
façon complètement unilatérale.
M. Charron: N'avez-vous pas dit, dans ce communiqué de
presse du 18 novembre 1975, que l'indexation était incluse dans
l'entente et qu'elle faisait donc partie des sommes que verse le gouvernement
fédéral, puisque vous terminez votre communiqué en disant,
en tout cas, votre attaché de presse vous prête cette
déclaration: M. Forget a expliqué que le régime des
allocations familiales prévoit l'ajustement annuel des allocations
familiales payables par le Québec et par le gouvernement
fédéral aux citoyens du Québec, en fonction de
l'augmentation des prix à la consommation. Vous dites vous-mêmes
que le régime prévoit l'indexation annuelle. Donc, l'indexation
annuelle fait partie des sommes que le gouvernement fédéral verse
au Québec. Quant à la somme totale, je ne vous parle pas de ce
droit du Québec d'en donner plus aux quatorze ans ou aux huit ans
où de celui de la Saskatchewan de tout donner aux huit ans. Cela aurait
été le bout que vous ayez cédé cela, d'accord. On
n'a pas la même configuration démographique qu'ailleurs.
Voyez-vous qu'on est déjà en train ce que je vous disais
à la fin de mes remarques de considérer comme une victoire
le fait d'avoir résisté. On a encore le droit de modifier les
échelles. Ce n'est pas un mince détail, je le sais très
bien. Mais de présenter cela comme une victoire...
Ce que je trouve malhonnête, c'est que vous avez
présenté comme une victoire plus que cela alors que ce
n'était pas vrai. Vous avez présenté comme victoire le
droit du Québec de modifier, d'infléchir et de déterminer
les sommes que versera le gouvernement fédéral. Or, ce n'est pas
vrai. Le Québec n'a pas le droit de les déterminer. La preuve,
c'est que vous avez été avisé que le gouvernement
fédéral avait décidé de modifier la somme qu'il
donnait au Québec. Il l'a modifiée de $55 millions. Ce n'est pas
vous qui les perdiez, c'étaient les familles québécoises.
Vous, vous avez rajouté une dizaine de millions à l'aide sociale
pour pouvoir aider les plus pauvres. Mais toutes les familles en haut de l'aide
sociale les ont carrément perdus, elles. Vous aviez pourtant
affirmé que le fédéral ne pourrait pas changer ces sommes
et que le régime prévoyait l'indexation.
M. Forget: Non...
M. Charron: Ecoutez, j'ai les deux affaires ici. Je vais vous
citer intégralement, d'accord?
M. Forget: Faites-le donc.
M. Charron: On va le faire, 281. Je vais vous citer longuement,
à part cela, vous allez voir. "Cependant, je crois qu'un gouvernement
qui, pour satisfaire à des coquetteries de constitution-nalistes, aurait
tenu les familles québécoises défavorisées en
otage, en quelque sorte, jusqu'à la solution de tous ces conflits,
porterait une très lourde responsabilité vis-à-vis de ces
familles et vis-à-vis de ces enfants qui vivent dans un milieu
défavorisé et qui n'ont peut-être pas la patience,
contrairement au chef de l'Opposition à qui vous répondiez
d'attendre la solution éventuelle à toutes ces
difficultés. Il a également affirmé que, dans le
passé, ce champ de juridiction avait été en quelque sorte
assombri par l'utilisation du pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral. Il a même suggéré, je crois, que
l'utilisation du pouvoir de dépenser créait en quelque sorte une
modification à la constitution, ou du moins qualifiait la situation
constitutionnelle dans un sens différent de ce que les textes
eux-mêmes font." "Je trouve étrange, continuiez-vous, que, si on
fait une telle hypothèse, on refuse de reconnaître l'effet que
peut avoir sur la situation constitutionnelle, le précédent que
crée un arrangement législatif de cette nature puisque ce droit
qu'a acquis par cet arrangement, j'imagine le Québec de
modifier, d'infléchir, de déterminer les sommes que versera le
gouvernement fédéral aux citoyens du Québec, ce n'est pas
un droit, ce n'est pas un acquis qui sera facilement retiré ou perdu".
Vous l'avez perdu deux ans après avoir fait cela. En décembre
1975, qui a décidé le total de la somme que le gouvernement
fédéral dépensait ici? C'est Ottawa. Ce n'est pas vous, ce
n'est pas le Québec qui a décidé la somme. La somme devait
être indexée. Celle de l'année passée devait
être indexée. Vous avez dit que le régime prévoit
l'ajustement annuel. Or, ils ont avisé votre sous-ministre que la somme
ne serait pas celle que vous attendiez. Est-ce le Québec qui l'a
décidée, la somme d'argent fédéral versée en
allocations familiales, ou si c'est Ottawa?
M. Forget: M. le Président, je crois que le
député de Saint-Jacques ne cherche pas vraiment une
réponse à son développement réthorique. Il sait
très bien qu'il faut faire la distinction entre la distribution d'un
total et la détermination de ce total.
M. Charron: C'est de la détermination que je parle. La
distribution, c'est autre chose.
M. Forget: La détermination du total est établie
par la loi fédérale et ses règlements en fonction d'un
montant qui, en 1974, était une moyenne de $20 par enfant, montant que
les règlements fédéraux, qui sont, évidemment,
éminemment amenda-bles, prévoyaient d'indexer ou de majorer selon
l'augmentation du coût de la vie d'une année à l'autre.
La détermination du total est faite par la loi
fédérale et je n'ai jamais affirmé... Si je l'avais fait,
il faudrait trouver dans les Débats une dénégation de la
part de l'Oppositon à l'époque, puisqu'il aurait
été facile, à l'époque, de dire que ce
n'était pas vrai que c'était le Québec qui
déterminait la somme des allocations familiales.
M. Charron: Ne prenez pas ce chemin-là. Le chef de
l'Opposition vous l'avait carrément dit en Chambre.
M. Forget: Je prends le chemin qu'il faut pour démontrer
que votre affirmation est mal fondée.
M. Charron: C'est la vôtre qui est mal fondée.
M. Forget: La détermination dont on parlait ne pouvait
donc pas se rapporter au total, puisqu'elle aurait été fausse
dès 1973, cette affirmation. Tout le monde savait en 1973, à la
simple lecture des journaux, que c'était le gouvernement
fédéral qui avait fixé à $20 la moyenne des
paiements par enfant à cette époque. Son rythme de progression
était déterminé en fonction de la législation
fédérale et de la réglementation fédérale
connues à l'époque, de façon unilatérale par le
gouvernement fédéral.
Ce à quoi je me référais et ce à quoi je
devais seulement me référer sinon j'aurais dû
être rappelé à l'ordre par l'Opposition pour avoir dit des
choses qui étaient fausses, même à ce moment-là
la distribution de ce total, le total produit par les $20
multipliés par le nombre d'enfants en bas de dix-huit ans, cette
distribution du total demeurait, elle était, pour la première
fois dans un programme fédéral, un sujet de juridiction
provinciale qui était déterminé par une loi provinciale.
Et ceci demeure vrai maintenant, était vrai en décembre dernier
et va être vrai l'an prochain également, à moins que l'on
dénonce, du côté fédéral, et qu'on abroge la
loi qui permet de faire cela.
M. Charron: Bien moi je vais vous dire. Quand vous disiez cela,
c'était en clôture, votre droit de réplique, en
deuxième lecture, avant l'adoption de principe de la loi, si je ne
m'abuse. C'est cela, avant l'adoption de principe de la loi. L'Opposition
n'avait aucun loisir de vous répliquer à ce moment-là.
Mais en commission parlementaire, et cela vous devez vous en rappeler, le chef
de l'Opposition a fait des reproches sévères sur la
détermination du montant total qu'Ottawa dépense ici. Ce
débat, auquel vous faites référence vous-même, que
le chef de l'Opposition a eu quant aux pouvoirs de dépenser du
gouvernement fédéral a eu lieu précisément
là-dessus. Ce qui nous importait à nous de savoir, c'est si le
Québec, non seulement avait le droit de déterminer, chez lui,
comment il partageait entre ses enfants cette somme-là, mais s'il
était capable de décider des sommes que le fédéral
dépensait ici. En ce sens c'eût été une victoire,
peut-être par rapport à la situation précédente, que
ce soit nous qui fixions le montant qu'il dépense ici. Mais vous avez
présenté comme tel...
M. Forget: C'est une affirmation complètement
ridicule.
M. Charron: Vous l'avez présenté comme telle.
M. Forget: Comment des parlementaires, qu'ils soient à
Québec, à Tombouctou ou n'importe où, peuvent-ils
prétendre qu'il pourrait y avoir une entente quelconque entre deux
gouvernements en vertu de laquelle un gouvernement déterminerait le
niveau des dépenses de l'autre? Et si cette affirmation a pu un jour
effleurer l'esprit des membres de l'Opposition, je crois qu'ils étaient
dans un état de distraction complète...
M. Charron: Bien voulez-vous que je vous en donne un exemple? Le
premier ministre du Québec, en parlant, en faisant le "show" du
rapatriement de la constitution, avec Trudeau a, entre autres, donné
l'exemple que, parmi les conditions qu'il mettrait avant le rapatriement de la
constitution, il y aurait une limite aux sommes que dépense le
fédéral dans le domaine culturel au Québec. Il le propose,
votre premier ministre, ce genre de pouvoir d'un gouvernement provincial de
dire au fédéral: Vous pouvez dépenser jusqu'à telle
somme chez nous. Cela fait partie des conditions qu'il pose, cela s'appelle
souveraineté culturelle, préserver l'intrusion, dire: Oui vous
pouvez dépenser, mais pas plus que cela.
Je soutiens encore que c'est ce que vous affirmiez à
l'Assemblée nationale, vous-même, en 1973.
Aujourd'hui, maintenant que vous avez été avisé que
de l'autre côté on ne fonctionnait pas, vous essayez de faire une
belle sortie du tableau en disant que ce n'était pas de cela que vous
parliez, mais bien des sommes, qui sont données à chaque enfant.
Mais vos affirmations ici, vos affirmations du 18 novembre, que vous annonciez
un mois avant la décision du gouvernement fédéral de ne
pas participer aux indexations, cela fait encore état, comme si tout
cela était un acquis pour le gouvernement du Québec. Je soutiens
encore qu'à ce moment-là vous avez mal informé la Chambre
sur le contenu réel. Je soutiens encore que vous n'au-
riez jamais dû signer une entente qui vous place dans une telle
situation, où le téléphone du sous-ministre
fédéral vient dire à votre collègue que le
gouvernement a décidé de mettre moins d'argent qu'il
n'était, par l'entente, obligé de mettre.
Vous avez dit que, dans l'entente, vous avez expliqué que le
régime des allocations prévoit l'ajustement annuel. C'est ce que
vous avez signé et c'est de l'autre côté,
unilatéralement, qu'on a décidé de ne pas respecter cette
entente, vous le savez. Si ce n'est pas vrai, pourquoi d'abord le 18 novembre
1975 disiez-vous que c'était dans le régime des allocations? Vous
saviez parfaitement que le gouvernement fédéral pouvait, du jour
au lendemain, décider de ne pas participer à l'indexation, de
modifier le montant de la somme qu'il dépense au Québec dans
cette affaire-là. Pourquoi vous êtes-vous fait si vite le
défenseur de ce régime, alors que vous saviez bien que tel
n'était pas son contenu?
M. Forget: Je me suis fait le défenseur de ce
régime et je le ferais encore. Ce que j'ai affirmé était
vrai à l'époque, quant à l'indexation, puisque l'intention
fédérale était claire et manifeste à
l'époque d'indexer les sommes globales qui servaient à
déterminer combien serait versé en allocations familiales dans
chaque province.
Cette clause, cependant, a été changée; la loi
fédérale n'a pas été changée et c'est sur la
loi fédérale, qui donne aux provinces et qui donne toujours aux
provinces, encore au moment où nous parlons, le pouvoir de distribuer
les sommes ainsi déterminées, que mes déclarations ont
porté. Je ne suis pas du tout convaincu par les propos du
député de Saint-Jacques que j'ai, de quelque manière que
ce soit, induit l'Assemblée nationale ou la commission en erreur. Ces
textes fédéraux étaient connus à l'époque;
la loi fédérale était, je crois, adoptée ou du
moins déposée et débattue, à ce moment-là,
du côté fédéral. C'étaient donc des textes
publics, c'étaient des textes qui sont d'ailleurs demeurés
inchangés, qui continuent de justifier les affirmations que j'ai faites,
pourvu que l'on ne cherche pas à leur donner un sens qu'ils n'ont
évidemment pas,
M. Charron: Oui, bien sûr. N'empêche que le 18
novembre dernier, vous présentiez un tableau, lançant à
grands renforts de tambours des sommes qu'aucun jeune Québécois
ne reçoit actuellement. Pour un ministre responsable, c'est quand
même assez curieux d'annoncer le 18 novembre des sommes que tout le monde
allait recevoir le premier janvier, alors qu'aucune de ces sommes n'est
réelle.
Le Président (M. Cornellier): Messieurs, la commission
suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 5)
Reprise de la séance à 20 h 30
M. Cornellier (président de la commission permanente des
affaires sociales): A l'ordre, messieurs!
Si vous voulez bien prendre vos sièges, la commission des
affaires sociales reprend ses travaux pour l'étude des crédits du
ministère des Affaires sociales. Au moment de la suspension pour le
dîner ce soir, nous en étions au programme 1,
élément 1, allocations familiales. J'ai l'impression qu'au moment
où nous avons arrêté le débat les membres de la
commission étaient prêts à adopter l'élément
1. Est-ce que l'élément 1 du programme 1 est adopté?
M. Charron: Non, M. le Président.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, le temps d'arrêt m'a
permis de remonter un peu dans le temps. Je ne veux pas reprendre le
débat que nous avons eu avant le dîner, mais je veux quand
même que soit bien claire la démonstration à laquelle je me
suis appliqué et que le ministre n'a aucunement, à mon avis,
réussi à détruire à propos de la fameuse entente
sur les allocations familiales qui a fait suite à l'échec de la
conférence de Victoria en 1971. Ce fameux arrangement
administrato-législatif qu'on a voulu présenter comme
l'équivalent d'un gain constitutionnel du Québec en disant que le
gain constitutionnel du Québec n'aurait été qu'une
coquetterie à ce moment-là n'en était pas en fait
l'équivalent.
Si dans les rapports fédéraux-provinciaux le Québec
avait gagné le pouvoir de décider des sommes versées
à chacune des familles au chapitre de ce programme des allocations
familiales, M. le Président, premièrement, nous n'aurions pas
assisté au scénario ridicule d'un ministre annonçant, le
18 novembre, des allocations qui n'auront jamais lieu, démenti par son
collègue, le 18 décembre. Deuxièmement, les familles
québécoises auraient touché effectivement ces sommes qui
leur étaient dues en vertu du régime d'allocations. Ce
régime d'allocations, disait le ministre dans son communiqué du
18 novembre, incluait le principe de l'indexation annuelle. C'était
l'entente. Cela partait d'un montant fédéral de $20 par enfant,
auquel il fallait ajouter les $2 de l'année 1974 et
éventuellement les $2 de l'année 1975, ce qui fut
retiré.
M. le Président, j'ai eu l'occasion, pendant le temps
d'arrêt, de remonter plus loin et d'ajouter ce que j'appelle un
élément de plus à la preuve de la soumission
québécoise dans ce dossier comme dans tous les autres ou à
peu près. La décision fédérale était
à ce point importante, et constituait à ce point un bris du
régime d'allocation établi et vanté et reconnu dans la loi
adoptée par l'Assemblée nationale qu'elle a effectivement conduit
le gouvernement québécois et obligé le gouvernement
québécois à adopter un amendement à ses
réglementations par arrêté en conseil.
Cet arrêté en conseil date du lendemain de l'annonce du
gouvernement fédéral, donc du 19 décembre 1975: Attendu,
attendu, attendu, il est ordonné que l'article 1101 du règlement
sur les allocations familiales du Québec ne reçoive pas son
application pour l'année 1976. Le règlement 1101, M. le
Président, sur les allocations familiales, c'est celui qui disait, dans
un règlement adopté à partir d'une loi votée par
l'Assemblée nationale du Québec, qu'à compter du 1er
janvier 1975, le montant de l'allocation visé à l'article 26 de
la loi doit, au début de chaque année, être
révisé suivant la méthode énoncée à
l'article 5 de la loi.
Et l'article 26 de la loi, M. le Président il faut tout
mettre noir sur blanc pour trouver la soumission puis l'à-plat-ventrisme
qui accompagnaient cela, puis le mensonge qui avait été fait
à l'Assemblée nationale dans la présentation du projet de
loi il s'agit des sommes fédérales, exactement ce à
quoi avait souscrit le ministre des Affaires sociales: L'Allocation mensuelle
prévue à la loi de 1973 sur les allocations familiales Canada est
payable de la façon prévue en raison de $12 pour le premier
enfant, $18 pour le deuxième, etc. Quand on se réfère
à l'article 26, c'est au montant fédéral fixé par
la loi.
C'est donc dans notre loi à nous. Et l'intervention
fédérale, vous ne me direz pas qu'elle ne rompait pas l'entente
précédemment annoncée et contenue dans la loi votée
par l'Assemblée nationale. Elle intervenait à ce point dans notre
propre loi, votée à l'unanimité de l'Assemblée
nationale, que cela vous a obligés à émettre un
arrêté en conseil pour modifier la réglementation que vous
aviez émise à partir de cette loi.
Je ne sais pas si vous ferez encore des pirouettes, comme vous l'aviez
fait en 1973 au moment de la présentation de la loi. Le ministre
annonçait alors que le Québec venait d'obtenir le pouvoir de
déterminer les sommes que le gouvernement fédéral
dépensait au chapitre des allocations familiales au Québec. Ou
bien faut-il encore d'autre preuves?
M. le Président, je n'ai pas l'intention d'allonger inutilement
le débat là-dessus. Mais tant et aussi longtemps que de l'autre
côté on n'admettra pas que la décision
fédérale constitue un bris du contrat que le Québec avait
accepté, ou, si elle n'est pas un bris du contrat, que le contrat
signé faisait que le Québec se soumettait à une
décision fédérale au point d'être obligé de
modifier sa propre réglementation issue d'une loi de sa propre
Assemblée, en conséquence d'une décision
fédérale, tant qu'on essaiera de me faire prendre ce qui n'est
pas la vérité pour l'équivalent de la
vérité, je ne peux pas fonctionner là-dedans.
Je suis bien prêt à examiner la nature exacte, la
répartition des sommes que le Québec s'est conservée comme
petit pouvoir d'aménager les sommes fédérales à
l'intérieur de sa propre société. Cela aurait
été le bout! Je le dis encore, il abandonne cette revendication.
Ce qu'il est important de noter, c'est qu'en 1973, quand le gouvernement du
Québec a accepté ce régime d'allocations familiales, il
abandonnait une partie de sa souveraineté dans le domaine de la
politique sociale. Il admettait de n'être qu'un réglementateur par
sa propre loi, dans une décision centrale, à tel point qu'il se
soumettait à chacune des modifications que, de l'autre
côté, on allait adopter.
L'arrêté en conseil que je viens de vous citer obligeait le
ministre, sans qu'il ait été même averti, consulté.
Il avait été avisé, nous a dit le sous-ministre des
Affaires sociales tout à l'heure; cela l'obligeait. Voici pour vous
montrer à quel point nous sommes dépendants, M. le
Président, dans ce domaine. Un arrangement législatif,
contrairement à toutes les pirouettes que l'on peut faire lorsqu'on
présente une loi à l'Assemblée nationale, un arrangement
administratif n'équivalent jamais à une répartition des
pouvoirs équitablement écrits et inscrits dans la constitution
d'un pays.
On appellera cela coquetterie si on veut. La coquetterie a
coûté aux familles québécoises, actuellement, $55
millios en revenus et a obligé le gouvernement du Québec à
puiser à même ses propres ressources pour subvenir au besoin des
familles les plus pauvres au chapitre de l'aide sociale.
Voilà donc, M. le Président, ce que je voudrais marquer
comme point dès le départ de cette discussion sur les allocations
familiales. On ne me fera plus prendre des vessies pour des lanternes. Le
Québec, dans un arrangement administratif, a cédé au
gouvernement fédéral, a reconnu, pas cédé, mais
reconnu au gouvernement fédéral le droit de déterminer les
grandes orientations générales de notre politique sociale en
fonction de ses propres priorités, c'est-à-dire celles de la
majorité anglaise du pays et il a réservé au Québec
un pouvoir d'administration interne des sommes
prédéterminées par le gouvernement fédéral.
Quant on a fait ce genre de geste, on n'a pas promu la souveraineté du
Québec au chapitre de sa politique sociale.
Le Président (M. Massicotte): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: J'aimerais conclure, M. le Président, comme
Molière: Et voilà pourquoi ma fille est muette On n'a rien
prouvé du tout. Même si le député de Saint-Jacques
proclame qu'il a découvert des choses nouvelles alors que tout cela est
connu depuis deux ans et que cela prouve sa thèse, cela ne prouve
absolument rien. Et s'il attend pour arrêter d'en parler que je sois
d'accord avec lui, il va attendre longtemps. Je ne serai certainement pas
d'accord avec lui sur ce point comme je ne l'ai pas été dans le
passé. Il vaut peut-être la peine de continuer ce débat que
le député de Saint-Jacques disait ne pas vouloir commencer, mais
il est en trop bonne veine pour s'arrêter tout de suite sur le sujet et
prendre quelques minutes pour regarder un peu ce qu'il s'est passé avant
l'adoption de la loi des allocations familiales en 1973 pour voir s'il est vrai
de dire, comme il le fait, que le Québec a abandonné, a
cédé des pouvoirs qu'il avait dans le domaine des allocations
familiales et qu'à cause de cela les familles québécoises
ont été privées, spoliées de $50 millions en
1976.
Je ne veux pas faire toute l'histoire du débat qui s'est
déroulé largement entre le Québec et le gouvernement
fédéral à partir de 1971, 1972, mais j'imagine que le
député de Saint-Jacques n'a pas totalement oublié le
projet Munro de l'époque.
Je me demande si, dans la belle théorie qu'il vient de nous
échafauder, il peut expliquer pourquoi le projet Munro a
été abandonné et pourquoi on a eu un programme
d'allocations familiales fédéral qui est ce qu'il est,
plutôt que d'être ce qui avait été recommandé
en 1971/72. Est-ce qu'il peut expliquer pourquoi, sinon par l'intervention non
seulement de toutes les provinces unanimement réunies sur le même
sujet, mais particulièrement du Québec?
Mais ce serait probablement remonter trop loin et abuser de la
mémoire de tout le monde d'essayer de reprendre l'histoire de ces
événements. Il reste qu'à la fin de 1973 une entente est
intervenue, une entente où l'on trouve des éléments
essentiels et où on trouve des éléments accessoires, pour
reprendre la définition et la distinction que je faisais avant le
dîner. Les éléments accessoires sont assez nombreux,
puisqu'ils sont tous ceux qu'on retrouve dans la réglementation; il y a
toutes sortes de règles. Plusieurs mois ou plusieurs semaines
après que l'entente comme telle eut été conclue par mon
prédécesseur, d'ailleurs, au moment où j'ai assumé
les responsabilités des Affaires sooiales, ces éléments
n'étaient pas encore finalisés. Je crois que la distinction entre
l'accord dans ses éléments fondamentaux qui sont inscrits dans la
loi fédérale et qui sont, dans une large mesure aussi, pour notre
part, inscrits dans la loi provinciale, apparaît très nettement
quand on se rend compte que, dans le temps, ces questions ont été
réglées à deux moments différents.
Il y a eu le moment où on s'est entretenu de la relation
générale qui devait exister entre les deux régimes, le
fédéral et le provincial, et l'autre moment, celui où je
suis intervenu dans le dossier à cause des événements
qu'on sait, à la fin de 1973, où il restait à
déterminer les éléments accessoires qui se retrouveraient
éventuellement largement dans la réglementation à un
palier de gouvernement ou à l'autre. Parmi ces éléments,
je m'en souviens très nettement, il y avait la question de l'indexation,
de l'augmentation des prestations d'allocations familiales, soit au
Québec, soit au fédéral, puisque cette question de
l'indexation n'avait pas fait l'objet, comme telle, des discussions, des
négociations entre les niveaux de gouvernement.
On s'était attaché, comme c'est normal, à
définir les caractéristiques en quelque sorte permanentes du
régime et leur interrelation en supposant que l'indexation ou les
modifications éventuelles à apporter au niveau des prestations
d'allocations familiales, cela viendrait en temps et lieu et cela
découlerait de la nature générale de l'arrangement.
Mais l'entente on parle d'une entente mais il n'y a pas, je le
répète encore une fois, un texte écrit, une espèce
de contrat écrit telle qu'on la retrouve dans les
procès-verbaux et l'échange de correspondance, laissait sous
silence, dans ses éléments essentiels, cette question
d'indexation.
Il est évident qu'il y a un problème de technique
législative et de technique réglementaire qu'il est impossible de
régler autrement qu'il ne l'a été. En effet, si l'on
suppose, un instant, que le gouvernement fédéral, dans ce
schéma général de relations entre les deux régimes,
détermine le montant, le quantum total qu'il est prêt à
accorder sous forme d'allocations familiales, et si on suppose, par ailleurs,
que ce montant total peut être indexé, peut être
modifié, et si, d'autre part, il revient au gouvernement des provinces
de déterminer la répartition de cette somme, la façon dont
elle est versée aux enfants qui sont du 1er, 2e, 3e ou 4e rang, il faut
finalement en arriver à faire dépendre, en quelque sorte, la
définition précise, en termes de dollars et de cents, en une
année particulière des règles d'indexation qui sont
déterminées dans l'autre loi.
Mais il ne s'agit pas là d'une relation de dépendance
d'une loi par rapport à une autre. Il s'agit simplement de
l'implication, de la conséquence inévitable du fait que le total
est fixé par Ottawa, que sa distribution est fixée par
Québec. Mais on ne peut pas fixer la distribution de dollars abstraits,
de dollars constants. Ce sont les dollars de l'année, ce sont les
dollars indexés que l'on détermine, d'où la
nécessité de retrouver, dans la réglementation
provinciale, les montants précis qui correspondent à la
décision provinciale, qui, elle, est unilatérale, de distribuer
ce total qui croît d'année en année.
C'est là une question peut-être fort complexe et fort
compliquée mais qui ne change pas la nature de l'entente fondamentale,
qui ne change pas la vérité des affirmations qui ont
été faites et qui continuent d'être vraies.
Sur un plan plus général, M. le Président, je pense
qu'il y a entre le député de Saint-Jacques et moi-même
quelque chose de beaucoup plus fondamental que ce que je viens de
décrire comme divergence. Il a fait état de son
intérêt manifeste pour la question constitutionnelle et s'est
étonné qu'on ait employé le mot coquetterie pour
définir ces préoccupations.
Il y a là tout un ordre de priorités, et l'ordre de
priorités qui était le nôtre en 1973, c'était de
dire qu'il y avait la possibilité immédiate pour janvier 1974
d'accorder une augmentation très substantielle aux familles
québécoises, au titre des allocations familiales. Est-ce que
cette possibilité, l'actualisation de cette possibilité va
prendre la première place et que de façon subsidiaire, sans
abandonner les prétentions que nous avons toujours formulées sur
le plan de la répartition du pouvoir, cet autre dossier constitutionnel,
nous allons le poursuivre à un autre moment, par d'autres moyens? Cela
était notre position en 1973, cela demeure notre position
aujourd'hui.
L'attitude que nous suggère le député de
Saint-Jacques est le contraire, totalement opposée à celle que
nous avons adoptée. Réglons d'abord ou ne réglons pas du
tout le problème constitutionnel et attendons, dans un avenir incertain
qui ne viendra peut-être jamais, que les Québécois et les
Québécoises qui ont des enfants bénéficient de ces
sommes. C'est très facile de parler de prio-
rité abstraite, mais est-ce qu'en 1974, si l'option du Parti
québécois avait été retenue, est-ce qu'en 1974 les
allocations familiales auraient été accrues dans la même
proportion? Ce n'est pas une pénalisation de $50 millions, cette
année, dont il faut parler, c'est un accroissement de $350 millions par
année depuis 1974. Et cela c'est une question de priorité. Nous
avons placé en premier lieu la possibilité d'obtenir cet
accroissement pour les familles du Québec; il aurait
préféré que l'on diffère dans un avenir lointain et
indéfini cette possibilité pour privilégier des
discussions sur la distribution des pouvoirs. On ne serait pas plus
avancé, j'ai de fortes raisons de le croire aujourd'hui, que nous ne le
sommes actuellement. Rien dans la conjoncture de l'époque ne pouvait
nous laisser croire qu'il serait possible de déboucher sur un
règlement rapide de cette question, et c'est une pénalisation
considérable des familles du Québec que le député
de Saint-Jacques nous invite à privilégier.
Et c'est un peu diricule et c'est même presque hypocrite de
prétendre que parce qu'il n'y a pas eu d'indexation, cette année,
nous avons pénalisé les-familles de $50 millions, ce qui est
à peu près le montant de l'indexation des pensions
fédérales. Mais seulement parler de $50 millions, c'est qu'on
admet que la base que l'on aurait indexée est de l'ordre de $500
millions. Or, on sait très bien par quoi se chiffraient les allocations
familiales fédérales avant 1974.
Elles se chiffraient au tiers de cette somme. Si l'indexation ne
s'était pas faite dans l'ancien système, c'était au plus
$114 millions que l'indexation aurait fait perdre aux familles. Si on a perdu
$50 millions, et c'est vrai, nous le déplorons, ce n'est pas une
décision qui est la nôtre, mais ce ne sont pas nos ressources
fiscales. Cela indique très clairement la masse sur laquelle s'applique
l'indexation. C'est une question de priorité, et les priorités
nous les avons indiquées très clairement par les choix que nous
avons posés. Ce n'est pas en nous parlant maintenant d'une perte de $50
millions qu'on nous impressionnera quand on nous suggère de perdre par
ailleurs $350 millions par année en attendant qu'on ait fini de
parler.
M. Charron: M. le Président...
M. Bonnier: M. le Président, j'ai demandé la parole
tout à l'heure.
M. Charron: Je voudrais intervenir immédiatement. J'ai eu
la bonne grâce d'écouter le député de
Taschereau.
M. Bonnier: Je m'excuse, mais j'ai demandé la parole
même avant que le ministre parle. Je m'excuse, mais je ne crois pas qu'il
s'agisse d'un débat entre deux personnes. Je crois que nous sommes tous
membres de cette commission-ci et nous avons droit de parole.
M. Charron: J'aimerais beaucoup qu'il réponde et entendre
ensuite les arguments du député de Taschereau.
Le Président (M. Cornellier): Je reconnais les
commentaires et les remarques du député de Taschereau. J'ai
été absent pendant quelques minutes et avant mon absence, j'avais
indiqué au député de Taschereau que je le
reconnaîtrais un peu plus tard. Mais étant donné que la
discussion, le débat est déjà engagé sur une
question qu'avait soulevée le député de Saint-Jacques, je
croyais qu'on pouvait continuer le débat...
M. Bonnier: C'est sur la même question.
Le Président: M. Cornellier):... et remettre par la suite
la parole au député de Taschereau et au député de
Sainte-Marie qui, lui aussi, m'a demandé la parole. Je permets
actuellement au député de Saint-Jacques de poursuivre
brièvement, de façon à ne pas priver les autres membres de
la commission de leur droit de parole.
M. Charron: Je le ferai brièvement, M. le
Président, parce que les derniers arguments du ministre des Affaires
sociales n'invitent certainement pas à aller plus loin dans le chemin
qu'il s'apprête à emprunter pour défendre le régime
qui, manifestement, n'a pas conduit au résultat que peut-être il
escomptait sincèrement en 1973. Tant qu'il s'efforcera de façon
aussi soumise à défendre un régime que manifestement il
aurait fort mauvaise grâce à reconnaître, ou alors il devait
le reconnaître immédiatement... si la décision
unilatérale du gouvernement fédéral du 18 décembre
dernier ne lui est pas apparue comme grave, qu'elle est simplement un accident
de parcours et que le régime lui apparaît fort bon, aussi bien
connaître immédiatement son intention et ne pas poursuivre le
débat. J'espérais d'un ministre du gouvernement
québécois un peu plus de résistance et un peu plus de
consistance dans une position qu'il nous avait pourtant affirmée comme
étant celle de l'avenir des Québécois.
M. le Président, je voudrais simplement ajouter, suite aux
remarques que vient de faire le ministre des Affaires sociales, nous invitant
au début de ses remarques à remonter au projet Munro qui a
été abandonné et nous demandant: ce que le
député de Saint-Jacques nous dirait aujourd'hui si c'était
le projet Munro qui avait été adopté contrairement
à celui auquel nous sommes arrivés, que voilà justement
des exemples de ce que j'ai appelé tantôt la tentation facile de
présenter comme victoire du Québec, tout ce qui s'appelle
résistance à l'empiètement fédéral. On en
est rendu, de l'autre côté de la table, M. le Président,
dans ce gouvernement, à se réjouir d'à peu près
toutes les réticences fédérales qui peuvent exister
à un moment donné devant une opposition québécoise
un tant soit peu organisée.
Je ne vous parle pas du plan Munro et je ne réclame pas
l'application du plan Munro et du projet Munro, tel qu'il était en 1971
ou 1972. Je vous dis seulement que, quand vous présentiez, en 1973, le
régime des allocations familiales comme un acquis équivalant
à un gain constitutionnel du Québec qui aurait signifié sa
souveraineté dans le
domaine des allocations familiales, ou vous vous trompiez, et vous
pouvez forcément le reconnaître ce soir, ou vous nous trompiez et,
à ce moment-là, c'est à nous de vous le dire
maintenant.
Mais il n'y a certainement pas d'équivalent entre une
société qui décide elle-même de sa politique
familiale et une société qui doit attendre après le
consentement d'une autre et les volontés qu'une autre veut y mettre dans
les sommes qui sont à l'origine des allocations familiales. M. le
Président, s'il est exact que tout ce que vient de raconter le ministre
s'est passé, une chose est claire, c'est que le ministre aurait pu, dans
un cas où le partage des pouvoirs était aussi peu sûr,
s'abstenir de courir vendre le régime et le propa-dandiser comme il l'a
fait dans le communiqué du 18 novembre dernier.
Est-ce que je peux espérer que la leçon tirée de
cette décision unilatérale, qui a été
communiquée à votre sous-ministre le 18 décembre dernier,
vous apportera au moins la sagesse, comme ministre d'un gouvernement
québécois, de ne pas immédiatement vous lancer dans une
propagande un mois à l'avance pour vous faire du capital de quelque
ordre que ce soit et surtout pour leurrer les Québécois sur les
sommes exactes qui vont leur revenir, avant d'en être sûr.
Vous le savez, maintenant; vous êtes membre d'un gouvernement
dépendant. Avant d'annoncer quoi que ce soit, assurez-vous donc que le
gouvernement patron est d'accord avec vous. Sinon, c'est véritablement
manquer de respect à l'égard de tous les Québécois
et de tous ceux qui, élus par les Québécois, ont
voté à l'unanimité une loi que vous leur avez
présentée comme étant l'équivalent de la
souveraineté en matière d'allocations familiales pour les
Québécois. C'est vraiment non seulement leur manquer de respect,
mais les tromper.
Des communiqués qui n'ont aucune suite, qui portent
eux-mêmes des mensonges, n'en faites plus. Vous l'avez vous-même
reconnu, car ce communiqué portait l'estimation que le régime
d'allocations familiales prévoyait l'ajustement annuel. Vous avez
multiplié les entourloupettes depuis le début de cette discussion
pour nous dire que ce n'est pas vrai, que le régime ne prévoit
pas les indexations. Bien, ne le dites pas. Ne le dites pas quand ce n'est pas
vrai.
Vous vous êtes manifesté, au cours de ce communiqué
et tout au long du débat, comme un véritable membre de ce
gouvernement à part entière, c'est-à-dire prêt, plus
que prêt, disponible et soucieux de se soumettre à tout ce qui
revient du gouvernement central, à défendre dans quelque occasion
que ce soit, même quand ils ne sont pas sûrs, même quand ils
doivent être démentis quelques jours par la suite, les rapports
fédéraux-provinciaux bénéfiques à l'ensemble
des Québécois.
La prochaine fois, pourrez-vous tirer au moins vous-même
conclusion de ce débat, surtout en pensant aux sommes que les
Québécois n'ont pas reçues. J'y reviens encore, parce que
ce sont effectivement des sommes que vous-même, le 18 novembre, leur
annonciez comme étant les leurs et qu'ils n'ont jamais reçues.
Puissiez-vous au moins avoir la décence à l'égard de
l'ensemble des Québécois de ne pas annoncer des choses dont vous
n'êtes pas sûr.
Si, dans des domaines que vous contrôlez, vous pouvez l'annoncer,
faites-le. Mais, dans un domaine où vous avez vous-même
accepté une entente qui vous soumet à des décisions
fédérales, pour fins de propagande ou autres, ne prenez pas
l'avance avant le temps. Ce n'est pas simplement pour votre image que je le
dis, vous en êtes responsable vous-même; je le dis pour
l'intérêt des Québécois. Tous ceux qui nous ont
élus ici espèrent avoir un gouvernement responsable qui ne leur
annonce pas des mirages dans le domaine social, comme il leur en annonce
quotidiennement dans le domaine économique. Vous le savez que vous
êtes dépendant, vous le savez que, du jour au lendemain, vous
pouvez recevoir un appel du sous-ministre fédéral qui vous dit
qu'il ne fournira pas l'indexation.
Vous le savez que vous serez obligé de demander au cabinet
d'adopter un arrêté en conseil pour modifier votre propre
réglementation d'une loi de l'Assemblée nationale! Vous le savez
que vous devrez trouver des montants supplémentaires pour subvenir, aux
familles, une aide sociale dans des cas de décision unilatérale
fédérale, comme celles qui vous a...
Puisse la leçon vous servir! Et puissiez-vous, maintenant,
lorsque vous interviendrez un peu hautainement à l'Assemblée pour
dire que tout cela n'est que coquetterie, vous apercevoir que lorsque vous
annoncez à des gens qu'ils recevront des sommes qui sont un soutien de
revenu familial et qu'ils ne les recevront pas, pour eux, ce ne sont pas des
coquetteries. Pour eux, c'est un soutien d'apport.
Quand vous annonciez que les allocations familiales payables au
Québec, à partir du 1er janvier 1976, seraient, pour des enfants
de 0 à 11 ans, $18.41, $27.01, $42.66 et $47.66, vous saviez que ce
n'était pas la vérité. Attendez donc; vous faites
uniquement partie d'une succursale, vous le savez et vous l'avez
accepté. Vous vendez vous-même le régime pour être
dans cette succursale. Contentez-vous de votre "job" et laissez le patron
décider.
Quand le patron vous aura avisé, puisque vous n'avez même
pas requis d'être consulté dans l'entente, quand le patron vous
avisera de ce qu'il est disposé à donner aux
Québécois, vous pourrez, si vous le voulez, multiplier les
feuilles d'érable et les fleurs de lys, et vous en émettrez des
communiqués. Mais, tant que vous n'êtes pas souverain et tant que
vous n'êtes qu'un estampilleur des décisions
fédérales, contentez-vous de votre rang.
Cela nous évitera ce genre de débat qui à l'heur de
vous déplaire ce soir, mais c'est obligatoire de le faire. Vous avez
souvent annoncé des décisions que vous avez, par la suite,
été obligé de changer, après avoir
dénoncé, du bout des lèvres, à l'Assemblée,
une décision comme celle conte-
nue dans le budget fédéral de M. Turner, l'année
dernière.
Vous regrettiez! C'était bien dommage! Mon Dieu, comment cela se
fait-il que nous n'avons pas été consultés! Mais,
n'empêche que la décision fédérale de ne plus
augmenter sa participation au régime d'assurance-maladie, vous le savez,
vous obligeait à des décisions comme celle des compressions
budgétaires, auxquelles vous avez soumis les centres hospitaliers
québécois.
Terminons là, pour ma part. Je ne veux pas empêcher le
député de Taschereau d'intervenir sur ce sujet. Mais par cet
exemple qui s'est joué sur le dos des familles
québécoises, vous-mêmes membres d'un parti politique qui a
fait de la famille le thème de ses congrès, puissiez-vous savoir
que vous n'êtes pas souverains dans la politique familiale
québécoise, loin de là, que les priorités
appartiennent à un autre gouvernement. C'est lui qui décide des
grandes lignes, c'est lui qui décide des grandes orientations de la
politique sociale. Vous, vous aménagez à l'intérieur. Vous
vous êtes contentés d'avoir le rôle de distribuer les
sommes, de les répartir. Vous n'avez pas voulu avoir mot, m'avez-vous
dit tantôt. Je croyais vous avoir mal interprété dans votre
discours de 1973. Vous n'avez pas souveraineté sur la somme que le
gouvernement fédéral dépense sur le territoire
québécois. Vous n'avez droit qu'à l'aménager entre
les classes d'âge et les rangs des enfants, contentez-vous donc de votre
rang. Ne venez pas présenter aux Québécois le gain de 1973
comme étant un gain de souveraineté. Vous êtes soumis, vous
êtes dépendants et nous vous reconnaissons comme tels.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable
député de Taschereau.
M. Bonnier: Ce pourquoi je voulais intervenir, je ne sais pas si
le débat est terminé, cela ne servirait à rien, mais je
dois admettre...
M. Charron: Le débat n'est pas terminé.
M. Bonnier: ... que j'ai beaucoup de difficulté à
suivre le député de Saint-Jacques dans ses propos. Ce pourquoi
j'ai pensé intervenir, c'est parce qu'il ne faudrait quand même
pas laisser l'impression que ces arrangements de 1973, qui ont
été discutés par l'ex-ministre des Affaires sociales, sur
lesquels nous sommes tout à fait d'accord, puisque nous avons
voté la première loi du Parlement qui a été
élu en 1973 exactement sur ce sujet...
Mais, ce pourquoi j'ai de la difficulté à suivre le
député de Saint-Jacques, c'est que lors de son intervention
première, il a beaucoup insisté sur l'importance d'un revenu
familial garanti. Je pense que, comme moi et comme d'autres, il l'espère
et le plus tôt possible. Ce que j'ai de la difficulté à
concevoir, cependant, dans son argumentation, c'est qu'il ne semble pas se
rendre compte que les arrangements qui ont été faits sont
exactement dans cette ligne.
C'est une étape absolument essentielle en vue d'un plan
d'ensemble de sécurité du revenu et plus particulièrement
du revenu minimum garanti, en ce sens qu'il permet au Québec d'utiliser
des sommes à sa façon. Ces sommes, contrairement à ce que
dénonce le député de Saint-Jacques, comportent un montant
important que j'appellerais un montant principal, et il y avait de
prévus des accords administratifs qui faisaient que ce montant serait
indexé.
Je pense que le ministre a bien fait ressortir dans sa dernière
argumentation qu'il fallait établir une distinction entre ces deux
montants. Je ne pense pas que le député de Saint-Jacques serait
prêt ce soir à dire: Vous savez, cet accord, on n'en veut plus. Au
contraire, je pense que, s'il examine vraiment le processus de
développement d'une politique sociale de sécurité du
revenu, il se rendra très bien compte que cet accord de 1973
était une étape essentielle à l'établissement de ce
programme.
Il y avait peut-être des ajouts administratifs, comme la question
d'indexer, mais indexer un montant principal comme celui-là n'est pas
l'indexer ou non, n'est pas enlever la valeur même de ce montant, ni des
objectifs qui sont poursuivis dans cette politique. C'est là que j'ai de
la difficulté à suivre le député de Saint-Jacques.
D'abord dans sa pensée d'objectifs sociaux, sa structure sociale. Il
prône quelque chose d'un côté, mais d'autre part il semble
regretter l'établissement de cette étape essentielle, en vue
d'atteindre ses objectifs.
Deuxièmement, il y a ce manque de distinction entre un montant
principal et ce qu'on y avait ajouté d'une façon temporaire, on
le sait. Je suis d'accord avec lui cependant qu'il faut regretter ce geste;
c'est bien sûr, c'est de l'argent de moins dans nos poches. Mais cela ne
veut pas dire que l'entente principale n'est pas extrêmement valable en
soi et nécessaire à rétablissement d'une politique sociale
cohérente au Québec.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable
député de Sainte-Marie.
M. Malépart: M. le Président, j'ai des questions
concernant le régime de rentes. Dernièrement, j'ai
vécu...
M. Charron: M. le Président, je m'excuse auprès du
député de Sainte-Marie. Je voudrais terminer les allocations
familiales; nous aborderons immédiatement après le régime
de rentes et je serai tout heureux de l'entendre participer au
débat.
M. Malépart: D'accord.
M. Forget: Sur le même élément, nous sommes
d'accord.
M. Charron: C'est le même élément du
programme.
M. Forget: C'est la suie occasion où on voit la
Régie des rentes ici puisqu'après c'est la...
M. Charron: Pouvons-nous terminer les allo-
cations familiales et enchaîner tout de suite avec le
régime de rentes?
Le Présidet: (M. Cornellier) Avec l'accord du
député de Sainte-Marie, je donne la parole au
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, le geste du gouvernement
central qui a occupé notre débat depuis que vous avez
appelé cet élément du programme a conduit le ministre des
Affaires sociales à introduire dans la réglementation de l'aide
sociale un article qui visait dans ses objectifs à épargner aux
familles à plus faible revenu, c'est-à-dire celles qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale, la perte de l'indexation des
allocations familiales suite à la décision centrale.
L'article se lisait comme suit, M. le Président, le
député de Sainte-Marie en a certainement eu connaissance.
L'article 10.05 disait: Pour les mois de janvier, février et mars 1976
seulement, les besoins ordinaires d'une famille sont majorés du montant
qui suit, selon le cas, pour tout enfant à charge de moins de 18 ans;
premier enfant: $l, deuxième enfant: $2, troisième enfant: $3, le
quatrième enfant et plus: $4.
Le présent règlement entrait en vigueur le premier janvier
1976. Or, M. le Président, c'est le premier avril, aujourd'hui;
l'article 10.05 est donc, dans sa portée, expiré. Effectivement,
pour les trois mois qui viennent de s'écouler, il faut compenser la
décision unilatérale fédérale de ne pas indexer les
allocations familiales. Ces familles ont obtenu les montants, ont connu, de
plus, les montants qui leur sont accordés ici.
Qu'advient-il pour avril, mai, juin et le reste de l'année
1976?
M. Forget: Le même régime va continuer à
s'appliquer, M. le Président.
M. Charron: II y aurait donc une modification à la
réglementation de l'aide sociale?
M. Forget: Exactement.
M. Charron: Modification déjà adoptée par
arrêté en conseil?
M. Forget: Bien, c'est ce que j'essayais de déterminer si
elle est déjà adoptée ou non mais, de toute
manière, elle sera effective en avril et pour les mois
subséquents.
M. Charron: Mais comme la plupart des bénéficiaires
de l'aide sociale reçoivent leur chèque aux alentours du 5, donc
lundi de la semaine prochaine, pouvez-nous nous assurer que ce sera fait dans
le chèque du 5?
M. Forget: Oui, effectivement, c'est maintenu dans le
chèque du 5.
M. Charron: La décision que vous avez prise pour avril
est-elle prise pour plus longtemps encore? Pour toute l'année 1976?
M. Forget: Effectivement, comme je viens de l'indiquer
tantôt, c'est une décision; nous nous sommes donné, lors de
l'adoption de cet arrêté en conseil ou, enfin, de cette
modification aux règlements de l'aide sociale, le 19 ou le 20
décembre, une période de trois mois pour examiner si oui ou non
nous devrions continuer selon la même formule. C'est ce que nous sommes
en mesure de faire maintenant.
M. Charron: Donc, si je m'y retrouvais, l'article 10.05 se lirait
ainsi; plutôt que de dire "pour les mois de janvier, février et
mars 1976 seulement", on y lirait "pour l'année 1976"?
M. Forget: Oui, effectivement, ou quelque chose ayant le
même effet.
M. Charron: Donc, la décision a été prise de
maintenir ce rajout à l'allocation d'aide sociale déjà
prévue, pour toute l'année 1976.
Avant d'abandonner ce sujet, M. le Président puisque le
ministre a été obligé de modifier le règlement de
l'aide sociale par deux fois, suite à la décision du gouvernement
fédéral j'aimerais savoir du ministre de quelle
manière il a fait connaître au gouvernement central son
mécontentement à l'effet que le gouvernement d'Ottawa ait
procédé de façon unilatérale dans le refus
d'indexer, pour l'année 1976, les allocations familiales. Y a-t-il eu
correspondance entre le ministre des Affaires sociales du Québec et le
ministre de la Santé nationale et du Bien-Etre à Ottawa? Peut-il
déposer cette correspondance?
M. Forget: C'est le même canal de communications qui a
été utilisé, auquel j'ai déjà fait allusion.
C'est-à-dire, ce sont des communications verbales.
M. Charron: Uniquement? M. Forget: Uniquement.
M. Charron: Au cours de ces communications verbales où,
j'espère, vous avez fait connaître, de façon plus ferme que
vous ne l'avez fait au cours des travaux de cette commission, votre
mécontentement quant à la façon unilatérale de
procéder du gouvernement central, avez-vous reçu l'assurance du
gouvernement fédéral qu'il ne s'agirait que d'un refus d'indexer,
donc d'une modification au régime des allocations familiales qui ne
s'appliquerait que pour l'année 1976 et qu'en 1977 l'indexation que vous
annonciez serait incluse au régime d'allocations?
M. Forget: Je dois faire deux mises au point à ce sujet.
Je crois que l'hypothèse qui alimente le raisonnement du
député est légèrement faussée. Nous
reconnaissons et c'est le sens de mes remarques de tantôt
au gouvernement fédéral qu'il s'agit là d'un pouvoir qu'il
a d'indexer ou de ne pas indexer ses allocations. Ceci vaut pour les
allocations familiales comme pour les autres ver-
sements qu'il fait. Encore une fois, cette disposition d'indexation est
une décision qui a été prise subséquemment à
la décision de fond sur la relation devant exister entre les deux
régimes et entre les deux ordres de gouvernement relativement aux
allocations familiales. On sait par ailleurs, et c'est la deuxième mise
au point, que la décision qui a été prise relativement aux
allocations familiales l'a été dans le contexte d'un programme de
lutte à l'inflation dont le public et les électeurs auront
à juger vis-à-vis de chacun des ordres de gouvernement
impliqués.
Il y a un certain nombre de décisions qui relèvent de
nous, c'est-à-dire du Québec, que nous prenons et pour lesquelles
nous n'envisageons pas de prendre des avis ou de faire des consultations avec
le gouvernement fédéral même dans le cadre du régime
d'allocations familiales. Il en est de même pour les autres sujets qui
relèvent de la compétence du gouvernement
fédéral.
Encore une fois, l'entente n'était pas une entente du type
où chaque décision doit faire l'objet d'une consultation. Il y a
des décisions qui appartiennent à un gouvernement et d'autres
décisions qui appartiennent à l'autre. Il est clair que, face aux
décisions d'un gouvernement, l'autre est susceptible ou peut, de toute
manière, prendre les décisions qui lui paraissent
appropriées. C'est la situation qu'il paraît approprié de
maintenir pour l'avenir, du moins tant que le régime actuel des
allocations familiales et de leur division entre les deux niveaux de
gouvernement sera maintenu. Nous ne voyons pas d'intérêt et nous
ne recherchons pas d'engagement de la part du gouvernement
fédéral vis-à-vis de l'indexation future de ses
allocations. C'est une dépense qu'il lui appartient de faire. Ce que
l'arrangement administratif nous permet de faire, c'est, étant
donné les sommes qu'il détermine, en effectuer la
répartition.
Nous savons que les sommes sont à leur niveau actuel et nous
n'avons aucune raison, évidemment, de mettre en doute que... Si le
régime est modifié, bien sûr, il ne reste rien à
répartir, mais, dans le cadre actuel du régime, nous sommes
satisfaits de cette distribution des pouvoirs de décision de part et
d'autre.
Donc, la question qui est posée porte un peu à faux, en ce
sens que nous avons signifié verbalement qu'il nous semblait une
priorité étrange, que nous n'aurions pas nous-mêmes prise,
de ne pas indexer les allocations familiales dans une période
d'inflation. Mais il n'a jamais fait de doute, dans notre esprit, que
c'était une décision fédérale qui pouvait
être prise par Ottawa sans consultation.
Bien sûr, comme le montant moyen donné par enfant, dans
toutes les provinces, n'était pas indexé, les sommes que nous
devons attribuer de façon précise en termes de dollars et de
cents au premier enfant, au deuxième, au troisième, au
quatrième et à ceux de rang subséquent, il a fallu les
modifier en conséquence, mais il n'y a pas moyen de distribuer des
sommes entre des enfants, dans une famille, en fonction de l'ordre qu'ils
occupent dans la famille, sans, bien sûr, préciser les montants.
C'est une question de concordance, ce n'est rien d'autre. C'est une
décision fédérale et nous ne nous attendons pas que le
gouvernement fédéral, sur ce point, prenne des engagements envers
le Québec ou envers quelque autre province que ce soit.
M. Charron: M. le Président, dans son communiqué du
18 novembre 1975 que, j'espère, nous ne verrons plus jamais se
répéter, à moins qu'il n'en soit sûr, le ministre
des Affaires sociales annonçait qu'à compter du 1er janvier 1976,
pour les enfants de 0 à 11 ans, par exemple, de premier rang dans la
famille, le montant serait de $18.41. Il présumait là-dessus de
ses propres forces. Il n'avait pas respecté le pouvoir du
fédéral de changer de décision. Le montant réel est
de $16.93. Il annonçait, pour le deuxième enfant, $27.01 ; le
montant réel est de $24.78. Il annonçait, pour le
troisième enfant, $42.66; le montant réel est de $39.08. Pour le
quatrième, on annonçait $47.57; il n'est que de $43.52. Le
régime québécois, lui, n'a pas subi de modification:
premier enfant, $3.68; deuxième, $4.91 ; troisième, $6.14;
quatrième, $7.36. Est-ce que le ministre peut tout de suite nous
annoncer, au début de cette année fiscale, que le montant
québécois je ne l'invite pas à se prononcer sur
l'autre, il en est incapable sera indexé au 1er janvier 1977?
M. Forget: Je crois que l'indexation est déterminée
dans la loi pour ce qui est du régime québécois,
contrairement au régime fédéral. Donc, à moins d'un
amendement législatif dont le député de Saint-Jacques sera
saisi s'il y a lieu, il n'y aura pas de modification dans les règles et
l'indexation aura lieu en janvier 1977.
C'est automatique, il n'y a pas de décision requise pour cela. La
seule décision, si on peut appeler cela une décision, se prend
après la fin d'octobre, lorsque l'indice des rentes est
déterminé et que l'on sait quel est le taux d'indexation qui doit
s'appliquer à ce régime et aux autres régimes auxquels le
Québec applique l'indexation puisque, dans tous les régimes,
maintenant, je crois, sauf exception qui m'échappe, c'est l'indice des
rentes qui sert à l'indexation.
M. Charron: Je posais cette question, M. le Président,
parce que pour l'année en cours, celle qui a débuté le 1er
janvier, l'année dernière, lors de la discussion des
crédits, j'avais posé la même question que je viens de
poser, et on me disait qu'à cause précisément de l'article
de la loi auquel se réfère le ministre des Affaires sociales
lui-même, on avait prévu que l'indexation connue le 1er janvier
1976 serait de l'ordre de 8%. Elle a été, en fait, de 11,2%. Je
voudrais savoir quelle est celle que vous prévoyez. Nous
connaîtrons bien la réelle, à un moment ou à un
autre, mais si vous en prévoyez une, quelle somme des $108 776 000 que
nous nous apprêtons à voter est uniquement due non pas à
l'arrivée de nouveaux enfants comme bénéficiaires de
l'allocation familiale, mais bien simplement comme indexation de ceux qui s'y
trouvent déjà?
M. Forget: On me dit que le montant d'ac-
croissement des crédits à ce poste reflète
pratiquement en entier l'effet de l'indexation puisque la population des
jeunes, des enfants qui bénéficient des allocations est à
peu près stable.
M. Charron: Ah! bon. Alors le fait que l'on part de $102 millions
à $108 millions est à peu près uniquement dû au fait
que vous avez trois mois d'indexation à payer sur ce budget, $6
millions, donc ce serait 6%?
M. Forget: L'indexation pour cette année.
M. Charron: Ah! oui, c'est vrai, les neuf mois qui comptent les
11,2%. Mais ce que je veux savoir, c'est que dans les calculs je ne sais
pas si c'est actuariel ou simplement mathématique vous vous
êtes fixés à 8% encore pour l'année prochaine. Donc
il y a dans cette somme les 11,2% à absorber pendant neuf mois, et un 8%
calculé sur les trois premiers mois de 1977?
Le ministre vient de faire état, M. le Président, dans sa
réponse, du fait que l'on ne prévoit pas beaucoup plus de
nouveaux bénéficiaires des allocations familiales, de nouveaux
enfants arrivés dans les catégories de zéro an au cours de
l'année 1976. Etant donné qu'il y en a un grand nombre, à
l'autre bout de l'échelle, qui atteignent 18 ans, et deviennent des
électeurs québécois, je voudrais demander ceci au ministre
des Affaires sociales. Moi j'ai des chiffres et je voudrais simplement profiter
de la présence de M. Fortier pour les vérifier. Les chiffres de
1974 nous disaient que le nombre moyen d'enfants par famille au Québec
était de 2.166, qu'en 1975 il était de 2,082, et qu'en 1976
la chute continue avec toutes les implications évoquées
2,023.
M. Forget: Vous avez des chiffres, vous, pour le nombre moyen
d'enfants pour toute la famille, mais moi, malheureusement, j'ai des chiffres
pour le nombre moyen d'enfants par famille, mais qui sont admissibles aux
allocations familiales. Mais ces chiffres peuvent se recouper. Par exemple,
pour l'année 1973/74 la moyenne était de 2,19, 1974/75, 2,15 et
en décembre 1975, à la fin de décembre c'était
2,10, alors...
M. Charron: Voulez-vous répéter le dernier? M.
Forget: 2,10. M. Charron: 2,10.
M. Forget: 2,10.
Evidemment, depuis l'année 1973, le nombre moyen d'enfants par
famille a diminué. Il est parti de 2,19 et il est à 2,10.
M. Charron: Est-ce que les prévisions
démographiques font dire que nous arriverons sous le 2 au cours des
prochaines années?
M. Forget: II y a une légère augmentation en
1975.
M. Charron: Une légère augmentation des taux de
naissances?
M. Forget: Oui, 0,1. On cite les statistiques sur le nombre de
naissances. D'ailleurs, c'est un chiffre qui a été publié
puisque les données démographiques ont été
publiées, je crois, vers l'été dernier, montrant qu'en
1974 parce que les données en 1975 ne sont pas complètes
il y a eu une légère hausse du taux de natalité, ce
qui devrait se refléter évidemment ou compenser en quelque
mesure. Evidemment, il y a ceux qui quittent et ceux qui arrivent.
M. Charron: Ils sont plus nombreux, oui. Est-ce que les
statistiques pour 1975 sont déjà connues?
M. Forget: Non, pour le régime des allocations familiales,
l'année se termine le 31 mars. Alors, nous allons produire notre rapport
annuel dans un mois ou un mois et demi. Les dernières statistiques que
j'ai ici sont de décembre 1975 et il y avait à ce moment 930 000
familles et 1 952 000 enfants. Le nombre de familles augmente donc.
M. Charron: A quelle date dites-vous?
M. Forget: En décembre 1975, il y avait 930 939 familles
et il y avait 1 952 000 enfants tandis que, l'année
précédente, il y avait 915 000 familles et 1 962 000 enfants.
Donc, le nombre de familles augmente et le nombre des enfants diminue.
M. Charron: C'est donc dire que des couples se forment sans
nécessairement procréer. Il y a 1 952 000 jeunes
Québécois bénéficiaires des allocations
familiales.
M. Forget: C'est cela.
M. Charron: M. le Président, au chapitre des allocations
familiales, j'ai terminé.
Le Président (M. Cornellier): Je donnerai maintenant la
parole à l'honorable député de Sainte-Marie.
Régime de rentes
M. Malépart: M. le Président, concernant le
régime de rentes, d'abord, je ne sais pas si on prévoit des
amendements au régime de rentes cette année. Il y en aurait deux
que j'aimerais voir si c'est possible. Tout d'abord, il y a plusieurs personnes
qui se plaignent qu'après la réception des chèques du
régime de rentes ou de rentes d'invalidité qu'il y a des erreurs
administratives qui sont faites à l'endroit des
bénéficiaires. J'ai un cas en particulier d'un montant de $3 700.
Automatiquement, à la suite de la découverte de l'erreur dont le
bénéficiaire n'était d'aucune façon responsable
parce qu'à chaque fois on lui envoyait un avis que son allocation
était augmentée et il n'allait pas
contester car cela venait de la Régie des rentes, on lui a
coupé tous ses revenus pour lui faire rembourser les $3 700. Cela veut
dire qu'il sera trois ans sans aucune allocation. En plus de cela on lui dit
qu'il a payé de l'impôt pour les années passées
là-dessus et que dans son prochain rapport il n'aura qu'à
réclamer, mais automatiquement, n'ayant pas de revenu, il ne pourra
réclamer aucun montant d'impôt. On m'informe qu'au
fédéral, au niveau des pensions de vieillesse, le gouvernement ne
réclame pas ces montants lorsqu'il y a des erreurs? Est-ce que vous
prévoyez faire la même chose?
M. Forget: D'abord, au sujet de ce cas dont je suis familier, je
dois dire que c'est contraire à notre pratique administrative de couper
comme cela a été fait dans ce cas. Evidemment, lorsqu'il s'agit
d'une erreur administrative comme celle-là, ce n'est pas la politique de
la régie de couper entièrement la prestation. Je dois dire que
cela a été corrigé effectivement. Dans ces cas, ce que
nous faisons, c'est que nous étudions généralement la
situation économique de la personne et, la plupart du temps, nous
trouvons un arrangement qui est satisfaisant pour elle.
On peut lui permettre de remettre ce montant sans que ce soit une charge
financière trop lourde. Dans les cas où il y a évidemment
impossibilité de paiement, nous avons le pouvoir de remettre la dette,
et nous l'avons fait dans certains cas.
M. Malépart: Dans un cas comme cela, même si on
diminue le remboursement, on va en avoir pour cinq ans à...
M. Forget: Ecoutez, il y en a qui ne nous rembourseront
peut-être jamais. Cette personne a 65 ans, si on lui demande de nous
rembourser $10 ou $20 par mois, cela équivaut quasiment à une
remise de dette.
La politique est de prendre en considération... Evidemment, il y
a eu une erreur administrative, c'est bien sûr que c'est notre faute,
c'est malencontreux que cela se soit produit, mais il reste quand même un
fait, c'est que la personne a reçu des montants qui ne lui
étaient pas dus et, d'après la loi, les montants sont
remboursables. Mais on ne prend pas une attitude aussi légaliste que
cela. On étudie généralement chaque cas en particulier.
D'une façon générale, on trouve un arrangement qui est
satisfaisant pour tout le monde.
M. Malépart: D'accord. Comme deuxième point,
concernant la rétroactivité pour la rente de retraite pour les
gens entre 65 et 70 ans, souvent des gens manquent d'information, sur le moment
où ils ont droit à la rente puis ils attendent six mois, un an,
deux ans, que quelqu'un les informe qu'ils y ont droit. Automatiquement ils y
ont droit seulement à partir de la date de la demande, alors que, dans
tous les autres cas, on a droit à une rétroactivité,
même pour la pension de vieillesse.
M. Forget: C'est un point qui a été souligné
à quelques reprises récemment. Disons que c'est un point qu'on va
examiner au cours des prochains mois pour voir s'il est possible
d'améliorer les choses. C'est une caractéristique du
régime, je le fais remarquer en passant, depuis le début, mais il
semble que tout à coup cela devient un peu plus irritant que dans le
passé. Je pense qu'il y a peut-être aussi des causes qui ont fait
ressortir ce problème de façon plus visible que dans le
passé. Enfin, je ne m'étendrai pas sur cela, mais on peut
imaginer plusieurs situations qui ne se produisaient pas dans le passé
qui ont fait ressortir l'importance du problème.
Nous allons l'examiner, nous allons l'étudier, mais je ne suis
pas en mesure aujourd'hui de préciser quelle attitude on va prendre
vis-à-vis de cela, ni à plus forte raison préciser si un
changement à la loi serait approprié.
M. Malépart: D'accord.
M. Charron: M. le Président, puisque le
député de Sainte-Marie a donné le ton sur les questions
d'application très précises du régime avant que nous en
fassions un peu l'évaluation plus générale, aussi bien
enchaîner tout de suite. Il y a quelques autres cas de difficultés
que des citoyens rencontrent avec la régie. Il y a le problème
des conjoints également bénéficiaires, l'un comme l'autre,
du régime, mais dont, l'un à un moment où à un
autre, disparaît, décède. Je vous donne un exemple que j'ai
tiré d'un certain nombre de cas.
Vous verrez que ma question, malgré toute la série de
certains chiffres qui se posent, est quand même quotidienne. Une personne
que je connais touchait avant ses 65 ans, elle, la rente de son conjoint
décédé, qui était de $130 par mois. Lorsque cette
personne a atteint 65 ans et qu'elle est devenue pensionnée de
vieillesse, la rente est tombée à $67.14. Lorsqu'en janvier
dernier, cette personne s'est mise à toucher ses propres contributions
au régime de rentes, après avoir travaillé toute sa vie,
elle a reçu, pour elle, $44.58, mais les $130 de son conjoint,
précédemment fondus à $67.14, se réduisaient
à $10.28, parce qu'elle était avisée par la régie
que le montant maximum était fixé à $154, étant
donné qu'elle était en même temps
bénéficiaire de la loi pour les personnes âgées.
Dans un communiqué laconique cela, c'est peut-être
une remarque administrative que je peux faire à la régie; on
n'explique peut-être pas toujours très clairement aux gens ce qui
leur arrive, c'est-à-dire que, dans un style très très, je
dirais, technocratique, on les prévient d'une modification qu'ils ont du
mal à saisir et où le député, à l'occasion,
peut être un interprète du langage on lui disait: "Les
conditions d'admissibilité du bénéficiaire ayant
changé," et, là, on lui apprenait qu'au lieu de $67.14 qu'elle
touchait de la rente de son conjoint décédé,
c'était maintenant $10.28. Cette personne m'est arrivée au
bureau, me demandant: Qu'est-ce qui m'est arrivé de nouveau? Qu'est-ce
qui m'est arrivé de neuf? Je vous assure que je n'ai pas fait de
dépenses folles. J'ai
une vieille télévision qui a une quinzaine
d'années, etc.
Mais, vraiment et j'en profite pendant que j'ai le
président devant moi pour faire cette remarque quelle que soit la
nature du régime, il faudrait peut-être expliquer un peu plus
clairement aux gens ce qui leur arrive. Mais, indépendamment de cette
explication en des termes qui puissent être compris, pourquoi ce maximum
de $154 et pourquoi cette rétrogression?
M. Forget: D'abord, sur le premier point, vous avez dit, à
certains moments, la régie et je pense qu'il faut dire le
régime.
M. Charron: J'aime mieux dire cela.
M. Forget: Alors, le régime a été construit
de cette façon-ci: dans le cas de la rente de conjoint survivant, le
conjoint survivant qui a moins de 65 ans reçoit une prestation X, mais
il est prévu que, lorsqu'il atteint 65 ans, vu qu'à ce
moment-là il reçoit une pension de sécurité de la
vieillesse, la prestation est réduite. Cela a été
décidé comme cela, cela a été la philosophie qui a
été à la base de cela, de tenir compte, dans
l'établissement du montant qui serait payable à partir de 65 ans,
du fait que la personne recevait la pension de sécurité de la
vieillesse.
Quant à l'autre point, c'est le problème de la personne
qui reçoit deux rentes. Encore là, le régime a
prévu que personne ne devait recevoir plus, à 65 ans, que le
montant maximum de la rente de retraite, qui est $154, le montant que vous avez
mentionné. Alors, si quelqu'un est bénéficiaire d'une
rente de son propre chef, soit d'une rente de retraite, et
bénéficiaire d'une rente de conjoint survivant parce que son
conjoint est décédé, à ce moment-là, il y a
un montant maximum qui est payable et qui est égal au montant maximum de
la rente de retraite.
M. Charron: Je vous remercie de l'explication et d'avoir vraiment
indiqué qu'il s'agit là de la philosophie du régime
lui-même qui est en cause. Comme je l'ai expliqué à la
personne au moment où elle s'est présentée devant moi, je
lui ai dit que je n'estimais pas qu'il s'agissait d'une erreur
administrative.
Si tel avait été le cas, évidemment, j'aurais
entrepris les démarches pour que justice se rétablisse à
l'égard de cette personne.
Mais il s'agit ici effectivement d'une philosophie du régime et
c'est au ministre que je vais adresser ma question. Voici l'argument de
certains citoyens, surtout lorsqu'ils ont été conjoints et, dans
ce cas, conjoints pendant plusieurs années, puisque l'un est
décédé et que l'autre a atteint l'âge de sa pension
de vieillesse. La personne peut soutenir moralement et, à mon avis,
justement, qu'elle a été participante à la vie du conjoint
décédé, donc aux efforts du conjoint
décédé pour contribuer au régime tout le temps
où il a vécu, et que cela lui paraît normalement son
dû que le dû de son mari lui soit intégralement remis, quels
que soient les efforts qu'elle ait fournis elle-même sur le marché
du travail.
Je veux dire que cette personne a véritablement l'impression que
lorsque son mari acceptait, chaque semaine ou toutes les deux semaines, sur son
chèque de paie, de payer une certaine somme en contribution au
régime, que c'était un effort du couple, que cela affectait la
vie du couple, que c'était une contribution pour les deux, où les
deux pensaient ensemble assurer leur sécurité lorsque la retraite
viendrait.
Je pense qu'ils n'ont pas tort d'estimer ce genre de contribution
semblable à celle d'un travailleur à l'assurance-chômage,
c'est-à-dire une assurance-retraite. Je pense aussi qu'il est
évident que le citoyen, lorsqu'il acceptait de contribuer au
régime de rentes, tout au long de sa vie, espérait que non
seulement cela lui serait profitable à lui au moment de sa retraite
à 65 ans, mais bien sûr, à sa conjointe pour laquelle il
pouvait très normalement et très humainement espérer une
sécurité de revenu au moment où il disparaîtrait
éventuellement, si cela devait arriver.
Dans le cas que je vous ai mentionné, c'est malheureusement
arrivé. Je pense que les couples mariés estiment que leurs
contributions au régime de rentes se fait de façon conjointe et
que les deux, au cas où les deux sont sur le marché du travail,
les deux donc contribuant au régime de rentes, se trouvent ainsi
à s'assurer, l'un comme l'autre, la sécurité. Peu d'hommes
aujourd'hui aimeraient apprendre, et peut-être l'appren-draient-ils s'ils
écoutaient notre débat, ce soir, que tout le temps qu'ils
contribuent au régime de rentes n'est en fait qu'une contribution pour
eux, et que s'ils disparaissent, ils n'ont pas assuré la
sécurité de leur conjointe qui, elle, peut avoir absolument le
même âge et être dans le même état de
dépendance.
C'est vraiment cette philosophie que je mets en doute. Je ne soutiens
pas, parce que je sais que cela aurait affecté gravement la somme du
régime des contributions peut-être à la caisse des
contributions, que le montant intégral soit maintenu par après la
disparition d'un conjoint et qu'une personne seule puisse en
bénéficier par la suite, mais il me semble que le rajustement
à $154 que l'on fait constitue un plafonnement extrêmement bas.
Dans certains cas où une personne a participé au régime
pendant une dizaine ou une quinzaine d'années, c'est extrêmement
injuste pour la personne qui devient veuf ou veuve.
M. Forget: Pour ce qui est de la philosophie du régime, je
dois éclaircir un point d'ordre général pour rappeler
à l'attention de la commission que le gouvernement a créé
un comité d'étude à la suite du dépôt,
l'été dernier, du deuxième rapport actuariel quinquennal
du régime de rentes. Le mandat de ce comité d'étude est
passablement vaste. On se situe dix ans ou un peu plus après la mise en
vigueur du régime de rentes. Il y a pas mal d'eau qui est passée
sous les ponts depuis cette époque; il y a certaines choses qui
étaient très controversées il y a dix ans et qui ne le
sont plus
du tout. Il y a une évolution sociale qui s'est produite et il y
a aussi eu une maturation du régime dans le sens où, à
compter de cette année, les bénéfices maximums du
régime sont payables pour la première fois pour ceux qui prennent
leur retraite, par exemple.
Donc, il y a une nécessité de revoir la philosophie du
régime, son financement, le rôle que les orgnismes comme la
Régie des rentes, comme la caisse de dépôt jouent dans
notre économie sur le plan du développement économique
comme sur le plan de leurs contributions sur le développement
social.
A ce moment-ci les membres du gouvernement ayant créé ce
comité d'étude, il est prématuré de se prononcer
sur la façon dont la philosophie du régime pourrait
évoluer. Nous avons créé ce comité parce que nous
étions conscients qu'il était extrêmement difficile de
saisir toutes les ramifications des différentes propositions que nous
pourrions être amenés à considérer.
On sait, d'une part, que le régime établi en 1965 est un
régime qui est partiellement capitalisé. La période
d'accumulation des actifs ne touche pas à sa fin à proprement
parler mais nous nous en approchons à chaque année; elle n'est
plus qu'à quelques années de distance. Il faudra prendre une
décision d'ici trois ou quatre ans sur l'avenir du financement du
régime. Mais on ne peut pas prendre une décision sur l'avenir du
financement du régime sans se poser des questions sur le rôle d'un
régime public universel de rentes, ses relations avec les régimes
privés de rentes supplémentaires, la contribution au
développement économique que peut faire et qu'a faite
effectivement l'accumulation de capital que l'institution du régime a
permise, les besoins futurs en capital, en investissements de la
collectivité québécoise, l'évolution de la
société qui fait et ceci nous rapproche d'un peu plus
près de votre question que le rôle respectif des conjoints,
sur le plan économique en particulier, n'est plus perçu tout
à fait de la même façon qu'il l'était en 1965, sans,
bien sûr, être complètement bouleversé.
Donc, il y aura plusieurs questions qui devront se poser quand le
comité aura terminé son travail puisque le comité fera des
propositions, mettra de l'avant des alternatives entre lesquelles il faudra
choisir. C'est sans doute là pour les prochaines années un des
débats les plus importants pour l'avenir du Québec que nous
pourrons faire à l'Assemblée nationale. Je ne voudrais pas
anticiper les conclusions d'un comité d'experts qui devront non
seulement nous suggérer des améliorations sur des points
individuels mais voir comment tout cela s'imbrique l'un avec l'autre. La
question peut-être fondamentale sur le plan social et sur laquelle le
comité d'étude devra se prononcer, c'est la question de
l'âge de la retraite qui surgit à l'occasion de toutes sortes de
questions mais parfois beaucoup plus par des symptômes accessoires,
quoique fort ennuyeux pour certains individus, que comme questions qu'on
regarde au mérite.
Il est clair que la structure d'âge de la population et d'autres
facteurs sociaux nous amènent la participation plus grande des femmes au
marché du travail. Les modifications d'ordre économique nous
amènent à repenser la question de l'âge de la retraite. On
ne peut pas repenser l'âge de la retraite sans repenser à une
grande partie de la philosophie non seulement au régime public mais
également de la législation qui est relative aux régimes
supplémentaires, aux régimes privés de retraite. Parce
qu'il faut qu'il y ait une coordination entre les modifications qu'on fait
à l'un et à l'autre.
Alors, tout ceci pour dire que dans une certaine mesure, pour cette
année au moins, je me trouve un peu handicapé pour faire des
commentaires sur la philosophie parce que je crois qu'il est dans
l'intérêt de tous les Québécois de ne pas modifier,
sans mûrement réfléchir à toutes les implications,
un régime de l'importance du régime de rentes qui alimente la
Caisse de dépôt, qui est un moteur de développement
économique, etc. Donc, il faut faire bien attention que les gestes que
nous posons soient pris avec le bénéfice de la réflexion
que nous avons demandée à ce comité d'étude.
Cependant, ceci étant dit, il reste que, si l'on se place dans le
cadre actuel de la philosophie du régime, il n'est pas si
étonnant que cela qu'on ait adopté la position qui a
été adoptée relativement à cette question des
rentes de retraite dans le cas où il y a un conjoint qui est
décédé. Si par ailleurs le conjoint survivant est
autorisé, est en mesure de bénéficier de la rente de
retraite maximum, eh bien! le fait que son conjoint ait contribué
à son régime à lui, enfin que le conjoint
décédé ait contribué à son régime
à lui et lui ait donné un droit à une rente de conjoint
survivant au moment de son décès, cela n'a plus de signification
pratique.
Il reste que le régime public était un régime de
base qui, dans sa philosophie, devait permettre à chacun, à
chaque travailleur et à chaque famille de travailleurs de
bénéficier, au moment de la retraite, d'un revenu plancher, en
quelque sorte, d'un revenu de retraite minimum. Il est clair que ce minimum est
lui-même fonction, comme on le voit dans tous les régimes de
prestations sociales, des conditions dans lesquelles se retrouve la famille. On
présume normalement que les sommes qui sont nécessaires pour un
individu seul sont, bien sûr, inférieures à celles qui sont
nécessaires pour un couple.
C'est sans aucun doute ce qui a inspiré ceux qui, en 1965
nous n'étions là personne, je pense ont fait ce
régime avec cette configuration et en tenant compte également du
fait qu'il y a un régime de sécurité de vieillesse qui a
été conçu il y a 20 ou 30 ans, vers 1949 ou 1950, comme un
régime semi-contributoire à l'époque, donc à propos
duquel on pouvait entretenir à peu près le même genre de
raisonnement, surtout en 1965, où c'était, malgré tout,
moins éloigné dans le temps que cela ne l'est aujourd'hui.
Mais je ne voudrais pas défendre aveuglément la
configuration actuelle. Je pense qu'elle est défendable. Ceux qui l'ont
fait avaient sans aucun doute les raisons que je viens d'indiquer, qui sont
valables. Encore une fois, il faut réévaluer tout cela parce que
l'occurrence qu'on vise, c'est-à-
dire le fait où les deux conjoints ont eux-mêmes un droit
à une rente de retraite, était beaucoup moins fréquente en
1965 qu'elle ne l'est maintenant. C'était une situation, dans une
certaine mesure, exceptionnelle, pour laquelle on n'a peut-être pas
pleinement tiré toutes les conséquences qui pouvaient
s'imposer.
J'ai indiqué, d'ailleurs, que ce problème de la situation
des conjoints où les deux travaillent ferait l'objet puisqu'il
s'agit dans ce cas d'amendements véritablement mineurs
d'amendements avant même que le comité d'étude dont j'ai
parlé fasse rapport. D'ailleurs, le contenu de ces amendements est
largement, sur le plan des principes généraux, connu maintenant,
au moins pour une part, c'est-à-dire celle qui a trait à
l'exclusion de la période cotisable des années pendant lesquelles
une femme se retire du marché du travail et, donc, cesse de contribuer
au régime pour s'occuper d'enfants qui ont moins de sept ans.
M. Charron: La conclusion de la réponse du ministre, M. le
Président, peut nous induire à poser une question encore plus
précise. Effectivement, j'ai vu que, dans ses rapports avec le
gouvernement central à ce chapitre, le gouvernement
québécois a déjà fait connaître son intention
d'avoir cette modification à l'égard des femmes qui se retirent
du marché du travail et pour qui l'essentiel du travail est
d'élever des enfants pendant une certaine période de temps.
Est-ce qu'on peut s'attendre, de la part du ministre, à une pareille
considération éventuelle pour le cas que j'ai soulevé qui
se manifesterait par une hausse du plafond actuellement fixé à
$154? Qu'est-ce qui a fixé cela à $154? Pourquoi $154?
M. Forget: C'est le montant maximum de la retraite de celui qui a
droit, à son titre à lui, à une rente de retraite. C'est
un maximum qui varie à tous les ans puisque, bien sûr, il est
fixé en fonction du maximum des gains admissibles, etc.
C'est le maximum de la rente de retraite. Pour une année
donnée...
M. Charron: Qui accompagne la pension de vieillesse.
M. Forget: ... quelqu'un qui a 65 ans ne peut pas retirer plus
que le maximum de la rente de retraite qui est payable en vertu du
régime. Je pense que cette année cela se situe aux alentours de
$154 mais l'an prochain, dans ceux qui vont prendre leur retraite, il y a des
gens qui vont retirer plus de $154 à cause du phénomène de
calcul, l'augmentation du maximum des gains admissibles, etc. Le montant va
augmenter l'an prochain.
M. Charron: M. le Président, un autre cas. J'ai
apprécié la distinction que le ministre a faite sur le fait, par
exemple, qu'un couple dont les deux époux contribuent au régime
de rentes n'était peut-être pas un phénomène
très prévisible en 1965. C'est peut-être plus adapté
à nos années et donc cela crée un problème sur
lequel le comité, dont nous reparlerons tout à l'heure, devrait
né- cessairement se pencher puisque les auteurs de la loi n'avaient
peut-être pas à l'esprit ce phénomène social qui
n'était pas répandu à cette époque comme il l'est
aujourd'hui.
Il est un autre phénomène social que, disons, les dix
dernières années ont vu se développer et qui peut
léser, à mon avis, certains droits des travailleurs. Il s'agit de
ceux qui quittent le marché du travail d'une façon temporaire
pour suivre des cours de formation, de perfectionnement ou de recyclage. Je
sais que cette Assemblée, comme le Parlement fédéral ont
adopté des lois qui incitent, à l'occasion, les travailleurs
à quitter leur emploi pour aller chercher une formation professionnelle,
pendant un an ou deux ans, ce qu'on appelle à proprement parler du
recyclage et qui reviennent, par la suite, sur le marché du travail.
Actuellement d'ailleurs, l'Opposition a déjà
écrit au ministre à ce sujet, nous avons eu des cas qui nous ont
été soulevés les travailleurs sont quelque peu
pénalisés par cette période où ils sont absents du
marché du travail régulier. Je me demande si, dans
l'évolution du régime, il ne serait pas temps de normaliser cette
situation. Dans le même esprit qu'on n'a pas voulu pénaliser les
femmes qui se retirent du marché du travail pour élever des
enfants de moins de sept ans, il ne faudrait pas pénaliser des
travailleurs qui, pour pouvoir demeurer sur le marché du travail et,
donc, contribuer à nouveau au Régime de rentes, se retirent
temporairement pour aller chercher une formation professionnelle
adéquate.
M. Forget: Bien, là-dessus, c'est plutôt le
contraire qui est arrivé. Nous inspirant des possibilités
déjà existantes du régime, nous avons imaginé en
faire profiter les femmes qui se retirent du marché du travail et qui
ont un revenu nul pendant ce moment. Il y a une disposition
générale du régime qui permet de retrancher, dans la
moyenne annuelle des gains, pendant la période où on peut cotiser
un bénéficiaire, les années pendant lesquelles ses gains
sont nuls, pourvu que ces années ne totalisent pas plus que 15% de la
durée de la période cotisable. La période cotisable, comme
on le sait, pour tout le monde, c'est de 18 ans à 65 ans, pour ceux au
moins qui avaient moins de 18 ans en 1966, et c'est depuis 1966 pour tous ceux
qui avaient plus de 18 ans à l'époque.
Donc, il y a déjà une possibilité de ce
côté d'éviter que soit pénalisé quelqu'un qui
se retire du marché du travail pour suivre des cours, par exemple, pour
obtenir un diplôme, etc., pendant un an, deux ans ou trois ans, pourvu,
encore une fois, que cela ne dépasse pas 15% de la durée totale
de sa période cotisable. La période cotisable de 18 à 65
ans, c'est quand même 47 ans. Alors, 15% de 47 ans, cela fait sept
ans.
M. Charron: Le problème...
Le Président (M. Cornellier): Si vous me le permettez, le
député de Jacques-Cartier, depuis un bon moment a demandé
la parole.
M. Charron: Me permet-il d'achever sur les travailleurs en
recyclage?
Le Président (M. Cornellier): Très bien.
M. Charron: Je lui céderai volontiers la parole, M. le
Président. J'admets cette distinction, ce calcul des 15%, mais le
problème se pose de façon plus aiguë pour les conjoints de
ces personnes, dans le cas où cette personne, ce travailleur qui a
participé à un recyclage, meurt rapidement après. Le
conjoint, lui, est pénalisé.
M. Forget: II peut l'être. M. Charron: II peut
l'être.
M. Forget: Parce qu'il n'y aurait pas de contribution. Alors, si,
durant ces années, il n'a pas contribué, peut-être qu'il
n'aura pas suffisamment de contributions pour donner ouverture à la
rente de conjoint ou à la rente d'invalidité.
M. Charron: Oui. Je ne dis pas que ces cas se multiplient
à l'infini évidemment, il ne faudrait pas souhaiter que
ça se multiplie mais je ne sais pas si, pour ces personnes, en
tout cas, qui, en plus de se trouver privées de leur conjoint, se
trouvent pénalisées, il ne serait pas possible de penser à
une modification.
M. Forget: Ce sont certains points que j'ai indiqués, je
crois, dans ma correspondance à laquelle a fait allusion le
député de Saint-Jacques. C'est un point qu'on va sans aucun doute
considérer.
Est-ce que je pourrais demander au député, parce que le
petit message m'étonne beaucoup, qu'il me donne la
référence. Lorsque vous avez parlé du message laconique,
j'aimerais bien avoir le nom.
M. Charron: Le nom de la personne? Fort bien, je vous le
remettrai.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, si vous me le
permettez, j'aimerais attirer de nouveau l'attention du ministre surtout sur
les gens de 65 ans à 70 ans qui, après avoir pris leur retraite,
se trouvent un autre emploi. Ceux qui gagnent un revenu d'au-delà de
$2000 sont pénalisés pour le surplus. Ils sont obligés de
remettre 50% de ce revenu au régime de rentes. Dans mon comté en
particulier je reçois une correspondance assidue il y a
plusieurs personnes qui sont pénalisées si vous me
permettez le terme à ce sujet. Je comprends très bien.
D'ailleurs le ministre a fait, l'année dernière, une
déclaration de principe là-dessus, il y avait eu une certaine
propagande dans les journaux, des lettres ouvertes à
l'éditeur.
Je comprends bien la philosophie qui sous-tend cette amende, mais il me
semble qu'en fait au Canada on considère presque universellement, sinon
légalement du moins, mais en fait, que la pension se prend à 65
ans. C'est confirmé par les em- ployeurs en général qui
obligent les gens de 65 ans à prendre leur retraite. Je pense bien que
cela a été confirmé aussi maintenant par
l'assurance-chômage puisqu'à 65 ans, on considère les gens
en dehors du marché du travail. Comme tels ils ne reçoivent plus
d'assurance-chômage. Il est facile de comprendre, surtout dans ces temps
inflationnistes, surtout avec les taxes sur la propriété et le
coût des services pour l'entretien d'une propriété et le
chauffage etc. qui sont haussés énormément, qu'il y a
beaucoup de gens qui sont obligés pratiquement, pour maintenir un niveau
de vie auquel ils sont habitués, de travailler après 65 ans.
Il me semble évident que cette taxe de 50% devient un manque de
motivation au travail. Je pense bien qu'on est tous sensibilisés au
fait. On reconnaît aisément que toutes nos législations
sociales, à un moment donné, ont fait perdre à beaucoup de
gens la motivation au travail et je crois qu'on fait des efforts terribles
maintenant pour remédier à ce phénomène. Là,
en particulier, je crois que la perte de motivation peut être apparente.
Je me demande surtout que les sommes impliquées dans ce 50% sont
minimes, même si le montant n'est pas trop considérable
s'il n'y aurait beaucoup plus de gens de 65 ans qui travailleraient si on ne
les taxait pas aussi lourdement. J'aimerais bien attirer l'attention du
ministre là-dessus. Je ne sais pas s'il aurait quelque chose à
ajouter, depuis les derniers commentaires qu'il a faits à ce sujet.
M. Forget: C'est en pensant à cette question, sur laquelle
on attire effectivement mon attention régulièrement, que j'ai
parlé tout à l'heure du problème de l'âge de la
retraite. Et il me semble que la question de l'âge de la retraite est
centrale pour vraiment comprendre et résoudre ce problème.
En effet, si une personne n'avait pas à se retirer à 65
ans, à abandonner son emploi, le problème ne se poserait pas
puisqu'elle pourrait continuer son travail, continuer ses prestations au
régime et accroître d'autant, enfin là il y a des questions
de philosophie de régime là aussi, mais
présumément, dans un régime où l'âge de la
retraite serait plus flexible, accroître d'autant sa contribution au
régime et le montant futur des avantages qu'elle pourrait en
retirer.
Dans une situation où l'âge de la retraite est rigidement
défini, elle peut effectivement être appelée à
abandonner l'emploi permanent ou régulier qu'elle occupe depuis
l'âge mûr ou depuis sa jeunesse, et le faire à un moment
où elle ne désire pas vraiment cesser de travailler. C'est
à ce moment-là que le problème que le député
de Jacques-Cartier pose se présente.
Il n'est pas absolument exact de dire que les montants impliqués
sont insignifiants. Bien sûr que si on prend les statistiques actuelles
de la Régie des rentes, si on essaie de déterminer le nombre de
personnes qui sont dans cette situation, le nombre n'est peut-être pas
très considérable, mais c'est là le genre de modification
au régime qui en modifie inévitablement la nature de façon
assez profonde, puisqu'en rendant inconditionnel le ver-
sement d'une rente de retraite dont le but est de garantir une personne
contre l'interruption de son revenu, justement, lorsque les revenus d'emploi
cessent parce qu'elle prend sa retraite, en rendant inconditionnel le versement
de cette somme on accrédite la notion qu'il s'agit là d'une somme
qui sera payée en tout état de cause, quelles que soient les
circonstances, à partir d'un âge donné, comme la pension de
vieillesse fédérale est payée et qu'une personne est libre
d'ajouter à cela un revenu d'emploi.
Evidemment, à supposer qu'on fasse cette modification
immédiatement, la première question qui nous sera posée,
le mois suivant, ce cera: Qu'est-ce qui arrive à la personne qui a 70
ans et qui a fini de travailler pour vrai? Elle avait un revenu d'emploi qui
s'ajoutait à sa pension de retraite et cela n'est pas garanti. C'est un
peu un cercle vicieux. Là on peut dire qu'on peut continuer de l'assurer
contre la perte de son salaire additionnel de 65 à 70 ans et on reposera
la question, peut-être, si elle continue de travailler à 71 ans,
à savoir qu'on devrait lui en laisser malgré tout une partie. De
fil en aiguille on arrive à un programme universel inconditionnel qui ne
sert plus la fin qu'il était destiné à servir,
c'est-à-dire résoudre les problèmes d'une personne qui
s'habitue à un style de vie ou à un niveau de vie et qui, le
lendemain du jour où elle cesse son emploi, se voit tout à coup
soudainement, brutalement coupée de cette source de revenu.
Plus on lui permet de conserver ou d'avoir des sommes
indépendamment de son statut d'emploi, plus on accentue le choc qui va
se produire au moment où physiquement, psychologiquement et autrement
l'emploi ne sera plus possible. A ce moment-là, on peut anticiper qu'on
produira également un résultat contraire à celui qu'on
cherchait. C'est-à-dire que pour ceux qui pourraient continuer de
travailler au-delà de 65 ans parce qu'ils sont dans des entreprises qui
le permettent, comme ils seront en face d'une perte s'ils n'abandonnent pas
leur emploi permanent, parce que s'ils le font ils auront une rente
inconditionnelle, même s'ils ne perdent aucun revenu, on va rendre encore
plus obligatoire l'âge de la retraite à 65 ans et peut-être
créer une pression pour le réduire à 64 ans, 61 ans et
faire perdre, dans le fond, là où ils sont probablement le plus
utiles à la société, à l'économie les
services de gens pour leur faire prendre des petites jobs secondaires qui vont
les qualifier pour leur rente de retraite.
C'est toute cette implication-là d'une modification qui semble
bénigne, qui semble n'être peut-être pas très
coûteuse, qu'il faut se poser. C'est tout le problème de
l'âge de la retraite qui devrait être beaucoup plus flexible qu'il
ne l'est actuellement. Et si on le rend flexible, il est possible d'imaginer un
régime qui évite des pénalisations apparentes ou
réelles et qui évite de forcer les gens à prendre des
décisions tout simplement pour se qualifier à des allocations
sociales qui sont devenues inconditionnelles avec le temps. C'est
particulièrement un problème pour lequel je crois que le
comité d'étude qui a été créé nous
sera utile.
Le problème de l'âge de la retraite est à
l'étude dans tous les pays actuellement. Il est à l'étude
aux Etats-Unis, il est à l'étude en France, il est à
l'étude, je pense, dans tous les pays où se sont
développés des régimes de retraite publics.
Même les régimes de retraite privés font face, dans
le fond, quant à leur financement, à la plupart des mêmes
problèmes. Etant donné les modifications dans l'évolution
de la natalité, la participation des femmes au marché du travail,
toutes ces modifications, dans notre milieu économique et social, ce
n'est pas là un sujet qui est aussi facile à trancher qu'il le
semble à première vue. Je pense que, sans être fermé
à aucune des solutions, y compris la solution qui semble être
souhaitée par bien des gens, il est important qu'on
réfléchisse à toutes les implications de ce que l'on fait.
Si l'on va dans la voie d'une pension de retraite universelle et
inconditionnelle à un âge donné, on se prépare
à des problèmes très aigus, à mon avis.
M. Charron: M. le Président...
M. Saint-Germain: Maintenant, M. le Président, le
fédéral a modifié, pour les autres provinces, ce plan et a
accepté de payer une rente à 65 ans, sans condition.
M. Charron: Les autres provinces aussi.
M. Saint-Germain: C'est-à-dire que pour les autres
provinces, le régime étant fédéral, c'est
uniforme.
M. Charron: Toutes les autres provinces.
M. Saint-Germain: Est-ce que, ici, au niveau de la régie,
on a étudié le problème et analysé les
réactions au fait que dans les autres provinces le programme est payable
à 65 ans sans condition? Est-ce que cela a amené certains
problèmes, comme le ministre vient de le laisser entendre, du moins en
théorie, qui pourraient...
M. Forget: Si, dans les autres provinces, on a
étudié les implications des modifications apportées?
M. Saint-Germain: C'est cela. M. Forget: A ma
connaissance...
M. Saint-Germain: Avez-vous fait, dans le Québec, des
comparaisons entre les phénomènes et les réactions de la
population ou du moins des gens de 65 ans, relativement à notre
régime?
M. Forget: Oui, il y a des gens qui protestent contre cette
différence entre les deux régimes, mais je crois que ce n'est pas
la nature de la question. Vous voulez savoir si les comportements...
M. Saint-Germain: Non, non.
M. Forget: ... vis-à-vis du phénomène de la
re-
traite sont différents au Québec de ce qu'ils sont dans
les autres provinces?
M. Saint-Germain: Oui, vous avez énuméré des
phénomènes ou des motivations, si vous voulez.
M. Forget: Cette étude-là n'est pas faite, mais le
comité que nous avons créé a pour but d'étudier des
phénomènes comme ceux-là et nous faire des recommandations
à la lumière de ce qu'il observera. Comme vous l'observez
vous-même, il y a des différences entre le régime canadien
et le régime québécois. Evidemment, il n'y a pas tellement
longtemps que la modification a été faite à Ottawa; cela
fait un an. Dans un an, je pense bien que les habitudes de vie et les habitudes
de l'âge auquel on prend la retraite ne changeront pas de façon
très frappante. Cela prend quand même du temps à se
manifester, mais le comité se penchera sur ce sujet, c'est un de ses
problèmes prioritaires.
M. Saint-Germain: Quand attendez-vous le rapport de ce
comité? Je pense que vous l'avez mentionné dans le courant de la
soirée.
M. Forget: II a un mandat jusqu'à la fin de l'année
en cours, mais le mandat est extrêmement vaste. Je crois qu'il ne faut
pas se faire d'illusion sur la capacité du comité de
déboucher avant la fin de l'année de calendrier. Je pense qu'il
serait plus raisonnable d'attendre un rapport au cours de 1977.
M. Saint-Germain: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, la question très
intéressante et importante que vient de soulever le député
de Jacques-Cartier, le ministre s'en souviendra, avait fait l'objet d'un
débat assez sérieux, l'année dernière.
Je ne veux ajouter que quelques mots. Mon opinion est à peu
près celle du député de Jacques-Cartier. Je ne me suis pas
encore expliqué cet entêtement québécois sur ce
point. J'écoutais encore attentivement les arguments que le ministre a
apportés en réponse aux questions du député de
Jacques-Cartier. Ils étaient dans la même veine, mais
différaient un peu de ceux qu'il m'avait fournis l'année
dernière.
Disons qu'ils étaient un peu plus complets, mais je demeure
convaincu à l'écouter, et multiplierait-il les arguments, il
donne véritablement l'impression, à ce moment-ci, quand il
développe cette argumentation, de défendre beaucoup plus la
machine que de défendre les humains qui sont en arrière de cette
machine.
On dirait que c'est d'une cohérence, d'une logique que lui seul
peut percevoir, mais qui lui semble extrêmement précieuse. Il
multiplie les adresses pour ia défendre, mais ce ne sont pas des humains
qu'il défend, ce sont des principes.
Les humains, au bout de l'allée, ceux dont on parle, ceux pour
qui intervenait le député de Jacques-Cartier probablement en
soulevant cette question que j'avais moi-même soulevée
l'année dernière, lors de l'étude des crédits,
c'est une tout autre chose.
Ces retraités, qui travaillent encore et qui, par leur travail,
par leurs efforts physiques, obtiennent des revenus financiers, voient leur
pension diminuer de 50% pour chaque dollar gagné au-dessus du gain
mensuel exempté, alors que celui qui ne travaille pas et qui
reçoit des revenus de placements conserve sa pleine pension.
Défendez-la comme vous voulez, la machine, la logique et tous les
intérêts que vous pouvez y voir en arrière, il se trouve,
dans les faits, ceci: Une personne qui atteint 65 ans, qui n'a, pour elle, de
revenus pour assurer sa vie que le maximum qu'elle puisse retirer du
régime de rentes, d'une part, et la pension de vieillesse, d'autre part,
qui estime que ce revenu est insuffisant et que, par son travail, elle pourrait
l'augmenter pour bénéficier encore plus de la fin de ses jours.
Il faut bien identifier de quels citoyens nous parlons, de 65 ans et plus, qui
se voient dans l'obligation de travailler pour augmenter ce revenu qu'ils
jugent insuffisant, ce citoyen est pénalisé. L'autre, qui aura
été plus chanceux, tout au cours de sa vie, peut-être un
peu plus riche, qui aura réussi à mettre de l'argent de
côté, qui touchait ainsi un revenu de capital ou un revenu de
placement ou un revenu à partir de placements immobiliers, par exemple,
celui-là n'est absolument pas pénalisé.
Celui-là peut continuer à recevoir, peut-être, s'il
a placé $150 000, $200 000 en fiducie, des revenus qui vont lui
permettre quand même de toucher le maximum de tous ces revenus, sans
perdre un seul cent de ce que le régime de rentes lui permet. Une autre
personne qui a encore de l'énergie à 65 ans, qui veut travailler,
qui a la possibilité de travailler va être
pénalisée. C'est l'injustice, au bout de la ligne. C'était
tellement cela que le régime fédéral canadien n'a pas
été en mesure de le soutenir plus longtemps, s'est rendu aux
pressions de ceux qui disaient: C'est une injustice. Je ne le demande pas, mais
si c'est aussi logique que vous le dites et aussi impératif que vous le
dites, expliquez-moi l'injustice qui dit: Allez chercher 50% du revenu de ceux
qui travaillent et ne prenez pas un cent de plus de ceux qui touchent des
revenus de placement.
M. Forget: M. le Président, on parle du régime de
rentes qui vise à protéger quelqu'un contre une perte d'un revenu
de travail. Ce n'est pas une assurance-dépôt, ce n'est pas une
assurance-investissement dont on parle; on parle d'un régime qui a un
tout autre but que celui qu'on semble lui attribuer.
Je ne pense pas qu'il soit sérieux de prétendre que, parce
que celui qui a des revenus de placement ou celui qui vit dans sa propre
maison, plutôt que d'être locataire, est avantagé, c'est
là une inéquité du Régime de rentes. On pourrait le
prétendre en suivant le même raisonnement que le
député de Saint-Jacques, mais ce n'est pas le but du
régime d'établir l'équité et la justice
distributive dans le même sens qu'un régime de
sécurité de revenu, qu'un régime de soutien et de
supplément de revenu, tel que, par ailleurs, il existe et se
développe. Il s'agit là d'une assurance pour un revenu d'emploi
et il est assez normal, dans un régime d'assurance, que l'assurance paie
quand le risque se matérialise. On ne paie pas les gens pour
l'assurance-incendie pour les avantager ou les récompenser parce que
leur maison n'a pas pris feu pendant dix ans; on leur paie un
dédommagement quand la maison a brûlé.
D'une certaine manière, ce que l'on nous invite à faire,
c'est dire: Bien, écoutez, il y a des gens dont la maison n'a pas
brûlé; c'est donc qu'ils ont été prudents. Alors,
payons-leur donc la valeur de leur maison; s'ils ont vécu dedans pendant
dix ans, il faut peut-être en tenir compte; si jamais elle brûle,
elle sera plus dépréciée, donc elle va épargner de
l'argent à l'assurance.
M. Charron: C'est carré un peu comme raisonnement.
M. Forget: C'est un peu carré peut-être, mais c'est
exactement la même carrure que celle qu'on vient de nous offrir avec
l'idée des revenus d'investissement. Ce sont les choux et les betteraves
que l'on mélange un peu hors de propos.
Il est sûr que ce serait une mesure très populaire de
donner plus d'argent à plus de monde. Si c'est cela le point qu'on veut
exposer, je suis complètement d'accord avec vous, ce serait beaucoup
plus populaire de donner plus d'argent et plus de rentes à plus de
bénéficiaires. Lorsqu'on dit: On ne s'occupe pas des humains, on
s'occupe de l'administration, bien, ce n'est pas du tout cela. L'administration
peut se faire en donnant plus d'argent à plus de monde; il n'y a
vraiment rien qui répugne à administrer plus de prestataires et
de plus grosses prestations.
Mais il faut aussi se poser des questions pour le lendemain. Gouverner,
c'est un peu aussi prévoir ce qui va arriver avec ce Régime de
rentes et ne pas, aujourd'hui parce que cela fait l'affaire, que c'est
commode et que cela peut être populaire dire: Bien, lorsque vous
allez prendre votre retraite, il y a toutes sortes de belles et bonnes choses
qui vont vous arriver, sans se soucier d'avoir un régime qui va
permettre effectivement cela, alors qu'il y a toutes sortes de changements qui
se passent dans la société et que le Régime de rentes
lui-même, par son évolution, a une influence sur le changement
social, une influence sur le comportement des gens sur le marché du
travail, y compris l'année où ils prennent leur retraite.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais je dis: Avant de le
faire, étudions la situation et convainquons-nous que nous posons un
geste qui non seulement est populaire ce qui nous est très
agréable mais qui est sensé et responsable. C'est moins
populaire et c'est moins agréable parfois. Je pense qu'à
l'occasion, quand on parle d'un Régime de retraite, c'est par excellence
le moment où il faut se poser la question.
M. Charron: Croyez-vous que le geste du Canada n'a pas
été sensé?
M. Forget: Sur ce point, non, je ne le crois pas. C'est la raison
pour laquelle je n'ai pas voulu emboîter le pas au régime
fédéral sur cette question. Je ne crois pas que ce soit un geste
sensé. C'est un geste qui a été populaire. Cela a
été posé dans une année et dans une période
d'euphorie où bien des choses se sont faites à ce niveau, y
compris d'autres régimes que je ne mentionnerai pas et sur lesquels je
ne suis pas d'accord, comme l'assurance-chômage. Quant à le
mentionner indirectement, on peut bien le mentionner directement. Mais je pense
que ce n'est pas plus sage de l'avoir fait sans comprendre exactement où
cela nous menait. Je ne crois pas, et je suis même persuadé pour
avoir vu les papiers qui ont circulé au moment où la
décision a été prise, que l'on savait vraiment ce que l'on
faisait quand on l'a fait.
Je m'excuse mais il faut appeler les choses par leur nom. Encore une
fois, si on me convainc que c'est une bonne mesure, je serai heureux d'en
prendre l'initiative dans un an, quand nous aurons une étude qui nous
montrera que c'est là la direction qu'il faut poursuivre.
Mais il ne faudra peut-être pas s'arrêter seulement à
cela. Cela, c'est un gadget, c'est une mesure qui est importante pour quelques
individus, à l'heure actuelle, et qui a des implications beaucoup plus
profondes. Il faudra aller plus loin que cela.
Encore une fois, toute la question de l'âge de la retraite et de
son rôle dans un régime de rentes, il faut se poser des questions,
des questions pour lesquelles nous n'avons pas de réponses actuellement
et pour lesquelles ce n'est pas un reproche personne alentour de
cette table, je pense bien, ne peut nous apporter des réponses
entièrement satisfaisantes.
M. Charron: M. Le Président, l'année
dernière, nous avons soulevé le cas on s'en souviendra
d'employés de la ville de Montréal dont les revenus
n'avaient pas été inscrits totalement à leur registre de
gains. Le chef de l'Opposition recevait cette semaine une lettre d'un
employé de la Société Radio-Canada on change
qui le mettait au courant des difficultés que rencontrent certains
employés retraités à retirer leur rente du fait que leurs
revenus pour les années 1972 à 1975 n'ont pas été
portés à leur registre, encore une fois.
Il semble qu'il y a des problèmes de communication avec le
ministère du Revenu. C'est comme cela que nous l'avions établi
l'année dernière. Le président nous avait assuré
que cette non-inscription ne pourrait pas causer de préjudice à
des bénéficiaires. Or, il se trouve que les faits
établissent, je ne dis pas généralement le contraire, mais
malheureusement, dans quelques cas, le contraire. Le ministre peut-il nous
indiquer quelles sont les procédures que doivent suivre ces
retraités pour que leurs droits soient respectés?
M. Forget: J'aimerais demander à M. Fortier de
répondre. Mais, avant qu'il ne réponde sur les
procédures qui doivent être suivies, j'aimerais indiquer
que nous nous sommes préoccupés durant toute l'année, les
deux ministères impliqués de même que la Régie des
rentes, à résoudre et à améliorer les
communications en question. Dès le mois de septembre dernier, j'avais
une rencontre avec mon collègue, le nouveau ministre d'alors du Revenu,
en présence du président de la régie et du sous-ministre
du Revenu, M. Gauvin, de manière qu'on convienne d'une procédure
de transmission des données entre les deux organismes pour éviter
que ne se reproduisent les difficultés rencontrées dans le
passé.
Durant l'année, de manière à faciliter encore plus
les communications sur une base suivie et à la faveur d'un départ
au conseil d'administration de la régie, le gouvernement a nommé
le sous-ministre du Revenu comme un des administrateurs de la Régie des
rentes, encore une fois afin de multiplier les occasions de contacts et
d'échanges. Je dois noter qu'à la suite de la rencontre du mois
de septembre il y a eu une amélioration sensible dans la rapidité
avec laquelle le ministère du Revenu a fait parvenir à la
Régie des rentes les données qui sont nécessaires à
l'établissement du fichier des rentes pour chaque
bénéficiaire.
Malgré tout, tous les problèmes ne sont pas résolus
mais, à ce point-ci, j'aimerais que M. Fortier explique ce qui s'est
fait.
Ce que j'ai dit l'an dernier, que les bénéficiaires ne
souffraient pas préjudice, cela demeure vrai parce que
évidemment, ils subissent des inconvénients chaque
bénéficiaire...
M. Charron: Ils ne perdent rien.
M. Forget: ... d'une rente de retraite reçoit un
état de son registre de gains et on l'invite à l'examiner et
à nous signaler toute inexactitude qu'il pourrait y avoir.
Alors, il suffit que le bénéficiaire communique avec nous
pour que la situation soit corrigée. C'est sûr qu'à ce
moment, il peut y avoir paiement d'une rente immédiatement, qui sera
révisée plus tard lorsque toutes les entrées auront
été faites. Pour reprendre un peu ce que le ministre a dit, il y
a encore des problèmes relativement au registre des gains, mais les
fonctionnaires du ministère du Revenu et de la régie travaillent
ensemble pour corriger la situation. Toutes les situations n'ont pas encore
été corrigées pour le passé, mais, pour l'avenir,
une entente est intervenue et nous devrions recevoir beaucoup plus rapidement
les données que par les années passées. Je pense que, dans
les prochains jours, on doit commencer à recevoir les données
pour 1975. Il suffit pour le bénéficiaire de s'adresser à
nous et nous allons prendre les mesures nécessaires pour corriger la
situation.
M. Charron: Bien. Dernière question, M. le
Président, sur le régime de rentes. Le comité dont nous
avons parlé, qui a été nommé en juin dernier, je
pense, devait faire rapport d'ici la fin de l'année 1976. Je voudrais
demander au ministre, qui est sans doute en contact avec le comité assez
régulièrement, s'il estime qu'effectivement il présentera
son rapport au moment où il l'a annoncé?
M. Forget: Comme je l'indiquais tantôt, à la suite
d'une question du député de Jacques-Cartier, deux
décisions successives sont intervenues. Une première
décision, qui est intervenue à la fin de juin ou au tout
début de juillet 1975, était une décision de principe de
former le comité. Pour toutes sortes de raisons, attribuables en partie
à des absences, à des discussions, à un effort de
consultation avec un assez grand nombre de groupes préalablement
à la constitution du comité lui-même, c'est-à-dire
la désignation de personnes pour en faire partie, ce n'est qu'au tout
début de 1976 qu'il a été possible de réunir le
comité et de le désigner officiellement. A tout
événement, le retard n'est pas si grand qu'il paraît, parce
que de toute manière les personnes qui avaient été
pressenties pour faire partie du comité, dans un certain nombre de cas,
n'étaient pas disponibles immédiatement, ne pouvaient pas se
libérer à quelques semaines d'avis. Le comité n'aurait
peut-être pas fonctionné beaucoup plus tôt de toute
manière. Quoi qu'il en soit, j'ai eu l'occasion, récemment, d'en
discuter avec le président et il ne semble pas réaliste
d'anticiper que le terme actuellement déterminé, qui se termine
le 31 décembre 1976, soit suffisant pour permettre au comité de
remplir son mandat. J'ai demandé au président d'essayer de
préciser un échéancier en même temps que le travail
lui-même était planifié de façon plus
concrète, plus détaillée, et de me faire une
recommandation quant à l'échéance qu'il suggère. Je
lui ai cependant indiqué que cela devrait se situer en 1977. Il ne
s'agit pas d'une commission d'enquête qui va siéger pendant quatre
ou cinq ans, mais étant donné l'ampleur des problèmes, il
lui faudra plus de huit ou neuf mois pour faire son travail. Disons qu'on peut
peut-être présumer six mois additionnels ou quelque chose de cet
ordre.
M. Charron: Je vous ai entendu, tantôt, en faisant
référence à ce comité, parler du fait que vous
espériez du comité qu'il indique certaines modifications à
apporter à la philosophie même du régime tel qu'il nous
avait été présenté à l'Assemblée
nationalel c'est d'ailleurs une remarque que nous avions faite à ce
moment. Il nous avait été présenté comme
étant beaucoup plus une analyse actuarielle portant sur le financement
et l'avenir financier, je dirais, du régime lui-même,
c'est-à-dire ses capacités de subvenir à ses besoins.
Jusqu'à quel point la philosophie du régime, vous me direz
qu'elle est toujours impliquée par le financement, j'en conviens
jusqu'à quel point des questions aussi précises que la
flexibilité de l'âge de la retraite, le montant des plafonds des
contributions et des prestations par la suite relèvent du comité?
Jusqu'à quel point le comité est-il invité en fin de
compte à reprendre une réflexion sur un régime de rentes
public québécois?
M. Forget: II est invité à le faire de façon
passablement large parce que les éléments de philosophie
comme vous le dites relativement à l'âge de la retraite,
relativement aux relations qui doivent exister entre un régime public de
retraite et les régimes supplémentaires de rentes les
régimes privés si vous le voulez posent
immédiatement des questions d'assez grande envergure, de même que
les relations qui doivent exister entre un régime de rentes qui est un
régime contribu-toire, un régime d'assurance sociale et un
régime de sécurité du revenu, c'est-à-dire un
régime de soutien et de supplément de revenu. De ce
côté là on est, sur le plan de la réflexion et sur
le plan de la définition des objectifs, beaucoup plus loin que nous
étions forcément en 1965. Un certain nombre d'options ont
été retenues dans le processus de révision de la
sécurité sociale qui font l'objet d'un très large
consensus entre tous les gouvernements qui y ont participé et dont les
applications devraient à mon avis être soigneusement
examinées par le comité. Il y a des éléments dans
le régime de rentes qui sont non contributoires et la question se pose
à leur égard à savoir s'ils doivent demeurer des
éléments d'un régime essentiellement contributoire, d'un
régime de rentes, un régime d'assurance sociale ou s'ils ne
devraient pas au contraire être intégrés dans un
régime de soutien et de supplément de revenu. Cette question est
en partie une question de philosophie, elle est en partie une question de
financement puisqu'il faudra choisir, au moment de l'évaluation du
financement, entre une source tirée de la fiscalité
générale de l'Etat ou une source qui est affectée au
financement du régime telle que les contributions
prélevées sur la masse salariale. Le choix entre les deux
contributions est en partie une question de philosophie aussi. Donc, c'est une
option par le financement sur un régime particulier de
complémentarité entre un régime d'assurance et un
régime de supplément de revenu. Tout est lié comme vous le
voyez. Les projections actuarielles, la philosophie, le financement, les
questions d'âge de retraite, enfin c'est un mandat qui est très
ambitieux. J'espère que le comité saura malgré tout
trouver le moyen de ne pas reprendre l'étude de toute la
société à l'occasion d'une étude du régime
de rentes. Je suis sûr qu'on va éviter de tomber dans ce
travers.
Il reste que c'est le moment après dix ans de fonctionnement,
alors qu'on est à la veille de décisions assez importantes, de se
poser les questions, pas dans un cadre étroit comme: combien faut-il
élever les cotisations. Pas du tout cela. Seulement, il faut se poser
comme question: mais qu'est-ce que cela vient faire dans notre vie sociale,
dans notre vie économique, un régime public de rentes? Je pense
que l'expérience qu'on a vécue montre que cela peut faire
beaucoup et que les réticences que plusieurs milieux ont
exprimées en 1964, en 1965 et même dans les années
subséquentes quant à l'impact économique, strictement sur
le plan économique d'un régime public de rentes, ont
été démontrées être largement sans
fondement.
Par exemple, alors que beaucoup d'observa- teurs avaient jugé
qu'une épargne publique aussi massive, découragerait
l'épargne privée et donc diminuerait la somme, la masse a
investir dans l'économie, serait peut-être un facteur de
ralentissement économique, au contraire l'expérience montre que
le régime public et les régimes privés sont
complémentaires. Pourvu qu'il y ait une certaine base d'acquise, des
gens qui n'auraient pas songé à économiser se seraient
dit: mon Dieu! on va être tellement pauvre, de toute façon,
à la retraite, qu'il ne sert vraiment à rien de faire quelques
économies puisqu'il y aura l'aide sociale et qu'il y aura je ne sais
quoi. Comme on est sûr d'un certain minimum, on dit que c'est quand
même intéressant de faire quelques économies. Alors cela a
changé beaucoup les optiques et les comportements sociaux et
économiques et cela illustre justement combien des décisions
comme celles-là sont importantes.
C'est beaucoup plus que simplement un régime. Puis, la
constitution d'une caisse, cela change la façon dont la
société fonctionne, de façon parfois imprévisible.
Pas que, dans ce cas, ce développement ait été
imprévu par tous, mais il était certainement non seulement
imprévu mais c'était le contraire qui avait été
prévu par des gens qui, honnêtement, croyaient que ç'aurait
l'effet contraire à ce que cela a eu.
Alors, le contexte des débats qui sont susceptibles de survenir
dans un an, un an et demi ou deux ans, va être bien différent de
ce qu'il a été au moment de la création du régime.
L'expérience acquise avec la Caisse de dépôt, le
succès qu'a eu la Caisse de dépôt comme organisme
d'investissement, de placement, probablement l'organisme qui a eu le plus grand
succès sur un plan strictement de rentabilité financière,
alors que des prédictions très sombres avaient été
formulées, nous permet d'envisager avec beaucoup de confiance un tas de
solutions qui, il y a dix ans, auraient paru tirées par les cheveux et
absolument folles par les chances que cela faisait courir à tout le
monde. Alors dans un contexte comme celui-là, il est temps de revoir un
tas de questions. Sans aucun doute, on n'abolira pas le régime, on va
l'améliorer, on va le perfectionner. Encore là, il va falloir
attendre le rapport pour prendre position et je ne voudrais pas, par des
remarques trop complètes, étaler mes préjugés ici,
parce que je ne veux pas me refuser le droit de changer d'idée quand le
rapport du comité sera connu.
M. Charron: M. le Président, je suis disposé
à adopter le programme 1.
Le Président (M. Cornellier): Alors élément
1, adopté. Elément 2 adopté. Le programme 1 est
adopté. Programme 2.
M. Charron: Le programme 2, M. le Président ma
suggestion a été retenue par le ministre d'Etat aux Affaires
sociales ce matin est retardé et peut être
considéré comme adopté pour fins budgétaires. Mais
le débat aura lieu lorsque nous aurons entendu les groupes et que les
députés, suite aux remarques des groupes, pourront se
pencher sur toute la politique d'aide sociale. Donc adopté comme
tel pour les fins budgétaires.
Le Président (M. Cornellier): Alors, le programme 2 est
adopté, ce qui fait que les éléments 1, 2 et 3 du
programme 2 sont adoptés. Programme 3.
NI. Charron: Le programme 3, M. le Président, est
l'occasion pour nous de parler de l'assurance-maladie. Nous avons convenu hier,
le ministre et moi, de retarder cela à la fin de nos travaux ou à
un autre moment de nos travaux, plutôt que de l'étudier au moment
où vous l'appelez ce soir, puisque nous espérons avoir la
présence du président de la régie lui-même pour ce
débat.
Le Président (M. Cornellier): Le programme 3 est suspendu.
Programme 4, Services communautaires.
M. Charron: Le programme 4, M. le Président, traite des
CLSC et n'est pas adopté. Il le sera dès la prochaine
séance, si vous le voulez bien.
Le Président (M. Cornellier): Si je comprends bien, le
député de Saint-Jacques fait motion pour que la commission
ajourne ses travaux?
M. Forget: Est-ce qu'on peut ajourner à dix heures trente,
mardi?
M. Charron: On ne siège pas demain?
M. Forget: Non, ce n'est pas possible, je pars ce soir.
M. Charron: Vous partez ce soir. D'accord, dix heures trente,
mardi.
Le Président (M. Cornellier): La commission ajourne ses
travaux à mardi, dix heures trente. Mardi qui sera le 6 avril.
(Fin de la séance à 22 h 40)