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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mardi 4 mai 1976 - Vol. 17 N° 32

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Etude des crédits du ministère des Affaires sociales


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude des crédits du ministère des Affaires sociales

Séance du mardi 4 mai 1976

(Seize heures quarante minutes)

M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires sociales est de nouveau réunie pour l'étude des crédits budgétaires du ministère des Affaires sociales pour l'année 1976/77. Le programme 11: Soins spécialisés et ultra-spécialisés.

Le député de Saint-Jacques.

Soins spécialisés et ultra-spécialisés Coût de la santé

M. Charron: M. le Président, nous pouvons difficilement aborder la question des centres hospitaliers du Québec et des services que ces centres ont à rendre à la population, sans aborder le sujet sous l'angle des restrictions budgétaires annoncées par le ministre des Affaires sociales au cours de l'année financière expirée.

Si vous me le permettez, M. le Président, et aux fins de raccourcir le débat, j'aimerais donner mon aperçu et l'aperçu de l'Opposition sur cette décision, me permettant ainsi d'examiner l'ensemble de la situation des centres hospitaliers, pour permettre ensuite au ministre de répondre un peu plus longuement, mais peut-être de façon un peu plus complète, à ce qu'autrement nous ne pourrions atteindre par un débat intercoupé.

Cette question des restrictions budgétaires et la façon dont le ministre des Affaires sociales a décidé d'y procéder a, immédiatement après son annonce, fait couler beaucoup d'encre, causé beaucoup de remous et je dirais même conduit déjà à des décisions qui, à leur vue première, semblent effectivement affecter sérieusement la qualité des services de santé offerts à tout le moins dans certaines régions. D'ailleurs, le ministre est absolument libre de me dire si ces centres hospitaliers se sont servis des restrictions budgétaires comme prétexte ou non, il reste le fait que plusieurs de ces centres ont annoncé des modifications dans leur fonctionnement, en invoquant comme responsabilité première aux modifications qu'ils ont apportées la décision du ministre des Affaires sociales.

Au cours de ce débat que nous entamons, c'est à lui de nous dire ou de nous expliquer, comme il l'a fait tout à l'heure à la Chambre, lorsque j'ai soulevé cette question pour les hôpitaux de la région de Québec, qu'il n'y a pas de rapport entre les restrictions budgétaires de 2,5%, c'est-à-dire d'environ $30 millions, imposées par le ministre des Affaires sociales, et certaines annonces faites — j'en cite quelques-unes: d'abord l'hôpital de Val-d'Or, qui occupe déjà l'actualité depuis une quarantaine de jours, et où on évoque la mauvaise situation des services de santé comme responsabilité première des restrictions annoncées par le ministère des Affaires sociales. Dans une autre région, à Alma, deux unités de soins seront fermées en juillet et août prochains. Durant les vacances, les absences du personnel ne seront pas comblées et les autorités du centre ont invoqué la restriction imposée par le ministère. A l'hôpital du Sacré-Coeur de Cartierville, on assistera vraisemblablement, au dire même des autorités, à une restriction des services externes et à la fermeture de certaines unités. L'hôpital de Lévis est à procéder à un même nombre de restrictions qui devraient conduire également à une diminution des soins pour la population de la rive sud, en face de Québec.

Cette politique, M. le Président, si vous me permettez d'y remonter, puisque c'est la première occasion que nous avons de le faire, fait suite au discours prononcé par le ministre devant l'AHPQ, où il dénonçait certaines pratiques qui, à mon avis, expliquent les disparités de coûts dans le domaine hospitalier entre l'Ontario et le Québec. Je me permets de les rappeler, puisque c'est là qu'aura lieu le débat. Ces pratiques, disait-il, sont de deux ordres: la première est d'ordre médical.

Qu'est-ce qui ferait qu'au Québec cela coûte plus cher, les hôpitaux, qu'en Ontario? Médicalement, disait-il, dans les premières raisons, le taux d'occupation des lits serait plus faible et la durée de séjour plus longue qu'en Ontario. Il évoquait des statistiques que je n'ai pas à rappeler. Il invoquait également une dispersion des efforts dans des domaines ultra-spécialisés, à cause de la multiplication d'équipements coûteux à laquelle se livreraient les centres hospitaliers actuellement.

Il parle d'un nombre élevé de lits d'enseignement dans les centres-hôpitaux, plus élevés qu'en Ontario, semble-t-il. Evidemment, la pratique qui a voulu que les cliniques externes deviennent un peu les substituts des cabinets privés de médecins serait aussi une des causes d'augmentation des coûts dans les hôpitaux du Québec.

Si tel est le cas, M. le Président, si ces pratiques médicales sont à l'origine d'une partie de la hausse des coûts dans le domaine hospitalier, il faut immédiatement demander au ministre des Affaires sociales ce qu'il a fait à l'égard de ces pratiques médicales. Si mes informations sont exactes, et je crois qu'elles le sont, le ministre des Affaires sociales refuse toujours de payer les médecins pour l'utilisation des cliniques externes. Les médecins n'ont aucune norme ou directive d'émise concernant la durée des séjours. Il est courant que l'hospitalisation, par exemple, débute un vendredi, pour des opérations prévues le lundi ou le mardi.

Qui, dans l'hôpital, détermine l'entrée ou la sortie des patients? Qui détermine le nombre de lits, que, communément dans les centres hospitaliers, ceux qu'on appelle les patrons possèdent chacun à peu près par unité? Si ces pratiques médicales ont conduit à des hausses de coût, qu'a fait le ministère des Affaires sociales ou pourquoi

le ministère des Affaires sociales refuse-t-il, par exemple, de donner aux conseils régionaux des services de santé et des services sociaux, les pouvoirs nécessaires pour effectuer une véritable régionalisation des services de santé? C'est seulement à ce niveau que peuvent se prendre des décisions, par exemple, comme la fermeture d'unités de soins spécialisés ou des regroupements de certains services, qui, effectivement, pourraient conduire à une diminution de coût.

La pratique l'a démontré, par exemple, le ministre le sait, dans le cas des buanderies communautaires des centres hospitaliers. Sans cela, il est possible — et si les médecins ont toute cette liberté d'action — effectivement qu'on conduise à des compétitions entre institutions, et que des campagnes d'opinion publique s'élèvent contre toute régionalisation qui empêcherait le ministère des Affaires sociales d'agir. Comment se fait-il, par exemple, que la situation que dénonçait le ministre des Affaires sociales lui-même concernant les unités de cardiologie soit quand même demeurée inchangée? S'il est vrai que certaines pratiques médicales ont constitué un élément moteur dans la hausse des coûts, qu'a fait le ministre des Affaires sociales, le ministère des Affaires sociales, pour modifier ou intervenir dans ces pratiques médicales que — j'insiste sur ce point, M. le Président — il faut séparer des pratiques purement administratives des directeurs et des conseils d'administration des centres hospitaliers?

Venons-en à ce deuxième point immédiatement, M. le Président. Dans son discours à l'AHPQ, en novembre dernier, je crois, le ministre des Affaires sociales identifiait ces pratiques médicales sur lesquelles je lui demande de me préciser les décisions qu'il a prises, après avoir identifié le mal, mais aussi des causes d'ordre administratif, disait-il. Il disait — je remonte à son discours — que le Québec consacrerait $53 millions de plus que l'Ontario à ce qui s'appelle l'administration générale des hôpitaux, les archives, la buanderie, l'entretien ménager, qu'on consacrerait $35 millions à des services de laboratoire, de radiologie, de l'équipement médical, chirurgical, des médicaments, et qu'on aurait une différence de $50 millions pour les soins infirmiers.

Je ne veux pas, sur ce point, M. le Président, prendre la défense des administrateurs de centres hospitaliers ou les absoudre. Je pense que la façon dont ils ont réagi eux-mêmes, peut-être de façon un peu véhémente, sur le coup, à l'intervention du ministre des Affaires sociales indique qu'effectivement ces administrations ont une part de responsabilité.

Je pense que, dans ce discours qui s'est voulu à sens unique à l'endroit des administrateurs réunis en face du ministre des Affaires sociales, il a lui-même escamoté et largement, la responsabilité de son ministère, pour ne pas dire celle du gouvernement en entier, dans la pratique administrative même. J'écarte pour le moment, maintenant, la pratique médicale à l'intérieur des centres hospitaliers. Je sais que le ministre des Affaires sociales a été lui-même le sous-ministre adjoint au financement, du temps de M. Castonguay et donc que sa principale tâche, si je la comprends bien, à ce titre, était de contrôler les coûts de santé. Lui-même peut nous donner un exemple ou, en tout cas, est mieux placé que quiconque pour nous parler des efforts faits non seulement au cours de son mandat comme ministre, mais même depuis l'existence du ministère des Affaires sociales, à cette impuissance du gouvernement à administrer efficacement le système hospitalier et à contrôler la hausse des coûts dans ce secteur.

Si je veux identifier, pour les fins du débat, M. le Président, ce que j'appelle la responsabilité gouvernementale au-delà de la responsabilité des différentes administrations locales de centres hospitaliers, je le préciserai en quelques points.

La première responsabilité du gouvernement dans la hausse des coûts, au plan administratif, peut venir du fait que la loi 65, par exemple, a escamoté une partie importante de la réforme que le rapport Castonguay suggérait à ce chapitre: la régionalisation budgétaire. C'est à ce niveau, à mon avis, que peut être fait un véritable contrôle efficace des coûts, mais à condition de leur donner les pouvoirs nécessaires.

Les technocrates du ministère, dont faisait partie l'actuel ministre, n'avaient pas, semble-t-il — et je me souviens de la discussion de la loi 65 — bien confiance en ce genre d'approche d'une régionalisation budgétaire. Il aurait fallu croire que presque eux seuls pouvaient bien administrer, qu'eux seuls pouvaient bien contrôler. Tous les pouvoirs importants devaient, en quelque sorte, être à Québec et un vague rôle consultatif devait être laissé aux CRSSS.

C'est sous cet empire que nous avons vécu et c'est sous cet empire que nous avons assisté à une hausse des coûts, comme celle à laquelle on assiste et que veut maintenant contenir, par ses restrictions budgétaires, le ministre des Affaires sociales.

Peut-être aurions-nous à l'occasion de la loi 65, elle-même, l'occasion de prévenir, un tant soit peu, mais là, tous les efforts étaient nécessaires, à mon avis, le spectacle d'une hausse vertigineuse de coûts, auquel nous assistons actuellement.

Ne demandez pas à un hôpital seul de se départir d'un service ultra-spécialisé, par exemple, parce qu'il est en concurrence avec un autre. Je pense que c'est au niveau régional que la décision peut être prise, qu'elle a tout le moins le plus de chance d'être concrétisée. Mais, le niveau régional, en vertu de la loi 65, n'a que des pouvoirs de consultation et que des pouvoirs d'avis. Il a aussi, selon la loi 65, en maintenant tous les représentants des anciennes corporations sous les conseils d'administration, politiquement favorisé le statu quo et le maintien de la suprématie médicale de tous les privilèges qu'elle comporte. La structure même qu'on a voulu maintenir, ou en tout cas, protéger en vertu de la loi 65, a certainement conduit qu'en fait, aujourd'hui ces conseils d'administration se sont livrés, depuis la loi 65, à ces décisions auxquelles le ministre des Affaires sociales se sent obligé de répondre, parce qu'il constate, sur le plan financier, les conséquences qu'elles ont engagées.

La deuxième responsabilité du gouvernement, M. le Président, dans cette hausse des coûts de l'administration des centres hospitaliers — je l'ai abordée en parlant de la structure à implanter par la loi 65 — tient au fait que le ministre n'a pas voulu toucher aux pouvoirs des médecins qui contrôlent effectivement l'hôpital, sans égard aux coûts. Je suis étonné que le ministre ne fait rien pour diminuer les coûts dans les secteurs où l'administration n'est pas responsable car, M. le Président, la vie réelle et interne des hôpitaux est bien autre chose qu'un organigramme, qu'une explication très administrative que l'on puisse déposer pour information du large public ou même pour l'intérêt des membres de la commission.

La vie interne et quotidienne des hôpitaux les met effectivement au service des médecins et non pas des patients. A plusieurs endroits, et la taille de l'hôpital est un facteur considérable, ils peuvent effectivement en être les rois et maîtres. Ce sont eux qui, à l'occasion, peuvent exiger des équipements sophistiqués et souvent inutiles, par esprit de compétition, par exemple avec des confrères. Par exemple, on signale que la plupart des hôpitaux ont des microscopes électroniques qui ne sont pas utilisés au maximum de leur capacité et qui comportent des coûts d'administration, des coûts d'achat et d'entretien élevés. Ce sont eux qui prescrivent, ce sont eux qui contrôlent l'admission et la sortie, qui utilisent les fournitures. Dans la région de Québec, dont on parlait cet après-midi en Chambre, certains laboratoires de cytologie font des examens pour la pratique privée, alors qu'un seul laboratoire est autorisé à en faire.

Ce que le ministre oublie de dire aussi, c'est que le choix de les rémunérer à l'acte impliquait nécessairement une tendance à l'augmentation des coûts de la santé et qu'enfin la façon dont est alloué le contrôle sur l'utilisation des lits dans les hôpitaux entraîne nécessairement une utilisation, non pas en fonction des malades, mais en fonction des médecins. Le fait que les lits soient octroyés dans les hôpitaux — loi 65 ou pas — toujours selon la formule traditionnelle du patron qui possède un certain nombre de lits dans une unité qu'il peut, à sa guise, remplir à capacité ou, selon son horaire personnel, pousser à vider le plus rapidement possible, tout cela a des conséquences directement administratives sur les dépenses à l'intérieur d'un centre hospitalier. Cette prérogative n'a été touchée par aucune politique, aucune directive ou aucune tendance de normes émanant du ministère des Affaires sociales. Il y a aussi ce phénomène dont on parlera un peu plus longuement tout à l'heure, soit celui de l'utilisation des cliniques extrenes comme véritables cabinets privés de certains médecins.

Une troisième responsabilité du gouvernement sous l'angle de la hausse des coûts, nous en avons déjà parlé, je la signale, est le fait que le Québec est considérablement en retard sur l'Ontario, par exemple, endroit privilégié de comparaison dans l'intervention du ministre des Affaires sociales devant l'AHPQ, sur les soins préventifs et les soins à domicile, ce qui a, effectivement, un effet considérable sur les besoins de soins curatifs en institution et qui augmente donc — et là, on rejoint la statistique première à laquelle je me référais — la durée de séjour de certains patients dans les hôpitaux et ainsi augmente le coût de fonctionnement de certains centres hospitaliers.

Je m'en voudrais de ne pas signaler que, dans cette intervention à l'AHPQ où le ministre accusait littéralement ou presque les centres hospitaliers de faire du patronage, s'il se trouve certains membres de conseils d'administration en conflit d'intérêts, ce sont ceux que très souvent le ministre des Affaires sociales a lui-même recommandés pour nomination au lieutenant-gouverneur.

Je sais que cette assemblée a voté une loi qui visait à exclure des conseils d'administration toute personne pouvant se trouver en conflit d'intérêts; il reste qu'elle n'a pas eu toutes les suites que nous pouvions espérer et qu'effectivement certains conseils d'administration doivent ajouter comme facteur à la hausse des coûts certaines pratiques qu'a voulu même contenir le ministre des Affaires sociales.

La cinquième responsabilité: une façon de réduire les coûts suggérée par le ministre est certainement le regroupement des achats des services. Je sais que certains CRSSS ont procédé à des efforts pour arriver le plus rapidement possible à une politique de regroupement d'achat des médicaments, mais c'est l'AHPQ qui a fait des efforts dans ce domaine, beaucoup plus que le ministère des Affaires sociales.

Lors de l'étude des crédits, l'année dernière, c'est le ministre lui-même qui mettait en doute la valeur d'un regroupement d'achat de médicaments, malgré les économies escomptées.

Je conclus avec cela: Je pense que tous ces facteurs, loin d'absoudre les administrations locales, complètent, à mon avis, un tableau des causes et des responsabilités et des administrations locales et du gouvernement lui-même, dans cette hausse des coûts d'administration de centres hospitaliers à laquelle nous avons assisté au cours des dernières années et qui se veut tellement évidente maintenant que le ministre a cru bon intervenir avec les restrictions budgétaires dont nous parlons.

Sans demander au ministre des Affaires sociales de plaider coupable sur les points que je viens d'énumérer, j'aimerais qu'il ajoute aux éléments qu'il a prononcés en novembre dernier ses commentaires sur ces différents facteurs qui ont pu contribuer tout aussi indirectement que directement à la hausse des coûts que la pratique administrative même des conseils locaux d'administration.

Le Président (M. Kennedy): Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président, je suis vraiment stupéfait des remarques que j'entends de la bouche du député de Saint-Jacques. J'avais cru comprendre que, depuis quelques années, il s'est passé bien des choses dans le domaine de la santé au Québec et qu'il y avait eu passablement

de bouleversements. C'était peut-être une illusion d'optique. Au moins à entendre le député de Saint-Jacques, on serait prêt à conclure que, effectivement, il ne s'est rien fait. Je ne crois pas que je serais le seul à être stupéfait par une conclusion comme celle-là.

Il y a tellement de choses que je pourrais dire que je dois presque confesser que je ne sais vraiment pas par quel bout commencer. Il y a la description que je pourrais faire abondamment d'abord du phénomène économique que représente la santé au Québec, qui est.à la base, dans le fond, de nos préoccupations, parce qu'il semble que le Québec consacre une part beaucoup plus que proportionnelle de ses ressources au secteur de la santé qu'il n'est normal, si on regarde du moins la plupart des provinces, des Etats ou des pays autres que le Québec. Je ne citerai cependant que quelques chiffres. Je pense qu'il faut commencer par là. Il faut certainement indiquer que nos préoccupations ne sont pas basées sur des préoccupations d'ordre budgétaire à court terme. Il est vrai qu'il y a des difficultés financières dans une année de récession économique; pour tous les gouvernements provinciaux, fédéraux, municipaux, cette année est une année difficile, mais on est capable de traverser l'année en cours sans catastrophe.

Le problème des coûts de la santé dépasse de loin en signification dans sa portée, dans ses conséquences, pour le Québec, les difficultés passagères d'une année financière donnée.

La façon la plus sommaire de traîter du problème est de regarder le pourcentage du produit provincial brut du Québec qui est consacré aux dépenses de santé. On constate que le Québec consacre 5,5% de son produit provincial brut et que l'Ontario y consacre 4,25%. Pourquoi l'Ontario? Parce que c'est une province d'une population à peu près comparable sur le plan du nombre, sur le plan de l'urbanisation et dont les standards de service ne sont certainement pas inférieurs aux nôtres, et qui, par conséquent, offre un bon point de comparaison. On ne peut pas se comparer aussi facilement avec l'Etat du Massachusetts, par exemple, qui a aussi une population identique à celle du Québec, environ 6 millions, parce que, là, le système des services de santé est trop différent pour pouvoir faire une comparaison. Je pense qu'il est assez normal de se comparer avec l'Ontario, et c'est seulement pour cette raison de convenance — l'Ontario consacre 4,25% — et je le rappelle encore une fois: 5,55% pour le Québec, donc il y a là un écart de 1,25% du produit provincial brut. C'est au niveau le plus agrégatif.

On peut dire, bien sûr, qu'il est normal que, dans une province plus pauvre, il y ait une part plus importante du produit provincial brut qui soit consacrée aux dépenses de santé.

Effectivement, lorsqu'on se compare à Terre-Neuve, on est dans une position privilégiée, si on veut. Le raisonnement est bien simple. Il faut payer les médecins à peu près le même prix partout, parce qu'en principe ils sont mobiles. Ce prix est relativement plus élevé, par rapport au revenu à Terre-Neuve, qu'il ne l'est par rapport au revenu en Ontario. C'est normal, mais cela ne peut pas tout expliquer, puisque les niveaux de salaire dans les hôpitaux reflètent également les différences de richesse relative des provinces. Il y a des arguments qui vont en faveur d'une explication différentielle, mais il existe et il est d'une importance troublante.

Maintenant, si on regarde plus en détail, on voit que le coût par habitant des services aux malades hospitalisés, les services internes, laissons de côté les services externes, où là, il y a tout un problème de choix entre la pratique en cabinet privé et la pratique en milieu hospitalier, et cela diffère d'une période à l'autre, cela diffère d'une province à l'autre, mais au moins, pour les malades hospitalisés, on se rend compte qu'il y a un écart toujours défavorable au Québec. Il s'agit là d'une chose beaucoup moins compréhensible. On a un coût per capita, non pas par jour d'hospitalisation, mais par habitant, pour l'ensemble des dépenses hospitalières au Québec, qui est en 1975 de $157 et en Ontario de $148. Tout cela, avec des niveaux de salaire, dans nos hôpitaux, en 1975, qui étaient très nettement inférieurs aux niveaux de salaire dans les hôpitaux de l'Ontario, puisqu'on a fait un rattrapage dans nos offres du mois de novembre, c'est donc qu'il y avait un important rattrapage à faire. Or, ces niveaux de dépenses estimés pour 1975 reflètent les salaires payés avant les offres déposées en novembre.

Si on regarde encore plus en détail, on se rend compte que cette différence a existé depuis plusieurs années, que le taux d'accroissement des dépenses, malgré tout, n'est pas tellement ce qui peut nous préoccuper dans l'ensemble, puisque ce taux de dépenses a subi un ralentissement depuis cinq ans. Je crois que les efforts faits par le ministère des Affaires sociales, depuis cinq ans, il est possible d'en démontrer l'impact. A part ce ralentissement du taux d'accroissement, malgré tout, le niveau des dépenses — on partait déjà trop haut, et même si on a ralenti l'accroissement, on finit la période de cinq ans encore plus haut que l'Ontario, parce que, bien sûr, même si on a ralenti, on n'a pas ramené à zéro l'accroissement de ce coût, et de beaucoup s'en faut!

Non seulement cela nous coûte-t-il plus cher au Québec qu'en Ontario pour faire fonctionner nos hôpitaux, mais on fait moins de choses avec nos hôpitaux, on s'occupe de moins de gens, et, encore là, de façon très sommaire. Il n'y a pas d'hypothèse, ce sont seulement les faits qui parlent par eux-mêmes. Bien sûr, si on veut l'expliquer, ce sera beaucoup plus compliqué, sans aucun doute, et on n'a pas d'explication absolument à l'épreuve de toute critique, mais, quand même, les faits ne prêtent pas à beaucoup de contestation. Si on regarde le nombre d'admissions, de personnes qu'on admet dans un lit en moyenne, dans une année, en 1974, au Québec et en Ontario, on se rend compte, pour ce qui est des hôpitaux généraux d'enseignement public, c'est-à-dire les grands hôpitaux d'enseignement, qui correspondent à peu près à la moitié du total des lits pour des soins de courte durée, qu'on faisait un peu moins de 25 admissions au Québec par lit,

dans une année, alors qu'en Ontario on en faisait un peu plus de 30; cinq admissions de plus par lit, c'est 20% d'admissions de plus qu'on fait. On utilise pour 20% plus de gens les hôpitaux en Ontario. Pourtant, au Québec, ce même lit coûte déjà plus cher. Il coûte plus cher et on réussit à lui faire rendre moins de services et à un moins grand nombre de personnes. C'est préoccupant.

Non seulement admet-on moins de monde, mais on admet moins de monde parce que, dans une certaine mesure, on ne réussit pas à occuper aussi complètement nos hôpitaux ici que l'on réussit à le faire en Ontario. Pour 1974, on a un taux d'occupation de 76% et de 82% pour l'Ontario, la même année. Il y a là 5% de différence dans le taux d'occupation. Il y a donc un investissement de centaines de millions de dollars consenti par les Québécois, à même les revenus des impôts, qui dort, en quelque sorte, qui n'est pas utilisé. Et non pas parce qu'on n'y met pas l'argent pour le faire fonctionner.

Encore une fois, dans les budgets de fonctionnement, on a des dépenses plus considérables. On a le début d'une espèce de mystère dans le fonctionnement de nos services hospitaliers. Si on se penche plus à fond, on se rend compte que ces hôpitaux qui sont moins remplis, qui admettent moins de gens, toutes proportions gardées, sont, malgré tout, utilisés pour garder les gens un peu plus longtemps.

Le député de Saint-Jacques dit: C'est parce qu'on fait moins de prévention ici qu'ailleurs, parce qu'on a moins de services à domicile ici qu'en Ontario. Je me demande bien où il a pu prendre ce renseignement. Dans le contexte hospitalier, on a eu l'occasion de discuter des services à domicile lors de l'étude d'autres éléments des crédits. Ils sont plus développés au Québec, malgré leur état relatif de sous-développement par rapport à un idéal, qu'ils ne le sont dans les autres provinces. Cette année, nous consacrons quelque $20 millions pour les services infirmiers à domicile. J'aimerais bien savoir si on a des montants équivalents pour les hôpitaux ontariens. C'est un programme qui a eu une faveur particulière au Québec et pas depuis un ou deux ans, parce que cela prend plus de temps pour avoir un impact, mais depuis 1966; cela fait dix ans qu'il y a des services à domicile, en relation avec les services hospitaliers au Québec, et pourtant le taux d'hospitalisation, c'est-à-dire le nombre de jours d'hospitalisation, relativement au chiffre total de la population, est constant, à 1,2%, depuis dix ans. Il n'y a eu aucune modification, ni à la hausse, ni à la baisse.

Si on regarde l'évolution des coûts, dans tous les secteurs d'activité hospitalière, on a des écarts. On a des écarts dans le secteur de l'administration. J'y reviendrai tantôt, puisqu'on a fait allusion au problème des regroupements d'achats, des regroupements d'activités. Des développements se sont fait jour de ce côté sur lesquels j'aimerais faire le point. Il y a des dépassements quant à l'impact proprement médical de l'activité hospitalière, c'est-à-dire l'utilisation des médicaments, l'utilisation des procédures diagnostiques de labo- ratoire, de radiologie, qui est immensément plus grande par admission au Québec que ce n'est le cas en Ontario.

L'automne dernier, dans mon discours à l'Association des hôpitaux, j'ai dit qu'effectivement on pouvait estimer à $56 par admission la différence entre le coût total de tous les examens de laboratoire et de radiologie qu'on exécute au Québec et l'équivalent en Ontario, par admission. Tenant compte du nombre différent d'admissions, du chiffre différent de la population, tenant compte d'une personne qui se présente à l'hôpital pour une hospitalisation, on dépense, en moyenne, $56 par rapport à $116. C'est donc 50% de plus au Québec qu'en Ontario pour ces activités. Ce n'est pas rien! C'est une somme considérable! Comme on fait à peu près 700 000 admissions, c'est $35 millions que l'on consacre à des activités d'investigation diagnostique de plus qu'on ne le fait en Ontario.

Enfin, il y a le problème du personnel. Dans nos centres hospitaliers, le personnel a toujours été plus élevé que ce n'était le cas en Ontario. Il y a eu une évolution à la hausse dans l'ensemble. Je cite les chiffres, parce que, dans le contexte actuel, on parle beaucoup de charge de travail, de mobilité, de toutes sortes de choses dans le secteur des hôpitaux. Je crois que cela aide à préciser les idées là-dessus. Ce sont des chiffres qui ne sont même pas les chiffres du ministère des Affaires sociales. Remarquez que ce sont des chiffres qui sont tirés de publications de Statistique Canada, qui obtient ses rapports directement des hôpitaux. Ce sont donc les chiffres des hôpitaux eux-mêmes, transmis à une agence fédérale, totalisés et publiés, que tout le monde peut connaître. Donc, il ne s'agit pas de biaiser la présentation. C'est le total des heures rémunérées par journée d'hospitalisation. C'est une façon comme une autre d'établir une comparaison qui est très défendable, je pense. En 1969 déjà, on avait 4,7 heures par opposition à 4,6 en Ontario. Un écart, si on veut, en terme de ratio; le Québec, par rapport à l'ontario, était à 102% quant au nombre d'heures rémunérées dans les hôpitaux.

En 1974, après quelque six ans d'évolution, le Québec se situait à 12,5% de plus quant au total d'heures rémunérées, par rapport à l'Ontario. On me dira: Les heures rémunérées, ce ne sont pas les heures travaillées. Il y a les congés, les vacances, les congés de maladie. Je veux bien, il ya tout cela. Mais je n'ai jamais entendu dire que, dans les hôpitaux d'Ontario, les gens ne prenaient pas de vacances, n'étaient pas malades, etc.

Donc, ces 12%, il ne faut pas les expliquer par les bénéfices, il faut les expliquer par la différence des bénéfices sociaux. Comme on sait que les bénéfices sociaux peuvent représenter quelque 25%, on ne peut pas attribuer tout l'écart aux différences dans les bénéfices sociaux. On sait, par ailleurs, que les différences ne sont pas si considérables que cela. Il faut bien admettre qu'il y a plus de gens dans nos hôpitaux pour faire les mêmes tâches et peut-être des tâches un peu inférieures, parce que, les séjours étant plus longs, en moyenne, au Québec et que, l'intensité des soins étant moindre dans les dernières journées d'un sé-

jour plus long, répartie sur l'ensemble, la tâche est peut-être un peu moindre dans nos hôpitaux. Il y a, malgré tout, 12,5% de plus de personnel qui, en 1974, était payé, ou 12,5% de plus d'heures rémunérées.

Pour ce qui est du personnel à plein temps, par 100 lits, on a expliqué à plusieurs reprises, à l'Assemblée nationale, des ratios qui sont inquiétants également, quelque 2,6%. Si on comprend le personnel à plein temps ou équivalent à plein temps, on obtiendrait des ratios différents.

Mais en prenant les comparaisons identiques, on a un ratio qui peut atteindre jusqu'à 2,6 employés par lit, ou, si on veut, 260 employés par 100 lits, alors que, dans tous les pays que l'on connaît, qu'il s'agisse d'autres provinces canadiennes, qu'il s'agisse des meilleurs hôpitaux américains, les grandes cliniques américaines qui sont connues dans le monde entier, qu'il s'agisse des hôpitaux français, j'ai posé personnellement la question à des administrateurs de grands hôpitaux universitaires, par exemple à Nancy ou à l'administration d'assistance publique, à Paris, le calcul normal, c'est deux employés par lit.

J'étais en Finlande cette année. Au grand hôpital universitaire de Helsinki, où il y a 2000 lits, il y a 187 employés pour 100 lits, donc, moins de deux employés par lit, dans un pays où, après tout, il y a cinq semaines de vacances pour les employés, annuellement.

Evidemment, les heures sont plus longues. Malgré tout, si l'on fait le bilan, le nombre d'employés par lit au Québec est le plus élevé dans le monde entier. C'est la seule conclusion à laquelle on peut en venir. Je n'ai pas investigué dans les hôpitaux du Kenya, mais, avec les chiffres que l'on connaît, on a plus de monde dans nos hôpitaux au Québec, qu'il n'en existe dans aucun autre pays civilisé connu.

C'est inquiétant. Ce n'est pas inquiétant pour le gouvernement, ce n'est pas inquiétant pour le budget. On peut s'en tirer cette année. On pourra également, s'en tirer l'an prochain.

Il reste que ce sont des ressources que la collectivité a et qu'elle consacre de façon apparemment pas très rentable. Elle se prive, en ce faisant, d'autres possibilités et d'autres services, d'où la nécessité — et je ne veux pas ennuyer les membres de la commission avec des statistiques — il y en a des tonnes, littéralement. Je vais essayer de prendre celles qui sont les plus significatives, de résoudre le problème qu'on a.

On a un problème, un problème qu'on essaie de résoudre. De quelle manière? Il y a plusieurs fronts à cette question-là. Il y a le front purement administratif. C'est le plus facile, évidemment, sans dire qu'il est très facile. Il y a, bien sûr, des évidences, comme le regroupement des achats et des choses comme cela.

Je crois qu'on peut dire, à l'heure actuelle, que le regroupement des achats, dans le secteur des services hospitaliers, est une chose qui est une réalité dans toutes les régions du Québec. Ce n'est pas une très vieille réalité.

Le député de Saint-Jacques a dit tantôt: Ce n'est pas le ministère des Affaires sociales qui a fait cela, c'est l'association des hôpitaux. Je ne disputerai pas à l'association des hôpitaux le mérite d'avoir fait une bonne chose comme celle-là. Je pense qu'il faut malgré tout, pour le bénéfice des historiens, si ce n'est pas pour le bénéfice de la commission, dire que, lorsque l'association des hôpitaux a entrepris cette initiative en 1970 et en 1971, elle l'a fait avec l'appui technique et financier du ministère, en pleine connaissance de cause, et elle l'a fait de façon intérimaire, en attendant que des structures régionales soient mises en place.

Donc, il y a eu au moins une collaboration éclairée de la part du ministère et, depuis, il y a eu un appui non équivoque du ministère pour que les conseils régionaux mettent en place des structures d'achat en commun.

Les bienfaits de cela sur le plan économique ne sont plus à démontrer. Dans la seule région de Montréal — je l'ai indiqué aussi, ce n'est qu'un exemple, mais il parle par lui-même — seulement pour l'achat de l'huile à chauffage, l'an dernier, on a économisé, par les achats en commun, $500 000 durant l'année. C'est un système qui se généralise un peu partout, pour les achats de fournitures, pour les achats de médicaments également.

Le problème de l'achat en commun des médicaments pose de très sérieuses difficultés, parce qu'il y a une juridiction partagée à l'intérieur des centres hospitaliers entre le pharmacien en chef et l'acheteur ou le directeur des finances, ou le directeur général. Il reste qu'il faut faire une certaine standardisation. On ne peut pas acheter en commun des milliers et des milliers de produits. Le ministère, depuis deux ou trois ans, publie une liste de médicaments à l'intention des milieux hospitaliers.

Le but n'est pas d'être indûment restrictif. C'est de réduire à une proportion, à un nombre convenable, le nombre de produits qu'il faut acheter en commun. A cet égard, tous les administrateurs qui ont pris connaissance de cette liste, l'ont appliquée, ont constaté qu'elle était un instrument indispensable pour réduire les inventaires qui se montent autrement à des centaines de milliers de dollars. Ils ont procédé à l'achat en commun des médicaments, ce qui est favorisé, ce qui est encouragé par le ministère et ce qui n'est pas une procédure rigide au point où un bon centre hospitalier, qui veut un médicament spécial ou nouveau, n'est pas en mesure de faire des exceptions. C'est prévu au règlement.

Lorsque j'ai fait une déclaration sur la mise en commun des achats, l'an dernier, je ne parlais pas du problème des achats en commun sur une base régionale que nous favorisons, mais sur une proportion qui avait été faite par certaines provinces pour créer une agence canadienne d'achat en commun de médicaments pour tous les hôpitaux de toutes les provinces à la fois. C'était une machine d'une grosseur à faire peur, littéralement, parce que, quand on sait les problèmes pratiques que vivent une dizaine d'hôpitaux dans une région pour s'entendre sur la liste des médicaments qu'ils vont commander en commun, on ne peut pas s'imaginer ce que pourrait être la négociation

d'une liste nationale et la distribution de tout cela. C'était une idée impraticable, à mon avis, qui a été mise de côté pour le moment, du moins. Peut-être y reviendrons-nous un jour. Mais, il y a beaucoup d'autres mesures qui sont susceptibles d'améliorer l'administration des hôpitaux.

Il y a quelques années, le ministère a publié des directives relativement à l'exclusion de certaines dépenses qui sont assumées par les hôpitaux, parce qu'il y a parfois une conception assez naïve de ce qu'est l'économie ou de ce qu'est l'efficacité dans le secteur hospitalier ou dans quelque secteur que ce soit. Lorsqu'on dit que nos hôpitaux coûtent cher, ce n'est pas que les gens mettent l'argent dans leurs poches. Il y a toujours des pièces justificatives pour expliquer les dépenses les plus outrageusement élevées. Le problème n'est donc pas un problème de malhonnêteté. Je ne dis pas qu'il n'y en a jamais. Il y a même des vols dans les hôpitaux. Il y en a malheureusement dans toutes les entreprises un peu importantes. Les gens se servent à même les draps, les crayons, les enveloppes, même les téléphones interurbains. C'est un problème que le gouvernement connaît. C'est le problème que les hôpitaux connaissent comme n'importe quelle grosse entreprise. Je ne veux pas en minimiser l'importance. Il est considérable dans certaines institutions, mais, malgré tout, ce n'est pas là le problème clef.

Le problème clef, c'est que certaines dépenses se font véritablement et ne devraient pas se faire. Nous avons des exemples de services qui ne sont pas compris dans les conventions collectives, qui sont parfois donnés fort libéralement. Cela peut aller de l'accès à une photocopieuse qu'on utilise pour des fins privées. Je sais que tout le monde connaît le phénomène pour l'avoir vu au moins de près, à un moment ou l'autre dans sa vie, mais cela peut aller aussi à des stationnements offerts gratuitement. Cela ne fait pas tellement longtemps qu'on en faisait usage. On pouvait dépenser $800 000 pour avoir un parc de stationnement magnifique, nettoyé l'hiver, avec gardien, éclairage et tout ce qu'on veut. Tout cela, c'était le contribuable qui le payait. Je pense que c'est une subvention à l'utilisateur d'automobile dont on peut se dispenser à notre époque.

La même chose pour les repas, nous avons estimé que le coût des repas ou des subventions aux repas pris par les employés des centres hospitaliers coûtait, aux contribuables québécois, quelque chose comme $20 millions annuellement qui s'ajoutent donc à la masse salariale. C'est un déficit de fonctionnement.

Fort heureusement, dans la négociation en cours, la solution à ce problème commence à apparaître de façon plus distincte. Il vaut mieux verser aux gens $20 millions de plus et les laisser manger où ils veulent que de les forcer à manger à un endroit où peut-être ils n'aiment pas la nourriture et engendrer un système où on donne un tas d'histoires en nature. C'est l'héritage d'une période où on engageait des déficients mentaux dans les hôpitaux pour ne pas avoir à les payer décemment. Je pense qu'il y a des reliquats auxquels il faut mettre fin. Nous sommes en train d'y mettre fin.

Il y a donc un tas de mesures qui sont susceptibles d'apporter des réponses sur le plan administratif. Les efforts doivent être poursuivis, doivent être constants. Il y a aussi un abus de personnel administratif. Dans un réseau qui, paradoxalement a l'air parfois sous-administré, malgré tout.

Il y a plusieurs années, des formules administratives ont été supprimées pour diminuer le travail de secrétariat dans les services d'admission. Or, malgré des lettres et des directives, on va visiter un hôpital, et on se rend compte qu'il y a cinq secrétaires qui dactylographient encore des formules qu'on a supprimées il y a cinq ans. C'est assez paradoxal, mais c'est comme cela dans un réseau qui a une certaine importance et où les problèmes de communication existeront toujours.

Quant aux conseils régionaux, on fait beaucoup état du rôle des conseils régionaux ou du rôle qui, prétendument, ils n'ont pas. Le problème du contrôle des coûts dans un réseau qui comprend plus de 1000 établissements et un problème d'une complexité et d'une difficulté énorme.

L'opposition que semble faire le député de Saint-Jacques quant aux recommandations de la commission Castonguay et l'attitude subséquente des fonctionnaires qui n'auraient pas fait confiance au réseau et qui auraient prévalu pour ne pas effectuer autant de décentralisation que le rapport de la commission d'enquête le recommandait, c'est une opposition factice. Il s'adonne que ce sont les mêmes individus, dont celui qui vous parle qui, à la fois, ont rédigé ces parties du rapport de la commission d'enquête, et qui ont eu à en appliquer les recommandations subséquemment. Je puis vous affirmer que, quelle que soit la confiance que l'on puisse faire dans la notion de décentralisation, dans la notion de leur donner un cadre, des contraintes générales et leur laisser assumer leurs responsabilités, il aurait été absolument coupable il y a quelques années de passer le problème en entier aux conseils régionaux, de s'en laver les mains sur le plan gouvernemental. C'est à peine si on commence à cerner le problème du contrôle des coûts. Je reviendrai sur les raisons pour cette difficulté. C'est à peine si on commence à cerner le problème et avoir un certain sentiment qu'on peut en venir à bout. Il aurait été coupable de confier à dix administrations régionales sous-équipées, pas nécessairement en argent, mais simplement en personnel expérimenté, une tâche qui les aurait très évidemment dépassées. On aurait eu sur le plan régional des déficits d'exploitation absolument gigantesques, parce qu'il faut une certaine expérience, il faut une certaine maturation pour assumer ce genre de responsabilités. C'est une responsabilité que nous essayons de plus en plus de leur donner, parce qu'il est très clair que le ministère des Affaires sociales, pas plus probablement que le ministère de l'Education, ne peut administrer directement 1000 établissements. Ce serait la catastrophe. Ce serait, à mon avis, la pire décision qui pourrait être prise

que de tenter d'administrer directement un réseau de cette importance. Cela s'arrêterait dans un grincement épouvantable. Il n'y aurait plus rien qui se ferait.

Il faut trouver la meilleure façon de décentraliser. Il n'est pas question de savoir si on doit décentraliser ou non, il s'agit de trouver la vraie façon. C'est un processus d'éducation. Pour faire comprendre ce processus, il n'y a rien de mieux que de revenir en arrière, au moment de la création de l'assurance-hospitalisation où, en 1960 ou 1961, lorsque le gouvernement nouvellement élu, largement sur cet engagement d'introduire l'assurance-hospitalisation dont on était privé, même si la loi fédérale était adoptée à ce moment depuis deux ans, a décidé tout à coup de créer un service nouveau et de lancer ce programme en l'espace de quelques mois. Ce qui est arrivé, c'est que le réseau hospitalier, à l'époque, était complètement incapable de faire face à une telle charge, était complètement dépourvu sur le plan administratif.

Il a fallu que, pendant des années, le ministère de la Santé de l'époque fasse littéralement l'école aux administrations hospitalières qui étaient administrées, en toute bonne foi, par la soeur économe de l'époque, dans un climat antérieur à la syndicalisation, dans un climat de bonhomie et de simplicité qui, malheureusement, est disparu avec le temps et par la force des choses, et c'est progressivement que ce travail d'éducation a été fait dans le secteur hospitalier. Cela a pris plusieurs années et, maintenant, il y a là des individus valables qui ont acquis une expérience et qui l'ont fait sur la base de certaines notions d'administration et de gestion qui nous permettent de nous reposer sur eux.

Sur le plan régional, la même chose se produit. Il y a, de plus en plus, une capacité à assumer certaines responsabilités. Nous leur avons confié non seulement les achats en groupe, mais également certaines tâches relativement plus modestes d'allocation de ressources sur le plan de petits aménagements, par exemple, de moins de $50 000, sous la surveillance du ministère, mais une surveillance, disons, lointaine, quant à la correction du processus, à l'absence de plaintes, etc. C'est une vérification plutôt qu'une autorisation préalable. Des allocations de ressources se font localement, à même les enveloppes régionales prévues pour ces fins, et je dois dire que le résultat de cette expérience nous donne raison de croire que nous avons là une solution qui permet d'éviter la centralisation excessive et qui permet de régler infiniment plus rapidement, avec infiniment moins de "red tape", un tas de problèmes qui, auparavant, étaient tous acheminés sur le bureau du ministre tôt ou tard.

Le même développement s'est fait cette année. Nous avons autorisé, à même les ressources des chambres privées et semi-privées, les établissements hospitaliers à affecter une partie de leur revenu aux équipements qui constituent, dans le fond, l'élément de motivation par excellence dans le milieu hospitalier, puisque chacun essaie de se pourvoir de tous les gadgets du métier, comme c'est normal, et peut d'autant mieux le faire qu'il est capable désormais de mieux gérer et de mieux dégager les surplus nécessaires au financement de ces achats. Une certaine partie de ces sommes est consacrée à un fonds régional, et nous avons demandé à tous les hôpitaux de se concerter dans l'utilisation de ce fonds, de manière à faire se dégager du milieu hospitalier lui-même les arbitrages, les choix et les dédoublements qu'il faut supprimer quand on sera forcé, comme on l'est depuis le 1er avril de cette année, à attribuer une somme d'argent fixe en fonction des priorités; les doubles emplois vont, nous l'espérons du moins, progressivement disparaître, puisque ce sont les gens du milieu hospitalier qui les connaissent beaucoup mieux que les fonctionnaires du ministère des Affaires sociales, beaucoup mieux que le ministre, qui n'ont toujours leurs renseignements que de seconde main.

Donc, il y a véritablement, du côté de la régionalisation, des démarches qui sont entreprises pour déconstiper un système qui, s'il est trop centralisé, ne peut pas donner satisfaction, qui a été une source de frustration dans le passé, mais de le faire de façon raisonnable en éduquant les gens, en leur donnant la possibilité, d'abord de façon limitée, puis un peu plus large, d'assumer ces responsabilités, d'apprendre de leurs erreurs — ils n'en feront pas plus que le ministère, de toute façon, sur une période de temps — et, sous la responsabilité qu'on ne peut pas déléguer, elle, du ministre et du ministère, de voir à ce que les fonds publics soient employés pour les fonds auxquels, de façon générale, ils sont destinés, de faire fonctionner plus efficacement le réseau. Ceci, sur le plan administratif.

Sur le plan médical, le député de Saint-Jacques a abordé un problème qui est extrêmement délicat. Je pense qu'il s'en doute puisqu'il fait allusion à la relation extrêmement délicate, extrêmement difficile entre les administrateurs et la profession médicale.

Il est clair que, lorsque tous les gouvernements successifs et, d'ailleurs, tous les partis, ont dit à la population: Vous avez désormais des droits à la santé et à tous les services qui sont nécessaires au maintien de la santé, ils ont fait là une promesse qui a des implications dont on découvre tous les jours les ramifications.

Est-ce que nous voulons dire par là que tout ce qui peut être imaginé comme découlant de ce droit à la santé, même les examens les plus spécialisés, les plus coûteux, même les dépistages qui, parfois, ne réussissent pas à dégager plus qu'un cas problème sur mille, est-ce que tout cela doit être accepté sans question jusqu'à l'épuisement de toutes nos ressources collectives? Cela est un problème que la collectivité québécoise, comme bien d'autres, n'a pas encore tranché de façon définitive.

Faut-il consacrer toutes nos ressources jusqu'à ce qu'on soit à bout d'imagination? Je pense qu'on réalise de plus en plus que la réponse est non.

On n'a pas pour autant encore débouché sur des solutions extrêmement concrètes. Cependant, lorsqu'on regarde le fonctionnement des centres hospitaliers, tel que décrit dans la réglementation, selon la Loi des hôpitaux et maintenant, en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, on remarque que le premier mouvement, le plus normal, a été là aussi de faire confiance à la profession médicale et de lui permettre de fonctionner à l'intérieur des différents comités du conseil des médecins et dentistes, soit ceux qui portent sur la durée de séjour, soit ceux qui portent sur d'autres aspects de la pratique professionnelle en établissement, ces comités de pairs qui doivent, progressivement, par leur action, définir ce qui est médicalement nécessaire et ce qui est superflu.

Il est clair que, dans l'exercice de leur rôle, les médecins ne peuvent ignorer l'existence de contraintes financières. Ces contraintes existent et elles existent pour la société en général et donc pour eux aussi.

Il y a, je pense, un long apprentissage à faire dans la conciliation qui doit être faite entre ce qui semble médicalement souhaitable dans certains cas et ce qui est matériellement possible. Encore une fois, il n'est pas imaginable qu'on aille jusqu'au bout de son imagination dans tous les cas.

Cependant, nous voudrions que la ligne de démarcation entre ce qui est simplement désirable et ce qui est possible dans des circonstances définies soit assumée, progressivement de plus en plus, par des conseils de médecins et dentistes qui sont conscients des dimensions sociales de leurs activités.

Je dois dire que ce n'est pas un vain espoir. C'est un espoir qu'on peut voir se réaliser déjà dans certains centres hospitaliers où le taux d'accroissement, par exemple, du recours aux procédures diagnostiques a subi, sinon un plafonnement, du moins un ralentissement marqué. Ce sont encore des exemples isolés.

Si on regarde à l'extérieur de nos frontières, on remarque que ce sont les comités de pairs qui, dans la plupart des régimes d'assurance-maladie dans tout le monde entier assurent une certaine discipline professionnelle, non seulement sur la qualité de l'acte lui-même, mais aussi sur son opportunité sociale étant donné les coûts qui sont entraînés par la collectivité par chaque décision.

On ne peut pas se substituer à la responsabilité professionnelle et, quand on essaie de le faire par des règles de paiement, quand on essaie de le faire par des règles administratives, si on ne bénéficie pas d'une collaboration active de la profession médicale, alors, on se trouve devant des phénomènes où les gens essaient de passer à travers la lettre des règlements ou des directives et on a des situations qu'on a eues à déplorer dans l'assurance-maladie à l'occasion — c'est un autre sujet — mais la même idée existe. Il faut que la nécessité sociale, un certain contrôle, une certaine restreinte ou "self restreint" pour employer les termes anglais soit acceptée par la profession médicale et qu'elle joue pleinement leur jeu.

Les réformes introduites depuis quelques années, à cause d'un effet un peu choc sur la profession médicale, ont peut-être empêché que ce processus se fasse aussi rapidement qu'il serait souhaitable dans l'abstrait, mais malgré tout ce choc initial d'introduction du régime d'assurance-maladie, je crois — il est maintenant quelque cinq ans et demi en arrière de nous — qu'il sera possible et qu'il est possible, dans un certain nombre de milieux, de voir s'amorcer une collaboration beaucoup plus active entre les administrateurs et la profession médicale.

C'est un défi immense. Aucune société moderne n'a complètement relevé ce défi. Parfois, on l'a relevé pour des groupes limités de bénéficiaires, sur une base purement volontaire et on peut citer certaines expériences américaines, très intéressantes, de groupes privés qui fonctionnent sur une base purement volontaire. Le régime universel, évidemment, que nous avons, interdit presque de penser à une approche purement volontaire comme solution générale, mais il est clair que, dans certains établissements, déjà on a relevé ce défi et que rien dans la loi actuelle, ni dans les règlements ne s'oppose à cela. Bien au contraire. Il y a des possibilités de collaboration par le rôle très important que la loi et les règlements attribuent au conseil des médecins et dentistes sur ce plan, en particulier.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Frontenac.

M. Lecours: M. le Président, seulement un commentaire en passant. Les médecins dans ma région sont d'accord sur la politique de restriction budgétaire pour les hôpitaux, parce que chez nous on a vécu une expérience. On a été suivi d'une façon toute spéciale par le ministère des Affaires sociales depuis près d'un an et demi et on a réellement pu diminuer nos dépenses d'une façon extraordinaire.

Chez nous, le directeur médical me faisait une remarque. Il dit: J'ai administré comme il le faut; avec un budget de $7 millions, je peux faire fonctionner 300 lits. Je connais de mes amis qui sont directeurs d'hôpital aussi. Cela leur prend $15 millions pour faire fonctionner le même hôpital près avec les mêmes services. Il dit: Je pense que je suis pénalisé maintenant avec la restriction budgétaire.

Est-ce que je pourrais avoir les commentaires du ministre?

M. Forget: Oui, le député de Frontenac a tout à fait raison. Il se fait là l'écho d'une remarque qu'on entend très souvent et qui est, dans le fond, justifiée. Il faut voir que la situation de pénalisation résulte d'un choix entre deux choses également imparfaites. La première chose, c'était de tenter de normaliser les budgets hospitaliers un peu comme on a normalisé les budgets des commissions scolaires, C'est-à-dire de décider arbitrairement qu'un budget d'hôpital, c'était tant par lit, multiplié par X nombre de lits ou, sous une autre base, par diagnostic ou par catégorie de

diagnostics, on donnait $1500 pour un cas de cancer et $1850 pour un accouchement. Ou quoi encore. Il y a des tentatives parmi les chercheurs un peu partout pour essayer de donner un prix à des épisodes de maladies de manière à baser là-dessus le financement des hôpitaux.

Mais l'état des connaissances étant ce qu'il était et ce qu'il est encore aujourd'hui, on a décidé de ne pas adopter de normes, de ne pas normaliser, ou de ne pas essayer de normaliser les dépenses hospitalières. Je pense qu'on a bien fait parce qu'on n'aurait pas pu défendre facilement quelque norme que ce soit dans le secteur hospitalier. S'il y a une vérité communément acceptée dans ce secteur, c'est qu'on ne peut pas facilement assimiler un hôpital à un autre hôpital.

Tenant compte de cela, nous avons adopté une base de financement historique, c'est-à-dire que nous avons tout simplement observé quel était le niveau des dépenses réelles, non pas le budget qui aurait dû être dépensé dans un centre hospitalier, mais le niveau réel de toutes les dépenses vérifiées par un vérificateur public à la fin d'une année donnée, et c'était pour tous les centres hospitaliers originellement au Québec, l'année 1971, puis nous avons convenu de traiter cette somme comme un tout, une masse globale et de l'augmenter année après année pour tenir compte de l'augmentation des prix et des salaires ou alors de construire un indice des prix et des salaires qui reflète complètement les augmentations soit consenties dans les conventions collectives ou les augmentations constatées sur le marché des fou-nitures médicales, chirurgicales, etc.

C'est donc ce qui a été fait, mais nous avons ajouté à ce mécanisme une procédure d'évaluation de la santé financière de chaque centre hospitalier, du dépassement qui pouvait être observé quant au coût unitaire de chaque centre d'activité d'un centre hospitalier et nous avons essayé, par la persuasion plutôt que par la coercition, de convaincre chacun des centres hospitaliers de diminuer ce dépassement observé par rapport à sept catégories de centres hospitaliers qui étaient le plus comparables possible — tout en admettant que les comparaisons ne sont jamais parfaites — et les dépassements eux-mêmes étaient calculés seulement à partir de 20% de la moyenne, c'est-à-dire qu'on ne prenait pas la moyenne comme base de comparaison, mais un écart très large. C'était un corridor avec lequel on fermait les yeux sur tous les écarts et seulement vraiment les cas extrêmes étaient identifiés comme des dépassements et. par la persuasion, nous avons essayé depuis quatre ou cinq ans d'en venir à une diminution contractuelle, en quelque sorte, de ces dépassements.

Je crois que ce qui s'est passé, c'est que les efforts du ministère des Affaires sociales, pendant cette période, pour en venir à des efforts mutuellement agrées, entre l'administration et le gouvernement, si l'on veut, n'ont pas toujours été pris au sérieux par les centres hospitaliers.

Il y avait en effet une longue tradition constituée par plus de dix ans de pratique où un budget hospitalier était essentiellement ce qui, finalement, était dépensé à la fin de l'année. Il n'y en avait tout simplement pas. Et aussi récemment qu'il y a deux ans, nous avons fait faire un relevé de l'existence de contrôles internes dans les hôpitaux et nous avons constaté un fait qui est, en soi, alarmant et qui nous a alarmés d'ailleurs — on a pris des mesures pour y remédier pour autant que c'était possible — que le tiers des hôpitaux encore en 1972 ou 1973 n'avaient aucune procédure de contrôle interne.

Cela veut dire quoi, contrôle interne? Cela veut dire d'avoir un budget détaillé qu'on établit au début de l'année pour son propre usage et contre lequel on compare toutes les dépenses au fur et à mesure qu'elles se produisent pour voir si, dans un mois, rendu au mois de mars, après trois mois de fonctionnement, on a déjà dépensé le sixième mois du budget qu'on s'était fait dans ce département ou dans ce centre d'activités ou si on est en ligne avec les prévisions.

Dans le tiers des hôpitaux, cela n'existait même pas, 80 hôpitaux sur 250 n'avaient jamais entendu parler de ça, soi disant. C'est un peu décourageant. Il y avait cette tradition qu'à la fin de l'année quelqu'un ramasserait les factures et, effectivement, si vous regardez le budget de l'assurance-hospitalisation depuis 1961, il y a toujours eu un budget supplémentaire où le ministère de la Santé ramassait les comptes.

Depuis 1971, avertissement après avertissement, séances de formation des administrateurs et des contrôleurs après séances de formation des administrateurs et des contrôleurs, dans toutes les régions du Québec, ont été faites. Au début de 1974, avertissement formel qu'après ces deux années de rodage d'un nouveau système budgétaire, c'était fini, il fallait vivre à l'intérieur de ces limites. 1974 s'est passé avec quelques déficits et les gens ont commencé à se tordre les mains comme si c'était nouveau. 1975, aucun de ces déficits n'étant payé, on recommancé les avertissements; on a continué, dans bien des cas, les dépassements, il y avait de si bonnes habitudes prises. On se retrouve maintenant, en 1976, avec, dans certains cas, des déficits accumulés et des situations évidemment très difficiles.

Mais combien d'avertissements ont été donnés? Maintenant, ce n'est pas le plaisir de gagner, ce n'est pas simplement le plaisir de dire: Le gouvernement va montrer son autorité et on va voir qui va gagner de ça. C'est un peu l'atmosphère de confrontation sur les budgets, je pense, qui fausse un peu le débat.

Ce qui est vraiment la question, c'est la capacité d'un système hospitalier et d'une notion d'assurance-santé à être viable économiquement, financièrement sur une période d'années. Est-ce que, comme collectivité, comme Québécois, on est capable de faire fonctionner ce système avec un certain degré de responsabilité fiscale ou si tout le monde va s'envoyer le "budget", la responsabilité de l'un à l'autre indéfiniment et que les médecins vont dire: Ce sont les administrateurs, et les administrateurs vont dire: C'est le ministère,

etc., le ministère décidera. La roue est sans fin. Nous avons pris la décision cette année, non pas pour insulter qui que ce soit, non pas pour mettre qui que ce soit dans ses petits souliers, de mettre un cran d'arrêt pour introduire une discipline que la persuasion ne semble pas avoir été suffisante à établir, que les efforts pour améliorer la liquidité des hôpitaux qui ont été faibles depuis des années ne semble pas avoir réussi à faire bouger.

On croit maintenant que c'est la seule solution que de mettre les gens dans une situation où ils ne peuvent pas faire autrement que de faire face à leurs responsabilités. C'est ce qui explique la nature un peu rigide de la position que nous adoptons. Ce n'est pas, encore une fois, pour pénaliser qui que ce soit. Il est important, pour la santé même de ce réseau, que l'on apprenne qu'un budget, il faut d'abord en avoir un et quand on en a un, il faut le respecter. C'est à ce prix qu'on aura de meilleurs services, parce que la capacité d'administration — et cela c'est assez remarquable — est presque proportionnelle à la capacité de donner des bons soins. Je ne peux certainement pas citer des noms, mais, de l'expérience que l'on vit à l'intérieur du ministère des Affaires sociales, on peut vous dire que les endroits où il y les difficultés financières les plus aiguës, de façon générale, avec toutes les exceptions qu'il faut faire pour que personne ne se sente visé, ce sont également les endroits d'où on reçoit les plaintes de toutes sortes et où on a les plus grands doutes quant à la capacité de donner des soins convenablement.

Parce que la capacité de gérer, ce n'est pas unidimensionnel. Cela affecte tous les secteurs, et cela affecte autant la qualité des services que la capacité de boucler son budget. Ceux qui ne sont pas capables de faire l'un, la plupart du temps ne sont pas capables de faire l'autre non plus. C'est pourquoi il faut renforcer la capacité de gestion de nos établissements et les mettre en position où il n'y a aucun autre choix. C'est ce que nous essayons de faire.

Le Président (M. Kennedy): Le député d'Outremont.

M. Choquette: Dans une controverse qui s'est élevée entre le ministre des Affaires sociales et les administrateurs d'hôpitaux, je pense que le ministre des Affaires sociales a fait état de la situation, au point de vue des coûts, qui prévaut en Ontario; il a fait des comparaisons entre les coûts de notre propre système hospitalier et ceux qui prévalent dans la province voisine. J'aimerais qu'il nous donne quelques renseignements sur cette situation et nous dise quelle conclusion il en tire quant aux problèmes administratifs qui existent ici au Québec dans la gestion de notre propre système.

M. Forget: M. le Président, je réalise que le député d'Outremont est arrivé après le début de nos remarques. J'ai effectivement essayé de brosser, sans être trop long, un certain tableau de la situation dans les deux provinces. Encore une fois, je ne voudrais pas, parce que ce serait peut-être un peu odieux pour ceux des membres de la commission qui étaient ici, recommencer cet exposé. Je dois dire cependant qu'il n'y a pas véritablement eu controverse entre les administrateurs d'hôpitaux et moi-même ou le ministère à ce sujet. Il y a eu, bien sûr, une certaine réaction de surprise à cause de la vigueur, si vous voulez, des remarques que j'ai adressées au congrès de l'association. Je croyais que c'était un endroit pour dramatiser la situation parce qu'elle m'apparaît véritablement dramatique à certains égards. Mais dans un échange de correspondance que j'ai eu par la suite avec le président de l'Association des hôpitaux, M. McDonald, on en est venus rapidement à la conclusion que le phénomène de l'écart observé est réel. Ses causes sont en partie connues et en partie obscures; les remèdes sont peut-être encore plus difficiles à définir que le diagnostic et, de toute manière, on s'entend pour essayer de trouver des solutions. A la suite de cet échange de correspondance, l'Association des hôpitaux prépare, avec plusieurs experts du milieu hospitalier, un rapport sur la situation, rapport qui — enfin, je tiens ce renseignement d'une conversation avec M. McDonald — devrait me parvenir à la fin de l'été ou au début de l'automne prochain et qui devrait contenir également un certain nombre de recommandations de l'Association des hôpitaux relativement à la situation.

Donc, cela s'est conclu de façon assez amicale et j'ai pu observer — c'est une source de très grande satisfaction — que le défi lancé aux administrateurs d'hôpitaux a été relevé dans un très grand nombre de cas. Malheureusement, pas dans tous les cas. Mais dans un très grand nombre de cas il y a eu des actions extrêmement énergiques qui ont été prises en collaboration, d'ailleurs, avec les médecins. Dans certains établissements, cela vaudrait vraiment la peine d'avoir la description complète — comme je l'ai eue dans certains cas — de tout ce qui se fait pour venir à bout de ce problème. Je crois que les administrateurs qui ont relevé ce défi méritent vraiment de très grandes félicitations parce que ce n'est pas facile de couper un budget. C'est pénible de ne pas l'augmenter parfois, mais cela ne se compare pas du tout avec les douleurs et les difficultés, les crises et même les drames, sur un plan humain, que cause nécessairement une révision en profondeur d'un budget, avec la remise en question d'activités que tout le monde tenait pour acquises depuis peut-être dix ans ou quinze ans, les postes qui sont remis en question. Cela se fait et cela se fait tous les jours dans certains centres hospitaliers depuis quelques mois.

Le Président (M. Kennedy): Est-ce que le programme 11 est adopté?

M. Charron: M. le Président, dans la réponse du ministre, sur la pratique médicale dans les centres hospitaliers et comme facteur de développement des coûts, il n'a pu ou n'a voulu s'en tenir qu'à cette espèce de confiance au "self-

restraint" — c'est lui-même qui a employé l'expression — des différents conseils professionnels à l'intérieur des centres hospitaliers et, dans la pratique médicale privée, de chacun des médecins exerçant dans un centre hospitalier du Québec, confiance que l'on doit avoir dans leur comportement et dans ce qu'il a appelé lui-même leur conscience sociale.

Il est indéniable, effectivement, que jamais aucun d'entre nous et aucun fonctionnaire n'aura comme fonction d'être policier pour se rendre jusqu'à un lit d'hôpital et vérifier si, effectivement, par sa décision de maintenir un patient dans l'hôpital trois jours ou quatre jours de plus, ce qui effectivement est un coût supplémentaire à l'hospitalisation et qui retarde l'entrée d'un autre patient, le médecin X fait preuve d'un manque de conscience sociale et fonctionne plus selon ses propres privilèges.

Evidemment que nous devons faire appel et que nous devons faire confiance au "self-restraint'' des médecins. Il demeure quand même que certaines pratiques individuelles, se multipliant dans un tel climat de liberté, aboutissent à des comportements collectifs qui, eux, peuvent être dommageables et doivent être contrôlés.

J'ai signalé, dans les exemples — et c'est sur celui-là que je veux revenir — une pratique médicale qui s'est développée et qui peut être coûteuse, effectivement, pour l'ensemble du réseau, en plus d'apporter un grand discrédit sur l'ensemble des services de santé du Québec. Je dis discrédit sur l'ensemble des services de santé parce que, M. le Président, vous êtes sans doute au courant de ce sondage réalisé par la maison Radio-Canada à l'intérieur du conflit dans les secteurs public et parapublic où un grand nombre de nos concitoyens interrogés se disaient insatisfaits de la qualité des services de santé. Plusieurs identifiaient d'ailleurs comme cause principale, curieusement, le régime d'assurance-maladie qui leur permet d'être soignés gratuitement comparativement au temps passé.

Il faut voir, dans cette explication, beaucoup plus la façon dont est appliqué le régime d'assurance-maladie que le régime d'assurance-maladie lui-même. Je pense qu'aucun citoyen du Québec ne veut revenir à payer de lui-même les frais de santé élevés qu'il aurait à payer autrement. Mais prenons cette indication, la façon dont est appliqué le régime d'assurance-maladie. Pour beaucoup de citoyens, la façon dont est assuré le régime d'assurance-maladie veut maintenant dire que c'est vrai, vous avez la gratuité de soins de santé mais vous devez vous traîner, trois fois sur quatre, non pas dans un bureau privé de médecin mais dans une clinique externe où on vous a donné rendez-vous en même temps que 75 autres patients affectés de la même maladie ou d'une maladie qui nécessite les mêmes soins du même spécialiste que vous, où vous devez engorger l'entrée d'une clinique externe habituellement et, naturellement, absolument non préparée à ce genre de fonctionnement et d'utilisation. Vous devez rencontrer un médecin quasi à la sauvette parce que lui-même, non seulement pratique sa clinique externe et reçoit ses patients en clinique externe parce qu'il est aussi appelé aux étages supérieurs à des patients qu'il a lui-même fait entrer, c'est-à-dire dans les lits dont il est le patron et dont il doit s'occuper à l'intérieur du centre hospitalier.

C'est la connaissance directe et quotidienne que beaucoup de citoyens ont du régime d'assurance-maladie. Si vous allez voir ces citoyens et leur demandez s'ils sont satisfaits de la façon dont le régime est appliqué, si c'est la façon dont ils l'ont connu, vraisemblablement ils ne le sont pas. S'ils étaient en bureau privé et s'ils étaient appelés à une heure où ils seraient effectivement reçus, où ils auraient des soins et retourneraient chez eux, ils seraient probablement les premiers à répondre, dans un sondage, que cette Assemblée a pris la plus merveilleuse décision qu'elle pouvait prendre pour le développement des soins de santé, en 1970, lorsqu'elle a voté le régime d'assurance-maladie.

Cette pratique médicale en centre hospitalier, les cliniques externes, le ministre lui-même l'a évaluée, si ma mémoire est fidèle, à quelque $50 millions de coût supplémentaire qu'elle apporterait. Prenons le problème de l'utilisation des cliniques externes sous un autre angle. Lorsque nous discutons des salaires des médecins... Je dis nous et c'est un bien grand mot, M. le Président. S'il est une question qui est rarement sur la place publique et qui se fait en négociations très peu tapageuses, c'est bien celle de fixer le salaire des médecins du Québec. On discute beaucoup, actuellement, du salaire des aides-infirmières, à $114 par semaine, et tout le monde a son opinion là-dessus, mais les médecins ont signé ou sont sur le point de parapher des ententes salariales qui leur donnent beaucoup plus. Lorsque ces médecins ont à défendre la moyenne de salaire qui est la leur sur le territoire québécois, ils invoquent très souvent que ce salaire est évidemment brut, qu'ils sont les principales victimes de notre système fiscal et qu'en plus de cela il faut soustraire de leurs revenus impressionnants, au montant brut, la charge de cabinet privé qu'ils gonflent, habituellement, aux alentours de $15 000 ou $20 000.

La pratique quotidienne de la médecine au Québec au cours des dernières années, c'est-à-dire dans le cadre du régime d'assurance-maladie, a peut-être conduit à un chiffre beaucoup moindre que cela. Le nombre de médecins qui donnent rendez-vous à leurs patients dans des établissements publics, c'est-à-dire des centres hospitaliers, où ils n'ont à défrayer aucune location d'espace, où ils n'ont à défrayer aucuns autres frais supplémentaires que ceux déjà fournis par le centre hospitalier et aux frais du centre hospitalier qui fait l'alignement des patients pour leur entrevue avec leur médecin, contribue à diminuer de beaucoup ce qui s'appelle le bureau privé des médecins et les charges inhérentes à leur tâche.

J'aimerais, M. le Président, à la reprise de la séance ce soir, que le ministre exprime son opinion sur cette utilisation des cliniques externes. Je sais que ce n'est pas un problème qui se tranche

d'un seul coup , mais, puisqu'il est appelé à se développer et que visiblement il s'est développé au cours des dernières années, quelles sont ses intentions sur cette utilisation des cliniques externes par les médecins?

Le Président (M. Kennedy): La commission suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

Nous pouvons considérer que nous avons quorum.

Je crois que la parole est au ministre des Affaires sociales.

M. Forget: M. le Président, est-ce que je pourrais demander au député de Saint-Jacques de nous rafraîchir un peu la mémoire sur le sens de son intervention?

M. Charron: II s'agissait de l'utilisation des cliniques externes par les médecins.

M. Forget: II y a eu une hypothèse, je crois qu'on ne peut pas lui donner un autre nom, qui a eu cours et qui a encore cours dans une large mesure, au Québec en particulier, à l'effet qu'une des meilleures façons de diminuer les problèmes économiques qui sont constatés depuis bien des années, dans le secteur de la santé, était de favoriser le traitement ambulatoire des malades plutôt que le traitement en milieu hospitalier proprement dit, c'est-à-dire l'hospitalisation. En 1967, c'est ce qui a inspiré le gouvernement de l'époque à décréter la gratuité des services diagnostiques en clinique externe puisqu'à l'origine, depuis 1961, ces services n'étaient pas considérés comme des services assurés. Autrement dit, les examens de laboratoire et de radiologie n'étaient assurés que pour les malades hospitalisés.

L'argumentation de l'époque a donc consisté à dire: Encourageons le développement des services en externe, de manière à diminuer l'hospitalisation et donc diminuer présumément les coûts. Dans les années subséquentes, on a vu un essor phénoménal de l'utilisation des procédures diagnostiques en milieu hospitalier, mais sur une base externe; le taux d'accroissement annuel a dépassé souvent 20% dans le volume de ces activités, et cela année après année, sans qu'on ne rejoigne jamais de plateau. Et, encore aujourd'hui, la chose se poursuit. C'est sans doute un des facteurs, la commodité, le fait que les gens se rendaient à l'hôpital pour les teste, etc., qui a joué assez puissamment pour faire du milieu hospitalier un lieu de pratique médicale encore plus attrayant qu'il ne le serait normalement pour le médecin et pour les patients eux-mêmes. En un seul endroit ils pouvaient, présumément, dans bien des cas, avoir accès non seulement à leur médecin, leur spécialiste, mais également à la salle de prélèvement, à la radiologie, etc. Donc, c'était un concept qui avait et qui continue d'avoir un certain attrait. Ce qui est moins évident, c'est l'impact que cela a pu avoir sur l'hospitalisation. Quoiqu'on peut présumer que cela a eu un impact sur l'hospitalisation, je dois dire qu'aucun effort systématique n'a été fait pour l'évaluer précisément, par aucun chercheur, en vertu d'aucune étude dont j'ai eu connaissance.

Cependant, je crois que, même si cette hypothèse n'était pas entièrement mauvaise, on lui a attribué plus de mérite qu'elle n'en avait. On n'a présumément pas anticipé l'achalandage absolument extraordinaire que ceci allait provoquer dans les milieux hospitaliers, qui, pour une partie seulement, sont aménagés pour recevoir une clientèle externe abondante. Nos hôpitaux, après tout, n'ont pas été construits depuis 1967, en majorité; certains remontent à plusieurs décennies et même ceux qui ont été construits dans les années cinquante ont été construits strictement pour s'occuper des malades hospitalisés. Des sommes très considérables, à vrai dire le plus clair des budgets d'immobilisation du ministère des Affaires sociales depuis cinq ans, dans le secteur hospitalier, ont été consacrées à réaménager plus grandement, plus commodément, de façon plus moderne les cliniques externes — les services d'urgence aussi, mais cela est un facteur relativement mineur — et tous les services connexes. Malgré tout, une tendance avait été créée et j'ai voulu, l'automne dernier, peut-être pour la première fois, attirer l'attention sur cette tendance dont la poursuite à long terme, et peut-être pas aussi à long terme que cela, dans un espace de quelques années, peut nous amener à voir se concentrer dans les hôpitaux le plus clair de la pratique médicale.

Autant cela peut être une bonne idée si on ne la pousse pas à ses développements extrêmes, autant la meilleure idée au monde, si on veut l'amener jusqu'aux dernières ramifications, devient une idée mauvaise parce que, évidemment, on lui fait assumer un fardeau disproportionné.

Il y a bien des facteurs pour lesquels c'est un fardeau disproportionné. En premier lieu, les cliniques externes ne sont jamais, malgré tout, ni pour le malade, ni pour le médecin, l'équivalent d'un cabinet privé. Très souvent, les cliniques sont organisées sur une base de rotation et jamais personne n'est vraiment chez lui. Le sens de responsabilités vis-à-vis des rendez-vous, etc. n'est pas partout aussi aigu que si on se trouve à l'intérieur d'un cabinet privé. C'est, malgré tout, des rendez-vous pris par la clinique ou pris par l'hôpital, dans l'espoir que tout le monde va s'y retrouver, professionnels et autres, le moment venu. On se trouve devant des phénomènes d'attentes et des phénomènes qui ne sont socialement pas très acceptables.

En plus de ce mouvement, s'est développée une expectative avec l'assurance-maladie. Les problèmes ont été, dans une certaine mesure, modestes tant et aussi longtemps que nous n'avions pas l'assurance-maladie, parce que se rendre à la clinique externe, se rendre au dispensaire, comme certains l'appelaient à l'époque, est un peu aller chercher une médecine que certains considéraient comme une médecine à rabais, une médecine de pauvres, une médecine de ceux qui ne pouvaient pas se payer la vraie médecine, dans certains cas. Avec l'assurance-maladie, toute espèce de distinction s'est rapidement effacée et les attentes des professionnels eux-mêmes, pour les heures de pratiques bien déterminées d'avance, ont fait que, de plus en plus, les gens ont utilisé les cliniques externes comme ce qu'on appelle en anglais des "Walk-in clinic", c'est-à-dire des endroits où on n'a pas à prendre des rendez-vous, où on se présente à toute heure du jour, de la nuit ou les fins de semaine, sans rendez-vous pour obtenir des soins. C'est devenu carrément et pratiquement impossible de faire face à la demande.

Il est clair que les hôpitaux ne sont pas distribués géographiquement, premièrement, et ils ne sont pas conçus — parce que les machines très lourdes sont très peu capables de s'ajuster rapidement à des situations variables presque au jour le jour — ils ne sont pas conçus pour rendre ce genre de services et assumer la responsabilité d'organiser tous les services médicaux de première ligne, les services spécialisés avec ou sans rendez-vous. C'est une tâche qu'il n'est pas raisonnable de leur demander. Et ce n'est pas surprenant qu'on éprouve partout une certaine désillusion qui se reflète peut-être dans les résultats de sondages auxquels faisait allusion le député de Saint-Jacques. On confond un peu à ce moment l'assurance maladie et un tas d'autres phénomènes qui se sont produits en même temps et qui n'étaient pas déterminés par l'assurance maladie comme telle, mais l'assurance maladie a révélé, un peu comme un révélateur photographique, beaucoup plus rapidement que cela ne se serait fait autrement.

Ce qui est remarquable encore aujourd'hui — c'est la première fois que j'en parle depuis le mois de novembre — c'est qu'il y a pratiquement aucun débat public sur le rôle de l'hôpital dans l'organisation des soins médicaux. J'ai soulevé le problème de façon peut-être un peu extrême, à l'automne, en disant: On a fait une hypothèse et cela ne s'est peut-être pas révélé la bonne hypothèse. Je pense que, dans une certaine mesure, c'est tout à fait défendable d'organiser des cliniques externes de façon rationnelle, de façon moderne. Ce que je voulais souligner, c'est qu'on ne peut pas s'attendre à ce qu'elles fassent tout le travail. On ne peut pas s'attendre à ce qu'à terme, elles remplacent les cabinets privés de médecins, qu'elles remplacent toute autre organisation de soins généraux. Si on ne se pose pas la question, on va continuer à vivre dans l'insatisfaction et dans la frustration de tout le monde.

Des efforts ont été faits pour essayer de donner aux médecins un certain degré de contrôle sur l'organisation de leur vie professionnelle à l'intérieur des hôpitaux et particulièrement à l'intérieur des cliniques externes en leur disant: Eh bien, voici, nous pouvons envisager, pour ceux qui le choisissent, que les cliniques externes deviennent un meilleur substitut au cabinet privé, que les médecins acceptent une responsabilité plus grande, y compris la responsabilité financière pour s'organiser dans ce milieu.

Etant donné, comme l'a souligné le député de Saint-Jacques, qu'ils reçoivent un revenu brut qui tient compte du fait que certaines dépenses relèvent de leurs responsabilités, il serait normal en contrepartie, qu'ils assument une plus grande res-

ponsabilité dans la détermination du personnel et de l'organisation des cliniques externes. Cette suggestion a été faite en 1973. Elle a peut-être été mal comprise, à tort ou à raison. Il reste qu'elle n'a pas frappé la profession médicale ou ceux qui parlent en son nom comme étant une proposition valable. On a décidément préféré, dans l'ensemble, le statu quo à cette porte qui était ouverte et qui aurait pu leur donner une possibilité d'un rôle accru, d'une responsabilité accrue, les deux allant de pair.

C'est dommage, je peux le déplorer, parce que souvent on entend, et avec raison je pense, les médecins déplorer leur sort dans les milieux hospitaliers. Je pense que tout le monde qui a vécu dans de grosses organisations comme celles-là peut sympathiser avec des professionnels qui doivent organiser leur vie dans une grosse structure lourde à manoeuvrer, mais j'ai l'impression que c'est une occasion qui a été manquée. Peut-être peut-on la susciter à nouveau, mais étant donné la nature des choses, il faudrait que l'initiative vienne d'ailleurs que du ministère, puisque le ministère s'étant déjà ouvert et ayant reçu une rebuffade, je pense qu'il ne nous appartient plus de ressusciter une idée qui ne semblait pas plaire. Malgré tout, c'était là une porte ouverte et je m'étonne encore qu'on ne l'ait pas saisie.

Quelles sont les autres possibilités? Bien, les autres possibilités, c'est en partie une meilleure organisation de la pratique dans les cabinets privés. J'ai pu noter, depuis quelques années, un effort qui a été fait pour créer des pratiques de groupe qui permettent à des médecins de pratiquer de façon plus acceptable pour eux en termes d'horaires, en termes d'aménagement de leurs loisirs, etc., et malgré tout permettent à ceux dont le médecin est dans une pratique de groupe d'avoir accès à des services accessibles de façon plus continue.

Malgré tout, c'est un mouvement qui n'implique qu'une minorité de médecins encore et c'est un développement qui est assez long. Il y a aussi, bien sûr, les efforts faits par le ministère pour développer des services de consultations médicales dans les CLSC, avec les difficultés qu'on connaît et qui appartiennent à un débat qu'on a eu plus tôt, lors de l'étude des crédits. De toute manière, je pense qu'il y a toutes sortes de possibilités, on ne peut pas se rabattre sur une seule solution. Au moins, cela est une chose qu'on doit réaffirmer à chaque occasion, à mon avis. Les hôpitaux ont déjà des tâches tellement lourdes à assumer pour s'occuper des très grands malades, pour s'occuper de la réadaptation, s'occuper des malades chroniques, que leur confier en plus le soin d'organiser l'accessibilité à la médecine générale, à la médecine de première ligne et sur tout le territoire, c'est leur demander une tâche qu'ils ne sont pas administrativement et humainement capables de mener à bien en même temps qu'ils mèneraient à bien toutes leurs autres tâches, parce qu'il y a encore des efforts sérieux à faire sur les autres fronts.

Il faut répartir les risques, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. On en met déjà pour $1 200 millions dans le secteur hospitalier et la capacité de gérer cela est tendue à son maximum. Je pense qu'il faut, encore une fois, répartir nos risques. De façon générale, je crois qu'on peut dire sur les cliniques externes que c'est une hypothèse essentiellement bonne, mais qu'il ne faut pas pousser au-delà d'un certain point — et c'est ce qu'on s'apprêtait à faire — à moins de faire un certain redressement. Toutes nos ressources allaient sur le plan immobilier, sur le plan des budgets. Il y a eu, entre 1970 et 1975, un taux de croissance qui, en termes réels, indépendamment des budgets en dollars constants, mais en dégonflant les dollars pour tenir compte de l'inflation, a donné une multiplication par deux du volume d'activité et des budgets en termes réels, consacrés à l'organisation des soins externes.

Il n'y a pratiquement pas de précédent d'un accroissement aussi rapide. Malgré cela, je pense qu'on n'a pas atteint un niveau de satisfaction beaucoup plus grand en 1975, dans les cliniques externes, que celui qu'on avait en 1970.

On se retrouve, vis-à-vis de l'autre province, avec effectivement un volume d'activité à l'externe qui est le double de celui de l'Ontario, compte tenu de la population, etc. Donc, on a vraiment développé cela d'une façon qui, peut-être, approche les rendements décroissants; on est déjà dans les rendements décroissants.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Frontenac.

M. Lecours: M. le Président, à titre de médecin et avec le petit peu d'expérience, les quinze années d'expérience que j'ai dans les hôpitaux, dans les cliniques d'urgence, j'aimerais apporter certains points.

Notre problème, présentement, dans les hôpitaux de la province de Québec, réside à la clinique externe et à la clinique d'urgence parce que les gens ne comprennent pas réellement la différence qu'il peut y avoir entre les deux services. La clinique externe, c'est un endroit où on se rend sur rendez-vous; on n'est pas censé attendre trois ou quatre heures; ce n'est pas normal d'attendre trois ou quatre heures. Les gens qui attendent trois ou quatre heures, c'est parce qu'ils s'y présentent, parfois référés par un médecin de famille, je l'avoue, mais toujours sans avoir pris un rendez-vous au préalable.

Maintenant, à la clinique d'urgence, c'est bien sûr que nous sommes obligés d'accepter ceux qui se présentent sans rendez-vous. Mais notre grave problème, à l'heure actuelle, dans la province de Québec, c'est qu'on exige souvent du praticien général de faire des gardes de 24 heures. C'est presque héroïque, à l'heure actuelle, de demander à un médecin d'être là 24 heures, sans sortir de l'hôpital, d'être responsable souvent des cas externes, d'être responsable des cas d'urgence, d'être responsable des accouchements lorsque le médecin traitant ne peut se rendre. Je pense que

c'est demander beaucoup trop à certains médecins. Il devrait y avoir une enquête au sein des hôpitaux pour empêcher ce genre de pratique.

Sincèrement, le médecin qui est pris là par exemple, le soir, à onze heures ou à minuit, commence à recevoir les drogués, les alcooliques et, parmi cela, à voir les vrais malades, à voir des gens qui souffrent d'infarctus, des accidentés. Il doit traiter tous ces gens en même temps, et avoit toujours le beau sourire; je pense que vous lui demandez peut-être un peu trop.

Je crois qu'il faut discipliner notre population. Ce ne sont pas des budgets qui manquent pour les cliniques externes et pour les cliniques d'urgence; ce n'est pas vrai, même avec les compressions budgétaires qu'on a connues dernièrement. Ce n'est pas, non plus, parce que le personnel n'est pas bien expérimenté; on a du très bon personnel dans les cliniques d'urgence, on a de très bons médecins aussi.

Tant que les gens ne comprendront pas qu'ils ne peuvent pas venir faire prendre leur tension artérielle à minuit — on en voit qui, lorsqu'ils viennent visiter un parent qui est hospitalisé, décident d'aller faire prendre leur tension à dix ou onze heures le soir; parfois, c'est toute une famille qui décide d'aller se faire traiter pour la grippe ou des maux de gorge — on aura des problèmes.

Ce n'est pas une question de budgets, ce n'est pas une question, non plus, de personnel compétent; c'est parce que les gens sont mal disciplinés dans la province de Québec. Peut-être que faire un peu de publicité pour cela ne ferait pas de tort. Merci.

M. Forget: M. le Président, je suis tout à fait d'accord avec le député de Frontenac. Il y a un problème d'éducation du public à l'utilisation ra-tionelle des services qui lui sont offerts et, effectivement, il y a le problème de l'organisation des rendez-vous. La clinique externe reçoit sur rendez-vous; cela ne se fait pas simplement quand le coeur nous en dit.

Une des difficultés, c'est qu'il faut éduquer le public quant aux distinctions entre la clinique externe, la clinique d'urgence et aussi une clinique de médecine générale, comme il en existe dans un certain nombre de centres hospitaliers, qui fonctionnent sur une base courante, sans rendez-vous, mais cela aussi demande une organisation spéciale. Maintenant, certains centres hospitaliers ont la mauvaise habitude de convoquer tout le monde pour la même heure le matin et, dans le fond, les files d'attente, ils les manufacturent. Il serait possible d'échelonner cela sur une certaine période.

Il y a des problèmes de discipline du public; il y a des problèmes de discipline aussi de certains professionnels, de certains médecins qui arrivent en retard aux cliniques et cela crée des encombrements. Il y a des activités d'information que nous avons amorcées, peut-être trop timidement, cette année, à la télévision, pour sensibiliser les gens à la différence, mais je crois que beaucoup plus que cela est nécessaire. Du côté des centres hospitaliers, il y a deux ans, des efforts ont été commencés, sur lesquels nous allons faire le point, pour sensibiliser les centres hospitaliers à une organisation efficace des cliniques externes en termes d'un système de rendez-vous bien fait.

Ce n'est pas la fin du monde que d'organiser un bon système de rendez-vous, il semble que ça ne devrait même pas être le ministère qui doive être obligé de montrer à un centre hospitalier comment organiser un système de rendez-vous. De toute façon, nous, on n'a pas de système de rendez-vous comme ça; c'est dans le milieu hospitalier que ça devrait se trouver. Malheureusement, on a appris par l'expérience que, si on n'avait pas parfois la possibilité d'envoyer quelques conseillers, cela risquait de ne pas se faire dans certains centres hospitaliers.

Il y a des efforts qui ont été faits là-dessus, mais je ne suis pas prêt à dire qu'ils sont encore suffisants. Parce que, s'ils étaient suffisants, on aurait réglé le problème et c'est clair...

M. Lecours: Je pense, M. le ministre, à la question d'un médecin de garde 24 heures de temps; il faudrait un peu se pencher sur ce problème. Je l'ai vécu et je vous garantis que ce n'est pas drôle quand on arrive à trois ou quatre heures du matin. Je vous garantis que le médecin est fatigué et vous lui demandez quelque chose d'impossible.

M. Forget: Oui. Il y a, dans les règlements de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, une responsabilité très claire du Conseil des médecins et des dentistes, c'est d'établir les règlements quant à la garde. Donc, on dit à l'ensemble des médecins d'un établissement: Ecoutez, arrangez-vous entre vous pour vous faire des règles du jeu, qui va faire la garde, quand et pendant combien de temps.

Je me souviens, il y a environ deux ans, qu'il y a eu un décès dans un centre hospitalier de la région de Montréal, pas de l'île, mais des environs, et le rapport du coroner à la suite du décès faisait état que le médecin de garde était là depuis 16 heures, qu'il était épuisé, qu'une erreur était normale. J'avais, à ce moment-là, écrit au centre hospitalier en leur disant: Ecoutez, c'est un problème qui est de votre juridiction, vous avez à établir des règles qui sont vivables. Cela ne devrait pas, là non plus, être une action déterminée à Québec, celle d'établir des horaires de garde dans tel centre hospitalier; c'est une question de simple bon sens. Je ne vois pas, en effet, comment on peut être efficace après 12 heures de travail par jour.

Encore là, il y a des vieilles traditions, comme le député de Frontenac le sait, dans le milieu hospitalier, c'est-à-dire faire des gardes des fois de 24 heures ou même de 38 heures; c'est arrivé. Ce n'est pas raisonnable, mais cela se fait. Je pense que c'est aux premiers intéressés à corriger ça, c'est dans leurs pouvoirs, ils ont, dans la loi, tout ce qu'il faut pour le déterminer.

Le Président (M. Kennedy): Le programme 11 est adopté?

M. Charron: Non.

M. Saint-Germain: Dans ces cliniques, on n'est pas obligé d'accepter tous les gens qui vont là pour autant que ce n'est pas urgent.

M. Forget: Non. Vous savez, qu'est-ce qui est urgent, qu'est-ce qui n'est pas urgent? Pour déterminer ce qui n'est pas urgent, d'abord, il faut examiner les gens; donc, en termes de charge de travail, ça se pose malgré tout, et il y a des choses qui interviennent dans des services d'urgence, à 11 heures le soir, un samedi, qui pourraient très bien attendre au lundi matin. Il n'y a pas d'erreur. Mais, d'un autre côté, les gens n'ont pas la possibilité de communiquer par téléphone avec un médecin pour se faire rassurer sur l'état de santé d'un enfant, par exemple, qui fait un peu de fièvre. On ne leur donne rien; la seule solution, c'est qu'on prend l'enfant et on se présente à l'urgence à 11 heures le soir. Finalement, cela crée une affluence qui serait évitable. Nous avons invité les conseils régionaux à essayer, en collaboration avec les associations médicales, dans leurs régions, d'établir une liste de médecins en disponibilité pour contact par téléphone et à leur cabinet privé, sur une base de rotation et par quartiers dans les villes ou régionalement.

Maintenant, les directeurs généraux des conseils régionaux à qui on a demandé où ils en étaient rendus dans tout ceci m'ont fait la réponse déprimante à laquelle on peut s'attendre dans les circonstances. Etant donné qu'il y avait des négociations en cours, on leur avait dit que tout ceci était remis. Quand tout serait réglé sur le plan financier, on commencerait à s'intéresser à ce problème.

Avec les traditions qu'on a pour régler les difficultés sur le plan des négociations au Québec, dans tous les domaines, ce domaine ne fait pas exception comme on le sait, c'est une façon de ne pas le régler, ce problème. Parce qu'on a toujours ce prétexte, on attend des négociations, on attend qu'elles se terminent ou on n'a pas analysé les effets des précédentes et, finalement, on ne fait rien. Sans collaboration, il n'y a pas moyen de faire quelque chose.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Saint-Jacques.

L'avortement thérapeutique

M. Charron: M. le Président, le programme 11 me donne l'occasion d'aborder un autre sujet sur lequel j'aimerais entendre la position du ministre des Affaires sociales parce qu'elle devient, je dirais, presque à chaque mois, de plus en plus importante.

En 1968, le gouvernement canadien a fait voter une loi, par le Parlement, qui permettait l'installation de comité d'avortement thérapeutique dans un hôpital et le droit à cet hôpital de pratiquer l'avortement, si la vie ou la santé de la mère est en danger. Il faut croire, si le Parlement à cette épo- que était représentatif, qu'il s'agissait effectivement d'une volonté de la majorité du pays. Puis-je ajouter comme unique argument, que le même gouvernement a été réélu deux fois par la suite, ce qui peut imaginer qu'il s'agissait effectivement d'un consensus, si l'opinion... des droits donc qui pouvaient être mis en application pour l'ensemble du pays.

Or, cette loi, M. le Président, n'est pas appliquée au Québec et particulièrement dans les milieux francophones du Québec. Je soulève quelques chiffres comme indication, certains plus vieux, d'autres plus récents: En 1972, alors que les Québécois francophones représentaient 80% de la population, seulement douze hôpitaux, sur les 210 du Québec qu'on avait accrédités, avaient de tels comités. En 1974, le chiffre obtenu du Conseil du statut de la femme veut que 96% des avortements thérapeutiques ont été effectivement faits dans des hôpitaux anglophones. En 1974, 29 hôpitaux avaient un comité d'avortement thérapeutique, alors que l'Ontario en comptait 108. 15 des 29 hôpitaux québécois, d'ailleurs, dont je viens de parler, rapportent n'avoir pratiqué aucun avortement thérapeutique. Seulement cinq hôpitaux, dont quatre anglophones, ont fait plus de cinq avortements, au cours de cette période.

Je ne surprendrai personne, j'espère, si je dis que des organismes sérieux sont venus appuyer une conviction de plus en plus grande, pour qui vit avec les yeux ouverts, selon laquelle se pratiquerait au Québec entre 10 000 et 25 000 avortements clandestins par année. J'ai à l'appui le département de démographie de l'Université de Montréal et, bien sûr, la Ligue des droits de l'homme qui a pondu un document magistral sur le sujet.

Le nombre d'avortements pratiqués en milieux hospitaliers n'aurait crû que d'environ 5%, malgré cette hausse incroyable, que l'on dit s'effectuer ailleurs. On peut dire sans crainte qu'il y a actuellement au Québec, entre 20 000 et 30 000 avortements par année sur une moyenne de 87 000 naissances au cours des dernières années. Tous s'accordent à dire que le phénomène va en augmentant.

La loi n'était pas appliquée au Québec, il est presqu'impossible d'obtenir un avortement légal. Qu'est-ce qui reste à faire? Les deux solutions ont déjà été évoquées pour des fins de propagande politique à l'Assemblée: Soit qu'on se dirige aux Etats-Unis, dans les régions à proximité de la frontière québécoise. Je n'ai pas à donner d'exemples, les journaux en rapportent d'eux-mêmes, ou soit qu'on va chez le boucher. Ce qu'on peut appeler un boucher dans les circonstances, c'est-à-dire que la santé sinon la vie de la jeune Québécoise se trouve immédiatement en danger. M. le Président, j'appuie à cette demande — j'entendrais avec plaisir la position du ministre des Affaires sociales, sur cette question — le fait que je ne me fais ici uniquement et de façon très consciente le porte-parole d'un grand nombre d'organismes qui se sont déjà prononcés sur cette question de l'application de la loi fédérale, sur le territoire québécois et rien de plus: Le Conseil du statut de la femme,

organisme créé par le gouvernement en place, le Conseil des affaires sociales lui-même, le Conseil régional des Cantons de l'Est, la Fédération des femmes du Québec, le Réseau d'action d'information pour les femmes, le président de la Corporation des médecins, M. Augustin Roy, la Ligue des droits de l'homme, la Fédération du Québec pour le planning des naissances, le Conseil canadien du développement social, l'Association des hôpitaux de la province de Québec, le ministre fédéral de la santé, M. Marc Lalonde.

Dernièrement, il y a à peine quelques semaines, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, ce qu'on appelle l'AFEAS, qui regroupe un grand nombre de Québécoises, en rencontrant le premier ministre, le 22 mars, a également déposé cette demande voulant que la loi fédérale connaisse sur le territoire québécois la même application qu'elle a ailleurs, suggérant même — c'est tout à l'honneur de l'AFEAS, je le signale — un élargissement du comité, tel qu'entrevu par la loi fédérale, ce qu'on a appelé le bill omnibus, élargissement qui joindrait aux médecins d'autres personnalités, dont sans doute la compétence professionnelle serait d'utilité dans ces cas.

Avant de laisser la parole au ministre, M. le Président, et aux autres membres de la commission, sur cette question, je signale tout de suite qu'une réponse évidente du ministre me saute aux yeux et, en lui signalant, je veux lui éviter de le redire, c'est qu'il s'agit effectivement d'une loi fédérale dont il n'a peut-être pas, à la lettre, je dis bien à la lettre, la responsabilité de l'application, cette loi ne relevant pas de cette Assemblée. Mais, le ministre, lui, est responsable, sur le territoire du Québec et plus que n'importe quel autre homme politique sur le territoire canadien, de la qualité des soins de santé offerts à l'ensemble des citoyens et responsable de l'administration et des décisions — pas dans l'ensemble, mais au moins comme titre — prises dans les centres hospitaliers du Québec, puisque c'est de cet article dont nous discutons actuellement.

Le Président (M. Kennedy): Vous êtes dans l'ordre.

M. Charron: Le ministre des Affaires sociales peut-il me dire quelle réponse ou quelle démarche il a entreprise, parce que je ne suis, à la suite de tous les organismes que je vous ai mentionnés, M. le Président, certainement pas le premier, — je sais le ministre particulièrement ouvert d'esprit sur cette question — auprès des centres hospitaliers, ou est-il sur le point d'entreprendre, pour qu'effectivement, la situation précédemment décrite, connaisse une modification dans le meilleur intérêt de la santé des Québécois?

M. Forget: M. le Président, je ne contesterai certainement pas les faits. Les faits que le député relate sont exacts. Cependant, je vais peut-être contester l'interprétation qu'il en fait.

Lorsqu'il affirme que la loi fédérale n'est pas appliquée au Québec, je pense que c'est là une interprétation que l'on peut très facilement contester. En effet, qu'est-ce que la loi fédérale dit? La loi fédérale de 1968, sur le sujet, a adopté — c'est une position qui s'explique très bien par la division de l'opinion publique sur le sujet de l'avorte-ment — une attitude essentiellement permissive, non pas impérative, mais permissive. Elle a dit qu'un hôpital peut et non pas doit, mais peut — elle aurait pu dire tout hôpital où on pratique des accouchements ou qui est doté d'un service d'obstétrique, de gynécologie etc. — elle a permis à un hôpital qui le désire de créer un commité d'avortement thérapeutique. Elle a ensuite défini les critères qui doivent être appliqués par ce comité de façon que — c'était certainement prévisible, d'après la rédaction même de la loi — cette législation soit interprétable de façon assez large.

En somme, qu'est-ce que l'on voulait faire par cette loi, devant la division de l'opinion? On voulait mettre sur pied une procédure qui rassure ceux qui sont contre le procédé, savoir que malgré tout un certain formalisme, une certaine rigueur dans la façon de faire les choses, serait respecté. Par contre, on voulait satisfaire les segments importants de la population, qui croient, au contraire, qu'il s'agit là d'une chose qui doit être permise, de le faire s'ils étaient dans un milieu social, dans un environnement, dans une communauté où cela correspondait aux valeurs locales. C'est un compromis qui ne manque pas d'habilité, qui ne manque pas de sagesse à certains égards.

Mais il faut remarquer que l'ambiguïté est sa pierre de touche, l'ambiguïté que certains déplorent est inscrite dans la nature même de cet amendement au Code criminel de 1968. L'ambiguïté, elle est voulue. On a voulu que les communautés dans le pays où l'attitude à cet égard est très large soient satisfaites et que les autres communautés où l'attitude est beaucoup moins large soient également satisfaites.

C'est une chose que cette loi fédérale veut et qu'aucune action extérieure ne peut changer. L'ambiguïté ne peut être éliminée par des mesures administratives, ne peut être éliminée par la façon dont la loi est administrée; elle est au coeur même de cette disposition du Code criminel.

Devant la situation qu'on observe au Québec, on peut donc adopter deux attitudes. On peut d'abord observer la situation et en conclure que, présumément, cette situation reflète les valeurs locales. On peut dire: Non, ce ne sont pas les valeurs locales, ce ne sont pas les valeurs d'un groupe, les valeurs culturelles, dans le fond, d'un groupe francophone au Québec, par exemple, qui s'exprime de cette façon, de façon majoritaire; ce sont des décisions de conseils d'administration d'hôpitaux, ces gens-là ne sont pas, dans l'ensemble, représentatifs, etc. D'accord, ils ne sont pas le produit d'un scrutin au suffrage universel, ils ne peuvent peut-être pas prétendre être représentatifs dans ce sens-là. Il reste que nous avons quelque 250 centres hospitaliers au Québec, où siègent une dizaine de personnes au moins; c'est

donc quelque 2500 personnes qui viennent de tous les milieux, de tous les horizons politiques, sociaux, économiques, dont plus de la moitié, maintenant, sont élus par les gens de l'intérieur, enfin, des gens qui, à titre d'employés syndiqués, d'employés professionnels ou de médecins pratiquant dans rétablissement sont confrontés à tous les jours devant des choix et des décisions à prendre visant la santé et la sécurité du public et des malades et qui, pour le reste, sont désignés, recommandés par toutes sortes de groupes socio-économiques, par les anciennes corporations, etc., tout ce qu'on voudra, mais, quand même, ils sont issus de toutes sortes d'horizons.

Il me semble que, devant cette constatation, on doit observer que l'ambiguïté que permet la loi fédérale est effectivement interprétée par ces quelque 2000 membres des conseils d'administration dans le sens d'une application plutôt prudente de la loi fédérale.

La deuxième attitude qu'il est possible d'adopter, c'est de ne pas se satisfaire de cette explication et de dire: II y a une loi qui donne une ouverture à des avortements thérapeutiques il faut y donner accès à toute la population du Québec, quelles que soient les volontés des conseils d'administration.

Je crois, et c'est la position que j'ai défendue, que j'ai expliquée dans mes lettres à presque tous ces groupes qui m'ont écrit, que ce serait là un geste purement symbolique de ma part ou de la part du gouvernement. En effet, comment imaginer que, dans un milieu qui s'est montré jusqu'à maintenant hostile à l'utilisation de cette disposition permissive de la loi fédérale, comment imaginer qu'on voudrait en faire usage, étant donné que les critères qui doivent être appliqués dans la décision de permettre ou de ne pas permettre un avortement thérapeutique sont des critères élastiques — on en a vu l'élasticité d'ailleurs selon les provinces, selon les hôpitaux, selon les individus — comment imaginer que des gens ne se prévaudraient pas de l'ambiguïté qui est dans la loi fédérale pour donner, à toutes fins pratiques, une fin de non-recevoir et faire de cette structure du comité d'avortement thérapeutique une simple formalité qui deviendrait bientôt lettre morte, parce que les gens comprendraient, après quelques exemples, que cela ne sert à rien de demander au comité de tel hôpital un avortement thérapeutique. C'est non, toujours, ou... Enfin, dans des cas tellement rares, c'est oui, que ce n'est vraiment pas le besoin auquel on pense qui serait satisfait de cette manière.

C'est en constatant cette situation que j'ai dû me rendre compte qu'encore une fois, il n'y a rien qu'il est possible de faire dans l'administration d'une loi, pour en supprimer l'ambiguïté, quand l'ambiguïté est voulue au départ. Elle est voulue, encore une fois, à cause de la division de l'opinion sur le sujet, division dont on a eu de nombreuses preuves dans les débats qui, à l'occasion, s'allument sur le sujet.

Que faut-il en conclure? Il faut en conclure que l'opinion étant divisée au Québec et divisée d'une façon particulière, il y a bien sûr une distinction qui s'établit entre la plupart des hôpitaux qui adoptent là-dessus un point de vue assez rigoureux et d'autres qui adoptent un point de vue plus libéral. Faut-il dire que, pour autant, cette procédure est inaccessible et que la loi fédérale n'a pas d'application au Québec en termes pratiques, en termes concrets pour les francophones en particulier, parce qu'on établit souvent la distinction entre hôpitaux francophones et hôpitaux anglophones? Je ne le crois pas parce qu'on observe que la clientèle des hôpitaux dits anglophones de Montréal est composée, pour plus de la moitié des malades qu'ils reçoivent, dans la plupart des cas, d'une clientèle francophone.

Donc, il y a un accès possible à ces services pour tous les citoyens du Québec et je me demande même, M. le Président, si ce n'est pas un peu se leurrer que de regarder les statistiques.

Parce qu'il m'apparaît à peu près évident, étant donné le climat social et les opinions sur le sujet, il m'apparaît évident qu'une jeune femme qui est enceinte et qui désire un avortement thérapeutique, dans une petite ville du Québec, va presque spontanément, dans les circonstances actuelles, se rendre à Montréal. Quelle que soit la situation sur un plan légal, quelle que soit la situation dans un centre hospitalier en particulier, les statistiques, les chiffres, la distribution géographique des avortements thérapeutiques serait à peu près la même. On se rendrait dans un grand centre de toute manière, pour toutes sortes de raisons qu'on imagine sans difficulté. L'anonymat, le fait que ce ne sera pas connu alors qu'on ne peut pas être hospitalisé dans un hôpital de province, dans une petite ville, sans que, dans le fond, tout le monde se doute bien un peu pourquoi, qu'il s'agisse d'une maladie ou de quoi que ce soit; c'est assez normal.

La rumeur publique court assez rapidement. Dans l'état de l'opinion, c'est un sujet qu'on aimerait probablement éloigner de cette façon. En somme, pour résumer, la loi fédérale s'applique telle qu'elle a été voulue, c'est-à-dire avec ambiguïté, avec possibilité d'une interprétation divergente. Les conseils d'administration, à cet égard, ont fait preuve peut-être d'une plus grande rigidité que celle qu'il eût été souhaitable, parce que je crois personnellement qu'ils devraient au moins admettre la possibilité que le problème leur soit posé de façon prévue par la loi, le Code criminel, ce qu'ils ne semblent pas prêts à faire dans bien des cas. Je dois dire que, même si l'Association des hôpitaux, même si le président de la Corporation professionnelle des médecins se sont prononcés en faveur, leurs membres, à ces deux corporations, ont fait preuve de beaucoup plus de discrétion sur le sujet et, très spécifiquement dans le cas de la Corporation professionnelle des médecins, elle n'a pas retenu comme siens les propos énoncés publiquement par son président sur ce sujet. Quant à l'Association des hôpitaux, la même chose peut être dite, c'est un point de vue théorique et général émis par l'association, qui n'a pas été suivi par la plupart de ses membres.

Dans le cas de certaines nominations, je dois vous dire, dans les cas où cela a été porté à ma connaissance que le conseil d'administration avait opposé une résistance même aux voeux du Conseil des médecins dentistes à ce qu'un tel comité soit créé, j'ai tenu compte de ce facteur dans les nominations qui ont été faites l'été dernier sur la recommandation de groupes socio-économiques, pour essayer d'éviter que des gens recommandés par des groupes dont les opinions sont faites et déclarées sur le sujet et qui sont contre toute forme d'accessibilité à cette procédure qui fait partie de notre loi, à laquelle tout le monde a droit, en principe, au moins de prétendre, que ces gens ne soient pas nommés aux conseils d'administration où je connaissais qu'il y avait une opposition systématique.

Cela a été la mesure concrète, que j'ai pu prendre dans certains cas. Encore une fois, on ne peut pas, malgré le milieu hospitalier, malgré le milieu médical, malgré la majorité de l'opinion, faire appliquer une loi qui n'a pas eu pour but de s'appliquer uniformément partout; bien au contraire.

M. Lecours: Je voudrais dire aux membres de la commission que je suis contre l'avortement sur demande. Pour moi, c'est inadmissible. Le Dr Augustin Roy a pris position au nom des médecins de la province de Québec. Je pense qu'il n'avait aucun droit de parler en mon nom, puisque je suis membre de l'Ordre des médecins aussi, et je connais beaucoup de médecins qui sont contre l'avortement sur demande. S'il y avait eu un vote, je pense que le Dr Roy, s'il avait parlé en notre nom, n'aurait pas pu le faire dans le sens qu'il l'a fait.

J'ai vu souvent des jeunes filles, même des mères de famille, qui étaient enceintes, qui pensaient se faire avorter et parmi toutes celles qui ont rendu leur grossesse à terme, il n'y en a aucune qui l'a regretté. Je peux peut-être paraître vieux jeu aux yeux du député de Saint-Jacques, mais il arrive une chose, par exemple: Face à ma conscience, je n'ai pas peur de l'avouer franchement, je suis contre l'avortement sur demande.

M. Charron: M. le Président, je me suis bien efforcé de vouloir éviter ce genre de profession de foi, tel que le député de Frontenac vient de faire. J'ai simplement demandé le respect de la loi actuelle, le gouvernement, qu'a probablement appuyé, dans les trois dernières élections, le député de Frontenac lui-même.

Je soutiens encore que, jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à ce qu'une société se décide, l'avortement demeure un acte criminel. Le député de Frontenac aura bien l'opinion qu'il voudra là-dessus, je m'en fous. Cela demeure un acte criminel. Mais il existe des cas, si les médecins ont un peu les yeux ouverts, où la santé de la mère peut être en danger dans son état de grossesse.

C'était tellement vrai que c'est à partir de ce cas qu'on a rédigé la loi dont on parle. Cela fait tellement longtemps, que cela m'étonne que cela n'ait pas encore atteint l'esprit du député de Frontenac, il y a déjà huit ans.

Ce cas-là se présentant — et cela peut se présenter à Thetford-Mines comme ailleurs — la société ayant jugé que dans un pareil cas, il fallait tout faire pour sauver la santé de la mère, parce qu'elle peut être déjà mère d'autres enfants, elle pourrait être déjà une adulte engagée, avec laquelle d'autres unions ont pu déjà tresser des liens affectivement importants pour le reste de sa vie. Dans ces cas-là, une femme a le droit de se faire avorter.

Je ne pense pas être obligé de reculer dix ans en arrière pour reprendre ce débat. J'ai attendu, avec plus de satisfaction, une réponse intelligente du ministre des Affaires sociales sur cette question. Je suis conscient également de la difficulté, pour une jeune Québécoise en province — je pense que l'exemple qu'on vient d'entendre parle par lui-même — d'avoir accès à cette loi, dans son propre milieu.

Les cas sont nombreux à Montréal et d'ailleurs, dans les statistiques fournies par le Conseil du statut de la femme quant aux avortements pratiqués dans le milieu anglophone, effectivement, vous aviez raison de dire que plusieurs de ces cas proviennent des milieux francophones, ce qui n'est pas à se surprendre, puisque nous sommes quand même 80% de la population.

Plusieurs de ces cas, dans les hôpitaux anglophones, proviennent des jeunes filles ou de jeunes femmes du milieu francophone. Il reste que le dépaysement, dans une période aussi difficile où une femme sent véritablement sa vie ou sa santé physique, mentale ou morale en danger, par la grossesse qui lui survient, à un moment où elle ne le désire pas, où elle n'est pas prête à y faire face dans sa vie, et en même temps la terrible pression sociale qui peut se faire, dans un petit village ou dans une petite ville, qui l'oblige à s'exiler à Montréal, temporairement, par toutes sortes de subterfuges auxquels elle doit d'ailleurs penser, en même temps qu'à sa condition, ne la conduisent pas directement aux hôpitaux anglophones, loin de là.

S'il est un fait, s'il y a des francophones qui bénéficient de ce service des comités d'avortements légaux dans les hôpitaux anglophones, c'est la plupart du temps des jeunes Montréalaises, elles-mêmes un peu plus familières aux services des hôpitaux anglophones.

Mais, la jeune fille de Thetford Mines ou la jeune fille de Québec... il s'est pratiqué, selon les statistiques de la région de Québec, dans les hôpitaux de Québec, ici, l'année dernière: un avortement à Québec.

M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire qu'il ne s'est pas produit qu'un avortement à Québec l'année dernière. Si vous remontez aux statistiques, il n'y en a eu qu'un seul. De Thetford Mines, de Québec, de Gaspé ou d'ailleurs, celle qui se rend à Montréal, dans un milieu qui ne lui est pas familier, elle ne s'en va pas au Montréal General Hospital. Elle ne va pas rencontrer un médecin pour lui faire état qu'elle croit effectivement que

sa santé est en danger. Elle se dirige n'importe où à Montréal. Elle va se diriger dans un milieu où elle va compter sur des gens partageant ses valeurs, la comprenant lorsqu'elle exprime qu'elle se sent en danger et qu'elle souffre de son état, elle n'aboutira évidemment pas chez des gens qui vont plutôt la sermonner et lui faire la morale, parce qu'elle est certainement convaincue qu'elle est angoissée, malheureuse, incapable de faire face à la situation qui est la sienne.

Ces gens qu'elle rencontrera lui feront rencontrer, je lui souhaite — entre les deux choix, je lui souhaite le premier — un médecin professionnel qui veillera a sa santé, plutôt que, le deuxième choix, un assassin purement et simplement qui risque d'être un boucher de la jeune fille en même temps que du foetus.

C'est pour cela que le ministre m'expliquait les moyens, qu'il a cru de son devoir, à travers ses possibilités, de nommer des membres de conseils d'administration ou d'ailleurs pour que le partage des opinions se fasse un peu plus ouvertement et que, progressivement, on se rende à l'application de la loi sur le territoire québécois. Mais, j'estime qu'il y a plus à faire et qu'il y a plus à dire, qu'effectivement, la santé est une des choses les plus importantes pour lesquelles une société consacre $2 milliards. Il est bien évident que, mis à l'échelle individuelle, cela demeure tout aussi important, tout aussi fondamental. Je pense que tous les membres de la commission, tous ceux qui nous écoutent affirmeront que, s'il est une chose qu'ils veulent conserver, c'est la santé, la plus complète possible. C'est ce que je souhaite d'ailleurs à tout le monde.

La même chose peut se produire dans le cas d'une jeune fille de 20 ans, 25 ans ou d'une femme de 35 ans ou de 40 ans qui a la parfaite conviction que le même danger vient de lui apparaître. Nous ne ménageons pas les cents dans l'effort collectif, M. le Président. Nous n'avons pas droit de reprocher à quiconque qui veut le faire sur le plan individuel de s'efforcer à maintenir sa santé également.

Je suis convaincu que, dans ce que je viens de dire, je n'ai rien appris au ministre et que, tout à l'heure, l'allusion d'occasion aux problèmes qui se posent à l'extérieur des grands centres urbains ne couvrait pas la totalité de la vérité et que, admettant ce fait de la difficulté à l'extérieur, nous n'avons rien réglé en disant que, puisque les hôpitaux anglophones de Montréal ont déjà ces comités en place et que les membres nommés engagent leur réputation à chaque fois que, selon la loi, ils accordent un avortement thérapeutique, le problème, somme toute, est satisfaisant pour le moment. Ce n'est pas le cas.

Je suis de ceux qui croient que le débat doit encore continuer dans notre société québécoise. Je suis même de ceux, je dois le dire, M. le Président, contrairement aux opinions qui ont été exprimées à la table, chez qui le débat se poursuit même intérieurement, mais j'admettrai que, peut-être, à la différence de certains membres de la commission, il y a déjà un certain nombre d'argu- ments qui, dans ma tête, ont été classés positifs ou négatifs, parce que je n'ai pas eu peur de faire face au problème que les jeunes québécoises de ma génération en particulier, de celle qui me pousse déjà dans le dos, connaissent, de façon plus ample, plus grave, je dirais, que peut-être la génération précédente.

Ceci dit, M. le Président, ne voulant aucunement empêcher quelque membre que ce soit à la commission d'intervenir, je veux vous dire que je voulais statuer sur ce point et entendre le ministre des Affaires sociales sur cette question.

Je savais que j'aurais l'occasion d'apprécier son opinion sur le sujet et de formuler un souhait. C'est peut-être un voeu lancé en l'air, mais, effectivement, nous nous sommes livrés chacun d'entre nous à des moyens un peu indirects. Le ministre nous a signalé ceux qu'il avait cru bon d'utiliser, qui étaient à sa disposition. Pour nous, hommes publics, c'est une chance, parmi tous nos concitoyens, d'avoir l'occasion de nous exprimer publiquement et donc de faire avancer les idées dans la société québécoise, de ne pas rater l'occasion de demander, encore une fois — je conclus avec cela — non pas l'avortement libre sur demande, mais qu'il existe au Québec comme dans toutes les autres provinces canadiennes, et pour les Québécoises de langue française comme pour les Québécoises de langue anglaise, la possibilité, comme le dit la loi fédérale, lorsque leur santé est mise en danger et lorsqu'elles estiment que leur santé est mise en danger, de se présenter devant un comité thérapeutique, dans un hôpital légalement constitué de personnes professionnelles, qui pourront l'aider à évaluer son cas et, si le besoin en est, de procéder à un avortement. Je pense que c'est de cette façon que nous avions abordé le sujet. Je ne veux pas ici distribuer de posters remerciant le ciel de nous avoir mis au monde. Je crois uniquement que nous pouvons tous honnêtement aborder cette question sous cet angle.

M. Lecours: M. le Président, j'aimerais seulement ajouter un mot. S'il y a eu seulement un avortement ici dans les hôpitaux de Québec l'an dernier, c'est que le cas où la vie de la mère était en danger, ce n'est pas tous les jours qu'on le rencontre. C'est peut-être plus la raison que d'autre chose.

Le Président (M. Kennedy): Le programme 1 est adopté?

M. Charron: Non, M. le Président, j'aurais quelques questions...

Le Président (M. Kennedy): Placez-les dans l'ordre, on vous donne tout le temps qu'il faut.

L'hôpital de Rosemont

M. Charron: Quelques questions locales sur certains centres hospitaliers à poser au ministre. Je prendrai ce cas que nous avions déjà évoqué l'année dernière, qui met beaucoup de temps, j'es-

time, à connaître sa solution et sa réponse définitive. C'est celui du petit hôpital de Rosemont, qui a fait couler beaucoup d'encre et intéressé beaucoup de citoyens du quartier. Le ministre en conviendra, à tout le moins avec moi, sur ce sujet. Je ne veux pas faire la chronologie des hésitations du ministre des Affaires sociales, parce que là, vraiment, j'occuperais en mauvaise conscience le temps de la commission. Je m'en tiendrai uniquement à ce qui a marqué le début de l'année 1976, donc la fin du dernier exercice financier, dans la vie de ce centre hospitalier, et à vous dire que l'incertitude que ces gens connaissent quant à leur avenir, et que les citoyens du quartier ont quant à l'avenir de l'hôpital, se transpose maintenant jusque sur le plan administratif. Effectivement, l'indécision du ministre des Affaires sociales a conduit les autorités de l'hôpital à littéralement quémander ce qu'elles avaient droit de recevoir en vertu des lois tant que l'hôpital n'aura pas fermé ses portes, c'est-à-dire la contribution financière de la collectivité telle que calculée selon les normes qui sont à l'origine du montant que nous y voterons tout à l'heure et à avoir à subir des tracasseries administratives qui ne devraient pas avoir lieu, si, effectivement, la décision n'est pas prise.

Je prends comme exemple, il est presque regrettable d'être obligé de le soulever à la table de la commission, la simple pose de gicleurs dans l'hôpital, condition imposée par la ville de Montréal, par le truchement de son service de l'hygiène et son service de protection et de sécurité, qui, normalement, dans d'autres endroits, connaîtrait une simple ratification administrative. Or, dans le cas de l'hôpital de Rosemont, on est obligé de recourir jusqu'à l'appui du CLSSS de la région pour pouvoir obtenir cette mesure, et encore, ne l'a-t-on obtenue qu'à la dernière minute.

L'hôpital a reçu de la part d'un haut fonctionnaire qui a quitté les services du ministère pour des cieux plus bleus, une confirmation du refus du ministère à la pose des gicleurs exigée par !a ville de Montréal, acceptée par le conseil d'administration, acceptée par le CLSSS. La raison invoquée serait que le ministre veut fermer le centre hospitalier dans les plus brefs délais et qu'il ne procède donc pas à des aménagements administratifs. Pourtant, les citoyens de la région, le comité de survie de l'hôpital, le conseil d'administration, eux, exigent une réponse claire et ferme du ministre depuis plusieurs mois et ne l'ont pas. Ils l'apprennent à travers une réponse intervenant sur la pose de gicleurs.

Le ministre des Affaires sociales peut-il nous dire ce soir l'avenir, le sort de l'hôpital de Rosemont, dont nous parlons et dont cette commission est saisie depuis maintenant plus d'un an?

M. Forget: M. le Président, j'aimerais d'abord corriger certaines impressions. On parle de tracasseries administratives dont aurait été victime cet hôpital depuis quelques semaines. Il est inévitable, étant donné les événements des derniers mois, que l'administration de cet hôpital réagisse avec une sensibilité d'écorchée vive à tout événe- ment, dans le fond par ailleurs, anodin, et qui passerait inaperçu s'il arrivait à un autre établissement. On m'a souligné d'ailleurs avec un peu d'amusement qu'il y a eu une erreur et que le chèque qui est envoyé toutes les deux semaines à tous les hôpitaux, c'est le 26e de leur budget, a été retardé d'une journée. C'est évidemment, à la suite d'une méprise ou d'une erreur administrative, mais on a vu là évidemment toutes sortes d'interprétations. Quand on regarde cela avec un peu de recul, c'est plus drôle qu'autre chose, cet événement particulier. Ce n'était certainement pas du harcèlement. C'était une simple erreur administrative.

Pour ce qui est des gicleurs, il est clair que ce dossier n'a pas été fermé et donc que lorsqu'une demande comme celle-là est transmise au ministère, ce qui est premièrement rassurant, c'est que, dans les quinze jours, je crois, de la demande, il y a une réponse, et une réponse claire qui parvient à l'établissement et qui dit que, dans l'état du dossier, je ne commenterai pas le choix des mots, il serait prématuré de prendre une décision pour un investissement de quelque $50 000 à $75 000. Je ferai observer que la question des gicleurs n'a pas été tranchée sur-le-champ dans tous les cas où elle s'est posée. Cet effort pour rendre plus sécuritaires les établissements d'affaires sociales remonte à 1969/70, si je comprends bien. Il y a eu un incendie, à un moment donné, qui a fait prendre conscience à tout le monde de la nécessité de réviser à la hausse nos standards de sécurité-incendie. Il a résulté de cela une espèce de catalogue interminable de travaux à faire dans toutes sortes d'établissements. Il y en avait pour quelques dizaines de milliers de dollars, si ma mémoire est fidèle. Dans certains cas, ce n'est pas une semaine, quinze jours ou trois mois que les gens ont attendu, ils ont attendu un an ou deux ans avant que des travaux puissent se faire, parce qu'on ne pouvait pas tout faire en même temps et que cela coûte énormément cher.

Là aussi, avec un peu de recul, que dans un établissement particulier la question des gicleurs ne soit pas réglée en un tour de main, étant donné qu'une question a été posée relativement au devenir de cet établissement, en tout état de cause, il ne serait pas sage de précipiter les travaux. D'ailleurs, on peut s'interroger et se demander si la décision d'installer des gicleurs dans un hôpital de 41 lits n'équivaut pas à le fermer, parce qu'il faut crever les plafonds, il faut faire bien des choses. Je ne sais pas ce qui va arriver à un hôpital de cette taille. On ne peut pas dire: On va utiliser une autre partie pendant qu'on fait les travaux à cet endroit. Il n'y a pas d'autre partie. C'est un hôpital aux dimensions tellement réduites que faire des travaux dans ces conditions, équivaut presque à le fermer, au moins pendant le temps des travaux.

Je pense donc, qu'il faut prendre un certain recul, et voir que cet élément parmi d'autres fera l'objet d'une décision. Je ne voudrais pas, M. le Président, développer davantage ce sujet, parce que je n'ai pas l'intention de laisser mourir dans le vague ou l'équivoque la question qui a été posée sur l'avenir de cet hôpital.

Cependant, je crois que ce dont nous n'avons pas besoin dans le secteur des affaires sociales, c'est d'une décision qui apparaisse arbitraire et sans fondement. Donc, je pense que le temps sera venu de prendre une décision quand il deviendra évident quels sont les problèmes et quelles sont les solutions possibles et que tous les intéressés auront eu la chance de prendre connaissance des faits et de se former une opinion sur le sujet.

Nous n'en sommes pas encore là. J'espère pouvoir contribuer à éclairer l'opinion sur le sujet et avant même que toute décision soit prise. Donc, pour le moment, je n'ai rien à ajouter, mais je me propose, dans un avenir pas trop éloigné, de faire le point sur la situation.

M. Charron: Est-il encore dans votre intention de fermer cet hôpital?

M. Forget: Le président peut avoir dit que je n'avais pas l'intention d'ouvrir ou de fermer des portes ce soir sur le sujet. Je ne franchirai pas le seuil de la porte qui m'est ouverte par le député de Saint-Jacques. Je dois dire que la question n'est pas réglée et, encore une fois, ce dont nous n'avons pas besoin, c'est d'une décision qui a l'air gratuite, sans fondement et arbitraire.

Je suis prêt à vivre avec les conséquences d'une décision informée de la part de tous les intéressés.

M. Charron: Si je comprends bien, vous ne voulez pas, ce soir, répéter votre décision qui, elle, à un autre moment — vous me l'avez dit vous-même à l'Assemblée — était claire, était formelle. Il s'agissait de fermer l'hôpital. Vous ne faisiez que retarder cette fermeture.

Etes-vous encore à i'état où vous retardez la fermeture ou avez-vous remis en question la fermeture même de l'hôpital?

M. Forget: Je n'ai pas d'autres commentaires à formuler à ce moment-ci que le fait que, quelles que soient les discussions, quelles que soient les inquiétudes et qui, de nos jours, ne s'interroge pas sur l'avenir... Qu'on s'appelle l'hôpital de Rosemont ou qu'on s'appelle n'importe quoi, il n'y a certainement rien de permanent sous le soleil. L'hôpital continue de fonctionner et, jusqu'à nouvel ordre, c'est la situation qui prévaudra.

Maintenant, le dossier n'est pas fermé.

M. Charron: Je suis perdu. J'aimerais poser une question sur une autre situation locale. Il s'agit de l'hôpital Sainte-Croix de Drummondville où je me suis rendu il n'y a pas tellement longtemps et où j'ai pu constater que les engagements précédemment pris par madame le ministre d'Etat aux Affaires sociales, à l'époque, n'avaient pas été, effectivement respectés. — si je peux seulement le retrouver — et, plutôt que de faire la nomenclature des engagements de madame le ministre et de l'état actuel du dossier, j'aimerais plutôt demander au ministre si les intentions précédemment annoncées sont toujours les mêmes dans ce cas ou si, comme dans le cas de l'hôpital de Rosemont, on est en train de changer d'opinion.

M. Forget: On n'est pas au stade des opinions. Dans le cas de l'hôpital de Sainte-Croix de Drummondville, on est au stade des réalisations. L'aménagement de l'ancien pavillon des infirmières touche à sa fin. C'est un endroit qui est en train d'être aménagé comme centre d'accueil pour adultes, pour personnes âgées. Ceci devrait se terminer au cours des prochains mois. Le travail est très avancé, je crois.

Il y a aussi la question des malades chroniques et des malades pour soins de courte durée à Drummondville même et on a voulu regarder les ressources conjointes à cet égard de l'établissement Georges-Frédéric et de l'hôpital Sainte-Croix et des travaux... La planification, la programmation fonctionnelle des travaux au pavillon Georges-Frédéric est en cours et permettra de recevoir des malades chroniques se trouvant actuellement à l'hôpital Sainte-Croix de Drummondville. Il s'agit d'une quarantaine, je crois.

A cause de cette disponibilité pour les malades chroniques au Pavillon Georges Frédéric, cela donne l'équivalent d'une quarantaine de lits additionnels pour les soins de courte durée à l'hôpital Sainte-Croix, sans rien d'autre. Maintenant, il n'est pas question de s'arrêter là et les discussions se poursuivent sur la configuration précise de ce qu'il faut faire à Sainte-Croix même, mais c'est un programme par étapes: l'aménagement du pavillon des infirmières, le Pavillon Georges Frédéric et les autres travaux. Comme on a déjà amorcé la phase de réalisation pour le pavillon des infirmières — c'est pratiquement terminé — que cela avance du côté du Pavillon Georges Frédéric, il n'y a rien qui permette de croire que cela ne débouchera pas positivement.

M. Charron: Est-ce que la décision de ne pas augmenter la capacité de lits de l'hôpital dans son ensemble après cet aménagement auquel on procède actuellement est maintenue? Et est-ce que l'agrandissement de 20 000 pieds carrés, pour les fins d'un bloc chirurgical, l'urgence, la clinique externe et une partie du laboratoire, auxquels s'était engagé le ministre d'Etat aux Affaires sociales dans son télégramme à la Chambre de commerce de Drummondville, le 7 mai 1975, aura lieu?

M. Forget: II n'y a certainement rien qui nous empêche de procéder du côté du ministère. Nous voulons être sûr que là-dessus et sur tous les détails nous partageons le même point de vue que le centre hospitalier.

Quand il s'est agi du nombre de lits comme tel, il est évident que lorsque nous avons offert la solution d'un agrandissement au Pavillon Georges Frédéric pour les malades chroniques, c'était l'équivalent, en termes d'espace additionnel pour les soins de courte durée, d'une quarantaine de lits de plus à l'hôpital Sainte-Croix. Donc, de ce côté, je crois qu'on a fait un bout de chemin fort appréciable et, semble-t-il, apprécié par l'hôpital.

Pour ce qui est du bloc de service, il y a eu, pendant un certain temps, une certaine différence d'opinion et cela a peut-être eu une valeur de symbole, le nombre de pieds carrés du bloc de service. Il nous est apparu que 20 000 pieds étaient suffisants pour un bloc de service pour un hôpital de cette importance, étant donné l'aménagement de certains services dans le pavillon des infirmières puisque, en plus du centre d'accueil, je crois qu'il y a certains services qui peuvent être aménagés.

Donc, c'est là l'orientation que nous avons suivie depuis un an ou un an et demi. A la fin de ces discussions, à l'époque, c'était là l'état du dossier. Il n'a pas changé de façon importante depuis.

M. Bonnier: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une courte question au ministre, relativement à la politique vis-à-vis des malades chroniques? Est-ce que d'une façon générale vous avez l'intention d'augmenter le nombre de lits pour les malades chroniques, de façon à décongestionner les hôpitaux généraux?

M. Forget: Oui, il y a plusieurs choses qui se font.

M. Charron: Je m'excuse, la question du député mérite certainement considération, mais il s'agit du prochain programme, si je ne m'abuse, puisque...

M. Bonnier: Je pensais que c'était à l'élément 1...

M. Charron: Non, le prochain programme traite des soins prolongés.

M. Bonnier: Ah, si c'est cela, très bien.

M. Charron: C'est que...

M. Bonnier: Soins aux malades à long terme.

M. Charron: ...le député sera fort bienvenu à cette occasion-là, je pense...

M. Bonnier: D'accord.

M. Charron: ... s'il n'y voit pas d'inconvénient.

M. Bonnier: Non, du tout. C'est parce que c'est justement la réponse du ministre qui m'a fait penser à cela.

M. Forget: On va y revenir.

M. Charron: Nous serons vigilants lorsque le président appellera le prochain programme. M. le Président, toujours dans les quelques cas locaux dont je voudrais faire rapidement le tour, puisqu'ils ont soulevé l'intérêt et méritent considération, il y a la question de l'Outaouais qui, à plusieurs occasions, a à utiliser les services de santé de la province voisine, en raison de sa proximité et aussi en raison purement et simplement de l'incapacité du réseau québécois à faire face à la demande de soins. Je pense que le ministre est au courant qu'en mai 1974, on évaluait à 234, par rapport à la norme québécoise, le déficit en lits pour la région de l'Outaouais, ce qui maintient un état de dépendance, je l'ai dit, par rapport aux services d'Ottawa et de l'Ontario. Quels sont les projets du ministère concernant l'hôpital Sacré-Coeur de Hull et est-ce qu'on procédera à des aménagements de cet hôpital?

M. Forget: Oui, on a déjà procédé à une partie des aménagements, à ceux qui sont peut-être de moindre intérêt pour les soins médicaux et hospitaliers comme tels. Le bloc utilisé pour la buanderie communautaire dans la région, la buanderie commune à toute la région, est terminé, je pense, depuis quelques semaines.

Pour ce qui est de l'agrandissement proprement dit, l'addition d'un certain nombre de lits, le réaménagement en entier du bloc de services, il y a eu de ce côté des progrès, mais des progrès lents. Je pense qu'il est important de préciser que la lenteur des progrès réalisés, jusqu'à maintenant, dans la réalisation de ce projet, dépend exclusivement, du moins à l'avis du ministère, de la lenteur des professionnels qui ont été retenus par la corporation du centre hospitalier pour exécuter les plans et devis détaillés. Ceux-ci devaient être remis au ministère des Affaires sociales vendredi dernier, pour une approbation finale. On m'informe qu'ils ne l'ont pas été et, finalement, on ne les a pas reçus. Pourquoi exactement? Je ne le sais pas, mais il demeure que la préparation des plans et devis a nécessité plus de 18 mois, si ce n'est pas deux ans.

C'est une situation qu'on ne peut pas certainement approuver; on ne peut certainement pas s'en réjouir. Il reste qu'une fois que les services de l'architecte avaient été retenus par la corporation il y avait bien peu de choses que l'on pouvait faire, à moins de persuader la corporation de recommencer avec quelqu'un d'autre et, à ce moment-là, de payer deux fois les honoraires. En effet, on sait que l'annulation d'un contrat comme celui-là entraîne le paiement de la presque totalité des honoraires, que le travail soit complété ou pas et ceci, en vertu des arrêtés en conseil qui déterminent la façon de calculer les honoraires professionnels, qui résulte d'une quasi-négociation, je pense bien, avec la corporation des architectes.

Alors, ce sont des frais quand même élevés. Donc, devant ce dilemme, on n'a pas eu d'autre choix que d'attendre et, à l'occasion, de rappeler à la corporation qu'elle devait stimuler le plus possible son architecte, mais c'était un bureau qui n'était peut-être pas suffisamment équipé pour relever ce défi particulièrement important.

A tout événement, les travaux devaient commencer à la fin de l'été et se réaliser tel que prévu quant à leur essence. Evidemment, les coûts prévus en 1972 ne sont plus les coûts de 1976 et 1977; de toute manière, c'est une question de

s'ajuster à l'inflation. Il s'agit d'un projet très important.

Sur un plan plus général, j'ai déjà eu l'occasion de faire part à la commission, je crois, de l'existence d'une commission conjointe du Conseil régional de l'Outaouais et de la Commission des services hospitaliers de la région de l'Outaouais, du côté de l'Ontario. L'automne dernier, j'ai rencontré M. Frank Miller, le ministre de la Santé de l'Ontario. J'ai convenu, avec lui, de confier, chacun pour soi, à ces conseils régionaux de l'Ontario et du Québec un mandat d'examiner la planification des services de santé dans la région de la capitale fédérale, de manière que cela se développe de façon rationnelle, autrement dit qu'on ne construise pas un hôpital additionnel de chaque côté de la frontière, sans qu'il y ait une certaine complémentarité.

On sait que la région de Hull est dans une position difficile, puisque les hôpitaux d'enseignement se trouvent tous à Ottawa. Quelles que soient les questions de géographie ou le reste, les hôpitaux d'enseignement, au moins pour certains problèmes, à cause de la réputation des médecins qui y sont, etc., attirent toujours inévitablement des gens qui ont des maladies particulièrement difficiles. Il y a des références d'un professionnel à l'autre, de toute manière, qui se font. Par malheur, les hôpitaux d'enseignement sont dans une province et une partie de la population est dans l'autre, de l'autre côté de la rivière.

Je ne sais pas, évidemment, d'avance à quoi en viendront les travaux conjoints des deux conseils régionaux, mais je pense que c'est sur le plan régional qu'il faudra arriver à des solutions qui soient acceptables pour qu'il y ait une complémentarité des services.

Il est clair qu'on ne peut pas envisager une situation où les gens de la région de Hull ou de l'Outaouais n'auront aucun recours aux hôpitaux d'Ottawa, je pense qu'il y a une complémentarité naturelle. Du côté d'Ottawa, on n'est pas plus heureux de cette situation puisqu'on dit: On n'a plus de place pour les gens d'Ottawa tellement il y a des gens de Hull dans nos hôpitaux. Je pense qu'il s'agit de tirer tout cela au clair et d'en étudier les implications. Lorsque nous les aurons, nous pourrons voir quels autres développements, s'il en est besoin, sont nécessaires dans la région de Hull proprement dite, et nous aurons une raisonnable assurance que ces investissements nouveaux, dès qu'il sera possible de les faire, répondront véritablement à un besoin bien identifié. Est-il possible d'établir des liens avec des hôpitaux de Hull avec la faculté de médecine de l'université d'Ottawa, par exemple? Et qui paierait les coûts de l'enseignement clinique dans ces hôpitaux? Est-il imaginable que le ministère de l'Education de l'Ontario, via l'université d'Ottawa, paie les professeurs pour l'enseignement clinique dans une université québécoise? Enfin, il faudra d'abord, voir les conclusions avant de trancher. Au moins, il y a un départ qui a été fait, il y a un comité conjoint des deux provinces et des deux régions qui travaille sur le sujet.

Le Président (M. Kennedy): Le programme 11 est adopté?

M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Le programme 12 vise à assurer aux convalescents et aux malades à long terme les soins prolongés que requiert leur état.

M. Charron: Je pense qu'en toute honnêteté, vous devez remettre la parole au député de Taschereau.

Soins prolongés

Les malades chroniques

M. Bonnier: Merci. M. le Président, dans le fond, on se rend compte que nos hôpitaux généraux semblent être congestionnés en bonne partie, qu'un certain nombre de lits sont occupés par des malades chroniques, ce qui a comme résultat d'empêcher certains malades d'y entrer comme ils devraient le faire normalement. Deuxièmement, lorsqu'on étudie les coûts de telle et telle hospitalisation et qu'on les situe dans le secteur des hôpitaux généraux, évidemment cela a tendance à augmenter les coûts qui sont donnés, d'une façon absolue en tout cas, de ces hôpitaux, et je me demandais quelle était la politique actuelle du ministère pour le développement d'hôpitaux spécialisés de malades chroniques.

M. Forget: II y a deux éléments. D'abord, il y a le recyclage de certains centres hospitaliers qui s'est effectué et continue de s'effectuer lorsque, pour des raisons démographiques ou dépeuplement ou vétusté, etc., il semble qu'un centre hospitalier peut être mieux employé pour les malades chroniques. Je cite un certain nombre de cas qui, je suis sûr, reviendront à la mémoire de la plupart des membres de la commission: l'hôpital Catherine Booth, de Montréal; l'hôpital de la Miséricorde, à Montréal; deux hôpitaux spécialisés en obstétrique, dans une période de déclin rapide du nombre de naissances, qui se sont transformés en hôpitaux pour malades chroniques; l'hôpital Pasteur, dont les travaux de réaménagement, pour en faire un hôpital chronique, commenceront cet été. C'était un hôpital pour les maladies contagieuses d'enfants, un phénomène qui, à cause de la vaccination, etc., a tellement largement diminué que cet hôpital n'avait plus de raison d'être. La même chose peut être imaginée pour certains autres centres hospitaliers à plus ou moins long terme, à cause justement de déplacements dans la population, l'exode du centre-ville par exemple, vers les banlieues à Montréal qui crée, relativement parlant, un certain surplus de lits pour les malades à court terme dans le centre-ville et un déficit dans les banlieues. Comme il y a des équipements qui sont là, il y a peut-être des utilisations auxquelles il faudra songer. De cette nature, le problème peut se poser également à Québec à moyen terme, mais dans...

M. Bonnier: Est-ce qu'il y a des projets spécifiques pour Québec?

M. Forget: II n'y a pas de projets spécifiques à l'heure actuelle, mais des explorations ont été faites et, en particulier, je pense qu'il faut le mentionner puisque c'est connu, de toute façon, dans ces milieux; cette question a été explorée par le conseil régional et par le ministère des Affaires sociales relativement à l'hôpital Notre-Dame-de-l'Espérance, ici à Québec, il n'y a pas de conclusion définitive, il s'agit de voir quelles sont les solutions de rechange pour le volume de soins qui est donné et les médecins qui y sont affiliés.

Mais, à plus court terme, et là je reviens aux propos du début de la séance de cet après-midi, on observe un taux d'occupation qui est d'à peu près 6% ou 7% plus bas au Québec qu'en Ontario et qui est certainement très en deçà de l'optimum qui est d'environ 85% d'occupation pour les hôpitaux. Selon les experts, un peu partout on dit que c'est 85% l'idéal. On est à 76% en 1976; donc, il y a à peu près 9% sur une trentaine de milliers de lits. C'est passablement de lits inoccupés quand on considère la durée de séjour, qui est de plus de dix jours, contrairement à une moyenne de six jours et demi aux Etats-Unis et à une moyenne de huit jours et demi en Ontario. Il y a plusieurs milliers d'admissions qui pourraient se faire. On a calculé — c'est facile à faire — à 30 000 malades chroniques ceux qui pourraient être admis dans nos hôpitaux — 30 000 est peut-être un chiffre exagéré, c'est de mémoire; non, je pense que c'est cela — sur une année, sur la base du séjour moyen des malades chroniques et convalescents qu'on observe en Ontario.

Enfin, ce ne sont que des exercices d'arithmétique. Plus pratiquement, l'émission des permis pour 1976 va refléter l'effet d'une directive qui a été émise aux toutes premières semaines de l'année en cours, à l'effet que les malades chroniques qui se trouvent effectivement dans nos hôpitaux — hôpitaux qui, par ailleurs, ne sont pas congestionnés — et qui se trouvent dispersés un peu partout dans les unités de soins devraient être reconnus pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des malades chroniques, et devraient être regroupés dans des unités de soins appropriés.

Pourquoi? Principalement pour la raison suivante: C'est que le genre de soins qu'on donne à des malades chroniques n'est pas le même que l'on donne à un malade qui va être là pour cinq ou six jours. L'orientation du personnel, même sa formation, devrait être sensiblement différente. La qualité des soins s'en ressent si on les disperse un peu partout et si on les considère un peu comme des laissés-pour-compte ou des gêneurs. Cela a été très souvent la réaction, dans les milieux hospitaliers, de considérer comme des gêneurs les malades chroniques.

Etant donné qu'une capacité existe, qui n'est pas pleinement utilisée, étant donné qu'ils sont là de toute façon, nous avons dit, cette année: Bien, pour une fois, reconnaissons donc leur existence, regroupons-les dans des unités de soins et donnons-leur les soins appropriés. L'effet de cette opération, qui se reflétera quant aux permis — qui ont été envoyés, d'ailleurs, depuis quelques jours, je crois, aux différents centres hospitaliers — sera d'augmenter la capacité officielle pour les malades chroniques d'environ 700 à 800 places dans les centres hospitaliers du Québec. Il n'y a pas de lits additionnels qui sont créés mais ce serait faux de dire qu'il s'agit là simplement de changer les étiquettes. Encore une fois, nous reconnaissons officiellement qu'il y a des malades chroniques, que leur place n'est pas ailleurs, sans spécifier où c'est ailleurs. Mais on peut très bien leur faire une place dans nos hôpitaux et organiser les soins en conséquence parce que ce n'est pas le même genre d'organisation, encore une fois, que pour les malades de courte durée. Cela est en soi une réalité et une réponse qui est plus adéquate que simplement attendre un quelconque miracle, c'est-à-dire l'addition de 2000 ou 3000 places de lits pour malades chroniques spécifiquement construits pour ces fins.

Même si on décidait aujourd'hui de le faire, ce n'est pas avant six ans que les hôpitaux en question ouvriraient leurs portes. Dans l'intérim, il est clair que le nombre de malades chroniques que l'on peut, effectivement, accueillir dans nos hôpitaux et traiter dignement, convenablement, est très inférieur à ce qu'il devrait être, encore une fois si l'on compare. Est-ce que la comparaison est complètement appropriée? Comme on dit dans d'autres cas qu'elle ne l'est pas entièrement, cela ne doit pas l'être exactement non plus dans ce cas. Mais on remarque malgré tout qu'il y a un tiers seulement de la capacité totale de nos hôpitaux qui est consacré aux malades chroniques par rapport à l'Ontario. C'est-à-dire que la proportion des lits consacrés aux malades chroniques dans les hôpitaux de l'Ontario est trois fois plus élevée que la proportion équivalente au Québec. Donc, il y a là une disparité considérable.

Ce sont les deux mesures qui sont adoptées, qui sont en marche depuis quelques années, recyclage de certains centres hospitaliers et redésignation de certains lits. On ne se bute pas à la limite de capacité des hôpitaux de toute façon, nos taux de séjour sont longs, nos taux d'occupation sont bas. La solution la plus logique est d'organiser les soins pour les malades chroniques dans les hôpitaux existants.

Maintenant, l'argument économique. Les gens vont dire: Ecoutez, cela coûte $100 ou $150 par jour à tel hôpital, cela va donc coûter $150 par jour pour s'occuper des malades chroniques. Evidemment, c'est une plaisanterie, c'est une farce. Ce n'est pas l'occupation du lit qui coûte $100, ce sont les services que l'on donne aux gens qui sont hospitalisés pour soins de courte durée. Ces coûts demeurent pour ceux qui en ont besoin. Ils n'existent pas plus dans une unité de soins pour malades chroniques, même si c'est dans un hôpital d'enseignement, qu'ils existeraient dans un établissement séparé. Ce sont les mêmes soins, la même organisation et cela n'a aucune raison de coûter plus cher dans un hôpital universitaire que

dans un hôpital strictement pour malades chroniques.

Bien sûr, dans le passé, profitant d'une confusion des genres, certains hôpitaux se sont fait payer des budgets et du personnel en fonction d'une occupation pour des malades chroniques totalement pour des soins de courte durée, et la désignation d'une unité pour malades chroniques va réduire le budget auquel ils auraient droit en principe. Cependant, nous avons décidé de ne pas réduire leur budget, même dans ce cas, de manière à leur donner un encouragement additionnel, au moins pour cette année, à désigner de telles unités, à les organiser en conséquence. Mais cela devrait, plutôt que de compliquer leurs problèmes financiers, contribuer à les soulager.

M. Charron: M. le Président, je voudrais ajouter une sous-question à celle déjà posée par le député de Taschereau, à laquelle vient de répondre le ministre. Est-ce que la norme de 1.5 lit par région est atteinte dans toutes les régions du Québec? Si ce n'est pas le cas, est-ce qu'il y a des projets pour que cette norme soit atteinte partout?

M. Forget: De mémoire, de toute part, ce ratio est atteint en général et encore plus avec cette redésignation des lits à laquelle on a procédé cette année. Il se peut, malgré tout, que dans une ou deux régions il ne soit pas atteint. On me signale qu'il est possible que dans la région des Cantons de l'Est, de l'Estrie, il y ait peut-être trop peu de lits pour chroniques par rapport à un nombre vraiment exceptionnel de lits pour soins de courte durée.

M. Charron: Je me permets de signaler au ministre que le tableau de mai 1975 que j'ai entre les mains donnait .63 par 1 000 pour la région que vous venez de mentionner, ce qui est effectivement le plus faible ratio.

M. Forget: On est d'accord avec vos statistiques!

M. Charron: Oui, parce qu'elles viennent de chez vous! J'aurais bien aimé vous prendre en flagrant délit, dénonçant ces statistiques! ...

M. le Président, je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Kennedy): Programme 12, adopté?

M. Saint-Germain: Excusez-moi. Vous avez établi, si je ne m'abuse, une politique qui veut que 10% des lits des hôpitaux soient au service des maladies chroniques.

Une Voix: Oui.

M. Saint-Germain: Est-ce que c'est général pour tous les hôpitaux sans exception, hormis peut-être les hôpitaux universitaires ou quelque chose comme cela?

M. Forget: Oui. Pour les centres hospitaliers de 200 lits et plus, et avec quelques exceptions.

M. Saint-Germain: Et ceux qui ont moins de 200 lits?

M. Forget: La contrainte, de ce côté, a été l'organisation d'unités de soins. On appelle unité de soins une aile ou une partie de section qui forme une espèce d'unité administrative sur le plan des soins infirmiers et qui peut regrouper entre 20 et 35 lits. Si on veut une véritable organisation de soins pour les malades chroniques, on ne peut pas prendre deux tiers d'une unité de soins ou 1.1 unité de soins. Il faut prendre une unité de soins. Comme c'est de capacité variable, c'était au minimum 20 lits, sauf exception, c'est-à-dire 10% de 200 lits. C'est le minimum. En bas de cela, c'est difficile à appliquer, parce que cela n'a pas de sens. Cela peut aussi ne pas s'appliquer rigoureusement à cause de la configuration physique des hôpitaux, à cause du fait qu'ils ont déjà beaucoup, parce qu'il arrive qu'il y ait des hôpitaux à vocation multiple ou qui ont une autre vocation, soit de centre d'hébergement et de soins psychiatriques. Enfin, c'est une règle générale mais on ne peut pas l'appliquer aveuglément sans exception.

M. Saint-Germain: Et les hôpitaux en bas de 200 lits, habituellement, vous n'insistez pas pour...

M. Forget: Non.

M. Saint-Germain: Je vous pose une question bien particulière au sujet du centre hospitalier de Lachine où on doit disposer de 18 lits pour malades chroniques. Enfin, je ne veux pas de réponse ce soir; peut-être pourrait-on me répondre plus tard sur une telle question.

M. Forget: C'est relié à la transformation des services, comme la pédiatrie, etc., quand il y a des regroupements régionaux ou des choses comme cela.

M. Saint-Germain: C'est tout de même exceptionnel.

M. Forget: Oui.

M. Saint-Germain: En bas de 200 lits.

M. Forget: C'est un voeu général qui s'applique même à eux, mais, on ne peut pas appliquer des règles mathématiques. C'est sans aucun doute un voeu général. Il semble aussi — c'est un des problèmes, je ne passerai pas beaucoup de temps là-dessus — très curieux comme attitude, ce qu'on trouve dans le secteur hospitalier comme approche ou comme réaction à l'idée de malades chroniques. Sur le plan humain, mais même sur le plan médical — peut-être à la limite, parce qu'il y a moins de "turn over", il y a moins de volume peut-être — cela représente un défi qui est aussi important et aussi valorisant, il me semble, du moins, que les soins aux convalescents, par exemple, la réadaptation, la réhabilitation. On obtient ces réactions parfois où on envisage que s'occuper des malades chroniques, c'est une pé-

nalité. C'est très profond comme réaction et je n'en nie pas l'existence. Mais cela crée l'image que les malades chroniques sont ceux dont on ne s'occupe pas et ceux dont on ne veut pas vraiment s'occuper, parce que c'est un peu dégradant, que ce n'est pas à la hauteur, que ce n'est pas digne des gens de s'occuper des malades chroniques.

Si on regarde les problèmes de santé de façon générale, ce sont certainement les malades qui ont le plus besoin d'appui, de support et de soins continus, humains, parce qu'ils vivent parfois le reste de leurs jours dans un hôpital. Il y a énormément de choses qu'on peut faire pour eux. Je pense que le premier effort qu'on doit faire pour eux, c'est d'essayer de valoriser le fait de s'en occuper. Quand on aura fait cela, on ne verra plus aucune difficulté à trouver des places pour les malades chroniques. Le véritable problème n'est pas un problème de béton, de brique, d'organisation et d'administration; c'est un problème d'attitude.

C'est un peu le même problème qu'on trouve vis-à-vis des malades psychiatriques, qui ne sont pas des malades imaginaires non plus. Ils ont de vraies maladies, de vrais problèmes. Or, on trouve un certain sentiment de recul devant cela, un peu inspiré par une très grande modestie, parce qu'on n'a peut-être pas autant trouvé les façons de s'en occuper avec succès que pour les malades physiques. Du côté des malades chroniques, on a aussi ce mouvement de recul et, dans le fond, le ministère a un travail de persuasion constant pour essayer d'obtenir des places pour les malades psychiatriques et les malades chroniques. Le problème serait tout de suite résolu si on trouvait un moyen magique de les valoriser et de leur donner l'importance qui leur revient sur un plan humain. Je ne pense pas qu'on ait fait tous les progrès qu'on pourrait obtenir et je ne sais vraiment pas comment on s'y prend pour faire cela, si ce n'est d'en parler à l'occasion. C'est pour cela que je le fais ce soir. J'espère que cela tombe dans l'oreille de personnes convaincues.

Le Président (M. Kennedy): Le programme 12, adopté?

M. Saint-Germain: Si vous me le permettez, M. le Président, sur le même sujet, c'est peut-être aussi une autre réaction. C'est peut-être une réaction typique de l'hôpital de chez nous, en particulier le centre hospitalier de Lachine. On craint, en ce faisant, que le gouvernement n'ait une arrière-pensée et qu'il ne veuille faire de cet hôpital, s'il dit oui, un hôpital pour les maladies chroniques exclusivement. Je crois que cela a créé des inquiétudes terribles. Je ne sais pas si vous pouvez me confirmer ce soir la vocation à long terme de l'hôpital Saint-Joseph, à savoir si réellement vous voulez en faire à long terme un hôpital pour les maladies chroniques ou si vous voulez lui laisser approximativement la même vocation qu'il a dans le moment.

M. Forget: Pour ma part, je n'ai jamais entendu parler de cela avant ce soir. Il est évidemment toujours difficile de donner des garanties à long terme à qui que ce soit et d'être cru en le faisant, de toute façon. S'il y a des craintes, tout ce que je peux dire, c'est qu'elles sont, pour le moment, pour autant que je sache, sans aucun fondement, sauf qu'on ne voudrait pas — parce qu'on craint l'avenir — qu'on ferme la porte aux malades chroniques dans tous les cas où on peut faire quelque chose pour eux, sans nécessairement tout faire pour eux ou abandonner tout le reste.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. La commission ajourne ses travaux sine die.

M. Charron: Probablement demain après-midi.

Le Président (M. Kennedy): Demain après-midi, après la période des questions.

M. Charron: Est-ce que le Dr Laberge sera ici demain après-midi?

M. Forget: Ce n'est pas vraiment possible...

(Fin de la séance à 22 h 6)

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