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Commission permanente des affaires sociales
Etude des crédits du ministère des
Affaires sociales
Séance du mardi 4 mai 1976
(Seize heures quarante minutes)
M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
La commission des affaires sociales est de nouveau réunie pour
l'étude des crédits budgétaires du ministère des
Affaires sociales pour l'année 1976/77. Le programme 11: Soins
spécialisés et ultra-spécialisés.
Le député de Saint-Jacques.
Soins spécialisés et
ultra-spécialisés Coût de la santé
M. Charron: M. le Président, nous pouvons difficilement
aborder la question des centres hospitaliers du Québec et des services
que ces centres ont à rendre à la population, sans aborder le
sujet sous l'angle des restrictions budgétaires annoncées par le
ministre des Affaires sociales au cours de l'année financière
expirée.
Si vous me le permettez, M. le Président, et aux fins de
raccourcir le débat, j'aimerais donner mon aperçu et
l'aperçu de l'Opposition sur cette décision, me permettant ainsi
d'examiner l'ensemble de la situation des centres hospitaliers, pour permettre
ensuite au ministre de répondre un peu plus longuement, mais
peut-être de façon un peu plus complète, à ce
qu'autrement nous ne pourrions atteindre par un débat
intercoupé.
Cette question des restrictions budgétaires et la façon
dont le ministre des Affaires sociales a décidé d'y
procéder a, immédiatement après son annonce, fait couler
beaucoup d'encre, causé beaucoup de remous et je dirais même
conduit déjà à des décisions qui, à leur vue
première, semblent effectivement affecter sérieusement la
qualité des services de santé offerts à tout le moins dans
certaines régions. D'ailleurs, le ministre est absolument libre de me
dire si ces centres hospitaliers se sont servis des restrictions
budgétaires comme prétexte ou non, il reste le fait que plusieurs
de ces centres ont annoncé des modifications dans leur fonctionnement,
en invoquant comme responsabilité première aux modifications
qu'ils ont apportées la décision du ministre des Affaires
sociales.
Au cours de ce débat que nous entamons, c'est à lui de
nous dire ou de nous expliquer, comme il l'a fait tout à l'heure
à la Chambre, lorsque j'ai soulevé cette question pour les
hôpitaux de la région de Québec, qu'il n'y a pas de rapport
entre les restrictions budgétaires de 2,5%, c'est-à-dire
d'environ $30 millions, imposées par le ministre des Affaires sociales,
et certaines annonces faites j'en cite quelques-unes: d'abord
l'hôpital de Val-d'Or, qui occupe déjà l'actualité
depuis une quarantaine de jours, et où on évoque la mauvaise
situation des services de santé comme responsabilité
première des restrictions annoncées par le ministère des
Affaires sociales. Dans une autre région, à Alma, deux
unités de soins seront fermées en juillet et août
prochains. Durant les vacances, les absences du personnel ne seront pas
comblées et les autorités du centre ont invoqué la
restriction imposée par le ministère. A l'hôpital du
Sacré-Coeur de Cartierville, on assistera vraisemblablement, au dire
même des autorités, à une restriction des services externes
et à la fermeture de certaines unités. L'hôpital de
Lévis est à procéder à un même nombre de
restrictions qui devraient conduire également à une diminution
des soins pour la population de la rive sud, en face de Québec.
Cette politique, M. le Président, si vous me permettez d'y
remonter, puisque c'est la première occasion que nous avons de le faire,
fait suite au discours prononcé par le ministre devant l'AHPQ, où
il dénonçait certaines pratiques qui, à mon avis,
expliquent les disparités de coûts dans le domaine hospitalier
entre l'Ontario et le Québec. Je me permets de les rappeler, puisque
c'est là qu'aura lieu le débat. Ces pratiques, disait-il, sont de
deux ordres: la première est d'ordre médical.
Qu'est-ce qui ferait qu'au Québec cela coûte plus cher, les
hôpitaux, qu'en Ontario? Médicalement, disait-il, dans les
premières raisons, le taux d'occupation des lits serait plus faible et
la durée de séjour plus longue qu'en Ontario. Il évoquait
des statistiques que je n'ai pas à rappeler. Il invoquait
également une dispersion des efforts dans des domaines
ultra-spécialisés, à cause de la multiplication
d'équipements coûteux à laquelle se livreraient les centres
hospitaliers actuellement.
Il parle d'un nombre élevé de lits d'enseignement dans les
centres-hôpitaux, plus élevés qu'en Ontario, semble-t-il.
Evidemment, la pratique qui a voulu que les cliniques externes deviennent un
peu les substituts des cabinets privés de médecins serait aussi
une des causes d'augmentation des coûts dans les hôpitaux du
Québec.
Si tel est le cas, M. le Président, si ces pratiques
médicales sont à l'origine d'une partie de la hausse des
coûts dans le domaine hospitalier, il faut immédiatement demander
au ministre des Affaires sociales ce qu'il a fait à l'égard de
ces pratiques médicales. Si mes informations sont exactes, et je crois
qu'elles le sont, le ministre des Affaires sociales refuse toujours de payer
les médecins pour l'utilisation des cliniques externes. Les
médecins n'ont aucune norme ou directive d'émise concernant la
durée des séjours. Il est courant que l'hospitalisation, par
exemple, débute un vendredi, pour des opérations prévues
le lundi ou le mardi.
Qui, dans l'hôpital, détermine l'entrée ou la sortie
des patients? Qui détermine le nombre de lits, que, communément
dans les centres hospitaliers, ceux qu'on appelle les patrons possèdent
chacun à peu près par unité? Si ces pratiques
médicales ont conduit à des hausses de coût, qu'a fait le
ministère des Affaires sociales ou pourquoi
le ministère des Affaires sociales refuse-t-il, par exemple, de
donner aux conseils régionaux des services de santé et des
services sociaux, les pouvoirs nécessaires pour effectuer une
véritable régionalisation des services de santé? C'est
seulement à ce niveau que peuvent se prendre des décisions, par
exemple, comme la fermeture d'unités de soins spécialisés
ou des regroupements de certains services, qui, effectivement, pourraient
conduire à une diminution de coût.
La pratique l'a démontré, par exemple, le ministre le
sait, dans le cas des buanderies communautaires des centres hospitaliers. Sans
cela, il est possible et si les médecins ont toute cette
liberté d'action effectivement qu'on conduise à des
compétitions entre institutions, et que des campagnes d'opinion publique
s'élèvent contre toute régionalisation qui
empêcherait le ministère des Affaires sociales d'agir. Comment se
fait-il, par exemple, que la situation que dénonçait le ministre
des Affaires sociales lui-même concernant les unités de
cardiologie soit quand même demeurée inchangée? S'il est
vrai que certaines pratiques médicales ont constitué un
élément moteur dans la hausse des coûts, qu'a fait le
ministre des Affaires sociales, le ministère des Affaires sociales, pour
modifier ou intervenir dans ces pratiques médicales que j'insiste
sur ce point, M. le Président il faut séparer des
pratiques purement administratives des directeurs et des conseils
d'administration des centres hospitaliers?
Venons-en à ce deuxième point immédiatement, M. le
Président. Dans son discours à l'AHPQ, en novembre dernier, je
crois, le ministre des Affaires sociales identifiait ces pratiques
médicales sur lesquelles je lui demande de me préciser les
décisions qu'il a prises, après avoir identifié le mal,
mais aussi des causes d'ordre administratif, disait-il. Il disait je
remonte à son discours que le Québec consacrerait $53
millions de plus que l'Ontario à ce qui s'appelle l'administration
générale des hôpitaux, les archives, la buanderie,
l'entretien ménager, qu'on consacrerait $35 millions à des
services de laboratoire, de radiologie, de l'équipement médical,
chirurgical, des médicaments, et qu'on aurait une différence de
$50 millions pour les soins infirmiers.
Je ne veux pas, sur ce point, M. le Président, prendre la
défense des administrateurs de centres hospitaliers ou les absoudre. Je
pense que la façon dont ils ont réagi eux-mêmes,
peut-être de façon un peu véhémente, sur le coup,
à l'intervention du ministre des Affaires sociales indique
qu'effectivement ces administrations ont une part de responsabilité.
Je pense que, dans ce discours qui s'est voulu à sens unique
à l'endroit des administrateurs réunis en face du ministre des
Affaires sociales, il a lui-même escamoté et largement, la
responsabilité de son ministère, pour ne pas dire celle du
gouvernement en entier, dans la pratique administrative même.
J'écarte pour le moment, maintenant, la pratique médicale
à l'intérieur des centres hospitaliers. Je sais que le ministre
des Affaires sociales a été lui-même le sous-ministre
adjoint au financement, du temps de M. Castonguay et donc que sa principale
tâche, si je la comprends bien, à ce titre, était de
contrôler les coûts de santé. Lui-même peut nous
donner un exemple ou, en tout cas, est mieux placé que quiconque pour
nous parler des efforts faits non seulement au cours de son mandat comme
ministre, mais même depuis l'existence du ministère des Affaires
sociales, à cette impuissance du gouvernement à administrer
efficacement le système hospitalier et à contrôler la
hausse des coûts dans ce secteur.
Si je veux identifier, pour les fins du débat, M. le
Président, ce que j'appelle la responsabilité gouvernementale
au-delà de la responsabilité des différentes
administrations locales de centres hospitaliers, je le préciserai en
quelques points.
La première responsabilité du gouvernement dans la hausse
des coûts, au plan administratif, peut venir du fait que la loi 65, par
exemple, a escamoté une partie importante de la réforme que le
rapport Castonguay suggérait à ce chapitre: la
régionalisation budgétaire. C'est à ce niveau, à
mon avis, que peut être fait un véritable contrôle efficace
des coûts, mais à condition de leur donner les pouvoirs
nécessaires.
Les technocrates du ministère, dont faisait partie l'actuel
ministre, n'avaient pas, semble-t-il et je me souviens de la discussion
de la loi 65 bien confiance en ce genre d'approche d'une
régionalisation budgétaire. Il aurait fallu croire que presque
eux seuls pouvaient bien administrer, qu'eux seuls pouvaient bien
contrôler. Tous les pouvoirs importants devaient, en quelque sorte,
être à Québec et un vague rôle consultatif devait
être laissé aux CRSSS.
C'est sous cet empire que nous avons vécu et c'est sous cet
empire que nous avons assisté à une hausse des coûts, comme
celle à laquelle on assiste et que veut maintenant contenir, par ses
restrictions budgétaires, le ministre des Affaires sociales.
Peut-être aurions-nous à l'occasion de la loi 65,
elle-même, l'occasion de prévenir, un tant soit peu, mais
là, tous les efforts étaient nécessaires, à mon
avis, le spectacle d'une hausse vertigineuse de coûts, auquel nous
assistons actuellement.
Ne demandez pas à un hôpital seul de se départir
d'un service ultra-spécialisé, par exemple, parce qu'il est en
concurrence avec un autre. Je pense que c'est au niveau régional que la
décision peut être prise, qu'elle a tout le moins le plus de
chance d'être concrétisée. Mais, le niveau régional,
en vertu de la loi 65, n'a que des pouvoirs de consultation et que des pouvoirs
d'avis. Il a aussi, selon la loi 65, en maintenant tous les
représentants des anciennes corporations sous les conseils
d'administration, politiquement favorisé le statu quo et le maintien de
la suprématie médicale de tous les privilèges qu'elle
comporte. La structure même qu'on a voulu maintenir, ou en tout cas,
protéger en vertu de la loi 65, a certainement conduit qu'en fait,
aujourd'hui ces conseils d'administration se sont livrés, depuis la loi
65, à ces décisions auxquelles le ministre des Affaires sociales
se sent obligé de répondre, parce qu'il constate, sur le plan
financier, les conséquences qu'elles ont engagées.
La deuxième responsabilité du gouvernement, M. le
Président, dans cette hausse des coûts de l'administration des
centres hospitaliers je l'ai abordée en parlant de la structure
à implanter par la loi 65 tient au fait que le ministre n'a pas
voulu toucher aux pouvoirs des médecins qui contrôlent
effectivement l'hôpital, sans égard aux coûts. Je suis
étonné que le ministre ne fait rien pour diminuer les coûts
dans les secteurs où l'administration n'est pas responsable car, M. le
Président, la vie réelle et interne des hôpitaux est bien
autre chose qu'un organigramme, qu'une explication très administrative
que l'on puisse déposer pour information du large public ou même
pour l'intérêt des membres de la commission.
La vie interne et quotidienne des hôpitaux les met effectivement
au service des médecins et non pas des patients. A plusieurs endroits,
et la taille de l'hôpital est un facteur considérable, ils peuvent
effectivement en être les rois et maîtres. Ce sont eux qui,
à l'occasion, peuvent exiger des équipements sophistiqués
et souvent inutiles, par esprit de compétition, par exemple avec des
confrères. Par exemple, on signale que la plupart des hôpitaux ont
des microscopes électroniques qui ne sont pas utilisés au maximum
de leur capacité et qui comportent des coûts d'administration, des
coûts d'achat et d'entretien élevés. Ce sont eux qui
prescrivent, ce sont eux qui contrôlent l'admission et la sortie, qui
utilisent les fournitures. Dans la région de Québec, dont on
parlait cet après-midi en Chambre, certains laboratoires de cytologie
font des examens pour la pratique privée, alors qu'un seul laboratoire
est autorisé à en faire.
Ce que le ministre oublie de dire aussi, c'est que le choix de les
rémunérer à l'acte impliquait nécessairement une
tendance à l'augmentation des coûts de la santé et qu'enfin
la façon dont est alloué le contrôle sur l'utilisation des
lits dans les hôpitaux entraîne nécessairement une
utilisation, non pas en fonction des malades, mais en fonction des
médecins. Le fait que les lits soient octroyés dans les
hôpitaux loi 65 ou pas toujours selon la formule
traditionnelle du patron qui possède un certain nombre de lits dans une
unité qu'il peut, à sa guise, remplir à capacité
ou, selon son horaire personnel, pousser à vider le plus rapidement
possible, tout cela a des conséquences directement administratives sur
les dépenses à l'intérieur d'un centre hospitalier. Cette
prérogative n'a été touchée par aucune politique,
aucune directive ou aucune tendance de normes émanant du
ministère des Affaires sociales. Il y a aussi ce phénomène
dont on parlera un peu plus longuement tout à l'heure, soit celui de
l'utilisation des cliniques extrenes comme véritables cabinets
privés de certains médecins.
Une troisième responsabilité du gouvernement sous l'angle
de la hausse des coûts, nous en avons déjà parlé, je
la signale, est le fait que le Québec est considérablement en
retard sur l'Ontario, par exemple, endroit privilégié de
comparaison dans l'intervention du ministre des Affaires sociales devant
l'AHPQ, sur les soins préventifs et les soins à domicile, ce qui
a, effectivement, un effet considérable sur les besoins de soins
curatifs en institution et qui augmente donc et là, on rejoint la
statistique première à laquelle je me référais
la durée de séjour de certains patients dans les
hôpitaux et ainsi augmente le coût de fonctionnement de certains
centres hospitaliers.
Je m'en voudrais de ne pas signaler que, dans cette intervention
à l'AHPQ où le ministre accusait littéralement ou presque
les centres hospitaliers de faire du patronage, s'il se trouve certains membres
de conseils d'administration en conflit d'intérêts, ce sont ceux
que très souvent le ministre des Affaires sociales a lui-même
recommandés pour nomination au lieutenant-gouverneur.
Je sais que cette assemblée a voté une loi qui visait
à exclure des conseils d'administration toute personne pouvant se
trouver en conflit d'intérêts; il reste qu'elle n'a pas eu toutes
les suites que nous pouvions espérer et qu'effectivement certains
conseils d'administration doivent ajouter comme facteur à la hausse des
coûts certaines pratiques qu'a voulu même contenir le ministre des
Affaires sociales.
La cinquième responsabilité: une façon de
réduire les coûts suggérée par le ministre est
certainement le regroupement des achats des services. Je sais que certains
CRSSS ont procédé à des efforts pour arriver le plus
rapidement possible à une politique de regroupement d'achat des
médicaments, mais c'est l'AHPQ qui a fait des efforts dans ce domaine,
beaucoup plus que le ministère des Affaires sociales.
Lors de l'étude des crédits, l'année
dernière, c'est le ministre lui-même qui mettait en doute la
valeur d'un regroupement d'achat de médicaments, malgré les
économies escomptées.
Je conclus avec cela: Je pense que tous ces facteurs, loin d'absoudre
les administrations locales, complètent, à mon avis, un tableau
des causes et des responsabilités et des administrations locales et du
gouvernement lui-même, dans cette hausse des coûts d'administration
de centres hospitaliers à laquelle nous avons assisté au cours
des dernières années et qui se veut tellement évidente
maintenant que le ministre a cru bon intervenir avec les restrictions
budgétaires dont nous parlons.
Sans demander au ministre des Affaires sociales de plaider coupable sur
les points que je viens d'énumérer, j'aimerais qu'il ajoute aux
éléments qu'il a prononcés en novembre dernier ses
commentaires sur ces différents facteurs qui ont pu contribuer tout
aussi indirectement que directement à la hausse des coûts que la
pratique administrative même des conseils locaux d'administration.
Le Président (M. Kennedy): Le ministre des Affaires
sociales.
M. Forget: M. le Président, je suis vraiment
stupéfait des remarques que j'entends de la bouche du
député de Saint-Jacques. J'avais cru comprendre que, depuis
quelques années, il s'est passé bien des choses dans le domaine
de la santé au Québec et qu'il y avait eu passablement
de bouleversements. C'était peut-être une illusion
d'optique. Au moins à entendre le député de Saint-Jacques,
on serait prêt à conclure que, effectivement, il ne s'est rien
fait. Je ne crois pas que je serais le seul à être
stupéfait par une conclusion comme celle-là.
Il y a tellement de choses que je pourrais dire que je dois presque
confesser que je ne sais vraiment pas par quel bout commencer. Il y a la
description que je pourrais faire abondamment d'abord du
phénomène économique que représente la santé
au Québec, qui est.à la base, dans le fond, de nos
préoccupations, parce qu'il semble que le Québec consacre une
part beaucoup plus que proportionnelle de ses ressources au secteur de la
santé qu'il n'est normal, si on regarde du moins la plupart des
provinces, des Etats ou des pays autres que le Québec. Je ne citerai
cependant que quelques chiffres. Je pense qu'il faut commencer par là.
Il faut certainement indiquer que nos préoccupations ne sont pas
basées sur des préoccupations d'ordre budgétaire à
court terme. Il est vrai qu'il y a des difficultés financières
dans une année de récession économique; pour tous les
gouvernements provinciaux, fédéraux, municipaux, cette
année est une année difficile, mais on est capable de traverser
l'année en cours sans catastrophe.
Le problème des coûts de la santé dépasse de
loin en signification dans sa portée, dans ses conséquences, pour
le Québec, les difficultés passagères d'une année
financière donnée.
La façon la plus sommaire de traîter du problème est
de regarder le pourcentage du produit provincial brut du Québec qui est
consacré aux dépenses de santé. On constate que le
Québec consacre 5,5% de son produit provincial brut et que l'Ontario y
consacre 4,25%. Pourquoi l'Ontario? Parce que c'est une province d'une
population à peu près comparable sur le plan du nombre, sur le
plan de l'urbanisation et dont les standards de service ne sont certainement
pas inférieurs aux nôtres, et qui, par conséquent, offre un
bon point de comparaison. On ne peut pas se comparer aussi facilement avec
l'Etat du Massachusetts, par exemple, qui a aussi une population identique
à celle du Québec, environ 6 millions, parce que, là, le
système des services de santé est trop différent pour
pouvoir faire une comparaison. Je pense qu'il est assez normal de se comparer
avec l'Ontario, et c'est seulement pour cette raison de convenance
l'Ontario consacre 4,25% et je le rappelle encore une fois: 5,55% pour
le Québec, donc il y a là un écart de 1,25% du produit
provincial brut. C'est au niveau le plus agrégatif.
On peut dire, bien sûr, qu'il est normal que, dans une province
plus pauvre, il y ait une part plus importante du produit provincial brut qui
soit consacrée aux dépenses de santé.
Effectivement, lorsqu'on se compare à Terre-Neuve, on est dans
une position privilégiée, si on veut. Le raisonnement est bien
simple. Il faut payer les médecins à peu près le
même prix partout, parce qu'en principe ils sont mobiles. Ce prix est
relativement plus élevé, par rapport au revenu à
Terre-Neuve, qu'il ne l'est par rapport au revenu en Ontario. C'est normal,
mais cela ne peut pas tout expliquer, puisque les niveaux de salaire dans les
hôpitaux reflètent également les différences de
richesse relative des provinces. Il y a des arguments qui vont en faveur d'une
explication différentielle, mais il existe et il est d'une importance
troublante.
Maintenant, si on regarde plus en détail, on voit que le
coût par habitant des services aux malades hospitalisés, les
services internes, laissons de côté les services externes,
où là, il y a tout un problème de choix entre la pratique
en cabinet privé et la pratique en milieu hospitalier, et cela
diffère d'une période à l'autre, cela diffère d'une
province à l'autre, mais au moins, pour les malades hospitalisés,
on se rend compte qu'il y a un écart toujours défavorable au
Québec. Il s'agit là d'une chose beaucoup moins
compréhensible. On a un coût per capita, non pas par jour
d'hospitalisation, mais par habitant, pour l'ensemble des dépenses
hospitalières au Québec, qui est en 1975 de $157 et en Ontario de
$148. Tout cela, avec des niveaux de salaire, dans nos hôpitaux, en 1975,
qui étaient très nettement inférieurs aux niveaux de
salaire dans les hôpitaux de l'Ontario, puisqu'on a fait un rattrapage
dans nos offres du mois de novembre, c'est donc qu'il y avait un important
rattrapage à faire. Or, ces niveaux de dépenses estimés
pour 1975 reflètent les salaires payés avant les offres
déposées en novembre.
Si on regarde encore plus en détail, on se rend compte que cette
différence a existé depuis plusieurs années, que le taux
d'accroissement des dépenses, malgré tout, n'est pas tellement ce
qui peut nous préoccuper dans l'ensemble, puisque ce taux de
dépenses a subi un ralentissement depuis cinq ans. Je crois que les
efforts faits par le ministère des Affaires sociales, depuis cinq ans,
il est possible d'en démontrer l'impact. A part ce ralentissement du
taux d'accroissement, malgré tout, le niveau des dépenses
on partait déjà trop haut, et même si on a ralenti
l'accroissement, on finit la période de cinq ans encore plus haut que
l'Ontario, parce que, bien sûr, même si on a ralenti, on n'a pas
ramené à zéro l'accroissement de ce coût, et de
beaucoup s'en faut!
Non seulement cela nous coûte-t-il plus cher au Québec
qu'en Ontario pour faire fonctionner nos hôpitaux, mais on fait moins de
choses avec nos hôpitaux, on s'occupe de moins de gens, et, encore
là, de façon très sommaire. Il n'y a pas
d'hypothèse, ce sont seulement les faits qui parlent par
eux-mêmes. Bien sûr, si on veut l'expliquer, ce sera beaucoup plus
compliqué, sans aucun doute, et on n'a pas d'explication absolument
à l'épreuve de toute critique, mais, quand même, les faits
ne prêtent pas à beaucoup de contestation. Si on regarde le nombre
d'admissions, de personnes qu'on admet dans un lit en moyenne, dans une
année, en 1974, au Québec et en Ontario, on se rend compte, pour
ce qui est des hôpitaux généraux d'enseignement public,
c'est-à-dire les grands hôpitaux d'enseignement, qui correspondent
à peu près à la moitié du total des lits pour des
soins de courte durée, qu'on faisait un peu moins de 25 admissions au
Québec par lit,
dans une année, alors qu'en Ontario on en faisait un peu plus de
30; cinq admissions de plus par lit, c'est 20% d'admissions de plus qu'on fait.
On utilise pour 20% plus de gens les hôpitaux en Ontario. Pourtant, au
Québec, ce même lit coûte déjà plus cher. Il
coûte plus cher et on réussit à lui faire rendre moins de
services et à un moins grand nombre de personnes. C'est
préoccupant.
Non seulement admet-on moins de monde, mais on admet moins de monde
parce que, dans une certaine mesure, on ne réussit pas à occuper
aussi complètement nos hôpitaux ici que l'on réussit
à le faire en Ontario. Pour 1974, on a un taux d'occupation de 76% et de
82% pour l'Ontario, la même année. Il y a là 5% de
différence dans le taux d'occupation. Il y a donc un investissement de
centaines de millions de dollars consenti par les Québécois,
à même les revenus des impôts, qui dort, en quelque sorte,
qui n'est pas utilisé. Et non pas parce qu'on n'y met pas l'argent pour
le faire fonctionner.
Encore une fois, dans les budgets de fonctionnement, on a des
dépenses plus considérables. On a le début d'une
espèce de mystère dans le fonctionnement de nos services
hospitaliers. Si on se penche plus à fond, on se rend compte que ces
hôpitaux qui sont moins remplis, qui admettent moins de gens, toutes
proportions gardées, sont, malgré tout, utilisés pour
garder les gens un peu plus longtemps.
Le député de Saint-Jacques dit: C'est parce qu'on fait
moins de prévention ici qu'ailleurs, parce qu'on a moins de services
à domicile ici qu'en Ontario. Je me demande bien où il a pu
prendre ce renseignement. Dans le contexte hospitalier, on a eu l'occasion de
discuter des services à domicile lors de l'étude d'autres
éléments des crédits. Ils sont plus
développés au Québec, malgré leur état
relatif de sous-développement par rapport à un idéal,
qu'ils ne le sont dans les autres provinces. Cette année, nous
consacrons quelque $20 millions pour les services infirmiers à domicile.
J'aimerais bien savoir si on a des montants équivalents pour les
hôpitaux ontariens. C'est un programme qui a eu une faveur
particulière au Québec et pas depuis un ou deux ans, parce que
cela prend plus de temps pour avoir un impact, mais depuis 1966; cela fait dix
ans qu'il y a des services à domicile, en relation avec les services
hospitaliers au Québec, et pourtant le taux d'hospitalisation,
c'est-à-dire le nombre de jours d'hospitalisation, relativement au
chiffre total de la population, est constant, à 1,2%, depuis dix ans. Il
n'y a eu aucune modification, ni à la hausse, ni à la baisse.
Si on regarde l'évolution des coûts, dans tous les secteurs
d'activité hospitalière, on a des écarts. On a des
écarts dans le secteur de l'administration. J'y reviendrai tantôt,
puisqu'on a fait allusion au problème des regroupements d'achats, des
regroupements d'activités. Des développements se sont fait jour
de ce côté sur lesquels j'aimerais faire le point. Il y a des
dépassements quant à l'impact proprement médical de
l'activité hospitalière, c'est-à-dire l'utilisation des
médicaments, l'utilisation des procédures diagnostiques de labo-
ratoire, de radiologie, qui est immensément plus grande par admission au
Québec que ce n'est le cas en Ontario.
L'automne dernier, dans mon discours à l'Association des
hôpitaux, j'ai dit qu'effectivement on pouvait estimer à $56 par
admission la différence entre le coût total de tous les examens de
laboratoire et de radiologie qu'on exécute au Québec et
l'équivalent en Ontario, par admission. Tenant compte du nombre
différent d'admissions, du chiffre différent de la population,
tenant compte d'une personne qui se présente à l'hôpital
pour une hospitalisation, on dépense, en moyenne, $56 par rapport
à $116. C'est donc 50% de plus au Québec qu'en Ontario pour ces
activités. Ce n'est pas rien! C'est une somme considérable! Comme
on fait à peu près 700 000 admissions, c'est $35 millions que
l'on consacre à des activités d'investigation diagnostique de
plus qu'on ne le fait en Ontario.
Enfin, il y a le problème du personnel. Dans nos centres
hospitaliers, le personnel a toujours été plus
élevé que ce n'était le cas en Ontario. Il y a eu une
évolution à la hausse dans l'ensemble. Je cite les chiffres,
parce que, dans le contexte actuel, on parle beaucoup de charge de travail, de
mobilité, de toutes sortes de choses dans le secteur des hôpitaux.
Je crois que cela aide à préciser les idées
là-dessus. Ce sont des chiffres qui ne sont même pas les chiffres
du ministère des Affaires sociales. Remarquez que ce sont des chiffres
qui sont tirés de publications de Statistique Canada, qui obtient ses
rapports directement des hôpitaux. Ce sont donc les chiffres des
hôpitaux eux-mêmes, transmis à une agence
fédérale, totalisés et publiés, que tout le monde
peut connaître. Donc, il ne s'agit pas de biaiser la présentation.
C'est le total des heures rémunérées par journée
d'hospitalisation. C'est une façon comme une autre d'établir une
comparaison qui est très défendable, je pense. En 1969
déjà, on avait 4,7 heures par opposition à 4,6 en Ontario.
Un écart, si on veut, en terme de ratio; le Québec, par rapport
à l'ontario, était à 102% quant au nombre d'heures
rémunérées dans les hôpitaux.
En 1974, après quelque six ans d'évolution, le
Québec se situait à 12,5% de plus quant au total d'heures
rémunérées, par rapport à l'Ontario. On me dira:
Les heures rémunérées, ce ne sont pas les heures
travaillées. Il y a les congés, les vacances, les congés
de maladie. Je veux bien, il ya tout cela. Mais je n'ai jamais entendu dire
que, dans les hôpitaux d'Ontario, les gens ne prenaient pas de vacances,
n'étaient pas malades, etc.
Donc, ces 12%, il ne faut pas les expliquer par les
bénéfices, il faut les expliquer par la différence des
bénéfices sociaux. Comme on sait que les bénéfices
sociaux peuvent représenter quelque 25%, on ne peut pas attribuer tout
l'écart aux différences dans les bénéfices sociaux.
On sait, par ailleurs, que les différences ne sont pas si
considérables que cela. Il faut bien admettre qu'il y a plus de gens
dans nos hôpitaux pour faire les mêmes tâches et
peut-être des tâches un peu inférieures, parce que, les
séjours étant plus longs, en moyenne, au Québec et que,
l'intensité des soins étant moindre dans les dernières
journées d'un sé-
jour plus long, répartie sur l'ensemble, la tâche est
peut-être un peu moindre dans nos hôpitaux. Il y a, malgré
tout, 12,5% de plus de personnel qui, en 1974, était payé, ou
12,5% de plus d'heures rémunérées.
Pour ce qui est du personnel à plein temps, par 100 lits, on a
expliqué à plusieurs reprises, à l'Assemblée
nationale, des ratios qui sont inquiétants également, quelque
2,6%. Si on comprend le personnel à plein temps ou équivalent
à plein temps, on obtiendrait des ratios différents.
Mais en prenant les comparaisons identiques, on a un ratio qui peut
atteindre jusqu'à 2,6 employés par lit, ou, si on veut, 260
employés par 100 lits, alors que, dans tous les pays que l'on
connaît, qu'il s'agisse d'autres provinces canadiennes, qu'il s'agisse
des meilleurs hôpitaux américains, les grandes cliniques
américaines qui sont connues dans le monde entier, qu'il s'agisse des
hôpitaux français, j'ai posé personnellement la question
à des administrateurs de grands hôpitaux universitaires, par
exemple à Nancy ou à l'administration d'assistance publique,
à Paris, le calcul normal, c'est deux employés par lit.
J'étais en Finlande cette année. Au grand hôpital
universitaire de Helsinki, où il y a 2000 lits, il y a 187
employés pour 100 lits, donc, moins de deux employés par lit,
dans un pays où, après tout, il y a cinq semaines de vacances
pour les employés, annuellement.
Evidemment, les heures sont plus longues. Malgré tout, si l'on
fait le bilan, le nombre d'employés par lit au Québec est le plus
élevé dans le monde entier. C'est la seule conclusion à
laquelle on peut en venir. Je n'ai pas investigué dans les
hôpitaux du Kenya, mais, avec les chiffres que l'on connaît, on a
plus de monde dans nos hôpitaux au Québec, qu'il n'en existe dans
aucun autre pays civilisé connu.
C'est inquiétant. Ce n'est pas inquiétant pour le
gouvernement, ce n'est pas inquiétant pour le budget. On peut s'en tirer
cette année. On pourra également, s'en tirer l'an prochain.
Il reste que ce sont des ressources que la collectivité a et
qu'elle consacre de façon apparemment pas très rentable. Elle se
prive, en ce faisant, d'autres possibilités et d'autres services,
d'où la nécessité et je ne veux pas ennuyer les
membres de la commission avec des statistiques il y en a des tonnes,
littéralement. Je vais essayer de prendre celles qui sont les plus
significatives, de résoudre le problème qu'on a.
On a un problème, un problème qu'on essaie de
résoudre. De quelle manière? Il y a plusieurs fronts à
cette question-là. Il y a le front purement administratif. C'est le plus
facile, évidemment, sans dire qu'il est très facile. Il y a, bien
sûr, des évidences, comme le regroupement des achats et des choses
comme cela.
Je crois qu'on peut dire, à l'heure actuelle, que le regroupement
des achats, dans le secteur des services hospitaliers, est une chose qui est
une réalité dans toutes les régions du Québec. Ce
n'est pas une très vieille réalité.
Le député de Saint-Jacques a dit tantôt: Ce n'est
pas le ministère des Affaires sociales qui a fait cela, c'est
l'association des hôpitaux. Je ne disputerai pas à l'association
des hôpitaux le mérite d'avoir fait une bonne chose comme
celle-là. Je pense qu'il faut malgré tout, pour le
bénéfice des historiens, si ce n'est pas pour le
bénéfice de la commission, dire que, lorsque l'association des
hôpitaux a entrepris cette initiative en 1970 et en 1971, elle l'a fait
avec l'appui technique et financier du ministère, en pleine connaissance
de cause, et elle l'a fait de façon intérimaire, en attendant que
des structures régionales soient mises en place.
Donc, il y a eu au moins une collaboration éclairée de la
part du ministère et, depuis, il y a eu un appui non équivoque du
ministère pour que les conseils régionaux mettent en place des
structures d'achat en commun.
Les bienfaits de cela sur le plan économique ne sont plus
à démontrer. Dans la seule région de Montréal
je l'ai indiqué aussi, ce n'est qu'un exemple, mais il parle par
lui-même seulement pour l'achat de l'huile à chauffage,
l'an dernier, on a économisé, par les achats en commun, $500 000
durant l'année. C'est un système qui se généralise
un peu partout, pour les achats de fournitures, pour les achats de
médicaments également.
Le problème de l'achat en commun des médicaments pose de
très sérieuses difficultés, parce qu'il y a une
juridiction partagée à l'intérieur des centres
hospitaliers entre le pharmacien en chef et l'acheteur ou le directeur des
finances, ou le directeur général. Il reste qu'il faut faire une
certaine standardisation. On ne peut pas acheter en commun des milliers et des
milliers de produits. Le ministère, depuis deux ou trois ans, publie une
liste de médicaments à l'intention des milieux hospitaliers.
Le but n'est pas d'être indûment restrictif. C'est de
réduire à une proportion, à un nombre convenable, le
nombre de produits qu'il faut acheter en commun. A cet égard, tous les
administrateurs qui ont pris connaissance de cette liste, l'ont
appliquée, ont constaté qu'elle était un instrument
indispensable pour réduire les inventaires qui se montent autrement
à des centaines de milliers de dollars. Ils ont procédé
à l'achat en commun des médicaments, ce qui est favorisé,
ce qui est encouragé par le ministère et ce qui n'est pas une
procédure rigide au point où un bon centre hospitalier, qui veut
un médicament spécial ou nouveau, n'est pas en mesure de faire
des exceptions. C'est prévu au règlement.
Lorsque j'ai fait une déclaration sur la mise en commun des
achats, l'an dernier, je ne parlais pas du problème des achats en commun
sur une base régionale que nous favorisons, mais sur une proportion qui
avait été faite par certaines provinces pour créer une
agence canadienne d'achat en commun de médicaments pour tous les
hôpitaux de toutes les provinces à la fois. C'était une
machine d'une grosseur à faire peur, littéralement, parce que,
quand on sait les problèmes pratiques que vivent une dizaine
d'hôpitaux dans une région pour s'entendre sur la liste des
médicaments qu'ils vont commander en commun, on ne peut pas s'imaginer
ce que pourrait être la négociation
d'une liste nationale et la distribution de tout cela. C'était
une idée impraticable, à mon avis, qui a été mise
de côté pour le moment, du moins. Peut-être y
reviendrons-nous un jour. Mais, il y a beaucoup d'autres mesures qui sont
susceptibles d'améliorer l'administration des hôpitaux.
Il y a quelques années, le ministère a publié des
directives relativement à l'exclusion de certaines dépenses qui
sont assumées par les hôpitaux, parce qu'il y a parfois une
conception assez naïve de ce qu'est l'économie ou de ce qu'est
l'efficacité dans le secteur hospitalier ou dans quelque secteur que ce
soit. Lorsqu'on dit que nos hôpitaux coûtent cher, ce n'est pas que
les gens mettent l'argent dans leurs poches. Il y a toujours des pièces
justificatives pour expliquer les dépenses les plus outrageusement
élevées. Le problème n'est donc pas un problème de
malhonnêteté. Je ne dis pas qu'il n'y en a jamais. Il y a
même des vols dans les hôpitaux. Il y en a malheureusement dans
toutes les entreprises un peu importantes. Les gens se servent à
même les draps, les crayons, les enveloppes, même les
téléphones interurbains. C'est un problème que le
gouvernement connaît. C'est le problème que les hôpitaux
connaissent comme n'importe quelle grosse entreprise. Je ne veux pas en
minimiser l'importance. Il est considérable dans certaines institutions,
mais, malgré tout, ce n'est pas là le problème clef.
Le problème clef, c'est que certaines dépenses se font
véritablement et ne devraient pas se faire. Nous avons des exemples de
services qui ne sont pas compris dans les conventions collectives, qui sont
parfois donnés fort libéralement. Cela peut aller de
l'accès à une photocopieuse qu'on utilise pour des fins
privées. Je sais que tout le monde connaît le
phénomène pour l'avoir vu au moins de près, à un
moment ou l'autre dans sa vie, mais cela peut aller aussi à des
stationnements offerts gratuitement. Cela ne fait pas tellement longtemps qu'on
en faisait usage. On pouvait dépenser $800 000 pour avoir un parc de
stationnement magnifique, nettoyé l'hiver, avec gardien,
éclairage et tout ce qu'on veut. Tout cela, c'était le
contribuable qui le payait. Je pense que c'est une subvention à
l'utilisateur d'automobile dont on peut se dispenser à notre
époque.
La même chose pour les repas, nous avons estimé que le
coût des repas ou des subventions aux repas pris par les employés
des centres hospitaliers coûtait, aux contribuables
québécois, quelque chose comme $20 millions annuellement qui
s'ajoutent donc à la masse salariale. C'est un déficit de
fonctionnement.
Fort heureusement, dans la négociation en cours, la solution
à ce problème commence à apparaître de façon
plus distincte. Il vaut mieux verser aux gens $20 millions de plus et les
laisser manger où ils veulent que de les forcer à manger à
un endroit où peut-être ils n'aiment pas la nourriture et
engendrer un système où on donne un tas d'histoires en nature.
C'est l'héritage d'une période où on engageait des
déficients mentaux dans les hôpitaux pour ne pas avoir à
les payer décemment. Je pense qu'il y a des reliquats auxquels il faut
mettre fin. Nous sommes en train d'y mettre fin.
Il y a donc un tas de mesures qui sont susceptibles d'apporter des
réponses sur le plan administratif. Les efforts doivent être
poursuivis, doivent être constants. Il y a aussi un abus de personnel
administratif. Dans un réseau qui, paradoxalement a l'air parfois
sous-administré, malgré tout.
Il y a plusieurs années, des formules administratives ont
été supprimées pour diminuer le travail de
secrétariat dans les services d'admission. Or, malgré des lettres
et des directives, on va visiter un hôpital, et on se rend compte qu'il y
a cinq secrétaires qui dactylographient encore des formules qu'on a
supprimées il y a cinq ans. C'est assez paradoxal, mais c'est comme cela
dans un réseau qui a une certaine importance et où les
problèmes de communication existeront toujours.
Quant aux conseils régionaux, on fait beaucoup état du
rôle des conseils régionaux ou du rôle qui,
prétendument, ils n'ont pas. Le problème du contrôle des
coûts dans un réseau qui comprend plus de 1000
établissements et un problème d'une complexité et d'une
difficulté énorme.
L'opposition que semble faire le député de Saint-Jacques
quant aux recommandations de la commission Castonguay et l'attitude
subséquente des fonctionnaires qui n'auraient pas fait confiance au
réseau et qui auraient prévalu pour ne pas effectuer autant de
décentralisation que le rapport de la commission d'enquête le
recommandait, c'est une opposition factice. Il s'adonne que ce sont les
mêmes individus, dont celui qui vous parle qui, à la fois, ont
rédigé ces parties du rapport de la commission d'enquête,
et qui ont eu à en appliquer les recommandations subséquemment.
Je puis vous affirmer que, quelle que soit la confiance que l'on puisse faire
dans la notion de décentralisation, dans la notion de leur donner un
cadre, des contraintes générales et leur laisser assumer leurs
responsabilités, il aurait été absolument coupable il y a
quelques années de passer le problème en entier aux conseils
régionaux, de s'en laver les mains sur le plan gouvernemental. C'est
à peine si on commence à cerner le problème du
contrôle des coûts. Je reviendrai sur les raisons pour cette
difficulté. C'est à peine si on commence à cerner le
problème et avoir un certain sentiment qu'on peut en venir à
bout. Il aurait été coupable de confier à dix
administrations régionales sous-équipées, pas
nécessairement en argent, mais simplement en personnel
expérimenté, une tâche qui les aurait très
évidemment dépassées. On aurait eu sur le plan
régional des déficits d'exploitation absolument gigantesques,
parce qu'il faut une certaine expérience, il faut une certaine
maturation pour assumer ce genre de responsabilités. C'est une
responsabilité que nous essayons de plus en plus de leur donner, parce
qu'il est très clair que le ministère des Affaires sociales, pas
plus probablement que le ministère de l'Education, ne peut administrer
directement 1000 établissements. Ce serait la catastrophe. Ce serait,
à mon avis, la pire décision qui pourrait être prise
que de tenter d'administrer directement un réseau de cette
importance. Cela s'arrêterait dans un grincement épouvantable. Il
n'y aurait plus rien qui se ferait.
Il faut trouver la meilleure façon de décentraliser. Il
n'est pas question de savoir si on doit décentraliser ou non, il s'agit
de trouver la vraie façon. C'est un processus d'éducation. Pour
faire comprendre ce processus, il n'y a rien de mieux que de revenir en
arrière, au moment de la création de l'assurance-hospitalisation
où, en 1960 ou 1961, lorsque le gouvernement nouvellement élu,
largement sur cet engagement d'introduire l'assurance-hospitalisation dont on
était privé, même si la loi fédérale
était adoptée à ce moment depuis deux ans, a
décidé tout à coup de créer un service nouveau et
de lancer ce programme en l'espace de quelques mois. Ce qui est arrivé,
c'est que le réseau hospitalier, à l'époque, était
complètement incapable de faire face à une telle charge,
était complètement dépourvu sur le plan administratif.
Il a fallu que, pendant des années, le ministère de la
Santé de l'époque fasse littéralement l'école aux
administrations hospitalières qui étaient administrées, en
toute bonne foi, par la soeur économe de l'époque, dans un climat
antérieur à la syndicalisation, dans un climat de bonhomie et de
simplicité qui, malheureusement, est disparu avec le temps et par la
force des choses, et c'est progressivement que ce travail d'éducation a
été fait dans le secteur hospitalier. Cela a pris plusieurs
années et, maintenant, il y a là des individus valables qui ont
acquis une expérience et qui l'ont fait sur la base de certaines notions
d'administration et de gestion qui nous permettent de nous reposer sur eux.
Sur le plan régional, la même chose se produit. Il y a, de
plus en plus, une capacité à assumer certaines
responsabilités. Nous leur avons confié non seulement les achats
en groupe, mais également certaines tâches relativement plus
modestes d'allocation de ressources sur le plan de petits aménagements,
par exemple, de moins de $50 000, sous la surveillance du ministère,
mais une surveillance, disons, lointaine, quant à la correction du
processus, à l'absence de plaintes, etc. C'est une vérification
plutôt qu'une autorisation préalable. Des allocations de
ressources se font localement, à même les enveloppes
régionales prévues pour ces fins, et je dois dire que le
résultat de cette expérience nous donne raison de croire que nous
avons là une solution qui permet d'éviter la centralisation
excessive et qui permet de régler infiniment plus rapidement, avec
infiniment moins de "red tape", un tas de problèmes qui, auparavant,
étaient tous acheminés sur le bureau du ministre tôt ou
tard.
Le même développement s'est fait cette année. Nous
avons autorisé, à même les ressources des chambres
privées et semi-privées, les établissements hospitaliers
à affecter une partie de leur revenu aux équipements qui
constituent, dans le fond, l'élément de motivation par excellence
dans le milieu hospitalier, puisque chacun essaie de se pourvoir de tous les
gadgets du métier, comme c'est normal, et peut d'autant mieux le faire
qu'il est capable désormais de mieux gérer et de mieux
dégager les surplus nécessaires au financement de ces achats. Une
certaine partie de ces sommes est consacrée à un fonds
régional, et nous avons demandé à tous les hôpitaux
de se concerter dans l'utilisation de ce fonds, de manière à
faire se dégager du milieu hospitalier lui-même les arbitrages,
les choix et les dédoublements qu'il faut supprimer quand on sera
forcé, comme on l'est depuis le 1er avril de cette année,
à attribuer une somme d'argent fixe en fonction des priorités;
les doubles emplois vont, nous l'espérons du moins, progressivement
disparaître, puisque ce sont les gens du milieu hospitalier qui les
connaissent beaucoup mieux que les fonctionnaires du ministère des
Affaires sociales, beaucoup mieux que le ministre, qui n'ont toujours leurs
renseignements que de seconde main.
Donc, il y a véritablement, du côté de la
régionalisation, des démarches qui sont entreprises pour
déconstiper un système qui, s'il est trop centralisé, ne
peut pas donner satisfaction, qui a été une source de frustration
dans le passé, mais de le faire de façon raisonnable en
éduquant les gens, en leur donnant la possibilité, d'abord de
façon limitée, puis un peu plus large, d'assumer ces
responsabilités, d'apprendre de leurs erreurs ils n'en feront pas
plus que le ministère, de toute façon, sur une période de
temps et, sous la responsabilité qu'on ne peut pas
déléguer, elle, du ministre et du ministère, de voir
à ce que les fonds publics soient employés pour les fonds
auxquels, de façon générale, ils sont destinés, de
faire fonctionner plus efficacement le réseau. Ceci, sur le plan
administratif.
Sur le plan médical, le député de Saint-Jacques a
abordé un problème qui est extrêmement délicat. Je
pense qu'il s'en doute puisqu'il fait allusion à la relation
extrêmement délicate, extrêmement difficile entre les
administrateurs et la profession médicale.
Il est clair que, lorsque tous les gouvernements successifs et,
d'ailleurs, tous les partis, ont dit à la population: Vous avez
désormais des droits à la santé et à tous les
services qui sont nécessaires au maintien de la santé, ils ont
fait là une promesse qui a des implications dont on découvre tous
les jours les ramifications.
Est-ce que nous voulons dire par là que tout ce qui peut
être imaginé comme découlant de ce droit à la
santé, même les examens les plus spécialisés, les
plus coûteux, même les dépistages qui, parfois, ne
réussissent pas à dégager plus qu'un cas problème
sur mille, est-ce que tout cela doit être accepté sans question
jusqu'à l'épuisement de toutes nos ressources collectives? Cela
est un problème que la collectivité québécoise,
comme bien d'autres, n'a pas encore tranché de façon
définitive.
Faut-il consacrer toutes nos ressources jusqu'à ce qu'on soit
à bout d'imagination? Je pense qu'on réalise de plus en plus que
la réponse est non.
On n'a pas pour autant encore débouché sur des solutions
extrêmement concrètes. Cependant, lorsqu'on regarde le
fonctionnement des centres hospitaliers, tel que décrit dans la
réglementation, selon la Loi des hôpitaux et maintenant, en vertu
de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, on remarque
que le premier mouvement, le plus normal, a été là aussi
de faire confiance à la profession médicale et de lui permettre
de fonctionner à l'intérieur des différents comités
du conseil des médecins et dentistes, soit ceux qui portent sur la
durée de séjour, soit ceux qui portent sur d'autres aspects de la
pratique professionnelle en établissement, ces comités de pairs
qui doivent, progressivement, par leur action, définir ce qui est
médicalement nécessaire et ce qui est superflu.
Il est clair que, dans l'exercice de leur rôle, les
médecins ne peuvent ignorer l'existence de contraintes
financières. Ces contraintes existent et elles existent pour la
société en général et donc pour eux aussi.
Il y a, je pense, un long apprentissage à faire dans la
conciliation qui doit être faite entre ce qui semble médicalement
souhaitable dans certains cas et ce qui est matériellement possible.
Encore une fois, il n'est pas imaginable qu'on aille jusqu'au bout de son
imagination dans tous les cas.
Cependant, nous voudrions que la ligne de démarcation entre ce
qui est simplement désirable et ce qui est possible dans des
circonstances définies soit assumée, progressivement de plus en
plus, par des conseils de médecins et dentistes qui sont conscients des
dimensions sociales de leurs activités.
Je dois dire que ce n'est pas un vain espoir. C'est un espoir qu'on peut
voir se réaliser déjà dans certains centres hospitaliers
où le taux d'accroissement, par exemple, du recours aux
procédures diagnostiques a subi, sinon un plafonnement, du moins un
ralentissement marqué. Ce sont encore des exemples isolés.
Si on regarde à l'extérieur de nos frontières, on
remarque que ce sont les comités de pairs qui, dans la plupart des
régimes d'assurance-maladie dans tout le monde entier assurent une
certaine discipline professionnelle, non seulement sur la qualité de
l'acte lui-même, mais aussi sur son opportunité sociale
étant donné les coûts qui sont entraînés par
la collectivité par chaque décision.
On ne peut pas se substituer à la responsabilité
professionnelle et, quand on essaie de le faire par des règles de
paiement, quand on essaie de le faire par des règles administratives, si
on ne bénéficie pas d'une collaboration active de la profession
médicale, alors, on se trouve devant des phénomènes
où les gens essaient de passer à travers la lettre des
règlements ou des directives et on a des situations qu'on a eues
à déplorer dans l'assurance-maladie à l'occasion
c'est un autre sujet mais la même idée existe. Il faut que
la nécessité sociale, un certain contrôle, une certaine
restreinte ou "self restreint" pour employer les termes anglais soit
acceptée par la profession médicale et qu'elle joue pleinement
leur jeu.
Les réformes introduites depuis quelques années, à
cause d'un effet un peu choc sur la profession médicale, ont
peut-être empêché que ce processus se fasse aussi rapidement
qu'il serait souhaitable dans l'abstrait, mais malgré tout ce choc
initial d'introduction du régime d'assurance-maladie, je crois il
est maintenant quelque cinq ans et demi en arrière de nous qu'il
sera possible et qu'il est possible, dans un certain nombre de milieux, de voir
s'amorcer une collaboration beaucoup plus active entre les administrateurs et
la profession médicale.
C'est un défi immense. Aucune société moderne n'a
complètement relevé ce défi. Parfois, on l'a relevé
pour des groupes limités de bénéficiaires, sur une base
purement volontaire et on peut citer certaines expériences
américaines, très intéressantes, de groupes privés
qui fonctionnent sur une base purement volontaire. Le régime universel,
évidemment, que nous avons, interdit presque de penser à une
approche purement volontaire comme solution générale, mais il est
clair que, dans certains établissements, déjà on a
relevé ce défi et que rien dans la loi actuelle, ni dans les
règlements ne s'oppose à cela. Bien au contraire. Il y a des
possibilités de collaboration par le rôle très important
que la loi et les règlements attribuent au conseil des médecins
et dentistes sur ce plan, en particulier.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Frontenac.
M. Lecours: M. le Président, seulement un commentaire en
passant. Les médecins dans ma région sont d'accord sur la
politique de restriction budgétaire pour les hôpitaux, parce que
chez nous on a vécu une expérience. On a été suivi
d'une façon toute spéciale par le ministère des Affaires
sociales depuis près d'un an et demi et on a réellement pu
diminuer nos dépenses d'une façon extraordinaire.
Chez nous, le directeur médical me faisait une remarque. Il dit:
J'ai administré comme il le faut; avec un budget de $7 millions, je peux
faire fonctionner 300 lits. Je connais de mes amis qui sont directeurs
d'hôpital aussi. Cela leur prend $15 millions pour faire fonctionner le
même hôpital près avec les mêmes services. Il dit: Je
pense que je suis pénalisé maintenant avec la restriction
budgétaire.
Est-ce que je pourrais avoir les commentaires du ministre?
M. Forget: Oui, le député de Frontenac a tout
à fait raison. Il se fait là l'écho d'une remarque qu'on
entend très souvent et qui est, dans le fond, justifiée. Il faut
voir que la situation de pénalisation résulte d'un choix entre
deux choses également imparfaites. La première chose,
c'était de tenter de normaliser les budgets hospitaliers un peu comme on
a normalisé les budgets des commissions scolaires, C'est-à-dire
de décider arbitrairement qu'un budget d'hôpital, c'était
tant par lit, multiplié par X nombre de lits ou, sous une autre base,
par diagnostic ou par catégorie de
diagnostics, on donnait $1500 pour un cas de cancer et $1850 pour un
accouchement. Ou quoi encore. Il y a des tentatives parmi les chercheurs un peu
partout pour essayer de donner un prix à des épisodes de maladies
de manière à baser là-dessus le financement des
hôpitaux.
Mais l'état des connaissances étant ce qu'il était
et ce qu'il est encore aujourd'hui, on a décidé de ne pas adopter
de normes, de ne pas normaliser, ou de ne pas essayer de normaliser les
dépenses hospitalières. Je pense qu'on a bien fait parce qu'on
n'aurait pas pu défendre facilement quelque norme que ce soit dans le
secteur hospitalier. S'il y a une vérité communément
acceptée dans ce secteur, c'est qu'on ne peut pas facilement assimiler
un hôpital à un autre hôpital.
Tenant compte de cela, nous avons adopté une base de financement
historique, c'est-à-dire que nous avons tout simplement observé
quel était le niveau des dépenses réelles, non pas le
budget qui aurait dû être dépensé dans un centre
hospitalier, mais le niveau réel de toutes les dépenses
vérifiées par un vérificateur public à la fin d'une
année donnée, et c'était pour tous les centres
hospitaliers originellement au Québec, l'année 1971, puis nous
avons convenu de traiter cette somme comme un tout, une masse globale et de
l'augmenter année après année pour tenir compte de
l'augmentation des prix et des salaires ou alors de construire un indice des
prix et des salaires qui reflète complètement les augmentations
soit consenties dans les conventions collectives ou les augmentations
constatées sur le marché des fou-nitures médicales,
chirurgicales, etc.
C'est donc ce qui a été fait, mais nous avons
ajouté à ce mécanisme une procédure
d'évaluation de la santé financière de chaque centre
hospitalier, du dépassement qui pouvait être observé quant
au coût unitaire de chaque centre d'activité d'un centre
hospitalier et nous avons essayé, par la persuasion plutôt que par
la coercition, de convaincre chacun des centres hospitaliers de diminuer ce
dépassement observé par rapport à sept catégories
de centres hospitaliers qui étaient le plus comparables possible
tout en admettant que les comparaisons ne sont jamais parfaites et les
dépassements eux-mêmes étaient calculés seulement
à partir de 20% de la moyenne, c'est-à-dire qu'on ne prenait pas
la moyenne comme base de comparaison, mais un écart très large.
C'était un corridor avec lequel on fermait les yeux sur tous les
écarts et seulement vraiment les cas extrêmes étaient
identifiés comme des dépassements et. par la persuasion, nous
avons essayé depuis quatre ou cinq ans d'en venir à une
diminution contractuelle, en quelque sorte, de ces dépassements.
Je crois que ce qui s'est passé, c'est que les efforts du
ministère des Affaires sociales, pendant cette période, pour en
venir à des efforts mutuellement agrées, entre l'administration
et le gouvernement, si l'on veut, n'ont pas toujours été pris au
sérieux par les centres hospitaliers.
Il y avait en effet une longue tradition constituée par plus de
dix ans de pratique où un budget hospitalier était
essentiellement ce qui, finalement, était dépensé à
la fin de l'année. Il n'y en avait tout simplement pas. Et aussi
récemment qu'il y a deux ans, nous avons fait faire un relevé de
l'existence de contrôles internes dans les hôpitaux et nous avons
constaté un fait qui est, en soi, alarmant et qui nous a alarmés
d'ailleurs on a pris des mesures pour y remédier pour autant que
c'était possible que le tiers des hôpitaux encore en 1972
ou 1973 n'avaient aucune procédure de contrôle interne.
Cela veut dire quoi, contrôle interne? Cela veut dire d'avoir un
budget détaillé qu'on établit au début de
l'année pour son propre usage et contre lequel on compare toutes les
dépenses au fur et à mesure qu'elles se produisent pour voir si,
dans un mois, rendu au mois de mars, après trois mois de fonctionnement,
on a déjà dépensé le sixième mois du budget
qu'on s'était fait dans ce département ou dans ce centre
d'activités ou si on est en ligne avec les prévisions.
Dans le tiers des hôpitaux, cela n'existait même pas, 80
hôpitaux sur 250 n'avaient jamais entendu parler de ça, soi
disant. C'est un peu décourageant. Il y avait cette tradition
qu'à la fin de l'année quelqu'un ramasserait les factures et,
effectivement, si vous regardez le budget de l'assurance-hospitalisation depuis
1961, il y a toujours eu un budget supplémentaire où le
ministère de la Santé ramassait les comptes.
Depuis 1971, avertissement après avertissement, séances de
formation des administrateurs et des contrôleurs après
séances de formation des administrateurs et des contrôleurs, dans
toutes les régions du Québec, ont été faites. Au
début de 1974, avertissement formel qu'après ces deux
années de rodage d'un nouveau système budgétaire,
c'était fini, il fallait vivre à l'intérieur de ces
limites. 1974 s'est passé avec quelques déficits et les gens ont
commencé à se tordre les mains comme si c'était nouveau.
1975, aucun de ces déficits n'étant payé, on
recommancé les avertissements; on a continué, dans bien des cas,
les dépassements, il y avait de si bonnes habitudes prises. On se
retrouve maintenant, en 1976, avec, dans certains cas, des déficits
accumulés et des situations évidemment très
difficiles.
Mais combien d'avertissements ont été donnés?
Maintenant, ce n'est pas le plaisir de gagner, ce n'est pas simplement le
plaisir de dire: Le gouvernement va montrer son autorité et on va voir
qui va gagner de ça. C'est un peu l'atmosphère de confrontation
sur les budgets, je pense, qui fausse un peu le débat.
Ce qui est vraiment la question, c'est la capacité d'un
système hospitalier et d'une notion d'assurance-santé à
être viable économiquement, financièrement sur une
période d'années. Est-ce que, comme collectivité, comme
Québécois, on est capable de faire fonctionner ce système
avec un certain degré de responsabilité fiscale ou si tout le
monde va s'envoyer le "budget", la responsabilité de l'un à
l'autre indéfiniment et que les médecins vont dire: Ce sont les
administrateurs, et les administrateurs vont dire: C'est le
ministère,
etc., le ministère décidera. La roue est sans fin. Nous
avons pris la décision cette année, non pas pour insulter qui que
ce soit, non pas pour mettre qui que ce soit dans ses petits souliers, de
mettre un cran d'arrêt pour introduire une discipline que la persuasion
ne semble pas avoir été suffisante à établir, que
les efforts pour améliorer la liquidité des hôpitaux qui
ont été faibles depuis des années ne semble pas avoir
réussi à faire bouger.
On croit maintenant que c'est la seule solution que de mettre les gens
dans une situation où ils ne peuvent pas faire autrement que de faire
face à leurs responsabilités. C'est ce qui explique la nature un
peu rigide de la position que nous adoptons. Ce n'est pas, encore une fois,
pour pénaliser qui que ce soit. Il est important, pour la santé
même de ce réseau, que l'on apprenne qu'un budget, il faut d'abord
en avoir un et quand on en a un, il faut le respecter. C'est à ce prix
qu'on aura de meilleurs services, parce que la capacité d'administration
et cela c'est assez remarquable est presque proportionnelle
à la capacité de donner des bons soins. Je ne peux certainement
pas citer des noms, mais, de l'expérience que l'on vit à
l'intérieur du ministère des Affaires sociales, on peut vous dire
que les endroits où il y les difficultés financières les
plus aiguës, de façon générale, avec toutes les
exceptions qu'il faut faire pour que personne ne se sente visé, ce sont
également les endroits d'où on reçoit les plaintes de
toutes sortes et où on a les plus grands doutes quant à la
capacité de donner des soins convenablement.
Parce que la capacité de gérer, ce n'est pas
unidimensionnel. Cela affecte tous les secteurs, et cela affecte autant la
qualité des services que la capacité de boucler son budget. Ceux
qui ne sont pas capables de faire l'un, la plupart du temps ne sont pas
capables de faire l'autre non plus. C'est pourquoi il faut renforcer la
capacité de gestion de nos établissements et les mettre en
position où il n'y a aucun autre choix. C'est ce que nous essayons de
faire.
Le Président (M. Kennedy): Le député
d'Outremont.
M. Choquette: Dans une controverse qui s'est élevée
entre le ministre des Affaires sociales et les administrateurs
d'hôpitaux, je pense que le ministre des Affaires sociales a fait
état de la situation, au point de vue des coûts, qui
prévaut en Ontario; il a fait des comparaisons entre les coûts de
notre propre système hospitalier et ceux qui prévalent dans la
province voisine. J'aimerais qu'il nous donne quelques renseignements sur cette
situation et nous dise quelle conclusion il en tire quant aux problèmes
administratifs qui existent ici au Québec dans la gestion de notre
propre système.
M. Forget: M. le Président, je réalise que le
député d'Outremont est arrivé après le début
de nos remarques. J'ai effectivement essayé de brosser, sans être
trop long, un certain tableau de la situation dans les deux provinces. Encore
une fois, je ne voudrais pas, parce que ce serait peut-être un peu odieux
pour ceux des membres de la commission qui étaient ici, recommencer cet
exposé. Je dois dire cependant qu'il n'y a pas véritablement eu
controverse entre les administrateurs d'hôpitaux et moi-même ou le
ministère à ce sujet. Il y a eu, bien sûr, une certaine
réaction de surprise à cause de la vigueur, si vous voulez, des
remarques que j'ai adressées au congrès de l'association. Je
croyais que c'était un endroit pour dramatiser la situation parce
qu'elle m'apparaît véritablement dramatique à certains
égards. Mais dans un échange de correspondance que j'ai eu par la
suite avec le président de l'Association des hôpitaux, M.
McDonald, on en est venus rapidement à la conclusion que le
phénomène de l'écart observé est réel. Ses
causes sont en partie connues et en partie obscures; les remèdes sont
peut-être encore plus difficiles à définir que le
diagnostic et, de toute manière, on s'entend pour essayer de trouver des
solutions. A la suite de cet échange de correspondance, l'Association
des hôpitaux prépare, avec plusieurs experts du milieu
hospitalier, un rapport sur la situation, rapport qui enfin, je tiens ce
renseignement d'une conversation avec M. McDonald devrait me parvenir
à la fin de l'été ou au début de l'automne prochain
et qui devrait contenir également un certain nombre de recommandations
de l'Association des hôpitaux relativement à la situation.
Donc, cela s'est conclu de façon assez amicale et j'ai pu
observer c'est une source de très grande satisfaction que
le défi lancé aux administrateurs d'hôpitaux a
été relevé dans un très grand nombre de cas.
Malheureusement, pas dans tous les cas. Mais dans un très grand nombre
de cas il y a eu des actions extrêmement énergiques qui ont
été prises en collaboration, d'ailleurs, avec les
médecins. Dans certains établissements, cela vaudrait vraiment la
peine d'avoir la description complète comme je l'ai eue dans
certains cas de tout ce qui se fait pour venir à bout de ce
problème. Je crois que les administrateurs qui ont relevé ce
défi méritent vraiment de très grandes
félicitations parce que ce n'est pas facile de couper un budget. C'est
pénible de ne pas l'augmenter parfois, mais cela ne se compare pas du
tout avec les douleurs et les difficultés, les crises et même les
drames, sur un plan humain, que cause nécessairement une révision
en profondeur d'un budget, avec la remise en question d'activités que
tout le monde tenait pour acquises depuis peut-être dix ans ou quinze
ans, les postes qui sont remis en question. Cela se fait et cela se fait tous
les jours dans certains centres hospitaliers depuis quelques mois.
Le Président (M. Kennedy): Est-ce que le programme 11 est
adopté?
M. Charron: M. le Président, dans la réponse du
ministre, sur la pratique médicale dans les centres hospitaliers et
comme facteur de développement des coûts, il n'a pu ou n'a voulu
s'en tenir qu'à cette espèce de confiance au "self-
restraint" c'est lui-même qui a employé l'expression
des différents conseils professionnels à
l'intérieur des centres hospitaliers et, dans la pratique
médicale privée, de chacun des médecins exerçant
dans un centre hospitalier du Québec, confiance que l'on doit avoir dans
leur comportement et dans ce qu'il a appelé lui-même leur
conscience sociale.
Il est indéniable, effectivement, que jamais aucun d'entre nous
et aucun fonctionnaire n'aura comme fonction d'être policier pour se
rendre jusqu'à un lit d'hôpital et vérifier si,
effectivement, par sa décision de maintenir un patient dans
l'hôpital trois jours ou quatre jours de plus, ce qui effectivement est
un coût supplémentaire à l'hospitalisation et qui retarde
l'entrée d'un autre patient, le médecin X fait preuve d'un manque
de conscience sociale et fonctionne plus selon ses propres
privilèges.
Evidemment que nous devons faire appel et que nous devons faire
confiance au "self-restraint'' des médecins. Il demeure quand même
que certaines pratiques individuelles, se multipliant dans un tel climat de
liberté, aboutissent à des comportements collectifs qui, eux,
peuvent être dommageables et doivent être
contrôlés.
J'ai signalé, dans les exemples et c'est sur
celui-là que je veux revenir une pratique médicale qui
s'est développée et qui peut être coûteuse,
effectivement, pour l'ensemble du réseau, en plus d'apporter un grand
discrédit sur l'ensemble des services de santé du Québec.
Je dis discrédit sur l'ensemble des services de santé parce que,
M. le Président, vous êtes sans doute au courant de ce sondage
réalisé par la maison Radio-Canada à l'intérieur du
conflit dans les secteurs public et parapublic où un grand nombre de nos
concitoyens interrogés se disaient insatisfaits de la qualité des
services de santé. Plusieurs identifiaient d'ailleurs comme cause
principale, curieusement, le régime d'assurance-maladie qui leur permet
d'être soignés gratuitement comparativement au temps
passé.
Il faut voir, dans cette explication, beaucoup plus la façon dont
est appliqué le régime d'assurance-maladie que le régime
d'assurance-maladie lui-même. Je pense qu'aucun citoyen du Québec
ne veut revenir à payer de lui-même les frais de santé
élevés qu'il aurait à payer autrement. Mais prenons cette
indication, la façon dont est appliqué le régime
d'assurance-maladie. Pour beaucoup de citoyens, la façon dont est
assuré le régime d'assurance-maladie veut maintenant dire que
c'est vrai, vous avez la gratuité de soins de santé mais vous
devez vous traîner, trois fois sur quatre, non pas dans un bureau
privé de médecin mais dans une clinique externe où on vous
a donné rendez-vous en même temps que 75 autres patients
affectés de la même maladie ou d'une maladie qui nécessite
les mêmes soins du même spécialiste que vous, où vous
devez engorger l'entrée d'une clinique externe habituellement et,
naturellement, absolument non préparée à ce genre de
fonctionnement et d'utilisation. Vous devez rencontrer un médecin quasi
à la sauvette parce que lui-même, non seulement pratique sa
clinique externe et reçoit ses patients en clinique externe parce qu'il
est aussi appelé aux étages supérieurs à des
patients qu'il a lui-même fait entrer, c'est-à-dire dans les lits
dont il est le patron et dont il doit s'occuper à l'intérieur du
centre hospitalier.
C'est la connaissance directe et quotidienne que beaucoup de citoyens
ont du régime d'assurance-maladie. Si vous allez voir ces citoyens et
leur demandez s'ils sont satisfaits de la façon dont le régime
est appliqué, si c'est la façon dont ils l'ont connu,
vraisemblablement ils ne le sont pas. S'ils étaient en bureau
privé et s'ils étaient appelés à une heure
où ils seraient effectivement reçus, où ils auraient des
soins et retourneraient chez eux, ils seraient probablement les premiers
à répondre, dans un sondage, que cette Assemblée a pris la
plus merveilleuse décision qu'elle pouvait prendre pour le
développement des soins de santé, en 1970, lorsqu'elle a
voté le régime d'assurance-maladie.
Cette pratique médicale en centre hospitalier, les cliniques
externes, le ministre lui-même l'a évaluée, si ma
mémoire est fidèle, à quelque $50 millions de coût
supplémentaire qu'elle apporterait. Prenons le problème de
l'utilisation des cliniques externes sous un autre angle. Lorsque nous
discutons des salaires des médecins... Je dis nous et c'est un bien
grand mot, M. le Président. S'il est une question qui est rarement sur
la place publique et qui se fait en négociations très peu
tapageuses, c'est bien celle de fixer le salaire des médecins du
Québec. On discute beaucoup, actuellement, du salaire des
aides-infirmières, à $114 par semaine, et tout le monde a son
opinion là-dessus, mais les médecins ont signé ou sont sur
le point de parapher des ententes salariales qui leur donnent beaucoup plus.
Lorsque ces médecins ont à défendre la moyenne de salaire
qui est la leur sur le territoire québécois, ils invoquent
très souvent que ce salaire est évidemment brut, qu'ils sont les
principales victimes de notre système fiscal et qu'en plus de cela il
faut soustraire de leurs revenus impressionnants, au montant brut, la charge de
cabinet privé qu'ils gonflent, habituellement, aux alentours de $15 000
ou $20 000.
La pratique quotidienne de la médecine au Québec au cours
des dernières années, c'est-à-dire dans le cadre du
régime d'assurance-maladie, a peut-être conduit à un
chiffre beaucoup moindre que cela. Le nombre de médecins qui donnent
rendez-vous à leurs patients dans des établissements publics,
c'est-à-dire des centres hospitaliers, où ils n'ont à
défrayer aucune location d'espace, où ils n'ont à
défrayer aucuns autres frais supplémentaires que ceux
déjà fournis par le centre hospitalier et aux frais du centre
hospitalier qui fait l'alignement des patients pour leur entrevue avec leur
médecin, contribue à diminuer de beaucoup ce qui s'appelle le
bureau privé des médecins et les charges inhérentes
à leur tâche.
J'aimerais, M. le Président, à la reprise de la
séance ce soir, que le ministre exprime son opinion sur cette
utilisation des cliniques externes. Je sais que ce n'est pas un problème
qui se tranche
d'un seul coup , mais, puisqu'il est appelé à se
développer et que visiblement il s'est développé au cours
des dernières années, quelles sont ses intentions sur cette
utilisation des cliniques externes par les médecins?
Le Président (M. Kennedy): La commission suspend ses
travaux jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 2)
Reprise de la séance à 20 h 25
M. Kennedy (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
Nous pouvons considérer que nous avons quorum.
Je crois que la parole est au ministre des Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, est-ce que je pourrais
demander au député de Saint-Jacques de nous rafraîchir un
peu la mémoire sur le sens de son intervention?
M. Charron: II s'agissait de l'utilisation des cliniques externes
par les médecins.
M. Forget: II y a eu une hypothèse, je crois qu'on ne peut
pas lui donner un autre nom, qui a eu cours et qui a encore cours dans une
large mesure, au Québec en particulier, à l'effet qu'une des
meilleures façons de diminuer les problèmes économiques
qui sont constatés depuis bien des années, dans le secteur de la
santé, était de favoriser le traitement ambulatoire des malades
plutôt que le traitement en milieu hospitalier proprement dit,
c'est-à-dire l'hospitalisation. En 1967, c'est ce qui a inspiré
le gouvernement de l'époque à décréter la
gratuité des services diagnostiques en clinique externe puisqu'à
l'origine, depuis 1961, ces services n'étaient pas
considérés comme des services assurés. Autrement dit, les
examens de laboratoire et de radiologie n'étaient assurés que
pour les malades hospitalisés.
L'argumentation de l'époque a donc consisté à dire:
Encourageons le développement des services en externe, de manière
à diminuer l'hospitalisation et donc diminuer présumément
les coûts. Dans les années subséquentes, on a vu un essor
phénoménal de l'utilisation des procédures diagnostiques
en milieu hospitalier, mais sur une base externe; le taux d'accroissement
annuel a dépassé souvent 20% dans le volume de ces
activités, et cela année après année, sans qu'on ne
rejoigne jamais de plateau. Et, encore aujourd'hui, la chose se poursuit. C'est
sans doute un des facteurs, la commodité, le fait que les gens se
rendaient à l'hôpital pour les teste, etc., qui a joué
assez puissamment pour faire du milieu hospitalier un lieu de pratique
médicale encore plus attrayant qu'il ne le serait normalement pour le
médecin et pour les patients eux-mêmes. En un seul endroit ils
pouvaient, présumément, dans bien des cas, avoir accès non
seulement à leur médecin, leur spécialiste, mais
également à la salle de prélèvement, à la
radiologie, etc. Donc, c'était un concept qui avait et qui continue
d'avoir un certain attrait. Ce qui est moins évident, c'est l'impact que
cela a pu avoir sur l'hospitalisation. Quoiqu'on peut présumer que cela
a eu un impact sur l'hospitalisation, je dois dire qu'aucun effort
systématique n'a été fait pour l'évaluer
précisément, par aucun chercheur, en vertu d'aucune étude
dont j'ai eu connaissance.
Cependant, je crois que, même si cette hypothèse
n'était pas entièrement mauvaise, on lui a attribué plus
de mérite qu'elle n'en avait. On n'a présumément pas
anticipé l'achalandage absolument extraordinaire que ceci allait
provoquer dans les milieux hospitaliers, qui, pour une partie seulement, sont
aménagés pour recevoir une clientèle externe abondante.
Nos hôpitaux, après tout, n'ont pas été construits
depuis 1967, en majorité; certains remontent à plusieurs
décennies et même ceux qui ont été construits dans
les années cinquante ont été construits strictement pour
s'occuper des malades hospitalisés. Des sommes très
considérables, à vrai dire le plus clair des budgets
d'immobilisation du ministère des Affaires sociales depuis cinq ans,
dans le secteur hospitalier, ont été consacrées à
réaménager plus grandement, plus commodément, de
façon plus moderne les cliniques externes les services d'urgence
aussi, mais cela est un facteur relativement mineur et tous les services
connexes. Malgré tout, une tendance avait été
créée et j'ai voulu, l'automne dernier, peut-être pour la
première fois, attirer l'attention sur cette tendance dont la poursuite
à long terme, et peut-être pas aussi à long terme que cela,
dans un espace de quelques années, peut nous amener à voir se
concentrer dans les hôpitaux le plus clair de la pratique
médicale.
Autant cela peut être une bonne idée si on ne la pousse pas
à ses développements extrêmes, autant la meilleure
idée au monde, si on veut l'amener jusqu'aux dernières
ramifications, devient une idée mauvaise parce que, évidemment,
on lui fait assumer un fardeau disproportionné.
Il y a bien des facteurs pour lesquels c'est un fardeau
disproportionné. En premier lieu, les cliniques externes ne sont jamais,
malgré tout, ni pour le malade, ni pour le médecin,
l'équivalent d'un cabinet privé. Très souvent, les
cliniques sont organisées sur une base de rotation et jamais personne
n'est vraiment chez lui. Le sens de responsabilités vis-à-vis des
rendez-vous, etc. n'est pas partout aussi aigu que si on se trouve à
l'intérieur d'un cabinet privé. C'est, malgré tout, des
rendez-vous pris par la clinique ou pris par l'hôpital, dans l'espoir que
tout le monde va s'y retrouver, professionnels et autres, le moment venu. On se
trouve devant des phénomènes d'attentes et des
phénomènes qui ne sont socialement pas très
acceptables.
En plus de ce mouvement, s'est développée une expectative
avec l'assurance-maladie. Les problèmes ont été, dans une
certaine mesure, modestes tant et aussi longtemps que nous n'avions pas
l'assurance-maladie, parce que se rendre à la clinique externe, se
rendre au dispensaire, comme certains l'appelaient à l'époque,
est un peu aller chercher une médecine que certains considéraient
comme une médecine à rabais, une médecine de pauvres, une
médecine de ceux qui ne pouvaient pas se payer la vraie médecine,
dans certains cas. Avec l'assurance-maladie, toute espèce de distinction
s'est rapidement effacée et les attentes des professionnels
eux-mêmes, pour les heures de pratiques bien déterminées
d'avance, ont fait que, de plus en plus, les gens ont utilisé les
cliniques externes comme ce qu'on appelle en anglais des "Walk-in clinic",
c'est-à-dire des endroits où on n'a pas à prendre des
rendez-vous, où on se présente à toute heure du jour, de
la nuit ou les fins de semaine, sans rendez-vous pour obtenir des soins. C'est
devenu carrément et pratiquement impossible de faire face à la
demande.
Il est clair que les hôpitaux ne sont pas distribués
géographiquement, premièrement, et ils ne sont pas conçus
parce que les machines très lourdes sont très peu capables
de s'ajuster rapidement à des situations variables presque au jour le
jour ils ne sont pas conçus pour rendre ce genre de services et
assumer la responsabilité d'organiser tous les services médicaux
de première ligne, les services spécialisés avec ou sans
rendez-vous. C'est une tâche qu'il n'est pas raisonnable de leur
demander. Et ce n'est pas surprenant qu'on éprouve partout une certaine
désillusion qui se reflète peut-être dans les
résultats de sondages auxquels faisait allusion le député
de Saint-Jacques. On confond un peu à ce moment l'assurance maladie et
un tas d'autres phénomènes qui se sont produits en même
temps et qui n'étaient pas déterminés par l'assurance
maladie comme telle, mais l'assurance maladie a révélé, un
peu comme un révélateur photographique, beaucoup plus rapidement
que cela ne se serait fait autrement.
Ce qui est remarquable encore aujourd'hui c'est la
première fois que j'en parle depuis le mois de novembre c'est
qu'il y a pratiquement aucun débat public sur le rôle de
l'hôpital dans l'organisation des soins médicaux. J'ai
soulevé le problème de façon peut-être un peu
extrême, à l'automne, en disant: On a fait une hypothèse et
cela ne s'est peut-être pas révélé la bonne
hypothèse. Je pense que, dans une certaine mesure, c'est tout à
fait défendable d'organiser des cliniques externes de façon
rationnelle, de façon moderne. Ce que je voulais souligner, c'est qu'on
ne peut pas s'attendre à ce qu'elles fassent tout le travail. On ne peut
pas s'attendre à ce qu'à terme, elles remplacent les cabinets
privés de médecins, qu'elles remplacent toute autre organisation
de soins généraux. Si on ne se pose pas la question, on va
continuer à vivre dans l'insatisfaction et dans la frustration de tout
le monde.
Des efforts ont été faits pour essayer de donner aux
médecins un certain degré de contrôle sur l'organisation de
leur vie professionnelle à l'intérieur des hôpitaux et
particulièrement à l'intérieur des cliniques externes en
leur disant: Eh bien, voici, nous pouvons envisager, pour ceux qui le
choisissent, que les cliniques externes deviennent un meilleur substitut au
cabinet privé, que les médecins acceptent une
responsabilité plus grande, y compris la responsabilité
financière pour s'organiser dans ce milieu.
Etant donné, comme l'a souligné le député de
Saint-Jacques, qu'ils reçoivent un revenu brut qui tient compte du fait
que certaines dépenses relèvent de leurs responsabilités,
il serait normal en contrepartie, qu'ils assument une plus grande res-
ponsabilité dans la détermination du personnel et de
l'organisation des cliniques externes. Cette suggestion a été
faite en 1973. Elle a peut-être été mal comprise, à
tort ou à raison. Il reste qu'elle n'a pas frappé la profession
médicale ou ceux qui parlent en son nom comme étant une
proposition valable. On a décidément
préféré, dans l'ensemble, le statu quo à cette
porte qui était ouverte et qui aurait pu leur donner une
possibilité d'un rôle accru, d'une responsabilité accrue,
les deux allant de pair.
C'est dommage, je peux le déplorer, parce que souvent on entend,
et avec raison je pense, les médecins déplorer leur sort dans les
milieux hospitaliers. Je pense que tout le monde qui a vécu dans de
grosses organisations comme celles-là peut sympathiser avec des
professionnels qui doivent organiser leur vie dans une grosse structure lourde
à manoeuvrer, mais j'ai l'impression que c'est une occasion qui a
été manquée. Peut-être peut-on la susciter à
nouveau, mais étant donné la nature des choses, il faudrait que
l'initiative vienne d'ailleurs que du ministère, puisque le
ministère s'étant déjà ouvert et ayant reçu
une rebuffade, je pense qu'il ne nous appartient plus de ressusciter une
idée qui ne semblait pas plaire. Malgré tout, c'était
là une porte ouverte et je m'étonne encore qu'on ne l'ait pas
saisie.
Quelles sont les autres possibilités? Bien, les autres
possibilités, c'est en partie une meilleure organisation de la pratique
dans les cabinets privés. J'ai pu noter, depuis quelques années,
un effort qui a été fait pour créer des pratiques de
groupe qui permettent à des médecins de pratiquer de façon
plus acceptable pour eux en termes d'horaires, en termes d'aménagement
de leurs loisirs, etc., et malgré tout permettent à ceux dont le
médecin est dans une pratique de groupe d'avoir accès à
des services accessibles de façon plus continue.
Malgré tout, c'est un mouvement qui n'implique qu'une
minorité de médecins encore et c'est un développement qui
est assez long. Il y a aussi, bien sûr, les efforts faits par le
ministère pour développer des services de consultations
médicales dans les CLSC, avec les difficultés qu'on connaît
et qui appartiennent à un débat qu'on a eu plus tôt, lors
de l'étude des crédits. De toute manière, je pense qu'il y
a toutes sortes de possibilités, on ne peut pas se rabattre sur une
seule solution. Au moins, cela est une chose qu'on doit réaffirmer
à chaque occasion, à mon avis. Les hôpitaux ont
déjà des tâches tellement lourdes à assumer pour
s'occuper des très grands malades, pour s'occuper de la
réadaptation, s'occuper des malades chroniques, que leur confier en plus
le soin d'organiser l'accessibilité à la médecine
générale, à la médecine de première ligne et
sur tout le territoire, c'est leur demander une tâche qu'ils ne sont pas
administrativement et humainement capables de mener à bien en même
temps qu'ils mèneraient à bien toutes leurs autres tâches,
parce qu'il y a encore des efforts sérieux à faire sur les autres
fronts.
Il faut répartir les risques, il ne faut pas mettre tous ses
oeufs dans le même panier. On en met déjà pour $1 200
millions dans le secteur hospitalier et la capacité de gérer cela
est tendue à son maximum. Je pense qu'il faut, encore une fois,
répartir nos risques. De façon générale, je crois
qu'on peut dire sur les cliniques externes que c'est une hypothèse
essentiellement bonne, mais qu'il ne faut pas pousser au-delà d'un
certain point et c'est ce qu'on s'apprêtait à faire
à moins de faire un certain redressement. Toutes nos ressources allaient
sur le plan immobilier, sur le plan des budgets. Il y a eu, entre 1970 et 1975,
un taux de croissance qui, en termes réels, indépendamment des
budgets en dollars constants, mais en dégonflant les dollars pour tenir
compte de l'inflation, a donné une multiplication par deux du volume
d'activité et des budgets en termes réels, consacrés
à l'organisation des soins externes.
Il n'y a pratiquement pas de précédent d'un accroissement
aussi rapide. Malgré cela, je pense qu'on n'a pas atteint un niveau de
satisfaction beaucoup plus grand en 1975, dans les cliniques externes, que
celui qu'on avait en 1970.
On se retrouve, vis-à-vis de l'autre province, avec effectivement
un volume d'activité à l'externe qui est le double de celui de
l'Ontario, compte tenu de la population, etc. Donc, on a vraiment
développé cela d'une façon qui, peut-être, approche
les rendements décroissants; on est déjà dans les
rendements décroissants.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Frontenac.
M. Lecours: M. le Président, à titre de
médecin et avec le petit peu d'expérience, les quinze
années d'expérience que j'ai dans les hôpitaux, dans les
cliniques d'urgence, j'aimerais apporter certains points.
Notre problème, présentement, dans les hôpitaux de
la province de Québec, réside à la clinique externe et
à la clinique d'urgence parce que les gens ne comprennent pas
réellement la différence qu'il peut y avoir entre les deux
services. La clinique externe, c'est un endroit où on se rend sur
rendez-vous; on n'est pas censé attendre trois ou quatre heures; ce
n'est pas normal d'attendre trois ou quatre heures. Les gens qui attendent
trois ou quatre heures, c'est parce qu'ils s'y présentent, parfois
référés par un médecin de famille, je l'avoue, mais
toujours sans avoir pris un rendez-vous au préalable.
Maintenant, à la clinique d'urgence, c'est bien sûr que
nous sommes obligés d'accepter ceux qui se présentent sans
rendez-vous. Mais notre grave problème, à l'heure actuelle, dans
la province de Québec, c'est qu'on exige souvent du praticien
général de faire des gardes de 24 heures. C'est presque
héroïque, à l'heure actuelle, de demander à un
médecin d'être là 24 heures, sans sortir de
l'hôpital, d'être responsable souvent des cas externes,
d'être responsable des cas d'urgence, d'être responsable des
accouchements lorsque le médecin traitant ne peut se rendre. Je pense
que
c'est demander beaucoup trop à certains médecins. Il
devrait y avoir une enquête au sein des hôpitaux pour
empêcher ce genre de pratique.
Sincèrement, le médecin qui est pris là par
exemple, le soir, à onze heures ou à minuit, commence à
recevoir les drogués, les alcooliques et, parmi cela, à voir les
vrais malades, à voir des gens qui souffrent d'infarctus, des
accidentés. Il doit traiter tous ces gens en même temps, et avoit
toujours le beau sourire; je pense que vous lui demandez peut-être un peu
trop.
Je crois qu'il faut discipliner notre population. Ce ne sont pas des
budgets qui manquent pour les cliniques externes et pour les cliniques
d'urgence; ce n'est pas vrai, même avec les compressions
budgétaires qu'on a connues dernièrement. Ce n'est pas, non plus,
parce que le personnel n'est pas bien expérimenté; on a du
très bon personnel dans les cliniques d'urgence, on a de très
bons médecins aussi.
Tant que les gens ne comprendront pas qu'ils ne peuvent pas venir faire
prendre leur tension artérielle à minuit on en voit qui,
lorsqu'ils viennent visiter un parent qui est hospitalisé,
décident d'aller faire prendre leur tension à dix ou onze heures
le soir; parfois, c'est toute une famille qui décide d'aller se faire
traiter pour la grippe ou des maux de gorge on aura des
problèmes.
Ce n'est pas une question de budgets, ce n'est pas une question, non
plus, de personnel compétent; c'est parce que les gens sont mal
disciplinés dans la province de Québec. Peut-être que faire
un peu de publicité pour cela ne ferait pas de tort. Merci.
M. Forget: M. le Président, je suis tout à fait
d'accord avec le député de Frontenac. Il y a un problème
d'éducation du public à l'utilisation ra-tionelle des services
qui lui sont offerts et, effectivement, il y a le problème de
l'organisation des rendez-vous. La clinique externe reçoit sur
rendez-vous; cela ne se fait pas simplement quand le coeur nous en dit.
Une des difficultés, c'est qu'il faut éduquer le public
quant aux distinctions entre la clinique externe, la clinique d'urgence et
aussi une clinique de médecine générale, comme il en
existe dans un certain nombre de centres hospitaliers, qui fonctionnent sur une
base courante, sans rendez-vous, mais cela aussi demande une organisation
spéciale. Maintenant, certains centres hospitaliers ont la mauvaise
habitude de convoquer tout le monde pour la même heure le matin et, dans
le fond, les files d'attente, ils les manufacturent. Il serait possible
d'échelonner cela sur une certaine période.
Il y a des problèmes de discipline du public; il y a des
problèmes de discipline aussi de certains professionnels, de certains
médecins qui arrivent en retard aux cliniques et cela crée des
encombrements. Il y a des activités d'information que nous avons
amorcées, peut-être trop timidement, cette année, à
la télévision, pour sensibiliser les gens à la
différence, mais je crois que beaucoup plus que cela est
nécessaire. Du côté des centres hospitaliers, il y a deux
ans, des efforts ont été commencés, sur lesquels nous
allons faire le point, pour sensibiliser les centres hospitaliers à une
organisation efficace des cliniques externes en termes d'un système de
rendez-vous bien fait.
Ce n'est pas la fin du monde que d'organiser un bon système de
rendez-vous, il semble que ça ne devrait même pas être le
ministère qui doive être obligé de montrer à un
centre hospitalier comment organiser un système de rendez-vous. De toute
façon, nous, on n'a pas de système de rendez-vous comme
ça; c'est dans le milieu hospitalier que ça devrait se trouver.
Malheureusement, on a appris par l'expérience que, si on n'avait pas
parfois la possibilité d'envoyer quelques conseillers, cela risquait de
ne pas se faire dans certains centres hospitaliers.
Il y a des efforts qui ont été faits là-dessus,
mais je ne suis pas prêt à dire qu'ils sont encore suffisants.
Parce que, s'ils étaient suffisants, on aurait réglé le
problème et c'est clair...
M. Lecours: Je pense, M. le ministre, à la question d'un
médecin de garde 24 heures de temps; il faudrait un peu se pencher sur
ce problème. Je l'ai vécu et je vous garantis que ce n'est pas
drôle quand on arrive à trois ou quatre heures du matin. Je vous
garantis que le médecin est fatigué et vous lui demandez quelque
chose d'impossible.
M. Forget: Oui. Il y a, dans les règlements de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux, une responsabilité
très claire du Conseil des médecins et des dentistes, c'est
d'établir les règlements quant à la garde. Donc, on dit
à l'ensemble des médecins d'un établissement: Ecoutez,
arrangez-vous entre vous pour vous faire des règles du jeu, qui va faire
la garde, quand et pendant combien de temps.
Je me souviens, il y a environ deux ans, qu'il y a eu un
décès dans un centre hospitalier de la région de
Montréal, pas de l'île, mais des environs, et le rapport du
coroner à la suite du décès faisait état que le
médecin de garde était là depuis 16 heures, qu'il
était épuisé, qu'une erreur était normale. J'avais,
à ce moment-là, écrit au centre hospitalier en leur
disant: Ecoutez, c'est un problème qui est de votre juridiction, vous
avez à établir des règles qui sont vivables. Cela ne
devrait pas, là non plus, être une action déterminée
à Québec, celle d'établir des horaires de garde dans tel
centre hospitalier; c'est une question de simple bon sens. Je ne vois pas, en
effet, comment on peut être efficace après 12 heures de travail
par jour.
Encore là, il y a des vieilles traditions, comme le
député de Frontenac le sait, dans le milieu hospitalier,
c'est-à-dire faire des gardes des fois de 24 heures ou même de 38
heures; c'est arrivé. Ce n'est pas raisonnable, mais cela se fait. Je
pense que c'est aux premiers intéressés à corriger
ça, c'est dans leurs pouvoirs, ils ont, dans la loi, tout ce qu'il faut
pour le déterminer.
Le Président (M. Kennedy): Le programme 11 est
adopté?
M. Charron: Non.
M. Saint-Germain: Dans ces cliniques, on n'est pas obligé
d'accepter tous les gens qui vont là pour autant que ce n'est pas
urgent.
M. Forget: Non. Vous savez, qu'est-ce qui est urgent, qu'est-ce
qui n'est pas urgent? Pour déterminer ce qui n'est pas urgent, d'abord,
il faut examiner les gens; donc, en termes de charge de travail, ça se
pose malgré tout, et il y a des choses qui interviennent dans des
services d'urgence, à 11 heures le soir, un samedi, qui pourraient
très bien attendre au lundi matin. Il n'y a pas d'erreur. Mais, d'un
autre côté, les gens n'ont pas la possibilité de
communiquer par téléphone avec un médecin pour se faire
rassurer sur l'état de santé d'un enfant, par exemple, qui fait
un peu de fièvre. On ne leur donne rien; la seule solution, c'est qu'on
prend l'enfant et on se présente à l'urgence à 11 heures
le soir. Finalement, cela crée une affluence qui serait évitable.
Nous avons invité les conseils régionaux à essayer, en
collaboration avec les associations médicales, dans leurs
régions, d'établir une liste de médecins en
disponibilité pour contact par téléphone et à leur
cabinet privé, sur une base de rotation et par quartiers dans les villes
ou régionalement.
Maintenant, les directeurs généraux des conseils
régionaux à qui on a demandé où ils en
étaient rendus dans tout ceci m'ont fait la réponse
déprimante à laquelle on peut s'attendre dans les circonstances.
Etant donné qu'il y avait des négociations en cours, on leur
avait dit que tout ceci était remis. Quand tout serait
réglé sur le plan financier, on commencerait à
s'intéresser à ce problème.
Avec les traditions qu'on a pour régler les difficultés
sur le plan des négociations au Québec, dans tous les domaines,
ce domaine ne fait pas exception comme on le sait, c'est une façon de ne
pas le régler, ce problème. Parce qu'on a toujours ce
prétexte, on attend des négociations, on attend qu'elles se
terminent ou on n'a pas analysé les effets des précédentes
et, finalement, on ne fait rien. Sans collaboration, il n'y a pas moyen de
faire quelque chose.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Saint-Jacques.
L'avortement thérapeutique
M. Charron: M. le Président, le programme 11 me donne
l'occasion d'aborder un autre sujet sur lequel j'aimerais entendre la position
du ministre des Affaires sociales parce qu'elle devient, je dirais, presque
à chaque mois, de plus en plus importante.
En 1968, le gouvernement canadien a fait voter une loi, par le
Parlement, qui permettait l'installation de comité d'avortement
thérapeutique dans un hôpital et le droit à cet
hôpital de pratiquer l'avortement, si la vie ou la santé de la
mère est en danger. Il faut croire, si le Parlement à cette
épo- que était représentatif, qu'il s'agissait
effectivement d'une volonté de la majorité du pays. Puis-je
ajouter comme unique argument, que le même gouvernement a
été réélu deux fois par la suite, ce qui peut
imaginer qu'il s'agissait effectivement d'un consensus, si l'opinion... des
droits donc qui pouvaient être mis en application pour l'ensemble du
pays.
Or, cette loi, M. le Président, n'est pas appliquée au
Québec et particulièrement dans les milieux francophones du
Québec. Je soulève quelques chiffres comme indication, certains
plus vieux, d'autres plus récents: En 1972, alors que les
Québécois francophones représentaient 80% de la
population, seulement douze hôpitaux, sur les 210 du Québec qu'on
avait accrédités, avaient de tels comités. En 1974, le
chiffre obtenu du Conseil du statut de la femme veut que 96% des avortements
thérapeutiques ont été effectivement faits dans des
hôpitaux anglophones. En 1974, 29 hôpitaux avaient un comité
d'avortement thérapeutique, alors que l'Ontario en comptait 108. 15 des
29 hôpitaux québécois, d'ailleurs, dont je viens de parler,
rapportent n'avoir pratiqué aucun avortement thérapeutique.
Seulement cinq hôpitaux, dont quatre anglophones, ont fait plus de cinq
avortements, au cours de cette période.
Je ne surprendrai personne, j'espère, si je dis que des
organismes sérieux sont venus appuyer une conviction de plus en plus
grande, pour qui vit avec les yeux ouverts, selon laquelle se pratiquerait au
Québec entre 10 000 et 25 000 avortements clandestins par année.
J'ai à l'appui le département de démographie de
l'Université de Montréal et, bien sûr, la Ligue des droits
de l'homme qui a pondu un document magistral sur le sujet.
Le nombre d'avortements pratiqués en milieux hospitaliers
n'aurait crû que d'environ 5%, malgré cette hausse incroyable, que
l'on dit s'effectuer ailleurs. On peut dire sans crainte qu'il y a actuellement
au Québec, entre 20 000 et 30 000 avortements par année sur une
moyenne de 87 000 naissances au cours des dernières années. Tous
s'accordent à dire que le phénomène va en augmentant.
La loi n'était pas appliquée au Québec, il est
presqu'impossible d'obtenir un avortement légal. Qu'est-ce qui reste
à faire? Les deux solutions ont déjà été
évoquées pour des fins de propagande politique à
l'Assemblée: Soit qu'on se dirige aux Etats-Unis, dans les
régions à proximité de la frontière
québécoise. Je n'ai pas à donner d'exemples, les journaux
en rapportent d'eux-mêmes, ou soit qu'on va chez le boucher. Ce qu'on
peut appeler un boucher dans les circonstances, c'est-à-dire que la
santé sinon la vie de la jeune Québécoise se trouve
immédiatement en danger. M. le Président, j'appuie à cette
demande j'entendrais avec plaisir la position du ministre des Affaires
sociales, sur cette question le fait que je ne me fais ici uniquement et
de façon très consciente le porte-parole d'un grand nombre
d'organismes qui se sont déjà prononcés sur cette question
de l'application de la loi fédérale, sur le territoire
québécois et rien de plus: Le Conseil du statut de la femme,
organisme créé par le gouvernement en place, le Conseil
des affaires sociales lui-même, le Conseil régional des Cantons de
l'Est, la Fédération des femmes du Québec, le
Réseau d'action d'information pour les femmes, le président de la
Corporation des médecins, M. Augustin Roy, la Ligue des droits de
l'homme, la Fédération du Québec pour le planning des
naissances, le Conseil canadien du développement social, l'Association
des hôpitaux de la province de Québec, le ministre
fédéral de la santé, M. Marc Lalonde.
Dernièrement, il y a à peine quelques semaines,
l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, ce qu'on
appelle l'AFEAS, qui regroupe un grand nombre de Québécoises, en
rencontrant le premier ministre, le 22 mars, a également
déposé cette demande voulant que la loi fédérale
connaisse sur le territoire québécois la même application
qu'elle a ailleurs, suggérant même c'est tout à
l'honneur de l'AFEAS, je le signale un élargissement du
comité, tel qu'entrevu par la loi fédérale, ce qu'on a
appelé le bill omnibus, élargissement qui joindrait aux
médecins d'autres personnalités, dont sans doute la
compétence professionnelle serait d'utilité dans ces cas.
Avant de laisser la parole au ministre, M. le Président, et aux
autres membres de la commission, sur cette question, je signale tout de suite
qu'une réponse évidente du ministre me saute aux yeux et, en lui
signalant, je veux lui éviter de le redire, c'est qu'il s'agit
effectivement d'une loi fédérale dont il n'a peut-être pas,
à la lettre, je dis bien à la lettre, la responsabilité de
l'application, cette loi ne relevant pas de cette Assemblée. Mais, le
ministre, lui, est responsable, sur le territoire du Québec et plus que
n'importe quel autre homme politique sur le territoire canadien, de la
qualité des soins de santé offerts à l'ensemble des
citoyens et responsable de l'administration et des décisions pas
dans l'ensemble, mais au moins comme titre prises dans les centres
hospitaliers du Québec, puisque c'est de cet article dont nous discutons
actuellement.
Le Président (M. Kennedy): Vous êtes dans
l'ordre.
M. Charron: Le ministre des Affaires sociales peut-il me dire
quelle réponse ou quelle démarche il a entreprise, parce que je
ne suis, à la suite de tous les organismes que je vous ai
mentionnés, M. le Président, certainement pas le premier,
je sais le ministre particulièrement ouvert d'esprit sur cette question
auprès des centres hospitaliers, ou est-il sur le point
d'entreprendre, pour qu'effectivement, la situation précédemment
décrite, connaisse une modification dans le meilleur
intérêt de la santé des Québécois?
M. Forget: M. le Président, je ne contesterai certainement
pas les faits. Les faits que le député relate sont exacts.
Cependant, je vais peut-être contester l'interprétation qu'il en
fait.
Lorsqu'il affirme que la loi fédérale n'est pas
appliquée au Québec, je pense que c'est là une
interprétation que l'on peut très facilement contester. En effet,
qu'est-ce que la loi fédérale dit? La loi fédérale
de 1968, sur le sujet, a adopté c'est une position qui s'explique
très bien par la division de l'opinion publique sur le sujet de
l'avorte-ment une attitude essentiellement permissive, non pas
impérative, mais permissive. Elle a dit qu'un hôpital peut et non
pas doit, mais peut elle aurait pu dire tout hôpital où on
pratique des accouchements ou qui est doté d'un service
d'obstétrique, de gynécologie etc. elle a permis à
un hôpital qui le désire de créer un commité
d'avortement thérapeutique. Elle a ensuite défini les
critères qui doivent être appliqués par ce comité de
façon que c'était certainement prévisible,
d'après la rédaction même de la loi cette
législation soit interprétable de façon assez large.
En somme, qu'est-ce que l'on voulait faire par cette loi, devant la
division de l'opinion? On voulait mettre sur pied une procédure qui
rassure ceux qui sont contre le procédé, savoir que malgré
tout un certain formalisme, une certaine rigueur dans la façon de faire
les choses, serait respecté. Par contre, on voulait satisfaire les
segments importants de la population, qui croient, au contraire, qu'il s'agit
là d'une chose qui doit être permise, de le faire s'ils
étaient dans un milieu social, dans un environnement, dans une
communauté où cela correspondait aux valeurs locales. C'est un
compromis qui ne manque pas d'habilité, qui ne manque pas de sagesse
à certains égards.
Mais il faut remarquer que l'ambiguïté est sa pierre de
touche, l'ambiguïté que certains déplorent est inscrite dans
la nature même de cet amendement au Code criminel de 1968.
L'ambiguïté, elle est voulue. On a voulu que les communautés
dans le pays où l'attitude à cet égard est très
large soient satisfaites et que les autres communautés où
l'attitude est beaucoup moins large soient également satisfaites.
C'est une chose que cette loi fédérale veut et qu'aucune
action extérieure ne peut changer. L'ambiguïté ne peut
être éliminée par des mesures administratives, ne peut
être éliminée par la façon dont la loi est
administrée; elle est au coeur même de cette disposition du Code
criminel.
Devant la situation qu'on observe au Québec, on peut donc adopter
deux attitudes. On peut d'abord observer la situation et en conclure que,
présumément, cette situation reflète les valeurs locales.
On peut dire: Non, ce ne sont pas les valeurs locales, ce ne sont pas les
valeurs d'un groupe, les valeurs culturelles, dans le fond, d'un groupe
francophone au Québec, par exemple, qui s'exprime de cette façon,
de façon majoritaire; ce sont des décisions de conseils
d'administration d'hôpitaux, ces gens-là ne sont pas, dans
l'ensemble, représentatifs, etc. D'accord, ils ne sont pas le produit
d'un scrutin au suffrage universel, ils ne peuvent peut-être pas
prétendre être représentatifs dans ce sens-là. Il
reste que nous avons quelque 250 centres hospitaliers au Québec,
où siègent une dizaine de personnes au moins; c'est
donc quelque 2500 personnes qui viennent de tous les milieux, de tous
les horizons politiques, sociaux, économiques, dont plus de la
moitié, maintenant, sont élus par les gens de l'intérieur,
enfin, des gens qui, à titre d'employés syndiqués,
d'employés professionnels ou de médecins pratiquant dans
rétablissement sont confrontés à tous les jours devant des
choix et des décisions à prendre visant la santé et la
sécurité du public et des malades et qui, pour le reste, sont
désignés, recommandés par toutes sortes de groupes
socio-économiques, par les anciennes corporations, etc., tout ce qu'on
voudra, mais, quand même, ils sont issus de toutes sortes d'horizons.
Il me semble que, devant cette constatation, on doit observer que
l'ambiguïté que permet la loi fédérale est
effectivement interprétée par ces quelque 2000 membres des
conseils d'administration dans le sens d'une application plutôt prudente
de la loi fédérale.
La deuxième attitude qu'il est possible d'adopter, c'est de ne
pas se satisfaire de cette explication et de dire: II y a une loi qui donne une
ouverture à des avortements thérapeutiques il faut y donner
accès à toute la population du Québec, quelles que soient
les volontés des conseils d'administration.
Je crois, et c'est la position que j'ai défendue, que j'ai
expliquée dans mes lettres à presque tous ces groupes qui m'ont
écrit, que ce serait là un geste purement symbolique de ma part
ou de la part du gouvernement. En effet, comment imaginer que, dans un milieu
qui s'est montré jusqu'à maintenant hostile à
l'utilisation de cette disposition permissive de la loi fédérale,
comment imaginer qu'on voudrait en faire usage, étant donné que
les critères qui doivent être appliqués dans la
décision de permettre ou de ne pas permettre un avortement
thérapeutique sont des critères élastiques on en a
vu l'élasticité d'ailleurs selon les provinces, selon les
hôpitaux, selon les individus comment imaginer que des gens ne se
prévaudraient pas de l'ambiguïté qui est dans la loi
fédérale pour donner, à toutes fins pratiques, une fin de
non-recevoir et faire de cette structure du comité d'avortement
thérapeutique une simple formalité qui deviendrait bientôt
lettre morte, parce que les gens comprendraient, après quelques
exemples, que cela ne sert à rien de demander au comité de tel
hôpital un avortement thérapeutique. C'est non, toujours, ou...
Enfin, dans des cas tellement rares, c'est oui, que ce n'est vraiment pas le
besoin auquel on pense qui serait satisfait de cette manière.
C'est en constatant cette situation que j'ai dû me rendre compte
qu'encore une fois, il n'y a rien qu'il est possible de faire dans
l'administration d'une loi, pour en supprimer l'ambiguïté, quand
l'ambiguïté est voulue au départ. Elle est voulue, encore
une fois, à cause de la division de l'opinion sur le sujet, division
dont on a eu de nombreuses preuves dans les débats qui, à
l'occasion, s'allument sur le sujet.
Que faut-il en conclure? Il faut en conclure que l'opinion étant
divisée au Québec et divisée d'une façon
particulière, il y a bien sûr une distinction qui s'établit
entre la plupart des hôpitaux qui adoptent là-dessus un point de
vue assez rigoureux et d'autres qui adoptent un point de vue plus
libéral. Faut-il dire que, pour autant, cette procédure est
inaccessible et que la loi fédérale n'a pas d'application au
Québec en termes pratiques, en termes concrets pour les francophones en
particulier, parce qu'on établit souvent la distinction entre
hôpitaux francophones et hôpitaux anglophones? Je ne le crois pas
parce qu'on observe que la clientèle des hôpitaux dits anglophones
de Montréal est composée, pour plus de la moitié des
malades qu'ils reçoivent, dans la plupart des cas, d'une
clientèle francophone.
Donc, il y a un accès possible à ces services pour tous
les citoyens du Québec et je me demande même, M. le
Président, si ce n'est pas un peu se leurrer que de regarder les
statistiques.
Parce qu'il m'apparaît à peu près évident,
étant donné le climat social et les opinions sur le sujet, il
m'apparaît évident qu'une jeune femme qui est enceinte et qui
désire un avortement thérapeutique, dans une petite ville du
Québec, va presque spontanément, dans les circonstances
actuelles, se rendre à Montréal. Quelle que soit la situation sur
un plan légal, quelle que soit la situation dans un centre hospitalier
en particulier, les statistiques, les chiffres, la distribution
géographique des avortements thérapeutiques serait à peu
près la même. On se rendrait dans un grand centre de toute
manière, pour toutes sortes de raisons qu'on imagine sans
difficulté. L'anonymat, le fait que ce ne sera pas connu alors qu'on ne
peut pas être hospitalisé dans un hôpital de province, dans
une petite ville, sans que, dans le fond, tout le monde se doute bien un peu
pourquoi, qu'il s'agisse d'une maladie ou de quoi que ce soit; c'est assez
normal.
La rumeur publique court assez rapidement. Dans l'état de
l'opinion, c'est un sujet qu'on aimerait probablement éloigner de cette
façon. En somme, pour résumer, la loi fédérale
s'applique telle qu'elle a été voulue, c'est-à-dire avec
ambiguïté, avec possibilité d'une interprétation
divergente. Les conseils d'administration, à cet égard, ont fait
preuve peut-être d'une plus grande rigidité que celle qu'il
eût été souhaitable, parce que je crois personnellement
qu'ils devraient au moins admettre la possibilité que le problème
leur soit posé de façon prévue par la loi, le Code
criminel, ce qu'ils ne semblent pas prêts à faire dans bien des
cas. Je dois dire que, même si l'Association des hôpitaux,
même si le président de la Corporation professionnelle des
médecins se sont prononcés en faveur, leurs membres, à ces
deux corporations, ont fait preuve de beaucoup plus de discrétion sur le
sujet et, très spécifiquement dans le cas de la Corporation
professionnelle des médecins, elle n'a pas retenu comme siens les propos
énoncés publiquement par son président sur ce sujet. Quant
à l'Association des hôpitaux, la même chose peut être
dite, c'est un point de vue théorique et général
émis par l'association, qui n'a pas été suivi par la
plupart de ses membres.
Dans le cas de certaines nominations, je dois vous dire, dans les cas
où cela a été porté à ma connaissance que le
conseil d'administration avait opposé une résistance même
aux voeux du Conseil des médecins dentistes à ce qu'un tel
comité soit créé, j'ai tenu compte de ce facteur dans les
nominations qui ont été faites l'été dernier sur la
recommandation de groupes socio-économiques, pour essayer
d'éviter que des gens recommandés par des groupes dont les
opinions sont faites et déclarées sur le sujet et qui sont contre
toute forme d'accessibilité à cette procédure qui fait
partie de notre loi, à laquelle tout le monde a droit, en principe, au
moins de prétendre, que ces gens ne soient pas nommés aux
conseils d'administration où je connaissais qu'il y avait une opposition
systématique.
Cela a été la mesure concrète, que j'ai pu prendre
dans certains cas. Encore une fois, on ne peut pas, malgré le milieu
hospitalier, malgré le milieu médical, malgré la
majorité de l'opinion, faire appliquer une loi qui n'a pas eu pour but
de s'appliquer uniformément partout; bien au contraire.
M. Lecours: Je voudrais dire aux membres de la commission que je
suis contre l'avortement sur demande. Pour moi, c'est inadmissible. Le Dr
Augustin Roy a pris position au nom des médecins de la province de
Québec. Je pense qu'il n'avait aucun droit de parler en mon nom, puisque
je suis membre de l'Ordre des médecins aussi, et je connais beaucoup de
médecins qui sont contre l'avortement sur demande. S'il y avait eu un
vote, je pense que le Dr Roy, s'il avait parlé en notre nom, n'aurait
pas pu le faire dans le sens qu'il l'a fait.
J'ai vu souvent des jeunes filles, même des mères de
famille, qui étaient enceintes, qui pensaient se faire avorter et parmi
toutes celles qui ont rendu leur grossesse à terme, il n'y en a aucune
qui l'a regretté. Je peux peut-être paraître vieux jeu aux
yeux du député de Saint-Jacques, mais il arrive une chose, par
exemple: Face à ma conscience, je n'ai pas peur de l'avouer franchement,
je suis contre l'avortement sur demande.
M. Charron: M. le Président, je me suis bien
efforcé de vouloir éviter ce genre de profession de foi, tel que
le député de Frontenac vient de faire. J'ai simplement
demandé le respect de la loi actuelle, le gouvernement, qu'a
probablement appuyé, dans les trois dernières élections,
le député de Frontenac lui-même.
Je soutiens encore que, jusqu'à nouvel ordre, jusqu'à ce
qu'une société se décide, l'avortement demeure un acte
criminel. Le député de Frontenac aura bien l'opinion qu'il voudra
là-dessus, je m'en fous. Cela demeure un acte criminel. Mais il existe
des cas, si les médecins ont un peu les yeux ouverts, où la
santé de la mère peut être en danger dans son état
de grossesse.
C'était tellement vrai que c'est à partir de ce cas qu'on
a rédigé la loi dont on parle. Cela fait tellement longtemps, que
cela m'étonne que cela n'ait pas encore atteint l'esprit du
député de Frontenac, il y a déjà huit ans.
Ce cas-là se présentant et cela peut se
présenter à Thetford-Mines comme ailleurs la
société ayant jugé que dans un pareil cas, il fallait tout
faire pour sauver la santé de la mère, parce qu'elle peut
être déjà mère d'autres enfants, elle pourrait
être déjà une adulte engagée, avec laquelle d'autres
unions ont pu déjà tresser des liens affectivement importants
pour le reste de sa vie. Dans ces cas-là, une femme a le droit de se
faire avorter.
Je ne pense pas être obligé de reculer dix ans en
arrière pour reprendre ce débat. J'ai attendu, avec plus de
satisfaction, une réponse intelligente du ministre des Affaires sociales
sur cette question. Je suis conscient également de la difficulté,
pour une jeune Québécoise en province je pense que
l'exemple qu'on vient d'entendre parle par lui-même d'avoir
accès à cette loi, dans son propre milieu.
Les cas sont nombreux à Montréal et d'ailleurs, dans les
statistiques fournies par le Conseil du statut de la femme quant aux
avortements pratiqués dans le milieu anglophone, effectivement, vous
aviez raison de dire que plusieurs de ces cas proviennent des milieux
francophones, ce qui n'est pas à se surprendre, puisque nous sommes
quand même 80% de la population.
Plusieurs de ces cas, dans les hôpitaux anglophones, proviennent
des jeunes filles ou de jeunes femmes du milieu francophone. Il reste que le
dépaysement, dans une période aussi difficile où une femme
sent véritablement sa vie ou sa santé physique, mentale ou morale
en danger, par la grossesse qui lui survient, à un moment où elle
ne le désire pas, où elle n'est pas prête à y faire
face dans sa vie, et en même temps la terrible pression sociale qui peut
se faire, dans un petit village ou dans une petite ville, qui l'oblige à
s'exiler à Montréal, temporairement, par toutes sortes de
subterfuges auxquels elle doit d'ailleurs penser, en même temps
qu'à sa condition, ne la conduisent pas directement aux hôpitaux
anglophones, loin de là.
S'il est un fait, s'il y a des francophones qui
bénéficient de ce service des comités d'avortements
légaux dans les hôpitaux anglophones, c'est la plupart du temps
des jeunes Montréalaises, elles-mêmes un peu plus
familières aux services des hôpitaux anglophones.
Mais, la jeune fille de Thetford Mines ou la jeune fille de
Québec... il s'est pratiqué, selon les statistiques de la
région de Québec, dans les hôpitaux de Québec, ici,
l'année dernière: un avortement à Québec.
M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire qu'il ne s'est
pas produit qu'un avortement à Québec l'année
dernière. Si vous remontez aux statistiques, il n'y en a eu qu'un seul.
De Thetford Mines, de Québec, de Gaspé ou d'ailleurs, celle qui
se rend à Montréal, dans un milieu qui ne lui est pas familier,
elle ne s'en va pas au Montréal General Hospital. Elle ne va pas
rencontrer un médecin pour lui faire état qu'elle croit
effectivement que
sa santé est en danger. Elle se dirige n'importe où
à Montréal. Elle va se diriger dans un milieu où elle va
compter sur des gens partageant ses valeurs, la comprenant lorsqu'elle exprime
qu'elle se sent en danger et qu'elle souffre de son état, elle
n'aboutira évidemment pas chez des gens qui vont plutôt la
sermonner et lui faire la morale, parce qu'elle est certainement convaincue
qu'elle est angoissée, malheureuse, incapable de faire face à la
situation qui est la sienne.
Ces gens qu'elle rencontrera lui feront rencontrer, je lui souhaite
entre les deux choix, je lui souhaite le premier un
médecin professionnel qui veillera a sa santé, plutôt que,
le deuxième choix, un assassin purement et simplement qui risque
d'être un boucher de la jeune fille en même temps que du
foetus.
C'est pour cela que le ministre m'expliquait les moyens, qu'il a cru de
son devoir, à travers ses possibilités, de nommer des membres de
conseils d'administration ou d'ailleurs pour que le partage des opinions se
fasse un peu plus ouvertement et que, progressivement, on se rende à
l'application de la loi sur le territoire québécois. Mais,
j'estime qu'il y a plus à faire et qu'il y a plus à dire,
qu'effectivement, la santé est une des choses les plus importantes pour
lesquelles une société consacre $2 milliards. Il est bien
évident que, mis à l'échelle individuelle, cela demeure
tout aussi important, tout aussi fondamental. Je pense que tous les membres de
la commission, tous ceux qui nous écoutent affirmeront que, s'il est une
chose qu'ils veulent conserver, c'est la santé, la plus complète
possible. C'est ce que je souhaite d'ailleurs à tout le monde.
La même chose peut se produire dans le cas d'une jeune fille de 20
ans, 25 ans ou d'une femme de 35 ans ou de 40 ans qui a la parfaite conviction
que le même danger vient de lui apparaître. Nous ne
ménageons pas les cents dans l'effort collectif, M. le Président.
Nous n'avons pas droit de reprocher à quiconque qui veut le faire sur le
plan individuel de s'efforcer à maintenir sa santé
également.
Je suis convaincu que, dans ce que je viens de dire, je n'ai rien appris
au ministre et que, tout à l'heure, l'allusion d'occasion aux
problèmes qui se posent à l'extérieur des grands centres
urbains ne couvrait pas la totalité de la vérité et que,
admettant ce fait de la difficulté à l'extérieur, nous
n'avons rien réglé en disant que, puisque les hôpitaux
anglophones de Montréal ont déjà ces comités en
place et que les membres nommés engagent leur réputation à
chaque fois que, selon la loi, ils accordent un avortement
thérapeutique, le problème, somme toute, est satisfaisant pour le
moment. Ce n'est pas le cas.
Je suis de ceux qui croient que le débat doit encore continuer
dans notre société québécoise. Je suis même
de ceux, je dois le dire, M. le Président, contrairement aux opinions
qui ont été exprimées à la table, chez qui le
débat se poursuit même intérieurement, mais j'admettrai
que, peut-être, à la différence de certains membres de la
commission, il y a déjà un certain nombre d'argu- ments qui, dans
ma tête, ont été classés positifs ou
négatifs, parce que je n'ai pas eu peur de faire face au problème
que les jeunes québécoises de ma génération en
particulier, de celle qui me pousse déjà dans le dos,
connaissent, de façon plus ample, plus grave, je dirais, que
peut-être la génération précédente.
Ceci dit, M. le Président, ne voulant aucunement empêcher
quelque membre que ce soit à la commission d'intervenir, je veux vous
dire que je voulais statuer sur ce point et entendre le ministre des Affaires
sociales sur cette question.
Je savais que j'aurais l'occasion d'apprécier son opinion sur le
sujet et de formuler un souhait. C'est peut-être un voeu lancé en
l'air, mais, effectivement, nous nous sommes livrés chacun d'entre nous
à des moyens un peu indirects. Le ministre nous a signalé ceux
qu'il avait cru bon d'utiliser, qui étaient à sa disposition.
Pour nous, hommes publics, c'est une chance, parmi tous nos concitoyens,
d'avoir l'occasion de nous exprimer publiquement et donc de faire avancer les
idées dans la société québécoise, de ne pas
rater l'occasion de demander, encore une fois je conclus avec cela
non pas l'avortement libre sur demande, mais qu'il existe au
Québec comme dans toutes les autres provinces canadiennes, et pour les
Québécoises de langue française comme pour les
Québécoises de langue anglaise, la possibilité, comme le
dit la loi fédérale, lorsque leur santé est mise en danger
et lorsqu'elles estiment que leur santé est mise en danger, de se
présenter devant un comité thérapeutique, dans un
hôpital légalement constitué de personnes professionnelles,
qui pourront l'aider à évaluer son cas et, si le besoin en est,
de procéder à un avortement. Je pense que c'est de cette
façon que nous avions abordé le sujet. Je ne veux pas ici
distribuer de posters remerciant le ciel de nous avoir mis au monde. Je crois
uniquement que nous pouvons tous honnêtement aborder cette question sous
cet angle.
M. Lecours: M. le Président, j'aimerais seulement ajouter
un mot. S'il y a eu seulement un avortement ici dans les hôpitaux de
Québec l'an dernier, c'est que le cas où la vie de la mère
était en danger, ce n'est pas tous les jours qu'on le rencontre. C'est
peut-être plus la raison que d'autre chose.
Le Président (M. Kennedy): Le programme 1 est
adopté?
M. Charron: Non, M. le Président, j'aurais quelques
questions...
Le Président (M. Kennedy): Placez-les dans l'ordre, on
vous donne tout le temps qu'il faut.
L'hôpital de Rosemont
M. Charron: Quelques questions locales sur certains centres
hospitaliers à poser au ministre. Je prendrai ce cas que nous avions
déjà évoqué l'année dernière, qui met
beaucoup de temps, j'es-
time, à connaître sa solution et sa réponse
définitive. C'est celui du petit hôpital de Rosemont, qui a fait
couler beaucoup d'encre et intéressé beaucoup de citoyens du
quartier. Le ministre en conviendra, à tout le moins avec moi, sur ce
sujet. Je ne veux pas faire la chronologie des hésitations du ministre
des Affaires sociales, parce que là, vraiment, j'occuperais en mauvaise
conscience le temps de la commission. Je m'en tiendrai uniquement à ce
qui a marqué le début de l'année 1976, donc la fin du
dernier exercice financier, dans la vie de ce centre hospitalier, et à
vous dire que l'incertitude que ces gens connaissent quant à leur
avenir, et que les citoyens du quartier ont quant à l'avenir de
l'hôpital, se transpose maintenant jusque sur le plan administratif.
Effectivement, l'indécision du ministre des Affaires sociales a conduit
les autorités de l'hôpital à littéralement
quémander ce qu'elles avaient droit de recevoir en vertu des lois tant
que l'hôpital n'aura pas fermé ses portes, c'est-à-dire la
contribution financière de la collectivité telle que
calculée selon les normes qui sont à l'origine du montant que
nous y voterons tout à l'heure et à avoir à subir des
tracasseries administratives qui ne devraient pas avoir lieu, si,
effectivement, la décision n'est pas prise.
Je prends comme exemple, il est presque regrettable d'être
obligé de le soulever à la table de la commission, la simple pose
de gicleurs dans l'hôpital, condition imposée par la ville de
Montréal, par le truchement de son service de l'hygiène et son
service de protection et de sécurité, qui, normalement, dans
d'autres endroits, connaîtrait une simple ratification administrative.
Or, dans le cas de l'hôpital de Rosemont, on est obligé de
recourir jusqu'à l'appui du CLSSS de la région pour pouvoir
obtenir cette mesure, et encore, ne l'a-t-on obtenue qu'à la
dernière minute.
L'hôpital a reçu de la part d'un haut fonctionnaire qui a
quitté les services du ministère pour des cieux plus bleus, une
confirmation du refus du ministère à la pose des gicleurs
exigée par !a ville de Montréal, acceptée par le conseil
d'administration, acceptée par le CLSSS. La raison invoquée
serait que le ministre veut fermer le centre hospitalier dans les plus brefs
délais et qu'il ne procède donc pas à des
aménagements administratifs. Pourtant, les citoyens de la région,
le comité de survie de l'hôpital, le conseil d'administration,
eux, exigent une réponse claire et ferme du ministre depuis plusieurs
mois et ne l'ont pas. Ils l'apprennent à travers une réponse
intervenant sur la pose de gicleurs.
Le ministre des Affaires sociales peut-il nous dire ce soir l'avenir, le
sort de l'hôpital de Rosemont, dont nous parlons et dont cette commission
est saisie depuis maintenant plus d'un an?
M. Forget: M. le Président, j'aimerais d'abord corriger
certaines impressions. On parle de tracasseries administratives dont aurait
été victime cet hôpital depuis quelques semaines. Il est
inévitable, étant donné les événements des
derniers mois, que l'administration de cet hôpital réagisse avec
une sensibilité d'écorchée vive à tout
événe- ment, dans le fond par ailleurs, anodin, et qui passerait
inaperçu s'il arrivait à un autre établissement. On m'a
souligné d'ailleurs avec un peu d'amusement qu'il y a eu une erreur et
que le chèque qui est envoyé toutes les deux semaines à
tous les hôpitaux, c'est le 26e de leur budget, a été
retardé d'une journée. C'est évidemment, à la suite
d'une méprise ou d'une erreur administrative, mais on a vu là
évidemment toutes sortes d'interprétations. Quand on regarde cela
avec un peu de recul, c'est plus drôle qu'autre chose, cet
événement particulier. Ce n'était certainement pas du
harcèlement. C'était une simple erreur administrative.
Pour ce qui est des gicleurs, il est clair que ce dossier n'a pas
été fermé et donc que lorsqu'une demande comme
celle-là est transmise au ministère, ce qui est
premièrement rassurant, c'est que, dans les quinze jours, je crois, de
la demande, il y a une réponse, et une réponse claire qui
parvient à l'établissement et qui dit que, dans l'état du
dossier, je ne commenterai pas le choix des mots, il serait
prématuré de prendre une décision pour un investissement
de quelque $50 000 à $75 000. Je ferai observer que la question des
gicleurs n'a pas été tranchée sur-le-champ dans tous les
cas où elle s'est posée. Cet effort pour rendre plus
sécuritaires les établissements d'affaires sociales remonte
à 1969/70, si je comprends bien. Il y a eu un incendie, à un
moment donné, qui a fait prendre conscience à tout le monde de la
nécessité de réviser à la hausse nos standards de
sécurité-incendie. Il a résulté de cela une
espèce de catalogue interminable de travaux à faire dans toutes
sortes d'établissements. Il y en avait pour quelques dizaines de
milliers de dollars, si ma mémoire est fidèle. Dans certains cas,
ce n'est pas une semaine, quinze jours ou trois mois que les gens ont attendu,
ils ont attendu un an ou deux ans avant que des travaux puissent se faire,
parce qu'on ne pouvait pas tout faire en même temps et que cela
coûte énormément cher.
Là aussi, avec un peu de recul, que dans un établissement
particulier la question des gicleurs ne soit pas réglée en un
tour de main, étant donné qu'une question a été
posée relativement au devenir de cet établissement, en tout
état de cause, il ne serait pas sage de précipiter les travaux.
D'ailleurs, on peut s'interroger et se demander si la décision
d'installer des gicleurs dans un hôpital de 41 lits n'équivaut pas
à le fermer, parce qu'il faut crever les plafonds, il faut faire bien
des choses. Je ne sais pas ce qui va arriver à un hôpital de cette
taille. On ne peut pas dire: On va utiliser une autre partie pendant qu'on fait
les travaux à cet endroit. Il n'y a pas d'autre partie. C'est un
hôpital aux dimensions tellement réduites que faire des travaux
dans ces conditions, équivaut presque à le fermer, au moins
pendant le temps des travaux.
Je pense donc, qu'il faut prendre un certain recul, et voir que cet
élément parmi d'autres fera l'objet d'une décision. Je ne
voudrais pas, M. le Président, développer davantage ce sujet,
parce que je n'ai pas l'intention de laisser mourir dans le vague ou
l'équivoque la question qui a été posée sur
l'avenir de cet hôpital.
Cependant, je crois que ce dont nous n'avons pas besoin dans le secteur
des affaires sociales, c'est d'une décision qui apparaisse arbitraire et
sans fondement. Donc, je pense que le temps sera venu de prendre une
décision quand il deviendra évident quels sont les
problèmes et quelles sont les solutions possibles et que tous les
intéressés auront eu la chance de prendre connaissance des faits
et de se former une opinion sur le sujet.
Nous n'en sommes pas encore là. J'espère pouvoir
contribuer à éclairer l'opinion sur le sujet et avant même
que toute décision soit prise. Donc, pour le moment, je n'ai rien
à ajouter, mais je me propose, dans un avenir pas trop
éloigné, de faire le point sur la situation.
M. Charron: Est-il encore dans votre intention de fermer cet
hôpital?
M. Forget: Le président peut avoir dit que je n'avais pas
l'intention d'ouvrir ou de fermer des portes ce soir sur le sujet. Je ne
franchirai pas le seuil de la porte qui m'est ouverte par le
député de Saint-Jacques. Je dois dire que la question n'est pas
réglée et, encore une fois, ce dont nous n'avons pas besoin,
c'est d'une décision qui a l'air gratuite, sans fondement et
arbitraire.
Je suis prêt à vivre avec les conséquences d'une
décision informée de la part de tous les
intéressés.
M. Charron: Si je comprends bien, vous ne voulez pas, ce soir,
répéter votre décision qui, elle, à un autre moment
vous me l'avez dit vous-même à l'Assemblée
était claire, était formelle. Il s'agissait de fermer
l'hôpital. Vous ne faisiez que retarder cette fermeture.
Etes-vous encore à i'état où vous retardez la
fermeture ou avez-vous remis en question la fermeture même de
l'hôpital?
M. Forget: Je n'ai pas d'autres commentaires à formuler
à ce moment-ci que le fait que, quelles que soient les discussions,
quelles que soient les inquiétudes et qui, de nos jours, ne s'interroge
pas sur l'avenir... Qu'on s'appelle l'hôpital de Rosemont ou qu'on
s'appelle n'importe quoi, il n'y a certainement rien de permanent sous le
soleil. L'hôpital continue de fonctionner et, jusqu'à nouvel
ordre, c'est la situation qui prévaudra.
Maintenant, le dossier n'est pas fermé.
M. Charron: Je suis perdu. J'aimerais poser une question sur une
autre situation locale. Il s'agit de l'hôpital Sainte-Croix de
Drummondville où je me suis rendu il n'y a pas tellement longtemps et
où j'ai pu constater que les engagements précédemment pris
par madame le ministre d'Etat aux Affaires sociales, à l'époque,
n'avaient pas été, effectivement respectés. si je
peux seulement le retrouver et, plutôt que de faire la
nomenclature des engagements de madame le ministre et de l'état actuel
du dossier, j'aimerais plutôt demander au ministre si les intentions
précédemment annoncées sont toujours les mêmes dans
ce cas ou si, comme dans le cas de l'hôpital de Rosemont, on est en train
de changer d'opinion.
M. Forget: On n'est pas au stade des opinions. Dans le cas de
l'hôpital de Sainte-Croix de Drummondville, on est au stade des
réalisations. L'aménagement de l'ancien pavillon des
infirmières touche à sa fin. C'est un endroit qui est en train
d'être aménagé comme centre d'accueil pour adultes, pour
personnes âgées. Ceci devrait se terminer au cours des prochains
mois. Le travail est très avancé, je crois.
Il y a aussi la question des malades chroniques et des malades pour
soins de courte durée à Drummondville même et on a voulu
regarder les ressources conjointes à cet égard de
l'établissement Georges-Frédéric et de l'hôpital
Sainte-Croix et des travaux... La planification, la programmation fonctionnelle
des travaux au pavillon Georges-Frédéric est en cours et
permettra de recevoir des malades chroniques se trouvant actuellement à
l'hôpital Sainte-Croix de Drummondville. Il s'agit d'une quarantaine, je
crois.
A cause de cette disponibilité pour les malades chroniques au
Pavillon Georges Frédéric, cela donne l'équivalent d'une
quarantaine de lits additionnels pour les soins de courte durée à
l'hôpital Sainte-Croix, sans rien d'autre. Maintenant, il n'est pas
question de s'arrêter là et les discussions se poursuivent sur la
configuration précise de ce qu'il faut faire à Sainte-Croix
même, mais c'est un programme par étapes: l'aménagement du
pavillon des infirmières, le Pavillon Georges Frédéric et
les autres travaux. Comme on a déjà amorcé la phase de
réalisation pour le pavillon des infirmières c'est
pratiquement terminé que cela avance du côté du
Pavillon Georges Frédéric, il n'y a rien qui permette de croire
que cela ne débouchera pas positivement.
M. Charron: Est-ce que la décision de ne pas augmenter la
capacité de lits de l'hôpital dans son ensemble après cet
aménagement auquel on procède actuellement est maintenue? Et
est-ce que l'agrandissement de 20 000 pieds carrés, pour les fins d'un
bloc chirurgical, l'urgence, la clinique externe et une partie du laboratoire,
auxquels s'était engagé le ministre d'Etat aux Affaires sociales
dans son télégramme à la Chambre de commerce de
Drummondville, le 7 mai 1975, aura lieu?
M. Forget: II n'y a certainement rien qui nous empêche de
procéder du côté du ministère. Nous voulons
être sûr que là-dessus et sur tous les détails nous
partageons le même point de vue que le centre hospitalier.
Quand il s'est agi du nombre de lits comme tel, il est évident
que lorsque nous avons offert la solution d'un agrandissement au Pavillon
Georges Frédéric pour les malades chroniques, c'était
l'équivalent, en termes d'espace additionnel pour les soins de courte
durée, d'une quarantaine de lits de plus à l'hôpital
Sainte-Croix. Donc, de ce côté, je crois qu'on a fait un bout de
chemin fort appréciable et, semble-t-il, apprécié par
l'hôpital.
Pour ce qui est du bloc de service, il y a eu, pendant un certain temps,
une certaine différence d'opinion et cela a peut-être eu une
valeur de symbole, le nombre de pieds carrés du bloc de service. Il nous
est apparu que 20 000 pieds étaient suffisants pour un bloc de service
pour un hôpital de cette importance, étant donné
l'aménagement de certains services dans le pavillon des
infirmières puisque, en plus du centre d'accueil, je crois qu'il y a
certains services qui peuvent être aménagés.
Donc, c'est là l'orientation que nous avons suivie depuis un an
ou un an et demi. A la fin de ces discussions, à l'époque,
c'était là l'état du dossier. Il n'a pas changé de
façon importante depuis.
M. Bonnier: M. le Président, est-ce que je pourrais poser
une courte question au ministre, relativement à la politique
vis-à-vis des malades chroniques? Est-ce que d'une façon
générale vous avez l'intention d'augmenter le nombre de lits pour
les malades chroniques, de façon à décongestionner les
hôpitaux généraux?
M. Forget: Oui, il y a plusieurs choses qui se font.
M. Charron: Je m'excuse, la question du député
mérite certainement considération, mais il s'agit du prochain
programme, si je ne m'abuse, puisque...
M. Bonnier: Je pensais que c'était à
l'élément 1...
M. Charron: Non, le prochain programme traite des soins
prolongés.
M. Bonnier: Ah, si c'est cela, très bien.
M. Charron: C'est que...
M. Bonnier: Soins aux malades à long terme.
M. Charron: ...le député sera fort bienvenu
à cette occasion-là, je pense...
M. Bonnier: D'accord.
M. Charron: ... s'il n'y voit pas d'inconvénient.
M. Bonnier: Non, du tout. C'est parce que c'est justement la
réponse du ministre qui m'a fait penser à cela.
M. Forget: On va y revenir.
M. Charron: Nous serons vigilants lorsque le président
appellera le prochain programme. M. le Président, toujours dans les
quelques cas locaux dont je voudrais faire rapidement le tour, puisqu'ils ont
soulevé l'intérêt et méritent considération,
il y a la question de l'Outaouais qui, à plusieurs occasions, a à
utiliser les services de santé de la province voisine, en raison de sa
proximité et aussi en raison purement et simplement de
l'incapacité du réseau québécois à faire
face à la demande de soins. Je pense que le ministre est au courant
qu'en mai 1974, on évaluait à 234, par rapport à la norme
québécoise, le déficit en lits pour la région de
l'Outaouais, ce qui maintient un état de dépendance, je l'ai dit,
par rapport aux services d'Ottawa et de l'Ontario. Quels sont les projets du
ministère concernant l'hôpital Sacré-Coeur de Hull et
est-ce qu'on procédera à des aménagements de cet
hôpital?
M. Forget: Oui, on a déjà procédé
à une partie des aménagements, à ceux qui sont
peut-être de moindre intérêt pour les soins médicaux
et hospitaliers comme tels. Le bloc utilisé pour la buanderie
communautaire dans la région, la buanderie commune à toute la
région, est terminé, je pense, depuis quelques semaines.
Pour ce qui est de l'agrandissement proprement dit, l'addition d'un
certain nombre de lits, le réaménagement en entier du bloc de
services, il y a eu de ce côté des progrès, mais des
progrès lents. Je pense qu'il est important de préciser que la
lenteur des progrès réalisés, jusqu'à maintenant,
dans la réalisation de ce projet, dépend exclusivement, du moins
à l'avis du ministère, de la lenteur des professionnels qui ont
été retenus par la corporation du centre hospitalier pour
exécuter les plans et devis détaillés. Ceux-ci devaient
être remis au ministère des Affaires sociales vendredi dernier,
pour une approbation finale. On m'informe qu'ils ne l'ont pas été
et, finalement, on ne les a pas reçus. Pourquoi exactement? Je ne le
sais pas, mais il demeure que la préparation des plans et devis a
nécessité plus de 18 mois, si ce n'est pas deux ans.
C'est une situation qu'on ne peut pas certainement approuver; on ne peut
certainement pas s'en réjouir. Il reste qu'une fois que les services de
l'architecte avaient été retenus par la corporation il y avait
bien peu de choses que l'on pouvait faire, à moins de persuader la
corporation de recommencer avec quelqu'un d'autre et, à ce
moment-là, de payer deux fois les honoraires. En effet, on sait que
l'annulation d'un contrat comme celui-là entraîne le paiement de
la presque totalité des honoraires, que le travail soit
complété ou pas et ceci, en vertu des arrêtés en
conseil qui déterminent la façon de calculer les honoraires
professionnels, qui résulte d'une quasi-négociation, je pense
bien, avec la corporation des architectes.
Alors, ce sont des frais quand même élevés. Donc,
devant ce dilemme, on n'a pas eu d'autre choix que d'attendre et, à
l'occasion, de rappeler à la corporation qu'elle devait stimuler le plus
possible son architecte, mais c'était un bureau qui n'était
peut-être pas suffisamment équipé pour relever ce
défi particulièrement important.
A tout événement, les travaux devaient commencer à
la fin de l'été et se réaliser tel que prévu quant
à leur essence. Evidemment, les coûts prévus en 1972 ne
sont plus les coûts de 1976 et 1977; de toute manière, c'est une
question de
s'ajuster à l'inflation. Il s'agit d'un projet très
important.
Sur un plan plus général, j'ai déjà eu
l'occasion de faire part à la commission, je crois, de l'existence d'une
commission conjointe du Conseil régional de l'Outaouais et de la
Commission des services hospitaliers de la région de l'Outaouais, du
côté de l'Ontario. L'automne dernier, j'ai rencontré M.
Frank Miller, le ministre de la Santé de l'Ontario. J'ai convenu, avec
lui, de confier, chacun pour soi, à ces conseils régionaux de
l'Ontario et du Québec un mandat d'examiner la planification des
services de santé dans la région de la capitale
fédérale, de manière que cela se développe de
façon rationnelle, autrement dit qu'on ne construise pas un
hôpital additionnel de chaque côté de la frontière,
sans qu'il y ait une certaine complémentarité.
On sait que la région de Hull est dans une position difficile,
puisque les hôpitaux d'enseignement se trouvent tous à Ottawa.
Quelles que soient les questions de géographie ou le reste, les
hôpitaux d'enseignement, au moins pour certains problèmes,
à cause de la réputation des médecins qui y sont, etc.,
attirent toujours inévitablement des gens qui ont des maladies
particulièrement difficiles. Il y a des références d'un
professionnel à l'autre, de toute manière, qui se font. Par
malheur, les hôpitaux d'enseignement sont dans une province et une partie
de la population est dans l'autre, de l'autre côté de la
rivière.
Je ne sais pas, évidemment, d'avance à quoi en viendront
les travaux conjoints des deux conseils régionaux, mais je pense que
c'est sur le plan régional qu'il faudra arriver à des solutions
qui soient acceptables pour qu'il y ait une complémentarité des
services.
Il est clair qu'on ne peut pas envisager une situation où les
gens de la région de Hull ou de l'Outaouais n'auront aucun recours aux
hôpitaux d'Ottawa, je pense qu'il y a une complémentarité
naturelle. Du côté d'Ottawa, on n'est pas plus heureux de cette
situation puisqu'on dit: On n'a plus de place pour les gens d'Ottawa tellement
il y a des gens de Hull dans nos hôpitaux. Je pense qu'il s'agit de tirer
tout cela au clair et d'en étudier les implications. Lorsque nous les
aurons, nous pourrons voir quels autres développements, s'il en est
besoin, sont nécessaires dans la région de Hull proprement dite,
et nous aurons une raisonnable assurance que ces investissements nouveaux,
dès qu'il sera possible de les faire, répondront
véritablement à un besoin bien identifié. Est-il possible
d'établir des liens avec des hôpitaux de Hull avec la
faculté de médecine de l'université d'Ottawa, par exemple?
Et qui paierait les coûts de l'enseignement clinique dans ces
hôpitaux? Est-il imaginable que le ministère de l'Education de
l'Ontario, via l'université d'Ottawa, paie les professeurs pour
l'enseignement clinique dans une université québécoise?
Enfin, il faudra d'abord, voir les conclusions avant de trancher. Au moins, il
y a un départ qui a été fait, il y a un comité
conjoint des deux provinces et des deux régions qui travaille sur le
sujet.
Le Président (M. Kennedy): Le programme 11 est
adopté?
M. Charron: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Kennedy): Le programme 12 vise à
assurer aux convalescents et aux malades à long terme les soins
prolongés que requiert leur état.
M. Charron: Je pense qu'en toute honnêteté, vous
devez remettre la parole au député de Taschereau.
Soins prolongés
Les malades chroniques
M. Bonnier: Merci. M. le Président, dans le fond, on se
rend compte que nos hôpitaux généraux semblent être
congestionnés en bonne partie, qu'un certain nombre de lits sont
occupés par des malades chroniques, ce qui a comme résultat
d'empêcher certains malades d'y entrer comme ils devraient le faire
normalement. Deuxièmement, lorsqu'on étudie les coûts de
telle et telle hospitalisation et qu'on les situe dans le secteur des
hôpitaux généraux, évidemment cela a tendance
à augmenter les coûts qui sont donnés, d'une façon
absolue en tout cas, de ces hôpitaux, et je me demandais quelle
était la politique actuelle du ministère pour le
développement d'hôpitaux spécialisés de malades
chroniques.
M. Forget: II y a deux éléments. D'abord, il y a le
recyclage de certains centres hospitaliers qui s'est effectué et
continue de s'effectuer lorsque, pour des raisons démographiques ou
dépeuplement ou vétusté, etc., il semble qu'un centre
hospitalier peut être mieux employé pour les malades chroniques.
Je cite un certain nombre de cas qui, je suis sûr, reviendront à
la mémoire de la plupart des membres de la commission: l'hôpital
Catherine Booth, de Montréal; l'hôpital de la Miséricorde,
à Montréal; deux hôpitaux spécialisés en
obstétrique, dans une période de déclin rapide du nombre
de naissances, qui se sont transformés en hôpitaux pour malades
chroniques; l'hôpital Pasteur, dont les travaux de
réaménagement, pour en faire un hôpital chronique,
commenceront cet été. C'était un hôpital pour les
maladies contagieuses d'enfants, un phénomène qui, à cause
de la vaccination, etc., a tellement largement diminué que cet
hôpital n'avait plus de raison d'être. La même chose peut
être imaginée pour certains autres centres hospitaliers à
plus ou moins long terme, à cause justement de déplacements dans
la population, l'exode du centre-ville par exemple, vers les banlieues à
Montréal qui crée, relativement parlant, un certain surplus de
lits pour les malades à court terme dans le centre-ville et un
déficit dans les banlieues. Comme il y a des équipements qui sont
là, il y a peut-être des utilisations auxquelles il faudra songer.
De cette nature, le problème peut se poser également à
Québec à moyen terme, mais dans...
M. Bonnier: Est-ce qu'il y a des projets spécifiques pour
Québec?
M. Forget: II n'y a pas de projets spécifiques à
l'heure actuelle, mais des explorations ont été faites et, en
particulier, je pense qu'il faut le mentionner puisque c'est connu, de toute
façon, dans ces milieux; cette question a été
explorée par le conseil régional et par le ministère des
Affaires sociales relativement à l'hôpital
Notre-Dame-de-l'Espérance, ici à Québec, il n'y a pas de
conclusion définitive, il s'agit de voir quelles sont les solutions de
rechange pour le volume de soins qui est donné et les médecins
qui y sont affiliés.
Mais, à plus court terme, et là je reviens aux propos du
début de la séance de cet après-midi, on observe un taux
d'occupation qui est d'à peu près 6% ou 7% plus bas au
Québec qu'en Ontario et qui est certainement très en
deçà de l'optimum qui est d'environ 85% d'occupation pour les
hôpitaux. Selon les experts, un peu partout on dit que c'est 85%
l'idéal. On est à 76% en 1976; donc, il y a à peu
près 9% sur une trentaine de milliers de lits. C'est passablement de
lits inoccupés quand on considère la durée de
séjour, qui est de plus de dix jours, contrairement à une moyenne
de six jours et demi aux Etats-Unis et à une moyenne de huit jours et
demi en Ontario. Il y a plusieurs milliers d'admissions qui pourraient se
faire. On a calculé c'est facile à faire à
30 000 malades chroniques ceux qui pourraient être admis dans nos
hôpitaux 30 000 est peut-être un chiffre
exagéré, c'est de mémoire; non, je pense que c'est cela
sur une année, sur la base du séjour moyen des malades
chroniques et convalescents qu'on observe en Ontario.
Enfin, ce ne sont que des exercices d'arithmétique. Plus
pratiquement, l'émission des permis pour 1976 va refléter l'effet
d'une directive qui a été émise aux toutes
premières semaines de l'année en cours, à l'effet que les
malades chroniques qui se trouvent effectivement dans nos hôpitaux
hôpitaux qui, par ailleurs, ne sont pas congestionnés et
qui se trouvent dispersés un peu partout dans les unités de soins
devraient être reconnus pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des
malades chroniques, et devraient être regroupés dans des
unités de soins appropriés.
Pourquoi? Principalement pour la raison suivante: C'est que le genre de
soins qu'on donne à des malades chroniques n'est pas le même que
l'on donne à un malade qui va être là pour cinq ou six
jours. L'orientation du personnel, même sa formation, devrait être
sensiblement différente. La qualité des soins s'en ressent si on
les disperse un peu partout et si on les considère un peu comme des
laissés-pour-compte ou des gêneurs. Cela a été
très souvent la réaction, dans les milieux hospitaliers, de
considérer comme des gêneurs les malades chroniques.
Etant donné qu'une capacité existe, qui n'est pas
pleinement utilisée, étant donné qu'ils sont là de
toute façon, nous avons dit, cette année: Bien, pour une fois,
reconnaissons donc leur existence, regroupons-les dans des unités de
soins et donnons-leur les soins appropriés. L'effet de cette
opération, qui se reflétera quant aux permis qui ont
été envoyés, d'ailleurs, depuis quelques jours, je crois,
aux différents centres hospitaliers sera d'augmenter la
capacité officielle pour les malades chroniques d'environ 700 à
800 places dans les centres hospitaliers du Québec. Il n'y a pas de lits
additionnels qui sont créés mais ce serait faux de dire qu'il
s'agit là simplement de changer les étiquettes. Encore une fois,
nous reconnaissons officiellement qu'il y a des malades chroniques, que leur
place n'est pas ailleurs, sans spécifier où c'est ailleurs. Mais
on peut très bien leur faire une place dans nos hôpitaux et
organiser les soins en conséquence parce que ce n'est pas le même
genre d'organisation, encore une fois, que pour les malades de courte
durée. Cela est en soi une réalité et une réponse
qui est plus adéquate que simplement attendre un quelconque miracle,
c'est-à-dire l'addition de 2000 ou 3000 places de lits pour malades
chroniques spécifiquement construits pour ces fins.
Même si on décidait aujourd'hui de le faire, ce n'est pas
avant six ans que les hôpitaux en question ouvriraient leurs portes. Dans
l'intérim, il est clair que le nombre de malades chroniques que l'on
peut, effectivement, accueillir dans nos hôpitaux et traiter dignement,
convenablement, est très inférieur à ce qu'il devrait
être, encore une fois si l'on compare. Est-ce que la comparaison est
complètement appropriée? Comme on dit dans d'autres cas qu'elle
ne l'est pas entièrement, cela ne doit pas l'être exactement non
plus dans ce cas. Mais on remarque malgré tout qu'il y a un tiers
seulement de la capacité totale de nos hôpitaux qui est
consacré aux malades chroniques par rapport à l'Ontario.
C'est-à-dire que la proportion des lits consacrés aux malades
chroniques dans les hôpitaux de l'Ontario est trois fois plus
élevée que la proportion équivalente au Québec.
Donc, il y a là une disparité considérable.
Ce sont les deux mesures qui sont adoptées, qui sont en marche
depuis quelques années, recyclage de certains centres hospitaliers et
redésignation de certains lits. On ne se bute pas à la limite de
capacité des hôpitaux de toute façon, nos taux de
séjour sont longs, nos taux d'occupation sont bas. La solution la plus
logique est d'organiser les soins pour les malades chroniques dans les
hôpitaux existants.
Maintenant, l'argument économique. Les gens vont dire: Ecoutez,
cela coûte $100 ou $150 par jour à tel hôpital, cela va donc
coûter $150 par jour pour s'occuper des malades chroniques. Evidemment,
c'est une plaisanterie, c'est une farce. Ce n'est pas l'occupation du lit qui
coûte $100, ce sont les services que l'on donne aux gens qui sont
hospitalisés pour soins de courte durée. Ces coûts
demeurent pour ceux qui en ont besoin. Ils n'existent pas plus dans une
unité de soins pour malades chroniques, même si c'est dans un
hôpital d'enseignement, qu'ils existeraient dans un établissement
séparé. Ce sont les mêmes soins, la même organisation
et cela n'a aucune raison de coûter plus cher dans un hôpital
universitaire que
dans un hôpital strictement pour malades chroniques.
Bien sûr, dans le passé, profitant d'une confusion des
genres, certains hôpitaux se sont fait payer des budgets et du personnel
en fonction d'une occupation pour des malades chroniques totalement pour des
soins de courte durée, et la désignation d'une unité pour
malades chroniques va réduire le budget auquel ils auraient droit en
principe. Cependant, nous avons décidé de ne pas réduire
leur budget, même dans ce cas, de manière à leur donner un
encouragement additionnel, au moins pour cette année, à
désigner de telles unités, à les organiser en
conséquence. Mais cela devrait, plutôt que de compliquer leurs
problèmes financiers, contribuer à les soulager.
M. Charron: M. le Président, je voudrais ajouter une
sous-question à celle déjà posée par le
député de Taschereau, à laquelle vient de répondre
le ministre. Est-ce que la norme de 1.5 lit par région est atteinte dans
toutes les régions du Québec? Si ce n'est pas le cas, est-ce
qu'il y a des projets pour que cette norme soit atteinte partout?
M. Forget: De mémoire, de toute part, ce ratio est atteint
en général et encore plus avec cette redésignation des
lits à laquelle on a procédé cette année. Il se
peut, malgré tout, que dans une ou deux régions il ne soit pas
atteint. On me signale qu'il est possible que dans la région des Cantons
de l'Est, de l'Estrie, il y ait peut-être trop peu de lits pour
chroniques par rapport à un nombre vraiment exceptionnel de lits pour
soins de courte durée.
M. Charron: Je me permets de signaler au ministre que le tableau
de mai 1975 que j'ai entre les mains donnait .63 par 1 000 pour la
région que vous venez de mentionner, ce qui est effectivement le plus
faible ratio.
M. Forget: On est d'accord avec vos statistiques!
M. Charron: Oui, parce qu'elles viennent de chez vous! J'aurais
bien aimé vous prendre en flagrant délit, dénonçant
ces statistiques! ...
M. le Président, je n'ai pas d'autre question.
Le Président (M. Kennedy): Programme 12,
adopté?
M. Saint-Germain: Excusez-moi. Vous avez établi, si je ne
m'abuse, une politique qui veut que 10% des lits des hôpitaux soient au
service des maladies chroniques.
Une Voix: Oui.
M. Saint-Germain: Est-ce que c'est général pour
tous les hôpitaux sans exception, hormis peut-être les
hôpitaux universitaires ou quelque chose comme cela?
M. Forget: Oui. Pour les centres hospitaliers de 200 lits et
plus, et avec quelques exceptions.
M. Saint-Germain: Et ceux qui ont moins de 200 lits?
M. Forget: La contrainte, de ce côté, a
été l'organisation d'unités de soins. On appelle
unité de soins une aile ou une partie de section qui forme une
espèce d'unité administrative sur le plan des soins infirmiers et
qui peut regrouper entre 20 et 35 lits. Si on veut une véritable
organisation de soins pour les malades chroniques, on ne peut pas prendre deux
tiers d'une unité de soins ou 1.1 unité de soins. Il faut prendre
une unité de soins. Comme c'est de capacité variable,
c'était au minimum 20 lits, sauf exception, c'est-à-dire 10% de
200 lits. C'est le minimum. En bas de cela, c'est difficile à appliquer,
parce que cela n'a pas de sens. Cela peut aussi ne pas s'appliquer
rigoureusement à cause de la configuration physique des hôpitaux,
à cause du fait qu'ils ont déjà beaucoup, parce qu'il
arrive qu'il y ait des hôpitaux à vocation multiple ou qui ont une
autre vocation, soit de centre d'hébergement et de soins psychiatriques.
Enfin, c'est une règle générale mais on ne peut pas
l'appliquer aveuglément sans exception.
M. Saint-Germain: Et les hôpitaux en bas de 200 lits,
habituellement, vous n'insistez pas pour...
M. Forget: Non.
M. Saint-Germain: Je vous pose une question bien
particulière au sujet du centre hospitalier de Lachine où on doit
disposer de 18 lits pour malades chroniques. Enfin, je ne veux pas de
réponse ce soir; peut-être pourrait-on me répondre plus
tard sur une telle question.
M. Forget: C'est relié à la transformation des
services, comme la pédiatrie, etc., quand il y a des regroupements
régionaux ou des choses comme cela.
M. Saint-Germain: C'est tout de même exceptionnel.
M. Forget: Oui.
M. Saint-Germain: En bas de 200 lits.
M. Forget: C'est un voeu général qui s'applique
même à eux, mais, on ne peut pas appliquer des règles
mathématiques. C'est sans aucun doute un voeu général. Il
semble aussi c'est un des problèmes, je ne passerai pas beaucoup
de temps là-dessus très curieux comme attitude, ce qu'on
trouve dans le secteur hospitalier comme approche ou comme réaction
à l'idée de malades chroniques. Sur le plan humain, mais
même sur le plan médical peut-être à la
limite, parce qu'il y a moins de "turn over", il y a moins de volume
peut-être cela représente un défi qui est aussi
important et aussi valorisant, il me semble, du moins, que les soins aux
convalescents, par exemple, la réadaptation, la réhabilitation.
On obtient ces réactions parfois où on envisage que s'occuper des
malades chroniques, c'est une pé-
nalité. C'est très profond comme réaction et je
n'en nie pas l'existence. Mais cela crée l'image que les malades
chroniques sont ceux dont on ne s'occupe pas et ceux dont on ne veut pas
vraiment s'occuper, parce que c'est un peu dégradant, que ce n'est pas
à la hauteur, que ce n'est pas digne des gens de s'occuper des malades
chroniques.
Si on regarde les problèmes de santé de façon
générale, ce sont certainement les malades qui ont le plus besoin
d'appui, de support et de soins continus, humains, parce qu'ils vivent parfois
le reste de leurs jours dans un hôpital. Il y a énormément
de choses qu'on peut faire pour eux. Je pense que le premier effort qu'on doit
faire pour eux, c'est d'essayer de valoriser le fait de s'en occuper. Quand on
aura fait cela, on ne verra plus aucune difficulté à trouver des
places pour les malades chroniques. Le véritable problème n'est
pas un problème de béton, de brique, d'organisation et
d'administration; c'est un problème d'attitude.
C'est un peu le même problème qu'on trouve vis-à-vis
des malades psychiatriques, qui ne sont pas des malades imaginaires non plus.
Ils ont de vraies maladies, de vrais problèmes. Or, on trouve un certain
sentiment de recul devant cela, un peu inspiré par une très
grande modestie, parce qu'on n'a peut-être pas autant trouvé les
façons de s'en occuper avec succès que pour les malades
physiques. Du côté des malades chroniques, on a aussi ce mouvement
de recul et, dans le fond, le ministère a un travail de persuasion
constant pour essayer d'obtenir des places pour les malades psychiatriques et
les malades chroniques. Le problème serait tout de suite résolu
si on trouvait un moyen magique de les valoriser et de leur donner l'importance
qui leur revient sur un plan humain. Je ne pense pas qu'on ait fait tous les
progrès qu'on pourrait obtenir et je ne sais vraiment pas comment on s'y
prend pour faire cela, si ce n'est d'en parler à l'occasion. C'est pour
cela que je le fais ce soir. J'espère que cela tombe dans l'oreille de
personnes convaincues.
Le Président (M. Kennedy): Le programme 12,
adopté?
M. Saint-Germain: Si vous me le permettez, M. le
Président, sur le même sujet, c'est peut-être aussi une
autre réaction. C'est peut-être une réaction typique de
l'hôpital de chez nous, en particulier le centre hospitalier de Lachine.
On craint, en ce faisant, que le gouvernement n'ait une
arrière-pensée et qu'il ne veuille faire de cet hôpital,
s'il dit oui, un hôpital pour les maladies chroniques exclusivement. Je
crois que cela a créé des inquiétudes terribles. Je ne
sais pas si vous pouvez me confirmer ce soir la vocation à long terme de
l'hôpital Saint-Joseph, à savoir si réellement vous voulez
en faire à long terme un hôpital pour les maladies chroniques ou
si vous voulez lui laisser approximativement la même vocation qu'il a
dans le moment.
M. Forget: Pour ma part, je n'ai jamais entendu parler de cela
avant ce soir. Il est évidemment toujours difficile de donner des
garanties à long terme à qui que ce soit et d'être cru en
le faisant, de toute façon. S'il y a des craintes, tout ce que je peux
dire, c'est qu'elles sont, pour le moment, pour autant que je sache, sans aucun
fondement, sauf qu'on ne voudrait pas parce qu'on craint l'avenir
qu'on ferme la porte aux malades chroniques dans tous les cas où on peut
faire quelque chose pour eux, sans nécessairement tout faire pour eux ou
abandonner tout le reste.
Le Président (M. Kennedy): Adopté. La commission
ajourne ses travaux sine die.
M. Charron: Probablement demain après-midi.
Le Président (M. Kennedy): Demain après-midi,
après la période des questions.
M. Charron: Est-ce que le Dr Laberge sera ici demain
après-midi?
M. Forget: Ce n'est pas vraiment possible...
(Fin de la séance à 22 h 6)