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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mardi 8 juin 1976 - Vol. 17 N° 83

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Audition des bénéficiaires de l'aide sociale


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Audition des bénéficiaires de l'aide sociale

Séance du mardi 8 juin 1976

(Dix heures quarante-cinq minutes)

M. Cornellier (Président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission élue permanente des affaires sociales est réunie ce matin, en vertu d'un avis de la Chambre, pour entendre les bénéficiaires de l'aide sociale, relativement à la Loi de l'aide sociale et à sa réglementation.

Avant de procéder aux délibérations, j'aimerais mentionner des changements dans la liste des membres de la commission: M. Côté (Matane) remplace M. Bellemare (Rosemont); M. Caron (Verdun) remplace M. Boudreault (Bourget); M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Forget (Saint-Laurent): M. Déziel (Saint-François) remplace M. Fortier (Gaspé); M. Séguin (Pointe-Claire) remplace M. Lecours (Frontenac); M. Sylvain (Beauce-Nord) remplace M. Massicotte (Lotbinière).

Il y aurait maintenant lieu de nommer un rapporteur de la commission et, avec votre assentiment, nous pourrions nommer M. Malépart, député de Sainte-Marie.

Cette suggestion est-elle agréée?

M. Charron: D'accord.

Le Président (M. Cornellier): Suite à l'avis qui a été donné par l'Assemblée nationale de faire siéger la commission des affaires sociales, le secrétaire des commissions a reçu des demandes de divers organismes qui ont manifesté leur désir de se faire entendre.

Dans l'ordre des demandes des organismes qui ont manifesté leur désir de se faire entendre, il s'agit du Comité de citoyens à faible revenu (Rouyn-Noranda); du Comité de citoyens de Sept-Iles; de la Société Saint-Vincent de Paul; du Y.M.C.A. de Montréal; de l'Union des femmes seules chefs de famille; du Centre populaire de Roberval et Multi-Media; du Conseil du statut de la femme.

J'aimerais savoir de nos visiteurs si d'autres organismes, d'autres groupes ou d'autres individus aimeraient se faire entendre, sont venus ici dans l'intention de se faire entendre.

S'il y en a, voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît? Oui, madame?

Mme Saint-Onge: Regroupement des citoyens à faible revenu du Bas-Saint-Laurent.

Le Président (M. Cornellier): Vous êtes Mme...? Un instant! Je vais prendre cela en note.

Mme Saint-Onge: Mme Albert Saint-Onge.

Le Président (M. Cornellier): Albert Saint-Georges?

Mme Saint-Onge: Saint-Onge.

Le Président (M. Cornellier): Saint-Onge. Excusez-moi.

Mme Leduc-Caron: Mme Leduc-Caron, Familles monoparentales, Chicoutimi.

Le Président (M. Cornellier): Familles...

Mme Leduc-Caron (Ghislaine): Nous aurions aimé nous faire entendre aujourd'hui. Nous aurions eu beaucoup de recommandations à faire. Seulement, nous ne l'avons pas su. Nous n'avons reçu aucune invitation. Nous avons su la date de la commission seulement hier. Donc, c'est un peu court, comme...

Le Président (M. Cornellier): Nous allons faire tout notre possible pour que vous puissiez vous faire entendre aujourd'hui.

Mme Leduc-Caron: Seulement, nous ne sommes pas tellement prêtes.

Le Président (M. Cornellier): Nous verrons, au cours des délibérations. Voulez-vous me répéter votre nom, s'il vous plaît?

Mme Leduc-Caron: Ghislaine Leduc-Caron. Nous espérons que la prochaine fois, nous serons prévenus assez tôt.

Le Président (M. Cornellier): Très bien, madame. Madame?

Mme Boucher (Armand): Mme Armand Boucher, Saint-Benoît, présidente de l'Association des dames veuves de la région de la Chaudière.

Le Président (M. Cornellier): Répétez donc le nom de l'organisme.

Mme Boucher: L'Association des dames veuves, région de la Chaudière.

Le Président (M. Cornellier): Très bien, madame.

Mme Boucher: Nous l'avons su hier seulement, nous aussi; mais, comme le besoin est là, nous n'avons pas besoin de l'étudier.

Le Président (M. Cornellier): Très bien. L'honorable député de Sainte-Marie.

M. Malépart: II y a une personne ici, dans la salle, à qui j'ai demandé de venir et j'aimerais qu'elle puisse se faire entendre. Il s'agit du capitaine détective Henri Marchessault, de l'unité d'enquête sur les prêts usuraires au service de la police de la Communauté urbaine de Montréal.

Le Président (M. Cornellier): Le capitaine détective Henri Marchessault, de la Communauté urbaine de Montréal.

M. Malépart: De l'unité d'enquête sur les prêts usuraires.

Le Président (M. Cornellier): Très bien. Alors, nous allons maintenant aborder nos travaux. Je cède la parole à l'honorable ministre d'Etat aux Affaires sociales.

Exposé du ministre d'Etat M. Julien Giasson

M. Giasson: M. le Président, étant donné qu'il s'agit d'une première au Québec, en ce sens que c'est la première occasion qui est donnée à un groupe de citoyens de la province de venir rencontrer des parlementaires, c'est-à-dire des membres d'une commission parlementaire, soit celle des affaires sociales, vous me permettrez, M. le Président, sans doute, au début de souhaiter la bienvenue des plus cordiales à toutes ces personnes qui ont accepté de se rendre à Québec afin de discuter de problèmes qui les concernent et surtout pour exprimer des opinions qui, sans doute, seront très variées sur une loi qui conditionne très largement leur vie et surtout, tout cet aspect de la réglementation qui permet la mise en application de ladite loi, soit la loi 26.

Je suis certain, sans avoir consulté mes collègues membres de la commission parlementaire, que ceux-ci sont tous d'accord avec moi et je pense que je peux être leur porte-parole pour vous indiquer que nous sommes heureux, nous de la commission des affaires sociales, de vous accueillir et pouvoir, au cours des prochaines heures, peut-être au cours des prochains jours, selon le nombre de personnes qui seront intéressées à se faire entendre, selon la durée des débats que nous aurons avec chaque association ou chaque groupe, consacrer des heures à vivre cette expérience nouvelle.

Pour eux, mon ministre en titre, M. Forget, m'a demandé si j'acceptais d'assumer, à compter du 1er janvier 1976, le programme de l'aide sociale. Etant ministre d'Etat aux Affaires sociales, le ministre en titre a voulu me confier certains programmes du ministère et parmi ces programmes, il y avait celui de l'aide sociale. Mais, au-delà de ça, je pense que l'honnêteté commande d'indiquer que, si nous vivons cette première expérience, cela fait suite à un débat que nous avons eu à l'Assemblée nationale du Québec en décembre dernier.

Effectivement, une motion du député de Saint-Jacques a été inscrite au feuilleton de l'Assemblée nationale et a débouché sur une discussion portant sur la Loi de l'aide sociale, sa réglementation, des changements que certains parlementaires croyaient utiles d'apporter à la réglementation. Au cours de ces débats, il y a eu l'expression d'opinions de différents députés, de différents parlementaires et une demande a été exprimée par le député de Saint-Jacques sur la vo- lonté du gouvernement, la volonté du ministère des Affaires sociales d'accepter d'accueillir les bénéficiaires de l'aide sociale ou les associations ou groupes qui les représentent.

A l'époque, nous avions convenu — j'en avais discuté avec M. Forget, ministre en titre — étant donné que nous étions à l'approche de publication d'une nouvelle réglementation ou d'amendement à la réglementation de la loi, dans une période de quatre mois suivant la publication dans la Gazette officielle des changements apportés aux règlements, de tenir une ou des séances de la commission parlementaire aux fins de discuter et d'échanger avec la clientèle de l'aide sociale ou encore les groupes qui les représentent.

Nous ne sommes pas dans le délai de quatre mois, je le reconnais. Mais il y a des raisons à cela. J'ai eu, dans le temps, l'occasion de discuter avec le député de Saint-Jacques pour voir si nous ne pouvions pas, à cause de l'urgence qu'il y avait dans certains travaux parlementaires, tenir quand même cette commission, mais au-delà du délai de quatre mois dont nous avions convenu.

Le député de Saint-Jacques m'avait indiqué qu'il n'y voyait pas d'objection majeure pour autant que nous procédions. De son côté, il était pris par des travaux, qu'on sait nombreux, pour ceux qui vivent à l'Assemblée nationale. Sa formation politique doit couvrir, au même moment, soit les travaux de la Chambre, soit les travaux d'une, de deux ou de trois commissions parlementaires et, lorsque nous sommes à l'époque de l'étude des crédits des ministères, les députés sont fort engagés par la tenue de ces travaux. C'est partant de cette situation que nous avions convenu de retarder un petit peu dans le temps la tenue de cette commission.

Cela cadrait également avec une opinion que je m'étais faite au moment où je savais que je devais assumer la surveillance de l'administration de la Loi de l'aide sociale. J'ai pensé qu'il serait utile, à l'intérieur de ce nouveau mandat, d'avoir des contacts assez directs avec les personnes qui vivent à l'intérieur, dont la vie dépend de l'application de cette loi.

Je croyais également utile d'établir des contacts avec l'ensemble du personnel de notre réseau, c'est-à-dire tous ceux qui travaillent dans I'administration et l'application de la loi.

J'ai eu l'occasion de couvrir, de ce côté, quelques régions de la province en mars et en avril. La tournée n'est pas terminée. Nous nous proposons de la compléter d'ici l'automne qui vient.

Là encore, j'ai découvert qu'il m'a été très utile de pouvoir rencontrer, dans chacune des régions, la majorité du personnel qui oeuvre au niveau des bureaux régionaux et des bureaux locaux, c'est-à-dire les personnes qui vivent en contact assez étroit, assez constant avec la clientèle de l'aide sociale.

Déjà, j'en ai retiré des profits, je l'avoue, parce que cela m'a permis d'abord de découvrir des dimensions que je ne possédais pas, qui m'ont été exprimées par ceux qui ont à appliquer, au cours des jours et des semaines, la Loi de l'aide sociale. Aujourd'hui, j'ai cette première possibilité

d'avoir un contact et — c'est également la situation qui prévaut à l'endroit de mes collègues qui siègent à la commission des affaires sociales — avec des groupes ou des personnes qui ont voulu venir faire part de leur point de vue à la commission.

J'avais pensé, dans un premier temps, de faire peut-être une révision de ce qu'avait été la Loi de l'aide sociale depuis sa mise en opération, soit en novembre 1970. Cette situation, nous les parlementaires, nous l'avons vécue déjà dans le passé, puisque, très souvent, ici au parlement de Québec, que ce soit à l'Assemblée nationale, par certaines motions qui sont déposées devant l'Assemblée et qui sont débattues, que ce soit encore à la période des questions en Chambre et que ce soit surtout lors des commissions parlementaires des affaires sociales qui procèdent à l'étude des crédits, nous avons, nous les parlementaires, la possibilité d'entendre diverses expressions d'idées venant des parlementaires de quelque côté de la Chambre ou de la table que ce soit.

Ce serait peut-être mal utiliser le temps que de vouloir reprendre ces débats. Il y aurait peut-être quelque chose d'utile à revoir cela, mais je crois que ce serait peut-être mal utiliser le temps que nous avons à notre disposition, surtout étant donné que nous recevons plusieurs associations aujourd'hui. J'apprécierais, pour ma part, que nous puissions en entendre le plus grand nombre, quand on sait ce que représentent les frais de voyage ici à Québec ou le séjour à Québec.

Si mes collègues acceptaient ce point de vue, étaient d'accord, nous pourrions peut-être procéder plus rapidement à l'audition des groupes qui sont devant nous. Je ne veux pas imposer une règle. D'ailleurs, il y a des coutumes aux commissions parlementaires de cette nature qui veulent qu'on donne au moins, dans un premier temps, la possibilité d'une introduction du côté ministériel, du côté des ministres et qu'on donne également cette possibilité au niveau de l'introduction, d'entendre les commentaires venant des représentants des différentes formations politiques que nous avons à cette table.

Si mes collègues étaient d'accord avec cette règle de pratique que je viens d'énoncer, qui est propre aujourd'hui, je pourrais, M. le Président, dans ce premier temps, clore mon intervention et permettre à mes collègues, de l'autre côté, d'entreprendre et d'intervenir immédiatement dans le débat.

Le Président (M. Cornellier): Très bien. L'honorable député de Saint-Jacques.

Remarques de M. Claude Charron

M. le Président, quand j'ai présenté, en décembre dernier, au nom du Parti québécois, la motion qui fait qu'aujourd'hui nous sommes réunis et que, pour la première fois, nous pourrons entendre des assistés sociaux, depuis l'entrée en vigueur de la loi 26, j'avais évidemment plusieurs objectifs en tête. Je voudrais très brièvement les énumérer pour que l'on sache bien, étant à l'origine de cette rencontre, c'est-à-dire de cette convocation de la commission parlementaire des affaires sociales, quels sont les buts que, pour notre part, nous visions, étant bien disposés à élargir le débat sur l'invitation même des citoyens qui se sont déplacés, qui sont venus nous rencontrer.

La première, elle saute aux yeux, c'est qu'il s'agit d'une partie de la population que nous n'avons jamais entendue. Je suis député ici depuis six ans. Comme le rappelait le ministre, à cause du petit nombre de députés du Parti québécois actuellement, nous sommes appelés à travailler dans plusieurs commissions, parfois même plusieurs commissions à la fois. La plupart des commissions dont j'ai été membre ont entendu à un moment ou à un autre des représentants du monde de l'économie, des représentants du monde des affaires sociales, des représentants des travailleurs organisés, mais jamais aucune association, aucun groupe représentant les citoyens à plus faible revenu du Québec n'avait eu l'occasion de le faire. Il me semble que si les parlementaires passent souvent plusieurs heures à dialoguer avec des représentants de la Chambre de commerce ou des centrales syndicales, le minimum que nous pouvions faire, c'était de prendre au moins quelques heures avec ces citoyens. Car ces citoyens, en mars 1975, groupaient 416 000 assistés sociaux au Québec. Je suis convaincu qu'on découvrira beaucoup de choses au cours de cette séance, mais on ne s'est peut-être jamais dit qu'il s'agit effectivement de 6,7% de tout toute la population du Québec.

Laissez-moi ajouter, comme autre statistique, dont le ministre dispose aussi bien que moi, j'en suis convaincu, qu'il y a dans ces familles 173 000 enfants dont l'avenir et les chances de réussite sont directement liés à la loi et aux règlements dont nous allons discuter aujourd'hui. Il y a même plus, il y a 50 000 familles monoparentales qui relèvent du bien-être social. Sur ces 50 000, 45 000 sont dirigées par des femmes seules.

Ces seuls chiffres, M. le Président, et je pourrais en ajouter d'autres, convaincront très facilement, à nouveau, puisqu'ils l'ont déjà adopté, les députés membres de la commission et les autres députés membres de l'Assemblée nationale que nous n'accordons aucune faveur et nous ne faisons rien de spécial, au fond, quand on se donne la peine d'entendre un aussi grand nombre de gens dans une telle situation.

Permettez-moi d'ajouter, M. le Président, qu'ayant été élu, personnellement, deux fois, dans un comté où presque 8000 de mes concitoyens électeurs dépendent de la Loi de l'aide sociale, j'ai eu fréquemment à plaider leur cause face à l'administration sociale. Etant depuis un an et demi responsable, pour l'Opposition officielle, des questions d'affaires sociales, j'ai pu élargir mes représentations à d'autres groupes que ceux de mon comté.

Comme d'autres députés du Parti québécois, j'ai fait le Québec du nord au sud, de l'est à l'ouest, à plusieurs reprises, j'ai travaillé avec des gens et, puisque j'avais la responsabilité des questions sociales, il m'est arrivé souvent de rencontrer des gens dépendant de l'aide sociale dans d'autres régions du Québec. J'ai donc appris à

élargir encore, au-delà de mon expérience du bas de la ville de Montréal en particulier, ma connaissance du milieu.

M. le Président, quand ces titres ou ces fonctions m'amènent à faire des représentations pour les assistés sociaux, je puis vous dire que j'ai tenté plusieurs fois, à cette table même de la commission des affaires sociales, de convaincre les membres de la commission, bien sûr, les hauts fonctionnaires et les ministres du bien-fondé des revendications des assistés sociaux dont je me faisais le porte-parole ici à l'Assemblée.

J'ajoute même, M. le Président, sans blesser personne, qu'à chaque fois que j'ai dû agir, soit privément avec un haut fonctionnaire ou avec un ministre, ou publiquement, comme lors d'un débat ou lors de l'étude des crédits qu'évoquait le ministre des Affaires sociales tout à l'heure, j'ai véritablement senti certains préjugés tenaces et parfois une réelle incompréhension des problèmes que ces gens vivent, d'où pouvait naître très facilement l'idée de les inviter pour que ces personnes elles-mêmes expriment une situation que je jugeais incomprise ailleurs.

L'année dernière, lors de l'étude du budget du ministère des Affaires sociales, nous avons consacré, tous les membres s'en rappelleront, plusieurs heures à l'étude même du budget adopté pour l'aide sociale.

J'ai tenté, à ce moment— c'était la première année que j'avais la responsabilité des affaires sociales pour l'Opposition — de convaincre le ministre qu'il fallait amender en profondeur la loi et les règlements de l'aide sociale.

J'ai pensé — et j'ajoute cela comme motivation à la motion qui nous réunit ce matin— que les bénéficiaires de l'aide sociale seraient beaucoup plus efficaces que moi parce qu'ils concrétiseraient davantage les problèmes posés par l'administration de la loi et des règlements.

Permettez-moi d'ajouter en conclusion qu'il y a un autre objectif très clair dans la présentation de la motion et dans la réunion d'aujourd'hui en ce qui me concerne.

Il n'y a pas qu'au niveau de l'administration publique, des hommes qui font l'administration publique et des responsables politiques que nous pouvons, à l'occasion, rencontrer une incompréhension des problèmes que vivent les assistés sociaux.

Il y a l'opinion publique elle-même, où des préjugés tenaces, parfois nourris par des politiciens, parfois nourris par des faiseurs d'opinions professionnels, genre éditorialistes, qui est très souvent réfractaire à toute considération de la situation des assistés sociaux.

Je n'ai pas besoin de faire de dessin. Les gens qui sont dans la salle pourront nous expliquer comment dans leur quartier, comment dans leur ville, comment dans leur région, il se fait qu'il y a cette espèce de nonchalance du public devant leur situation. On dirait que tant que le malheur ne nous a pas frappés, on ignore très facilement ceux qui vivent dans cette situation.

Je suis convaincu que plusieurs de ces personnes pourront faire beaucoup mieux que moi le tableau qui a sans doute présidé à la réunion qu'ils ont. On parlait de comités de citoyens à faible revenu. On parle d'associations de défense de droits sociaux. On parle de l'Union des femmes seules chefs de famille et quoi encore tous ces groupes que nous entendrons. N'y-a-til pas à l'origine de ces regroupements que la pauvreté, en quelque sorte, aurait pu détruire à jamais, cette espèce de courage et d'initiative que certains de ces citoyens à faible revenu ont pris de regrouper les autres? Je pense qu'une des raisons qui les motivait était souvent que, dans leur propre milieu, ils se sentaient victimes de préjugés et que c'était ensemble qu'ils pourraient les abattre beaucoup mieux que laissés seuls.

Je crois donc que cette tribune publique qui est ce matin largement couverte par les représentants des media d'information nous donnera l'occasion d'abattre certains préjugés entretenus dans notre société à l'égard des assistés sociaux, et ceux qui peuvent le faire mieux que quiconque à cette table ici sont les gens qui, actuellement, attendent impatiemment le début de nos travaux.

Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Rouyn-Noranda

Remarques de M. Camil Samson

M. Samson: M. le Président, je voudrais également, comme l'a fait le ministre, me réjouir du fait que nous avons ce matin plusieurs groupements représentés à cette commission parlementaire. Je suis fier de voir que ces gens ont réussi avec le grand courage qui les anime, à venir nous rencontrer aujourd'hui.

Lorsque, avant les Fêtes, nous avons discuté de la motion dont il a été question, c'est-à-dire la motion visant à tenir cette commission parlementaire, je me souviens que nous avions manifesté à cette occasion le désir que cette commission parlementaire se tienne avant l'application des nouveaux règlements.

Je pense que nous avions une argumentation valable pour ce faire, c'est-à-dire permettre que les élus du peuple puissent, au nom de la population qu'ils représentent, prendre en considération la nouvelle réglementation avant même son application, ce qui, compte tenu des circonstances, n'a pas pu être fait. C'est pourquoi le ministre, M. Forget, à ce moment-là, avait suggéré que nous utilisions quelques mois pour mettre en application le règlement et voir ce que cela donnerait et. par la suite, tenir cette commission parlementaire.

M. le Président, aujourd'hui, nous avons cette commission parlementaire qui nous permettra d'entendre des groupements représentatifs d une classe de la société qui est nettement défavorisée par rapport aux autres. Bien sûr je n'ai pas l'intention de faire un long débat parce que nous sommes là pour entendre des personnes qui sont nos invités. Je me dois, quand même, de souligner, M. le Président, à l'attention du ministre, parce que cette première aujourd'hui, espérons-le, ne sera pas la dernière, nous aurons probablement l'occa-

sion de répéter cet événement et, puisque cela devrait se faire occasionnellement, je pense qu'il est bon de souligner à l'attention du gouvernement, ce qui a peut-être échappé à l'attention des responsables, que les assistés sociaux, ou les personnes devant vivre de l'aide sociale sont parmi les gens de notre société qui sont les moins capables de se déplacer pour venir à une commission parlementaire.

Or, puisque c'est la première expérience, bien sûr je n'ai pas l'intention d'en jeter le blâme sur le ministre parce que l'expérience que nous vivons aujourd'hui nous permettra sûrement, à l'occasion de futures commissions parlementaires, d'y penser. Bien sûr, tantôt quelqu'un a fait un grief avec beaucoup d'à propos, je pense. Ces gens ont été avertis ou ils ont pris connaissance du fait qu'il y avait une commission parlementaire seulement hier. C'est la même chose, je pense, dans plusieurs régions du Québec où la commission parlementaire a été connue par la voie des media d'information et, pour certaines régions éloignées, les media d'information ne permettent pas toujours à la population, surtout à cette population défavorisée, d'avoir accès aux informations. C'est le cas dans ma région, M. le Président. Je suis fier quand même de voir que ce matin il y a un groupement de ma région qui s'est déplacé, il en a pris connaissance, mais c'est le cas dans ma région, les grands journaux n'entrent pas à coup de milliers ou de dizaines de milliers par jour. Ce sont des centaines seulement et ce n'est pas tout le monde qui en prend connaissance.

Egalement, ces gens-là partent de 600 milles, d'autres partent de 300 milles ou de 400 milles. Ce sont des gens qui n'ont pas les moyens de faire ce genre de dépense. C'est peut-être pourquoi, aujourd'hui, nous avons une dizaine de groupements qui ont manifesté le désir de se faire entendre alors que, dans des conditions normales, beaucoup plus qu'une dizaine auraient pu se faire entendre et auraient sûrement désiré se faire entendre. Bien sûr, la solution serait peut-être d'envisager une certaine reconnaissance d'organismes représentatifs dans les régions et mettre à leur disposition au moins les frais de déplacement pour les représentants, pour ces circonstances.

Je pense, M. le Président, que les gens qui sont là ont beaucoup de mérite, parce qu'ils doivent le faire à même des allocations sociales dont nous discuterons tantôt l'à-propos de la valeur des barèmes ainsi que des services qui leurs sont accessibles. Pour le moment, je pense qu'il est valable de souligner que plusieurs d'entre eux ont probablement dû emprunter de l'argent pour venir nous rencontrer aujourd'hui. Ce n'est pas normal.

Bien sûr, quand nous faisons affaires avec des groupements, comme l'a dit l'honorable député de Saint-Jacques tantôt, comme la Chambre de commerce, comme les groupements représentatifs de syndicats qui sont bien organisés, qui ont des budgets à leur disposition, ils peuvent se permettre de venir passer deux ou trois jours devant une commission parlementaire et demeurer à l'hô- tel à Québec pendant ces deux ou trois jours, etc., ce que les gens qui sont ici ce matin ne peuvent pas faire aussi facilement.

Je ne veux pas dire par là qu'ils ne le font pas; ils le font, ils l'ont prouvé, ils sont là. Mais c'est à coups de sacrifices, M. le Président, que ces gens sont venus nous rencontrer. Je pense que nous nous devons de saisir l'occasion qui nous est donnée pour le signaler et pour qu'à l'avenir, si nous avons à nouveau à répéter ce geste, et j'espère que nous aurons à le faire, nous pensions à un moyen qui permettrait... Evidemment, je ne peux pas demander, et ce ne serait pas logique non plus de le faire, au gouvernement d'offrir à payer les frais de déplacement à tous ceux qui voudraient venir devant la commission à titre individuel, par exemple. Mais pour les groupements organisés et normalement reconnus dans une région, un ou deux par région, ce ne serait pas tellement onéreux pour le gouvernement et je pense que ce serait valable au niveau de la représentativité.

Nous avons aujourd'hui des gens de Rouyn-Noranda, de Sept-Iles, de Québec, de Montréal, de Roberval, du Bas-Saint-Laurent, de Chicoutimi, de la Chaudière et je pense que ces gens méritent que nous considérions les efforts qu'ils ont dû faire pour se rendre chez nous. Ils ont dépensé de l'argent qu'ils ne sont sûrement pas capables de dépenser à même les allocations sociales. Qu'il suffise de souligner que j'ai pris connaissance qu'un groupe en particulier a dû partir en petite voiture hier, se trouver de la parenté chez qui coucher cette nuit et continuer ce matin.

Je pense que c'est un signe que nous devons tenir en haute considération. S'il y a possibilité d'une certaine aide, à partir de vérifications des bureaux locaux pour que ça ne déborde pas les cadres normaux, j'inviterais le ministre à y penser et peut-être à trouver une solution à ce problème pour venir en aide à ces gens qui ont dépensé de l'argent pour venir nous voir aujourd'hui. A l'avenir, il faudrait y penser sérieusement quand nous convoquerons cette commission parlementaire pour les mêmes fins, pour les mêmes besoins. Premièrement, le faire non seulement par les média d'information, mais le faire par l'entremise des bureaux d'aide sociale qui sont sûrement capables de transmettre directement l'information, de prévoir une forme de paiement des dépenses possibles au même titre qu'on pourrait prévoir des formes de paiement de dépenses pour des déplacements en cas de maladie, par exemple; ça se fait.

Nous savons tous que l'avion du gouvernement voyage régulièrement tous les jours pour permettre le déplacement de malades de régions éloignées vers Québec ou vers Montréal. Cela ne veut pas dire qu'on doive utiliser l'avion du gouvernement, mais c'est un signe qu'on peut faire quelque chose quand on veut le faire. Si on peut le faire dans ce cas, on aurait peut-être pu aussi prendre certaines dispositions, au moins pour ceux qui viennent de très loin. On sait ce que ça coûte pour voyager, tout le monde sait ça. Et ça

réduit la participation aujourd'hui, j'en suis convaincu, et, dans un prochain temps, nous pourrions augmenter cette participation.

Ce que nous voulons, bien sûr, c'est d'écouter le plus de gens possible pour avoir un meilleur éventail de ce que les gens pensent de la Loi de l'aide sociale et surtout ceux qui doivent en vivre, de cette loi.

M. le Président, je n'ai pas d'autres commentaires à faire pour le moment: comme vous tous, j'ai très hâte d'entendre nos invités.

Comité de citoyens à faible revenu de Rouyn-Noranda

Le Président (M. Cornellier): J'inviterais donc maintenant le Comité de citoyens à faible revenu de Rouyn-Noranda à venir à la table, au micro, la table centrale. Le ou les porte-parole voudront bien s'identifier pour le bénéfice des membres de la commission et aussi pour l'exactitude du journal des Débats.

Mme Lacroix: Desneiges Lacroix, président du comité de citoyens.

Mme Paradis: Ginette Paradis, membre du comité des citoyens.

M. Larouche: Gérard Larouche, membre du comité des citoyens.

Mme Larouche: Rose Larouche, membre du comité des citoyens.

Le Président (M. Cornellier): Si vous me permettez, madame, voulez-vous me redonner votre nom, s'il vous plaît, la deuxième personne?

Mme Paradis: Ginette Paradis.

Le Président (M. Cornellier): Vous avez maintenant la parole. Avez-vous à nous résumer ou à nous donner des explications sur votre mémoire?

Mme Lacroix: Je vais vous lire le mémoire textuellement.

Le Président (M. Cornellier): Bien.

Mme Lacroix: Par la suite, je ferai certains commentaires. Comme MM. Charron et Samson l'ont dit tout à l'heure, ce texte a été préparé tellement vite, qu'il y a quelques petites affaires qu'on a oubliées, qu'on a ajoutées par la suite et qui ne sont peut-être pas sur nos feuilles.

Le Président (M. Cornellier): Très bien.

Mme Lacroix: Situation des assistés sociaux.

Il y a quelques années, nous, les assistés sociaux, étions traités comme si nous n'avions pas le droit de vivre. Nous devions nous priver du strict nécessaire et voyions venir les fins de mois avec inquiétude et angoisse.

En acceptant de nous humilier et en faisant des courbettes devant les fonctionnaires, nous parvenions à obtenir de temps à autre des besoins spéciaux pour parer au plus urgent.

Il n'y a pas tellement longtemps, le ministère a décidé de couper ces besoins spéciaux et les a remplacés par une augmentation ridicule des prestations, ce qui nous a placés dans une position encore plus intenable.

Le coût de la vie a alors commencé à grimper en flèche et nous avons commencé à nous organiser pour changer quelque chose à cette situation lamentable. En janvier 1974, le gouvernement s'est empressé d'annoncer à grand renfort de publicité, à la télévision, qu'il aiderait tout le monde en augmentant les allocations familiales.

Lorsque les augmentations d'allocations familiales sont arrivées, quels ne furent pas la surprise et le désespoir, pour une bonne partie des assistés (21 000), de voir leur chèque d'aide sociale coupé d'un montant substantiel, ne bénéficiant d'aucune amélioration de leur condition de vie.

Ce qui veut dire que la population, en général, reçoit plus qu'avant par les allocations familiales pour faire face à l'augmentation du coût de la vie, alors que la grande majorité des assistés, qui étaient déjà mal pris, demeurent encore aux prises avec des problèmes de minimum vital pour subsister.

Nous demandons donc, de toute urgence:

Que le montant alloué pour le loyer soit augmenté. Il est inconcevable et ridicule de recevoir $85 par mois pour un logement, quand il est absolument impossible d'en avoir à moins de $125 par mois et plus.

Que les prestations pour les personnes seules et célibataires, aptes au travail, soient augmentées. Elles ne reçoivent actuellement qu'entre $85 et $110 par mois. Elles ne peuvent simplement pas vivre. C'est un encouragement à se procurer le nécessaire en utilisant des moyens illégaux.

Que la condition des handicapés soit prise en considération. Ils sont encore plus mal pris que les célibataires aptes au travail. Ils n'ont aucune possibilité de s'en sortir, c'est la misère noire.

Que l'on reconsidère le montant donné aux familles de deux adultes et un enfant. Ils sont vraiment mal pris. Un adulte et deux enfants qui reçoivent $287 par mois, quand ils ont payé l'électricité et qu'ils ont un loyer de $150, il n'en reste plus beaucoup pour vivre. Et le chauffage, c'est bien malheureux, mais dans le Nord-Ouest, je pense qu'il fait aussi froid là comme partout ailleurs. Lorsqu'on paie $70 par mois pour se chauffer, on ne l'a pas pour manger, à ce moment-là. C'est dommage que le chauffage ait été coupé. Il y a plusieurs familles qui en souffrent beaucoup. On a le choix entre se priver de manger ou geler. Il n'y a pas d'autre choix.

Que l'ensemble des prestations soient indexées tous les trois mois à 100% de I augmentation du coût de la vie.

Il y a aussi les barèmes actuels pour ceux qui ont plus de trois enfants. Malheureusement, le quatrième, il faut qu'il mange avec les autres

quand même. Lorsque nous arrivons au quatrième, on ne peut pas le tuer, il faut le garder. Imaginez ceux qui en ont sept ou huit, la situation dans laquelle ils sont. Il y en a un, dans le groupe, qui pourra vous en parler plus longuement parce qu'il a huit enfants.

A court terme, nous voulons que le système actuel d'aide sociale soit remplacé par un revenu minimum décent garanti, avec seuls avantages sociaux, les voyages d'urgence pour maladie, tous les médicaments accessibles et gratuits, les appareils paramédicaux fournis par l'assurance-hospitalisation.

Après mûres réflexions et consultations au niveau des comités de citoyens et l'Association d'assistés sociaux du Nord-Ouest, ce revenu minimum ne doit pas se situer au-dessous du seuil de pauvreté, suivant les chiffres fournis par Statistique Canada. A l'heure actuelle, on veut avoir un revenu minimum garanti, mais on veut avoir un minimum décent. On ne veut pas avoir moins qu'on a actuellement. Nous avons un peu étudié les chiffres du seuil de pauvreté de Statistique Canada et on s'est aperçu qu'il y avait un grand écart entre ce qu'on reçoit actuellement et les chiffres qu'on nous donne.

Ensuite, nous insistions sur le revenu minimum garanti, parce qu'on dit: Ce sera fini pour les gens d'être étiquetés: "C'est un assisté social". On va à la pharmacie, on va partout. C'est comme si on avait une étiquette collée dans le front. Avec le revenu minimum garanti, je pense que les préjugés sociaux, on pourrait enlever cela.

Nous voulons des centres de références populaires, que les centres de références de La Sarre, Senneterre, Val d'Or, Rouyn, Amos et autres ouvrent ou restent ouverts; qu'ils soient financés par le ministère et qu'ils soient dirigés par des personnes-ressources du milieu, parce que, nous autres, à Rouyn-Noranda, moi-même, avons un centre de références et d'information. Cela fait quatre ans. On donne plus d'information bien souvent que les bureaux d'aide sociale en donnent, et on le fait bénévolement. C'est pour cela que l'on demande que, là où il y a des bureaux, il y ait possibilité qu'ils soient subventionnés.

A ce moment, on enlève beaucoup d'ouvrage aux agents des bureaux de l'aide sociale qui disent toujours qu'ils ne sont pas assez nombreux pour répondre aux demandes.

Représentation des assistés sociaux auprès du gouvernement. — Nous demandons que le gouvernement rende possible une représentation (délégués) des assistés sociaux auprès des hauts fonctionnaires lorsque ceux-ci préparent des projets de modification à l'aide sociale et lorsque le budget est discuté en commission parlementaire.

Nous demandons également que des budgets leur soient alloués pour frais de déplacement.

On avait préparé un mémoire qui avait été remis à M. Forget, au mois de mars 1974, et on lui demandait justement d'être représenté à ce moment. C'est une demande qu'on avait déjà faite, nous autres. Même il y a trois ans, on a fait cette demande et on a trouvé cela dommage que, après avoir déjà demandé au ministère des Affaires so- ciales qu'il y ait eu une commission parlementaire, on ne l'ait pas su, nous autres non plus.

Par conséquent, nous réclamons un revenu minimum garanti.

Cependant, en attendant que soit instauré le système du revenu minimum garanti, nous demandons le rétablissement des besoins spéciaux et nous désirons les changements suivants:

Nous voulons que les délais soient supprimés, qu'on cesse de nous faire languir et que le bureau ait un fonds de secours pour dépanner les cas urgents.

Nous voulons qu'il soit possible de changer d'agent de sécurité sociale si celui-ci se montre impoli ou si l'assisté social se sent mal à l'aise à rencontrer tel agent pour quelque raison que ce soit, les conflits de personnalité, par exemple.

Nous voulons que le gouvernement paie en entier, les frais dentaires et les lunettes. Pendant que les dentistes et les optométristes négocient avec le gouvernement, la santé des gens reste en suspens. A l'heure actuelle, il faut encore piger à même une allocation pour aller se faire enlever les dents, payer des verres, chose qui ne devrait pas exister.

Nous voulons que les taxes et les coûts de chauffage soient payés sur présentation de la facture plutôt qu'ils soient répartis sur douze mois. Il arrive souent que cet argent sert à payer les dépenses imprévues et qu'il ne nous reste rien quand vient le temps de payer le chauffage.

Nous voulons que les personnes qui doivent se rendre à l'extérieur de la région pour subir des examens médicaux aient un montant d'argent suffisant pour payer les frais de transport pour se rendre à Montréal, par exemple, pour payer les déplacements et les frais de séjour. Parce que, quand on part avec un malade, de Rouyn-Noranda, et qu'on lui donne $20, les $20 servent pour payer les taxis et manger et, si la personne est obligée de passer deux jours à Montréal, simplement le restant du temps, elle ne mange pas.

Nous protestons contre le peu d'argent donné aux personnes qui doivent subir des examens médicaux à l'extérieur de Rouyn-Noranda.

Nous protestons contre le fait que les assistés sociaux des paroisses environnantes doivent se déplacer pour venir au bureau. Ce déplacement occasionne des frais de transport et de gardienne, qui ne sont pas remboursés. Parce que, assez souvent, il y a des gens qui demeurent à 35 milles ou 40 milles, qui sont convoqués au bureau, mais leur transport n'est pas payé. Si c'est une mère de famille monoparentale et qu'elle a des enfants, à ce moment, elle a les frais d'une gardienne, en plus de ses déplacements. Vous savez qu'à la campagne, il n'y a pas un autobus qui part le matin et revient le midi. Ce sont des taxis, à ce moment, qu'elle est obligée de payer.

Nous protestons contre le traitement réservé aux handicapés. La loi ne prévoit pas les frais qu'une personne handicapée puisse avoir d'autres coûts qu'une personne valide n'a à défrayer. Parce que, par handicapés, on pense aux aveugles, par exemple, ou à quelqu'un qui est obligé de se déplacer en chaise roulante. Ils n'ont pas plus cher,

eux autres, que les personnes qui peuvent être invalides d'autres façons. Seulement, elles peuvent avoir une maladie du coeur et être capables de se déplacer.

Nous protestons contre l'insuffisance de l'aide accordée en comparaison avec le coût de la vie et, plus spécialement, contre l'insuffisance de l'aide accordée aux familles dont les enfants fréquentent le CEGEP ou l'école secondaire.

Nous protestons contre la disparition des besoins spéciaux, entre autres, la difficulté à obtenir le remplacement d'articles de literie, d'achat ou de réparation de mobilier, les déménagements. Il y a une chose qu'on n'a pas inscrite là-dessus, c'est l'endettement qu'on propose aux assistés sociaux. L'endettement, je pense que les assistés sociaux en ont tellement peu pour vivre et, tout ce qu'on leur propose, c'est de s'endetter de nouveau.

S'ils n'arrivent pas à payer l'argent qu'ils vont emprunter, on va simplement l'enlever sur leurs chèques. C'est une mesure complètement ridicule. Je pense que c'est un encouragement à l'endettement. Nous aimerions qu'il soit ajouté un article: vêtements, car, avec ce que nous recevons, il est impossible de nous vêtir convenablement. Les enfants d'âge scolaire en subissent les conséquences négatives. Nous espérons que nos revendications seront prises en considération. Nous demandons que les quatre personnes suivantes aient droit de parole.

Nous espérons, et cela nous fait bien plaisir d'être ici aujourd'hui, que cela ne sera pas seulement une consultation et que cela aura des suites.

Le Président (M. Cornellier): Avant de procéder peut-être à des questions de la part des membres, est-ce que les autres personnes présentes auront quelque chose à ajouter de plus à ce que Mme Lacroix vient de donner, sinon nous pouvons céder immédiatement la parole au député de Sainte-Marie?

M. Malépart: Madame, je partage une bonne partie de votre rapport. J'aurais trois ou quatre questions à l'article no 1, où vous demandez qu'on révise le taux alloué pour le loyer. Je pense que, dans votre région, c'est peut-être vrai, mais je peux vous dire que, dans la région de Montréal, les logis à $85 se font de plus en plus rares, ou, s'il en reste, ce sont des taudis, c'est invivable. A un autre endroit, vous demandez qu'on accorde des montants aux handicapés et aux aveugles, je pense qu'une bonne partie de la population est d'accord sur le sort de cette classe de citoyens handicapés ou aveugles. La Loi de l'aide sociale permet à tout bénéficiaire d'obtenir, de gagner un certain montant pour une famille; pour un célibataire, c'est $25, et pour un chef de famille, c'est $50. Est-ce que vous seriez d'accord que, pour tout bénéficiaire inapte au travail, ce montant, vu qu'il lui est impossible de le rapporter, lui soit alloué sur son chèque? En pratique, cela voudrait dire qu'un bénéficiaire de l'aide sociale, s'il est handicapé ou si c'est certifié qu'il est impossible qu'il puisse aller faire du travail, reçoive les $25 qui sont autorisés pour une autre personne qui peut aller travailler?

Mme Lacroix: Cela l'aiderait toujours, ces $25 de plus, mais ce ne serait pas suffisant.

M. Malépart: Ce n'est pas suffisant? D accord! D'abord, je dois vous dire que, dans l'indexation tous les trois mois, je pense qu'on devrait peut-être tenir compte, dans le calcul de l'indexation, du coût du vêtement, de la nourriture et du logement, parce que, même si le coût des automobiles diminue, il n'y a pas un grand nombre de bénéficiaires de l'aide sociale qui changent de voiture; même si le coût du bois de construction change lui aussi, ce n'est pas là que vous faites vos dépenses. Concernant l'endettement, à l'article 2,14, j'aimerais vous faire connaître peut-être un autre point de vue.

A première vue, c'est vrai qu'il peut sembler qu'on va inviter les bénéficiaires de l'aide sociale à aller s'endetter. Je peux vous dire que, dans mon comté, on a vécu une expérience pilote avec la Banque royale, succursale communautaire. Les chiffres nous démontrent, et c'est peut-être tout à l'honneur des bénéficiaires de l'aide sociale, que les gens ont obtenu de petits prêts et que les taux de délinquance est plus élevé au niveau des salariés que des bénéficiaires de l'aide sociale, car 36% seulement des gens de l'aide sociale n'ont pas remboursé leur prêt, alors que 69% d'autres salariés n'ont pas remboursé. Cela démontre quand même une preuve de respect de l'engagement que les bénéficiaires ont pris.

Il y a un autre problème aussi, je pense, le prêt usuraire, le "shylocking". Vous êtes d'accord avec moi que même si une personne reçoit l'aide sociale, elle a parfois des besoins, elle a des goûts qui ne sont pas différents de ceux de n'importe quel citoyen, que ce soit un député, un sous-ministre. Il y a plusieurs personnes, et tantôt on pourra entendre M. Marchessault, qui vivent présentement de l'aide sociale et qui utilisent le "shylocking ". Je me demande si le fait que ces gens n'aient pas droit au crédit normal, soit d'aller dans les caisses populaires et les banques n'est pas un phénomène qui porte une partie de la population à recourir à ce moyen deux fois plus dispendieux et qui déforme quand même l'éducation de la famille de sorte que, demain, les enfants recourront à leur tour au même marché.

Si on se rappelle, il y a dix ou quinze ans, dans les régions de l'est de Montréal, beaucoup de gens achetaient ce qu'on appelle du juif", du porte-à-porte, qu'ils payaient $0.50 ou ainsi de suite; je ne sais pas ce que c'était dans votre région, mais, chez-nous, à Montréal, ça se pratiquait beaucoup. On a découvert qu'automatiquement, les enfants de cette famille qui avait cette pratique courante, lorsqu'ils avaient un besoin, c'était immédiatement là qu'ils s'en allaient, alors qu'on aurait dû leur apprendre qu'il y a des caisses, qu'il y a des banques, en plus de leur apprendre non seulement à faire des emprunts, mais qu'il y a de l'épargne aussi, parce que ça ne veut pas dire que

tous les enfants des familles qui bénéficient de l'aide sociale seront des gens qui recevront de l'aide sociale. Parce qu'une personne peut recevoir de l'aide sociale à cause de maladie.

J'aimerais que... Je suis d'accord avec vous que, sur le coup, ça semble vouloir faire un endettement collectif, mais je peux vous dire qu'on a tenté l'expérience pendant trois ans et demi et que, si les prêts sont quand même sélectionnés, c'est une façon d'aider les gens et de les sensibiliser à une certaine économie, à une certaine forme de budget, et ce serait peut-être une façon aussi des Caisses Pop et des autres institutions bancaires de faire une communication avec la population.

Concernant l'endettement...

Mme Lacroix: Je serais d'accord pour autant que l'aide sociale serait... qu'on en ait assez. Mais si j'ai besoin de $200 de vêtements et si je n'ai pas le moyen de les avoir, ça ne réglera pas mon problème si je vais emprunter $200 dans une caisse pour faire le paiement. Je n'en ai déjà pas asse2 pour... Je pourrais bien dire: Je vais mettre tant par mois de côté et, au bout de trois mois, j'irai les acheter. On n'en a déjà pas assez pour ça. Si on est obligé de faire des paiements...

M. Malépart: Non, je suis d'accord avec vous. Je pense qu'on tient compte que tout le monde demande une augmentation, mais, malgré tout, présentement, c'est qu'il y a des gens qui vont emprunter non pas $200, mais $50, à des taux usu-raires, pour en remettre $60 ou $70, et ils accumulent une dette énorme qu'ils ne peuvent plus rembourser, tandis que, s'ils vont dans les institutions bancaires reconnues, au moins ces gens ne seront pas...

Mme Lacroix: Je suis d'accord. Nous faisons de la propagande à nos gens contre l'endettement.

M. Malépart: D'accord!

Mme Lacroix: Si le ministère des Affaires sociales nous apporte ça comme solution, bien...

M. Malépart: Non. Je pense bien que tout le monde fait de la publicité contre l'endettement, mais la plupart des gens ont à emprunter.

Mme Lacroix: Ah oui!

M. Malépart: C'est facile à celui qui emprunte souvent de dire à l'autre: N'emprunte pas.

M. Larouche: Est-ce que je pourrais faire un commentaire sur ce que vous avez dit tantôt... C'est très beau, mais savez-vous le pourcentage de ces gens qui l'ont remis, parce qu'ils savaient que ce serait enlevé de leur chèque?

M. Malépart: L'expérience...

M. Larouche: Plusieurs se sont probablement privés de manger, monsieur, pour remettre l'argent, pour que leur chèque ne soit pas diminué.

M. Malépart: II ne pouvait pas être enlevé de leur chèque parce que ce n'est pas...

M. Larouche: Oui, mais à l'heure actuelle, disons, si le ministère peut endosser jusqu'à $500, si le type ne remet pas les $500, c'est diminué de son chèque d'aide sociale. C'est dans la loi, ici.

M. Malépart: Je pense qu'il ne faut pas interpréter que, demain, tous les bénéficiaires de l'aide sociale...

M. Larouche: Non.

M. Malépart: ... vont se diriger vers les caisses Pop et dire: Donnez-moi $500, j'y ai droit. Après ça, je pense bien que...

M. Larouche: Non.

M. Malépart: ... ce sera comme toute... Je ne pense pas que les bénéficiaires de l'aide sociale soient différents de toutes les autres catégories de citoyens. Il y a des gens dans toutes les catégories qui vont s'endetter, peu importe leur profession, leur statut, et il y en a d'autres qui vont utiliser, pour des besoins bien spécifiques... Cela peut être un dépannage...

M. Larouche: Dépannage...

Mme Larouche: S'ils s'endettent pour un imprévu... Vous savez que, quand vous avez plusieurs enfants, il y a beaucoup d'imprévus. Il y en a plus, soit pour quelque chose de très urgent; à ce moment, c'est parce qu'ils ne sont pas assez riches, ils n'en ont pas assez pour vivre. Ce n'est pas normal de s'endetter. Ils n'en ont pas assez pour vivre. C'est un cercle vicieux. Ils deviennent de plus en plus mal pris, bas, s'ils s'endettent, parce qu'ils n'en ont déjà pas assez. Ils ne peuvent pas rembourser. Ils n'en ont déjà pas assez. C'est ça qu'on veut dire.

M. Malépart: Je suis d'accord avec vous que le montant n'est peut-être pas suffisamment élevé...

Mme Larouche: C'est un cercle vicieux. Il devient bas...

M. Malépart: Non, c'est parce que, présentement, qu'est-ce que fait une personne...

Mme Larouche: ... de plus en plus calé...

M. Malépart: ... qui reçoit de l'aide sociale avec les barèmes qui, à mon avis, sont très bas et qui a un besoin? Je vais vous donner un exemple: Quand arrive, à tous les ans, la première communion des enfants dans les écoles, moi, ma fille va dans la même école que d'autres enfants qui reçoivent de l'aide sociale. Ce n'est pas parce que

quelqu'un reçoit de l'aide sociale qu'il dit: Moi, je n'ai pas d'argent, je ne fais aucune manifestation, rien. Tout être humain est tenté de faire quelque chose. Il se procure cet argent à un endroit quelconque.

Mme Larouche: Oui, mais quelqu'un qui gagne un bon salaire, lorsque arrive un imprévu, il dit: Je vais avoir une paie. C'est déjà arrivé, ça.

Il y a beaucoup de gens qui ont travaillé, qui ont gagné de bons salaires et qui se sont faits mourir à l'ouvrage et qui aujourd'hui sont bénéficiaires du bien-être social. Et là, ils n'ont plus les moyens de s'endetter parce qu'ils ne pourront pas rembourser. Les autres le peuvent, mais pas celui qui bénéficie du bien-être social.

M. Malépart: En terminant, je peux vous dire que l'expérience qu'on a vécue pendant...

Mme Larouche: Ils ont quand même besoin d'argent pour les imprévus.

M. Malépart: Oui.

Mme Larouche: Le principal; il faut le vivre pour le savoir.

M. Malépart: Je vous comprends. Mme Larouche: C'est cela.

M. Malépart: Je suis quand même d'accord que c'est justement pour les imprévus.

Mme Larouche: Vous savez quand vous avez connu les deux côtés de la médaille, vous pouvez en discuter.

M. Malépart: Je peux vous parler de mon cas personnel. J'ai connu les deux côtés de la médaille et j'ai été élevé...

Mme Larouche: Tant mieux.

M. Malépart: Si on n'offre aucune possibilité à ces gens, le seul endroit où ils peuvent vraiment... Parce que si cet individu a choisi de poser tel geste, à quel endroit peut-il avoir un prêt de $50 ou de $60 pour le dépanner parce qu'il peut dire: J'ai droit à $50 de travail. Je vais faire $50 et je vais vous les rembourser.

Mme Larouche: Oui. L'imprévu, ce qui est urgent, j'aimerais qu'il soit donné par le ministère des Affaires sociales parce qu'il ne peut pas le rembourser. C'est impossible parce qu'il n'en a déjà pas assez pour boucler son budget.

M. Malépart: Dans la situation présente, mais si on tient compte qu'on demande une augmentation. D'accord.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: J'aimerais poser quelques questions à Mme Lacroix, ou aux autres qui aimeraient répondre. Dans l'entrée en matière de votre mémoire, vous faites référence, au troisième paragraphe, à ceci: "En acceptant de s'humilier et en faisant des courbettes devant les fonctionnaires, nous parvenions — c'était dans le passé — à obtenir de temps à autre des besoins spéciaux pour parer au plus urgent."

Je pose la question à Mme Lacroix parce que je sais que comme responsable du centre de références populaires, ce mémoire est basé sur des griefs que vous avez eus de la part d'assistés sociaux. Pourriez-vous, pour le besoin du ministère, expliciter davantage ce point? Quelle forme cela prend-il, suivant les témoignages que vous recevez? Sans mentionner de nom, quelle forme prend généralement ce genre d'humiliation à laquelle sont soumis les assistés sociaux?

Mme Lacroix: Supposons que vous allez vous faire extraire une dent chez le dentiste. Vous êtes assis dans la salle d'attente. Tout de suite, on vous demande: Recevez-vous de l'aide sociale? Ceux qui sont allergiques aux assistés sociaux, et qui sont assis à côté, disent: Regarde-là. C'est encore une assistée sociale. C'est nous qui payons pour elle.

On va à la pharmacie avec notre petite carte et c'est encore la même chose. On est encore identifié. Je ne peux pas dire dans toutes les pharmacies, mais dans certaines pharmacies, les commis attendent pour nous servir. Ils servent les autres qui paient comptant. C'est une assistée sociale. On est encore étiqueté. C'est comme cela dans tous les domaines.

M. Samson: Dans les revendications qui vous ont été faites, est-ce arrivé parfois que des gens vous aient dit qu'en faisant affaires avec leur agent social, ils avaient certaines réticences à obtenir des choses qui sont normalement prévues dans la loi et qu'il faut faire certaines concessions pour les obtenir?

Mme Lacroix: Ah oui. De certains agents, c'est certain. Lorsqu'il y a quatre ans, quand nous avons débuté, le bill 26 était adopté il y avait déjà un an et même les besoins spéciaux qu'on pouvait avoir, comme la literie, beaucoup de choses, on ne les avait même pas et on n'était pas informé qu'on avait le droit de les avoir. Il a fallu commencer de A à Z et faire venir les règlements de Québec pour les étudier, pour être capable de les avoir et encore, certains agents ne voulaient même pas nous les donner. Pour avoir le minimum, il faut être informé et je pense que c'est la raison pour laquelle des regroupements existent. C'est parce qu'il y a encore certains agents qui sont réticents et ils nous voient arriver comme si on était une bête noire. Le moins qu'ils peuvent nous donner... On dirait que cela sort toujours de leurs poches. Tout le temps. Ce qui est dommage, c'est autant on étudie la loi et ce qu'on peut avoir, autant on

commence à savoir nos besoins, la loi change. Donc, on est encore à recommencer tout le temps.

M. Samson: Seriez-vous d'accord que les responsables de l'aide sociale d'un bureau local ou régional, par exemple, s'adressent à un mouvement tel que le vôtre, Comité de citoyens à faible revenu, dès qu'il y a un changement aux règlements, pour vous en informer et dialoguer avec vous. Est-ce que cela vous aiderait?

Mme Lacroix: Actuellement, cela se fait. M. Samson: Cela se fait.

Mme Lacroix: Actuellement, oui, cela se fait. Il y a un nouveau directeur qui nous informe des nouveaux règlements. Mais, du côté des agents, il y en a encore qui sont réticents.

M. Samson: Vous avez parlé de besoins spéciaux. Vous revendiquez, en fait, le retour aux besoins spéciaux qui ont été remplacés par une compensation très minime dans le barème de l'aide sociale.

Mme Lacroix: Oui.

M. Samson: En écoutant parler Mme Larou-che tantôt, cela m'a drôlement rappelé plusieurs souvenirs de gens qui nous font aussi des revendications régulièrement. Bien sûr, quand il arrive une malchance dans une famille vivant de l'aide sociale, il faut avoir des recours, assez rapidement. Cela peut être une malchance bien banale pour le commun des mortels, par exemple, que la lessiveuse décide de ne plus tenir le coup un bon matin. Pour l'ensemble de la population, ce n'est pas trop grave, mais pour ceux qui, comme vous, doivent vivre de l'assistance sociale, et dont le barème est déjà trop bas, cela devient une catastrophe. Si je comprends bien, votre réclamation du retour aux besoins spéciaux est en fonction de ces imprévus que vous ne pourriez pas payer même en empruntant de l'argent et en remboursant, à moins, si j'ai bien compris, vous me direz si j'ai mal compris, que vous ne priviez les enfants du nécessaire pour l'équivalent du versement à être fait. C'est cela?

M. Larouche: On veut le retour aux besoins spéciaux comme c'était avant, mais pas de la même façon. Je peux parler d'un cas particulier. Je vais parler de mon cas. Vous devez vous souvenir que, l'année dernière, avant les fêtes, j'ai été obligé d'aller vous voir pour avoir l'aide payable à l'époque.

M. Samson: Qui était prévue.

M. Larouche: Qui était prévue. Vous vous souvenez.

M. Samson: Oui. Le besoin était prévu, mais on ne vous en avait pas informé.

M. Larouche: Oui. Je ne le savais pas. Je me suis informé pour savoir, parce que cela ne fait pas tellement longtemps que je fais partie du comité de citoyens, et j'ai été obligé d'avoir recours à vous parce qu'il y a un agent qui m'a engueulé au téléphone. Il a dit: Ce n'est pas nous qui faisons les lois, ce sont les députés. J'ai dit: Je vais aller voir mon député. Vous devez vous souvenir que j'ai été obligé de m'adresser à vous pour l'avoir.

M. Samson: Oui. En fait, vous avez bien raison. Cela nous arrive régulièrement et cela arrive à tous les députés d'ailleurs, quelle que soit leur formation politique.

Mme Lacroix: Sur les besoins spéciaux, je voudrais ajouter, suite à votre question, que quand cela a existé, il y a eu des lacunes, on sait qu'il y en a partout, mais, la plupart des gens, on donnait cette aide mais cela n'a pas tellement servi pour les besoins spéciaux. Dans l'ameublement surtout, cela n'a pas aidé les assistés sociaux. Cela a aide' des commerçants à s'établir et à faire des affaires d'or. On obligeait des assistés à acheter de vieilles affaires. Je sais que, dans notre coin, il y en a qui sont pris encore avec des cuisinières, depuis un an, qui n'ont qu'un rond, pour faire cuire leur manger. Ils ont eu de ces "vieilleries" et là ils ne sont plus capables de les faire réparer parce qu'ils n'ont pas d'argent pour les faire réparer.

M. Samson: Si je comprends bien, c'est une autre forme d'étiquetage des assistés sociaux?

Mme Lacroix: C'est cela.

M. Samson: J'aurais une autre question quant au logement. Bien sûr, vous soutenez que $85 par mois, ce n'est pas suffisant. Là-dessus, on ne se chicanera pas longtemps, tout le monde est d'accord. Même les plus réticents sont d'accord là-dessus. Mais est-ce qu'il n'y a pas un autre problème auquel vous avez à faire face en matière de logement pour les familles de plus de trois enfants par exemple? En plus du coût du logement, est-ce que vous n'avez pas des difficultés particulières à trouver des logements?

M. Larouche: Oui. Pour quelqu'un qui a plus de trois enfants, ou même avec trois enfants, cela commence à être difficile. Dans mon cas, j'ai été obligé de m'endetter pour m'acheter une maison parce que des logements je n'en trouvais plus. Je n'aurais pas eu le moyen de le payer non plus. Vous n'avez qu'à dire que vous êtes un assisté social, à part cela, et...

M. Samson: Vous avez dû sortir de la ville et aller vous installer assez loin?

M. Larouche: Oui, j'ai été obligé d'aller m'ins-taller en dehors de la ville et j'ai été obligé d'emprunter de l'argent. Une chance que je connaissais quelqu'un qui m'a prêté de l'argent en disant: Tu

me le remettras quand tu seras capable. Probablement que je ne le lui remettrai jamais, parce que, tant que les barèmes vont rester comme ils sont là, je ne serai pas capable de le lui remettre. Sans les besoins spéciaux, je ne suis plus capable d'entrenir ma maison, tout ça; c'est pour ça qu'on veut un retour aux besoins spéciaux. En plus de ça, il y a un fait que je voudrais souligner, qu'on a oublié dans notre mémoire, c'est que l'aide sociale ne paye que pour trois enfants. Quand on a plus que ça...

M. Samson: Vous en avez combien, vous?

M. Larouche: J'en ai six. Mme Lacroix a fait une erreur tout à l'heure; elle a dit huit, mais c'est six.

M. Samson: Ah bon.

M. Séguin: ...

M. Larouche: Oh non, oh non!

M. Samson: Les trois derniers, qu'est-ce que vous faites avec?

M. Larouche: On n'est pas pour leur tordre le cou, on les a. Quand je les ai eus, je n'étais pas un assisté social.

M. Samson: Cela pose un problème spécial, ça.

M. Larouche: Oui.

Mme Lacroix: II n'y a personne...

M. Larouche: On se plaint à l'heure actuelle de la dénatalité au Québec et vous savez que les travailleurs dans mon cas, du même genre que moi, sont appelés à devenir des assistés sociaux. Parce que, même si on a la Régie des rentes, j'y ai fait une demande parce que j'en ai payé et on m'a répondu qu'il faudrait que je sois couché dans mon lit, pas capable de me déplacer. Alors, qu'est-ce qui te reste? L'assistance sociale.

Mme Lacroix: Pour le service social, je parle d'adoption. Si une personne veut adopter un enfant, il y a des travailleurs sociaux qui viennent la voir et, si elle n'a pas une chambre à lui donner, on ne lui permet pas de l'adopter dans les foyers nourriciers. Pour les assistés sociaux, si vous avez dix enfants, même si vous avez seulement trois pièces, on va vous permettre de les entasser.

M. Samson: Vous les campez dans la même chambre.

Mme Lacroix: Oui. C'est ridicule.

M. Samson: Est-ce que vous auriez des suggestions à faire à la commission pour venir en aide à ceux qui ont des familles assez nombreuses, nomme c'est le cas pour M. Larouche? Pour leur venir en aide pour se trouver des logements. Je parle... Evidemment, il y a les logements à loyer modique qui sont disponibles, mais je pense que vous savez tous que les listes d'attente sont plus longues que le bras. Est-ce que vous auriez d'autres formes de suggestion à faire?

Mme Lacroix: Je pense qu'il faudrait que le loyer soit payé suivant ce que le gars paye. S'il a dix enfants et vient à bout de se trouver un logement convenable pour ses dix enfants, si ça coûte $200, il faudrait lui donner $200.

M. Samson: Quels sont... Je l'imagine, mais je veux vous le faire dire, parce que c'est vous qui êtes témoin. Quelles sont les possibilités de vous entendre avec des propriétaires quand ils savent que vous recevez de l'aide sociale?

Mme Lacroix: Quand ils vous le demandent, il ne veulent pas vous louer parce qu'ils disent toujours: Ah, ça prend du temps à payer, les assistés sociaux, ça ne paye pas; on a beaucoup de misère à avoir des logements.

M. Samson: SI le loyer était payé à son tarif réel, est-ce que vous auriez moins de problèmes?

Mme Lacroix: C'est certain qu'on aurait moins de problèmes.

M. Samson: Avec les propriétaires. Mme Lacroix: Justement.

M. Samson: J'ai une autre question à poser, M. le Président. Vous n'avez pas parlé tellement du déménagement, malgré que vous ayez traité de pas mal de choses dans votre mémoire, mais je comprends que vous ayez manqué d'un peu de temps. Quel est le genre de problème que vous connaissez le plus en matière de déménagement?

Mme Lacroix: C'est le problème d'une personne qui ne reçoit pas d'assistance sociale; elle travaille, le gars a une "bad luck", il tombe malade, il arrive de l'extérieur, cela arrive que des familles viennent de l'Ontario. En arrivant, le premier loyer que ces gens peuvent trouver, il n'y en a pas en bas de $150. Ils le prennent en attendant; à un moment donné, ils en trouvent un à $100; à ce moment, ils ne peuvent pas se permettre de déménager, le déménagement n'est pas payé; d'autant plus qu'assez souvent, avec la Régie des loyers, l'avis qu'ils doivent donner, ils sont pris pour payer un loyer à deux endroits dans le même mois, en pfus du déménagement. Ils disent: Nous aimons autant rester ici.

M. Samson: Comme c'est un problème soumis à notre attention assez régulièrement, je tenais à vous poser la question, à savoir si vos suggestions n'iraient pas dans le sens de demander que, pour les cas de déménagement où il y a des

avis à être donnés et où un logement doit être payé en double pour une période d'un mois ou deux mois... Quel est le genre de suggestion que vous avez à faire pour régler ce problème?

Mme Lacroix: A ce moment-là, si cette personne est prise pour déménager, il faudrait que le ministère... Quand il donne un mois d'avis, là, il faut qu'il paye où il demeure et il faut qu'il paye un mois d'avance à l'autre loyer s'il veut le retenir. Mais il faudrait qu'il y ait un montant alloué pour le premier mois.

M. Samson: Autrement dit, il faudrait que les agents d'aide sociale aient le pouvoir de considérer le cas particulier et de...

Mme Lacroix: Justement.

M. Samson: ... le régler à son mérite.

Mme Lacroix: Justement, chaque cas est individuel.

M. Samson: J'aimerais, toujours pour le bénéfice de la commission parlementaire, vous demander de nous expliquer davantage comment fonctionne votre centre de références populaires.

De quelle façon fonctionnez-vous? Quel est le taux de visites que vous avez? Et quel genre de services donnez-vous présentement?

Mme Lacroix: Comme M. Larouche vous l'expliquait tout à l'heure, dans sa situation, lui-même, l'an passé, en ce qui a trait aux besoins spéciaux, son agent lui a dit qu'il n'y avait pas droit. Dans ce temps-là, il venait d'arriver et il ne savait pas qu'on existait.

Mais actuellement, avant d'aller au bureau de l'aide sociale, les gens viennent me voir à mon bureau. S'ils ont un besoin particulier, si c'est pour une demande d'aide sociale, ils me demandent le montant qu'ils ont le droit de recevoir et je leur dis.

Rendus au bureau de l'aide sociale, si on leur offre moins, tout de suite, ils reviennent me voir. Par la suite, je rappelle le directeur. Si je vois que c'est l'agent qui a fait erreur, je rappelle le directeur et celui-ci corrige la situation. Un besoin peut être un transport à Montréal, par exemple. Il est déjà arrivé qu'un individu, dont la femme était bien malade, et devait être transportée d'urgence à Montréal. Il n'avait pas d'argent, il se présente au bureau d'aide sociale et l'agent lui dit: Arranges-toi, on n'a pas d'argent pour ta femme; transporte-la comme tu le voudras. Emprunte l'argent.

A ce moment-là, il vient au bureau et il me dit: II me semble que j'ai entendu dire qu'il pouvait payer. Je lui dis: Oui, arrête un peu, il va le régler ton cas. J'appelle au bureau. Si cela ne fait pas à Rouyn, j'appelle à Amos. C'est de cette façon que les cas se règlent.

M. Samson: Vous parlez d'appels fréquents. Vous avez des frais à cette fin?

Mme Lacroix: Pardon?

M. Samson: Vous parlez d'appels fréquents, pour aider les gens.

Mme Lacroix: Oui.

M. Samson: Vous avez sûrement des revenus pour administrer votre bureau. De quelle façon vous débrouillez-vous présentement?

Mme Lacroix: Notre bureau est une maison coopérative. Cela nous coûte $143 par mois de loyer. Nous sommes trois personnes qui faisons la buanderie de la maison, pour payer notre loyer. Nous travaillons bénévolement, tout le temps.

M. Samson: C'est dans ce sens-là, si j'ai bien compris tantôt, que vous avez réclamé une forme d'aide pour ce genre de centre de références?

Mme Lacroix: Justement.

M. Samson: Qui pourrait être instauré un peu partout.

Mme Lacroix: Justement. Malheureusement, il y en avait plusieurs et ils ont dû cesser, faute de moyens de subsister. Nous avons été chanceux d'avoir trouvé ce système de travail. Mais si on calcule notre travail, cinq jours par semaine, cela fait beaucoup d'argent.

M. Samson: Vous avez parlé, Mme Lacroix, de secours pour dépanner les cas urgents.

Mme Lacroix: Oui.

M. Samson: C'est la fameuse caisse de dépannage qui n'existe pas dans notre région. Quelle est votre expérience des besoins de dépannage qui n'ont pas pu être comblés, faute de cette caisse?

Mme Lacroix: A mon bureau, à ma connaissance, on a toujours trois ou quatre cas par semaine. Il s'agit de cas bien urgents. Il peut y en avoir plus que cela, mais les cas bien urgents, comme une personne qui n'a plus rien à manger. Elle a un jeune bébé et elle n'a plus de lait. Elle arrive, comme bien des gens qui arrivent de l'extérieur, et on ne peut rien lui donner tout de suite.

Je trouve cela dommage, parce qu'il devrait y avoir de l'argent pour... Il me semble que cela ne prend pas de temps. Même si ce n'était qu'un montant de $20 pour le soir, quitte à faire l'enquête le lendemain. Mais on n'a pas...

M. Samson: Si je comprends bien, ce genre de dépannage permettrait aux gens qui ont besoin d'un gîte pour une soirée, par exemple, en attendant qu'on puisse étudier leur cas, de se loger quelque part, plutôt que d'aller coucher à la prison locale.

Mme Lacroix: C'est cela. Mais assez souvent, ils viennent loger dans d'autres familles d'assistés sociaux...

M. Samson: Mais aussi à la prison locale.

Mme Lacroix: C'est cela. Moi-même, si je vois une famille qui est dans le besoin et qu'elle n'a pas un sou, je connais d'autres familles, par exemple, qui ne sont que trois personnes dans une maison, on va les envoyer coucher là. On a des âmes charitables qui vont les garder.

Mais s'ils les gardent trois jours, ce sont eux qui assument les frais de leur nourriture. Après une semaine, on ne les rembourse pas, ces gens-là, pour leur aide.

M. Samson: Est-ce qu'il vous est arrivé, parfois, d'avoir des gens qui, après avoir purgé une peine d'emprisonnement, arrivaient chez vous en disant qu'ils n'avaient pas pu avoir d'aide, qu'ils se retrouvaient sans le sou, sans aucun moyen, avec des difficultés énormes? Les gens qui connaissent la situation, sont parfois réticents à les laisser s'approcher. Est-ce que vous avez eu ce genre de...

Mme Lacroix: J'ai eu un bonhomme, à un moment donné, qui avait fait 27 ans de pénitencier, toujours pour de petits vols. Il volait pour manger, par exemple. Chaque fois qu'il sortait de prison, quand il demandait à manger, on lui refusait. D'ailleurs, il était étiqueté. On lui refusait, donc, il volait pour manger et s'habiller. En tout, cela lui faisait 27 ans de pénitencier.

On avait travaillé à le réhabiliter. Cela faisait deux ans qu'on travaillait à sa réhabilitation. On l'a renvoyé à Val-d'Or, supposément pour un travail et rendu à Val-d'Or, il n'a pas eu de travail.

Il est arrivé à Rouyn. Cela faisait une journée qu'il était à Rouyn. Il avait couché dehors le premier soir. Il était allé au ministère des Affaires sociales. On lui a répondu: Retourne d'où tu viens. Tu as vécu là pendant 27 ans et continue à voler et eux-autres vont te nourrir.

Mais, on voyait que le gars avait l'air décidé de bien faire. Il est arrivé à mon bureau et il m'a dit cela. J'ai téléphoné au bureau de l'aide sociale. Je ne pouvais pas parler au directeur et l'agent qui l'avait reçu ne voulait rien savoir. Finalement, j'ai été obligée de téléphoner à Amos. Là, à Amos, on a dit: Dis au monsieur qu'il aille au bureau tout de suite et on va l'aider.

Je leur ai dit: Le gouvernement a dépensé de l'argent pendant deux ans pour réhabiliter ce gars et, dans cinq minutes, le gars du bureau vient tout détruire ce que les autres ont fait. Ce n'est pas logique. Là, on lui a donné un bon pour aller coucher. Mais il est allé coucher — c était bien inscrit, c'était un bon qui venait de l'aide sociale — sur un lit, sans couverture, sans oreiller, rien, parce que c'était un ancien détenu. Sa chambre était payée, mais sans lit, sans couverture. Le gars est revenu chez nous et il a dit: Pourrais-je au moins avoir un oreiller et une couverture pour me coucher? C'est nous autres qui lui en avons donné.

M. Samson: Cela vous est-il déjà arrivé d'entendre dire que des personnes, qui sont temporairement dans un endroit, qui font appel à l'aide sociale, ont de la difficulté, par exemple, à se faire entendre et qu'on leur dit, en quelque sorte, de retourner chez elles sans leur en donner les moyens? Est-ce que cela vous est déjà arrivé d'entendre dire de quelqu'un, qu'un de ces personnages, un bon jour, ait sorti un petit couteau avec une lame de cinq pouces, ait commencé à se gratter les ongles et que cela a débloqué l'aide sociales?

Mme Lacroix: Non, ce n'est pas se gratter les ongles qui a débloqué l'aide sociale...

M. Samson: C'est par la longueur de la lame du couteau, je pense.

Mme Lacroix: Ah! cela je ne le sais pas.

M. Samson: Je voulais savoir si vous l'aviez entendu dire, parce que cela m'a été rapporté.

Mme Lacroix: Non.

M. Samson: D'accord. Est-ce que vous...

Mme Lacroix: J'ai un cas. Moi-même, voilà quatre ans, quand on s'est décidé à regrouper les citoyens, j'ai attendu une journée au bureau de l'aide sociale. Je venais d'avoir mon chèque et on avait refusé de payer les frais de transport de mon garçon qui avait eu le bras sectionné. Cela faisait neuf opérations. On avait refusé de payer ses frais de transports. Il avait un appareil qui coûtait $85. Je venais de recevoir mon chèque. J'avais sept enfants. Je venais de recevoir mon chèque de $200. Je suis descendue à Montréal. Les taxis, les voyages de l'hôpital au centre orthopédique, cela m'avait coûté $140. Il ne m'en restait pas beaucoup. Il me restait $60 pour vivre le restant du mois. J'ai été au bureau toute une journée. L'agent se promenait en avant de moi. Il me disait: Tu n'en auras pas. Il riait de moi. Le soir, on a téléphoné à la police et on m'a fait mettre dehors. C'est cela qui est arrivé.

M. Samson: Est-ce que cela vous est arrivé, Mme Lacroix, également avec votre centre de références populaires qui, en fait, en quelque sorte, est un centre de dépannage réel, puisque vous mentionnez, dans votre mémoire, que vous réclamez la possibilité qu'un assisté social puisse pouvoir changer d'agent, advenant qu'il ait des difficultés de s'entendre, par voie de conflits de personnalité ou autres, d'avoir à prêter assistance à quelqu'un de l'aide sociale c'est-à-dire en l'accompagnant directement au bureau de l'aide sociale pour l'assister?

Mme Lacroix: Ah oui! j'y suis allée souvent et j'y vais encore à l'occasion. C'est humain. Il y a des personnes qui se présentent là et dont on n'aime pas la face. Automatiquement, tu n'es pas bien servi à ce moment. Ces personnes, qui sont

"virées," sont gênées et n'osent plus y retourner. A ce moment, je suis obligée de les accompagner.

M. Samson: Si je comprends bien, ce genre de bureau que vous dirigez pourrait, en plus des nombreux services que vous rendez, également, à l'occasion, lorsque c'est nécessaire, aller prêter assistance directement en accompagnant quelqu'un. Cela pourrait se faire sur une haute échelle, selon vous.

Mme Lacroix: Je fais exactement le même travail que l'agent fait au bureau actuellement, excepté qu'il n'y a pas de salaire. Je fais exactement le même travail que les agents font au bureau.

M. Samson: Vous ne devez pas faire de grève souvent, vous?

Mme Lacroix: Non, nous autres, nous ne faisons pas la grève.

M. Samson: Est-ce que ce serait utile, selon vous, que les chèques de l'aide sociale soient distribués toutes les deux semaines plutôt qu'une fois par mois?

Mme Lacroix: On a déjà fait une demande en ce sens, pour que ce soit toutes les deux semaines. Oui. Ce serait plus facile dans certains cas, parce qu'on pourrait profiter plus des ventes. Il y a de la marchandises, des fois, qui est en réduction dans des ventes et on ne peut pas profiter de rien, d'aucun rabais sur rien. On attend la fin du mois, tout le temps.

M. Samson: Est-ce que vous avez de nombreuses demandes pour que l'aide sociale ou une autre forme d'aide puisse défrayer les coûts des soins chiropratiques pour les assistés sociaux?

Mme Lacroix: Oui, parce que beaucoup nous en parlent souvent. J'ai des téléphones et on me le demande. Il y a des personnes qui sont obligées d'avoir recours aux chiropraticiens et elles trouvent dommage que le ministère n'ait pas encore prévu que cela devrait être indu dans leurs frais. Il y a beaucoup de personnes...

M. Samson: Vous avez parlé, et je n'y reviendrai pas, de la question de l'endettement, vous en avez discuté tantôt avec le député de Sainte-Marie, vous avez donné votre point de vue là-dessus, mais il y a une question que je trouve très importante aussi, c'est la question des déplacements des assistés sociaux qui doivent venir des paroisses environnantes, c'est-à-dire de 20, 30, 40 ou 50 milles de la ville. Vous réclamez pour eux que les frais de déplacement soient remboursés. Est-ce que cela veut dire que les agents d'aide sociale n'ont pas la possibilité de se rendre visiter ces gens aussi souvent que cela serait nécessaire à la maison, par exemple?

Mme Lacroix: Cela arrive surtout, dans certains cas, lorsqu'il y a une révision, quand c'est pour l'examen annuel, disons que l'agent se déplace. Si c'est à l'occasion d'une demande de révision, lorsque quelqu'un est entendu à la révision, à ce moment, on lui écrit de se présenter au bureau. C'est là, à ce moment, le plus souvent, qu'il y a des frais.

M. Samson: A votre connaissance, Mme Lacroix, est-ce qu'il est arrivé souvent que des assistés sociaux n'aient pas pu se rendre à l'audition pour leur révision, parce qu'ils n'avaient pas les moyens de s'y rendre?

Mme Lacroix: Justement, assez souvent, c'est arrivé; moi-même, j'en ai accompagné parfois. J'ai des cas d'invalides qui n'ont aucun moyen de transport. Assez souvent, quand arrive la fin du mois, il ne reste plus d'argent. A ce moment, je suis obligée de les accompagner.

M. Samson: Merci beaucoup.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, je dois d'abord m'excuser auprès des membres de la commission d'avoir la plus vilaine grippe que j'aie jamais eue. Si ce n'était pas aujourd'hui la réunion tant attendue, je serais probablement sur le dos. Je n'ai qu'une seule question, madame, puisque le député de Rouyn-Noranda et celui de Sainte-Marie en ont touché certaines autres. C'est votre deuxième recommandation, à la page 2, à propos des personnes seules, célibataires, aptes au travail. Il y a, effectivement, dans la nouvelle réglementation de l'aide sociale, une disposition nouvelle qui n'apparaissait pas dans l'autre réglementation auparavant. Elle est plus sévère pour l'incitation au travail, du fait que certaines pressions ont été exercées par plusieurs milieux de la société; on disait que l'aide sociale entretenait des gens qui étaient aptes au travail et qui vivent donc, comme on dit, au crochet de la société. Si le principe en soi, surtout à l'égard des travailleurs à faible salaire, est valable, ce sur quoi, je pense, nous nous entendrons, la façon de procéder du ministère pour atteindre cet objectif est de beaucoup plus discutable.

Effectivement, me permettez-vous, Mme Lacroix, de signaler pour les fins des membres de la commission qui ne sont peut-être pas très familiers avec la réglementation, qu'on nous dit que, pour forcer au retour au travail du bénéficiaire de l'aide sociale, reçu au bureau de l'aide sociale, si on offre un emploi, on lui signale un emploi vacant, qu'il n'y va pas ou qu'il ne se présente pas, au premier refus, on lui coupe la moitié. S'il récidive, si, au bureau de l'aide sociale, on lui signale encore un poste vacant, cette fois, il perd la totalité de sa prestation de bien-être social, en ce qui concerne une personne seule, puisque c'est la situation que vous soulevez.

Aux fins du règlement, si on peut voir ce qu'est refuser ou abandonner un emploi, c'est re-

fuser ou s'abstenir de postuler un emploi vacant — il n'y a pas plus de précision que cela — ne pas suivre les instructions raisonnables de l'agent du bien-être, ne pas se présenter à une entrevue destinée à l'aider à trouver un emploi ou à suivre des cours de recyclage, et quelqu'un qui perd son emploi à cause de sa propre inconduite ou qui quitte son emploi purement et simplement.

Ce sont tous des facteurs, je dirais, raisonnables, en même temps que l'imprécision du texte peut conduire à des agissements fort discrétionnaires et injustes parfois à l'égard de certaines personnes.

Je donne un exemple, qui vient de mon bureau — hier après-midi — pas besoin de remonter très loin — où une personne, apte au travail, donc relativement en santé, après avoir passé une trentaine d'années dans une "shop", a 56 ou 57 ans et est incapable de se trouver un emploi. Tout ie monde sait comment, pour un individu, c'est difficile, à cet âge...

Mme Lacroix: Oui.

M. Charron: ...et comme la pension de vieillesse est à 65 ans, on le laisse un peu en suspens. Il n'existe pour lui que le bien-être social. Or, les critères ne font pas mention de l'âge, par exemple, de la capacité et de l'expérience de travail, d'où vient ce travailleur apte au travail et maintenant bénéficiaire de l'aide sociale? Qu'a-t-il fait dans sa vie auparavant? Est-ce que l'on peut, à partir de l'emploi qu'il a occupé une grande partie de sa vie, le diriger vers un autre emploi qui peut être, à l'occasion, tout à fait contraire à ses habitudes et à ses aptitudes humaines, peut être juste également? Ce qui est dangereux, c'est que toutes les femmes qui ont des enfants à charge, à mon avis, devraient être très clairement exemptées de ce genre de choses. J'imagine bien que nous aurons l'occasion de développer l'aspect des familles monoparentales avec les représentants de ces familles, tout à l'heure.

D'autre part, je pense que la loi prévoit déjà une pénalité pour les personnes seules ou pour les couples de moins de 30 ans aptes au travail dans le fait que ces personnes n'ont pas le droit à la totalité du bien-être social, mais ont déjà par le seul fait qu'elles ont moins de 30 ans, la moitié seulement du montant prévu.

Moi, je crains un peu que, rejoignant la question du député de Rouyn-Noranda, sur les relations entre un agent du bien-être et un client, un bénéficiaire de l'aide sociale, à cause d'un conflit qui peut se développer entre deux personnes ou d'autres raisons, on puisse stipuler ou affirmer carrément, au niveau de l'administration publique, que tel emploi, peut être complètement dégueulasse, que personne à la table ici ne ferait durant plus que 24 heures, est disponible, et le refus, s'il n'est pas accompagné de paresse, mais uniquement d'incapacité de remplir l'emploi à cause de l'âge ou etc., peut être source de coupure du bien-être social, purement et simplement, la première fois, pour la moitié, la deuxième fois, pour la totalité.

Encore une fois, je pense que nous endossons, vous et moi, les principes de l'incitation au travail, d'autant plus que ce sont d'autres salariés qui paient des taxes et des impôts, là-dessus, je n'ai jamais entendu un son de cloche discordant de la part des assistés sociaux. Mais le vague et l'imprécision des critères, et surtout le fait qu'on s'en tient aux affirmations générales, peut conduire, je pense, à des jugements très injustes à l'égard de certaines personnes.

Cette nouvelle réglementation est en vigueur depuis le 1er janvier 1976. J'aimerais savoir si, dans votre expérience, en particulier dans le centre où vous militez, où vous travaillez, vous avez été saisie de cette question où un bénéficiaire a été écarté du régime à cause de cet article que vous mentionnez au paragraphe 2.

Mme Lacroix: On n'a pas eu de problème encore à ce sujet. On n'a pas eu de personnes qui ont été envoyées sur le marché, pas à ma connaissance encore, mais quand on a vu le texte de loi, on a trouvé déplorable qu'il y ait un règlement comme celui-là, qu'on retourne l'assisté social au travail, quand on sait le nombre de chômeurs qu'il y a actuellement dans toute la province. On dit: Pourquoi...

M. Charron: D'autant plus que plusieurs de ces personnes dites aptes au travail se retrouvent réduites au bien-être social à l'expiration de leur assurance-chômage, c'est-à-dire des prestations d'assurance-chômage qu'elles n'ont plus, le maximum étant 51 semaines et étant modifiées, à part de ça, car, chaque fois que le gouvernement fédéral s'occupe de cette loi, c'est toujours pour réduire. On pose des exigences encore plus grandes avant d'avoir droit à l'assurance-chômage, ce qui fait — le ministre en est sûrement conscient, son sous-ministre également — que, plus, de l'autre côté de notre beau régime à deux têtes, on serre la vis, rendant moins de personnes admissibles à l'assurance-chômage, plus on crée de bénéficiaires possibles au bien-être social.

Je pense, par exemple, que la stipulation de l'assurance-chômage, avec laquelle vous êtes peut-être familière, qui dit qu'une personne — une nouvelle loi fédérale le dit — qui n'aurait pas travaillé treize semaines, à moins d'erreur, n'est pas éligible à l'assurance-chômage.

Une Voix: Douze semaines.

M. Charron: Douze semaines. Je m'excuse. L'autre exemple, que j'avais à l'esprit en même temps, est l'intervalle obligatoire entre le temps qu'un individu quitte un emploi, s'il est éligible aux prestations d'assurance-chômage, et le premier moment où il peut l'avoir. Le délai imposé peut aller jusqu'à huit semaines, à l'occasion, parce que, par exemple, il aurait été congédié pour son inconduite dans une entreprise ou parce qu'il ne se pliait pas aux directives, par exemple.

Très souvent — j'en ai à mon bureau de comté et je pense que d'autres membres doivent en avoir

aussi — ces gens sont littéralement dans la rue pendant ces huit semaines. Parfois, ce sont des gens qui gagnaient $110... Prenons un employé d'hôpital, pour prendre un exemple brûlant, qui gagnait $124 par semaine. Il est évident que cette auxiliaire-infirmière, par exemple, n'a pas eu le temps de se mettre des économies de côté pour faire face à ce délai de huit semaines.

Prenons l'exemple que Mme Larouche donnait tout à l'heure. On n'a pas l'occasion de s'en mettre de côté pour faire face aux imprévus, même à $124 par semaine, lorsqu'on est salarié.

Automatiquement, le délai de huit semaines s'imposant, le secours vient du bien-être social pendant ce temps. Or, on se trouve à la fois chômeur, donc, on risque de perdre ses prestations d'assurance-chômage si on ne postule pas un emploi et risque, en vertu de cet article de la réglementation que je vous ai lu, également de perdre non seulement son assurance-chômage, mais aussi son bien-être social et être littéralement dans la rue.

Je ne dis pas qu'on le fait, mais je pense bien que, d'un autre côté, on comprend ma critique. Je ne dis pas qu'automatiquement une personne, dans cet intervalle, le perd, pas du tout, mais le risque existe et peut-être, Mme Lacroix, si vous me le permettez, de permettre à la commission et aussi au public qui assiste et participe à nos travaux aujourd'hui, de nous informer, immédiatement, auprès du ministre ou de son sous-ministre de l'application de cette réglementation, de cet article en particulier de la réglementation... Cet article a-t-il été plusieurs fois appliqué? A-t-on, à cause d'un refus de postuler un emploi dit vacant par un agent du bien-être social, procédé à des coupures de moitié et par la suite...?

Comment cet article de la réglementation a-t-il été appliqué depuis que c'est en vigueur?

M. Giasson: De fait, depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier dernier, de nouvelles conditions posées à certains bénéficiaires de l'aide sociale, jugés aptes au travail, qui auraient refusé un deuxième emploi, pour être éliminés, les critères que la direction de l'aide sociale a voulu utiliser sont exactement ceux ou sont basés sur les critères que la Commission d'assurance-chômage du Canada utilise lorsqu'elle doit prendre une décision de coupure de prestations d'assurance-chômage, à la suite d'un refus de travail.

Evidemment, vis-à-vis de l'application de ces dispositions, il va nous falloir compter énormément— la direction de l'aide sociale— qu'on le veuille ou non, sur le bon sens, le sens de l'appréciation de nos agents d'aide sociale qui ont à déterminer si le refus de tel ou tel travail est proportionné à la capacité physique ou mentale de la personne en cause, de la personne touchée.

Le député de Saint-Jacques a cité des possibilités d'application de cette disposition, surtout à l'endroit de travailleurs d'un certain âge qui n'ont plus le même potentiel vis-à-vis le marché du travail régulier et, pour lesquels, s'il y avait une augmentation de la norme d'augmentation très sévère, nous pourrions éliminer, des bénéfices de l'aide sociale, certaines personnes au Québec qui, selon la loi de la logique et du simple bon sens, devraient recevoir de l'aide sociale.

Dans ce cas, comme dans une foule d'appréciations de besoins spéciaux, la qualité d'appréciation de notre personnel, vis-à-vis les cas individuels qui sont soumis, compte pour beaucoup, à savoir si on traite de façon suffisamment équitable ces cas individualisés, mais qui se multiplient vis-à-vis de l'accession à certains besoins spéciaux, comme à l'application de ce principe du refus du travail auquel a fait allusion le député de Saint-Jacques.

Si vous me permettez, tout à l'heure, Mme Lacroix a fait des commentaires sur le comportement de certains agents du bien-être social devant des demandes formulées. A un moment donné, j'ai cru percevoir, dans les propos de Mme Lacroix, qu'il s'agissait d'un jugement global. Je ne l'accepte pas, si vous en faites un jugement global et je le dis de façon très dégagée. Dans l'ensemble, je me permets de reconnaître et d'avouer que nous avons une équipe de travaileurs à la direction de l'aide sociale qui est très intéressante. Que nous ayons des cas d'exception, j'en conviens, mais ces cas d'exception, si on fait un examen de différents organismes qui ont à appliquer des lois, tant au palier provincial qu'au fédéral, ces exceptions, nous les retrouvons certainement dans une même proportion au niveau de tous les autres programmes qui peuvent exister, tant au Québec qu'au fédéral, Je concède qu'occasionnellement nous avons des travailleurs d'aide sociale qui peuvent se comporter de façon anormale, soit à cause d'une incompatibilité de tempéraments entre le leur et celui du bénéficiaire qui est devant eux, soit à cause de fatigue, d'impatience ou toute autre cause. Je ne veux pas défendre ces situations, je déclare que, pour moi, je les juge tout à fait anormales, mais je présume, Mme Lacroix, que si vous avez eu à vivre de ces expériences, par les fonctions que vous assumez au centre de références, il doit y avoir possibilité, dans ces cas inacceptables, de communiquer avec le directeur du bureau local ou, faute de quoi, porter un commentaire au niveau de la région...

Mme Lacroix: C'est cela.

M. Giasson: ... et je présume que si vous arrivez avec un dossier qui est sérieux, qui est solide, le directeur du bureau local ou le directeur au niveau régional est capable de comprendre qu'il y a eu chez cet employé, chez cet agent, un comportement qui est inacceptable.

Mme Lacroix: Pour Rouyn-Noranda, nous n'avons plus de problèmes, parce que le comité de citoyens est là comme chien de garde, mais si on prend Ville-Marie et ailleurs, il y en a encore.

M. Giasson: Mais, même à Ville-Marie, présumons qu'un bénéficiaire d'aide sociale est maltraité, est mal reçu, est mal accueilli par un agent

du bien-être, je crois que, dans un cas semblable, il peut au moins tenter de communiquer avec son directeur de bureau. Je vous le dis un peu en fonction d'une expérience vécue, non comme bénéficiaire, mais comme député. Cela a certainement été vécu par d'autres de mes collègues ici. On a découvert, à un moment donné, qu'on avait de nos bénéficiaires d'aide sociale qui ne recevaient pas un traitement au niveau de rencontres, dialogues ou contacts avec l'agent qui correspondait au service minimum qu'on pouvait attendre d'un employé de l'Etat. A chaque occasion, c'est par un contact qu'on a pu faire avec le directeur au bureau qu'on a porté à son attention des situations qu'on jugeait anormales. Je suis d'accord que parfois cela peut être amplifié, mais si on fait la moyenne des choses... Généralement, j'ai reçu des directeurs des bureaux d'aide sociale une collaboration qui a été en sorte qu'il avertisse son agent et l'invite à plus de prudence et à un comportement plus normal à l'endroit de la clientèle.

Mme Lacroix: Justement, le directeur à Rouyn-Noranda, nous n'avons pas de problème avec lui. Il y a une grande collaboration qui existe. A Rouyn-Noranda, le problème est réglé, peut-être partiellement, mais il reste que quand la personne entre dans le bureau avec son agent, ils sont seul à seul. Il peut bien lui dire ce qu'il voudra. Si l'autre sort de là en pleurant, l'agent se dit: Je ne sais pas ce qu'elle a. Il va se défendre lui aussi, et s'ils sont seuls...

M. Giasson: Parmi les fonctionnaires du gouvernement, s'il y a un secteur où le fonctionnaire, l'employé doit posséder beaucoup de compréhension d'une situation, c'est bien au niveau de la direction de l'aide sociale, à cause du caractère particulier, il faut le reconnaître, de la clientèle que nous avons à desservir. Nous avons affaire constamment à des gens qui sont poignés avec des problèmes de la vie. L'attitude mentale des personnes qui doivent travailler auprès de cette clientèle doit être encore supérieure à celle de tous les autres groupes de fonctionnaires qui ont à assumer des responsabilités dans des champs différents d'activité qui ne comportent pas la même situation qu'on retrouve vis-à-vis de la clientèle.

Mme Lacroix: II va y avoir d'autres groupes qui vont passer aujourd'hui, j'ai hâte d'entendre leurs commentaires à eux aussi.

M. Giasson: Ce faisant, je dois reconnaître cependant qu'au moment où on se parle, nous allons devoir très prochainement apporter une modification au niveau des effectifs de nos bureaux d'aide sociale. Il m'est apparu, suite aux contacts, aux nombreux échanges que j'ai eus lors de la tournée des régions, contacts avec différents employés du réseau, que la charge de travail présentement est sûrement un peu forte, ce qu'on demande à chacun de nos agents. Compte tenu des "case load", de cette dimension d'humanisme, de cette dimension sociale qui doit être la leur, j'ai réalisé que nos effectifs ne sont pas assez nombreux, qu'il va nous falloir en ajouter dans le réseau. Bien au-delà de cet accueil et de cette amélioration de service dans les contacts, je crois sérieusement que ça va nous permettre également de meilleurs contrôles parce qu'il sera possible de faire de façon plus approfondie les réévaluations de cas et ça va nous permettre de découvrir qu'assez souvent, nous procédons à des surpaiements parce que nous n'avons pas le temps de compléter les contrôles nécessaires pour être certains que, lorsque nous accordons des allocations sociales, elles sont véritablement méritées et elles doivent être consenties.

Le Président (M. Cornellier): Nous discutons avec le groupe de citoyens à faible revenu de Rouyn-Noranda depuis bientôt 1 h 45 et il y a encore trois membres de la commission qui ont manifesté l'intention de poser des questions. Je voudrais tout de même informer les gens ici présents ce matin que nous avons l'intention de siéger cet après-midi et ce soir de façon que toutes les personnes qui se sont déplacées pour venir nous visiter aujourd'hui puissent être entendues. Je ne veux pas brimer les membres de la commission de leur droit de parole, de leur droit de poser des questions, mais, par courtoisie pour nos visiteurs aujourd'hui, je vous demanderais, si la chose était possible, peut-être d'accélérer un peu afin d'éviter que nos visiteurs soient obligés de retourner chez eux ce soir sans avoir pu se faire entendre.

Je donne donc la parole maintenant au député de Taschereau.

M. Bonnier: M. le Président, je voudrais savoir de Mme Lacroix — d'abord, je dois féliciter ces gens de leur présentation; c'est extrêmement intéressant — si elle a des suggestions à faire ou si monsieur a des suggestions à faire relativement à la remarque suivant laquelle les barèmes se terminent après le troisième enfant; deux adultes, trois enfants reçoivent $403. Vous soulignez évidemment que, si une famille en a plus, elle se trouve pénalisée. Est-ce que vous avez des suggestions à faire?

M. Larouche: La suggestion serait d'augmenter selon le nombre d'enfants qu'il y a en plus. Si ces enfants...

M. Bonnier: Ce serait une proportion de combien selon vous? Vous ne savez pas?

M. Larouche: Cela demanderait une proportion assez forte pour arriver. On n'a pas eu le temps de se préparer tellement, parce que je voulais le préparer, mais on n'a pas eu le temps; on n'a pas été avisé, on l'a appris trop tard.

M. Bonnier: C'est une remarque bien importante. D'abord, elle nous est faite à plusieurs reprises. Elle est bien importante. L'autre remarque

que vous avez faite par rapport aux besoins spéciaux est aussi très importante parce qu'on se trouve à repenser tout le problème. C'est possible qu'on se soit trompé, mais vous savez qu'avant cela, quand existaient les pensions des mères nécessiteuses, il y avait tant pour la mère, tant pour les enfants. Le gouvernement a pensé à tort ou à raison, et ça rejoint quand même une suggestion de votre mémoire, qu'il fallait s'orienter vers un revenu garanti, paver le chemin pour qu'un jour, on arrive à ça.

A partir de ce moment-là, ils ont mis, dans un seul paquet, des montants d'argent. Ils ont dit: Voici ce qu'une famille moyenne devrait normalement prendre. Mais quand on considère, à mesure que les enfants augmentent, qu'ils donnent un peu moins, chaque fois, pour en arriver à zéro, comme vous le laissez savoir, tenant pour acquis que l'allocation familiale faisant partie de cela, peut compenser un peu.

Mais vous avez raison quand vous dites, par exemple, qu'une famille de dix enfants ne se loge pas dans un même logement qu'une autre de deux ou de quatre enfants. Et le loyer est plus dispendieux. On a vraiment un problème.

Vous avez la même remarque, très pertinente, par rapport aux besoins spéciaux. C'était plus facile auparavant. C'est vrai qu'il y a eu des abus par certains marchands. Parce que des gens avaient besoin de meubles, ils leur vendaient de la pacotille, cela ne valait rien et ils abusaient. Par ailleurs, cela leur permettait de correspondre à un besoin très spécial.

Le gouvernement a dit: On va couper un certain nombre de besoins spéciaux, de façon que le bénéficiaire d'aide sociale ne soit pas étiqueté, ne soit pas identifié. C'est lui-même, avec son argent, qui va essayer de bâtir un régime tel que lui-même, avec son argent, va prendre la responsabilité de changer ses meubles ou de ne pas les changer. Quand il ira, c'est lui qu'on va rencontrer, et non pas un bénéficiaire d'aide sociale.

Il y a donc une nouvelle façon d'aborder la question qui est valable. Mais je pense qu'on discute de la valeur réelle des barèmes, peut-être. Vous dites: On aimerait peut-être cette façon, parce qu'on voudrait une façon qui soit un revenu minimum garanti, par exemple, éventuellement. C'est un peu ce chemin qui est parcouru, mais il n'est peut-être pas rendu suffisamment loin pour vous donner suffisamment de latitude. C'est ce que je comprends.

Lorsque vous parlez des besoins spéciaux, si on retournait à l'identification des besoins spéciaux, cela ressemblerait un peu à l'attitude que vous décrivez, que je suis étiqueté, moi, bénéficiaire d'aide sociale, parce que j'ai besoin d'un papier pour aller à telle place.

Est-ce que je comprends bien quand vous dites qu'il ne faut pas nécessairement retourner en arrière, mais qu'il faut réévaluer cela? J'ouvrirais juste une petite parenthèse — après cela, j'arrête, M. le Président — pour dire qu'au sujet de la capacité d'emprunter, je distingue cela de l'endettement; parce que l'endettement, c'est l'emprunt à l'excès. Cela n'a aucune relation avec le revenu. Il y a des gars qui gagnent $20 000 qui empruntent beaucoup trop et qui sont dans le trou.

La capacité d'emprunter, à mon avis, c'est un respect aussi de la personnalité du bénéficiaire d'aide sociale. Peut-être qu'il n'est pas en mesure de l'exercer, comme vous le dites fort bien, parce que les barèmes ne sont pas suffisants.

Si je comprends bien, vous ne recommandez pas globalement un retour en arrière, sinon par voie de nécessité...

Une Voix: C'est cela.

M. Bonnier: ... mais un ajustement plus réel des barèmes. C'est cela.

Mme Lacroix: C'est cela.

M. Larouche: C'est plutôt cela. En attendant que cela soit réglé, de remettre les besoins spéciaux pour qu'on puisse être dépannés. Mais, cela dépend. Si vous mettez un revenu minimum garanti trop bas, à l'heure actuelle, selon Statistique Canada, pour deux adultes et deux enfants, c'est $7000 par année, je pense qu'avec les allocations familiales comprises, cela me prend tout pour que j'aie cela. Et nous sommes huit personnes dans la maison.

Si, pour deux adultes et deux enfants, cela prend $7000 pour être au seuil de la pauvreté, imaginez-vous à quel seuil nous sommes.

Mme Paradis: J'ose souligner que le meilleur endroit pour constater cela, c'est dans le milieu scolaire, où nous avons une moyenne de 23% à 26% des étudiants dont les problèmes vestimentaires, alimentaires, les articles scolaires, vous savez ce que coûte l'école, c'est la meilleure illustration...

M. Bonnier: Vous constatez que les enfants de bénéficiaires d'aide sociale sont déficients dans ce domaine, par rapport aux autres?

Mme Paradis: Absolument, monsieur. Et cela, c'est démontré dans toutes les régions de la province de Québec.

M. Bonnier: Si vous m'aviez permis, j'aurais posé une petite question relativement à votre centre de dépannage. Je ne veux pas contredire le ministre, parce que je pense qu'il a d'excellents fonctionnaires, mais une remarque m'a frappé tout à l'heure. Vous dites que vous faites à peu près le même travail que le fonctionnaire de l'aide sociale, en ce sens que vous fournissez les renseignements.

Est-ce que, si le personnel de l'aide sociale — j'entends, ici, les agents qui font affaires avec ces individus — avait une formation plus adéquate ou avait une façon différente d'aborder les problèmes, vous seriez encore nécessaire?

Mme Lacroix: Peut-être que oui, mais...

M. Bonnier: Moins.

Mme Lacroix: ... je ne suis pas prête à dire que les agents de l'aide sociale vont tous changer, parce que c'est dur de changer, c'est une vocation, d'être un travailleur social. Il faut qu'il ait réellement la vocation. Il faut qu'il soit capable de se mettre dans la peau de l'autre. S'il va là seulement pour aller se chercher un salaire, il ne sera jamais bon. C'est cela la différence. Si réellement il veut faire un travail humain, d'accord, mais s'il va là pour aller chercher un salaire, il sera toujours zéro.

M. Bonnier: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Matane.

M. Côté: M. le Président, provenant d'une région qui, elle aussi, a de nombreux problèmes avec ses assistés sociaux, j'aimerais poser une première question à Mme Lacroix pour savoir si, chez elle, c'est à peu près le même problème. J'ai souvent des plaintes en ce qui concerne des gens qui sont propriétaires de maisons et qui, disons par le barèmes de taxes reçoivent $50 par mois, alors qu'en principe, sur le beau feuillet, c'est inscrit $85.

Ces gens revendiquent souvent le droit de recevoir eux aussi, exactement comme le bénéficiaire de l'aide sociale qui est à loyer, les $85 par mois, ce qui ferait $25 ou $35 de surplus pour aider ces gens. En fait, j'ai l'impression, parce que les gens me disent chez nous, qu'ils sont pénalisés parce que, dans le cours de leur vie — ils soni à 50 ans, à 55 ans — ils ont réussi à économiser pour une maison, par un hasard de la vie, cela fait que le mari n'est plus capable de travailler ou la femme est devenue veuve. Elle est pénalisée face à celui qui reçoit $85 pour son revenu de loyer mensuel. Est-ce le même cas dans votre région?

Mme Lacroix: C'est le même cas. Malheureusement, on a oublié de le mentionner dans notre mémoire, assez souvent, c'est ce qui arrive. En n'ayant pas d'argent pour entretenir sa maison, sa maison s'en va en ruine et quand cela va trop mal, on lui dit: Va te chercher un logement en ville.

M. Giasson: L'allocation de $15 par mois pour l'entretien de la résidence est insuffisante selon vous?

Mme Lacroix: Certainement que c'est insuffisant.

M. Côté: Je pense, monsieur...

Mme Lacroix: II n'est pas capable d'entretenir une maison. Il y a toujours des réparations à une maison. Moi-même, j'en ai une. Cela se détériore de plus en plus.

M. Côté: Je suis, monsieur...

Mme Lacroix: A un moment donné, peut-être que, dans dix ans d'ici, je serai obligée de prendre un logement. Je suis bien mieux de rester chez nous, à la campagne, où je suis.

M. Côté: C'est que les gens ont suffisamment, dans leur maison, de pièces pour leur famille, se sentent chez eux, au crochet de personne...

Mme Lacroix: C'est cela.

M. Côté: ... sauf en fait par leur chèque chaque mois. J'ai nettement l'impression... J'appuie entièrement votre première résolution pour hausser le montant de $85 à $125. C'est le cas dans toutes les régions. Définitivement, avec $85, vous pouvez vous trouver un taudis. C'est à peu près tout ce que vous pouvez vous trouver, à l'heure actuelle.

J'aimerais attirer l'attention des hauts fonctionnaires et du ministre sur le fait que l'allocation mensuelle que reçoivent ces personnes qui sont propriétaires de maison, allocation, disons de $50, pour les besoins de la discussion, est nettement insuffisante. Ces personnes pourraient bénéficier peut-être de $50 à $75 de plus, ce qui réglerait en bonne partie, les problèmes de ces gens, parce que, souventefois, les agents disent: Vendez votre maison. Pendant un an, vous allez dépenser ce que vous allez retirer de votre maison et, après cela, vous viendrez recevoir l'aide sociale.

Mme Lacroix: C'est cela.

M. Côté: Je pense qu'il y a un vice, comme bien d'autres d'ailleurs, dans la réglementation. Comment?

M. Giasson: II faudrait changer le système actuel de l'établissement du barème, parce que le test de logement à $85 est intégré au barème maximal.

M. Côté: S'il faut le changer, je pense qu'il ne faut pas retarder, il faut le changer.

M. Giasson: Ou vous pouvez corriger les mêmes fins que vous voulez atteindre. Vous pouvez apporter une correction. Au lieu de toucher au test de logement qui est à $85, vous pouvez obtenir les mêmes effets en modifiant le barème.

M. Côté: Je serais plutôt favorable à ce qu'on touche au logement. On réglerait le problème du logement et on réglerait aussi l'autre histoire de barème des gens qui sont propriétaires de maison et qui se plaignent, avec raison d'ailleurs.

M. Giasson: Oui, mais le test de logement, on l'a maintenu dans la loi, à ce qu'on m'en dit, à cause de certaines conditions posées par le gouvernement fédéral qui contribue au financement de la Loi de l'aide sociale qui tenait à ce que, à l'intérieur de l'établissement de nos procédures de barème, un test de logement demeure.

M. Côté: De toute façon, on va peut-être finir par se rejoindre. J'ai quelques autres questions. Par contre, si on propose d'en ajouter quelque part, je pense qu'à certains endroits, je ne suis pas d'accord complètement avec le rapport, mais il y a des points sur lesquels je suis d'accord et il y en a d'autres sur lesquels je ne le suis pas. Je désirerais le mentionner. S'il y a des économies d'argent là, on les versera en terme de logement, de réaménagement, je pense, à l'intérieur de la masse affectée aux bénéficiaires de l'aide sociale, ce qui permettrait de régler les problèmes des familles monoporentales, des familles et des handicapés. Je pense que c'est là que sont les principaux problèmes à l'heure actuelle.

Avec la nouvelle réglementation dont le député de Taschereau faisait mention tantôt, une nouvelle mentalité, je pense qu'on a créé des disparités. Les gens en souffrent aujourd'hui. La veuve qui est obligée d'aller se traîner devant l'aide sociale pour recevoir sa pitance chaque mois a ses problèmes, et son orgueil est drôlement touché, alors qu'auparavant, elle pouvait bénéficier de son chèque sans avoir à se traîner auprès de l'agent de l'aide sociale. C'est exactement la même chose pour le handicapé. Je pense que l'ancienne réglementation avait comme avantage de classifier les veuves et les handicapés, du moins, sans qu'ils ne se sentent obligés de se traîner au bureau d'aide sociale pour aller quémander à chaque mois et aller voir l'agent pour dire: J'ai tel besoin. Je pense que, de ce côté, c'est mon opinion, pour avoir vécu dans un milieu où il y a des besoins réels.

Par contre, au niveau du deuxième point, je suis plus ou moins d'accord. D'ailleurs, je pense que le député de Saint-Jacques en a fait mention aussi. C'est au niveau du célibataire. Je pense que la réglementation n'est quand même pas si mauvaise. Elle vise à dire à une personne: Si tu n'as pas d'emploi dans ta région, cherche ailleurs pour essayer d'en trouver et ne te fie pas uniquement sur tes $85 par mois pour seulement subsister. Il y a des vices; c'est que, dans la mesure où vous arrivez, vous réussissez à obtenir d'un médecin un papier suivant lequel vous avez des difficultés à un moment donné. Quelles que soient les difficultés, vous réussissez à vous faire augmenter de tout près de $200. Dieu sait que c'est facile de l'obtenir des médecins maintenant. Vous n'avez qu'à simuler un petit malaise au bureau du médecin et vous revenez avec votre papier; cela veut dire que vous êtes payé $195. Qu'est-ce qui arrive? Cet argent est pris à même, on me dit à peu près $500 millions par année, le montant de nos bénéficiaires de l'aide sociale; ce sont les gens qui réellement en ont besoin qui en sont privés. Je dis qu'à l'intérieur d'un réaménagement, il faudrait peut-être être plus rigoureux envers ceux qui sont individuels pour favoriser les familles monoparentales, les familles qui ont des besoins; je pense que le cas de M. Larouche est assez explicite. Je pense que, pour les handicapés, on pourrait régler une bonne partie de ce problème. C'est dans ce sens; en coupant sur un certain point, on pourrait en donner à d'autres et régler notre problème de loyer qui réglerait aussi le problème de ceux qui ont des maisons.

J'aurais une autre petite question à madame sur ce qui me paraît une injustice très flagrante de la part du ministère des Affaires sociales au niveau de l'aide sociale. Je prends un cas particulier: Vous avez une personne âgée de 65 ans, dont la femme a 56 ans. Il reçoit son chèque de pension fédérale, mais, selon les barèmes d'aide sociale, la femme peut toucher $40 ou $45. Arrive l'indexation fédérale, vous ajoutez $4 ou $5 à peu près tous les trimestres, tous les trois mois. Il arrive que nos beaux fins finauds d'agents d'aide sociale coupent automatiquement les $4 ou $5. C'est ridicule. Si c'est indexé d'un côté pour permettre d'avoir le même montant d'argent pour acheter les mêmes choses, au niveau fédéral, je trouve cela imbécile de la part des fonctionnaires de l'aide sociale. Je ne sais pas qui a pu inventer une pareille réglementation, c'est-à-dire de venir couper sur le chèque d'aide sociale par la suite. Je trouve cela complètement ridicule. J'aimerais avoir des explications là-dessus. On a tenté d'en obtenir. On nous dit: C'est la loi que vous avez votée, vous autres. S'il faut amender la loi et la réglementation, il faut les amender, parce que c'est complètement ridicule une situation comme celle-là. C'est probablement le même cas chez vous aussi.

Mme Lacroix: C'est le même cas chez nous. J'ai le cas de la madame qui est plus vieille que le monsieur. Le monsieur est bien frustré d'être obligé d'aller chercher une petite pitance et il va mourir frustré si les lois ne changent pas.

M. Côté: J'aurais peut-être une dernière question, quitte à ce que le ministre me réponde tout à l'heure. A la page 5, neuvièmement, vous parlez de l'insuffisance de l'aide accordée en comparaison avec le coût de la vie, en ce qui concerne l'éducation au niveau du CEGEP et au niveau secondaire. J'écoutais Mme Tardif, je pense?

Mme Paradis: Paradis.

M. Côté: Paradis, pardon, qui parlait des besoins au niveau scolaire. Je partage cet avis au niveau secondaire. Pour les enfants du niveau secondaire, je pense qu'il y a des besoins, soit... Si vous êtes éloignés de la polyvalente, il y a le fameux $1 ou $1.50 chaque midi pour les repas, si ce n'est pas la boîte à lunch; mais au niveau du CEGEP, je pense que le régime de prêts et bourses en vigueur est quand même assez avantageux et règle passablement de problème à ce niveau. J'aimerais peut-être que vous en parliez.

Mme Paradis: Je voudrais souligner que je parle surtout d'étudiants d'âge élémentaire et secondaire.

M. Côté: C'est parce qu'on mentionnait les CEGEP aussi.

Mme Paradis: Oui, d'accord!

M. Côté: Le CEGEP est touché passablement par les prêts et bourses. Ce recours règle une bonne partie des problèmes à ce niveau.

Merci.

M. Samson: M. le Président, est-ce qu'on me permettrait, très brièvement...

Le Président (M. Cornellier): Oui, mais il y avait aussi le député de Mille-Iles qui avait demandé la parole.

M. Samson: Ah! Après lui, je...

Le Président (M. Cornellier): Je voudrais donner la parole au député de Mille-Iles...

M. Lachance: J'aurais une question à poser à Mme Lacroix.

Mme Lacroix, dans votre région, y a-t-il des centres locaux de services communautaires? Il n'y en a pas. En somme, des CLSC? Il n'y a pas de CLSC dans votre région?

Mme Lacroix: Non, ça n'existe pas dans notre région.

M. Lachance: Cela n'existe pas encore.

Mme Lacroix: Non, pas encore. Il y en a un à Senneterre.

M. Lachance: C'est la question que je voulais vous poser.

Mme Lacroix: C'est assez loin de chez nous.

M. Lachance: Mais s'il y en a un à Senneterre, avez-vous sa collaboration?

Mme Lacroix: Non. Il existe depuis peu de temps. C'est un petit peu branlant encore.

M. Samson: Je voudrais expliquer, M. le Président, au député de Mille-Iles que même s'il en existe un chez notre voisin, il se trouve situé à 105 milles.

M. Lachance: Oui.

M. Samson: Les voisins sont plus loins qu'à Montréal, vous savez.

M. le Président, je voudrais, très brièvement, venir à la rescousse du mémoire présenté par le Comité de citoyens à faible revenu de Rouyn-Noranda, quant aux prestations pour les célibataires aptes au travail.

J'aimerais que l'on tienne compte du fait que la prestation étant de $85, ça peut être une incitation au travail, bien sûr. Mais j'aimerais également que l'on tienne compte du fait qu'il y a des gens qui, par manque de travail, une fois que les prestations d'assurance-chômage sont terminées, tentent aussi de se trouver du travail, et même ceux-là qui vivent de l'assurance-chômage tentent aussi de se trouver du travail.

Bien sûr, nous devons compter sur le taux de chômage existant dans certaines régions. Il est de 7 1/2%, je pense, sur la base globale, mais dans les régions éloignées, nous retrouvons des taux de chômage de 12%, de 20% et même plus. Cela veut dire que si on envoie en quelque sorte, une personne apte au travail ou soi-disant apte au travail, occuper un emploi, ça vous amène automatiquement un autre assisté social pour la remplacer.

Je pense qu'il faut tenir compte de cette mobilité qui fait qu'on retrouve toujours le même problème. Quoi que l'on fasse, même si on est très sévère pour tenter d'amener au travail ceux qui reçoivent $85, pour chaque cas — c'est ça que je veux souligner — que l'on retourne au travail, il y a quelqu'un qui vient le remplacer à l'aide sociale. C'est pourquoi je pense que le mémoire, à ce chapitre, est très défendable, parce qu'un fait demeure: $85 par mois, pensons-y deux fois. Que l'on soit un célibataire apte au travail, ou que l'on soit un célibataire semi-invalide, il reste qu'il faut au moins manger un minimum par jour. Il faut au moins se loger, et $85 par mois, c'est le prix d'une chambre pas trop bien équipée.

Ou bien on se loge normalement et on ne mange pas, ou bien on mange et on ne se loge pas, ou bien on fait ce que Mme Lacroix fait pour leur venir en aide temporairement et partiellement, c'est-à-dire trouver des âmes charitables qui consentent à héberger ces gens. C'est une anomalie. Je le souligne à l'attention...

Je ne vous dis pas quelle est la meilleure solution pour la régler, mais je pense que nous sommes là aujourd'hui surtout pour prendre connaissance des problèmes qui sont vécus par ces gens et, par la suite, tenter de trouver les meilleures solutions possibles.

M. Giasson: M. le Président, si vous permettez. Je ne puis laisser passer une remarque formulée tout à l'heure, par l'un de mes collègues, le député de Matane, à l'endroit de décisions ou de gestes que posent les employés de nos bureaux d'aide sociale vis-à-vis de la situation vécue par un couple dont l'un a atteint l'âge de la retraite ou du moins de la pension de retraite et dont l'autre ne l'a pas atteint.

La charge qu'il a faite contre les employés est inacceptable parce que ces employés administrent et appliquent une loi et des règlements qui ne sont pas décidés par eux. Ils appliquent tout simplement une loi qui est une décision de l'Assemblée nationale du Québec et on ne peut leur reprocher de poser des gestes qui vont à l'encontre de la loi. On pourrait se reprocher à nous, de l'Assemblée nationale...

M. Côté: M. le ministre...

M. Giasson: ... de ne pas être à la hauteur des besoins... Il ne faut pas taxer les employés du réseau.

M. Côté: Si vous me le permettez, M. le ministre, je pense que, dans une loi... il y a une loi et il y a aussi une réglementation. J'aimerais savoir de

vous si cette mesure est contenue dans la loi ou dans la réglementation. Si vous me dites: Dans la loi, je vais prendre mon chapeau et je vais me le mettre sur la tête, mais si vous me dites: Dans la réglementation, par exemple, on va se parler dans le portrait.

M. Giasson: La réglementation émane également du gouvernement du Québec, du Parlement du Québec.

M. Côté: Du gouvernement du Québec, mais préparée par des fonctionnaires et souventefois, ils n'ont pas le pouls des gens. J'aimerais qu'on me donne une explication sur la plainte que j'ai formulée, à savoir que, lorsque le fédéral donne une augmentation par rapport au coût de la vie, quels sont les motifs pour que l'aide sociale vienne l'enlever?

M. Giasson: Les motifs pour que le bien-être social l'enlève découlent de la réglementation qui veut que la Loi de l'aide sociale soit avant tout une supplémentation de revenus possibles existant, de quelque volume ou de quelque nature que ce soit.

Et l'employé, le fonctionnaire, qui applique la Loi du bien-être social, va exactement dans le sens de la loi que nous, parlementaires, avons adoptée, va dans le sens d'une réglementation décidée par le Parlement du Québec. Si vous étiez fonctionnaire de l'aide sociale, vous n'auriez pas le choix des médailles. Vous poseriez le même geste que ces gens posent dans les régions.

M. Côté: D'accord. J'ai dit que, si c'était une réglementation approuvée par les parlementaires de l'Assemblée nationale, il faudra se pencher immédiatement sur le problème et le régler parce que c'en est un problème. Souventefois, nous les parlementaires, on s'est fait passer aussi des beaux sapins par des réglementations préparées par des fonctionnaires qui ont tous les tours dans leurs sacs pour les passer.

Souventefois, on se les fait passer. Cela nous permettra peut-être d'être un peu plus vigilants dans...

M. Giasson: Si cela doit contribuer à rendre les parlementaires beaucoup plus aux aguets de toute la réglementation que le Parlement peut promulguer, je suis d'accord avec le député de Matane.

M. Samson: Bien sûr, en commission parlementaire, on ne peut pas poser de question de privilège, mais, par la voie du règlement, je pense que je peux quand même souligner que les députés sont souvent, non pas mis à contribution, mais presque accusés par ceux qui appliquent la Loi d'aide sociale.

Quand on dit à un bénéficiaire de l'aide sociale: Si vous n'êtes pas content, allez voir les députés, ce sont eux qui font les lois, là, nous sommes en cause et quand nous sommes mis en cause, nous avons le droit de nous défendre, je pense que c'est un droit naturel. Si on nous met en cause là-dessus, il nous faut dire et expliquer bien clairement à la population que la loi 26 a été votée par le Parlement oui, mais les règlements qui en découlent et qui ne sont pas toujours conformes à l'esprit de la loi, on n'a rien eu à dire là-dessus. On a tellement rien eu à dire là-dessus que l'honorable député de Saint-Jacques a présenté une motion l'automne dernier. Nous avons appuyé cette motion et on a eu l'occasion de dire que nous aimerions être consultés quand il y a une nouvelle réglementation. Quand on formule cette nouvelle réglementation, les parlementaires aimeraient pouvoir en prendre connaissance avant qu'elle soit présentée devant le Conseil des ministres. On pourrait sûrement faire de bonnes suggestions à cette occasion. Mais, dans le cas présent, personne ne peut soutenir honnêtement que les députés ont eu quelque chose à dire dans la réglementation.

Alors, n'allons pas jeter le blâme sur l'Assemblée nationale quand c'est au niveau du fonctionnarisme qu'on a préparé la réglementation, quand c'est au niveau du Conseil des ministres qu'on l'a acceptée et quand cela prend sept mois ou six mois avant qu'on décide de venir consulter les gens. C'est la première fois, M. le ministre, et vous le savez, que les députés ont l'occasion de discuter avec les assistés sociaux et aussi de discuter de cette fameuse réglementation et de son application. Bien sûr, on est en mesure de déceler des problèmes d'application de la réglementation aujourd'hui parce qu'elle a été appliquée, mais on aurait peut-être été en mesure aussi d'éviter que dans la réglementation se retrouvent certaines dispositions qui font qu'aujourd'hui on est obligé de les dénoncer. C'est ce que je veux dire. La prévention, à partir des députés qui, toutes les semaines, quelle que soit notre étiquette politique, aujourd'hui, on n'a pas le droit de faire une bataille politique parce que cela doit être au-dessus des couleurs politiques, quelle que soit notre étiquette politique, dis-je, nous recevons toutes les semaines des gens qui ont des problèmes avec l'application de la Loi d'aide sociale. Je suis d'accord avec le député de Matane. M. le Président, parce que le député de Matane a soulevé un point. Bien sûr, le ministre a souligné tantôt quelque chose qu'il est intéressant de savoir également. Il a dit: Le fédéral paie une certaine partie, et c'est conditionnel à ce que le test du logement soit à $85, si j'ai bien compris le ministre.

M. Giasson: Pas $85, qui soit maintenu.

M. Samson: Qui soit maintenu. Bon! A ce moment-là, ça veut dire une chose, que même le gouvernement, n'allons pas jeter d'huile sur le feu, ne peut pas faire une réglementation en fonction de ses désirs et des besoins de la population, il est subordonné, en cette matière, aux décisions du fédéral. Ce qu'il faut trouver, je pense, c'est que, quand on a parlé tantôt de la masse mise à la disposition des bénéficiaires, cette masse, qu'elle provienne du test de logement directement ou in-

directement, c'est là où tout le problème se situe. Depuis le matin, tous les autres qui vont venir par la suite, vont recouper pas mal de choses qu'on a dites tantôt, dans le même sens, on tourne autour du même pot. C'est simple, quels que soient les détails, tout revient au même problème, c'est un manque d'argent, c'est aussi clair que ça. Ce qu'il faut, je pense, c'est de trouver les moyens d'ajuster la réglementation pour que ce manque d'argent soit moins évident que présentement, pour que ce soit plus collé à la réalité et aux besoins réels.

Je dis que si ça doit provenir d'une réglementation qui augmente directement le barème sans toucher directement au test de logement parce que vous avez certaines obligations vis-à-vis du fédéral là-dessus, je dois me joindre à ce qui a été dit tantôt, que j'ai trouvé très important. Tout ce qui est suggéré aujourd'hui, c'est du temporaire, parce que ce qui est désiré, ce n'est même pas ça, c'est le revenu minimum garanti qui est désiré. En attendant d'obtenir ce qui me semblerait être beaucoup plus pratique et l'idéal, chacun de notre côté, on émet des suggestions qui sont de type et d'ordre temporaire pour parer aux pires coups. Autrement dit, on n'a pas le moyen de faire de l'asphalte en plein mois d'avril sur les chemins, on bouche les trous le printemps, on peut faire ça au mois de juin et juillet.

Là, c'est un peu le même problème, le revenu minimum garanti, c'est ce qui est désiré et ce serait la formule idéale. Mais, en attendant ça, il faut boucher des trous parce que le chemin est impraticable et est devenu difficile pour ces gens. C'est dans ce sens que je le dis. Maintenant, je pense qu'il y a quand même une nuance à apporter, que l'honorable député de Matane voulait sûrement apporter.

Dans notre esprit, parce que nous sommes des parlementaires qui avons à discuter tous les jours de différents problèmes qui nous ramènent un peu à la même chose, quand on dit que c'est préparé par les fonctionnaires, il faudrait bien apporter la nuance suivante: C'est préparé par un groupe, une équipe de travail de hauts fonctionnaires.

Il faudrait toujours dire que les employés, les fonctionnaires, au niveau régional et au niveau local, sont, comme le ministre l'a dit, avec raison d'ailleurs, des gens qui suivent les directives et qui doivent appliquer la réglementation. Ce n'est pas ces derniers qui font cette réglementation.

Quand on dit qu'on est un peu victime d'une réglementation pour laquelle on n'a pas été consulté, qui a été préparée par des fonctionnaires, on doit apporter une nuance. C'est préparé par le groupe de travail de hauts fonctionnaires qui, malheureusement, M. le ministre, ne font pas toujours comme vous, ne vont pas toujours à la source, comme vous le faites depuis quelque temps.

Quand on veut comprendre les problèmes des gens, c'est pas mal plus important d'aller les voir chez eux. C'est encore même plus important d'al- ler les voir chez eux que de les convoquer ici. En les convoquant ici, il y a plusieurs gens qui ne sont pas venus aujourd'hui, qui ne peuvent pas venir. Les hauts fonctionnaires peuvent y aller plus souvent.

Bien sûr, on me dira que lorsqu'ils voyagent, ils ne peuvent pas travailler, ils ne peuvent pas faire autre chose. Mais, le ministre l'a dit tantôt, si on manque de fonctionnaires, on en mettra d'autres. Alors, s'il manque de hauts fonctionnaires, mettez-en d'autres.

M. Caron: Mais des hauts fonctionnaires qui vont comprendre.

M. Samson: J'ai voulu dire des bons. M. Caron: Oui.

Le Président (M. Cornellier): Messieurs, je constate qu'il est maintenant treize heures. Avant de suspendre les travaux de la commission, j'aimerais, pour le bénéfice des membres de la commission, une fois de plus, leur rappeler qu'il nous reste, dans le courant de la journée, encore dix groupes, organismes ou associations à entendre. Sans doute que les débats, les délibérations, dans le courant de la journée, pourront être moins longs, étant donné que bien des sujets d'ordre général ont été discutés ce matin et qu'il ne sera peut-être pas nécessaire de revenir sur tous les points.

J'invite les membres de la commission à être très vigilants au cours du débat, mais de garder à l'esprit l'importance des groupes que nous avons à entendre et de faire en sorte qu'ils puissent se faire entendre au cours de la journée.

Je remercie, d'une façon toute particulière, Mme Lacroix et ses collaborateurs.

M. Saint-Germain: M. le Président, je soulève un point de règlement. J'avais des questions à poser. Vous avez laissé parler à sa guise le député de Rouyn-Noranda, cela a été très intéressant, mais je ne voudrais pas être privé de mon droit de parole.

Le Président (M. Cornellier): Vous ne serez pas privé. Vous aurez, cet après-midi, d'autres groupes, exactement...

M. Saint-Germain: ... particulièrement, cela m'intéresse de...

Le Président (M. Cornellier): Nous rappellerons le groupe de Mme Lacroix cet après-midi.

Je tiens tout de même à souligner le magnifique travail que vous avez fait et la façon très objective avec laquelle vous avez participé aux discussions.

Je suspends donc les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, seize heures, soit immédiatement après les affaires courantes, en Chambre.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

Reprise de la séance à 16 h 20

M. Cornellier (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs! La commission des affaires sociales reprend ses travaux. Etant donné qu'au moment de la suspension, à l'heure du lunch, le député de Jacques-Cartier avait mentionné son désir de poser quelques questions au Comité de citoyens à faible revenu de Rouyn-Noranda, j'inviterais Mme Lacroix et ses collaborateurs à reprendre place à la table.

Il a été décidé à l'Assemblée nationale tantôt que la commission avait l'autorisation de siéger cet après-midi et ce soir. Malheureusement, demain, il ne sera pas possible de continuer. Je me permets donc de rappeler aux membres de la commission ce que je leur disais avant l'heure du lunch. Afin d'éviter que des gens qui sont ici pour se faire entendre aient fait un voyage inutile, je compte sur la collaboration des membres de la commission, comme de nos visiteurs et des personnes qui viendront à la table tantôt s'exprimer, pour faire les interventions les plus brèves possible. Il n'est pas question de priver qui que ce soit de son droit de parole, mais on sait qu'il y a ici des gens qui veulent se faire entendre et qui viennent de loin. Comme nous ne pourrons pas continuer nos travaux demain, nous devrions tous ensemble collaborer et tenter de terminer aujourd'hui même, ce soir, l'audition des mémoires ou des interventions des personnes ici présentes. Je compte sur la collaboration des membres, et celle de nos distingués visiteurs. Je cède immédiatement la parole au député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, je voulais surtout savoir si, dans cette région de l'Abitibi et de Noranda, les problèmes sociaux sont comparables à ceux de la région de Montréal. J'imagine bien qu'on va concéder que le problème d'un assisté social qui a vécu de l'assistance sociale pendant des années et qui doit vivre de l'assistance sociale pour des années à venir, à cause de son état de santé, parce qu'il n'est pas sur le marché du travail pour quelque raison que ce soit et qu'il ne peut travailler, est tout à fait différent du problème de celui qui, occasionnellement, reçoit du bien-être ou du moins, en reçoit pour une raison tout à fait passagère, en ce sens que, chez celui qui travaille et qui, à un moment donné, fait appel au bien-être, j'imagine que habituellement les meubles sont relativement en bonne condition, que la lingerie de la maison, les vêtements des enfants, de la famille, sont en bonne condition. S'il reçoit du bien-être six mois, neuf mois, un an, puis, après cela, revient sur le marché du travail, c'est passager, cette aide.

Il peut pratiquement se servir de tout ce que le bien-être lui donne exclusivement pour payer les frais immédiats de loyer, d'électricité et de nourriture, tandis que celui qui reçoit constamment du Bien-Etre et doit y rester longtemps, voit ses meubles; les vêtements, la lingerie de la maison se détériorer, et, bien souvent, il n'a pas ce qu'il faut pour...

Avez-vous déjà étudié, parmi votre groupe, cette situation? Croyez-vous que le ministère doit faire une différence, si vous voulez, entre les deux groupes d'assistés sociaux que je viens de décrire?

Mme Lacroix: Celui qui est capable de travailler, il serait normal qu'il y ait de l'emploi pour lui et il n'aurait pas de raison de recevoir du bien-être social. S'il vient pour six mois, il profite des mêmes avantages, et, au bout de six mois, s'il retourne travailler, il peut reprendre le dessus vite, comme vous dites, même si cela a commencé à se détériorer. Mais l'assisté social ne peut jamais reprendre le dessus. Il s'en va en se détériorant tout le temps.-

M. Saint-Germain: Mais croyez-vous que le gouvernement devrait faire une différence entre les deux genres d'assistés sociaux?

Mme Lacroix: S'il y a une différence...

M. Saint-Germain: Si le gouvernement doit faire une différence dans l'aide qu'il apporte à ces deux catégories?

Mme Lacroix: D'après moi, oui, pour certaines...

M. Saint-Germain: Au niveau de votre association, est-ce qu'on a étudié ce problème?

Mme Lacroix: Non, on ne l'a pas étudié.

M. Saint-Germain: Chez vous comme ailleurs, je suppose bien que parmi ceux qui s'occupent des gens dépourvus, il n'y a pas simplement ceux du bureau d'assistance sociale, il y a aussi certains travailleurs sociaux qui sont à la disposition du public. Il y a les travailleurs sociaux au niveau des hôpitaux. Il y a les HLM, ou les loyers à prix modiques. Il y a aussi les entreprises privées comme Saint-Vincent-de-Paul, ainsi de suite, qui...

Mme Lacroix: II n'y a rien de ça à Rouyn-Noranda.

M. Saint-Germain: Mais n'y a-t-il pas des travailleurs sociaux qui peuvent aider à...

Mme Lacroix: Non.

M. Saint-Germain: II n'y a rien de ça.

Mme Lacroix: II n'y a rien de ça. Quand une personne est mal prise, il y a seulement l'aide sociale qui peut la dépanner.

M. Saint-Germain: II n'y a pas d'autres. Mme Lacroix: Non, il n'y a pas d'autre chose. M. Saint-Germain: ...services que ça? Mme Lacroix: Non, pas d'autre service.

M. Saint-Germain: Vous n'avez pas de maisons à prix modique?

Mme Lacroix: Non, ah non! Loin de là.

M. Larouche: II y a...

M. Saint-Germain: Comment?

M. Larouche: ...quelques maisons à prix modique, seulement les loyers sont plus chers qu'ailleurs.

M. Saint-Germain: Mais...

M. Larouche: Si vous voulez savoir le meilleur marché dans les loyers à prix modiques, c'est $137.50 par mois. C'est pour un trois pièces, et il faut que tu prennes ton réfrigérateur, ton poêle et que tu ailles les mettre à l'entrepôt, payer $25, $30 par mois d'entreposage. Si tu as un congélateur, c'est la même chose, ainsi que pour la laveuse et la sécheuse, il faut tout déposer à l'entrepôt, parce qu'ils n'acceptent pas que tu aies ces meubles dans... Ils les fournissent.

M. Saint-Germain: Ces loyers à prix modique, il y a des assistés sociaux qui les habitent?

M. Larouche: Non, les assistés sociaux n'ont pas les moyens d'habiter les loyers à prix modique, malheureusement.

M. Samson: Si on me permet, M. le Président. Peut-être pourrait-on apporter certains éclaircissements. Ce n'est pas le genre de logement à prix modique comme il existe à Montréal, à Québec ou ailleurs. C'est l'entreprise privée qui a tout simplement des logements à louer.

M. Saint-Germain: On ne parlait pas de la même chose, alors.

M. Samson: Non. Vous ne parliez pas du tout de la même chose.

M. Saint-Germain: J'ai mes idées sur cette question du dépannage. Je n'ai jamais compris, personnellement, à titre de membre de l'Assemblée nationale, pour quelle raison il n'y a pas au niveau de chaque bureau une somme à la disposition du directeur pour qu'il puisse dépanner les gens qui, à un certain moment, sont mal pris pour toutes sortes de raisons.

D'ailleurs, ces gens font appel au député, habituellement, et on est toujours pris avec ces gens. On fait mille et un appels pour essayer de les dépanner. Il n'y a aucun moyen et, bien des fois, il s'agit de sommes absolument minimes. Je pense bien qu'il y a bien des députés ici qui, bien des fois, au lieu de faire des appels téléphoniques vont prendre $10, $15 ou $20 et vont dire à leur épicier: Allez donc porter de la nourriture à une telle famille qui est mal prise ce soir.

Je n'ai jamais compris... Ce ne sont pas des sommes fabuleuses. La comptabilité pourrait se faire simplement. J'imagine bien que si on nomme un directeur dans un bureau, cet homme devrait certainement être assez responsable pour être capable de dépenser ces sommes à bon escient.

En ce qui regarde les services que les employés donnent aux assistés sociaux, la façon dont les employés se comportent avec les assistés sociaux, c'est un vaste problème.

Je sais que dans mon comté, on a été pris avec cela, je dirais pendant deux ans ou trois ans. Vous savez, malheureusement, j'ai toujours pensé ou cru que ces employés, pour leurs responsabilités, n'étaient pas assez rémunérés. Cette base de rémunération fait que bien souvent il y aurait des hommes qui seraient compétents pour faire ce travail et, à cause du bas salaire, ils n'acceptent pas l'emploi ou parfois, c'est le contraire. Vous pouvez trouver dans une localité donnée des gens qui connaissent bien les besoins de la population et qui ont toujours vécu parmi cette population, et même, qui se sont privément occupés d'aider les pauvres ou les gens délaissés dans leur propre arrondissement. Parce qu'ils n'ont pas assez de scolarité ou pas assez de ceci ou de cela, ils ne peuvent pas avoir d'emploi. Du moment que le gouvernement adopte une loi, pour que cela se rende au public, il faut des employés, et ces employés, malheureusement, pourraient aussi bien vendre des voitures ou travailler dans l'industrie privée.

Ils s'engagent parfois au ministère comme agents d'aide sociale comme ils se seraient engagés ailleurs. Cela ne veut absolument pas dire qu'ils ont des talents ou une mentalité pour y faire un bon travail. Lorsqu'on est payé pour être charitable avec les gens et qu'on a des contrats de travail ça d'épais, sécurité d'emploi et tout ce que vous voulez, il se crée des situations où l'autorité est excessivement diffuse et cela crée des inconvénients. On peut y remédier, mais certainement pas dans l'espace de six mois ou d'un an. Merci.

Le Président (M. Cornellier): Mme Lacroix, ainsi que vos collaborateurs, de nouveau je vous remercie. Je vous félicite de la présentation que vous avez faite et je ne doute pas que le travail que vous faites chez vous comme celui que vous avez voulu faire ce matin contribuera à l'amélioration de la situation des gens que vous représentez. Je vous remercie et j'invite maintenant le Comité de citoyens de Sept-lles.

Comité de citoyens de Sept-lles

M. Dufour (Denis): Bonjour, messieurs. Mon nom est Denis Dufour. Je représente le Comité de citoyens de Sept-lles. J'ai fourni un mémoire qui traite de l'article 12, plus spécifiquement des gens séparés de fait. Alors, le comité a cru bon de s'attarder sur ce problème plus particulièrement. Je vais donner un résumé de ce qu'on trouve comme problèmes vis-à-vis de cet article. Tout d'abord, faisons une lecture de l'article visé, qui se trouve à être l'article 12, alinéa d) qui dit ceci: L'aide sociale peut être refusée, discontinuée, suspendue

ou réduite dans le cas de toute personne qui, sans raison suffisante, refuse ou néglige d'exercer les droits et recours qui lui appartiennent."

Le comité est d'avis que ce fameux article a créé des problèmes plus particulièrement au niveau des femmes séparées récemment de leur conjoint. Le comité a été à même de le constater plus particulièrement par l'intermédiaire de l'Union des défavorisés de Sept-lles, organisme regroupant des démunis financièrement et également par des constatations faites par des avocats de l'aide juridique.

Le ministère des Affaires sociales, voulant sans doute éviter de servir de caution financière à des séparations de fait, incite les gens, par la formulation actuelle de la loi, à se poursuivre devant les tribunaux pour réclamer selon nous une pension alimentaire. Nous avons pour exemple plusieurs cas de femmes récemment séparées de leur conjoint, que le ministère a immédiatement référées à des bureaux d'avocat, sans plus.

J'aimerais vous référer à cet effet à un article qui a paru récemment dans le Soleil concernant un couple de Sept-lles — il s'agissait d'un couple installé depuis quelque temps à Sept-lles — où le journaliste rapporte leurs paroles comme ceci: "Vous demandez plus d'argent à l'assistance sociale, de dire le fonctionnaire, alors divorcez".

Un peu plus loin, dans le même article, ces personnes disent ceci: "Des couples à faible revenu ont décidé à contre-coeur de se poursuivre pour une pension alimentaire et, après une séparation, fût-elle temporaire, ils bénéficieront chacun de leur côté peut-être d'allocations d'aide sociale."

J'ai également comme exemple plus récent une directive adressée à une personne par le ministère des Affaires sociales du bureau de Sept-lles qui disait ceci: "Tel qu'exigé, vous devez nous fournir avant le 15 du mois de février 1976, une preuve de coût de logement, votre preuve de séparation ou de divorce." Au même titre, j'ai moi-même, comme expérience personnelle, à titre d'avocat de l'aide juridique, constaté qu'il y avait eu des personnes qui avaient été référées directement par le bureau local de Sept-lles pour prendre des procédures contre leur conjoint quand ce n'était pas du tout leur intention de le faire à ce moment-là et au moment où ils étaient dans une période d'indécision pas mal complète en ce qui les concernait.

Je continue. Le ministère, selon nous, se doit de prôner un mécanisme de pension alimentaire comme il se doit, par sa loi, de favoriser le moins possible les conflits légaux dans le domaine matrimonial. A cet effet, le mémoire que le comité de citoyens vous soumet propose certaines réformes qui méritent d'être étudiées sérieusement dans le but d'éviter le plus possible l'arbitraire dans ce domaine. Si on précisait par exemple quels sont les cas visés par le fameux article 12, on éviterait ainsi les interprétations régionales des fonctionnaires, plus particulièrement dans le cas de couples séparés de fait.

Si les directives administratives existent concernant ces cas, nous sommes d'avis qu'elles devraient faire partie de la réglementatition, ce qui amènerait une application plus uniforme dans le Québec et permettrait également à une personne se croyant lésée d'en appeler plus facilement des décisions.

Dans le même ordre d'idées, le comité est également d'avis que la loi devrait prévoir spécifiquement les cas des couples séparés de fait. Pareille précision nous permettrait d'évaluer plus justement une politique donnée dans un secteur où, il ne faut pas l'oublier, les spécialistes en problèmes matrimoniaux doivent normalement avoir un rôle primordial à jouer.

Les membres du même comité sont d'avis que la loi devrait prévoir un mécanisme spécifique de liaison entre le ministère des Affaires sociales et le service social, ce qui permettrait à ce dernier service, plus compétent dans le domaine des problèmes du couple, de jouer véritablement son rôle, de réconcilier le couple tant que c'est possible de le faire plutôt que de l'inciter à prendre des procédures pour pension alimentaire.

La loi, telle qu'elle est rédigée actuellement, saute cette étape pour dire à la personne séparée de poursuivre ni plus ni moins son conjoint qui aurait les moyens de lui verser une pension.

Ainsi, des agents se présentent à un domicile, font savoir à la dame que son mari travaille et lui conseillent de prendre des procédures contre son époux et d'en avertir le ministère après. Ainsi, on se décharge du fardeau financier. Le danger, en agissant de la sorte, c'est d'amener une rupture définitive d'un foyer qui, bien souvent, dans ces cas-là, est dans une période de recherche.

En laissant à l'appréciation de fonctionnaires désignés le soin de décider si et quand une personne séparée doit prendre des procédures, on n'est pas sans savoir qu'on confie cette tâche à une personne directement intéressée au budget du ministère des Affaires sociales et qui va prendre une décision technique beaucoup plus dans l'intérêt du ministère des Affaires sociales que du couple lui-même.

C'est pourquoi il est grand temps, selon nous, que la loi confie cette tâche d'apprécier et d'évaluer le cas d'une personne séparée à un spécialiste en problèmes matrimoniaux. Rappelons à cet effet qu'il est possible de prendre des arrangements par le biais de l'actuel article 49 de la loi.

Une loi plus claire dans ce domaine nous permettrait d'en arriver à une loi appliquée plus justement pour tout le monde. Prenons simplement le cas de deux personnes financièrement aisées, récemment séparées et qui n'ont donc pas ce problème de perception alimentaire.

Si on veut qu'une femme dans le besoin, séparée de fait, ait les mêmes chances de reprendre avec ce conjoint que ce couple, ce n'est pas en lui disant qu'elle doit prendre des mesures diligentes pour percevoir une pension alimentaire qu'on fera ainsi que les chances seront égales.

Si l'on précisait également à l'article 12 ce que signifie "refuser d'exercer en droit" et en quoi consiste les mots "sans raison valable", le législa-

teur aurait fait un pas de plus dans la bonne direction et permettrait, d'autre part, d'en appeler plus facilement des décisions, dans certains cas douteuses, des fonctionnaires, devant le tribunal d'appel.

Actuellement, face à une disposition aussi vague, le tribunal d'appel peut facilement rejeter tout appel qui concerne l'article 12, en prétextant que son application relève de la discrétion du fonctionnaire qui n'a fait que servir. Pourquoi ne pas prévoir spécifiquement dans la loi qu'une personne séparée de fait et privée de moyens de subsistance pourra recevoir de l'aide sociale pour une période d'au moins six mois au cours de laquelle le ministre la mettra en contact avec un spécialiste en problèmes matrimoniaux?

Il ne suffit pas de constater que le conjoint est en mesure de payer une pension alimentaire et d'inciter l'autre à la lui faire payer judiciairement. Le législateur doit également s'assurer par sa législation qu'un tel recours est de dernier ressort.

En conclusion, il ne doit pas être dans l'esprit du législateur d'hypothéquer une partie de la population pour protéger une masse budgétaire allouée au secteur de l'aide sociale.

Enfin, c'était un résumé de ce qu'on concevait comme problèmes au niveau de l'application de la Loi d'aide sociale pour ce qui est des gens séparés de fait.

Le Président (M. Cornellier): Le ministre d'Etat aux Affaires 6ociales.

M. Giasson: M. Dufour, je ne sais trop comment interpréter les propos que vous venez de tenir. La question que je me pose vise à tenter de déterminer si, lorsqu'il y a séparation de fait et qu'une pension alimentaire doit être payée à l'autre conjoint, vous avez l'impression que ceux qui ont l'administration de l'aide sociale entre les mains refusent d'accorder de l'aide sous prétexte qu'il y aurait une pension alimentaire qui devrait être perçue par le conjoint lésé.

M. Dufour (Denis): Je vais vous dire bien franchement l'impression que j'ai. C'est qu'au moins on les incite à prendre des procédures. La preuve, on a le document que j'ai en main, les gens sont venus nous voir pour dire: Le ministère nous a envoyés pour prendre des procédures en divorce ou en séparation pour réclamer la pension alimentaire. Ce contre quoi on en a spécifiquement, c'est cette incitation.

On ne va pas jusqu'à dire que le budget est coupé ou que l'allocation est coupée, mais ce qu'on a à dénoncer, en fin de compte, c'est l'attitude selon laquelle on les dirige directement vers un bureau d'avocat pour...

M. Giasson: Vous en avez surtout vis-à-vis de cette incitation qui pourrait survenir dans certains cas où des agents de bien-être se permettraient de conseiller à des couples de se séparer ou de divorcer.

M. Dufour (Denis): Exactement.

M. Giasson: Vous n'en avez pas vis-à-vis une situation de personnes qui sont séparées ou divorcées, de fait, et pour lesquelles le ministère ou la direction de l'aide sociale accepterait de porter les bénéfices de l'aide sociale indépendamment du fait que la pension alimentaire soit payée ou non.

M. Dufour (Denis): En fin de compte, ce qu'on prétend, c'est qu'en éclaircissant certains points de la loi, on éviterait peut-être que ces choses se reproduisent dans un proche avenir. Je pense quand même que, si on prend le cas de deux personnes qui sont financièrement aisées et qui ont des problèmes au niveau matrimonial, ils n'accepteraient pas d'ingérence de l'Etat pour leur dire: Vous devez prendre des procédures. Je pense que c'est une chose que la loi doit essayer de clarifier le plus vite possible pour éviter ces abus.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, je voudrais demander à M. Dufour s'il a été porté à sa connaissance que des gens jugés, de fait, par un tribunal, des hommes, devant offrir une pension alimentaire à leur épouse en se séparant juridiquement, ne l'ont pas fait ou l'ont fait pendant une certaine période et sont disparus dans la brume, et que la famille en question, c'est-à-dire l'épouse, devenue chef de famille, et les enfants en auraient été pénalisés gravement, c'est-à-dire qu'au niveau du ministère, par exemple, on aurait continué à calculer la rentrée d'argent venant de la pension alimentaire, alors que, de fait, elle n'entrait pas. Ce qui ne néglige pas mon appréciation de votre blâme sur l'incitation à la séparation que j'endosse pleinement. Une autre question que je greffe immédiatement selon vos directives. Je voudrais vous demander si vous estimez qu'une personne, recevant une pension alimentaire quelconque de la part d'un mari disparu du foyer ou parti du foyer, devrait subir des coupures sur le montant prévu, une diminution de la valeur de la pension alimentaire telle qu'on l'a calculée, ou si vous croyez que cette personne, avec ou sans pension alimentaire, devrait recevoir le montant qui lui est alloué en vertu du fait qu'il s'agit d'une famille monoparentale avec X nombre d'enfants et que l'Etat ne devrait pas calculer si d'autres sources de revenu semblables à une pension alimentaire sont incorporées dans le revenu familial.

M. Dufour (Denis): Quant à la première question, je suis d'avis que cela occasionne effectivement des délais dans l'obtention de l'aide sociale. On sait qu'au Québec, il y a peut-être jusqu'à 80% des pensions alimentaires qui ne sont pas, dans les faits, perçues. Ce qui se passe, c'est que, dans une région comme la Côte-Nord, une personne va quitter son emploi pour s'en aller à Gagnon, à Schefferville, à Mont Wright, on la perd de vue et il n'y a plus de possibilité de percevoir cette pension alimentaire. Le délai que cela occasionne pour la dame pour aller voir le ministère, obtenir un

rendez-vous et avoir de l'aide le plus vite possible, cela lui cause vraiment un problème. Ce qu'on suggère à cet effet, c'est qu'éventuellement il soit prévu un mécanisme de perception de pension alimentaire au niveau du ministère des Affaires sociales qui empêcherait, en fin de compte, que ces délais existent et permettrait de réaliser que la personne a quitté son emploi très rapidement. A ce moment, elle aurait en conséquence son allocation du ministère. C'est un problème vraiment assez grave à ce niveau.

M. Charron: Estimez-vous que ce devrait être le ministère qui défraie le montant de la pension alimentaire allouée et que c'est lui, par la suite, qui se charge de percevoir de la personne qui fuit la décision du tribunal?

M. Dufour (Denis): On prône effectivement une subrogation de recours à ce niveau. Ce qu'on croit, c'est que, pour éviter la précipitation vers les recours judiciaires, ce serait une chose drôlement souhaitable, d'une part; d'autre part, en fin de compte, cela assurerait au moins des prestations à la femme séparée de fait non pas à des périodes indécises, mais avec certitude.

M. Charron: Je n'ai plus d'autre question, M. le Président.

te Président (M. Cornellier): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. Dufour, vous avez fait référence à un article du Soleil. Je suppose que vous faites référence au cas de M. et Mme Smith, de Sept-lles.

M. Dufour (Denis): Effectivement.

M. Samson: L'article paru dans le Soleil dernièrement, semble-t-M, indiquait qu'un agent du bien-être social aurait suggéré directement au couple de divorcer pour obtenir des prestations accrues. C'est ça?

Est-ce qu'il a été porté à la connaissance de votre comité des cas où une séparation de fait... par exemple, une femme dont le mari a quitté tout dernièrement, qui a laissé la femme avec des enfants, sans nourriture dans la maison, sans recours aucun, et où, à l'aide sociale, on a refusé de venir en aide à cette dame? Je vous donne un cas hypothétique, mais est-ce que c'est déjà arrivé, dans le cours des actions faites par l'aide sociale et dont votre comité a été saisi?

M. Dufour (Denis): Franchement, personnellement, je n'ai pas eu connaissance de ces cas. Ce dont nous avons eu connaissance, ce sont les directives selon lesquelles il faut prendre des procédures. Pour la suite, je ne sais pas ce qui a pu se produire.

M. Samson: Alors, vous ne savez pas, en fait, si on a...

M. Dufour (Denis): Ce qu'on énonce, en fin de compte, c'est l'incitation qui est faite dans plusieurs cas.

M. Samson: L'incitation aux procédures. M. Dufour (Denis): C'est ça.

M. Samson: Mais il n'a pas été soumis à votre attention le fait que même avec l'incitation aux procédures, certaines personnes n'auraient pas eu d'aide, même temporaire. Cela n'a pas été porté à votre attention?

M. Dufour (Denis): Personnellement, je préfère vous dire que je n'en ai pas eu connaissance. Effectivement, je n'ai pas...

M. Samson: D'accord! M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Toutefois je souligne à l'attention de la commission que je trouve très positif le rapport présenté par les gens de Sept-lles. La commission devrait prendre en sérieuse considération cet état de choses, pour tenter de trouver une solution valable.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Quand vous parlez d'inciter les gens à une procédure, vous parlez surtout des gens qui sont à la veille ou qui sont séparés depuis tout récemment. Vous ne parlez pas nécessairement d'une femme qui serait délaissée de son mari, avec deux ou trois enfants, depuis trois ou quatre ans, et, à un moment donné, le mari ne paie plus.

M. Dufour (Denis): Cela s'est déjà vu. Dans le deuxième cas dont vous parlez, de deux ou trois ans de séparation...

M. Saint-Germain: Oui.

M. Dufour (Denis): ... j'ai fait une enquête. Un agent serait allé voir la dame...

M. Saint-Germain: Que reprocheriez-vous, dans ces conditions au bureau de l'assistance sociale? Vous lui reprocheriez de l'inciter à prendre des procédures ou le refus du bureau à lui verser une somme pour les...

M. Dufour (Denis): C'est exactement ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire l'incitation comme telle. Maintenant, la preuve, quant à savoir qu'il ne serait pas versé de pension...

M. Saint-Germain: Oui.

M. Dufour (Denis): ... c'est-à-dire d'allocation d'aide sociale, je ne suis pas à même de la fournir; mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a eu de l'incitation, et dans plusieurs cas.

M. Saint-Germain: Oui, mais enfin, est-ce que vous ne croyez pas qu'une femme qui est délais-

sée par son mari, qui sait pertinemment que son mari travaille à un endroit donné et qu'il ne lui verse pas sa pension alimentaire, elle n'a pas un droit de recourir aux tribunaux?

M. Dufour (Denis): Ce n'est pas tellement le point. Ce que je soulève en parlant de l'incitation, c'est le cas de couples séparés récemment...

M. Saint-Germain: Ah bon!

M. Dufour (Denis): ... et qui sont dans l'état d'incertitude. Est-ce qu'on doit leur dire: Prenez immédiatement des procédures? Je pense qu'il y a quand même deux pas.

M. Saint-Germain: Merci!

M. Giasson: Mais dans ces cas, si vous me permettez, quand vous parlez de couples séparés récemment, est-ce que, dans votre esprit, ce sont des couples qui bénéficient de l'aide sociale ou chez qui le chef de famille est encore un travailleur qui est en mesure de répondre aux besoins de la famille.

M. Dufour (Denis): C'est arrivé dans les deux cas. C'est arrivé et dans le cas où la femme était ménagère et le mari travaillait et dans le cas où les deux recevaient de l'aide sociale. D'ailleurs, le cas de M. et Mme Smith en était un.

M. Giasson: Si on veut voir davantage, prenons le cas, par exemple, de la famille où le chef de famille est encore sur le marché du travail, c'est-à-dire travaille, va chercher un revenu qui se situe au-delà du barème qui peut s'appliquer à cette famille, dans ce contexte, vous voudriez que la Loi d'aide sociale commence immédiatement à pourvoir aux besoins de l'autre conjoint, l'épouse et les enfants, sans tenir compte des gains que le chef de famille rapporte.

M. Dufour (Denis): On aimerait qu'éventuellement il y ait un processus de subrogation de recours qui soit prévu, mais qu'on n'incite pas la femme à prendre des procédures contre son mari, uniquement sous le prétexte qu'il a l'argent pour lui payer une pension alimentaire.

En d'autres termes, ne pas lui dire: Intente des procédures en séparation ou en divorce, surtout dans un cas où elle est dans un état d'incertitude et que cela va peut-être s'arranger dans les mois qui viennent.

Je ne veux pas dire par là que l'Etat doit payer pour l'absence de recours de la personne. Au contraire. Ce qui pourrait être éventuellement prévu est que l'Etat ait une forme de recours contre le mari qui ne subvient pas aux besoins de la femme. Cela éviterait le conflit entre les deux à ce moment.

M. Giasson: C'est à ce niveau que se situe le sens de votre représentation.

M. Dufour (Denis): Exactement.

M. Giasson: Ne pas verser ipso facto de l'aide à la mère pour les besoins de la famille, mère et enfants, mais modifier notre loi, avoir un mécanisme dans la loi qui permette une subrogation contre l'époux qui est encore au travail, s'il gagne un salaire décent, de manière que s'il y a paiement d'allocations sociales à l'épouse et aux enfants, il y ait une capacité de recours pour la direction de l'aide sociale de manière à se rembourser l'aide qui a été consentie à l'épouse...

M. Dufour (Denis): ...ce qui permettrait à la dame de recevoir de l'aide entre-temps et, en même temps, peut-être de trouver une solution à son problème avec le conjoint.

M. Giasson: II y a un autre phénomène que je m'explique assez mal, je l'avoue. S'il s'est produit occasionnellement, parce que je ne crois pas que cela soit une mesure habituelle ou une attitude régulière, que des agents de bien-être aient conseillé à des époux de se séparer ou de divorcer, sous prétexte qu'ils toucheront, en définitive, une allocation plus élevée, lorsqu'on tente de reproduire ceci dans un cas pratique, je ne crois pas que cela apporte tellement de moyens financiers additionnels.

M. Dufour (Denis): En fait, celui... M. Giasson: Le couple étant séparé... M. Dufour (Denis): Oui.

M. Giasson: ...il y en a un qui quitte la famille, le milieu familial, pour aller prendre une pension ou un logement à l'extérieur et va donc faire face lui-même à un coût de logement additionnel qu'il n'a pas si la famille demeure unie ou réunie.

Si on fait un calcul de nos barèmes pour celui qui est versé à une personne seule, qui doit entretenir une maison ou qui doit être hébergée en payant un loyer par rapport au montant qui ira à la famille qui est composée d'un seul adulte ou lieu de deux, je conçois mal qu'un agent de bien-être social puisse donner un conseil sous prétexte que les deux personnes, les deux adultes en cause, vont toucher tellement plus d'argent.

M. Dufour (Denis): Je sais que la famille à laquelle je faisais référence tout à l'heure avait trouvé une légère différence, mais le point, encore une fois, que je viens de soulever dans cette intervention est l'aspect humain du problème, c'est-à-dire: La loi ne devrait-elle pas être clarifiée pour éviter dans l'avenir ces interventions qui, croyons-nous, ne devraient pas...

M. Giasson: Je reconnais le bien-fondé de vos remarques, mais, même avant d'apporter un amendement à la loi, il faudrait au moins établir une communication avec toutes nos régions au Québec, à l'intérieur de l'aide sociale, pour indiquer à nos agents d'aide sociale d'avoir une attitude différente de celle qui a pu se produire dans certains cas auxquels vous faites allusion et où

nous avons une référence découlant d'un article de journal. Cela ne m'apparaît pas orienter les gens même dans la bonne direction sous prétexte qu'on va augmenter de façon appréciable les ressources mises à leur disposition par l'aide sociale.

M. Dufour (Denis): D'accord. Maintenant, ce que je soulevais tout à l'heure, c'est qu'en clarifiant la loi, cela permettrait peut-être, dans ce domaine, s'il y avait des décisions qui étaient douteuses dans certains cas, à la personne d'en appeler plus facilement. Parce que, si on regarde les textes de loi, il y a un certain vague et il est difficile de s'en servir pour aller en appel là-dessus. On peut facilement vous dire: C'est de la discrétion.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Matane.

M. Côté: M. le Président, le ministre a soulevé la question que je m'apprêtais à poser à Me Dufour afin de savoir si, dans la région de Sept-lles, il y avait effectivement des incitations, de la part des gens de l'aide sociale, aux personnes de se séparer, puisque, dans l'article du Soleil concernant le cas de M. Smith, si je ne m'abuse, il y avait une différence de $40 à $50 de revenus pour la famille.

Alors, je m'adresse au ministre. M. le ministre, je pense que le cas soulevé, que vous avez soulevé vous-ême en posant des questions à Me Dufour, est un cas qui existe dans d'autres régions et en particulier dans la mienne, c'est-à-dire que des agents du bien-être proposent à des gens et suggèrent même à des gens de se séparer. S'il y avait eu seulement un cas, je dirais peut-être que je me suis fait emplir, je me suis fait conter des mensonges, mais ce n'est pas seulement un cas, c'est plusieurs cas et de plusieurs bureaux différents. Des gens sont venus nous dire que les agents du bien-être on dit: Séparez-vous, vous allez en avoir plus. Je pense que, dans le cas Smith, il y avait une différence de $40 à $50 et, dans des situations comme celles-là, cela représente quand même passablement d'argent.

M. Charron: Le député de Matane me permet-il de donner un exemple très précis? Imaginons un couple avec deux enfants; donc, deux adultes et deux enfants. Ils sont bénéficiaires de l'aide sociale. Ils reçoivent $397 par mois. Si un adulte prend charge des deux enfants et que l'autre adulte s'installe et reçoit du bien-être social ailleurs qu'au foyer, ils auront $325 plus $217, ce qui fait $542; donc, une nette amélioration du revenu pour les quatre personnes en cause, ce qui explique, sans aucun doute, l'intervention de M. Dufour suivant laquelle des agents de l'aide sociale peuvent, à l'occasion, dire: Vous êtes gagnants si vous vous séparez.

M. Giasson: Oui, mais tout est conditionné par le coût du deuxième logement. Si je suis la personne impliquée, quittant ma famille, je m'en vais occuper un logement qui coûte $100 par mois, cela ne correspond plus à différence de chiffres que le député de Saint-Jacques a tenté d'exprimer.

M. Samson: M. le Président, je ne sais pas, mais, au risque de soulever un débat que je ne voudrais pas soulever, je pense qu'il ne faut pas avoir peur d'appeler les choses par leur nom. Dans le cas Smith, il y avait $59 de différence, exactement, mais, dans le cas de deux adultes avec deux enfants ou un adulte et deux enfants et un adulte seul, cela fait $145 par mois de différence. Bien sûr, je suis d'accord avec le ministre que ces $145 par mois de différence... Si l'adulte séparé, celui qui vit comme célibataire, doit payer le logement, la nourriture etc., à ce moment-là, les frais sont équivalents à la différence, mais ce que personne ne semble oser dire, c'est que, dans plusieurs de ces cas qui nous ont été référés... Malheureusement, personne d'entre nous ne peut faire ce genre de preuve parce que quelqu'un a mentionné avec beaucoup d'à-propos ce matin que l'agent d'aide sociale est toujours seul avec le bénéficiaire avec qui il a affaire. Donc, pas de témoin. Quand on reçoit ce genre de plaintes, elles sont difficiles à vérifier et c'est difficile de dire: Vous avez raison. On vous a maltraité. On n'est pas là et il n'y a pas de témoin. Mais ce qu'on n'ose pas vouloir dire, il me semble, à cette table, c'est que, quand il y a des suggestions comme celles-là de faites, cela présuppose que le conjoint va aller rester pas loin et il va être en mesure de faire des clins d'oeil assez souvent. C'est ce qu'on n'ose pas dire. C'est de cette façon-là que la différence devient importante. Parce que c'est beaucoup plus, la différence réelle en chiffres. Autrement dit, on s'arrange pour ne pas rester loin et peut-être même pour avoir une adresse chez un parent pour...

Ecoutez, il ne faut pas se cacher les choses. Je pense que la vérité doit éclater en temps et lieux, il ne faut pas avoir peur de le dire, s'il y a des incitations comme ça, c'est parce qu'il y a des dispositions qui ne sont pas conformes à la loi, bien sûr, mais ces dispositions font que ça amène des gens à vouloir inciter du monde à poser des gestes que personne de nous ne voulons cautionner. Je m'excuse, M. le Président, mais je me devais de dire carrément ce que je pense.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Saint-François.

M. Déziel: Juste une question additionnelle pour renchérir avec mon collègue de Rouyn-Noranda. Lorsque, dans votre mémoire, M. Dufour, à l'alinéa 6, vous soulignez que "le ministre peut reconnaître comme chef de famille un membre autre que celui qui subvient habituellement et principalement aux besoins d'une famille lorsque ce dernier est temporairement absent", vous avez souligné le mot temporairement. Vous avez voulu, à un certain moment, définir le mot temporairement et vous n'y avez jamais trouvé aucune solution. Pouvez-vous nous expliquer si

vous aviez, dans votre esprit, le même point de vue que vient de souligner le député de Rouyn-Noranda?

M. Dufour (Denis): Ce que je voulais soulever là-dedans, en ne mentionnant pas ce que c'était que temporairement, c'est laissé à l'appréciation d'agents désignés, quelle va être leur interprétation, vous pensez? Je ne sais pas si l'agent de l'Abitibi-Témiscamingue va avoir la même interprétation que celui de Sept-lles. Si vous êtes en mesure de me le dire, je serais bien content de le savoir.

C'était ça que je voulais soulever, en fin de compte, en mentionnant cet aspect.

M. Saint-Germain: Pour continuer dans le même sens que le député de Rouyn-Noranda et de la discussion de tout à l'heure, il y a un autre phénomène, c'est que vous avez des gens qui peuvent laisser leur femme parce qu'ils ont un emploi, ils se séparent, la femme continue à vivre de l'assistance sociale et le type, qui demeure dans une chambre à côté, travaille. Cela s'inverse aussi. Un type peut vivre en commun avec une jeune fille, avoir des enfants, elle vit avec ses enfants du bien-être social et il continue à travailler ailleurs avec un numéro civique de son frère, d'un ami, ainsi de suite.

Je pense qu'il faut penser qu'une loi comme celle de l'assistance sociale est une loi sélective. Comme les êtres humains sont des animaux pensants et qu'ils essaient toujours de gagner leur vie ou de s'arracher à la vie de la façon la plus facile, ces choses sont dues pour arriver, il n'est pas facile de faire le procès de tout le monde. D'ailleurs, on a dit tout à l'heure qu'il y avait des préjugés contre les assistés sociaux. Je pense bien que ceux qui alimentent les préjugés contre les assistés sociaux sont ceux qui abusent du système. Je ne pense pas que la population se refuse à payer des taxes pour ceux qui ont réellement besoin de la communauté pour survivre.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Sainte-Marie.

M. Malépart: M. le Président, pour répondre à une question de M. Dufour à savoir si les gens appliquaient la même politique dans le bureau de Sept-lles ou dans un autre bureau, comme à Montréal, pour votre information, je peux vous dire qu'il y a un manuel de politique de l'aide sociale qui est remis à chaque agent. Concernant le problème que vous soulevez, à l'article 2.04, il est quand même clair que, selon les directives du ministère, à l'intérieur de ce manuel, on n'invite pas les officiers de l'aide sociale à inciter les gens... Si vous permettez, je vais vous le lire: "Le cas le plus fréquent est évidemment celui du recours alimentaire de la femme envers le mari, recours parfois difficile à exercer. Aux fins de l'article 2.04, une démarche raisonnable de réconciliation doit être considérée équivalente à l'exercice du droit si preuve satisfaisante en est faite. Si elle réussit en effet, la réconciliation entraînera avec elle le rétablissement du droit à l'entretien, dès qu'il devient toutefois apparent que le conjoint devrait faire valoir son droit à la pension, mais qu'il refuse de le faire avec diligence, l'aide peut être suspendue. Toutefois, il faut bien comprendre que c'est le droit à pension qui doit être exercé et non nécessairement un recours en séparation. Il n'est pas permis d'exiger ou d'inciter une personne à rompre les liens qui l'unissent à un autre, mais simplement de demander qu'elle effectue, par la voie de l'aide juridique ou l'avocat qu'elle choisit, les démarches qui feront que les responsabilités librement assumées par le conjoint soient honorées.

Les moyens à prendre, pour autant qu'ils conduisent au respect de l'obligation alimentaire, doivent être considérés du ressort du bénéficiaire et de ceux qui peuvent le conseiller.

Je ne sais pas si cela...

M. Dufour (Denis): Cela éclaircit peut-être la politique du ministère, mais comment se fait-il qu'il n'ait pas été pensé que ce soit inséré dans la réglementation ou dans la loi, sous une forme quelconque, pour permettre au moins au bénéficiaire, si, éventuellement, il se croyait lésé, d'en appeler plus facilement?

M. Giasson: Me Dufour, à l'aide sociale, il intervient plus de 200 000 transactions et communications par mois. Près de 20 000 personnes quittent et nous arrivent chaque mois. La rotation des bénéficiaires, comme celle du personnel, est assez grande. Dans une pareille masse de transactions, il peut arriver qu'à l'occasion, un agent ait la réaction dont vous avez parlé. C'est inévitable. Je serais prêt à parier avec vous que le cas va survenir à nouveau, la nature humaine étant ce qu'elle est.

En long et en large, pour avoir discuté avec les agents, notre politique de ne pas inciter et de référer, dans toute la mesure du possible à l'aide juridique dont vous faites partie, est celle qui prévaut dans la très grande majorité des cas, je dirais dans plus de 99% des cas.

Ce à quoi vous faites allusion, au fond, c'est une limite à laquelle on parvient, naturellement, dans l'application d'un problème aussi difficile. Une chose que je retiens de ce que vous avez dit, c'est que la loi n'est pas assez claire. Je pense que vous avez raison de dire que la loi n'est pas assez claire. Nous sommes actuellement en voie d'étudier des amendements possibles, quoique cela implique des droits civils d'une grande importance. Il se pourrait que, d'ici un an ou moins, le gouvernement, s'il le jugeait opportun, prenne une décision dans ce sens, quoique le comité d'étude n'ait pas encore fait son rapport.

Le fondement de votre intervention est bon. Mais ce que vous y voyez comme geste administratif n'est pas notre politique et tous nos agents sont prévenus.

M. Dufour (Denis): J'espère que le point que vous soulignez en disant qu'il y aura des amendements dans cette loi concernant les gens sépa-

rés de fait, cela pourra venir assez rapidement, parce que, actuellement, la loi telle qu'elle est rédigée, laisse place à la discrétion et la discrétion laisse éventuellement place, dans certains cas, à l'arbitraire.

Le Président (M. Cornellier): Me Dufour, je vous remercie de votre intervention...

M. Séguin: M. le Président...

Le Président (M. Cornellier): Oui. Un instant, le député de Pointe-Claire.

M. Séguin: Je ne l'ai pas entendu mentionner. Vous représentez le Comité de citoyens de Sept-Iles. J'ai négligé de le demander à ceux qui sont venus avant, j'aurais voulu le faire.

Ce comité de citoyens représente combien de personnes?

M. Dufour (Denis): Ce comité de citoyens est formé de gens qui sont dans différents organismes; ils sont une quinzaine de personnes. J'aimerais quand même préciser que ce sont des gens qui font partie d'organismes tels que l'Union des défavorisés de Sept-lles, qui regroupe, en fin de compte, tous les assistés sociaux de Sept-lles; il y a également l'Escale, qui est un organisme d'accueil pour les gens qui ont des problèmes immédiats. Il y a des représentants dans le comité en question.

M. Séguin: Est-ce que c'est une situation qui ressemble à celle qui nous a été expliquée ce matin, dans le cas de Rouyn-Noranda, où il y avait ce comité de citoyens, ou il n'y avait pas de CLSC? Est-ce qu'il y a un CLSC à Sept-lles?

M. Dufour (Denis): II n'y a pas de CLSC à Sept-lles, actuellement.

M. Séguin: Merci.

Le Président (M. Cornellier): Me Dufour, je vous remercie.

M. Dufour (Denis): Merci, messieurs.

Société Saint-Vincent-de-Paul de Montréal

Le Président (M. Cornellier): J'invite maintenant la Société Saint-Vincent-de-Paul de Montréal. J'inviterais celle-ci à inclure dans son groupe le capitaine Marchessault, qui est ici présent.

Messieurs, si vous voulez bien vous identifier et procéder à la présentation de votre mémoire?

M. Parent (Jean-Paul): Jean-Paul Parent, président du conseil central de Montréal de la Société Saint-Vincent-de-Paul.

M. Vaz (Joviano): Joviano Vaz, directeur général du conseil central.

M. Goulet (Denis): Denis Goulet, membre du comité exécutif de la Société Saint-Vincent-de-Paul, conseil central de Montréal.

M. Marchessault (Henri): Henri Marchessault, capitaine détective, officier commandant de l'unité d'enquête sur les prêts usuraires de la police de la Communauté urbaine de Montréal.

M. Boyer: André Boyer, conseiller au conseil central de la Société Saint-Vincent-de-Paul de Montréal.

Le Président (M. Cornellier): Vous pouvez procéder.

M. Parent (Jean-Paul): On essaira d'être le plus bref possible. On pourrait peut-être commencer par un bref retour historique sur ia société, pour savoir qui nous sommes.

La Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal offre des services à la population montréalaise depuis 1848. C'est dire qu'elle fut à l'origine de nombreuses mesures de bien-être et de services sociaux.

En 1976, plus de 1000 membres actifs reflètent son action et ses interventions dans 170 paroisses du Montréal métropolitain et Laval. Ses services, faciles d'accès pour la population, étant donné sa présence en milieu paroissial, sautent du dépannage à la promotion sociale, en passant par des services plus spécifiques tels: l'Accueil Bonneau (hommes seuls itinérants), visites et appui aux malades et personnes âgées, en institution ou à domicile, comptoirs ou mini-prix de vêtements, mobilier, cours de base en couture, cuisine, tenue de budget, etc.

C'est à travers ces mesures de dépannage que la Société Saint-Vincent-de-Paul constate à la fois les possibilités et les lacunes ou omissions de la Loi d'aide sociale. Sa présence à la commission parlementaire portant sur ce sujet soulignera ces derniers points de la législation.

Commentaires: A l'article 1.04, en ce qui regarde les refus, ce que nous aimerions ajouter à l'article 1.04 b): Toutefois, l'aide pourra être versée dans la mesure où les revenus antérieurs à l'arrêt de travail justifiaient une aide selon la Loi de l'aide sociale.

A l'article 2.14: Aucune garantie n'intervient à l'égard d'une personne seule apte au travail et de moins de trente ans... Ici, nous favoriserions qu'une garantie soit donnée aux personnes qui sont aptes au marché du travail ou à l'établissement d'un ménage dans des conditions normales.

Suite à cet article, le capitaine-détective Marchessault, à la fin de notre exposé, exposera peut-être un autre angle de cet article.

A l'article 3.02 b): En août seulement, pour tout enfant à charge qui fréquente une institution d'enseignement— un montant supplémentaire devrait s'ajouter à l'aide mensuelle... Nous autres, nous aimerions quand même que le ministère se penche davantage de plus en plus, au fur et à mesure que les études avancent, tant au niveau secondaire qu'au CEGEP.

L'article 3.05: Le maximum actuel est de $85 par mois. Ici, on parle du loyer. Compte tenu de la rareté des logements à Montréal, de I'augmentation du coût de la vie et des augmentations à prévoir à cet effet, nous souhaiterions que les tables soient portées à $85 par mois pour une personne et jusqu'à un maximum de $110 par mois pour deux personnes et plus. Afin d'éviter toutes formes de discrimination, il serait juste que le ministère des Affaires sociales, par le biais de son personnel affecté à l'aide sociale, invite sa clientèle assistée sociale à recourir à des baux où le coût du loyer inclut la taxe d'eau.

L'article 4.03: Le ministère des Affaires sociales a nettement amélioré son programme pour les clients touchés par un incendie; c'est heureux et nous l'en félicitions. Toutefois, contrairement aux anciennes dispositions de la loi, tous les cas de petits salariés sont exclus de cette mesure. Vous connaissez sûrement les conditions d'admissibilité aux assurances pour les résidents de certains quartiers montréalais le coût prohibitif des primes ou refus d'assurer. Ces citoyens deviennent par conséquent très vulnérables et risquent le dépouillement complet advenant un incendie. Tenant compte de ce facteur, peut-être pourrait-on prévoir leur conserver au minimum les anciens bénéfices prévus dans la Loi d'aide sociale, en utilisant comme barème d'admissibilité les mêmes normes qui permettent l'accès aux services juridiques, dans cette même catégorie les pensionnés, les chômeurs et enfin les petits salariés.

Autres observations. Les aides familiales. Le principe d'universalité sous-jacent à la politique de confier l'évaluation et l'administration de ces services aux centres de services sociaux nous paraît raisonnable et un désir marqué de justice sociale en rendant ces services accessibles à toute la population.

Par contre, les centres de services sociaux n'étant pas prêts à accepter et absorber cette responsabilité dans l'immédiat, nous souhaiterions le retour aux modalités antérieures de la Loi d'aide sociale pour éviter des situations de placements d'enfants ou de tiraillements dans les familles, lorsque ces services revêtent un caractère urgent et indispensable.

Soins dentaires. Encore ici, la philosophie envisagée est excellente, mais son application irréalisable pour le moment, avec le résultat que sur le territoire métropolitain, du moins, il est impossible pour le bénéficiaire de l'aide sociale de recevoir pour lui et les siens, enfants, etc., des soins dentaires. Il aurait mieux valu s'assurer auprès des professionnels de l'acceptation des offres de rémunérations avant d'abolir totalement la mesure au sein de la Loi de l'aide sociale.

Article 5.09. La loi devrait prévoir des mécanismes plus rigides dans les cas où le débiteur ne respecte pas ses engagements quant au versement d'une pension alimentaire. Trop souvent, ce sont la femme et les enfants qui font les frais du non-versement des engagements ou sentences envers le débiteur.

Aide aux immigrants. Nous voulons attirer votre attention sur le problème de l'immigration.

Plusieurs immigrants, à cause d'un parrainage irresponsable, par crainte de représailles et de poursuites, ne dénoncent pas ces situations et vivent dans ces conditions déplorables.

Ce problème se répète au niveau des réfugiés, nous déplorons ce manque de responsabilités au niveau gouvernemental.

Je cède la parole au capitaine.

M. Marchessault (Henri): Pour situer le contexte de mes commentaires, je dois dire, tout d'abord, que je dirige, pour le service de la Communauté urbaine de Montréal, une unité d'enquêtes spécialisées qui touchent, ce qu'il est connu en français comme étant le prêt usuraire. Or, au cours des expériences qu'on a acquises durant les trois dernières années, on en vient à conclure, c'est-à-dire qu'on constate, premièrement, qu'on a rencontré, interviewé, ou discuté avec environ 7000 personnes qui sont des clients de prêteurs à taux usuraire, parce que nous avons arrêté environ 97 prêteurs depuis le début de cette période. Nous avons constaté, en faisant les statistiques de ces arrestations et de ces interviews, que nous avons faites avec des victimes, qu'environ 80% de ces victimes se situent parmi ce qu'il est convenu d'appeler la classe défavorisée, c est-à-dire des gens qui travaillent au salaire minimum, qui reçoivent de l'assistance sociale, de l'assurance-chômage ou toute autre forme d'assistance.

Ces gens représentent tout de même un nombre assez considérable de personnes. Nous n'avons malheureusement pas comptabilisé exactement le nombre d'assistés sociaux qui étaient impliqués comme clients. Maintenant, nos enquêtes nous amènent aussi à conclure qu'il y aurait à peu près à Montréal actuellement un nombre d'environ 200 000 personnes qui, potentiellement, seraient des clients de prêteurs à taux usuraire ou. si vous aimez mieux, du marché clandestin de l'argent. Cela nous amène à conclure, encore une fois, que le nombre d'assistés sociaux qui sont clients de prêteurs à taux usuraire, peut être tout de même assez important.

Maintenant, pourquoi des gens au faible revenu, ou qui sont des assistés sociaux, font affaires avec le marché clandestin de l'argent? La raison principale que nous dégageons de nos observations est simplement parce qu'ils n'ont pas d'entrée dans le marché traditionnel de l'argent, ils n'ont pas de possibilité d'emprunter dans une institution financière, comme une banque, une caisse populaire ou une caisse d'employés, à cause justement de leur mauvaise réputation de crédit. Donc, le besoin de crédit existant pour eux. autant que pour d'autres classes de la société, ils se dirigent vers le marché clandestin de l'argent pour effectuer des emprunts à des taux qui peuvent varier, d après les expertises comptables que nous avons fait faire, entre 300% et 2000% annuellement.

Alors, quel est le sort qui attend un individu qui, incapable d'emprunter sur le marché conventionnel de l'argent, se dirige vers le marché clan-

destin? Pour commencer, nous avons constaté dans la majeure partie des cas, que les emprunts types — c'est-à-dire le premier emprunt d'une personne à un prêteur à taux usuraire, quand on parle toujours du 80% des gens qui sont défavorisés — se situent entre $50 et $100. Ces emprunts sont effectués sur une base hebdomadaire comme tous les prêts consentis par le crime organisé au niveau des prêts à taux usuraire.

Les montants d'intérêt varient, de toute façon, de façon inversement proportionnelle au montant de l'emprunt, c'est-à-dire qu'un emprunt de $50 portera souvent des intérêts de 2000% annuellement, tandis qu'un emprunt de $10 000 qui serait fait par un adepte du jeu, le niveau d'intérêt se situera aux environs de 300%.

C'est donc les défavorisés, les gagne-petit et les assistés sociaux qui paient finalement les plus hauts taux d'intérêt. Cela les conduitoù? Ce qu'on connaît des structures du prêt usuraire actuellement, nous amène à croire que ça les conduit souvent dans une carrière criminelle. Actuellement, nos statistiques nous disent qu'environ 33% des gens que nous avons interviewés nous ont admis ou nous ont raconté que dans le passé, pour tenter de s'en sortir, ils avaient commis un ou plusieurs actes criminels pour essayer de se renflouer financièrement et de repayer leur prêteur.

Vous conviendrez avec moi que c'est assez difficile, tout de même, d'admettre à des enquêteurs policiers qu'on a commis, dans le passé, un certain nombre d'actes criminels pour tenter de s'en sortir. Cela nous laisse prévoir ou conclure que si 33% de ces gens nous ont admis ce fait, il est fort possible qu'environ 50% ou 60% aient commis des actes criminels pour tenter de s'en sortir.

Je crois qu'à la lumière de ce qui est connu actuellement, il y a une solution qui est possible pour aider ces gens à ne pas se tourner vers le marché clandestin de l'argent, elle est contenue en partie dans l'article 2.14 du projet de loi, c'est de donner une possibilité à ces gens d'obtenir des prêts de dépannage des institutions bancaires reconnues et à des taux d'intérêt logiques.

La Banque royale du Canada, comme vous le savez sûrement, a fait une expérience pilote à Montréal avec une succursale communautaire, et je crois que sans qu'on puisse dégager les résultats complets de cette expérience pilote, il est d'ores et déjà acquis qu'il a été possible, dans plusieurs cas, même dans le cas d'assistés sociaux, de les amener à administrer leur budget de meilleure façon, et à tenter de n'emprunter que dans des conditions d'urgence. Evidemment, dans le contexte d'une possibilité d'emprunt pour un assisté social ou n'importe quel genre de petit salarié, il est évident qu'il faut penser que cette possibilité d'emprunt sera assortie d'une éducation financière quelconque qui l'amènera à ne pas emprunter, sauf pour des cas extrêmement urgents.

Par contre, si on tient pour acquis que beaucoup d'assistés sociaux empruntent déjà sur le marché clandestin de l'argent à des taux d'intérêt qui paraissent, au premier abord, ignobles, il de- vrait y avoir un mécanisme, tel que l'article 2.14 de votre porjet de loi, pour permettre à ces gens de se procurer de l'argent d'urgence par un moyen légal.

Merci.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, j'avais des questions pour M. Marchessault, mais il a déjà répondu à peu près à tout. Evidemment, la question qui sautait aux yeux après le témoignage que nous avons eu ce matin, est la suivante: Comment ces gens peuvent-ils rembourser à des taux semblables s'ils n'ont que $217 par mois, par exemple, pour prendre le cas des célibataires? La voie du crime est un moyen qui apparaît normal.

Etes-vous au courant, M. Marchessault, du sort fait à ces assistés sociaux découverts fraudeurs, en quelque sorte, ou criminels, dans un acte bien précis, reconnu dans les lois du Québec ou du Canada, le sort fait à ces gens devant les tribunaux, du fait qu'ils ont été victimes, d'une part, de prêteurs usuraires, ce qui peut expliquer ou atténuer les circonstances du crime, et, d'autre part, du fait qu'ils n'ont que $217 par mois, ce qui conduisait presque automatiquement à l'approche, au moins, d'un acte criminel?

M. Marchessault: Dans le cas où ces gens n'ont pas été arrêtés avant notre intervention, c'est-à-dire dans les cas où ces gens nous ont admis simplement et candidement avoir commis des actes criminels dans le passé, il est bien évident que mon service n'a pris aucune procédure judiciaire, parce qu'on considérait ces gens beaucoup plus comme des victimes que comme des criminels.

Evidemment, dans plusieurs cas, mon bureau a suivi quelques-uns de ces gens pour tenter de voir à ce que cela ne se répète pas dans le futur.

Dans le cas où les personnes sont arrêtées au cours de la commission d'un acte criminel et qu'elles avouent que c'est pour tenter de régler leurs dettes avec un prêteur à taux usuraire, évidemment, mon bureau n'a pas la possibilité d'arrêter les procédures. La procédure se continue normalement.

Je me suis rendu à plusieurs reprises devant les tribunaux, devant les juges de juridiction criminelle dans le secteur de Montréal, pour intercéder auprès d'eux en expliquant la situation et en confirmant les faits énoncés par l'accusé présumé qu'après enquête de mon bureau, les faits étaient vrais, il devait réellement des sommes d'argent à un prêteur à taux usuraire, et en expliquant au juge qu'il devrait peut-être être considéré plus comme victime que comme accusé.

M. Charron: Obtenez-vous souvent gain de cause, clémence du tribunal à l'égard de ces personnes?

M. Marchessault: Dans les cas où nous som-

mes intervenus, nous avons eu une très bonne réceptivité de la part des tribunaux et, dans quelques cas dont je me souviens, les accusés ont été remis en liberté provisoire, évidemment, mais on ne pouvait pas empêcher le fait qu'ils aient un dossier judiciaire par la suite.

M. Charron: Une dernière question à vous, M. Marchessault. Le prêt usuraire à l'égard des assistés sociaux où les assistés sociaux sont les victimes est-il à la hausse ou est-il à la baisse, par exemple, dans le territoire de Montréal?

M. Marchessault: Je suis peut-être un peu incapable de répondre à votre question, parce que les données du problème que nous possédons sont relativement récentes. Il est peut-être trop tôt pour nous pour établir des comparaisons. Evidemment, si on se fie à l'expérience de certaines villes américaines à ce sujet, certaines villes américaines que j'ai eu l'occasion de visiter pour y discuter avec des spécialistes de l'endroit, on sent normalement qu'aussitôt que l'argent devient plus rare sur le marché conventionnel ou que les taux d'intérêt du marché conventionnel augmentent, les gens ont tendance, de façon régulière, à s'adresser au marché clandestin.

M. Charron: M. le Président, je veux maintenant m'adresser à celui qui s'est fait le porte-parole du groupe, M. Parent, pour, je le dis modestement, rétablir certains faits.

J'ai lu vos commentaires à l'article 3.05 de la réglementation sur le barème de logement. Or, je ne veux pas reprendre les débats que j'ai menés à plusieurs reprises à la commission des affaires sociales sur ce sujet, mais il me semble que votre compréhension de votre article 3.05 est erronée, et je me permets de vous l'expliquer pour avoir ensuite vos commentaires, si vous me le permettez.

Je lis l'article 3.05 tel quel, avant de me référer à vos commentaires: "Les besoins ordinaires..." — entre nous, c'est le montant alloué en vertu des barèmes apparaissant à l'article 3.01 des assistés sociaux — "... sont réduits de la somme pour lesquels les frais qu'un ménage encourt pour se loger sur une base mensuelle sont inférieurs à $85 pour une famille et à $65 pour une personne seule."

Je ne vais pas plus loin parce que c'est là que porte ma compréhension de la loi. Cela veut dire que si, par hasard — prenons le cas de Saint-Jacques, chez nous, dans le bas de la ville — quelqu'un réussit encore à dénicher un appartement sur la rue Amherst, sur la rue Wolfe, sur la rue Beaudry, de $65 par mois — c'est une famille — c'est littéralement un taudis, on en conviendra. S'il y a encore des logements à $65 dans Montréal, ce ne sont certainement pas des logements d'une très grande qualité, il est pénalisé pour avoir réussi à se loger à moins cher que $85. Il perd les $20 de différence. C'est ce que cela veut dire. Cela veut dire que je favoriserais l'abolition pure et simple de cet article, non pas parce qu'il est un barème de logement qui fixe le logement à $85, mais parce qu'il n'y a à peu près plus de logements à $85 ou inférieurs à $85. Donc, la pénalité ne s'impose pas sur les besoins ordinaires la plupart du temps, d'une part, mais aussi quelqu'un qui réussirait encore, aujourd'hui, à se trouver un logement sur les rues mentionnées ou ailleurs, inférieur à $65, si c'est une personne seule, qui réussirait à s'y loger d'une manière quasiment miraculeuse aujourd'hui, je trouve et j'ai déjà affirmé souventefois à la commission ici, lorsqu'on étudiait le budget de l'aide sociale, que c'est pénaliser des gens sur des choses qu'ils ne méritent pas.

Si quelqu un réussit à trouver un logement à $65, pourquoi lui supprimer $20... Une chambre à $15 par semaine existe encore sur la rue Saint-Hubert, une chambre à $15 par semaine, ce qui fait $60 de location par mois. Ce n'est pas $217 qu'il va recevoir, c'est $212.

Parce qu'il a réussi à sauver $5 sur le logement, on ies lui enlève sur ce qu'on appelle les besoins ordinaires. Ce n'est pas un barème, comme vous lavez peut-être laissé entendre, qui dit qu'on calcule que le barème des assistés sociaux s'élève à $85 et, s'ils paient plus cher, ils sont pénalisés. C'est le contraire, c'est s'ils paient moins cher. Donc, pour deux raisons, je crois que cette disposition devrait partir. D'une part, parce qu'elle ne se produit à peu près plus. Cela peut arriver dans des régions éloignées des grands centres urbains. Je pense qu'on peut, dans un village de la Gaspésie, par exemple — on entendra tout à l'heure les gens du Bas Saint-Laurent — par un tour de force trouver un logement inférieur à $85 pour une famille ou $65. Cela se peut encore. Cela se peut de moins en moins. Le député de Rouyn-Noranda et le groupe qu'on a entendu le premier nous disaient qu'à Rouyn, c'est $125. Donc, l'article ne s'applique à peu près jamais. Ce qu'il est immonde de faire, c'est, quand cela s'applique, quand quelqu'un accepte de faire des sacrifices sur son logement, accepte d'habiter un taudis pour pouvoir mettre un peu plus d'argent sur la nourriture des enfants, par exemple, ou le vêtement personnel du couple, ce qui est tout à fait normal, c'est de le pénaliser de la sorte. Je sais, encore une fois, et je le répète, que ces cas ne se produisent plus avec la fréquence qu'ils pouvaient avoir, par exemple, en 1970, et je continue à croire que cet article ne devrait pas être là.

Si un bon monsieur du bas de la ville de Montréal réussit, par exemple, à se trouver une chambre, coquerelles fournies, la plupart du temps, à $15 par semaine, donc $60 par mois, c'est d'une mesquinerie épouvantable que de lui soutirer $5 parce qu'il a réussi à trouver un logement de cet ordre-là. C'est exactement — le ministre me corrigera, si je me trompe — ce que dit l'article 3,05 contrairement à l'interprétation que vous avez donnée — il dit: Les besoins ordinaires sont réduits de la somme par laquelle le ménage réussit, sur une base mensuelle, à se loger à moins de $85, si c'est une famille, à moins de $65, si c'est un adulte...

Au moment où cette disposition pouvait peut-être s'appliquer concrètement au Québec plus souvent, au moment où il se trouvait des logements de ce prix-là, il était de mise, je pense, et nous l'avons fait, plusieurs membres peuvent en

témoigner, et j'ai reçu là-dessus l'appui de plusieurs députés ministériels aussi dans le débat que nous avions, c'est d'une mesquinerie épouvantable que de soutirer $5 ou $10 si— une famille réussit à se loger à $75, par exemple. Or, si je reprends votre texte, je veux bien vous donner l'occasion de donner une autre interprétation, j'ai l'impression que vous avez saisi à l'envers le phénomène 3,05. Ce n'est pas un montant qu'il reçoit de plus, c'est un montant qui lui est retiré s'il réussit à se loger pour moins cher que cela.

M. Parent (Jean-Paul): En fait, automatiquement, en interprétant le texte de cette façon, on empêche peut-être la diminution du montant octroyé pour le loyer. Il y a une chose sûre, c'est lorsque l'on vit... Moi-même, j'ai été président de la conférence Saint-Jean-Baptiste, voisin de chez vous, à Saint-Louis-de-France, dans le temps, lorsque vous louez un appartement ou un logement à $65 par mois, vous êtes obligé d'investir par en arrière un montant de $300 ou $400 pour faire un ménage.

M. Charron: Le chauffage.

M. Parent (Jean-Paul): Le chauffage aussi.

M. Charron: Le chauffage l'hiver, dans ces cabanes-là...

M. Parent (Jean-Paul): Dans ces taudis-là, je pense bien que les fenêtres ne sont pas calfeutrées et des fissures, il y en a un peu partout. C'est sûr que vous avez raison de ce côté. On pénalise quand même les assistés sociaux en diminuant, parce que celui qui réussit quand même à prendre un logement bon marché est obligé, malgré lui, de faire un ménage et d'investir davantage pour pouvoir vivre à l'intérieur de ce logement.

M. Charron: Je vous remercie, M. Parent.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je voudrais remercier les gens de la Société Saint-Vincent-de-Paul, qui nous ont présenté un mémoire très objectif. Je vous avoue bien franchement que les propos qu'a tenus également le capitaine Mar-chessault m'intéressent grandement et je trouve extraordinaire de voir que des défavorisés de la société soient aux prises, dans une proportion si forte que celle que vous avez mentionnée, avec les "shylocks". Evidemment, c'est un marché qui peut être en or pour ce genre de prêteurs à taux usu-raire. Bien sûr, je pense que la commission va tenir compte des propos que vous avez tenus devant cette commission, mais je n'ai pas tellement de questions à poser. Je suis pas mal d'accord sur ce que vous dites là sauf que je voudrais peut-être poser une question au ministre immédiatement pour savoir quelles sont les chances que le ministère réévalue l'article 4,03, l'article qui traite des indemnités en cas d'incendie.

Nous savons que, jadis, toute personne — comme vous l'avez si bien mentionné d'ailleurs — pensionnée, chômeur ou petit salarié, en cas d'incendie, pouvait obtenir de l'aide pour cet événement particulier. Aujourd'hui, il faut absolument être un client de l'aide sociale pour y avoir accès. Personnellement, ma considération est la suivante. C'est que l'on reçoive un montant X en provenance de l'aide sociale ou un montant à peu près équivalent parce qu'on travaille. Cela arrive, il y a beaucoup de gens qui travaillent pour des salaires qui sont parfois la même chose que l'aide sociale, pour les petits salariés. Alors, quand il arrive un incendie chez eux, ces gens sont totalement hors de toute possibilité de recours, se retrouvent carrément dans la rue.

J'ai eu l'occasion d'en discuter à quelques reprises, lorsqu'il y a eu des incendies, avec plusieurs personnes du ministère et, bien sûr, on a semblé sympathique au fait que ces gens auraient dû être encore couverts par la nouvelle réglementation. Mais je voudrais demander au ministre quelles sont les chances de voir revenir une possibilité pour les petits salariés, les défavorisés, qui ne sont pas nécessairement des clients de l'aide sociale, au moment de l'incendie, de pouvoir obtenir une certaine aide?

La réglementation...

M. Giasson: Parmi les différents articles qui vont faire l'objet d'une révision, révision au cours de laquelle je me propose d'avoir le plus grand nombre de collègues... Ce n'est pas assez fort? On va rapprocher le micro.

J'étais à dire que, lorsque nous allons procéder à une révision des différents articles des règlements de l'aide sociale, révision qui se fera en présence de tous les membres de l'Assemblée nationale qui sont intéressés à émettre des points de vue...

M. Côté: Je vous remercie beaucoup.

M. Giasson: ... l'article 4,03 est un de ceux qui va assurément être revu. J'ai eu l'occasion d'entendre des commentaires de différentes personnes vis-à-vis du changement qui a été apporté aux règlements et qui a limité l'aide à la suite d'incendie uniquement à ceux qui étaient déjà bénéficiaires de l'aide sociale et les craintes qu'on avait exprimées à ce moment étaient les suivantes. Les montants d'aide en cas d'incendie étant augmentés, ces gens craignaient qu'un très grand nombre de clients possibles à la suite d'incendies pourraient venir chercher de l'aide au niveau de cet article du règlement. On a prétendu qu'à la suite d'incendies, des gens qui étaient des travailleurs, qui gagnaient $6000 ou $6500 par année, $7000 par année, en supposant qu'ils soient chefs d'une famille de trois enfants et plus, pourraient émerger de cette aide prévue et conçue d'abord pour les bénéficiaires de l'aide sociale.

C'est une argumentation qui peut avoir une certaine valeur, je le concède, mais, au-delà de ce point de vue, de cette attitude qu'avaient eu des personnes à l'endroit de ce que seraient les

conséquences possibles ou éventuelles à l'endroit d'un bon nombre de citoyens qui ne sont pas des bénéficiaires mais des travailleurs, je crois qu'il faut tout de même, dans un programme de révision, revoir la teneur de cet article. C'est le point de vue que j'ai à ce propos.

M. Charron: M. le Président, une seule remarque, si vous me permettez, sur le sujet abordé par le député et qui me donne l'occasion de corriger un oubli. Lors des incendies du quartier centre-sud de Montréal, pendant la grève des pompiers en novembre 1974, je tiens à signaler à l'attention de tous les membres de la commission et des gens qui participent à nos travaux aujourd'hui, que les gens qui sont en face de nous, qui représentent la Société Saint-Vincent-de-Paul, ont fait une oeuvre absolument admirable dans tous les sens du mot, de dévouement et de beaucoup de sollicitude à l'égard des personnes touchées. En même temps aussi, j'en profite pour le dire puisque, ce matin, cela a été sur le sujet, les bureaux d'aide sociale, en particulier celui de la rue Plessis, étaient devenus de véritables maisons d'urgence à l'occasion; les officiers du bien-être social de ces bureaux ont été, aussi, merveilleux dans leur travail.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Sainte-Marie.

M. Malépart: J'aurais une question pour le capitaine Marchessault. Est-ce que, rapidement, vous pourriez nous expliquer de quelle façon un individu peut obtenir un prêt du "shylocking "? A quel endroit et de quelle façon cela peut-il se faire?

M. Marchessault: Le réseau de prêts clandestins qui fonctionne dans une ville comme Montréal — et disons-le tout de suite, sans être alarmiste — dans à peu près toutes les villes de la province, toutes les concentrations de population, normalement, est structuré et possède un réseau de dépisteurs.

Sans vouloir cataloguer ou blâmer les catégories d'employés spécifiques, disons qu'à Montréal, en particulier, ce réseau de dépisteurs opère, en général, à l'intérieur des endroits licenciés, plus particulièrement dans les tavernes.

Nos enquêtes nous prouvent d'ailleurs que, dans plusieurs tavernes de Montréal, sinon la majorité, il existe un réseau de prêts à taux usuraire. Il s'agit de connaître un des dépisteurs qui vous présente au prêteur. Ce prêteur vous avance des sommes d'argent sans même savoir votre nom, se fiant sur le fait que le dépisteur, lui, le connaît et qu'il va fournir les renseignements par la suite.

Cela représente une facilité assez déconcertante d'obtenir de l'argent sur le marché clandestin.

M. Charron: M. Marchessault, si des gens utilisent l'article 2.14, c'est bien cela, l'article 2.14, que vous avez mentionné?

M. Marchessault: Oui.

M. Charron: Celui qui leur donne le droit de se présenter à une institution bancaire pour rembourser des gens du prêt usuraire?

M. Marchessault: Ce serait quelque chose de très mauvais, si on se mettait à prêter de l'argent à des assistés sociaux pour rembourser leur prêteur à taux usuraire, parce qu'à ce moment-là, automatiquement, on financerait le prêt usuraire un petit peu.

Je crois qu'il y a une distinction à faire entre un prêt d'urgence et le fait de se dépanner vis-à-vis d'un prêteur à taux usuraire. Je crois que la publicité que nous avons menée à Montréal, en particulier, parce que c'est à peu près la seule ville canadienne qui combat le prêt à taux usuraire actuellement, démontre assez aisément qu'il est facile de s'adresser à son corps de police pour se défaire de l'emprise d'un prêteur. C'est très possible et c'est très facile même.

M. Charron: C'est évidemment ce qui est souhaitable.

M. Marchessault: D'ailleurs, l'expérience que nous vivons avec la Banque Royale du Canada, actuellement, la succursale communautaire, à l'intérieur des ententes que nous avons faites avec la Banque Royale, c'est que la banque ne prête jamais pour remettre à un prêteur à taux usuraire. La banque réfère le sujet à mon bureau au début. Nous réglons son problème avec le prêteur à taux usuraire. Ensuite, pour se dépanner dans l'avenir, on le réfère à la banque. Jamais, en aucun temps, pour payer le prêteur.

M. Charron: Je ne veux pas allonger le débat là-dessus, mais il se peut qu'un assisté social se présente pour se prévaloir de l'article 2.14 en disant qu'il a l'intention de prendre la somme de $300 ou $400 pour s'acheter des meubles, mais qu'il n'en est rien non plus.

M. Marchessault: Connaissant le problème, je crois qu'il serait facile, pour le ministère, d'informer les mandataires, qui pourraient faire des prêts, d'être très prudents à cet effet, parce qu'à ce moment-là, on va grever le budget de l'assisté social et cela va recommencer encore.

Le lendemain, n'ayant plus l'opportunité d'emprunter dans une banque, il va retourner chez son prêteur à taux usuraire et il va recommencer.

M. Malépart: Pour l'information du député de Saint-Jacques, l'article 2.14 ne s'applique pas encore, parce que les caisses populaires n'ont pas donné leur assentiment. Présentement, à Montréal, il y a seulement la Banque Royale. Depuis trois ans et demi que cela existe, au coeur du comté de Sainte-Marie, et les méthodes d'emprunt n'ont pas été de remettre au type la somme de $300.

On lui dit: Va magasiner — si c'est un réfrigérateur, par exemple — et apporte la facture. Si le type avait $300 et un réfrigérateur pour $250, c'est une économie de $50. Ce sont les moyens et une façon de calcul, aussi.

Concernant cette position, est-ce que le ministre pourrait me dire, étant donné que les caisses populaires font entendre leur décision, s'il a l'intention de consulter d'autres institutions bancaires? Personnellement, je pense qu'étant donné que la Banque royale a déjà une expérience, peut-être qu'elle serait intéressée à collaborer à ce programme ou d'autres. Pour ma part, je souhaiterais que ce soient toutes les institutions bancaires.

M. Giasson: Evidemment, dans ce secteur, il est assez illusoire de songer que le siège social d'une banque quelle qu'elle soit, par exemple, que la Fédération des caisses populaires puisse forcer la main à toutes les succursales ou à toutes les filiales pour les obliger à consentir des prêts à des bénéficiaires d'aide sociale, si le gérant de l'établissement n'a pas une certaine marge de manoeuvre ou d'appréciation vis-à-vis de la personne qui se présente pour obtenir un prêt.

Présentement, on a senti une certaine hésitation de la part de la Fédération des caisses populaires du Québec à ouvrir les portes toutes grandes de ce côté et, même si c'était une décision déjà prise par la fédération, je conçois mal que la fédération pourra obliger chacune des caisses populaires affiliées à endosser ce service qu'on a pensé donner par cette capacité de prêts d'un montant maximal de $500.

M. Malépart: Ce que je voudrais savoir...

M. Giasson: Cela n'exclut pas la possibilité, quelle que soit l'attitude de la Fédération des caisses populaires du Québec, que la direction de l'aide sociale établisse des contacts avec d'autres sociétés prêteuses ou bancaires et d'examiner avec elles un aménagement, selon les garanties qui ont été prévues à l'endroit de ces sociétés ou de ces établissements. Si ces gens étaient prêts à vivre l'expérience, nous sommes encore, à la direction de l'aide sociale, disposés à la vivre véritablement, surtout si on tient compte des résultats qu'a apportés l'expérience d'une banque dans la région de Montréal, dans un milieu qui est plutôt constitué de défavorisés.

Les propos qu'on m'a tenus, à la suite de l'expérience vécue par cette banque, c'est que l'expérience en valait véritablement le coup. Les bénéficiaires de l'aide sociale ou les défavorisés, même si ce ne sont pas des bénéficiaires, ont prouvé une capacité de remboursement tout aussi grande que celle de toute autre classe de citoyens; ils ont prouvé posséder un sens de l'honnêteté, un sens de la dette, du respect d'une dette, tout autant que tout autre citoyen qui n'est pas de cette classe, des personnes les plus démunies.

M. Malépart: D'accord. Au niveau de la Société Saint-Vincent-de-Paul, concernant l'article 3.02 b), concernant l'allocation de $25, je pense que cela fait au moins trois ans que c'est à ce même montant. Je suis entièrement d'accord que cela doit être haussé. Je vais vous donner seulement un exemple...

M. Giasson: M. Malépart, vous vous donnez trop de peine, je partage votre avis.

M. Malépart: Les fournitures scolaires pour un élève de sixième année — les prix que je vous donne, c'est fait par un groupe communautaire à petit budget — s'élèvent à $22.18, sans tenir compte du vêtement. Je pense que c'est une mesure qu'il faudrait améliorer le plus tôt possible.

Pour l'article 4,03, je pense que le député de Saint-Jacques a raison d'affirmer que les conférences de la Saint-Vincent-de-Paul et le bureau de la rue Plessis ont joué un très grand rôle, car j'ai vécu moi-même ces événements. A l'époque, le président de la Saint-Vincent-de-Paul était M. Boyer et, à 3 heures de la nuit, j'étais avec M. Boyer et les gens du quartier pour organiser les choses. Je pense que si, à ce moment, les règlements avaient été appliqués comme aujourd'hui, seulement aux bénéficiaires de l'aide sociale, cela aurait été un désastre pour une bonne partie de la population du quartier centre-sud qui se serait vue sur le pavé à la suite de ces incendies.

M. Giasson: A ce chapitre, les remarques que j'avais entendues, j'y ai fait allusion tout à l'heure. On a tenté d'évaluer le nombre de citoyens québécois qui pourraient devenir admissibles au montant d'aide prévu en cas d'incendie au niveau de la province de Québec. On est porté à croire que cela laisse un chiffre qui se situerait entre 800 000 et 1 000 000 de Québécois. On pense à toutes les personnes âgées qui vivent uniquement de la sécurité de la vieillesse, enfin, à toute une série de travailleurs dont le statut salarial se situe à un niveau qu'on retrouve à peu près au niveau du salaire minimum ou un peu plus. Donc, on avait des commentaires suivant lesquels, ceci étant connu, cette ouverture à l'endroit de tous ces citoyens, on a cru que ceci pourrait être une incitation à oublier ou à omettre de souscrire une police d'assurance pour celui qui le faisait traditionnellement dans le passé, s'en remettant à une possibilité, une capacité d'obtenir de l'aide en cas d'incendie par le biais de la Loi d'aide sociale.

M. Malépart: Mais présentement, dans certains quartiers de Montréal, une partie de mon quartier et celui de Saint-Jacques, centre-sud qu'on appelle, beaucoup de gens ne peuvent même plus s'assurer. Les assureurs ne veulent plus assurer. Alors, ces gens, même si on leur disait: Vous avez des possibilités, présentement, ils sont devant rien. Je pense que c'est une partie de la population qui a quand même connu une crise assez énorme à ce niveau d'incendies. Imaginez-vous le stress que ces gens ressentent devant la moindre chose. Je me dis que, peu importe ce que les gens pourraient utiliser, présentement, ils n'ont aucun moyen. Je pense que seulement revenir à l'ancien règlement leur donnerait une certaine sécurité, parce que je ne pense pas que les gens abusent et mettent le feu à leur maison inutilement pour recevoir un montant de leur compagnie d'assurance.

II y aurait un autre point, une autre question à poser au président de la conférence de la Saint-Vincent-de-Paul, l'article 3.05, concernant la taxe d'eau à Montréal. Je pense qu'à Montréal, on a un problème de taxe d'eau. L'eau coûte assez cher à Montréal. Dans le passé, les bénéficiaires de l'aide sociale n'avaient pas à payer ce montant. Des informations nous disent que c'était retenu sur leurs chèques. Il y a eu des batailles de juridiction. Malheureusement, à mon avis, cela s'est fait sur le dos des bénéficiaires. Est-ce que la Société Saint-Vincent-de-Paul suggérerait que la taxe d'eau ne soit pas exigée? Parce que, présentement, je pense que 80% ou 90% des gens ne paient pas la taxe d'eau. Cela doit coûter des sommes assez considérables à l'administration municipale pour envoyer des lettres et des poursuites et cela ne donne aucun résultat. En plus de cela, on cause une injustice à l'endroit d'une personne qui — à cause, on peut appeler cela des menaces — paie la facture, alors que l'autre personne ne paie pas la facture. Je me demande si la Saint-Vincent-de-Paul n'aurait pas des recommandations à faire dans ce domaine, concernant le problème de la taxe d'eau à Montréal.

Une Voix: Oui...

M. Giasson: Là, je pense qu'il faut reconnaître que les bénéficiaires de l'aide sociale, même à Montréal, payaient une taxe d'eau traditionnellement.

M. Malépart: Oui, mais ce n'était pas d'eux-mêmes qu'ils la payaient. C'est quelqu'un qui...

M. Giasson: Par une entente existant entre la ville de Montréal et le ministère des Affaires sociales, l'administration de l'aide sociale et l'émission des chèques étaient entièrement sous le contrôle de la ville de Montréal. Qu'est-ce que la ville faisait? Elle mandatait les fonctionnaires à la direction de l'aide sociale de la ville, leur demandant de retenir non pas une fois dans l'année, mais mensuellement, le montant de la taxe d'eau. C'est dire que le bénéficiaire de l'aide sociale payait quand même sa taxe, mais il n'avait pas à le faire dans un geste d'autonomie. C'était retenu à la source sur chacun des chèques mensuels qui étaient émis par la ville de Montréal. Là où ça pose des problèmes, je le reconnais, et c'est très sérieux, c'est que la ville de Montréal ne pouvant plus percevoir à la source, étant donné que l'émission des chèques a été centralisée à partir de Québec et que le contrôle des chèques se fait ici, à la ville ne peut plus retenir à la source mensuellement, et le problème vécu par les bénéficiaires, c'est celui de recevoir un compte dans un mois donné et de ne pas être en mesure de le répartir sur l'ensemble de l'année, sauf s'il était capable, suite à une acceptation de la ville de Montréal, de faire une remise mensuelle, de façon personnelle, telle qu'il devait la subir, lorsque la retenue était faite à la source.

M. Malépart: La taxe d'eau à Montréal, c'est l'équivalent d'un mois du loyer. C'est à peu près ça. Si quelqu'un a un loyer de $105, sa taxe d'eau est d'environ $103. C'est assez difficile pour les gens. Lorsqu'ils reçoivent leur facture de taxe d'eau au mois de septembre, en plus des petits $25 qu'ils reçoivent pour habiller les enfants pour la rentrée scolaire, je pense bien que c'est peut-être là que nos gars du "shylocking " bénéficient des plus grands marchés. Monsieur?

M. Boyer: Je pense qu'à Montréal, en tout cas, il y a eu des injustices assez flagrantes. Des personnes ont payé leur taxe d'eau l'an passé. Elles ont eu peur et l'ont payée, et elles ont été pénalisées par rapport à celles qui ne l'ont pas payée. Contre tous ceux qui ont fait l'objet de poursuites, à un moment donné. Je pense que la ville de Montréal, finalement, ça n'a pas été plus loin, mais il y a sûrement eu un déséquilibre. Il faudrait peut-être, comme le disait M. Malépart, qu'on songe soit, dans la loi, à un mécanisme prévoyant l'intégration de la taxe d'eau, quand le bénéficiaire ou le candidat à l'aide sociale fait une demande qui puisse justifier le montant de la taxe d'eau et qu'on lui permette un ajustement en conséquence; qu'on pense, en tout cas, à une formule, je pense, qui mériterait d'être incluse à l'intérieur de la loi.

M. Giasson: II est assez difficile d'inclure, à l'intérieur de la loi de l'aide sociale, les dispositions qui relèvent effectivement, pour un service donné, d'une municipalité, que cela soit Montréal ou une autre municipalité.

M. Boyer: Je ne sais pas ce qui se passe ailleurs.

M. Giasson: La taxe d'eau est une taxe de services décrétée par différentes municipalités au Québec. Je reconnais qu'à Montréal, elle est peut-être plus élevée que dans d'autres municipalités. Je vous le concède. Mais il s'agit d'un champ de taxation qui est le propre des municipalités pour certains services que les municipalités offrent à l'ensemble des citoyens du milieu.

M. Boyer: Qu'on donne la possibilité de la répartir, je ne sais pas, soit mensuellement, qu'il y ait un montant qui soit ajouté et qu'il y ait une entente avec les bureaux d'aide sociale de la ville de Montréal ou quelque chose dans ce genre. Il y a sûrement un problème...

M. Giasson: A ce niveau, je crois que vous avez raison. Si on était capable d'obtenir une entente de principe avec la ville de Montréal ou d'autres municipalités où il y a une taxe d'eau pour les locataires, d'accepter le paiement d'une façon étalée sur douze mois, cela serait la situation absolument identique à celle qui prévalait au temps où la ville de Montréal émettait ses chèques.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Pointe-Claire sur le même sujet.

M. Séguin: Seulement pour ajouter que cela serait bon que le ministre essaie de convaincre le ministre des Affaires municipales de voir à ce que Montréal change son système de taxe d'eau. C'est dire que, si tout le monde dans le Québec avait un compteur d'eau, on paierait réellement pour un service. Autrement dit, on paierait, comme pour l'électricité ou pour d'autres services, la valeur exacte de ce service, tandis que, sur une valeur ou une base locative, cela devient très difficile à contrôler.

Il est entendu que cela rapporte un revenu additionnel pour la ville, mais la loi nous dit aussi qu'il ne faut pas bénéficier du service d'eau. Il faut la fabriquer, la nettoyer à sa source, la distribuer et exiger la valeur réelle de ce service ou de cette richesse. Tant que les municipalités n'auront pas adopté le système de compteur, on aura des injustices pour les assistés sociaux et pour les citoyens, en général. Plus vous en utilisez, plus vous payez cher et moins vous en prenez, moins vous payez.

Je ne veux pas dire que les gens devraient rester sales, mais on abuserait moins et cela coûterait moins cher en fabrication d'usine.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Sainte-Marie, pour terminer son intervention.

M. Malépart: Ma dernière question sera pour la société Saint-Vincent-de-Paul. Je sais que vous êtes impliquée dans le milieu et que, parfois, vous remplacez le service d'aide sociale à cause des délais administratifs... Un bénéficiaire fait une demande au bureau d'aide sociale et cela peut prendre parfois, on nous dit, un minimum de dix jours, mais parfois quinze jours.

Très souvent les agents de l'aide sociale réfèrent le bénéficiaire à la Conférence Saint-Vincent-de-Paul. Vous faites, ce qu'on appelle un bon de dépannage. Mais je ne pense pas que vous ayez de remboursement du ministère des Affaires sociales pour les avances que vous effectuez auprès des bénéficiaires. Est-ce que vous avez des recommandations dans ce domaine ou des exemples concrets de retards effectués à cause des délais administratifs?

M. Parent (Jean-Paul): On pourrait peut-être demander à Denis Goulet.

M. Goulet (Denis): Face à ces retards, c'est une chose qui est évidente. J'ai même en ma possession des cartes qui nous viennent de bureaux de notre secteur, le quartier Frontenac, au centre-sud et Hochelaga-Maisonneuve, d'officiers du bien-être qui nous demandent de donner un bon de nourriture ou un bon de dépannage pour des familles qui attendent l'aide sociale. Il y en qui nous disent: Cela va prendre de sept à dix jours. Il y en a qui nous disent: Cela va prendre quinze jours. A ce moment-là, la Société Saint-Vincent-de-Paul devient obligée de supporter ces familles.

Cela nous fait plaisir parce qu'on est quand même là pour aider les gens; mais, comme tout autre groupement et même les gouvernements, on subit, nous aussi, l'inflation. Des organismes comme Centraide, qui nous aident en nous subventionnant, tous les ans, eux aussi, nous attribuent des coupures de budgets. Cela nous donne moins d'argent à distribuer aux gens qui ont des besoins.

D'après la Loi d'aide sociale, avec le système de chèques qui sont faits à Québec, ce qui apparemment devrait prendre à peu près cinq jours pour émettre un chèque avant que la personne qui a droit à ce chèque le reçoive, on sait que sur papier c'était ainsi, mais la réalité veut que cela prenne un minimum de dix jours et, bien souvent, de quinze jours.

Donc, il y a beaucoup d'argent qui pourrait être donné à d'autres familles qui ont de plus grands besoins, mais est donné à des gens qui attendent l'aide sociale, pour des montants qui leur sont dus.

A cause de cette attente, c'est la Société Saint-Vincent-de-Paul qui est obligée de défrayer ces montants. Cela nous est demandé par les officiers du bien-être. J'ai des cartes ici, faites par les officiers du bien-être, avec le bureau respectif, où ces choses se font. J'ai ceux de mon coin, mais à l'intérieur de la société, partout à Montréal, et aussi de la ville de Laval, cela se fait.

Il y aurait peut-être un moyen que le ministère des Affaires sociales pourrait avoir, savoir un mécanisme pour aider la Saint-Vincent-de-Paul à suffire à ses besoins ou, à l'intérieur de la Loi d'aide sociale, qui quand même prévoit un mécanisme qui existe à l'intérieur de la Loi d'aide sociale pour faire des dépannages, pour aider des familles dans l'attente de leur montant.

Je sais que des garanties de paiement peuvent se faire à des épiceries ou des choses comme ça, mais la pratique courante est que les officiers du bien-être ne le font pas et réfèrent ces cas à la société Saint-Vincent-de-Paul.

M. Giasson: Cela m'apparaît une idée très intéressante que vous venez d'énoncer là. Mais je voudrais tout de même rappeler qu'on a fait allusion à des délais possibles de cinq jours et même davantage de façon que le bénéficiaire éventuel puisse toucher un chèque. Mais l'occasion est propice d'indiquer que, parmi toutes ces organisations ou ces programmes émanant de différents gouvernements, l'aide sociale a au moins cette capacité, sans que ses records soient encore à citer en première page des journaux, d'être plus rapide dans l'exécution de mandats et de procéder à l'émission de chèques constituant des allocations que tout autre service gouvernemental.

A titre d'exemple, quel est le temps minimum que la Commission d'assurance-chômage va mettre pour l'émission la plus rapide du premier chèque, suite à une demande de prestation?

M. Dufour (Denis): C'est sûr que c'est plus long que l'aide sociale. Face à l'assurance-chômage, on a vu, de façon normale, que ça prend à peu près trois semaines et même plus, mais c'est

sûr que l'aide sociale va plus vite que ça, ça va de sept jours à quinze jours habituellement, c'est même mieux que l'assurance-chômage, mais ce n'est quand même pas encore assez vite.

M. Giasson: Ce n'est peut-être pas assez vite, mais c'est une réalité que lorsque la CAT tarde à émettre des chèques d'indemnité et que la famille, a absolument besoin de ressources, c'est encore l'aide sociale qui vient la dépanner sous forme de prêt.

A la Régie des rentes, suite à un décès de chef de famille, on doit entreprendre tout un processus pour rémission des premiers chèques devant venir, prestations de décès ou chèques de veuve ou d'orphelin, s'il n'y a aucune ressource dans la famille, c'est encore l'aide sociale qui, le plus rapidement, vient apporter un dépannage sous forme de prêt.

M. Dufour (Denis): M. le ministre, dans Montréal, avant l'aide sociale, je pense que la Saint-Vincent-de-Paul a aidé pendant une semaine ou deux les personnes qui attendent l'assurance-chômage. Ce serait peut-être bon qu'on ait le même privilège qu'on a là au gouvernement fédéral, pour la Commission de l'assurance-chômage. Mais, un fait subsiste, c'est que malgré la rapidité du ministère des Affaires sociales à émettre des chèques, dans un délai de 7 à 15 jours, en attendant que la personne aille aux Affaires sociales pour demander de l'aide, il s'est passé déjà deux à trois semaines, sinon plus, lorsque la personne s'y rend, fait sa demande et rien ne bouge avant la visite effectuée par un officier de bien-être. C'est la procédure normale.

Si la personne a la malchance de ne pas être née à Montréal et oublie d'apporter son extrait de baptême ou que celui-ci n'est pas assez récent, cela retarde encore de quelques jours, avant qu'elle fasse la demande de son certificat de baptême à l'endroit où elle est née, cela reporte les choses, bien souvent, à un mois ou un mois et demi. Pendant tout ce temps-là, c'est la société Saint-Vincent-de-Paul qui, pendant ces semaines, aide la famille en question.

M. Charron: M. le Président, il est six heures.

Le Président (M. Cornellier): On me signale qu'il est passé dix-huit heures. Il y a d'autres membres de la commission qui ont indiqué leur désir de poser des questions. Je me vois tout de même dans l'obligation de suspendre les travaux de la commission jusqu'à ce soir, vingt heures.

Nous continuerons et le ministre aura la réponse à cette question de M. Goulet.

(Suspension de la séance à 18 h 6)

Reprise de la séance à 20 h 13

M. Cornellier (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission élue permanente des affaires sociales reprend ses travaux. Avant de rappeler à la table des témoins, les représentants de la société Saint-Vincent-de-Paul, on vient de me mentionner que Mme Beaudoin, de Roberval, aurait un commentaire à faire, qu'elle aimerait peut-être faire immédiatement avant qu'on puisse être en mesure d'appeler son groupe.

J'ai bien dit ce matin que les règlements m'obligeaient de convoquer les groupes selon l'ordre dans lequel le secrétaire avait reçu les demandes de parution devant la commission, mais, étant donné que Mme Beaudoin avait un commentaire à faire, en attendant qu'on puisse appeler son groupe, je l'autoriserais à venir à la table et nous exprimer ce commentaire.

Mme Beaudoin (Rose-Hélène): Je vous remercie de vous donner la parole. J'avais exposé mes idées avant de souper et je crois que le ministre veut que je vienne vous exprimer ce que je lui ai dit.

Le Président (M. Cornellier): C'est cela.

Mme Beaudoin: Mes impressions sur ce qui se passe ici... Je me suis dit qu'on n'a pas entendu beaucoup de groupes durant tout le temps qu'on a été ici. D'ailleurs, plusieurs viennent de l'extérieur, viennent de loin pour se faire entendre et je pense qu'il est normal que tout le monde passe à tour de rôle. On ne veut pas prendre la place d'autres personnes, mais cependant, j'avais pensé que les travaux pouvaient être accélérés.

Je me dis que c'est un moyen, aujourd'hui, pour les assistés sociaux, les personnes qui représentent ces gens de venir expliquer les problèmes qui existent, les difficultés auxquelles ils font face en recevant de l'aide sociale.

Je dis que c'est peut-être un moyen pour vous de poser des questions pour faire préciser des choses lorsqu'elles ne sont pas bien comprises, mais je laisserais les commentaires de côté, quitte, lorsque vous pourrez voter la loi, à ce que vous passiez vos commentaires et je pense qu'ils seraient mieux appréciés à ce moment.

Je vous remercie.

Le Président (M. Cornellier): Je vous remercie bien, Mme Beaudoin. Si j'ai voulu vous faire dire à haute voix ce que vous aviez dit en privé au ministre d'Etat, c'était justement pour me donner plus de poids comme président pour inviter mes collègues, encore une fois, à plus de diligence.

Vous comprendrez bien, cependant, mesdames et messieurs, qu'il n'est pas question de priver les membres de la commission de leur droit de parole. Ils ont à participer aux travaux de la commission, mais je pense que les commentaires que vous venez d'exprimer nous aideront à accé-

lérer les travaux et à permettre à tous les groupes qui sont encore devant nous ce soir et qui attendent leur tour, de les entendre.

Je vous remercie.

Pour compléter l'étude du mémoire, que nous faisions avant l'heure du diner, je réinviterais à la table les représentants de la Société Saint-Vincent-de-Paul, puisque deux membres de la commission m'ont exprimé l'intention de poser quelques questions.

Je donne la parole à l'honorable député de Jacques-Cartier, en lui demandant de prendre en considération les remarques que Mme Beaudoin vient de faire et que j'ai endossées.

M. Saint-Germain: C'est dommage que Mme Beaudoin ne puisse présider nos débats, peut-être qu'ils s'accéléreraient un peu.

De toute façon, M. le Président, j'aimerais simplement savoir ou qu'on me décrive du moins les relations qui existent entre la Société Saint-Vincent-de-Paul et les différents bureaux d'aide sociale.

M. Boyer: Je pense que dans la région de Montréal, depuis plusieurs années, il s'est établi un mécanisme de collaboration entre les bureaux d'aide sociale, surtout les bureaux d'aide sociale qui relevaient anciennement de la ville de Montréal et la Saint-Vincent-de-Paul. Je ne veux pas discréditer par là les bureaux du ministère, mais je pense que c'est peut-être une question de communication ou je ne sais pas trop, mais les relations sont sûrement moins positives entre les bureaux qui relèvent directement du ministère des Affaires sociales que ceux qui sont rattachés par le biais de la ville de Montréal à l'aide sociale.

M. Saint-Germain: Une deuxième question, M. le Président, dans un grand centre comme Montréal, vous savez très bien, vous qui oeuvrez dans le milieu, qu'il y a toutes sortes de services gouvernementaux pour aider ceux qui sont dans le besoin. Est-ce que vous avez déjà pensé aux problèmes de relations qui devraient exister, à mon avis, entre les bureaux d'aide sociale, les différentes sociétés privées et à l'intérieur même des services gouvernementaux, comme les loyers à prix modique, par exemple, l'admission des citoyens âgés dans nos maisons? Est-ce qu'il y a chez vous, du moins, dans le milieu où vous oeuvrez, une certaine relation entre tous ces services?

M. Boyer: Probablement que les membres de la commission des Affaires sociales savent mieux que moi, un peu comment fonctionne le réseau des Affaires sociales.

Vous savez qu'à l'intérieur du ministère il existe des centres de services sociaux, les CLSC, en fait toute la gamme des services, et il y a quand même des relations, mais je pense que ces organismes ont des politiques internes, par exemple si on pense à l'admission des personnes âgées dans les centres d'accueil, c'est à l'intérieur du CSS en collaboration avec les centres d'accueil que l'ad- mission se fait. Alors, des sociétés comme la Saint-Vincent-de-Paul, on peut bien à l'occasion, si on décèle un problème de personne âgée qui aurait intérêt à être hébergée dans un centre d'accueil, faire des démarches, faire la référence dans un centre d'accueil, mais je vous assure qu'actuellement, avec les détails administratifs, je sais que, pertinemment... J'ai fait une demande pour une personne âgée en juillet dernier pour qu'un organisme, qui est le Centre de services sociaux du Montréal métropolitain, s'occupe d'une demande d'une personne âgée qui aurait eu besoin, je pense, d'être hébergée dans un centre pour personnes âgées. Or, ce n'est que récemment qu'on a commencé à s'occuper de la demande que j'avais faite l'année passée.

M. Saint-Germain: Au niveau des HLM, est-ce que vous avez une certaine coopération?

M. Goulet: Au niveau des HLM, en ce qui a trait à la société Saint-Vincent-de-Paul, et aussi d'autres organismes communautaires qui ne sont pas des organismes gouvernementaux, au niveau de Montréal, c'est assez difficile. Je pense qu'ils veulent bien nous écouter, mais il reste quand même qu'ils ne peuvent reloger des personnes dans des logements qui ne sont pas là. Le gros problème qui peut nuire à la communication entre les deux face à des demandes qu'on pourrait peut-être impliquer, c'est que des HLM, il y en a pas assez, et quand même on voudrait faire placer des gens, dans le moment, ils sont tous pleins.

A Montréal, il y a plus de 2000 demandes de personnes qui voudraient aller dans les HLM et, face à ce qu'on a vécu dans le centre-sud, les incendies qui ont eu lieu, la ville a relogé beaucoup de gens à l'intérieur des HLM à la suite de ces incendies. A partir de là, on a un gros manque de HLM et on ne peut pas avoir de communications faciles, parce qu'il n'y a pas de HLM disponibles.

M. Saint-Germain: Une dernière question, M. le Président. Vous avez dit que vous vous serviez de dépanneur aux gens qui, dans des situations imprévues, faisaient appel au bureau d'assistance sociale. Est-ce que vous avez constamment les fonds voulus pour faire face à ces obligations?

M. Parent: Jusque là, le problème des fonds ne s'est pas présenté. Nous sommes alimentés partiellement par Centraide, c'est presque 60% de notre budget. On ne peut pas dire que c'est encore un problème à notre niveau, mais si ça prenait de l'ampleur le moindrement, ça pourrait devenir un problème. Notre budget, à Montréal, globalement, est d'à peu près $850 000.

Mais lorsqu'on dessert 170 paroisses— là-dessus, il y en a peut-être une soixantaine en milieux défavorisés— il est certain que, si on voulait donner un service un peu plus vaste, nos fonds manqueraient très rapidement.

M. Saint-Germain: Merci.

M. Goulet: II y a quand même une chose, face à cela également. L'aide que la Société Saint-Vincent-de-Paul apporte se limite quand même à une moyenne située entre $15 et $20 mensuellement, qui est donnée à une famille, pour l'aider. A ce moment-là, c'est un montant qui est pas mal minime. C'est une aide très temporaire et très courte. Il est certain que, quelquefois, certaines familles ont plus, mais d'autres familles ou d'autres personnes ont moins également.

Sur le nombre de familles qu'on a à aider, il faut aller avec les budgets qu'on a.

M. Saint-Germain: Merci.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Saint-François.

M. Déziel: Juste une question, M. le Président. Je me reporte, dans un premier temps, à l'article aide aux immigrants et, dans la deuxième partie de l'alinéa, on retrouve la phrase suivante: "Plusieurs immigrants, à cause d'un parrainage irresponsable, par crainte de représailles et de poursuites, ne dénoncent pas ces situations en vivant des des conditions déplorables".

Considérant le fait que le ministère de l'Immigration apporte une grande sévérité dans le choix de ces immigrants, ma première question est la suivante: Que veulent dire les mots "parrainage irresponsable"? Deuxièmement, quels correctifs apporterez-vous pour y trouver une solution? Je pose ma question à qui de droit.

M. Vaz: Lorsque nous parlons de parrainage irresponsable, vous voulont dire ceci. Nous connaissons spécifiquement deux communautés, la communauté italienne et la communauté portugaise. Ce qui arrive, c'est que, dans le cas précis de la communauté portugaise, les immigrants viennent des Açores.

Au début, tout va très bien. Un fils veut faire un parrainage pour les parents. Ils arrivent ici âgés de plus de 60 ans, étant donné qu'ils ne peuvent pas entrer avant. A ce moment-là, tout va bien au début.

Mais un an après, il y a une chicane de famille et le fils ne veut rien savoir. Pour une question traditionnelle de vieille mentalité, les parents ne veulent pas porter plainte au ministère de l'Immigration pour que les choses soient en place. A ce moment-là, il n'y a pas de protection possible pour les vieux parents. Il faut que la Société Saint-Vincent-de-Paul, au moins pendant quatre ans, subventionne cette famille. C'est ce que nous appelons le parrainage irresponsable.

Ce sont des gens qui, à un moment donné, ne prennent pas leurs responsabilités, malgré qu'au début, le gouvernement a fait les exigences d'usage, mais, après, voilà ce qui arrive.

M. Déziel: En réponse à la deuxième question que je vous posais, est-ce que vous avez pensé de suggérer au ministère de l'Immigration un correctif, un palier?

M. Vaz: Je pense que, vraiment, c est une chose à prévoir dans l'aide sociale pour ces cas particuliers où vraiment les gens refusent de faire une plainte, mais ils sont dans la misère. Il n'y a rien à faire. Ils ne feront pas de plainte. Ils préfèrent mourir que de faire une plainte. Ils n'ont pas droit à la pension de sécurité de vieillesse avant dix ans.

Une Voix: Avant cinq ans.

M. Vaz: Dix ans. Cinq ans, c'est la possibilité que l'aide sociale donne une subvention. S'ils demeurent chez quelqu'un, c'est $132, sinon, ce sera $217. C'est un problème qu'on vit fréquemment, cette situation.

M. Déziel: Parfait, M. le Président.

Le Président (M. Cornellier): Messieurs de la conférence Saint-Vincent-de-Paul, capitaine Mar-chessault, je vous remercie. Le dialogue et l'échange d'idées qu'il y a eu montrent l'intérêt que les membres de la commission et le ministre portent au travail que vous faites et à la contribution que vous voulez apporter à la bonification de notre Loi d'aide sociale. Je vous remercie.

YWCA de Montréal

J'invite maintenant les représentants du YWCA de Montréal.

Mme Wiebe (Wendy): Le YWCA de Montréal.

Le Président (M. Cornellier): Will you please give your name?

Mme Wiebe: Wendy Wiebe.

Mme Cameron (Andrée): Le nombre de femmes ayant leurs enfants à charge, sans l'aide du père, est à la hausse. Comme le faisait remarquer le député de Saint-Jacques ce matin, un nombre de 45 000 femmes chefs de famille vivent dans des conditions vraiment pénibles au Québec, au-delà du seuil de la pauvreté.

De ce phénomène ont surgi nombre de besoins urgents dont la nécessité d'ouvrir des centres d'accueil temporaire pour héberger mères et enfants en période de crise ou de transition. Ces femmes sont soit célibataires, séparées, en instance de divorce, abandonnées ou maltraitées. Toutes ont des enfants et, pour l'instant, les seules ressources disponibles, pour la majorité d'entre elles, les obligent à se séparer de leurs enfants, agravant ainsi une situation familiale pourtant déjà assez pénible.

Dans le but d'arriver à combler ce vide, notre association a mis sur pied un comité de groupes communautaires représentatifs pour étudier ce qui pouvait être fait pour remédier à cette situation. Le comité proposait alors l'ouverture d'un centre pouvant accueillir environ dix mères et leurs enfants.

Nous avons adressé aux autorités provinciales

et fédérales des requêtes en vue d'obtenir leur aide pour les fonds d'opération. Aucune assistance financière ne nous est parvenue de part ou d'autre. Cependant, le 18 août 1975, nous recevions une lettre du ministère des Affaires sociales, nous avisant que notre projet serait étudié dans les meilleurs délais. Nous attendons toujours la suite.

En dépit du peu d'encouragement des ministères, les besoins pour un tel centre d'accueil étaient si urgents que notre association, avec l'appui des agences sociales de la région métropolitaine, à mis sur pied un centre à même sa résidence pouvant accommoder jusqu'à cinq femmes et leurs enfants pour une période d'un mois ou moins. Cette auberge de transition ouvrait ses portes en décembre dernier. Jusqu'à maintenant, c'est-à-dire de janvier au 31 mars, nous avons accueilli 22 femmes et 39 enfants, et la moyenne actuelle est de sept personnes par jour.

L'auberge est presque entièrement dirigée par des bénévoles, faute d'argent disponible pour embaucher un personnel rémunéré. Les fonds se limitent à quelques dons personnels, ainsi qu'au paiement partiel de quelques pensionnaires référés par les agences ou le bien-être social. Il faut aussi tenir compte que pour réaliser cette entraide aux femmes qui sont dans le besoin, notre association doit assumer des pertes qui vont de $750 par mois jusqu'à $2000, étant donné que les chambres qui sont utilisées pour ces femmes ne peuvent pas être louées à d'autres résidentes qui, habituellement, s'en serviraient.

Notre association demeure convaincue de la nécessité de ce type d'accueil. Elle envisage comme un moyen essentiel pour prévenir le placement des enfants en foyer nourricier, quand la famille traverse des périodes de crise. L'aménagement de cet abri dans nos cadres a ses inconvénients, mais par ailleurs, de nombreux avantages. Les coûts sont minimes en comparaison aux alternatives. Nous avons également le Centre éducatif de la garderie sur place, les services de soutien, d'entretien et les activités récréatives qui sont faciles d'accès.

Néanmoins, le financement demeure précaire et c'est sur une base ad hoc. Nous demandons donc au ministère des Affaires sociales un per diem de $10 par personne pour couvrir les frais et nous permettre de poursuivre le projet.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable ministre d'Etat aux Affaires sociales.

M. Giasson: Je ne sais si j'ai bien compris la fonction qu'a votre association. C'est celle d'aider de jeunes mères célibataires qui ont besoin d'hébergement pour une période temporaire?

Mme Cameron: Oui, c'est sur une base temporaire allant jusqu'à un mois, mais ce ne sont pas seulement des mères célibataires. Ce sont des femmes qui sont en instance de divorce, des femmes séparées, des femmes qui sont maltraitées et battues. La plupart d'entre elles sont référées chez nous, soit par la police, par les hôpitaux ou par les agences sociales. Quand elles arrivent chez nous, elles ont vraiment besoin d'un gîte. Elles n'ont pas d'argent du tout ou la grande majorité d'entre elles n'ont pas de compte en banque, et quand le mari est parti, évidemment, ça cause des problèmes. Donc, nous les accueillons pour une période allant jusqu'à un mois, afin de pouvoir leur permettre de prendre des arrangements à long terme et de s'orienter autrement.

M. Giasson: Mais est-ce que vous intervenez auprès du bureau de l'aide sociale du territoire pour qu'elles puissent avoir de l'aide de ce côté?

Mme Cameron: Si. D'ailleurs, avant que nous puissions toucher de l'argent pour pouvoir couvrir leur pension chez nous, il faut nécessairement les référer à des agences sociales. Il faut qu'elles aient une travailleuse sociale qui soit assignée à leur cas, et cela, évidemment, ça prend du temps, ça n'arrive pas du jour au lendemain. Parfois, les bénévoles qui travaillent chez nous doivent mettre jusqu'à cinq ou six jours ou plus pour obtenir un rendez-vous, et, à partir de ça, la travailleuse sociale va réviser le cas et décider si, oui ou non, ces femmes sont susceptibles d'avoir de l'aide.

M. Giasson: Mais comment pouvez-vous, à ce compte, maintenir en opération un tel centre? Où prenez-vous vos moyens financiers?

Mme Cameron: Nous avons eu un don d'un particulier pour aménager l'auberge, parce qu'évidemment, il fallait donner une cuisine. Il fallait ensuite des salles de séjour, et arranger un endroit de jeux pour les enfants. Il y a un particulier qui nous a donné $1000, et avec ça, on a réussi à équiper une partie d'un étage à la disposition de ces femmes.

Le reste vient des agences sociales, de l'argent qu'elles nous donnent. Certaines agences le font régulièrement, mais pas toutes. Le reste, nous l'assumons nous-mêmes, à même le budget de l'association.

M. Giasson: Suite à l'expérience que vous avez vécue, vous recevez des personnes de type assez varié selon les problèmes vécus par chacune d'elles. Lorsque la travailleuse sociale a étudié chacun de ces dossiers, peut-on croire que la plupart de ces personnes sont éligibles à l'aide sociale?

Mme Cameron: Je pense que oui. M. Giasson: La grande majorité? Mme Cameron: Oui.

M. Giasson: Le problème que vous avez est encore une question de délai.

Mme Cameron: Oui. Du côté financier, c'est une question de délai.

M. Giasson: Vous touchez vos ressources venant de l'aide sociale.

Mme Cameron: C'est cela, et, souvent. Si par exemple, une agence accepte de payer deux semaines, évidemment, nous n'avons pas cet argent le jour où la femme entre chez nous, mais entretemps, peut-être n'arrive-t-elle pas de son côté avec les ressources qu'elle a à se trouver un logement ou à se trouver des possibilités d'hébergement ailleurs, donc, elle va rester chez nous plus longtemps et quand elle a deux, trois ou quatre enfants les coûts s'accumulent assez vite.

M. Giasson: Merci.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, il y a quelque temps, lors de la séance de cette commission pour étudier le budget des Affaires sociales en avril ou au début de mai dernier, j'ai eu avec le ministre en titre, M. Forget, un long entretien sur la situation des enfants placés en famille d'accueil.

Ce problème a rebondi à nouveau la semaine dernière, ou il y a deux semaines, lorsque nous avons été informés que plus d'une centaine d'enfants attendaient la collaboration du CSS de Montréal pour trouver des familles d'accueil.

Vous avez mentionné, tout à l'heure, dans votre intervention, que certaines femmes, seules à élever leurs enfants, doivent se rendre, à l'occasion, à l'obligation de les laisser parce que la situation financière d'une femme seule pour élever des enfants est parfois tellement pénible qu'elle doit se rendre à cette raison.

Pouvez-vous m'informer, par exemple, à partir de votre expérience au YWCA si, effectivement, à l'expiration du mois alors que plusieurs de vos pensionnaires, si vous me permettez cette expression, doivent quitter pour reprendre la vie normale — elles sont donc bénéficiaires de l'aide sociale — sont invitées, à l'occasion, à placer leurs enfants en famille d'accueil?

Quel est le rapport entre la situation des femmes comme celles que vous hébergez et l'obligation, à l'occasion, de placer leurs enfants en famille d'accueil? Est-ce fréquent? Est-ce moins fréquent, etc?

Mme Cameron: Je pense que, en règle générale, c'est assez fréquent parce qu'une femme qui n'a pas de ressources financières à sa disposition, qui a des enfants et qui doit les faire manger tous les jours, il faut qu'elle en arrive à une solution ou une autre, même si c'est cette solution. Chez nous, étant donné que ce qu'on offre est quand même un hébergement temporaire pour permettre aux femmes de trouver d'autres solutions, on tente, le plus possible, d'encourager la femme et de l'aider avec tous les moyens à notre disposition pour prévenir une telle situation.

Le but même de l'auberge est précisément d'éviter qu'au départ, la femme qui est maltraitée, battue ou dont le mari est parti, au début, ait à placer ses enfants en foyer nourricier, c'est précisément pourquoi on lui offre un séjour chez vous. Celles qui partent de chez nous, aussi longtemps qu'on est en contact avec elles, après qu'elles sont parties, la plupart réussissent quand même à garder leurs enfants. Mais cela ne s'applique sûrement pas à toutes les femmes qui sont dans cette situation, qui nécessairement ne viennent pas chez nous parce qu'elles ne sont pas dans des situations où elles sont battues ou maltraitées.

M. Charron: Pouvez-vous me dire si une femme qui se voit obligée de se séparer de ses enfants, parce qu'elle est incapable de les nourrir à partir de ce qui lui revient ou est incapable de les élever convenablement, à l'occasion, reprend ses enfants placés en famille d'accueil après un certain temps ou si la séparation est à peu près permanente, quel que soit l'âge des enfants quand cela se produit.

Mme Cameron: Je pense que les femmes, surtout celles qui vivent sur l'assistance sociale, la plupart, ne peuvent pas reprendre leurs enfants avant nombre d'années.

M. Charron: Je vous remercie.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Les femmes que vous hébergez, est-ce que ce sont des femmes qui sont habituellement seules en ce sens qu'elles n'ont ni frère, ni soeur, ni père, ni mère?

Mme Cameron: Si ce sont des femmes qui sont habituellement seules?

M. Saint-Germain: Je veux dire, est-ce qu elles n'ont pas de familles habituellement ou...

Mme Cameron: Non. La plupart n'ont pas de proches parents, c'est d'ailleurs pour cela qu'elles sont référées chez nous par les agences sociales ou par la police, parce qu'il n'y a pas d'autre solution.

M. Saint-Germain: Est-ce que vous êtes au courant s'il y a d'autres associations comme la vôtre qui aident ces femmes?

Mme Cameron: Non. Il n'y en a pas.

M. Saint-Germain: Est-ce quelles sont nombreuses, d après votre expérience?

Mme Cameron: Si nous en avons sept par soir et que quand même notre projet n'est pas publié du tout, ce sont seulement les agences sociales de la région métropolitaine qui sont au courant, la police ou les hôpitaux, à ce moment-là, si on faisait de la publicité, j'imagine qu'on en aurait beaucoup plus.

M. Saint-Germain: Quel est le degré d'instruction de ces femmes habituellement? Est-ce que ce sont des femmes qui sont...

Mme Cameron: Minime.

M. Saint-Germain: Minime. Avez-vous l'impression, tout de même, que ces femmes, au point de vue moral, ambitionneraient de garder leurs enfants et de les élever adéquatement ou...

Mme Cameron: Cela dépend des cas. Il y en a qui viennent chez nous qui sont vraiment déprimées, découragées. Elles ont besoin de services médicaux à long terme, d'une thérapie pour les aider à reprendre le dessus, mais je ne pense pas que ce soit la majorité. Je pense que celles qui viennent, du moins dans les trois quarts, ont à coeur de garder leurs enfants.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Taschereau.

M. Bonnier: J'aurais juste une question. Je voudrais simplement savoir de madame quelle relation elle fait entre ce centre d'accueil temporaire qui existe et la révision des règlements d'aide sociale. Est-ce que, si j'ai bien compris votre réponse au ministre tout à l'heure, ce dont vous vous plaignez surtout ce sont les délais entre le temps où ces personnes vous sont référées et le moment où elles peuvent avoir physiquement accès à de l'aide financière venant du bureau du bien-être social? Est-ce que c'est surtout cela votre plainte?

Mme Cameron: C'est le problème le plus urgent, pour nous, parce qu'à moins qu'une solution comme celle-là soit trouvée, il va vraiment falloir réenvisager le service qu'on offre présentement à la population.

M. Bonnier: Je ne veux pas soulever votre question de service, je pense que cela regarde une question de réseau de centres d'accueil; je pense que c'est excellent, ce que vous faites, et ça remplit un rôle. Mais, par rapport à la question spécifique que nous étudions, la révision des règlements d'aide sociale, ce que je ne comprends pas, vous me dites que ça prend quatre ou cinq jours avant que ces personnes seules, qui sont des mères de famille responsables, puissent avoir accès aux bureaux d'aide sociale et recevoir une aide. Est-ce exact que ça prend quatre ou cinq jours?

Mme Cameron: C'est courant, c'est très difficile pour nous d'avoir des rendez-vous.

M. Bonnier: C'est ça que je veux savoir. Il faudrait vraiment améliorer ce service.

Mme Cameron: Oui.

M. Bonnier: D'accord, merci.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Saint-François.

M. Déziel: C'est une question de contrôle, M. le Président. Qu'en coûte-t-il en dépenses d'opération annuellement pour administrer votre bâtisse?

Mme Cameron: Combien il nous en coûte pour administrer toute la bâtisse?

M. Déziel: La bâtisse offrant les services.

Mme Cameron: Nous avons un budget d'environ $900 000, dont 25% sont subventionnés par Centraide.

M. Déziel: Combien?

Mme Cameron: II y en a 25% que subventionne Centraide.

M. Déziel: Merci.

M. Giasson: Et le solde, l'autre portion de 75%, provient, en majeure partie, de l'aide sociale qui peut être accordée aux personnes que vous hébergez, non?

Mme Cameron: Non, non, 75% vient des cours que nous offrons en éducation adulte ou en éducation physique. Bien entendu, le YWCA n'offre pas seulement des services communautaires, mais nous avons un service d'éducation physique et celui de l'éducation des adultes. Les membres du YWCA paient une cotisation annuelle de $6. Eh bien! Cette cotisation, plus les tarifs des cours, nous permettent d'offrir ces services.

M. Déziel: Lorsque vous dites...

M. Bonnier: Je pense, M. le Président, qu'il y a confusion à ce moment-là.

M. Giasson: C'est ça...

M. Bonnier: Lorsque vous parlez de $100 000...

M. Giasson: Vous parlez de l'ensemble...

Mme Cameron: Je parle de l'auberge.

M. Giasson: Vous parlez de l'auberge, vous.

Mme Cameron: Non, non, je parle de l'auberge. Etant donné qu'on n'a pas fonctionné pendant un an encore, je ne sais pas ce que ça va coûter à la fin de l'année.

M. Déziel: C'est votre première année? Mme Cameron: Cela vient de commencer.

M. Déziel: Cela vient de commencer. D'accord!

Le Président (M. Cornellier): Avec le consentement des membres de la commission, nous allons donner la parole au député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je vous remercie, M. le Président. Vous avez dit, dans la réponse que vous venez de donner, qu'il faut quatre ou cinq jours avant que des personnes puissent recevoir de l'aide sociale. Est-ce avant de recevoir des prestations ou avant qu'on s'occupe de leur cas?

Mme Cameron: Avant qu'on s'occupe de leur cas.

M. Roy: Et ça prend combien de temps avant qu'elles puissent avoir...

Mme Cameron: Cela dépend des agences, cela peut aller jusqu'à deux ou trois semaines.

M. Roy: Deux ou trois semaines? Mme Cameron: Oui.

M. Roy: Est-ce que ce sont des cas exceptionnels ou si ce sont des cas généraux ou la moyenne?

Mme Cameron: Je pense que c'est général et c'est un peu la même chose dans tous les services, non pas seulement à l'aide sociale, mais aussi à l'aide juridique, lorsqu'on a besoin de rendez-vous pour ces femmes, si elles sont en instance de séparation ou de divorce.

M. Roy: En ce qui a trait à l'aide sociale comme telle, vous dites que ça prend trois semaines avant qu'elles reçoivent des chèques; quelles sont les raisons qu'on donne à ce moment-là? Est-ce que vous avez examiné ces dossiers pour le savoir?

Mme Cameron: Je pense que les gens avec qui on fait affaire sont débordés, il faut attendre notre tour.

M. Roy: C'est à cause d'une surcharge de travail dans les bureaux d'aide sociale?

Mme Cameron: C'est ce qu'ils nous disent du moins.

M. Roy: Je ne connais pas le problème particulier à Montréal, mais au niveau de l'aide sociale, est-ce que les chèques sont émis à Montréal ou s'ils sont émis par l'entremise du central comme cela se fait dans les autres régions du Québec?

M. Giasson: Tout est centralisé dans l'émission des chèques.

M. Roy: Tout est centralisé dans l'émission des chèques.

M. Giasson: Vous avez des terminaux dans chaque bureau organisé et la transposition des données se fait rapidement.

Avec un terminal dans un bureau, le traitement du côté de Québec est très rapide. Le pro- blème, c'est qu'on met d'abord cinq jours à obtenir les services d'une personne ressource du CSS. C'est ça le départ.

Lorsque la personne-ressource du CSS a qualifié le cas, c'est là que l'on passe au bureau de l'aide sociale pour placer la demande. Est-ce que c'est ainsi que ça va? Oui?

M. Roy: Une fois que c'est rendu au bureau de l'aide sociale, combien cela peut-il prendre de temps avant l'émission du chèque, avant que les prestations, l'aide financière arrive?

Mme Cameron: Disons dix jours, peut-être plus.

M. Roy: Je pense qu'on a là un problème qui est quand même assez sérieux, qu'on découvre un peu partout dans tous les cas des bénéficiaires de l'aide sociale. Depuis qu'on fait les paiements par ordinateur, avant que cela soit entré dans les machines et que les machines fassent l'émission des chèques, il se passe un délai assez considérable. Lorsqu'il arrive des cas urgents, des cas spéciaux, on est obligé d'attendre.

J'aimerais bien, à ce moment-ci, qu'on prenne bonne note de cela. Probablement qu'on en a pris note relativement aux autres demandes, et aux autres mémoires qui ont été soumis aujourd'hui. Je n'ai pas pu assister à cette commission parce que j'étais dans une autre commission parlementaire. C'est un problème qui touche tous les comtés de la province, toutes les régions de la province.

Il y a un délai un peu trop long en ce qui a trait à l'émission du premier chèque. Pour l'émission du deuxième chèque, cela peut aller mieux parce qu'à ce moment-là, il y a une question de routine, il y a une question de formalité. Autrement dit, la machine est en marche. Le problème, c'est de mettre la machine en marche. C'est cela, en somme...

Le Président (M. Cornellier): Comme le député de Beauce-Sud l'a très bien signalé lui-même, c'est une question qui a été discutée cet après-midi. Comme nos visiteurs, nos invités de ce soir nous ont demandé d'accélérer les travaux, je me permets de rappeler cette vérité, de faire cette affirmation, afin d'éviter des répétitions.

Je comprends que le député de Beauce-Sud était pris dans une autre commission, mais il faudrait quand même éviter des répétitions, parce que nous voulont — et je le dis pour le bénéfice du député de Beauce-Sud — terminer ce soir les travaux de cette commission avec tous les groupes qu'il reste encore à entendre.

M. Roy: D'accord.

Le Président (M. Cornellier): Sans priver le député de Beauce-Sud de son droit de parole que je lui ai accordé avec l'assentiment unanime des membres de la commission, il ne faudrait pas prolonger les commentaires, comme une dame l'a si bien dit tantôt.

M. Roy: D'accord, M. le Président, vous êtes assuré de ma collaboration.

Le Président (M. Cornellier): Merci bien. L'honorable député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Pour continuer dans le même ordre d'idées, lorsque la travailleuse sociale arrive et qu'elle fait son enquête, est-ce que ce dossier est accepté comme tel au bureau de l'assistance sociale? Ou s'il y a encore un agent social qui vient revisiter la même personne à votre centre?

Mme Cameron: Cela dépend des agents, je pense. Il y en a avec qui cela va très bien, il y en a d'autres avec qui c'est plus long.

M. Saint-Germain: Mais est-ce qu'il y a toujours duplication du dossier? Est-ce que l'enquête...

Mme Cameron: L'enquête est faite chez nous d'abord, évidemment. Ensuite, il faut qu'elle soit refaite au niveau des agences. Si une agence nous réfère quelqu'un, déjà, elle a fait une enquête. Il s'agit pour nous d'enchaîner et de référer aux services qui sont requis, que ce soit des services médicaux, des services légaux ou autres. Règle générale, je pense bien que c'est la même chose.

M. Saint-Germain: Mais, lorsque cette personne a droit à une allocation sociale...

Mme Cameron: Oui.

M. Saint-Germain: ... est-ce que le dossier du travailleur social est revu par...

Mme Cameron: Oui.

M. Saint-Germain: Habituellement, il y a une visite de l'agent social, pour une demande.

Mme Cameron: Oui.

M. Saint-Germain: Est-ce que l'agent social se rend chez vous pour visiter cette personne?

Mme Cameron: Non. Elle se rend chez lui pour visiter cette personne.

M. Saint-Germain: Et le dossier est refait? Mme Cameron: Oui.

M. Giasson: Est-ce que je pourrais dire quelques mots sur cette question de délai qui est revenue à trois ou quatre reprises? Le système d'informatique, comme tel, peut traiter les chèques en 24 heures, c'est-à-dire que, dès que le terminal inscrit la transaction, l'ordinateur peut émettre le chèque le lendemain matin.

Au fond, les délais sont les délais de la poste. Le problème que nous rencontrons se situe à deux niveaux. Le premier, c'est l'augmentation des cas, alors qu'il y a deux ans, il y avait environ 165 000 ou 170 000 ménages, nous approchons maintenant les 215 000, avec un personnel dont 85 postes sont présentement gelés. Vous avez une charge de travail qui a augmenté de 25% à 30% depuis deux ans et vous avez un impact nécessaire dans notre capacité de répondre aux demandes.

Le deuxième élément, c'est un élément de contrôle. C'est sous l'impulsion de certains rapports dont les rapports du Vérificateur général, notamment. Nous avons accentué beaucoup les mesures de contrôle, depuis environ un an ou deux, de sorte que nous avons maintenant un système qui prévoit deux interventions au lieu d'une, dans chaque nouveau dossier.

A Montréal, particulièrement, nous faisons toujours une visite à domicile, avant d'émettre le nouveau chèque, ce qui cause des délais dont vous venez de parler de l'ordre de dix à quinze jours, dans cette région. Je me suis moi-même en-quis à plusieurs reprises de la pertinence de ce délai, mais, à chaque fois, on m'a répondu qu'environ 18% à 20% des cas étaient modifiés par cette visite à domicile, même pour le premier chèque. Ce ne sont pas que des cas de fraude, évidemment, loin de là, mais ce sont toutes les circonstances afférentes à un nouveau cas.

Evidemment, si nous supprimons cette étape, au moment où je vous parle, nous allons accroître de beaucoup dans nos rapports de vérification interne, le degré d'irrégularité des premiers chèques. Nous sommes pris entre deux contraintes et même trois: L'augmentation du volume très rapide; la réduction, dans le faits, du personnel, et, cet élément de contrôle qui s'ajoute et se cumule avec l'augmentation des cas.

Il ne faudrait pas croire que c'est l'ordinateur en soi. Ce sont vraiment ces facteurs, parce que, si ce n'était que de l'ordinateur, les transactions pourraient être traitées le jour même et ce ne serait que les délais quant au courrier.

Or, je ne veux pas du tout défendre... Moi aussi, je considère que dix jours, douze jours, quinze jours, cela devient trop long. Ce sont des éléments dont nous avons fait part aux intéressés, lors de nos tournées régionales, mais qui doivent être vus dans leur juste perspective.

M. Saint-Germain: Mais, si j'ai posé cette question en particulier, vous avez par exemple, la travailleuse sociale qui, au niveau du gouvernement, est considérée comme étant une professionnelle et qui a un statut et des responsabilités beaucoup plus grandes qu'un agent social. Ce serait très simple pour cette professionnelle de connaître aussi bien que l'agent social les règles et elle pourrait, comme travailleuse sociale, servir au niveau du ministère, si elle était reconnue comme telle, aussi comme étant agent social.

Là, vous auriez une coordination entre deux services. Seulement, si vous laissez la professionnelle qui, comme je vous le dis, est mieux formée et coûte beaucoup plus cher à la province, faire un

dossier et ensuite ce même dossier est repris par un agent social, à mon avis, il y a une duplication d'enquêtes et de services.

M. Giasson: Oui, mais la nature des dossiers est assez différente quand même. S'il fallait que les travailleurs sociaux, dont le temps est précieux, fassent un travail qui, au fond, est assez technique, dont les paramètres changent assez fréquemment, est-ce que ce serait sage et souhaitable?

Dans le cas présent, probablement aurait-il possibilité d'accélérer ou de donner priorité pour les clients ou les bénéficiaires dont on parle, mais le problème demeurerait quand même, comme le député de Beauce-Sud le disait, pour l'ensemble du Québec et la grande majorité des autres cas de la région de Montréal.

Je ne verrais personnellement... Je vais même demander au directeur régional de regarder beaucoup plus attentivement le cas dont on parle, mais le problème que j'évoquais demeure quand même réel.

M. Saint-Germain: Je ne voudrais pas faire perdre le temps de la commission, mais la connaissance profonde des règlements de l'assistance sociale, par une travailleuse sociale qui s'occupe de cas comme celui-là, est-ce que ce ne serait pas inhérent à son travail? Est-ce qu'elle ne devrait pas les connaître pour avoir un image parfaite, les revenus de sa cliente et, en partant de là, avec cette image, elle pourrait construire? Cela me semblerait être assez simple pour une travailleuse sociale de se tenir au courant des règlements de l'assistance sociale ou, du moins, de savoir ce que l'agent social doit savoir. Tout cela se fait, en faisant elle-même sa propre enquête, son propre travail.

Cela devient quelque chose de relativement simple pour elle. Tout de suite, dans cette enquête, si elle était considérée en même temps comme agent social au point de vue du ministère, vous n'avez pas ce travail en double, si vous voulez.

M. Giasson: Je vais le considérer.

Mademoiselle, lorsque la travailleuse sociale est passée chez vous rencontrer la personne en cause, est-ce qu'elle fait revenir un agent du bien-être social?

Mme Cameron: Oui, cela se passe au niveau des agences sociales. Cela ne se passe pas chez nous, parce que nous n'avons pas de travailleuses sociales à l'auberge.

M. Giasson: Non, mais vous en...

Mme Cameron: C'est pour cela probablement que c'est déjà beaucoup plus long. Si nous avions une personne que nous pourrions embaucher pour le personnel, déjà cela réduirait de beaucoup les laps de temps auxquels on doit faire face maintenant.

M. Giasson: Oui, mais là, je tente de découvrir le laps de temps qui s'écoule entre le passage de la travailleuse sociale qui a qualifié telle demoiselle, telle dame admissible à de l'aide sociale, le laps de temps après qu'elle a qualifié cette personne et la venue de l'agent de sécurité sociale.

Mme Cameron: Oui, cela se fait au niveau des agents. Cela peut prendre deux semaines ou plus.

M. Giasson: II n'y a pas possibilité d avoir un agent de sécurité sociale dans un laps de temps plus court?

Une Voix: J'aurais une question, M. le ministre...

M. Giasson: Voici, vous êtes de la région de Montréal, au coeur des problèmes.

M. Ratté (Jean-Claude): Je suis de la région de Montréal, Jean-Claude Ratté. Comme question pratique, à toutes fins pratiques, question pratico-pratique, je pourrais rencontrer madame par après pour en discuter. Une première étape, du moment que la personne est hébergée chez elle la première journée, ce serait de faire le lendemain le contact tout de suite avec le bureau d'aide sociale en même temps qu'il se fait avec l'agence. Peut-être qu'on pourrait agir aussi rapidement, sinon plus, que l'agence au niveau de l'assistance financière. Il est bien sûr qu'au niveau du traitement social comme tel, c'est la responsabilité de l'agence sociale, qui est spécialisée dans ce domaine. Je ne pense pas que l'agence sociale comme telle puisse aller à l'étude financière en profondeur, parce que cela dépasse ses responsabilités. Ensuite, par tradition, l'aide sociale, les services sociaux et les services professionnels de réhabilitation sont depuis une dizaine d'années divisés comme services dans la province.

M. Giasson: Merci.

On pourrait considérer la suggestion de M. Saint-Germain, d'accord.

M. Saint-Germain: C est bien beau, les traditions, mais s il faut toujours garder cette fameuse tradition que chacun fait sa propre patente, on n en finit plus, les députés et moi. J'ai eu d'ailleurs à résoudre, peut-être que je m'éloigne du sujet. M. Houde est bien au courant de cela. On arrive avec des choses, c'est une personne humaine qui a besoin de services. On fait du travail social comme députés. Si on pouvait donc arriver à une personne qui pourrait résoudre son problème à elle! Mais non. tout est compartimenté. Le bureau d assistance sociale, c'est une patente, vous I'avez dit. c'est traditionnel. Le travailleur social, c'est une autre affaire. Même les travailleurs sociaux, eux aussi, sont compartimentés. Il y en a qui s'occupent des jeunes filles, il y en a qui s occupent des enfants. Cela n a plus de fin. Alors, les enquêtes se doublent. Chez nous, il n'y a pas de CLSC. Vous avez la travailleuse sociale dans les agences, vous

avez la travailleuse sociale dans les hôpitaux. Vous avez les bureaux de placement pour les HLM. Vous avez les bureaux de placement pour les personnes âgées. Vous avez le bureau de l'agence du ministère. Il n'y a aucune relation dans le travail de tout ce monde. Alors, comme travailleur social, vous arrivez là et vous faites une enquête. Il s'agit de placer une personne âgée, c'est une autre affaire. Il s'agit d'avoir de l'assistance sociale, c'est encore une autre chose. Il s'agit...

M. Bonnier: Point de règlement. C'est fort intéressant, ce que le député de Jacques-Cartier essaie de nous expliquer. C'est un problème qui devrait nous intéresser, mais ce n'est pas cela qui nous intéresse ce soir. Autrement, on ne permettra pas à chacun des groupes de passer. Je pense que la suggestion de madame tout à l'heure, c'est que ces discussions, on les reprenne par après entre nous. Là, on a fait un constat. Cela ne fonctionne pas. D'accord, c'est cela qu'on veut savoir. Après cela, on discutera entre nous pourquoi cela ne fonctionne pas.

M. Saint-Germain: Vous avez bien raison. M. Bonnier: Autrement, on ne le saura pas.

M. Saint-Germain: Malheureusement, nous aussi, comme députés, on étudie cela partie par partie. Lorsqu'il s'agit de prendre le problème globalement...

M. Bonnier: On va le prendre.

M. Saint-Germain: Oui, mais on enfreint toujours un peu le règlement.

M. Bonnier: On va le prendre dans une autre étape.

M. Saint-Germain: Très bien!

Le Président (M. Cornellier): Un autre bel effort de coopération de la part de tout le monde.

S'il n'y a pas d'autres questions, je remercierais ces dames du YWCA, et j'inviterai maintenant la représentante de l'Union des femmes seules chefs de famille.

Union des femmes seules, chefs de famille

Mme Godard (Lorraine): Lorraine Godard, membre et porte-parole de l'Union des femmes seules chefs de famille.

Mme Lefebvre: Michèle Lefebvre, membre de l'Union des femmes seules chefs de famille.

Le Président (M. (Cornellier): Michèle Lefebvre. Oui. Alors, Mme Godard, vous pouvez aller.

Mme Godard: Parmi les femmes qui ont eu recours au service de l'Union des femmes seules chefs de famille, il en est plusieurs qui étaient et qui sont encore confrontées à un problème qu'on estime crucial, à savoir celui des bénéficiaires de l'aide sociale, qui veulent entreprendre et compléter une formation collégiale, en vue, éventuellement, de pouvoir subvenir à leurs besoins.

Ce qui s'est produit, en termes historiques, pour être bref, c'est que, depuis 1970, plusieurs femmes ont manifesté l'intention de s'inscrire au CEGEP pour pouvoir compléter leur formation. Sur la recommandation expresse du ministère des Affaires sociales, elles ont présenté des demandes de prêts et bourses, croyant, ce qui s'est avéré naïf d'ailleurs, qu'elles seraient néanmoins admissibles aux allocations d'aide sociale, parce que l'article 7, paragraphe 2, de la Loi aide sociale, reconnaît expressément le droit à l'éducation, en stipulant clairement que le chef de famille, qui est inscrit à un cours d'études en vue de subvenir éventuellement à ses besoins, est censé être privé de moyens de subsistance.

Ce qui s'est passé, en fait, est tout à fait le contraire, à savoir qu'à partir du moment où elles ont touché un prêt ou une bourse, le ministère des Affaires sociales a réduit de leurs allocations ce qu'elles avaient reçu à titre de prêts et de bourses, et on les a même obligées à signer une reconnaissance de dette, par laquelle elles s'engageaient à rembourser au ministère des Affaires sociales les sommes qu'elles avaient touchées en trop, en attendant leur prêt. Elles étaient donc endettées à l'égard de deux ministères. D'une part, à l'égard du ministère des Affaires sociales, et, ensuite, à l'égard du ministère de l'Education, devant éventuellement rembourser ces prêts. De plus, loin de s'améliorer, la situation s'est aggravée par l'entrée en vigueur des règlements, le 1er janvier 1976, règlements en vertu desquels toute personne dont l'activité principale est de fréquenter des institutions d'enseignement est censée ne pas être privée de moyens de subsistance, ce qui fait que, finalement, ces femmes se sont vu couper l'aide sociale, et cela, pour toute l'année au complet. Alors, même pendant l'été, elles n'ont absolument aucune allocation d'aide sociale. Elles doivent essentiellement vivre à partir de ce qu'elles touchent à titre de prêts et bourses.

Concrètement, elles sont confrontées au problème suivant: II y a d'abord une forme de pénalité à l'égard des autres assistés sociaux, parce que, même si le ministère des Affaires sociales persiste à considérer des prêts et bourses comme étant une aide qui suffise à subvenir à leurs besoins, il reste que le prêt devrait être remboursé, alors que l'aide sociale généralement ne l'est pas.

Il y a également discrimination à l'égard des autres étudiants au niveau collégial. D'une part, parce que la bourse est calculée en tenant compte d'un présumé travail d'été, qu'elles peuvent souvent ne pas accomplir, étant donné qu'elles ont la charge d'enfants et qu'elles doivent les garder, ou que, si elles les accomplissent, il y a une réduction à la table de leur salaire, parce que le manque de garderies publiques fait en sorte qu'elles doivent

tout de même payer pour faire garder leurs enfants.

Il y a également discrimination à l'égard des autres étudiants, en ce sens que, dans la majorité des cas, les étudiants au niveau collégial vont, soit vivre chez leurs parents, soit subvenir à leurs besoins, mais n'auront pas de famille à supporter, de telle sorte que les besoins ordinaires qu'ils doivent couvrir sont tout de même minimes, alors que ces femmes doivent non seulement couvrir des besoins ordinaires qui sont la nourriture, le logement, le vêtement pour elles et leurs enfants, mais, en plus, couvrir les besoins spéciaux assurant l'éducation, soit le transport scolaire, éventuellement des frais de scolarité et l'achat des livres, etc.

Prises dans ce problème, elles ont adopté plusieurs mesures de presssion. On a d'abord contacté, c'est-à-dire qu'on a travaillé en collaboration avec l'Union des femmes seules chefs de famille. On a d'abord contacté le ministère des Affaires sociales qui nous a dit que le ministère de l'Education allait prendre la responsabilité de ces cas.

On nous a dit, par la suite, que des directives avaient été envoyées aux directeurs des CEGEP, les incitant justement à fournir des fonds de dépannage à ces femmes. Bon! On est allé vérifier. Les directeurs des CEGEP que nous avons rencontrés, majoritairement de la région montréalaise, nous ont dit, d'une part, qu'ils n'avaient jamais reçu de telles directives, et, d'autre part, que, même si c'était le cas, ils ne se considéraient pas comme des services sociaux, mais comme étant essentiellement des responsables de l'éducation. D'autre part, dans la présentation des budgets des CEGEP, qui doivent être approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil, il n'a jamais été mentionné que l'on faisait la demande de fonds de dépannage pour venir en aide à ces femmes.

Des mesures ont également été prises sur le plan légal à savoir que des recours ont été pris en révision et en appel, recours qui se sont avérés, en fait, jusqu'à ce jour, totalement inefficaces, qui ont eu pour simple effet de prolonger les délais, de multiplier justement les recours.

Ils ont eu surtout un effet qui m'apparaît le plus néfaste, l'effet d'apporter une solution parcellaire, en ce sens que chaque femme doit individuellement prendre ces recours, ce qui est contraire à une forme d'application ou à une forme de solution qui serait beaucoup plus rationnelle et beaucoup plus uniforme.

Elles sont donc confrontées à un véritable imbroglio administratif, à savoir le ministère des Affaires sociales qui renvoie la balle au ministère de l'Education et vice versa ou bien à suivre une filière juridique, c'est-à-dire une filière de recours qui est tout de même longue à traverser, qui demande énormément d'énergie et que ces femmes, dont la situation est d'ores et déjà précaire, n'ont pas toujours le potentiel et l'énergie de traverser.

Pourtant, la solution, pour nous, nous semble pour le moins facile à réaliser. Elle nous semble même évidente puisque c'est le texte même de la

Loi d'aide sociale, à l'article 7, paragraphe 2, qui consacre le droit à l'éducation.

Il suffirait donc que le ministère des Affaires sociales mette, effectivement, en oeuvre ledit paragraphe, c'est-à-dire qu'il exerce les prérogatives qui lui ont été dévolues par le texte de loi et qu'il fasse en sorte que ces femmes restent néanmoins admissibles à l'aide sociale.

Sur le plan de la réglementation, ceci exigerait une modification des règlements entrés en vigueur depuis le 1er janvier 1976, à savoir que Ion efface la contradiction évidente qui existe entre les règlements actuels et la loi, c'est-à-dire entre l'article 7, paragraphe 2, contradiction en ce sens qu'en vertu des nouveaux règlements, une femme n'est pas censée être privée de moyens de subsistance lorsqu'elle fréquente une institution d'enseignement, ce qui est en contradiction notoire avec le droit à l'éducation.

Alors, cette position, je dois le souligner, est notamment appuyée par l'Ombudsman aux affaires sociales dont les rapports des années 1973 et 1974 faisaient notamment cas du problème et où il était clairement souligné que, dans l'état actuel de la législation, ces femmes font face à une situation pour le moins aberrante, en ce sens que, pour elles, il vaut mieux rester chez elles et attendre leurs chèques qu'essayer de s'en sortir et être pénalisées en subissant une réduction de leur revenu.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, le problème soulevé est plus qu'intéressant.

J'étais à relire, en vous écoutant, une lettre reçue dernièrement du sous-ministre adjoint aux Affaires sociales après que je lui eus soulevé cette question. Ce n'était pas la première fois. Les gens étaient venus à mon bureau pour en parler. Ils vivaient une situation extrêmement difficile parce que ces femmes avaient décidé de retourner aux études. Cette lettre est toute récente— ma réponse est toute récente — mais ne pêche quère par excès de clarté — c'est le moins que je puisse dire — parce qu'on a visiblement, essayé, à travers quatre pages, de me faire croire que la situation n'est pas si grave que cela.

On affirme même à un endroit — et je ne l'ai pas totalement compris — que ce problème s'est modifié au cours des derniers mois du fait que le régime de prêts et bourses peut, à l'occasion, à l'égard de l'étudiante, être plus généreux que la Loi d'aide sociale et que, donc, il n'y a plus avantage à vous battre, si vous me permettez cette expression, pour avoir encore droit à l'aide sociale tout en étant étudiante.

Je le conteste parce que cela n'est pas prouvé, loin de là, et qu'on parle largement des plafonds à l'aide aux étudiants et je pense que le montant total de l'aide à une femme seule, avec un enfant, multiplié par douze est supérieur à n'importe quel montant de prêts et bourses que vous pouvez aller chercher.

On m'informe — et je donnerai à l'auteur de la

lettre l'occasion de compléter cette information—d'une exception nouvelle faite au règlement: "... deviennent ainsi admissibles à l'aide, bien qu'elles fréquentent une institution d'enseignement secondaire ou l'équivalent..." — secondaire, je dis bien — " ... les personnes qui sont des adultes au sens de la Loi sur la formation professionnelle. "En d'autres mots, nous pouvons maintenant accueillir les adultes qui ont dépassé d'au moins une année l'âge normal de fin de scolarité, n'ont pas fréquenté l'école depuis douze mois et ne sont pas admissibles, donc, à un prêt ou à une bourse. "Nous avons pensé sage de nous appuyer sur le critère retenu en matière de formation professionnelle après une longue expérience pour démarquer les étudiants encore attachés à une famille de personnes qui cherchent dans la poursuite d'études le moyen de consolider leur économie".

Me permettez-vous, M. le Président, d'achever cette... Parce que je pense qu'elle est d'intérêt pour tous les membres. Nous avons là la réponse du ministère. "Par voie réglementaire, nous avons aussi accepté deux autres exceptions à notre absence d'intervention pour un étudiant du niveau secondaire. La première est le cas de celui qui ne peut occuper un emploi par incapacité physique ou mentale et la seconde, le cas de l'adulte seul ayant charge d'un enfant de moins de six ans. "Dans ces deux cas, l'incapacité ou la présence d'un enfant en bas âge nous a amenés à prémunir le bénéficiaire contre l'obligation que lui fait la loi d'être tenu d'accepter un emploi convenable si on le lui offre. "Si nous reconnaissons alors, comme nous l'avons fait par règlement, que le bénéficiaire constitue, du seul fait de sa situation, une charge sociale légitime, sans obligation de travail, il est logique d'accepter aussi qu'il profite de son temps pour améliorer sa formation sans entrer en conflit avec les dispositions de la loi. Ceci ne saurait valoir, toutefois, pour celui qui peut profiter du régime de prêts et bourses; le handicapé est d'ailleurs privilégié en vertu de ce régime, parce qu'encore une fois le législateur en a voulu autrement. "— Nous en sommes toujours au niveau secondaire, je vous le rappelle — . "Par ailleurs, la Loi d'aide sociale, dans ses articles 8 et 9, qui sont une voie exceptionnelle, demande de subvenir aux besoins d'une personne dont la santé est en danger ou qui risque d'être conduite à un dénuement total. Tout en ne voulant pas exclure les étudiants plus que d'autres de cette disposition, il ne peut être inféré non plus que celui-ci, assure à certains de pouvoir étudier tout en profitant de l'aide. Une telle clause d'exception difficilement applicable d'ailleurs en pareil cas "— qu'entend-on par dénuement total dans le cas d'une personne qui choisit d'étudier— "ne peut servir à modifier tout l'esprit d'une loi qui va jusqu'à prévoir au contraire que des étudiants dans cette situation pourraient plutôt se voir obligés d'accepter un emploi. Est donc maintenu, mais à l'état d'exception, le principe d'une inter- vention en cas de dénuement total. Le dénuement à ce moment doit être beaucoup plus qu'un déficit passager. "Certaines autres questions sollicitent présentement notre attention. L'une d'elles réside dans le traitement qu'il convient d'apporter à l'étudiant sans emploi pendant la période de vacances et une autre provient du besoin d'assurer un certain dépannage avant l'émission effective d'un prêt ou d'une bourse. Ces questions font déjà l'objet d'une discussion avec le ministère de l'Education en vue d'assurer la cohérence nécessaire entre le programme de l'aide sociale et celui du régime de prêts et bourses aux étudiants". — Si vous remarquez, c'est le premier paragraphe concret. "J'espère que mes propos ont su vous expliquer le sens de nos interventions à l'égard des situations difficiles à apprécier et je vous prie d'agréer l'expression de mes meilleurs sentiments".

Mme Godard: Si vous permettez, j'aurais trois commentaires à faire au sujet de la lettre que vous venez de lire.

M. Charron: J'allais vous le demander. Allez-y.

Mme Godard: Merci. D'abord, concernant les articles 8 et 9, je ne vois pas pourquoi on maintiendrait le droit à l'éducation comme étant une situation exceptionnelle. Pour deux raisons. D'une part, parce qu'il reste qu'il y a un principe d'interprétation des lois, qui, à mon avis, s'applique couramment, à savoir qu'une disposition spéciale a priorité sur une disposition générale. Or, l'article 7, paragraphe 2, traite spécifiquement du droit à l'éducation, alors que les articles 6 et 8 ne traitent des besoins spéciaux que dans leur ensemble, c'est-à-dire de façon générale; donc l'article 7, paragraphe 2, devrait tout de même avoir priorité.

Deuxièmement, dans la mesure où on force ces femmes à avoir recours à la procédure de révision à laquelle l'article 8 peut justement ouvrir les portes d'une certaine façon, à ce moment-là, on les force à prendre des solutions qui sont individuelles, c'est-à-dire à toujours prolonger les délais, à multiplier les recours et ce n'est vraiment pas une situation qui est cohérente à mon avis.

Deuxième commentaire concernant la formation secondaire, lors de l'étude qui avait été faite par la commission sénatoriale sur la pauvreté au Canada, on avait établi que 99% des chefs de famille dont le revenu était inférieur au seuil de la pauvreté avaient une formation secondaire qui n'était pas complète. Ce qui fait que la formation secondaire est au moins un minimum requis pour pouvoir se trouver un emploi satisfaisant et subvenir adéquatement à ses besoins. Je pense que, dans la collectivité québécoise actuelle, il y a peu de gens pour qui ce n'est pas un besoin ordinaire d'avoir au minimum une formation collégiale, et c'est encore plus important dans le cas des femmes qui, dans le contexte actuel, ont souvent des salaires inférieurs aux hommes, ce qui fait qu'une seule formation secondaire les défavorise d'autant.

Le troisième aspect que j'ai commis la gaffe

de ne pas écrire... Ah! oui. C'était concernant, justement, la formation secondaire. Alors, il y avait deux commentaires en fait. C'est tout.

M. Charron: Merci.

Mme Godard: Je me souviens. Le troisième aspect, c'était qu'il ne s'agissait pas de se demander si la Loi des prêts et bourses leur accordait plus que la Loi de l'aide sociale. Ce qu'on veut, c'est l'application des deux, la Loi de l'aide sociale pour couvrir les besoins ordinaires, c'est-à-dire la nourriture, le logement, les vêtements etc., et la Loi des prêts et bourses, qui servirait à couvrir les besoins afférents à la fréquentation d'une institution d'enseignement. Voilà.

M. Giasson: Mademoiselle, la première chose que je voudrais dire, c'est que nous sommes dans une discussion de type politique. La lettre que j'ai écrite reflétait la politique actuelle du ministère, mais ça n'était pas vraiment la lettre d'un sous-ministre adjoint, c'était la lettre d'un sous-ministre qui reflétait la politique actuelle et il n'y a aucun doute que si des changements doivent se faire, ce sont des changements d'ordre politique, ce sont des choix.

Le deuxième point que je voudrais souligner, c'est que personne ne conteste qu'une mère célibataire doive pouvoir étudier. Là n'est pas la question. La question est de savoir à partir de quel programme l'Etat, le législateur, a voulu qu'elle étudie et qu'elle ait une assistance financière pour le faire.

D'abord, vous abordez l'article 7. L'article 7 — vous passez au deuxième paragraphe — dit au premier paragraphe que n'est pas réputée être privée de moyens de subsistance, une personne qui fréquente une institution d'enseignement.

Si j'interprète le deuxième paragraphe, comme vous le faites, ça veut dire que le premier paragraphe n'a absolument aucune espèce de signification. Or. il est clair que le premier doit en avoir une et que le deuxième, qui parle d'un programme approuvé par le ministre, vise des modalités spécifiques.

Mais il y a un argument qui, à mon sens, est encore plus important. Le législateur a voulu, dans une Loi des prêts et bourses, déterminer quelles modalités d'assistance financière seraient celles des étudiants. Or, si la Loi d'aide sociale signifie que c'est le moyen par lequel l'Etat vient en aide à une catégorie d'étudiants, ça équivaut à toutes fins pratiques, à mettre de côté les modalités d'une autre loi plus spécifique qui prévoit notamment la contribution de l'étudiant à ses études sous la forme d'un remboursement futur d'un prêt. Je n'ai pas personnellement et je ne crois pas que quiconque ait, à l'aide sociale, la moindre hésitation à accepter la décision que l'Etat pourrait vouloir choisir. Tout ce que je veux vous faire comprendre, c'est que si la Loi d'aide sociale devait s'interpréter comme voulant dire qu'elle a priorité sur la Loi des prêts et bourses, à toutes fins pratiques, nous nierions l'effet de cette loi en ce qui concerne une catégorie particulière d'étudiants dont les charges familiales pourraient le laisser supposer.

Ce que nous avons voulu faire dans l'état actuel des choses — le député de Saint-Jacques a dit que la situation n'était pas claire et il a raison — c'est, pour l'instant, concilier la loi telle que nous la connaissons. Nous avons posé le problème au ministère de l'Education qui est en voie, du moins je le pense, de considérer des révisions possibles à sa Loi des prêts et bourses et, comme je le dis aux termes de ma lettre, il y a des décisions de principe qui devront être prises, mais dans un autre cadre que le cadre administratif.

Mme Godard: Je comprends parfaitement l'application du premier paragraphe de l'article 7 quand il s'agit d'un étudiant ordinaire, c'est-à-dire dont les parents ont la charge et qui peut bénéficier d'une aide parentale. Mais quand il s'agit d'un chef de famille, qui ne bénéficie actuellement d'aucune aide extérieure, à ce moment-là, à mon avis, c'est l'article 7, paragraphe 2, qui s'applique.

M. Giasson: La Loi des prêts et bourses ne s'applique pas...

Mme Godard: J'entends, par aucune aide extérieure, le fait qu'il n'y ait pas d'aide parentale. Deuxièmement, concernant l'argument que ça reviendrait à nier l'application de la Loi des prêts et bourses, comme j'ai mentionné tout à l'heure, ce qu'on revendique, c'est l'application des deux lois, l'application simultanée des deux lois pour qu'elle puisse à la fois toucher l'aide sociale et en plus, toucher des prêts et bourses. Enfin, si vous me dites que mon interprétation de l'article 2 fait en sorte que l'article 1 n'a pas de sens, je peux vous dire que votre interprétation de l'article 1 fait en sorte que l'article 2 n'a pas de sens et, en plus, il y a un autre principe d'interprétation en vertu duquel le législateur ne parle pas pour rien dire; ce que j'espère.

M. Giasson: On pourrait discuter longuement.

Centre populaire de Roberval et Multi-Media

Le Président (M. Cornellier): Pas d'autres questions? Mme Godard, je vous remercie. Vous avez abordé un aspect particulier des problèmes de personnes qui reçoivent de l'aide sociale. Sans doute que le ministère et la commission, quand viendra le temps de réévaluer la loi, tiendront compte de vos représentations. Je vous remercie beaucoup.

J'inviterais maintenant le Centre populaire de Roberval et Multi-Media.

Mesdames, si vous voulez bien vous identifier.

Mme Cinq-Mars: Gertrude Cinq-Mars.

Mme Paré (Cécile): Cécile Paré, membre de Multi-Media, comité régional du Saguenay-Lac Saint-Jean.

Thibeault (Noëlla): Noëlla Thibeault. Pellicalli (Rachel): Rachel Pellicalli.

Mme Cinq-Mars: Nous, de Roberval, nous avons fait parvenir, en septembre, un mémoire de revendications. C'est ce qu'on va vous lire ce soir, étant donné que nous n'avons rien de préparé. A l'avenir, si vous aimez avoir des groupes comme nous autres, on aimerait le savoir d'avance pour pouvoir préparer quelque chose de solide. En deux jours, c'est assez difficile de préparer un bon document.

Je vais laisser Mme Paré lire le mémoire.

Mme Paré: La présentation du mémoire, sous le titre la loi du partage. Voici un travail fait par un groupe qui veut améliorer son système de vie, en se renseignant sur ses droits et ses besoins.

Depuis un an et demi, des personnes ayant à coeur de venir en aide à des gens qui se sentent délaissés par la société, ont voulu sensibiliser ces personnes en les regroupant pour étudier la loi sociale touchant les assistés sociaux afin de prendre position, si nécessaire, par revendication raisonnable et apprendre à partager.

Voilà le groupe du lundi sur pied et, au fil des jours et des semaines, nous étudions la loi sociale avec des personnes-ressources; chacun y va de ses questions et de ses griefs, tout en reconnaissant le travail des agents du bien-être. D'autres groupes viennent se joindre à nous selon leurs besoins. Ils nous aident à compléter le mémoire que nous présentons aujourd'hui et qui nous tient à coeur.

Présentation. Il est bon de présenter, au départ, les gens qui reçoivent de l'assistance sociale. Première catégorie. Ce sont des personnes qui ont travaillé jusqu'à épuisement de leur santé, ou, à un moment de leur vie, un accident ou autre est survenu les obligeant à interrompre le cours normal de leur existence, les laissant dans une incapacité totale ou partielle.

Autre catégorie. Ce sont des personnes qui n'ont pu s'adapter aux changements radicaux de notre société, étant défavorisées au départ par le manque d'instruction, n'ont pu garder leur emploi.

Autre catégorie. Ce sont des gens d'un certain âge, en très bonne santé, qui seraient encore capables de travailler, mais que la machine et la modernisation des entreprises ont mis de côté en leur disant que leur âge, voir 40 et 45 ans, est un handicap.

Autre catégorie. Les personnes seules ayant charge familiale, les obligeant à demeurer à la maison, ne peuvent assumer une responsabilité sur le marché du travail.

Autre catégorie, qui n'est pas la moindre. Ce sont les compagnies ou autres, qui reçoivent des subventions ou des octrois. Ceux-là, personne n'en parle et jamais elles ne sont critiquées. On critique surtout les petits qui, pourtant, ne pren- nent pas la plus grosse part du gâteau. Ce sont les grosses compagnies qui sont les ogres des assistés sociaux.

Inflation. Une bonne partie des travailleurs syndiqués ont vu leur salaire rajusté au taux de l'inflation dans le cours de l'année, tandis que les gens recevant des prestations sociales ont reçu, en janvier 1975, une augmentation de 11,2%, ce qui n'a pas tellement aidé l'assisté social, vu que ses prestations sociales sont déjà très basses. Les agents du bien-être déclarent qu'avec le montant que l'assisté reçoit, il ne doit consacrer que $0.20 par personne pour se nourrir. Est-ce logique?

La montée en flèche du coût de la vie n'a pas été comblée au fur et à mesure de la progression des prix, c'est-à-dire que le réajustement de janvier 1975 ne permet pas aux assistés sociaux de garder le même pouvoir d'achat qu'auparavant.

De plus, les assistés sociaux n'ont pas profité entièrement de la hausse des allocations familiales, les autres ont gardé leur revenu intact auquel est venu s'ajouter l'augmentation des allocations tandis que l'assisté a vu baisser ses prestations sociales.

Exemple: Une famille de huit personnes, en 1973, recevait $357 de prestation sociale. La somme a été baissée à $312. Les allocations augmentaient de $72 à $196.

Constatation: Pourtant un article de la loi 26 stipule que le montant du bien-être n'est pas affecté par la hausse des allocations familiales. Voir loi 26, règlement 4.05, paragraphe f), où il est dit: "Nonobstant les dispositions précédentes de cet article, ne sont pas inclues dans le calcul du revenu: les allocations familiales en vertu de la Loi des allocations familiales du Québec, la Loi des allocations scolaires, la Loi sur les allocations familiales, la Loi sur les allocations des jeunes."

Lorsque nous recevons des prestations du gouvernement, nous perdons notre liberté, même celle d'avoir des enfants, parce que nous sommes pénalisés, lorsque nous en avons plus que trois. Nos gouvernements nous entretiennent dans la pauvreté et nous obligent à limiter les naissances.

Les barèmes du bien-être concernant les loyers permettent dans très peu de cas d'acquitter les prix réels des loyers. Exemples: Un adulte et deux enfants, bien-être, $95 et le loyer, $130; un adulte et trois enfants, bien-être, $105 et le loyer, $130; aujourd'hui, c'était $85. La différence entre la part prévue pour le loyer et le coût réel du loyer doit être prise sur d'autres postes budgétaires, telle la nourriture.

Aux termes de la loi, le bien-être donne environ $8 par mois pour compenser et réparer les meubles défectueux, ce qui nous oblige à nous endetter souvent aux compagnies de finance ou à voir notre mobilier s'en aller aux poubelles. $8 par mois, c'est rire du monde. Exemple: Lorsque le poêle fait défaut, le réparateur, au départ, exige $10 à $15 pour son déplacement, en plus des morceaux défectueux. Les petits $8 par mois sont dépensés pour au moins trois à quatre mois.

Advenant le cas où le poêle doit être remplacé, les $8 ne comptent pas gros puisqu'ils sont mangés pour des années. Le bien-être ne fait pas

la différence entre un assisté qui peut gagner le maximum permis par la loi, $40 pour un couple et $5 par enfant, quand il peut dénicher un emploi, et l'assisté invalide, puisque celui-ci ne peut améliorer sa situation. Etant handicapé, il se décourage et souvent fait une dépression. Encore une injustice.

Deux personnes âgées recevant une pension de vieillesse et le supplément ont le même montant qu'une famille de deux adultes et de trois enfants, n'ayant pas de charge familiale. Sur ce, nous considérons que le montant alloué à l'assisté n'est pas suffisant. L'assisté social qui demeure sur une ferme voit son chèque diminué du montant correspondant au prix des oeufs et du boeuf, mais le gouvernement ne calcule pas le coût de la nourriture de ces animaux.

Il y a aussi les montants octroyés par le bien-être pour les funérailles. Ceux-ci étant insuffisants, un assisté social perdant un membre de sa famille et n'ayant pas d'autres revenus, se voit dans l'obligation d'enterrer cet être cher quatre heures après que l'entrepreneur l'ait déposé dans le cercueil, bien que, les trois quarts du temps, les familles concernées ne soient pas encore averties. C'est absolument inhumain.

Médicaments: La Loi concernant les médicaments distribués aux assistés sociaux et aux personnes âgées, gratuitement, n'est pas considérée très adéquate puisqu'elle oblige les médecins à prescrire les médicaments inscrits sur la liste, parfois moins efficaces. Par conséquent, cela empêche la prompte guérison du malade et, faute de remèdes plus adéquats, il voit sa santé diminuer faute de moyens de payer.

Quand un grand malade est hospitalisé à l'étranger, le conjoint se doit d'être à ses côtés pour l'aider à supporter l'épreuve de la maladie d'abord, ensuite celle de l'éloignement.

Le bien-être ne prévoit rien actuellement pour compenser les dépenses qui en découlent. Ce sont des revendications qu'on avait faites dans le temps, il y a quelque chose de changé, mais on va quand même les lire:

Considérant que le montant alloué par le bien-être, chaque mois, est nettement insuffisant, nous demandons que l'augmentation suive celle du coût de la vie, qu'elle soit renouvelée tous les six mois, que nous recevions nos prestations toutes les quatre semaines.

Considérant que plus la famille est grande, plus il y a de bouches à nourrir, à loger, à vêtir, nous demandons que le bien-être tienne compte du nombre d'enfants et de leur âge.

Considérant que les assistés sociaux et les personnes âgées n'ont pas le moyen de payer les médicaments nécessaires à leur santé, nous demandons le paiement en entier de tous les médicaments, et que soient payés les montures et les verres de lunettes. Nous apportons les mêmes revendications pour les petits salariés.

Considérant qu'un assisté social doit être hospitalisé à l'extérieur pour une opération, nous demandons que le bien-être paie les frais de voyage et de séjour du conjoint et d'un parent, s'il s'agit d'un enfant.

Considérant que le coût de la vie augmente, nous demandons que la hausse permise des gains mensuels soit de $50 pour un couple, et de $15 additionnels par enfant par mois.

Considérant qu'un assisté invalide ne peut travailler, nous demandons qu'il reçoive le montant accordé à celui qui est capable de travailler, soit $50 pour le couple et $15 additionnels par enfant par mois, et que ses dettes soient payées en entier ou partiellement.

Considérant que la loi concernant le retour au travail est désuète, nous demandons qu'elle soit révisée, actuellement, les chances de retourner au travail sont minimes. Nous demandons pour l'incitation au travail que des cours de recyclage soient donnés aux personnes susceptibles d'être sur le marché du travail, tels que les jeunes, surtout eux. Ce serait une politique sérieuse qui aiderait les jeunes à reprendre le goût au travail.

Considérant que nous sommes des personnes conscientes et intelligentes, nous demandons qu'une note explicative accompagne nos chèques, chaque fois qu'il y a des changements dans les tarifs déjà accordés et aussi quand il y a des tarifs nouveaux. Nous demandons d'être instruits de nos droits, que les agents soient sérieux et plus larges dans les renseignements à donner aux assistés sur la loi. Lorsqu'il y a des spéciaux, exemple, le nettoyage de fournaise, un petit nombre était au courant.

Considérant que le coût de la vie a monté, nous demandons que les taux des besoins essentiels et spéciaux soient augmentés. Nous demandons un escompte sur les taxes municipales et scolaires.

Considérant la rareté des loyers, ne permettant pas aux assistés sociaux de se loger selon le barème du bien-être, nous demandons l'urgence des HLM unifamiliaux ou duplex.

Conclusion. Nous demandons d'être reconnus comme des personnes ayant à coeur de faire vivre nos familles convenablement. Nous demandons de ne plus être considérés comme étant des êtres qui abusent du gouvernement et des travailleurs.

Espérant que vous apprécierez notre travail en approfondissant le pour et le contre.

Le Président (M. Cornellier): Le ministre d'Etat aux Affaires sociales.

M. Giasson: Mesdames, je vous félicite de la teneur de votre mémoire qui fait un tour d'horizon assez complet sur les règlements de l'aide sociale, la loi et les règlements d'abord. Curieusement, je retrouve dans vos remarques et commentaires beaucoup de similitude avec les remarques et l'expression d'opinion que nous a fournies, ce matin, le groupe venant de Noranda. Etant donné qu'à quelques facteurs près, il s'agit de problèmes qui ont été soulevés et que nous avons eu l'occasion, ce matin, d'échanger assez longuement avec les personnes du groupe du nord-ouest, je laisserai la parole à d'autres de mes collègues ici s'il y avait quelques points à discuter avec vous, surtout ceux qui n'avaient pas été touchés, ce matin, lors du débat.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, j'ai écouté attentivement le texte lu par Mme Paré. Je voudrais uniquement lui dire...

Mme Paré: Pouvez-vous parler plus fort?

M. Charron: Je voudrais lui dire que lorsque viendra le temps de faire le bilan de cette commission, comme nous serons conviés à travailler à une refonte de la réglementation à l'aide de certaines remarques, il y en a deux, en particulier, que je reprendrai de votre texte pour les voir s'incorporer à la nouvelle réglementation; les deux ont déjà été soulevées par le Parti québécois à l'Assemblée nationale. La première remarque, c'est le droit indéniable des assistés sociaux à toucher la pleine valeur de leurs allocations familiales.

Ils ont été le seul groupe — c'est encore inexplicable — qui, au lendemain d'une loi qui s'adressait à tous les Québécois, en décembre 1973, a été écarté de la plénitude de l'allocation familiale en cause. Nous avons soulevé un débat, une motion semblable à celle qui nous a réunis ici à ce moment-là. Tous nos arguments ont été mis sur la table, et je continue à croire qu'ils l'emportent largement sur les arguments adverses, puisqu'aucun principe ne peut justifier que les assistés sociaux soient privés de la totalité des allocations familiales.

L'autre point que vous avez soulevé, que vous avez mentionné, et qui fera l'objet de notre consentement à s'inclure dans la réglementation, c'est celui d'un barème modifié selon le nombre d'enfants, sans que cela soit plafonné à trois, si le groupe veut se rendre à quatre, cinq ou six. Vous avez dit très clairement que vous avez l'impression que la société, à l'occasion, veut limiter les naissances, alors que les ministres et autres se pètent les bretelles sur les estrades à dire que la baisse de la natalité québécoise est un des phénomènes les plus inquiétants pour notre collectivité. Je pense que quand on dit ce genre de choses, il faudrait voir la poutre qu'on a dans son oeil, pour reprendre une expression connue.

Il est vrai qu'il est impossible à une famille d'élever quatre, cinq ou six enfants, si on part du montant alloué et plafonné à trois, parce que ce qui est incompréhensible là-dedans, c'est que les gens ont l'impression que les assistés sociaux vont se mettre à faire des enfants, comme on dit, pour profiter d'une croissance. Ce n'est pas le cas. Si c'était le cas, il n'y aurait rien de terrible là-dedans. D'une part, le droit à la procréation est connu de tous les citoyens, offert à tous les citoyens, reconnu à tous les citoyens, mais il y a aussi le fait que le montant pour deux adultes et trois enfants étant déjà largement insuffisant pour ce groupe de deux adultes et trois enfants, imaginez-vous l'allure injuste que cela prend quand le quatrième et le cinquième ne sont aucunement reconnus? C'est comme s'ils n'existaient pas.

Il y a aussi une autre dimension que M. La-rouche, de Rouyn-Noranda, nous a expliquée. Il arrive que des familles nombreuses — je sais qu'il y en a plusieurs au Lac-Saint-Jean — peuvent se retrouver sous le bien-être social après que quatre, cinq ou six enfants sont nés, et il est absolument impossible de croire que toutes les familles arrivent sous le bien-être social avec deux ou trois enfants et donc, la procréation demeure à leur charge, à leurs frais, en quelque sorte. C'est le genre d'argument qui ne tient plus, parce que très souvent, en particulier à l'extérieur de Montréal, ces familles connaissent des difficultés énormes, et comme elles n'ont pas la plénitude des allocations familiales — je rejoins mon premier point — pour les quatrième, cinquième ou sixième, ils ne l'avaient pas plus pour les trois premiers, l'injustice devient double et inexplicable.

Je suis content qu'aujourd'hui des groupes nous aient expliqué leur position et aient renchéri là-dessus, parce qu'à l'occasion, on se sentait fort seuls quand on essayait de décrire cette situation comme étant une injustice.

Mme Paré: Il y a eu une annexe à la nouvelle loi de 1976, qui a été ajoutée, qui nous a été donnée par notre directeur des agents sociaux. On ne comprenait pas le texte. On a fait venir un agent pour nous l'expliquer, et il n'a pas été capable de l'expliquer. Il ne savait pas ce que ça voulait dire. Cela fait que cette annexe, si des agents l'étu* diaient et venaient nous trouver, les groupes, et nous informer de ces choses, nous les expliquer, je ne sais pas, cela nous aiderait et cela aiderait aussi les agents, parce qu'il y en a plusieurs qui ne connaissent pas toutes les lois, je pense, ou ils ne veulent pas en parler.

M. Giasson: Vous faites allusion à quel document? J'ai cru comprendre l'annexe à la loi.

Mme Paré: C'est une annexe que notre directeur nous a fait parvenir pour...

Mme Cinq-Mars: C'est l'annexe 76, article 2. Mme Paré: C'était marqué annexe 2. Mme Cinq-Mars: Ce n'est pas dans...

Mme Paré: C'est pour la durée des mois. C'est écrit: Durée, douze mois: $150 pour une personne seule en centre d'accueil, ou bien pour un détenu qui est dans une chambre, il donne $150, mais c'est écrit: Durée, un mois. C'est cela qu'on ne comprend pas.

Mme Cinq-Mars: Ce n'est peut-être pas dans ce livre. C'est dans un petit dépliant.

M. Paré: Je ne sais pas si cela a été fait par l'agent...

Une Voix: Vous n'avez pas d'idée, Madame? Mme Paré: C'est écrit: Annexe à la loi. C'est

une suggestion. Après cela, on voulait vous donner les moyens que nous avons pris pour essayer de s'en sortir.

M. Giasson: Quand vous faites allusion aux problèmes vécus par des familles bénéficiaires d'aide sociale qui comptent de nombreux enfants et que vous affirmez qu'à cause de conditions particulières dans la loi et dans les règlements, ces familles n'auraient pas la plénitude des allocations familiales, ne voulez-vous pas plutôt dire, de façon plus concise, qu'elles n'ont pas la plénitude du barème?

Mme Paré: Elles n'ont pas la plénitude du barème, c'est certain.

M. Giasson: Du barème et non pas des allocations. Si vous avez sept enfants, vous recevrez les allocations pour sept enfants.

Mme Paré: Juste pour trois enfants. L'allocation sera pour sept enfants.

M. Giasson: L'allocation est pour les sept, mais le barème qui a été modifié lors des changements apportés au niveau des allocations familiales du Québec, mais pour ce faire, je me pose des questions. Ce sont des choses auxquelles je pense.

On dit que la baisse de natalité au Québec serait attribuable à l'insuffisance de ressources financières des familles, surtout en ce qui a trait aux bénéficiaires d'aide sociale, mais je suis porté à croire que le problème dépasse largement la situation des bénéficiaires d'aide sociale.

Le problème s'applique à toutes les familles du Québec où vous retrouvez de faibles revenus ou mêmes moyens et je crois que la solution serait plus complète, face au problème vécu devant cette baisse de natalité, si la solution venait d'un réaménagement des allocations familiales, un accroissement que l'Etat pourrait décider vis-à-vis des allocations familiales, qui ferait en sorte que non seulement les bénéficiaires d'aide sociale pourraient profiter de cette approche de ce que j'appellerais une politique familiale véritable, mais également d'autres familles à faible ou moyen revenu parce que le problème... Si cette question de natalité et de famille repose sur l'incapacité financière ou pécuniaire des familles, cela touche beaucoup plus largement la société québécoise que ceux qui dépendent des allocations sociales.

Mme Paré: Mais l'histoire de l'allocation familiale... Les personnes qui travaillent et qui ont des enfants reçoivent l'allocation familiale et leur salaire n'a pas été baissé à cause de cela. Le montant alloué à la famille...

M. Giasson: Ce n'est pas le montant de l'allocation familiale qui a été baissé. C'est le barème qui a été modifié vers le bas au moment où les allocations familiales se sont accrues.

M. Roy: Pourquoi? Cela revient au même.

M. Giasson: Celui qui a de bons revenus et qui a une famille nombreuse a été touché un peu dans ses allocations familiales puisque le gouvernement fédéral a décidé d'inclure dans les revenus que cette personne avait déjà, de rajouter à tous ces revenus d'autres sources, les allocations familiales du Québec.

Je comprends que celui dont le revenu se situait dans une proportion de $8000 ou de $9000 ou de $10 000 a été moins touché dans ses allocations par la fiscalité fédérale, mais, quand on va dans des revenus plus élevés, c'est sûr que la fiscalité canadienne a grugé un peu également à même les allocations. A part gruger le revenu, il est venu toucher également une partie des allocations familiales, à la suite de la nouvelle politique, aux nouveaux taux d'allocation.

M. Charron: Cela ne règle pas le problème, si vous êtes d'accord avec moi, Mme Paré. Ce n'est pas parce que la fiscalité et l'impôt peuvent avoir, à l'égard des familles qui ont un bon revenu au point de vue de salaire, un amoindrissement sur les allocations familiales qu'elles ont touchées en plénitude. Ce n'est que souhaitable. Ce qui est plus et encore inexpliqué, de la part du ministre, est pourquoi a-t-on baissé les barèmes des assistés sociaux pour leur remettre les allocations familiales et ils ont été comme vous l'avez dit vous-même les seuls à connaître une baisse de cet ordre et aucune explication... J'aimerais que le ministre la fournisse.

Mme Paré: II va falloir que vous étudiez tout cela en Chambre.

M. Charron: J'espère bien!

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. Je pense que même si cela a été discuté en Chambre à plusieurs reprises et si on n'a pas eu gain de cause, un fait demeure, je suis absolument d'accord avec vous là-dessus. Quand il y a eu augmentation des allocations familiales, cela s'est fait dans tout le Canada, non seulement dans la province de Québec, mais dans tout le Canada. Vous avez perdu, au chapitre des allocations sociales, un pouvoir d'achat. Je pense bien vous comprendre en disant que ce que vous réclamez, parce qu'aujourd'hui on est ici pour savoir ce que vous réclamez, pour le remâcher plus tard, c'est de retrouver ce pouvoir d'achat que vous avez perdu à cette époque.

Mme Paré: Oui.

M. Samson: C'est ce que vous réclamez. Là-dessus je suis absolument d'accord avec vous. Pour aller le plus rapidement possible, pour permettre aux autres également de passer, j'aurais une couple de questions. Vous avez fait référence tantôt à votre désir de voir inclure dans les bénéfices de l'aide sociale des frais de voyage et de sé-

jour du conjoint en cas de nécessité pour l'un ou l'autre des conjoints, d'être traité à l'extérieur. Cela veut dire, dans le cas présent, pour Roberval, Montréal ou Québec.

Mme Paré: Québec, Montréal ou quelque chose comme cela.

M. Samson: Je trouve cela légitime également. Pour le bénéfice de la commission, est-ce que vous sauriez me dire quelles allocations sont allouées présentement? On sait que le conjoint n'est pas inclus, mais pour celui qui doit se rendre à Montréal ou à Québec pour être traité, quel est le genre d'allocation qu'on permet de Roberval?

Mme Cinq-Mars: On paie le voyage aller-retour du patient.

M. Samson: Pour les frais de séjour, on vous alloue combien?

Mme Cinq-Mars: Je ne connais pas les frais de séjour, parce que j'ai été hospitalisée.

M. Samson: II n'y a personne, parmi les autres dames, qui pourrait...

Mme Boucher (Armand): II faut qu'on vous procure la facture, mais si on passe deux jours, ils doivent bien savoir qu'on a mangé.

M. Samson: Ce que je veux savoir, dans le fond, c'est parce qu'on a retrouvé le problème ce matin avec le groupe de Rouyn-Noranda qui nous a dit: On alloue un certain montant par jour et c'est nettement insuffisant. Madame pourrait-elle nous donner l'information?

Le Président (M. Cornellier): Voulez-vous prendre un micro, madame? Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

Mme Tardif (Gabrielle): Mme Gabrielle Tardif. J'ai vécu cette expérience l'automne dernier. Je n'étais pas au courant qu'on défrayait les dépenses. Mon mari a été opéré à l'Institut de cardiologie de Montréal. J'étais bien mal à l'aise. J'étais chez des étrangers, bien gênée. J'ai su par la suite que c'était possible de défrayer mes dépenses. On m'a dit: Vous n'avez pas de facture. J'étais chez mon frère qui m'a dépannée pas mal. J'ai dit: Je vais faire une petite facture pour compenser un peu. Cette année, j'ai su qu'on allouait $250 en tout, à part de l'homme, pour la femme, les dépenses comprises.

M. Roy: Les $250 couvrent la personne qui est hospitalisée ou son conjoint?

Mme Tardif: Pour son conjoint. Je ne peux pas vérifier, si cela est vrai. On m'a dit cela dernièrement.

M. Samson: Pour le conjoint qui doit accom- pagner l'autre sur recommandation du médecin, je pense.

Mme Tardif: Oui. Le mari, s'il est transféré par l'hôpital, son ambulance est censée être payée.

M. Samson: Une autre question, parce que vous avez fait référence à des remboursements de dépenses, mais je présume qu'à Roberval, comme dans les régions éloignées, ceux qui vivent de l'assistance sociale et qui doivent se déplacer, ce n'est pas toujours facile pour vous d'avoir l'argent qu'il faut pour vous déplacer. Il serait donc préférable d'avoir une politique qui vous permette de vous avancer l'argent avant le déplacement. Est-ce que je comprends bien votre point de vue si je pense que vous préféreriez ce genre de politique plutôt qu'un remboursement après coup?

Mme Tardif: Ce serait préférable, c'est certain.

M. Samson: D'accord! Au niveau des renseignements, Mme Paré, je pense, a souligné tantôt le désir d'avoir davantage de renseignements.

Est-ce que je dois comprendre que même à votre demande, parce que j'imagine que si vous soulignez ce sujet, c'est qu'on ne vous a peut-être pas toujours fourni les renseignements, d'ailleurs, Mme Tardif vient de nous le prouver, les agents d'aide sociale ne font pas les efforts nécessaires pour vous donner tous les renseignements voulus? Autrement dit, vous devez les chercher vous-mêmes?

Mme Tardif: Surtout pour les besoins spéciaux.

M. Samson: D'accord, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Vous avez mentionné, Madame, qu'il devrait y avoir un décalage ou du moins une séparation entre deux catégories d'assistés sociaux. Vous avez, premièrement, les gens qui ne sont pas sur le marché du travail, c'est-à-dire qu'ils sont condamnés par leur état de santé ou différents facteurs à vivre des allocations sociales pour le restant de leur vie, puis, vous en avez d'autres, tout de même, qui sont en santé et peuvent reprendre le marché du travail. Vous avez mentionné qu'en recevant les $25 par mois, ça va jusqu'à $50 ce qu'on peut gagner sans voir nos allocations diminuées, c'est une motivation pour les assistés sociaux qui peuvent travailler à augmenter leur bien-être. Mais vous dites: Les handicapés ou les malades ne peuvent pas. Je crois que vous avez raison.

J'ai de la difficulté à admettre qu'on puisse payer des allocations sociales aux gens sans faire de différence entre ceux qui ne sont pas sur le marché du travail et ceux qui le sont.

Mme Tardif: Je parle pour mon mari qui est invalide.

M. Saint-Germain: Bon, alors je crois qu'il devrait y avoir...

Mme Tardif: ... en-dehors.

M. Saint-Germain: ... je ne veux pas me répéter, je l'ai mentionné ce matin encore. Mais si, pour revenir aux allocations sociales, vous avez peut-être une autre raison pour faire cette distinction des assistés sociaux entre ceux qui sont sur le marché du travail et ceux qui ne le sont pas. Je sais pertinement que lorsqu'on a augmenté les allocations familiales, on a diminué l'assistance sociale.

C'est un secret de polichinelle qu'au Canada, et au Québec en particulier, à mon avis, notre système de bien-être social a fait perdre la motivation au travail à bien des gens. Là, je ne prends pas les assistés sociaux en particulier, il y a l'assurance-chômage, je prends notre politique sociale dans l'ensemble.

Précédemment, si une personne recevait, je crois que c'était le montant, une allocation familiale de $12 pour un enfant, elle recevait peut-être $13 ou $14 de plus en allocation sociale, parce qu'on avait déterminé $25, le montant pour faire vivre un enfant, c'est à peu près les chiffres admissibles lors du changement de la loi, qu'est-ce qui arrivait en fait? Lorsqu'un assisté social pouvait reprendre le travail, il perdait immédiatement son allocation sociale totale. Si cet assisté social ne commandait pas un salaire très élevé, il s'apercevait vite qu'il n'avait pas d'intérêt à travailler.

Seulement, en ayant l'allocation familiale plus élevée et l'assistance sociale plus basse, relativement aux enfants, l'assisté social qui reprend le travail ne perd pas son allocation familiale... Le décalage des revenus d'un assisté social, lorsqu'il va travailler, s'accentue. Et le législateur, dans le temps, avait cru qu'il y avait là une motivation à faire travailler les gens. Mais toujours cette loi ou cette philosophie ne peut s'appliquer qu'exclusivement à ceux qui peuvent travailler. Ceux qui ne sont pas sur le marché du travail se voient pris à vivre extrêmement pauvrement pour le restant de leurs jours. Je crois que vous pourriez trouver là une raison de plus pour séparer dans notre loi, le règlement, celui qui est sur le marché du travail de celui qui ne l'est pas.

M. Tardif: ... c'est dur pour son moral. Il n'a rien pour le remonter, s'il a une automobile, on est obligé de lui donner, il n'a pas le moyen de la réparer. Il ne peut pas se payer de vacances, aucun luxe. Pour me dépanner moi-même, j'ai deux enfants qui payent une pension, ça aide un peu et ça dépanne un peu. Quand ils seront mariés, je ne sais pas comment je m'arrangerai.

Mme Thibeault: En parlant de retour au travail, je suis soutien de famille avec deux enfants. J'aimerais cela retourner au travail. Auparavant, le bien-être donnait de l'aide à celles qui retournaient au travail; on nous fournissait une aide familiale pour garder les enfants.

Maintenant, si tu veux retourner sur le marché du travail, il faut avoir le recyclage et il faut que tu fasses placer les enfants. Les enfants, tu ne les as pas eus pour les faire élever par d'autres. Si tu retournes sur le marché du travail, que tu te recycles, que tu paies la pension des enfants, cela te coûte $160 pour deux enfants.

Il faut être motivée. Si tu arrives en-dessous au départ, la motivation n'est pas grosse. Je ne sais pas, s'il n'y a pas d'aide... S'il y avait de l'aide, il me semble que la motivation serait meilleure.

M. Saint-Germain: Dans votre cas en particulier, n'admettrez-vous pas que si vous aviez un emploi actuellement, vous garderiez votre allocation familiale?

Mme Thibeault: Oui.

M. Saint-Germain: Votre allocation familiale ne baisserait pas.

Mme Thibeault: Non, je ne parle pas de...

M. Saint-Germain: Mais si votre allocation familiale était basse et votre allocation sociale plus haute, relativement à ce que vos enfants reçoivent actuellement, vous auriez encore moins de motivation à aller travailler. Vous travailleriez absolument pour rien. Vous n'augmenteriez pas tellement votre niveau de vie en allant travailler.

Mme Paré: Vous n'êtes pas embarqué dans ce qu'elle veut parler.

Le Président (M. Cornellier): Oui, je pense que j'aimerais donner la parole au député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je suis bien d'accord avec ce qui a été présenté dans le mémoire et avec les propos qui ont été tenus avec mes collègues. Cependant, il y a un point qui n'a pas été touché lors de la période des questions. J'aimerais peut-être qu'on l'aborde un peu.

Il s'agit des barèmes concernant les loyers. Il y a des personnes bénéficiaires de l'aide sociale qui sont locataires, mais il y en a d'autres qui sont propriétaires. Est-ce que...

Le Président (M. Cornellier): Je vais arrêter le député de Beauce-Sud, si vous me le permettez. C'est un sujet qui a été traité dans la matinée.

M. Roy: J'aimerais quand même, M. le Président...

Le Président (M. Cornellier): ...lorsque le groupe, le premier groupe que nous avons entendu, le Comité de citoyens à faible revenu de Rouyn-Noranda, a témoigné, on a traité de cette question des loyers ou des assistés sociaux locataires ou propriétaires.

M. Côté: ...par le député de Matane.

M. Roy: M. le Président, j'aimerais quand même, si on me le permet, poser juste une question là-dessus.

Le Président (M. Cornellier): II faut que vous fassiez cela le plus brièvement possible. C'est ce que j'ai permis.

M. Roy: M. le Président, cela fait deux fois que je prends la parole. Je n'ai pas parlé longtemps et à chaque fois, vous me rappelez la même chose. M. le Président, je ne veux pas en abuser et je ne veux pas qu'on fasse de débat là-dessus.

Ce que je veux poser comme question, c'est ceci. Vous avez, dans le cas d'un barème de loyer qui est à $130 par mois, dans le cas de deux adultes et un enfant, ou deux enfants, parce qu'il y a quand même un plafond là-dedans.

Quand il y a un des deux adultes qui décède, le barème est réduit, c'est-à-dire qu'on réduit le montant du loyer et les personnes...

Une Voix: C'est l'ancien règlement.

M. Charron: M. le Président, je n'ai aucune objection à laisser aller le député de Beauce-Sud, mais il devrait au moins parler de la nouvelle réglementation. Dans la nouvelle réglementation, il n'existe plus de barème de logement, ni à $130 ni à quelque montant que ce soit. La seule allusion au logement, comme vous l'avez dit vous-même, on l'a largement expliqué cet après-midi, c'est pour les logements inférieurs à $85 ou à $65, qui pénalisent l'assisté social.

Mais je ne vois pas où, dans le règlement, le député voit le barème à $130 pour une personne, alors qu'il n'y a plus de barème de logement, l'assisté social doit défrayer son coût de logement à partir de l'allocation totale.

M. Roy: Ce que je veux apporter comme argument, c'est ceci, M. le Président. Je prenais les chiffres qui étaient ici, dans le mémoire. Je suis au courant de ce que le député de Saint-Jacques vient de dire, les règlements, je les ai.

M. Giasson: M. le député, ce document a été préparé, je pense, avant le réaménagement de la réglementation.

M. Roy: Bon.

M. Giasson: C'est pourquoi il fait référence à un maximum de $130.

M. Roy: Ce que je veux savoir, M. le Président, c'est dans le cas d'un couple qui demeure dans un loyer depuis plusieurs années, dans le cas du décès de l'un des deux, si on diminue encore, avec la nouvelle réglementation, le montant du loyer, le montant de l'allocation qui est accordée comme barème de logement? C'est ce que je veux savoir, parce que j'ai eu des cas lundi encore; j'en ai eu la semaine dernière également. Je voudrais savoir si on applique différemment la réglementation dans une région ou dans l'autre. C'est cela que je veux savoir.

M. Giasson: II peut se produire encore des cas isolés, compte tenu que les possibilités d'obtenir des logements à un prix inférieur à $85, quand il s'agit d'un couple avec enfants ou sans enfants ou $65 quand il s'agit d'une personne seule, il peut se produire, dans une proportion d'une fraction de 1%, que des gens soient pénalisés par le test de logement qu'on retrouve dans le règlement.

Tout cela a été abordé ce matin. Cela a été soulevé par le député de Saint-Jacques et par d'autres collègues, ici à la table.

M. Roy: D'accord.

Mme Cinq-Mars: La politique des logements ne répond pas aux besoins, ce n'est pas nouveau. Cela a été dit aujourd'hui. Cela ne répond pas aux besoins des familles de trois enfants et plus. Je veux le répéter, parce que c'est quelque chose d'important. On déplore aussi le transfert des aides familiales aux CLSC. C'est quelque chose qui a été fait du jour au lendemain. Cela a apporté énormément de problèmes dans beaucoup de familles.

Devant d'autres services qui sont appelés à être transférés dans d'autres ministères, on est dans un climat d'insécurité vis-à-vis de cela.

M. Giasson: Je suis d'accord avec vous. Les ressources qui étaient consacrées, au niveau des auxiliaires familiales ou aides familiales, dans notre loi, lors du transfert de ces ressources à un autre programme du ministère, les CLSC ou les CSS, ce transfert, au plan de l'opération pratique, pose des problèmes très aigus.

C'est que le problème que j'ai constaté, à discuter avec des gens de mon milieu, est le suivant: Lorsque vous avez du personnel rattaché à ces autres organismes relevant du ministère des Affaires sociales, la plupart de ce personnel est syndiqué. A l'intérieur de la convention de travail, il y a des définitions de tâches.

Or, ces définitions de tâches qui sont très compartimentées, très subdivisées font qu'une auxiliaire familiale, par exemple, que le CLSC ou le CSS va placer dans une famille pour apporter de l'aide, peuvent jouer l'application intégrale de la définition de tâches. Si sa tâche est définie d'une manière qu'elle peut faire telle opération, lorsque rendue dans la famille, elle peut dire: Moi, je ne lave pas le poêle, en supposant que la mère de famille est incappable d'accomplir du travail, parce que, ma tâche telle que définie ne me permet pas ou ne m'oblige pas à faire cela.

Je ne ferai pas telle opération à l'intérieur de la résidence qui serait de l'entretien ménager habituel, à cause de cette définition de tâches, tandis qu'on sait fort bien que, lorsque nous avions des auxiliaires familiales, par notre Loi d'aide sociale,

on ne rencontrait à peu près aucunement ces objections ou ces problèmes posés par une définition de tâches.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Sainte-Marie.

M. Malépart: Seulement une question. Dans votre région, est-ce que les gens ont beaucoup de difficultés à être éligibles concernant le déménagement? Parce qu'on me dit que, dans certaines régions, par l'interprétation des règlements, le déménagement est alloué seulement pour raison de santé, alors que, dans d'autres régions, c'est permis, tout simplement parce qu'un bénéficiaire, pour mille et une raisons, peut décider de déménager. Est-ce que le montant, selon votre expérience, est suffisant?

Mme Cinq-Mars: Cela a été augmenté à $150. M. Malépart: Oui.

Mme Cinq-Mars: Cela serait suffisant s'il y avait des logements convenables, parce qu'on n'est pas capable de déménager, il n'y a pas de logements qui répondent à nos besoins et au montant alloué.

M. Malépart: D'accord.

M. Bonnier: L'interprétation que les agents du bien-être social font de la politique, c'est quoi habituellement, chez vous? Est-ce une interprétation restrictive ou large, l'allocation de déménagement?

Mme Cinq-Mars: Personnellement, je n'ai pas eu dernièrement affaire à eux. Peut-être que Noëlla vient de déménager... Je ne le sais pas. Je ne peux pas vous répondre là-dessus, parce que...

Mme Paré: J'ai déménagé et c'est l'aide sociale qui a payé mon déménagement.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud, pour une dernière question.

M. Roy: J'aurais une dernière question à poser, puisque, dans votre mémoire, vous dites ceci: L'assisté social qui demeure sur une ferme voit son chèque diminuer du montant correspondant au prix des oeufs et du boeuf. Est-ce que vous voulez parler, à ce moment, des produits qui sont consommés par la famille et qui sont produits sur la ferme?

Mme Cinq-Mars: C'était cela dans notre cas. C'étaient des gens qui vivaient sur une ferme, qui avaient soit des poules ou une vache, quelque chose comme cela. On déduisait un certain montant de leurs revenus.

M. Roy: On comptabilisait les revenus, autrement dit, et on en tenait compte pour diminuer les prestations de l'aide sociale. Est-ce que cela se pratique encore à l'heure actuelle?

Mme Cinq-Mars: Je ne peux pas encore répondre sur cela.

Mme Paré: La personne concernée a vendu ses vaches et ses poules.

Mme Cinq-Mars: C'était peut-être plus payant pour elle de vendre ses...

Mme Paré: C'était plus payant de les vendre que de...

Mme Cinq-Mars: Que de les garder. Mme Paré: ... se faire baisser...

M. Roy: Parce qu'il y a eu le cas de ceux qui se faisaient des jardins potagers aussi.

Mme Paré: Nous autres, on a un jardin communautaire.

M. Roy: Actuellement, est-ce que c'est diminué sur vos chèques? Est-ce qu'ils en tiennent compte? C'est terminé. C'est récent.

Mme Paré: Pour le jardin communautaire, on ne demande pas d'argent à l'aide sociale. C'est pour nous aider à subvenir à nos besoins.

Mme Cinq-Mars: C'est un moyen qu'on s'est donné pour essayer de s'en sortir, comme on s'est donné deux autres projets. On a monté un dépannage vestimentaire, un club alimentaire qui doit démarrer sous peu.

Mme Paré: On va avoir notre charte du gouvernement.

Mme Cinq-Mars: Disons qu'on a eu beaucoup de difficulté à se regrouper, d'abord pour faire notre mémoire, parce que les gens ne croient pas au regroupement. Ils ont des préjugés, mais, grâce à l'aide de notre animatrice, Rose-Hélène Beaudoin, de Multi-Media, et, après cela, au père Normand Brault, qui nous avait offert sa salle à manger, parce qu'on n'avait pas de local non plus, étant des assistés sociaux, en marge de la société, on n'osait rien faire. Avec cela, on a pu travailler, continuer à travailler avec la loi... et se donner des moyens pour essayer de s'en sortir.

Conseil du statut de la femme

Le Président (M. Cornellier): Alors, mesdames, je vous remercie. Votre participation à la commission a été très profitable. J'inviterais maintenant les représentantes du Conseil du statut de la femme.

Mme Bouzigon (Micheline): Micheline Bouzi-gon, agent d'information au Conseil du statut de la femme.

Mme Thibault (Danielle): Danielle Thibault, agent d'information au conseil.

Mme Bouzigon: Ce sera très bref. On est venu à la demande de l'Union des femmes chefs de famille qui nous ont demandé d'appuyer leur position. Effectivement, c'est la position du Conseil du statut de la femme, on l'a étudiée. C'est aussi celle de la plupart des associations qui regroupent toutes les femmes seules chefs de famille. C'est tout ce qu'on avait à dire. Nous sommes des porte-parole. Est-ce qu'il y a des questions?

Le Président (M. Cornellier): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Comment s'est fait le travail à l'intérieur du Conseil du statut de la femme sur cette question?

Mme Bouzigon: C'est lors d'une réunion du conseil. Il y a eu le travail avec le représentant du ministère des Affaires sociales.

M. Charron: Ah! Vous donnez un appui à ce que les familles monoparentales...

Mme Bouzigon: Nous donnons un appui total à leur position, après avoir étudié la question à l'article 7, plus particulièrement.

M. Samson: Vous parlez du groupe que nous avons entendu tantôt avec le mémoire no 5.

Mme Bouzigon: Oui, qui précédait le groupe qui précède.

M. Samson: D'accord. Merci.

M. Giasson: Les femmes seules chefs de famille...

Mme Bouzigon: Qui veulent étudier, qui veulent devenir autonomes. En fait, c'est la question de l'autonomie de la femme. La loi ne leur permet pas de...

M. Charron: ... le réseau téléphonique mis sur pied par le conseil pour...

Mme Bouzigon: Pouvez-vous parler un peu plus fort?

M. Charron: Cela arrive chaque fois. En ce qui concerne le réseau téléphonique mis sur pied par le Conseil du statut de la femme pour recevoir des plaintes émanant de...

Mme Bouzigon: Action-Femme.

M. Charron: Action-Femme, émanant de certaines Québécoises, pouvez-vous me dire si le Conseil du statut de la femme a été souvent saisi par des plaintes de femmes victimes de l'aide sociale telle qu'appliquée actuellement?

Mme Bouzigon: Souvent, je ne peux pas vous donner de chiffres, évidemment. On a beaucoup d'appels. C'est un service pour l'information de tout le monde, qui est gratuit pour toutes les femmes du Québec, qui peuvent appeler à Action-Femme, si elles ont des plaintes. C'est un numéro Zenith qui ne coûte rien.

M. Charron: Oui.

Mme Bouzigon: Nous avons beaucoup d'appels à ce sujet, plus particulièrement. Je ne peux pas vous dire exactement. C'est assez spécifique quand même.

M. Charron: Oui.

Mme Bouzigon: Cela a été étudié au conseil.

M. Charron: Merci.

Regroupement des citoyens à faible revenu du Bas Saint-Laurent

Le Président (M. Cornellier): Alors, mesdames, nous vous remercions. J'inviterais maintenant les représentantes du regroupement des citoyens à faible revenu du Bas-Saint-Laurent. Mesdames, messieurs, voulez-vous vous identifier? Pardon? Un instant, je n'ai pas saisi le nom.

Mme Truchon (Renée-Jeanne): Renée-Jeanne Truchon, de Matane.

Mme Côté (Laurette): Laurette Côté, Rivière-du-Loup.

M. Fortin (Eugène): Eugène Fortin, Rimouski.

Mme Dumais (Thérèse): Thérèse Dumais, Rimouski.

Mme Saint-Onge (Albert): Mme Albert Saint-Onge, Val-Brillant.

M. Poirier (Philias): Philias Poirier, secteur de la Matapédia.

Mme Lantagne (Gertrude): Mme Gertrude Lantagne, Comité de la défense de l'arrière- pays de l'Esprit-Saint.

Mme Lessard (Hélène): Hélène Lessard, de l'Information communautaire de la ville de Pohé-négamook, Estcourt, Témiscouata. C'est la ville de Pohénégamook maintenant.

Mme Saint-Onge: Le Regroupement des citoyens à faible revenu du Bas-Saint-Laurent comprend les groupes de Rimouski, Esprit-Saint, Val-Brillant, Matane, secteur Matapédia, JAL, la ville de Pohénégamook et Rivière-du-Loup. Les représentants de ces groupes snnt ici.

Merci, M. le Président, messieurs de l'Opposition et du parti ministériel. Merci de nous donner l'occasion de vous parler directement et de vous dire ce que nous vivons. Ce n'est pas la première

fois que nous vous communiquons nos idées. Nous l'avons fait auparavant par de nombreuses lettres d'assistés sociaux que le ministre des Affaires sociales reçoit continuellement. Ensuite, par les lettres que nos groupes vous font parvenir, par les pétitions que nous faisons circuler et, enfin, par les manifestations publiques que nous organisons dans nos régions en coordination avec tous les autres groupes de la province.

Nous avons eu aussi l'occasion trop rare de rencontrer quelques membres de l'Assemblée nationale.

Nous sommes venus aujourd'hui pensant qu'il serait bon de vous communiquer les problèmes que les assistés sociaux doivent essayer de surmonter avec difficulté. Les préjugés contre les assistés sociaux et les complexes que ceux-ci se font, face à leur situation, sont déjà une charge très lourde.

Nous jugeons que l'aide accordée actuellement est nettement insuffisante et demandons que vous vous penchiez sur la façon d'y apporter une amélioration appréciable. Avec la refonte de janvier 1976, il y a eu une augmentation. Si on considère les coupures des besoins spéciaux, ce n'est plus une augmentation.

Parmi les besoins spéciaux qui font le plus mal, il y a la coupure des $300 de réparations par année pour les propriétaires. Cela oblige les assistés sociaux à emprunter des caisses populaires pour faire les réparations qui s'imposent et rembourser chaque mois à même le chèque du mois, parce que, quand on n'a pas déjà assez pour vivre, ça ne va pas trop bien. $85 par mois pour les locataires sont insuffisants, surtout pour les familles nombreuses. La cas aussi des personnes seules qui doivent se débrouiller après avoir élevé leurs enfants, surtout les mères, et qui veulent revenir sur le marché du travail, est parfois très pénible. Nous avons Mme Lessard ici, qui vit des moments comme ceux-là.

Si on parle de transport pour aller à l'hôpital, chez un médecin ou aller chercher les médicaments dans une pharmacie, les $0.10 du mille alloués sont vraiment ridicules. Cela défavorise davantage les gens de nos régions car les services sont éloignés et les distances plus grandes. Si on nous aidait à payer ces besoins spéciaux, il nous en resterait sûrement plus pour les vêtements et la nourriture.

Pour les frais funéraires, les montants alloués sont insuffisants, comparativement à la moyenne des coûts de la province. Ces derniers services que nous devons rendre à nos proches devraient être plus décents. On reproche au gouvernement de ne pas s'être entendu avec les dentistes pour que les assistés sociaux aient droit aux services sans complication et sans être obligés de débourser de leurs poches.

On a enlevé le service d'aides familiales. Résultat: Beaucoup d'enfants se verront placés ailleurs alors qu'ils auraient pu rester chez eux avec leurs parents.

Il y aurait beaucoup d'autres points à souligner, mais le temps manque et nous nous sommes limités à ce qui nous frappe davantage. Il nous faut aussi souligner les difficultés que nous avons à alier chercher les renseignements avec les changements qui arrivent assez fréquemment, ce qui complique aussi la vie des assistés sociaux.

On n'est pas assisté social parce qu'on veut l'être, mais surtout parce qu'on ne peut pas taire autrement. C'est un droit, mais la grande majorité des assistés sociaux sont humiliés d'exercer ce droit.

Pour que ce soit juste et équitable pour tout le monde, nous préconisons le revenu annuel garanti suffisant, un revenu qui ferait que l'on puisse vivre décemment et non simplement exister. Ce revenu minimal devrait être doublé d'une politique de plein emploi pour que ceux qui travaillent ne soient pas vus comme défavorisés.

C'est tout ce que nous avons pensé pouvoir vous dire aujourd'hui. Si vous avez des questions, nous essayerons d'y répondre au meilleur de notre connaissance. Nous aimerions aussi que, lorsqu'on apporte des modifications à la loi d'aide sociale l'on prenne aussi la version d'assistés sociaux avant d'appliquer d'autres lois parce que ce sont eux qui doivent vivre avec ces montants d'argent. Merci.

Le Président (M. Cornellier): Merci bien, Mme Saint-Onge.

Le député de Matane.

M. Côté: Vous avez évoqué brièvement certaines difficultés au niveau des agents d'information des bureaux d'aide sociale. Dans tout le territoire que vous desservez, vous est-il difficile de rencontrer des agents d'aide sociale? Je veux dire par ceci, les atteindre au téléphone, et, par la suite, avoir des rendez-vous avez ces gens?

Mme Saint-Onge: Parce qu'ils sont assez occupés, parfois on a de la difficulté à avoir un rendez-vous. Lorsqu on va chercher l'information, ils nous donnent l'information assez bien, mais lorsqu'il y a des changements, ils ne nous avertissent pas. Si on ne va pas chercher l'information là, on ne l'a pas. C'est ce qui arrive.

M. Côté: Vous parliez de frais funéraires. Mme Saint-Onge: Oui.

M. Côté: Vous avez dit que les besoins étaient insatisfaisants, ce qu'on vous donne à l'heure actuelle. J'aimerais savoir ce que vous proposez comme solution, compte tenu du fait que, dans la loi, il est spécifié pour un adulte un montant de $500 pour des frais funéraires.

Mme Saint-Onge: Oui.

M. Côté: Que proposez-vous comme moyen terme, ce qui serait acceptable pour vous autres, au niveau des frais funéraires? J'imagine que vous avez pensé à des solutions. Quelles seraient-elles pour vous?

Mme Saint-Onge: II y a d'autres personnes ici qui ont travaillé sur le sujet.

M. Fortin (Eugène): On peut dire qu'à l'heure actuelle, les assistés sociaux sont assurés pour au moins $1000. Le ministère accorde $500 et si, parfois, cela nous coûte $1300, le ministère fournit seulement $300 et ce n'est pas suffisant. Je crois que le ministère devrait fournir $1000 et, avec l'assurance que la plupart des assistés ont, soit un montant de $1000, on peut dire qu'avec $2000, on serait...

M. Côté: En fait, la différence permettrait peut-être à la famille de survivre un peu et de se replacer...

M. Fortin: C'est cela.

M. Côté: ...dans le mois qui suit. Je sais que c'est un problème qui a été soulevé assez souvent.

M. Fortin: II faut dire que le chèque est coupé seulement trois mois après le décès d'un membre de la famille.

M. Côté: Oui.

M. Fortin: On ne coupe pas le chèque du mois suivant le décès. Cela va au troisième mois avant que le chèque ne change.

M. Côté: D'accord. J'aimerais peut-être parler sur un autre point. Sachant qu'il y a un CLSC à Matane, qu'il y a un CLSC à Mont-Joli aussi, les contacts entre votre association et le CLSC sont-ils fréquents?

Mme Saint-Onge: Nous autres, à Val-Brillant, on n'a pas de contact avec le CLSC. On n'en a pas à Amqui. Ce serait plutôt les autres, Matane...

M. Côté: Matane, Mont-Joli. Avez-vous des contacts assez fréquents avec les CLSC pour tenter de régler vos problèmes?

Mme Truchon (Renée-Jeanne): Le CSC? M. Côté: Le CLSC.

Mme Truchon (Renée-Jeanne): Oui. On est venu à bout d'en frapper un!

M. Côté: Le CLSC de Matane, en particulier dans votre cas, Mme Truchon, joue-t-il un rôle d'agent d'information, par exemple, pour vous autres?

Mme Truchon (Renée-Jeanne): Si on n'a pas confiance à notre agent, on va au CLSC et lui, il nous donne le tuyau, on marché et ça marche!

M. Côté: Comme cela, il y a des bons plombiers au CLSC, pour vous donner des tuyaux comme ça.

Mme Truchon (Renée-Jeanne): Ecoutez. Il faut bien que quelqu'un nous en donne!

M. Côté: Une dernière question. Lorsque vous parlez de revenu minimum garanti, C'est une politique sociale qui défraie les manchettes depuis un certain temps et on est peut-être sur le point d'assister à l'établissement de ce revenu minimum garanti.

Pour vous autres, vous êtes-vous fixé un seuil, un minimum de revenu annuel garanti? Parce que j'imagine...

Mme Saint-Onge: II est difficile de fixer un montant parce que le coût de la vie change toujours. J'imagine que lorsqu'on instaurera le régime, cela sera suffisant. Cela sera plus que l'aide sociale.

M. Côté: Sachant que dans la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, il y a quand même des constructions de HLM en nombre assez élevé, est-ce que l'accessibilité des bénéficiaires d'aide sociale est plus facile dans les HLM dans le secteur du Bas-Saint-Laurent?

M. Fortin: Je dois dire qu'à Rimouski, à l'heure actuelle, il y a au-delà de 300 demandes et qu'il n'y a pas de logements pour répondre à ces demandes.

A l'heure actuelle, il y a une dizaine de locataires qui vont quitter leurs logements à cause d'insalubrité, sur les instructions du bureau d'hygiène, et il n'y a pas de logements pour loger ces gens.

M. Côté: Très bien. Merci.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: Je voudrais poser une question à Mme Saint-Onge. Vous avez mentionné tout à l'heure, votre désir de voir rétablir le besoin spécial de $300 par année pour ceux qui sont propriétaires de leur maison.

Certaines autres suggestions ont été faites à savoir que c'est peut-être utile que les propriétaires puissent bénéficier d'une allocation équivalente à celle d'un locataire. Est-ce que, dans votre esprit, cela pourrait vous rendre service, advenant que ce besoin spécial de $300 ne revienne pas, au lieu d'avoir $15 par mois, par exemple, pour les frais d'entretien de la maison, vous ayez un montant équivalent à ce qui est payé pour un locataire?

Mme Saint-Onge: C'est sûr que cela rendrait service, parce que c'est quelque chose qu'on entend dire. Chez nous, une bonne partie des assistés sociaux possèdent une maison. Ils ne peuvent pas faire les réparations et leur montant comprend juste le paiement des taxes scolaires et municipales. Le montant alloué par mois, soit $20 pour l'entretien de la maison, c'est tout ce qu'on peut avoir quand on est propriétaire de la maison.

M. Samson: Alors, si le montant...

Mme Saint-Onge: Si le montant était équivalent à $85 par mois pour le logement, cela pourrait aider davantage.

M. Samson: Je ne parle pas de $85 par mois, parce qu'on a bien établi, ce matin, que c'était nettement insuffisant, qu'il fallait revoir ce montant.

Mme Saint-Onge: Oui.

M. Samson: Mais dans votre esprit, si vous pouviez avoir droit à un montant mensuel raisonnable, est-ce que cela vous permettrait de pouvoir effectuer les réparations nécessaires, compte tenu de la possibilité qui existe ou qui existera peut-être, parce que les arrangements ne sont pas encore faits, d'emprunter jusqu'à concurrence de $500. Autrement dit, est-ce que ce serait mieux pour vous d'avoir un montant mensuel régulier avec lequel vous pourriez transiger pour obtenir les montants nécessaires aux besoins et, si le besoin ne se fait pas sentir, être utilisable pour les fins des besoins de la famille? Est-ce que ce serait préférable aux $300 d'après vous?

Mme Saint-Onge: Ce serait mieux que les $300, c'est sûr. Cela viendrait régulièrement. A ce moment-là, ce ne serait pas coûteux pour quelqu'un d'aller emprunter un montant à la caisse populaire pour pouvoir poser une porte neuve ou réparer une fenêtre endommagée, des besoins qui s'imposent, réparer une galerie ou quelque chose du genre. S'il savait d'avance qu'il va recevoir un montant supplémentaire, tous les mois, pour les frais, ces besoins, c'est sûr que ce serait mieux que $300 par année, parce qu'on ne les donnait pas tous les ans non plus. Il y avait des restrictions et cela prenait beaucoup... Les critères étaient assez exigeants pour... Je pense que ce serait préférable.

M. Samson: Merci.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, j'ai une seule question que j'adresserai au représentant venant d'Esprit-Saint. Est-ce que la politique du gouvernement sur les villages d'arrière-pays, dans le Bas-Saint-Laurent, a augmenté considérablement le nombre d'assistés sociaux et causé des problèmes de bouleversements sociaux d'une ampleur inacceptable, peut-être, à l'occasion?

Mme Lantagne (Gertrude): Nous, à Esprit-Saint, il n'y a pas d'ouvrage pour les assistés sociaux. Il n'y a plus de projet PIL. On n'a plus rien. On vit seulement de l'assistance sociale.

M. Côté: Si le député de Saint-Jacques me le permet, pour avoir des villages de ce type-là chez nous, dans mon comté aussi, je pense que le pro- blème c'est qu'on a pris des gens dans des paroisses de l'arrière-pays, qui étaient des bénéficiaires d'aide sociale, et on les a transportés. Ils avaient une maison qui satisfaisait leurs besoins. On les a tout simplement transportés dans des villes comme Matane. On leur a bâti des HLM en série, de petits bidonvilles, et on les a installés là-dedans. Le gars bénéficie encore de I aide sociale et il est bien malheureux. Alors, on a seulement changé le problème, transporté...

M. Charron: Est-ce qu'on a augmenté le nombre d'assistés sociaux ou si ces gens étaient des assistés sociaux auparavant?

Mme Lantagne: II y avait des assistés sociaux et ils ont augmenté. Ils augmentent de jour en jour.

M. Charron: Merci.

Le Président (M. Cornellier): L honorable député de Sainte-Marie.

M. Malépart: Ce n'est pas sur le même sujet. Est-ce qu'il y a beaucoup de gens, dans votre région, comme vous l'avez mentionné, qui doivent déménager? Est-ce que l'interprétation des officiers de l'aide sociale est acceptée? Lorsqu une personne dit: Je dois déménager: Est-ce qu automatiquement on lui offre son montant de $150 ou si on demande si c'est pour des raisons de santé?

M. Fortin: Je dois vous dire que cela se produit de cette façon. Pour déménager il s'agit de faire deux demandes auprès des compagnies de transport; une compagnie privée ou une compagnie reconnue. La compagnie reconnue demande $350 alors qu'un camion privé va exiger $75.

Avec un camionneur privé on n'a pas d assurance; si le ménage se brise, c'est à nos frais, il faut prendre le camion le moins cher. D ailleurs...

M. Malépart: Est-ce que vous avez eu des plaintes, en tant que groupe, que des gens se sont vu refuser ces montants?

M. Fortin: Oui, ces gens se sont vu refuser ces montants lorsqu'ils voulaient déménager à deux reprises. C'est parce qu'ils n'étaient pas renseignés. Vous savez qu'on accorde $150 pour déménager et ça comprend aussi la réparation des fournaises. Si, parfois, le médecin donne un papier, soit à la femme ou au maître de maison, pour déménager de son logement qui est trop humide et nuit à la santé des enfants ou à sa santé, on peut accorder le même montant pour déménager de nouveau.

On donne de l'information, je dois dire que je donne des cours sur la loi 26, la refonte de janvier: avec mon épouse, j'informe les gens.

M. Malépart: Est-ce que vous souhaiteriez que ces montants soient divisés, qu'il y ait $150 pour le déménagement et $100 pour les réparations du

système de chauffage? Parce que si plusieurs personnes, comme vous dites, ont utilisé ces fonds dans l'année pour la réparation du système de chauffage et doivent déménager, ils sont pénalisés et ils n'y ont plus droit?

M. Fortin: C'est ça, parce que, dans certains loyers, il n'y a pas partout le chauffage électrique, il y en a qui ont des fournaises à l'huile. Si, parfois, la fournaise se brise, on ne paie pas les pièces de rechange mais seulement le travail. Il faut acheter les pièces. Si on accordait $100 additionnels, ce serait beaucoup mieux, $150 pour déménager et $100 pour les réparations des fournaises, ce serait beaucoup mieux, je crois.

M. Malépart: D'accord!

Le Président (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: J'ai une seule question et je demanderais ça à la dame de la paroisse de l'Esprit-Saint. Est-ce possible qu'il y ait des gens qui travaillent pour le bureau de l'aide sociale et qui recommandent à des bénéficiaires qui demeurent dans des petites paroisses en arrière de déménager et de s'approcher des grands centres? Est-ce que cela se pratique actuellement dans vos régions?

Mme Lantagne: C'est toujours ce qu'ils nous disent chez nous, de ne pas rester dans ce pays, de nous en aller en ville, ils nous conseillent ça.

M. Roy: Ce sont les recommandations qu'on vous fait?

Mme Lantagne: Oui.

M. Roy: Est-ce qu'il y a des gens qui, du fait qu'ils ne se seraient pas rendus à ces demandes, ont été pénalisés, ont eu plus de difficulté à recevoir des prestations, entre autres? Est-ce qu'il y a des sanctions, en quelque sorte, qui ont été portées?

Mme Lantagne: Non, on ne nous pénalise pas, par exemple, on reste tel quel. On ne nous en enlève pas et on ne nous en donne plus.

M. Roy: On ne vous en donne pas plus, mais lorsque vous avez demandé, par exemple, disons que les $300 ont été abolis, mais la question ne se poserait plus aujourd'hui, mais j'aimerais quand même le savoir, parce qu'il va être question de modifications dans la Loi d'aide sociale. Quand ces besoins spéciaux existaient, est-ce que c'était refusé automatiquement à cause du fait qu'on voulait plutôt inciter les gens à déménager ailleurs?

Mme Lantagne: On nous incitait à déménager parce qu'on trouvait que, chez nous, ça coûtait assez cher pour faire des réparations à nos maisons; ça fait déjà presque 40 ans qu'on est là, on a nos maisons et on nous charge $85 de loyer sur nos allocations à part ça. On trouvait qu'on n'en avait pas assez pour vivre et, avec $300 de réparations, vous n'allez pas loin aujourd'hui. L'an passé, j'en ai fait faire avant que ça tombe et j'ai fait réparer cinq fenêtres. C'est tout ce que j'ai pu faire avec les $300. Cette année, la balance va rester là. Cela va finir qu'on va devoir s'en aller, on n'en aura pas assez pour rester.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, une seule question et elle s'adresse au ministre. Est-ce qu'il peut me dire s'il y a des directives données à partir du ministère des Affaires sociales aux agents d'aide sociale pour inciter les citoyens de l'arrière-pays à déménager vers les villes?

M. Giasson: II n'y a aucune directive à cet effet. On s'y opposerait fortement.

M. Samson: Alors, vous voyez...

M. Giasson: D'ailleurs, l'expérience vécue au cours des récentes années...

M. Samson: Dites-le à votre monde, ça presse!

M. Roy: Un de mes collègues a dit que le ministère de l'Agriculture aussi fait des incitations.

M. Côté: Au niveau des plans de relocalisation, il y avait des gens affectés par le ministère des Affaires sociales et celui de l'Agriculture, qui concernait aussi le ministère des Terres et Forêts, qui allaient dans ces paroisses pour tenter de convaincre les gens qu'ils seraient beaucoup mieux soit à Matane, à Rimouski, à Mont-Joli, usant de toutes les pressions possibles pour les faire déménager et fermer les villages.

Les grands planificateurs avaient pensé, à un moment donné: On ferme tout l'arrière-pays et on est débarassé de tout cela, pour aller mettre cela dans des coins de ville, où les gens s'ennuient à mourir. Définitivement, il y a eu, au niveau des affaires sociales... je pense qu'il faut quand même faire la distinction entre l'agent et le travailleur social, parce que, souventefois, c'est un travailleur social qui était affecté à ces choses-là. Il faut faire la distinction, parce que je pense que c'est important.

Il y avait également des gens des ministères de l'Agriculture, des Terres et Forêts, de même que de l'OPDQ qui étaient mêlés là-dedans, pour inciter des gens à aller s'établir en ville pour fermer les villages.

Mme Lessard: ... le comité de gestion qui essaie d'entreprendre toutes les terres, pour essayer d'avoir tous les lots et ainsi faire de la plantation.

M. Giasson: Au niveau du ministère de l'Agri-

culture, il y a eu effectivement un programme de relocalisation agricole, avec des subventions de relocalisation. Il y avait des représentants du ministère des Terres et Forêts, comme le disait le député.

Evidemment, dans ces cas-là, l'aide sociale n'est pas entrée en conflit avec un programme officiel du gouvernement. Mais ce n'est pas le rôle de l'aide sociale d'inciter, et nous nous y opposerions, madame. S'il y en avait des cas, nous aimerions les connaître.

M. Roy: Etant donné que le ministre des Affaires sociales a répondu à une question selon laquelle il n'y avait pas de directive qui avait été donnée par le ministère des Affaires sociales aux agents d'aide sociale...

M. Giasson: Par la direction de l'aide sociale.

M. Roy: Par la direction de l'aide sociale, étant donné que les agents des services sociaux dépendent quand même du ministère des Affaires sociales, est-ce qu'on ne pourrait pas prendre note, de ce côté-là, s'il y a des directives qui ont été données et voir à vérifier quelles sont les instructions qu'ont ces gens-là?

Il me semble que cela va de pair avec les directives qui sont données concernant les agents de la Loi d'aide sociale, les agents d'aide sociale comme tels.

M. Côté: A ce niveau-là, à peu près toutes les pressions sont maintenant éliminées puisque le programme de relocalisation sont terminés, même le programme d'incitation à la fermeture de rangs du ministère des Transports est aboli aussi, c'est terminé. Je pense que de ce côté-là, nos craintes sont pas mal disparues.

Le Président (M. Cornellier): Je crois que M. Fortin, sur le même sujet, avait quelque chose à dire.

M. Fortin: A deux reprises au cours de la journée, j'ai entendu parlé d'aptes au travail et d'inaptes au travail, en ce sens qu'il y aurait une certaine différence entre les aptes et les inaptes.

Ma question s'adresse à l'honorable ministre. Quel est le pourcentage des inaptes au travail dans la province, qui sont assistés sociaux?

M. Giasson: Si vous me laissez le temps de consulter les chiffres...

M. Fortin: Je crois que c'est 7%. C'est plus que cela. Depuis janvier, si on compte les femmes qui on un enfant en haut de six ans, probablement que cela a augmenté.

M. Giasson: Mais, si vous faites allusion à toute la clientèle qui serait inapte au travail, vous comprenez là-dedans les infirmes, les handicapés...

M. Fortin: Oui.

M. Giasson: Je crois que cela dépasse largement 7%.

M. Fortin: Qui seraient aptes au travail.

M. Giasson: Ah! Là, je crois que vos chiffres sont bons.

M. Fortin: C'est cela.

M. Charron: Le dernier chiffre fourni à la commission...

M. Fortin: C'est cela, ce sont les derniers chiffres que j'ai, à 7%.

M. Côté: A certains moments, on a pourtant l'impression que c'est plus que cela.

M. Fortin: Cette question peut en amener une autre, mais je demanderai à...

M. Giasson: Pour bien comprendre votre question, est-ce qu'elle détermine le pourcentage de bénéficiaires d'aide sociale qui seraient jugés aptes au travail?

M. Fortin: Oui.

M. Giasson: C'est bien cela?

M. Fortin: Oui.

M. Giasson: Les derniers chiffres assez valables que nous avons remontent à juillet 1975. Vous avez trois catégories: Les employables de degré I, les employables de degré II, les reclassables et ensuite, les recyclables.

Les employables, ce sont ceux qui sont en bonne santé, qui ont moins de 45 ans et qui ont au moins douze ans de scolarité. De ceux-là, il n'y en a que 3,16%. D'accord?

Les employables de degré II, ce sont ceux qui ont la même scolarité, mais de 45 à 60 ans. Il n'y en a que 0,97%.

Les reclassables sont ceux qui sont déjà moins employables, en bonne santé, de 18 à 45 ans, mais qui ont moins de onze ans de scolarité, de six à onze ans de scolarité. De ceux-là, il y en a 11,80%.

Ensuite, les reclassables II, ce sont ceux de moins de onze ans de scolarité, mais qui ont entre 45 et 64 ans, et que vous voyez déjà sur le marché du travail. Ceux-là sont de 2,98%.

Vous voyez la première catégorie, les employables, on en a environ que 4%. L'autre catégorie, les reclassables, ce sont des gens qui ont de six à dix ans de scolarité, c'est déjà de faible scolarité...

M. Fortin: Ce sont des gens pour lesquels cela prend une certaine formation. C'est cela que vous voulez dire?

M. Giasson: C'est cela. Vous en avez 13% ou 14%. Je n'insiste pas sur les "protégeables" qui

sont ceux qui sont théoriquement hors du marché du travail. Or, les deux pourcentages, c'est 4% et 14% environ.

M. Fortin: Croiriez-vous que ce serait valable de les distinguer? Cela pourrait-il apporter quelque chose de séparer les aptes et les inaptes avec un taux d'aptitude aussi bas? Est-ce que cela pourrait rapporter quelque chose? Est-ce que le ministère pourrait économiser de l'argent en donnant moins à ceux qui sont aptes, comme on l'a proposé aujourd'hui? Ne croyez-vous pas que ce serait beaucoup mieux de créer des emplois avant de penser de séparer ces gens?

M. Giasson: De séparer ces gens?

M. Fortin: Oui, c'est-à-dire que les aptes auraient beaucoup moins, comme on en a parlé aujourd'hui, que les inaptes.

M. Giasson: Pour donner moins de prestations, il faut établir hors de tout doute que la personne est apte au travail et qu'elle refuse de l'emploi qui est à la mesure de son potentiel ou de...

M. Fortin: Oui.

M. Giasson: ... sa capacité et de son expérience.

M. Fortin: J'avais mal saisi.

M. Giasson: J'ai bien l'impression que, dans l'application pratique, surtout dans certaines régions où l'indice de chômage est assez fort, et cela de façon permanente et non pas saisonnière, il y aura très peu de bénéficiaires d'aide sociale qui seraient touchés par les nouvelles dispositions qui ont été intégrées aux règlements qui pourraient être jugées comme des personnes qui refusent absolument du travail qu'ils sont en mesure de faire.

Le Président (M. Cornellier): Oui, Mme Saint-Onge.

Mme Saint-Onge: Je parlais au directeur du bureau des Affaires sociales d'Amqui et il me disait que, devant la nouvelle politique de retour au travail de janvier 1976, il y avait dix personnes qui étaient censées être aptes à reprendre le travail. Cela fait qu'elles se sont un peu forcées à retourner au travail. Il y en a trois qui étaient capables de travailler sur les dix.

M. Giasson: Mais quand vous dites que le bureau de l'aide sociale les a forcées à retourner au travail...

Mme Saint-Onge: On parle d'une nouvelle politique qui fait que, pour les célibataires, si on leur offre un travail et qu'ils refusent, la première fois, le salaire est coupé de moitié, et, la deuxième fois, le salaire est coupé complètement, c'est-à-dire l'aide sociale. A ce moment, chez ceux à qui on a demandé de retourner au travail comme cela et qui ont été forcés à retourner au travail, sur dix, il y en a trois qui pouvaient travailler. Les autres, on ne les a pas incités à retourner au travail, parce qu'ils n'étaient pas capables de travailler.

M. Giasson: Ils n'étaient pas aptes au travail.

Mme Saint-Onge: On les pensait aptes au travail et ils ne l'étaient pas. C'est difficile à juger comme cela.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: J'ai peur qu'on n'ait pas bien compris ou qu'on interprète mal ce qui a été souligné ce matin, à moins que ce ne soit moi qui aie mal compris, c'est que les aptes au travail, célibataires, dans la réglementation actuelle, reçoivent $85 par mois, alors que les inaptes au travail, même célibataires, peuvent aller à $217.

M. Giasson: Quand vous parlez de $85, ce sont des aptes au travail, âgés de 18 à...

M. Samson: A 30 ans.

M. Giasson: ... entre 18 et 30 ans. S'ils sont jugés inaptes au travail...

M. Samson: Ah oui! ils ont $132. M. Giasson: D'accord.

M. Samson: C'est cette différence qui, ce matin, selon moi, selon mon interprétation — j'espère que ma mémoire est fidèle — a été soulignée. On a demandé que les aptes au travail, compte tenu du faible pourcentage, puissent bénéficier du même tarif, du même taux. Si je comprends bien, M. Foumier...

M. Fortin: Fortin.

M. Samson: Si je comprends bien, M. Fortin, en faisant relever les chiffres, le pourcentage des aptes au travail, vous nous prouvez que cela ne coûterait pas tellement plus cher de ne plus faire de différence entre les deux catégories. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Fortin: Oui. M. Samson: Merci.

M. Giasson: Je crois, là-dessus, qu'il n'y a pas seulement que la question, l'aspect du coût. J'ai partagé un peu l'opinion du député de Rouyn-Noranda vis-à-vis des aptes au travail de 18 à 30 ans. Là où j'ai révisé mes positions, c'est à la suite de nombreux commentaires que j'ai entendus de la part des employés du réseau dans les régions.

Dans plusieurs cas, ils nous ont dit que c'était de la foutaise que de maintenir même un barème de $85 dans la plupart des cas de personnes dont

l'âge se situe entre 18 et 30 ans. Ils ont dit: Ce n'est pas possible. Ces gens, s'ils sont le moindrement intelligents, ne vivent pas avec $85 par mois. Vous vous faites avoir dans au moins 75% des cas de ces personnes. Ce sont des gens qui desservent notre clientèle qui nous tenaient ces commentaires et ces propos.

M. Côté: M. le ministre, je pense qu'il y a quand même une précision à apporter. C'est que, dans plusieurs de ces cas de gens qui reçoivent $85, ce sont les parents qui les gardent qui ont à subir tout cela, parce que ces gens ne paient pas de pension. Ils gardent leurs $85 pour les petits besoins personnels. Je pense que, dans plusieurs cas, c'est ce qui se produit. Je pense que c'est une précision qu'il fallait apporter.

M. Samson: II y aurait peut-être un autre test à faire. On pourrait peut-être demander aux employés qui vous ont dit cela s'ils seraient prêts à vivre avec $85 par mois, eux autres. Peut-être qu'ils changeraient leur fusil d'épaule.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Jacques-Cartier.

M. Giasson: Je connais déjà la réponse. Ils nous disent qu'ils ne vivraient pas et que ceux qui reçoivent cela, pour la plupart, ne vivent pas uniquement avec $85.

M. Roy: Non, mais je pense que la réponse...

M. Samson: Pourquoi les obliger à être aux crochets de quelqu'un d'autre dans la société? C'est cela que le député de Matane vient de souligner. C'est cela qu'on voudrait faire ressortir. Si on vous dit que tout le monde est d'accord, qu'ils ne peuvent pas vivre avec cela, s'ils ne sont pas morts, c'est parce qu'ils ont vécu avec autre chose. C'est parce qu'ils ont vécu aux crochets de quelqu'un d'autre. Pourquoi obliger quelqu'un d'autre à soutenir ces gens? Pourquoi n'ont-ils pas les mêmes droits que tous les autres?

M. Giasson: On ne nous a pas dit qu'ils vivaient aux crochets d'autres personnes, mais qu'il y avait des sources de revenu possible, non contrôlables.

M. Samson: Attention, si on s'embarque là-dedans, il va falloir faire la preuve.

M. Giasson: Ecoutez, je n'apporte pas de témoignage personnel. Je vous fais part des propos que nous avons entendus.

Le Président (M. Cornellier): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je ne vais pas parler pour le restant de la province. Même si on a un comté où les revenus sont beaucoup plus considérables que les revenus moyens de la province, il y a tout de même des jeunes qui reçoivent des allocations sociales. J'ai reçu des appels téléphoniques de parents qui me demandaient et qui reprochaient au gouvernement de payer à nos jeunes une allocation de $85. C'étaient des parents habituellement à l'aise, je l'avoue. Ils disaient: Nous autres, pour ne pas encourager le vice, notre jeune ne veut pas étudier, il se drogue ou ci ou ça, on ne lui remet pas d'argent et voilà que le gouvernement lui donne $85. Ils s'organisent trois ou quatre ensemble, ils se louent une pièce et demie et ils vivotent, ils ne travaillent pas. Je ne veux pas parler, comme je le disais tout à l'heure, pour la province, mais dans une ville comme Montréal, pour un jeune homme qui est en santé, des emplois, il y en a toujours d'offerts. Maintenant, ce ne sont pas nécessairement des emplois de son choix. Je ne dis pas que ce sont des emplois nécessairement agréables. Le gars peut toujours se gagner trois repas par jour et un coucher n'importe quand, quel que soit son degré d'instruction, s'il n'est pas handicapé ou s'il n'est pas malade et s'il est capable de travailler. Alors, je ne vois pas nécessairement le gouvernement subventionner la jeunesse, des jeunes hommes de 18 ou 19 ans avec des allocations sociales, surtout dans une ville comme Montréal. Je crois que c'est un encouragement à jouer un rôle passif dans la société. C'est un encouragement aux jeunes à ne pas prendre leurs responsabilités, tout simplement.

Le Président (M. Cornellier): L'heure avance. Je ne voudrais pas interrompre le débat. Les commentaires qu'on vient d'entendre, je suis sûr que le ministère en tiendra compte en temps et lieu. J'aimerais vous remercier... Oui, madame?

Mme Lessard: Je voudrais ajouter à ce que M. le député vient de dire. Probablement que dans les grandes villes, c'est ce qui arrive, mais dans les campagnes, ce n'est pas le cas. Ce sont les parents qui aident ces enfants qui n'ont pas de travail, et surtout nous autres, dans le Bas-du-Fleuve, même s'ils voulaient travailler, il n'y a rien. A Po* hénégamook, on a formé une ville en vue d'amener des industries. On les attend encore. Il n'y a pas de travail. On a une industrie qui a brûlé, qui n'est pas remplacée. Il n'y a pas de travail. Les jeunes flânent. Les parents partagent la croûte avec eux. Autrement dit, ils appauvrissent les parents, parce que l'allocation à $85 n'est pas suffisante, et sans vanter la jeunesse de la campagne, on a encore des jeunes qui n'ont pas encore goûté à cette méthode de vivre dont vous parlez en ville, qui s'isolent avec les autres. Ils vivent chez leurs parents encore. Mais il n'y a pas de travail. Il n'y a rien. Il y a une chose: II faudrait qu'ils aient le courage de faire comme moi. J'ai deux enfants, et ils sont partis travailler à l'extérieur. Parce qu'ils ont eu une bonne instruction, c'est la seule chose qu'ils ont pu acquérir.

Je voudrais souligner le problème d une femme seule, après qu'elle a sacrifié pour des raisons de responsabilité familiale, quelques années en dehors du marché du travail, par rapport qu'il

est venu un temps où mes deux filles n'avaient plus de foyer adéquat rendues à douze ou treize ans, j'ai pris charge de mes deux filles pour les mener à bon terme. La dernière a terminé ses études de techniques infirmières. Aujourd'hui, je suis rendue à 48, 49 ans. J'aimerais retourner travailler dans mon milieu. Je suis propriétaire. Mon allocation est insuffisante pour maintenir ma maison, en réalité, surtout les $300 partis, ça fait quelque chose. $15 quand on va acheter un gallon de peinture pour sa galerie, cela coûte déjà $16, on ne va pas loin dans les réparations de maison avec les $15.

La suggestion est appréciée, celle que j'ai faite tantôt, pour augmenter peut-être pour les propriétaires. A ce moment, je me demande pour les personnes qui voudraient retourner sur le marché du travail, dans mon cas, où j'ai seulement un cours élémentaire, donc une onzième année. J'ai déjà enseigné, mais je ne me suis pas recyclée. Il y a certains travaux que j'aimerais faire, mais ce qu'ils nous offrent, ce sont tous des travaux qui ne sont pas revalorisants, c'est-à-dire après avoir donné toute l'énergie qu'on peut pour élever les deux enfants seule pendant 19 ans, tu te vois obligée d'avoir soin des enfants des autres, avec une onzième année, un bagage d'expérience qui pourrait servir dans beaucoup de domaines. J'ai fondé l'information communautaire. J'ai rendu service à beaucoup de gens dans mon coin, seulement c'est bénévolement, et là, je constate qu'on n'a plus de place dans la société rendu à cet âge, parce qu'ils nous disent trop vieux. J'ai fait des demandes dans des hôpitaux. J'avais déjà suivi un cours d'aide infirmière, mais ça ne compte plus. Ce sont toutes des choses comme ça.

Alors, il faut rester avec la petite allocation qui nous est permise quand on est rendu seul. Propriétaire, c'est une maison qui a été gagnée avant d'être bénéficiaire du bien-être social, j'avais toujours travaillé. Cela ne fait que cinq ans que j'ai été obligée de faire appel à ça.

Je ne sais pas ce que vous pouvez faire dans des cas comme ça pour aider les gens à se revaloriser après un certain nombre d'années qu'ils ont quitté le marché du travail.

C'est tout ce que je veux dire.

Le Président (M. Cornellier): Soyez convaincue, madame, que le ministre a bien entendu les commentaires que vous venez de faire, et lorsqu'il procédera à l'étude du règlement, il tiendra sûrement compte des remarques très valables que vous avez faites.

Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre participation à la commission et j'inviterais maintenant le groupe Familles monoparentales à se présenter. Une personne ce matin avait donné son nom comme étant Mme Ghislaine Leduc-Caron.

Les représentants de ce groupement sont-ils encore ici?

Alors, j'appellerais le dernier groupe qui a demandé à se faire entendre qui est l'Association des dames veuves, région de la Chaudière.

Association des dames veuves, région de la Chaudière

Mme Boucher (Armand): Bonsoir, M. le Président. Bonsoir, messieurs les députés. Mon nom est Mme Armand Boucher, présidente de l'Association des dames veuves de la région de la Chaudière.

Cela me fait plaisir de voir...

Mme Bonin (Marguerite): Mme Marguerite Bonin, membre de l'Association des veuves de la région de la Chaudière.

Mme Boucher: Alors, mes premières paroles seront pour vous remercier d'avoir bien voulu nous entendre vu que nous ne nous étions pas inscrites avant aujourd'hui.

Alors, un mémoire avait été écrit. Je vais essayer d'être assez brève puisque le temps avance.

Attendu que l'aide sociale aux défavorisés sociaux existe depuis déjà plusieurs années et qu'elle a été préparée sans plan d'ensemble précis; attendu qu'il y a disparité dans l'aide sociale apportée aux différents groupes d'assistés sociaux; attendu que certains groupes d'assistés sociaux ne peuvent pas, avec l'aide sociale actuelle, faire face adéquatement à toutes leurs obligations familiales; attendu qu'avec un peu de recul dans l'application des lois de l'aide sociale, il serait plus facile de procéder à l'ajustement des différentes pièces de l'aide sociale; considérant que les mesures actuelles d'aide sociale s'appliquant aux familles dont le père est décédé se révèlent inadéquates et insuffisantes; considérant que les prestations actuelles d'aide sociale sont insuffisantes pour satisfaire à tous les besoins essentiels des familles dont les charges reposent uniquement sur la veuve; considérant que les veuves forment une catégorie d'assistés sociaux permanents; considérant que les veuves doivent faire face à deux catégories de charges familiales, soit des obligations à court terme et des obligations à long terme; considérant que, jusqu'à maintenant, l'aide sociale reçue par les veuves a à peine suffi à payer les besoins essentiels à la survie et à très court terme; considérant que, jusqu'à maintenant, l'aide sociale apportée aux veuves ne pourvoit pas à certaines charges familiales normales assumées par une famille dont le père est le pourvoyeur et le fournisseur de fonds; considérant que les veuves ont des besoins spécifiques; pour ces motifs, les veuves demandent au ministre des Affaires sociales de prendre en considération les besoins des veuves et de rédiger, d'adopter et d'appliquer une loi spécifique pour les veuves qui pourrait s'intituler: Loi sur l'aide aux veuves, et elles demandent également de modifier les autres lois actuelles d'aide sociale, le tout afin que soit prévu ce qui suit:

Premièrement, que le montant de l'aide sociale soit le même pour les veuves, qu'elles soient propriétaires ou locataires, ceci en raison des réparations qui sont toujours aux frais des propriétaires.

Deuxièmement, que les veuves aient droit de gagner $1500 par année et que leur pension ne soit réduite qu'après que ce montant soit gagné et non pas tel montant par mois.

Je m'explique: Une personne qui n'est pas apte au travail, mais qui, durant l'année, peut avoir un emploi qu'elle peut faire et que, pendant l'année, elle peut gagner $200, elle peut se voir couper un montant de $100 parce qu'elle a droit seulement à $40 qui est l'échelle de famille. Durant tout le reste de l'année, elle ne peut pas avoir rien gagné. Donc, s'il y avait coupure seulement après le montant, cela ne l'aurait pas affecté, ce montant, celui qui existait en 1962. Nous n'avons pas avancé de ce côté. La loi nous a défavorisées, parce qu'on est chef de famille et parfois on peut gagner un salaire pendant un mois et les onze autres mois on ne gagne pas. Alors, si on le divise par douze, cela aurait été avantageux pour nous. Je connais des dames qui ont gagné $200 dans toute l'année et elles ont été coupées.

Troisièmement, voir à ce que les allocations familiales soient augmentées.

Quatrièmement, prévoir, dans la Loi d'aide sociale pour la veuve, un montant mensuel supplémentaire convenable et suffisant qui permette à cette dernière de payer une assurance sur la vie de chacun de ses enfants de cinq ans et plus jusqu'à ce que l'enfant puisse subvenir lui-même aux paiements de la susdite assurance.

Cinquièmement, prévoir pour chaque enfant vivant dans une famille ayant comme chef une veuve, un montant d'argent supplémentaire dans les prestations mensuelles convenables et adéquates pour le paiement des loisirs, ce qui n'existe pas chez la veuve. Dans le but d'encourager les veuves à limiter leurs dépenses, ne plus réduire les prestations d'aide sociale aux veuves pour la culture d'un jardin potager.

Septièmement, d'adopter toute autre mesure ayant pour effet le bien-être des veuves et des enfants vivant dans un foyer ayant comme chef une veuve.

Et huitièmement, j'ajouterais un amendement pour les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans. A l'heure actuelle, vous savez, c'est assez difficile pour les enfants d'avoir du travail avant 18 ans, cela leur prend des cartes et la veuve n'a pas d'argent à leur donner, surtout que cela fait nombre d'années qu'on est veuve, on doit toujours leur dire qu'on n'a pas d'argent. Donc, ils laissent la classe et de 16 ans à 18 ans, ce n'est pas drôle pour une veuve d'avoir à envisager ces cas-là. La première semaine qu'ils vont sur le marché du travail, on est obligé de déclarer à l'agent d'aide sociale que l'enfant est allé sur le marché du travail. Il y va deux jours, trois jours. Il revient à la maison. Nous sommes obligés de faire application de nouveau. Si, entre temps, il fait des coups, ce n'est pas leur problème à eux, c'est notre problème à nous. Je voyais des dames tout à l'heure qui avaient l'air de trouver que ne plus pouvoir avoir d'enfant est un problème, moi, je ne trouve pas que c'est un problème, je trouve que c'est un problème de faire vivre les seuls que j'ai, les, dames veuves aussi.

Ensuite, on a de la difficulté avec l'aide sociale. Je suis allée assister des jeunes à Saint-Joseph-de-Beauce, leurs mères étaient veuves, ils n'avaient pas d'argent, ils voulaient aller aux loisirs. Vous savez, on donne de l'argent pour les loisirs, mais même si on donne de l'argent pour les loisirs, les veuves n'en ont pas pour donner à leurs enfants. Alors, il y a des personnes très généreuses qui leur ont offert de passer de la drogue. Pour se faire $1, ils ont passé de la drogue, mais ils ont été assez chanceux de se faire prendre par la police. Ils ont dû comparaître devant le tribunal. J'étais là, présente. Le juge a demandé au jeune ce qu'il faisait, il a dit qu'il n'allait plus à l'école. Il a demandé s'il travaillait, il ne travaillait pas. Il dit: $20 d'amende pour avoir été en possession de telle chose. Comment veux-tu de temps pour remettre ça? Le jeune a dit: 15 jours, pour remettre $20 d'amende quand il avait déclaré qu'il ne travaillait pas.

J'ai demandé la parole et j'ai demandé au juge s'il lui donnait la même possibilité de refaire le même geste.

Je voudrais porter à votre attention, M. le Président et MM. les députés, que parmi toutes les personnes qui sont passées ici aujourd'hui, la plupart étaient des couples, donc ils étaient deux pour assumer la responsabilité des enfants. Mais une veuve, je voudrais que vous considériez qu'elle est seule. La personne a demandé qu'il y ait un officier de probation qui s'en occupe, ça fait un an et demi. Avant de partir, je ne veux pas prolonger, je voudrais avoir des explications très précises. Tout à l'heure, j'ai sursauté — je ne suis pas appelée à faire des dépressions, je ne crois pas, parce que je ne remonterais pas à Saint-Benoit, je m'en irais à la clinique — quand on a dit qu'ils donnaient $250 pour le mari, quand la femme était malade. Les chaises étaient solides parce que j'aurais sursauté. C'est une chose que je ne savais pas. Moi-même, j'ai dû aller à l'hôpital et on a payé mon transport $10, mais on a refusé de payer la facture du dîner. J'ai sursauté.

L'agent social et le directeur du service social ont dit que tous les besoins spéciaux étaient enlevés. A quel endroit inscrivez-vous ces besoins spéciaux? A quel endroit les trouvez-vous? Une autre chose m'a fait sursauter. Les membres de l'Association des dames veuves reçoivent le bien-être social, point final. Tout à l'heure, la Saint-Vincent-de-Paul est venue faire ses revendications. Une autre association est venue faire ses revendications. Nous, lorsqu'on demande de l'aide sociale, le montant du paiement court à la date où on a fait la demande.

Si je la fais le premier du mois, si j'ai mon chèque le vingt, elle court à partir du premier. Donc, ils peuvent se faire rembourser ce montant.

Si j'ai gagné $200 et que j'avais droit à $50, ils me font rembourser la différence. Je ne vois pas pourquoi on serait une classe à part de tout cela. Celles qui ont un mari... Je reviens, parce que je m'écarte un peu du sujet. Je vois que le temps passe et que j'en aurais eu plus que cela à dire.

Nous n'avons pas de mari. On se fait opérer.

Qui va venir à notre chevet? Est-ce qu'il y a un montant prévu pour cela? Est-ce que c'est la loi de la protection des animaux qui s'applique dans ce cas-là, avec les veuves? Nous, les veuves, c'est ce que nous sommes à nous demander, si on ne serait pas mieux de faire partie de la protection des animaux. On est seule pour tout cela.

Je pense que les handicapés et les veuves, c'est une classe à part des assistés sociaux. Je ne suis pas contre les autres assistés sociaux. Ils ont leur... mais nous autres, on l'est douze mois par année, tant et aussi longtemps qu'on ne se remariera pas et qu'on couchera seule, j'aimerais bien à le signaler.

Le monsieur a répliqué tout à l'heure qu'il y avait des jeunes qui formaient une communauté pour vivre ensemble, mais n'oubliez pas qu'il y a des personnes qui s'accotent et qui ont trois loyers aussi. Il n'y a pas seulement les jeunes, il y a des adultes qui sont compétents en cette matière.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Matane.

M. Côté: Ce matin, au moment où on est intervenu auprès du ministre, je pense qu'en ce qui me concerne, j'avais fait une distinction très nette entre les handicapés et les veuves, et les autres bénéficiaires d'aide sociale. Je pense que dans une politique révisée, il faudrait insister auprès du ministète des Affaires sociales pour faire une distinction.

Cependant, j'aurais une question à vous poser. Quelle est la différence que vous faites entre le statut des veuves et celui des familles monoparentales? Tout d'abord, est-ce que vous en faites une?

Mme Boucher: Oui, j'en fais beaucoup. Je suis sûre que mon mari ne m'enverra pas $45 en dessous de la couverte demain matin. Il est enterré et il a quatre pieds de terre sur lui. Je sais qu'il ne m'en enverra pas, parce qu'il est mort et qu'il est enterré. Il m'a laissé seule avec les enfants. Je sais cela. Vous devez deviner le contraire. Je vous connais pour être toutes des personnes intelligentes.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Roy: En somme, Mme Boucher, ce que vous avez demandé, c'est de tenir compte du statut particulier dans lequel se trouvent les veuves au Québec, c'est qu'il y ait une distinction très nette dans la loi, étant donné la permanence de votre situation. C'est cela?

Mme Boucher: Oui. Ensuite, on n'aurait pas besoin de remplir le petit papier chaque mois. On est veuve et le mois qu'on se mariera, on va vous le déclarer, soyez sans crainte.

M. Roy: II y a une deuxième chose que vous avez aussi demandée et qui va retenir sûrement l'attention des membres de la commission. C'est le fait qu'au lieu de répartir le montant de gains qu'une personne peut obtenir, peut gagner, au lieu de rétablir par mois, l'établir sur une base annuelle.

Mme Boucher: Ce serait bien avantageux, parce que... L'année dernière, j'ai donné des cours de tissage. J'ai gagné $210 durant toute l'année. C'est tout ce que j'ai gagné. A ce moment, j'ai dû rembourser $125 parce que j'avais le droit de gagner $40 par mois. Le solde, j'ai dû... Si j'avais eu le droit de gagner $1500 — c'est tout ce que j'avais gagné durant l'année — je n'aurais pas eu à l'ôter, je n'aurais pas eu à le rembourser, ce qui n'aurait pas affecté du tout...

Ce matin, on cherchait une solution, à savoir de quelle façon les assistés sociaux rembourseraient-ils les prêts qu'ils feraient aux caisses, advenant une réparation qu'ils devraient faire à la maison? Ce serait une façon d'inciter les personnes à se trouver de petits emplois. Ce serait un moyen de combler ce petit déficit, parce que, ne vous en faites pas, les seuls qui viennent à bout de rembourser un prêt à la caisse, ce ne sont pas les assistés sociaux honnêtes, ce sont les assistés sociaux luxueux, qui avaient des réserves avant de faire la demande. Il existe encore des coffres-forts. Il existe bien d'autres choses. Vous ne me ferez pas accroire qu'une personne, après qu'elle a tout payé, il ne lui reste rien. Il n'en reste même pas pour l'habillement et pour être capable de faire des paiements. C'est impossible; que ce soit n'importe quelle personne, elle n'est pas capable, c'est impossible.

M. Roy: Dans le cas des veuves, Mme Boucher, vous vouliez que le montant qui est actuellement de $40 par famille, ce qui fait $480 par année, soit augmenté à $1500, mais pour douze mois et non pas divisé par douze. Est-ce cela?

Mme Boucher: Oui. Je pense qu'on a fait des demandes qui étaient justes, parce que j'ai demandé aux veuves d'être logiques dans leur affaire et de bien se mettre dans la tête que les veuves... Je parle en tant que veuve, les autres ont fait valoir leurs droits. Moi, je fais valoir les droits des veuves. J'ai dit: II ne faut pas non plus que les assistés sociaux, les veuves, on ait plus que les travailleurs à faible revenu. Je pense que là, en tant que chrétien, c'est aussi un devoir de faire valoir ce droit, mais, d'un autre côté, on a des enfants... Je pense que c'est un devoir aussi qu'ils aient le nécessaire pour ne pas leur faire prendre le chemin qui va les conduire en prison. Il vaut mieux donner l'argent pour les élever que le donner ensuite pour les faire suivre et les faire soigner.

M. Roy: J'aimerais demander au ministre, à ce moment, étant donné que la question a pu être soulevée devant la commission parlementaire, si on a attiré l'attention des membres de la commission sur les enfants. Je vais parler des veuves en particulier, parce qu'ici, c'est le mémoire qui nous est présenté par les veuves qui ont des enfants et

dont les enfants se ramassent quelques économies dans des comptes de caisse populaire. C'est que, lorsque ces montants atteignent un certain niveau — je dis bien l'argent gagné par les enfants de la famille — la mère de famille, la veuve, se voit, privée de son allocation parce que le montant total de cet argent dépasse le montant permis par la loi. Est-ce que ce point a été soulevé devant la commission parlementaire aujourd'hui par les différents groupements qui sont venus devant nous? J'ai vu une famille, j'ai eu l'occasion de rencontrer quelques cas, non seulement dans un, dans deux comtés, mais dans différentes régions de la province. On est allé faire des vérifications dans les comptes de banque des enfants, quand un enfant distribue des journaux, est camelot, qu'un autre va entretenir les gazons, les parterres, les montées, que les petites filles vont être gardiennes. Ils se ramassent quelques économies, en somme, et ils sont très fortement pénalisés par le fait que les restrictions qu'il y a dans la réglementation de la loi ne permettent pas justement de pratiquer ce genre de choses. Par ailleurs, lorsque les deux parents vivent et qu'ils sont en bonne santé, qu'ils ont du travail, les enfants des voisins, en somme, peuvent, eux, faire des économies.

M. Giasson: Cela a été exclu dans le nouveau règlement.

M. Roy: Cela a été exclu, je me souviens d'avoir fait des démarches assez vigoureuses à ce sujet. Je suis heureux d'apprendre que cela a été exclu, enfin. J'aurais une dernière question. J'en aurais d'autres, mais je ne veux pas monopoliser le temps à moi tout seul. La question s'adresse encore au ministre, suite au mémoire qui vient d'être présenté. Mme Boucher et Mme Bonin ont quand même soumis un point qu'elles ont appris aujourd'hui, en commission parlementaire des autres personnes qui sont ici, l'existence de certains programmes et de certains bénéfices de la loi.

J'aimerais demander au ministre, étant donné que dans toute cette affaire, il y a la loi votée par l'Assemblée nationale, les règlements qui sont adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil et les directives, pas seulement l'interprétation de la loi, s'il y a des raisons particulières pour lesquelles il est interdit à un député de pouvoir posséder ces directives et de pouvoir renseigner la population dans son comté. J'ai fait des démarches, autant comme autant, pour obtenir des copies des directives qui sont envoyées par le bureau central de l'aide sociale, pour pouvoir disposer de ces directives, pour être en mesure de répondre et d'orienter les gens qui viennent dans nos bureaux, parce que, comme le disait le député Saint-Germain tout à l'heure, nous faisons assez souvent, nous aussi comme députés, du service social. Il nous est pratiquement impossible d'avoir... Je n'ai jamais pu en obtenir une. On m'a toujours dit que c'était interdit, qu'on ne les donnait pas aux députés, aux membres de l'Assemblée nationale.

J'ai communiqué avec les bureaux locaux, avec les bureaux régionaux. J ai communiqué avec le bureau provincial à ce sujet. J'aimerais sa- voir pourquoi. Si le ministre entend prendre note des propos que je viens de tenir, j'aimerais qu'au moins les membres de l'Assemblée nationale, considérant que ce sont des documents d'intérêt public, puissent avoir copie de ces directives, pour éviter l'interprétation restrictive qu'on peut faire à certains comptes.

M. Giasson: Effectivement, récemment, c'est-à-dire depuis l'application du nouveau règlement, la direction de l'aide sociale a cru utile de préparer un manuel de politiques...

Une Voix: II y a un député qui l'a.

M. Giasson: ... et c'est dans l'intention de la direction de l'aide sociale également de le transposer sous forme de guide qui pourrait être mis à la disposition des députés de l'Assemblée nationale et d'autres personnes, d'autres groupes intéressés au niveau du public. Cela n'existait pas auparavant, mais c'est une évolution à l'intérieur de la direction de l'aide sociale, qui va permettre aux députés de l'Assemblée nationale, ou à quelques citoyens qui manifestent un intérêt pour la réglementation et tout le système du fonctionnement, de pouvoir accéder à ces informations afin d'être mieux renseignés et possiblement renseigner d'autres groupes de citoyens intéressés par la situation.

M. Roy: Ces informations comprendraient évidemment les directives qui sont envoyées régulièrement dans les bureaux aux chefs d unités...

M. Giasson: Ils seraient tenus à jour.

M. Roy: ... ils seraient tenus à jour. C est une très bonne chose.

Dernière question que je veux adresser...

M. Côté: Si le député de Beauce-Sud me permet, c'est dans le même sens.

Il faudrait peut-être insister auprès des agents d'aide sociale, car chaque fois que quelqu'un qui a des problèmes avec l'aide sociale vient nous voir, on communique avec le bureau, souventefois par écrit, pour être sûr d'avoir des choses qui se tiennent. On a souvent des réponses que je trouve imbéciles.

Cela prend un gars qui n a pas de jugement pour nous expédier de telles réponses et deux lignes et demie disant: La personne concernée reçoit le maximum permissible par le barème d'aide sociale. Sous la raison du sceau de la confidentialité, il n'y a pas moyen d'avoir aucun détail.

Je pense qu'à partir du moment ou un assisté social vient nous voir pour discuter de son cas. pour tenter de l'aider, je pense que la confidentialité disparaît à ce moment. Il n'y a rien qui ne me fâche plus que de recevoir une telle lettre, deux lignes et demie en disant: Ce n'est pas de vos affaires. Occupez-vous de vos oignons et on s'occupe des nôtres. C est ce que cela veut dire en fin de compte.

Je ne sais pas s'il n'y aurait pas possibilité de donner des directives. Cela ne vient pas de tous

les bureaux. Cela dépend des endroits. Il y a certains endroits où c'est plus marqué que d'autres. Vous pouvez en tirer vos conclusions.

M. Giasson: II fut une époque où il y avait eu une directive transmise aux bureaux d'aide sociale du Québec de garder strictement confidentielle l'information de chacun des dossiers de bénéficiaires, sauf peut-être s'il y avait des documents écrits de la main du bénéficiaire d'aide sociale autorisant la divulgation d'informations sur le dossier. On tolérait.

Mais depuis, cette directive n'existe plus, et, dans la plupart des bureaux d'aide sociale au Québec, il peut rester des cas encore... La plupart des bureaux d'aide sociale comprennent que, lorsqu'un député intervient, c'est à la suite d'une demande expresse d'un bénéficiaire d'aide sociale qui veut faire vérifier par son député ce qui en est exactement de son dossier et de ses droits.

L'interprétation que nous avons de notre contentieux est quand même que la loi actuelle est très "straight ".

J'encouragerais les bureaux locaux à donner les renseignements oralement sans trop de réserve. Quant à donner des renseignements par écrit, cela demande quand même quelque chose difficile dans le contexte de ce que prévoit l'article 132 de la loi.

J'ai essayé de tracer un juste milieu entre ce que vous avez qualifié d'imbécile et ce qui est dans votre propre intérêt ou dans l'intérêt des membres de l'Assemblée nationale qui, au fond, sont aussi un peu les premiers à ne pas vouloir accumuler des dossiers personnels sur les individus, ce qui est le cas quand on transmet une information totale sur un dossier.

Jusqu'ici, le juste milieu semble bien fonctionner dans la plupart des cas. Evidemment, il se peut que, dans certains cas, on ait des difficultés, mais nous allons demeurer dans cette atmosphère aussi longtemps que l'article de loi très "straight".-.

L'article dit "... quiconque dit quoique ce soit à qui que ce soit à l'occasion d'un dossier d'aide sociale est coupable d'une amende et de prison possiblement..." Aussi longtemps que l'article ne sera pas qualifié, les difficultés demeureront d'une certaine façon et on peut difficilement dire aux agents: Vous savez, l'article 52 ne vaut pas pour les députés. Si je l'écrivais et si je le signais, je serais le premier à faire tort aux membres de l'Assemblée nationale.

M. Saint-Germain: ...les dossiers médicaux? Excusez... Même avec les dossiers médicaux, un patient peut toujours donner la permission à une tierce personne de...

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. Roy: Une dernière question. Mme Boucher a touché un problème, le problème des jeunes qui ont terminé leurs études et qui demeurent encore à la maison, qui ont de 16 à 18 ans, qui se voient retirer les prestations d'aide sociale pour avoir essayé de travailler parfois un jour ou deux. Est-ce que quelque chose est prévu au niveau des modifications de la Loi de l'aide sociale pour leur accorder un délai? C'est ce que vous demandez, je pense, qu'il y ait un délai additionnel qui soit accordé, de façon à s'assurer que l'emploi occupé par cet enfant va revêtir un caractère de permanence?

Mme Boucher: Oui. Parce qu'on donne de l'argent, parfois, on dépense un assez bon montant pour qu'il puisse se chercher de l'ouvrage, croyant qu'il va finir par rester là, mais il fait une semaine, deux semaines, il s'en revient. On a dépensé l'argent des autres enfants et il s'en revient à la maison et on se fait couper de l'aide sociale. Il faudrait au moins qu'il travaille un mois, deux mois, pour...

M. Roy: En somme, vous suggérez qu'il y ait au moins un mois de travail...

Mme Boucher: Oui, parce que l'aide sociale dit bien que si, entre-temps, il survient quoi que ce soit, elle ne se tient pas responsable. On est responsable de ces enfants, mais on n'a pas le droit d'avoir d'allocation pour eux.

M. Giasson: Qu'est-ce que vous entendez par là: On n'a pas le droit d'avoir d'allocation?

Mme Boucher: Si l'adolescent s'en va travailler, on n'a pas droit au montant prévu pour lui. On a tant par enfant, mais s'il est sur le marché du travail, on l'enlève du montant de la pension. Supposons que je deviens seule...

M. Giasson: L'allocation sociale et non pas l'allocation familiale.

Mme Boucher: Oui, on me l'enlève. Mais s'il va travailler et qu'il travaille trois jours, on me coupe cette aide. Mais, entre-temps, il peut bien faire des coups, quoi que ce soit, n'importe quoi et les gens de l'aide sociale ne sont pas obligés par tout cela. Je reste responsable de l'enfant, mais je n'ai rien pour le faire vivre. Je n'ai rien pour assurer sa survie.

M. Giasson: Est-ce qu'il étudie, madame, en même temps qu'il travaille? Non, c'est l'enfant qui retourne sur le marché du travail.

Mme Boucher: Non, il n'étudie pas, parce que quand une veuve a des enfants et qu'elle est obligée de les faire vivre avec le petit montant qu'on a, il ne veut pas aller longtemps à l'école, d'autant plus que les officiers de probation devaient lui trouver une place et ne sont jamais venus.

Le Président (M. Cornellier): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, c'est seulement une précision, parce que je ne suis pas certain

qu'au niveau de la commission, on ait saisi entièrement le problème qui vient d'être soulevé. Il s'agit d'un enfant — on parle en général — d'âge entre 16 et 18 ans...

Mme Boucher: Oui.

M. Samson: ... qui, pour une raison ou pour une autre, se cherche du travail et s'en trouve. A partir du jour où il commence à travailler, vous le déclarez.

Mme Boucher: On est obligé.

M. Samson: Là, il vous coupe le montant pour cet enfant.

Mme Boucher: Oui.

M. Samson: Et au bout de deux jours, trois jours ou une semaine, ça ne va pas, il vous revient, et c'est le délai impliqué qui vous affecte pour le réintégrer à l'aide sociale. Autrement dit, ce que vous suggérez, c'est que, si un enfant commence à travailler, il puisse demeurer sur votre prestation...

Mme Boucher: Au moins quelques mois.

M. Samson: ... pour au moins une période d'un mois.

Mme Boucher: Au moins quelques mois pour...

M. Samson: Quelques mois, pour être certain qu'il soit bien engagé dans son travail avant qu'on l'enlève...

Mme Boucher: Oui, justement, c est certain qu'on est obligé de débourser de l'argent pour qu'il aille se trouver de l'ouvrage. En même temps, on veut les... C'est au bas âge que ces jeunes doivent prendre le goût au travail, ce sera aussi une façon de les encourager à aller au travail.

M. Samson: Cela vous donnerait une certaine sécurité, à savoir s'il manque son coup et s'il revient à la maison, ça veut dire que vous n'avez pas perdu vos allocations et vous pouvez le recevoir et lui donner à manger.

Mme Boucher: Justement, parce qu'iI avait déjà été prévu que le gouvernement donnait un certain montant pour inciter des personnes à travailler. Je pense qu'il ne faudrait pas les décourager tout de suite au départ.

M. Samson: D'accord.

M. Giasson: Madame, il s'agit de cette interprétation que vous donnez du règlement, suite aux changements qui ont été apportés au 1er janvier dernier. Le règlement dit que, comme valeur de biens, une famille peut posséder jusqu à $2500 et demeurer admissible à l'aide sociale. Cela sup- pose que, si vous n'avez pas de valeur de biens autre que votre propriété, votre enfant mineur de moins de 18 ans peut se permettre de gagner jusqu'à $2500 avant qu'on commence à faire des réductions.

Mme Boucher: Je vous jure sur l'évangile que l'agent social de Saint-Georges-de-Beauce, je vous jure, apportez-moi le livre de l'évangile et je fais serment avec les deux mains, que j'étais obligée de le déclarer à la minute qu'il entre sur le marché du travail. Je le jure.

Une Voix: C'est exact.

M. Malépart: Quel montant vous a-ton soustrait de votre chèque?

Mme Boucher: Quel montant a-t-on déduit sur le chèque? Ils ne me l'ont pas diminué encore, parce qu'il n'est pas encore sur le marché du travail. A la minute où il entrera sur le marché du travail.

M. Roy: Dans votre association, vous avez quand même eu plusieurs cas comme celui que vous venez de nous signaler...

Mme Boucher: Oui. Je suis sûre. A part cela, j'ai rencontré le directeur et je peux vous nommer le nom, M. Gaétan Nadeau, et son assistant, M. Guimont Doyon. Je vais nommer les noms, je n'ai pas peur de les nommer. Même s'ils étaient ici, je le dirais devant eux autres.

Mais si j'ai le droit de gagner $2500... s'il a le droit de gagner $2500, ne vous en faites pas, demain après-midi, je vais être au bureau de l'aide sociale de Saint-Georges-de-Beauce.

M. Giasson: J'étais à lire justement la section 6. qui détermine quelle est la valeur des biens.

Mme Boucher: C'est justement ce que je veux savoir.

M. Giasson: ... que peut posséder une famille. Mme Boucher: Oui.

M. Roy: Je m'excuse. Je soulève un point de règlement, M. le Président. Ce règlement, cette disposition ne s'applique pas du tout dans le cas que vient de nous soumettre Mme Boucher. C'est le chapitre...

Mme Boucher: Ce sont les avoirs...

Mme Roy: C'est le chapitre des gains, c est le chapitre des revenus qui s'applique, ce n est pas le chapitre des avoirs.

Mme Boucher: Oui.

M. Saint-Germain: Une personne qui est veuve qui a un fils de 17 ans, du moment qu'il travaille, on le diminue de son allocation.

Mme Boucher: Justement.

M. Saint-Germain: C'est cela que ça veut dire. Elle a raison, c'est cela.

M. Malépart: Elle est considérée par l'aide sociale comme une personne seule, plutôt que...

M. Charron: ... c'est ce que tout le monde devrait connaître...

M. Samson: S'il y a un enfant...

M. Charron: Si un enfant apporte un revenu, il est automatiquement retiré.

Mme Boucher: Oui.

M. Charron: Madame demande de s'assurer de la stabilité de l'emploi du jeune en question...

Mme Boucher: C'est cela.

M. Charron: ... avant de procéder à la coupure, ce qui nous apparaît normal, au départ. On discutera ensemble, plus tard...

Mme Boucher: II a été dans la misère 17 ans de temps et à la première minute qu'il gagne de l'argent, ils le découragent encore.

M. Bonnier: ... je ne vois pas pourquoi il ne serait pas considéré comme l'enfant du bénéficiaire.

Mme Boucher: S'il est à nos charges jusqu'à 18 ans, je verrais, s'il se trouve de l'ouvrage, à lui donner au moins six mois, pour qu'il puisse prendre goût au travail, au moins.

Disons que ce n'est pas moi qui vais faire vos lois.

M. Roy: II y a un deuxième facteur qui entre en ligne de compte aussi. Le jeune qui commence à travailler, assez souvent, il travaille à temps partiel, ne gagne pas un plein salaire et il a bien des dépenses à envisager. Il n'est pas en mesure, autrement dit, d'aider à la maison et de payer pension à la famille. Je pense qu'il faut être réaliste, il faut être pratique de ce côté-là. Il faut qu'il s'habille, il a des dettes, il a des dépenses de transport, il a toutes sortes de choses.

Je pense qu'un délai de six mois devrait être retenu par la commission pour ces cas spécifiques, parce que la pénalité — je tiendrais quand même à le signaler — est double. Vous avez une pénalité qui se trouve à réduire le barème du logement, parce que, lorsque la famille est considérée comme étant de deux personnes et que cela devient une personne, il y a une diminution du barème de logement, d'une part, en plus de la diminution de l'allocation directe qui est accordée, cela peut vouloir dire, je pense, une affaire de $65 à $70 dans le cas d'un enfant à charge.

Mme Boucher: A ce moment, la personne, par exemple, qui est propriétaire, peut avoir $170 par mois. Le célibataire, à côté, va avoir $217 par mois. Si cet enfant travaille à l'extérieur et que les samedis et dimanches, il revient voir sa mère, il va falloir qu'elle lui dise: Va chercher ton manger.

M. Saint-Germain: Si le jeune homme demeure à la maison?

Mme Boucher: Pardon?

M. Saint-Germain: Si le jeune homme qui travaille demeure à la maison, en plus, est-ce qu'on ne considère pas qu'il doit payer pension et qu'on diminue davantage l'allocation à la mère?

Mme Boucher: Ah oui! Je vous le dis, on n'a pas le droit de vivre.

M. Saint-Germain: Est-ce que le règlement ne dit pas encore cela?

M. Giasson: Je crois que cela a été modifié. M. Saint-Germain: Cela a été modifié. M. Giasson: La valeur...

M. Saint-Germain: Un jeune homme de 17 ans, qui travaille momentanément...

Mme Boucher: II est considéré comme un locataire.

M. Saint-Germain: S'il demeure à la maison, on diminue l'allocation. On considère qu'il doit payer une pension.

M. Giasson: Non, on ne présume plus de pension. Cela existait sous un ancien règlement.

C'est changé depuis 1974, sauf erreur.

S'il étudie, on ne compte pas les revenus non plus.

M. Samson: Une question, pour ne pas s'éterniser davantage. Tout le monde a compris. Je pense qu'il faudrait retenir cette suggestion qui vient d'être faite.

Le Président (M. Cornellier): En effet. Mesdames, je vous remercie de votre contribution, vous aussi et je suis convaincu que les membres de la commission et le ministre tiendront compte, en temps et lieu, de vos commentaires et de vos remarques.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 25)

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