L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des affaires sociales

Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mardi 28 septembre 1976 - Vol. 17 N° 147

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 55 — Loi sur la protection des personnes handicapées


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude du projet de loi no 55

Loi sur la protection des personnes handicapées

Séance du mardi 28 septembre 1976 (Dix heures quarante-cinq minutes)

M. Bonnier (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission permanente des affaires sociales siège pour entendre les mémoires relatifs à la loi 55, Loi sur la protection des personnes handicapées. Les membres réguliers de la commission sont ici. Le seul changement est que...

M. Bellemare (Johnson): M. le Président...

Le Président (M. Bonnier): Oui, M. le député de Johnson... C'est le président, oui! M. Dionne (Mégantic-Compton) remplace M. Fortier (Gaspé).

M. le ministre, je vous donne la parole.

Remarques préliminaires M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, je vous remercie d'avoir assumé au pied levé cette responsabilité en attendant l'arrivée du président d'office. Je n'ai pas de remarque d'introduction à faire. Je crois que nous avons quelques minutes de retard. Pour ma part, je souhaite la bienvenue à tous les groupes qui ont exprimé le désir de se faire entendre et qui, effectivement, se feront entendre au cours de cette première journée.

Comme on le sait, une deuxième séance est prévue pour le 5 octobre. Il est possible, étant donné le nombre assez élevé de mémoires reçus jusqu'à maintenant et d'intentions déclarées de paraître devant la commission, c'est-à-dire 30 au total, que plus de deux séances soient nécessaires. Nous verrons à la fin de la deuxième jusqu'à quel point il sera nécessaire d'en prévoir d'autres et combien.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce votre intention de siéger ce soir?

M. Forget: Non. Cela ne sera pas possible, ce soir, je pense.

M. Bellemare (Johnson): Cet après-midi?

M. Forget: Cet après-midi, si possible, à partir de 14 heures. Maintenant, on peut aller jusqu'à 12 h 30 apparemment, s'il n'y a pas d'objection et reprendre probablement vers 14 h ou 14 h 30 au plus tard, puisque nous aurons quand même encore quelques groupes à entendre avant la fin de la session de cet après-midi.

Alors, c'est tout. Je n'ai pas de remarque d'introduction. J'aurai peut-être, à l'occasion, certaines interventions à faire, mais...

Le Président (M. Bonnier): Le député de Saint-Jacques.

M. Claude Charron

M. Charron: Je me joins également au ministre pour souhaiter la bienvenue à tous ceux qui ont accepté notre invitation à se prononcer sur ce projet de loi, appelons les choses par leur nom, afin de nous aider à faire de cette loi importante, la meilleure loi possible.

J'aimerais dire tout de suite que l'opinion que je me permettrai d'exprimer n'en est — et très volontairement — qu'à l'état de brouillon. J'ai parcouru la loi, j'ai essayé d'en percevoir, à l'aide de ceux qui travaillent avec moi, les implications, mais nous étions les premiers à convenir que les témoignages que nous nous apprêtons à entendre vont nous aider considérablement, puisqu'ils viennent du milieu même de ceux qui vivent ces problèmes, à aller plus loin. D'avance, et sans autre excuse, je veux affirmer qu'à plusieurs occasions, il est vrai, notre opinion sera défaillante sur un certain nombre de sujets, mais nous sommes ici pour la faire.

Du fait, d'ailleurs, que nous entendions les groupes avant la deuxième lecture est une indication très nette que, des deux côtés de la table, je pense, nous sommes d'avis que c'est un projet de loi qui est amendable, qui sera vraisemblablement amendé, et plusieurs viendront nous dire que, pour être efficace et juste, il devra être amendé.

Quelques mots, seulement, M. le Président, pour signaler dans quel esprit nous abordons ce projet de loi important pour la société québécoise. Une première lecture du projet de loi nous amène à faire un commentaire général, c'est de saisir, je pense — et nos invités nous aideront à le clarifier — que la première impression, c'est qu'il s'agit d'une loi incomplète. Aux profanes que nous sommes dans cette matière, déjà quand même, notre petit bagage d'expérience dans ces dossiers nous permet de dire qu'il y a des omissions, volontaires ou involontaires — nous le verrons en cours de route — mais si nous voulons faire de cette loi autre chose que ce que son titre indique, une loi de protection, mais vraiment une véritable loi de développement de la personne handicapée, les omissions nous apparaîtront très claires au fur et à mesure que nous entendrons les groupes.

Je pense que la loi, par exemple, semble viser deux clientèles très précises: les handicapés visuels, les handicapés physiques et mentaux, qui peuvent faire l'objet d'un reclassement professionnel, mais elle délaisse — et gravement à l'occasion — les handicapés qui, eux, ne peuvent pas être recyclés professionnellement et, en particulier, aussi, la catégorie des handicapés que nous connaissons et que sont les enfants handicapés.

Le projet de loi est incomplet aussi, à première vue sur des services aussi importants que le transport pour les personnes handicapées, le logement dans les foyers de groupe, les barrières architecturales, l'éducation des jeunes handicapés, le sort réservé aux handicapés mentaux, le coût aussi chargé aux parents d'enfants et aux adultes qui devraient être hébergés pour recevoir des soins. Toutes des choses, je pense, qu'une loi

complète aurait avantage à inclure ou, à tout le moins, à volontairement exclure, après explication, soit en se référant à un pouvoir de réglementation, soit en ajoutant des pouvoirs à l'office qui est constitué. Je pense que nous aurons l'occasion aujourd'hui, avec un des groupes qui s'annonce sur notre liste, M. le Président, d'approfondir la question des droits des personnes handicapées. A notre avis, les principes de base devraient être les mêmes que ceux de n'importe quel autre citoyen. Je pense que l'aspect trop protecteur du projet de loi lui portera défaut.

Nous gagnerons aussi, je pense, à amender la loi et à recevoir des indications comment le faire et à quel endroit le faire quant au rôle de l'office. On a l'impression qu'il s'agit souvent d'une autre superstructure du ministère des Affaires sociales, partiellement ou difficilement intégrée au reste du réseau et qui, en même temps, ne posséderait pas les pouvoirs nécessaires pour agir. Donc, il me semble que nous travaillons sur un projet tellement attendu et qui nécessairement — il faut bien l'admettre aussi — mettra tellement de temps après qu'il sera adopté avant d'être à nouveau modifié pour que nous nous appliquions à le faire le plus complet possible au moment où nous abordons cette séance d'audition qui précède la deuxième lecture.

J'aurai l'occasion, M. le Président, au cours des questions que je poserai aux différents témoins, de développer un certain nombre d'aspects qui me sont apparus encore une fois incomplets, qui rendent la loi incomplète et je veux assurer la commission comme tous ceux qui nous font l'honneur d'être ici aujourd'hui et qui le seront dans les prochains jours, de notre plus grande disponibilité à les entendre, à accepter leur point de vue et à les inclure, s'ils ne sont pas retenus par le gouvernement, à l'occasion les retenir pour notre part dans les amendements que nous suggérerons si nous en sommes convaincus, au moment de l'étude article par article après la deuxième lecture. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bonnier): L'honorable député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare (Johnson): Je suis très heureux ce matin de prendre part à la commission parlementaire qui fait un pas très intéressant dans un domaine bien particulier.

Le ministre, avant la deuxième lecture, a bien voulu entendre les différents mémoires qui seront soumis ces jours prochains pour éclairer un peu la situation dans ce domaine bien particulier des handicapés.

Mes remarques préliminaires sur ce projet de loi seront, M. le ministre et M. le Président, très brèves, parce qu'il y a un très grand nombre d'organismes qui ont manifesté le désir de se faire entendre. Particulièrement, ils ont présenté des mémoires qui ont été étudiés dans les milieux spécifiques et qui démontrent la valeur de certains arguments qui sont apportés pour demander de modifier la loi pour qu'elle devienne plus réaliste.

Le principe que met de l'avant ce projet de loi 55 est fort louable, surtout dans la période que nous vivons, dans ce modernisme qui tend plutôt à être très rapide pour régler les situations. C'est un domaine qui, je pense, ne doit pas être traité à la légère et doit être condiséré d'une manière particulière afin que les personnes handicapées puissent jouir de tous les droits et de toutes les libertés qui leur permettront véritablement de s'épanouir et de participer réellement et pleinement à l'évolution de notre société québécoise. Il ne faut pas en faire deux groupes distincts et j'aurai l'occasion, lors de l'étude de certains mémoires de vous dire pourquoi.

Là où il y a sûrement des divergences de vues et parfois une opposition très farouche et particulière, c'est sur les moyens qui sont recommandés dans la loi afin d'utiliser certains media, certains facteurs particuliers pour atteindre l'objectif louable, très louable, que tous recherchent, celui de rendre service à ces handicapés.

J'ai été particulièrement étonné de constater, à la lecture de nombreux mémoires qui ont été soumis pour audition devant cette commission parlementaire, que la majorité des organismes oeuvrant dans le milieu des personnes handicapées soutient que le ministère des Affaires sociales, par le biais du projet de loi no 55, n'a pas adopté la meilleure approche pour normaliser — et j'emploie le mot normaliser — la situation des personnes handicapées et faciliter leur intégration dans la société québécoise dont ils font partie, au même titre, quant aux droits, professions et libertés que tous les autres citoyens québécois.

Voici, M. le Président, règle générale, ce qu'on reproche au ministère des Affaires sociales. Ce n'est pas une vaine critique, ce sont simplement des suggestions que nous voulons faire pour attirer l'attention du ministre, qui est peut-être fort bien intentionné, mais qui, par des moyens détournés, s'appliquerait à décentraliser un système pour le rendre bureaucratique. Il voudrait le planifier d'une manière différente de celle que demandent les mémoires que nous serons appelés à étudier.

Premièrement, il y a là un manque de politique globale en vue d'intégrer toutes les personnes handicapées à la vie sociale, toutes; pas seulement un secteur d'handicapés, mais toutes les personnes qui ont à souffrir d'être handicapées au point de vue corporel, que ce soit par la cécité ou autrement, pour les adapter véritablement à la vie sociale, économique, culturelle de leur milieu et de la société québécoise en général.

Il y a là, je pense, un manque de politique globale.

Deuxièmement, la création d'une structure impersonnelle et très bureaucratisée qui aura comme résultat de consacrer le rôle marginal des personnes handicapées dans des sections à part. Ce n'est pas cela. Ce n'est pas ce que veulent les handicapés. Ils ne veulent pas être traités différemment et surtout être bureaucratisés par une certaine discipline autre que celle de tous les citoyens à part entière.

Troisièmement, l'absence d'une préoccupation réelle des autorités en place pour la dimen-

sion humaine du problème qu'on cherche aujourd'hui à solutionner par une loi particulière.

Ces objections, M. le Président, M. le ministre, que l'on retrouve à des degrés divers dans presque tous les mémoires, me semblent suffisamment sérieuses pour justifier, de la part du ministre des Affaires sociales, une volonté très nette de procéder à une révision complète des mesures envisagées dans le projet de loi 55, après avoir entendu ces honorables messieurs qui se sont donné beaucoup de peine et de tracas pour préparer ces mémoires qui ont été étudiés dans le vrai milieu des handicapés.

Cela ne sert à rien d'élaborer des projets de loi pour le simple plaisir de faire des lois à consonances diverses, pour donner l'apparence qu'on s'est occupé du problème, mais qu'on n'a pas trouvé la véritable solution pour y remédier. En tant que législateurs, il nous appartient, je pense, de prendre le temps qu'il faut pour étudier tous les aspects d'une question aussi profondément humaine et particulièrement difficile d'application, quand il s'agit de ce secteur éprouvé de notre population, afin d'éviter que, par omission, ou par inadvertance, le législateur crée une situation qui serait pire que celle qui existe à l'heure actuelle.

Nous voulons véritablement, je pense, aujourd'hui, tous ensemble, la commission parlementaire et tous ceux qui ont préparé les mémoires, donner la pleine mesure concernant les handicapés et surtout leur apporter le soutien qu'ils méritent, particulièrement dans les heures difficiles que vivent ces gens.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): On avait dit que M. Benjamin Faucher remplaçait M. Lecours et qu'également M. Orner Dionne remplaçait M. Fortier. On me suggère de nommer comme rapporteur le député de Bourget. Adopté?

M. Charron: Adopté.

Le Président (M. Brisson): Aucun autre commentaire? Je demande à la Montreal Association for the Blind de se faire entendre. Mr. Williams, please.

Montreal Association for the Blind

M. Lesage (Robert): M. le Président, mon nom est Robert Lesage. Je suis avocat. Je représente la Montreal Association for the Blind. Je suis accompagné de M. Wilfrid E. Williams, directeur général de la Montreal Association for the Blind depuis douze ans, qui est une autorité en matière des besoins des aveugles et qui a été requis par le comité américain national pour l'accréditation des établissements pour aveugles pour faire l'évaluation de l'Institut new-yorkais des aveugles. Je suis aussi accompagné d'une autre autorité à l'emploi de la Montreal Association for the Blind, M. William Rodkin, qui détient un diplôme en éducation du Collège de Boston, qui a aussi un certificat de réhabilitation de l'Université du Manitoba.

Il est membre de plusieurs associations et également d'un comité américain de la fondation américaine For the Blind on Mobility.

The Montreal Association for the Blind est un établissement qui existe depuis 1908, incorporé par une loi spéciale de la Législature en 1910. C'est, dans le domaine des aveugles, peut-être l'établissement qui a la plus grande longévité et qui, dans la région de Montréal, rayonne, particulièrement dans la communauté anglophone, depuis très longtemps et qui obtient le support financier privé des citoyens et aussi, depuis quelques années, une assistance substantielle du ministère des Affaires sociales.

Peut-être pour l'information de quelques personnes, The Montreal Association for the Blind procède présentement à l'entraînement de moniteurs qui, éventuellement, essaimeront dans la province de Québec pour dispenser une aide mécanique aux aveugles dans un nouveau programme que le ministère songe à mettre sur pied incessamment.

The Montreal Association for the Blind, qui consacre ses énergies à essayer de rendre la vie plus facile aux aveugles, évidemment, n'a pas eu le loisir ni, si vous voulez, les facilités de pondre un mémoire élaboré sur la loi 65. Nous nous excusons de l'avoir fait de façon si humble et si simple et de ne vous soumettre que des suggestions qui sont peut-être très spécifiques, mais qui veulent être la contribution de gens qui sont dans le métier. Je ne suis pas un expert dans le domaine. M. Williams et M. Rodkin sont à votre disposition pour répondre à vos questions.

Je veux simplement signaler, au départ, que nous sommes en complet accord avec le principe du projet de loi lui-même, sur la création d'un office de protection pour les handicapés. Déjà, lors de la commission Castonguay-Nepveu, The Montreal Association for the Blind avait fait une recommandation pour qu'il y ait, au ministère de la Santé du temps, une section particulière qui s'intéresse à ces problèmes. Nous constatons, peut-être que nous l'avons constaté un peu tard, et nous nous en excusons, que le projet de loi touche directement les aveugles, que le projet de loi abolirait la Loi de la canne blanche.

Sur ce sujet particulier de la canne blanche, je n'ai pas de commentaires fondamentaux à proposer, sauf que déjà, au tout début du mémoire, nous soulignons que la canne blanche, c'est quelque chose qui, peut-être, est dépassé, en ce sens que toutes les cannes pour les aveugles ne sont pas blanches. Nous avons, ici, des spécimens de cannes de toutes espèces qui ne sont pas nécessairement des cannes blanches.

Evidemment, la canne blanche existe toujours. Je ne veux pas dire que la canne blanche est disparue, au contraire. Je veux tout simplement dire que la loi qui crée des pénalités et des infractions du fait que quelqu'un aurait ou n'aurait pas une canne blanche, il faut y repenser, parce que toutes les cannes ne sont pas blanches. Il y a des moniteurs qui peuvent avoir des cannes pour aveugles et qui se promènent et la loi en ferait probablement des contrevenants. Ces cannes ont été développées par des techniques scientifiques

et les aveugles eux-mêmes ne sont pas tous désireux de se faire indentifier par des cannes blanches.

Je n'insiste pas plus qu'il ne faut sur ces représentations, mais il faut quand même ajuster la loi à la réalité de 1976.

Un des points majeurs de nos représentations, c'est l'article 46c et nous y faisons référence à la page 7 de notre mémoire.

C'est l'article dans lequel on tire la ligne entre les handicapés et ceux qui ne le seraient pas. On y dit que le pourcentage d'incapacité d'une personne "doit être d'au moins 30% s'il s'agit de capacité physique et d'au moins 20% s'il s'agit de capacité mentale" diminuée. Le handicapé est celui "dont le degré d'insuffisance ou de diminution est égal ou supérieur à ce pourcentage".

Nous soulignons à la commission qu'un critère de capacité physique ne répond pas nécessairement à notre façon de concevoir le problème, à nos besoins, en ce sens que c'est beaucoup plus la capacité fonctionnelle que la capacité physique d'une personne qui nous intéresse. Nous réalisons, évidemment, qu'il s'agit là du cadre dans lequel les règlements seraient conçus. Il s'agit d'une loi-cadre. Il s'agit d'une loi qui n'est pas complète en elle-même, qui ne pourra être complète que lorsque les règlements auront déterminé, comme le dit l'article 82, "les normes et barèmes pour l'évaluation de l'insuffisance ou de la diminution de la capacité physique ou mentale." Il y aura également des règlements qui détermineront l'aide matérielle qui sera accordée aux handicapés.

Nous suggérons instamment à la commission de se défaire de ce critère de capacité physique pour utiliser une autre expression. Nous suggérons, dans le mémoire, à la page 7, une rédaction qui réfère, en anglais, à "performance"; en français, à l'exécution ou au fonctionnement, à l'habileté fonctionnelle d'une personne. Encore une fois, nous verrions d'un bon oeil que la loi-cadre soit suffisamment souple pour permettre que l'on puisse venir en aide à tous les handicapés dont le fonctionnement dans le milieu où ils doivent agir serait corrigé. Ce n'est pas un critère de capacité physique à l'image de ceux qui peuvent être établis dans des échelles de la Commission des accidents du travail.

La deuxième remarque qui se rattachera, éventuellement, à ce que nous venons de dire est la définition de l'handicapé visuel que l'on trouve à l'article If et que nous commentons à la page 3 de notre mémoire.

Le projet de loi propose de définir le handicapé visuel par les mots "toute personne considérée aveugle d'après les normes médicales reconnues". Il nous semble, d'une part, qu'il y a une contradiction entre aveugle et handicapé visuel en ce sens qu'où bien on est aveugle ou bien on est handicapé visuel. Ensuite, référer à des normes médicalement reconnues, c'est s'en remettre à des débats qui ont cours, des débats peut-être écologiques. Nous suggérons plutôt que l'optométrie moderne, la technologie, la sociologie exigent que les personnes qui sont défaillantes du point de vue visuel à un degré tel qu'elles ne peuvent pas vivre normalement dans leur environnement ordinaire soient considérées comme des handicapés visuels. Nous suggérons d'élargir la définition de l'handicapé visuel. Et je me permets aussi de souligner l'article 48, qui fait que l'office peut inviter une personne à se soumettre à un examen par un professionnel de la santé librement choisi par elle; il pourrait y avoir un conflit entre les normes déterminées par les optométristes et les normes qui pourraient être déterminées par le corps médical.

De toute façon, nous ne voulons pas épouser cette thèse; nous voulons tout simplement vous souligner que s'en remettre à une norme qui serait tout à fait objective et précise, qui ne serait pas un niveau ou un seuil, cela pourrait empêcher des gens qui sont vraiment des handicapés visuels de bénéficier des mérites de cette loi.

Nous suggérons que cette définition soit en accord avec la nouvelle définition que le ministère proposera, éventuellement, pour que les handicapés visuels puissent bénéficier du programme d'aide mécanique, d'aide aux aveugles. Nous suggérons aussi une définition qui soit en accord, par le fait même, avec la Loi de la Régie de l'assurance-maladie. Si on a des lois comme la Loi sur la protection des personnes handicapées qui donne une définition d'handicapés visuels, il faudrait la retrouver dans les règlements ou dans la Loi de la Régie de l'assurance-maladie. En somme, si les gens sont handicapés visuellement, qu'on puisse savoir de qui il s'agit dans cette loi qui est une charte des droits des personnes handicapées.

Nous avons fait une suggestion à la page 6 de notre mémoire qui est à l'effet de faire partager par le patronat, les employeurs, les responsabilités sociales que la Société a envers les personnes handicapées.

Nous suggérons — c'est une suggestion que l'expérience commande — que les employeurs qui emploient plus de 100 personnes soient tenus d'employer au moins deux personnes handicapées et reconnues ou accréditées auprès de l'office de la protection des handicapés, deux personnes par cent employés.

Voilà, M. le Président, messieurs, essentiellement les recommandations du Montreal Association for the Blind. Nous couvrons un domaine bien particulier de l'aide aux handicapés que nous voulons la plus discrète et la plus efficace possible pour que ces gens puissent regagner leur milieu normal le plus tôt possible. Nous vous soumettons ces recommandations de façon tout à fait ouverte. C'est notre petite contribution. Encore une fois, M. Williams et M. Rodkin sont ici pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Brisson): Y a-t-il des questions?

M. Bellemare (Johnson): Suis-je le premier?

M. Forget: C'est comme vous voulez. Je peux vous céder la parole si vous voulez.

M. Bellemare (Johnson): Me Lesage vient de

nous dire que le patronat devrait partager; quand il y a cent employés, engager deux handicapés. Mais à la page 6 il dit: "An effective quota system of this sort exists in Great Britain." Ce système existe en Grande-Bretagne. A-t-il des données spéciales sur ce système qui existe en Grande-Bretagne ou si c'est une réglementation pure et simple? Est-ce une loi spéciale ou est-elle contenue dans les lois sociales particulières en Grande-Bretagne?

M. Lesage: M. Williams va répondre à votre question.

M. Williams (W.E.): S'il vous plaît, M. le Président, je parlerai en anglais pour votre convenance. Je parle français très lentement et il est difficile pour moi de m'exprimer en français.

M. Bellemare (Johnson): Vous êtes meilleur que moi en anglais.

M. Williams: Merci. The short delay between the publication of the notice for the Parliamentary commission sitting and the date of our submission did not permit me to ascertain up to date the situation in Great Britain or on the continent, or in Europe on the continent. But, I know it exists in Great Britain. I believe that the quota runs from two to four per hundred. It means that not only the blind or individually handicaped but any kind of severely handicaped person covered by a labour law can ask the government employment service to help place him in an industry in a suitable occupation. The result is that in the year I last looked at it 70% of the trainees in a center for the blind in England became employed within six months following their rehabilitation courses.

M. Bellemare (Johnson): You have no knowledge of any documentation about it?

M. Williams: I have...

M. Bellemare (Johnson): For the moment, you just heard about it?

M. Williams: No, I have seen it in operation.

M. Bellemare (Johnson): You can say today if it is in the law or the réglementation.

M. Williams: It is a law.

M. Bellemare (Johnson): It is a law.

M. Williams: I do not have the reference to it.

M. Bellemare (Johnson): You do not have it with you...

M. Williams: No, but I am proposing to get it.

M. Bellemare (Johnson): Yes, that would be nice.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions de la part du député de Johnson?

M. Bellemare (Johnson): II y a une autre question que je voudrais bien voir éclairée, c'est sur le pourcentage dont a parlé Me Lesage tout à l'heure dans l'article 46. Il trouve que l'article de la réglementation du lieutenant-gouverneur en conseil ne doit pas être moins de 30% s'il s'agit d'une incapacité physique et d'au moins 20% d'incapacité mentale.

Votre argumentation est de faire disparaître ce pourcentage pour l'appliquer véritablement, comme vous le disiez tout à l'heure, plutôt à son comportement dans son environnement habituel et par ses aptitudes fonctionnelles à rendre les services, à se rendre des services ou à en rendre aux autres, simplement — c'est là ma question — par quelle sorte de barème à établir. Dans notre expérience politique, nous avons de multiples cas de gens qui viendraient nous dire: Ecoutez, j'appartiens à cette classe de handicapés physiques; mais là il y a une prévision au moins qui, par ordre en conseil, délimiterait un certain pourcentage au point de vue physique de 30% et de 20% au point de vue mental. Il y a une sécurité. Mais vous, dans votre argumentation, vous dites que c'est son comportement dans l'environnement habituel, dans son comportement fonctionnel qui devrait être le critère de base pour lui accorder les bénéfices de la loi.

M. Lesage: M. le Président, probablement que M. Williams aurait quelque chose à ajouter à ce que je vais dire. Nous sommes en face d'une loi-cadre. Cette loi ne nous permet pas de juger exactement du système, des mécanismes qui vont effectivement être mis en place, tant que nous n'aurons pas les règlements. Il y a un péché, peut-être, dans cette loi. A la fin, on voit que les règlements entrent en vigueur le jour de leur publication, à l'article 82. Il devrait y avoir, dans cette loi comme dans d'autres lois, comme le gouvernement avait commencé à le faire de temps à autre, des dispositions voulant que ces règlements ne puissent entrer en vigueur avant qu'il n'y ait un avis préalable, un communiqué, et là on pourrait effectivement savoir le groupe de personnes que l'on vise.

M. Bellemare (Johnson): Je suis heureux de vous l'entendre dire, M. Lesage. Parce que mon collègue, le député de Saint-Jacques, et moi-même, avons protesté souvent sur bien d'autres lois pour qu'on nous apporte des lois... ce sont les bureaucrates qui font la réglementation après, souvent n'ont pas entendu les mémoires, ils n'ont pas participé aux discussions parlementaires et nous arrivent avec une réglementation qui souvent détruit presque l'effet même de la loi. Je suis particulièrement heureux de vous entendre dire cela et j'espère que le ministre ne prendra pas cela comme un préavis; mais, que cela vienne de vous plus que de nous, j'espère que le ministre est sensible a votre présentation puisqu'il l'est moins à la nôtre. Que la réglementation soit faite un peu

avant et qu'elle soit soumise à des législateurs qui ont à appliquer une loi, je pense que c'est la logique même.

M. Lesage: Alors, je vous...

M. Bellemare (Johnson): Vous allez en parler au ministre, j'espère.

M. Lesage: M. Bellemare, vous êtes plus près de lui que je ne le suis.

M. Bellemare (Johnson): Voyez-vous cela. Les temps ont changé. J'ai déjà vu certains maîtres souvent proches du ministre. On appelait cela du lobbying, dans ce temps-là.

M. Lesage: Etant donné qu'il s'agit d'une loi-cadre... Pardon?

M. Bellemare (Johnson): Pardon?

M. Boudreault: Cela se faisait du temps de l'Union Nationale.

M. Bellemare (Johnson): Non, aujourd'hui. Vous irez voir les gens qui attendent sur le banc, devant le bureau du ministre.

M. Lesage: Comme il s'agit d'une loi-cadre, c'est plutôt le principe qu'il faut déterminer ici. Nous croyons qu'une référence à un pourcentage d'incapacité ou de capacité physique est une notion troublante en elle-même. Parce que, qu'est-ce que la capacité physique? Est-ce que la capacité physique qui se rattache à un handicap donné ou la capacité physique globale d'un individu? Est-ce que, parce qu'un individu aurait 30% d'incapacité physique, il serait incapable de vaquer à ses occupations tandis que celui qui aurait 28% d'incapacité physique serait capable? C'est là que nous croyons que le concept lui-même devrait être modifié. On serait peut-être beaucoup plus favorable à un pourcentage si on lisait: 30% de capacité fonctionnelle.

M. Bellemare (Johnson): Vous avez l'expérience, Me Lesage, de la réglementation qui existe à la CAT où vous êtes venu, en bien des circonstances, plaider en faveur d'une certaine incapacité partielle ou permanente. La réglementation de la CAT reconnaît certaines incapacités fonctionnelles et aussi certaines incapacités corporelles. La loi, pour vous, dans l'article 46, serait trop limitative.

Est-ce que vous seriez plutôt en faveur d'une réglementation qui ressemblerait un peu à celle qu'on applique à la CAT?

M. Lesage: Je laisserais plutôt M. Williams répondre...

M. Bellemare (Johnson): Non, non, mais...

M. Lesage: Evidemment, d'après ce que vous me dites...

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas demandé cela à M. Williams, j'ai demandé cela à un homme qui pratique souvent avec la CAT et qui connaît les bases fonctionnelles et surtout les données qu'on a à la CAT.

M. Lesage: Oui. Excusez, Monsieur. A la CAT, comme devant les tribunaux, on essaie — c'est peut-être plus facile devant un tribunal que devant la CAT — de toute façon, d'apprécier, dans le concret, c'est ça la règle de droit, l'incapacité physique et il se peut qu'une incapacité physique appréciée objectivement donne lieu à une incapacité fonctionnelle beaucoup plus grande et c'est le rôle du tribunal d'apprécier cette incapacité fonctionnelle et d'évaluer l'indemnité en conséquence.

Si on s'en tient, par une loi, à un degré d'incapacité physique, la norme objective, ces gens vont dire: Un bras, c'est 25%; donc, quelqu'un à qui il ne manque qu'un bras n'est pas un handicapé, celui qui a un bras coupé. Je ne sais pas, je prends un exemple. Celui qui perd un oeil, c'est 25%, la norme, par les médecins; donc, ce n'est pas un handicapé. C'est un handicapé, mais pas un handicapé qui aurait droit au bénéfice de cette loi.

M. Williams aimerait ajouter quelque chose.

M. Bellemare (Johnson): Juste avant d'aller à M. Williams, parce qu'il va me répondre d'une manière très positive, je voudrais vous poser, à vous, la question suivante. C'est que, justement, avec l'article 46, quand on établit les barèmes, si on les applique à l'article 48, quand il s'agit de trouver, après un examen par un professionnel de la santé... Est-ce que ces deux articles sont concordants? Est-ce qu'on peut dire qu'ils sont concordants?

M. Lesage: II y a une relation entre les articles.

M. Bellemare (Johnson): Oui, mais suivez-moi deux minutes. C'est ce que je veux vous faire dire, qu'il n'y a pas de concordance établie. On dit un barème et, ensuite, on dit selon un spécialiste de la santé qui établira, pas les 30% s'il s'agit d'une incapacité physique, mais fonctionnelle; c'est ça que veut dire l'article 48. Je pense que c'est ça.

M. Lesage: Si c'était ça, M. Bellemare, je dirais qu'il y aurait une contradiction entre les articles 46 et 48...

M. Bellemare (Johnson): Oui, il y en a une, il y en a une.

M. Lesage: ... et qu'il faudrait élargir justement les termes de l'article 46 et c'est ce que nous demandons.

M. Bellemare (Johnson): C'est parce que ça va revenir à la régie et c'est là que la réglementation va être différente. Parce que, dans l'article 46, on impose 30% de physique et, dans l'article 48,

on dit: Le médecin de la santé établira le fonctionnel. C'est ça que va dire la réglementation. Je n'ai pas d'autres questions.

M. Lesage: M. Williams aimerait dire quelque chose.

M. Williams: S'il vous plaît, M. le Président.

I think that we, as far as I am concerned, would leave... As far as I am concerned, Sir, I would be happy to leave the preparation of the law in the hands of the legislators. So I will not attempt to suggest a proper answer, the correct answer, I would like rather to speak about the problem. The problem is that we are all different and I suppose that one can say if one loses one's finger, one has only a little handicap. Unless, of course, when he is a concert pianist or a violinist, in which case, the loss of the finger might be of great magnitude.

In the little experience I have had, I find that it is not always possible to separate the physical and the mental capacities or incapacities. A person who is a little handicapped in many or all of his faculties, just a little, maybe he is truly more incapacitated than somebody who has lost a leg, or an arm or an eye. And this is the problem of trying to find how much the person needed the arm, the leg, the eye or all the other capacities. That does not seem to respond to a mathematical formula, but perhaps, could be devised in such a fashion with professionals in the field of medecine, sociality and rehabilitation, based upon the need of the person for readaptation.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

M. Forget: Merci. J'aimerais revenir sur la question de la canne blanche pour être bien sûr que je comprends — pas les vôtres personnellement — les recommandations du MAB. Vous suggérez d'une part que la définition de la canne blanche soit élargie pour inclure toutes les cannes qui sont particulièrement fabriquées en fonction des handicapés visuels ou des aveugles.

Par ailleurs, vous ne semblez pas le recommander, mais, dans vos remarques, vous avez suggéré que les pénalités ou les infractions que la loi crée pour une fausse utilisation de la canne blanche soient enlevées.

Est-ce que ce n'est pas un peu paradoxal que de définir aussi largement la canne blanche, qui devient n'importe quelle canne, dans le fond, puisque personne, à première vue, ne pourra dire si une canne a été fabriquée particulièrement pour un aveugle ou pas — on ne peut pas la distinguer d'une autre sorte de canne — et de maintenir des pénalités pour une utilisation de cette canne, donc, de n'importe quelle canne, par d'autres personnes que des handicapés visuels? Il me semble qu'il y a là une contradiction. Je prends note du fait que des voyants peuvent utiliser la canne pour fins d'instruction, etc., dans les cours de mobilité pour les aveugles, je pense que c'est un point qui est fort utile. Mais je ne vois pas que l'on conserve une infraction pour une définition aussi large, parce qu'on va couvrir des situations qu'on n'a certainement pas l'intention de couvrir.

De quel côté pencheriez-vous si vous aviez à choisir?

M. Lesage: M. le Président, M. le ministre, nous n'avons pas eu personnellement le temps de faire une étude approfondie des méthodes ou des modifications qu'on pourrait suggérer pour peut-être trouver une meilleure formule.

Nous disons tout simplement que la canne blanche ne peut pas être définie comme une canne blanche. Il faut élargir cette motion de la canne blanche, si on maintient le même système de pénalisation et de contrôle de l'utilisation de la canne blanche. C'est pourquoi nous avons fait une suggestion d'ouvrir la définition.

Sur l'opportunité de maintenir des pénalités, je pense que ce contre quoi nous cherchons à protéger, le handicapé c'est l'imposture de la part de quelqu'un qui se ferait passer pour un aveugle, sans l'être, pour bénéficier de certains avantages.

Il faudrait peut-être penser à des pénalités qui se rattachent justement à l'imposture de la part de quelqu'un qui veut se faire passer, par l'utilisation d'une canne, pour un aveugle. Là s'arrêtent mes suggestions.

Je ne peux pas, n'ayant pas étudié à fond les mécanismes et le projet de loi, vous faire d'autres suggestions plus concrètes. Je peux tout simplement dire que ce n'est pas fréquent que des gens soient poursuivis pour usage abusif d'une canne blanche.

M. Forget: Non, ce n'est pas fréquent. D'ailleurs, il y a eu un doute considérable dans l'esprit d'un très grand nombre de personnes, à savoir si la loi de 1969 n'avait jamais été promulguée et appliquée. Certainement, sur ce point, on a au moins une raison de croire que, si elle n'a pas été appliquée, effectivement, il y avait des doutes sérieux dans l'esprit des gens qu'elle pouvait l'être.

Vous soulevez un doute plus considérable quand vous suggérez que peut-être elle ne devrait pas l'être, parce que je vois mal que l'on fasse une infraction du port de la canne. Si on définit une canne blanche comme à peu près n'importe quelle canne, je comprends qu'on peut se rabattre sur les intentions, mais il est à peu près clair qu'on n'aura pas d'infractions basées seulement sur des infractions, étant donné la difficulté de preuve.

Cela nous amène presque automatiquement à enlever toutes ces dispositions de la loi. Peut-être que c'est souhaitable. Dans le fond, ce n'est pas tellement la formule que je recherche, c'est de savoir de quel côté l'association penche. Est-ce pour une extension de la définition ou un abandon de la notion d'une protection juridique spéciale pour le port d'une canne?

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, me permettez-vous une question? Est-ce que les exceptions à la règle générale ont subi bien des manquements? Y a-t-il eu beaucoup de cas qui ont été notés, dans le passé, qui ont été des cas mar-

ginaux, qui peuvent être contestés, un petit nombre?

M. Forget: Je n'ai aucun exemple à l'esprit, encore que nous n'ayons pas fait, je pense, un relevé exhaustif des plaintes qui auraient pu être logées en vertu de cette loi. Encore une fois, je crois que cet exercice a été futile, parce qu'il existe une notion très largement répandue que cette loi n'a jamais été promulguée. Aucune poursuite n'aurait pu être entreprise dans un tel contexte.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce fréquent qu'on puisse trouver, parmi ces gens qui portent une canne blanche, des gens qui seraient des...

M. Charron: Des imposteurs.

M. Bellemare (Johnson): ...imposteurs?

M. Lesage: M. le Président, on m'informe qu'il n'y a pas vraiment de cas connus de poursuites.

M. Bellemare (Johnson): Comme le dit le ministre, la loi n'a jamais été promulguée.

M. Lesage: Oui. D'autre part, nous n'aimerions pas voir complètement disparaître de la loi la mention de la canne blanche en ce sens que, par une canne blanche, quelqu'un puisse se faire passer pour un aveugle. Peut-être pourrait-on élargir l'article 72 qui concerne les infractions et mentionner que celui qui veut se faire passer pour un handicapé visuel avec l'usage d'une canne blanche commet une infraction.

M. Bellemare (Johnson): Un permis spécial et payer une taxe.

M. Forget: C'est ce qu'on dit à l'article 72, paragraphe e): "porte ou utilise une canne blanche sans être un handicapé visuel". Ce que vous suggérez, si je comprends bien c'est: Se livre à des manoeuvres qui sont équivalentes à de la fraude ou à de faux prétextes en utilisant, entre autres moyens, une canne pour se distinguer. Cela devient une espèce d'infraction tellement vague que je ne sais pas si on rend service à qui que ce soit.

M. Lesage: M. le Président, le paragraphe e) de l'article 72 comporte l'infraction qui nous satisferait en soi. A ce moment, la définition que nous suggérons aurait son utilité parce que c'est une canne qui peut servir à identifier un aveugle.

M. Forget: Bon. Pour ce qui est de la définition...

M. Bellemare (Johnson): Si vous me permettez...

M. Forget: Je vous en prie.

M. Bellemare (Johnson): En même temps que le paragraphe e) de l'article 72 s'appliquerait, il y aurait toujours la consistance de l'article 59 dans la loi qui prévoit que, dans le cadre d'un plan de reclassement professionnel, l'office accorde de l'aide matérielle. C'est là le joint aussi. Pour obtenir de l'aide matérielle de l'office, il faudrait absolument qu'il soit reconnu comme un aveugle.

Donc, à partir de là, il a droit au port de la canne. Vrai ou faux?

M. Lesage: Oui, mais il y a des gens qui n'ont peut-être pas besoin d'aide matérielle.

M. Bellemare (Johnson): Pardon?

M. Lesage: II y a peut-être des aveugles qui n'en veulent pas d'aide matérielle.

M. Bellemare (Johnson): Qui ne veulent pas d'aide matérielle. Oui, mais ils ont droit au port de la canne.

M. Forget: Cela va?

M. Bellemare (Johnson): Pour moi, cela va.

M. Forget: Toute cette question de définition d'incapacité ou de handicap, de degré de handicap dans la loi, l'argumentation que vous avez tenue est, dans une certaine mesure, évidemment, une argumentation de bon sens. Les exemples que vous avez cités sont assez facilement compréhensibles. Il reste que l'objection que vous a formulée le député de Johnson est, malgré tout, assez bien fondée également. Je ne suis pas sûr que vous ayez véritablement répondu à cette préoccupation.

Si l'on veut conférer des droits aux handicapés en général, il est peut-être important — je le soumets, à titre d'hypothèse, au moins — que l'exercice de ces droits ne soit pas soumis à l'arbitraire administratif d'un office ou d'un organisme quelconque qui, s'appuyant sur une définition très vague, puisse considérer que quelqu'un qui a 10% de diminution de capacité est un handicapé, quand cela fait son affaire, et qui peut décider le lendemain que quand c'est 18%, ce n'en est pas un. Autrement dit, il s'agit d'avoir une certaine certitude dans la définition de ces droits. La réponse de le voir formulé dans le règlement n'en est pas véritablement une.

Il faut voir que l'effort qui est fait au niveau de la loi ici, aurait très bien pu être fait au niveau de la réglementation. Nous avons tenté, au contraire, de cerner la notion du handicapé dans la loi plutôt que dans la réglementation, parce que c'est le pivot même d'une législation qui cherche à déclarer des droits qui soient bien précis et qui puissent être revendiqués, même par un appel devant un organisme d'appel ou un tribunal administratif, le cas échéant. D'ailleurs, ces recours sont prévus. Si on se fie à l'arbitraire, bien intentionné, je veux bien, d'un office, on tombe dans l'arbitraire. Donc, ce sera généralement bien fait, puisqu'on n'a pas de raison de soupçonner que les gens soient mal intentionnés qui auront à appliquer la loi, mais

cela pourra, à l'occasion, être mal fait. Il n'y aura aucun recours.

M. Lesage: M. le Président, je suis tout à fait d'accord avec le principe énoncé par le ministre des Affaires sociales, si on avait des lois qui nous donnaient tous les éléments nécessaires pour établir et vérifier les droits des gens, ce serait certainement plus satisfaisant à la lecture d'une loi. J'avais mes doutes, parce que l'article 82 laisse au lieutenant-gouverneur en conseil d'établir les normes et barèmes pour l'évaluation de l'insuffisance ou de la diminution de la capacité physique ou mentale d'une personne et fixer le pourcentage d'incapacité prévu au paragraphe c) de l'article 46. Donc, le lieutenant-gouverneur en conseil va lui-même dire comment on évalue une telle incapacité. Est-ce que ce sera 30% pour la perte d'un oeil ou 25%? Dans le moment, on sait que c'est 25%. Est-ce que les normes et barèmes vont laisser une latitude au professionnel qui sera appelé, lui, suivant sa conscience professionnelle, à les interpréter et à les appliquer? Je suis tout à fait d'accord qu'on laisse aux professionnels indépendants l'appréciation du cas, comme le laisserait entendre l'article 48.

Nous craignons que la norme choisie de l'article 46, même si c'est celle-là qu'on devait retrouver telle quelle et textuellement dans les règlements, soit un empêchement pour de véritables handicapés visuels d'obtenir l'aide matérielle qui est prévue par cette loi.

M. Forget: Vous savez, ce qu'il faut craindre, et cette crainte est basée sur des discussions avec des organismes analogues dans d'autres pays, c'est que n'importe quel organisme qui sera créé ou qui pourrait être imaginé pour s'occuper des handicapés cherche à faire bonne figure, cherche à s'occuper du plus grand nombre de handicapés possible, puisque cela fait une belle image et de belles statistiques à la fin de l'année.

Le danger, c'est que, si un seuil relativement bas n'est pas établi dans la loi, il soit effectivement fixé à un niveau très élevé de manière à avoir beaucoup de gens qui ont des handicaps en nombre considérable, mais des handicaps mineurs, qu'il est plus facile d'aider avec succès que ceux qui sont véritablement dans des situations de plus grand besoin.

C'est là un danger auquel nous ont alertés des autorités responsables des programmes de réadaptation pour les handicapés. C'est, d'ailleurs, une réalité que l'on connaît aussi ici dans des organismes existants. Comme il y a un but bien précis, celui de vraiment faire un effort particulier pour le handicapé difficile à intégrer et difficile à normaliser, il est dangereux de permettre une trop grande libéralité, puisque l'organisme en question va pouvoir justifier son existence, en apparence au moins, par des chiffres très élevés.

Donc, il y a ces choses dont il faut tenir compte. J'attirerais également votre attention sur la distinction qu'il faut faire entre une définition d'incapacité pour fins d'indemnisation et une dé- finition d'incapatité qu'il faut faire pour l'établissement d'un programme de réadaptation. Ce n'est pas du tout la même chose, puisque, dans un cas, on a affaire à une donnée relativement statique et, dans l'autre cas, on veut évaluer un potentiel. Le potentiel dépend beaucoup plus de l'évaluation de la capacité physique et mentale que de l'évaluation de la capacité fonctionnelle, à un moment donné, puisque c'est justement celle-là qu'il s'agit de faire évoluer par les programmes de réadaptation.

Il faut faire attention à ne pas prendre le résultat que l'on recherche comme point de départ, parce que, évidemment, par définition, on n'aura pas beaucoup de travail si on prend acte de la situation actuelle comme acquise.

Un dernier point, M. Lesage, M. Williams et M. Rodkin; vous avez mentionné la question des ratios dans l'entreprise. J'ai eu l'occasion de discuter de ces politiques avec les autorités, en Grande-Bretagne, du ministère des Services sociaux et de la Santé, de même qu'en Allemagne de l'Ouest et en Belgique. Dans les trois pays, existent des dispositions analogues à celles que vous mentionnez pour la Grande-Bretagne. Je ne sais pas si vous avez, relativement aux handicapés visuels, des informations plus précises, mais le jugement qui est porté dans ces trois pays sur ces mesures, c'est qu'elles n'ont pas été efficaces.

En Grande-Bretagne, on a effectivement des entreprises qui ont des handicapés à leur emploi, mais on a plutôt satisfait la lettre de la loi que son esprit. On a organisé des petits ateliers protégés à l'intérieur des entreprises, qui n'ont rien des caractéristiques normales de l'emploi. On a satisfait à la loi en surface et, dans le fond, on n'a créé que des espèces de centres d'occupation au sein de l'entreprise.

En Allemagne de l'Ouest, les entreprises ont le choix de payer une amende plutôt que de se conformer à cette disposition et, dans l'immense majorité des cas, les entreprises paient l'amende, qui est de l'ordre de 25 marks par mois, pour échapper à cette exigence.

Enfin, en Belgique, on a, dans les lois, une disposition analogue mais on ne l'utilise pas et on n'a pas l'intention de l'utiliser, sauf comme menace dans les cas où certains employeurs refuseraient systématiquement de participer volontairement à des programmes de réadaptation. Le conseil que les autorités de ce pays nous ont donné, c'est que c'était une disposition inutile dans la loi et que, si elles avaient à refaire la législation, elles ne la retiendraient pas.

Ce sont des remarques d'ordre général, bien sûr, qui visent la situation d'ensemble des handicapés. Je pense qu'il est important d'apporter ces précisions parce qu'il reste que ce sont des expériences de longue date, de plus de 20 ans dans chacun des pays; mais elles sont générales parce qu'elles touchent tous les handicapés. Peut-être que pour les handicapés visuels, il y a des preuves de succès plus probant que dans le cas des handicapés en général. Je serais reconnaissant au Montreal Association, si elle avait de la documen-

tation à cet effet, de nous la communiquer tout de suite ou de nous la faire parvenir éventuellement.

M. Bellemare (Johnson): II n'y a pas que les handicapés visuels. Il est question dans le pourcentage au prorata de 2%. Il y a les...

M. Forget: C'est formulé en termes généraux.

M. Bellemare (Johnson): Vous avez l'expérience formidable faite par la CAT selon laquelle on a établi un certain critère de base pour la réhabilitation des handicapés physiques dans les industries et qui a connu un grand succès par la persuasion et par certaines démarches que font aujourd'hui les services de la réhabilitation. Ces services sont assez actifs.

La suggestion mérite sûrement qu'on explore de manière plus concrète, et non pas simplement dire qu'ailleurs, cela n'a pas été bon et on la rejette. La suggestion est fort intéressante parce que c'est une espèce de charte qu'on bâtit — une loi spéciale — qui devrait pourvoir à certains avantages pour aider les handicapés.

J'aurais une autre question, si le ministre a terminé. C'est la dernière.

M. Forget: Oui.

M. Bellemare (Johnson): Cela concerne les chiens-guides. C'est devenu assez populaire. Cela existe aujourd'hui, mais il y a certaines municipalités qui causent des entraves à cette organisation des chiens-guides et on voit que le ministre se réserve... La définition à l'article 1c donne: entraîné dans une école reconnue par le lieutenant-gouverneur en conseil pour guider un handicapé visuel. A l'article 82g, vous retrouvez la façon dont on déterminera, après avoir passé par une école, les formalités, les conditions d'immatriculation des chiens-guides.

Avez-vous rencontré certaines difficultés, vous les représentants de la Montreal Association, à ce sujet? Avez-vous des suggestions que vous pourriez nous apporter quant à cet article particulier parce qu'on va légiférer sur les chiens-guides?

M. Lesage: Je vais demander à M. Williams de répondre à cette question, même si je suis un amateur de chiens.

M. Williams: I am afraid that the subject of white cane and guide dogs are very emotional. Mr Rodkin has some experience in the field of readaptation involving the use of guide dogs. I think that he is the better person to describe the situation, but in our experience, the schools in the United States, all across the country, certainly in the East, have been most accomodating to Canadians who wish to travel there to get a dog.

The one disadvantage to a population or to a person who speaks French is that there may, or may not be a dog that has been trained to respond to French commands.

I think if that problem could be solved, as long as they do not close the border, they have dogs to spare and it might be economical; but that is a disadvantage, and if some solution can be found, I think perhaps you would find the right answer to the question. But I vould like Mr Rodkin to indicate the extent of the use of dog guides.

M. Bellemare (Johnson): On devra avoir des chiens bilingues.

M. Rodkin: Perhaps you know that very few blind persons cas use a dog. As a matter of fact, less that 2% of the visually handicaped population in North America can physically use a guide dog, even if they wish to, 2% only.

M. Bellemare (Johnson): Only.

M. Rodkin: Only. Of that number, less than half use a dog. Usually for their own preference prefer not to. In Canada, in a recent document Vision Canada that you might be familiar with, there are only approximately 250 guide dog users in the whole country. The reason is not that there are not enough dogs, there are more dogs at the dogs schools than blind persons who are available to use them or who can use them. We encourage all those persons who should use a guide dog but often who are hesitant, we try to encourage the use of a guide dog when possible. It is a good method of getting around for the very small proportion of persons who can. But the fact is that the demand is very small and this has always in Canada prevented the establishment of a dog school, because the demand is just so small. The publicity is very large, the demand is very small.

M. Charron: M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Je voudrais revenir sur l'importante question, qui va certainement suivre tous nos travaux, de la détermination, de la capacité d'un citoyen à bénéficier des effets de cette loi ou pas.

Effectivement, nous allons nous arrêter souvent, je pense, je l'ai vu en parcourant les mémoires que nous entendrons aujourd'hui même, sur la définition de la personne handicapée, telle qu'elle apparaît au paragraphe 1e, telle qu'elle apparaît encore à 46c et les pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil tels qu'ils apparaissent à 82b. Cela ne sera pas inutile que nous nous arrêtions et le temps qu'a déjà pris la commission sur cette question n'est certainement pas de trop, puisqu'il s'agit effectivement d'un des aspects les plus importants de la loi.

Je lis dans le mémoire que vous avez présenté, Me Lesage, à la page 7, le texte que vous nous invitez à utiliser pour remplacer le paragraphe 46c lequel, à première vue nous est très sympathique, puisque, plutôt que de faire appel à une norme qui serait fixée un peu arbitrairement par le législateur ou par le ministre, si c'était dans un pouvoir de réglementation, ce serait déterminé

par — comme vous le dites vous-même — des professionnels dans le champ de la médecine, de la réhabilitation et de la sociologie.

Il me semble que si cette critique est juste, de la norme de capacité, vous nous invitez vous-même un peu à une contradiction dans un autre aspect du mémoire. Vous nous invitez à déterminer, au paragraphe 1f, l'acuité visuelle qui servira de base à la détermination d'une personne handicapée ou non sur le plan visuel. C'est-à-dire que vous nous suggérez, à 46c, de nous en remettre aux professionnels de la médecine, mais vous-mêmes nous demandez d'inclure à 1f des critères qui peuvent être tout aussi discutables que ceux des 30 ou 20% de 46c lorsque vous nous priez d'inclure à l'intérieur du projet de loi une définition supplémentaire de la personne handicapée visuelle qui irait jusqu'à, et je lis: "Toute personne dont l'acuité visuelle de chacun de ses yeux après correction au moyen de lentilles rétractives appropriées excluant les systèmes optiques spéciaux, les additions supérieures etc.", angle de vision et tout.

Je pense que nous devrions nous en tenir à l'une ou à l'autre. Ou bien la loi ne va pas dans des critères de 20% ou 30% d'angle de vision etc. et s'en remet aux critères professionnels qui déterminent que cette personne est handicapée ou non, un médecin ou ceux que vous avez signalés. Si nous devons décrire aussi précisément que cela ce qu'est une personne handicapée visuelle, il n'y a pas de mal en soi. Je dis bien que la chose est encore discutable, il n'y a pas de mal en soi à ce qu'à un autre article nous en venions à fixer un pourcentage quant à la capacité. Il me semble qu'il faut choisir l'un ou l'autre. Ou bien le législateur remet à des professionnels le soin de déterminer le statut d'un citoyen ou bien il ne le fait pas.

M. Lesage: M. Williams va répondre à votre question.

M. Williams: M. le Président, M. Charron, I think what you have said explains why I had to say earlier that I leave the making of law to the legislator. Perhaps this is a contradiction in the same level of law that in fact the ophtalmologists and the optometrists and the social workers and the rehabilitation professionals agree on the definition in section 1f. They agree that that is a measurable, observable, visual acuity. So, if it should not be there, perhaps it should be in the regulations or something like that. The other one is valid also. Perhaps it had to be dealt with in another manner, but, in our opinion, both are valid.

M. Charron: Je vous remercie de votre réponse, M. Williams. Effectivement, je pense qu'une définition scientifique, puisqu'elle est celle d'ophtalmologistes, d'optométristes et de tous ceux qui sont de près ou de loin appelés à travailler avec des aveugles, des handicapés visuels, puisqu'elle semble faire l'unanimité du monde professionnel, mériterait de se retrouver dans une réglementation, mais non pas dans la loi. Il se peut aussi qu'une pareille catégorie de professionnels aussi qualifiés — d'ailleurs on en entendra au cours de l'audition des mémoires — s'entende pour dire par exemple — je ne veux pas défendre le critère qui est là, je le remets en question — que, lorsqu'une personne, à cause d'une incapacité physique, d'un handicap physique, va jusqu'à perdre jusqu'à 30% de sa capacité fonctionnelle normale, cette personne est donc une personne handicapée sur le plan de la permanence, et la permanence est un élément important de l'article 1e pour définir la personne handicapée. Je ne sais ce que je vous dis là, mais je me dis: Peut-être que les professionnels, aussi, comme ceux qui travaillent à l'occasion avec la Commission des accidents du travail — là on ne parle pas de la bureaucratie de la Commission des accidents du travail, c'est une toute autre paire de manches, mais de ceux qui travaillent à fixer l'admissibilité des travailleurs — en viennent à dire que, lorsque c'est 30%, il est évident que cela se pose de façon permanente et que la personne serait bénéficiaire de cette aide. Quitte à modifier les 30% ou 20% par un autre chiffre. Je n'inclus aucunement les préoccupations d'image de l'office qu'avait le ministre les Affaires sociales tantôt. J'essaie de le faire dans le sens de l'intérêt des citoyens qui sont visés par cette loi. Il me semble quand même qu'on devra arriver, à un moment donné, à fixer un barème. Qu'il soit établi par le plus grand nombre de professionnels possible, qu'il laisse place au moins d'arbitraire possible, je pense que nous en conviendrons tous, qu'il soit même le plus souple possible, étant donné les citoyens dont on parle, je pense que tout le monde en conviendra également. Mais je pense que le projet de loi devra, à un moment ou à un autre, comporter un palier à partir duquel nous allons fixer le fait qu'un citoyen peut être bénéficiaire de cette loi ou pas. Je ne pense pas, parce que si on devait adopter telle quelle — je ne dis pas qu'elle ne peut pas nous aider à mieux travailler — la suggestion que vous nous faites pour remplacer le paragraphe 46c, je partage assez bien l'opinion du ministre que nous laisserions là place à l'arbitraire. Dieu sait que tous les députés autour de cette table peuvent témoigner de la partie d'arbitraire qui accompagne les jugements de la Commission des accidents du travail. Combien de citoyens viennent nous voir à notre bureau nous demandant d'intervenir parce qu'un médecin, qu'ils disent injuste à leur endroit, a fixé à 18% le taux d'incapacité, ce qui leur permet de recevoir moins que si cela avait été 21%, nous demandent de leur recommander un médecin conciliant, un médecin ouvert d'esprit, un médecin qui aime les travailleurs et qui, lui, sous pareil examen, en viendrait à dire: C'est 21%, ce qui permettrait au travailleur accidenté en question de recevoir une contribution financière émanant de la Commission des accidents du travail plus élevée que celle à laquelle il a droit.

C'est-à-dire que je ne voudrais pas qu'on commence la même chose ici, au moment où on

est enfin en train d'avoir une loi pour les personnes handicapées.

M. Bellemare (Johnson): M. le ministre, pour faire suite à ce que le député de Saint-Jacques dit quant au critère qui existait dans la loi fédérale des pensions aux aveugles, critère de base qui était exigible pour être bénéficiaire d'une pension d'aveugle, est-ce que ce critère sera conservé ou maintenu? Il existait déjà, ce critère; pour obtenir une pension d'aveugle du fédéral, il fallait avoir un certain critère qui répondait à certaines données des ophtamologistes, qui faisaient que ce critère était défini. Est-ce que ce critère sera conservé ou s'il est conservé présentement?

M. Forget: Vous faites allusion à certaines lois d'assistance qui ont précédé l'aide sociale, pré-sumément?

M. Bellemare (Johnson): Oui.

M. Forget: Ces lois-là, comme vous savez, ont été remplacées par l'aide sociale, mais n'ont pas été abrogées; donc, elles continuent à avoir leur effet pour ceux qui en étaient bénéficiaires au moment de la promulgation de la loi, en novembre 1970, je crois. Il reste un certain nombre de ces personnes qui reçoivent encore plus au titre de ces lois dites catégorisées. Il y a la Loi pour les mères nécessiteuses, la Loi pour les invalides et la Loi pour les aveugles. Je crois qu'elles sont au nombre de 90, au Québec, les personnes qui continuent à bénéficier de ces lois. Donc, les critères auxquels vous faites allusion continuent à s'appliquer pour elles et ne seraient d'aucune manière modifiés par cette loi-ci.

M. Bellemare (Johnson): Non, non, mais, dans l'avenir, est-ce que ces critères qui valaient, dans le temps, pour établir la cécité, pour établir le handicapé visuel, ne pourraient pas être repris pour que ce soit plus déterminant et empêcher l'arbitraire, comme disait le député de Saint-Jacques?

M. Forget: Oui, bien, je n'ai pas d'objection à ça. C'est peut-être d'ailleurs en s'inspirant de ces lois ou de l'expérience avec ces lois qu'on a abouti à ces critères. Encore une fois, je pense que je pourrais reprendre les paroles du député de Saint-Jacques tout à l'heure. L'idée commune, je pense, est d'avoir quelque chose de certain le plus possible, de moins arbitraire possible; que ce soit 20% ou 30%, ça semble des pourcentages qui nous ont été recommandés. Je ne sais pas exactement sur quelle expérience, on pourra probablement avoir des renseignements plus complets là-dessus si la commission le souhaite.

Mais je crois qu'il faut distinguer la formule de l'idée d'avoir une définition la plus précise possible et la plus susceptible de donner une garantie à des personnes handicapées sérieusement qui vont effectivement être couvertes.

M. Bellemare (Johnson): C'est parce que, M. le ministre, si quelqu'un arrivait avec 29%, handi- capé physique, qu'est-ce qui arriverait, si la loi dit 30%? La loi dit 65 ans pour une pension de vieillesse et au type qui arrive à nos bureaux et qui a 64 ans et 11 mois, on ne peut pas dire: Tu as droit à la pension de vieillesse, c'est 65 ans, c'est le critère. Là, ça va être pareil. Si le critère de base, au point de vue handicapé physique, c'est 30%, s'il a 29%, il ne peut pas. Ce n'est pas assez souple, comme on l'a dit tout à l'heure.

M. Forget: Vous n'avez pas d'alternative très claire à ça. Vous avez l'alternative d'avoir deux individus qui vont dire à cette même personne, c est 32% et l'autre, c'est 29%. La souplesse vient du fait que c'est arbitraire. Il y en a un autre qui est probablement dans la même catégorie, qui ira voir un troisième professionnel et qui ne sera pas admissible. Le phénomène que vous indiquez, on peut l'éliminer seulement si tout le monde, toute la population est considérée comme handicapée. Il faut s'arrêter quelque part et il est clair qu'entre le dernier cas qui va être admissible et le premier qui ne l'est pas, que vous le définissiez par l'arbitraire du jugement d'un individu ou par une loi, il va exister de ces cas-là nécessairement.

M. Bellemare (Johnson): Vous avez sûrement, à votre ministère, des gens tellement bien préparés qui pourraient planifier ça d'une manière plus souple. Parce que ce qu'on a à reprocher à la CAT présentement, c'est qu'il y a des tribunaux d'appel.

M. Forget: Alors, on prendra des informations auprès de la CAT pour s'en inspirer.

M. Bellemare (Johnson): II y a des bons bouts à la CAT, il n'y a pas seulement des mauvais bouts.

Le Président (M. Brisson): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, je ne veux pas parler de choses trop personnelles, mais il arrive tout de même qu'à la suite d'un accident, certains médecins me donnent 30%, au-delà de 30% d'incapacité physique, et je n'ai jamais senti que j'avais besoin, pour me débrouiller, de la protection gouvernementale.

Mais rien n'empêche que, si j'étais forgeron, travailleur de la construction, menuisier, ou si j'avais à travailler physiquement, je serais réellement un handicapé.

Si vous avez comme barème un pourcentage d'incapacité physique, sans faire l'analyse des occupations, du métier, de la profession de celui qui subit ces handicaps physiques, vous passez complètement à côté du problème à mon avis. L'incapacité physique, le handicap apporté par l'incapacité physique, est en relation directe avec la fonction.

M. Bellemare (Johnson): Et les revenus possibles de l'individu qui a besoin d'être aidé. Mais ce ne sont pas tous les cas qui sont comme le vôtre. Vous n'avez pas 30% d'incapacité.

M. Saint-Germain: J'ai 30% d'incapacité, d'après certains médecins, selon un rapport officiel.

M. Bellemare (Johnson): Ne dites pas cela dans votre comté.

M. Saint-Germain: Mais je n'ai pas eu de fracture du crâne, M. le Président. Il nous arrive très souvent...

M. Bellemare (Johnson): Etes-vous parmi les douze qui ne reviennent pas?

M. Saint-Germain: II nous arrive très souvent, à la suite d'accidents de travail, par exemple, qu'on voit des gens handicapés physiquement, avec relativement un bas pourcentage d'incapacité. Cela désorganise leur vie complètement. Il y en a d'autres qui peuvent l'être beaucoup plus et, pour qui, cela devient pratiquement anodin.

Je soutiens tout de même que, dans la définition, la diminution de capacité physique est simplement une facette qui doit nécessairement être rattachée. Si vous êtes violoniste et que vous perdez deux ou trois doigts de votre main, c'est la fin de votre carrière.

M. Bellemare (Johnson): Ou bien violoniste...

M. Saint-Germain: Oui.

M. Bellemare (Johnson): ... ou un pianiste.

M. Saint-Germain: C'est la même chose. Tandis que, pour d'autres, c'est sans gravité.

M. Bellemare (Johnson): A la Commission des accidents du travail, le barème de l'incapacité physique qui est établi est un barème qui est sujet, pour l'indemnisation, à tout un lot de critères, quant au revenu, quant au salaire qu'il gagnait les douze mois précédents. Il y a tout un lot de critères qui viennent s'ajouter pour l'indemnisation. Pour établir l'incapacité, d'accord; mais, pour le reste, une fois qu'elle est établie, pour faire le paiement, il y a toute une série de règlements qui comportent...

M. Saint-Germain: Si vous avez un travailleur qui a un métier, mais qui a comme base une excellente éducation, une excellente formation, qui a une scolarité assez avancée, ce type a une facilité d'adaptation que son voisin n'aura peut-être pas s'il est limité exclusivement à un champ d'activité. Il y a l'âge, il y a toute une série de...

M. Bellemare (Johnson): Très bien.

M. Saint-Germain: Vous avez des handicapés qui sont en chaise roulante et qui se débrouillent très bien, tout en faisant leur vie.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Je vous remercie infiniment, M. Williams.

M. Bellemare (Johnson): N'oubliez pas d'avoir des communications avec le ministre des Affaires sociales, M. Lesage.

M. Lesage: Quant aux documents que nous pourrons nous procurer sur la réglementation ou la législation en Grande-Bretagne, si on peut le faire assez tôt, on les fournira au président de la commission parlementaire.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie?

M. Bonnier: M. le Président, comme documentation, si vous en avez, par exemple, de d'autres provinces qui ont des programmes d'aide aux entreprises, de façon à insérer, d'une façon plus régulière et substantielle, les handicapés dans l'entreprise, ce serait intéressant également.

M. Williams: M. le Président, M. le ministre, honorables membres, je vous remercie de la séance très agréable de ce matin pour le bénéfice des handicapés.

M. Bellemare (Johnson): Why do you not speak French all the time? It is better.

M. Williams: C'est trop long.

M. Bellemare (Johnson): This is a very good French.

M. Williams: Mercil

Le Président (M. Brisson): Thank you, Mr Williams. J'appellerais maintenant l'Association des hôpitaux de la province de Québec. M. Jean-Claude Tremblay, vice-président exécutif et directeur général. M. Tremblay.

Association des hôpitaux de la province de Québec

M. Cardinal (Maurice): J'apporte une correction. Mon nom est Maurice Cardinal.

Le Président (M. Brisson): M. Cardinal, oui.

M. Cardinal: Je suis membre de l'Association des hôpitaux de la province de Québec.

M. Bellemare (Johnson): Cardinal? Maurice, cela va.

M. Cardinal: Cela se passe de commentaires. M. Bellemare (Johnson): Maurice, cela va. M. Cardinal: Cela va bien.

Le Président (M. Brisson): M. Cardinal, vous pouvez vous asseoir.

M. Cardinal: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, je

voudrais, au point de départ, vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir ce matin, afin de permettre à l'Association des hôpitaux de vous faire part de ses observations. J'aimerais, avant de commencer, présenter mes collègues. Tout de suite à ma gauche, Me Ghislaine Gosselin, conseiller juridique de l'association.

M. Bellemare (Johnson): Pas trop vite, s'il vous plaît!

M. Cardinal: Oui. Me André DesRochers, secrétaire général de l'association, M. Louis-Marie Lavoie, membre de l'exécutif; M. Dick Henderson, qui est aussi membre de l'exécutif.

M. Bellemare (Johnson): Non, décidément je ne pense pas qu'il y ait de candidat possible dans cela, pas même Maurice Cardinal.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs! M. Cardinal, continuez.

M. Cardinal: Vous avez déjà eu des expériences avec des Cardinal.

M. Bellemare (Johnson): Oui, il y en a un qui est handicapé.

M. Cardinal: Seulement pour situer l'Association des hôpitaux, c'est un organisme qui regroupe la très grande majorité des hôpitaux de la province de Québec. Cela se situe aux environs de 215 membres.

M. Bellemare (Johnson): Une possibilité de 280 à peu près.

M. Cardinal: Je dirais 216. M. Bellemare (Johnson): 216?

M. Cardinal: Approximativement.

M. le Président, je ne sais pas la procédure habituellement employée devant la commission parlementaire.

Le Président (M. Brisson): Vous avez produit un mémoire?

M. Cardinal: Oui, on a produit un mémoire.

Le Président (M. Brisson): Alors, vous avez quinze minutes pour faire un résumé de vos remarques ou un résumé de votre mémoire. Est-ce que vous préférez qu'on vous pose immédiatement des questions?

M. Cardinal: Si vous préférez...

M. Bellemare (Johnson): Je pense, M. le Président, qu'il serait normal que M. Cardinal ou que Mlle Ghislaine Gosselin puisse nous donner son point de vue, les grands principes généraux, les objections qu'ils peuvent manifester vis-à-vis de certains articles de la loi, la formation de l'office, l'effet des règlements sur l'application de la loi. Je pense que vous pourriez nous donner votre point de vue. Après cela, on vous posera les questions...

Le Président (M. Brisson): Qu'est-ce que vous pensez qui n'est pas bon dans la loi?

M. Cardinal: II serait peut-être bon de dire ce qui est bon dans la loi aussi. Je vais aller très vite comme présentation. Tout d'abord, nous avons été surpris de constater l'intention du gouvernement de créer un office de la protection des personnes handicapées, sans l'intégrer ou tout au moins le relier au réseau des affaires sociales. En effet, l'absence de structures au niveau régional ou de liens avec les structures régionales existantes réduit sensiblement l'accessibilité aux services qu'entend fournir le gouvernement aux personnes handicapées. Nous aurions préféré que ce projet de loi puisse s'intégrer à la Loi sur les services santé et services sociaux, le chapitre 48, afin de fournir à toute personne handicapée une assistance complète sur les plans à la fois humain, professionnel et financier. Dans cet ordre d'idées, nos commentaires et recommandations suggèrent des correctifs importants afin d'assurer une protection globale aux droits des personnes handicapées et non seulement leur droit au travail. Finalement, nous croyons que les modifications de concordance avec les autres lois devraient être faites systématiquement, contrairement à la technique employée dans l'actuel projet de loi qui consiste à octroyer préséance à certains articles de cette loi sur toute loi particulière, à moins de mention expresse dans cette loi particulière. L'Association canadienne de la santé mentale, division du Québec, avec qui nous avons eu des échanges sur notre document, s'est déclarée complètement d'accord avec notre approche concernant cette loi. Le projet de loi no 55, intitulé Loi sur la protection des personnes handicapées, se veut de par son titre de portée générale mais, lorsqu'on en étudie le contenu, nous raélisons qu'il s'attarde à une catégorie de personnes handicapées, soit celle qui est apte à réintégrer le marché du travail.

Les services qui sont rendus par nos établissements peuvent se comparer dans certains cas avec ceux rendus par les ateliers protégés et sont, pour autant, essentiels pour assurer à tout handicapé souffrant d'incapacité physique ou mentale des soins médicaux et des programmes de réadaptation.

Ces handicapés, lorsqu'ils sont inscrits ou admis dans un établissement, ne sont pas des employés, mais reçoivent des services de santé et des services sociaux. Toutefois, ils répondent aux conditions d'enregistrement auprès de l'office et devraient, en conséquence, se voir attribuer une assistance tel que prévu au chapitre III du projet de loi.

Nous vous recommandons donc d'ajouter une nouvelle section au chapitre III, prévoyant que toute personne handicapée enregistrée auprès de l'office et qui est inscrite ou admise dans nos éta-

blissements reçoive une assistance équivalente à celle prévue pour les personnes handicapées qui sont inscrites dans les ateliers protégés et que des subventions soient prévues pour nos établissements, afin de les aider à maintenir une équipe multidisciplinaire apte à répondre aux besoins spécifiques de toute personne handicapée.

Si vous voulez, Me Gosselin va donner les idées générales des recommandations contenues dans notre mémoire.

Le Président (M. Brisson): Me Gosselin.

Mme Gosselin (Ghislaine): M. le Président, messieurs, effectivement, nous avons fait une étude assez poussée du projet de loi no 55 et avons, en particulier, noté des commentaires et recommandations pour chacun des chapitres qui s'y trouvent en tenant compte de la philosophie qui devrait se dégager dans le titre même proposé.

A l'article 1e, pour les définitions de personnes handicapées, nous avons demandé de reformuler cette définition, de façon à inclure le plus possible, toute personne handicapée car elle s'attarde aux fins du chapitre II aux droits de la personne handicapée, et, en particulier, lorsqu'on fait la connotation entre le chapitre II et la Charte des droits et libertés de la personne, on s'aperçoit que cette loi tente d'assurer une protection à toute personne handicapée en plus de lui assurer l'égalité qui est préconisée dans la Charte des droits de l'homme.

A titre d'exemple, je serais une personne handicapée du simple fait que je porte des lunettes, et, en conséquence, si on me refusait la possibilité de louer un logement du fait que je porte des lunettes, il y aurait préjudice à mon handicap; or, je pense qu'à titre de handicapée, je pourrais, aux fins du chapitre II, bénéficier des avantages pour dénoncer ce préjudice et exercer tout recours. Le chapitre II est une notion de principe, et je ne vois pas comment on puisse limiter la possibilité d'exercer un recours, ou du moins, d'assurer une protection simplement à des personnes qui souffrent d'incapacité permanente. En particulier, à titre d'association des hôpitaux, il serait peut-être bon de demander à un psychiatre jusqu'à quel point un malade mental est une personne ayant une insuffisance permanente. Pour eux, ces gens sont, pour ainsi dire, tous récupérables, et, en conséquence, ils ne pourraient pas bénéficier du chapitre II, ou, du moins, ne pourraient pas être inclus comme tels.

Je pense que c'est un préjudice. Si on parle de droit, c'est un principe. Il devrait inclure toute personne handicapée, quel que soit son handicap.

Pour ce qui est du chapitre III, qui est l'article 46, pour fins d'enregistrement, si j'avais immédiatement à le critiquer, tout comme la première association l'a fait remarquer, nous sommes également tout à fait en désaccord avec le taux qui est fixé dans la loi. Nous considérons qu'indépendamment du degré d'insuffisance, une personne handicapée peut avoir besoin d'un plan de reclassement professionnel. Il est inacceptable que la loi prévoie un pourcentage fixe d'incapacité pour déterminer si une personne peut être enregistrée auprès de l'office.

Je voudrais simplement ici faire une parenthèse et noter, en particulier, parce que, dans tous les cas, il ne faut pas l'oublier, il y a tant l'incapacité physique pour une personne, qu'aussi le problème d'incapacité mentale. Il est très difficile, d'une part, d'évaluer l'incapacité. Après avoir entendu les commentaires des parties qui ont exposé leur mémoire tout à l'heure, et ceux de l'assemblée ici, je voudrais ajouter simplement que nous croyons qu'il est impossible de fixer une incapacité d'une personne simplement d'un point de vue objectif, car le subjectif entre toujours en ligne de compte. Ainsi, une personne souffrant de la perte d'un bras, suivant son métier, se verrait attribuer un taux d'incapacité supérieur à une autre qui n'en a pas besoin pour son travail. C'est du subjectif et cela doit entrer en ligne de compte.

D'ailleurs, suivant le professionnel qui aurait à faire une expertise médicale, nous considérons qu'il est vraiment difficile d'obtenir un taux fixe pour la même personne. Une même personne handicapée pourrait aller voir deux médecins différents et obtenir des taux vraiment différents d'incapacité. Notre proposition veut que des critères d'évaluation devraient être élaborés dans les règlements qui serviront de base pour déterminer qu'une personne est admissible ou pas.

M. Bellemare (Johnson): C'est-à-dire que c'est plus fonctionnel que physique.

Mme Gosselin: Ce qu'il est important de déterminer dans la loi, selon nous, c'est qu'une personne, en autant qu'elle ait besoin d'un plan de reclassement professionnel, quel que soit son taux d'insuffisance, puisse l'obtenir. Pour une certaine objectivité, il faudrait quand même des critères de référence qui pourraient être élaborés dans les règlements.

De plus, et c'est peut-être aussi un peu plus large, par le degré, tel que proposé, en particulier pour un malade mental qui aurait un taux d'incapacité de 10% et qui serait facilement réintégrable par un plan de reclassement dans une période de six, sept ou huit semaines, doit-on sous-entendre qu'il doive attendre qu'il soit détérioré jusqu'à 20% avant de lui offrir sa collaboration? C'est une question de philosophie.

M. Bellemare (Johnson): Oui. Si vous me le permettez. Est-ce qu'un handicapé mental, à la minute qu'on lui dit qu'il a un critère d'incapacité mentale, comme un handicapé physique, à partir de ce moment, ne s'établit-il pas dans son esprit un stress qui lui vaut immédiatement un certain degré d'incapacité permanente?

Mme Gosselin: Je ne suis pas médecin. Il me serait difficile de vous répondre à cela.

M. Bellemare (Johnson): Il y a des psychologues qui peuvent établir cela, je pense, beaucoup plus qu'un maître. C'est une question importante

dans la fixation du barème de 30 au point de vue physique et de 20 au point de vue mental, parce que quelqu'un qui est physiquement handicapé, à partir de ce moment-là, développe un stress qui lui cause un préjudice et qui lui donne véritablement, en partant, un pourcentage d'incapacité fonctionnelle. Je pense qu'il faudrait ajouter cela aux critères de base.

M. Cardinal: C'est presque variable à l'infini.

M. Bellemare (Johnson): Oui. Cela dépend du caractère.

M. Cardinal: C'est presque particulier à chaque individu, au caractère de l'individu, à l'acceptation de son état et à sa volonté de se réhabiliter.

M. Bellemare (Johnson): C'est pour cela que je dis qu'au lieu d'être physique, cela devrait être fonctionnel.

M. Cardinal: Probablement.

Mme Gosselin: Effectivement, la recommandation qui a été proposée dans notre mémoire est le résultat de consultations auprès de psychiatres. Il est vraiment difficile pour deux psychiatres de donner un taux d'incapacité semblable à une même personne suivant ne serait-ce le stress que la personne a lorsqu'elle a à passer cette expertise médicale. Mais, en plus, ce qui est noté dans nos recommandations à l'article 46, c'est que, pour fins d'enregistrement auprès de l'office, il ne faudrait pas nécessairement ne qualifier que les personnes qui pourraient recevoir de l'aide matérielle, mais toute personne pourrait être bénéficiaire pour recevoir d'autre aide que de l'aide matérielle, quitte à ajouter des articles pour dire ensuite qui pourrait recevoir une aide matérielle. Parce que la protection qu'on offre à une personne handicapée, ce n'est pas seulement une protection pour lui apporter de l'argent, si elle en a besoin, cela va beaucoup plus loin que cela.

M. Bellemare (Johnson): Tout à l'heure, on a fait une relation entre les articles 46 et 48. Vous avez assisté à ce débat avec Me Lesage. On a dit que l'article 48 obligeait la personne à se soumettre à ce qu'on appelle un professionnel de la santé. Dans votre mémoire, que j'ai lu, au lieu de professionnel de la santé, vous dites plutôt le médecin. Etablissez-moi la différence, pour moi, personnellement.

Mme Gosselin: Pour vous personnellement? Je vais vous dire que l'association croit...

M. Bellemare (Johnson): Qu'est-ce qu'un professionnel de la santé?

Mme Gosselin: C'est exactement notre recommandation, on vous demande de le définir.

M. Bellemare (Johnson): Bon!

Mme Gosselin: C'est assez confus. En particulier, on vous suggère de dire que c'est un médecin qui aurait à faire l'expertise.

M. Bellemare (Johnson): C'est cela. C'est ce que je voulais vous entendre dire.

Le Président (M. Brisson): Messieurs, nous devons arrêter à 12 h 30, afin de reprendre à 14 h 30. La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

Reprise de la séance à 14 h 45

M. Brisson (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

M. Tremblay et l'honorable député de Johnson ont-ils d'autres questions? Hormis que Me Gosse-lin continue son exposé.

Mme Gosselin: S'il vous plaît!

Le Président (M. Brisson): Continuez votre exposé et ensuite nous aurons une période de questions. D'accord?

Mme Gosselin: M. le Président, M. le ministre, je vais continuer à la page 4 du mémoire. Il s'agit de l'article où on donne la définition du mot "ministre" sans spécifier qui il est et nous recommandons que ce soit le ministre des Affaires sociales, compte tenu que cette loi devra s'appliquer parallèlement avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux. A l'article 1k, la définition d'atelier protégé, nous avons un intérêt particulier à demander une reformulation de cette définition.

M. Bellemare (Johnson): Ce serait tout autre que le ministre des Affaires sociales.

Mme Gosselin: Nous voulons éviter toute autre possibilité.

M. Bellemare (Johnson): II n'y a pas eu de... Pourquoi cette délicatesse spontanée?

M. Forget: Je laisse le député de Johnson faire ses propres conjectures.

M. Bellemare (Johnson): Influence indue.

Mme Gosselin: A l'article 1k, lorsqu'on définit l'atelier protégé, on fait une exclusion des centres d'ergothérapie et de réadaptation fonctionnelle maintenus dans un établissement et, préalablement, nous disons bien que les établissements, ce sont toutes les catégories d'établissements tels qu'établis au chapitre 48 ou à la loi 65.

Nous proposons plutôt de redéfinir l'atelier protégé de façon qu'à la lecture de l'article, nous soyons convaincus que nous sommes vraiment exclus de la définition d'atelier protégé. Dans nos centres hospitaliers, nous retrouvons en particulier deux catégories de personnes handicapées que nous avons catégorisées en disant: Des personnes handicapées qui ont besoin de traitements médicaux, mais qui ne permettent pas d'espérer une possibilité d'intégration. Il y aurait les personnes en période de réadaptation, qui pourraient être sous-subdivisées également et les handicapés réadaptés. Les deux premières catégories de ces personnes handicapées se retrouvent dans nos centres hospitaliers, comme nous représentons ici l'Association des hôpitaux, ou dans d'autres établissements établis en vertu du chapitre 48, lesquels sont sous la responsabilité, dans les centres hospitaliers, du médecin, en vertu de la loi, et, en conséquence, nous ne pourrions d'aucune façon répondre à la définition d'atelier protégé.

La définition que nous proposons serait: "Toute corporation ou société de biens ou de services autonome, dont l'objet principal est d'employer des personnes handicapées au sens du chapitre III ne pouvant travailler dans des conditions ordinaires, pour leur fournir un travail utile et rémunérateur".

De cette façon, comme, pour les centres hospitaliers, leur objet principal n'est pas d'employer, nous serions convaincus de ne pas répondre à la définition d'atelier protégé. De toute façon, le législateur démontre bien qu'on veut exclure les établissements de cette définition. Nous le faisons de façon un peu plus explicite par nos recommandations.

M. Bellemare (Johnson): Mais le terme est bien général. Je pense bien qu'on posera tout à l'heure des questions.

Mme Gosselin: Ce qui nous a surpris, c'est qu'en particulier, quelques-uns de nos centres hospitaliers ont des ateliers de thérapie industrielle où, sensiblement, des personnes handicapées, tout comme dans des ateliers protégés, travaillent. Mais ce travail est considéré comme phase de traitement pour réintégration ou pour services de santé et services sociaux tout simplement.

A l'article 5, ce n'est qu'un commentaire. Nous demandons que la dernière proposition du premier paragraphe soit exclue; considérant que, dans le premier paragraphe proposé, on dit: Le handicapé visuel doit être considéré comme s'il n'était pas accompagné d'un chien, nous trouvons un peu superflu ensuite de lui faire payer ou défrayer le coût de passage pour le chien.

A l'article 12, M. Cardinal...

M. Bellemare (Johnson): Expliquez-moi donc un peu mieux. L'article 5 dit, "accompagné d'un chien-guide qu'il tient en laisse..."

Mme Gosselin: On dit qu'un handicapé visuel a accès aux moyens de transport avec son chien comme s'il n'était pas accompagné d'un chien.

M. Bellemare (Johnson): Ah bon!

Mme Gosselin: D'accord? On le dit dans la première phrase de l'article et, immédiatement, on dit: "Lorsque le chien occupe un siège pour lequel un prix est exigé, le handicapé visuel doit acquitter ce prix".

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, si vous me permettez, est-ce que vous avez des cas où les gens ont été obligés de payer, dans le transport public, s'ils avaient des chiens avec eux?

Mme Gosselin: Ce qu'on a voulu faire ici, c'est simplement... Maintenant, on pourra l'exiger parce que c'est écrit dans la loi.

M. Bellemare (Rosemont): Jusqu'à maintenant, il n'y a pas de cas précis que vous pouvez nous donner.

Mme Gosselin: Pas à notre connaissance. M. Bellemare (Rosemont): Merci.

Mme Gosselin: L'article 12 fait des articles 2 à 6, qui prévalent sur toute autre loi spéciale, une priorité de ces articles, à moins que cette loi particulière n'énonce s'appliquer nonobstant ces articles.

Ou on va faire des modifications d'une façon empressée dans plusieurs lois particulières, ou on retire cette loi. En particulier, je n'ai retenu qu'un exemple de cela, parce que parmi les personnes handicapées, il ne faut jamais oublier que les malades mentaux sont inclus et que dans les malades mentaux, vous avez aussi les incapables.

En vertu de la loi électorale en particulier, l'incapable ne pourrait exercer son droit de vote. Par l'article 12, maintenant, il est sous-entendu qu'il pourrait l'exercer, parce qu'on dit qu'il a des droits, qu'il a la possibilité d'exercer ses droits.

Ce n'est qu'un exemple pour retirer en particulier l'article 12. Je pense que toutes les lois disent "nonobstant les autres lois particulières, notre loi prévaut." Même pour un avocat, c'est difficile à comprendre; pour un profane, je pense que cela va l'être encore plus.

M. Bellemare (Johnson): ... nonobstant...

Mme Gosselin: "Les articles 2 à 6 prévalent sur toutes dispositions d'une loi particulière qui leur serait contraires, à moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer malgré ces articles."

Vous avez énormément de lois particulières qui existent présentement. Il faudrait ajouter, à toutes ces lois particulières, un article, lorsqu'il serait nécessaire, pour les faire maintenant appliquer, nonobstant l'article 12 de la loi 55 proposée.

M. Bellemare (Johnson): Vous n'en feriez pas une section de personnes à part de la loi générale?

Mme Gosselin: Des personnes handicapées?

M. Bellemare (Johnson): Vous ne les traiteriez pas comme une section différente des droits généraux, comme la Ligue des droits de l'homme le disait dernièrement, dans l'application de cettte loi? Il faut faire bien attention. Il faut que les handicapés soient considérés comme des humains, au même titre que tous les autres. Ceci est décrit dans un mémoire de la Ligue des droits de l'homme, où il est dit que la loi tend à les séparer et à en faire deux catégories: la catégorie des hommes qui sont physiquement aptes au point de vue santé physique et mentale, et une autre catégorie entre ceux-là.

La Ligue des droits de l'homme disait qu'il ne faut pas faire cela. Il faut que ces gens soient trai- tés sur le même pied que tous les humains, qu'ils aient les mêmes droits, les mêmes privilèges, les mêmes libertés que tout le monde. A partir de ce moment-là, je ne sais pas si vous ne faites pas de discrimination.

Mme Gosselin: Ils ont effectivement les mêmes droits; ils n'ont pas l'exercice de leurs droits. A l'article 2, dans le projet de loi 55, on dit: "Toute personne handicapée a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, etc."

Au Code civil, on prend la peine de dire qui sont les personnes incapables, justement pour leur assurer une protection, parce qu'elles ne sont pas aptes à exercer leurs droits, sans pour autant leur soustraire leurs droits. L'article 2 aurait préséance non pas sur le Code civil, parce que c'est une loi générale, mais sur toutes les lois particulières qui découlent du Code civil.

M. Bellemare (Johnson): Continuez et on reviendra peut-être sur ce point de vue.

Mme Gosselin: Avec plaisir. A l'article 14, on dit: "L'Office a son siège social dans la Communauté urbaine de Québec." Toutefois, on ne prévoit aucun bureau régional. Nous proposons une décentralisation de l'office afin d'assurer aux personnes handicapées une accessibilité aux services, ces bureaux régionaux étant plus sensibilisés à leurs besoins particuliers et connaissent davantage les ressources du milieu.

M. Bellemare (Johnson): Mais il y a une disposition spéciale dans la loi qui prévoit que c'est possible, parce qu'on dit que cela peut être transporté dans un autre lieu, avec l'approbation du lieutenant-gouverneur.

Mme Gosselin: Le siège social seulement. M. Bellemare (Johnson): Oui, le siège social.

Mme Gosselin: Le siège social peut être transporté.

M. Bellemare (Johnson): Mais l'un contient l'autre, le plus contient le moins. Dans toute loi générale, je pense que c'est sûrement implicite. La Commission des accidents du travail peut ouvrir des bureaux, mais ce n'est pas dans sa loi constitutive. Elle a ouvert des bureaux dans toutes les régions après. On n'a pas eu à revenir devant le Parlement pour faire décréter qu'il y aurait un bureau à Rimouski, à Sept-lles, au Cap-de-la-Madeleine ou dans les diverses régions. La loi qui la constituait lui donnait, exactement comme ici, le droit, en vertu d'un arrêté en conseil, d'établir différents bureaux.

Mme Gosselin: Différents bureaux, ce n'est pas prévu à l'article 14.

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas clair, peut-être. C'est un bon point.

Mme Gosselin: On lui donne seulement la possibilité de transférer son siège social.

M. Bellemare (Johnson): Je ne sais pas si... Le siège social.

Mme Gosselin: Oui, mais c'est un siège social dans la province, alors que nous proposons qu'il y ait un siège social et des bureaux régionaux.

A l'article 15 qui compose l'office de dix personnes, en particulier, d'un président et d'un vice-président nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil et quatre membres choisis parmi les fonctionnaires de différents ministères...

M. Bellemare (Johnson): ... quatre ministères spécifiques qui sont nommés.

Mme Gosselin: ... qui sont nommés.

M. Bellemare (Johnson): Qui sont nommés là, dans la loi; les quatre ministères qui en feront partie sont nommés dans la loi.

Mme Gosselin: Oui, les ministères sont nommés dans la loi.

M. Bellemare (Johnson): Bien sûr, ce n'est pas n'importe quel ministère. Ce sont quatre ministères qui sont bien spécifiés dans la loi.

Mme Gosselin: C'est cela. Considérant que l'office a pour fonction, en vertu de l'article 30, paragraphe g), de représenter les personnes handicapées auprès des ministères, nous craignons, si quatre membres sont déjà des fonctionnaires des différents ministères, qu'il y ait conflit d'intérêts entre les besoins des personnes handicapées et les directives émises par chacun des ministères auprès de leurs fonctionnaires représentés au sein du conseil de l'office. Nous sommes, de plus, surpris que cet article ne prévoie qu'une consultation des organismes les plus représentatifs des personnes handicapées, alors qu'il devrait, selon nous, choisir parmi eux la majorité des membres qui devraient composer l'office. En conséquence, nous recommandons de réduire le nombre des fonctionnaires dans la composition de l'office et de voir à ce que des membres soient les représentants des organismes les plus représentatifs des personnes handicapées.

A l'article 30, qui donne les principales fonctions de l'office, nous aVons simplement ajouté quelques qualificatifs dans les descriptions, en particulier au paragraphe c), "élaborer et mettre en oeuvre des programmes d'information publique". Nous demandons qu'il soit ajouté simplement le qualificatif "périodique" pour assurer une information constante aux personnes handicapées. Dans ce même paragraphe, lorsqu'on dit "destinés à faciliter la participation de la personne handicapée à la vie socio-économique", nous demanderions qu'il soit ajouté "à faciliter l'intégration et la participation". Au paragraphe f), lorsque l'office peut représenter les personnes handica- pées devant les ministères ou tout autre organisme, mais en particulier pour les établissements, nous demandons que le mot "établissements" soit exclu de cette description, compte tenu que la loi 65 permet déjà aux personnes handicapées une représentation auprès des établissements, soit par deux usagers dans un centre hospitalier à courte durée qui siègent au conseil d'administration, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de centres hospitaliers de soins prolongés ou encore dans les centres d'accueil par les comités des bénéficiaires, tel que prévu" à la loi 65.

Enfin, nous demandons au paragraphe g) d'ajouter après "prothèses ou orthèses", pour être sûr de couvrir tout équipement, l'expression "ou tout autre équipement similaire".

A l'article 35, qui détermine les conditions pour qu'un atelier protégé soit agréé par l'office, nous proposons qu'un comité d'admission soit obligatoire dans un atelier protégé. Le comité déciderait de l'admission d'une personne handicapée en vertu des critères d'admission élaborés dans un règlement interne. Il serait peut-être opportun d'ajouter au mémoire qui est soumis devant vous que ces règlements pourraient être soumis à l'office tout simplement. En conséquence, l'office pourrait référer des personnes handicapées à un atelier protégé, mais non l'obliger à accepter tout handicapé confié par lui. La surveillance que doit assurer l'atelier protégé devrait être d'ordre médico-social plutôt qu'une surveillance médicale et professionnelle telle que proposée à l'article c), et, enfin, le paragraphe d) est aussi sujet à commentaires. Les informations ou documents requis par l'office devraient être énumérés par règlement du lieutenant-gouverneur afin d'éviter toute atteinte inutile à la vie privée d'une personne handicapée. Tel que ce paragraphe est présentement rédigé, l'office aurait une discrétion illimitée, ce qui nous semble inacceptable.

Dans les pouvoirs donnés à l'office, à l'article 36, contrairement aux fonctions qui doivent être d'informer et de conseiller, selon l'article 30 du projet de loi, on lui donne, ici, au paragraphe c), les pouvoirs de s'ingérer dans l'administration des ateliers protégés, lorsqu'on oblige un atelier protégé à recevoir toute personne handicapée et à l'engager.

Comme commentaire à ce sujet, il faudrait peut-être ajouter que les ateliers protégés, bien souvent, sont conçus pour certaines personnes handicapées ayant besoin d'une réadaptation spéciale ou, du moins, d'un travail spécial pour fins de réadaptation, et ce n'est que dans les critères d'admission qu'il serait possible de déterminer qui, dans les personnes handicapées, aurait avantage à aller dans tel atelier protégé plutôt que dans un autre.

L'article 46, je l'avais commenté ce matin; je vais le laisser pour la période de questions si vous voulez y revenir.

A l'article 48, nous avons demandé, tel que je l'ai dit ce matin de remplacer les mots "professionnel de la santé " par le mot "médecin". D'ail-

leurs, il serait peut-être opportun, ici, de souligner qu'à différents endroits dans le projet de loi 55 nous employons le mot "professionnel", les mots "expert, professionnel de la santé" et qu'il y aurait peut-être intérêt à le définir, parce que c'est assez confus. Reclassement professionnel, professionnel de la santé, expert, qui sont effectivement les gens qu'on veut couvrir dans cela?

A l'article 53, ce n'est qu'une faute de frappe, le mot "article" devrait plutôt se lire "section", si on vérifie la section anglaise.

L'article 55 de la loi dit: "L'Office complète alors l'évaluation du demandeur, ou procède, s'il y a lieu, à une nouvelle évaluation et décide de son aptitude à un reclassement professionnel". Encore ici, c'est l'office qui décide alors qu'on lui a donné dans ses pouvoirs un rôle de conseiller.

Nous ne pouvons accepter que l'office évalue de façon aussi unilatérale de l'aptitude pour une personne à un reclassement professionnel. L'office devrait, sur réception des documents attestant les possibilités pour une personne handicapée d'être reclassée, décider d'accepter ou de refuser avec motifs la demande qui lui est soumise.

Dans le même ordre d'idées, à savoir que l'office devrait plutôt avoir un rôle de conseiller et non un rôle de décision, à l'article 57 du projet de loi no 55, nous considérons qu'il y a ingérence de la part de l'office lorsqu'il décide de préparer le plan de reclassement professionnel. Nous suggérons que l'office, par l'entremise de ses bureaux régionaux, ait un rôle de coordination pour veiller à ce qu'une personne handicapée se voie préparer un plan de reclassement professionnel mais non que l'office prépare ce plan de reclassement professionnel.

A l'article 61, la lecture nous a paru un peu ambiguë. Nous avons douté un peu de la liberté d'une personne handicapée de choisir ou du moins d'émettre son opinion lorsqu'un plan de reclassement professionnel lui est préparé, d'autant plus qu'elle devra signer un engagement, par la suite, de respecter ce plan d'organisation professionnel au risque de se voir couper toute aide matérielle.

Nous proposons en conséquence de modifier l'article 61 de façon à imposer à l'office de supporter les frais de l'exécution du plan de reclassement professionnel et de reconsidérer dans son entier les conditions d'engagement de la personne handicapée de façon à lui assurer la liberté qui a été prévue à l'article 58.

A l'article 67, on spécifie, entre autres, dans le texte de l'article, qu'un tel contrat a une durée d'au plus six mois et n'est renouvelable que deux fois consécutivement. La durée du contrat est donc pour un maximum de 18 mois, nous considérons qu'il serait utile de prévoir une formule afin d'éviter des abus mais non de déterminer d'une façon aussi arbitraire les temps maximaux de la durée d'un contrat. En particulier, ici encore, il faut toujours penser à un malade mental, qui peut avoir besoin de plus de 18 mois afin d'être réintégré, et il est bien entendu qu'il est aussi nécessaire d'éviter qu'il y ait abus.

A l'article 68, et après avoir pris connaissance d'une façon globale du projet de loi 55, nous considérons qu'une personne handicapée qui a signé un contrat d'engagement professionnel et est en phase de traitement ou de réintégration sociale ne peut, à ce moment-là, être considérée comme un salarié. Nous préconisons toutefois qu'une somme forfaitaire lui soit allouée à titre incitatif.

M. Bellemare (Johnson): Vous outrepassez les dispositions du Code du travail.

Mme Gosselin: Oui, complètement.

M. Bellemare (Johnson): C'est opposé complètement à la Loi du salaire minimum et à toutes les obligations de la commission, des autres...

Mme Gosselin: C'est cela. Effectivement, si on fait une analogie entre une personne handicapée qui est en phase de reclassement à l'intérieur d'un atelier protégé et un bénéficiaire qui pourrait être une personne handicapée, mais qui se trouve à l'intérieur d'un centre hospitalier, pourrait se voir attribuer les mêmes services, pourrait être tout aussi bien dans un centre hospitalier appelée à fournir un travail, mais son travail ne serait pas considéré comme lien de subordination employé-employeur, mais simplement pour lui permettre, comme phase de traitement, de développer ses possibilités afin de réintégrer le milieu du travail. Mais c'est toujours une phase de traitement ou du moins un processus qui va l'amener à une réintégration. Mais dès qu'elle n'est pas réadaptée, on ne peut pas la considérer comme pouvant recevoir les mêmes avantages.

M. Bellemare (Johnson): Vous avez des gens qui vont se servir de cela pour abuser dans bien des circonstances, comme vous avez eu dans certains endroits des gens qui ont abusé des déficients mentaux pour faire faire des "shows" dans certaines... Ils leur donnaient quelques dollars et en abusaient véritablement. On a appelé cela des "freak shows". Il y a eu un abus lamentable de ce côté-là. Ils sont allés en cour et ils ont gagné. Imaginez-vous! Il ne faut pas que cela existe non plus chez les handicapés et qu'ils soient soustraits à la Loi du code du travail, particulièrement au salaire minimum, dans tous les cas, même s'ils sont en période de réadaptation.

Mme Gosselin: II faut quand même penser que la personne qui est réadaptée, même si elle est handicapée, peut travailler et recevoir le salaire minimum ou même un salaire supérieur, si elle est apte à remplir son emploi, si elle est vraiment réintégrée.

Mais tel qu'on le spécifie ici, il s'agit d'une personne handicapée soumise à un plan de reclassement professionnel. Selon nous, elle n'est pas encore réintégrée, mais en phase de réintégration. C'est un traitement qu'on lui donne ou quelque chose qui ressemble à ça, en conséquence, on devrait lui donner un montant forfaitaire qui serait à titre incitatif, mais non la soumettre à toutes ces lois.

M. Bellemare (Johnson): Mme Gosselin, je m'oppose catégoriquement à tout ce qui va défavoriser un handicapé pour le séparer de la masse populaire, de tout le monde. En partant, je ne peux pas accepter ça. C'est un handicapé, il a déjà à subir énormément de choses. Qu'on le soustraie de la Loi du Code du travail, qu'on le soustraie de la Loi du salaire minimum et ça, et ça, et ça, on en fait une personne d'une zone différente. On est en train de créer une zone différente, on est en train faire une loi pour créer une zone différente. Je comprends que vous faites une suggestion, que ce n'est pas dans la loi, mais c'est une suggestion qui va fort loin...

Mme Gosselin: C'est parce que je sais...

M. Bellemare (Johnson): Je crois bien qu'il faut être extrêmement prudent pour ne pas en faire des gens qui, étant déjà handicapés, soient dans une catégorie différente des autres humains. Il y a des exploiteurs publics qui, dans le cas des pauvres d'esprit ou débiles mentaux, pourraient les exploiter à leur façon, si c'était dans la loi. Je comprends que c'est une suggestion. Mais je m'oppose catégoriquement à ce que les handicapés sociaux soient différents, au point de vue droits et exercice de liberté, de tous les autres.

Mme Gosselin: Si vous me permettez simplement une dernière remarque, tel que je l'avais expliqué au début, nous avons fait deux catégories de personnes handicapées, et celle qui est touchée présentement c'est celle qui est en phase de réadaptation. Dès qu'elle sera réadaptée — parce qu'en phase de réadaptation, c'est quand même temporaire — c'est un traitement qu'on lui offre.

M. Bellemare Johnson): J'ai connu des gens, en service professionnel, qui allaient chercher des apprentis dans les écoles d'arts et métiers et leur payaient un salaire bien moindre qu'à un homme ordinaire qui était un apprenti, et ils abusaient de ces gens. Ils étaient corrects au point de vue légal. Cela n'a jamais été contesté.

Mme Gosselin: A l'article 80, nous ne pouvons accepter qu'un agent de la paix puisse pénétrer sans avertissement pendant les heures de travail dans les locaux d'un employeur ou que tout autre membre de l'office en fasse autant sans motif valable. Pour ce qui est de l'agent de la paix, nous demandons carrément qu'il soit exclu de cet article, considérant qu'il pourrait entrer dans un atelier protégé comme dans n'importe quelle autre maison en vertu du code criminel s'il a motif de croire qu'une infraction ou un acte criminel a été commis. Pour ce qui est des membres de l'office, nous essayons au moins d'atténuer ce qui est dans l'article en y ajoutant qu'il a des motifs valables de croire qu'une des dispositions de la présente loi a été enfreinte.

M. Bellemare (Johnson): La police n'a pas d'affaire dans ça. Régime policier...

Mme Gosselin: En dernier lieu, à l'article 82, considérant l'importance des règlements qui seront édictés en vertu de cette loi, nous croyons qu'il est important de prévoir un avis du projet des règlements dans la Gazette officielle du Québec et permettre à tout organisme impliqué de faire valoir ses commentaires dans un délai minimum de 90 jours.

M. Bellemare (Johnson): Vous ne croyez pas que cela aurait été mieux avant? Que les règlements auraient été mieux avant?

Mme Gosselin: C'est une solution... Fort probablement.

M. Bellemare (Johnson): Oui, fort probablement. Vous avez le ministre qui est proche, vous devriez le lui dire.

Mme Gosselin: ...

M. Bellemare (Johnson): Nous autres, ça ne prend plus, on leur dit que les règlements devraient accompagner la loi. Ah! vous allez voir, ça va être parfait. Le législateur doit voir aussi à ce que les règlements soient véritablement l'idée de ce que la loi nous donne. Six mois ou trois mois plus tard, on arrive avec une réglementation qui est complètement à part de ce qu'on a discuté. Je suis bien heureux de voir que vous dites "au moins 90 jours" et d'avoir la chance d'entendre des commentaires sur les règlements. J'espère que le ministre a lu ça avec beaucoup d'attention, et ne venant pas de l'Opposition officielle...

M. Bellemare (Rosemont): Est-ce que c'est vous le ministre? Je suis en train de me demander qui est le ministre, si c'est vous.

M. Bellemare (Johnson): Je ne comprends pas.

M. Bellemare (Rosemont): Je demande si c'est vous le ministre.

M. Bellemare (Johnson): Je suis sourd.

M. Bellemare (Rosemont): Je n'ai rien compris, moi non plus, de ce que vous avez dit.

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas nouveau. Vous aviez un mandat pour venir à Québec, mais ce n'était pas au Parlement.

M. Bellemare (Rosemont): Vous avez compris cela en 1973.

M. Bellemare (Johnson): On continue, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre!

M. Bellemare (Johnson): Votre mandat n'était pas au Parlement; c'était à Québec qu'on vous avait envoyé.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que vous avez terminé? Avez-vous d'autres remarques?

M. Bellemare (Rosemont): Vous vous en êtes aperçu au Cap-de-la-Madeleine?

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que vous avez d'autres remarques? Alors, les questions. L'honorable député de Johnson a-t-il d'autres questions?

M. Bellemare (Johnson): On va commencer.

Le Président (M. Brisson): Je pensais que vous aviez terminé.

M. Bellemare (Johnson): Comme ministre, je me trouve bien honoré, M. le ministre.

M. Charron: Nous n'avons pas une procédure très régulière, M. le Président, depuis le début des travaux de la commission. Nos témoins ont eu largement à répondre au moment où ils étaient en train de livrer leur mémoire.

M. Bellemare (Johnson): Justement.

M. Charron: Habituellement — vous le savez également — le ministre parrain de la loi est le premier à répliquer; par la suite, vous appelez les Oppositions dans leur rang respectif.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas de questions particulières, étant donné...

M. Bellemare (Johnson): On ne l'a pas fait sans l'autorisation du ministre d'abord, sans l'autorisation du président. Si l'autorisation ne nous avait pas été donnée, on ne serait pas intervenu. Je sais que les commissions parlementaires ne se conduisent pas ainsi mais c'est tellement agréable, pendant la lecture et les explications qui sont données sur le sujet même, d'avoir l'explication voulue. Cela raccourcit souvent les débats, hormis qu'on voudrait en faire d'autres pour d'autres fins.

M. Forget: Pour savoir si c'est agréable, il faudrait que vous demandiez l'opinion de ceux qui écoutent plutôt que de ceux qui parlent.

M. Bellemare (Johnson): Les réponses qui m'ont été données sont bien satisfaisantes.

M. Forget: J'en suis fort aise. Pour le moment, M. le Président, je n'en ai pas d'autres.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre n'a aucune question. Si j'ai permis que le député de Johnson pose des questions, c'est que, voyant que tout allait bien, j'ai donné une certaine latitude. Etant donné que je n'ai eu aucune objection, je vous ai laissé continuer, tout simplement. Est-ce que vous auriez d'autres questions?

M. Charron: Moi, j'en ai, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: J'aimerais ramener les représentants de l'Association des hôpitaux à leur mémoire, à la page 6. C'est une question de détail, en passant. Puisque vous avez cru bon de le souligner vous-même, pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour entendre votre opinion.

Quelle est la politique actuelle des hôpitaux du Québec lorsqu'un visiteur d'un patient se présente accompagné d'un chien-guide?

M. Cardinal: Je vous avoue que je n'ai pas connaissance des politiques qui sont actuellement en vigueur dans les hôpitaux. Je peux vous donner une opinion strictement personnelle. Je pense que l'aveugle serait admis avec son chien, s'il devait circuler dans l'hôpital, avec certaines précautions, bien sûr. C'est tout à fait une opinion personnelle; je ne connais pas la politique du réseau.

M. Charron: Je vous pose la question à partir d'une expérience que j'ai connue dans un hôpital du nord de la ville de Montréal. Une personne hospitalisée recevait effectivement la visite d'un aveugle et on retenait, pour des raisons sanitaires qui peuvent être explicables, l'animal à l'étage inférieur et on demandait à l'aveugle de se rendre de lui-même à l'étage du visiteur.

La plupart du temps, le patient, n'étant pas alité, pouvait descendre et accueillir son visiteur. Mais, dans l'hypothèse où il aurait été alité, face à la disposition que contient l'article du projet de loi à l'effet que telle personne a alors le devoir d'assurer la sécurité et le confort du handicapé visuel, je me demande si dans un hôpital du Québec, actuellement, on aurait le souci, retenant, pour des raisons sanitaires, l'animal à l'étage inférieur, de déléguer quelqu'un pour accompagner le visiteur handicapé visuel jusqu'à la chambre du patient qu'il veut voir. Je pose la question à partir d'un cas que j'ai connu.

Quant à votre position sur le fait que l'article 5 oblige un handicapé visuel à payer le prix du métro ou le prix de l'autobus pour son chien, j'ai trouvé cela d'une mesquinerie épouvantable également. Je me demande pourquoi le projet de loi allait ajouter jusqu'à ce détail, quand on sait, comme on l'a dit ce matin, qu'il y a 250 chiens qui accompagnent des aveugles dans le Québec et que, dans le Canada en entier, les risques que cela contribue au déficit de la commission de transport sont, c'est le moins que l'on puisse dire, minces. La mesquinerie aurait été meilleure à un autre endroit que dans une loi qui vise ces personnes.

J'aimerais toucher un autre point de vue, l'article 35, l'admission dans les ateliers protégés. Je n'ai pas compris la raison de votre suggestion; j'ai compris la suggestion dans ses détails objectifs, à savoir plutôt que de laisser à l'office le soin d'introduire, dans un atelier protégé, un handicapé de son choix, vous préférez que les ateliers aient eux-mêmes un comité d'admission par lequel ils pourraient refuser une personne à l'occasion,

pour une raison ou pour une autre, recommandée par l'office. Pourquoi?

Mme Gosselin: Enfin, on ne dit pas que la personne handicapée a le choix de l'atelier protégé; on dit que l'office peut obliger un atelier protégé à recevoir une personne handicapée. Selon nous, cela ne va pas nécessairement dans l'intérêt de la personne handicapée, car les ateliers protégés, tels qu'on peut en connaître présentement, à l'exemple de CENTRAP, ne sont pas nécessairement valables pour toute personne handicapée.

Certaines personnes handicapées qui y sont peuvent avoir avantage pour fins de réintégration, mais pour d'autres personnes handicapées, elles auraient intérêt à aller dans un atelier protégé où ce qui se fait est plus opportun à leurs besoins, alors que les critères d'admission tiendraient compte justement de ce qui est offert dans l'atelier protégé. On pourrait aussi voir le besoin de la personne handicapée. S'il correspond à ces critères, il y aurait sûrement avantage.

M. Charron: Je comprends votre point de vue. Vous touchez à un problème réel, mais je pense que votre suggestion ne le résoud pas. J'ai visité, au cours de tournées dans tout le Québec, depuis que je suis responsable des affaires sociales pour l'Opposition, plusieurs ateliers protégés. Je me suis entretenu avec plusieurs personnes qui étaient là et observé un peu comment elles vivent. Il m'est arrivé, à l'occasion, même si je passais très brièvement, de rencontrer des personnes qui ne se disaient pas au bon endroit, que, par exemple, ce genre de travail ne leur convenait pas, qu'elles seraient plus à l'aise dans un atelier protégé où on utilise un autre genre de matériau que celui qui demande l'utilisation du bois. Certaines personnes se sentent allergiques à la poussière que dégage le bois, etc.

Ce sont des problèmes réels qui rendent à ces personnes le traitement très difficile. Je crains — c'est pourquoi je partage une bonne partie de votre opinion — si c'est l'office uniquement qui place les personnes, que, finalement, après leur avoir trouvé une place quelque part, on prévienne quelqu'un en lui disant: Toi, on t'a trouvé une place dans un atelier protégé. Surtout si l'office est à Québec, sans bureaux régionaux — on reviendra là-dessus, parce que vous avez raison — j'imagine l'appareil, comme tout ce qui touche les affaires sociales, très pyramidal, avec l'obligation continuelle d'aller au sommet de la pyramide et d'attendre que son numéro soit tiré et qu'on dise: Au CENTRAP de la ville d'Anjou, il y a une place de libre. La personne de Montréal-Nord pourra aller là.

On prévient, le 03273739 qu'il y a une place pour lui dans l'atelier de la ville d'Anjou. S'il n'est pas heureux — c'est son droit — s'il n'est pas bien, s'il a, par exemple, des difficultés d'adaptation avec les autres personnes qui sont là également... Cela existe aussi. Il y a des citoyens qui quittent un travail, non pas parce qu'ils n'aiment pas le travail, mais parce qu'ils ne sont pas capables d'en- durer les gens qui travaillent avec eux. Cela arrive aussi. Vous voyez tout le problème que cela va engendrer. Il va falloir qu'il porte une plainte à l'office, qu'il s'adresse à l'office, que cela remonte toute la pyramide. Il va avoir fait un an dans l'atelier, où il n'est pas heureux et il n'aura pas encore reçu une réponse du haut de la pyramide de l'office à savoir si on peut le changer de place ou non. Très probablement, au bout d'un an, on va lui répondre qu'aussitôt qu'on aura une place ailleurs, on le préviendra. On va l'oublier là.

Un an après, il va encore se remettre à faire des démarches. Je comprends l'objectif d'éviter de toujours recourir au haut de la pyramide pour obtenir un soulagement qui peut être applicable avec un peu de bonne volonté, sauf que, si nous mettons des comités d'admission au niveau même des ateliers protégés, est-ce que nous aurons résolu ce problème? Je pense même qu'on risque à l'occasion de le compliquer. En tout cas, il pourrait s'adresser à quelqu'un sur place pour lui dire: Pourriez-vous me changer d'endroit? La personne sur place pourrait établir des contacts avec d'autres comités d'admission, d'autres ateliers protégés et dire: Y a-t-il quelqu'un chez vous qui voudrait venir chez nous? Il me semble que cela se ferait plus facilement que si on oblige ces échanges qui peuvent se faire sur le plan horizontal à suivre toujours la courbe d'autorité, appelez cela une courbe, la ligne droite d'autorité qui existe dans le secteur des affaires sociales. En ce sens, je retiens, en tout cas, pour analyse ultérieure, la suggestion d'un comité d'admission au niveau même de l'atelier protégé, parce qu'effectivement je pense qu'elle peut — on verra dans l'analyse — apporter un meilleur traitement, humain, rapide et immédiat, à la personne handicapée qui s'y trouve qu'autrement.

Je pense que vous avez une suggestion qui mérite d'être retenue.

Mme Gosselin: Si vous me permettez d'ajouter simplement deux petits commentaires. Nous avons tenté d'objectiver un peu la possibilité d'être accepté ou non dans un atelier protégé, parce que c'est quand même le besoin de la personne handicapée. Mais l'article, il faut bien situer sa formulation: L'office peut agréer un atelier protégé qui emploie les personnes qu'on lui réfère. Si l'atelier refusait, ne serait-ce qu'en prétextant que les besoins de la personne handicapée ne seraient pas nécessairement satisfaits à cet atelier protégé, il va perdre les subventions aux ateliers protégés, parce que pour avoir une subvention il faut qu'il soit agréée. C'est une des conditions qu'on lui impose.

M. Charron: L'article 36c dit que l'office peut, pour la durée qu'il détermine, placer toute personne handicapée dans un atelier protégé agréé, lequel est alors tenu de l'engager.

Mme Gosselin: Tenu de l'engager.

M. Charron: En tout cas, tout ce problème reste... Souvent, on se contente — et c'est arrivé

fréquemment, d'ailleurs, dans le secteur des affaires sociales — d'établir des lois qui, à leur face même, ont une certaine logique. C'est clair, on ne peut plus clair: L'atelier est tenu de... On oublie de qui on parle, dans les faits. On se contente d'avoir une réponse dans la loi. Est-ce que l'atelier est tenu ou non d'accepter la personne qui est envoyée par l'office? Oui, l'article 36c le dit clairement. Donc, la loi est bonne. Si tout est clair, la loi est bonne. Elle n'est pas nécessairement humaine, parce qu'elle est bonne, la loi. On s'en est aperçu dans l'application de certaines lois. Je pense que tous les députés alentour de la table ont a une expérience du réseau des affaires sociales qui leur permettra — lorsqu'on travaillera article par article sur cette loi, éventuellement, entre nous, après la deuxième lecture — d'aborder plus profondément, plutôt que de nous satisfaire de la clarté de la loi, les implications profondes dans la vie de ces personnes du projet de loi.

J'ai une autre question, si je peux la retrouver, j'ai fait une flèche. Vous avez parlé à un endroit des comités bénéficiaires qui existent déjà dans les certres d'accueil du réseau des affaires sociales. Si vous pouvez m'aider, me dire quelle page. A l'article 30, page 10, dans le haut je l'avais remarqué, on parle des fonctions de l'office. On dit que l'office doit — je vais tout de suite à f)— "à la demande d'une personne handicapée ou de son mandataire, le représenter auprès des ministères, des organismes publics, des corporations municipales et scolaires, des institutions d'enseignement, des établissements, des compagnies d'assurance."

Vous nous demandez à toutes fins pratiques, d'exclure, dans cette nomenclature d'endroits où l'office peut se porter représentant d'une personne handicapée, les établissements comme ceux que vous représentez et comme ceux que nous entendrons d'ailleurs, tout à l'heure, les centres d'accueil du Québec. Parce que, dites-vous, la loi 65, chapitre 48, a prévu une structure dans ce genre. D'une part, les usagers sont représentés aux conseils d'administration et, d'autre part, dans les centres hospitaliers de soins prolongés ou dans les centres d'accueil, il y a, en plus, un comité de bénéficiaires.

Moi, j'ai rencontré souvent dans mes visites aussi, et les députés peut-être également, des "militants" des comités de bénéficiaires. Je dis "militants" entre guillemets, mais ce n'est pas exagéré, parce qu'effectivement, ils se sentent, ils sont, la plupart du temps, dotés d'une très grande conscience à l'égard de tous ceux qu'ils représentent et n'en finissent pas de trouver les moyens de venir en aide à ceux dont ils sont les représentants.

Quand vous nous demandez d'exclure vos établissements de ces endroits en disant que c'est déjà prévu par une autre loi, je vous pose une question bien franche: Est-ce que c'est parce que vous préférez faire affaires — dans ce cas-là, il s'agira bien de faire affaires — avec des comités que vous connaissez, qui sont à l'intérieur de l'institution, et qui, donc, peuvent avoir des hauts et des bas dans leurs relations avec une administra- tion locale, plutôt que de voir intervenir de l'extérieur un office qui, lui, par exemple, n'a rien à faire avec le centre d'accueil Georges-Frédéric, ou n'a rien à faire avec le... mais qui ne parle que pour la personne qui est là?

Ecoutez! Je n'exagère pas en disant que, d'expérience... Et je ne veux pas dire que c'est partout pareil, mais je le dirais à l'attention des gens des centres d'accueil qui nous écoutent et qui vont venir tout à l'heure. Je ne dis pas que c'est partout la même chose, mais il y a des endroits où j'ai senti les comités de bénéficiaires un peu en otage de l'administration. S'ils veulent obtenir, par exemple, telle faveur pour le groupe, le samedi soir, ou s'ils veulent obtenir telle organisation à l'intérieur du centre d'accueil, il faut qu'à l'occasion, ils soient conciliants avec l'administration sur un certain nombre d'autres points, et je ne voudrais pas que les droits d'une personne soient un peu en balance par rapport à toute la vie interne d'une institution. Si le comité de bénéficiaires est, à cause d'une certaine raison, en brouille avec l'administration parce qu'il a trop demandé, l'administration n'a pas donné assez, etc., toute la vie interne... Dieu sait que ça vit très interne, d'ailleurs, dans une institution de soins prolongés. Que le droit d'une personne hospitalisée dans telle chambre, soit mis en... C'est pour ça que, d'emblée, il me paraît plus favorable que ce soit l'office qui intervienne dans ces cas et non pas se fier uniquement sur les pouvoirs d'intervention des comités de bénéficiaires qui, eux. peuvent vaquer à toute autre fonction.

M. Cardinal: II nous est apparu que le handicapé pouvait, par les mécanismes que vous avez identifiés, les usagers, le conseil d'administration ou le comité des bénéficiaires... Il y a un autre organisme qu'on n'a pas mentionné dans ça, auquel le handicapé pourrait porter plainte, ce sont les conseils régionaux de services de santé et de services sociaux. Cela nous apparaissait ajouter encore une possibilité de recours et, peut-être, ayant tellement de possibilités de recours, qu'il va en perdre en fin de compte. Cela nous apparaissait plus localisé et plus facile d'accès, le représentant au conseil d'administration, ou le comité des bénéficiaires, ou le CRSSS de la région.

M. Charron: Pourquoi ne voulez-vous pas que l'office prenne en charge les personnes handicapées qui sont dans vos établissements, lorsqu'il s'agit de les représenter dans leurs droits? Vous acceptez que l'office les représente auprès des ministères, des organismes publics, des corporations municipales, des institutions d'enseignement, des compagnies d'assurance, mais, auprès des hôpitaux, quand elles sont hospitalisées, vous dites: Non, l'office n'a pas d'affaire ici. Si cette personne n'est pas contente, qu'elle s'adresse aux deux usagers qui sont au conseil d'administration, qu'elle s'adresse au comité de bénéficiaires s'il s'agit d'un centre hospitalier de soins prolongés ou d'un centre d'accueil, qu'elle s'adresse au CRSSS et on est habitué de travailler avec eux.

M. Cardinal: Je pourrais relever le commentaire que vous avez fait tantôt en parlant des superstructures. Nous avons pensé que les structures internes qui existaient dans nos établissements étaient plus flexibles, plus accessibles que la superstructure de l'office lui-même.

M. Charron: C'est pour cela.

M. Cardinal: Notre objectif n'était pas de restreindre les droits du handicapé mais de souligner dans la loi qu'il avait déjà des recours plus proches de lui, plus accessibles qui sont à l'intérieur des établissements, et le CRSSS par-dessus tout cela.

M. Charron: Ne craignez-vous pas...

M. Cardinal: Ce n'est pas une objection majeure par rapport à cela, mais on trouvait plus pratique, plus humain — puisqu'on parle beaucoup de la dimension humaine de l'individu — de le maintenir à l'intérieur de son établissement ou de sa région par les communications de conseils d'administration ou de comités bénéficiaires ou CRSSS.

M. Charron: Est-ce que, sur le dos d'un directeur général de centre hospitalier ou de centre d'accueil, une pression venant de l'office, quant à un patient X dans cet établissement, n'est pas plus pesante qu'une des nombreuses remarques qu'a pu avoir un comité de bénéficiaires ou qu'un usager du conseil d'administration peut avoir?

M. Cardinal: J'aurais l'impression qu'elle n'est pas plus pesante dans la même proportion que le directeur général a pris une bonne décision et se sente inconfortable. Il n'aimera pas l'intervention de l'office, c'est sûr. S'il a pris une mauvaise décision et n'est pas confortable dans sa décision, une intervention, que ce soit des membres du conseil d'administration représentant les usagers ou son comité des bénéficiaires ou le CRSSS, je pense que cela pourra l'ébranler assez facilement si sa décision n'est pas solide.

M. Charron: II n'y a plus d'autres questions.

M. Cardinal: C'est une façon de voir les choses.

Le Président (M. Brisson): Y a-t-il d'autres questions?

M. Bonnier: A moins que le député de Johnson ait quelque chose.

M. Bellemare (Johnson): J'ai déjà parlé beaucoup.

M. Bonnier: Je voudrais simplement avoir une précision relativement à l'article 68, votre deuxième recommandation. Je pense qu'on a déjà émis des opinions quant à la première, mais à la deuxième vous dites: "Attribuer une somme forfaitaire pour une personne handicapée suivant le travail qu'elle fournira". Qu'est-ce que cela veut dire, dans votre esprit, une somme forfaitaire? Est-ce que, par exemple — parce que l'on tient pour acquis qu'il est non pas dans un atelier protégé mais chez un employeur, en période de réadaptation — cette somme forfaitaire serait fournie par l'employeur, et selon quel barème?

Mme Gosselin: Ce n'est certainement pas en vertu de son rendement. Ce serait peut-être une somme forfaitaire à être déterminée. Effectivement, il faudrait peut-être noter — on n'en a pas fait de commentaire comme tel — qu'on ne retrouve pas les mots "atelier protégé" mais plutôt le mot "employeur" à cet article. Par contre, on retrouve quand même un contrat de réadaptation professionnelle. C'est de là qu'on disait qu'il était en traitement ou du moins à une période d'évolution pour être réintégré. La somme forfaitaire qu'on voulait, c'était pour l'inciter à progresser pour être apte à réintégrer ensuite le milieu social, pour qu'il accepte que ce ne soit qu'une phase temporaire. C'est une évolution qu'il a à faire, pour ensuite être réadapté et réintégré dans le milieu.

M. Bonnier: Ce qui est confus, c'est l'expression "forfaitaire", parce que cela peut être interprété différemment, selon les employeurs, si je comprends bien. Serait-ce l'office qui devrait déterminer la somme qui devrait être payée en regard, vous dites non pas du taux de productivité mais je mettrais même du taux de productivité de telle ou telle personne?

Mme Gosselin: En fait, ce serait probablement l'office qui aurait à déterminer par règlement les modalités d'application.

M. Bonnier: Cette même personne pourrait peut-être rester après sa réadaptation dans cette entreprise.

Mme Gosselin: Oui, mais...

M. Bonnier: Ce serait une façon d'insérer des handicapés sur le marché du travail.

Mme Gosselin: C'est cela. Dès qu'elle serait réadaptée, par exemple, dès que le contrat de réadaptation serait terminé, elle serait salariée, et là tout change, le problème change, elle est une personne entière avec tous les mêmes droits, l'exercice de ses droits et tout cela. Mais, tant qu'elle est en période de réadaptation, qui est une situation temporaire, on le fait comme incitatif, parce qu'effectivement, ne serait-ce que du point de vue du salaire, si on lui donne déjà le salaire minimum, etc. est-ce qu'elle a un intérêt valable pour développer justement ses capacités?

M. Bonnier: Mais si elle a le salaire minimum — et là dessus je rejoins le député de Johnson — c'est qu'elle est traitée comme un autre employé dans l'entreprise.

Mme Gosselin: Oui, et après?

M. Bonnier: Le seul inconvénient, c'est que peut-être l'employeur X hésitera à l'employer si elle ne fournit pas un rendement égal à celui de l'autre. Ce matin, on faisait allusion à certaines lois qui existaient dans certains pays, et l'honorable ministre a dit que cela ne fonctionnait pas si bien que cela dans d'autres pays, qu'il faudrait trouver une autre formule. Est-ce que vous avez réfléchi à cela? Est-ce que vous avez pensé, par exemple, qu'un ministère quelconque devrait subventionner, d'une façon ou de l'autre, des employeurs qui s'engageraient à employer, à des taux égaux aux autres travailleurs, dans une entreprise, un certain nombre de handicapés?

Mme Gosselin: II faut penser qu'une personne qui n'est pas handicapée, si elle n'offre pas un rendement suffisant, même si c'est le salaire minimum qu'on lui donne, serait sûrement congédiée. Il ne faudrait surtout pas rentrer cette notion de rendement pour la personne handicapée en particulier lorsqu'elle a à suivre un plan de reclassement professionnel parce qu'on tente justement, dans cette période, de la réintégrer. C'est pour cela qu'on a voulu faire une certaine distinction; selon nous, c'était dans l'intérêt de la personne handicapée qu'on faisait cette distinction, pour l'inciter à réintégrer et lui donner en même temps les possibilités de le faire.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Ma question est très simple, d'ailleurs, après les remarques qui ont été faites à la page 8 concernant l'article 14, sur le siège social dans la Communauté urbaine de Québec, vous avez fait une suggestion qui semble très heureuse, d'avoir à départager les responsabilités au point de vue régional. Je ne sais pas si le ministre serait prêt à nous dire son opinion ou si c'est possible de savoir s'il y aura à l'avenir une décentralisation par bureaux régionaux, si c'est possible ou non.

M. Forget: M. le Président, étant donné l'heure à laquelle nous sommes et le nombre des groupes qui ont été convoqués, je suggérerais, plutôt que de s'engager tout de suite dans un débat sur la loi, qu'on termine avec ce groupe-ci et qu'on entende les autres groupes. Je pense que nous aurons d'autres occasions de débattre les modalités d'application de la loi.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, devant les suggestions qui nous sont faites d'une manière aussi cordiale, aussi constructive, le ministre se soustrait. Vous avez une preuve évidente de sa mauvaise foi; il tente de soustraire à une réponse très facile, il évite de dire: Oui, c'est facile. M. le député de Johnson a peut-être raison. Nous allons y pourvoir. Là, c'était un premier jet. Cela aurait été plus facile que de passer en dessous de la clôture, parce que je ne lâcherai pas. Le ministre va me dire si, oui ou non, il a l'intention d'avoir des bureaux régionaux ou non. S'il dit: Non. D'accord, je ne lui en ferai pas grief. Je cherche à savoir ce que vaut l'article 14 par rapport aux commentaires et aux recommandations que nous fait l'Association des hôpitaux de la province de Québec.

M. Forget: M. le Président, il me fera plaisir, le moment venu, d'éclairer la lanterne du député de Johnson sur la façon dont j'envisage l'application de la loi. Je dois dire qu'à certains égards il a peut-être raison, mais, à d'autres égards, il a probablement tort. Mais, encore une fois, il serait trop long, à ce moment-ci, d'aborder cette discussion, et je crois qu'étant donné les convocations qui ont été envoyées, il serait plus sage de nous informer davantage avant de tirer des conclusions peut-être hâtives, que le député de Johnson peut regretter d'ici quelque temps lorsque, ayant été mis au fait de plusieurs suggestions, il devra peut-être avec embarras choisir une option différente de celle qui lui semble la plus claire à l'heure actuelle.

M. Bellemare (Johnson): J'encourage le ministre à ne pas prendre ma place et à ne pas vouloir faire les déductions qui s'imposent dans mon cas. Je lui demande simplement, de nous répondre, à la suite d'un mémoire qui est bien fait, des suggestions, des commentaires et des recommandations de l'association; on a attiré son attention et l'attention de la commission parlementaire sur un sujet, pour savoir s'il y aura des bureaux régionaux pour décentraliser l'administration de l'office et de l'application de la loi 55. Vous avez vu cette subtilité arrogante du ministre? Il ne veut pas répondre.

En Chambre, il n'y a rien de plus détestable au monde que de voir l'arrogance du ministre quand il se lève, du haut de son trône, dans toute sa splendeur, et fait tout un paragraphe pour ne rien dire. Ce n'est pas ça que je veux savoir du ministre. Cela ne regarde pas ma contradiction ou l'application des suggestions qui ont été faites. Je demande au ministre, concernant la décentralisation du bill 55, si l'office ayant, à l'article 14, son siège social à la Communauté urbaine de Québec, il y aura des bureaux régionaux, oui ou non. Simplement, le ministre peut me dire oui et je vais me contenter de sa réponse. S'il dit non, ça va être plus simple que de tortiller et d'essayer de finasser. Ce n'est pas ça qu'on veut savoir. On veut savoir s'il y en aura oui ou non. S'il dit non, il n'y en aura pas; s'il dit oui, je vais me contenter de ça.

M. Forget: Je reviens à ma suggestion initiale, M. le Président.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, j'ai le droit de parole; j'ai le droit de continuer à questionner sur toutes sortes d'autres sujets.

Le Président (M. Brisson): Si vous le permettez, nous sommes ici pour entendre...

M. Bellemare (Johnson): Je comprends, mais j'ai d'autres questions sur le mémoire.

M. Forget: A ces audiences, ordinairement...

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: II y a un règlement que l'on suit. On s'en est écarté jusqu'à maintenant, avec le consentement de tout le monde, mais je crois qu'il faudrait peut-être mettre fin à des débats qui n'ont pas leur place à ce moment-ci.

M. Bellemare (Johnson): Vous voyez, là, comment cela se comporte un ministre!

Le Président (M. Brisson): Nous sommes ici... A l'ordre!

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas étonnant que, dans le public, on dise qu'au ministère des Affaires sociales on n'a pas de réponse qui convienne.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!

M. Bellemare (Johnson): II n'y a pas de caméra.

Le Président (M. Brisson): Nous sommes ici pour entendre les témoins qui ont été convoqués et pour leur poser des questions afin de nous éclairer et d'éclairer la commission davantage.

M. Bellemare (Johnson): Vous pensez qu'on est éclairé par la réponse du ministre?

Le Président (M. Brisson): Article par article...

M. Bellemare (Johnson): Vous voyez comment on nous répond.

Le Président (M. Brisson): ... le projet de loi sera discuté, lorsque le temps sera venu. Le ministre, à ce moment-là, pourra répondre à vos questions concernant l'étude du bill article par article.

M. Bellemare (Johnson): On méprise les délégations qui viennent nous voir, mon cher monsieur, par une arrogance qui est coutumière chez le ministre.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que vous auriez d'autres questions, l'honorable député de Johnson?

M. Bellemare (Rosemont): II n'y a pas de caméra.

M. Bellemare (Johnson): Je n'en ai pas besoin pour faire mon devoir, le député.

M. Bellemare (Rosemont): II n'y a pas de caméra.

M. Bellemare (Johnson): Je n'ai pas besoin de ça pour faire mon devoir.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que le député de Johnson a d'autres questions?

M. Bellemare (Johnson): Je fais comme le ministre, je ne vous réponds pas.

Le Président (M. Brisson): Est-ce qu'il y a d'autres remarques ou d'autres questions? Je vous remercie, Me Gosselin et messieurs les représentants de votre association.

M. Cardinal: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, nous voulons vous remercier de votre indulgence face à notre présentation et surtout de l'intérêt que vous avez semblé porter à nos commentaires.

Le Président (M. Brisson): Vous êtes les bienvenus. Maintenant, j'appellerais l'Association des centres d'accueil du Québec. M. Pierre Cloutier, directeur général.

Association des centres d'accueil du Québec

M. Gaudreault: M. le Président, un léger correctif; je suis Denis Gaudreault, j'agirai, en tant que président de l'Association des centres d'accueil, comme porte-parole officiel de l'association. Les collègues qui m'accompagnent sont effectivement M. Pierre Cloutier, directeur général de l'Association des centres d'accueil, et M. Jean-Paul Brouillette, président du Conseil régional des centres d'accueil de la région 03 et président du comité d'étude du projet de loi 55.

M. le Président, nous tenons d'abord...

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, j'aurais une question, s'il vous plaît.

Est-ce que ce sont des centres d'accueil pour personnes âgées ou handicapées ou pour malades chroniques?

M. Gaudreault: J'avais l'intention de préciser quels étaient les buts de l'association. Nous nous excusons; pour la première fois dans un mémoire, nous n'avons pas inclus le curriculum de notre association. Disons tout de suite que, depuis la fusion, qui date déjà de deux ans, de l'APIE et de l'ACAA, c'est-à-dire l'Association des centres d'accueil pour adultes et enfants, nous regroupons environ 325 établissements, ce qui totalise environ 27 000 lits, en plus d'un nombre croissant, de plusieurs milliers de bénéficiaires en milieu externe.

Nous tenons à vous remercier de nous avoir invités à présenter un mémoire et nous avoir invités à cette commission parlementaire. Nous l'apprécions fortement.

Je viens de rappeler très brièvement ce qu'est l'association au niveau de sa clientèle. Je rappelle aussi un de nos objectifs qui est de défendre les intérêts de nos membres. Vous avez pu constater, en prenant connaissance de notre mémoire, que

l'intérêt de nos bénéficiaires comprend aussi l'intérêt de nos membres. Ce mémoire est construit principalement dans l'intérêt de nos bénéficiaires.

En ce qui concerne le contenu du mémoire, vous avez pu constater qu'il contient une quarantaine de recommandations. A notre avis, le projet de loi contient très peu de mesures sociales ou des mesures facilitant une vie la plus normale et la plus intégrée possible.

De plus, le projet de loi semble peu penché en fonction d'une clientèle enfance; même au niveau des adultes, il semble élaboré davantage en fonction d'adultes devenus handicapés à la suite d'accidents ou de maladies. Du moins, le terme "reclassement" nous laisse entendre que les individus ont déjà été classés dans le sens de la formation, de l'expérience au travail.

Enfin, nous avons jugé bon de faire 40 recommandations, parce que nous considérons que toutes les barrières actuelles qui limitent les handicapés; nous considérons aussi la philosophie du MAS. Tout en considérant ces deux facteurs, nous sommes étonnés de voir que si peu de droits ont été affirmés et réglementés dans le projet.

Sans minimiser l'importance de nos 40 recommandations, nous nous bornerons toutefois à insister sur les aspects qui nous semblent majeurs pour éviter de rentrer dans une lecture détaillée, considérant que les honorables membres de cette commission ont eu le temps de se familiariser avec le contenu de notre mémoire.

J'attire l'attention sur la recommandation no 1. Notre recommandation no 1 s'attache au titre même de la loi qui vise à la protection des personnes handicapées. Dans le contexte d'un droit que nous reconnaissons aux personnes handicapées, nous aimerions que disparaisse de tout le texte de loi ce contexte de protection pour plutôt avoir un contexte de développement de la personne handicapée.

Je donne aussi, à titre d'exemple, à l'article 1e, lorsqu'on parle d'épilepsie, nous ne croyons pas qu'un épileptique, uniquement parce qu'il est épi-leptique, devrait avoir la protection, ou bénéficier des mécanismes de la loi. Nous pensons, selon les principes que nous défendons, que, si l'épilepsie est non contrôlée, à ce moment-là, les mécanismes de la loi devraient s'appliquer.

En ce qui concerne l'article 32, dans les organismes reconnus, par exemple, nous voulons toujours que...

Je passe à la deuxième recommandation majeure — ayant perdu, en cours de route, l'exemple — notre recommandation no 6 qui additionne des droits aux personnes handicapées. Toute personne handicapée a droit d'accès aux lieux publics, selon nous, ainsi qu'aux biens et services qui y sont disponibles. De façon particulière, les lieux, les biens et les services distribués par les institutions gouvernementales et paragouverne-mentales, par les corporations municipales et scolaires, par les institutions d'enseignement et les établissements doivent être accessibles aux handicapés physiques.

Cette recommandation no 6, d'ailleurs, on la retrouve sous d'autres formes, ailleurs dans notre mémoire. Nous insistons pour que les barrières architecturales, les barrières physiques qui sont imposées au handicapé disparaissent. Plutôt que des voeux, nous voulons voir apparaître des incitatifs et même des obligations.

La recommandation no 9 ensuite, en ce qui concerne la constitution même de l'office. L'Association des centres d'accueil du Québec se questionne sur la composition de l'office, sur la durée du mandat du président et du vice-président d'autre part, mais ce qui est important pour nous, en fait, sur toute la constitution de l'office, c'est la représentativité. Pourquoi se limite-t-on aux quatre représentants des ministères suivants: Travail et Main-d'oeuvre, Education, Industrie et Commerce, Affaires sociales? Pourquoi ne retrouvons-nous pas, entre autres, des représentants de l'Association des parents des handicapés ou de clubs sociaux? Il nous apparaîtrait plus fonctionnel et représentatif de former un conseil comparable à celui qui existe dans les établissements de services sociaux, lequel pourrait s'adjoindre une permanence pour accomplir le travail.

De cette façon, on éviterait de s'imposer un carcan administratif fort dangereux et peu efficace. Par ailleurs, ceci, croyons-nous, favoriserait le dynamisme de l'office du handicapé.

Une autre majeure, la recommandation no 13, où nous préférerions que le texte de loi parle plutôt des devoirs que des pouvoirs. Le terme "doit " est employé à quelques articles mais, à l'article 31 entre autres, on dit: L'office "peut", etc. Nous insistons pour que le texte parle des devoirs plutôt que des pouvoirs et que l'on mette plus d'impératifs. Ainsi, on devrait remplacer aux paragraphes a) et b) de l'article 31, le mot "conseiller" par le mot "inciter ", qui est, selon nous, plus fort.

Une autre recommandation majeure regroupe plusieurs de nos recommandations. Ce sont les mesures additionnelles que nous suggérons, qui touchent entre autres aux garderies, à qui on devrait accorder des subventions spéciales par le projet de loi pour leur permettre de rendre leurs services accessibles aux enfants handicapés. Il y a aussi l'exploitation des handicapés et l'obligation que l'office devrait avoir de dénoncer publiquement tout abus ou exploitation des personnes handicapées. Il y a aussi la création de foyers de groupe en nombre suffisant pour les handicapés et l'adaptation d'un enseignement adéquat pour toute l'enfance handicapée.

Enfin, en ce qui concerne le train de mesures additionnelles, nous insistons fortement sur l'aspect de l'information. Les centres d'accueil ont adhéré aux principes de la normalisation, principes que l'on discute souvent, qui sont reconnus de toute façon internationalement, principes qui veulent que l'on reconnaisse aux handicapés les mêmes droits, c'est-à-dire la même habitation, le même travail, les mêmes loisirs, les mêmes services, les mêmes salaires que tout individu normal.

Nous insistons sur le fait que normalisation ne veut pas dire suppression ou disparition subite comme par enchantement des handicaps des individus; normalisation veut dire les mêmes droits. Ceci suppose une adaptation de la société. Cette

adaptation de la société, à notre avis, sera permise en systématisant l'information, si l'on veut combattre en définitive toutes les résistances qui sont rencontrées. Je suis prêt à vous donner des exemples de foyers de groupe pour handicapés qu'on a voulu installer dans des quartiers résidentiels mais que les règlements municipaux et les interventions d'un groupe de personnes l'ont empêché. Je pourrais aussi citer l'exemple de prisonniers qu'on prétendait réhabiliter qui ont voulu s'installer dans un secteur et qui ont été rejetés purement et simplement de ce secteur. Tout le monde se gargarise des droits des handicapés, c'est facile, mais il y a peu de personnes, lorsqu'elles sont impliquées, qui sont prêtes à reconnaître ces droits, peut-être parce que, tout simplement, c'est un manque d'information qui crée et qui provoque la crainte. La crainte dégage des résistances.

Quantitativement, nos recommandations n'impliquent pas nécessairement que le projet n'a pas de mérite; au contraire, le projet vient après avoir été attendu, comme l'ont souligné plusieurs, depuis longtemps, mais nous pensons qu'il est quand même insuffisant, tout comme le sont nos 40 recommandations. C'est pourquoi nous terminons en demandant la création d'une commission d'enquête sur la réadaptation des personnes handicapées, afin que l'on puisse se doter enfin d'une politique sociale vraiment fonctionnelle.

D'autant plus que l'impact d'une telle commission sur le public serait beaucoup plus fort si l'on considère tous les préjugés, toutes les barrières qui font que les droits des personnes handicapées demeurent plus souvent des voeux pieux qui donnent bonne conscience à notre société. Sur ce, nous sommes disposés à répondre à vos questions. Nous vous remercions.

Le Président (M. Brisson): Le ministre a-t-il des questions?

M. Forget: Oui, M. le Président, je vous remercie. Merci à M. Gaudreault et à ses collaborateurs pour leur mémoire. Il me semble que dans votre analyse et vos recommandations, vous hésitez un peu entre deux conceptions assez différentes de l'objectif de cette loi. Vous semblez chercher dans une loi qui serait très globalisante, très générale, la solution à toutes sortes de problèmes qui sont, par exemple, des problèmes qui peuvent trouver une solution et qui, sûrement, à un certain degré, trouvent déjà certaines solutions, à l'intérieur des établissements, et en particulier, des centres d'accueil. Cette façon de voir les choses, c'est-à-dire, pour être bien compris, d'avoir une nouvelle loi qui, en particulier, décréterait des obligations nouvelles aux centres d'accueil — cela s'appliquerait, j'imagine, aux centres d'accueil, quant à un certain nombre de propositions — semble impliquer que les lois actuelles sont insuffisantes pour assurer le travail de réadaptation dans les centres d'accueil.

J'aimerais d'abord que vous expliquiez en quoi les lois actuelles sont insuffisantes, parce que ce n'est pas du tout clair, à la lecture de votre mémoire. Vous mentionnez, par exemple, l'éducation spécialisée pour les enfants handicapés. Il y a, comme vous savez, dans les lois de l'éducation, des obligations qui sont faites depuis plusieurs années et qui, d'ailleurs, ont donné lieu à l'établissement de classes spéciales, aux commissions scolaires de s'occuper de l'éducation spéciale aux enfants handicapés. Il y aura, après quatre ans d'élaboration très bientôt, à moins que ce ne soit déjà publié dans la Gazette officielle, le Code du bâtiment du Québec, qui a été adopté à la recommandation conjointe du ministre du Travail et du ministre des Affaires sociales, et qui comporte l'abolition dans les édifices à être construits, des barrières architecturales. Il y a donc déjà, à la fois dans le secteur des affaires sociales, dans le secteur de l'éducation, dans le secteur de l'accès aux édifices, des dispositions législatives qui, à première vue, il semblerait, permettent d'atteindre un bon nombre des objectifs. Vous semblez plaider pour une loi qui ajoute encore dans les écoles, dans les centres d'accueil et ailleurs, des obligations nouvelles. Est-ce le résultat d'un jugement que vous portez sur l'incapacité actuelle de ces différents organismes, à cause de la loi, de remplir leurs fonctions?

M. Gaudreault: Si vous permettez, le directeur de l'association pourra répondre à cette question.

M. Cloutier (Pierre): Je pense que notre mémoire veut refléter effectivement deux aspects. Une de nos préoccupations, c'est une politique sociale cohérente dans tous les éléments qui sont actifs dans le secteur de la réadaptation des handicapés. C'est un premier aspect. Bien entendu, les centres d'accueil sont parties de ces éléments. On a probablement une bonne partie de nos membres qui sont impliqués par une quantité de notions décrites dans la loi. Toutefois, un des aspects qu'on retrouve en pratique, c'est la coordination dans l'ensemble de tout ce qu'il se passe, d'où ne se dégage pas, jusqu'à maintenant, une politique de réadaptation globale pour la société du Québec. C'est au fond l'esprit de ce qu'on veut faire ressortir. A cela, on peut citer certains exemples. On a fait des recherches au niveau des ateliers protégés au Québec. Je pense qu'entre autres, votre ministère, M. le ministre, a participé à essayer de démêler cette situation. On a tenté aussi la même chose.

Je vous avoue que, de notre côté, les résultats jusqu'où on a pu aller pour déterminer des lignes de pensée et des orientations globales quant à la réadaptation au travail — je pense que c'est ressorti aussi dans les questions de ce matin — il n'y a pas de philosophie globale qu'on peut retrouver sur laquelle asseoir un texte de loi. Même chose pour les classes spéciales que vous citiez tantôt. C'est vrai qu'on a créé des classes spéciales au niveau du secteur de l'éducation. En tout cas, à notre connaissance, il n'est pas acquis, et la mission MAS-MEQ qui existe dans notre secteur d'activité plus précisément, ne dégage pas si facile-

ment... En tout cas, c'est très laborieux, ce processus intellectuel qui est en train de se faire là-dedans pour donner des lignes de pensée très cohérentes encore là. Il y a un tas de discussions qui sont loin d'être terminées, qui font que la philosophie globale de l'intégration scolaire n'est pas, à notre avis, réglée tout à fait. De la même façon, le Code du bâtiment... Pour oeuvrer dans le secteur des handicapés comme individus depuis au moins cinq ou six ans, ça fait au moins cinq ou six ans que les établissements concernés, entre autres les centres d'accueil, font des pressions pour obtenir ce fameux Code du bâtiment, et je suis fort heureux de savoir que c'est sur le point de se réaliser. Mais, encore là, jusqu'à ce jour, tout cela ne s'imbriquait pas dans un "jointage" qui devrait, à notre avis, se traduire dans la loi. Au fond, c'est la réflexion qu'on veut faire faire à la présente commission. C'est qu'on dit finalement: C'est quoi, la politique globale de la réadaptation des personnes handicapées? Après ça, en précisant pour déficients mentaux, handicapés physiques, handicapés visuels, etc., c'est quoi, la politique sociale du Québec face à ça? C'est ce qu'on ne ressent pas dans le texte de loi. Je ne sais pas si je réponds de votre question.

M. Forget: Plus ou moins. Vous savez, il y a plusieurs théories, c'est vrai, dans le domaine de la réadaptation. Je crois qu'on ne peut pas, par un texte de loi, supprimer les divergences d'opinion. C'est légitime. Dans n'importe quelle société, on veut la liberté d'opinion. Je ne vois pas en quoi un texte de loi va solutionner les problèmes précis, soit à l'école, soit dans les centres d'accueil, des problèmes qui ne pourraient pas être résolus à cause de textes de loi incomplets, de pouvoirs imprécis. Il me semble qu'il y a tout ce qu'il faut au point de vue des instruments de travail pour régler les problèmes de ce côté. Bien sûr, il peut s'agir de budgets, etc, mais ce n'est pas la loi qui va régler cela, elle va coordonner seulement un ensemble d'instruments.

Encore une fois, vous n'avez pas répondu à ma question sur le plan de savoir pourquoi vous voulez d'autres instruments légaux, alors qu'il semble que la législation actuelle, dans le domaine des affaires sociales, au moins, pour parler de ce dont je connais le plus, donne par exemple à un centre d'accueil ou un centre hospitalier tous les pouvoirs dont il peut avoir besoin pour accomplir son rôle. Quel pouvoir additionnel cherchez-vous, dans une loi, que vous n'avez pas déjà, ou que vos membres n'ont pas déjà, qui vous est essentiel pour assurer un rôle de réadaptation?

M. Gaudreault: M. le ministre, je pense que, dans le fond, c'est peut-être le noeud du problème. Nous avons suggéré une quarantaine de recommandations. Vous nous demandez quel pouvoir additionnel, quelle loi additionnelle il faudrait adopter. Nous avons peut-être un peu de difficulté à répondre. C'est pour cette raison d'ailleurs que nous recommandons la création d'une commission d'enquête.

Nous sentons, au fond, que, pour que soient reconnues les lois des handicapés, nous avons besoin de la reconnaissance par le public en général de ces lois et des applications concrètes.

Je vais prendre un exemple qui risque d'être péjoratif, mais, à toutes fins pratiques, on prend les exemples qui font notre affaire. Vous aviez besoin, pour combattre le crime, de la collaboration du public. J'imagine que c'était un objectif qui a sans doute atteint ses résultats. Le gouvernement a créé une commission d'enquête pour alerter l'opinion publique. J'ai l'impression que cela a fini par porter des fruits, même si, à très court terme, cela n'a pas été aussi évident qu'on aurait aimé que ce le soit.

Nous pensons qu'il était important de créer une commission d'enquête, pour que la société québécoise se voie dans la situation du crime organisé; nous avions aussi les structures, nous avions les codes, nous avions le Code criminel, nous avions la police, nous avons quand même créé une commission. Nous pensons que, s'il y a des mécanismes et qu'en définitive, les droits des handicapés ne sont quand même pas respectés, peut-être qu'il serait tout aussi important pour les personnes handicapées qu'on crée une commission d'enquête qui fera le bilan de la situation, qui fera la synthèse de toutes les lois existantes, qui examinera pourquoi, quand une loi existe, cela ne peut pas fonctionner, on rencontre encore des résistances, qui permettra beaucoup mieux que la simple dictée d'un projet de loi, qui permettra sans doute beaucoup mieux d'alerter l'opinion populaire.

Nous pensons que c'est majeur de pouvoir faire au moins un bilan par le biais d'une commission d'enquête, pour que la société québécoise puisse regarder le sort qu'elle fait au handicapé de façon parfois, peut-être, à choquer l'opinion publique, mais pour finir par obtenir des résultats qu'on a peut-être obtenus avec des moyens similaires dans d'autres pays.

M. Forget: Autrement dit, c'est simplement pour vous un mécanisme d'information.

M. Cloutier (Pierre): II y a deux aspects, il y a celui du bilan de la situation actuelle et il y a aussi...

M. Forget: Mais il y a des bilans qui ont été faits dans le passé, si vous me permettez de le souligner. Il y a eu des travaux de commissions d'enquête sur les services de santé et les services sociaux, il y a plusieurs bilans qui ont circulé, je crois, assez largement, un document du ministère d'il y a deux ans, qui a été l'objet d'une consultation assez large; il y a eu des bilans particuliers à certaines régions. Il y a eu des travaux qui ont été faits sur le plan régional. Tout ce qu'on apprend par ces bilans, c'est que la situation est une situation pour l'individu de difficultés d'accès à une multiplicité de services dont il pourrait bénéficier parce qu'ils existent déjà, mais auxquels il peut difficilement s'adresser parce qu'il en ignore

l'existence très souvent ou, même s'il en connaît l'existence, qu'il faut être bien portant et n'avoir aucun handicap pour se prévaloir des services destinés en principe à des handicapés, étant donné que les services ne viennent pas à l'individu, l'individu doit se déplacer vers la montagne. La montagne ne se déplace pas vers l'individu.

Exposer cela encore pendant quelques années, c'est prendre l'option de ne pas régler les problèmes, de ne pas apprendre à les régler et faire la démonstration concrète qu'on peut les régler, et de continuer à en parler. Ne trouvez-vous pas que cela fait longtemps qu'on en parle effectivement, de toutes ces questions, de l'orientation des ateliers protégés, par exemple? A ma connaissance, cela fait depuis 1971 que cette question est débattue. Je ne crois pas qu'on apprenne beaucoup de nouveau ni rien qui suscite beaucoup la curiosité populaire, parce qu'il n'y aura pas de scandale, il n'y aura pas d'exposé de situation douteuse, il va peut-être y avoir une certaine image de confusion, de manque d'orientation. Justement, plus on va retarder à en donner, plus cela va durer.

L'autre aspect de votre texte, c'est qu'ayant porté ce jugement sur ce qui m'apparaissait des carences dans les lois sociales actuelles, vous tendez à une solution qui est de rendre les services au handicapé dans le même contexte d'un peu de paternalisme de prestation de services à des gens qui ont des besoins et non pas dans un contexte de participation du handicapé, de la personne qui a des problèmes vis-à-vis de la société. La participation la plus significative, c'est évidemment celle qui lui permet d'assumer un rôle comme tout le monde dans la société, c'est-à-dire d'avoir un emploi. C'est comme cela que tout le monde se valorise dans la société. Il faut, par excellence, que ce genre de solution lui soit offert en priorité, me semble-t-il.

Vous tendez plutôt à regarder cela comme une distribution de services, comme du traitement. N'est-ce pas une façon qui, en soi, est un peu discutable, de vouloir traiter, alors qu'il ne s'agit pas tellement de vouloir traiter, il s'agit au contraire de normaliser? On ne traite pas la plupart des gens, c'est plutôt l'exception.

M. Cloutier (Pierre): C'est aussi le deuxième aspect de votre première question, à savoir quels sont les instruments que les centres d'accueil veulent de plus pour faire leur travail. Directement par rapport au projet de loi no 55, les centres d'accueil vont continuer à faire leur travail comme ils le faisaient auparavant. De façon directe, les centres d'accueil sont relativement peu touchés en tant que structures de service à l'intérieur de ce projet. On le comprend en tant qu'organisme. Nous sommes un regroupement de centres d'accueil, l'Association des centres d'accueil, toutefois, l'aspect que nous défendons, c'est l'aspect des bénéficiaires. L'autre aspect qu'il faut faire ressortir, c'est qu'entre autres la réadaptation au travail dont vous faites état commence généralement à la sortie du centre d'accueil. L'aspect thérapeutique, l'aspect du traitement, c'est notre job. On va essayer de le faire. Mais, l'aspect de l'intégration au travail, c'est quand le bonhomme est un peu prêt à s'embarquer dans la vie. Là, il quitte notre responsabilité, il n'est plus sous notre aile trop protectrice. C'est l'esprit qu'on veut dégager, la partie de la réintégration au travail, qui n'est pas une des parties les plus importantes de nos réflexions, mais on s'attarde surtout à l'aspect du traitement qui est le rôle social qu'on nous a donné en tant qu'organisme.

M. Forget: II est évident de faire cette distinction qui m'apparaît absolument de première importance, justement de traiter dans des lois distinctes de ces deux aspects qui doivent demeurer distincts à mon avis, la partie de réadaptation médicale ou psychosociale qui permet à l'individu de fonctionner, mais qui ne l'habilite pas pour autant à jouer un rôle dans la société.

Il y a deux processus, à mon avis, très différents. A vouloir les confondre dans un ensemble trop globalisant, on risque de les confondre dans la réalité et de ne pas faire les changements qui doivent être faits si les ateliers protégés, en particulier, doivent cesser d'être des endroits où on envoie souvent les gens pour y demeurer ou avec très peu d'ouverture vers le milieu normal de travail, mais plutôt comme des centres d'accueil sous un autre nom.

Si on veut changer cette réalité, il faut faire une démarcation, à mon avis, très nette non seulement dans les programmes appliqués dans l'un et l'autre organisme, mais aussi dans la législation qui leur permet d'agir au niveau des structures. C'est important. Pourquoi vouloir un parallélisme trop grand entre les structures qui existent dans les organismes dont la tâche est de donner des services à des gens qui ont des besoins de service de santé ou de services sociaux avec des structures qui ont un rôle tout autre d'intégration sociale, de réadaptation dans le milieu du travail, donc avec une perspective de travail de rendement, de participation à des activités économiques, plutôt que de recevoir des services de façon relativement passive.

M. Cloutier (Pierre): Le rajout que j'aimerais faire, si vous me le permettez, il demeure que la réintégration au travail est une partie. C'est la phase finale de la réadaptation. Le rapport Bat-shaw, qui vient d'être rendu public au printemps dernier sur la mésadaptation sociale des enfants en centre d'accueil particulièrement, faisait bien état que la réintégration sociale dans le milieu était la phase terminale de la vraie réadaptation, c'est-à-dire celle qui est globale. Vous comprenez bien que le centre d'accueil qui agit en réadaptation se soucie que, comme résultat final, le client soit intégré sur le marché du travail. Sinon vous pouvez préparer potentiellement tout individu à reprendre son travail. Mais s'il ne peut jamais aller travailler pour un employeur en pratique, en termes de rentabilité de services on aura manqué notre coup. Dans cet aspect, c'est un des soucis

quand même des centres d'accueil que le résultat soit positif.

M. Gaudreault: Et si j'enchaîne, M. le ministre, sur le terme paternaliste que vous avez utilisé, nous comprenons que vous pouvez être porté à le penser dans le contexte où nous parlons de réadaptation et de mécanisme précis de traitement. Je suis d'autant plus heureux d'avoir insisté sur nos croyances aux objectifs de la normalisation et je vous rappelle que c'est d'être beaucoup plus paternaliste que d'émettre une loi sur la protection des personnes handicapées que de dire qu'on voudrait voir plutôt le développement de la personne handicapée. Tout en admettant vos arguments qui vous laissent penser que nous avons une vision paternaliste de ce que devrait être le traitement aux handicapés, je vous rappelle aussi que tout notre mémoire est basé plutôt sur le développement de la personne que sur sa protection.

M. Forget: Question de terminologie mise à part, je ne voudrais pas que vous preniez offense d'un terme qui, je pense, est peut-être une caricature. Il reste que l'expérience que j'ai— elle est limitée, il est vrai — dans le domaine des affaires sociales, c'est que les structures de type de service social ou de services sociaux n'ont pas affiché un résultat ou un succès particulièrement grand dans des efforts de réinsertion sociale dans le milieu du travail. Je pense qu'on a beaucoup à apprendre de ce côté. On a peut-être réussi des intégrations sociales à d'autres égards, dans un milieu scolaire. De façon progressive, il y a une orientation très claire de ce côté-là. Il y a plus de 80 000 enfants au Québec, dans les classes spéciales. Donc, il a dû y avoir un impact certain, du côté même des enfants qui sont dans les centres d'accueil, une scolarisation qui se fait par les voies normales de façon de plus en plus importante. Donc, il y a des succès de ce côté. Il y a des succès sur le plan de la réadaptation fonctionnelle, physique, etc., mais de succès dans le domaine de la réinsertion dans le milieu de travail, étant donné la nature même des organismes, peut-être, leur orientation, je n'ai pas d'exemple à l'esprit d'un très grand succès, de façon générale. Il y a bien sûr peut-être deux ou trois exceptions dans tout le Québec, mais cela ne dépasse pas cela.

Le problème n'est pas tellement de savoir si on va appeler cela du développement ou de la réadaptation, c'est de savoir si effectivement en se collant à des façons d'organiser les services propres au milieu des services sociaux, des services de santé, on a des chances de succès. C'est pour cela que je me méfie un peu d'une approche qui, en voulant avoir l'air de tout régler et en faisant une espèce d'harmonie des structures qui peut sembler satisfaisante à première vue, manque essentiellement l'objectif qui est différent de l'objectif ordinairement poursuivi dans le domaine des affaires sociales.

C'est la raison d'ailleurs pour laquelle — c'est peut-être l'occasion de le mentionner — le projet de loi, de façon très voulue, n'identifie pas le ministre responsable de cette loi au ministre des Af- faires sociales. Il y a là une distinction qui est voulue, encore une fois, parce qu'il pourrait très bien se faire qu'un autre ministère, qu'un autre ministre soit mieux placé pour assurer le succès d'un tel programme.

Donc, dans notre esprit, il ne s'agit pas du tout d'un prolongement des activités des services sociaux ou des services de santé, il s'agit d'une dimension nouvelle à ajouter, et ce n'est pas du tout de défaire l'harmonie de nos structures, pour autant que des structures puissent être harmonieuses—je ne pense pas que ça le soit en soi— mais pour répondre un peu à votre préoccupation de ne pas défaire l'espèce d'intégration de tout cela dans un seul plan directeur. Il y a là une dimension nouvelle à laquelle on n'a pas été assez sensible, et il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain en voulant trop homogénéiser les structures. Il s'agit là d'une fonction nouvelle: assurer une place dans la société au handicapé. C'est une chose qu'on n'a pas faite au Québec, point. On n'a pas même commencé à le faire. On a eu des velléités de le faire dans certains domaines, on a eu quelques succès mineurs dans des cas très particuliers. Mais si on se compare à ce qu'on a pu constater, ce que j'ai pu constater moi-même, par exemple, en Belgique, il y a là probablement le programme qui a le plus grand succès, l'approche est complètement différente. Je suis persuadé moi-même que si on poursuit l'approche actuelle, on n'aura jamais de succès.

C'est une question de mentalité, de façon de penser, dans le fond. Les gens ont différents intérêts, ils ont différentes motivations et il est clair que, dans notre réseau, on n'a pas assumé cette responsabilité comme on le devait, d'où l'importance d'un projet de loi. Mais si on veut trop l'homogénéiser avec le reste des autres lois sociales existantes, on va se retrouver, après un grand détour, exactement au point de départ, c'est-à-dire une approche de service plutôt qu'une approche d'intégration et de participation à la vie active.

Si on veut, encore une fois, valoriser le handicapé dans notre société, il y a une façon par excellence de le valoriser, c'est de faire la démonstration concrète, par un organisme léger, un organisme simple, qui ne cherche pas à faire la duplication des services existants, à faire la démonstration qu'une fois, par ce moyen-là, on peut enregistrer des succès réels, concrets qui permettent d'ailleurs de payer au handicapé le même salaire qu'aux autres salariés. Parce que le handicapé va être un citoyen également productif, il l'est également pourvu qu'on lui en donne la chance. C'est la raison pour laquelle on trouve dans la loi des dispositions qui rendent applicables toutes les lois du travail, ce que nous ne faisons pas dans le moment, précisément dans le réseau des affaires sociales.

J'ai été frappé de remarquer que, conformément à cette façon de penser, l'Association des hôpitaux nous recommandait de maintenir une exception pour les stagiaires ou les bénéficiaires d'ateliers protégés. C'est une position qui est tout à fait logique, dans l'optique où on leur donne des services. Mais ce n'est pas du tout logique dans

l'optique où on essaie justement de valoriser leur potentiel comme êtres humains, comme citoyens à part entière qui se manifeste, encore une fois, par l'occupation d'une "job" comme tout le monde. C'est comme ça qu'on manifesterait tangiblement qu'on est des citoyens comme les autres. Les personnes handicapées sont capables de le faire, on ne leur en donne pas la chance actuellement.

Je ne voudrais pas prendre une tangente, puisque j'ai évité de le faire sur des questions de structure tout à l'heure, mais je pense que les questions de structure sont bien secondaires, les questions d'orientation majeure. Avant tout ceci, il faut une vocation nouvelle, il faut un organisme nouveau pour une vocation nouvelle. Pas pour, encore une fois, faire une variation sur un thème déjà connu.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, j'ai suivi avec attention l'échange qui vient d'avoir lieu entre les représentants de l'Association des centres d'accueil et le ministre. Bon nombre des points à sou-veler, évidemment en particulier avec ces invités, viennent d'être mis sur la table.

Avant d'aller à une question de détail, puisque le sujet est chaud, j'aimerais me référer à la page 25 de votre mémoire où... le débat qui vient d'avoir lieu entre les deux conceptions, celle d'utiliser à plein, en espérant qu'elles fassent mieux qu'elles n'ont jamais fait, les institutions du réseau actuel, et une nouvelle institution que le ministre a décrite comme légère, peut-être avec un peu d'exagération. Nous verrons sa portée réelle lorsque nous tracerons son portrait final. Nous discutons ici. J'aimerais me référer à cette recommandation 36, de l'évaluation faite par les établissements.

C'est là tout le litige. Si nous en sommes venus à demander et à insister, comme bon nombre de personnes handicapées et d'associations de personnes handicapées l'on fait, pour qu'on en arrive à une véritable charte qui les concerne comme telles, c'est que ces personnes n'avaient pas l'impression de recevoir pleins droits, pleine aide et pleins services favorisant leur développement, à l'intérieur des institutions actuelles.

L'article 57 nous dit que ce sera désormais l'office qui préparera un plan de reclassement professionnel pouvant comprendre, notamment, un programme de réadaptation fonctionnelle, une orientation scolaire, un programme d'enseignement scolaire ou professionnel, un programme de formation ou de rééducation, allant jusqu'à un placement sélectif.

En proposition adverse, vous nous invitez à modifier le projet de loi pour que ce soit encore — je dis encore, parce que je pense que c'est la pratique habituelle, actuelle — l'établissement qui fasse l'évaluation, l'orientation. On réserve à l'office un certain rôle de conseiller aux fins d'assurer une meilleure orientation.

Vous répétez que c'est l'établissement qui doit prendre charge de l'évaluation et de l'orientation.

L'office n'aurait, à ce moment-là, comme fonction, que celle d'être un pourvoyeur de fonds.

Nous avions parlé du comité Batshaw lorsque nous nous sommes rencontrés sur le projet de loi éventuel qui touche la protection de la jeunesse. Vous vous rappelez — je vous l'avais signalé à cette occasion — que le comité Batshaw n'y est pas allé de main morte quant à l'évaluation générale des centres d'accueil dans leur rendement, quant à l'aspect éducatif de ces programmes de réadaptation pour jeunes déficients mentaux, par exemple, qui sont dans des centres d'accueil.

Je ne les ai pas apportés avec moi, parce que je ne croyais pas avoir à m'en servir aujourd'hui, mais je me rappelle que les indications du rapport Batshaw sont — je ne pense pas exagérer en le disant — négatives quant à l'évaluation qu'il a faite de l'attention qu'on accordait, dans les centres d'accueil actuels, à ces tâches.

Effectivement, la connaissance très réduite que je puis avoir d'un certain nombre de centres d'accueil que j'ai visités ou dont j'ai entendu parler ne m'incite pas à donner aux institutions actuelles un chèque en blanc de confiance quant à leur préoccupation pour développer chez elles les programmes de réadaptation fonctionnelle, médicale, ou d'orientation scolaire ou professionnelle, etc., des jeunes, en particulier, qui sont dans les centres d'accueil.

Cela m'a paru, à plusieurs endroits, aller — c'est, d'ailleurs, le constat que Batshaw fait — un peu cahin-caha, selon les relations que les établissements réussissent à établir avec leurs employés, ce qui, en soi, est déjà toute une épreuve et, deuxièmement, avec les bénéficiaires du centre d'accueil lui-même.

Quant à moi, je ne suis pas étonné de voir que la loi porte, dans son article 57, la rédaction actuelle.

Si on veut faire quelque chose, si on veut intervenir efficacement — et je le dis parce que je suis d'accord sur votre remarque quant au titre de la loi dans le sens du développement de la personne handicapée — je pense, puisque celles qui existent n'ont pas produit énormément depuis le début, à remettre à une structure additionnelle qui s'attacherait uniquement à la personne handicapée la création de ces programmes et le devoir de s'occuper de l'orientation devant conduire jusqu'au placement sélectif, donc jusqu'à la réinsertion sociale, qui est, comme vous l'avez dit tantôt, M. Cloutier, la terminaison de ce qui s'appelle la réadaptation.

Ma question est la suivante: Après avoir fait le constat de l'opposition à votre proposition, et du texte de loi, à partir de quelle opinion pouvez-vous nous demander aujourd'hui d'exclure l'office, que, par ailleurs, vous ne contestez pas, puisque vous reconnaissez l'existence d'un office? Pourquoi cet office aurait-il tous les pouvoirs, sauf précisément celui de travailler à la réadaptation à l'intérieur des établissements, que vous voulez conserver, un peu comme les hôpitaux tout à l'heure, fermés à l'office?

M. Gaudreault: Un premier aspect de la ques-

tion, par rapport à votre énoncé. Sur la commission Batshaw, je tiens à préciser que les centres d'accueil reconnaissent qu'ils ont eu certaines difficultés à organiser vraiment de façon toujours efficace le traitement de la réadaptation de la clientèle visée par la commission Batshaw. On déplore seulement une chose. C'est que la commission Batshaw a identifié les problèmes du centre d'accueil et a oublié de tenir compte de l'environnement.

Peut-être que si le centre d'accueil, demain matin, réglait tous ses problèmes et atteignait tous ses objectifs de façon impeccable, j'aurais quelques exemples à donner. Un an après, deux ans après, si on avait un paquet de moyens en branle, peut-être que si on avait analysé un peu les causes aussi de l'environnement pour lesquelles l'intégration se fait difficilement et qu'on n'atteint pas certains objectifs, cela aurait été tout aussi intéressant pour nous autres, les centres d'accueil.

D'autre part, je vous souligne que la clientèle qui est touchée par la loi 55 n'a pas été touchée, à mon avis, par la commission Batshaw, parce que celle-ci a touché surtout à la clientèle mésadaptée, socio-affective. La déficience mentale n'a pas été touchée — je crois qu'elle n'a pas été touchée — ni la clientèle des handicapés physiques ou mentaux en général. C'est le premier aspect.

Justement, en ce qui concerne notre proposition de voir que l'établissement ait la compétence pour faire l'évaluation de la clientèle, on ne peut pas faire autrement, en tant qu'association de centres d'accueil, de prétendre qu'on a la compétence pour faire l'évaluation. On ne veut pas par là nécessairement diminuer les pouvoirs de l'office, quoique qu'on n'ait pas essayé de remplacer le ministère des Affaires sociales dans la rédaction de notre mémoire. On s'est dit que le ministère des Affaires sociales était très bien doté en effectif pour prévoir ses propres mécanismes.

En ce qui concerne les centres pour handicapés, les centres pour déficients, les écueils les plus importants rencontrés à l'heure actuelle ne sont pas ceux qui sont impliqués dans le processus d'évaluation de la clientèle. C'est beaucoup plus clair dans ce cas que dans les cas des centres d'accueil pour mésadaptés. Ce sont plutôt les facilités qu'on a de procéder à une réinsertion sociale de la clientèle.

J'ai cité des exemples tout à l'heure. On parle d'intégration scolaire. On dit que l'intégration scolaire est faite. Je prétends qu'elle n'est pas faite. L'intégration scolaire, certains centres d'accueil ont envoyé presque toute leur clientèle, y compris des déficients mentaux qui pouvaient avoir un quotient intellectuel aussi faible que 25% ou 30% par rapport à une normale de 100%, ont envoyé tous ces enfants dans l'école. Je suis en mesure de vous démontrer qu'on n'a pas réussi à intégrer cette clientèle dans l'école.

On a pris une responsabilité que l'institution avait. La commission scolaire a pris cette respon-sabilit, mais on n'a pas nécessairement intégré cette clientèle au milieu de vie normale. Allez voir comment cela fonctionne dans une école? Vous allez encore retrouver des écoles où il n'y a que des chaises roulantes; vous allez encore retrouver des écoles où il n'y a que des déficients. Je ne crois pas qu'on ait réussi et qu'on puisse dire qu'on a fait un pas considérable en intégrant au niveau de l'école les clientèles que nous avions en leur permettant au moins de la fréquenter et d'être à la charge d'un organisme qui s'appelle le ministère de l'Education.

On a fait un pas en avant et on a réussi quand même à intégrer un grand nombre de cas. On ne peut pas prétendre qu'on a réussi à faire de l'intégration scolaire. Pour nous, c'est un obstacle. De la même façon, le marché du travail, puisque c'est principalement cela qu'on doit considérer; quant au marché du travail, peu importe les habilités qu'on va développer, peu importe jusqu'à quel point on va développer le degré d'autonomie de l'individu handicapé, nous nous heurtons continuellement à toutes sortes de barrières qu'on a énoncées dans le mémoire.

Evidemment, on a idéalisé en voulant qu'il y ait une espèce de supercoordination de toutes ces structures, pour qu'enfin, cela fonctionne. Nous reconnaissons peut-être implicitement aussi que cela dépend peut-être d'un manque d'information flagrant et d'un manque de communication flagrant avec la population qui développe des résistances, parce qu'on n'a pas su lui démontrer qu'un déficient mental, qu'un handicapé physique, cela ne mange personne. Ces gens ont des problèmes, par ailleurs, avec lesquels il faut que la population compose. Alors, en ce qui concerne l'évaluation, je pense que c'est à l'établissement de faire l'évaluation et l'orientation et que cette orientation est bloquée, à l'heure actuelle, par des mécanismes qui sont externes, par notre environnement.

M. Cloutier: Quant à l'aspect de la réintégration, ce n'est que relativement récemment que le centre d'accueil a eu précisément dans son mandat, venant des autorités compétentes, la responsabilité de la réintégration de façon prescrite. C'était sous-jacent, bien entendu. A partir de maintenant, on vous avoue qu'on risque et on dit qu'on peut être évalué sur la dimension réintégration sociale, parce que maintenant, c'est dans notre mandat précis, et d'ailleurs, c'est ce que Batshaw rajoute et c'est ce qu'on dit aussi là-dedans. C'est dans notre mandat précis de travailler à la réintégration sociale. Toutefois, le ministre tantôt faisait état de ne pas chambarder toute la structure existante, mais il fallait ajouter autre chose. La minute où l'office, en termes d'évaluation et en termes de prescription à un centre d'accueil devra appliquer tel ou tel programme, il faudra, d'une part, qu'il connaissance l'ensemble des programmes qui existent dans nos centres d'accueil, d'autre part, envoyer le bon client au bon endroit pour assurer les plus grandes possibilités, puis demander à ce centre d'accueil d'imposer tel plan de réadaptation. Là, il faut connaître l'équipement qu'il faut pour l'appliquer, je ne parle pas d'équipement matériel, je parle de ressources humaines. Je vous dis que là, on a des risques énormes de mélanger des structures et de ne pas rajouter, mais de mêler en-

core les cartes. Au fond, dans les centres d'accueil précisément concernés dans l'aspect évaluation, ces centres d'accueil le font depuis fort longtemps. Je pense que là-dessus, on peut aller voir quel résultat peut apporter, par exemple, le comité d'admission dans un centre d'accueil de réadaptation, quel est l'état du dossier. J'en ai vu quelque mille pour ce qui est de mon expérience personnelle. Je ne vous dis pas qu'ils sont tous très parfaits, je vous dis qu'il y a des choses impressionnantes en termes de compétence sur l'évaluation des programmes et des besoins de réadaptation, et particulièrement, comme expérience personnelle, dans les domaines des handicapés physiques, j'ai vu des choses qui sont à voir. Je ne suis pas sûr qu'avec une structure parallèle jusqu'à un certain point quand on touche le secteur d'activité, on ne risque pas de mélanger des structures.

M. Forget: Je pense que le débat risque d'être un peu porté à faux, il me semble, quand on... Je crois que tout cela, c'est alentour de deux ou trois mots dans l'article 57. Je ne vois pas que le problème soit aussi majeur qu'on semble le faire par le débat qu'on a actuellement. Personnellement, je ne mets pas du tout en doute la capacité, avec le temps, les ressources et les mandats plus précis à cet égard de centres d'accueil de réadaptation, d'assumer une responsabilité avec succès dans certains aspects de la réadaptation. Le problème qui se pose n'est vraiment pas celui-là. Pour citer l'exemple facile de la région administrative de Québec, nous avons demandé, je crois que c'est en 1974, à un comité interministériel — c'étaient les travaux préparatoires à cette loi — d'établir pour une seule région administrative du Québec l'ensemble des ressources existantes auxquelles pourrait vouloir ou devoir s'adresser une personne qui a un handicap quelconque.

Cela a pris pas moins de huit mois, si ma mémoire est bonne, à ce comité interministériel seulement pour faire l'inventaire des possibilités. Il y a des programmes de perfectionnement au ministère fédéral de la Main-d'Oeuvre, il y a des programmes ici, il y a des programmes là, dans à peu près tous les ministères, qu'il s'agisse du ministère de l'Education, de celui des Affaires sociales, certains programmes pour favoriser l'emploi à tel et tel ministère, à différents niveaux, etc. Il y avait une liste très impressionnante des ressources.

Le problème ne se pose donc pas de savoir si les ressources sont là ou pas. Très souvent, elles y sont. Le problème est de savoir comment les coordonner. Or, faire appel aux structures en place ne règle absolument rien. On sait ce qu'elles sont dans le moment et elles ne sont pas particulièrement coordonnées. Bien sûr, elles appartiennent à un réseau d'établissements qui doivent, en principe, se parler et s'échanger des services. Il reste que, dans un cas concret, une personne qui est hémiplégique, à Québec, dans le moment, et qui se demande si elle ne pourrait pas occuper un emploi et qui doit faire les démarches auprès des centres de Main-d'Oeuvre du Canada, du ministère du Travail, du ministère de l'Education, formation des adultes, etc., qui doit courir les formules d'inscription, les dates de cours, voir si l'évaluation qu'on peut faire de sa capacité physique va être faite à temps pour lui permettre de choisir une option professionnelle, bien s'assurer que l'option professionnelle est en fonction justement de l'évaluation qui a été faite de ses capacités de réadaptation, s'assurer s'il y a un employeur qui est disposé à la prendre à l'essai, etc., tout ça, qui va le faire dans le moment? Je n'ai jamais eu de réponse à cette question, et c'est la raison pour laquelle on suggère de créer un office pas pour donner des cours, pas pour remplacer le ministère de l'Education, pas pour remplacer les bureaux de placement, pas pour remplacer les employeurs, mais, pour s'assurer que, dans le cas d'un individu qui est mal pris et qui a besoin d'aide pour mettre ensemble tous ces éléments, on lui donne une aide effective, qu'on dresse avec lui un programme qui va comporter différents éléments, le premier étant une évaluation professionnelle, le deuxième étant de l'information sur les cours et les emplois disponibles, le troisième étant une aide pour s'y inscrire, trouver les façons de se déplacer pour aller à ces cours, si c'est là le problème, faire les démarches auprès d'un employeur pour le sensibiliser au potentiel qui peut exister, utiliser cette information pour le choix des options au niveau de l'éducation des adultes, etc. Il n'y a absolument aucun organisme, à l'heure actuelle, qui fait ce travail, et, à moins d'en créer un, je ne vois pas comment on va effectivement donner une réponse à ça. Je pense que ce n'est pas critiquer ni l'efficacité des programmes de formation professionnelle, ni l'efficacité ou la qualité des évaluations professionnelles qui sont faites. Il reste que tous les ingrédients pour faire le gâteau sont sur la table, mais il n'y a personne pour battre les oeufs avec le lait pour en faire un gâteau. C'est aussi bête que ça, et, à moins qu'on mette sur pied un organisme pour le faire et un organisme qui est orienté vers le but final à atteindre plutôt que vers le genre de ressources qui doivent être utilisées pour le faire, autrement dit, qui est plus axé sur la société et le rôle du handicapédans la société plutôt que le monde des services sociaux et le monde des services de santé, je pense qu'on pourra peut-être trouver la formule; mais ce ne sera peut-être pas la formule susceptible de nous assurer l'objectif final qui est l'intégration dans le milieu du travail, si on parle de ça, et je pense que c'est un volet très important. C'est le moyen de rendre autonome économiquement un individu, de le valoriser aux yeux de ses pairs, aux yeux de sa famille, de son entourage. On n'a pas d'organisme pour le faire. Je suis convaincu, encore une fois, pour me répéter, je m'excuse, M. le Président, si je me répète, que nous n'avons pas, à l'intérieur du réseau des affaires sociales, le potentiel actuellement pour le faire avec les organismes existants. Ce n'est pas les condamner individuellement ou collectivement. Ce n'est pas déprécier la qualité des services qu'ils peuvent rendre, mais ce sont des éléments d'un tout, et le tout, il n'y a pas de

maître-d'oeuvre du tout. C'est relativement facile de le faire, si on a un organisme, justement, dont c'est la seule fonction.

Je pense— je veux insister là-dessus — qu'il ne s'agit pas de critiquer ou de mettre en doute la qualité des évaluations, mais une personne qui a eu un accident, par exemple, qui a eu une maladie qui la laisse handicapée va probablement pouvoir obtenir une réadaptation fonctionnelle qui va lui permettre de fonctionner, de retrouver chez elle, de faire une vie à peu près normale.

Sauf que, si elle a perdu l'usage d'un membre, on va lui apprendre à se débrouiller. On ne lui apprendra pas le nouveau métier, dans un centre d'accueil, qui lui est nécessaire, étant donné qu'elle a peut-être perdu celui qu'elle avait. Si c'était un chauffeur de camion et qu'il a perdu l'usage d'un bras, il va falloir qu'il apprenne un nouveau métier, il va falloir trouver un employeur qui est prêt à prendre quelqu'un qui n'a que l'usage d'un bras. Encore une fois, qui va faire cela? Les services de main-d'oeuvre? Je pense qu'ils ont d'autres priorités, qu'ils ont d'autres personnes à placer qui ne posent pas ces problèmes et qu'effectivement, si l'on regarde les statistiques de placement par les bureaux de main-d'oeuvre, ce n'est pas là qu'on va placer les hémiplégiques, ce n'est pas là qu'on va placer des gens qui ont de véritables problèmes.

L'expérience démontre, tant aux Etats-Unis qu'en Europe, là où il y a eu, à cause des guerres ou autrement, des raisons de placer des invalides de guerre, par exemple, que 90% des gens — on n'a pas placé tout le monde — qu'on a placés fonctionnent comme vous et moi dans la société. C'est un fardeau social de moins, mais c'est peut-être plus important pour l'individu, c'est une vie normale de retrouvée. Ce n'est que cela et c'est tout cela. C'est extrêmement important, je pense, de le voir dans le contexte précis, non pas dans une remise en question de tout un réseau, mais dans le contexte précis d'une tâche à accomplir que personne ne fait à l'heure actuelle.

M. Boudreault: M. le Président, j'aimerais préciser tout de suite, pour éviter les malentendus, en ce qui concerne nos intentions, que, si nous demandons qu'une commission d'enquête soit créée, ce n'est pas pour éviter qu'un office soit créé. Evidemment, si le gouvernement était pour refuser une commission d'enquête, nous pensons quand même qu'il est impératif, urgent, à toutes fins pratiques, de créer cet office. J'espère que, là-dessus, il n'y a pas de fausse interprétation en ce qui concerne notre mémoire.

Le Président (M. Brisson): Le député de Saint-Jacques a-t-il d'autres questions?

M. Charron: Non. Merci aux invités.

Le Président (M. Brisson): Le député de Johnson a-t-il des questions?

M. Bellemare (Johnson): Oui, M. le Président. Ce matin, vous avez assisté à un débat au sujet des articles 46 et 48 quant aux critères de base que fixe la loi quand il s'agit d'une incapacité physique et d'une incapacité mentale, 30% et 20%. Dans votre mémoire, vous dites, à la page 22: "Nous recommandons que les pourcentages soient abrogés et souhaitons voir un comité professionnel pour déterminer le degré de déficience en respectant les particularités de chaque personne handicapée".

Si je relis aussi le débat sur l'article 48 où il est question d'un professionnel de la santé, le mémoire des hôpitaux, cet après-midi disait qu'il voulait reconnaître partout, quand il s'agit d'un professionnel, un médecin. Je pense que là, il peut y avoir, de votre part, certaines objections. Je voudrais connaître votre opinion sur ces deux questions. D'abord, qu'est-ce que vous pensez des 30% de déficience physique et des 20% de déficience mentale et votre proposition, qui se dit pour la formation d'un comité professionnel, pour déterminer le degré de déficience physique et mentale?

M. Gaudreault: Disons qu'il est peut-être facile, comme vous avez dû le remarquer depuis ce matin et cela se passera probablement dans les prochains jours, à la prochaine commission, d'être contre les pourcentages pour les raisons qu'on connaît, parce que chacun ayant essayé d'amener une opinion sur les pourcentages, on ne s'en sort pas. Probablement que les professionnels auraient de la difficulté à s'en sortir eux-mêmes. Disons que c'est pour éviter de poser une barrière rigide qui ferait qu'à 29% environ, on n'y a plus droit, mais on admet la difficulté. Par ailleurs, on n'est pas contre la création de critères qui permettraient tout à coup d'encadrer, avec une meilleure précision que celle qu'on retrouve dans le texte actuel, l'application d'une loi qui suppose des déboursés assez importants. Si les professionnels et les experts, dont il est question dans notre intervention, peuvent en arriver à établir des critères communs non seulement de sous-groupes de handicapés, mais à plusieurs sous-groupes de handicapés, nous serions, à ce moment-là, plus enclins à appuyer la détermination de certains cadres de référence. C'est la première partie de votre question, je pense.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que l'expérience que vous vivez présentement, prouve, de toute évidence, que 30%, c'est raisonnable ou 20%, mentalement, c'est raisonnable?

M. Gaudreault: Je pense que justement la difficulté de faire une barrière... Je donnais l'exemple...

M. Bellemare (Johnson): ... si je termine. M. Gaudreault: Oui, monsieur.

M. Bellemare (Johnson): Ou si votre expérience d'aujourd'hui prouve que le comité d'experts pourrait peut-être juger, au point de vue de l'état individuel de chaque personne, son rendement fonctionnel. Est-ce que ce ne serait pas

mieux que ce soit établi d'une manière fonctionnelle au point de vue des handicapés physiques, des handicapés mentaux que de fixer des barèmes comme ceux-là: 30% et 20% arbitrairement? Actuellement, ce que vous vivez.

M. Gaudreault: Je pense qu'il serait plus pratique de fixer les critères qui s'appliqueraient à une personne en fonction de son potentiel. Je pense que nous répétons ce qui a été dit ce matin. Par exemple, un individu en chaise roulante, s'il est avocat, peut peut-être avoir 100% de sa capacité, dépendamment des circonstances, mais travailler pour Dominion Bridge dans les structures, il a zéro de capacité. Vous voyez quand même la complexité du problème. L'idéal serait que l'équipe de professionnels soit appelée à faire du cas-par-cas en fonction non seulement du handicap lui-même, mais du potentiel de l'individu. Parce que l'individu a un potentiel XY et c'est à partir de cela seulement qu'on peut dire qu'il a un pourcentage de handicap. Quoiqu'on admette que cela pourrait créer une structure très lourde que de faire du cas-par-cas, mais ce serait probablement, dans le sens de l'intérêt de la personne handicapée, l'idéal de faire du cas-par-cas. C'est pratique. C'est possible de le faire.

M. Bellemare (Johnson): Ma question s'adresse à vous personnellement. Est-ce que, dans les cas que vous avez dans les centres d'accueil, ce sont des gens qui ont plus que 30% ou beaucoup de gens qui sont en bas de 30%?

M. Gaudreault: Si on prend les handicapés mentaux, ceux que je connais plus particulièrement, mes collègues pourront parler des handicapés fonctionnels, dans les centres d'accueil, les handicapés mentaux qui ont moins de 20% de handicap, il n'en existe pas. C'est un individu qui est capable d'opérer comme tout le monde. Je peux vous dire qu'on se rend maintenant à la pensée des centres d'accueil, c'est qu'un handicapé mental, qui a même jusqu'à 30% de quotient, c'est-à-dire par rapport au normal qui est 100, soit 70 de handicap, en deça de cette norme, il peut être intégré dépendememnt de son potentiel. C'est dans ce sens qu'il faudrait répondre cas par cas. On vit régulièrement l'expérience de personnes handicapés que l'on intègre dans la société, parce qu'on finit quand même par en intégrer, ce n'est pas en fonction d'un pourcentage. Je pense que ça on peut le démontrer.

Un handicapé physique peut avoir 40% d'incapacité au sens d'un médecin et être capable d'accomplir une tâche avec 70% de rendement, et l'inverse dans certains cas. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Cloutier (Pierre): Quant aux handicapés physiques, pour parler de ceux-là précisément, les évaluations qui sont faites dans les quelques centres d'accueil concernés ne sont pas orientées en fonction d'un pourcentage de handicap. Ils sont évalués, ces individus, d'abord cas par cas et en fonction des chances de réinsertion sociale. Par exemple, on est appelé souvent, en tant que centre d'accueil, comme expert, à aller devant une cour de justice pour décréter si un handicapé, pour les redevances d'assurance, doit recevoir entre $10 000 et $150 000. En tant que centre d'accueil, on a beaucoup de difficultés à évaluer, parce que ce n'est pas le sens de notre préoccupation, le résidu physique par exemple. Ce qu'on essaie plutôt d'évaluer, ce sont les chances de réintégration sociale. A partir de ça, notre bonhomme, qui était camionneur, s'il devient hypothéqué physiquement plus qu'un gars qui travaillait intellectuellement, devient un bonhomme plus difficile à réintégrer, donc plus hypothéqué et là, on pourrait parler de pourcentage.

Mais ce n'est pas du tout l'approche qui est donnée au problème, en terme de pourcentage, que de dire: Telle personne, globalement, est hypothéquée de telle façon ou à tel pourcentage. Je ne peux pas répondre à votre question, parce que ce n'est pas l'approche qui est donnée chez nous.

M. Bellemare (Johnson): Si la loi entrait en vigueur telle qu'elle est conçue, 30% de capacité physique et 20% de capacité mentale, ça vous causerait des préjudices vis-à-vis des handicapés. Vous ne pourriez peut-être pas donner les services que vous donnez présentement, parce que ce ne serait pas du cas par cas, ça ne serait pas fonctionnel, ça ne serait pas un cas individuel. Il peut même y avoir des cas à 35% qui sont des grands handicapés.

M. Cloutier (Pierre): Si j'ai bien compris l'esprit de la loi, le rôle des centres d'accueil vis-à-vis de ce 30% est un barème auquel l'office peut avoir recours. Le centre d'accueil continuera peut-être en ce moment à avoir des cas qui ont 10% de handicap, selon les notions qui peuvent être dégagées, selon les notions auxquelles nous ne sommes pas encore adaptés, et il sera peut-être traité chez nous quand même. Ce n'est pas un préjudice à son service à recevoir dans un centre d'accueil que cette norme existe là. Cela lui donne des droits de recours ou pas, ou des droits de redevance d'argent pour certains aspects, si j'ai bien compris. Je ne vois pas comment, au centre d'accueil, par rapport à la prescription de 30% et de 20%, dans la mesure où l'esprit de la loi est celui que je comprends, cela affecterait nos programmes de réadaptation. J'ai de la difficulté à établir le parallèle.

M. Bellemare (Johnson): Ma deuxième question portait sur les professionnels de la santé. Votre recommandation, à la page 23, est que l'expression soit changée pour "tout autre expert librement choisi par le demandeur".

M. Gaudreault: Je prends un exemple. A l'article 49 on dit: "tout autre expert qu'il désigne en tenant compte des exigences de l'examen". Quand c'est un médecin, le demandeur peut choisir. Quand c'est un expert, le demandeur ne peut plus choisir. Nous pensons que, dans les deux cas, il pourrait choisir. Nous reconnaissons aussi

qu'il y a des experts autres que des médecins et nous sommes formels là-dessus. Nous sommes absolument en dissidence avec nos collègues de l'AHPQ, quoiqu'ils n'aient pas été formels, qui on dit que ça devrait être des médecins seulement. Cela peut être plus clair de définir le statut d'un médecin en tant qu'expert. Je ne pense pas que l'AHPQ ait voulu dire ça. Mais nous sommes clairs, pour être conséquents avec ce qu'on vient de dire, que ça dépend d'un grand nombre de facteurs. Le handicap, le pourcentage, cela peut dépendre de la société qui environne, cela peut dépendre du comportement de l'individu. On ne peut pas faire autrement que de dire que les experts qui vont avoir à juger d'un cas doivent être des professionnels ou des gens de diverses formations. Cela peut être un psychologue, un spécialiste, un orthopédagogue, ça peut être différentes choses, mais surtout pas seulement des médecins.

M. Cloutier (Pierre): D'ailleurs, sur cet aspect, il serait fort probablement souhaitable qu'à un moment donné on s'attarde à cette notion d'experts pour essayer d'établir des paramètres. Qui est expert et qui ne l'est pas, c'est une notion très difficile à définir. Ce qu'on sait, c'est que cela ne se limite pas, dans des équipes de travail — il faut parler là d'équipes de travail — aux médecins seulement. C'est la préoccupation que l'association vous soumet.

M. Bellemare (Johnson): Quand on dit des professionnels de la santé, est-ce qu'on comprend les experts également?

M. Gaudreault: Si vous le permettez, sur cette question, après avoir discuté, il est si complexe ce problème que j'aurais envie de retourner la question à M. le ministre. Le professionnel a toutes sortes d'opinions, juridiques ou autres, sur ce qu'est un professionnel de la santé. Je vous avoue que nous avons eu beaucoup de difficulté à déterminer ce qu'est un professionnel de la santé.

M. Forget: II n'y a pas de définition juridique des mots "professionnel de la santé". Il y a les professions de la santé; donc, il y a des professionnels de la santé. Il y a évidemment un peu de doute dans l'esprit des gens à savoir jusqu'où peut-on aller pour désigner tel ou tel professionnel comme "professionnel de la santé".

Mais ce sont des cas marginaux dans l'ensemble. Il y a environ 18 groupes professionnels qui correspondent à cette notion de "professionnels de la santé" dans un sens large. Il faudrait peut-être le préciser, mais, à ce sujet-là, il est difficile d'aller dans une loi comme celle-là pour indiquer des champs de compétence professionnelle. Je pense qu'il y a un problème de concordance avec les lois professionnelles. On ne peut certainement pas interdire à quelqu'un d'agir comme expert dans un domaine où les lois professionnelles lui donnent le droit d'agir comme expert, dans un procès devant une cour de justice, par exemple.

Il peut se faire, quoique c'est une partie de la loi qu'on va sûrement réexaminer, qu'on doive employer des expressions génériques. Si on veut être plus précis, on risque de contredire d'autres lois qui qualifient de professionnels toute une série de gens qui ont le droit d'agir comme tels, à moins qu'on n'ait des raisons très sérieuses de croire qu'ils ne sont pas qualifiés. S'ils ne sont pas qualifiés pour cela, ils ne sont probablement pas qualifiés pour autre chose. Donc, c'est toute la législation professionnelle qu'on peut remettre en doute.

Ce qui est clair, en pratique, c'est que nos discussions avec des organismes de ce genre, d'autres pays, font ressortir qu'effectivement ce ne sont pas seulement les médecins, mais qu'il y a toutes sortes d'experts en réadaptation. Il y a les prothésistes, par exemple. On peut avoir à l'esprit un type d'emploi, un type d'occupation pour une personne qui souffre d'un handicap physique et pour laquelle une prothèse, spécialement adaptée au genre d'emploi qui est envisagé, est nécessaire. A ce moment-là, il faut consulter, pour possibilité d'adaptation, un prothésiste qui va être celui qui va répondre à la question de la possibilité d'adaptation sur le marché du travail. Un audiologiste pourra être nécessaire pour le problème d'ouïe.

Il est très difficile d'avoir une liste exhaustive. Je pense qu'on sait intuitivement ce que c'est un expert. Il faut croire, d'un autre côté, que, si l'office a une vocation bien déterminée, qui est d'aider les personnes handicapées, s'il est doté d'un personnel compétent, il saura trouver les experts. On ne peut pas administrer pour lui, par anticipation, dans chacun des cas qui lui seront soumis. Ce sont des décisions qui devront être prises à ce niveau-là, je pense, à moins qu'on n'ait raison de croire qu'il est d'ordre public d'énoncer des interdictions. Moi, je n'en vois, a priori.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Je vous remercie, messieurs.

M. Gaudreault: Nous vous remercions de votre attention, MM. les membres de la commission.

Le Président (M. Brisson): Bienvenue. Je prierais M. Normand Caron, directeur général de la Ligue des droits de l'homme, de présenter son mémoire.

La Ligue des droits de l'homme

M. Caron (Normand): M. le Président, je m'excuse de ne pas être accompagné. Il faudrait excuser mes confrères de la Ligue des droits de l'homme.

Notre conseil d'administration étant composé essentiellement de bénévoles, il était très difficile de passer la journée ici avec nous et de se retrouver à 17 heures, comme cela, pour présenter notre mémoire. Il y en a qui ont dû partir et je me retrouve Seul pour présenter les quelques réflexions que nous a inspirées le projet de loi sur la protection des personnes handicapées.

Je suis directeur général de la ligue. Mon nom est Normand Caron. Je ne sais pas si la ligue a besoin d'une présentation. Je sais que le ministre doit bien connaître la ligue pour y avoir été un membre très actif. Depuis le temps où il est parti, cela a évolué.

M. Charron: Y a-t-il un rapport entre les deux?

M. Caron (Normand): Elle débutait. En fait, la ligue était très jeune, à l'époque où M. Forget y était.

M. Bellemare (Johnson): Très bonne recommandation.

Le Président (M. Brisson): Vous pouvez continuer, M. Caron.

M. Caron (Normand): Permettez-moi un commentaire très général qui est un peu ce que je ressens. Il y a, parmi nous, beaucoup de handicapés qui ont pris la peine de se déplacer de Montréal pour venir témoigner, dire ce qu'ils pensaient du projet de loi. Je trouve qu'il y a une espèce de discrimination dans le fait de ne pas les avoir entendus ou de ne pas les avoir laissé parler tout de suite. On a entendu les professionnels du secteur hospitalier ou des centres d'accueil, qui, probablement, à 17 heures, ont terminé leur journée de travail.

On est encore ici. On vous remercie de nous écouter, mais on sent qu'il y a quelque chose qui cloche dans cette affaire. Enfin! L'avant-propos de notre mémoire, peut-être parce que c'est la première fois depuis novembre 1975 qu'on a l'occasion de venir en commission parlementaire, concerne la méthode. J'espère que ce n'est pas une façon générale de procéder, mais on s'est retrouvé en plein coeur de l'été avec ce projet de loi 55. Le projet de loi a été déposé le 28 juin. Comme dans ce secteur il y a beaucoup d'associations bénévoles, vous comprendrez que c'est très difficile, surtout avec l'été qu'on a connu, d'apporter une attention systématique et de faire une étude serrée de ce projet de loi. On l'a fait très tard, parce qu'on a découvert très tard l'importance de ce projet de loi.

Il a fallu faire des tours de force et même convoquer des sessions d'étude pendant la longue fin de semaine du travail pour tenter, collectivement, de voir ce qu'il y avait dans ce projet de loi. Je trouve que c'est un handicap pour le processus démocratique que de devoir procéder dans ce contexte. Nécessairement, nos remarques peuvent apparaître superficielles pour ceux qui, quotidiennement, se font la main à l'étude des projets de loi et voient article par article les différentes considérations qui y sont contenues.

Il y a aussi le fait que la consultation préalable apparaît boiteuse dans ce cas-ci, parce que tous les groupes qui ont été consultés là-dessus ont manifesté le sentiment que le projet de loi est tombé avant qu'un processus de consultation très large n'ait été mené parmi la population. On reviendra là-dessus tout à l'heure.

On essaie d'être vigilant sur ce processus démocratique fondamental. Dans ce cas-ci, on trouve qu'on a manqué un peu.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais intervenir à ce point-ci, parce que je crois que ce qu'on vient d'entendre mérite d'être relevé immédiatement. Il y a plusieurs affirmations qui ont été faites qui méritent d'être soulevées, à la fois dans le rapport et dans la présentation du président de la ligue.

Je dois dire que je trouve inadmissible le ton employé par M. Caron, c'est ça! pour aborder la discussion du projet de loi.

Je crois que, s'il est si vigilant quant aux institutions démocratiques, il doit également tenir compte que son rôle ici n'est pas de venir faire la leçon à qui que ce soit, surtout lorsque la première page de son mémoire contient une erreur manifeste. Il prétend, sans avoir vérifié suffisamment, je pense, que le projet de loi a été déposé sans aucune consultation préalable. Ceci est absolument faux, puisqu'il y a eu de nombreuses consultations, peut-être pas avec le groupe qu'il représente — je peux comprendre certains sentiments de frustration — mais avec certains groupes de handicapés. On sait qu'il y en a plusieurs au Québec. J'en ai rencontré personnellement et mes collaborateurs en ont rencontré également. Même s'il n'y en avait pas eu, je pense que l'autre remarque qu'il a faite au sujet des travaux d'été fait partie un peu du folklore qu'on entretient ici au Québec quand il s'agit de travailler entre les mois de mai et d'octobre. Je n'ai jamais vu d'analogie nulle part ailleurs, ou de principe voulant que la vie doive s'arrêter pendant quatre mois durant l'été.

Je pense que c'est peut-être, dans certains pays du sud, une pratique qui peut exister, mais je sais que, quant à moi, j'ai travaillé tout l'été. Je pense que c'est vrai pour la plupart des membres de l'Assemblée nationale et la plupart des Québécois qui travaillent plus que huit mois par année. Donc, je ne peux pas vraiment voir le bien-fondé d'une argumentation qui est basée sur le fait que trois mois sont insuffisants à des groupes qui se disent bien au fait des réalités sur lesquelles porte un projet de loi pour énoncer un avis considéré, un avis qui ne doit pas être basé sur des recherches académiques, mais sur une expérience vécue, sur des connaissances personnelles, puisque évidemment, on ne demande pas davantage à des groupes comme ceux-là.

Pour terminer, la remarque indiquant que vous êtes accompagné de personnes handicapées et qu'on a exercé de la discrimination à votre égard, si vous aviez mentionné ce fait, on aurait peut-être pu en tenir compte; mais malheureusement, dans la préparation de l'ordre du jour, je n'ai été aucunement mis au courant que vous seriez accompagné. Je pensaisqu'on avait affaire, non pas à des personnes handicapées, mais à des experts des droits de l'homme, et à ce titre, je ne vois pas pourquoi vous auriez eu la préséance sur d'autres experts qu'on a entendus un peu plus tôt dans la journée. Croyez bien que je regrette le retard

qu'on a mis à vous entendre, mais ce n'est certainement pas de la discrimination.

Je crois qu'il est nécessaire d'apporter ces précisions, parce que, tenons compte d'une chose, les commissions parlementaires au Québec sont une institution relativement récente, quant à ce qui est de leurs travaux sur des projets de loi avant la deuxième lecture. Il n'y en a pas eu tellement. Trouvez d'autres pays, d'autres juridictions où des travaux se font avec une aussi large participation, où que ce soit ailleurs, en Amérique du Nord, pour ne pas parler d'ailleurs, où vous auriez peut-être encore moins de chance d'en trouver. Je crois qu'à cet égard on ne peut certainement pas nous dire que nous faisons la sourde oreille à des recommandations. Certains projets de loi ont été à l'étude devant différentes commissions parlementaires pendant deux ans. Donc, je crois qu'il n'y a pas de précipitation de ce côté-ci. Le projet de loi dont nous amorçons l'étude en commission parlementaire, aujourd'hui, il est sur le métier depuis le début de 1974. Durant 1974, au début même de 1974, il y a eu déjà des rencontres avec certains groupes, non pas sur un texte final, bien sûr, on n'en était pas là, mais sur certains principes, certaines orientations.

Je pense qu'il vaudrait mieux s'en tenir au contenu même de la loi, plutôt que de déboucher sur des considérations essentiellement politiques qui font peut-être l'affaire de certaines personnes, mais qui me semblent déborder largement le rôle de cette commission.

M. Caron (Normand): Sur le ton, je vous concède, M. le ministre, que depuis 10 heures ce matin que je suis ici, et j'essaie de me retenir, je pense qu'on peut peut-être s'entendre. Tout ce que je faisais, j'exprimais un point de vue peut-être non pas d'un expert des droits de l'homme, mais de personne qui, tous les jours, doit lutter pour l'avancement des droits de l'homme avec les moyens qu'on a...

M. Bellemare (Johnson): A part de votre ton, il y a le texte qui était écrit avant que vous soyez à la barre, où il est dit qu'une telle façon d'agir fait naître chez plusieurs la frustration et l'amertume, face à un gouvernement qui, en plus de sa force numérique, cherche à tirer un mesquin avantage des règles du jeu démocratique qu'il édicte. C'était écrit avant que vous vous choquiez. C'était passablement pensé avant d'arriver à la barre, monsieur.

M. Caron (Normand): C'est-à-dire que le ton de ce qui a été écrit reflète...

M. Bellemare (Johnson): Bien oui, mais...

M. Caron (Normand):... le consensus qui s'est fait à la ligue sur l'étude de ce projet de loi.

M. Bellemare (Johnson): Alors, vous vous étiez choqué à la ligue avant de venir ici.

M. Caron (Normand): Oui. Maintenant, en arrivant ici, je me suis doublement choqué.

Je ne voudrais pas que le ton ou la méthode interfère dans le contenu. Je crois que le projet de loi est extrêmement important. C'est un projet de loi qui touche... Excusez.

M. Bellemare (Johnson): C'est cette phrase qui a dû bien emporter le ministre quand il a lu ça.

M. Forget: J'ai dit ce que j'avais à dire. Remarquez que je suis tout oreille quant aux commentaires que vous voudrez formuler et j'espère en tirer le plus grand profit.

M. Bellemare (Johnson): Vous avez été un bon paternel.

Le Président (M. Brisson): Alors, M. Caron, je vous invite à continuer, étant donné qu'il est déjà 5 h 15.

M. Caron (Normand): Je voudrais faire mon exposé en deux parties, la première étant le contexte dans lequel ce projet de loi a été étudié, en ce qui nous concerne, avec, comme hypothèse ou comme question fondamentale de savoir si c'est un projet de loi qui fait avancer les droits, qui marque un temps ou qui les fait reculer. La deuxième partie, c'est en fonction de la réponse obtenue, quelles sont les principales critiques que nous avons formulées là-dessus.

Le contexte à l'intérieur duquel ce projet de loi, pour nous, s'inscrit et pour lequel on avait beaucoup d'attente, c'est que, depuis plusieurs années au Québec, il y a vraiment eu un déblocage, et je crois que le ministère est lui-même responsable de ce déblocage.

M. Bellemare (Johnson): C'est bien, ça. Chapeau!

M. Caron (Normand): En fait, le ministère, oui, et d'autres personnes aussi.

Jusqu'à maintenant, on a toujours, sur un plan social ou sur le plan des préjugés sociaux, confiné les personnes déficientes, ce qui nous apparaît, nous, un terme beaucoup plus adapté à la réalité que "personnes handicapées", dans un état de marginalité qu'on explique en partie parce que, dans une société comme la nôtre, l'accent est mis sur la production. C'est évident que quelqu'un qui arrive sur le marché du travail avec une déficience a de la difficulté à se tailler une place sur le marché du travail, et, de ce fait, devient un fardeau économique.

Dans le temps de nos sociétés rurales, dans le fond, la personne handicapée restait au foyer, restait à la ferme et exécutait des travaux, disons, secondaires, mais tout aussi utiles. Quand on a affaire à une société industrielle et que la personne a à se tailler une place là-dedans, elle est rapidement déclassée. C'est une réalité qui fait qu'on est passé, en l'espace de 50 ans ou 60 ans, d'une situation de marginalité avec, comme réaction, que les gens qui vivaient ces situations ont dit: II faut se regrouper. Il faut défendre nos droits, parce qu'il n'y a personne d'autre qui va les défendre.

Effectivement, depuis environ dix ans au Québec, il y a des regroupements qui se sont formés de handicapés eux-mêmes. Je pense que c'est la réalité no 1 qu'il faut avoir devant les yeux. Il y a des associations composées de handicapés qui ont commencé à revendiquer des droits, jusqu'au point où, à l'occasion de l'étude de la loi 50 où peut-être plusieurs d'entre vous étaient, sur la Charte des droits et libertés de la personne, il y a eu un consensus qui s'est fait pour demander que soient protégées par cette charte les personnes handicapées, ce qui a été refusé, en 1975.

Au même moment ou quelques mois avant, le ministère produisait un document, que j'ai ici, qui s'appelle: Eléments d'une politique de réadaptation des adultes, qui a été publié en juin 1974, et qui avait comme effet de reconnaître officieusement, parce que ce n'était pas encore à l'état de politique, mais à tout le moins, un document de travail, qui disait: Les personnes handicapées au Québec, à partir d'aujourd'hui, on a l'intention de les reconnaître comme des personnes normales, comme des citoyens à part entière et non pas de seconde zone, avec plusieurs hypothèses de travail, entre autres en ce qui concerne la coordination dans le réseau des Affaires sociales.

On abandonnait, par exemple, des mots comme "ateliers protégés" pour parler de centres de réadaptation des adultes, qui en faisaient des lieux à la fois de formation, mais aussi d'adaptation à des instruments de travail, à des moyens de produire, peu importent les biens ou les services. Il y avait donc, avant la loi 55, à nos yeux, une tendance qui nous disait: La loi no 55 ne pourra faire autrement que de refléter cette orientation de fond.

A la première lecture du projet de loi, on s'est dit: II y a quelque chose qui semble bon là-dedans. Protection des personnes handicapées, c'est à tout le moins un premier progrès, le fait qu'on en parle et qu'il y ait un projet de loi sur la table.

La deuxième lecture nous a laissés un peu plus sceptiques quant aux intentions déclarées et la troisième, une fois qu'on l'a travaillée jusqu'au fond, nous a donné un frisson dans le dos, par rapport à l'impact et aux effets de cette loi sur la vie des personnes handicapées au Québec.

J'escamote le contenu de notre mémoire qui parle de la consultation. On a peut-être été, en tant que Ligue des droits de l'homme, frustré de ne pas avoir été mis à contribution, malgré qu'on ait obtenu une subvention de votre ministère, M. Forget, pour aller dans ce sens. On se demande où la consultation s'est faite et s'il y a moyen d'avoir un rapport ou un texte qui pourrait nous donner une image des effets de cette consultation ou de ce qui en ressort.

Je passe rapidement là-dessus, j'en reviens à la deuxième partie de mon mémoire, aux trois critiques fondamentales qu'on a à faire là-dessus.

Nous nous sommes posé la question suivante: Ou bien la personne handicapée est une personne à part entière ou elle ne l'est pas. Si c'est une personne à part entière, la loi no 55, dans son deuxième chapitre, deviendrait caduque dans la mesure où un seul petit amendement à la loi no 50 réglerait toute la question. Ce petit amendement à l'article 10 de la loi no 50, qui est la Charte des droits et libertés de la personne, pourrait se lire comme suit: Nul ne peut faire de discrimination envers des personnes souffrant ou ayant une diminution dans ses aptitudes physiques ou mentales.

En fait, et c'est aussi une des recommandations qu'on fait dans cette critique du projet de loi no 55, c'est de prendre tout le chapitre 2 et de le déplacer à l'intérieur de la loi no 50, ce qui aurait comme premier avantage, qui est un avantage psychologique, au fond... C'est un peu drôle qu'on attende du législateur de tenter de contrer les préjugés sociaux qui ont cours actuellement dans notre société. Le geste qu'on s'attend que le législateur pose, c'est de dire: Nous, en tant que législateur et gardien des droits et libertés, c'est de reconnaître la personne handicapée non pas sous une juridiction d'une petite loi à part, spécifiquement faite pour elle, mais on la reconnaît comme tombant sous la juridiction des droits et libertés de la personne. Pas de la personne handicapée ou de la personne âgée ou de la personne détenue ou si ou cela, mais de la personne. Ce serait un geste qui aurait un effet psychologique au niveau de l'avancement et du développement des droits de la personne handicapée au Québec. Quitte à prévoir, dans les modalités ou dans les règlements de la loi no 50, des dispositions particulières qui feraient que, par exemple, il y a des recours particuliers pour une personne handicapée par rapport à la commission ou face à la commission des droits de la personne. On ne veut pas entrer à fond dans cette alternative qu'on propose aujourd'hui.

Cette première critique de fond est peut-être celle qui nous tient le plus à coeur. On s'explique mal qu'on particularise ou qu'on fasse un ghetto avec une loi spéciale, des dispositions spéciales, pour un type de personne. On a vu tantôt tout le débat que j'ai suivi attentivement sur les pourcentages et les degrés.

A partir de quelle déficience, ou à partir de quel degré de déficience vous tombez ou non sous cette loi? Cette loi peut comporter une foule d'arbitraires qui vont rendre la loi vulnérable par rapport à la commission des droits de la personne. Je ne sais pas si vous me suivez là-dessus. Au fond, cette deuxième critique qu'on formule, pourquoi donner un handicap supplémentaire à une personne qui déjà, physiquement ou mentalement, a un handicap? Pourquoi, alors qu'il y a des signes apparents, chez une personne handicapée, d'une appartenance difficile ou d'une lutte difficile pour appartenir à la communauté humaine "normale", on va étiqueter de façon officielle, pour le restant de ses jours, une personne dans une position d'handicapée? Cela nous apparaît contraire à un esprit ou à une orientation, mais, par contre, cela nous apparaît conforme à une certaine tendance à vouloir codifier des individus, à vouloir les ficher, à vouloir bien les désigner pour savoir à qui on a vraiment affaires, pour qu'il n'y en ait pas qui se glissent à travers tout cela pour aller chercher les bienfaits de la loi. Nous commençons à croire que c'est une perte de

confiance importante envers les citoyens qui vont vouloir se désigner eux-mêmes handicapés, s'enregistrer auprès de l'office pour obtenir des bénéfices ou des bienfaits dont on peut discuter longuement si on ne parle pas de salaire minimum, si on ne parle pas de prime ou de rémunération financière autre que celles qui sont toujours dans les stricts minimaux.

On rappelle une déclaration, au premier chapitre de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Est-ce qu'à la naissance, on est tous sur un pied d'égalité avec des chances égales de succès? Lorsqu'on dit dans la loi que l'office va procéder à l'enregistrement des personnes et leur consigner un titre officiel de personnes handicapées, je suis convaincu que les handicapés ne feront pas la queue aux portes de l'office pour aller chercher leur petit enregistrement. Soyez sûr de cela. Je pense que c'est une question de dignité et c'est la question aussi que l'on veut situer, sur un pied d'égalité avec les autres, les autres personnes au Québec.

Le troisième commentaire, on a regardé du côté de l'office et on a tenté de décortiquer un peu de quoi il s'agit dans cet office. On a fait le parallèle aussi des dispositions de la loi, au chapitre 48, aux articles 3 et 4, qui déjà donnent au ministre tous les pouvoirs de réglementer ce domaine d'activité humaine. L'office, arrivant comme cela, par à côté, on s'est vraiment posé la question si ce n'était pas au fond une espèce de solution miracle ou d'alternative qui faisait dévier, à l'intérieur de cet office, des pouvoirs que le ministre a déjà et qui, depuis que cette loi a été promulguée, au chapitre 48, n'ont pas été pleinement assumés. Cela nous apparaît comme une solution miracle dont on a de la difficulté à en évaluer l'efficacité, surtout par rapport à l'ensemble des tâches qu'on confie à cet office. Est-ce qu'on n'est pas en train de constituer une espèce de mini-ministère administratif qui va être omniprésent dans la vie quotidienne des handicapés du Québec. On a fait le décompte des fonctions et, si on avait pu mettre cela dans une seule phrase, cela faisait un paragraphe complet d'une trentaine de lignes.

On croit aussi que, dans les rôles de l'office, il y a des tâches qui sont nettement contradictoires, les unes avec les autres, où l'office pourrait se retrouver à la fois juge et partie. L'office a des devoirs d'informer, de conseiller les handicapés.

Obligation est faite de dépister et d'enregistrer les personnes handicapées, de diffuser l'information sur les services disponibles, de mettre en oeuvre les programmes d'information, de publier des statistiques et de tenir des registres sur les logements (les registres sur les logements aptes ou qui conviennent aux besoins des personnes handicapées). Le registre ne sera pas très grand, parce qu'il y a très peu d'habitations conçues pour eux. Les barrières architecturales: encore des constructions récentes à Québec, que j'ai pu voir, il n'y a rien de modifié là-dedans. On vient de terminer à Montréal des bouches de métro peut-être au même moment où la loi tombait sur la table et essayez de vous promener dans le métro avec un fauteuil roulant à Montréal; il faut être acrobate.

Ce sont des obligations. En plus, l'office se donne des pouvoirs de réglementer les organismes voués à la protection et au bien-être des personnes handicapées sans prévoir de droit d'appel, c'est-à-dire que l'office pourrait déclasser une série de groupes ou d'associations composées de bénévoles ou de volontaires sans qu'il y ait de recours de ces associations. On est conscient qu'il y en a plusieurs qui peuvent exploiter, pour aller chercher du financement dans le public, tel handicap ou telle déficience, et pas toujours pour les fins qu'ils disent. Cela peut être très lucratif de faire du financement dans ce secteur. Je pense qu'il faut qu'il y ait une action menée.

Mais qu'est-ce qui arrive d'une association de bénévoles qui veut défendre ses droits et qui se fait déclasser ou qui ne se fait pas reconnaître par l'office? Parce que l'office, en plus, distribue des subventions à ces groupes. Si un groupe est le moindrement contestataire, il pourrait être l'objet, par l'office, de représailles, sans qu'il y ait de possibilités de se défendre. C'est une situation qui peut arriver, mais au moins, qu'il y ait un droit d'appel, soit à l'intérieur, à la Commission des affaires sociales, ou ailleurs. L'office a aussi toute cette juridiction sur le reclassement professionnel des personnes handicapées. Il va être un bailleur de fonds en partant, va même devenir une espèce de semi-employeur qui va passer des contrats avec des personnes, sans que ces contrats ou que ces liens juridiques soient objets de contestation, parce qu'on dit qu'une personne qui a signé un contrat de reclassement professionnel est obligée de s'en prévaloir jusqu'à la fin, d'y obéir jusqu'à la fin, sinon elle perd ce bénéfice financier.

On pourrait aller en détail sur les rôles dévolus à l'office, mais on trouve que les gens qui vont avoir à administrer un tel office vont se retrouver dans des situations intenables où ils sont à la fois des conseillers, mais ils prennent des décisions pour les personnes handicapées. Et s'il y avait contestation par un handicapé, par une personne déficiente contre l'office, est-ce que c'est l'office qui lui fournirait les conseils? Comment tout cela peut-il s'aménager dans un seul et même ensemble? Il y a des fonctions bien particulières qui peuvent être réparties à différents corps et éviter que la confusion s'installe là.

On ne retrouve pas, au fond, ce qui était peut-être le plus important pour la personne handicapée, ce rôle d'ombudsman accessible, décentralisé, c'est-à-dire à portée de la main au niveau régional, parce qu'on prévoit que l'office va être dans la région administrative de Québec. La personne d'Amos ou de Gaspésie qui a un problème de droit, de promotion de ses droits ou de défense de ses droits, qui va lui donner ce cours tant nécessaire pour elle? Est-ce qu'elle va être obligée de venir à Québec, de s'adresser par écrit, quand on sait qu'il y a une difficulté dès lors à formuler par écrit une plainte quelconque?

On se pose beaucoup de questions sur la nécessité d'avoir un office très centralisé et très bureaucratique au sens d'administrer des budgets, de prévoir des programmes, etc. Je pense que ce dont on a le plus besoin, c'est de quelqu'un qui va

comprendre le problème, qui va être accessible, qui va être présent à nos difficultés et qui va avoir un net parti-pris pour la défense de ces droits.

Sinon, je pense qu'on va répéter les erreurs et que, dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans, on va devoir complètement transformer cette réalité.

Comme conclusion — c'est bien simple, c'est peut-être un peu simple, même — on se dit: Est-ce qu'on se fait le pari d'accepter cette loi immédiatement en se disant que c'est toujours cela de pris ou si on remet toute la chose en question, toute l'affaire à l'étude, en se disant: On va prendre la consultation qui a été faite et on va la regarder de très près? Qui a été consulté et qu'est-ce qu'il a dit? Qui a dit telle chose sur tel article? On remet tout cela en question, au fond, on remet cela à l'étude et on s'assure, à ce moment-là, d'une collaboration très intense, la plus intense possible, avec les responsables du ministère. On va perdre six mois, bien sûr. Mais, si on l'investit de façon intéressante, on pourrait avoir, au bout de six mois, quelque chose qui réponde plus aux besoins actuels des handicapés. Cela ne répondra peut-être pas aux besoins du ministère, par contre, à court terme, mais, pour les handicapés, je crois que c'est une nécessité.

Nous demandons le gel de ce projet de loi et le début d'une vaste campagne de consultation. Merci.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

M. Forget: Merci, M. le Président. Est-ce que la ligue, dans son mémoire, ne dit pas effectivement qu'il n'y a pas de problème et qu'étant donné la loi sur les droits et libertés fondamentales de la personne, qui a été adoptée il y a environ un an, on peut considérer les personnes handicapées — puisque c'est reconnu par tout le monde, cela ne fait pas de doute, à plus forte raison si la charte en question ne fait pas d'exception à leur égard — comme des citoyens comme les autres?

Ce que vous dites, dans le fond, c'est que les tribunaux, dans l'application de cette charte, vont de toute manière rendre impossibles ou interdire toutes les pratiques discriminatoires que l'on veut plus explicitement interdire par cette loi.

Ce n'est pas impossible. On peut imaginer qu'une personne, qui se croit victime de discrimination — parce que la discrimination, de façon générale, est interdite par la charte — et qui ne sait pas si, dans le cas particulier qui l'intéresse, cela veut dire vraiment qu'elle a été victime de discrimination, s'adresse aux tribunaux. Les tribunaux, avec le temps, vont élaborer une jurisprudence. Il est fort probable, en effet, qu'on pourrait s'abstenir de légiférer. Si je comprends bien, c'est la position de la ligue, qu'on a déjà tous les moyens nécessaires pour empêcher la discrimination dans la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Caron (Normand): Non, on ne l'a pas actuellement. Il faudrait que le ministère fasse une démarche particulière auprès de l'Assemblée na- tionale pour proposer un amendement à l'article 10 de la charte, qui aurait pour effet d'éliminer la discrimination en fonction de l'aptitude physique ou mentale.

M. Forget: Mais vous vous opposez à ce qu'on le fasse dans cette loi. C'est une question de le faire dans une loi plutôt que dans une autre, dans le fond? Vous recommandez exactement ce que l'on retrouve dans l'article 2. On dit: "Toute personne handicapée a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur le fait qu'elle est une personne handicapée. Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit".

Je pense bien qu'on pourrait peut-être formuler cela différemment, mais cela voudrait dire à peu près la même chose. Dans le fond, votre proposition, c'est que cet amendement à nos lois prenne la forme d'un amendement à une autre loi plutôt que d'une loi séparée. C'est bien cela?

M. Charron (Normand): C'est très important, M. le ministre.

M. Forget: Expliquez-moi l'importance de cela.

M. Caron (Normand): L'importance, c'est que la loi 50, qui définit d'une façon très générale l'ensemble des libertés et des droits, est quand même dotée, pour son application, d'une commission.

D'ailleurs, dans votre loi, vous impliquez directement la commission dans la...

M. Forget: Précisément.

M. Caron (Normand):... cueillette, dans le traitement des plaintes.

M. Forget: En pratique, quelle différence y a-t-il entre votre recommandation et ce que l'on retrouve dans le texte qui est devant vous?

M. Caron (Normand): Je vous poserais la question: Pourquoi avez-vous choisi de passer par une loi spéciale sur la personne handicapée?

M. Forget: Cela ne répond pas à la question. Vous faites la suggestion que c'est superflu d'avoir une loi spéciale. Je pense qu'il y a ici 89 ou 90 articles. Je ne crois pas qu'ils soient tous la répétition les uns des autres. Il y a un certain nombre de choses qui sont faites par cette loi. Je m'imagine mal qu'on puisse le faire seulement par un article, en amendant la Charte des droits et libertés fondamentales de la personne, et obtenir le même résultat. C'est la réponse à votre question, mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question qui est de donner les différences pratiques pour ce qui est du chapitre II, le seul chapitre auquel s'applique la remarque que vous avez faite, si je comprends bien, sur le plan de la Charte des droits et libertés fondamentales de la personne.

Alors quelles différences pratiques voyez-vous à cela? J'aurai une autre question après, parce que je vois des différences pratiques. Peut-être en avez-vous d'autres à l'esprit.

M. Caron (Normand): S'il n'y avait que l'article 2, d'une portée générale, qui ne comporte pas en soi de restrictions, on dirait: C'est peut-être une façon plus efficace et vous avez sûrement de bonnes raisons pour insérer cet article dans le projet de loi 55 au lieu de l'avoir intégré dans la loi 50. Il n'en demeure pas moins que les articles qui suivent viennent restreindre la portée de cet article 2, entre autres l'article A...

M. Forget: Restreindre ou compléter?

M. Caron (Normand): Restreindre. Je ne sais pas si notre compréhension est bonne, mais à l'article 4 on dit: "Nul ne peut exercer de discrimination envers une personne handicapée ou une personne vivant avec une personne handicapée dans la négociation, la conclusion ou l'exécution d'un bail. "Le présent article n'a pas pour effet d'obliger le propriétaire d'un immeuble à prendre, au bénéfice d'une personne handicapée, des mesures de sécurité spéciales nécessitant des modifications à l'immeuble".

Je pense qu'on a fait un progrès en disant: Aucune discrimination possible. Mais on restreint ou on recule quand on dit: Mais il n'y aura pas obligation ou une obligation ne sera pas faite à l'intérieur des articles prévus au règlement. Cela pourrait très bien prendre cette forme. On permet, au fond, à toute personne de s'esquiver de l'application de l'article 2 par ricochet, grâce à l'article 4. A quoi est-ce que cela aide?

M. Forget: En quoi consisterait l'esquive dont vous parlez? En quoi êtes-vous plus avancé si cet article n'existe pas?

M. Caron (Normand): Si on prend l'article 2 et qu'on élimine ceux qui suivent et qu'on consacre, dans l'article 2, les droits et libertés de la personne handicapée en plagiant ou en copiant ceux qui sont prévus aux dispositions 10 et 19 de la loi 50, on dit: Parfait, on va reculer là-dessus.

M. Forget: Oui, mais quelle certitude avez-vous que les tribunaux, en interprétant la loi 50, vont effectivement dire et décider qu'une discrimination basée sur le fait qu'un locataire prospectif a un handicap n'est pas une dérogation compatible avec la loi 50? Quelle certitude avez-vous? Même si vous aviez cette certitude, ne reconnaissez-vous pas que pour déterminer la règle de droit par l'intervention des tribunaux vous imposez, à ce moment, à des personnes handicapées, la nécessité de faire se prononcer les tribunaux? Ce sont des frais juridiques; ce sont des procédures; ce sont des délais. Quel gain attendez-vous de cela, par rapport à une situation où on le dit d'avance? Je ne comprends pas votre raisonnement.

M. Caron (Normand): Le raisonnement, peut-être qu'on est naïf et qu'on dit: La Commission des droits de la personne qui a juridiction quant à l'application des articles 10 à 19 va faire son boulot pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de discrimination en fonction de l'appartenance à une race, à une ethnie, à une langue, à une religion, etc. Si la Commission des droits de la personne recevant une plainte d'une personne handicapée qui se voit brimée dans son droit d'accès à un logement, et en vertu de l'article 10 qui dit, ils ne peuvent pas le dire parce qu'il n'est pas là, mais s'il était là: En fonction de l'aptitude physique ou mentale, la commission pourrait faire enquête... faire enquête jusqu'au point où faire des pressions telles sur la personne qui cause le préjudice...

M. Forget: Ne sautez pas d'étapes. Vous présumez que la solution existe déjà. La question qui se pose est précisément de savoir si effectivement, vous avez une solution. La Commission des droits de l'homme ne pourra pas faire autrement que d'interpréter la loi qu'elle a, non pas la loi que vous pensez qu'elle a, ou la loi que vous voudriez qu'elle ait. Or, la loi qu'elle a, il n'y a rien qui nous assure d'avance qu'elle va être interprétée de manière à exclure les discriminations pour cause. Les causes, cela peut être, dans le cas d'un locateur, qu'étant donné tel et tel handicap, il encourt un risque particulier, qu'il a un motif valable, qu'il n'est pas spécifiquement exclu dans la loi. De toute manière, il faudrait que les cours se prononcent là-.dessus. La commission ne peut pas agir ultra vires, ne peut pas s'imaginer un mandat en fonction d'une philosophie qui n'est pas déjà transcrite dans une loi. Or, le but justement de ces amendements, c'est de s'assurer qu'elle ira dans ce sens. Votre pétition de principe, dans le fond, consiste essentiellement, à supposer qu'automatiquement, ils vont décider dans ce sens. Donc, on ne gagne rien. Avec votre hypothèse, j'arrive aux mêmes conclusions que vous, mais je crois que c'est votre hypothèse que vous devez examiner avec soin. Je ne suis pas du tout sûr que cela va de soi, tout cela. Je ne suis pas du tout sûr. Même si j'étais sûr, comme cela va, ce n'est pas mentionné explicitement, il va falloir que les handicapés soient victimes de discrimination, s'adressent à la commission ou, éventuellement, à la cour, parce que si la commission juge que c'est ultra vires, elle va dire: Je ne peux pas intervenir, ce n'est pas prévu dans la loi, donc, faire intervenir la cour pour obtenir un bref pour forcer la commission à se prononcer, finalement, obtenir un jugement qu'effectivement, la loi ne prévoit pas cela.

C'est bien compliqué. Si on sait d'avance que c'est là le but qu'on veut atteindre, pourquoi ne pas le dire dans la loi. Si cela va sans dire, il me semble que cela va un peu mieux en le disant. Dans le fond, c'est tout ce qu'on fait là-dedans. Est-ce qu'on n'a pas peur des mots? Est-ce qu'on n'a pas peur de dire dans cette question de stigmatisation qui peut être réelle, mais la stigmatisation n'est pas causée par le fait qu'on donne à un mot une réalité. Un chat est un chat, même si on essaie de croire qu'il ne l'est pas. C'est abso-

lument exact de croire qu'il y a un risque de stigmatisation. La stigmatisation vient de la perception qu'ont les gens du handicap, elle ne vient pas du mot qu'on accole dessus. C'est lire dans ces textes, encore une fois, une intention qui, non seulement n'est pas présente, mais qui est diamétralement opposée à celle qui a précédé à leur rédaction, c'est-à-dire de restreindre les textes de loi qui nous donneraient déjà tout. Pas du tout. Les textes de loi, je suis loin d'être sûr qu'ils nous donnent déjà même ces résultats. Donc, à mon avis, ce n'est pas un mouvement en arrière, c'est un progrès, ne serait-ce que sur le plan, encore une fois, de la procédure.

Comment s'assurer que c'est ça, à moins de le dire? On peut s'en assurer par les tribunaux, et ça, c'est certainement plus pénible pour un handicapé que de l'avoir dans un texte de loi.

M. Caron (Normand): Mais l'esprit de la loi 50, et je pense que l'esprit de la commission, c'est d'appliquer les pouvoirs d'enquête, de négociation et de conciliation qu'elle a, de faire en sorte que la discrimination... Je ne veux pas prêcher pour la commission ici, mais si c'est un instrument que le législateur a mis entre les mains de la collectivité, la loi vient d'être promulguée le 28 juin, nous, à preuve du contraire, on croit que ça peut être un instrument valable pour l'avancement des droits.

M. Forget: Je suis persuadé, et j'ai beaucoup de respect pour la commission et son président, qu'ils ne peuvent pas agir au-delà de ce que la loi les autorise à faire. Il y a toujours une imprécision dans n'importe quelle loi, et on élimine l'imprécision graduellement par des décisions individuelles qui nous illustrent ce que la loi veut dire, et si on peut l'illustrer par anticipation par un texte plus explicite, on ne perd certainement rien.

M. Caron (Normand): Pourtant là-dessus, on aurait plus confiance, M. le ministre, si la protection et le développement des droits de la personne handicapée au Québec tombaient sous la juridiction de la commission. D'accord?

M. Forget: Au niveau de ce texte, puisque l'application de cette partie de la loi est absolument homogène par rapport à l'application de la loi 50, c'est-à-dire que c'est la même procédure, le même organisme qui s'assurera que les legs de non-discrimination plus explicites de cette loi vis-à-vis du handicapé soient expliqués dans le même esprit, par les mêmes personnes, dans la même façon que les lois générales de non-discrimination, qui sont peu explicites pour les handicapés.

M. Caron (Normand): Mais je ne comprends pas encore pourquoi vous n'avez pas fait passer le chapitre II carrément à l'intérieur de la loi 50. Je m'excuse. Là-dessus...

M. Forget: Si c'est ça, on peut, en effet, se po- ser la question. Je pense que c'est parce que ce texte n'était pas prêt au moment où la loi 50 a été adoptée, mais c'est une question de forme législative beaucoup plus qu'une question de substance, reconnaissons-le.

M. Charron: Si vous me permettez, sur ce sujet. L'amendement suggéré à la loi 50, qui aurait joint à toutes les pratiques discriminatoires interdites celles à rencontre des aptitudes physiques ou mentales, si cela avait ça, uniquement l'amendement à l'article 10, de la loi 50. Cela ne nous aurait pas garanti, comme ça nous garantit là, par exemple, qu'un propriétaire puisse intervenir de façon défavorable parce qu'un de ses locataires, par exemple, a la présence d'un chien-guide, cela aurait pu, mais ça ne le faisait pas nécessairement, ni même visiter les lieux loués avec un chien-guide. On prenait un risque, c'est évident que si cela avait été inclus — je me rappelle la discussion lors du débat sur la charte — on prenait un risque qu'en incluant aptitude physique, la commission et les tribunaux éventuellement aient une conception étendue d'aptitude physique qui aurait permis, par exemple, de ne pas interdire un chien-guide. Mais ici, je me dis même que — j'ai réfléchi à cela aussi — même si l'amendement à la Charte des droits de la personne avait été obtenu, il aurait quand même fallu, dans cette loi — ce n'aurait pas été de trop — préciser, dans les vues de la cour ultérieurement, jusqu'où l'article 10 de la Charte des droits de la personne s'applique lorsqu'il s'agit des handicapés, d'étendre la juridiction, de le préciser.

Je pense que l'effet de la loi est complet comme ceci.

M. Bellemare (Rosemont): M. le Président...

Le Président (M. Brisson): Le député de Rosemont.

M. Bellemare (Rosemont): ... avec la permission du député de Saint-Jacques, car je ne sais pas s'il a d'autres questions. Vous dites que vous avez été comprimé à l'intérieur de trois mois durant l'été pour préparer votre mémoire. C'est ce que vous avez dit?

A la page 6 de votre mémoire, vous dites ceci: "Le ministre des Affaires sociales du Québec, de plus en plus perméable à ces nouveaux courants, en était venu en juin 1974 à présenter à la population pour fins de consultation un document de travail intitulé Eléments d'une politique de réadaptation". N'avez-vous pas eu le temps depuis 1974?

M. Caron (Normand): On parle de deux choses.

M. Bellemare (Rosemont): Je vous pose la question, parce que, tout à l'heure, vous avez dit que vous aviez été comprimé par le ministre, durant l'été, parce que vous n'avez pas eu le temps. Je lis votre mémoire et, à la page 6, vous me dites le contraire.

M. Caron (Normand): Le document...

M. Bellemare (Rosemont): Si vous voulez lire le mémoire, allez-y.

M. Caron (Normand): ... de travail, qui s'appelle "Eléments d'une politique de réadaptation des adultes", était soumis à une consultation très large pour voir l'état des travaux qui se menaient à l'intérieur du ministère là-dessus. La deuxième réalité, c'est le projet de loi, qui est tombé le 28 juin. Ce n'était pas facile de l'étudier à cause des effectifs réduits et du fait qu'on compte chez nous sur du bénévolat. Or, du bénévolat au coeur de l'été, ceux qui ont milité dans des organisations, que ce soit les Chambres de commerce, des syndicats ou autres, savent que ce n'est jamais facile de ramasser des gens pour passer à l'étude systématique de projets de loi comme ceux-là. Cela se passe toujours au début de septembre, habituellement. A la vitesse où il faut travailler pour répondre aux exigences qui sont fixées en termes d'échéances, on ne peut vous soumettre qu'un document dont on n'est pas satisfait.

M. Bellemare (Rosemont): On dit que cela se passe à la vitesse. Seriez-vous prêt a admettre que, depuis juin 1974 — c'est votre mémoire qui le dit, ce n'est pas moi; c'est écrit que le ministre a été assez libéral d'esprit, sans jeu de mot, et très démocratique — le ministre a consulté les groupes concernés? Malheureusement, peut-être vous avez des bénévoles qui travaillent chez vous et vous n'avez pas eu le temps de prendre connaissance de tous les dossiers. Je vous l'accorde. Par contre, il ne faut pas, non plus, blâmer le ministre. Je ne suis pas ici pour défendre le ministre; il peut se défendre beaucoup mieux que moi. Par contre, il faut quand même admettre qu'en 1974 il vous a présenté certains dossiers, certains mémoires ou certaines consultations. Admettez-vous cela?

M. Caron (Normand): Pour avoir discuté de ce document de travail, oui. Mais c'est une consultation large. On sait comment cela se passe; on fait circuler le document. Il n'y a pas eu de cueillette systématique des impressions sur ce document. Quand arrive un projet de loi, là il y a une commission parlementaire, il faut se préparer, soumettre un mémoire, l'étudier article par article. Nécessairement, cela demande beaucoup plus de temps; cela demande aussi une méthode de travail pas mal différente que de consulter "at large" les gens impliqués dans le milieu.

M. Bellemare (Rosemont): D'accord.

Le Président (M. Brisson): Pas d'autres questions, messieurs? M. Caron, je vous remercie infiniment. Il nous reste cinq minutes; j'appellerais M. Luc Barette qui a cru avoir été convoqué, mais il y a une erreur. Je ne voudrais pas que cela crée un précédent, mais, étant donné qu'il s'est rendu sur place, la commission est d'accord pour l'entendre.

Nous l'entendons parce qu'il avait effectivement soumis son mémoire à temps, tel que cela était requis par les règlements de la commission Alors, M. Barrette.

M. Luc Barette

M. Barette (Luc): M. le Président, je me présente, Luc Barette...

M. Dépatie (Serge): Je me permets de répéter ce qu'a dit M. Barette. Il s'agit de Luc Barette. Il s'est présenté, il a présenté un mémoire en son nom personnel. Luc Barette est un IMC, un infirme-moteur cérébral. Pour des raisons d'ordre de minutes et aussi pour ne pas allonger le travail de la commission, M. Barette me demande de transmettre, grosso modo, ses observations par rapport au projet de loi 55. Je vais y aller immédiatement.

M. Barette habite le foyer Emilie-Gamelin à Montréal depuis 19 ans, un foyer pour personnes âgées et, depuis dix ans, il partage une chambre avec deux personnes déficientes mentales profondes et aucun programme de réadaptation ne lui est offert. M. Barette avait eu l'occasion de rencontrer M. le ministre le 24 juin 1974, lors de cette rencontre il avait présenté un mémoire qui s'appelait: Urgence 144, sur la situation des infirmes-moteurs cérébraux. Depuis ce temps-là, M. Barette attend une place ailleurs et un programme approprié.

M. Barette insiste aussi pour remercier les législateurs, insiste pour remercier aussi les responsables et les fonctionnaires de l'effort qui se fait. Il insiste aussi pour féliciter les gens dans leurs intentions. M. Barette désire aussi témoigner devant la commission d'une certaine peur de représailles et pour ce, M. Barette demande à la commission s'il peut vraiment s'exprimer de façon libre sans qu'aucunes représailles de quelque sorte ou de quelque nature ne lui soient faites. C'est une question qu'il pose.

M. Forget: Est-ce que je pourrais demander un peu plus de détails sur cette demande, cela m'apparaît une question qui est, sans aucun doute, présente à l'esprit de bien des personnes dans des établissements soit de soins prolongés ou des centres d'accueil? Je me souviens, par exemple, des témoignages du groupe du comité provincial des malades qui font très souvent allusion à cette question de représailles. Je voudrais qu'il soit bien clair que cela va presque sans dire que toute cette question de représailles se situe, je pense, beaucoup plus au niveau des relations interpersonnelles à l'intérieur des établissements.

Il y a des mouvements d'impatience qui sont probablement humains de la part du personnel, dans certains cas, mais c'est le genre de problèmes pour lequel les comités de bénéficiaires ont été mis sur pied et une des raisons qui a fait que nous avons soutenu le comité provincial des malades dans ses efforts depuis quelques années... Je crois qu'il est superflu pour moi et pour les membres de la commission de dire qu'il n'y aura pas de représailles, il est évident qu'il n'y en aura pas et qu'il n'y en a aucune qui est imaginable. J'imagine que je peux donner la même assurance

relativement à l'établissement dans lequel se trouve M. Barette.

M. Dépatie: Je veux porter à votre attention, M. le ministre, que je suis agréablement surpris de vos commentaires, aussi désolé, en même temps, que vous les fassiez si tard, parce que, pour moi, je pourrais vous nommer confidentiellement, à vous et uniquement à vous, au moins une quinzaine de personnes qui auraient voulu présenter des mémoires dans des établissements, qui ont été surprises à écrire et qui n'ont pas été autorisées, M. le ministre, à vous envoyer leurs mémoires. Je pense que leur participation aurait été d'une grande importance et je pense que ces gens vivent des dimensions, ce sont eux qui les vivent, et c'était peut-être cette voix que vous vouliez entendre ici. Celle des professionnels est sûrement importante, mais cette voix semble aussi assez importante à vos yeux. Vous l'avez mentionné à de nombreuses reprises.

Malheureusement, c'est une situation qui a existé. J'aimerais tout simplement qu'elle soit notée.

M. Forget: Non seulement devrait-elle être notée, mais si, effectivement, des personnes dans les établissements avaient déjà réfléchi sur ces sujets et qu'elles n'ont pu, pour des raisons que vous indiquez, nous faire parvenir leur point de vue, je suis sûr, que, pourvu que vous nous donniez l'information nécessaire, la commission même, dans son entier, pourrait faire l'impossible pour se rendre disponible pour une rencontre privée, dans le sens qu'il faudrait probablement se déplacer pour entendre ces personnes. C'est la première fois qu'on m'en parle. Je pense qu'on ne peut pas, tous les jours, dire: II n'y aura pas de représailles si les gens nous parlent; par hypothèse, il est difficile de supposer que de telles situations se produisent.

De toute manière, ceci étant dit, si le désir existe toujours de se faire entendre, vous pourrez nous communiquer les noms et on pourra voir quelles mesures prendre au cours des prochaines semaines pour se rendre disponible, peut-être à Montréal, si la plupart sont à Montréal, ou autrement, dans ce contexte.

M. Dépatie: Je le ferai.

M. Charron: J'assisterai également à ce que vient de dire le ministre et je vous invite à le faire, dans l'intérêt de la commission.

M. Dépatie: Je le ferai. J'aimerais préciser que mon non est Serge Dépatie et qu'aujourd'hui, je ne suis vraiment qu'un "ami" de M. Barette. J'ai présenté moi-même un mémoire que je défendrai en temps voulu, que j'expliciterai, que je soutiendrai. Actuellement, je n'agis qu'en tant qu'ami de M. Barette. J'ai actuellement le texte que M. Barette a mis sur papier et je vais me conformer à sa pensée le plus possible, sans en faire aucune interprétation ou aucun ajouté. Pour moi, il est im- portant de respecter la pensée et le désir de M. Barette.

M. Barette disait, dans son petit papier, que j'étais sa prothèse oratoire prototype. Comme introduction sur le projet, M. Barette aimerait citer un excellent texte que nous considérons très important. Je vais parler pour nous, parce que je parle pour lui.

M. Barette veut que les gens ici prennent conscience d'un texte qui s'appelle "Ce que je pense du projet de loi 55 sur la protection des personnes handicapées", texte rédigé par M. Mario Bolduc. Je pense qu'il serait important, même si ce texte n'a pas été présenté comme mémoire comme tel, je pense qu'il serait important de lire ce texte, de le voir, et vraiment d'y songer.

Cette citation est en page 9 du texte de M. Bolduc: "Cette absence de politique globale m'amène à poser une question qui, à mon sens, est fondamentale: A qui s'adresse ce projet de loi?" C'est exactement ce qui est écrit.

Le point 2 qui est à soutenir également, c'est le thème "protection". M. Barette se pose un certain nombre de questions par rapport au thème "protection". C'est pourquoi? C'est pour qui? Il fait une référence, à ce moment-ci, à la Loi du protecteur du citoyen également. Il fait une référence au phénomène de duplication par rapport à cela, certains rôles, certaines fonctions où il y a duplication.

M. Barette se pose une autre question: Avons-nous des droits, actuellement, comme personnes handicapées?

Le point 3. M. Barette se demande si ce projet de loi ne cristalise pas le fait que les personnes déficientes deviennent légalement des citoyens de seconde classe, des citoyens qui ont quelque chose à part, quelque chose de spécial, des citoyens qui ont un projet de loi juste pour eux.

Encore une fois, M. Barette fait référence à la Charte des droits et libertés de la personne, au phénomène de duplication aussi et il précise, entre parenthèses, qu'il se sent surhandicapé par le cadre du projet de loi.

Point 4, M. Barette n'est pas certain que ce sera une réponse adéquate aux besoins des personnes. Il se pose la question sur la compatibilité qui va exister entre les besoins vécus par les gens et les réponses offertes et à quel point cette analyse est poussée et à quel point c'est vraiment articulé sur ce plan.

Le point 5, c'est encore une fois l'insistance pour lui sur une réponse vraiment globale, bien qu'on ait dit pendant la journée qu'on n'est pas sûr que ce soit le ministère des Affaires sociales qui en est responsable, mais il n'en reste pas moins qu'il y a un parrain, sans jeu de mots aussi. Ce n'est pas une réponse globale à nos problèmes.

Point 6, l'article 46c. Encore une fois c'est d'amender les 30% physique et les 20% mental et tout le continuum ou toutes les options qui peuvent exister entre le physique et le mental. M. Barette s'est dit qu'à ce moment-ci cette situation n'est pas claire et qu'il y a trop de place à l'inter-

prétation des gens, des professionnels et à l'interprétation du texte en lui-même et qu'il peut y avoir aussi une certaine discrimination contextuelle par rapport à cet article 46c.

M. Barette désirerait aussi, par rapport à son point 6, donner une très petite citation, en page 36 du texte de M. Bolduc. Ces pourcentages d'incapacité minimum ne veulent en fait absolument rien dire tant qu'on ne sait pas comment et par rapport à quoi on va calculer les incapacités ou handicaps.

Le point 7,. M. Barette dit qu'il n'y a pas besoin d'une loi spéciale. Cela réfère encore une fois au chapitre 42, la Loi constituant le ministère des Affaires sociales, et aussi aux articles 3, 4, 5 et 6 du chapitre 48.

Le point 8, c'est encore une fois un appel qui a été fait durant la journée, c'est qu'il n'y a pas eu réellement participation dans l'élaboration du projet de loi.

Le point 9, certaines parties de la loi ne sont pas conformes aux principes de normalisation.

Le point 10, sa perception de l'office, c'est que, dans un premier temps, cela lui apparaît très gros, peut-être trop gros, trop cher, peut-être pas normalisant comme tel. Il se pose aussi des questions par rapport à l'office sur son rôle en tant que juge et partie, c'est-à-dire l'office impliqué comme quelqu'un qui doit défendre les droits de la personne, qui doit promouvoir ses besoins et, simultanément, qui doit répondre à ces besoins.

Alors, on se demandait s'il n'y avait pas un rôle de juge et partie.

A cet effet, aussi, M. Barette veut citer encore une fois M. Bolduc, à la page 6. En rapport avec l'office — c'est le texte de M. Bolduc — leur "marginalisation" serait alors encore plus grande.

Le point 11, par rapport à l'article 69, M. Barette, face au projet de loi 55, se demande s'il n'y a pas place, malgré les efforts qui sont faits, pour de l'exploitation.

Le point 12, quoique ce soit la troisième fois, M. Barette désire revenir encore une fois sur un manque de précision par rapport à une approche très globale, manque de précision sur tous les services essentiels, comme le transport, l'hébergement, manque de précision qui ne permette pas, en fin de compte, à la personne de se réaliser totalement, même si elle trouve un emploi, si elle n'a pas l'hébergement, si elle n'a pas le transport, elle ne peut pas accepter l'emploi.

M. Barette dit: C'est pour toutes ces considérations que je demande le retrait du projet de loi 55 et que l'on travaille à une politique globale pour les personnes handicapées.

Il désire remercier les membres de la commission pour leur attention et le temps qu'elle lui a accordé. Je pense qu'il accepterait des questions.

Le Président (M. Brisson): Aucune question? Je vous remercie, M. Barette, ainsi que M. Serge Dépatie. Vous êtes les bienvenus.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 10)

Document(s) associé(s) à la séance