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Commission permanente des affaires sociales
Etude du projet de loi no 55
Loi sur la protection des personnes
handicapées
Séance du mardi 5 octobre 1976 (Dix heures quarante-cinq
minutes)
M. Brisson (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
La commission des affaires sociales se réunit afin de continuer
l'étude du projet de loi no 55 et d'entendre les différents
témoins.
On me prie de vous faire remarquer que M. Lachance (Mille-Iles)
remplacera M. Fortier (Gaspé); M. Faucher (Nicolet-Yamaska) remplacera
M. Lecours (Frontenac); M. Léger (Lafontaine) remplacera M.
Bédard (Chicoutimi).
M. Charron: M. le Président...
Le Président (M. Brisson): Un instant, s'il vous
plaît.
Les organismes seront convoqués dans cet ordre: Association de
paralysie cérébrale du Québec Incorporée,
Association canadienne des compagnies d'assurance-vie, Conseil du patronat du
Québec, Institut national canadien pour les aveugles, Association du
Québec pour les déficients mentaux, Conseil du Québec de
l'enfance exceptionnelle, Conseil régional de la santé et des
services sociaux, Institut national canadien-français pour la
déficience mentale.
Chaque organisme aura, au plus, 20 minutes pour faire son exposé
et, après, suivra une période de questions de la part des membres
de la commission.
Est-ce que sur l'ordre chronologique de l'appel, il y aurait des
remarques à faire?
M. Forget: Oui, M. le Président. M. Paradis, du Conseil du
Québec de l'enfance exceptionnelle, me signale que cet organisme
éprouve une certaine difficulté à rester présent
jusqu'à cet après-midi. S'il était possible, avec le
consentement, de les placer peut-être en deuxième lieu, il leur
serait plus facile d'être assurés d'être entendus.
M. Charron: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Brisson): M. Lacroix
(Iles-de-la-Madeleine) remplace M. Bellemare (Rosemont).
L'honorable député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, avant le début de la
commission et sans vouloir retarder l'audition des gens qui se sont
déplacés pour nous rencontrer, j'aimerais, si vous le permettez,
que la commission soit éclairée sur ce qui a marqué la fin
de nos travaux lors de la dernière séance et qui a donné
lieu à une prise de position officielle d'un des organismes que nous
avons entendus la semaine dernière.
Une affirmation a été faite par un témoin disant
que des personnes handicapées auraient voulu se faire entendre, mais
n'auraient pu et n'auraient eu aucune facilité de le faire à
cause des dirigeants de certains centres d'accueil..
Je sais que l'Association des centres d'accueil a émis un
communiqué et un télégramme que nous avons reçu,
à cet effet. J'aimerais m'informer, si vous me le permettez, puisque ces
personnes doivent être entendues comme toute autre, si le ministre a eu
des développements à ce sujet.
Le Président (M. Brisson): Le ministre des Affaires
sociales.
M. Forget: Pour faire suite à ces allégations,
comme vient de l'indiquer le député de Saint-Jacques, il y a eu,
de la part de l'Association des centres d'accueil, des démarches qui ont
été faites pour découvrir les événements et
leur caractère qui ont donné lieu à ces
allégations. Du côté du ministère, des
démarches analogues ont été entreprises également.
Je dois signaler, cependant, que les allégations qui avaient
été faites à l'effet que des menaces ou des intimidations
avaient été utilisées pour empêcher certaines
personnes de communiquer avec la commission n'étaient appuyées
d'aucune indication précise de lieux et de noms.
Dans ces circonstances, les démarches entreprises à la
fois par l'Association des centres d'accueil et par le ministère n'ont
pas réussi à mettre à jour quoi que ce soit
d'irrégulier qui permette de confirmer ou de nier même les
allégations en question.
On se souviendra que j'avais demandé à celui qui
s'était fait l'auteur de ces allégations de nous fournir des
indications plus précises, indications que nous n'avons par
reçues.
Cependant, comme je viens de l'indiquer, des efforts ont
été faits pour découvrir la réalité, s'il y
en a, derrière ces allégations. Nous n'avons pu le faire. Nous
n'avons pu constater quoi que ce soit d'irrégulier de ce genre et
l'Association des centres d'accueil nous a confirmé qu'elle en venait
aux mêmes conclusions. Je crois que la demande que j'ai formulée
la semaine dernière conserve son intérêt et son
utilité. S'il y a eu des cas d'intimidation, il serait impératif
que ceux qui en ont été témoins le communiquent soit
à la commission, soit à moi-même, soit à
l'Association des centres d'accueil, de manière qu'une enquête
plus approfondie puisse être faite.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Johnson.
M. Bellemare (Johnson): Je comprends que l'incident qu'a
soulevé le député de Saint-Jacques est terminé.
Je voudrais savoir, pour mon bénéfice personnel,
peut-être pour celui aussi de plusieurs dé-
légations, quel est l'ordre que nous allons suivre pour les
séances? Y aura-t-il séance cet après-midi? Y aura-t-il
séance ce soir? Y aura-t-il séance demain ou est-ce simplement
pour la journée?
M. Forget: Ce serait simplement pour la journée, selon ma
disponibilité, du moins, ce serait ce matin et cet
après-midi.
M. Charron: Le même horaire que la semaine
dernière.
M. Forget: Le même horaire que la semaine
dernière.
M. Bellemare (Johnson): Très bien.
M. Forget: Comme on le sait, le Conseil des ministres se
réunit pendant deux jours en dehors de Québec, mercredi et jeudi.
Donc, il ne sera pas possible de continuer demain, ni après-demain.
M. Bellemare (Johnson): Y aura-t-il une reprise dans le mois
d'octobre, avant les élections?
M. Forget: Oui, je crois qu'une autre séance est
prévue, de mémoire, à la fin du mois. Je n'ai pas de
certitude. Il n'y a pas de date précise. Il s'agira de la fixer
probablement la semaine prochaine, si c'est possible. Au début, lorsque
ces deux dates ont été retenues, nous n'avions encore qu'un
très petit nombre de mémoires qui étaient entrés.
C'est un peu avec surprise qu'on peut voir qu'il y en a une trentaine, ce qui
implique, probablement, une certaine accélération de nos travaux,
pour faire justice à tout le monde, pour entendre tout le monde et
planifier un certain nombre d'autres séances.
M. Bellemare (Johnson): Merci.
Le Président (M. Brisson): Y a-t-il d'autres questions?
J'appellerais M. Roméo Malenfant, directeur exécutif de
l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc.
Association de paralysie cérébrale du
Québec
M. Malenfant (Roméo): Mon nom est Roméo Malenfant,
directeur exécutif de l'Association de paralysie cérébrale
du Québec. J'ai été désigné comme
porte-parole du groupe lorsque nous avons fait notre demande à la
commission parlementaire, en ne sachant pas, alors, que notre président,
M. Desjardins, serait présent ce matin. J'aimerais laisser la parole
à notre président, M. Roger Desjardins.
Le Président (M. Brisson): M. Desjardins, vous avez 20
minutes pour faire votre exposé.
M. Desjardins (Roger): D'accord. Je désire
présenter également mes compagnons dans l'interpellation de ce
matin, M. Roch Gadreau, à ma droite, étudiant en vue de
l'obtention d'une maîtrise à l'université Laval et membre
du conseil provincial de notre association.
Le Président (M. Brisson): Voulez-vous
répéter son nom, s'il vous plaît?
M. Desjardins (Roger): M. Roch Gadreau. Aussi à ma droite,
M. Roméo Malenfant, qui est enregistré comme interlocuteur. A ma
gauche, M. Serge Leblanc, animateur de notre chapitre de Chicoutimi, de
l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc.
Moi-même, je suis Roger Desjardins, membre de la Corporation
professionnelle des comptables en administration industrielle, père d'un
paralytique cérébral et président du conseil provincial de
l'Association de paralysie cérébrale.
Nous désirons d'abord exprimer notre reconnaissance à
l'Assemblée nationale d'avoir accepté de faire siéger
cette commission parlementaire afin de permettre aux personnes, associations et
organismes concernés d'émettre leur opinion sur le projet de loi
no 55, lequel, croyons-nous, est d'une importance capitale pour tous les
handicapés. Nous désirons également, M. le
Président, vous remercier de nous donner l'occasion de pouvoir discuter
de ce sujet avec les membres de cette commission malgré le grand nombre
de commentaires et de mémoires que celle-ci a reçus. Nous voulons
demeurer très objectifs et très réalistes durant ce
dialogue, car nous croyons qu'il s'agit là de conditions essentielles
pour parvenir à de meilleurs résultats.
Cependant, à la 27e année d'existence et de travail pour
et auprès des handicapés, nous comprenons très bien
l'anxiété, l'agressivité et parfois l'intolérance
de plusieurs individus qui, depuis trop longtemps, ont été
victimes d'injustice et d'incompréhension de la part d'un trop grand
nombre de personnes de notre société. Aussi, nous sollicitons
d'avance votre obligeance si, par hasard, nous avions quelques écarts
envers ce principe.
M. le Président, nous croyons que... Pardon. Je vais demander
à M. Roch Gadreau de vous lire l'introduction de notre mémoire
et, par la suite, on pourra expliciter certaines affirmations à
l'intérieur de cela.
M. Gadreau (Roch): M. le Président. C'est avec grand
plaisir que l'Association de paralysie cérébrale du Québec
Inc. a accueilli le projet de loi no 55. Une telle loi était attendue
depuis quelques années et nous savons son importance pour la
reconnaissance effective des droits de tous les handicapés du
Québec. Nous devons féliciter le gouvernement de cette
initiative. Cependant, nous avons constaté avec une certaine surprise
une similitude étonnante du projet de loi no 55 avec la loi belge
instituant le Fonds national de reclassement social des handicapés, loi
qui fut établie en 1963.
D'autre part, il faut déplorer le fait qu'il faille une loi
spéciale pour faire comprendre à notre société que
le handicapé est une personne comme toute autre personne.
Dans une société ouverte comme se dit être la
nôtre, une telle loi ne devrait pas être nécessaire, mais
c'est malheureusement le cas, aujourd'hui encore, où plus de 50% du
handicap d'une per-
sonne n'est pas la déficience physique ou mentale comme telle,
mais bien l'attitude des personnes dites normales envers ces
handicapés.
La loi actuelle devrait aider à corriger une telle situation.
Nous constatons aussi que, depuis 15 ans, le gouvernement a
édicté des lois sociales et de santé, loi de
l'éducation, loi sur la santé et les services sociaux, loi sur
l'hospitalisation, etc., des lois dites universelles, parce que s'appliquant
théoriquement à tous.
Mais la pratique démontre que ces lois ne s'appliquent
qu'à la moyenne des gens, c'est-à-dire à ceux qui ne sont
pas aux extrêmes, à ceux qui ne sont pas des cas difficiles. On
oublie ceux qui sont le plus dans le besoin. Mentionnons quelques exemples
concrets.
Il y a une loi rendant gratuite la consultation pour santé, mais
il y a des marches pour entrer à l'hôpital; les cliniques sont
situées dans les deuxièmes étages ou les sous-sols.
On a rendu l'enseignement universel même en créant des
classes dites spéciales, mais il ne faut pas que les enfants soient trop
spéciaux, parce que personne ne veut leur enseigner.
On a une loi rendant l'hospitalisation gratuite pour tous, mais à
la condition que cela ne dépasse pas 90 jours, sinon, c'est la personne
hospitalisée qui doit payer.
Ce ne sont que des exemples relevés de la vie courante. Nous
espérons grandement que la loi créant l'Office des
handicapés permettra enfin aux extrêmes d'avoir les mêmes
droits que ceux qui ont de beaux handicaps, ceux qui seront classés
aptes à retourner sur le marché du travail, car, ne nous le
cachons pas, il y en a qui sont inaptes au reclassement professionnel, il y en
a qui ont des handicaps qui ne sont pas beaux, mais ces personnes sont et
restent des personnes humaines.
Toutefois, ne nous leurrons pas sur la facilité avec laquelle
pourra se faire le retour au travail.
De nombreux obstacles existent dont le taux de chômage
élevé qui rend la compétition à l'emploi presque
insoutenable pour un handicapé; les blocages pouvant venir des
contremaîtres et cadres industriels pour qui la rentabilité de
leur service compte avant tout; les tracasseries liées au syndicalisme
qui font que l'ancienneté et la capacité de faire toutes les
étapes avant d'accéder à des postes plus
élevés éliminent presque toute possibilité
d'avancement pour un handicapé. Tous ces obstacles font qu'il n'est pas
réaliste de penser au retour au travail sans avoir au préalable
assuré une adaptation ou une réadaptation sociale et sans une
intense et continuelle campagne d'éducation de la société
en général.
Si nous n'oublions pas ces vérités, nous saurons
communiquer à l'office l'esprit qu'il faut. C'est pourquoi nous
proposons aussi dans notre texte qu'il y ait autant de personnes
représentant les handicapés qu'il y aura de fonctionnaires, car
l'esprit de la loi est entre les mains des personnes qui constituent
l'office.
M. Desjardins (Roger): Dans notre représentation sur les
particularités de certaines lois qui nous paraissent universelles, mais
qui, dans leur application, sont très sélectives, nous avons
quelques exemples vécus depuis des années, mais on va se limiter
à quelques-uns des plus récents.
J'ai eu, à la fin de la dernière séance de la
commission parlementaire, un appel téléphonique de la mère
d'une jeune fille handicapée de 18 ans qui s'était inscrite cette
année au CEGEP. Pour septembre, il lui a fallu payer $120 de taxi. A ce
rythme, cette année, on va s'endetter, dit-elle. Elle s'est
adressée à sa commission scolaire. On lui a dit que le transport
pour les handicapés, c'est seulement pour le secondaire, et que le CEGEP
n'entre pas en ligne de compte.
Elle s'est adressée au ministère de l'Education. On est
prêt à lui avancer une bourse de $500. Qui fournira les autres
$700 ou $1000 dont elle aura besoin? A la fin de son CEGEP, elle aura encore
une dette de $2000 à $3000, sans être trop assurée d'un
emploi.
Elle s'est adressée à l'aide sociale. On lui a dit: Votre
fille va à l'école. Si elle cesse d'aller à
l'école, on va lui donner l'aide sociale, mais si elle va à
l'école, elle n'a pas droit à l'aide sociale. Où est le
débouché pour cette personne? Quand on parle du transport, c'est
un des éléments.
L'éducation est pourtant un service à la
disponibilité de tout le monde, mais cette jeune fille, malgré
tous les efforts qu'elle doit faire... Durant ce temps, il y a des demandes de
transport. Vous avez eu des manifestations au mois de juin. Il y a eu des
demandes de faites, entre autres, au ministère des Affaires sociales,
par une corporation, les Habitations-Plus. Ils ont écrit à
quelques reprises, ils ont téléphoné. On attend encore,
aujourd'hui le 5 octobre, un accusé de réception. Pourtant, avec
cette offre, le 5 juillet, nous étions prêts à exploiter un
service de transport temporaire pour au moins six mois. Je pense que mon ami,
Serge, a également sur le plan de l'éducation un autre exemple
très vivant de cette particularité que les lois sont
universelles, mais semblent dans leur application très
sélectives.
M. Leblanc: Depuis huit ans déjà, les paralytiques
cérébraux de la région de Saguenay peuvent jouir de cours
du soir pour les adultes. Maintenant, cette année, il y a eu une
certaine chose. L'éducation permanente accepte de fournir trois
professeurs pour environ 45 paralytiques cérébraux. D'un autre
côté, le ministère de l'Education, qui s'occupe des
prêts et bourses, refuse de donner l'argent pour les bourses qui servent
justement à payer le transport dont les paralytiques
cérébraux ont besoin. Je ne comprends pas que, depuis huit ans,
on a toujours donné l'argent nécessaire pour justement payer le
transport et que, cette année, ils arrivent et disent: On ne peut pas le
payer. Ils ont même fourni les professeurs. D'un côté, c'est
beau et, de l'autre côté, il n'y a rien.
M. Desjardins (Roger): Je pense que vous avez actuellement deux
exemples. On pourrait multiplier ces exemples, on en aurait pour la
journée. Parfois la moutarde me monte au nez et elle me sort par les
oreilles. Vous savez, il y a des institutions pour déficients mentaux
qui vont accepter un enfant qui a un quotient de 50 et l'autre institu-
tion, qui devrait être complémentaire, prend 70 et plus.
Qu'est-ce qui arrive des gens de 50 à 70? On en a trouvé dans des
institutions de déficients mentaux. Par la suite, les psychiatres sont
venus les qualifier de déficients mentaux. J'en comprends au bout de
trois ou quatre ans. Il y a des exemples. On a des faits vécus. Quand on
parle de lois universelles et de pratique sélective, c'est cela qu'on
veut dire. Quand on dit qu'on désire, dans notre première
suggestion du mémoire, les droits et libertés de la personne
handicapée au lieu d'une protection, c'est cela qu'on veut dire. Ils ont
droit à l'éducation. Ils ont droit à
l'hospitalisation.
Ils ont droit, aussi, aux services sociaux. Ils ont droit à tous
les autres services. Ce sont ces droits qu'il faut leur procurer, et ce n'est
pas d'une protection qu'ils ont besoin.
Nous pourrions aller vers les éléments les plus
importants. Si messieurs les membres de la commission parlementaire
désirent avoir des explications additionnelles, nous sommes à
leur disposition.
J'ai mentionné le premier élément, les droits. Le
deuxième élément est un aspect très important pour
notre mémoire. Afin de couvrir tous les types de handicaps, il y aurait
lieu que le mot "sensorielle" soit ajouté après "physique" au
paragraphe e). Nous désirerions que dans la loi on ne fasse pas
simplement allusion soit à des aveugles, ou à des sourds, ou
à des paralytiques cérébraux. Il y a des handicapés
physiques. Il y a des handicapés mentaux. Il y a des handicapés
sensoriels. Cela couvre tous les gens, les aveugles également. On trouve
très important que ce soit dans la loi.
Ce paragraphe e) se lirait comme suit: "Personne handicapée": aux
fins du chapitre II, toute personne dont la capacité physique,
sensorielle ou mentale est affectée, de façon permanente,
d'insuffisance ou de diminution et toute personne souffrant
d'épilepsie". Je vous lis le texte de loi. Alors on devrait plutôt
ajouter tout simplement "sensorielle" au lieu de définir toutes les
catégories de handicapés.
A la page 4, la composition de l'office. Pour nous aussi, il est un
élément essentiel très important. Nous croyons, pour notre
part, que c'est discriminatoire de... A l'article 9, deuxième
alinéa, nous constatons que l'office a droit de faire une enquête
au nom... Non, ce n'est pas ça. Excusez-moi.
C'est l'amendement d), l'article 15: Dans la composition de l'office,
nous croyons qu'il doit y avoir autant de membres représentant les
handicapés qu'il y a d'autres membres. De plus, afin de sensibiliser les
professionnels aux problèmes auxquels les handicapés font face et
les sensibiliser aussi aux besoins concrets des handicapés, nous
proposons qu'un membre de l'office des handicapés soit un
représentant de l'Office des professions.
On pourrait inclure beaucoup de gens au bureau de l'office si on voulait
couvrir toutes les catégories de personnes concernées. On n'a pas
voulu détruire ce qui avait été proposé. On
préfère laisser les quatre ministères
représentés. On dé- sire ajouter l'Office des professions,
parce qu'on trouve que c'est une catégorie de la société
qui a beaucoup d'influence et d'importance. On voudrait également qu'il
y ait autant de membres d'associations de handicapés qui siègent
à ce conseil d'administration, pour être capables d'avoir autant
d'influence que les fonctionnaires. En fait, c'est une question de pouvoir de
décision et d'interpellation. Pour nous, nous trouvons cela
extrêmement important.
A la page 7, au paragraphe f), après "corporations municipales et
scolaires", à l'article 30, on propose d'ajouter les mots "...les
corporations professionnelles" ...également", encore pour sensibiliser
cette classe de la société qui a beaucoup d'influence et qui a
aussi, je pense, beaucoup de services à rendre aux
handicapés.
Quand on pense qu'ici, dans la région de Québec, on n'a
aucun bureau de dentistes accessible aux chaises roulantes! Ce serait
peut-être aussi un exemple sur les droits aux services de santé et
aux services sociaux. Il arrive que le handicapé vient à avoir de
très mauvaises dents. On les lui arrache toutes et on lui fait un
dentier. C'est le service qu'on leur offre.
Un autre point sur lequel nous désirons attirer votre attention
est l'article 57 que l'on mentionne à la page 9. Afin d'éviter
que l'office prépare in vitro un plan de reclassement professionnel et
social, lequel plan pourrait alors sous-estimer ou surestimer certaines
capacités de la personne handicapée, nous recommandons que soit
ajoutée, après les mots "...l'office prépare..."
l'expression suivante: "...en étroite collaboration avec la personne
concernée..." et que soient enlevés les mots "...à son
intention".
Ainsi l'article 57, le premier alinéa, se lirait comme suit: "Si
le demandeur est déclaré apte à un reclassement
professionnel et social, l'office prépare, en étroite
collaboration avec lui, un plan de reclassement professionnel pouvant
comprendre notamment, selon ses besoins, les éléments
suivants...".
Quant à l'article 61, je pourrais peut-être être un
peu plus explicite ici et un peu plus long. Je vais essayer d'être bref,
mais il y a des messages pour tout le monde là-dedans.
Puisque le plan de reclassement aura été
préparé en collaboration avec la personne concernée, il y
a lieu, au premier alinéa, après les mots "...reclassement
professionnel et social préparé...", d'enlever le mot
"...pour..." et ajouter le mot "...avec."
Ainsi le premier alinéa de l'article 61 se lirait comme suit:
"Aucune aide matérielle n'est accordée à moins que le
demandeur ne prenne, aux conditions prescrites par règlement du
lieutenant-gouverneur en Conseil, l'engagement écrit de collaborer
à l'exécution du plan de reclassement professionnel et social
préparé avec lui par l'Office, de fournir à l'Office tous
les renseignements et documents qu'il requiert, le cas échéant,
de supporter les frais d'exécution du plan qui sont laissés
à sa charge et de respecter les autres conditions prescrites."
Je crois qu'il faut donner l'importance à l'individu, au
handicapé, son importance de personne humaine. Si ce n'est pas lui
personnellement, ce sera son interprète, son tuteur, mais c'est toujours
avec lui qu'il faut travailler, je pense.
Un dernier point très important, notre amendement f à la
page 6. Les fonctions et pouvoirs de l'office.
Dans les fonctions et pouvoirs de l'office, nous constatons que seul le
reclassement professionnel est pris en considération, sauf à
l'article 57 où le reclassement social est mentionné. Nous nous
demandons ce qu'il adviendra de tous ces handicapés qui seront
classés inaptes au reclassement professionnel et à
l'entrée sur le marché du travail. C'est peut-être le
reproche qu'on peut faire le plus à ce projet de loi, en fonction d'un
marché de travail.
Nous exigeons que ce soit en fonction d'un reclassement social et,
possiblement, le marché du travail, parce que ceux qui ne seront pas
aptes à cela, ce seront encore des gens à l'écart, comme
on vous en a donné des exemples tout à l'heure, au
ministère de l'Education, sur les autres projets de loi.
Il est très difficile pour nous ou pour les gens qui ne sont pas
habitués à travailler avec les handicapés de se dire:
Pourquoi inclure un individu, lui donner certains avantages socialement? Pour
avoir travaillé près de 20 ans avec eux, je sais que le
handicapé a un autre rôle que la productivité, que
l'efficacité. Il a un rôle social à jouer et c'est un
rôle qu'on a déjà mentionné depuis longtemps.
Il est la personne la plus concrète qui peut vous faire le
message qu'il y a toujours moyen d'aimer la vie, même si la vie est
mutilée, même si, alentour, il y a des injustices, même si,
alentour, il y a des gens qui ne nous aiment pas. C'est extrêmement
important, ce rôle qu'il doit jouer. C'est pour cela qu'il faut le
laisser sortir et, pour pouvoir l'habituer à sortir, il faut qu'il y ait
du transport, il faut qu'il y ait de l'habitation. Il y a un autre principe, le
rôle que peut jouer cet individu. C'est d'aimer la vie avec ses
déficiences, à une condition, c'est que les autres partagent avec
lui, parce que, lui, il est toujours prêt à partager avec les
autres. C'est le rôle social, et cette partie sociale de la loi que nous
exigeons, nous trouvons cela extrêmement important. Pour cela
même s'il est en civière on lui donnera la permission de
sortir, d'aller voir des spectacles, de bénéficier de tous les
autres avantages des autres êtres humains.
Comme conclusion, notre association n'a pas exprimé son opinion
sur l'acceptation ou le rejet de ce projet de loi, car cette
responsabilité appartient soit au ministre qui l'a
présenté, soit aux membres de l'Assemblée nationale. Nous
devons, cependant, exprimer que si ce projet de loi est poursuivi et
adopté sans amendement, nous ne serons pas disponibles pour contribuer
à l'application d'une telle loi, qui aura trop peu d'utilité pour
nos 6000 membres, car nous sommes assurés de son échec pour une
très grande majorité des handicapés du Québec.
Cependant, nous demeurons disponibles pour contribuer à son
amélioration et nous vous assu- rons de notre entière
collaboration pour ce faire, tout en nous réservant le droit d'accepter
ou refuser quelque rôle que l'on voudra nous accorder par la suite selon
les modifications que l'Assemblée nationale voudra bien y ajouter. Nous
sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brisson): Merci. M. le ministre.
M. Forget: J'aimerais poser quelques questions relativement
à des commentaires détaillés qui sont contenus dans le
mémoire, pour clarifier la compréhension que j'ai de ces
commentaires. Vous soulignez la nécessité d'inclure le mot
"sensorielles" dans la description des catégories de personnes qui
peuvent bénéficier de la loi. Etes-vous absolument
persuadés que les mots "handicapé physique" n'incluent pas
effectivement handicapé sensoriel? Voyez-vous d'autres raisons pour
faire cette distinction?
M. Desjardins (Roger): Je pense qu'actuellement, dans les milieux
où on travaille, et l'interprétation que l'on fait très
souvent dans les différents comités de genres de handicaps, il y
a peut-être une séparation qui se fait entre le handicapé
mutilé ou d'autres provenances physiques que celles qui sont
sensorielles comme telles, comme les sourds et les aveugles, qui ont
peut-être beaucoup moins de difficulté à fonctionner sur
certains aspects mais qui ont des besoins différents.
M. Forget: La véritable opposition à "sensoriel",
c'est "moteur", parce que, quand on dit "physique", on englobe, me
semble-t-il...
M. Desjardins (Roger): Mais, si on veut inclure dans la loi les
aveugles, pourquoi ne définit-on pas aussi les sourds?
M. Forget: II y a une autre possibilité, c'est
d'énumérer tout le monde avec le risque qu'on en oublie. Quand on
dit "physique", on parle de tous les handicapés dont la cause du
handicap est physique. Les handicapés sensoriels ont une cause physique
à leur handicap. Je pense que je saisis votre préoccupation.
M. Desjardins (Roger): Notre but est de couvrir tous les genres
de handicaps sans les cataloguer dans la loi.
M. Forget: C'est cela.
M. Desjardins (Roger): C'est beaucoup plus cela.
M. Forget: Vous vous opposez à ce que l'office
c'est le commentaire sur l'article 9 puisse faire une enquête au
nom de la personne handicapée sans avoir son consentement.
A la lumière de ce qui a été dit la semaine
dernière en commission, c'est-à-dire une chose qui n'est pas
encore absolument confirmée, mais
qui est certainement plausible, ne vous apparaît-il pas dangereux
d'éliminer cette possibilité d'intervention d'un office qui n'a
pas de raison d'être à moins d'avoir une mission de protection
certainement dans des cas comme ceux-là, de lui enlever le droit de
demander une enquête ou de faire une enquête au nom de la personne
qui peut être victime d'intimidation et qui peut avoir toutes sortes de
raisons de ne pas faire la requête elle-même?
M. Desjardins (Roger): Ma réponse est que, quand vous
parlez de protection, c'est un droit de se faire entendre et c'est un droit
aussi de le protéger et de trouver le mécanisme...
M. Forget: Je comprends, mais qu'est-ce qui arrive si la
personne, qui a le droit et qui est la seule à pouvoir mettre en branle
son exercice, quand le droit en question est menacé, refuse ou
néglige de le faire, par exemple, à cause d'une intimidation dont
elle est l'objet? On peut bien dire qu'elle a le droit quand même et tant
pis pour elle si elle ne s'en prévaut pas, mais ce n'est pas une grosse
consolation, il me semble.
M. Desjardins (Roger): C'est un couteau à deux tranchants
aussi, en disant qu'on peut faire l'enquête sans son consentement, il
peut y avoir aussi un genre d'intimidation à ce moment-là.
M. Forget: De quelle façon?
M. Desjardins (Roger): En faisant, tout simplement, une
enquête sur des faits dont on n'est pas trop sûr...
M. Forget: Ordinairement, quand on fait une enquête, c'est
parce qu'on n'est pas trop sûr, mais je vois mal en quoi cela peut porter
préjudice à la personne qu'on cherche à protéger,
à moins que l'enquête soit malicieuse ou qu'elle soit
inspirée par un motif de nuire, mais si c'est cela, il ne faut pas
créer d'office pour la protéger ou s'occuper des personnes
handicapées. Il faut abolir tout cela.
M. Desjardins (Roger): A ce moment-là, il n'y a pas moyen
d'avoir son consentement?
M. Forget: Je vous pose tout simplement la question. A supposer
qu'il y ait de l'intimidation, à supposer qu'une personne
réussisse à se trouver un emploi. Prenons un cas concret, un
emploi dans une entreprise et je pense que cela s'est trouvé dans
le passé, peut-être assez récemment d'ailleurs et on n'a
pas de moyen facile d'intervention dans ces cas-là la loi dit,
par ailleurs, que toutes les lois du travail, par exemple, sont
également accessibles à une personne qui a un contrat de ce
genre, même si elle est en formation, en reclassement, etc. Elle a le
droit de se prévaloir de tous les droits, y compris ceux relatifs
à l'extension par décret des conventions collectives,
d'être payée au même taux que ses compagnons de travail. A
supposer que cette personne handicapée ait un emploi et qu'elle ne soit
pas effectivement payée à ce taux, mais que, craignant, en se
plaignant, de perdre tout simplement son emploi ce qui est en somme une
crainte qu'on pourrait croire réaliste dans certains cas elle ne
fasse aucune plainte, elle ne demande l'intervention de qui que ce soit.
Evidemment, si elle ne se plaint pas, aucun des mécanismes des lois
habituelles va pouvoir entrer en jeu parce que s'il n'y a pas de plainte, il
n'y a pas de cause d'enquête, il n'y a pas de cause d'action.
M. Desjardins (Roger): M. le ministre, c'est la règle pour
tout le monde.
M. Forget: Sans doute, c'est la règle pour tout le monde.
Mais la question que je pose, c'est: Etant donné les circonstances
spéciales qu'on envisage, est-ce qu'il n'y a pas besoin de
prévenir des possibilités comme celles auxquelles on a fait
allusion en commission, aussi récemment que la semaine
dernière?
M. Desjardins (Roger): Même avec le projet de loi, ce n'est
pas la fin des associations de handicapés. Ces associations pourront
certainement, à un moment donné, servir d'interprète pour
le handicapé auprès de l'office et dire: Oui, on va obtenir un
consentement du handicapé et vous allez fonctionner. On trouve
important, je pense, comme valeur de la personne humaine...
M. Forget: Si vous ne trouvez pas le consentement du
handicapé? C'est que vous supposez un peu que le problème
n'existe pas dans votre réponse.
M. Desjardins (Roger): C'est le jeu même pour l'individu
non handicapé.
M. Forget: Qui a moins de raison de croire qu'il fera l'objet
d'intimidation, cependant.
M. Desjardins (Roger): Je vous comprends très bien. Pour
avoir travaillé avec des handicapés, je trouve cela insultant
pour eux d'être obligés d'accepter une telle limitation. Demandez
aux handicapés, ils vont vous dire: Ecoutez, on va essayer de se
défendre. Ce sont des droits que nous voulons. Ce n'est pas de la
protection.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, d'ailleurs, si M.
le ministre le permet, dans l'article 69, l'association fait une recommandation
bien claire, bien précise...
M. Desjardins (Roger): D'accord.
M. Bellemare (Johnson): ... de ne pas avoir à toucher
à la Loi du salaire minimum et aux lois des conventions collectives.
Comme vous le dites si bien, la loi doit être une loi de protection,
d'accord, mais elle ne doit pas être une loi de soumission, et que le
handicapé, comme vous le dites dans votre mémoire à
l'article 69, doit jouir des mêmes privilèges que tout le
monde.
M. Desjardins (Roger): C'est une valorisation de la personne.
M. Bellemare (Johnson): Alors, je pense que vous touchez à
la réponse qu'attend le ministre. C'est-à-dire que, si le type ne
porte pas plainte, je comprends que, s'il porte plainte parce qu'il ne
reçoit pas le salaire minimum, c'est sûr et certain que c'est son
droit.
Mais il ne veut pas être astreint à être moins
payé qu'un autre, parce que c'est un invalide, parce que c'est un
handicapé. Il ne veut pas être soustrait à la Loi du
salaire minimum; c'est dans votre recommandation à l'article 69.
Vous suggérez, dans votre article 69 amendé, que l'article
15 de la Loi du salaire minimum soit abrogé, excepté dans les
ateliers protégés. Je pense que c'est bien logique, quand on voit
que toute la loi vise surtout à protéger les handicapés
qu'à les séparer du monde ordinaire.
M. Desjardins (Roger): Depuis 27 ans que nous travaillons pour la
revalorisation de la personne handicapée, devant un texte de loi qui
présente de la protection, on n'en veut pas. On essaie de le modifier
pour qu'il lui donne cette valeur. C'est très difficile pour l'individu,
qui n'est pas habitué de travailler avec le handicapé, de penser
comme cela. On est porté j'ai un fils handicapé
à le surprotéger; mais c'est un tort. Il a sa personne humaine,
il a le droit. A un moment donné, il nous dit: Arrête de
m'achaler!
M. Forget: Est-ce que la conclusion logique de votre position,
c'est de n'avoir aucune législation, dans le fond, et aucune mesure
spéciale pour les personnes handicapées?
M. Desjardins (Roger): Comme on le mentionne au début de
notre mémoire, ce serait idéal, mais c'est un peu utopique.
Depuis 27 ans qu'on travaille là-dedans, on a cité des lois tout
à l'heure, les lois de transport, d'éducation et, veux ou ne veux
pas, c'est comme cela. Ce qu'on désire, on désire que ce soit
là, mais que ce soit universel. Au moins, que celle-là soit
revalorisante; au moins, que celle-là permette à l'individu
handicapé de jouer son rôle, comme je l'ai dit tout à
l'heure, de prouver que la vie, il faut l'aimer, qu'elle soit mutilée,
qu'elle soit parmi des gens injustes autour de nous.
Simplement jouer ce rôle, c'est très valorisant.
Probablement que les syndicats, quand ils négocient des contrats de
travail, seraient peut-être plus conciliants. Les patrons seraient
peut-être moins égoïstes quand ils font des prix.
Peut-être que les professionnels seraient plus consciencieux.
Peut-être que les gens de l'Opposition regarderaient les gens du parti au
pouvoir d'une autre façon. Les gens au pouvoir regarderaient les
administrés d'une autre façon.
C'est le rôle des handicapés. C'est beau d'aimer la vie?
Demandez-leur, ils vont être capables de donner leur opinion sur
l'avortement et sur l'euthanasie. Mais aussi, ce qui est encore
complémentaire à cela, ils vont vous prouver que c'est beau, pour
autant qu'on puisse la partager avec eux, parce qu'eux, ils sont prêts
à la partager avec vous.
C'est tout le sens. Quand nous parlons du rôle social du
handicapé, c'est cela. C'est cela que j'ai vécu depuis 20 ans.
C'est par ce moyen qu'on désire faire jouer ce rôle. Ce n'est pas
un rôle dévalorisant, loin de là. Ce n'est pas un
rôle uniquement sur le marché du travail. Il a autre chose
à faire que cela, cet individu. Il est capable de faire beaucoup mieux
que cela, quelque chose qui soit beaucoup plus valorisant pour notre
société.
Lorsqu'on a vu, il y a quelques mois, un type, avec ses deux jambes,
sauter sept pieds et quelques pouces, qu'on dépense des sommes que
j'aime autant ne pas mentionner et que, quelques semaines plus tard, un
unijambiste a fait le même exploit, qui est le héros?
Tous les jours nous vivons ces exploits dans nos familles de
handicapés et dans nos associations.
Le Président (M. Brisson): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, j'ai exprimé l'avis,
au début des séances la semaine dernière, que la loi nous
apparaissait, à tout le moins, en signalant notre disponibilité
pour entendre ces commentaires, gravement incomplète. Le
témoignage qui nous est donné ce matin par l'Association de
paralysie cérébrale va, sans aucun doute, à plusieurs
endroits, nous aider à la compléter. Je pense que vous nous
donnez la chance, par un certain nombre de recommandations, de faire vraiment
une meilleure loi. Elles mériteront, à plusieurs endroits,
d'être retenues.
Pour être bien sûr que nous pourrons, par la suite,
reprendre un certain nombre de vos suggestions et les défendre, à
notre tour, lorsque viendra le temps de faire la loi dans son texte final,
j'aimerais avoir, de votre part, des éclaircissements sur un certain
nombre d'éléments que vous apportez.
Je souligne cette insistance que vous mettez à plusieurs
endroits, vous nous suggérez l'amendement d'ajouter, après
"reclassement professionnel", "et social". Je pense que j'ai' compris, comme je
partage aussi la philosophie de cette attitude. Ce n'est donc pas à
cause de cela, même si j'aimerais vous entendre encore le décrire,
que je veux vous demander la raison de cet amendement.
Je veux vous demander par contre, comment, concrètement, le fait
d'ajouter dans la loi "et social" ajouterait au mandat de l'office, au devoir
de l'office. Si, par exemple, demain matin, nous adoptions votre amendement,
c'est-à-dire en en partageant la philosophie, que nous travaillions
ensemble au reclassement, que nous voulions avoir une institution, ici au
Québec, qui travaille au reclassement professionnel et social de la
personne handicapée, qu'est-ce que cela voudrait dire comme ouvrage
qu'on vient de leur donner en ajoutant ce mot?
Vous avez fait allusion, tantôt, à la vie sociale des
handicapés et à leur possibilité d'accès, par
exemple, aux différentes manifestations culturelles que n'importe
quel citoyen peut connaître. Voulez-vous dire, par cet exemple, que
l'office devrait non seulement travailler à remettre quelqu'un sur le
marché du travail, le plus concrètement possible, mais aussi
travailler, conjointement avec différentes sociétés ou
différents groupes de la collectivité québécoise,
pour atteindre aussi la plénitude des droits sur le plan social pour la
personne handicapée? Que voulez-vous dire, concrètement, par "et
social"?
M. Oesjardins (Roger): A la lecture du projet de loi, l'essence
de nos recommandations est que les handicapés contrôlent une
certaine part de l'office, parce qu'ils sont à 50% au bureau de
direction. A partir de là, il y a beaucoup d'interprétations de
certains articles qui peuvent être appliquées d'une façon
ou d'une autre. Je sais que dans certains mémoires on appréhende
le fait qu'on ne dit pas qu'il y a des bureaux régionaux. Cela ne me
fait pas peur, quand je sais que j'aurai sept handicapés et qu'il y a un
article qui dit que le conseil d'administration se donnera les pouvoirs, les
structures qu'il voudra. La Régie des rentes a des bureaux
régionaux; l'assurance-maladie n'a pas de bureaux régionaux. Mais
l'office pourra avoir soit l'un ou l'autre. On va se donner à
l'intérieur... Le conseil d'administration a du moins
interprété beaucoup de choses là-dessus. Quand je parle
d'aller chercher la valorisation sociale, vous avez un autre article qui dit
que l'office a le pouvoir de former des comités, de s'ajouter des
techniciens et des professionnels, d'aller auprès des autres
ministères et d'influencer; c'est son rôle.
On aurait pu ajouter, à ce sujet, le ministère des
Affaires sociales et le ministère des Affaires culturelles. On aurait un
bureau de direction de trente personnes et on n'en aurait peut-être pas
assez de tout ce monde; mais il y a, dans votre loi un article qui dit que le
rôle de l'office sera d'aller chercher et d'essayer d'influencer la
Société d'habitation, les municipalités et les autres
organismes de la couche de la société.
J'espère que les sept représentants qui seront au moins
majoritaires à notre conseil d'administration, joueront leur vrai
rôle, par exemple, et insisteront auprès des autres fonctionnaires
pour aller chercher ce dont on a besoin pour le transport,
l'hébergement, etc. Est-ce que cela répond à votre
question, M. Charron?
M. Charron: D'accord. Je voudrais, en terminant, M. le
Président, mettre en exergue une recommandation de l'association qui
m'apparaît extrêmement importante. Je ne pense pas que vous ayez
à revenir là-dessus, puisque vous l'avez clairement
indiquée lorsque vous l'avez présentée. J'attire
l'attention des membres de la commission sur cette suggestion, celle faite
à l'article 57, qui m'apparaît tout porter ce que nous pouvons
souhaiter pour faire la meilleure loi possible, que "l'Office prépare"
c'est leur suggestion "en étroire collaboration avec la
personne concernée".
Je pense très sincèrement que si nous devions adopter une
loi qui ne comporterait pas cet amendement, nous n'aurions pas fait une bonne
loi.
Le premier endroit où la valorisation de la personne
handicapée doit se faire, c'est lorsqu'on la considère apte
d'elle-même à travailler à s'édifier, conjointement
avec des gens payés par la collectivité pour l'aider à
faire respecter ses droits, apte à décider elle-même de son
chemin. Je pense que l'adoption d'un tel amendement pourra peut-être
compliquer les choses sur le plan bureaucratique, et de là viendra
peut-être l'inquiétude du ministère des Affaires sociales.
C'est vrai qu'on complique peut-être, sur le plan bureaucratique, en
acceptant votre amendement, le fonctionnement de la loi. C'est toujours plus
facile pour l'office de préparer à l'intention d'une personne un
plan de carrière ou un plan de vie ou un plan de réadaptation ou
de reclassement professionnel et social. Cela va toujours mieux quand on le
fait dans les officines de Québec ou dans les officines de n'importe
quel bureau que d'aller avec une personne, de discuter avec elle, de
connaître ses goûts, de connaître ses aptitudes. Cela ne nous
donne rien de préparer un plan de reclassement professionnel qui
n'intéresse pas la personne et l'intérêt à la
profession est important. Je suis intéressé à la mienne,
j'en suis heureux, mais je connais tellement de gens qui ne sont pas
intéressés, qui font une "job" qu'ils n'aiment pas. Ces personnes
ont sans doute le droit, adultes, de donner leur avis. Il faut
considérer, autrement dit, l'office comme un appoint plutôt que
comme un définisseur à la place de la personne handicapée.
Je veux vous dire, en remerciant de son mémoire, M. Desjardins et ceux
qui l'accompagnent, que nous prenons à notre compte, pour le moment et
jusqu'à l'adoption de la loi, cet amendement à l'article 57.
Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Le
député de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): Je pense que votre mémoire, ce
matin, reflète l'idée de bien d'autres qu'on a entendus depuis
quelques jours. Mais, particulièrement, il y a un monsieur, Mario
Bolduc, qui a travaillé d'une manière toute spéciale au
ministère des Affaires sociales pour la planification comme il
dit, au moment où il travaillait encore à titre de professionnel
pour la direction de la planification du ministère des Affaires sociales
qui a écrit ce matin, dans un journal qu'on appelle le Soleil, un
article assez sensationnel que je vous invite à lire, qui donne
exactement le point de vue de l'Opposition officielle et de l'Opposition que je
représente sur le projet de loi sur la protection des personnes
handicapées. C'est ce qui risque de ne pas être dit dans la loi
qui fait aujourd'hui tant de tapage et qui est contenu dans presque tous les
mémoires. Il donne là des aspects particuliers que vous exposez
vous-même dans votre mémoire ce matin.
Je suis content de voir que vous rencontrez plusieurs de ces
idées, par exemple, en ce qui
concerne la Société d'habitation, les logements à
prix modique pour les handicapés, les moyens de transport pour
pénétrer dans les édifices publics. Cela fait trois ans
que c'est devant le ministère du Travail; on veut obtenir des
facilités d'accès aux différents bureaux, aux
différents services et rien n'a été fait encore. Ce n'est
pas dans la loi que l'on retrouve cela. D'ailleurs, il dit que, lorsque l'on
forme un office, on le fait trop bureaucratique et qu'à ce moment on
risque de ne pas entendre la voix de ceux qui doivent être entendus.
C'est cela qui est important, je pense. On la fait pour qui, cette loi? Est-ce
qu'on la fait pour les ministres? Est-ce qu'on la fait pour les fonctionnaires,
ou si on la fait pour les handicapés? Ce sont eux qui doivent avoir la
prépondérance, qui doivent avoir au chapitre la voix la plus
forte pour dire à ces messieurs, qui sont les représentants des
différents ministères, ce que véritablement on doit
appliquer dans leur cas pour ne pas en faire des hommes et des femmes de
seconde zone. Ces gens méritent d'être traités aujourd'hui
avec autant de facilité, selon les dispositions de la loi et
particulièrement les montants qu'on y dépense, que les gens
ordinaires. Vous l'exposez dans votre mémoire au préambule et
vous dites que vous ne voulez pas être une catégorie à
part. Il ne faudrait pas, non plus, que la loi consacre les handicapés
comme une catégorie à part. Je pense que, si l'office est
constitué de quatre fonctionnaires, de quatre représentants des
handicapés, ce n'est pas véritablement ce que vous
recherchez.
Dans un autre ordre d'idées, j'aurais seulement une question
à vous poser. Est-ce que vous n'auriez pas en main, vous ou d'autres
personnes qui vont venir déposer des mémoires aujourd'hui,
certaines statistiques au sujet du placement qui a pu être fait par vos
organismes pendant les cinq dernières années? Par exemple, quand
il s'agit de la paralysie cérébrale, vous dites: Dans notre
association on vit depuis 20 ans dans 20 ans, on a réussi
à placer trois personnes par année, cinq personnes par
année. Un autre viendra nous dire: Nous autres... Dans un mémoire
que nous avons entendu la semaine dernière, quelqu'un nous recommandait
que les industries engagent deux handicapés sur 100 nouveaux
employés. Mais quelles sont les véritables statistiques que vous
pourriez nous fournir? Vous avez un paragraphe, à la page 2, qui dit:
Toutefois, ne nous leurrons pas sur la facilité avec laquelle pourra se
faire le retour au travail. De nombreux obstacles existent, dont le taux de
chômage élevé qui rend la concurrence à l'emploi
presque insoutenable pour un handicapé.
Cela veut nous dire que les blocages peuvent venir de toutes sortes de
choses, des contremaîtres, des cadres, des industriels ou autres; le
rendement est très faible. J'aimerais entendre, de votre part, M. Roger
Desjardins, une statistique, peut-être pas juste, mais approximative.
Dire: Nous, dans le passé, avec les moyens du bord, sans la loi, on a
réussi, au point de vue du placement, à trouver de l'emploi
à peu près à deux, trois ou quatre personnes par
année.
M. Desjardins (Roger): Je suis très heureux, M. Bellemare,
que vous me posiez cette question.
Je désire, cependant, avant d'y répondre, vous rappeler
que le 20 mai 1974 notre association a présenté un mémoire
qui s'appelle "Urgence 144", dont j'ai un exemplaire ici, qui exposait
complètement, d'une façon très exhaustive, toute la
problématique des paralytiques cérébraux. Le ministre,
depuis ce temps, a répondu favorablement, pour deux régions, aux
solutions que nous exposions là-dedans, quoique nous attendons encore
des résultats concrets. Les mécanismes sont en branle, et tout
ça.
Sur l'aspect du placement au travail, il faudrait comprendre que notre
association est une association pour faire le dépistage, l'inventaire
des besoins, l'inventaire des ressources et promouvoir des programmes pour la
réadaptation du handicapé. Notre but n'est pas de
l'insérer sur le marché du travail comme tel.
Dans les paralytiques cérébraux, il y en a quelques-uns.
Ils sont très peu nombreux. On mentionne à la fin du
mémoire qu'actuellement on pense très difficile de mettre sur le
marché du travail des paralytiques cérébraux, les
moyennement ou sévèrement atteints. C'est une maladie qui n'est
pas évolutive, mais qui est permanente. Il n'y a rien qu'on puisse
ajouter là-dessus.
M. Bellemare (Johnson): M. Desjardins, il serait plus possible de
fonctionner au sein d'un groupe qu'individuellement, au point de vue du
placement.
M. Desjardins (Roger): C'est tout un ensemble...
M. Bellemare (Johnson): Oui, j'ai compris ça, et je vous
ai très bien saisi. Je cherche une statistique par exemple. A la fin du
mémoire, on dit que c'est très difficile de réadapter au
travail cette catégorie de la paralysie cérébrale.
D'accord! Je le comprends facilement, mais dans un cas comme celui-là,
après 20 années de fonctionnement, vous, personnellement, vous
pouvez nous dire: Ecoutez! C'est vrai que c'est difficile. Mais la loi
va-t-elle véritablement vous aider au point de vue du retour au
travail?
M. Desjardins (Roger): Pour ceux qui le seront, d'accord,
mais...
M. Bellemare (Johnson): Mais avec votre expérience et avec
ce qu'on vous offre aujourd'hui...
M. Desjardins (Roger): Oui.
M. Bellemare (Johnson): ... est-ce que ça peut
améliorer votre situation, oui ou non?
M. Desjardins (Roger): Cela va améliorer la situation
d'à peu près 10% des paralytiques cérébraux
seulement. 90%...
M. Bellemare (Johnson): Au point de vue du travail ou du
traitement, de la protection?
M. Desjardins (Roger): Du travail.
M. Bellemare (Johnson): Du travail.
M. Desjardins (Roger): Oui. C'est pour ça qu'on...
M. Bellemare (Johnson): Les 10%, c'est sur cinq ou six par
année qui retournent au travail.
M. Desjardins (Roger): C'est ça.
M. Bellemare (Johnson): Alors, 10%, ça ne
représentera pas énormément.
M. Desjardins (Roger): Pas énormément.
M. Bellemare (Johnson): D'après vous, la loi,
elle-même, est-ce qu'elle est bonne? Vous avez dit tout à l'heure
que vous pouviez vous en passer.
M. Desjardins (Roger): Si on parle...
M. Bellemare (Johnson): Je trouve ça bien fort.
M. Desjardins (Roger): Oui.
M. Bellemare (Johnson): Lorsque vous avez dit que vous
étiez capable de vous en passer, j'allais vous dire: Ecoutez. N'allez
pas trop fort parce qu'il y a des choses extraordinairement bonnes dans la loi
qui sont un progrès très sensible sur ce qui existe, sans traiter
en subalternes les handicapés.
M. Desjardins (Roger): II y a également des choses
négatives. Sur le plan principe, quand on dit une protection, nos
membres ne veulent pas cela. Demandez-leur, aux handicapés, et ils vont
vous dire: Nous ne voulons pas de protection.
M. Bellemare (Johnson): Vous ne voulez pas de la loi.
M. Desjardins (Roger): On veut des droits et des libertés,
la reconnaissance des droits et des libertés, mais on ne veut pas une
loi qui a un principe de protection.
M. Bellemare (Johnson): ... des droits qui seraient
dirigés par l'office, en somme.
M. Desjardins (Roger): Si, à l'intérieur de
l'office, il y a autant d'handicapés que de techniciens ou de
bureaucrates, je pense qu'on va pouvoir travailler, faire quelque chose.
M. Bellemare (Johnson): Merci. Je n'ai pas d'autres
questions.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Lafontaine.
M. Léger: J'aurais seulement une question d'ordre pratique
au ministre sur un événement survenu dernièrement dans le
comté de Lafontaine concernant le problème des foyers d'accueil
et des handicapés qui passent par une période de transition.
M. Forget: On voit l'heure qui avance rapidement et on a plus ou
moins donné une promesse à un groupe qui ne pourra pas être
ici cet après-midi de se faire entendre. Avant de lier le débat
entre les membres de la commission évidemment, on aura plusieurs
occasions de le faire et le je ferai avec beaucoup de plaisir j'aimerais
peut-être qu'on consacre le temps le plus possible à entendre les
invités parce qu'il y en a qui vont peut-être être
obligés de quitter avant qu'on les ait entendus.
M. Léger: D'accord. En autant que nous aurons l'occasion
de discuter à nouveau avec le ministre à ce sujet...
M. Forget: Cela ne manquera pas. M. Léger: ... je
n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Brisson): Lors de l'étude de la
loi, article par article.
M. Léger: A la première occasion. C'est un
problème plus urgent que cela.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: J'aurais simplement une précision à
demander à M. Desjardins. Si on comprend bien votre message, vous dites
que, dans l'évolution de notre société, il y a eu
différentes attitudes vis-à-vis des gens qui n'étaient pas
tout à fait semblables, soit dans leur comportement, soit dans leurs
attitudes, soit au niveau physique, au reste des personnes. Il y a eu une
tendance, dans notre société à traiter ces gens d'une
façon différente, on a même bâti des institutions
pour ces personnes. Je pense que votre plaidoyer, ce matin, est vers une
philosophie ou une approche différente, qui est tout à fait
conséquente, d'ailleurs, avec l'évolution de la
société, de la connaissance des sciences humaines..
Cela résumerait-il bien votre pensée si,
hypo-thétiquement, cette loi, au lieu de s'appeler Loi sur la protection
des personnes handicapées, s'appelait, Loi sur l'intégration des
handicapés dans la société? Cela résumerait-il
bien...? Quoique je dois dire que tout dépend de ce qu'on veut dire par
protection, mais je pense bien que les gens qui ont réfléchi
à cette loi se sont dit qu'il est temps de faire quelque chose de
spécifique au bénéfice de. Mais vous venez de nous dire:
Oui, c'est bien. Cela ne veut pas dire que c'était mauvais. Vous avez
dit: C'est bien, mais ce n'est pas tout à fait juste. Si on parlait
beaucoup plus d'intégration que de protection, cela serait-il, en
résumé, votre philosophie de base?
M. Desjardins (Roger): Je pense que lorsqu'on parle de la
reconnaissance des droits et libertés, vous allez faire
l'intégration d'une façon automatique. C'est le titre que l'on
propose.
M. Bonnier: Si on changeait tous les mots de protection par
intégration, cela pourrait correspondre à vos
préoccupations.
M. Desjardins (Roger): La reconnaissance des droits et des
libertés de la personne handicapée.
M. Bonnier: Merci.
Le Président (M. Brisson): C'est terminé? Alors, je
vous remercie messieurs.
M. Desjardins (Roger): Merci.
Le Président (M. Brisson): J'appellerais maintenant M.
Pierre Paradis, directeur général du Conseil du Québec de
l'enfance exceptionnelle.
M. Paradis, nous devrons terminer votre exposé et la
période de questions pour 12 h 30. D'accord?
Conseil du Québec de l'enfance
exceptionnelle
M. Paradis (Pierre): M. le Président, M. le ministre des
Affaires sociales, M. Forget, M. Charron, MM. les membres de la commission
parlementaire, j'aimerais d'abord vous présenter les personnes qui ont
travaillé au mémoire. D'abord, M. André Thériault,
psycho-éducateur et coordonnateur de l'enfance inadaptée à
la Commission scolaire régionale du Grand-Portage, à
Rivière-du-Loup, le président de notre organisme; Mlle
Andrée Guil-beault, professeur spécialisé en
déficience mentale à la Commission scolaire
Jérome-LeRoyer, à Montréal; M. Jean-Pierre Cartier,
docteur en chimie, professeur-chercheur au département de chimie de
l'Université du Québec, à Montréal; il est
accompagné de son chien-guide leader, Lobo; M. André Cloutier,
psychologue au département de psychologie de l'Université du
Québec à Trois-Rivières; M. Emilio Francescucci,
orthopédagogue, agent de stage industriel à la Commission des
écoles catholiques de Montréal; ce dernier travaille
auprès d'adolescents aux prises avec un handicap physique.
J'aimerais d'abord vous présenter M. Thériault, notre
président, qui va rapidement vous donner un aperçu de notre
organisme. M. Thériault.
M. Thériault (André): M. le Président,
d'abord, un merci très bref et quand même complet d'avoir
accepté de nous entendre et aussi d'avoir acquiescé à
notre demande d'être entendus au début, afin de permettre à
mes confrères de pouvoir accomplir, en fin d'après-midi, leurs
obligations professionnelles. Merci aussi aux autres groupes qui ont bien voulu
nous céder leur tour.
Je vais, très rapidement, vous donner un aperçu de ce
qu'est le Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle. C'est un
organisme professionnel et scientifique qui regroupe au-delà de 1750
professionnels de toutes disciplines. Le but que l'on poursuit est de favoriser
le mieux-être individuel et collectif des exceptionnels. Nos objec- tifs,
tels qu'ils ont été définis en 1963, sont d'abord le
perfectionnement des membres et autres professionnels travaillant auprès
des exceptionnels, la sensibilisation de la société, la
définition des normes professionnelles en éducation
spéciale, la prévention et, rajoutés en 1971,
l'étude des législations et recommandations aux autorités,
l'identification de besoins et de pistes de recherche.
Le Conseil du Québec, communément appelé CQEE,
donne une série de divisions par secteur d'intérêt. Par
exemple, on a la division sur les handicaps de la vue, la division sur les
handicaps physiques et la division sur la débilité mentale.
D'ailleurs, les présidents de chacune de ces trois divisions sont avec
moi et vous donneront une partie de notre mémoire tout à l'heure.
Nous avons aussi la division d'apprentissage et motricité. Dans les
autres services, nous avons la revue L'enfantexceptionnel qui paraît tous
les trois mois, différentes publications de documents scientifiques et
de bulletins d'information, les journées scientifiques que l'on tient
chaque année et un congrès annuel regroupant plus de 3000
participants, en réalité, c'est de 3000 à 4000
participants. Nos deux plus grandes caractéristiques sont la
pluridisciplinarité des membres et le bénévolat de chacun
des membres qui oeuvrent au sein du conseil.
M. Paradis: La procédure, M. le Président, est tout
simplement de sortir dans un style télégraphique les mots
clés qui ont présidé à la rédaction de notre
mémoire et très rapidement de souligner quelle est notre position
sur chacun de ces mots. Nous avons d'abord des considérations d'ordre
général et ensuite des considérations un peu plus
spécifiques.
M. Gauthier (André): A l'intérieur des
considérations davantage générales, on s'arrête
d'abord à la terminologie. La lecture de certains termes à
l'intérieur du texte de loi nous a étonnés. Parmi ceux-ci,
nous retrouvons des termes comme "protection, handicapé, atelier
protégé, enregistrement, reclassement, etc." qui sont des termes
qui contribuent à asseoir définitivement les effets d'une
infortune déjà profondément ressentie et vécue. Il
n'est pas nécessaire qu'elle soit législativement
consacrée. Nous aurions attendu du ministère qu'il utilise des
termes moins négatifs et plus constructifs. J'invite les membres de la
commission à parcourir le mémoire qui donne plus de
détails, qui s'arrête davantage sur certains termes
précis.
Dans un deuxième volet, on retient le phénomène de
discrimination, qui se divise en trois parties. D'abord, on s'arrête
à l'article 46, paragraphe c), qui veut qu'on situe, qu'on essaie de
déterminer le niveau de handicap d'un individu à partir des
chiffres de 20% et 30%. Il nous apparaît alléatoire et arbitraire
de prétendre, par exemple, pouvoir déterminer ce qu'est une
diminution de 20% d'un fonctionnement intellectuel. Au niveau de l'amplitude
des mouvements, je pense que c'est possible de déterminer une perte de
20% ou de 30%, mais au niveau d'une diminution des aptitu-
des intellectuelles c'est une autre histoire. Un déficient
profond de 40 de quotient intellectuel peut fonctionner à 100% de son
quotient. Comment y arrive-t-il? On pourra y revenir si c'est à
propos.
Deuxièmement, il ne nous est pas apparu évident, dans le
texte de loi, que les enfants pourraient être considérés
comme des bénéficiaires autant que les adultes.
Troisièmement, la loi semble vouloir maintenir les classes de
privilège parmi les bénéficiaires. En effet, on retrouve
dans le texte de loi des considérations particulières pour les
handicapés de la vue quant au logement, au transport et au niveau des
endroits publics, des choses du genre, alors que, pour un handicapé
moteur, il n'y a aucune considération du même ordre qui soit
contenue dans la loi. Très souvent, par rapport aux handicapés
moteurs, ces modifications à apporter, soit au logement ou autres, sont
mineures et peuvent assurer un accès permanent et définitif. Un
répertoire de ces logements, édifices, moyens de transport
pourrait être publié. L'Etat doit prendre l'initiative et
uniformiser les droits de tous les handicapés permanents et temporaires
sans restriction. En effet, il est inconvenant que l'on doive être aux
prises avec un handicap permanent pour avoir des droits. La personne avec un
handicap temporaire a aussi des droits.
Troisièmement, on s'arrête sur le problème ou le
phénomène de l'accréditation. Il faut reconnaître
les intentions positives du ministères des Affaires sociales et
applaudir ses désirs d'intervention dans l'accréditation des
associations, dans ses appuis aux centres d'avancement personnel par le
travail, c'est un terme qu'on a utilisé plutôt qu'atelier
protégé, parce que nous nous demandons si, dans le terme
d'atelier protégé, c'est le handicapé qui est
protégé ou la société.
Nous aurions aimé, cependant, une attitude plus ferme dans les
critères de reconnaissance et de contrôle des organismes qui
s'occupent des personnes aux prises avec un handicap. Dans ce secteur, il y a
foisonnement d'associations qui se préoccupent de ces personnes. Le
Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle aimerait voir des
règlements sévères sur l'accréditation des
organismes, sur les levées de fonds et sur l'administration rationnelle
de ces fonds.
Finalement, on retient le terme de l'agrément. Dans
l'agrément des centres d'avancement personnel par le travail, encore une
fois l'atelier protégé, nous aurions aimé des mesures
strictes et sévères concernant l'exploitation qui est faite des
travailleurs dans ces centres par les compagnies et autres
commerçants.
Par contre, il faut peut-être éviter la
prolifération systématique des centres d'avancement personnel par
le travail, les ateliers protégés, et inviter les employeurs, les
syndicats à se pencher volontairement sur ces cas. Ils ont aussi une
responsabilité civile. Cet aspect de la loi sera débattu plus
longuement ultérieurement.
M. Paradis: A l'article libre choix, M. Cartier. M. Cartier
(Jean-Pierre): M. le Président, dans les considérations
générales que j'ai pu tirer de la lecture du projet de loi, je me
suis trouvé à faire certaines remarques qui peuvent être
exclues dans l'application qu'on fera de cette loi.
Evidemment, cela touche le libre chox, surtout d'un chien-guide. Il y a
une possibilité de différents choix de chiens-guides venant de
différentes écoles accréditées qui sont aux
Etats-Unis, puisqu'il n'y en a pas encore au Québec et au Canada.
En second lieu, j'aimerais souligner quelques endroits où il
faudrait être attentifs dans l'application de cette loi, à cause
du caractère de marginalisation qui peut s'imposer d'une façon
facile et qui a existé d'une façon assez forte et avant la
parution du projet de loi, que j'ai eu à contourner pour essayer de me
faire une place au soleil comme citoyen à part entière.
Comme on l'a souligné dans l'intervention
précédente, où M. Bellemare a répondu avec le brio
de parlementariste qu'il a si bien acquis, les mots assujettissement,
protection accroissent le caractère de protection de la loi et
créent une difficulté qui peut mettre un accent encore sur la
marginalisation. On a dit à mon sujet, à une certaine
époque, que je refusais le ghetto. Cela se produisait dans le
passé. J'espère que la loi va nous permettre de sortir d'un
système que je considère, évidemment, indigne de la
civilisation dans laquelle nous essayons d'évoluer.
Ensuite, il y a un autre trait caractéristique qui m'a
frappé. C'est celui des professionnels de la santé. La remarque
que je me suis faite à moi-même et que je vous fais, M. le
Président, c'est que les professionnels de la santé ne sont pas
nécessairement des professionnels des handicaps.
Là encore, il faut tâcher d'avoir des gens qui vont
travailler, au moins dans l'esprit que veut avoir la loi, au
développement de ces gens qui ont à fonctionner avec un handicap
et à se faire reconnaître comme des citoyens à part
entière, avec des droits et devoirs. Merci.
M. Paradis: A l'article sur la terminologie, on aura
remarqué, sans doute, le lapsus de l'éditeur, probablement, qui
dit, à l'article 68, que la personne sera "handicaptée".
Maintenant, M. Francescucci nous parlera sur le droit au travail.
M. Francescucci (Emilio): M. le Président, si vous le
permettez, à la fin de mon exposé, je vais vous donner de
nombreuses statistiques qui pourraient répondre à la question que
M. Bellemare posait dans la section précédente. Je
répondrai à la fin de mon exposé.
D'abord, j'aimerais faire une remarque. Je ne refuse pas la loi,
seulement un aspect, soit la composition de l'office. D'après le projet
de loi 55, l'Office de la protection des personnes handicapées semble
devenir un gouvernement marginal pour une société marginale.
Pourquoi vouloir créer une structure en dehors de chacun des
ministères, au lieu de spécialiser les services de ces
ministères pour en faciliter l'accès?
Dans la composition des membres de l'office,
quatre ministères délèguent chacun un
représentant. A notre avis, si le gouvernement désire vraiment
éviter la marginalisation de ces personnes, il demandera à
l'office de déléguer des représentants au sein de chaque
ministère, afin d'obtenir des législations et des services
favorables à l'insertion ou à la réinsertion sociale de
ces personnes.
J'aimerais également m'adresser au ministre du Travail je
ne sais pas s'il est parmi nous étant donné qu'il y a un
chapitre important du projet de loi qui traite du travail.
La législation du travail élaborée depuis quelques
décennies ne contient aucune modification susceptible de définir
le statut de la personne aux prises avec un handicap, face au monde du travail.
Aucune disposition n'a été prévue au Code du travail pour
reconnaître le droit au travail de ces personnes, alors que la Loi du
ministère de l'Education assure le droit de ces personnes à
l'éducation, ceci au chapitre 233, sans égard au handicap.
Cette absence de législation de la part du ministre du Travail
crée d'énormes obstacles dans l'obtention d'un emploi pour les
personnes aux prises avec un handicap. Il serait à propos de se demander
pourquoi ces personnes ont de la difficulté à se trouver un
emploi. Est-ce l'absence d'information? Est-ce l'indifférence des
employeurs? Est-ce l'indifférence des syndicats ou du gouvernement?
Certes, tous ces facteurs y contribuent et, à titre d'exemple,
nous pouvons mentionner les conventions collectives. Chaque demande d'emploi
doit être négociée entre le syndicat et l'employeur,
puisque les fonctions relativement faciles et adaptées aux
possibilités de ces personnes sont revendiquées par le syndicat
qui s'appuie sur la clause d'ancienneté.
Nous pouvons également parler des caisses de retraite. Les
personnes aux prises avec un handicap représentent, d'après
certains employeurs, un grand risque concernant la clause
d'invalidité.
Nous pouvons également parler des avantages sociaux, des
compagnies d'assurance aussi qui prétendent qu'un handicap peut
s'aggraver avec les années; aussi des examens médicaux dans
l'affichage des postes où on requiert une intégrité
physique au lieu d'un état de santé jugé satisfaisant et
compatible avec l'emploi demandé. Aussi, l'absence de perspectives
d'embauche au terme des études secondaires diminue la motivation des
professeurs et des étudiants. En effet, les professeurs et les
étudiants se demandent pourquoi tant d'efforts, puisque, à 18
ans, en sortant de l'école, nous sommes devant le vide.
C'est pourquoi nous faisons les recommandations suivantes: On aimerait
une loi qui consacre le droit au travail de la personne sans aucune
discrimination à l'égard du handicap, mais seulement en fonction
d'une aptitude au travail; des dispositions législatives qui stipulent,
quelles que soient les conventions collectives en vigueur, qu'il n'y ait pas
d'obstacle à l'embauche et que les fonctions de travail adaptées
aux possibilités de ces personnes ne soient pas la cause de griefs de la
part des autres employeurs ou du syndicat.
Aussi, on aimerait voir diversifiés et adaptés les
services de la Commission des accidents du travail pour accueillir les
personnes aux prises avec un handicap autre que celui qui provient d'un
accident du travail.
On aimerait aussi voir un centre de référence
multidisciplinaire autorisé à émettre des certificats
d'aptitude au travail sans égard à la scolarité des
personnes concernées.
On aimerait aussi trouver des emplois réservés dans la
fonction publique pour que le gouvernement puisse prendre le leadership dans
l'accessibilité aux emplois pour ces personnes et donner en même
temps l'exemple aux entreprises privées. On aimerait aussi que des
subventions aux salaires soient accordées pour obtenir au moins le
salaire minimum durant la période de réadaptation.
On aimerait aussi voir subventionner les entreprises privées au
lieu des ateliers protégés pour l'adaptation, par exemple, des
postes de travail, s'il doit y avoir modification des outils, de la machinerie,
et inciter en même temps les entreprises à prendre leurs
responsabilités.
Que représente le travail pour ces personnes? Nous vivons dans
une société fondamentalement orientée vers le travail,
dans laquelle l'habileté exercée d'un travail
rémunéré est une condition essentielle à la pleine
citoyenneté et surtout à l'indépendance.
Le travail sert généralement d'indice de la valeur de
l'individu, de son intelligence, de son niveau socio-économique. Devant
cette importante valorisation du travail par la société, les
personnes aux prises avec un handicap et, de ce fait, exclues du marché
du travail, ne peuvent que se sentir rejetées. Les répercussions
psychologiques d'une telle situation peuvent être néfastes ou
compromettre sérieusement l'intégration complète à
une vie normale.
L'accès au travail contribue à diminuer cette
anxiété et aide les personnes à atteindre les sentiments
de dignité humaine.
Dans cette optique, le travail est considéré comme le but
ultime de la réhabilitation. Dans l'exercice de mes fonctions de
travail, je dois m'occuper de placer en stage des étudiants aux prises
avec un handicap physique. Lors d'une première séance, je leur ai
demandé: Pourquoi voulez-vous travailler? La réponse que j'ai eue
d'un adolescent a été: Parce que je veux devenir comme tout le
monde. Donc, ici, il s'agit bien que le droit au travail, c'est aussi le droit
à une vie bien remplie. Merci.
Si vous me permettez, ultérieurement, j'aimerais répondre
à M. Bellemare. Etant donné que je travaille depuis une dizaine
d'années dans une école où on dispense des services
d'éducation à des enfants qui ont un handicap physique, et devant
aussi le problème qu'il n'y avait aucun débouché, avec un
comité de parents, nous avons mis sur pied des comités dits
d'ateliers protégés. Pourquoi va-t-on mettre sur pied les
comités d'atelier? Parce qu'à ce moment, il n'y avait aucune
alternative, aucune possibilité. Nous avons scruté le
problème des ateliers protégés pendant un an et
demi. Devant la compréhension et le fonctionnement de ces
ateliers, nous sommes arrivés à la conclusion que ce
n'était pas ce genre de travail qui pouvait correspondre à notre
clientèle. C'est pourquoi nous avons fait une relance auprès de
150 étudiants finissants à partir de 1967 jusqu'à 1974.
Nous avons eu 105 réponses. Parmi les 105 qui ont répondu, il y
en avait seulement sept qui étaient sur le marché du travail,
dont deux avec leurs parents, deux qui travaillaient pour la commission
scolaire de Montréal et trois qui sont parvenus à se trouver du
travail tout seuls.
M. Bellemare (Johnson): Deux pour...
M. Francescucci: Une commission scolaire.
M. Bellemare (Johnson): Deux pour les commissions scolaires.
M. Francescucci: Trois se sont trouvés du travail tout
seuls.
M. Bellemare (Johnson): Trois...
M. Francescucci: Devant cet état de chose, nous avons fait
des représentations auprès de notre commission scolaire qui a mis
sur pied un service à donner justement aux étudiants finissants.
Là, nous sommes en train d'élaborer un programme qui va permettre
à un étudiant, au lieu de terminer l'année secondaire
à 18 ans, d'être inscrit à des stages. Automatiquement,
cela ne le prive pas du droit à un revenu, mais cela lui permet en
même temps d'avoir une expérience directe sur le marché du
travail, voir quelles sont les difficultés et aller voir les entreprises
et leur suggérer aussi une adaptation. Nous avons aussi une
équipe de spécialistes comme ergothérapeutes qui sont
justement, de par leur profession, formés à adapter certains
mouvements, à faire une économie de gestes, de personnes pour que
le travail soit beaucoup plus efficace. Alors, nous allons dans les industries.
C'est un projet qui vient de démarrer en septembre, pour les personnes
handicapées physiques mais qui a déjà
démarré, il y a deux ans, pour d'autres types d'étudiants,
c'est-à-dire qu'ils sont classés au niveau occupationnel, soit
d'habileté moyenne ou légère. C'est tout.
M. Bellemare (Johnson): Est-ce que vous me permettez, M. le
Président, sur ce sujet particulièrement?
Le Président (M. Brisson): Une seule question?
M. Bellemare (Johnson): Le ministre peut y aller... Donc, sur
175, il y en a 105 qui ont répondu. Il y en a sept qui se sont
placés, pourcentage infime. C'est le résultat de sept ans.
M. Francescucci: C'est pour cela que nous avons
décidé d'agir, parce que...
M. Bellemare (Johnson): Cela se trouve à faire un par
année, à peu près. J'avais raison de demander les
statistiques. Est-ce que, d'après vous, la loi qui se discute
présentement va nous aider à parfaire cette facilité au
retour au travail?
M. Francescucci: Je sais parfaitement que le fait que le ministre
Forget ait présenté la loi, c'est une date historique pour
l'avancement de la cause de la personne handicapée. Elle peut
véritablement favoriser certains projets de loi. Par contre, j'aurais
très bien vu le ministre du Travail, étant donné que lui
aussi a une grande responsabilité concernant toute la formation
professionnelle, tout le règlement, étant donné que nous
devons négocier avec la Commission du salaire minimum... Nous devons
négocier avec des comités paritaires. Je pense qu'il aurait
été opportun que le ministre du Travail se penche aussi
efficacement que l'a fait M. Forget sur la cause ici en présence.
M. Bellemare (Johnson): Je reviendrai tout à l'heure pour
d'autres questions.
Mme Guilbeault (Andréa): A titre de recommandation
générale aussi j'aimerais attirer l'attention du président
sur la collaboration que pourrait avoir l'office avec les organismes qui
existent déjà, soit organismes lucratifs ou non, associations
diverses. Ces gens travaillent avec les différentes personnes prises
avec un handicap de quelque type que ce soit, mais travaillent depuis plusieurs
années dans certains cas.
Il y a des expériences très positives qui sont faites, et
il ne faudrait pas les laisser de côté. L'office, bien qu'il
prépare un projet de loi et qu'il remet en question différents
sujets qui sont repris depuis plusieurs années, doit quand même
tenir compte de la collaboration qu'il pourrait établir avec ces gens.
Dans certains cas, lorsqu'on parle d'organismes les plus représentatifs,
lorsqu'il y a discussion pour un type de handicap, les gens les plus
représentatifs, ceux qui travaillent avec ces gens, qu'ils soient
autorités médicales ou autres, mais autorités parce qu'ils
connaissent les gens, les problèmes de ces personnes handicapées,
il faudrait tenir compte de l'importance des recommandations de ces gens.
M. Paradis: Considérations particulières.
M. Gauthier: Le premier élément qu'on retient, ce
sont les ambiguïtés. On va relever un certain nombre d'articles
qui, pour nous, recèlent des ambiguïtés et auxquels on a
donné une interprétation qui, peut-être, mérite
certaines corrections.
Il y a d'abord l'article 67, qui semble amener une distinction entre
réadaptation professionnelle et reclassement professionnel. Il y a aussi
l'article 57, qui dit que l'office détermine la durée
d'exécution du plan de reclassement, alors que l'article 67 dit que le
contrat a une durée d'au plus six mois et n'est renouvelable que deux
fois consécutivement. Les termes "rééducation pro-
fessionnelle" "réadaptation professionnelle",
"réadaptation fonctionnelle" sont utilisés sans distinction
évidente.
L'article 73 légigère au détriment des associations
bénévoles en les rendant responsables civilement de leur
participation à l'administration d'un atelier protégé.
Evidemment, il faut retenir ici que c'est une interprétation qu'on donne
du contenu de l'article 73.
Finalement, l'article 80 nous semble rédigé de
manière à décourager tout employeur appelé à
collaborer à un plan de réadaptation professionnelle. En effet,
l'office peut avoir accès à tout document de l'employeur sans
distinction.
M. Paradis: Certaines considérations particulières
face au handicap de la vue. M. Cartier.
M. Cartier: M. le Président, j'ai noté deux
anomalies curieuses, dont la première, à la définition
à l'article 1 f, où on définit un handicapé de la
vue comme une personne qui est considérée aveugle. Il y a donc
une exclusion totale de tous ces gens qui souffrent d'insuffisance visuelle
à différents degrés. Je recommanderais, par exemple, qu'on
remplace les mots "considérée comme aveugle", par "toute personne
ayant besoin de moyens extraordinaires pour utiliser son résidu visuel".
Alors, on pourrait englober les handicapés totaux et, évidemment,
tous ceux qui ont une vision partielle.
De plus, au chapitre 2, à l'article 5, on parle de l'exclusion
d'un chien-guide pour des raisons d'hygiène. Evidemment, je comprends
que les raisons d'hygiène s'appliquent ici à un endroit, une
clinique médicale ou un hôpital, et je suis tout à fait
d'accord avec cette exclusion. Par contre, M. le Président, je suis
sûr que de bons exploitants de commerce qu'on dit restaurant, vont
utiliser cette loi dans l'application des lois municipales où on parle
d'hygiène nécessaire à l'alimentation publique. Je crois
qu'il faudrait spécifier davantage, à l'article 5, quand on parle
d'hygiène et bien dire qu'il s'agit de milieux hospitaliers.
Merci.
M. Paradis: Considérations particulières face au
handicap mental.
Mme Guilbeault: Dans la définition, on parle de
différents types de handicaps. Par contre, on oublie un peu le
côté du handicap mental qui a plusieurs catégories. On peut
rencontrer les handicapés mentaux légers, moyens et profonds.
Selon les cas, les aptitudes au travail vont avoir de grosses variations. Les
possibilités de l'individu, le droit de se faire reconnaître, ou
même de défendre ses droits dans certains cas, il faudra
avoir recours soit à un tuteur, à un parent ou un organisme
voilà des points très importants dans ce secteur.
Egalement, on ne fait pas de distinction entre le handicapé
mental de naissance, dans les diverses catégories que je viens
d'énoncer, ou suite à un accident ou à une période
suivant une maladie ou une dépression nerveuse.
Une personne peut être handicapée mentalement à la
suite d'un événement de ce genre et les catégories ne
seront pas les mêmes obligatoirement que pour un handicapé mental
de naissance.
Il faudrait également tenir compte de la difficulté pour
les déficients mentaux de défendre leurs droits. Je viens de
l'énoncer tout à l'heure... Le tuteur ou une personne familiale,
proche, ou alors des associations pour certains handicapés mentaux, par
exemple, la possibilité de siéger à un conseil
d'administration... On ne peut absolument pas considérer ce point de
vue.
Egalement, les aptitudes au travail peuvent différer. Lorsqu'on
parle de la durée d'un apprentissage de 6 mois à 18 mois, pour
certains types de handicapés mentaux, la période pourrait
être beaucoup plus longue. Alors, une recommandation serait, par exemple,
de ne pas spécifier une durée en termes
d'échéancier, de mois, mais plutôt de le laisser à
la discrétion de l'organisme ou de l'office pour certains types de
handicapés.
M. Paradis: Les aspects positifs du projet de loi, M.
Thériault.
M. Thériault (André): M. le Président, il ne
faudrait pas croire que le CQEE n'a vu que du négatif dans ce projet de
loi que nous présente le gouvernement.
Nous avons surtout analysé le projet dans ce qu'il devrait,
à notre sens, comporter de plus. Nous sommes très conscients que
ce projet de loi, dans l'esprit du législateur, a été
rendu nécessaire à cause de la société qui a
tendance à "marginaliser" quelques-uns des siens. Nous savons
reconnaître le mérite et la volonté du ministère des
Affaires sociales d'avoir été le premier ministère
à manifester sa volonté de favoriser la réinsertion
sociale de quelques-uns des nôtres et nous osons espérer que les
autres ministères suivront son exemple, spécialement le
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
C'est un devoir de souligner publiquement le très grand effort
que font le ministre et le ministère des Affaires sociales pour les plus
démunis de notre société et si vous me permettez, M. le
Président, un souhait, cela serait que le ministre des Affaires sociales
reformule le projet de loi à la lumière de toutes les
recommandations qui ont été faites à la commission
parlementaire et qu'une nouvelle consultation soit entreprise avant sa
promulgation.
Nous vous remercions, M. le Président, de nous avoir reçus
et entendus et nous sommes disposés à répondre aux
questions qui pourraient nous être posées.
Le Président (M. Brisson): Le ministre a-t-il des
questions?
M. Forget: Oui. D'abord, j'aimerais remercier ce deuxième
groupe qui se fait entendre devant nous. Je vais poser un très petit
nombre de questions. Je vais essayer de limiter mes questions à ce qui
m'apparaît le plus significatif, au moins dans le sens de
précisions additionnelles à obtenir.
Vous parlez des bénéficiaires et, en particulier, de
"l'article 46c, avec les chiffres de 30% et de 20% de capacité, nous a
laissés incrédules". Vous avez donné quelques
explications, mais j'aimerais que vous en donniez davantage, si cela vous est
possible.
Vous dites que cet article demande des précisions et des
révisions. Dans quel sens souhaitez-vous voir des précisions ou
des révisions à ce genre de dispositions?
M. Gauthier: Nous croyons qu'il est possible d'évaluer en
termes de pourcentage une diminution de la capacité visuelle ou une
diminution de la capacité auditive ou encore l'amplitude dans un
mouvement quelconque.
Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'évaluer en termes de pourcentage
une diminution dans le rendement intellectuel, cela m'apparaît un peu
difficile, voire impossible. On peut trouver un enfant qui a un quotient
intellectuel de 40 et qui fonctionne à 100% de son quotient, comme on
peut en trouver un de 140 qui fonctionne à 120. Il est difficile,
objectivement, d'évaluer une perte de l'ordre de 20% ou de 30%. Mettre
un pourcentage sur une perte d'un fonctionnement intellectuel, cela nous
apparaît difficile à réaliser. Ce n'est pas le cas
dans...
M. Forget: Vous suggérez donc que l'application des
mesures, par exemple, de réinsertion dans le milieu du travail soit,
dans le fond, discrétionnaire, à la discrétion de
l'office.
M. Gauthier: Oui.
M. Forget: Qu'il puisse le faire pour n'importe qui ou le refuser
pour n'importe qui, sans être astreint à aucune espèce
d'exigence de ce côté.
M. Gauthier: Ce qu'on veut soulever là-dedans, c'est la
difficulté de faire l'évaluation d'une perte ou d'une diminution
en termes de pourcentage. Si je comprends votre message, si on veut
considérer les individus un à un dans l'évaluation de leur
potentialité ou de leurs possibilités, je réponds par
l'affirmative.
M. Bellemare (Johnson): Si le ministre me le permet aussi, sur le
même sujet, c'est par règlement du Conseil des ministres que sera
établi ce pourcentage.
M. Forget: Non, je ne crois pas que ce soit le sens de la
proposition. En effet, si on dit que c'est difficile de le faire, qu'on le
fasse dans un règlement ou dans la loi, la difficulté demeure la
même. Je préférerais à plus forte raison, si c'est
difficile et si c'est un sujet sur lequel il est important de faire un
consensus, le faire dans la loi plutôt que dans le règlement. Mais
je pense que le groupe qui est devant nous nous recommande de ne pas avoir de
restriction, que ce soit un pouvoir discrétionnaire et que l'on se fie
à la bonne volonté des gens qui seront à l'office pour
porter des bons jugements dans les cas individuels.
M. Bellemare (Johnson): Si je comprends bien votre assertion,
vous voulez que cela soit plutôt fonctionnel que physique ou mental.
M. Gauthier: Qu'entendez-vous par fonctionnel?
M. Bellemare (Johnson): Bien...
M. Gauthier: C'est que fonctionnellement il y a moyen
d'évaluer une perte.
M. Bellemare (Johnson): Bon. Alors, que ce soit une perte
intellectuelle, une perte mentale ou une perte physique, que cela soit
établi véritablement selon ce'qu'est le handicapé au point
de vue fonctionnel, comparativement à celui qui fonctionne à
100%.
M. Gauthier: Pour s'en sortir, on peut essayer de prendre un
exemple pratique. L'individu qui est physiquement bien constitué,
à la suite d'un accident, perd un membre. Il y a un pourcentage de sa
capacité de fonctionnement qui est diminué. Mais l'individu qui
naît avec une certaine tare, comment est-on capable d'évaluer la
diminution de son fonctionnement? Au départ, il est diminué.
C'est ce que je trouve ambigu.
M. Bellemare (Johnson): Vous aimeriez que cela soit plutôt,
comme le dit le ministre, discrétionnaire pour chaque cas, au lieu
d'être établi, comme le dit la loi, par règlement du
lieutenant-gouverneur en conseil, mais qui doit être d'au moins 30% quand
c'est physique et 20% quand c'est mental.
M. Gauthier: Je ne sais pas si je reflète l'opinion de mes
collègues, mais j'aurais tendance à dire oui.
M. Bellemare (Johnson): Que ce soit fait par l'office
individuellement plutôt que dans une loi générale.
M. Gauthier: Oui.
M. Forget: Dans le deuxième chapitre sur la discrimination
parmi les personnes atteintes d'un handicap, vous parlez de plusieurs types de
problèmes, comme d'autres groupes d'ailleurs qui sont venus devant nous.
Relativement à la discrimination, il y a plusieurs types de
discrimination, bien sûr. Il y a des discriminations qui sont dues
à des préjugés, à des opinions reçues qui ne
sont pas valables, qui sont réfutables. Il y a, bien sûr, des
discriminations de fait dus à la raison, par exemple, que le nombre de
logements qui est utilisable pour les personnes dont la mobilité est
réduite, qui doivent circuler en chaise roulante est
déterminé par des logements qui ont été construits
dans le passé et qui permettent ce genre d'utilisation. Ne croyez-vous
pas qu'il y a un certain danger à ce qu'une loi dise, dans le même
souffle, que le premier type de discrimination est interdit? On peut dire cela
dans une loi et cela
crée un droit de poursuite devant les tribunaux s'il y a des cas,
par exemple, où un propriétaire refuse de louer son logis
à une personne qui peut pourtant très bien l'occuper
parce que soit qu'elle est aveugle ou qu'elle est épileptique ou
Dieu sait quoi. Le deuxième type de discrimination est dû à
l'absence de ressources appropriées à un moment donné.
Est-ce qu'il n'y a pas danger de confondre ces deux types de problèmes
qui sont très différents? Il est clair que, même si on dit
dans une loi qu'il doit y avoir des logements pour tous les types de handicaps,
utilisables pour toutes les personnes qui ont toutes sortes de types de
handicap, si les logements ne sont pas là le lendemain de l'adoption de
la loi, on n'a fait que proclamer un principe. Ce n'est pas une loi de
financement de l'habitation, par exemple, que l'on regarde dans le moment.
Est-ce qu'on n'affaiblit pas, dans le fond, les prescriptions relatives
à la discrimination en faisant porter ces dispositions sur d'autres
sujets qui sont des lois de financement de l'habitation, du transport, etc.,
qui peuvent apporter des solutions à des problèmes qui sont
réels?
M. Paradis: J'aimerais répondre par deux points. Je
suppose, M. le ministre, que vous vous souvenez de la représentation qui
a été faite pendant un assez bon laps de temps face au Code du
bâtiment par les handicapés physiques qui se sont battus de
façon assez systématique, et je ne sais pas encore s'ils ont
réussi à gagner certaines choses. Dans notre mémoire, je
ne sais pas si vous avez remarqué, on a dit: II devrait y avoir des
incitatifs qui permettent à un propriétaire de faire des
modifications mineures s'il y a une possibilité qu'il puisse avoir
accès à des fonds, si c'est mineur. Mon deuxième point, je
ferais simplement remarquer, dans le cas d'André, qui est professeur
à l'Université du Québec à Trois-Rivières,
que l'université a tout simplement mis des genres de montées pour
lui permettre de circuler dans l'édifice.
L'édifice n'avait pas été prévu pour des
handicapés physiques. C'est une modification mineure, c'est une
dépense très mineure et André peut circuler dans
l'édifice. Dans ce sens-là, il y a peut-être moyen, sans
penser défaire les murs, de faire certaines petites modifications, dans
certains cas, pour favoriser l'accès.
M. Forget: Ce n'est pas tout à fait le sens de ma
question. Je suis d'accord avec vous que cela doit se faire, que ce n'est pas
nécessairement très coûteux. Je peux vous dire que, dans le
cas du Code du bâtiment, la question de l'accès aux
édifices publics les édifices publics étant
définis dans le sens très large de la Loi sur les édifices
publics ce point-là est acquis et que lé règlement
va être publié. D'ailleurs, le Code du bâtiment on
n'en a jamais eu au Québec sera publié dans la Gazette
officielle d'ici peu de temps. Cette question est réglée au
niveau du Code du bâtiment.
Il demeure que je vois dans certaines interventions un désir de
voir tous les objectifs qui doivent être poursuivis, dans le domaine de
l'habitation comme dans le domaine du transport, se retrouver au niveau d'une
formulation de principe, dans une loi qui n'a rien à voir, dans le fond,
avec ces questions-là. Il y a un danger, en mélangeant les
problèmes, d'affaiblir généralement l'effet de la loi.
Il y a un autre point que j'aimerais souligner. Au moins, l'office, dans
la loi, reçoit le pouvoir non seulement le pouvoir, mais
l'obligation de dresser un répertoire des logements,
édifices et moyens de transport, enfin, dans le cas des logements et des
édifices qui peuvent être accessibles pour des personnes
handicapées. C'est déjà une chose acquise au niveau de
l'office. Cela illustre bien la distinction qu'on doit faire entre cette loi,
qui ne peut que se limiter à des obligations créées
à l'office de dresser un répertoire. Pour ce qui est de la
Société d'habitation, elle prévoit déjà,
dans ses programmes de construction, des habitations ou des logements pour des
personnes handicapées. Le Code du bâtiment prévoit que,
dans le cas des édifices publics, il doit y avoir également un
accès pour des rampes, etc. permettant également
l'accès.
Ces distinctions sont essentielles à la compréhension du
projet de loi. Si on veut tout faire dans cette loi, il est évident
qu'il y a pas mal de choses qui ne s'y retrouveront pas.
J'aimerais que vous me nommiez, relativement aux associations, des
organismes qui s'occupent des personnes aux prises avec un handicap; il y a la
question d'agrément qui se retrouve dans cette loi. Mademoiselle a fait
une remarque à la fin, disant qu'on devait effectivement compter sur la
collaboration de ces organismes. Remarquez que, contrairement aux lois dans le
domaine des affaires sociales, celle-ci prévoit la reconnaissance
officielle d'organismes qui ne sont pas des organismes publics, dans le sens
officiel du mot.
On reconnaît un rôle pour ces organismes. La loi peut
être déficiente quant aux critères de reconnaissance. C'est
la raison pour laquelle j'aimerais vous poser une question et vous
suggérer une attitude plus ferme dans les critères de
reconnaissance et de contrôle; quoique, du côté
contrôle, il ne faut pas aller trop loin malgré tout, parce que ce
ne seraient plus des organismes indépendants si on les contrôle de
trop près.
A quoi pensez-vous exactement quand vous parlez d'une attitude plus
ferme dans les critères de reconnaissance?
M. Paradis: Je peux répondre à cette question, M.
le ministre. Il arrive très fréquemment que le Conseil du
Québec de l'enfance exceptionnelle reçoive des appels
téléphoniques de différentes personnes qui demandent:
Connaissez-vous tel organisme, telle société de protection des
handicapés de telle région, qui vend du shampoing par
téléphone ou qui vend des peignes, des billets, des stylos ou des
choses semblables? C'est arrivé très fréquemment que j'ai
dû faire intervenir la Sûreté du Québec pour faire
enquête et, finalement, cela s'est évanoui.
Je trouve malheureux qu'il existe des règlements dans certaines
municipalités, dont la ville de Montréal, qui obligent ces
associations à pré-
senter leur charte si elles veulent solliciter des fonds. C'est dans ce
sens que j'aurais aimé voir, ainsi que mes confrères, dans cette
loi, des critères très sévères pour éviter
que tout le monde se fasse le protecteur des handicapés physiques et des
handicapés de toutes sortes.
Si vous remarquez la seule présence, au nombre des
mémoires, d'une foule d'associations montre qu'il y a beaucoup de gens
qui s'en préoccupent, mais on aimerait aussi voir des critères
d'évaluation sur le rendement qui est donné, finalement pour que
tout le monde ne sollicite pas, au nom du handicapé, et que cela s'en
aille Dieu sait où.
Je sais que la ville de Montréal demande, si vous faite une
souscription dans ce territoire, que vous présentiez votre bilan
financier. Le pourcentage d'administration et de revenu pour les gens aui font
la campagne ne doit pas dépasser tant pour cent. Je pense que la ville
de Montréal a donné l'exemple dans ce sens, mais partout dans la
province on est sollicité. On sonne à la porte: Je passe pour
ceci, je passe pour cela. On se sert un peu du bon coeur des gens pour
solliciter et on ne sait jamais vous le savez comme moi si oui ou
non on devrait donner. On se sent un peu coupable et, finalement, on ne peut
pas vérifier l'utilisation faite des fonds. Il y a des pertes d'argent,
je pense.
M. Forget: Je suis d'accord avec vous sur l'objectif, bien
sûr, mais vous me dites d'être plus ferme sur les critères.
A mon avis, les articles 32 et 34 du projet tel qu'il est font plus que
répondre à vos attentes de ce côté. Le projet de loi
est extrêmement sévère, puisqu'il prévoit qu'une
entreprise ne peut même pas vendre des produits en s'appe-lant l'atelier
des handicapés de la Chaudière ou Dieu sait quoi en disant:
Voici, nous vendons des produits, a moins d'avoir la reconnaissance de
l'Office.
Au niveau de la reconnaissance, il dépend d'un seul
critère. "De l'avis de l'office c'est l'article 32a donc,
là aussi, on a une question discrétionnaire, on n'a pas
suggéré de critère très détaillé.
C'est pour cela que je voulais savoir si vous en aviez à l'esprit
cet organisme s'occupe principalement de la formation, de la
réadaptation, de l'information ou du bien-être des personnes
handicapées." Ce sont des critères qui ne sont pas très
précis, mais qui, dans des cas particuliers, peuvent le devenir. C'est
purement discrétionnaire de la part de l'office. A défaut d'une
telle reconnaissance, même la vente de produits, il ne s'agit pas
seulement de collectes de fonds, la vente de produits, d'offrir des biens et
des services, c'est interdit, à moins de pouvoir se réclamer
d'une reconnaissance officielle. Je crois qu'au niveau de la reconnaissance
officielle cela ferme la porte à ces abus et cela crée une
infraction, indépendamment de toute preuve qu'on peut ou ne peut pas
faire selon le cas, le simple fait de vendre des produits en se
prétendant une entreprise qui emploie des handicapés crée
une infraction.
Maintenant, des critères, on n'en a pas de plus précis. Ce
seraient, je ne sais pas, des critères comptables, ou Dieu sait
quoi.
M. Paradis: Je sais que c'est Centraide Montréal qui
demande qu'au niveau de l'administration, les fonds utilisés pour
l'administration, pour les salaires et tout cela, ne dépassent pas 10%,
je pense, ou quelque chose de semblable. Maintenant, à cet article 34,
dont vous mentionniez la teneur tantôt, on a simplement mentionné
qu'on aimerait que les sanctions que vous prévoyez à l'article 72
soient déjà... On fait simplement appel à un
numéro, mais on aimerait que la sanction pour infraction à cette
clause apparaisse dès la fin de l'article. C'est évident que les
critères...
M. Forget: II y a un problème de rédaction de loi.
Dans le fond, l'infraction à tous les articles entraîne une
infraction. On peut difficilement, à la fin de chaque article, dire: Si
on ne fait pas cela, c'est une infraction. Essentiellement, il n'y a pas de
doute que c'est une infraction.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Johnson.
M. Bellemare (Johnson): J'ai deux petites questions...
Pardon?
M. Léger: Seulement une simple question. En parlant
justement d'ateliers protégés j'ai seulement une question,
ce ne sera pas tellement long vous ne touchiez, pour le point de vue de
l'exploitation, que l'aspect de la vente de produits venant du fruit du travail
des handicapés. Vous ne parliez pas de l'exploitation au travail dans un
atelier protégé comme tel.
M. Paradis: Non, je parle tout simplement de l'existence d'un
atelier protégé d'une ville. Les commerçants qui le savent
profitent de la situation, du "cheap labour", pour contourner la Loi du salaire
minimum jusqu'à un certain point, et le faire faire à un prix
moindre que s'ils avaient à le faire faire d'une façon
systématisée dans une industrie.
M. Léger: Mais, dans l'atelier protégé
même, le handicapé peut quand même travailler à son
rythme. Mais vous avez parlé, un peu plus loin d'inviter les employeurs
et les syndicats à se pencher volontairement sur ces cas pour qu'ils
soient engagés, parce que ceux qui travaillent en atelier
protégé ont une certaine protection, mais ceux qui ne peuvent pas
travailler là doivent embarquer sur le marché du travail. Les
disponibilités ne sont pas aussi nombreuses. Comment voulez-vous, dans
une loi, qu'on oblige à engager un certain pourcentage d'employés
qui devraient être des handicapés... Une invitation simple,
ça ne s'indique pas tellement dans une loi.
M. Paradis: Je pense que M. Francescucci aurait une
expérience assez intéressante, qui s'est faite en Australie,
à relater, qui va peut-être vous faire rire, mais ça montre
quand même qu'il y a des moyens détournés.
M. Francescucci: Avant d'aborder cet exemple, j'aimerais
préciser pourquoi on ne voit pas
l'expérience des ateliers protégés se continuer, on
ne voudrait pas qu'ils se perpétuent. D'abord, parce qu'étant
donné l'objectif que nous poursuivons tous, ceux qui travaillent
auprès de ces personnes, c'est d'éviter la "marginalisation". Or,
dans un atelier protégé, ces personnes continuent à
travailler avec d'autres personnes handicapées, ce qui fait qu'il se
forme a ce moment-là, une société parallèle. C'est
pour ça que nous disons que si l'atelier protégé, de par
son personnel, a réussi à avoir des fonctions de travail
adaptées aux possibilités de ces derniers, la même chose
pourrait se produire en industrie, moyennant des moniteurs compétents
à cet effet. C'est pour ça que nous voulons éviter qu'on
construise des sociétés parallèles.
Pour revenir aux moyens d'incitation, c'est pour ça que j'ai dit
tout à l'heure qu'il faudrait d'abord que la fonction publique donne
l'exemple, parce qu'on n'aimerait pas qu'une loi oblige l'entreprise
privée à faire entrer de force des personnes aux prises avec un
handicap au lieu de travail. Or, en Australie, il y a quand même beaucoup
d'entreprises, dont une, la General Motors, a une usine qui fonctionne avec 250
personnes aux prises avec un handicap. Je pense qu'une façon d'inciter
les entreprises, c'est, au moment où le gouvernement accorde des
subventions à certaines compagnies, de voir si ces compagnies
adhèrent aux politiques du gouvernement ou pas, quitte à
privilégier certaines compagnies, à un moment donné, qui,
elles, travaillent aussi pour aider toutes les personnes de la
collectivité.
M. Léger: D'accord!
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, nous avons
aujourd'hui parmi nous, M. Jean-Pierre Cartier, qui est accompagné de
son chien-guide.
Dans la loi, il est justement question au paragraphe c) de l'article 1
du chien-guide entraîné dans une école reconnue par le
lieutenant-gouverneur en conseil pour guider un handicapé visuel.
Dans un article que j'ai lu de M. Courtemanche, ces jours derniers,
après son passage ici devant la commission, il n'est pas très
heureux de la manière dont il a été reçu comme
handicapé aveugle, surtout lorsqu'il est question de son chien.
Ma première question est la suivante: Vu que vous êtes ici
avec votre chien-guide, à combien évaluez-vous aujourd'hui un
chien-guide pour un aveugle?
M. Cartier: Au point de vue de sa valeur commerciale, lorsqu'il
sort de l'école, il vaut aux environs de $4000 mais, au point de vue des
services qu'il rend à un handicapé de la vue, il vaut plus. J'ai
eu le plaisir, tout dernièrement, de laisser mon chien chez nous et de
me déplacer pour aller faire du conditionnement physique avec la canne.
Le ralentissement qui en résulte m'a fait désirer de toujours
utiliser un chien-guide. Il vous est déjà arrivé, en vous
promenant et dans vos courses ha- bituelles, de voir un handicapé de la
vue qui va essayer d'atteindre une porte ou quoi que ce soit qui est devant son
nez. S'il a la canne blanche, évidemment, il ne marche pas selon ce qui
est au plafond ou ce qui est au milieu. Il touche les rampes et le sol. Mais,
avec un chien-guide, il va aller immédiatement où il veut aller.
Evidemment, le chien-guide ne fonctionne pas tout seul. C'est toujours un
travail d'équipe. Pour ma part, j'ai pu constater que je me
déplace à la même vitesse que quand j'avais l'usage de mes
yeux.
M. Bellemare (Johnson): Ma seconde question, M. Cartier, est la
suivante: Connaissez-vous ici dans la province certaines écoles de
chiens-guides, ou bien l'office serait-il obligé d'en instituer
quelques-unes, comme ce qui se fait aux Etats-Unis? Il en existe aux
Etats-Unis. Avez-vous un chien-guide qui vient des Etats-Unis ou l'avez-vous
acheté ici?
M. Cartier: Mon chien vient des Etats-Unis. C'est un "leader dog"
qui vient de Rochester, Michigan. Il n'y en a pas, à ce que je sache,
dans la province de Québec, ni au Canada. Aux Etats-Unis, il y a des
écoles qui nous donnent gratuitement leurs chiens entraînés
spécifiquement selon les lois des Etats-Unis.
M. Bellemare (Johnson): II faut que vous passiez un mois. Il faut
que vous restiez là un mois.
M. Cartier: Non. Lorsqu'on va chercher le premier chien-guide il
y a des cours et des pratiques à faire pour apprendre à se servir
d'un chien-guide, parce que tous les handicapés de la vue ne sont pas
aptes à utiliser un chien-guide, pour différentes raisons, soit,
physiologiques ou mentales; tous les handicapés de la vue,
évidemment, ne peuvent pas utiliser un chien-guide.
De ce fait, ceux qui le peuvent, je suis d'accord qu'ils aillent aux
Etats-Unis pour les raisons suivantes: ce sont des raisons
économiques.
M. Bellemare (Johnson): Ils vous le donnent. M. Cartier:
Pardon?
M. Bellemare (Johnson): Ils vous le donnent gratuitement.
M. Cartier: Oui, ils nous le donnent gratuitement. Tout ce qu'il
faut faire pour aller chercher un chien-guide aux Etats-Unis, c'est payer son
voyage, si on a les moyens, sinon, on fait appel aux organisations sociales et
on a tout simplement à se rendre à l'école. On est
gardé là durant la période qu'il faut, jusqu'au moment
où les entraîneurs, qui sont des spécialistes,
déterminent comment les liens se sont établis entre le chien et
la personne handicapée. A ce moment-là, on lui donne la
permission de revenir chez elle tout simplement. On l'a bien nourrie et,
évidemment, on lui a donné chambre et pension durant trois
semaines à un mois, selon les difficultés
présentées par
l'établissement des liens entre le chien et le candidat
handicapé de la vue.
Par contre, j'ai rencontré des gens qui voulaient absolument
établir au Québec des écoles de chiens-guides.
Economiquement, cela n'est pas possible, parce qu'il y aurait au début
une foule de candidats pour aller chercher un chien-guide et, ensuite, il y
aurait un temps mort pendant quelques années. Il faudrait recommencer
tout le système. Il me semble qu'il serait plus aisé, plus
facile, en permettant un entretien assez cordial avec nos voisins du Sud,
d'établir des relations afin de rendre plus facile l'accès
à un chien-guide pour un handicapé de la vue qui peut prendre un
chien-guide.
M. Bellemare (Johnson): Ma dernière question. Avez-vous
été refusé avec votre chien dans certains endroits comme
la Place des Arts et autres?
M. Cartier: J'ai rarement été refusé avec
mon chien. Cela fait huit ans que je l'ai, c'est mon premier chien-guide, cela
fait 17 ans que j'ai perdu l'usage de mes yeux.
Il y a quelques restaurants qui m'ont refusé, mais ce que j'ai
remarqué, chaque fois, c'étaient des exploitations individuelles,
c'est-à-dire que le propriétaire ou les gens travaillant pour le
propriétaire avaient peur du chien ou ils avaient eu des clients qui
avaient porté plainte parce qu'un chien entrait dans un
établissement d'alimentation. Mais, normalement, je n'ai eu aucune
difficulté avec mon chien, même à la Place des Arts, pour
une raison toute simple. A l'entraînement qu'on reçoit à
l'école Leader Dog, on nous conseille deux choses pour les places
publiques où il y a concert, film ou représentation
théâtrale, c'est d'essayer de laisser votre chien chez vous, et la
raison est toute simple. C'est parce que mon chien, qui est un amant de Mozart,
peut sûrement accompagner le soliste durant un concert à la salle
Wilfrid-Pelletier.
M. Bellemare (Johnson): Est-ce que vous avez eu à payer
deux sièges quand vous l'avez amené? Est-ce que vous avez eu
à payer deux billets?
M. Cartier: En plus, vous avez raison, M. le Président, M.
Bellemare a tout à fait raison, j'aurais eu à payer deux billets.
Par contre, j'ai eu le plaisir d'aller dans les corbeilles à la salle
Wilfrid-Pelletier; je n'avais pas mon chien, évidemment, mais j'avais
mes deux genoux dans les oreilles de celui d'en avant. Alors, où mettre
mon chien? Ensuite, j'ai eu le plaisir aussi d'aller dans la partie de la
terrasse, où l'espace est plus agréable, mais, là encore,
aussitôt qu'une personne veut passer, vous avez remarqué tout
à l'heure les commentaires que donne ma prothèse lorsqu'on lui
marche dessus. La même chose pourrait se produire. Evidemment, pour le
cinéma, où il fait noir, c'est encore pire. Alors, dans les
écoles, normalement, on va nous recommander de faire des efforts pour
laisser le chien à la maison et essayer de trouver des gens pour nous
accompagner. J'ai l'impression qu'avec un peu de bonne volonté il y
aurait possibilité de respecter tout de même un
environnementpuisqu'il en est bien question pour cette
prothèse qui nous guide si parfaitement partout où on veut aller,
même aux Antilles ou sur la côte du Pacifique.
M. Bellemare (Johnson): On vous félicite et on vous
remercie sincèrement, monsieur Cartier.
Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Alors,
messieurs, je vous remercie.
Une Voix: M. le Président, nous vous remercions.
Le Président (M. Brisson): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 52)
Reprise de la séance à 14 h 40
M. Brisson (président de la commission permanente des affaires
sociales): A l'ordre, messieurs!
J'appellerais M. Jacques Pelletier, directeur général de
l'Association du Québec pour les déficients mentaux. M.
Pelletier.
Une Voix: Est-ce qu'on a encore changé l'ordre des gens
qui doivent être entendus devant la commission?
M. Forget: En effet, c'est une suggestion que j'ai faite au
président.
Une Voix: D'après l'ordre, c'est l'Association canadienne
des compagnies d'assurance-vie.
M. Forget: C'est exact. On nous a demandé de changer
l'ordre puisque le groupe de l'Association du Québec pour les
déficients mentaux est un groupe assez nombreux et qui voit des
difficultés à retarder jusqu'à la fin de
l'après-midi sa présentation. Avec la collaboration des autres
groupes, je demande s'il serait possible d'accéder à cette
demande. Je m'excuse du contretemps qui est causé aux autres, mais il y
a des problèmes de concordance qui semblent difficiles à...
Le Président (M. Brisson): M. Pelletier, vous avez quinze
minutes pour faire votre exposé et ensuite, ce sera la période de
questions.
Association du Québec pour les
déficients mentaux
M. Couture (Pierre): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés. C'est avec fierté que je viens au nom de
l'Association du Québec pour les déficients mentaux vous exposer
notre mémoire relatif au projet de loi 55.
M. Bellemare (Johnson): Les noms de ceux qui vous
accompagnent.
M. Couture (Pierre): Oui, je vous les présente. Permettez
que je me présente ainsi que mes collègues. A ma droite, M.
Gaston Perreault, vice-président de l'association et président de
l'association de Québec. A ma gauche, M. Jacques Pelletier, notre
directeur général. A mon extrême droite, Mme Petitclerc,
représentant la région de Sherbrooke et à ma gauche, M.
Claude Dufour, de la région de la Côte-Nord.
Mon nom est Pierre Couture et je suis président de l'association
de Québec.
L'Association du Québec pour les déficients mentaux est un
organisme provincial à but non lucratif qui regroupe 26 associations
locales de parents, bénévoles et professionnels
intéressés au bien-être de nos citoyens mentalement
déficients. Plusieurs organismes et services de l'atelier
protégé, centres de réadaptation et associations de loisir
travaillent en collaboration avec nous.
Fondée il y a 25 ans, l'AQDM est le porte-parole de tous les
citoyens déficients mentaux de la province. Son action se situe au
niveau de la promotion de services et de la défense des droits.
Nous sommes, évidemment, particulièrement
intéressés par les politiques de réadaptation mises de
l'avant, depuis quelques années, par le gouvernement et plus
spécifiquement par le projet de loi 55.
Pour l'AQDM, il ne peut exister de programmes de réadaptation
logiques sans que l'on tienne compte de l'individu dans son entier, de ses
besoins et de la société dans laquelle il est appelé
à évoluer.
Une politique de réadaptation globale doit, de toute
nécessité, prévoir une gamme de services touchant la
famille, l'éducation, l'hébergement, le transport, le travail et
les loisirs, tenant compte, évidemment, du potentiel des individus et
permettant leur intégration sociale.
Tout en sachant qu'un tel ensemble de services intégrés
prendra plusieurs années à s'implanter, nous croyons fermement
que tout développement de nouveaux services et toute
réorganisation des services actuels devraient se faire dans le cadre
d'une telle politique globale.
C'est avec impatience que nous attendions cette législation qui
devait constituer le cadre légal des droits fondamentaux de
réadaptation pour tous les citoyens atteints d'une déficience
physique et/ou mentale. Nous devons faire part de notre désappointement
face à ce projet de loi, du moins dans sa forme actuelle.
Toutefois, avant de vous exposer nos opinions sur ce projet de loi, je
voudrais très brièvement vous expliquer le cheminement que nous
avons suivi dans l'étude de celui-ci. Sachant que le ministère
des Affaires sociales s'apprêtait à soumettre ce projet de loi en
première lecture, nous avons convenu, à notre réunion
annuelle du mois de juin, de former un comité ad hoc composé de
parents et de bénévoles provenant des quatre coins de la
province.
Ce comité s'est réuni à plusieurs reprises en
juillet et août et a soumis son mémoire à notre conseil
d'administration. Ce texte a été examiné et
approuvé par notre conseil d'administration lors d'une réunion
spéciale tenue le 2 septembre dernier.
Je voudrais que vous sachiez, M. le Président, que notre
association s'est adonnée à l'étude de ce projet de loi
avec beaucoup de sérieux, sachant reconnaître toute la
portée de cette législation pour l'avenir et le bien-être
des quelques 150 000 déficients ou handicapés mentaux au
Québec. Nous vous demandons de croire à la
sincérité de nos propos et nous vous remercions à l'avance
de votre bienveillante attention.
Sans plus tarder, je demande à notre vice-président, M.
Gaston Perreault, de vous livrer un résumé de nos principaux
commentaires.
M. Perreault (Gaston): M. le Président, pour faire suite
à M. Couture, j'aimerais, au tout début, remercier cette
commission parlementaire de
nous entendre sur un projet de loi d'une telle importance.
Nous espérons très sincèrement que notre
intervention, que nous voulons objective, saura aider le législateur
à élaborer une loi juste, humanitaire et pouvant résoudre
les problèmes quotidiens de tous les handicapés physiques et
mentaux.
Ceci dit, M. le Président, les scandales étant tellement
à la mode dans notre monde d'aujourd'hui, je dois vous avouer, au risque
de perdre ma crédibilité, que je suis personnellement
placé en conflit d'intérêts. Je suis, en effet, près
d'une personne déficiente mentale. Je me prononce donc et je tenterai
d'influencer cette commission, tout en sachant bien que, si les propos que
j'avance sont retenus dans une loi, je serai avantagé personnellement,
puisque ma fille en sera une des bénéficiaires.
J'ose croire que cette catégorie de conflit
d'intérêts trouvera grâce devant les membres de la
commission. D'abord, j'aimerais vous mentionner que ce projet de loi a
été étudié par des parents de personnes
déficientes mentales. Nous n'avons pas fait appel à des
professionnels de la santé, à des experts en droit social, civil
ou autre.
Nous avons voulu que notre étude soit basée sur les
situations journalières que nous vivons, sur les problèmes qui se
posent à nous et que nous devons résoudre tous les jours et
continuellement. Nous avons voulu sciemment nous éloigner des cas
hypothétiques, des grandes théories intellectuelles pour nous en
tenir à une formule simpliste de bon sens.
Ce projet de loi devant s'appliquer à des personnes prises
individuellement, nous nous sommes attardés à le
considérer en fonction des besoins des personnes déficientes
mentales.
En d'autres mots, M. le Président, nous avons
évalué comment ce projet de loi, tel qu'il est devant nous
présentement, peut éviter, prévenir, corriger et
résoudre des situations actuelles vécues par des
handicapés mentaux que nous connaissons.
Dans notre mémoire, nous avons commenté quelque 35
articles différents. Nous considérons certaines de ces remarques
comme étant très importantes, voire même fondamentales.
D'autres sont de moindre importance et ne constituent en réalité
qu'un détail que nous avons voulu souligner au passage.
Avec votre permission, je ne lirai pas textuellement le mémoire
que nous avons présenté et que vous connaissez très bien,
je le sais.
J'aimerais résumer nos opinions, peut-être élaborer
les principales et ensuite répondre, avec l'aide de mes
collègues, à toutes les questions que les membres de cette
commission voudront bien nous poser. Dès le début, au chapitre I,
tous les espoirs sont permis. Le paragraphe e) de l'article I indique
clairement que cette loi s'adresse à toute personne dont la
capacité physique ou mentale est affectée, de façon
permanente, d'insuffisance ou de diminution. Il n'est aucunement question
d'âge, et nous trouvons ceci très bien. Nous verrons plus loin
à notre analyse si ces attentes sont comblées. Nous trouvons
étrange qu'il faille un article dans une loi spéciale, notamment
l'article 2, pour reconnaître les droits et les libertés des
personnes handicapées. Nous considérons que cette reconnaissance
devrait être insérée dans la Charte des droits de la
personne. Cet article 2 corrige-t-il une lacune? Serait-ce admettre
qu'aujourd'hui, au moment où je vous parle, les droits des
handicapés ne sont pas reconnus, que la Charte des droits de la
personne, qui, dans notre esprit, protège tous les citoyens du
Québec, exclut les personnes handicapées? En toute
objectivité, vu qu'on étudie le projet de loi no 55, si on ne
tient pas compte de cette loi, où cet article serait-il plus à
son aise? De quels droits parlons-nous?
On y dit très explicitement, dans cet article, que toute personne
handicapée a droit à la reconnaissance et à l'exercice en
pleine égalité des droits et des libertés de la personne.
Voilà un objectif très louable. Mais comment, dans le domaine
pratique, cet article pourra-t-il être appliqué? Nous attendions
une loi comprenant une définition pratique des droits des personnes
déficientes. Cette loi ne répond pas à ce besoin. On y
consacre le droit, mais on ne garantit pas que les moyens qui seront
nécessaires à l'handicapé pour exercer ce droit seront
disponibles. Je vous le demande, quelle différence existe-t-il entre une
absence de droits et un droit qui est reconnu, mais qui ne peut être
exercé? Permettez-moi de citer quelques exemples pratiques. Un droit
est-il brimé lorsque des enfants déficients croupissent dans des
hôpitaux généraux, faute de place dans des centres
d'accueil?
Un droit est-il brimé lorsque des municipalités, par des
règlements municipaux légaux, empêchent la formation de
foyers de groupe? Un droit est-il brimé lorsque des enfants,
déficients mentaux, n'ont pas accès aux terrains de jeux et aux
loisirs des municipalités? Un droit est-il brimé lorsque des
adultes, déficients mentaux, sont abandonnés à leur sort
faute de place dans les ateliers protégés? Un droit est-il
brimé lorsque, suite au décès de ses parents, une
personne, déficiente mentale, qui a vécu toute son existence dans
un certain milieu, se voit obligée de quitter ce milieu?
Dernière question: Quel droit avaient les handicapés
physiques et mentaux lors de la dernière grève dans les services
publics?
Il faudrait, M. le Président, non seulement reconnaître ce
droit, mais aussi assurer l'exercice de ce droit. Quand cet exercice sera
possible, nous pourrons parler de droit. Nous ne croyons pas que nous pourrons
le faire avant.
En ce qui concerné la constitution de l'office, nous trouvons
qu'il est bon que quatre ministères qui jouent un rôle important
dans la vie des handicapés soient représentés au sein de
l'office. Par contre, concernant les quatre représentants devant
être nommés après des consultations auprès
d'organismes, nous nous demandons quels critères seront utilisés
pour déterminer les organismes les plus représentatifs. Qui
seront-ils?
Pour ce qui est du rôle et des fonctions de cet office, nous nous
questionnons sérieusement. Cet office nous apparaît comme une
superstructure
administrative vers laquelle sera canalisé tout ce qui concerne
les handicapés. Il est extrêmement dangereux que cet office, qui
devra jouer le rôle de superentonnoir, doive sacrifier la souplesse
à son gigantisme. Dans les faits, l'office administrera beaucoup plus
les handicapés qu'il ne les protégera.
On pourrait toujours argumenter que cette superstructure est
nécessaire et, à la rigueur, nous pourrions peut-être
être d'accord si l'office avait des pouvoirs réels. Mais, en
réalité, l'office dédoublera ou s'appropriera des
fonctions d'organismes régionaux qui existent présentement, tels
ceux du ministère des Affaires sociales qui sont présentement en
place.
Il ne faudrait pas se méprendre. Nous croyons aussi que l'office
peut jouer un rôle positif, conjointement avec les associations et les
organismes.
Quand on y regarde de plus près cependant, nous sommes hautement
inquiets de constater que les seuls pouvoirs de l'office sont dirigés
vers les handicapés qu'il est censé protéger. Nous
trouvons ceci très discutable. Quelques exemples: l'office peut
agréer un atelier protégé; l'office peut reconnaître
un organisme comme voué à la protection des handicapés;
l'office peut accorder des subventions à des ateliers; l'office peut, de
temps à autre, s'il le juge nécessaire et utile, constituer des
comités qui sont composés de personnes handicapées;
l'office peut accorder une aide matérielle à des personnes
handicapées et, dans le même temps, peut aussi la soutirer.
En ce qui concerne les pouvoirs de l'office, pour obliger et inciter les
différents ministères, corps publics, syndicats, employeurs et
tout autre organisme à rendre possible l'exercice des droits qui sont
reconnus dans l'article 2, l'office n'a aucun pouvoir. Bien plus, l'office doit
demander l'autorisation du ministre avant de rendre certaines décisions
et, à tout moment, le ministre peut émettre des directives et
l'office devra s'y conformer.
Nous comprenons bien aussi que, pour bénéficier de cette
loi, il faudra en faire la demande. Mais nous tenons à informer cette
commission que nous nous opposons à un enregistrement. Ceci constitue
à notre avis une entorse à la liberté individuelle, en ce
sens que l'enregistrement pourrait être une inscription permanente, une
information constituant un pas vers l'instauration d'un dossier individuel
cumulatif auquel nous nous opposons. L'exemple que je pourrais donner ici,
c'est qu'un handicapé pourrait à un certain moment faire une
demande à l'office et cette demande pourrait être active pendant
un certain temps. Mais, le jour où le handicapé peut subvenir
à ses propres besoins, où il est dans ce qu'on appelle le milieu
normalisé, qu'il s'occupe de ses affaires et qu'il n'a plus besoin de
personne, c'est un objectif qui est recherché par tous ceux qui
s'occupent de réadaptation, il n'a plus raison d'être inscrit dans
un office, pas plus qu'une autre personne qui ne s'y est jamais inscrite.
L'évaluation de la déficience mentale, en utilisant la
notion de pourcentage comme critère déterminant et exclusif, est
totalement inacceptable.
Les pourcentages peuvent très certainement être
utilisés au niveau de la statistique, mais ils ne peuvent pas être
utilisés pour établir la capacité fonctionnelle d'une
personne déficiente mentale.
Les besoins et les capacités mentales sont-ils les mêmes
à Montréal qu'à Saint-Prime? Est-ce que, en d'autres mots,
les besoins de capacité mentale pour bien fonctionner sont
quantitativement égaux entre un milieu urbain et un milieu rural? Notre
réponse à cette question est: Non. Il devient donc important
à notre avis, dans le cas d'une personne déficiente mentale, de
considérer son milieu de vie et, contrairemenl à ce qui est
indiqué à l'article 48, cette évaluation devrait
être complétée par une équipe multidisciplinaire et
être en fait une évaluation médico-psychosociale.
A ce stade-ci, les quelques commentaires qu'il nous reste à
formuler sont en rapport avec la section III du chapitre III, qui traite du
reclassement professionnel que nous appelons, de temps à autre,
intégration au travail. Nous trouvons bien que l'office ait à
respecter le libre choix de la personne handicapée. Nous nous
questionnons toutefois sur l'expression "libre" même de ce libre choix.
Lorsque le handicapé saura ou sait que l'office peut le déclarer
inapte à une intégration au travail, lorsque rien n'est
prévu dans la loi pour assurer des services aux handicapés qui
seront déclarés inaptes, lorsque l'aide matérielle pourra
être retirée à un handicapé si ce dernier
n'obéit pas à la lettre aux directives de l'office, croyez-vous
réellement qu'un handicapé peut réellement exprimer un
libre choix quand il pense que son aide matérielle peut être
coupée? Nous en doutons fortement.
En guise de conclusion, M. le Président, sachez que nous aurions
été très heureux de supporter un projet de loi devant
protéger les personnes atteintes de déficience mentale, mais
devant les dangers, les faiblesses et les limitations de ce projet, nous
n'avons d'autre choix que celui de nous opposer au projet tel que
présenté. En dernier lieu, j'attire votre attention sur le fait
que, passé le chapitre I, les moins de 18 ans sont les grands
oubliés de ce projet de loi. C'est donc avec regret et en toute
humilité que nous demandons que le projet soit retiré et qu'un
autre soit préparé avec plus de consultation.
M. Couture: M. le Président, je voudrais, avec votre
permission, faire un bref commentaire à la suite des propos de M.
Perreault. On sait que les deux principales caractéristiques de la loi
65 portent sur la participation communautaire et la régionalisation des
services ainsi que des centres de décision. Nous tenons à vous
souligner que le projet de loi 55 demeure muet quant aux mécanismes
locaux de participation. De plus, sa structure administrative hautement
centralisée va, à notre avis, directement à l'encontre de
l'esprit des objectifs de régionalisation de la loi 65. Ce virement
soudain laisse quelque peu perplexe. Je suis certain que M. le ministre Forget
voudra bien nous fournir des explications quant à l'orientation nouvelle
qu'il semble vouloir donner à ce type de service.
M. le Président, nous sommes maintenant à la disposition
de M. le ministre et de MM. les députés pour répondre
à vos questions et vous fournir des éclaircissements sur notre
mémoire.
Le Président (M. Brisson): Est-ce que le ministre a des
questions?
M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai pris connaissance
de votre mémoire et je vous avoue ne pas être capable, très
rapidement, de synthétiser ou de résumer les raisons qui vous
font vous opposer au projet de loi. Par certaines de vos remarques, vous
semblez suggérer que la loi fait trop peu et, par d'autres, qu'elle fait
trop. Vous serait-il possible de clarifier un peu ces deux affirmations ou de
les mettre l'une en regard de l'autre? Je pense en particulier à
plusieurs affirmations que vous faites selon lesquelles c'est une structure
trop lourde qui va être inefficace, etc. Vous ne donnez pas de raison
très précise pour ça. Je ne sais pas si un bureau peut
être autre chose que bureaucratique, mais j'imagine que vous avez la
notion d'un bureau non bureaucratique. J'aimerais que vous nous expliquiez ce
que vous entendez par ça.
Dans d'autres cas, vous suggérez qu'on ajoute plusieurs fonctions
additionnelles qui, si je comprends bien, vont devoir être
assumées par des employés de l'office qui vont ajouter encore au
poids de la formule. J'ai du mal à concilier ces deux points de vue que
l'on retrouve dans votre texte.
M. Couture: II nous semble, M. le ministre, que les principaux
points que nous avons voulu faire ressortir dans notre mémoire sont les
deux suivants: premièrement, nous consacrons un droit, nous le
reconnaissons, les déficients ont le droit à la liberté
à s'exprimer, à faire des choses que toute personne peut faire.
Par contre, nous ne garantissons pas que les moyens pour que ces droits
puissent être exercés en toute liberté, la
possibilité d'exercer un droit, ce n'est pas dans la loi.
L'autre point que nous avons voulu...
M. Forget: C'est ce que vous avez dit tantôt, mais
qu'est-ce que vous envisagez comme des garanties dans ce sens? Ordinairement,
vous savez, dans la loi, il y a la prescription d'un droit ou
l'énonciation d'un droit, on sait très bien comment on peut faire
pour se prévaloir de ces droits, soit des moyens administratifs, soit
des moyens judiciaires. Alors, quels sont, dans votre critique de cette
disposition, les moyens qui manquent selon vous, mais de façon
très concrète?
M. Couture: De façon très concrète, si je me
réfère au problème que j'ai soulevé où je
demandais si des droits étaient brimés, il semble qu'à
plusieurs moments, ce qui manque, ce sont des disponibilités physiques,
peut-être financières, qui font que les gens ont des droits et
peuvent obtenir certaines choses, tant qu'il y en a de disponibles.
Mais, le jour où il n'y en a plus, il n'y a pas d'obligation
à respecter le droit. Le droit s'arrête à la
disponibilité.
Si je pense aux enfants qui sont dans les hôpitaux aujourd'hui, la
raison pour laquelle ils sont dans les hôpitaux généraux,
ce n'est pas parce que ceux-ci veulent ou ne veulent pas les garder. C'est
qu'il n'y a pas de place dans les centres d'accueil. On ne peut pas les
accueillir. En attendant, ces déficients sont dans des ailes de
pédiatrie, peut-être des pouponnières, qui sont les
derniers endroits où ils devraient être. Il n'y a personne de
qualifié pour les recevoir. Les déficients mentaux qui sont entre
deux dans les ateliers protégés...
M. Forget: Vous avez répondu à ma question. Ce que
vous recherchez, dans le fond, c'est un texte de loi qui dise que les services
en question seront assurés, même si les ressources ne sont pas
actuellement disponibles.
M. Perreault (Gaston): Ce n'est pas tout à fait cela. Je
pense qu'un texte de loi...
M. Forget: Ce n'est pas une plaisanterie que je fais; c'est
très sérieux. Vous critiquez un projet de loi qui n'a pas pour
but de doubler le nombre de places dans les centres d'accueil pour l'enfance,
ou même de les augmenter de 1%, mais qui cherche à éliminer
dans cette partie la discrimination.
S'il manque des ressources, il est évident que ce n'est pas une
solution. Mais vous semblez chercher, dans cette loi, une solution à un
manque de ressources. Je crois que vous allez chercher longtemps,
effectivement; la solution n'est pas là. Je vois mal comment vous pouvez
envisager qu'un projet de loi fasse une promesse aussi démagogique dans
le fond et dise: Tous les besoins identifiés seront satisfaits, et cela
on l'a garanti par un projet de loi. Vous ne retrouvez cela nulle part. Vous ne
retrouvez cela dans aucun droit, un service assuré, qu'il s'agisse de
l'éducation, qu'il s'agisse de la santé ou de n'importe quel
autre service parmi les services sociaux. Vous ne pouvez pas trouver de
garanties que tous les besoins seront satisfaits, indépendamment des
ressources disponibles. Je ne vois d'ailleurs pas comment on pourrait le
dire.
M. Couture: Je pense, M. le ministre, qu'on ne vous demande pas
des garanties. Nous sommes bien conscients du fait que la loi devra être
appliquée et qu'elle sera appliquée dans la mesure où les
ressources seront disponibles.
Mais on aurait quand même pensé que le projet de loi aurait
été plus explicite quant à l'administration de cet office.
Par exemple, on aimerait savoir dans quelle mesure les corporations existantes
d'ateliers de réadaptation vont s'impliquer dans le travail de l'office.
Est-ce que le ministère compte, dans les règlements qu'il va
édicter suite à la loi, définir le cadre légal des
corporations, définir leur représentation et de quelle
façon la loi et les droits vont être respectés sur le plan
régional? On peut difficilement concevoir qu'un office situé
à Québec soit en mesure d'exercer le contrôle et la
surveillance et de voir à l'application journalière des ateliers
protégés.
M. Forget: Vous mélangez plusieurs questions à la
fois. D'abord celle de savoir comment cela sera administré; je pense
qu'on ne trouve cela dans pratiquement aucune loi, de même que s'il y
aura un bureau central, cinq bureaux régionaux, deux, trois ou douze, ou
vingt-deux. Vous allez trouver dans l'administration publique, selon les
besoins et selon les ressources disponibles dans chacun des cas, le nombre de
bureaux nécessaires pour être accessibles et donner les services
appropriés. Je n'ai pas d'exemple, dans les lois que nous ayons ou les
lois qu'on peut observer ailleurs, que le nombre de bureaux ou leur adresse
soit spécifié dans un texte de loi.
Donc, cela dépendra des besoins. Si on juge au départ que
l'office est incapable de prendre ces décisions, il ne faudra
peut-être pas le créer. Mais je pense que c'est une
décision administrative de décider de l'adresse des bureaux. Je
ne verrais pas un texte de loi faire cela.
Les autres questions que vous soulevez: Quelle sera la structure des
corporations qui administrent ces ateliers? Le silence de ce projet de loi est
assez explicite au moins là-dessus, en ce sens qu'il n'y a pas de
disposition dans la loi qui peut forcer une corporation existante à
modifier sa composition pourvu qu'elle corresponde à des objectifs
compatibles avec le but poursuivi par l'office, c'est-à-dire la
réinsertion, l'intégration sociale dans le milieu du travail des
handicapés.
La solution à cela, c'est une loi comme la Loi sur les services
de santé et les services sociaux, qui détermine d'avance, et
selon un modèle uniforme, la composition des conseils
d'administration.
Est-ce que vous soulevez ce point pour plaider qu'il serait opportun que
l'on détermine dans une loi l'organisation interne et la structure
administrative des corporations qui administrent tout ce qu'on appelle
maintenant des ateliers protégés?
M. Couture: Mais cette question a-t-elle justement
été examinée par les personnes...
M. Forget: Oui, elle a été examinée. La
réponse que vous trouvez, ce n'est pas une absence de réponse,
c'est la réponse qu'il n'est pas prévu de dicter la constitution
ou la structure administrative de ces entreprises, seulement de les
agréer dans la mesure où leurs objectifs correspondent aux
objectifs d'intégration sociale de l'office.
M. Couture: Vous l'aviez déjà fait dans le cadre de
la loi 65.
M. Forget: En effet. Ceci n'a pas été fait dans ce
cas. On ne le fait pas dans tous les cas.
M. Couture: Je comprends.
M. Forget: Dans la plupart des cas, vous avez des lois
générales d'incorporation, comme la Loi des compagnies, dans sa
troisième partie, permet l'incorporation d'organismes sans but lucratif.
Il y a la Loi des syndicats professionnels. Il y a un tas de lois qui
permettent à des gens de se grouper et de s'incorporer pour poursuivre
des objectifs qu'ils se déterminent eux-mêmes.
Quand vous ne retrouvez pas de disposition analogue dans une loi, cela
veut dire qu'une décision a été prise de ne pas dicter de
façon uniforme la composition des organismes. Ma question, puisque vous
avez soulevé ce problème et que vous semblez malheureux de voir
que c'est absent dans la loi: est-ce que vous suggérez que l'on impose
une structure uniforme à tous les ateliers protégés?
M. Pelletier: Si vous me permettez, M. le ministre, pas
nécessairement. Tout ce que les parents et les amis de personnes
déficientes mentales veulent, dans le fond, c'est qu'il soit bien
déterminé et bien établi on le voudrait dans une
politique légale ou dans un projet de loi quels sont les services
garantis pour les personnes qui ne seront pas aptes ou qui seront
déclarées inaptes à un reclassement professionnel. Vous
dites: Sera agréé, l'atelier qui favorise l'intégration
sociale, l'intégration professionnelle. Ce sont toutes des petites
choses qui, dans un texte de loi, ne sont peut-être pas assez
précises pour protéger l'individu qui n'a pas le potentiel pour
s'intégrer dans un milieu de travail normal. Y a-t-il des dispositions
prises pour lui garantir du travail en milieu dit protégé? C'est
peut-être un terme qui...
M. Forget: Vous fournissez la réponse à votre
question, dans votre mémoire. Je vous réfère à la
page 10, au paragraphe du milieu. Vous indiquez que "... le Québec
possède plusieurs ressources qui, souvent, ne sont pas utilisées
à leur plein potentiel. Nous croyons donc qu'il serait
préférable que l'Office fasse en sorte que les différents
organismes jouent leurs rôles vis-à-vis des personnes atteintes
d'une déficience en les aidant et en coordonnant leurs efforts et non en
tentant de faire le travail pour eux. L'Office pourrait aussi jouer ces
rôles de support et de coordination tout en étant l'ombudsman avec
suffisamment de pouvoirs pour imposer ses directives."
Vous décrivez en à peu près dix lignes ce qui est
essentiellement le but du projet de loi en indiquant également ses
limites. Cela correspond exactement à vos voeux, si je comprends bien,
de dire, dans le cas de ceux qui ne sont pas intégrables, qu'il y a des
services sociaux, qu'il y a les services de santé. Je crois qu'on ne
cherche pas à faire plus de discrimination qu'il est strictement
nécessaire pour résoudre des problèmes bien
particuliers.
Dans ces cas, ma réponse serait: Y a-t-il vraiment
nécessité de légiférer pour dire que les
hôpitaux et les centres d'accueil doivent continuer à donner les
services et à les améliorer vis-à-vis des personnes
handicapées? A-t-on besoin d'une disposition législative
additionnelle à ce qui existe déjà relativement à
ce genre de problème?
M. Couture: Mais oui. Il existe présentement des ateliers
protégés mais qui reçoivent des déficients
handicapés plus profondément, si on veut. On se demande, avec
l'arrivée d'une nouvelle loi, de quelle manière les droits des
personnes inaptes au reclassement vont être reconnus dans le projet de
loi. Il me semble que le projet de loi s'adresse davantage à un secteur
très minime des handicapés mentaux, c'est-à-dire ceux qui
sont les plus fonctionnels. La question est: Qu'est-ce qui arrive des personnes
qui le sont moins? Est-ce qu'elles relèvent de l'office ou vont-elles
relever de je ne sais pas quoi?
M. Forget: Le ministère des Affaires sociales va continuer
à fonctionner, je pense, et les organismes qui fonctionnent en
collaboration avec lui, également. A-t-on besoin d'aller au-delà
de cela?
M. Perreault (Gaston): M. le ministre, là,
peut-être, où nous avons erré, c'est avec le titre du
projet de loi. Le titre est la Loi sur la protection des personnes
handicapées. Aucune restriction.
M. Forget: Vous avez la Loi sur la protection du malade mental et
vous avez la Loi de protection de la santé publique. Je ne crois pas,
quand on a discuté de ces autres projets de loi, qu'on supposait que
tout le reste des services de santé ou de services sociaux
disparaissaient pour autant. Ce sont des lois de protection dans le sens
suivant, non pas nécessairement que tout le monde a besoin d'être
protégé dans le sens protectionniste du mot, mais il y a certains
aspects qui nécessitent une intervention particulière pour
protéger la santé publique. Il peut s'agir des maladies
infectieuses. Pour ce qui est de la protection du malade mental, c'est
d'éviter que l'hospitalisation psychiatrique devienne une occasion
d'internement, dans le fond, pour des raisons de santé.
Donc, il y a des mesures de protection qui sont strictement
limitées au but poursuivi. Cela ne veut pas dire que cela impliquait,
par ces lois, qu'on abrogeait la Loi sur les services de santé et les
services sociaux, par exemple. La même chose est vraie ici; on ne vise
pas à créer la grande charte de la personne handicapée qui
va s'occuper de tous les aspects de sa vie; 90% des aspects de sa vie sont
régis par les lois d'application générale, II y a
seulement quelques aspects où une intervention particulière peut,
à l'occasion, au besoin, être nécessaire. C'est
peut-être ce problème de perception qui joue dans votre
évaluation soit pour vous faire trouver des choses, soit vous faire
chercher des choses qui ne peuvent pas y être, parce qu'elles existent
dans les autres lois et sont la responsabilité d'autres organismes, ou
pour vous faire regretter des interventions spéciales qui seraient
abusives, si elles s'appliquaient à l'ensemble des services. Je crois
qu'il y a une distinction très importante à faire.
M. Perreault (Roger): M. le ministre, tantôt, je m'excuse
si, personnellement, j'y reviens, j'avais soulevé tantôt le
problème des ressources. La question qui avait été
posée, était: Est-ce qu'on veut laisser croire que les ressources
devraient être sans fond pour garantir des services? A ceci, je ne crois
pas que nous ayons répondu. La réponse est certainement non. Nous
aimerions certainement avoir dans un projet de loi, personnellement, je ne suis
pas un expert en face d'un projet de loi, mais j'aimerais voir en quelque
endroit qu'il y a des ressources qui ne sont peut-être pas à
l'infini aujourd'hui, mais qu'il y a des plans justement pour que ces
ressources augmentent avec le temps pour qu'à la fin les ressources
correspondent peut-être aux besoins. Les plus grands problèmes que
nous affrontons aujourd'hui, lorsque nous rencontrons des organismes locaux,
soit du ministère des Affaires sociales ou d'un autre sont que les gens
sont certes très sympathiques aux demandes, reconnaissent tous les
besoins, mais disent: On n'est pas capable. Quelle différence y a-t-il
je repose ma question entre un droit qu'on a et un droit qu'on ne
peut pas exercer?
M. Forget: C'est une opinion à laquelle vous avez
parfaitement droit. Si vous croyez qu'il vaut mieux ne pas parler de droit et
ne pas parler d'un office et s'occuper de développer des ressources en
gardant, sur le plan législatif, le statu quo, je peux être
d'accord avec vous à la limite, mais je crois qu'en mélangeant
les deux questions, dans le fond, on n'aide personne. Il y a des
problèmes législatifs, il y a des problèmes de
discrimination, même avec les ressources existantes. Il y a des cas de
discrimination qui sont constatés, même lorsque les ressources
sont là. Cela vise l'utilisation qu'on fait des ressources, à ce
moment, et pas leur existence. Je pense que ces problèmes, on peut
déjà les aborder sans nécessairement attendre que les
ressources soient complètement développées, parce qu'on
risque d'attendre longtemps. Il reste qu'en effet il serait irresponsable de ma
part et de la part de n'importe qui de prétendre que, le lendemain de la
proclamation d'un texte législatif, tous les besoins trouveront des
réponses. Je pense qu'il est bien nécessaire que je
réaffirme que, si l'on croit que c'est là le but du projet de
loi, on s'aventure vers des déceptions. Ce n'est évidemment pas
possible. Les programmes de développement, les plans de
développement doivent exister en parallèle, mais je ne vois pas
comment, dans une loi, on peut donner des gages de cela, sauf en créant
un autre organisme qui aura la tâche de développer des plans, mais
je pense qu'on en a assez des organismes. Le but de l'office n'est pas de faire
des plans et de faire de la littérature, c'est essentiellement d'aider
dans la capacité que vous avez vous-même très bien
décrite, à votre page 10, non pas de doubler les organismes
existants, mais de servir d'agent, de maître d'oeuvre dans l'utilisation
des services existants au bénéfice d'une personne en
particulier.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, j'estime que l'échange
que vient d'avoir le ministre avec l'asso-
ciation qui est devant nous nous permet d'aller un peu plus loin. Je ne
suis pas du tout convaincu que les arguments du ministre aient
écarté les remarques qui nous avaient été offertes
tout à l'heure. Je pense, M. Perreault, que vous avez raison de trouver
entre le titre de la loi, donc son objectif, parce qu'ici, on a appris à
travailler avec des types de loi comme étant l'affirmation d'un
objectif, et le contenu réel de la loi, une démarcation
inévitable pour qui va avoir à vivre cette loi. Effectivement,
plus on regarde cette loi, moins elle touche de personnes. Il y a l'oubli des
enfants, par exemple; vous avez noté et un autre groupe nous l'avait
signalé, la catégorisation de certains handicapés,
certains, au dire du ministre dans sa réponse tout à l'heure,
devenant, à cause de la nature de leur handicap physique ou mental,
bénéficiaires éventuels de la loi et des services que peut
leur offrir l'office, et d'autres, à cause de la gravité de leur
handicap devront compter uniquement sur les services habituels du réseau
des Affaires sociales, c'est-à-dire centres d'accueil, hôpitaux
pour soins prolongés, etc.
Cela remet en cause toute la discrimination qu'il peut y avoir dans
l'application de cette loi, puisque où va passer le couteau qui va faire
que, pour un, existeront des services qu'on peut travailler à rendre les
plus humains possible, et, d'autre part, l'autre devra, lui, continuer la
situation qui est la sienne. Pour qui a visité des hôpitaux de
malades chroniques et, en particulier, pour enfants déficients mentaux
graves, il s'agit, ni plus ni moins, d'un ghetto où ils sont, à
toutes fins pratiques, abandonnés.
L'argumentation du ministre n'écarte pas le fait que cette loi
porte, si nous ne la corrigeons pas, une discrimination plus grave encore,
peut-être, du fait qu'elle interviendra favorablement à
l'égard de certains handicapés en laissant pour compte un certain
nombre d'autres; je dis plus grave peut-être que la situation actuelle,
qui a au moins l'uniformité de l'injustice, si vous me permettez cette
expression.
Vous étiez peut-être avec nous ce matin lorsque d'autres
groupes ont passé. Vous vous rappelez que le premier groupe que nous
avons entendu, l'Association de paralysie cérébrale, nous a fait
une suggestion que j'ai retenue à l'article 57, qui vise à
inclure "à faire avec" c'était leur expression le
plan de reclassement professionnel et social d'un handicapé avec le
consentement de la personne handicapée. Le principe de cela a
été défendu et, je pense, devrait être
considéré comme acquis. Il s'agit du respect de la personne
humaine.
Vous représentez un groupe de handicapés particuliers dont
le taux de déficience peut être variable. J'imagine qu'en principe
vous souscrivez à l'objectif défendu ce matin de l'implication de
la personne handicapée dans le tracé de son plan de reclassement.
Vous savez que, pour un certain nombre de handicapés, déficients
mentaux, la collaboration à l'établissement d'un tel plan est,
à toutes fins pratiques, impossible à réaliser
concrètement, à moins d'y mettre une grande somme
d'énergie et une grande somme de temps également.
Comment pouvez-vous nous suggérer de concilier les deux
objectifs, c'est-à-dire connaissant la réalité pour un
certain nombre de handicapés et favorisant en même temps le
principe d'inclure autant que possible la personne handicapée dans la
détermination de son plan de reclassement?
M. Perreault (Gaston): Encore là, M. le
député, la réponse que je vais vous donner n'est
peut-être pas une réponse universitaire. Mais je vais vous donner
une réponse de parent. Je pense qu'en principe il est important que les
personnes handicapées mentalement fassent partie d'un plan qu'on veut
dresser pour elles, mais je dirais qu'il faut y aller avec beaucoup de
jugement, tout comme, à certains moments, je suis prêt à
consulter mon enfant de six ans pour certaines choses, mais je n'oublie jamais,
dans les remarques qu'il me fait, la confiance que je lui fais et ce que je
suis prêt à faire avec ce qu'il me dit. Je me rappelle toujours
qu'il a six ans. L'âge mental des déficients mentaux peut varier
entre un âge qui est à peu près cinq ans ou six ans. On ne
peut pas s'attendre qu'un enfant raisonne comme un adulte. C'est le cas du
déficient mental.
M. Charron: Je vais vous poser la question qui rejoint ma...
J'avais une deuxième question en tête lorsque je vous ai
posé celle-là.
Si on est incapable de tracer, avec une personne, son plan de
reclassement professionnel et social, si la tâche est, à cause de
la gravité de la déficience de la personne en cause, impossible
à établir avec son consentement, avec ses goûts, avec ses
préférences, avec ses ambitions et avec ses
intérêts, diriez-vous que, lorsque la collaboration à
pareille réalisation est impossible, nous sommes en face d'une personne
inapte à être reclassée?
M. Perreault (Gaston): Inapte est un terme qui me semble aussi
permanent que la mort. Quelqu'un qui est inapte, c'est quelqu'un qui ne peut
pas faire quelque chose, plus jamais.
Cela me semble être un jugement dans ma tête toujours
à long terme, qui n'a pas de recours. Quelqu'un qui est inapte,
par exemple, à faire quelque chose, à mon avis, sur la rue
Saint-Jean à Québec ou sur la rue Sainte-Catherine à
Montréal n'est peut-être pas inapte dans le troisième rang
à Saint-Flavien à faire certaines choses.
Il s'agit, à mon avis, d'un milieu de vie en fonction d'une
capacité de fonctionner. Selon l'expérience que je vis, la
déficience mentale n'est pas qu'on doit obliger les gens à faire
des choses, mais on doit essayer de trouver comment elles peuvent le faire
mieux et à quoi. Les gens qui auraient de la difficulté à
collaborer à tracer un plan pour eux et vous allez en trouver
plusieurs à déficience mentale, des personnes
déficientes... Je pense qu'une équipe de gens qui travaillent
avec eux, qui les voient fonctionner pendant un certain nombre de jours, de
mois même, pourraient à un certain moment dire: Cette personne, si
on s'y prend d'une telle façon, réagit valablement; il y a
des choses importantes pour lesquelles elle réussit mieux. C'est
quelque chose qu'on fait avec tout le monde. On essaie de faire ressortir les
qualités des gens et de s'en servir à bon escient.
Avec le déficient, ce n'est pas différent, excepté
que le niveau est moindre. On travaille à un niveau moins
élevé au niveau de la capacité. Si vous demandez à
un déficient, par exemple, de sculpter des meubles, il n'est
peut-être pas capable, mais demandez-lui de sabler le vernis dessus, il
est capable, il n'est plus inapte.
M. Pelletier (Jacques): Si vous me permettez. Lorsqu'on parle de
déficience mentale, il faut toujours garder en tête la question de
parents, de mandataire ou de parrain civique, qui que ce soit. Je crois qu'il
est très important, lorsqu'on parle de libre choix, si on parle d'une
personne qui a une déficience physique qui peut très bien
participer et avoir le choix de son reclassement professionnel... Au niveau du
déficient mental, c'est peut-être un peu différent à
certains moments. Peut-être pas tout le temps. Il y a plusieurs individus
qui sont déficients mentaux qui peuvent très bien prendre des
décisions pour eux-mêmes, selon leurs goûts, leur potentiel
etc. Il y en a d'autres, par contre, où on demande quand même que
le mandataire ou le parrain civique ou le parent ait un gros mot à dire
là-dessus.
M. Couture: Dans bien des cas, la volonté d'être
reclassé n'existe pas toujours chez le déficient, il doit
être stimulé.
M. Charron: Oui, d'accord.
M. Couture: Je pense qu'être inapte au reclassement, c'est
porter un jugement définitif sur une personne à un moment
donné.
M. Charron: Mais, la loi telle qu'elle est rédigée
actuellement c'est peut-être une des raisons pour lesquelles vous
vous y opposez à bon droit mentionne à l'article 46c le
critère à partir duquel on établira l'aptitude à un
reclassement ou l'inaptitude à un reclassement. Les groupes de la
semaine dernière, comme ceux de ce matin, nous ont fait remarquer
à plusieurs occasions que ce caractère, qui dans le cas des
déficients mentaux est appelé à 20%, je pense, est tout
à fait aléatoire et arbitraire. Puisque éventuellement,
malgré toute la latitude d'esprit, la largesse de coeur aussi qu'on
pourra y mettre pour ne se résigner qu'en tout dernier lieu avant de
classer comme inapte au reclassement une personne handicapée, quels sont
les critères que vous nous suggérez de retenir plutôt qu'un
critère mathématique qui peut varier selon les
évaluateurs?
Il existera des gens pour qui les bénéfices de la loi sont
chose qui leur appartient et il y en a d'autres qui ne pourront pas s'y rendre.
Comment pouvons-nous établir cette démarcation?
M. Couture: Je pense qu'il appartient beaucoup plus aux
éducateurs, aux personnes de tous les jours qui côtoient les
déficients d'être en me- sure de déterminer un peu sa
capacité ou ses aptitudes à un reclassement beaucoup plus que
d'en revenir à des notions de pourcentage, tout en se demandant
véritablement ce que 100% représentent. Nous avons
déjà, dans certains ateliers protégés de
comité, des personnes qui examinent chaque cas en particulier et qui
portent des jugements ou qui forment certaines recommandations quant à
leur reclassement ou encore quant au genre de programmes qui doivent leur
être confiés. Je pense qu'on devrait quand même adopter une
politique semblable, c'est-à-dire sans se référer
justement aux personnes au niveau local, aux personnes responsables de
l'atelier protégé ou à la corporation pour porter un
jugement de cette nature plutôt que de s'en référer
à un office des handicapés situé à Québec,
même si M. le ministre a laissé entendre tantôt qu'il
pouvait y avoir des bureaux régionaux.
La question n'est pas là. Je pense que cette décision
appartient aux parents, aux éducateurs. Ce n'est pas une
décision, ce sont plutôt des recommandations, des jugements qu'on
peut porter, à un moment précis.
M. Charron: Si j'ai bien compris, la semaine dernière
il est tout à fait libre de me reprendre ou de me corriger s'il
le veut à un argument d'un groupe qui défendait une
position à peu près comme la vôtre, c'est-à-dire que
c'est à ceux qui sont auprès de la personne handicapée de
trancher la question, autrement dit, le ministre des Affaires sociales a
semblé craindre que cela ne conduise inévitablement à une
surcharge auprès de l'office, dans le sens que peu de ces personnes se
résigneront à classer comme inapte et donc connaissant bien le
déficient, vivant avec lui et n'abandonnera jamais espoir de retrouver
un endroit où cette personne pourra retrouver la liberté de
n'importe quel humain, qu'en fin de compte l'office soit obligé de
prendre tous ceux qui sont recommandés et que presque tout le monde lui
soit recommandé de cette façon...
M. Forget: M. le Président, comme le député
de Saint-Jacques me cite, j'aimerais compléter la citation. Si vous
faites appel à des critères qui n'en sont pas, essentiellement
vous faites appel au bon jugement de ceux qui ont un travail à faire;
dans un premier temps, il est possible qu'il y ait beaucoup de gens qui se
croient aptes ou croient leurs enfants ou les gens dont il s'occupent aptes
à un reclassement. En soi, ce n'est pas grave, puisque cela indique
seulement la grosseur du problème à résoudre; mais dans un
deuxième temps, il va y avoir une sélection professionnelle
contre laquelle il est peut-être nécessaire de se prémunir.
Dans des situations comme celles-là, on le voit dans à peu
près tous les organismes d'aide, quand il y a un volume suffisant pour
justifier l'existence de l'organisme, les cas les plus difficiles tendent
à être négligés puisqu'on trouve amplement à
se justifier autrement. C'est dans cette optique qu'on a des seuils de
handicap, si l'on peut dire, au moins à l'état de suggestion dans
le projet de loi, qui tendent à obliger l'organisme à s'occuper
en
priorité de ces cas plus lourds, parce que, du moins au niveau de
la rédaction, si l'on regarde soigneusement le texte, ce n'est pas une
raison. Ces pourcentages ne constituent pas des raisons pour refuser des
services de reclassement professionnel. Donc, toute personne handicapée
a le droit de réclamer les services et cette clause de 46c n'a pas un
effet limitatif. Mais on cherche à orienter, par cette disposition,
l'action de l'office vers ceux qui sont les plus gravement atteints; parce que
dans le cas d'un achalandage maximum, il est clair que ce seront là les
premiers à être négligés. Enfin, c'est clair pour
moi. Je ne sais pas si cela l'est pour tout le monde. Je pense que
l'expérience nous montre que c'est souvent ce qui se passe.
M. Dufour (Jean-Claude): M. le ministre, en fait, le projet de
loi no 55 représente une évolution sociale, une évolution
de la conscience sociale. On s'est aperçu que les handicapés de
toute nature sont des humains au même titre que les autres. Cette portion
de la population contracte un contrat avec le reste de la population par le
biais d'un projet de loi, le projet de loi 55.
Vous avez, au début, posé la question, en disant: Votre
mémoire semble vouloir critiquer la loi, dans un sens il dit que c'est
trop et, dans l'autre sens, c'est trop peu. La question qu'on se pose
véritablement, c'est: Quel est l'engagement pratique du gouvernement?
Parce qu'un engagement, une loi, c'est beau, mais pour autant que cela permette
à des individus d'exercer des recours en droit contre... le chapitre 1
n'est qu'une déclaration de principe. On veut tout embrasser, mais on
n'embrasse rien au sens pratique du mot. Tandis qu'au niveau du reclassement
professionnel, il y a un engagement pratique du ministère. C'est ce qui
fait peut-être la bisbille dans tout cela.
M. Forget: Mais il n'y a pas de réponse à la
question, comme vous la formuler, comme je vous ai indiqué tout à
l'heure. Si vous cherchez des garanties, vous ne les trouverez pas,
évidemment, dans un texte de loi. Vous ne les trouverez qu'à
l'expérience.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Johnson.
M. Bellemare (Johnson): Messieurs, je comprends un peu plus
qu'avant et depuis toujours, particulièrement les sentiments d'aigreur
que vous pouvez manifester et qui peuvent paraître amers aujourd'hui dans
certaines déclarations qui sont contenues dans votre mémoire.
Je rattache à cela le terrible quotidien que vous vivez tous les
jours avec ces cas-problèmes, ces cas de handicapés. Vous voyez
depuis des an-nés des cas extrêmement sympathiques et vous n'avez
aucun recours pour les soulager ou leur rendre véritablement les
services que vous pensez être capable de leur rendre. Un jour,
après bien des recommandations, particulièrement de ceux qui ont
fait un travail dans l'ABC pour les édifices publics, pour tâcher
d'obtenir certains critères fa- cilitant l'accès à
certains bureaux, arrive un espoir, celui d'une loi qui s'appelle la loi 55 et
qui, aux yeux de tout le monde, devait être une loi salvatrice qui devait
vous apporter des solutions miracles ou des solutions qui vous aideraient au
moins à traverser les pires moments que vous avez connus depuis des
années.
Le fait probant, c'est que vous êtes, comme d'autres qui vous ont
précédés, déçus de ne pas trouver dans la
loi ce que vous pensiez y trouver. Je crois que vous n'êtes pas les
seuls; nous en entendrons d'autres venir dire que la loi n'est pas parfaite, ne
rencontre pas les objectfs que vous recherchez, particulièrement dans
cette difficile mission qui vous est dévolue, par un dévouement
sans borne auprès des déficients mentaux.
Je pense qu'il faut comprendre aussi que vous avez un devoir, une
responsabilité qui est difficile parce que vous vivez tous les jours,
depuis des années, ces problèmes sans espoir de solution. On vous
apporte un projet de loi, no 55. Après l'avoir étudié
comme vous l'avez dit, M. Perreault, sous plusieurs facettes, vous y trouvez
des choses qui peuvent être véritablement bonnes, mais, en ce qui
concerne particulièrement le droit des libertés individuelles,
vous êtes intransigeant et je vous comprends. Vous ne voulez pas
créer une seconde zone de ces handicapés mentaux et physiques.
Vous voulez au moins qu'ils soient traités de la même façon
et profitent des mêmes avantages que tous les citoyens ordinaires de
notre société québécoise.
Maintenant, il y a une chose certaine, c'est que, dans votre
mémoire, j'ai trouvé des choses merveilleuses. Par exemple, quand
on prend l'article 9, on dit que des plaintes écrites seront
portées quand 99% de ces gens handicapés ne peuvent pas signer.
C'est sûr qu'on pourrait avoir une solution de rechange; un
système de document audio-visuel pourrait être accepté, ce
serait peut-être de bonne mise. Mais, pour les handicapés, quand
vous en avez récupéré 2% au travail... Ce matin, je me
suis fait donner des statistiques par d'autres qui vous ont
précédés; le pourcentage des statistiques est très
faible. Donc, comme la réhabilitation au travail est extrêmement
difficile vous le dites dans votre mémoire ça
devient une loi supplétive pour remplacer, par des subventions ou de
l'aide matérielle, certaines déficiences physiques et mentales;
c'est ça tout le projet de loi.
Mais, quand on arrive à l'article 46 et qu'on voit: peuvent
demander leur enregistrement auprès de l'office aux fins de
bénéficier des dispositions du présent article, les
personnes qui ont une diminution de 30% de capacité physique et 20% de
capacité mentale, on se dit: Un enfant qui a 4 ans, 5 ans, 7 ans, 8 ans,
où est-ce qu'il va s'enregistrer? Il n'est pas là, c'est fait
pour les adultes. Surtout aux articles suivants, je proteste
énergiquement contre l'enregistrement de ces pauvres malheureux qu'on
veut véritablement enregistrer. C'est seulement par un enregistrement
qui doit être présenté suivant la formule prescrite par un
règlement du lieutenant-gouverneur en conseil qu'ils pourront être
acceptés. A l'article 48 on dit: se
soumettre à un examen par un professionnel et, à l'article
49, l'office "peut, s'il l'estime nécessaire, faire procéder
à tout examen complémentaire." L'article 50: Dans les 60 jours de
la réception de la demande, il accorde l'enregistrement au demandeur qui
satisfait à toutes les conditions prescrites par l'article 46.
Je ne trouve pas cela généreux de la part du
ministère de vous avoir donné une loi comme celle-là. Il
faudrait qu'elle soit revue, refaite et recorrigée, avec des gens comme
vous qui vivez dans le milieu particulièrement difficile. Ce ne sont pas
des planificateurs payés à $25 000 ou $30 000 qui peuvent
réellement faire une loi pour des handicapés qui soit, comme on
le dit en bon canadien, en langage français, "suitable".
C'est défendu de manifester...
Le Président (M. Brisson): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bellemare (Johnson): Si je monte le ton, c'est parce que je
suis convaincu de ce que je dis. Je pense que vous avez là une loi qui
devrait être faite comme vous le dites. Vous avez été
chanceux, parce qu'il y en a, la semaine dernière, qui se sont fait
passer le rabot pour avoir été moins loin que vous autres et qui
se sont faits dire: On n'a pas de leçon à recevoir. Vous auriez
dû entendre le ministre à ce moment-là. Il n'était
pas de bonne humeur contre certaines délégations.
Le Président (M. Brisson): J'inviterais le
député de Johnson à poser des questions.
M. Bellemare (Johnson): Oui. Je suis ici comme membre de la
commission parlementaire. J'ai le droit de donner mon opinion à la suite
du mémoire. Je m'en suis tenu au mémoire, et à la loi, M.
le Président. Où est-ce que j'ai manqué dans tout cela?
Est-ce que parce que cela ne fait pas votre affaire, M. le Président? Je
respecte votre décision. Si vous m'enlevez le droit de parole, je vais
me soumettre, mais j'ai encore bien des choses à dire.
Le Président (M. Brisson): Je soumets très
honorablement au député de Johnson que je suis neutre comme
président, premièrement. Deuxièmement, nous avons ici des
invités qui viennent présenter des mémoires.
M. Bellemare (Johnson): Oui, je suis d'accord.
Le Président (M. Brisson): Troisièmement, à
six heures, nous devons arrêter...
M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas moi...
Le Président (M. Brisson): Quatrièmement, que les
membres de la commission doivent poser des questions afin d'être
éclairés davantage. Disons que je vous ai laissé aller un
peu, mais j'aimerais bien que les questions soient de mise.
M. Bellemare (Johnson): Mais pourquoi est-ce que c'est moi qui
suis toujours limité? Est-ce que c'est parce que je suis le dernier?
Le Président (M. Brisson): C'est parce que vous parlez
tellement bien qu'on vous laisse faire.
M. Bellemare (Johnson): Oui? M. le Président, c'est un
témoignage sans équivoque. Messieurs, qu'est-ce que vous entendez
particulièrement est-ce que j'ai le droit de vous poser une
question comme cela par les professionnels de la santé? Il est
bien entendu que, dans la loi, ce sont les professionnels de la santé
qui vont être appelés à juger. J'aimerais bien vous
entendre sur cela.
Une Voix: Oui.
M. Bellemare (Johnson): Ma première question a
été posée sur l'article 46, à savoir si vous
acceptez le barème, le quota de 30% pour les handicapés physiques
et de 20% pour les handicapés mentaux. Qu'est-ce que vous faites pour
les gens qui sont majeurs, mais qui sont des enfants? Deuxième question,
qu'est-ce que vous faites avec les professionnels de la santé? Quelle
est votre opinion? J'aurai deux petites questions pour terminer, si le
président m'accorde le droit de parole, bien entendu.
M. Perreault (Gaston): M. le député, M. le
Président, je ne sais pas réellement quelle définition
nous pourrions donner aux professionnels de la santé. Nous avons
regardé, au chapitre I, quelle interprétation la loi en donnait
et nous ne l'avons pas trouvée.
Nous n'en avons pas personnellement à définir des
professionnels de la santé.
M. Bellemare (Johnson): Quelqu'un est venu avec un mémoire
la semaine dernière et il nous a dit que cela devrait être le
médecin. Il n'y a pas seulement qu'un médecin qui peut, dans un
cas d'invalidité, dans le cas d'une personne handicapée, donner
une opinion, qui peut être un professionnel de la santé tout comme
un médecin. Il peut y avoir des psychologues, il peut y avoir une foule
de "logues" que je...
M. Couture: Je pense qu'on devrait apporter des modifications
à la loi pour préciser davantage. Je pense que le
législateur n'a pas voulu exclure les psychologues, les travailleurs
sociaux et d'autres catégories de personnes.
M. Bellemare (Johnson): Mon autre question, puisqu'il faut aller
vite pour donner la chance à tout le monde et qu'on n'aime pas trop
souvent m'entendre, c'est qu'à l'article 79 il est question que celui
qui se croit lésé parce que l'enregistrement auprès de
l'office lui a été refusé, parce que cet enregistrement a
été révoqué, ou parce que l'aide matérielle
lui a été refusée, réduite, suspendue ou
annulée, puisse en appeler à la Commis-
sion des affaires sociales. Est-ce que vous trouvez cela bien logique
que l'appel soit logé auprès des Affaires sociales au lieu d'un
autre tribunal qui serait organisé par l'office, ou bien par un autre
corps indépendant? C'est blanc bonnet et bonnet blanc.
M. Pelletier (Jacques): M. Bellemare, vous avez répondu,
en partie, à la question que vous avez posée. En fin de compte,
l'office va relever de quel ministère? Ce n'est pas indiqué dans
le projet de loi. Mais nous avons des petits doutes. En fait, on parle beaucoup
d'affaires sociales.
La commission parlementaire, on en doute fortement, si c'est
effectivement le réseau de plaintes. On trouve qu'il y aurait
peut-être des mécanismes plus efficaces.
La Commission des droits de la personne vient de commencer, elle n'est
peut-être pas encore tout à fait efficace. La Commission des
affaires sociales, on n'est vraiment pas certain que ce sera une méthode
juste et efficace d'entendre des plaintes.
M. Forget: Est-ce que je pourrais enchaîner
là-dessus? Est-ce que je pourrais avoir des détails
là-dessus? Il s'agit quand même d'un tribunal qui juge sur des
questions assez variées, par exemple, les appels en vertu du
Régime de rentes sont jugés par la Commission des affaires
sociales; le problème de protection du malade mental est
également tranché par la Commission des affaires sociales qui est
un tribunal qui ne doit pas être confondu avec un ministère en
particulier.
J'aimerais avoir des explications. Pourquoi jugez-vous que ce n'est pas
un tribunal compétent pour décider de ces questions?
M. Dufour (Jean-Claude): M. le ministre, il y a au moins un fait
à souligner au niveau de l'efficacité. C'est qu'on sait
pertinemment, par expérience, que la Commission des affaires sociales a
à statuer sur plusieurs choses, comme vous le dites, plusieurs
juridictions et que les commissaires ne sont peut-être pas assez
nombreux. A ce moment, les délais d'audition sont très longs.
M. Forget: Très longs; un mois, c'est très
long?
M. Bellemare (Johnson): Pour un homme qui attend, oui. Pour un
homme qui attend quand il a fait tous les sauts et les soubresauts, qu'il
arrive devant la Commission des affaires sociales et que cela prend encore un
mois, je vous garantis qu'il y a des problèmes.
M. Pelletier: Je dois dire aussi que la personne...
Mme Petitclerc: II y a aussi que les papiers se perdent
facilement.
M. Bellemare (Johnson): Pardon?
Mme Petitclerc: II y a aussi que les papiers se perdent
facilement.
M. Bellemare (Johnson): Sûrement.
M. Forget: Oui, mais ce sont des problèmes qui existent
dans n'importe quel organisme. Cela ne répond pas à ma question,
parce que vous créez un autre tribunal. J'imagine qu'il y aura des
délais d'attente et qu'il y aura aussi... Comme vous dites, il y a des
papiers qui se perdent; je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de papiers qui se
perdent à un tribunal. Ordinairement, il y a un greffe. On ne sort pas
les dossiers très facilement.
M. Bellemare (Johnson): Si le ministre me permet...
M. Forget: M. le Président, j'aimerais, malgré
tout, qu'on réponde à ma question. On a laissé planer un
doute sur un organisme quasi judiciaire qui agit en matière
administrative. J'aimerais savoir pourquoi on croit sérieusement qu'un
organisme comme celui-là n'est pas en mesure de donner un jugement
impartial. Je pense que c'est une allégation assez sérieuse qui
mérite d'être relevée.
M. Pelletier (Jacques): On n'a pas dit, M. le ministre, que la
Commission des affaires sociales ne porterait pas des jugements impartiaux
là-dessus; ce n'est pas notre problème et notre crainte. La
crainte, c'est justement... Comme individus handicapés, par exemple,
vous voyez plusieurs citoyens, aujourd'hui, qui ont beaucoup de
difficultés à se déplacer. On a commencé notre
séance et il y a des gens qui sont entrés pratiquement une heure
après. On demande aux gens de se présenter en personne. La
commission pourra-t-elle se déplacer et aller partout, pour les gens qui
ne peuvent pas y aller?
M. Forget: Elle se rend même dans les centres hospitaliers,
dans les cas où il y a des appels qui sont logés, par exemple,
à partir de la Loi sur la protection du malade mental ou d'autres
dispositions.
M. Pelletier (Jacques): Cela prend quand même un certain
temps pour cela.
M. Forget: II n'y a pas d'organisme qui va être là
le lendemain d'une demande d'appel; ne nous faisons pas d'illusions. C'est un
organisme qui voyage dans tout le Québec, qui va dans toutes les
régions, qui peut aller dans n'importe quelle petite ville pour entendre
les témoins et siéger comme tribunal. Ne vous faites pas
l'illusion que vous allez avoir un tribunal spécial d'appel pour les
handicapés qui serait instantanément présent partout dans
tout le territoire. Ce n'est pas possible.
M. Pelletier (Jacques): Ce n'est peut-être pas cela qu'on
veut demander. On ne dit pas qu'il faudrait que cette commission y soit
instantanément, mais cela prendrait peut-être un peu plus de
garanties parce que la personne handicapée a soixante jours pour
répondre. Il y a une norme, c'est écrit. Cela ne peut pas aller
plus loin que soixante jours.
Par contre, pour répondre à la plainte, pour donner
satisfaction à la personne, qu'est-ce qui va arriver? Y a-t-il des
délais? Est-ce inscrit dans la loi? Une personne handicapée qui a
beaucoup de difficulté à s'exprimer, par exemple, qui ne peut pas
écrire, qui n'est pas accessible à un paquet de choses, qui va
faire appel à ce tribunal qui est impartial, on se demande justement si
on ne devrait pas avoir le droit d'appel directement à l'office pour
commencer. Si après une décision: Monsieur, vous n'êtes pas
apte à un reclassement professionnel...
Ensuite, ce qu'on se dit, c'est que la Commission des affaires sociales
qui va juger des choses qui relèvent du milieu du travail...
M. Forget: Qui va juger de l'application de la loi, comme
n'importe quel autre tribunal.
M. Pelletier (Jacques): Est-ce une loi des affaires sociales,
finalement?
M. Bellemare (Johnson): Vous avez, à la Commission des
accidents du travail, 200 000 cas par année. Il y a un tribunal d'appel,
après la décision rendue, qui rend des décisions presque
journalières, à toutes les semaines au moins.
Parce que le tribunal est effectif, il y a là une compensation,
un service qui est beaucoup plus apprécié, que si cela vient dans
un organisme où il y a toute une juridiction sur sept ou huit lois
différentes.
M. Forget: M. le Président, je désire intervenir
là-dessus, parce qu'on va s'engager dans un débat. Je ne suis pas
du tout d'accord avec le député de Johnson sur l'analogie qu'il
vient de faire. Il n'y a pas de tribunal d'appel. Il n'y a pas d'appel possible
des décisions de la Commission du travail. C'est d'ailleurs un
problème sur lequel le gouvernement se penche à l'heure
actuelle.
M. Bellemare (Johnson): Allons donc! Il n'y a pas d'appel...
M. Forget: Ce n'est pas des affaires de la commission de vendre
la commission...
M. Bellemare (Johnson): Le ministre se trompe. Il y a des appels
continuels au sujet desquels le "board" siège toutes les semaines...
M. Forget: II y a une révision administrative.
M. Bellemare (Johnson): Non, monsieur. Il y a un comité de
commissaires qui siège toutes les semaines pour entendre les appels.
Tâchez de lire votre loi. Je vais vous faire la leçon devant tout
le monde.
Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!
M. Forget: La leçon est adressée à Me
Johnson ou à Me Bellemare.
M. Bellemare (Johnson): Comme vous voudrez.
Le Président (M. Brisson): Alors, d'autres questions?
M. Bellemare (Johnson): Je suis heureux d'avoir fait mon
expérience.
Le Président (M. Brisson): Oui, madame.
Mme Petitclerc: II y a tout de même une chose. Au tout
début de cette rencontre, vous nous demandez: Pourquoi vous
opposez-vous? Pourquoi ne le voyez-vous pas d'un bon oeil? Or, ce qui fait tout
de même plaisir, c'est que vous y répondez vous-même. Vous
dites: Nous ne pouvons pas offrir de garantie. Donc, je vous dis: Ce dont nous
nous plaignons, c'est justement parce qu'il n'y a pas de garantie et que c'est
une structure énorme et que cela n'a pas de visage local, de sorte que,
qu'on fasse appel à toutes ces questions que nous avons amenées
ensuite, de plaintes et de tout ce que vous voudrez, vous savez, quand on
demeure dans un tout petit village, dans un tout petit coin, et qu'il faudra
venir à un endroit très éloigné, enfin... La
réponse est là. Cette opposition vient du fait que la loi n'offre
pas de garantie, que c'est trop vaste et que ce sera aussi trop coûteux.
On recommande, vous l'avez dit, c'est à la page 10, mais ce n'est pas
dans la loi 55.
M. Forget: Est-ce que je pourrais vous demander ce que vous
proposez de retrancher comme pouvoir ou comme responsabilité de
l'office? Comme vous dites que c'est trop gros, que cela fait trop de choses,
j'apprécierais savoir de vous ce que vous voulez enlever.
Mme Petitclerc: Sans enlever, tout simplement redistribuer et
utiliser ce qui est déjà en place.
M. Forget: C'est spécifiquement mentionné dans la
loi, mais vous dites qu'il y a des choses là-dedans qui ne devraient pas
y être. Vous devez avoir au moins un exemple à fournir.
Mme Petitclerc: Là, je ne sais pas à quoi vous
faites... Je suis précise dans mon intervention. Je vous dis: Utilisez
ce qui existe. Il y a des CLSC, il y a des CRSSS, il y a des ateliers, il y a
des associations, il y a des organismes. Je vous dis: Utilisez à plein
escient, sans nécessairement refaire toute cette perspective...
M. Forget: C'est ce que nous avons indiqué, que nous
ferions, d'ailleurs. Je vous cite le paragraphe, à la fin de l'article
57. On le dit en toutes lettres. On dit exactement ce que vous venez de
répéter, mais vous ajoutez à cela qu'il y a trop de choses
là-dedans, que ce sera trop coûteux. Donc, tenant compte de cela,
il y a des pouvoirs ou des fonctions que vous jugez ne pas devoir être
assumées par l'office. J'aimerais savoir lesquelles. On
peut les examiner pour voir s'il ne serait pas opportun, en effet, de
les supprimer. Encore faut-il que vous nous donniez concrètement ce que
cela fait de trop pour l'office.
M. Pelletier (Jacques): Si vous nous permettez, M. le ministre,
j'aime bien votre question. Ce n'est peut-être pas l'endroit pour
commencer à vous donner ce qu'on voudrait et ce qu'on ne voudrait pas,
ce qu'on voudrait enlever...
M. Forget: Au contraire, le but de la commission est d'être
le plus spécifique possible, autrement, que vous disiez que vous
n'êtes à peu près pas contents, mais que c'est assez vague,
cela ne nous donne pas beaucoup d'indications. Dans votre mémoire, il
n'y a pas plus de détails. Donc, la question que je vous pose, je pense,
est tout à fait appropriée. Vous dites que c'est trop
coûteux, trop compliqué, trop bureaucratique. Peut-être
avez-vous raison. Je ne dis pas que vous n'avez pas raison, mais aidez-nous au
moins, à décourvir les endroits où il y a des
excès.
M. Pelletier (Jacques): D'accord. Quand vous dites que l'office a
à faire des programmes de reclassement, à juger si un individu
est apte ou non, à agréer des ateliers protégés,
à les prendre en tutelle si, entre autres, ils sont déficitaires
c'est un petit problème, parce qu'on ne connaît pas
tellement d'ateliers protégés qui font de gros profits, on en
connaît plusieurs qui sont déficitaires c'est toute cette
fonction d'administrer les choses et, d'un autre côté, la fonction
de protéger des droits. S'il faut vraiment avoir un office, laissez
tomber toute la question d'administration, pour mettre de l'emphase sur la
protection des droits, pour la coordination de ce qui existe
déjà.
M. Forget: Je vais vous lire seulement un paragraphe. Je pense
que vous l'avez probablement omis dans votre lecture du projet de loi. Le
paragraphe que je vous citais tout à l'heure, de l'article 57: "Dans
l'élaboration et l'exécution d'un tel plan, la fonction de
l'office est d'aider la personne handicapée à obtenir des
ministères, organismes publics et autres administrations publiques les
services requis pour favoriser une récupération fonctionnelle
raisonnable et améliorer son aptitude au travail."
Donc, qu'est-ce qu'on administre là-dedans, si ce n'est de se
faire les interprètes et les avocats, si vous voulez, de la personne
handicapée auprès des organismes existants, ce qui est exactement
ce que vous nous suggérez de faire? Ce n'est pas de l'administration,
quoique, évidemment, pour faire ça, il est nécessaire
d'avoir un bureau, un téléphone, de recevoir les gens,
d'écrire sur un papier quels sont leurs besoins et quelles sont les
démarches à accomplir auprès de ces organismes? Bien
sûr, là, c'est de l'administration, mais il est difficile de faire
moins que ça.
M. Pelletier (Jacques): Si vous nous dites qu'effectivement
l'office, dans ses fonctions et dans ce qu'il aura à faire, ne sera pas
une structure qui sera trop lourde et trop bureaucratique...
M. Forget: C'est la loi qui le dit.
M. Pelletier (Jacques): ... à ce moment-là, on vous
remercie de nous expliquer la loi un peu plus. Que voulez-vous? On n'est pas
des avocats. On l'a regardée d'un oeil de parents, si vous voulez, ou
d'amis. Même après vos explications, on demeure avec une
impression d'une espèce d'entonnoir. Peut-être qu'une des
façons, ce serait de vraiment spécifier que cet office, quitte
à avoir certains services centraux, sera vraiment
décentralisé, régionalisé et que, dans cet office,
les personnes qui représentent les personnes handicapées ou les
personnes handicapées elles-mêmes soient majoritaires ou soient
quand même en position de force vis-à-vis de cela.
M. Forget: D'accord!
M. Dufour (Jean-Claude): Cela me fait penser un peu, en fait,
à un individu qui arrive à un carrefour. L'Assemblée
nationale est rendue à un tel point vis-à-vis des
handicapés, qu'il y a plusieurs routes à prendre, mais elle ne
sait pas trop quelle route prendre. On joue le rôle de défenseur,
d'administrateur, de conseiller, d'informateur, dépis-teur, tuteur,
portefeuille de l'employeur des ateliers protégés,
contrôleur des associations bénévoles. Je pense que c'est
un mandat trop large. Il va y avoir une perte d'énergie. Il serait
peut-être préférable de rapetisser un peu l'entonnoir ou la
position, ou de prendre une route et peut-être de bifurquer après
et de changer, c'est toujours possible, ne pas trop embrasser.
M. Forget: J'ai bien compris ce que vous m'avez dit
jusqu'à maintenant, mais, encore là, quand vous faites cette
énumération, ma demande était de savoir laquelle de ces
fonctions vous voulez éliminer.
M. Dufour (Jean-Claude): C'est ça dans la loi.
M. Couture: Je pense que nous sommes tous d'accord avec les
fonctions qui sont énumérées à l'article 57. Ce
qu'on voudrait savoir du ministre, c'est si, véritablement, la mise en
application de ces droits et de ces services va se faire à partir d'un
office central situé à Québec ou, justement, s'il va se
faire un effort de régionalisation. Si c'est l'intention du
législateur de régionaliser les services, de régionaliser
l'office, on voudrait bien que, dans le texte de loi, ce soit mentionné,
comme on l'a fait dans le cas de la loi 65.
M. Forget: D'accord!
Le Président (M. Brisson): D'autres questions? On vous
remercie, messieurs.
J'appellerais l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie.
M. Denis Morency, conseiller juridique.
Association canadienne des compagnies
d'assurance-vie
M. Morency (Denis): M. le Président, M. le mi-
nistre, messieurs les membres de la commission, je suis Denis Morency,
porte-parole et conseiller juridique de l'Association canadienne des compagnies
d'assurance-vie. Je suis accompagné de Me Luc Plamondon, vice-directeur
juridique de la Sun Life du Canada, ainsi que de M. Louis Labrecque, actuaire
de l'assurance-vie Desjardins.
Je demanderais maintenant à M. Plamondon de bien vouloir
commenter notre mémoire.
Le Président (M. Brisson): Oui, messieurs.
M. Plamondon (Luc): Notre intervention porte sur un point
très restreint et ne touche que l'article 2 du projet de loi 55 et son
interaction avec la Charte des droits et libertés de la personne. Plus
particulièrement, nous sommes préoccupés des avantages
sociaux complémentaires à l'emploi, particulièrement les
régimes d'assurance sur la vie et les régimes d'assurance contre
la maladie et les accidents.
La question qui se pose est la suivante: Si le handicapé a
réussi à obtenir du travail nous voyons les
difficultés auxquelles il fait face pour en obtenir la question
se pose à ce moment-là. Doit-il avoir accès à ces
régimes d'assurance sur la vie et d'accident-maladie sans tarification
particulière? Le principe de l'assurance en général repose
sur la formation de groupes de personnes dans l'assurance collective du
moins qui représentent un risque relativement semblable. Je me
permets une généralité, et c'est là qu'il faut des
études, le handicapé peut représenter un risque en
assurance sur la vie et en assurance contre la maladie et les accidents
différent des gens de santé moyenne.
Dans la Charte des droits et libertés de la personne, il y a un
article 97 qui permettait une discrimination j'emploie le terme
lestement basée sur le sexe et l'âge dans les avantages
sociaux. Il y a un comité particulier, le comité Boutin, qui a
été chargé d'étudier les limites à apporter
à cette discrimination.
Nous pensons qu'un article semblable est nécessaire dans le
projet de loi no 55, touchant les handicapés et les avantages sociaux.
Nous ne sommes pas prêts à proposer et à dire que tous les
handicapés devraient se voir refuser l'accès à tous les
avantages sociaux. C'est une position extrême qui ne peut pas tenir. Je
pense qu'il serait imprudent également de croire l'inverse, que tous les
handicapés devraient avoir accès à tous les avantages
sociaux complémentaires à l'emploi, sans tenir compte du risque
actuariel que leur état de santé peut occasionner.
Il y a un moyen terme à trouver. Il n'est pas
particulièrement facile de le trouver. Nous suggérons un
comité particulier pour l'étudier.
Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.
M. Forget: J'aimerais peut-être de façon simpliste,
niais au moins en procédant par élimination, poser un certain
nombre de questions. Si je comprends bien, l'Association des compagnies
d'assurance-vie n'est pas opposée à ce que les régimes
d'avantages sociaux couvrent de la même façon les personnes
handicapées et les personnes non handicapées.
M. Plamondon: Tout repose sur vos mots "de la même
façon". Si vous voulez l'expliciter, je serai peut-être capable de
commenter.
M. Forget: Si vous voulez faire cette qualification en vous
basant sur le risque actuariel, cela peut être équivalent, dans
certains cas, à les exclure des régimes de
bénéfices sociaux.
M. Plamondon: C'est possible. Il y a des genres de handicap que
les assureurs ne sont pas prêts à assumer soit en assurance sur la
vie ou en assurance contre la maladie et les accidents.
M. Forget: N'est-ce pas une décision qui dans le fond ne
revient pas tellement à l'assureur comme tel qu'à l'ensemble de
la société de déterminer si le coût social de la
couverture par l'assurance de certains risques sociaux, y compris certains
handicaps, ne doit pas être assumé par l'ensemble de la
société? Par exemple, l'ensemble des travailleurs d'une
entreprise assume un coût supplémentaire pour les
bénéfices sociaux et l'employeur pour sa part également,
tenant compte du fait que certains risques seront plus élevés
pour certaines personnes.
M. Plamondon: II est exact, surtout lorsque le groupe est le
moindrement d'importance, que le coût additionnel résultant des
sinistres supplémentaires que le handicap est susceptible de provoquer
va se répartir sur l'ensemble des salariés et plus
particulièrement les salariés de cette entreprise qui sont de
santé moyenne. Cela peut-être une décision
législative de faire porter ce coût par cet employeur et les
employés de cette entreprise. Dans un sens, cela voudra dire que plus
l'employeur fera preuve de sens social aigu en donnant suite à la loi,
plus l'ensemble de ses salariés verront le coût de leurs avantages
sociaux augmenter.
C'est peut-être une politique législative qui se
défend, mais elle a des implications.
M. Forget: Pouvez-vous nous citer des législations
d'autres provinces canadiennes ou d'Etats américains ou d'ailleurs qui
traitent spécifiquement de cette question?
M. Plamondon: Celle du Nouveau-Brunswick est en cours
actuellement. Elle a intégré ses amendements touchant les
personnes handicapées à sa charte des droits et libertés
de la personne et a un article qui permet la discrimination touchant les
régimes d'assurance sur la vie et d'accident-maladie. Pour n'en citer
qu'un, j'ai demandé à nos services de faire des relevés
dans les autres provinces du Canada, mais cela commence à peine, la
législation touchant les handicapés. Je ne serais pas en mesure
de répondre pour les Etats-Unis pour le moment. J'ai posé la
question à
nos services en Angleterre, où on m'avait dit qu'il y avait des
lois imposant aux employeurs des quotas d'embauche de handicapés; je
leur ai demandé si cette loi imposait également à
l'employeur de donner accès aux handicapés qu'ils ont
engagés aux régimes d'avantages sociaux. On m'a répondu:
Non, la loi permet de les exclure des avantages sociaux.
M. Forget: Quand vous dites que la loi du Nouveau-Brunswick
permet la discrimination, relativement aux avantages sociaux, est-ce que vous
voulez dire la discrimination quant à l'admission à ces
bénéfices ou quant aux taux de contribution qui sont
exigés?
M. Plamondon: Un instant. Je vais retrouver un jour l'article de
la loi du Nouveau-Brunswick que j'ai devant moi, mais, pour votre gouverne,
effectivement, c'est le projet de loi 57 du Nouveau-Brunswick. Les termes
utilisés sont: L'application des modalités et conditions d'un
régime d'assurance-groupe ou d'assurance-salarié effectif... Que
signifient les mots "application des modalités et conditions"?
Peut-être que cela comprend l'accès et probablement les
modalités de participation. Les termes anglais utilisés sont:
"The operation of terms or conditions of any bona fide group". Je ne peux pas
répondre avec précision à ce moment-ci. La loi est encore
à l'étude, je pense. Elle est peut-être adoptée
maintenant au Nouveau-Brunswick, mais sans me prononcer sur la portée
exacte des mots au Nouveau-Brunswick, on permet une forme de
discrimination.
M. Forget: Quelle est la situation actuelle dans le monde du
travail si une personne handicapée est employée? Est-ce que vous
devez normalement, en vertu des contrats en vigueur, couvrir cette personne
comme les autres, quitte à charger plus cher, ou si vous pouvez
l'exclure?
M. Plamondon: Non. Evidemment, le problème principal,
c'est qu'il y a très peu de handicapés qui ont été
engagés par les employeurs et c'est peut-être la raison du projet
de loi 55. Quelques employeurs semblent avoir une politique d'emploi
particulier à l'égard des handicapés et quelques-uns
utilisent diverses techniques pour ce qui est de l'influence de cet emploi sur
les avantages sociaux, créer une catégorie particulière
d'employés les qualifiant de partiels permanents, des choses comme cela,
et Cela les exclut des avantages sociaux, ou leur donner accès à
certains des avantages sociaux comme la caisse de retraite, ce qui ne
soulève aucune difficulté de façon générale,
et les exclure de certains avantages sociaux. C'est un jugement qu'il faut
faire selon le handicap auquel on fait face et l'avantage social dont on parle.
Je demanderais peut-être à M. La-brecque s'il a des commentaires
sur ce point.
M. Labrecque (Louis): En fait, dans les gros groupes, il n'y a
pas trop de problèmes à couvrir un, deux, trois ou quatre
employés qui sont handi- capés. Comme l'a dit tout à
l'heure M. Plamondon, le problème ne se pose actuellement pas beaucoup,
parce qu'il y a peu de handicapés qui travaillent. Le seul
problème que nous pourrions voir à l'avenir, c'est que, si un
employeur est plus généreux là-dessus qu'un autre, le
coût de son assurance collective pourrait augmenter et pourrait devenir
moins compétitif.
On a peur que les employeurs se servent un peu du prétexte ou de
l'excuse de l'assurance collective pour ne pas engager des handicapés,
ce qui aurait un effet contraire à la loi. Chose qu'on ne voudrait pas
voir.
M. Bellemare (Johnson): Quant aux accidentés du travail,
est-ce que ça figure dans le prorata que vous établissez pour
fixer le prix dans les industries, là où il y a plusieurs
handicapés de la Commission des accidents du travail?
M. Labrecque: Non, nous ne tenons pas compte, en fait... Quand
nous vendons à un groupe, nous ne tenons pas compte des individus,
généralement. Nous assurons le groupe; nous nous basons sur le
niveau des prestations dans le passé. Si, parce qu'il y avait des
handicapés ou des blessés, le niveau de prestation était
plus élevé, la prime en tient compte naturellement. Mais nous ne
tenons pas compte d'individus quand nous assurons un groupe en particulier.
Nous ne calculons pas s'il y a dix ou cinq personnes qui ont eu des accidents
dans le passé.
M. Bellemare (Johnson): M. Plamondon, ce matin, l'Association de
paralysie cérébrale disait que cette loi avait beaucoup de
similitude avec la loi belge instituant le Fonds national de reclassement
social des handicapés, loi établie en 1963. Est-ce que cela vous
a frappé un peu?
M. Plamondon: Non, très peu de nos sociétés
membres qui s'intéressent aux assurances sur la vie au Canada font
affaires en Europe continentale. Je n'ai pas de renseignements sur ce point
précis, sur la loi belge; je ne peux pas commenter cela, M.
Bellemare.
Le Président (M. Brisson): Est-ce que le
député de Saint-Jacques a des questions?
M. Charron: Non.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Johnson, d'autres questions?
M. Bellemare (Johnson): Non, merci.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: Je voudrais quand même que M. Labrecque puisse
qualifier son commentaire, parce qu'on l'a entendu, par certains groupes,
voulant que certains employeurs pouvaient refuser l'emploi à des
handicapés sous prétexte que tel handicapé ne serait pas
acceptable, soit dans les
groupes d'assurance collective pour fins d'accident ou de fonds de
pension. Si je vous ai bien compris, vous dites: Non, nous ne refusons pas
nécessairement ces gens pourvu que l'employeur puisse payer la prime.
Cependant, il me semble que, tout à l'heure, vous avez dit qu'il y a
peut-être certains handicaps que des compagnies d'assurance refuseraient,
est-ce que c'est exact?
M. Labrecque: Sur une base collective, je ne dirais pas qu'il y a
certains handicaps que nous refuserions. Cela aurait une influence sur
l'expérience, sur les résultats.
M. Bonnier: Bien sûr. Donc, sur la prime. M. Labrecque:
Sur la prime, pratiquement.
M. Bonnier: Mais étant donné qu'il s'agit
d'assurances collectives et non pas individuelles, que vous assurez tout le
groupe, ce n'est pas parce qu'une entreprise voudrait embaucher un, deux ou dix
handicapés qu'elle pourrait refuser de les embaucher parce qu'ils ne
seraient pas acceptables pour le groupe. En fait, ils sont acceptables pour le
groupe. Peut-être à une tarification supérieure,
cependant.
M. Labrecque: Peut-être à une tarification
supérieure. La peur que nous avons, c'est que des employeurs se servent
de ce prétexte pour refuser d'engager des handicapés.
M. Bonnier: D'accord, merci.
M. Forget: M. le Président, j'aurais une autre question.
On parle d'un supplément de prime et, dans le même souffle, on dit
que l'expérience est très limitée, il y a peu de personnes
handicapées à l'emploi des entreprises qui sont couvertes par des
régimes de bénéfices sociaux collectifs. Comment
faites-vous le lien entre ces deux idées? Si l'expérience est
très limitée, jusqu'à quel point cette notion que les
coûts augmenteraient probablement ou que l'expérience serait
mauvaise est-elle basée sur des faits ou plutôt sur des notions
préconçues? Sans vouloir vous accuser d'avoir des notions
préconçues, je pense que vous soulevez la possibilité d'un
risque. Mais est-ce qu'on a au moins un début d'indication qui tendrait
à confirmer ou à infirmer cette hypothèse que les
coûts seraient plus élevés?
Parce que sur le plan du rendement, etc., l'expérience au
contraire, je crois, est très probante, savoir que la personne
handicapée a un rendement comparable de façon très
favorable à celui des travailleurs non handicapés?
M. Labrecque: Oui, mais là vous parlez probablement d'une
expérience avec quelques individus. Si vous regardez les employés
handicapés, généralement, ces employés ont
manifesté, dans leur passé, une vitalité extraordinaire.
Simplement pour avoir surmonté ce handicap, pour avoir
étudié, pour avoir eu accès au travail, ils ont
manifesté souvent plus de "go ahead" que beaucoup d'employés
ordinaires.
Ces employés ne sont pas des employés comme les autres au
point de vue de la santé. Ils ont une santé moins bonne que les
autres. Mais si vous ouvrez la porte à tous les handicapés, c'est
une autre question. Des études ont été faites, notamment
aux Etats-Unis, par certaines associations, surtout par certaines compagnies
d'assurance. Vous savez que les compagnies d'assurance ont comme
intérêt d'en assurer le plus possible. Plus on ouvre les portes
grandes, plus on a de clients, plus cela fait notre affaire. On fait
constamment des études sur certains cas particuliers, sur certains
groupes particuliers, pour pouvoir déterminer un genre de tarification
qui nous permette de les assurer.
En fait, si vous remontez 20 ans en arrière, le diabétique
n'était pas assurable. Les gens qui avaient des crises cardiaques
n'étaient pas assurables. Aujourd'hui, toutes les compagnies d'assurance
assurent le diabétique selon certaines conditions, à savoir qu'il
prend son insuline de façon régulière, etc. Même
aujourd'hui, les gens qui ont fait des infarctus sont assurés.
Les compagnies d'assurance font toujours des études dans ce
sens-là pour élargir le nombre de personnes qu'elles peuvent
assurer, moyennant surprime, selon les circonstances. Il y a quand même
des études qui prouvent que, pour certains handicaps, le pourcentage de
mortalité est moins haut... non pas tant la mortalité que ce
qu'on appelle, en termes d'assurance, la morbidité, c'est-à-dire,
le fait de devenir invalide, est plus fort que chez les gens qui ont une
santé moyenne.
M. Forget: II y a donc à votre disposition des
études qui...
M. Labrecque: II y a des études plutôt
fragmentaires, peut-être pas aussi profondes que les statistiques que
l'on publie sur l'évolution canadienne en général. Mais il
y a quand même certaines études qui sont faites
là-dessus.
M. Forget: Dans la mesure du possible, ce serait dans
l'intérêt de la commission d'avoir toutes les données qu'il
vous semble possible de no.us communiquer.
M. Plamondon: Sur ce point-là, j'allais mentionner qu'il
existe des tables de mortalité et de morbidité pour personnes
tarifées, qui sont tirées des expériences des assureurs.
Cela ne vise, en général, que des personnes qui étaient
déjà assurées et qui ont subi un accident ou
développé des maladies. On a confectionné des tables.
Evidemment, les personnes qui ont ce handicap depuis la naissance ont
rarement eu l'occasion de devenir assurées et de tomber à
l'intérieur de ces tables. Mais quand il s'agit d'extrapoler à
partir de ces tables-là, c'est un peu la même attitude que de la
part de l'assureur quand on n'a pas de statistiques précises, un peu
comme les porcs-épics font l'amour, c'est très
délicatement qu'on aborde le problème.
Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Messieurs,
je vous remercie...
M. Bellemare (Johnson): Vous parliez des
porcs-épics...
Le Président (M. Brisson): J'appellerais maintenant le
Conseil du patronat du Québec; M. Ghislain Dufour, vice-président
exécutif.
Conseil du patronat-du Québec
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, MM. les membres de
la commission parlementaire, je voudrais d'abord vous présenter Me
Edmond Tobin, du bureau de Martineau, Walker, Allison, qui est notre conseiller
juridique dans ce dossier.
C'est un mémoire finalement très bref qu'on a à
vous soumettre aujourd'hui, au nom du Conseil du patronat et de ses
associations membres. C'est un projet dont on appuie pleinement le principe.
Nous félicitons le ministre d'avoir eu l'initiative de le déposer
à l'Assemblée nationale, même si nous sommes bien
conscients qu'il sera nécessaire d'y apporter de nombreux
amendements.
Ce n'est donc qu'à certains articles plus précis que nous
voudrions nous attarder, au nom des employeurs, bien sûr, en fonction
surtout des articles 3 et 38 qui les concerneront directement.
Avant de commenter ces quelques articles, nous voudrions souligner une
inquiétude qui est celle de voir une intervention additionnelle du
ministère des Affaires sociales sur un aspect du problème, celui
de la vie au travail des handicapés qui nous apparaît relever de
la juridiction du ministère du Travail.
Il y a eu d'autres interventions, la loi 253, la loi 36, la
récente loi 61, qui nous apparaissent être de la juridiction du
ministère du Travail. C'est une autre loi ici qui risque
d'entraîner le ministère des Affaires sociales dans un champ de
juridiction, celui du Travail, qui, quant à nous, devrait être
réservé au ministère du Travail.
Quelques commentaires particuliers sur certains articles. Je passe
l'article 1 pour arriver immédiatement à l'article 3 qui est
celui du droit au travail. Nous exprimons notre désaccord avec l'esprit
qui se dégage de cet article 3 qui non seulement impose tout le fardeau
de la preuve à l'employeur, mais va même plus loin que l'article
46 de la charte des droits qui dit: "Quiconque travaille a droit,
conformément à la loi, à des conditions justes et
raisonnables."
Tel qu'actuellement rédigé, le projet de loi crée
une présomption qui ne se retrouve pas à ladite charte. Bien
plus, la charte ne crée pas de droit au travail. L'article 3 du projet
créerait presque un tel droit en faveur d'un handicapé.
Quant à la présomption prévue à cet article,
elle est plus onéreuse que celle prévue au Code du travail, que
celle prévue à la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction, du fait que ces lois prévoient des
mécanismes exigeant au moins un commencement de preuve par le plaignant
ou une prévérification, ou une enquête avant l'institution
de plaintes, avant que le fardeau de la preuve n'incombe totalement à
l'employeur.
Même l'ancienne loi sur la non-discrimination dans l'emploi, qui a
été annulée par la charte des droits, prévoyait la
vérification préliminaire d'une plainte par la Commission du
salaire minimum avant l'institution de procédures et l'obligation d'une
autorisation écrite du ministre du Travail comme prérequis
à toute poursuite.
Nous considérons donc, sans le rejeter, que l'article 3 devrait
au moins reproduire l'esprit qui se dégage de l'article 20 de la charte,
c'est-à-dire des aptitudes, des qualités exigées de bonne
foi pour un emploi. Deuxièmement, il faudrait revoir à tout le
moins, l'article 9 afin qu'un mécanisme d'enquête obligatoire
précède toute plainte, afin de réduire et peut-être
d'éliminer les plaintes futiles. Ce mécanisme aurait
également l'avantage de diluer l'onéreuse présomption de
l'article 3 qui pèse évidemment sur les employeurs.
Trois autres suggestions. A l'article 15, nous suggérons qu'une
personne du milieu de l'entreprise fasse partie de l'office. Il s'agirait
là d'une ressource utile pour mieux analyser les problèmes venant
du milieu de l'entreprise. Nous pensons que le projet de loi 55 a au moins cet
avantage de sensibiliser le milieu des entreprises au problème des
handicapés. Probablement qu'en intégrant quelqu'un du milieu de
l'entreprise au niveau de l'office, on aurait à ce moment une meilleure
réceptivité, probablement une meilleure collaboration des milieux
de l'entreprise.
C'est la même chose pour l'article 66. Lorsqu'on dit que l'office
doit collaborer avec certains services publics, on ne voit pas pourquoi les
services privés sont exclus de ces modes de collaboration. C'est bien
évident qu'il existe, dans les secteurs privés, des expertises
qui pourraient être drôlement utiles pour l'office au lieu
simplement de se référer aux seuls services publics.
Finalement, à l'article 73, nous suggérons qu'il y aurait
lieu d'ajouter les mots "sciemment" et "délibérément" au
contenu de l'article, afin d'éviter la possibilité de
consentement, d'acquiescement ou de participation tacite des dirigeants
d'entreprises.
Voilà, ce sont simplement quelques commentaires que nous avions
à vous soumettre, puisque on vous le rappelle nous
appuyons le principe du projet de loi 55 qui connaîtra, nous en sommes
convaincus, des amendements. Quant à l'article 3, nous ne voudrions
finalement pas, aller plus loin que la Charte des droits de l'homme, de
façon finalement que ce groupe dont on parle aujourd'hui ne devienne pas
justement un groupe vis-à-vis de qui on discrimine sur le plan du droit
au travail.
Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.
M. Forget: Merci, M. le Président! Je concentrerai de la
même façon mes questions sur l'article 3. Pour ce qui est du
reste, je pense que ce sont décidément des remarques d'une
importance secondaire par rapport aux préoccupations qui se
dégagent de l'article 3.
Votre suggestion de se référer à l'article 20 de la
Charte des droits et libertés de la personne fait, dans le fond, du test
d'emploi une question de bonne foi, c'est-à-dire que les exigences de
l'employeur sont acceptables, sauf si l'employé en perspective, celui
qui cherche un emploi, peut démontrer que ces exigences, quant aux
aptitudes et aux habilités requises, dénotent une mauvaise foi,
sont la preuve d'une mauvaise foi de l'employeur dans son désir
d'exercer une discrimination vis-à-vis d'une personne handicapée.
La preuve de mauvaise foi est une preuve qui est difficile à faire. Ne
croyez-vous pas qu'il y a une très grande disproportion dans les forces
en présence entre un employeur et une personne handicapée par
définition, puisque c'est de cela dont on parle, qui devrait prouver la
mauvaise foi? Est-ce qu'il y a des chances quelconques de succès dans
une preuve comme celle-là?
M. Dufour (Ghislain): C'est-à-dire que toute cette
question du droit au travail, parce que finalement c'est le droit au travail
qui est mis en cause ici, a été longuement discutée au
moment de la discussion de la charte des droits de l'homme. A ce moment, les
différents groupes qui ont plaidé pour le droit au travail ont
apporté ce genre d'exemple, les handicapés finalement, mais on
avait eu toute cette version. On parle des handicapés aujourd'hui, mais
demain on peut parler de personnes de 55 ans et plus. On peut parler de jeunes
de 24 ans et moins. Ce sont tous les groupes de la société
finalement qui peuvent afficher vis-à-vis du droit au travail comme tel
certains principes affichant leur propre droit. Alors, c'est bien sûr
qu'une personne handicapée peut, devant un employeur isolé, se
présenter dans une situation à peu près identique à
celle que vous décriviez tantôt. Mais, dans l'esprit de la charte,
lorsqu'il s'agit de bonne foi, l'aptitude aux qualités exigées de
bonne foi pour un emploi, à ce moment, cela ne donne pas une
présomption totale contre l'employeur. Il devra au moins prouver que
l'employé n'avait pas les qualités, les aptitudes exigées
pour remplir le travail qui était disponible.
M. Forget: Oui, il y a toujours la possibilité que les
aptitudes exigées peuvent être sans rapport avec l'emploi. C'est
une preuve technique qui est difficile à faire. Cela double la
difficulté. En droit américain, on semble se diriger,
d'après un arrêt de la Cour suprême américaine, vers
la notion qui est celle que l'on retrouve à l'article 3,
c'est-à-dire la nécessité pour l'employeur
d'établir un lien de cause à effet, en quelque sorte, entre ces
exigences pour l'embauchage et les qualités de la personne. Enfin, je
pense que vous avez exprimé vos réserves. Je demeure un peu
sceptique quant à la possibilité pour un individu de faire une
preuve de ce genre, étant donné le milieu de travail; cela vaut
certainement aussi bien pour la partie syndicale que la partie patronale qui se
retrouve dans le milieu syndical. Je remarque, en le regrettant, qu'aucun
syndicat n'ait manifesté d'intérêt pour venir se faire
entendre en commission parlementaire sur le sujet. Je crois qu'il y a une
résistance, malgré tout, de part et d'autre, de la part du
patron, comme de la part des syndiqués, et qu'il est nécessaire
d'aider un peu la personne qui cherche à vaincre cette
résistance. Je ne sais pas s'il y a d'autres moyens pour le faire mais,
à première vue, il ne semble pas qu'il y ait d'autres moyens que
ce renversement du fardeau de la preuve.
M. Dufour (Ghislain): Me Tobin.
M. Tobin: M. le Président, M. le ministre, la raison pour
laquelle nous nous sommes inspirés de la charte, c'est d'abord qu'elle
touchait d'autres facettes de ces rapports dans l'article 20, où on
mentionnait une distinction fondée sur des aptitudes ou des
qualités exigées de bonne foi pour un emploi. On mentionnait la
discrimination pour toute une autre gamme, si on veut, de raisons que vous
connaissez bien, à savoir la race, d'autres croyances, origines
ethniques, etc.
En fait, la discrimination qui est touchée par la Charte des
droits de l'homme mentionne spécifiquement race, couleur, sexe,
état civil, religion, convictions politiques, langue, origine ethnique
nationale ou la condition sociale. Nous avons pensé qu'étant
donné que cette charte, qui a été quand même
sanctionnée en juin 1975 et proclamée totalement en vigueur
à peine juin 1976, reflétait probablement un souci, on pourrait
presque dire à jour, du législateur dans cette question de
discrimination d'emploi et le fardeau de preuve qu'il était raisonnable
d'exiger quant à un employeur.
Je pense qu'il est juste de dire que l'article 20 de la Charte des
droits de l'homme n'a pas encore eu le temps de faire ses preuves. Il vient
à peine d'être proclamé en vigueur. La commission est
actuellement à ses tout débuts, et nous avons pensé qu'il
était logique de faire le lien entre l'article 3 du projet 55 et un
article tout nouveau, qui est à ses tout débuts, surtout que
l'exigence de bonne foi que nous recommandons, bien sincèrement, est
aussi à la lumière de l'autre recommandation qui est contenue au
mémoire du Conseil du patronat dont M. Dufour vous a lu les grands
extraits, soit le tamisage de plaintes par un organisme à qui le
handicapé pourrait avoir recours advenant justement ce traitement
déséquilibré entre un employeur qui poserait des
conditions abusives et le postulant d'emploi qui serait handicapé. Nous
avons pensé qu'avec le critère de bonne foi, d'une part, qui est
un critère, si on veut, bien à jour, bien incarné dans une
loi proclamée à peine juin cette année, et avec un
organisme qui verrait à un prétamisage ou à une
pré-enquête avant l'institution des plaintes, le handicapé,
quant à nous, n'aurait probablement pas de raisons de se sentir tout
seul, de se sentir démuni.
Je ne crois pas que ce soit l'intention du mémoire, ici, de le
mettre en position inférieure, si on veut, face à des exigences
abusives, lorsque nous parlons de bonne foi et lorsque nous parlons d'un
organisme chez qui les plaintes devraient quand même être
portées, afin qu'il y ait une enquête avant institution de
procédure.
Que ça rejoigne je le souhaite bien la
préoccupation du ministère, j'en serais très heureux.
M. Bellemare (Johnson): Si vous permettez, M. le
Président, M. le ministre, sur le même sujet?
M. Forget: Oui, je vous en prie.
M. Bellemare (Johnson): Je comprends que c'est un droit nouveau
qu'on introduit actuellement dans une loi, mais on a la précaution aussi
de mettre un second paragraphe où la présomption disparaît.
Dès que l'employeur peut trouver des raisons valables de dire: Ecoutez!
Par la qualité, par la formulation de l'emploi qu'on a à lui
offrir, il n'est pas apte. La présomption qui est dans le second
paragraphe fait que le droit nouveau est bien mitigé. Mais
peut-être que je vous donnerais raison, à l'article 9, de
délimiter d'une manière plus circonspecte la qualité de la
plainte qui peut être portée. Là, par exemple, je vous
rejoins, parce que n'importe qui, même un accidenté du travail,
qui est un handicapé, peut arriver et produire une demande et se voir
refuser; et pour que ce soit valable, il peut prendre l'article 9 et s'en
servir. Là, je pense que, véritablement, l'article 9 devrait
contenir ce que vous préconisez, au moins un mécanisme
d'enquête préliminaire, avant d'introduire une telle plainte. Mais
qu'il y ait un danger... Dans la statistique qu'on m'a remise aujourd'hui
j'ai une statistique qui m'a été remise cet
après-midi de handicapés qui sont entrés sur le
marché du travail, c'est dérisoire, le nombre de
handicapés qui entrent dans les grandes compagnies ou chez les
employeurs.
Il n'y en a presque pas.
M. Dufour (Ghislain): Je crois que vous soulevez le
problème. C'est que, demain matin, avec l'article 3 tel quel, de
façon automatique, pour un handicapé qui aurait été
refusé chez un employeur, il incombera, demain matin, à
l'employeur de faire la preuve en fonction de la présomption,
deuxième paragraphe, justement qu'il n'a...
M. Bellemare (Johnson): Sauf si l'article 9 est
amendé.
M. Dufour (Ghislain): Sauf si l'article 9 est amendé.
Parce qu'on l'a...
M. Bellemare (Johnson): Si l'article 9 est amendé, vous
êtes protégés.
M. Dufour (Ghislain): C'est-à-dire que, dans la loi...
M. Bellemare (Johnson): Vous êtes protégés,
parce que toute velléité ou tout ce qui peut être
déclaratoire ou tout ce qui peut être considéré
comme résultant d'une enquête obligatoire vous protège.
M. Dufour (Ghislain): On confirmerait quand même,
même en amendant l'article 9, dans le sens où on en parle, on
confirmerait quand même à l'article 3 le droit au travail des
handicapés. Mais, on dit: Si ce droit au travail devait être
confirmé dans l'article 3, il faut absolument le pondérer,
notamment par des amendements à l'article 9...
M. Bellemare (Johnson): D'accord.
M. Dufour (Ghislain): Qui ne sont pas nouveaux, d'ailleurs, parce
que l'ancienne loi sur la non-discrimination dans l'emploi exigeait que la
Commission du salaire minimum...
M. Bellemare (Johnson): Chapitre 124.
M. Dufour (Ghislain): ... fasse ce genre d'enquête.
M. Bellemare (Johnson): On ne peut pas je pense que le
ministre a parfaitement raison ne pas affirmer dans une loi comme
celle-là, qui concerne spécifiquement une protection des
personnes handicapées, ne pas reconnaître le droit au travail. On
ne peut pas. Je pense que le ministre est parfaitement justifié de dire
qu'ils ont droit au travail. Cela, c'est l'article 3. Mais, que cela soit
filtré, que cela soit organisé, comme vous dites, en vertu de
l'article 9, pour qu'il y ait un mécanisme d'enquête obligatoire,
je pense que cela protège véritablement le principe. C'est vrai
que c'est du droit nouveau. Mais, c'est vrai aussi que, dans le chapitre 124,
c'est textuellement cela, le droit au travail. Dans l'esprit de la loi, je
verrais mal les patrons se refuser, dire: Non; j'ai peur de cela, on va
être obligé de faire une preuve. Cela serait manquer de
magnanimité et je sais que vous, M. Dufour, qui possédez ce sens
inné des grandes valeurs, vous ne voudrez pas qu'on vous accuse de
cela.
M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, M. Bellemare est en train
de nous amener sur des terrains dangereux. On ne s'oppose pas, on dit: Ici, il
faut que le gouvernement soit bien conscient qu'il crée du droit nouveau
pour une catégorie de citoyens. Je ne suis pas sûr, après
avoir écouté une partie de la journée des
représentations de différentes associations de handicapés,
que même elles, demandent ce privilège ou cette surprotection.
J'entendais ce matin le Conseil québécois de l'enfance
exceptionnelle dire que, finalement, il plaidait pour le droit au travail comme
principe global dans une société.
M. Bellemare (Johnson): ... dans sept ans. M. Dufour
(Ghislain): Pardon?
M. Bellemare (Johnson): II y en a eu sept dans sept ans.
M. Dufour (Ghislain): Non, mais il disait que, justement, il ne
fallait pas donner des avantages, il ne fallait pas surprotéger, il
fallait simplement reconnaître les droits et libertés de ces
citoyens au même titre que les autres. Ici, on crée du droit
nouveau. Quand on le crée, nous, on dit: II faut quand même
rendre l'entreprise opérationnelle et, à ce moment-là, on
y apporte les deux recommandations si, éventuellement, on devait
demeurer dans ce concept qui nous apparaissent essentielles pour plonger
dans ce champ d'action nouveau.
M. Bellemare (Johnson): Je partage votre deuxième point de
vue, peut-être pas le premier.
M. Charron: M. Dufour...
Le Président (M. Brisson): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: Puis-je vous demander comment réagirait
l'association et les membres de votre association à l'introduction dans
la loi d'une clause obligatoire d'un quota de personnes handicapées
à employer dans des entreprises, par exemple, qui comptent 100
employés et plus?
M. Dufour (Ghislain): Je ne sais pas, on a beaucoup pensé
à cette question; d'ailleurs, je sais que, dans le passé, le
ministre lui-même a soulevé cette hypothèse. C'est
très difficile, quand on parle d'abord d'un critère comme celui
que vous avancez, une centaine d'employés et plus, cela va bien dans un
secteur comme le secteur hospitalier, par exemple, cela irait très mal
dans le secteur de la construction. Le choix des critères deviendrait
extrêmement difficile. J'ai eu l'occasion de travailler dans une
entreprise qui était une entreprise de services où on n'aurait eu
aucune difficulté à se conformer à un pourcentage,
même si cela avait été assez élevé, 3% ou 5%,
parce que cela se prêtait à cela.
Dans d'autres entreprises de production manufacturière, cela
devient extrêmement difficile. Je pense que l'expérience des
autres pays qui ont tenté ce genre d'expérience... Même si
on a légiféré, il semble que ce n'est pas tellement
heureux.
Là, ce n'est pas une réaction de nos membres, mais je
pense, en tout cas, que l'on préfère payer des amendes souvent
que d'embaucher le quota qui est requis par la loi.
Je pense qu'on ne réagit pas mal en principe. C'est beaucoup plus
les critères qui nous permettraient de déterminer ces prorata,
qui deviendraient extrêmement difficiles.
M. Charron: Avez-vous l'impression que certains de vos membres
ont pratiqué ce qui serait interdit désormais par l'article 3,
c'est-à-dire refuser une personne qui aurait les aptitudes ou les
qualités exigées pour le métier, mais qui, à cause,
par exemple, de sa situation de handicapée ou de son apparence physique,
ne conviendrait pas à l'image que l'employeur veut donner de son
entreprise?
M. Dufour (Ghislain): Vous me demandez de répondre pour
les employeurs. Je réponds que je n'en connais pas.
M. Charron: Alors, si vous n'en connaissez pas ou si vous estimez
que cela ne se produit pas, l'article 3 serait de trop.
M. Dufour (Ghislain): Non, c'est parce que vous parlez d'image,
alors que nous sommes au niveau de la compétence et des fonctions
exigées pour un poste. On donnait un excellent exemple cet
après-midi avec l'Association des déficients mentaux, je pense,
lorsqu'on parlait de quelqu'un qui a un âge mental de six ans; il peut
être très bon pour polir un meuble, mais il ne sera pas bon,
à ce moment-là, pour dessiner un meuble. Alors, si le poste qui
est offert est justement de dessiner le meuble, c'est bien sûr qu'on va
lui refuser la fonction, mais lui pourra interpréter qu'il était
bon pour polir le meuble. Alors, l'article 3 joue en appréciation du
poste qui est offert et, à ce moment-là, on embarque dans tous
les problèmes de la présomption du deuxième
paragraphe.
M. Charron: Je donne un exemple qui a été concret
au cours de l'été 1976, je pense. Des employeurs ont
refusé des personnes à certains postes, par exemple
hôtesses dans certains services, à cause de l'apparence physique
des personnes. Cette question a d'ailleurs été soulevée
ici. Je pense que cette pratique n'est peut-être pas habituelle et
quotidienne, je l'espère, mais est quand même suffisamment
fréquente pour que l'intervention législative n'apparaisse pas
superflue. Vous êtes le premier groupe, et je le comprends à cause
de ceux que vous représentez, à soulever cette question de
l'article 3, parce que, pour quiconque, l'article 3 n'apparaît pas
superflu. Tout le monde a eu, à l'occasion là, je reviens
sur la question de compétence nettement la conviction qu'une
personne pouvait, à cause de son travail, avoir l'aptitude ou la
qualité exigée pour faire le travail, mais parce qu'elle
était en chaise roulante ou parce qu'elle devait être
accompagnée de prothèses ou, à l'occasion, d'un
chien-guide, l'emploi lui était retiré. C'est parce que ces cas
se sont produits qu'aujourd'hui on est comme le disait le
député de Johnson à introduire, à
l'intention de ces personnes, un droit nouveau. Le législateur s'est
refusé à le faire lorsqu'il s'agissait de principes
généraux, lors de la discussion de la charte en 1975. Cette
fois-ci, la réticence du législateur à introduire le droit
au travail ne s'est pas manifestée. Au contraire, cette réticence
est abolie parce que nous avons estimé, nous qui appuyons cet article du
projet de loi, que, dans ce cas-ci, il n'est pas superflu. Il y a trop de cas
mentionnés les personnes handicapées et ceux qui les
représentent peuvent en mentionner aussi pour dire que cet
article n'a pas de raison d'être.
M. Dufour (Ghislain): C'est un commentaire que vous faites. Nous
n'exprimons pas tout à fait le même point de vue. Vous parliez
tantôt de cette hôtesse qui aurait pu être refusée
à cause de l'image qu'elle apportait. Je vous retourne d'autres
exemples. Vous avez sûrement, comme moi, entendu parler de personnes qui
auraient supposé-
ment été refusées parce qu'elles avaient 55 ans et
plus ou de jeunes qui reviennent et disent: Je n'ai pas eu l'emploi parce que
j'avais moins de 25 ans. C'est tout le genre de situation qu'on a dans une
société vis-à-vis des milieux de travail. Aujourd'hui, on
parle d'une catégorie qui est celle des handicapés. Vous parlez
de vos hôtesses; je peux parler de mes gens de 55 ans et plus et de mes
jeunes de 24 ans et moins.
Tout le problème qui est posé, finalement, comme
société, ce n'est pas un bloc, les handicapés, c'est le
droit au travail de façon globale. Si le législateur, à
cause de problèmes tout à fait particuliers vis-à-vis d'un
groupe qui est celui qui le préoccupe aujourd'hui, veut prendre une
orientation, nous disons: S'il faut qu'il situe ce problème à
l'intérieur d'un contexte plus globalfinalement je reviens
à ce qu'on disait si par ailleurs aussi il va dans cette
direction, il y a au moins deux recommandations très précises
qu'on lui fait dans cette avenue.
Le Président (M. Brisson): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président, j'ai une seule question
à poser à M. Dufour. Cette loi situe des objectifs globaux
extrêmement intéressants et sur lesquels il semble qu'en
général les gens s'entendent. Ce qu'on critique dans cette loi,
en général, c'est que, dans l'ordre pratique, on se demande
comment elle va se réaliser. En ce qui regarde le droit au travail pour
les handicapés et pour solutionner ce problème d'une façon
pratique, est-ce que je pourrais vous demander si votre association a
imaginé des formules de collaboration possible entre l'Etat et les
entreprises en vue de stimuler l'emploi des handicapés? On sait par
exemple qu'à l'Industrie et Commerce, dans certains domaines, on donne
des subventions en vue de stimuler l'entreprise dans tel et tel secteur. Est-ce
qu'il serait imaginable qu'un autre ministère, disons le
ministère de l'Industrie et du Commerce, collabore d'une façon
tangible à augmenter le nombre des handicapés dans les
entreprises en aidant financièrement ou autrement pour que cette
entreprise puisse compenser le manque à gagner quant au taux de
productivité des personnes employées?
M. Dufour (Ghislain): Quand on a demandé qu'à
l'article 15 on fasse paraître quelqu'un des milieux de l'entreprise,
c'est un peu ça qu'on avait en tête. On n'a pas de programme
précis, mais c'est bien évident que le projet de loi 55 a
sensibilisé les milieux de l'entreprise au problème des
handicapés.
Quant à des programmes, c'est bien sûr qu'on peut en
imaginer. Nous, on n'est pas habitués de travailler avec le
ministère des Affaires sociales. Je l'ai exprimé un peu au
début. On travaille davantage dans ces problèmes avec le
ministère du Travail. On travaille davantage avec le ministère de
l'Industrie et du Commerce. Ces quatre ministères paraîtront,
j'imagine, au niveau de l'office. Si les milieux de l'entreprise y
étaient, c'est peut-être là que pourrait se dessiner le
genre de programme dont vous parlez, c'est-à-dire que vous pouvez
imaginer que ça peut être des subventions à l'entreprise,
mais je ne suis pas sûr que certains partis politiques réagiraient
bien à des subventions à l'entreprise. Il y a sûrement un
intérêt de la part des entreprises, et c'est exprimé dans
notre mémoire, à regarder de façon plus précise ce
problème.
L'article 66 est dans le même sens, quand on dit à l'Etat:
Ne regarde pas que les services publics; si tu regardes les services publics
seulement, tu échappes peut-être des dimensions importantes dans
le domaine du recyclage des handicapés. On pense que c'est une
suggestion importante qu'on aimerait faire dans cette question d'utilisation
des ressources qu'on a au Québec dans ce domaine.
Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Je vous
remercie, messieurs. J'appellerais maintenant l'Institut national canadien pour
les aveugles, M. H. Marcel Bélanger, directeur.
Institut national canadien pour les aveugles
M. Bélanger (Marcel): M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission, comme les autres organismes qui
l'ont fait avant nous, nous tenons à vous remercier de nous avoir
demandé de coopérer à l'élaboration de ce projet de
loi.
Vous n'êtes peut-être pas sans savoir que nulle autre que
l'Organisation des Nations-Unies, le 9 décembre dernier, a
promulgué, a adopté une résolution concernant les droits
des personnes handicapées à l'échelle mondiale. Le
Québec est presque le premier à suivre, après cet
organisme mondial; nous en félicitons le gouvernement.
Bien que nous ne soyons pas tous d'accord, parmi les cadres de
l'institut, quant à la philosophie de la loi, en majorité, le
consensus, nous approuvons le projet de loi. Avec votre permission, M. le
Président, voici la manière dont nous aimerions procéder.
J'aimerais vous présenter mes collègues et ensuite faire le point
sur l'INCA qui existe au Québec depuis 46 ans. Par la suite, savoir
comment nous allons coopérer dans l'avenir avec l'office et, finalement,
l'appréciation globale du projet de loi, tout en nous adressant
aujourd'hui à deux points particuliers: les chiens-guides en
passant, il n'y a que de 80 à 100 chiens guides au Québec, qui
sont très importants, mais on me dit qu'il n'y en a que trois dans la
ville de Québec. Je sais que cela a fait les manchettes. On en parle
à droite et à gauche, mais il n'y en a pas tant que cela. C'est
très important. J'espère que nous allons vider la question des
chiens guides, parce qu'il y a d'autres points qui sont aussi importants dans
le projet de loi. L'autre point, ce sont les droits des personnes
handicapées qu'est le but même du chapitre II.
Si vous me le permettez, j'aimerais vous présenter mes
collègues. A ma droite, M. Saint-Onge,
qui est notre administrateur à Québec, ce qu'on appelle un
administrateur régional; ensuite, M. André Vincent qui est un
travailleur social au bureau divisionnaire à Montréal; à
ma droite, notre chef des services des relations publiques, Michel
Jetté; et à ma gauche, M. Avon, qui a plus de 25 ans
d'expérience dans l'emploi et dans les ateliers
protégés.
Pour ma part, cela fait seulement deux mois qu'on m'a fait l'insigne
honneur de me demander d'assumer la direction de l'INCA au Québec, que
j'ai acceptée. La première chose qu'on m'a
présentée, c'est le projet de loi 55. J'ai eu mon baptême
de feu. En collégialité, nous avons étudié votre
projet, pour ne pas dire épluché et le fruit de nos labeurs de
plusieurs jours, nous l'avons remis et vous l'avez devant vous.
Aujourd'hui, comme je vous l'ai dit, on aimerait seulement parler de
deux aspects du projet. Comme je vous l'ai dit, cela fait 46 ans que l'institut
existe au Québec et, si le ministère a son propre réseau,
c'est que nous l'avions bien avant le ministère des Affaires sociales;
nous sommes à l'échelle de la province, à l'exception de
la Côte-Nord, de la Gaspésie et du Témiscamingue. C'est
nous, en dépit et sans fausse modestie et nous collaborons de
très près avec les autres organismes, tel que le Conseil canadien
des aveugles, le Montreal Association for the Blind, l'Association
canadienne-française pour les aveugles, le RAQ et les autres qui
sommes reconnus comme étant les oeuvrants dans le domaine des
handicapés visuels au Québec. C'est nous qui sommes très
près des clients à cause de notre réseau. Cela existe
depuis le temps que je vous dis et cela continue. Tous les jours, aux bureaux
de Montréal et de Québec, entrent des clients. On devient
aveugle, non seulement à la naissance, mais plus tard dans la vie. Mes
collègues ici, ces jeunes hommes, sont aveugles depuis seulement
quelques années.
On peut devenir aveugle plus tard. C'est venu depuis ces années.
Si l'institut n'avait pas existé, il aurait fallu créer un
institut ou un organisme quelconque pour s'occuper des handicapés
visuels.
A cause de notre réseau, naturellement, c'est nous qui rejoignons
la population francophone de la province, ce qui ne veut pas dire qu'on ne
s'occupe pas des autres. Dans le moment, nous avons inscrit les aveugles, parce
que nous sommes les seuls à avoir l'inscription, les registres sur tous
les aveugles de la province de Québec, ce qui ne veut pas dire seulement
une carte, mais tous les registres, tous les rapports des ophtalmologistes, les
rapports de travailleurs sociaux, enfin, le dossier complet de chaque aveugle
inscrit, pour ne pas dire qu'il n'y en a pas d'autres. Il y en a plusieurs
autres qui existent qui ne sont pas inscrits. C'est nous qui les avons dans le
moment.
Depuis ces années, on dispense tous les services qu'un client a
le droit de recevoir. Je ne les nommerai pas, mais, en passant rapidement,
notre clinique mobile parcourt la province, continuellement, à longueur
d'année pour faire du dépistage et des rencontres avec des
enfants des écoles primaires, justement pour faire le dépistage
de nouveaux cas.
Je puis vous assurer, ainsi qu'à M. Bellemare qui n'est pas ici
dans le moment, il voulait des statistiques tout à l'heure, qu'on pourra
lui en donner s'il revient. La cécité et les cas qui existent en
province sont très graves. C'est seulement un début. Dans le
moment, nous avons une clinique. On pourrait en avoir trois et on ne suffirait
pas à la tâche.
On peut parler aussi des bibliothèques, de la musique, de
l'emploi, des ateliers protégés. C'est nous qui faisons cela
depuis 46 ans. Dans quatre ans, nous aurons cinquante ans d'existence.
Après avoir fait cela, nous sommes rendus au bout de notre
fusée, presque; quoique si nous avions les apports financiers
nécessaires, on serait prêt à continuer à faire
cavalier seul. Ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes d'accord sur le
projet de loi 55. Je crois que la seule manière d'avancer, dans le monde
moderne dans lequel nous vivons aujourd'hui, c'est main dans la main avec le
gouvernement. Tous les organismes sont là pour le même but. Le but
de l'institut, c'est l'amélioration de la condition de l'aveugle et la
prévention de la cécité. Que ce soit le MAB, que ce soit
le Conseil canadien des aveugles, que ce soit nous, ou le gouvernement, cela
n'a pas d'importance, pourvu que le client ait les résultats, ait les
services nécessaires. Même si la boîte est grande,
même si l'organisme est lourd, il faut qu'on se rapproche du client. Dans
le moment, c'est ce que nous faisons.
Nous espérons que le projet de loi verra à ce que le
même genre de réseau d'ailleurs, nous avons
déjà amorcé des contacts avec le ministère à
cet effet à ce que le client reçoive dorénavant des
services aussi bons, sinon meilleurs, on l'espère, à
l'avenir.
Comme je vous disais, aujourd'hui, on aimerait aborder deux aspects,
l'un sur les chiens-guides, et l'autre, sur les droits des handicapés.
Je demanderais à mon collègue, Michel Jetté, de s'adresser
aux usagers des chiens-guides.
M. Jetté (Michel): M. le Président, membres de la
commission, je serai assez bref. En fait, je tenterai ici d'apporter un peu
plus de lumière sur deux articles qui ont particulièrement retenu
notre attention. Il s'agit de l'article 1c ainsi que de l'article 5 qui, comme
vous le savez, traitent tous deux de la question du chien-guide.
Lorsque l'on regarde de plus près l'article 1c), au chapitre 1,
on remarque tout de suite que la définition que l'on en donne est la
suivante: C'est un chien qui est "entraîné dans une école
reconnue par le lieutenant-gouverneur en conseil pour guider un
handicapé visuel." Bien que dans l'ensemble, nous soyons d'accord avec
la définition qu'en donne le projet de loi, nous aimerions faire
ressortir l'importance du choix des critères qui vont amener à la
reconnaissance d'une ou de plusieurs écoles pour chiens-guides. Notre
ami, M. Cartier, l'a mentionné ce matin, il n'existe pas d'école
pour chiens-guides au Québec, pas plus d'ailleurs qu'il n'en existe au
Canada. A moins qu'il ne soit dans les projets du ministère d'en
créer une, en fait, nous aurons donc à faire affai-
res avec nos amis du sud. A cet effet, nous espérons que le
ministère ou, du moins, l'Office québécois des
handicapés qui verra à faire reconnaître cette
école, étudiera l'expérience que possèdent une ou
certaines écoles de dressage américaine. Au nombre des
critères, nous espérons également que sera
considérée la qualité de l'enseignement que l'on donne,
tant à la personne qui devra utiliser le chien-guide qu'au chien-guide
lui-même.
Les facteurs de choix qui amèneront le choix des écoles
pourront être, nous l'espérons du moins, la langue d'enseignement.
A l'heure actuelle, il existe, bien sûr, un certain nombre
d'écoles américaines, pour ne pas dire qu'il en existe sept,
à notre connaissance. Egalement, à notre connaissance, il y en
aurait trois qui pourraient, éventuellement, dispenser ou qui dispensent
à l'heure actuelle un enseignement en langue française. Nous
espérons également que sera considéré le facteur
distance, à savoir qu'il existe une école en Californie, qu'il en
existe une en Ohio, une au Michigan. Notre ami, M. Cartier, en a parlé
ce matin. Il en existe également deux dans l'Etat de New York et une au
New Jersey. Donc, pensez à l'usager d'un chien-guide, pensez
également au facteur distance à couvrir pour se rendre à
ces écoles.
Il y aurait lieu, à ce moment, croyons-nous, qu'il
s'établisse une consultation entre l'office ou le ministère et,
d'une part, le personnel qualifié qui oeuvre dans le domaine des
handicapés visuels pour déterminer les critères, pour
déterminer le choix des écoles ou encore la façon dont
l'enseignement devrait être donné. Il y aurait lieu, croyons-nous,
également que soient consultés les organismes de
handicapés visuels ou les organismes de santé oeuvrant dans le
domaine. Il y aurait lieu, bien sûr, que soient consultés
c'est peut-être là où la consultation est la plus
importante les usagers de chiens-guides, non pas que l'on soit contre
l'article 5 nous allons en parler dans quelque moment mais il
existe certaines lacunes qui ne se seraient pas glissées dans le texte
du projet de loi s'il y avait eu consultation avec les usagers de
chiens-guides.
Nous considérons également qu'il est primordial que soient
maintenus certains droits acquis. Ces droits acquis, nous ne les citerons que
brièvement. Il s'agit, en fait, de l'allocation de $15 qui est
versée aux personnes aveugles, usagers de chiens-guides et
bénéficiaires de l'aide sociale, par l'entremise de l'INCA. C'est
une allocation qui a été accordée aux usagers de
chiens-guides par le ministère des Affaires sociales, la direction de
l'aide sociale. Dans les droits acquis également, bien que l'office aura
à reconnaître une ou plusieurs écoles, nous espérons
que les personnes qui possèdent déjà des chiens-guides
provenant d'autres écoles, celles-là peut-être pas retenues
par l'office, pourront, en fait, régulariser leur situation face
à la nouvelle loi.
L'article 5. Je viens tout juste de le mentionner brièvement, on
mentionne, entre autres, dans cet article le droit d'accès aux moyens de
transport et aux lieux publics pour le handicapé visuel, comme si ce
dernier n'était pas... En fait, droit d'accès aux lieux publics,
aux moyens de transport, accompagné de son chien-guide comme s'il
n'était pas accompagné d'un chien-guide. A cet effet, on parle
d'un chien qu'il tient en laisse, alors que l'on sait fort bien que
l'expression "qu'il tient en laisse" va devoir, de toute évidence,
être remplacée par l'expression "muni d'un harnais". Le harnais
est reconnu, sur l'ensemble du territoire nord-américain, comme l'outil
ou la pièce d'équipement qui permet à l'aveugle, d'une
part, de connaître les signaux donnés par le chien et, d'autre
part, de donner certains signaux à l'animal.
Le prix d'un siège qu'occuperait, semble-t-il, un chien-guide
nous est apparu, pour le moins, surprenant. A notre connaissance, nous n'avons
jamais entendu parler que l'aveugle devait acquitter le prix d'un siège
pour son chien-guide. Il y aurait peut-être lieu, là encore, de
préciser plus clairement la pensée du législateur.
Au deuxième alinéa, par contre toujours à
l'article 5 il semble y avoir là, du moins c'est ce qui ressort
de notre étude, une discrimination à l'endroit de l'aveugle. Dans
un premier temps, dans le premier alinéa de l'article 5, on accorde
à la personne aveugle le droit d'accès avec son chien-guide, et,
dans un deuxième temps, pour des raisons que l'on dit être des
raisons d'hygiène et des raisons de sécurité, on
enlève ce droit. En fait, on n'enlève pas le droit. On le laisse
au bon vouloir de la personne qui a la garde d'un lieu public.
Il y aurait lieu également de rappeler en terminant que le
chien-guide constitue, pour l'aveugle, ses yeux.
Merci!
M. Bélanger: Je demanderais maintenant à
André Vincent de s'adresser à vous concernant le chapitre II, Les
droits des personnes handicapées.
M. Vincent (André): M. le Président, comme vient de
le mentionner M. Bélanger, le bref expsé que j'ai à faire
concerne principalement les droits des personnes handicapées, tels
qu'énoncés à l'article 2. Le législateur, en
proposant le projet de loi 55, semble tenir à ce que les personnes
handicapées soient reconnues comme égales à tout autre
citoyen, et nous avons constaté avec plaisir que l'ensemble de la loi
semble répondre à ce souhait.
Cependant, nous aimerions apporter des suggestions d'amendements
à certains articles. Ces amendements nous apparaissent importants pour
mieux répondre à la philosophie du projet de loi 55.
Les premiers articles qui nous intéressent sont les articles 15
et 19, en ce qui a trait à la composition et au quorum de l'office. On
suggère, tout d'abord, au niveau de la composition de l'office, qu'on
ajoute des représentants de deux ministères qu'on
considère très importants pour les lois futures en ce qui a trait
aux handicapés, à savoir des représentants des
ministères des Transports et des Affaires municipales. Quand on parle
entre autres de barrières architecturales éventuel-
lement, je considère que le ministère des Affaires
municipales est directement touché.
On suggère ensuite, aux mêmes articles, que six
représentants des organismes les plus représentatifs des
personnes décrites à l'article 46 fassent partie de l'office et
qu'au moins un de ces représentants fasse partie de ce que l'on
considère comme le quorum de l'office, et ce, pour des raisons qui nous
apparaissent très évidentes. Je pense qu'il est indispensable que
des gens ayant oeuvré de près et directement avec les personnes
handicapées soient présents au moment de prises de
décisions éventuelles, et ce, dans l'intérêt des
personnes handicapées elles-mêmes.
On passe ensuite à l'article 46 où, aux paragraphes c) et
d), on suggère certaines modifications; entre autres, au paragraphe c),
en ce qui a trait au degré d'incapacité, on suggère qu'on
tienne compte de l'amendement ou de la définition qu'on a donné
à l'article 1f, quand on parle des handicapés visuels et des
personnes aveugles, afin d'éviter qu'on retrouve dans cette
catégorie de personnes un trop grand nombre d'individus, afin
d'éviter certains abus. On souhaite également au même
article que la lumière soit faite et qu'on tente d'uniformiser, si
nécessaire et si possible, la définition de ces
incapacités; que l'office qu'on devra constituer, que la Loi des
accidents du travail, que les compagnies d'assurance utilisent les mêmes
critères d'évaluation d'incapacité.
A l'article 46d, on aimerait préciser quels sont les droits des
personnes qui seraient handicapées, mais qui relèvent de la Loi
des accidents du travail. Je prends un exemple rapidement; en ce qui a trait
à l'immatriculation des chiens-guides, par exemple, est ce qu'une
personne qui bénéficie de la Loi des accidents du travail n'est
pas protégée ou n'a pas ce droit, puisque, selon l'article 46d,
elle ne peut pas être enregistrée auprès de l'office?
Enfin, on désire attirer votre attention sur l'article 72,
principalement à l'alinéa e), où on parle de la canne
blanche. Il est évident qu'on doit faire une loi à ce niveau et
que la canne blanche ne peut être utilisée que par les personnes
qu'on définit à l'article 1f. Cependant, je pense qu'une
exception doit être faite pour les instructeurs en mobilité. On
sait que l'utilisation d'une canne blanche demande un entraînement
spécialisé qui ne peut être fait que par des instructeurs
et qui doivent être voyants eux-mêmes. Ces gens qui ont l'occasion
d'utiliser une canne blanche devraient être protégés et ne
pas commettre une infraction aux termes de l'article 72e.
En terminant, j'aimerais attirer votre attention sur un souhait qu'on
fait dans notre présentation, à savoir que les praticiens et les
spécialistes qui travaillent auprès des personnes
handicapées aient certaines garanties, certaines protections dans
l'accomplissement de leur travail professionnel. Les membres de l'office, selon
ce qui est dit dans le projet de loi, seront protégés, mais nous
croyons que, dans l'exercice de leurs fonctions, les spécialistes, les
professionnels auprès des handicapés devraient
bénéficier de certaines garanties, eux également. Je vous
remercie.
Le Président (M. Brisson): Le ministre a-t-il des
questions?
M. Forget: Oui, je vous remercie. J'essaierai d'être bref.
Pour ce qui est de l'article 5 c'est l'article relatif à la
question des chiens-guides vous suggérez, si je comprends bien,
qu'on remplace la laisse par le harnais; donc, qu'on soit un peu plus
spécifique. Dans le même ordre de pensées, iriez-vous
jusqu'à ce que l'on retrouve dans des législations
américaines équivalentes, c'est-à-dire exiger le port de
la muselière, ou s'il vous semble que c'est là une exigence qui
est tout à fait superflue? On ne l'a pas incluse dans cette
rédaction, comme vous voyez.
M. Jetté: C'est une question à laquelle on a
songé. Il ne nous apparaît pas essentiel que, dans un projet de
loi comme le projet de loi no 55, on impose le port de la muselière. A
l'heure actuelle, les écoles de dressage américaines, celles avec
lesquelles du moins, l'INCA et d'autres organismes et des particuliers ont fait
affaires, sont des écoles qui nous apparaissent donner un excellent
enseignement. De ce fait, l'animal est dressé de façon à
ne pas mordre, à ne pas poser de geste ou à ne pas provoquer de
situation embarrassante. Ce n'est pas, à notre avis, essentiel dans une
loi comme celle-ci.
M. Forget: Pour ce qui est du deuxième alinéa du
même article où on dit: "Malgré l'alinéa
précédent, toute personne ayant la garde d'un lieu public," etc.,
vous avez souligné que cela vous semblait être une qualification
au droit d'accès. D'un autre côté, ce matin, on a entendu
M. Cartier, je crois, exposer certains incidents qui pouvaient découler
de la présence d'un chien-quide dans certains contextes. Est-ce que vous
êtes d'accord sur son exposé? Il a indiqué, par exemple,
que dans le cas d'un établissement de santé, d'un hôpital,
le chien ne serait pas admissible partout, ce qui ne veut pas dire que le
handicapé visuel ne serait pas, lui, admis partout. Mais la question est
de savoir: Est-ce qu'il est admis avec ou sans son chien-guide. La même
question se pose dans le cas d'une salle de concert. La musique a un effet
particulier sur certains chiens, même bien entraînés. Cela
faisait d'ailleurs partie de l'exposé de M. Cartier. Il y a donc, dans
certains cas, des circonstances où une imposition absolue semble
inappropriée. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Est-ce que
vous trouvez que c'est mal exprimé comme cela l'est, et que cela devrait
être plus explicite? Ou est-ce que c'est une autre position que vous avez
là-dessus?
M. Bélanger: M. le Président, avec votre
permission, je demanderais à M. Saint-Onge, qui est aussi usager d'un
chien-guide, de répondre à M. le ministre.
M. Saint-Onge (Pierre): M. le Président, nous sommes, je
crois, relativement d'accord avec l'exposé de M. Cartier, qui nous a
fait part, ce matin, de ses voeux. Tel qu'il le mentionnait
également,
nous croyons que le deuxième alinéa de cet article suscite
chez certaines personnes une interprétation qui pourrait être,
à un moment donné, néfaste. Il est certain que dans des
endroits où l'on dispense des soins, on parle d'hôpitaux, on parle
de cliniques médicales ou autres, nous sommes entièrement
d'accord que l'animal n'est pas nécessairement obligatoire. Par contre,
dans d'autres établissements commerciaux, il n'y a apparemment aucun
problème à ce qu'un chien-guide puisse accompagner son
maître.
M. Forget: Vous voudriez que ces distinctions soient faites
explicitement dans la loi.
M. Saint-Onge: C'est cela.
M. Forget: Je vois. Pour ce qui est de la canne blanche, la
Montreal Association for the Blind a fait des représentations, d'une
part, dans le même sens que vous, suggérant qu'on inclue les
instructeurs en mobilité, ce qui semble une recommandation fort
sensée. On va sûrement s'en inspirer. Par ailleurs, il
suggérait de définir la canne blanche de façon beaucoup
plus large. C'était par l'intention, dans le fond, qui avait
présidé à la fabrication de la canne. Cela pouvait
être n'importe quelle canne pourvu qu'elle ait été
fabriquée par quelqu'un qui la destinait à un handicapé
visuel. Je voyais certaines difficultés d'application d'une telle
rédaction de la loi. Est-ce que vous avez une opinion quelconque sur le
sujet?
M. Vincent: Pour notre part, nous trouvons que donner trop
d'extension à cette loi, ce serait apporter des complications. En ce qui
nous concerne, la définition de la canne blanche telle que donnée
dans le projet de loi nous satisfait pleinement.
M. Forget: Je n'ai pas d'autre question, monsieur.
Le Président (M. Brisson): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, M. le ministre a posé
les questions que je voulais poser également.
Le Président (M. Brisson): L'honorable
député de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): Aucune question. On les a
déjà posées à d'autres. C'est surtout ce qui
regarde le chien-guide.
M. Bélanger: Vous vouliez, plus tôt cet
après-midi, des statistiques sur l'emploi. On est prêt à
vous en donner, si vous aimez.
M. Bellemare (Johnson): D'accord. C'est vous qui êtes
monsieur...
M. Bélanger: Ce n'est pas moi qui vais vous les donner.
C'est mon collègue, M. M. Avon, à ma gauche.
M. Bellemare (Johnson): Je serais bien prêt à les
prendre.
M. Avon (John): En ce qui concerne les aveugles dans la province,
M. Bellemare, je dois vous remercier, parce que lorsque vous étiez
ministre du Travail, vous avez accordé à INCA le premier contrat
de travail pour le service de la main-d'oeuvre. Depuis, nous avons un contrat
de travail avec les autres ministres, annuellement. Nous avons trois agents de
main-d'oeuvre dans la province.
M. Bellemare (Johnson): Trois agents.
M. Avon: Trois agents de main-d'oeuvre dans la province et,
d'après une recherche et une étude du Centre de main-d'oeuvre du
Canada et de l'Institut national canadien pour les aveugles, nous devrions en
avoir six. Ces trois agents de main-d'oeuvre effectuent une moyenne de 60
placements d'aveugles dans la province. En plus de ça, il y en a
d'autres, comme l'a dit M. Cartier par exemple, ce matin, des professionnels,
qui, a force de combats avec les employeurs, réussissent à se
trouver du travail. Je crois qu'en ce qui concerne le placement des aveugles,
le ministre est au courant, il y a des difficultés, mais elles ne sont
pas au niveau des employeurs, mais surtout des syndicats.
Il y a des clauses syndicales, par exemple, comme l'ancienneté,
qui ne permettent pas à un aveugle d'être embauché par un
hôpital, par exemple dans une chambre noire, parce que la classification
de chambre noire est plus élevée que celle pour entrer comme
employé. Depuis cinq ans, j'essaie de tous bords et de tous
côtés de contourner cette clause d'ancienneté dans les
hôpitaux, pour placer des aveugles et nous avons de la difficulté.
Auparavant, nous avions plus de facilité, nous avions convaincu presque
tous les employeurs, tous les hôpitaux de la province, les radiologistes,
les directeurs du personnel et nous avions pu placer des aveugles dans les
chambres noires. Depuis cette clause d'ancienneté, nous ne pouvons pas
le faire.
Je ne vois réellement rien dans la loi qui parle des syndicats,
qui encourage les syndicats à favoriser le placement des
handicapés. Comme M. Dufour l'a dit à une
précédente réunion ici, je crois que les employeurs sont
prêts à collaborer dans la province, mais il faudrait aussi
demander aux syndicats de collaborer avec nous.
En ce qui concerne la loi, 2%, cela a été essayé en
Angleterre et en France, comme vous le savez et, au début, il y a eu un
peu de succès, mais après que les employeurs ont le quota, il y
en a qui se retrouvent avec des handicapés qui ne font rien dans un
coin. J'ai parlé à beaucoup d'employeurs dans la province de
Québec, qui ont vécu cette loi en Angletterre et ils
préfèrent réellement ne pas avoir une loi, mais avoir le
choix de collaborer avec les organismes qui font du placement de
handicapés.
M. Bellemare (Johnson): A la Commission des accidents du travail,
je voudrais vous citer un
cas particulier; nous avions engagé des sourds-muets pour le
transfert et le classement des dossiers. Un jour, je suis arrivé dans
mon bureau de président, il y avait un jeune homme qui était en
train de fouiller dans les dossiers sous mon pupitre. Je lui ai demandé
"Qu'est-ce que tu fais là?" Il ne m'a pas répondu.
Je l'ai pris par le bras et je lui ai dit: "Qu'est-ce que tu fais
là?" J'ai commencé à comprendre qu'il était bien
utile d'avoir des sourds-muets; il était bien pratique, il ne s'occupait
pas de moi, pas du tout. Mais on a engagé, par exemple, à la
manipulation de 12 000 dossiers par jour, une douzaine de sourds-muets qui font
à la commission un travail épatant. Voilà un cas
particulier où des handicapés physiques peuvent rendre dans une
certaine catégorie d'immenses services. Quand il s'agit d'avoir des
dossiers qui circulent tous les jours à cause des entrées et des
sorties, ils ont pour tâche de passer par tous les ateliers et,
dès qu'un dossier est marqué: Terminé, de le reprendre et
de le remettre dans le classeur.
Pour les aveugles aussi, quand l'INCA est venu me voir au Centre de
main-d'oeuvre pour m'occuper particulièrement des aveugles, j'ai
été heureux d'ouvrir la porte. Je voudrais poser la question
suivante: Où placez-vous ces 60 personnes par année? Dans quel
domaine?
M. Avon: La majorité dans des industries de la
province.
M. Bellemare (Johnson): Mais pour quoi faire surtout? Est-ce
qu'il y a une spécialité particulière? Je viens de vous
nommer les sourds-muets.
M. Avon: C'est très difficile, M. Bellemare, de vous dire
dans quel poste. On pourrait vous dire, par exemple, dans l'emballage, sur des
presses. Par exemple, à la compagnie Pratt & Whitney, qui
était la United Aircraft, nous avons des personnes qui travaillent au
lavage des pièces d'avion. Nous en avons qui travaillent sur des
foreuses. Nous en avons qui travaillent sur un "Snyder vertical miller" qui
est...
M. Bellemare (Johnson): Est-ce que le taux d'accident est
élevé pour ces aveugles? Est-ce que le taux d'accident de
travail...
M. Avon: Depuis 30 ans que je fais du placement chez les
aveugles, nous avons eu environ deux accidents qui ont causé des pertes
de travail pour quelques mois, et c'était pour les mêmes raisons
qu'une personne voyante, un oubli, un manque d'attention.
M. Bélanger: C'est-à-dire que nos deux buts et
l'amélioration de la condition de l'aveugle sont sine qua non. Il faut
le faire, on doit le faire. L'autre, c'est la prévention de la
cécité. Cela se fait. Nous avons trois infirmières qui
parcourent la province avec des cliniques où se trouvent des
ophtalmologistes et font l'étude sur place. C'est de la
prévention.
J'ai un de mes collègues qui a passé trois semaines
à la CTCUM à donner des cours de prévention. L'autre jour,
il y a quelqu'un qui est venu le voir... On parle du port de lunettes, quelque
chose comme cela.
M. Bellemare (Johnson): Ce matin, dans les journaux, on disait
qu'il y a un lot considérable de lunettes qui traînent dans les
ateliers, qui ne sont pas portées, ce qui est une cause véritable
de cécité. C'est, comme vous le dites, une bonne manière
d'attirer l'attention des gens sur la prévention qu'il faut apporter
dans le travail. Comme la chaussure, comme le casque, comme le gant, comme les
lunettes, c'est important dans certains domaines.
M. Bélanger: C'est comme la ceinture qu'on doit porter
dans les voitures maintenant.
M. Bellemare (Johnson): Oui, cela dérange le soir,
quelquefois.
M. Bélanger: Un autre de nos services et celui-ci est
auto.
M. Bellemare (Johnson): ...pas pour moi, parce que ce n'est plus
mon cas.
M. Bélanger: Dans le même ordre d'idées, pour
ce qui est de l'emploi, vous n'êtes pas sans savoir que notre programme
qui s'appelle "Cater plan", où on s'occupe de cafétérias,
et qui emploie actuellement, dans la province, une soixantaine d'aveugles, dont
23 au niveau de cadre. Par exemple, nous avons la grande
cafétéria de Radio-Canada à Montréal et le bureau
de poste fédéral...
M. Bellemare (Johnson): Je ne comprends pas pourquoi on vous l'a
enlevé ici, au gouvernement. Je me suis posé des questions,
dernièrement, quand j'ai vu s'organiser la cafétéria, dans
l'édifice du Parlement, l'autre côté et qu'on a
enlevé aux aveugles cette partie qu'on leur avait
concédée, et qu'on a remis toute cette cafétéria
nouvelle, qui va opérer dans quelques jours, à l'organisation du
Café du Parlement. Qu'on ait enlevé cela aux aveugles, je n'ai
pas compris cela.
M. Bélanger: Ce n'est pas une question que vous posez, M.
Bellemare. Vous pensez tout haut. Vous ne nous adressez pas la question tout de
même?
M. Bellemare (Johnson): Vous êtes au courant?
M. Bélanger: Nous sommes au courant, oui. M. Charron:
Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Bélanger: Comme dans les ateliers
protégés, je crois que, dans l'avenir, nous devrons continuer
à être subventionnés.
Plus on avance, plus on aura des sous-contrats et plus on pourra
s'autofinancer, sachant très bien qu'on ne pourra jamais s'autofinancer
ou s'autogérer, mais, plus on avancera, peut-être que les
subventions pourraient être moindres et, nous ferons de plus en plus de
profits, comme d'ailleurs avec le "Cater plan".
Naturellement, on a suggéré dans notre mémoire
qu'on aimerait bien avoir la possibilité d'oeuvrer de plus en plus dans
des édifices du gouvernement.
M. Bellemare (Johnson): Combien d'employés sont mis
à pied, à peu près? Combien d'aveugles vont être mis
à pied à cause de cette rénovation qu'on fait
présentement?
M. Bélanger: Je ne pourrais pas vous dire. Est-ce que
quelqu'un est au courant?
M. Avon: Je crois que les personnes aveugles vont être
reclassifiées dans d'autres ministères.
M. Bellemare (Johnson): Dans d'autres ministères.
M. Avon: On l'espère.
M. Bellemare (Johnson): Envoyez-les au social.
Le Président (M. Brisson): Je vous remercie,
messieurs.
M. Bélanger: Merci infiniment.
Le Président (M. Brisson): J'appellerais le Conseil
régional de la santé et des services sociaux. M. Gérard
Douville, directeur général.
Conseil régional de la santé et des
services sociaux
M. Ouellet (Henri): M. le ministre, MM. les membres de la
commission, je vais tout d'abord faire une rectification. Le porte-parole n'est
pas M. Douville, parce qu'il a dû s'absenter. Je suis Henri Ouellet,
membre de la permanence du Conseil de la santé et des services sociaux.
Je vous présente M. Paul Mercure, président du Comité
régional des services aux inadaptés dont on parlera tout à
l'heure M. Mercure est le père d'un enfant déficient
mental et Mme Alice Routier, qui est permanente au Conseil de la
santé et des services sociaux de Québec.
Le mémoire que vous avez en main a été
préparé effectivement par le Comité régional des
services aux inadaptés de la région de Québec qui agit en
tant que comité aviseur du CRSSS j'emploierai le sigle CRSSS qui
sera compris de tous, j'imagine dans tout le secteur de la
réadaptation. Le Comité régional des services aux
inadaptés est formé de professionnels, d'usagers, de parents
d'usagers qui travaillent dans le secteur de la réadaptation. Le CRSSS a
voulu consacrer ce secteur prioritaire, suite aux nombreuses pressions qui nous
arrivaient du milieu dans le domaine. Nous avons cru nécessaire de nous
doter d'un mécanisme permanent qui nous avise sur la
problématique du milieu.
Les personnes suivantes ont collaboré à la
rédaction de ce document et chacune d'entre elles représente un
type de handicap qui peut être touché par ce projet de loi: Tout
d'abord, M. Jacques Verrette est une personne handicapée physique; M.
Claude Châtelain, à titre de personne handicapée visuelle;
M. Paul Mercure, comme parent d'un enfant déficient mental. Nous avons
également eu la collaboration d'une personne du Centre de services
sociaux de Québec, M. Jean-Simon Gosse-lin, ainsi que Mme Routier, ici
présente.
Le Conseil régional de Québec tient à remercier M.
le ministre Claude Forget, pour avoir déposé ce projet de loi
à l'Assemblée nationale et avoir permis qu'il soit débattu
en commission parlementaire par les organismes et personnes
concernés.
Nous croyons que l'intention de ce projet de loi est valable et que,
moyennant certaines modifications que nous suggérons, il pourrait
apporter des améliorations aux services rendus aux personnes
handicapées. Nous aimerions émettre certains commentaires
généraux relativement aux principales recommandations de notre
mémoire. Quant aux points secondaires, nous vous référons
à notre mémoire où vous trouverez des commentaires
détaillés sur les principaux articles du projet de loi.
Tout d'abord, les commentaires généraux. Au cours des mois
qui ont précédé le dépôt de ce projet de loi,
nous avons eu un échange de correspondance avec le ministre des Affaires
sociales, M. Forget. Au cours de cet échange, le ministre nous assurait
du dépôt prochain de cette loi et de la publication de la
politique globale dans le domaine de la réadaptation des adultes. Le
projet de loi sur la protection des personnes handicapées est maintenant
à l'étude en commission parlementaire, mais la politique
générale n'est pas encore connue. C'est pourquoi nous nous posons
la question suivante qui nous semble primordiale. Comment ce projet de loi
créant un office des personnes handicapées s'intègre-t-il
dans l'ensemble de la politique? Il nous est donc difficile de nous prononcer
sur ce projet de loi, lorsque la politique globale nous est encore
inconnue.
Même si nous nous trouvons dans une telle situation,
c'est-à-dire connaissance de la loi et non-connaissance de la politique
globale, nous prenons quand même le risque de formuler certains
commentaires qui pourraient trouver réponse dans la publication d'une
politique de réadaptation des adultes. Nous émettrons donc les
commentaires suivants: premièrement, les fonctions de l'office nous
apparaissent beaucoup trop se limiter au reclassement professionnel des
personnes handicapées. Des besoins comme le transport, l'habitation, le
manque d'accessibilité aux édifices publics en raison des
barrières architecturales, l'information et la référence
sont presque oubliés. De fait, on les souligne dans les fonctions que
l'office peut remplir et non pas dans les fonc-
tions que l'office doit remplir. Ils nous apparaissent, cependant, tout
aussi importants que la réadaptation au travail, si l'on désire
poursuivre un objectif d'intégration sociale des personnes
handicapées. Nous savons que le ministère des Affaires sociales
met de l'avant l'objectif de normalisation des personnes handicapées,
mais nous ne croyons pas que cet objectif sera atteint si des besoins comme les
moyens de transport ou un habitat décent ne sont pas satisfaits.
Les fontions de l'office nous apparaissent donc limitatives si cet
office ne coordonne pas l'ensemble des politiques gouvernementales à
l'endroit de ce type de population. J'ouvrirais une parenthèse pour
dire, en particulier, que M. le ministre Forget connaît assez bien le
problème pour avoir reçu dernièrement du CRSSS un
mémoire ou une étude en rapport avec le transport des
handicapés du Québec métropolitain. Le problème du
transport est crucial. Si, aujourd'hui, on disposait d'un office avec des
pouvoirs largement étendus en termes de coordination
particulièrement, nous pensons que cet office serait en mesure de
sensibiliser les principaux intervenants, les principaux responsables dans le
secteur, qui sont, entre autres, le ministère des Transports et les
municipalités qui devraient assumer leur leadership dans ce secteur, qui
devraient vraiment prendre leurs responsabilités.
Aujourd'hui, les handicapés sont acculés jusqu'à un
certain point je trouve qu'en 1976 c'est inacceptable à
faire des campagnes de porte en porte pour se donner un transport relativement
décent, alors que c'est un droit que tout le monde dit leur
reconnaître. Je pense qu'il faudrait vraiment qu'il y ait des politiques
énergiques à ce sujet.
Il faut, croyons-nous, qu'un coordonnateur soit nommé
officiellement pour que toutes les politiques gouvernementales soient
cohérentes et desservent bien la population cible visée. L'office
devrait aussi avoir un pouvoir de recommandation sur toutes les lois
afférentes au bien-être des personnes handicapées. Cet
office n'aurait toutefois pas à se substituer aux organismes, aux
ministères et aux établissements en place.
Troisièmement, nous croyons que l'office est trop nettement
orienté vers les personnes les moins handicapées ou les plus
facilement reclas-sables lorsque nous constatons que la durée du contrat
de reclassement professionnel ne peut s'étendre au-delà d'un an
et demi. Que fait-on avec les personnes les plus handicapées comme, par
exemple, les personnes handicapées mentales profondes? Car, il ne faut
pas s'illusionner. Plusieurs personnes handicapées ne pourront jamais,
même si le but visé en est un d'intégration au
marché du travail, être reclassées. Rien n'est prévu
pour elles dans ce projet. Il n'est aucunement fait mention d'ateliers
occupationnels, qui seront pourtant nécessaires. Que se passera-t-il
pour ces personnes?
L'office, dans la dispensation de ses services, nous semble jouer un
rôle contraignant et peut-être même répressif à
l'endroit des personnes handicapées. Les articles 63, 64 et 65 nous
parais- sent très sévères quant aux sanctions. Le
bénéficiaire n'aurait pas droit à une attitude
compréhensive s'il refuse de collaborer, alors qu'un refus peut
être signe d'un symptôme plus profond et non seulement le signe
d'une mauvaise volonté. De plus, par les pouvoirs d'enquête que
lui confère l'article 64, l'office peut être, à la fois,
juge et partie sur les services qu'il a rendus. Nous croyons que ces deux
fonctions doivent être distinguées et chacune d'entre elles
devrait être confiée à un organisme distinct.
Nous aimerions que les règlements de cette loi soient
publiés dans la Gazette officielle et soumis, par conséquent,
à la consultation. Il est souvent difficile de se prononcer sur un
projet de loi alors que les règlements n'ont pas encore
été édictés. Il arrive très souvent, en
effet, que les règlements précisent une loi et permettent d'en
mieux évaluer l'impact.
On voudrait maintenant vous signaler certains points importants, qui
nous apparaissent les plus importants dans le mémoire que vous avez en
main.
Il y a certains articles que nous aimerions voir modifiés,
corrigés et améliorés, et nous allons insister
particulièrement sur ceux-là, quitte à revenir en
discussion par la suite.
Les articles 15 et 33, la composition de l'office et les relations de
l'office avec les organismes qu'il a reconnus. Nous voudrions insister sur la
nécessité de représentation des personnes
handicapées au sein de l'office. Ces personnes sont les premières
intéressées, et elles doivent constituer en nombre la
moitié des membres de l'office. C'est pourquoi nous demandons que
l'office comprenne douze membres, au lieu de dix. Les deux membres qui
s'ajoutent doivent parvenir du secteur des handicapés. L'office serait
aussi assuré d'une meilleure représentation des genres de
handicaps et des différentes philosophies de réadaptation qui
prévalent dans le secteur.
Nous aimerions insister sur le fait que l'office doit être en
contact continu avec tous les organismes ou associations de personnes
handicapées, afin de pouvoir obtenir des avis sur toutes ces
politiques.
Article 38, les subventions aux employeurs. Cet article est un des plus
importants du projet de loi pour ce qui regarde le reclassement professionnel.
C'est surtout grâce à ce mécanisme qu'on cherchera à
obtenir l'objectif d'intégration complète au marché du
travail régulier et par conséquent l'objectif de normalisation
sur le plan professionnel.
Cependant, l'aide aux employeurs doit être conditionnée de
façon analogue à celle qui est accordée aux ateliers
protégés. L'employeur devra donc s'engager à
réserver les postes subventionnés aux bénéficiaires
de l'office.
Article 67, le plan de reclassement professionnel. Ces plans de
reclassement professionnel nous apparaissent appropriés, innovateurs et
adaptés aux besoins des handicapés désirant accéder
au marché du travail. Nous trouvons cependant, comme nous en avons fait
mention dans la première partie de notre exposé, que la
durée de
ces plans est définitivement trop courte. Nous craignons que
beaucoup de personnes handicapées ne puissent pleinement en profiter en
raison de handicaps plus prononcés.
Finalement, l'article 79 sur le droit d'appel. Le droit d'appel à
la Commission des affaires sociales doit être étendu à
toute décision de l'office et tout spécialement au plan de
reclassement professionnel. Ce droit est maintenant de plus en plus reconnu
dans toutes les législations sociales et nous apparaît
extrêmement important. Considérant l'importance de l'office et
l'importance de ses décisions, le droit d'appel doit être
applicable à toutes les décisions de l'office.
Nous sommes conscients que nos recommandations, si elles étaient
appliquées, auraient pour effet de modifier considérablement les
attributions de l'office. Dans sa forme actuelle, ce projet de loi comporte des
inconvénients majeurs qui obligent à une refonte quasi totale.
Voici donc les principaux commentaires sur le projet de loi no 65 que nous
voulions souligner à la commission parlementaire.
Nous vous remercions de votre bienveillante attention et nous vous
référons à notre mémoire pour des détails
plus techniques relatifs au projet de loi. Je vous remercie.
Le Président (M. Brisson): Merci. Le ministre m'a fait
part qu'il n'avait aucune question, il a dû s'absenter
momentanément. Le député de Saint-Jacques aurait-il des
questions?
M. Charron: Oui, parce que le mémoire que vient de nous
apporter le CRSSS du Québec métropolitain nous permet
d'identifier dans des phrases assez claires certaines des lacunes et des
manquements graves dans le projet de loi, que dès le départ de
cette commission, vous vous en souviendrez, à sa seule lecture, nous
avions été capables de mentionner à l'intention de la
commission, en particulier toute la question du transport. Vous connaissez
ce n'est pas à vous que je dois le dire sans aucun doute,
la dernière décision du ministère des Affaires sociales,
l'entente avec le ministère des Transports, et la décision de
laisser l'organisation du transport des handicapés aux
différentes communautés de transport dans les différentes
communautés urbaines du Québec. Nous avons commenté cette
chose à l'Assemblée, est-ce que cela s'est produit? J'ai, au nom
de l'opposition, tenté d'obtenir une justification autre que
technocratique de la part du ministre des Affaires sociales. Je ne l'ai pas
obtenue, sauf celle de dire qu'il n'abandonnait pas la question du transport
pour les handicapés, mais qu'il laissait aux autorités du
transport le soin de le faire, le gouvernement s'engageant à combler
jusqu'à 75%, je pense...
M. Ouellet: Jusqu'à 50%.
M. Charron: ... jusqu'à 50%, la partie du déficit
accumulé ainsi.
Cela m'est apparu comme une façon très facile de se laver
les mains d'un problème en disant:
II faut tout remettre à la même place dans l'organisation
du transport. La particularité sociale de ce dont on parlait, de ceux
dont on parlait, méritait à mon avis une attention plus grande du
ministère des Affaires sociales. Diriez-vous aujourd'hui je crois
l'avoir vu dans les phrases assez claires de votre mémoire, mais
j'aimerais que vous commentiez cette affirmation que tout le travail de
reclassement professionnel et social parce que j'emploie le mot qui nous
a été suggéré ce matin qui serait celui de
l'office, si la loi devait rester comme elle est là, est à toutes
fins pratiques annulé dans les faits si le transport des
handicapés n'est pas organisé?
M. Ouellet: Evidemment, il n'y a pas que le transport. Nous avons
signalé le transport, parce que ce besoin nous a été
signalé de façon particulière par les organismes, mais
vous parlez de normalisation jusqu'au bout, parce que c'est ce que le
ministère des Affaires sociales veut vraiment faire et je crois qu'il y
a lieu de l'en féliciter. Mais si vraiment tout ce qui permettra
à un handicapé de vivre des conditions de vie normalisantes n'est
pas mis en place par quelque organisme ou quelque ministère que ce soit,
je pense que les politiques du ministère des Affaires sociales risquent
d'être vouées à l'échec. Parlons de transport,
parlons d'habitation. Le transport m'apparaît peut-être le moyen
qui saute aux yeux le plus facilement pour vraiment faciliter cette
intégration. Aujourd'hui, dans le Québec métropolitain, il
n'existe aucun moyen, littéralement aucun moyen, parce que depuis la
semaine passée, le dernier organisme qui faisait du transport,
grâce à une subvention de Centraide, n'a plus d'argent et, depuis
la semaine passée, il n'y a donc rien, strictement rien.
M. Charron: Puisqu'on en est au cas de Québec et que vous
le connaissez bien, qu'a fait la Commission de ttransport de la
Communauté urbaine de Québec sur ce sujet depuis la
décision du ministre?
M. Ouellet: Nous avons travaillé en étroite
collaboration avec la CTCUQ dans une étude récente que nous avons
entreprise et la CTCUQ nous a gracieusement prêté un permanent
pour travailler avec nous à l'étude parce que le projet
l'intéressait au départ. A ce jour, je ne sais pas ce qui va se
faire. Je sais que la CTCUQ est en train d'élaborer son budget de la
prochaine année. Je n'ai pas l'assurance qu'il y aura une clause pour du
transport de handicapés. Ce que nous demandons à la CTCUQ, comme
à tout autre transporteur du même genre, c'est de donner un
service de porte à porte à des individus qui ne peuvent utiliser
les moyens réguliers de transport, parce qu'il faut toujours retenir le
principe que si on veut être normalisant jusqu'au bout, il faut d'abord
maximiser l'utilisation des transports en commun. Donc, à ce
niveau-là, je pense que la CTCUQ est prête à faire des
choses, dont la modification de parcours, dont l'aménagement de certains
véhicules en particulier. Mais quant à un transport
spécialisé de porte à porte, nous pensons que c'est la
responsabilité
d'un organisme comme la CTCUQ ici dans le Québec
métropolitain. Je ne suis pas certain de ce que cela va donner. Je pense
que le ministère des Transports devrait donner une incitation plus
importante aux municipalités pour qu'elles puissent vraiment accepter de
développer ces programmes.
M. Charron: Une incitation, c'est exactement ce qui nous avait
amené à croiser le fer avec le ministre sur cette question.
A notre avis, cela devait même aller jusqu'à l'obligation
auprès des communautés de transport aussi bien structurées
que celles qui desservent les différentes communautés urbaines du
Québec, à tout le moins, prenons celles-là au
départ, mais, si ce n'était pas obligatoire, au moins que
l'incitation soit palpable. Quand le déficit n'est comblé par le
gouvernement qu'à 50%, c'est inviter les compagnies de transport des
différentes communautés urbaines à augmenter encore leur
déficit. Je ne suis pas au courant dans les détails de la
situation de la CTCUQ, mais je sais que le budget de la CTCUM, par exemple,
à Montréal, a été déposé la semaine
dernière et il a un déficit record. Ce qui fait que, quand on
laisse à ces autorités le soin de développer un service
pour lequel elles n'ont pas été, en vocation,
préparées, c'est le moins qu'on puisse dire, et si elles noue
disaient: Volontiers, si le gouvernement paye, on peut bien travailler à
l'inclure dans notre service, mais si, en plus de cela, ça nous ajoute
un déficit que, par tous les moyens du monde, on essaie de combler, sans
être obligées d'exiger des autres citoyens plus que ce qu'on exige
actuellement, elles ont une certaine réticence.
Combien de personnes évaluez-vous, sur le territoire de la
Communauté urbaine de Québec, par exemple, nécessiteraient
un transport en commun différent de celui des autres citoyens, parce
qu'elles doivent se déplacer avec chaise roulante ou d'autres
raisons?
M. Ouellet (Paul): Dans la récente étude que nous
avions entreprise, nous évaluions, pour deux projets qui avaient
été inventoriés en particulier, deux projets
financés par le programme d'initiatives locales, environ 380 personnes
qui nécessiteraient du service assez courant pour aller...
M. Charron: A domicile.
M. Ouellet: ...à domicile, pour aller à
l'université, pour aller à l'école, au travail et
fréquenter les services communautaires.
M. Charron: Est-ce que les ateliers protégés ont
organisé eux-mêmes un moyen de transport pour leur
clientèle?
M. Mercure: Disons que c'est un problème particulier, il y
a certains ateliers protégés qui ont organisé un
transport. Maintenant, il y avait certains ratios disponibles pour ces
transports et ces ressources ne sont pas disponibles, de sorte que la situation
actuelle est que les familles paient le transport pour les ateliers
protégés ou les centres d'accueil, lorsque ce sont les centres
d'accueil qui envoient leurs clients.
M. Charron: Les familles ou les centres d'accueil.
M. Mercure: C'est ça.
M. Charron: Actuellement, j'imagine que c'est en taxi, qu'il n'y
a pas de service en commun?
M. Mercure: Disons qu'il y a des petits autobus qui sont fournis
pour le transport spécial, mais il n'y a pas de subvention pour ce genre
de transport actuellement, sauf quand il s'agit de transport scolaire;
là, ce ne sont pas les ateliers protégés.
M. Charron: J'ai une autre question à M. Ouellet. Nous
nous sommes attardés à quelques reprises au cours de la
journée sur des distinctions faites entre les handicapés, qui
découlent de la loi. On dit que seuls les handicapés que l'on
classifie-rait comme aptes au retour au travail ou à
l'intégration sont déjà des bénéficiaires de
la loi, mais que les déficients mentaux graves, vous l'avez
mentionné aussi dans le mémoire, ou les handicapés
physiques, non recyclables sur le plan professionnel, sont les oubliés
de la loi. Le ministre dit que ça n'empêche pas le reste des
institutions sociales du Québec d'exister, hôpitaux à soins
prolongés, etc.
Que pensez-vous qu'une loi, qui aurait visé à faire
respecter les droits de toutes les personnes handicapées, y compris
celles qui sont inaptes à un reclassement professionnel et social,
aurait pu comporter de plus que ce que la loi 65, par exemple, a pu offrir de
services à ces personnes?
M. Mercure: Disons que cela fait appel au principal point de
notre mémoire. C'est-à-dire que le conseil régional et
plusieurs autres organismes demandent une politique globale de
réadaptation des adultes, en particulier.
Il y a des choses comme l'habitation, comme le transport, comme les
loisirs spécialisés, des choses qui ne sont pas prévues du
tout dans cette loi. On a encore la certitude que le ministère
s'apprête à produire une politique globale de réadaptation
des adultes. Disons qu'on aimerait bien connaître l'approche globale du
gouvernement. C'est le point principal qu'on fait ressortir dans notre
mémoire.
M. Charron: Si ces choses que vous mentionnez, comme
l'habitation, le transport, l'organisation de loisirs, avaient
été inclues dans le projet de loi, il aurait été
plus complet et ainsi, visé la clientèle des handicapés,
et non pas uniquement ceux qui vont bénéficier de l'office.
M. Mercure: Justement.
M. Charron: Je vous remercie beaucoup.
Report de la comparution de
l'Institut national canadien-français
pour la déficience mentale
Le Président (M. Brisson): Je vous remercie, messieurs.
J'appellerais maintenant l'Institut national canadien-français pour la
déficience mentale, M. Serge Dépatie, directeur
général intérimaire.
M. Charron: M. Dépatie, vous devenez notre habitué
de six heures moins cinq.
M. Dépatie (Serge): Je me demandais justement s'il
s'agissait d'une coïncidence.
Le Président (M. Brisson): M. Dépatie, vous avez
une quinzaine de minutes pour exposer un résumé de votre
mémoire.
M. Dépatie (Serge): M. le Président, est-ce qu'il
me serait permis de demander à la commission d'être entendu
à une prochaine séance, pour être sûr...
Le Président (M. Brisson): De toute façon, vous
avez droit à quinze minutes quand même.
M. Dépatie (Serge): Quinze minutes quand même.
Le Président (M. Brisson): Oui. On va jusqu'à 20
minutes habituellement, mais...
M. Dépatie (Serge): Même si j'ai attendu toute la
journée, je regarde les figures fatiguées des gens de la
commission. Je préférerais peut-être voir des gens plus
reposés pour m'écouter. Il se pourrait que j'aille jusqu'à
25 minutes et la tolérance est plus grande le matin.
M. Charron: Je seconde votre proposition, M. Dépatie.
Le Président (M. Brisson): D'accord, vous serez
convoqué à nouveau par le secrétaire des commissions.
M. Dépatie (Serge): Je vous remercie et je
l'apprécie.
Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 56)