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Version finale

30e législature, 4e session
(16 mars 1976 au 18 octobre 1976)

Le mardi 5 octobre 1976 - Vol. 17 N° 148

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 55 — Loi sur la protection des personnes handicapées


Journal des débats

 

Commission permanente des affaires sociales

Etude du projet de loi no 55

Loi sur la protection des personnes handicapées

Séance du mardi 5 octobre 1976 (Dix heures quarante-cinq minutes)

M. Brisson (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires sociales se réunit afin de continuer l'étude du projet de loi no 55 et d'entendre les différents témoins.

On me prie de vous faire remarquer que M. Lachance (Mille-Iles) remplacera M. Fortier (Gaspé); M. Faucher (Nicolet-Yamaska) remplacera M. Lecours (Frontenac); M. Léger (Lafontaine) remplacera M. Bédard (Chicoutimi).

M. Charron: M. le Président...

Le Président (M. Brisson): Un instant, s'il vous plaît.

Les organismes seront convoqués dans cet ordre: Association de paralysie cérébrale du Québec Incorporée, Association canadienne des compagnies d'assurance-vie, Conseil du patronat du Québec, Institut national canadien pour les aveugles, Association du Québec pour les déficients mentaux, Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle, Conseil régional de la santé et des services sociaux, Institut national canadien-français pour la déficience mentale.

Chaque organisme aura, au plus, 20 minutes pour faire son exposé et, après, suivra une période de questions de la part des membres de la commission.

Est-ce que sur l'ordre chronologique de l'appel, il y aurait des remarques à faire?

M. Forget: Oui, M. le Président. M. Paradis, du Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle, me signale que cet organisme éprouve une certaine difficulté à rester présent jusqu'à cet après-midi. S'il était possible, avec le consentement, de les placer peut-être en deuxième lieu, il leur serait plus facile d'être assurés d'être entendus.

M. Charron: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine) remplace M. Bellemare (Rosemont).

L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, avant le début de la commission et sans vouloir retarder l'audition des gens qui se sont déplacés pour nous rencontrer, j'aimerais, si vous le permettez, que la commission soit éclairée sur ce qui a marqué la fin de nos travaux lors de la dernière séance et qui a donné lieu à une prise de position officielle d'un des organismes que nous avons entendus la semaine dernière.

Une affirmation a été faite par un témoin disant que des personnes handicapées auraient voulu se faire entendre, mais n'auraient pu et n'auraient eu aucune facilité de le faire à cause des dirigeants de certains centres d'accueil..

Je sais que l'Association des centres d'accueil a émis un communiqué et un télégramme que nous avons reçu, à cet effet. J'aimerais m'informer, si vous me le permettez, puisque ces personnes doivent être entendues comme toute autre, si le ministre a eu des développements à ce sujet.

Le Président (M. Brisson): Le ministre des Affaires sociales.

M. Forget: Pour faire suite à ces allégations, comme vient de l'indiquer le député de Saint-Jacques, il y a eu, de la part de l'Association des centres d'accueil, des démarches qui ont été faites pour découvrir les événements et leur caractère qui ont donné lieu à ces allégations. Du côté du ministère, des démarches analogues ont été entreprises également. Je dois signaler, cependant, que les allégations qui avaient été faites à l'effet que des menaces ou des intimidations avaient été utilisées pour empêcher certaines personnes de communiquer avec la commission n'étaient appuyées d'aucune indication précise de lieux et de noms.

Dans ces circonstances, les démarches entreprises à la fois par l'Association des centres d'accueil et par le ministère n'ont pas réussi à mettre à jour quoi que ce soit d'irrégulier qui permette de confirmer ou de nier même les allégations en question.

On se souviendra que j'avais demandé à celui qui s'était fait l'auteur de ces allégations de nous fournir des indications plus précises, indications que nous n'avons par reçues.

Cependant, comme je viens de l'indiquer, des efforts ont été faits pour découvrir la réalité, s'il y en a, derrière ces allégations. Nous n'avons pu le faire. Nous n'avons pu constater quoi que ce soit d'irrégulier de ce genre et l'Association des centres d'accueil nous a confirmé qu'elle en venait aux mêmes conclusions. Je crois que la demande que j'ai formulée la semaine dernière conserve son intérêt et son utilité. S'il y a eu des cas d'intimidation, il serait impératif que ceux qui en ont été témoins le communiquent soit à la commission, soit à moi-même, soit à l'Association des centres d'accueil, de manière qu'une enquête plus approfondie puisse être faite.

Le Président (M. Brisson): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Je comprends que l'incident qu'a soulevé le député de Saint-Jacques est terminé.

Je voudrais savoir, pour mon bénéfice personnel, peut-être pour celui aussi de plusieurs dé-

légations, quel est l'ordre que nous allons suivre pour les séances? Y aura-t-il séance cet après-midi? Y aura-t-il séance ce soir? Y aura-t-il séance demain ou est-ce simplement pour la journée?

M. Forget: Ce serait simplement pour la journée, selon ma disponibilité, du moins, ce serait ce matin et cet après-midi.

M. Charron: Le même horaire que la semaine dernière.

M. Forget: Le même horaire que la semaine dernière.

M. Bellemare (Johnson): Très bien.

M. Forget: Comme on le sait, le Conseil des ministres se réunit pendant deux jours en dehors de Québec, mercredi et jeudi. Donc, il ne sera pas possible de continuer demain, ni après-demain.

M. Bellemare (Johnson): Y aura-t-il une reprise dans le mois d'octobre, avant les élections?

M. Forget: Oui, je crois qu'une autre séance est prévue, de mémoire, à la fin du mois. Je n'ai pas de certitude. Il n'y a pas de date précise. Il s'agira de la fixer probablement la semaine prochaine, si c'est possible. Au début, lorsque ces deux dates ont été retenues, nous n'avions encore qu'un très petit nombre de mémoires qui étaient entrés. C'est un peu avec surprise qu'on peut voir qu'il y en a une trentaine, ce qui implique, probablement, une certaine accélération de nos travaux, pour faire justice à tout le monde, pour entendre tout le monde et planifier un certain nombre d'autres séances.

M. Bellemare (Johnson): Merci.

Le Président (M. Brisson): Y a-t-il d'autres questions? J'appellerais M. Roméo Malenfant, directeur exécutif de l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc.

Association de paralysie cérébrale du Québec

M. Malenfant (Roméo): Mon nom est Roméo Malenfant, directeur exécutif de l'Association de paralysie cérébrale du Québec. J'ai été désigné comme porte-parole du groupe lorsque nous avons fait notre demande à la commission parlementaire, en ne sachant pas, alors, que notre président, M. Desjardins, serait présent ce matin. J'aimerais laisser la parole à notre président, M. Roger Desjardins.

Le Président (M. Brisson): M. Desjardins, vous avez 20 minutes pour faire votre exposé.

M. Desjardins (Roger): D'accord. Je désire présenter également mes compagnons dans l'interpellation de ce matin, M. Roch Gadreau, à ma droite, étudiant en vue de l'obtention d'une maîtrise à l'université Laval et membre du conseil provincial de notre association.

Le Président (M. Brisson): Voulez-vous répéter son nom, s'il vous plaît?

M. Desjardins (Roger): M. Roch Gadreau. Aussi à ma droite, M. Roméo Malenfant, qui est enregistré comme interlocuteur. A ma gauche, M. Serge Leblanc, animateur de notre chapitre de Chicoutimi, de l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc.

Moi-même, je suis Roger Desjardins, membre de la Corporation professionnelle des comptables en administration industrielle, père d'un paralytique cérébral et président du conseil provincial de l'Association de paralysie cérébrale.

Nous désirons d'abord exprimer notre reconnaissance à l'Assemblée nationale d'avoir accepté de faire siéger cette commission parlementaire afin de permettre aux personnes, associations et organismes concernés d'émettre leur opinion sur le projet de loi no 55, lequel, croyons-nous, est d'une importance capitale pour tous les handicapés. Nous désirons également, M. le Président, vous remercier de nous donner l'occasion de pouvoir discuter de ce sujet avec les membres de cette commission malgré le grand nombre de commentaires et de mémoires que celle-ci a reçus. Nous voulons demeurer très objectifs et très réalistes durant ce dialogue, car nous croyons qu'il s'agit là de conditions essentielles pour parvenir à de meilleurs résultats.

Cependant, à la 27e année d'existence et de travail pour et auprès des handicapés, nous comprenons très bien l'anxiété, l'agressivité et parfois l'intolérance de plusieurs individus qui, depuis trop longtemps, ont été victimes d'injustice et d'incompréhension de la part d'un trop grand nombre de personnes de notre société. Aussi, nous sollicitons d'avance votre obligeance si, par hasard, nous avions quelques écarts envers ce principe.

M. le Président, nous croyons que... Pardon. Je vais demander à M. Roch Gadreau de vous lire l'introduction de notre mémoire et, par la suite, on pourra expliciter certaines affirmations à l'intérieur de cela.

M. Gadreau (Roch): M. le Président. C'est avec grand plaisir que l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc. a accueilli le projet de loi no 55. Une telle loi était attendue depuis quelques années et nous savons son importance pour la reconnaissance effective des droits de tous les handicapés du Québec. Nous devons féliciter le gouvernement de cette initiative. Cependant, nous avons constaté avec une certaine surprise une similitude étonnante du projet de loi no 55 avec la loi belge instituant le Fonds national de reclassement social des handicapés, loi qui fut établie en 1963.

D'autre part, il faut déplorer le fait qu'il faille une loi spéciale pour faire comprendre à notre société que le handicapé est une personne comme toute autre personne.

Dans une société ouverte comme se dit être la nôtre, une telle loi ne devrait pas être nécessaire, mais c'est malheureusement le cas, aujourd'hui encore, où plus de 50% du handicap d'une per-

sonne n'est pas la déficience physique ou mentale comme telle, mais bien l'attitude des personnes dites normales envers ces handicapés.

La loi actuelle devrait aider à corriger une telle situation. Nous constatons aussi que, depuis 15 ans, le gouvernement a édicté des lois sociales et de santé, loi de l'éducation, loi sur la santé et les services sociaux, loi sur l'hospitalisation, etc., des lois dites universelles, parce que s'appliquant théoriquement à tous.

Mais la pratique démontre que ces lois ne s'appliquent qu'à la moyenne des gens, c'est-à-dire à ceux qui ne sont pas aux extrêmes, à ceux qui ne sont pas des cas difficiles. On oublie ceux qui sont le plus dans le besoin. Mentionnons quelques exemples concrets.

Il y a une loi rendant gratuite la consultation pour santé, mais il y a des marches pour entrer à l'hôpital; les cliniques sont situées dans les deuxièmes étages ou les sous-sols.

On a rendu l'enseignement universel même en créant des classes dites spéciales, mais il ne faut pas que les enfants soient trop spéciaux, parce que personne ne veut leur enseigner.

On a une loi rendant l'hospitalisation gratuite pour tous, mais à la condition que cela ne dépasse pas 90 jours, sinon, c'est la personne hospitalisée qui doit payer.

Ce ne sont que des exemples relevés de la vie courante. Nous espérons grandement que la loi créant l'Office des handicapés permettra enfin aux extrêmes d'avoir les mêmes droits que ceux qui ont de beaux handicaps, ceux qui seront classés aptes à retourner sur le marché du travail, car, ne nous le cachons pas, il y en a qui sont inaptes au reclassement professionnel, il y en a qui ont des handicaps qui ne sont pas beaux, mais ces personnes sont et restent des personnes humaines.

Toutefois, ne nous leurrons pas sur la facilité avec laquelle pourra se faire le retour au travail.

De nombreux obstacles existent dont le taux de chômage élevé qui rend la compétition à l'emploi presque insoutenable pour un handicapé; les blocages pouvant venir des contremaîtres et cadres industriels pour qui la rentabilité de leur service compte avant tout; les tracasseries liées au syndicalisme qui font que l'ancienneté et la capacité de faire toutes les étapes avant d'accéder à des postes plus élevés éliminent presque toute possibilité d'avancement pour un handicapé. Tous ces obstacles font qu'il n'est pas réaliste de penser au retour au travail sans avoir au préalable assuré une adaptation ou une réadaptation sociale et sans une intense et continuelle campagne d'éducation de la société en général.

Si nous n'oublions pas ces vérités, nous saurons communiquer à l'office l'esprit qu'il faut. C'est pourquoi nous proposons aussi dans notre texte qu'il y ait autant de personnes représentant les handicapés qu'il y aura de fonctionnaires, car l'esprit de la loi est entre les mains des personnes qui constituent l'office.

M. Desjardins (Roger): Dans notre représentation sur les particularités de certaines lois qui nous paraissent universelles, mais qui, dans leur application, sont très sélectives, nous avons quelques exemples vécus depuis des années, mais on va se limiter à quelques-uns des plus récents.

J'ai eu, à la fin de la dernière séance de la commission parlementaire, un appel téléphonique de la mère d'une jeune fille handicapée de 18 ans qui s'était inscrite cette année au CEGEP. Pour septembre, il lui a fallu payer $120 de taxi. A ce rythme, cette année, on va s'endetter, dit-elle. Elle s'est adressée à sa commission scolaire. On lui a dit que le transport pour les handicapés, c'est seulement pour le secondaire, et que le CEGEP n'entre pas en ligne de compte.

Elle s'est adressée au ministère de l'Education. On est prêt à lui avancer une bourse de $500. Qui fournira les autres $700 ou $1000 dont elle aura besoin? A la fin de son CEGEP, elle aura encore une dette de $2000 à $3000, sans être trop assurée d'un emploi.

Elle s'est adressée à l'aide sociale. On lui a dit: Votre fille va à l'école. Si elle cesse d'aller à l'école, on va lui donner l'aide sociale, mais si elle va à l'école, elle n'a pas droit à l'aide sociale. Où est le débouché pour cette personne? Quand on parle du transport, c'est un des éléments.

L'éducation est pourtant un service à la disponibilité de tout le monde, mais cette jeune fille, malgré tous les efforts qu'elle doit faire... Durant ce temps, il y a des demandes de transport. Vous avez eu des manifestations au mois de juin. Il y a eu des demandes de faites, entre autres, au ministère des Affaires sociales, par une corporation, les Habitations-Plus. Ils ont écrit à quelques reprises, ils ont téléphoné. On attend encore, aujourd'hui le 5 octobre, un accusé de réception. Pourtant, avec cette offre, le 5 juillet, nous étions prêts à exploiter un service de transport temporaire pour au moins six mois. Je pense que mon ami, Serge, a également sur le plan de l'éducation un autre exemple très vivant de cette particularité que les lois sont universelles, mais semblent dans leur application très sélectives.

M. Leblanc: Depuis huit ans déjà, les paralytiques cérébraux de la région de Saguenay peuvent jouir de cours du soir pour les adultes. Maintenant, cette année, il y a eu une certaine chose. L'éducation permanente accepte de fournir trois professeurs pour environ 45 paralytiques cérébraux. D'un autre côté, le ministère de l'Education, qui s'occupe des prêts et bourses, refuse de donner l'argent pour les bourses qui servent justement à payer le transport dont les paralytiques cérébraux ont besoin. Je ne comprends pas que, depuis huit ans, on a toujours donné l'argent nécessaire pour justement payer le transport et que, cette année, ils arrivent et disent: On ne peut pas le payer. Ils ont même fourni les professeurs. D'un côté, c'est beau et, de l'autre côté, il n'y a rien.

M. Desjardins (Roger): Je pense que vous avez actuellement deux exemples. On pourrait multiplier ces exemples, on en aurait pour la journée. Parfois la moutarde me monte au nez et elle me sort par les oreilles. Vous savez, il y a des institutions pour déficients mentaux qui vont accepter un enfant qui a un quotient de 50 et l'autre institu-

tion, qui devrait être complémentaire, prend 70 et plus. Qu'est-ce qui arrive des gens de 50 à 70? On en a trouvé dans des institutions de déficients mentaux. Par la suite, les psychiatres sont venus les qualifier de déficients mentaux. J'en comprends au bout de trois ou quatre ans. Il y a des exemples. On a des faits vécus. Quand on parle de lois universelles et de pratique sélective, c'est cela qu'on veut dire. Quand on dit qu'on désire, dans notre première suggestion du mémoire, les droits et libertés de la personne handicapée au lieu d'une protection, c'est cela qu'on veut dire. Ils ont droit à l'éducation. Ils ont droit à l'hospitalisation.

Ils ont droit, aussi, aux services sociaux. Ils ont droit à tous les autres services. Ce sont ces droits qu'il faut leur procurer, et ce n'est pas d'une protection qu'ils ont besoin.

Nous pourrions aller vers les éléments les plus importants. Si messieurs les membres de la commission parlementaire désirent avoir des explications additionnelles, nous sommes à leur disposition.

J'ai mentionné le premier élément, les droits. Le deuxième élément est un aspect très important pour notre mémoire. Afin de couvrir tous les types de handicaps, il y aurait lieu que le mot "sensorielle" soit ajouté après "physique" au paragraphe e). Nous désirerions que dans la loi on ne fasse pas simplement allusion soit à des aveugles, ou à des sourds, ou à des paralytiques cérébraux. Il y a des handicapés physiques. Il y a des handicapés mentaux. Il y a des handicapés sensoriels. Cela couvre tous les gens, les aveugles également. On trouve très important que ce soit dans la loi.

Ce paragraphe e) se lirait comme suit: "Personne handicapée": aux fins du chapitre II, toute personne dont la capacité physique, sensorielle ou mentale est affectée, de façon permanente, d'insuffisance ou de diminution et toute personne souffrant d'épilepsie". Je vous lis le texte de loi. Alors on devrait plutôt ajouter tout simplement "sensorielle" au lieu de définir toutes les catégories de handicapés.

A la page 4, la composition de l'office. Pour nous aussi, il est un élément essentiel très important. Nous croyons, pour notre part, que c'est discriminatoire de... A l'article 9, deuxième alinéa, nous constatons que l'office a droit de faire une enquête au nom... Non, ce n'est pas ça. Excusez-moi.

C'est l'amendement d), l'article 15: Dans la composition de l'office, nous croyons qu'il doit y avoir autant de membres représentant les handicapés qu'il y a d'autres membres. De plus, afin de sensibiliser les professionnels aux problèmes auxquels les handicapés font face et les sensibiliser aussi aux besoins concrets des handicapés, nous proposons qu'un membre de l'office des handicapés soit un représentant de l'Office des professions.

On pourrait inclure beaucoup de gens au bureau de l'office si on voulait couvrir toutes les catégories de personnes concernées. On n'a pas voulu détruire ce qui avait été proposé. On préfère laisser les quatre ministères représentés. On dé- sire ajouter l'Office des professions, parce qu'on trouve que c'est une catégorie de la société qui a beaucoup d'influence et d'importance. On voudrait également qu'il y ait autant de membres d'associations de handicapés qui siègent à ce conseil d'administration, pour être capables d'avoir autant d'influence que les fonctionnaires. En fait, c'est une question de pouvoir de décision et d'interpellation. Pour nous, nous trouvons cela extrêmement important.

A la page 7, au paragraphe f), après "corporations municipales et scolaires", à l'article 30, on propose d'ajouter les mots "...les corporations professionnelles" ...également", encore pour sensibiliser cette classe de la société qui a beaucoup d'influence et qui a aussi, je pense, beaucoup de services à rendre aux handicapés.

Quand on pense qu'ici, dans la région de Québec, on n'a aucun bureau de dentistes accessible aux chaises roulantes! Ce serait peut-être aussi un exemple sur les droits aux services de santé et aux services sociaux. Il arrive que le handicapé vient à avoir de très mauvaises dents. On les lui arrache toutes et on lui fait un dentier. C'est le service qu'on leur offre.

Un autre point sur lequel nous désirons attirer votre attention est l'article 57 que l'on mentionne à la page 9. Afin d'éviter que l'office prépare in vitro un plan de reclassement professionnel et social, lequel plan pourrait alors sous-estimer ou surestimer certaines capacités de la personne handicapée, nous recommandons que soit ajoutée, après les mots "...l'office prépare..." l'expression suivante: "...en étroite collaboration avec la personne concernée..." et que soient enlevés les mots "...à son intention".

Ainsi l'article 57, le premier alinéa, se lirait comme suit: "Si le demandeur est déclaré apte à un reclassement professionnel et social, l'office prépare, en étroite collaboration avec lui, un plan de reclassement professionnel pouvant comprendre notamment, selon ses besoins, les éléments suivants...".

Quant à l'article 61, je pourrais peut-être être un peu plus explicite ici et un peu plus long. Je vais essayer d'être bref, mais il y a des messages pour tout le monde là-dedans.

Puisque le plan de reclassement aura été préparé en collaboration avec la personne concernée, il y a lieu, au premier alinéa, après les mots "...reclassement professionnel et social préparé...", d'enlever le mot "...pour..." et ajouter le mot "...avec."

Ainsi le premier alinéa de l'article 61 se lirait comme suit: "Aucune aide matérielle n'est accordée à moins que le demandeur ne prenne, aux conditions prescrites par règlement du lieutenant-gouverneur en Conseil, l'engagement écrit de collaborer à l'exécution du plan de reclassement professionnel et social préparé avec lui par l'Office, de fournir à l'Office tous les renseignements et documents qu'il requiert, le cas échéant, de supporter les frais d'exécution du plan qui sont laissés à sa charge et de respecter les autres conditions prescrites."

Je crois qu'il faut donner l'importance à l'individu, au handicapé, son importance de personne humaine. Si ce n'est pas lui personnellement, ce sera son interprète, son tuteur, mais c'est toujours avec lui qu'il faut travailler, je pense.

Un dernier point très important, notre amendement f à la page 6. Les fonctions et pouvoirs de l'office.

Dans les fonctions et pouvoirs de l'office, nous constatons que seul le reclassement professionnel est pris en considération, sauf à l'article 57 où le reclassement social est mentionné. Nous nous demandons ce qu'il adviendra de tous ces handicapés qui seront classés inaptes au reclassement professionnel et à l'entrée sur le marché du travail. C'est peut-être le reproche qu'on peut faire le plus à ce projet de loi, en fonction d'un marché de travail.

Nous exigeons que ce soit en fonction d'un reclassement social et, possiblement, le marché du travail, parce que ceux qui ne seront pas aptes à cela, ce seront encore des gens à l'écart, comme on vous en a donné des exemples tout à l'heure, au ministère de l'Education, sur les autres projets de loi.

Il est très difficile pour nous ou pour les gens qui ne sont pas habitués à travailler avec les handicapés de se dire: Pourquoi inclure un individu, lui donner certains avantages socialement? Pour avoir travaillé près de 20 ans avec eux, je sais que le handicapé a un autre rôle que la productivité, que l'efficacité. Il a un rôle social à jouer et c'est un rôle qu'on a déjà mentionné depuis longtemps.

Il est la personne la plus concrète qui peut vous faire le message qu'il y a toujours moyen d'aimer la vie, même si la vie est mutilée, même si, alentour, il y a des injustices, même si, alentour, il y a des gens qui ne nous aiment pas. C'est extrêmement important, ce rôle qu'il doit jouer. C'est pour cela qu'il faut le laisser sortir et, pour pouvoir l'habituer à sortir, il faut qu'il y ait du transport, il faut qu'il y ait de l'habitation. Il y a un autre principe, le rôle que peut jouer cet individu. C'est d'aimer la vie avec ses déficiences, à une condition, c'est que les autres partagent avec lui, parce que, lui, il est toujours prêt à partager avec les autres. C'est le rôle social, et cette partie sociale de la loi que nous exigeons, nous trouvons cela extrêmement important. Pour cela — même s'il est en civière — on lui donnera la permission de sortir, d'aller voir des spectacles, de bénéficier de tous les autres avantages des autres êtres humains.

Comme conclusion, notre association n'a pas exprimé son opinion sur l'acceptation ou le rejet de ce projet de loi, car cette responsabilité appartient soit au ministre qui l'a présenté, soit aux membres de l'Assemblée nationale. Nous devons, cependant, exprimer que si ce projet de loi est poursuivi et adopté sans amendement, nous ne serons pas disponibles pour contribuer à l'application d'une telle loi, qui aura trop peu d'utilité pour nos 6000 membres, car nous sommes assurés de son échec pour une très grande majorité des handicapés du Québec.

Cependant, nous demeurons disponibles pour contribuer à son amélioration et nous vous assu- rons de notre entière collaboration pour ce faire, tout en nous réservant le droit d'accepter ou refuser quelque rôle que l'on voudra nous accorder par la suite selon les modifications que l'Assemblée nationale voudra bien y ajouter. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brisson): Merci. M. le ministre.

M. Forget: J'aimerais poser quelques questions relativement à des commentaires détaillés qui sont contenus dans le mémoire, pour clarifier la compréhension que j'ai de ces commentaires. Vous soulignez la nécessité d'inclure le mot "sensorielles" dans la description des catégories de personnes qui peuvent bénéficier de la loi. Etes-vous absolument persuadés que les mots "handicapé physique" n'incluent pas effectivement handicapé sensoriel? Voyez-vous d'autres raisons pour faire cette distinction?

M. Desjardins (Roger): Je pense qu'actuellement, dans les milieux où on travaille, et l'interprétation que l'on fait très souvent dans les différents comités de genres de handicaps, il y a peut-être une séparation qui se fait entre le handicapé mutilé ou d'autres provenances physiques que celles qui sont sensorielles comme telles, comme les sourds et les aveugles, qui ont peut-être beaucoup moins de difficulté à fonctionner sur certains aspects mais qui ont des besoins différents.

M. Forget: La véritable opposition à "sensoriel", c'est "moteur", parce que, quand on dit "physique", on englobe, me semble-t-il...

M. Desjardins (Roger): Mais, si on veut inclure dans la loi les aveugles, pourquoi ne définit-on pas aussi les sourds?

M. Forget: II y a une autre possibilité, c'est d'énumérer tout le monde avec le risque qu'on en oublie. Quand on dit "physique", on parle de tous les handicapés dont la cause du handicap est physique. Les handicapés sensoriels ont une cause physique à leur handicap. Je pense que je saisis votre préoccupation.

M. Desjardins (Roger): Notre but est de couvrir tous les genres de handicaps sans les cataloguer dans la loi.

M. Forget: C'est cela.

M. Desjardins (Roger): C'est beaucoup plus cela.

M. Forget: Vous vous opposez à ce que l'office — c'est le commentaire sur l'article 9 — puisse faire une enquête au nom de la personne handicapée sans avoir son consentement.

A la lumière de ce qui a été dit la semaine dernière en commission, c'est-à-dire une chose qui n'est pas encore absolument confirmée, mais

qui est certainement plausible, ne vous apparaît-il pas dangereux d'éliminer cette possibilité d'intervention d'un office qui n'a pas de raison d'être à moins d'avoir une mission de protection certainement dans des cas comme ceux-là, de lui enlever le droit de demander une enquête ou de faire une enquête au nom de la personne qui peut être victime d'intimidation et qui peut avoir toutes sortes de raisons de ne pas faire la requête elle-même?

M. Desjardins (Roger): Ma réponse est que, quand vous parlez de protection, c'est un droit de se faire entendre et c'est un droit aussi de le protéger et de trouver le mécanisme...

M. Forget: Je comprends, mais qu'est-ce qui arrive si la personne, qui a le droit et qui est la seule à pouvoir mettre en branle son exercice, quand le droit en question est menacé, refuse ou néglige de le faire, par exemple, à cause d'une intimidation dont elle est l'objet? On peut bien dire qu'elle a le droit quand même et tant pis pour elle si elle ne s'en prévaut pas, mais ce n'est pas une grosse consolation, il me semble.

M. Desjardins (Roger): C'est un couteau à deux tranchants aussi, en disant qu'on peut faire l'enquête sans son consentement, il peut y avoir aussi un genre d'intimidation à ce moment-là.

M. Forget: De quelle façon?

M. Desjardins (Roger): En faisant, tout simplement, une enquête sur des faits dont on n'est pas trop sûr...

M. Forget: Ordinairement, quand on fait une enquête, c'est parce qu'on n'est pas trop sûr, mais je vois mal en quoi cela peut porter préjudice à la personne qu'on cherche à protéger, à moins que l'enquête soit malicieuse ou qu'elle soit inspirée par un motif de nuire, mais si c'est cela, il ne faut pas créer d'office pour la protéger ou s'occuper des personnes handicapées. Il faut abolir tout cela.

M. Desjardins (Roger): A ce moment-là, il n'y a pas moyen d'avoir son consentement?

M. Forget: Je vous pose tout simplement la question. A supposer qu'il y ait de l'intimidation, à supposer qu'une personne réussisse à se trouver un emploi. Prenons un cas concret, un emploi dans une entreprise — et je pense que cela s'est trouvé dans le passé, peut-être assez récemment d'ailleurs et on n'a pas de moyen facile d'intervention dans ces cas-là — la loi dit, par ailleurs, que toutes les lois du travail, par exemple, sont également accessibles à une personne qui a un contrat de ce genre, même si elle est en formation, en reclassement, etc. Elle a le droit de se prévaloir de tous les droits, y compris ceux relatifs à l'extension par décret des conventions collectives, d'être payée au même taux que ses compagnons de travail. A supposer que cette personne handicapée ait un emploi et qu'elle ne soit pas effectivement payée à ce taux, mais que, craignant, en se plaignant, de perdre tout simplement son emploi — ce qui est en somme une crainte qu'on pourrait croire réaliste dans certains cas — elle ne fasse aucune plainte, elle ne demande l'intervention de qui que ce soit. Evidemment, si elle ne se plaint pas, aucun des mécanismes des lois habituelles va pouvoir entrer en jeu parce que s'il n'y a pas de plainte, il n'y a pas de cause d'enquête, il n'y a pas de cause d'action.

M. Desjardins (Roger): M. le ministre, c'est la règle pour tout le monde.

M. Forget: Sans doute, c'est la règle pour tout le monde. Mais la question que je pose, c'est: Etant donné les circonstances spéciales qu'on envisage, est-ce qu'il n'y a pas besoin de prévenir des possibilités comme celles auxquelles on a fait allusion en commission, aussi récemment que la semaine dernière?

M. Desjardins (Roger): Même avec le projet de loi, ce n'est pas la fin des associations de handicapés. Ces associations pourront certainement, à un moment donné, servir d'interprète pour le handicapé auprès de l'office et dire: Oui, on va obtenir un consentement du handicapé et vous allez fonctionner. On trouve important, je pense, comme valeur de la personne humaine...

M. Forget: Si vous ne trouvez pas le consentement du handicapé? C'est que vous supposez un peu que le problème n'existe pas dans votre réponse.

M. Desjardins (Roger): C'est le jeu même pour l'individu non handicapé.

M. Forget: Qui a moins de raison de croire qu'il fera l'objet d'intimidation, cependant.

M. Desjardins (Roger): Je vous comprends très bien. Pour avoir travaillé avec des handicapés, je trouve cela insultant pour eux d'être obligés d'accepter une telle limitation. Demandez aux handicapés, ils vont vous dire: Ecoutez, on va essayer de se défendre. Ce sont des droits que nous voulons. Ce n'est pas de la protection.

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, d'ailleurs, si M. le ministre le permet, dans l'article 69, l'association fait une recommandation bien claire, bien précise...

M. Desjardins (Roger): D'accord.

M. Bellemare (Johnson): ... de ne pas avoir à toucher à la Loi du salaire minimum et aux lois des conventions collectives. Comme vous le dites si bien, la loi doit être une loi de protection, d'accord, mais elle ne doit pas être une loi de soumission, et que le handicapé, comme vous le dites dans votre mémoire à l'article 69, doit jouir des mêmes privilèges que tout le monde.

M. Desjardins (Roger): C'est une valorisation de la personne.

M. Bellemare (Johnson): Alors, je pense que vous touchez à la réponse qu'attend le ministre. C'est-à-dire que, si le type ne porte pas plainte, je comprends que, s'il porte plainte parce qu'il ne reçoit pas le salaire minimum, c'est sûr et certain que c'est son droit.

Mais il ne veut pas être astreint à être moins payé qu'un autre, parce que c'est un invalide, parce que c'est un handicapé. Il ne veut pas être soustrait à la Loi du salaire minimum; c'est dans votre recommandation à l'article 69.

Vous suggérez, dans votre article 69 amendé, que l'article 15 de la Loi du salaire minimum soit abrogé, excepté dans les ateliers protégés. Je pense que c'est bien logique, quand on voit que toute la loi vise surtout à protéger les handicapés qu'à les séparer du monde ordinaire.

M. Desjardins (Roger): Depuis 27 ans que nous travaillons pour la revalorisation de la personne handicapée, devant un texte de loi qui présente de la protection, on n'en veut pas. On essaie de le modifier pour qu'il lui donne cette valeur. C'est très difficile pour l'individu, qui n'est pas habitué de travailler avec le handicapé, de penser comme cela. On est porté — j'ai un fils handicapé — à le surprotéger; mais c'est un tort. Il a sa personne humaine, il a le droit. A un moment donné, il nous dit: Arrête de m'achaler!

M. Forget: Est-ce que la conclusion logique de votre position, c'est de n'avoir aucune législation, dans le fond, et aucune mesure spéciale pour les personnes handicapées?

M. Desjardins (Roger): Comme on le mentionne au début de notre mémoire, ce serait idéal, mais c'est un peu utopique. Depuis 27 ans qu'on travaille là-dedans, on a cité des lois tout à l'heure, les lois de transport, d'éducation et, veux ou ne veux pas, c'est comme cela. Ce qu'on désire, on désire que ce soit là, mais que ce soit universel. Au moins, que celle-là soit revalorisante; au moins, que celle-là permette à l'individu handicapé de jouer son rôle, comme je l'ai dit tout à l'heure, de prouver que la vie, il faut l'aimer, qu'elle soit mutilée, qu'elle soit parmi des gens injustes autour de nous.

Simplement jouer ce rôle, c'est très valorisant. Probablement que les syndicats, quand ils négocient des contrats de travail, seraient peut-être plus conciliants. Les patrons seraient peut-être moins égoïstes quand ils font des prix. Peut-être que les professionnels seraient plus consciencieux. Peut-être que les gens de l'Opposition regarderaient les gens du parti au pouvoir d'une autre façon. Les gens au pouvoir regarderaient les administrés d'une autre façon.

C'est le rôle des handicapés. C'est beau d'aimer la vie? Demandez-leur, ils vont être capables de donner leur opinion sur l'avortement et sur l'euthanasie. Mais aussi, ce qui est encore complémentaire à cela, ils vont vous prouver que c'est beau, pour autant qu'on puisse la partager avec eux, parce qu'eux, ils sont prêts à la partager avec vous.

C'est tout le sens. Quand nous parlons du rôle social du handicapé, c'est cela. C'est cela que j'ai vécu depuis 20 ans. C'est par ce moyen qu'on désire faire jouer ce rôle. Ce n'est pas un rôle dévalorisant, loin de là. Ce n'est pas un rôle uniquement sur le marché du travail. Il a autre chose à faire que cela, cet individu. Il est capable de faire beaucoup mieux que cela, quelque chose qui soit beaucoup plus valorisant pour notre société.

Lorsqu'on a vu, il y a quelques mois, un type, avec ses deux jambes, sauter sept pieds et quelques pouces, qu'on dépense des sommes que j'aime autant ne pas mentionner et que, quelques semaines plus tard, un unijambiste a fait le même exploit, qui est le héros?

Tous les jours nous vivons ces exploits dans nos familles de handicapés et dans nos associations.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, j'ai exprimé l'avis, au début des séances la semaine dernière, que la loi nous apparaissait, à tout le moins, en signalant notre disponibilité pour entendre ces commentaires, gravement incomplète. Le témoignage qui nous est donné ce matin par l'Association de paralysie cérébrale va, sans aucun doute, à plusieurs endroits, nous aider à la compléter. Je pense que vous nous donnez la chance, par un certain nombre de recommandations, de faire vraiment une meilleure loi. Elles mériteront, à plusieurs endroits, d'être retenues.

Pour être bien sûr que nous pourrons, par la suite, reprendre un certain nombre de vos suggestions et les défendre, à notre tour, lorsque viendra le temps de faire la loi dans son texte final, j'aimerais avoir, de votre part, des éclaircissements sur un certain nombre d'éléments que vous apportez.

Je souligne cette insistance que vous mettez — à plusieurs endroits, vous nous suggérez l'amendement — d'ajouter, après "reclassement professionnel", "et social". Je pense que j'ai' compris, comme je partage aussi la philosophie de cette attitude. Ce n'est donc pas à cause de cela, même si j'aimerais vous entendre encore le décrire, que je veux vous demander la raison de cet amendement.

Je veux vous demander par contre, comment, concrètement, le fait d'ajouter dans la loi "et social" ajouterait au mandat de l'office, au devoir de l'office. Si, par exemple, demain matin, nous adoptions votre amendement, c'est-à-dire en en partageant la philosophie, que nous travaillions ensemble au reclassement, que nous voulions avoir une institution, ici au Québec, qui travaille au reclassement professionnel et social de la personne handicapée, qu'est-ce que cela voudrait dire comme ouvrage qu'on vient de leur donner en ajoutant ce mot?

Vous avez fait allusion, tantôt, à la vie sociale des handicapés et à leur possibilité d'accès, par

exemple, aux différentes manifestations culturelles que n'importe quel citoyen peut connaître. Voulez-vous dire, par cet exemple, que l'office devrait non seulement travailler à remettre quelqu'un sur le marché du travail, le plus concrètement possible, mais aussi travailler, conjointement avec différentes sociétés ou différents groupes de la collectivité québécoise, pour atteindre aussi la plénitude des droits sur le plan social pour la personne handicapée? Que voulez-vous dire, concrètement, par "et social"?

M. Oesjardins (Roger): A la lecture du projet de loi, l'essence de nos recommandations est que les handicapés contrôlent une certaine part de l'office, parce qu'ils sont à 50% au bureau de direction. A partir de là, il y a beaucoup d'interprétations de certains articles qui peuvent être appliquées d'une façon ou d'une autre. Je sais que dans certains mémoires on appréhende le fait qu'on ne dit pas qu'il y a des bureaux régionaux. Cela ne me fait pas peur, quand je sais que j'aurai sept handicapés et qu'il y a un article qui dit que le conseil d'administration se donnera les pouvoirs, les structures qu'il voudra. La Régie des rentes a des bureaux régionaux; l'assurance-maladie n'a pas de bureaux régionaux. Mais l'office pourra avoir soit l'un ou l'autre. On va se donner à l'intérieur... Le conseil d'administration a du moins interprété beaucoup de choses là-dessus. Quand je parle d'aller chercher la valorisation sociale, vous avez un autre article qui dit que l'office a le pouvoir de former des comités, de s'ajouter des techniciens et des professionnels, d'aller auprès des autres ministères et d'influencer; c'est son rôle.

On aurait pu ajouter, à ce sujet, le ministère des Affaires sociales et le ministère des Affaires culturelles. On aurait un bureau de direction de trente personnes et on n'en aurait peut-être pas assez de tout ce monde; mais il y a, dans votre loi un article qui dit que le rôle de l'office sera d'aller chercher et d'essayer d'influencer la Société d'habitation, les municipalités et les autres organismes de la couche de la société.

J'espère que les sept représentants qui seront au moins majoritaires à notre conseil d'administration, joueront leur vrai rôle, par exemple, et insisteront auprès des autres fonctionnaires pour aller chercher ce dont on a besoin pour le transport, l'hébergement, etc. Est-ce que cela répond à votre question, M. Charron?

M. Charron: D'accord. Je voudrais, en terminant, M. le Président, mettre en exergue une recommandation de l'association qui m'apparaît extrêmement importante. Je ne pense pas que vous ayez à revenir là-dessus, puisque vous l'avez clairement indiquée lorsque vous l'avez présentée. J'attire l'attention des membres de la commission sur cette suggestion, celle faite à l'article 57, qui m'apparaît tout porter ce que nous pouvons souhaiter pour faire la meilleure loi possible, que "l'Office prépare" — c'est leur suggestion — "en étroire collaboration avec la personne concernée".

Je pense très sincèrement que si nous devions adopter une loi qui ne comporterait pas cet amendement, nous n'aurions pas fait une bonne loi.

Le premier endroit où la valorisation de la personne handicapée doit se faire, c'est lorsqu'on la considère apte d'elle-même à travailler à s'édifier, conjointement avec des gens payés par la collectivité pour l'aider à faire respecter ses droits, apte à décider elle-même de son chemin. Je pense que l'adoption d'un tel amendement pourra peut-être compliquer les choses sur le plan bureaucratique, et de là viendra peut-être l'inquiétude du ministère des Affaires sociales. C'est vrai qu'on complique peut-être, sur le plan bureaucratique, en acceptant votre amendement, le fonctionnement de la loi. C'est toujours plus facile pour l'office de préparer à l'intention d'une personne un plan de carrière ou un plan de vie ou un plan de réadaptation ou de reclassement professionnel et social. Cela va toujours mieux quand on le fait dans les officines de Québec ou dans les officines de n'importe quel bureau que d'aller avec une personne, de discuter avec elle, de connaître ses goûts, de connaître ses aptitudes. Cela ne nous donne rien de préparer un plan de reclassement professionnel qui n'intéresse pas la personne et l'intérêt à la profession est important. Je suis intéressé à la mienne, j'en suis heureux, mais je connais tellement de gens qui ne sont pas intéressés, qui font une "job" qu'ils n'aiment pas. Ces personnes ont sans doute le droit, adultes, de donner leur avis. Il faut considérer, autrement dit, l'office comme un appoint plutôt que comme un définisseur à la place de la personne handicapée. Je veux vous dire, en remerciant de son mémoire, M. Desjardins et ceux qui l'accompagnent, que nous prenons à notre compte, pour le moment et jusqu'à l'adoption de la loi, cet amendement à l'article 57.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Je pense que votre mémoire, ce matin, reflète l'idée de bien d'autres qu'on a entendus depuis quelques jours. Mais, particulièrement, il y a un monsieur, Mario Bolduc, qui a travaillé d'une manière toute spéciale au ministère des Affaires sociales pour la planification — comme il dit, au moment où il travaillait encore à titre de professionnel pour la direction de la planification du ministère des Affaires sociales — qui a écrit ce matin, dans un journal qu'on appelle le Soleil, un article assez sensationnel que je vous invite à lire, qui donne exactement le point de vue de l'Opposition officielle et de l'Opposition que je représente sur le projet de loi sur la protection des personnes handicapées. C'est ce qui risque de ne pas être dit dans la loi qui fait aujourd'hui tant de tapage et qui est contenu dans presque tous les mémoires. Il donne là des aspects particuliers que vous exposez vous-même dans votre mémoire ce matin.

Je suis content de voir que vous rencontrez plusieurs de ces idées, par exemple, en ce qui

concerne la Société d'habitation, les logements à prix modique pour les handicapés, les moyens de transport pour pénétrer dans les édifices publics. Cela fait trois ans que c'est devant le ministère du Travail; on veut obtenir des facilités d'accès aux différents bureaux, aux différents services et rien n'a été fait encore. Ce n'est pas dans la loi que l'on retrouve cela. D'ailleurs, il dit que, lorsque l'on forme un office, on le fait trop bureaucratique et qu'à ce moment on risque de ne pas entendre la voix de ceux qui doivent être entendus. C'est cela qui est important, je pense. On la fait pour qui, cette loi? Est-ce qu'on la fait pour les ministres? Est-ce qu'on la fait pour les fonctionnaires, ou si on la fait pour les handicapés? Ce sont eux qui doivent avoir la prépondérance, qui doivent avoir au chapitre la voix la plus forte pour dire à ces messieurs, qui sont les représentants des différents ministères, ce que véritablement on doit appliquer dans leur cas pour ne pas en faire des hommes et des femmes de seconde zone. Ces gens méritent d'être traités aujourd'hui avec autant de facilité, selon les dispositions de la loi et particulièrement les montants qu'on y dépense, que les gens ordinaires. Vous l'exposez dans votre mémoire au préambule et vous dites que vous ne voulez pas être une catégorie à part. Il ne faudrait pas, non plus, que la loi consacre les handicapés comme une catégorie à part. Je pense que, si l'office est constitué de quatre fonctionnaires, de quatre représentants des handicapés, ce n'est pas véritablement ce que vous recherchez.

Dans un autre ordre d'idées, j'aurais seulement une question à vous poser. Est-ce que vous n'auriez pas en main, vous ou d'autres personnes qui vont venir déposer des mémoires aujourd'hui, certaines statistiques au sujet du placement qui a pu être fait par vos organismes pendant les cinq dernières années? Par exemple, quand il s'agit de la paralysie cérébrale, vous dites: Dans notre association — on vit depuis 20 ans — dans 20 ans, on a réussi à placer trois personnes par année, cinq personnes par année. Un autre viendra nous dire: Nous autres... Dans un mémoire que nous avons entendu la semaine dernière, quelqu'un nous recommandait que les industries engagent deux handicapés sur 100 nouveaux employés. Mais quelles sont les véritables statistiques que vous pourriez nous fournir? Vous avez un paragraphe, à la page 2, qui dit: Toutefois, ne nous leurrons pas sur la facilité avec laquelle pourra se faire le retour au travail. De nombreux obstacles existent, dont le taux de chômage élevé qui rend la concurrence à l'emploi presque insoutenable pour un handicapé.

Cela veut nous dire que les blocages peuvent venir de toutes sortes de choses, des contremaîtres, des cadres, des industriels ou autres; le rendement est très faible. J'aimerais entendre, de votre part, M. Roger Desjardins, une statistique, peut-être pas juste, mais approximative. Dire: Nous, dans le passé, avec les moyens du bord, sans la loi, on a réussi, au point de vue du placement, à trouver de l'emploi à peu près à deux, trois ou quatre personnes par année.

M. Desjardins (Roger): Je suis très heureux, M. Bellemare, que vous me posiez cette question.

Je désire, cependant, avant d'y répondre, vous rappeler que le 20 mai 1974 notre association a présenté un mémoire qui s'appelle "Urgence 144", dont j'ai un exemplaire ici, qui exposait complètement, d'une façon très exhaustive, toute la problématique des paralytiques cérébraux. Le ministre, depuis ce temps, a répondu favorablement, pour deux régions, aux solutions que nous exposions là-dedans, quoique nous attendons encore des résultats concrets. Les mécanismes sont en branle, et tout ça.

Sur l'aspect du placement au travail, il faudrait comprendre que notre association est une association pour faire le dépistage, l'inventaire des besoins, l'inventaire des ressources et promouvoir des programmes pour la réadaptation du handicapé. Notre but n'est pas de l'insérer sur le marché du travail comme tel.

Dans les paralytiques cérébraux, il y en a quelques-uns. Ils sont très peu nombreux. On mentionne à la fin du mémoire qu'actuellement on pense très difficile de mettre sur le marché du travail des paralytiques cérébraux, les moyennement ou sévèrement atteints. C'est une maladie qui n'est pas évolutive, mais qui est permanente. Il n'y a rien qu'on puisse ajouter là-dessus.

M. Bellemare (Johnson): M. Desjardins, il serait plus possible de fonctionner au sein d'un groupe qu'individuellement, au point de vue du placement.

M. Desjardins (Roger): C'est tout un ensemble...

M. Bellemare (Johnson): Oui, j'ai compris ça, et je vous ai très bien saisi. Je cherche une statistique par exemple. A la fin du mémoire, on dit que c'est très difficile de réadapter au travail cette catégorie de la paralysie cérébrale. D'accord! Je le comprends facilement, mais dans un cas comme celui-là, après 20 années de fonctionnement, vous, personnellement, vous pouvez nous dire: Ecoutez! C'est vrai que c'est difficile. Mais la loi va-t-elle véritablement vous aider au point de vue du retour au travail?

M. Desjardins (Roger): Pour ceux qui le seront, d'accord, mais...

M. Bellemare (Johnson): Mais avec votre expérience et avec ce qu'on vous offre aujourd'hui...

M. Desjardins (Roger): Oui.

M. Bellemare (Johnson): ... est-ce que ça peut améliorer votre situation, oui ou non?

M. Desjardins (Roger): Cela va améliorer la situation d'à peu près 10% des paralytiques cérébraux seulement. 90%...

M. Bellemare (Johnson): Au point de vue du travail ou du traitement, de la protection?

M. Desjardins (Roger): Du travail.

M. Bellemare (Johnson): Du travail.

M. Desjardins (Roger): Oui. C'est pour ça qu'on...

M. Bellemare (Johnson): Les 10%, c'est sur cinq ou six par année qui retournent au travail.

M. Desjardins (Roger): C'est ça.

M. Bellemare (Johnson): Alors, 10%, ça ne représentera pas énormément.

M. Desjardins (Roger): Pas énormément.

M. Bellemare (Johnson): D'après vous, la loi, elle-même, est-ce qu'elle est bonne? Vous avez dit tout à l'heure que vous pouviez vous en passer.

M. Desjardins (Roger): Si on parle...

M. Bellemare (Johnson): Je trouve ça bien fort.

M. Desjardins (Roger): Oui.

M. Bellemare (Johnson): Lorsque vous avez dit que vous étiez capable de vous en passer, j'allais vous dire: Ecoutez. N'allez pas trop fort parce qu'il y a des choses extraordinairement bonnes dans la loi qui sont un progrès très sensible sur ce qui existe, sans traiter en subalternes les handicapés.

M. Desjardins (Roger): II y a également des choses négatives. Sur le plan principe, quand on dit une protection, nos membres ne veulent pas cela. Demandez-leur, aux handicapés, et ils vont vous dire: Nous ne voulons pas de protection.

M. Bellemare (Johnson): Vous ne voulez pas de la loi.

M. Desjardins (Roger): On veut des droits et des libertés, la reconnaissance des droits et des libertés, mais on ne veut pas une loi qui a un principe de protection.

M. Bellemare (Johnson): ... des droits qui seraient dirigés par l'office, en somme.

M. Desjardins (Roger): Si, à l'intérieur de l'office, il y a autant d'handicapés que de techniciens ou de bureaucrates, je pense qu'on va pouvoir travailler, faire quelque chose.

M. Bellemare (Johnson): Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Brisson): Le député de Lafontaine.

M. Léger: J'aurais seulement une question d'ordre pratique au ministre sur un événement survenu dernièrement dans le comté de Lafontaine concernant le problème des foyers d'accueil et des handicapés qui passent par une période de transition.

M. Forget: On voit l'heure qui avance rapidement et on a plus ou moins donné une promesse à un groupe qui ne pourra pas être ici cet après-midi de se faire entendre. Avant de lier le débat entre les membres de la commission — évidemment, on aura plusieurs occasions de le faire et le je ferai avec beaucoup de plaisir — j'aimerais peut-être qu'on consacre le temps le plus possible à entendre les invités parce qu'il y en a qui vont peut-être être obligés de quitter avant qu'on les ait entendus.

M. Léger: D'accord. En autant que nous aurons l'occasion de discuter à nouveau avec le ministre à ce sujet...

M. Forget: Cela ne manquera pas. M. Léger: ... je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Brisson): Lors de l'étude de la loi, article par article.

M. Léger: A la première occasion. C'est un problème plus urgent que cela.

Le Président (M. Brisson): Le député de Taschereau.

M. Bonnier: J'aurais simplement une précision à demander à M. Desjardins. Si on comprend bien votre message, vous dites que, dans l'évolution de notre société, il y a eu différentes attitudes vis-à-vis des gens qui n'étaient pas tout à fait semblables, soit dans leur comportement, soit dans leurs attitudes, soit au niveau physique, au reste des personnes. Il y a eu une tendance, dans notre société à traiter ces gens d'une façon différente, on a même bâti des institutions pour ces personnes. Je pense que votre plaidoyer, ce matin, est vers une philosophie ou une approche différente, qui est tout à fait conséquente, d'ailleurs, avec l'évolution de la société, de la connaissance des sciences humaines..

Cela résumerait-il bien votre pensée si, hypo-thétiquement, cette loi, au lieu de s'appeler Loi sur la protection des personnes handicapées, s'appelait, Loi sur l'intégration des handicapés dans la société? Cela résumerait-il bien...? Quoique je dois dire que tout dépend de ce qu'on veut dire par protection, mais je pense bien que les gens qui ont réfléchi à cette loi se sont dit qu'il est temps de faire quelque chose de spécifique au bénéfice de. Mais vous venez de nous dire: Oui, c'est bien. Cela ne veut pas dire que c'était mauvais. Vous avez dit: C'est bien, mais ce n'est pas tout à fait juste. Si on parlait beaucoup plus d'intégration que de protection, cela serait-il, en résumé, votre philosophie de base?

M. Desjardins (Roger): Je pense que lorsqu'on parle de la reconnaissance des droits et libertés, vous allez faire l'intégration d'une façon automatique. C'est le titre que l'on propose.

M. Bonnier: Si on changeait tous les mots de protection par intégration, cela pourrait correspondre à vos préoccupations.

M. Desjardins (Roger): La reconnaissance des droits et des libertés de la personne handicapée.

M. Bonnier: Merci.

Le Président (M. Brisson): C'est terminé? Alors, je vous remercie messieurs.

M. Desjardins (Roger): Merci.

Le Président (M. Brisson): J'appellerais maintenant M. Pierre Paradis, directeur général du Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle.

M. Paradis, nous devrons terminer votre exposé et la période de questions pour 12 h 30. D'accord?

Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle

M. Paradis (Pierre): M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, M. Forget, M. Charron, MM. les membres de la commission parlementaire, j'aimerais d'abord vous présenter les personnes qui ont travaillé au mémoire. D'abord, M. André Thériault, psycho-éducateur et coordonnateur de l'enfance inadaptée à la Commission scolaire régionale du Grand-Portage, à Rivière-du-Loup, le président de notre organisme; Mlle Andrée Guil-beault, professeur spécialisé en déficience mentale à la Commission scolaire Jérome-LeRoyer, à Montréal; M. Jean-Pierre Cartier, docteur en chimie, professeur-chercheur au département de chimie de l'Université du Québec, à Montréal; il est accompagné de son chien-guide leader, Lobo; M. André Cloutier, psychologue au département de psychologie de l'Université du Québec à Trois-Rivières; M. Emilio Francescucci, orthopédagogue, agent de stage industriel à la Commission des écoles catholiques de Montréal; ce dernier travaille auprès d'adolescents aux prises avec un handicap physique.

J'aimerais d'abord vous présenter M. Thériault, notre président, qui va rapidement vous donner un aperçu de notre organisme. M. Thériault.

M. Thériault (André): M. le Président, d'abord, un merci très bref et quand même complet d'avoir accepté de nous entendre et aussi d'avoir acquiescé à notre demande d'être entendus au début, afin de permettre à mes confrères de pouvoir accomplir, en fin d'après-midi, leurs obligations professionnelles. Merci aussi aux autres groupes qui ont bien voulu nous céder leur tour.

Je vais, très rapidement, vous donner un aperçu de ce qu'est le Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle. C'est un organisme professionnel et scientifique qui regroupe au-delà de 1750 professionnels de toutes disciplines. Le but que l'on poursuit est de favoriser le mieux-être individuel et collectif des exceptionnels. Nos objec- tifs, tels qu'ils ont été définis en 1963, sont d'abord le perfectionnement des membres et autres professionnels travaillant auprès des exceptionnels, la sensibilisation de la société, la définition des normes professionnelles en éducation spéciale, la prévention et, rajoutés en 1971, l'étude des législations et recommandations aux autorités, l'identification de besoins et de pistes de recherche.

Le Conseil du Québec, communément appelé CQEE, donne une série de divisions par secteur d'intérêt. Par exemple, on a la division sur les handicaps de la vue, la division sur les handicaps physiques et la division sur la débilité mentale. D'ailleurs, les présidents de chacune de ces trois divisions sont avec moi et vous donneront une partie de notre mémoire tout à l'heure. Nous avons aussi la division d'apprentissage et motricité. Dans les autres services, nous avons la revue L'enfantexceptionnel qui paraît tous les trois mois, différentes publications de documents scientifiques et de bulletins d'information, les journées scientifiques que l'on tient chaque année et un congrès annuel regroupant plus de 3000 participants, en réalité, c'est de 3000 à 4000 participants. Nos deux plus grandes caractéristiques sont la pluridisciplinarité des membres et le bénévolat de chacun des membres qui oeuvrent au sein du conseil.

M. Paradis: La procédure, M. le Président, est tout simplement de sortir dans un style télégraphique les mots clés qui ont présidé à la rédaction de notre mémoire et très rapidement de souligner quelle est notre position sur chacun de ces mots. Nous avons d'abord des considérations d'ordre général et ensuite des considérations un peu plus spécifiques.

M. Gauthier (André): A l'intérieur des considérations davantage générales, on s'arrête d'abord à la terminologie. La lecture de certains termes à l'intérieur du texte de loi nous a étonnés. Parmi ceux-ci, nous retrouvons des termes comme "protection, handicapé, atelier protégé, enregistrement, reclassement, etc." qui sont des termes qui contribuent à asseoir définitivement les effets d'une infortune déjà profondément ressentie et vécue. Il n'est pas nécessaire qu'elle soit législativement consacrée. Nous aurions attendu du ministère qu'il utilise des termes moins négatifs et plus constructifs. J'invite les membres de la commission à parcourir le mémoire qui donne plus de détails, qui s'arrête davantage sur certains termes précis.

Dans un deuxième volet, on retient le phénomène de discrimination, qui se divise en trois parties. D'abord, on s'arrête à l'article 46, paragraphe c), qui veut qu'on situe, qu'on essaie de déterminer le niveau de handicap d'un individu à partir des chiffres de 20% et 30%. Il nous apparaît alléatoire et arbitraire de prétendre, par exemple, pouvoir déterminer ce qu'est une diminution de 20% d'un fonctionnement intellectuel. Au niveau de l'amplitude des mouvements, je pense que c'est possible de déterminer une perte de 20% ou de 30%, mais au niveau d'une diminution des aptitu-

des intellectuelles c'est une autre histoire. Un déficient profond de 40 de quotient intellectuel peut fonctionner à 100% de son quotient. Comment y arrive-t-il? On pourra y revenir si c'est à propos.

Deuxièmement, il ne nous est pas apparu évident, dans le texte de loi, que les enfants pourraient être considérés comme des bénéficiaires autant que les adultes.

Troisièmement, la loi semble vouloir maintenir les classes de privilège parmi les bénéficiaires. En effet, on retrouve dans le texte de loi des considérations particulières pour les handicapés de la vue quant au logement, au transport et au niveau des endroits publics, des choses du genre, alors que, pour un handicapé moteur, il n'y a aucune considération du même ordre qui soit contenue dans la loi. Très souvent, par rapport aux handicapés moteurs, ces modifications à apporter, soit au logement ou autres, sont mineures et peuvent assurer un accès permanent et définitif. Un répertoire de ces logements, édifices, moyens de transport pourrait être publié. L'Etat doit prendre l'initiative et uniformiser les droits de tous les handicapés permanents et temporaires sans restriction. En effet, il est inconvenant que l'on doive être aux prises avec un handicap permanent pour avoir des droits. La personne avec un handicap temporaire a aussi des droits.

Troisièmement, on s'arrête sur le problème ou le phénomène de l'accréditation. Il faut reconnaître les intentions positives du ministères des Affaires sociales et applaudir ses désirs d'intervention dans l'accréditation des associations, dans ses appuis aux centres d'avancement personnel par le travail, c'est un terme qu'on a utilisé plutôt qu'atelier protégé, parce que nous nous demandons si, dans le terme d'atelier protégé, c'est le handicapé qui est protégé ou la société.

Nous aurions aimé, cependant, une attitude plus ferme dans les critères de reconnaissance et de contrôle des organismes qui s'occupent des personnes aux prises avec un handicap. Dans ce secteur, il y a foisonnement d'associations qui se préoccupent de ces personnes. Le Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle aimerait voir des règlements sévères sur l'accréditation des organismes, sur les levées de fonds et sur l'administration rationnelle de ces fonds.

Finalement, on retient le terme de l'agrément. Dans l'agrément des centres d'avancement personnel par le travail, encore une fois l'atelier protégé, nous aurions aimé des mesures strictes et sévères concernant l'exploitation qui est faite des travailleurs dans ces centres par les compagnies et autres commerçants.

Par contre, il faut peut-être éviter la prolifération systématique des centres d'avancement personnel par le travail, les ateliers protégés, et inviter les employeurs, les syndicats à se pencher volontairement sur ces cas. Ils ont aussi une responsabilité civile. Cet aspect de la loi sera débattu plus longuement ultérieurement.

M. Paradis: A l'article libre choix, M. Cartier. M. Cartier (Jean-Pierre): M. le Président, dans les considérations générales que j'ai pu tirer de la lecture du projet de loi, je me suis trouvé à faire certaines remarques qui peuvent être exclues dans l'application qu'on fera de cette loi.

Evidemment, cela touche le libre chox, surtout d'un chien-guide. Il y a une possibilité de différents choix de chiens-guides venant de différentes écoles accréditées qui sont aux Etats-Unis, puisqu'il n'y en a pas encore au Québec et au Canada.

En second lieu, j'aimerais souligner quelques endroits où il faudrait être attentifs dans l'application de cette loi, à cause du caractère de marginalisation qui peut s'imposer d'une façon facile et qui a existé d'une façon assez forte et avant la parution du projet de loi, que j'ai eu à contourner pour essayer de me faire une place au soleil comme citoyen à part entière.

Comme on l'a souligné dans l'intervention précédente, où M. Bellemare a répondu avec le brio de parlementariste qu'il a si bien acquis, les mots assujettissement, protection accroissent le caractère de protection de la loi et créent une difficulté qui peut mettre un accent encore sur la marginalisation. On a dit à mon sujet, à une certaine époque, que je refusais le ghetto. Cela se produisait dans le passé. J'espère que la loi va nous permettre de sortir d'un système que je considère, évidemment, indigne de la civilisation dans laquelle nous essayons d'évoluer.

Ensuite, il y a un autre trait caractéristique qui m'a frappé. C'est celui des professionnels de la santé. La remarque que je me suis faite à moi-même et que je vous fais, M. le Président, c'est que les professionnels de la santé ne sont pas nécessairement des professionnels des handicaps.

Là encore, il faut tâcher d'avoir des gens qui vont travailler, au moins dans l'esprit que veut avoir la loi, au développement de ces gens qui ont à fonctionner avec un handicap et à se faire reconnaître comme des citoyens à part entière, avec des droits et devoirs. Merci.

M. Paradis: A l'article sur la terminologie, on aura remarqué, sans doute, le lapsus de l'éditeur, probablement, qui dit, à l'article 68, que la personne sera "handicaptée".

Maintenant, M. Francescucci nous parlera sur le droit au travail.

M. Francescucci (Emilio): M. le Président, si vous le permettez, à la fin de mon exposé, je vais vous donner de nombreuses statistiques qui pourraient répondre à la question que M. Bellemare posait dans la section précédente. Je répondrai à la fin de mon exposé.

D'abord, j'aimerais faire une remarque. Je ne refuse pas la loi, seulement un aspect, soit la composition de l'office. D'après le projet de loi 55, l'Office de la protection des personnes handicapées semble devenir un gouvernement marginal pour une société marginale. Pourquoi vouloir créer une structure en dehors de chacun des ministères, au lieu de spécialiser les services de ces ministères pour en faciliter l'accès?

Dans la composition des membres de l'office,

quatre ministères délèguent chacun un représentant. A notre avis, si le gouvernement désire vraiment éviter la marginalisation de ces personnes, il demandera à l'office de déléguer des représentants au sein de chaque ministère, afin d'obtenir des législations et des services favorables à l'insertion ou à la réinsertion sociale de ces personnes.

J'aimerais également m'adresser au ministre du Travail — je ne sais pas s'il est parmi nous — étant donné qu'il y a un chapitre important du projet de loi qui traite du travail.

La législation du travail élaborée depuis quelques décennies ne contient aucune modification susceptible de définir le statut de la personne aux prises avec un handicap, face au monde du travail. Aucune disposition n'a été prévue au Code du travail pour reconnaître le droit au travail de ces personnes, alors que la Loi du ministère de l'Education assure le droit de ces personnes à l'éducation, ceci au chapitre 233, sans égard au handicap.

Cette absence de législation de la part du ministre du Travail crée d'énormes obstacles dans l'obtention d'un emploi pour les personnes aux prises avec un handicap. Il serait à propos de se demander pourquoi ces personnes ont de la difficulté à se trouver un emploi. Est-ce l'absence d'information? Est-ce l'indifférence des employeurs? Est-ce l'indifférence des syndicats ou du gouvernement?

Certes, tous ces facteurs y contribuent et, à titre d'exemple, nous pouvons mentionner les conventions collectives. Chaque demande d'emploi doit être négociée entre le syndicat et l'employeur, puisque les fonctions relativement faciles et adaptées aux possibilités de ces personnes sont revendiquées par le syndicat qui s'appuie sur la clause d'ancienneté.

Nous pouvons également parler des caisses de retraite. Les personnes aux prises avec un handicap représentent, d'après certains employeurs, un grand risque concernant la clause d'invalidité.

Nous pouvons également parler des avantages sociaux, des compagnies d'assurance aussi qui prétendent qu'un handicap peut s'aggraver avec les années; aussi des examens médicaux dans l'affichage des postes où on requiert une intégrité physique au lieu d'un état de santé jugé satisfaisant et compatible avec l'emploi demandé. Aussi, l'absence de perspectives d'embauche au terme des études secondaires diminue la motivation des professeurs et des étudiants. En effet, les professeurs et les étudiants se demandent pourquoi tant d'efforts, puisque, à 18 ans, en sortant de l'école, nous sommes devant le vide.

C'est pourquoi nous faisons les recommandations suivantes: On aimerait une loi qui consacre le droit au travail de la personne sans aucune discrimination à l'égard du handicap, mais seulement en fonction d'une aptitude au travail; des dispositions législatives qui stipulent, quelles que soient les conventions collectives en vigueur, qu'il n'y ait pas d'obstacle à l'embauche et que les fonctions de travail adaptées aux possibilités de ces personnes ne soient pas la cause de griefs de la part des autres employeurs ou du syndicat.

Aussi, on aimerait voir diversifiés et adaptés les services de la Commission des accidents du travail pour accueillir les personnes aux prises avec un handicap autre que celui qui provient d'un accident du travail.

On aimerait aussi voir un centre de référence multidisciplinaire autorisé à émettre des certificats d'aptitude au travail sans égard à la scolarité des personnes concernées.

On aimerait aussi trouver des emplois réservés dans la fonction publique pour que le gouvernement puisse prendre le leadership dans l'accessibilité aux emplois pour ces personnes et donner en même temps l'exemple aux entreprises privées. On aimerait aussi que des subventions aux salaires soient accordées pour obtenir au moins le salaire minimum durant la période de réadaptation.

On aimerait aussi voir subventionner les entreprises privées au lieu des ateliers protégés pour l'adaptation, par exemple, des postes de travail, s'il doit y avoir modification des outils, de la machinerie, et inciter en même temps les entreprises à prendre leurs responsabilités.

Que représente le travail pour ces personnes? Nous vivons dans une société fondamentalement orientée vers le travail, dans laquelle l'habileté exercée d'un travail rémunéré est une condition essentielle à la pleine citoyenneté et surtout à l'indépendance.

Le travail sert généralement d'indice de la valeur de l'individu, de son intelligence, de son niveau socio-économique. Devant cette importante valorisation du travail par la société, les personnes aux prises avec un handicap et, de ce fait, exclues du marché du travail, ne peuvent que se sentir rejetées. Les répercussions psychologiques d'une telle situation peuvent être néfastes ou compromettre sérieusement l'intégration complète à une vie normale.

L'accès au travail contribue à diminuer cette anxiété et aide les personnes à atteindre les sentiments de dignité humaine.

Dans cette optique, le travail est considéré comme le but ultime de la réhabilitation. Dans l'exercice de mes fonctions de travail, je dois m'occuper de placer en stage des étudiants aux prises avec un handicap physique. Lors d'une première séance, je leur ai demandé: Pourquoi voulez-vous travailler? La réponse que j'ai eue d'un adolescent a été: Parce que je veux devenir comme tout le monde. Donc, ici, il s'agit bien que le droit au travail, c'est aussi le droit à une vie bien remplie. Merci.

Si vous me permettez, ultérieurement, j'aimerais répondre à M. Bellemare. Etant donné que je travaille depuis une dizaine d'années dans une école où on dispense des services d'éducation à des enfants qui ont un handicap physique, et devant aussi le problème qu'il n'y avait aucun débouché, avec un comité de parents, nous avons mis sur pied des comités dits d'ateliers protégés. Pourquoi va-t-on mettre sur pied les comités d'atelier? Parce qu'à ce moment, il n'y avait aucune alternative, aucune possibilité. Nous avons scruté le problème des ateliers protégés pendant un an et

demi. Devant la compréhension et le fonctionnement de ces ateliers, nous sommes arrivés à la conclusion que ce n'était pas ce genre de travail qui pouvait correspondre à notre clientèle. C'est pourquoi nous avons fait une relance auprès de 150 étudiants finissants à partir de 1967 jusqu'à 1974. Nous avons eu 105 réponses. Parmi les 105 qui ont répondu, il y en avait seulement sept qui étaient sur le marché du travail, dont deux avec leurs parents, deux qui travaillaient pour la commission scolaire de Montréal et trois qui sont parvenus à se trouver du travail tout seuls.

M. Bellemare (Johnson): Deux pour...

M. Francescucci: Une commission scolaire.

M. Bellemare (Johnson): Deux pour les commissions scolaires.

M. Francescucci: Trois se sont trouvés du travail tout seuls.

M. Bellemare (Johnson): Trois...

M. Francescucci: Devant cet état de chose, nous avons fait des représentations auprès de notre commission scolaire qui a mis sur pied un service à donner justement aux étudiants finissants. Là, nous sommes en train d'élaborer un programme qui va permettre à un étudiant, au lieu de terminer l'année secondaire à 18 ans, d'être inscrit à des stages. Automatiquement, cela ne le prive pas du droit à un revenu, mais cela lui permet en même temps d'avoir une expérience directe sur le marché du travail, voir quelles sont les difficultés et aller voir les entreprises et leur suggérer aussi une adaptation. Nous avons aussi une équipe de spécialistes comme ergothérapeutes qui sont justement, de par leur profession, formés à adapter certains mouvements, à faire une économie de gestes, de personnes pour que le travail soit beaucoup plus efficace. Alors, nous allons dans les industries. C'est un projet qui vient de démarrer en septembre, pour les personnes handicapées physiques mais qui a déjà démarré, il y a deux ans, pour d'autres types d'étudiants, c'est-à-dire qu'ils sont classés au niveau occupationnel, soit d'habileté moyenne ou légère. C'est tout.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que vous me permettez, M. le Président, sur ce sujet particulièrement?

Le Président (M. Brisson): Une seule question?

M. Bellemare (Johnson): Le ministre peut y aller... Donc, sur 175, il y en a 105 qui ont répondu. Il y en a sept qui se sont placés, pourcentage infime. C'est le résultat de sept ans.

M. Francescucci: C'est pour cela que nous avons décidé d'agir, parce que...

M. Bellemare (Johnson): Cela se trouve à faire un par année, à peu près. J'avais raison de demander les statistiques. Est-ce que, d'après vous, la loi qui se discute présentement va nous aider à parfaire cette facilité au retour au travail?

M. Francescucci: Je sais parfaitement que le fait que le ministre Forget ait présenté la loi, c'est une date historique pour l'avancement de la cause de la personne handicapée. Elle peut véritablement favoriser certains projets de loi. Par contre, j'aurais très bien vu le ministre du Travail, étant donné que lui aussi a une grande responsabilité concernant toute la formation professionnelle, tout le règlement, étant donné que nous devons négocier avec la Commission du salaire minimum... Nous devons négocier avec des comités paritaires. Je pense qu'il aurait été opportun que le ministre du Travail se penche aussi efficacement que l'a fait M. Forget sur la cause ici en présence.

M. Bellemare (Johnson): Je reviendrai tout à l'heure pour d'autres questions.

Mme Guilbeault (Andréa): A titre de recommandation générale aussi j'aimerais attirer l'attention du président sur la collaboration que pourrait avoir l'office avec les organismes qui existent déjà, soit organismes lucratifs ou non, associations diverses. Ces gens travaillent avec les différentes personnes prises avec un handicap de quelque type que ce soit, mais travaillent depuis plusieurs années dans certains cas.

Il y a des expériences très positives qui sont faites, et il ne faudrait pas les laisser de côté. L'office, bien qu'il prépare un projet de loi et qu'il remet en question différents sujets qui sont repris depuis plusieurs années, doit quand même tenir compte de la collaboration qu'il pourrait établir avec ces gens. Dans certains cas, lorsqu'on parle d'organismes les plus représentatifs, lorsqu'il y a discussion pour un type de handicap, les gens les plus représentatifs, ceux qui travaillent avec ces gens, qu'ils soient autorités médicales ou autres, mais autorités parce qu'ils connaissent les gens, les problèmes de ces personnes handicapées, il faudrait tenir compte de l'importance des recommandations de ces gens.

M. Paradis: Considérations particulières.

M. Gauthier: Le premier élément qu'on retient, ce sont les ambiguïtés. On va relever un certain nombre d'articles qui, pour nous, recèlent des ambiguïtés et auxquels on a donné une interprétation qui, peut-être, mérite certaines corrections.

Il y a d'abord l'article 67, qui semble amener une distinction entre réadaptation professionnelle et reclassement professionnel. Il y a aussi l'article 57, qui dit que l'office détermine la durée d'exécution du plan de reclassement, alors que l'article 67 dit que le contrat a une durée d'au plus six mois et n'est renouvelable que deux fois consécutivement. Les termes "rééducation pro-

fessionnelle" "réadaptation professionnelle", "réadaptation fonctionnelle" sont utilisés sans distinction évidente.

L'article 73 légigère au détriment des associations bénévoles en les rendant responsables civilement de leur participation à l'administration d'un atelier protégé. Evidemment, il faut retenir ici que c'est une interprétation qu'on donne du contenu de l'article 73.

Finalement, l'article 80 nous semble rédigé de manière à décourager tout employeur appelé à collaborer à un plan de réadaptation professionnelle. En effet, l'office peut avoir accès à tout document de l'employeur sans distinction.

M. Paradis: Certaines considérations particulières face au handicap de la vue. M. Cartier.

M. Cartier: M. le Président, j'ai noté deux anomalies curieuses, dont la première, à la définition à l'article 1 f, où on définit un handicapé de la vue comme une personne qui est considérée aveugle. Il y a donc une exclusion totale de tous ces gens qui souffrent d'insuffisance visuelle à différents degrés. Je recommanderais, par exemple, qu'on remplace les mots "considérée comme aveugle", par "toute personne ayant besoin de moyens extraordinaires pour utiliser son résidu visuel". Alors, on pourrait englober les handicapés totaux et, évidemment, tous ceux qui ont une vision partielle.

De plus, au chapitre 2, à l'article 5, on parle de l'exclusion d'un chien-guide pour des raisons d'hygiène. Evidemment, je comprends que les raisons d'hygiène s'appliquent ici à un endroit, une clinique médicale ou un hôpital, et je suis tout à fait d'accord avec cette exclusion. Par contre, M. le Président, je suis sûr que de bons exploitants de commerce qu'on dit restaurant, vont utiliser cette loi dans l'application des lois municipales où on parle d'hygiène nécessaire à l'alimentation publique. Je crois qu'il faudrait spécifier davantage, à l'article 5, quand on parle d'hygiène et bien dire qu'il s'agit de milieux hospitaliers.

Merci.

M. Paradis: Considérations particulières face au handicap mental.

Mme Guilbeault: Dans la définition, on parle de différents types de handicaps. Par contre, on oublie un peu le côté du handicap mental qui a plusieurs catégories. On peut rencontrer les handicapés mentaux légers, moyens et profonds. Selon les cas, les aptitudes au travail vont avoir de grosses variations. Les possibilités de l'individu, le droit de se faire reconnaître, ou même de défendre ses droits — dans certains cas, il faudra avoir recours soit à un tuteur, à un parent ou un organisme — voilà des points très importants dans ce secteur.

Egalement, on ne fait pas de distinction entre le handicapé mental de naissance, dans les diverses catégories que je viens d'énoncer, ou suite à un accident ou à une période suivant une maladie ou une dépression nerveuse.

Une personne peut être handicapée mentalement à la suite d'un événement de ce genre et les catégories ne seront pas les mêmes obligatoirement que pour un handicapé mental de naissance.

Il faudrait également tenir compte de la difficulté pour les déficients mentaux de défendre leurs droits. Je viens de l'énoncer tout à l'heure... Le tuteur ou une personne familiale, proche, ou alors des associations pour certains handicapés mentaux, par exemple, la possibilité de siéger à un conseil d'administration... On ne peut absolument pas considérer ce point de vue.

Egalement, les aptitudes au travail peuvent différer. Lorsqu'on parle de la durée d'un apprentissage de 6 mois à 18 mois, pour certains types de handicapés mentaux, la période pourrait être beaucoup plus longue. Alors, une recommandation serait, par exemple, de ne pas spécifier une durée en termes d'échéancier, de mois, mais plutôt de le laisser à la discrétion de l'organisme ou de l'office pour certains types de handicapés.

M. Paradis: Les aspects positifs du projet de loi, M. Thériault.

M. Thériault (André): M. le Président, il ne faudrait pas croire que le CQEE n'a vu que du négatif dans ce projet de loi que nous présente le gouvernement.

Nous avons surtout analysé le projet dans ce qu'il devrait, à notre sens, comporter de plus. Nous sommes très conscients que ce projet de loi, dans l'esprit du législateur, a été rendu nécessaire à cause de la société qui a tendance à "marginaliser" quelques-uns des siens. Nous savons reconnaître le mérite et la volonté du ministère des Affaires sociales d'avoir été le premier ministère à manifester sa volonté de favoriser la réinsertion sociale de quelques-uns des nôtres et nous osons espérer que les autres ministères suivront son exemple, spécialement le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

C'est un devoir de souligner publiquement le très grand effort que font le ministre et le ministère des Affaires sociales pour les plus démunis de notre société et si vous me permettez, M. le Président, un souhait, cela serait que le ministre des Affaires sociales reformule le projet de loi à la lumière de toutes les recommandations qui ont été faites à la commission parlementaire et qu'une nouvelle consultation soit entreprise avant sa promulgation.

Nous vous remercions, M. le Président, de nous avoir reçus et entendus et nous sommes disposés à répondre aux questions qui pourraient nous être posées.

Le Président (M. Brisson): Le ministre a-t-il des questions?

M. Forget: Oui. D'abord, j'aimerais remercier ce deuxième groupe qui se fait entendre devant nous. Je vais poser un très petit nombre de questions. Je vais essayer de limiter mes questions à ce qui m'apparaît le plus significatif, au moins dans le sens de précisions additionnelles à obtenir.

Vous parlez des bénéficiaires et, en particulier, de "l'article 46c, avec les chiffres de 30% et de 20% de capacité, nous a laissés incrédules". Vous avez donné quelques explications, mais j'aimerais que vous en donniez davantage, si cela vous est possible.

Vous dites que cet article demande des précisions et des révisions. Dans quel sens souhaitez-vous voir des précisions ou des révisions à ce genre de dispositions?

M. Gauthier: Nous croyons qu'il est possible d'évaluer en termes de pourcentage une diminution de la capacité visuelle ou une diminution de la capacité auditive ou encore l'amplitude dans un mouvement quelconque.

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'évaluer en termes de pourcentage une diminution dans le rendement intellectuel, cela m'apparaît un peu difficile, voire impossible. On peut trouver un enfant qui a un quotient intellectuel de 40 et qui fonctionne à 100% de son quotient, comme on peut en trouver un de 140 qui fonctionne à 120. Il est difficile, objectivement, d'évaluer une perte de l'ordre de 20% ou de 30%. Mettre un pourcentage sur une perte d'un fonctionnement intellectuel, cela nous apparaît difficile à réaliser. Ce n'est pas le cas dans...

M. Forget: Vous suggérez donc que l'application des mesures, par exemple, de réinsertion dans le milieu du travail soit, dans le fond, discrétionnaire, à la discrétion de l'office.

M. Gauthier: Oui.

M. Forget: Qu'il puisse le faire pour n'importe qui ou le refuser pour n'importe qui, sans être astreint à aucune espèce d'exigence de ce côté.

M. Gauthier: Ce qu'on veut soulever là-dedans, c'est la difficulté de faire l'évaluation d'une perte ou d'une diminution en termes de pourcentage. Si je comprends votre message, si on veut considérer les individus un à un dans l'évaluation de leur potentialité ou de leurs possibilités, je réponds par l'affirmative.

M. Bellemare (Johnson): Si le ministre me le permet aussi, sur le même sujet, c'est par règlement du Conseil des ministres que sera établi ce pourcentage.

M. Forget: Non, je ne crois pas que ce soit le sens de la proposition. En effet, si on dit que c'est difficile de le faire, qu'on le fasse dans un règlement ou dans la loi, la difficulté demeure la même. Je préférerais à plus forte raison, si c'est difficile et si c'est un sujet sur lequel il est important de faire un consensus, le faire dans la loi plutôt que dans le règlement. Mais je pense que le groupe qui est devant nous nous recommande de ne pas avoir de restriction, que ce soit un pouvoir discrétionnaire et que l'on se fie à la bonne volonté des gens qui seront à l'office pour porter des bons jugements dans les cas individuels.

M. Bellemare (Johnson): Si je comprends bien votre assertion, vous voulez que cela soit plutôt fonctionnel que physique ou mental.

M. Gauthier: Qu'entendez-vous par fonctionnel?

M. Bellemare (Johnson): Bien...

M. Gauthier: C'est que fonctionnellement il y a moyen d'évaluer une perte.

M. Bellemare (Johnson): Bon. Alors, que ce soit une perte intellectuelle, une perte mentale ou une perte physique, que cela soit établi véritablement selon ce'qu'est le handicapé au point de vue fonctionnel, comparativement à celui qui fonctionne à 100%.

M. Gauthier: Pour s'en sortir, on peut essayer de prendre un exemple pratique. L'individu qui est physiquement bien constitué, à la suite d'un accident, perd un membre. Il y a un pourcentage de sa capacité de fonctionnement qui est diminué. Mais l'individu qui naît avec une certaine tare, comment est-on capable d'évaluer la diminution de son fonctionnement? Au départ, il est diminué. C'est ce que je trouve ambigu.

M. Bellemare (Johnson): Vous aimeriez que cela soit plutôt, comme le dit le ministre, discrétionnaire pour chaque cas, au lieu d'être établi, comme le dit la loi, par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil, mais qui doit être d'au moins 30% quand c'est physique et 20% quand c'est mental.

M. Gauthier: Je ne sais pas si je reflète l'opinion de mes collègues, mais j'aurais tendance à dire oui.

M. Bellemare (Johnson): Que ce soit fait par l'office individuellement plutôt que dans une loi générale.

M. Gauthier: Oui.

M. Forget: Dans le deuxième chapitre sur la discrimination parmi les personnes atteintes d'un handicap, vous parlez de plusieurs types de problèmes, comme d'autres groupes d'ailleurs qui sont venus devant nous. Relativement à la discrimination, il y a plusieurs types de discrimination, bien sûr. Il y a des discriminations qui sont dues à des préjugés, à des opinions reçues qui ne sont pas valables, qui sont réfutables. Il y a, bien sûr, des discriminations de fait dus à la raison, par exemple, que le nombre de logements qui est utilisable pour les personnes dont la mobilité est réduite, qui doivent circuler en chaise roulante est déterminé par des logements qui ont été construits dans le passé et qui permettent ce genre d'utilisation. Ne croyez-vous pas qu'il y a un certain danger à ce qu'une loi dise, dans le même souffle, que le premier type de discrimination est interdit? On peut dire cela dans une loi et cela

crée un droit de poursuite devant les tribunaux s'il y a des cas, par exemple, où un propriétaire refuse de louer son logis à une personne — qui peut pourtant très bien l'occuper — parce que soit qu'elle est aveugle ou qu'elle est épileptique ou Dieu sait quoi. Le deuxième type de discrimination est dû à l'absence de ressources appropriées à un moment donné. Est-ce qu'il n'y a pas danger de confondre ces deux types de problèmes qui sont très différents? Il est clair que, même si on dit dans une loi qu'il doit y avoir des logements pour tous les types de handicaps, utilisables pour toutes les personnes qui ont toutes sortes de types de handicap, si les logements ne sont pas là le lendemain de l'adoption de la loi, on n'a fait que proclamer un principe. Ce n'est pas une loi de financement de l'habitation, par exemple, que l'on regarde dans le moment. Est-ce qu'on n'affaiblit pas, dans le fond, les prescriptions relatives à la discrimination en faisant porter ces dispositions sur d'autres sujets qui sont des lois de financement de l'habitation, du transport, etc., qui peuvent apporter des solutions à des problèmes qui sont réels?

M. Paradis: J'aimerais répondre par deux points. Je suppose, M. le ministre, que vous vous souvenez de la représentation qui a été faite pendant un assez bon laps de temps face au Code du bâtiment par les handicapés physiques qui se sont battus de façon assez systématique, et je ne sais pas encore s'ils ont réussi à gagner certaines choses. Dans notre mémoire, je ne sais pas si vous avez remarqué, on a dit: II devrait y avoir des incitatifs qui permettent à un propriétaire de faire des modifications mineures s'il y a une possibilité qu'il puisse avoir accès à des fonds, si c'est mineur. Mon deuxième point, je ferais simplement remarquer, dans le cas d'André, qui est professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières, que l'université a tout simplement mis des genres de montées pour lui permettre de circuler dans l'édifice.

L'édifice n'avait pas été prévu pour des handicapés physiques. C'est une modification mineure, c'est une dépense très mineure et André peut circuler dans l'édifice. Dans ce sens-là, il y a peut-être moyen, sans penser défaire les murs, de faire certaines petites modifications, dans certains cas, pour favoriser l'accès.

M. Forget: Ce n'est pas tout à fait le sens de ma question. Je suis d'accord avec vous que cela doit se faire, que ce n'est pas nécessairement très coûteux. Je peux vous dire que, dans le cas du Code du bâtiment, la question de l'accès aux édifices publics — les édifices publics étant définis dans le sens très large de la Loi sur les édifices publics — ce point-là est acquis et que lé règlement va être publié. D'ailleurs, le Code du bâtiment — on n'en a jamais eu au Québec — sera publié dans la Gazette officielle d'ici peu de temps. Cette question est réglée au niveau du Code du bâtiment.

Il demeure que je vois dans certaines interventions un désir de voir tous les objectifs qui doivent être poursuivis, dans le domaine de l'habitation comme dans le domaine du transport, se retrouver au niveau d'une formulation de principe, dans une loi qui n'a rien à voir, dans le fond, avec ces questions-là. Il y a un danger, en mélangeant les problèmes, d'affaiblir généralement l'effet de la loi.

Il y a un autre point que j'aimerais souligner. Au moins, l'office, dans la loi, reçoit le pouvoir — non seulement le pouvoir, mais l'obligation — de dresser un répertoire des logements, édifices et moyens de transport, enfin, dans le cas des logements et des édifices qui peuvent être accessibles pour des personnes handicapées. C'est déjà une chose acquise au niveau de l'office. Cela illustre bien la distinction qu'on doit faire entre cette loi, qui ne peut que se limiter à des obligations créées à l'office de dresser un répertoire. Pour ce qui est de la Société d'habitation, elle prévoit déjà, dans ses programmes de construction, des habitations ou des logements pour des personnes handicapées. Le Code du bâtiment prévoit que, dans le cas des édifices publics, il doit y avoir également un accès — pour des rampes, etc.— permettant également l'accès.

Ces distinctions sont essentielles à la compréhension du projet de loi. Si on veut tout faire dans cette loi, il est évident qu'il y a pas mal de choses qui ne s'y retrouveront pas.

J'aimerais que vous me nommiez, relativement aux associations, des organismes qui s'occupent des personnes aux prises avec un handicap; il y a la question d'agrément qui se retrouve dans cette loi. Mademoiselle a fait une remarque à la fin, disant qu'on devait effectivement compter sur la collaboration de ces organismes. Remarquez que, contrairement aux lois dans le domaine des affaires sociales, celle-ci prévoit la reconnaissance officielle d'organismes qui ne sont pas des organismes publics, dans le sens officiel du mot.

On reconnaît un rôle pour ces organismes. La loi peut être déficiente quant aux critères de reconnaissance. C'est la raison pour laquelle j'aimerais vous poser une question et vous suggérer une attitude plus ferme dans les critères de reconnaissance et de contrôle; quoique, du côté contrôle, il ne faut pas aller trop loin malgré tout, parce que ce ne seraient plus des organismes indépendants si on les contrôle de trop près.

A quoi pensez-vous exactement quand vous parlez d'une attitude plus ferme dans les critères de reconnaissance?

M. Paradis: Je peux répondre à cette question, M. le ministre. Il arrive très fréquemment que le Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle reçoive des appels téléphoniques de différentes personnes qui demandent: Connaissez-vous tel organisme, telle société de protection des handicapés de telle région, qui vend du shampoing par téléphone ou qui vend des peignes, des billets, des stylos ou des choses semblables? C'est arrivé très fréquemment que j'ai dû faire intervenir la Sûreté du Québec pour faire enquête et, finalement, cela s'est évanoui.

Je trouve malheureux qu'il existe des règlements dans certaines municipalités, dont la ville de Montréal, qui obligent ces associations à pré-

senter leur charte si elles veulent solliciter des fonds. C'est dans ce sens que j'aurais aimé voir, ainsi que mes confrères, dans cette loi, des critères très sévères pour éviter que tout le monde se fasse le protecteur des handicapés physiques et des handicapés de toutes sortes.

Si vous remarquez la seule présence, au nombre des mémoires, d'une foule d'associations montre qu'il y a beaucoup de gens qui s'en préoccupent, mais on aimerait aussi voir des critères d'évaluation sur le rendement qui est donné, finalement pour que tout le monde ne sollicite pas, au nom du handicapé, et que cela s'en aille Dieu sait où.

Je sais que la ville de Montréal demande, si vous faite une souscription dans ce territoire, que vous présentiez votre bilan financier. Le pourcentage d'administration et de revenu pour les gens aui font la campagne ne doit pas dépasser tant pour cent. Je pense que la ville de Montréal a donné l'exemple dans ce sens, mais partout dans la province on est sollicité. On sonne à la porte: Je passe pour ceci, je passe pour cela. On se sert un peu du bon coeur des gens pour solliciter et on ne sait jamais — vous le savez comme moi — si oui ou non on devrait donner. On se sent un peu coupable et, finalement, on ne peut pas vérifier l'utilisation faite des fonds. Il y a des pertes d'argent, je pense.

M. Forget: Je suis d'accord avec vous sur l'objectif, bien sûr, mais vous me dites d'être plus ferme sur les critères. A mon avis, les articles 32 et 34 du projet tel qu'il est font plus que répondre à vos attentes de ce côté. Le projet de loi est extrêmement sévère, puisqu'il prévoit qu'une entreprise ne peut même pas vendre des produits en s'appe-lant l'atelier des handicapés de la Chaudière ou Dieu sait quoi en disant: Voici, nous vendons des produits, a moins d'avoir la reconnaissance de l'Office.

Au niveau de la reconnaissance, il dépend d'un seul critère. "De l'avis de l'office — c'est l'article 32a donc, là aussi, on a une question discrétionnaire, on n'a pas suggéré de critère très détaillé. C'est pour cela que je voulais savoir si vous en aviez à l'esprit — cet organisme s'occupe principalement de la formation, de la réadaptation, de l'information ou du bien-être des personnes handicapées." Ce sont des critères qui ne sont pas très précis, mais qui, dans des cas particuliers, peuvent le devenir. C'est purement discrétionnaire de la part de l'office. A défaut d'une telle reconnaissance, même la vente de produits, il ne s'agit pas seulement de collectes de fonds, la vente de produits, d'offrir des biens et des services, c'est interdit, à moins de pouvoir se réclamer d'une reconnaissance officielle. Je crois qu'au niveau de la reconnaissance officielle cela ferme la porte à ces abus et cela crée une infraction, indépendamment de toute preuve qu'on peut ou ne peut pas faire selon le cas, le simple fait de vendre des produits en se prétendant une entreprise qui emploie des handicapés crée une infraction.

Maintenant, des critères, on n'en a pas de plus précis. Ce seraient, je ne sais pas, des critères comptables, ou Dieu sait quoi.

M. Paradis: Je sais que c'est Centraide Montréal qui demande qu'au niveau de l'administration, les fonds utilisés pour l'administration, pour les salaires et tout cela, ne dépassent pas 10%, je pense, ou quelque chose de semblable. Maintenant, à cet article 34, dont vous mentionniez la teneur tantôt, on a simplement mentionné qu'on aimerait que les sanctions que vous prévoyez à l'article 72 soient déjà... On fait simplement appel à un numéro, mais on aimerait que la sanction pour infraction à cette clause apparaisse dès la fin de l'article. C'est évident que les critères...

M. Forget: II y a un problème de rédaction de loi. Dans le fond, l'infraction à tous les articles entraîne une infraction. On peut difficilement, à la fin de chaque article, dire: Si on ne fait pas cela, c'est une infraction. Essentiellement, il n'y a pas de doute que c'est une infraction.

Le Président (M. Brisson): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): J'ai deux petites questions... Pardon?

M. Léger: Seulement une simple question. En parlant justement d'ateliers protégés — j'ai seulement une question, ce ne sera pas tellement long — vous ne touchiez, pour le point de vue de l'exploitation, que l'aspect de la vente de produits venant du fruit du travail des handicapés. Vous ne parliez pas de l'exploitation au travail dans un atelier protégé comme tel.

M. Paradis: Non, je parle tout simplement de l'existence d'un atelier protégé d'une ville. Les commerçants qui le savent profitent de la situation, du "cheap labour", pour contourner la Loi du salaire minimum jusqu'à un certain point, et le faire faire à un prix moindre que s'ils avaient à le faire faire d'une façon systématisée dans une industrie.

M. Léger: Mais, dans l'atelier protégé même, le handicapé peut quand même travailler à son rythme. Mais vous avez parlé, un peu plus loin d'inviter les employeurs et les syndicats à se pencher volontairement sur ces cas pour qu'ils soient engagés, parce que ceux qui travaillent en atelier protégé ont une certaine protection, mais ceux qui ne peuvent pas travailler là doivent embarquer sur le marché du travail. Les disponibilités ne sont pas aussi nombreuses. Comment voulez-vous, dans une loi, qu'on oblige à engager un certain pourcentage d'employés qui devraient être des handicapés... Une invitation simple, ça ne s'indique pas tellement dans une loi.

M. Paradis: Je pense que M. Francescucci aurait une expérience assez intéressante, qui s'est faite en Australie, à relater, qui va peut-être vous faire rire, mais ça montre quand même qu'il y a des moyens détournés.

M. Francescucci: Avant d'aborder cet exemple, j'aimerais préciser pourquoi on ne voit pas

l'expérience des ateliers protégés se continuer, on ne voudrait pas qu'ils se perpétuent. D'abord, parce qu'étant donné l'objectif que nous poursuivons tous, ceux qui travaillent auprès de ces personnes, c'est d'éviter la "marginalisation". Or, dans un atelier protégé, ces personnes continuent à travailler avec d'autres personnes handicapées, ce qui fait qu'il se forme a ce moment-là, une société parallèle. C'est pour ça que nous disons que si l'atelier protégé, de par son personnel, a réussi à avoir des fonctions de travail adaptées aux possibilités de ces derniers, la même chose pourrait se produire en industrie, moyennant des moniteurs compétents à cet effet. C'est pour ça que nous voulons éviter qu'on construise des sociétés parallèles.

Pour revenir aux moyens d'incitation, c'est pour ça que j'ai dit tout à l'heure qu'il faudrait d'abord que la fonction publique donne l'exemple, parce qu'on n'aimerait pas qu'une loi oblige l'entreprise privée à faire entrer de force des personnes aux prises avec un handicap au lieu de travail. Or, en Australie, il y a quand même beaucoup d'entreprises, dont une, la General Motors, a une usine qui fonctionne avec 250 personnes aux prises avec un handicap. Je pense qu'une façon d'inciter les entreprises, c'est, au moment où le gouvernement accorde des subventions à certaines compagnies, de voir si ces compagnies adhèrent aux politiques du gouvernement ou pas, quitte à privilégier certaines compagnies, à un moment donné, qui, elles, travaillent aussi pour aider toutes les personnes de la collectivité.

M. Léger: D'accord!

M. Bellemare (Johnson): M. le Président, nous avons aujourd'hui parmi nous, M. Jean-Pierre Cartier, qui est accompagné de son chien-guide.

Dans la loi, il est justement question au paragraphe c) de l'article 1 du chien-guide entraîné dans une école reconnue par le lieutenant-gouverneur en conseil pour guider un handicapé visuel.

Dans un article que j'ai lu de M. Courtemanche, ces jours derniers, après son passage ici devant la commission, il n'est pas très heureux de la manière dont il a été reçu comme handicapé aveugle, surtout lorsqu'il est question de son chien.

Ma première question est la suivante: Vu que vous êtes ici avec votre chien-guide, à combien évaluez-vous aujourd'hui un chien-guide pour un aveugle?

M. Cartier: Au point de vue de sa valeur commerciale, lorsqu'il sort de l'école, il vaut aux environs de $4000 mais, au point de vue des services qu'il rend à un handicapé de la vue, il vaut plus. J'ai eu le plaisir, tout dernièrement, de laisser mon chien chez nous et de me déplacer pour aller faire du conditionnement physique avec la canne. Le ralentissement qui en résulte m'a fait désirer de toujours utiliser un chien-guide. Il vous est déjà arrivé, en vous promenant et dans vos courses ha- bituelles, de voir un handicapé de la vue qui va essayer d'atteindre une porte ou quoi que ce soit qui est devant son nez. S'il a la canne blanche, évidemment, il ne marche pas selon ce qui est au plafond ou ce qui est au milieu. Il touche les rampes et le sol. Mais, avec un chien-guide, il va aller immédiatement où il veut aller. Evidemment, le chien-guide ne fonctionne pas tout seul. C'est toujours un travail d'équipe. Pour ma part, j'ai pu constater que je me déplace à la même vitesse que quand j'avais l'usage de mes yeux.

M. Bellemare (Johnson): Ma seconde question, M. Cartier, est la suivante: Connaissez-vous ici dans la province certaines écoles de chiens-guides, ou bien l'office serait-il obligé d'en instituer quelques-unes, comme ce qui se fait aux Etats-Unis? Il en existe aux Etats-Unis. Avez-vous un chien-guide qui vient des Etats-Unis ou l'avez-vous acheté ici?

M. Cartier: Mon chien vient des Etats-Unis. C'est un "leader dog" qui vient de Rochester, Michigan. Il n'y en a pas, à ce que je sache, dans la province de Québec, ni au Canada. Aux Etats-Unis, il y a des écoles qui nous donnent gratuitement leurs chiens entraînés spécifiquement selon les lois des Etats-Unis.

M. Bellemare (Johnson): II faut que vous passiez un mois. Il faut que vous restiez là un mois.

M. Cartier: Non. Lorsqu'on va chercher le premier chien-guide il y a des cours et des pratiques à faire pour apprendre à se servir d'un chien-guide, parce que tous les handicapés de la vue ne sont pas aptes à utiliser un chien-guide, pour différentes raisons, soit, physiologiques ou mentales; tous les handicapés de la vue, évidemment, ne peuvent pas utiliser un chien-guide.

De ce fait, ceux qui le peuvent, je suis d'accord qu'ils aillent aux Etats-Unis pour les raisons suivantes: ce sont des raisons économiques.

M. Bellemare (Johnson): Ils vous le donnent. M. Cartier: Pardon?

M. Bellemare (Johnson): Ils vous le donnent gratuitement.

M. Cartier: Oui, ils nous le donnent gratuitement. Tout ce qu'il faut faire pour aller chercher un chien-guide aux Etats-Unis, c'est payer son voyage, si on a les moyens, sinon, on fait appel aux organisations sociales et on a tout simplement à se rendre à l'école. On est gardé là durant la période qu'il faut, jusqu'au moment où les entraîneurs, qui sont des spécialistes, déterminent comment les liens se sont établis entre le chien et la personne handicapée. A ce moment-là, on lui donne la permission de revenir chez elle tout simplement. On l'a bien nourrie et, évidemment, on lui a donné chambre et pension durant trois semaines à un mois, selon les difficultés présentées par

l'établissement des liens entre le chien et le candidat handicapé de la vue.

Par contre, j'ai rencontré des gens qui voulaient absolument établir au Québec des écoles de chiens-guides. Economiquement, cela n'est pas possible, parce qu'il y aurait au début une foule de candidats pour aller chercher un chien-guide et, ensuite, il y aurait un temps mort pendant quelques années. Il faudrait recommencer tout le système. Il me semble qu'il serait plus aisé, plus facile, en permettant un entretien assez cordial avec nos voisins du Sud, d'établir des relations afin de rendre plus facile l'accès à un chien-guide pour un handicapé de la vue qui peut prendre un chien-guide.

M. Bellemare (Johnson): Ma dernière question. Avez-vous été refusé avec votre chien dans certains endroits comme la Place des Arts et autres?

M. Cartier: J'ai rarement été refusé avec mon chien. Cela fait huit ans que je l'ai, c'est mon premier chien-guide, cela fait 17 ans que j'ai perdu l'usage de mes yeux.

Il y a quelques restaurants qui m'ont refusé, mais ce que j'ai remarqué, chaque fois, c'étaient des exploitations individuelles, c'est-à-dire que le propriétaire ou les gens travaillant pour le propriétaire avaient peur du chien ou ils avaient eu des clients qui avaient porté plainte parce qu'un chien entrait dans un établissement d'alimentation. Mais, normalement, je n'ai eu aucune difficulté avec mon chien, même à la Place des Arts, pour une raison toute simple. A l'entraînement qu'on reçoit à l'école Leader Dog, on nous conseille deux choses pour les places publiques où il y a concert, film ou représentation théâtrale, c'est d'essayer de laisser votre chien chez vous, et la raison est toute simple. C'est parce que mon chien, qui est un amant de Mozart, peut sûrement accompagner le soliste durant un concert à la salle Wilfrid-Pelletier.

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que vous avez eu à payer deux sièges quand vous l'avez amené? Est-ce que vous avez eu à payer deux billets?

M. Cartier: En plus, vous avez raison, M. le Président, M. Bellemare a tout à fait raison, j'aurais eu à payer deux billets. Par contre, j'ai eu le plaisir d'aller dans les corbeilles à la salle Wilfrid-Pelletier; je n'avais pas mon chien, évidemment, mais j'avais mes deux genoux dans les oreilles de celui d'en avant. Alors, où mettre mon chien? Ensuite, j'ai eu le plaisir aussi d'aller dans la partie de la terrasse, où l'espace est plus agréable, mais, là encore, aussitôt qu'une personne veut passer, vous avez remarqué tout à l'heure les commentaires que donne ma prothèse lorsqu'on lui marche dessus. La même chose pourrait se produire. Evidemment, pour le cinéma, où il fait noir, c'est encore pire. Alors, dans les écoles, normalement, on va nous recommander de faire des efforts pour laisser le chien à la maison et essayer de trouver des gens pour nous accompagner. J'ai l'impression qu'avec un peu de bonne volonté il y aurait possibilité de respecter tout de même un environnement—puisqu'il en est bien question — pour cette prothèse qui nous guide si parfaitement partout où on veut aller, même aux Antilles ou sur la côte du Pacifique.

M. Bellemare (Johnson): On vous félicite et on vous remercie sincèrement, monsieur Cartier.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Alors, messieurs, je vous remercie.

Une Voix: M. le Président, nous vous remercions.

Le Président (M. Brisson): La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 52)

Reprise de la séance à 14 h 40

M. Brisson (président de la commission permanente des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!

J'appellerais M. Jacques Pelletier, directeur général de l'Association du Québec pour les déficients mentaux. M. Pelletier.

Une Voix: Est-ce qu'on a encore changé l'ordre des gens qui doivent être entendus devant la commission?

M. Forget: En effet, c'est une suggestion que j'ai faite au président.

Une Voix: D'après l'ordre, c'est l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie.

M. Forget: C'est exact. On nous a demandé de changer l'ordre puisque le groupe de l'Association du Québec pour les déficients mentaux est un groupe assez nombreux et qui voit des difficultés à retarder jusqu'à la fin de l'après-midi sa présentation. Avec la collaboration des autres groupes, je demande s'il serait possible d'accéder à cette demande. Je m'excuse du contretemps qui est causé aux autres, mais il y a des problèmes de concordance qui semblent difficiles à...

Le Président (M. Brisson): M. Pelletier, vous avez quinze minutes pour faire votre exposé et ensuite, ce sera la période de questions.

Association du Québec pour les déficients mentaux

M. Couture (Pierre): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. C'est avec fierté que je viens au nom de l'Association du Québec pour les déficients mentaux vous exposer notre mémoire relatif au projet de loi 55.

M. Bellemare (Johnson): Les noms de ceux qui vous accompagnent.

M. Couture (Pierre): Oui, je vous les présente. Permettez que je me présente ainsi que mes collègues. A ma droite, M. Gaston Perreault, vice-président de l'association et président de l'association de Québec. A ma gauche, M. Jacques Pelletier, notre directeur général. A mon extrême droite, Mme Petitclerc, représentant la région de Sherbrooke et à ma gauche, M. Claude Dufour, de la région de la Côte-Nord.

Mon nom est Pierre Couture et je suis président de l'association de Québec.

L'Association du Québec pour les déficients mentaux est un organisme provincial à but non lucratif qui regroupe 26 associations locales de parents, bénévoles et professionnels intéressés au bien-être de nos citoyens mentalement déficients. Plusieurs organismes et services de l'atelier protégé, centres de réadaptation et associations de loisir travaillent en collaboration avec nous.

Fondée il y a 25 ans, l'AQDM est le porte-parole de tous les citoyens déficients mentaux de la province. Son action se situe au niveau de la promotion de services et de la défense des droits.

Nous sommes, évidemment, particulièrement intéressés par les politiques de réadaptation mises de l'avant, depuis quelques années, par le gouvernement et plus spécifiquement par le projet de loi 55.

Pour l'AQDM, il ne peut exister de programmes de réadaptation logiques sans que l'on tienne compte de l'individu dans son entier, de ses besoins et de la société dans laquelle il est appelé à évoluer.

Une politique de réadaptation globale doit, de toute nécessité, prévoir une gamme de services touchant la famille, l'éducation, l'hébergement, le transport, le travail et les loisirs, tenant compte, évidemment, du potentiel des individus et permettant leur intégration sociale.

Tout en sachant qu'un tel ensemble de services intégrés prendra plusieurs années à s'implanter, nous croyons fermement que tout développement de nouveaux services et toute réorganisation des services actuels devraient se faire dans le cadre d'une telle politique globale.

C'est avec impatience que nous attendions cette législation qui devait constituer le cadre légal des droits fondamentaux de réadaptation pour tous les citoyens atteints d'une déficience physique et/ou mentale. Nous devons faire part de notre désappointement face à ce projet de loi, du moins dans sa forme actuelle.

Toutefois, avant de vous exposer nos opinions sur ce projet de loi, je voudrais très brièvement vous expliquer le cheminement que nous avons suivi dans l'étude de celui-ci. Sachant que le ministère des Affaires sociales s'apprêtait à soumettre ce projet de loi en première lecture, nous avons convenu, à notre réunion annuelle du mois de juin, de former un comité ad hoc composé de parents et de bénévoles provenant des quatre coins de la province.

Ce comité s'est réuni à plusieurs reprises en juillet et août et a soumis son mémoire à notre conseil d'administration. Ce texte a été examiné et approuvé par notre conseil d'administration lors d'une réunion spéciale tenue le 2 septembre dernier.

Je voudrais que vous sachiez, M. le Président, que notre association s'est adonnée à l'étude de ce projet de loi avec beaucoup de sérieux, sachant reconnaître toute la portée de cette législation pour l'avenir et le bien-être des quelques 150 000 déficients ou handicapés mentaux au Québec. Nous vous demandons de croire à la sincérité de nos propos et nous vous remercions à l'avance de votre bienveillante attention.

Sans plus tarder, je demande à notre vice-président, M. Gaston Perreault, de vous livrer un résumé de nos principaux commentaires.

M. Perreault (Gaston): M. le Président, pour faire suite à M. Couture, j'aimerais, au tout début, remercier cette commission parlementaire de

nous entendre sur un projet de loi d'une telle importance.

Nous espérons très sincèrement que notre intervention, que nous voulons objective, saura aider le législateur à élaborer une loi juste, humanitaire et pouvant résoudre les problèmes quotidiens de tous les handicapés physiques et mentaux.

Ceci dit, M. le Président, les scandales étant tellement à la mode dans notre monde d'aujourd'hui, je dois vous avouer, au risque de perdre ma crédibilité, que je suis personnellement placé en conflit d'intérêts. Je suis, en effet, près d'une personne déficiente mentale. Je me prononce donc et je tenterai d'influencer cette commission, tout en sachant bien que, si les propos que j'avance sont retenus dans une loi, je serai avantagé personnellement, puisque ma fille en sera une des bénéficiaires.

J'ose croire que cette catégorie de conflit d'intérêts trouvera grâce devant les membres de la commission. D'abord, j'aimerais vous mentionner que ce projet de loi a été étudié par des parents de personnes déficientes mentales. Nous n'avons pas fait appel à des professionnels de la santé, à des experts en droit social, civil ou autre.

Nous avons voulu que notre étude soit basée sur les situations journalières que nous vivons, sur les problèmes qui se posent à nous et que nous devons résoudre tous les jours et continuellement. Nous avons voulu sciemment nous éloigner des cas hypothétiques, des grandes théories intellectuelles pour nous en tenir à une formule simpliste de bon sens.

Ce projet de loi devant s'appliquer à des personnes prises individuellement, nous nous sommes attardés à le considérer en fonction des besoins des personnes déficientes mentales.

En d'autres mots, M. le Président, nous avons évalué comment ce projet de loi, tel qu'il est devant nous présentement, peut éviter, prévenir, corriger et résoudre des situations actuelles vécues par des handicapés mentaux que nous connaissons.

Dans notre mémoire, nous avons commenté quelque 35 articles différents. Nous considérons certaines de ces remarques comme étant très importantes, voire même fondamentales. D'autres sont de moindre importance et ne constituent en réalité qu'un détail que nous avons voulu souligner au passage.

Avec votre permission, je ne lirai pas textuellement le mémoire que nous avons présenté et que vous connaissez très bien, je le sais.

J'aimerais résumer nos opinions, peut-être élaborer les principales et ensuite répondre, avec l'aide de mes collègues, à toutes les questions que les membres de cette commission voudront bien nous poser. Dès le début, au chapitre I, tous les espoirs sont permis. Le paragraphe e) de l'article I indique clairement que cette loi s'adresse à toute personne dont la capacité physique ou mentale est affectée, de façon permanente, d'insuffisance ou de diminution. Il n'est aucunement question d'âge, et nous trouvons ceci très bien. Nous verrons plus loin à notre analyse si ces attentes sont comblées. Nous trouvons étrange qu'il faille un article dans une loi spéciale, notamment l'article 2, pour reconnaître les droits et les libertés des personnes handicapées. Nous considérons que cette reconnaissance devrait être insérée dans la Charte des droits de la personne. Cet article 2 corrige-t-il une lacune? Serait-ce admettre qu'aujourd'hui, au moment où je vous parle, les droits des handicapés ne sont pas reconnus, que la Charte des droits de la personne, qui, dans notre esprit, protège tous les citoyens du Québec, exclut les personnes handicapées? En toute objectivité, vu qu'on étudie le projet de loi no 55, si on ne tient pas compte de cette loi, où cet article serait-il plus à son aise? De quels droits parlons-nous?

On y dit très explicitement, dans cet article, que toute personne handicapée a droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et des libertés de la personne. Voilà un objectif très louable. Mais comment, dans le domaine pratique, cet article pourra-t-il être appliqué? Nous attendions une loi comprenant une définition pratique des droits des personnes déficientes. Cette loi ne répond pas à ce besoin. On y consacre le droit, mais on ne garantit pas que les moyens qui seront nécessaires à l'handicapé pour exercer ce droit seront disponibles. Je vous le demande, quelle différence existe-t-il entre une absence de droits et un droit qui est reconnu, mais qui ne peut être exercé? Permettez-moi de citer quelques exemples pratiques. Un droit est-il brimé lorsque des enfants déficients croupissent dans des hôpitaux généraux, faute de place dans des centres d'accueil?

Un droit est-il brimé lorsque des municipalités, par des règlements municipaux légaux, empêchent la formation de foyers de groupe? Un droit est-il brimé lorsque des enfants, déficients mentaux, n'ont pas accès aux terrains de jeux et aux loisirs des municipalités? Un droit est-il brimé lorsque des adultes, déficients mentaux, sont abandonnés à leur sort faute de place dans les ateliers protégés? Un droit est-il brimé lorsque, suite au décès de ses parents, une personne, déficiente mentale, qui a vécu toute son existence dans un certain milieu, se voit obligée de quitter ce milieu?

Dernière question: Quel droit avaient les handicapés physiques et mentaux lors de la dernière grève dans les services publics?

Il faudrait, M. le Président, non seulement reconnaître ce droit, mais aussi assurer l'exercice de ce droit. Quand cet exercice sera possible, nous pourrons parler de droit. Nous ne croyons pas que nous pourrons le faire avant.

En ce qui concerné la constitution de l'office, nous trouvons qu'il est bon que quatre ministères qui jouent un rôle important dans la vie des handicapés soient représentés au sein de l'office. Par contre, concernant les quatre représentants devant être nommés après des consultations auprès d'organismes, nous nous demandons quels critères seront utilisés pour déterminer les organismes les plus représentatifs. Qui seront-ils?

Pour ce qui est du rôle et des fonctions de cet office, nous nous questionnons sérieusement. Cet office nous apparaît comme une superstructure

administrative vers laquelle sera canalisé tout ce qui concerne les handicapés. Il est extrêmement dangereux que cet office, qui devra jouer le rôle de superentonnoir, doive sacrifier la souplesse à son gigantisme. Dans les faits, l'office administrera beaucoup plus les handicapés qu'il ne les protégera.

On pourrait toujours argumenter que cette superstructure est nécessaire et, à la rigueur, nous pourrions peut-être être d'accord si l'office avait des pouvoirs réels. Mais, en réalité, l'office dédoublera ou s'appropriera des fonctions d'organismes régionaux qui existent présentement, tels ceux du ministère des Affaires sociales qui sont présentement en place.

Il ne faudrait pas se méprendre. Nous croyons aussi que l'office peut jouer un rôle positif, conjointement avec les associations et les organismes.

Quand on y regarde de plus près cependant, nous sommes hautement inquiets de constater que les seuls pouvoirs de l'office sont dirigés vers les handicapés qu'il est censé protéger. Nous trouvons ceci très discutable. Quelques exemples: l'office peut agréer un atelier protégé; l'office peut reconnaître un organisme comme voué à la protection des handicapés; l'office peut accorder des subventions à des ateliers; l'office peut, de temps à autre, s'il le juge nécessaire et utile, constituer des comités qui sont composés de personnes handicapées; l'office peut accorder une aide matérielle à des personnes handicapées et, dans le même temps, peut aussi la soutirer.

En ce qui concerne les pouvoirs de l'office, pour obliger et inciter les différents ministères, corps publics, syndicats, employeurs et tout autre organisme à rendre possible l'exercice des droits qui sont reconnus dans l'article 2, l'office n'a aucun pouvoir. Bien plus, l'office doit demander l'autorisation du ministre avant de rendre certaines décisions et, à tout moment, le ministre peut émettre des directives et l'office devra s'y conformer.

Nous comprenons bien aussi que, pour bénéficier de cette loi, il faudra en faire la demande. Mais nous tenons à informer cette commission que nous nous opposons à un enregistrement. Ceci constitue à notre avis une entorse à la liberté individuelle, en ce sens que l'enregistrement pourrait être une inscription permanente, une information constituant un pas vers l'instauration d'un dossier individuel cumulatif auquel nous nous opposons. L'exemple que je pourrais donner ici, c'est qu'un handicapé pourrait à un certain moment faire une demande à l'office et cette demande pourrait être active pendant un certain temps. Mais, le jour où le handicapé peut subvenir à ses propres besoins, où il est dans ce qu'on appelle le milieu normalisé, qu'il s'occupe de ses affaires et qu'il n'a plus besoin de personne, c'est un objectif qui est recherché par tous ceux qui s'occupent de réadaptation, il n'a plus raison d'être inscrit dans un office, pas plus qu'une autre personne qui ne s'y est jamais inscrite.

L'évaluation de la déficience mentale, en utilisant la notion de pourcentage comme critère déterminant et exclusif, est totalement inacceptable.

Les pourcentages peuvent très certainement être utilisés au niveau de la statistique, mais ils ne peuvent pas être utilisés pour établir la capacité fonctionnelle d'une personne déficiente mentale.

Les besoins et les capacités mentales sont-ils les mêmes à Montréal qu'à Saint-Prime? Est-ce que, en d'autres mots, les besoins de capacité mentale pour bien fonctionner sont quantitativement égaux entre un milieu urbain et un milieu rural? Notre réponse à cette question est: Non. Il devient donc important à notre avis, dans le cas d'une personne déficiente mentale, de considérer son milieu de vie et, contrairemenl à ce qui est indiqué à l'article 48, cette évaluation devrait être complétée par une équipe multidisciplinaire et être en fait une évaluation médico-psychosociale.

A ce stade-ci, les quelques commentaires qu'il nous reste à formuler sont en rapport avec la section III du chapitre III, qui traite du reclassement professionnel que nous appelons, de temps à autre, intégration au travail. Nous trouvons bien que l'office ait à respecter le libre choix de la personne handicapée. Nous nous questionnons toutefois sur l'expression "libre" même de ce libre choix. Lorsque le handicapé saura ou sait que l'office peut le déclarer inapte à une intégration au travail, lorsque rien n'est prévu dans la loi pour assurer des services aux handicapés qui seront déclarés inaptes, lorsque l'aide matérielle pourra être retirée à un handicapé si ce dernier n'obéit pas à la lettre aux directives de l'office, croyez-vous réellement qu'un handicapé peut réellement exprimer un libre choix quand il pense que son aide matérielle peut être coupée? Nous en doutons fortement.

En guise de conclusion, M. le Président, sachez que nous aurions été très heureux de supporter un projet de loi devant protéger les personnes atteintes de déficience mentale, mais devant les dangers, les faiblesses et les limitations de ce projet, nous n'avons d'autre choix que celui de nous opposer au projet tel que présenté. En dernier lieu, j'attire votre attention sur le fait que, passé le chapitre I, les moins de 18 ans sont les grands oubliés de ce projet de loi. C'est donc avec regret et en toute humilité que nous demandons que le projet soit retiré et qu'un autre soit préparé avec plus de consultation.

M. Couture: M. le Président, je voudrais, avec votre permission, faire un bref commentaire à la suite des propos de M. Perreault. On sait que les deux principales caractéristiques de la loi 65 portent sur la participation communautaire et la régionalisation des services ainsi que des centres de décision. Nous tenons à vous souligner que le projet de loi 55 demeure muet quant aux mécanismes locaux de participation. De plus, sa structure administrative hautement centralisée va, à notre avis, directement à l'encontre de l'esprit des objectifs de régionalisation de la loi 65. Ce virement soudain laisse quelque peu perplexe. Je suis certain que M. le ministre Forget voudra bien nous fournir des explications quant à l'orientation nouvelle qu'il semble vouloir donner à ce type de service.

M. le Président, nous sommes maintenant à la disposition de M. le ministre et de MM. les députés pour répondre à vos questions et vous fournir des éclaircissements sur notre mémoire.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que le ministre a des questions?

M. Forget: Merci, M. le Président. J'ai pris connaissance de votre mémoire et je vous avoue ne pas être capable, très rapidement, de synthétiser ou de résumer les raisons qui vous font vous opposer au projet de loi. Par certaines de vos remarques, vous semblez suggérer que la loi fait trop peu et, par d'autres, qu'elle fait trop. Vous serait-il possible de clarifier un peu ces deux affirmations ou de les mettre l'une en regard de l'autre? Je pense en particulier à plusieurs affirmations que vous faites selon lesquelles c'est une structure trop lourde qui va être inefficace, etc. Vous ne donnez pas de raison très précise pour ça. Je ne sais pas si un bureau peut être autre chose que bureaucratique, mais j'imagine que vous avez la notion d'un bureau non bureaucratique. J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous entendez par ça.

Dans d'autres cas, vous suggérez qu'on ajoute plusieurs fonctions additionnelles qui, si je comprends bien, vont devoir être assumées par des employés de l'office qui vont ajouter encore au poids de la formule. J'ai du mal à concilier ces deux points de vue que l'on retrouve dans votre texte.

M. Couture: II nous semble, M. le ministre, que les principaux points que nous avons voulu faire ressortir dans notre mémoire sont les deux suivants: premièrement, nous consacrons un droit, nous le reconnaissons, les déficients ont le droit à la liberté à s'exprimer, à faire des choses que toute personne peut faire. Par contre, nous ne garantissons pas que les moyens pour que ces droits puissent être exercés en toute liberté, la possibilité d'exercer un droit, ce n'est pas dans la loi.

L'autre point que nous avons voulu...

M. Forget: C'est ce que vous avez dit tantôt, mais qu'est-ce que vous envisagez comme des garanties dans ce sens? Ordinairement, vous savez, dans la loi, il y a la prescription d'un droit ou l'énonciation d'un droit, on sait très bien comment on peut faire pour se prévaloir de ces droits, soit des moyens administratifs, soit des moyens judiciaires. Alors, quels sont, dans votre critique de cette disposition, les moyens qui manquent selon vous, mais de façon très concrète?

M. Couture: De façon très concrète, si je me réfère au problème que j'ai soulevé où je demandais si des droits étaient brimés, il semble qu'à plusieurs moments, ce qui manque, ce sont des disponibilités physiques, peut-être financières, qui font que les gens ont des droits et peuvent obtenir certaines choses, tant qu'il y en a de disponibles.

Mais, le jour où il n'y en a plus, il n'y a pas d'obligation à respecter le droit. Le droit s'arrête à la disponibilité.

Si je pense aux enfants qui sont dans les hôpitaux aujourd'hui, la raison pour laquelle ils sont dans les hôpitaux généraux, ce n'est pas parce que ceux-ci veulent ou ne veulent pas les garder. C'est qu'il n'y a pas de place dans les centres d'accueil. On ne peut pas les accueillir. En attendant, ces déficients sont dans des ailes de pédiatrie, peut-être des pouponnières, qui sont les derniers endroits où ils devraient être. Il n'y a personne de qualifié pour les recevoir. Les déficients mentaux qui sont entre deux dans les ateliers protégés...

M. Forget: Vous avez répondu à ma question. Ce que vous recherchez, dans le fond, c'est un texte de loi qui dise que les services en question seront assurés, même si les ressources ne sont pas actuellement disponibles.

M. Perreault (Gaston): Ce n'est pas tout à fait cela. Je pense qu'un texte de loi...

M. Forget: Ce n'est pas une plaisanterie que je fais; c'est très sérieux. Vous critiquez un projet de loi qui n'a pas pour but de doubler le nombre de places dans les centres d'accueil pour l'enfance, ou même de les augmenter de 1%, mais qui cherche à éliminer dans cette partie la discrimination.

S'il manque des ressources, il est évident que ce n'est pas une solution. Mais vous semblez chercher, dans cette loi, une solution à un manque de ressources. Je crois que vous allez chercher longtemps, effectivement; la solution n'est pas là. Je vois mal comment vous pouvez envisager qu'un projet de loi fasse une promesse aussi démagogique dans le fond et dise: Tous les besoins identifiés seront satisfaits, et cela on l'a garanti par un projet de loi. Vous ne retrouvez cela nulle part. Vous ne retrouvez cela dans aucun droit, un service assuré, qu'il s'agisse de l'éducation, qu'il s'agisse de la santé ou de n'importe quel autre service parmi les services sociaux. Vous ne pouvez pas trouver de garanties que tous les besoins seront satisfaits, indépendamment des ressources disponibles. Je ne vois d'ailleurs pas comment on pourrait le dire.

M. Couture: Je pense, M. le ministre, qu'on ne vous demande pas des garanties. Nous sommes bien conscients du fait que la loi devra être appliquée et qu'elle sera appliquée dans la mesure où les ressources seront disponibles.

Mais on aurait quand même pensé que le projet de loi aurait été plus explicite quant à l'administration de cet office. Par exemple, on aimerait savoir dans quelle mesure les corporations existantes d'ateliers de réadaptation vont s'impliquer dans le travail de l'office. Est-ce que le ministère compte, dans les règlements qu'il va édicter suite à la loi, définir le cadre légal des corporations, définir leur représentation et de quelle façon la loi et les droits vont être respectés sur le plan régional? On peut difficilement concevoir qu'un office situé

à Québec soit en mesure d'exercer le contrôle et la surveillance et de voir à l'application journalière des ateliers protégés.

M. Forget: Vous mélangez plusieurs questions à la fois. D'abord celle de savoir comment cela sera administré; je pense qu'on ne trouve cela dans pratiquement aucune loi, de même que s'il y aura un bureau central, cinq bureaux régionaux, deux, trois ou douze, ou vingt-deux. Vous allez trouver dans l'administration publique, selon les besoins et selon les ressources disponibles dans chacun des cas, le nombre de bureaux nécessaires pour être accessibles et donner les services appropriés. Je n'ai pas d'exemple, dans les lois que nous ayons ou les lois qu'on peut observer ailleurs, que le nombre de bureaux ou leur adresse soit spécifié dans un texte de loi.

Donc, cela dépendra des besoins. Si on juge au départ que l'office est incapable de prendre ces décisions, il ne faudra peut-être pas le créer. Mais je pense que c'est une décision administrative de décider de l'adresse des bureaux. Je ne verrais pas un texte de loi faire cela.

Les autres questions que vous soulevez: Quelle sera la structure des corporations qui administrent ces ateliers? Le silence de ce projet de loi est assez explicite au moins là-dessus, en ce sens qu'il n'y a pas de disposition dans la loi qui peut forcer une corporation existante à modifier sa composition pourvu qu'elle corresponde à des objectifs compatibles avec le but poursuivi par l'office, c'est-à-dire la réinsertion, l'intégration sociale dans le milieu du travail des handicapés.

La solution à cela, c'est une loi comme la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui détermine d'avance, et selon un modèle uniforme, la composition des conseils d'administration.

Est-ce que vous soulevez ce point pour plaider qu'il serait opportun que l'on détermine dans une loi l'organisation interne et la structure administrative des corporations qui administrent tout ce qu'on appelle maintenant des ateliers protégés?

M. Couture: Mais cette question a-t-elle justement été examinée par les personnes...

M. Forget: Oui, elle a été examinée. La réponse que vous trouvez, ce n'est pas une absence de réponse, c'est la réponse qu'il n'est pas prévu de dicter la constitution ou la structure administrative de ces entreprises, seulement de les agréer dans la mesure où leurs objectifs correspondent aux objectifs d'intégration sociale de l'office.

M. Couture: Vous l'aviez déjà fait dans le cadre de la loi 65.

M. Forget: En effet. Ceci n'a pas été fait dans ce cas. On ne le fait pas dans tous les cas.

M. Couture: Je comprends.

M. Forget: Dans la plupart des cas, vous avez des lois générales d'incorporation, comme la Loi des compagnies, dans sa troisième partie, permet l'incorporation d'organismes sans but lucratif. Il y a la Loi des syndicats professionnels. Il y a un tas de lois qui permettent à des gens de se grouper et de s'incorporer pour poursuivre des objectifs qu'ils se déterminent eux-mêmes.

Quand vous ne retrouvez pas de disposition analogue dans une loi, cela veut dire qu'une décision a été prise de ne pas dicter de façon uniforme la composition des organismes. Ma question, puisque vous avez soulevé ce problème et que vous semblez malheureux de voir que c'est absent dans la loi: est-ce que vous suggérez que l'on impose une structure uniforme à tous les ateliers protégés?

M. Pelletier: Si vous me permettez, M. le ministre, pas nécessairement. Tout ce que les parents et les amis de personnes déficientes mentales veulent, dans le fond, c'est qu'il soit bien déterminé et bien établi — on le voudrait dans une politique légale ou dans un projet de loi — quels sont les services garantis pour les personnes qui ne seront pas aptes ou qui seront déclarées inaptes à un reclassement professionnel. Vous dites: Sera agréé, l'atelier qui favorise l'intégration sociale, l'intégration professionnelle. Ce sont toutes des petites choses qui, dans un texte de loi, ne sont peut-être pas assez précises pour protéger l'individu qui n'a pas le potentiel pour s'intégrer dans un milieu de travail normal. Y a-t-il des dispositions prises pour lui garantir du travail en milieu dit protégé? C'est peut-être un terme qui...

M. Forget: Vous fournissez la réponse à votre question, dans votre mémoire. Je vous réfère à la page 10, au paragraphe du milieu. Vous indiquez que "... le Québec possède plusieurs ressources qui, souvent, ne sont pas utilisées à leur plein potentiel. Nous croyons donc qu'il serait préférable que l'Office fasse en sorte que les différents organismes jouent leurs rôles vis-à-vis des personnes atteintes d'une déficience en les aidant et en coordonnant leurs efforts et non en tentant de faire le travail pour eux. L'Office pourrait aussi jouer ces rôles de support et de coordination tout en étant l'ombudsman avec suffisamment de pouvoirs pour imposer ses directives."

Vous décrivez en à peu près dix lignes ce qui est essentiellement le but du projet de loi en indiquant également ses limites. Cela correspond exactement à vos voeux, si je comprends bien, de dire, dans le cas de ceux qui ne sont pas intégrables, qu'il y a des services sociaux, qu'il y a les services de santé. Je crois qu'on ne cherche pas à faire plus de discrimination qu'il est strictement nécessaire pour résoudre des problèmes bien particuliers.

Dans ces cas, ma réponse serait: Y a-t-il vraiment nécessité de légiférer pour dire que les hôpitaux et les centres d'accueil doivent continuer à donner les services et à les améliorer vis-à-vis des personnes handicapées? A-t-on besoin d'une disposition législative additionnelle à ce qui existe déjà relativement à ce genre de problème?

M. Couture: Mais oui. Il existe présentement des ateliers protégés mais qui reçoivent des déficients handicapés plus profondément, si on veut. On se demande, avec l'arrivée d'une nouvelle loi, de quelle manière les droits des personnes inaptes au reclassement vont être reconnus dans le projet de loi. Il me semble que le projet de loi s'adresse davantage à un secteur très minime des handicapés mentaux, c'est-à-dire ceux qui sont les plus fonctionnels. La question est: Qu'est-ce qui arrive des personnes qui le sont moins? Est-ce qu'elles relèvent de l'office ou vont-elles relever de je ne sais pas quoi?

M. Forget: Le ministère des Affaires sociales va continuer à fonctionner, je pense, et les organismes qui fonctionnent en collaboration avec lui, également. A-t-on besoin d'aller au-delà de cela?

M. Perreault (Gaston): M. le ministre, là, peut-être, où nous avons erré, c'est avec le titre du projet de loi. Le titre est la Loi sur la protection des personnes handicapées. Aucune restriction.

M. Forget: Vous avez la Loi sur la protection du malade mental et vous avez la Loi de protection de la santé publique. Je ne crois pas, quand on a discuté de ces autres projets de loi, qu'on supposait que tout le reste des services de santé ou de services sociaux disparaissaient pour autant. Ce sont des lois de protection dans le sens suivant, non pas nécessairement que tout le monde a besoin d'être protégé dans le sens protectionniste du mot, mais il y a certains aspects qui nécessitent une intervention particulière pour protéger la santé publique. Il peut s'agir des maladies infectieuses. Pour ce qui est de la protection du malade mental, c'est d'éviter que l'hospitalisation psychiatrique devienne une occasion d'internement, dans le fond, pour des raisons de santé.

Donc, il y a des mesures de protection qui sont strictement limitées au but poursuivi. Cela ne veut pas dire que cela impliquait, par ces lois, qu'on abrogeait la Loi sur les services de santé et les services sociaux, par exemple. La même chose est vraie ici; on ne vise pas à créer la grande charte de la personne handicapée qui va s'occuper de tous les aspects de sa vie; 90% des aspects de sa vie sont régis par les lois d'application générale, II y a seulement quelques aspects où une intervention particulière peut, à l'occasion, au besoin, être nécessaire. C'est peut-être ce problème de perception qui joue dans votre évaluation soit pour vous faire trouver des choses, soit vous faire chercher des choses qui ne peuvent pas y être, parce qu'elles existent dans les autres lois et sont la responsabilité d'autres organismes, ou pour vous faire regretter des interventions spéciales qui seraient abusives, si elles s'appliquaient à l'ensemble des services. Je crois qu'il y a une distinction très importante à faire.

M. Perreault (Roger): M. le ministre, tantôt, je m'excuse si, personnellement, j'y reviens, j'avais soulevé tantôt le problème des ressources. La question qui avait été posée, était: Est-ce qu'on veut laisser croire que les ressources devraient être sans fond pour garantir des services? A ceci, je ne crois pas que nous ayons répondu. La réponse est certainement non. Nous aimerions certainement avoir dans un projet de loi, personnellement, je ne suis pas un expert en face d'un projet de loi, mais j'aimerais voir en quelque endroit qu'il y a des ressources qui ne sont peut-être pas à l'infini aujourd'hui, mais qu'il y a des plans justement pour que ces ressources augmentent avec le temps pour qu'à la fin les ressources correspondent peut-être aux besoins. Les plus grands problèmes que nous affrontons aujourd'hui, lorsque nous rencontrons des organismes locaux, soit du ministère des Affaires sociales ou d'un autre sont que les gens sont certes très sympathiques aux demandes, reconnaissent tous les besoins, mais disent: On n'est pas capable. Quelle différence y a-t-il — je repose ma question — entre un droit qu'on a et un droit qu'on ne peut pas exercer?

M. Forget: C'est une opinion à laquelle vous avez parfaitement droit. Si vous croyez qu'il vaut mieux ne pas parler de droit et ne pas parler d'un office et s'occuper de développer des ressources en gardant, sur le plan législatif, le statu quo, je peux être d'accord avec vous à la limite, mais je crois qu'en mélangeant les deux questions, dans le fond, on n'aide personne. Il y a des problèmes législatifs, il y a des problèmes de discrimination, même avec les ressources existantes. Il y a des cas de discrimination qui sont constatés, même lorsque les ressources sont là. Cela vise l'utilisation qu'on fait des ressources, à ce moment, et pas leur existence. Je pense que ces problèmes, on peut déjà les aborder sans nécessairement attendre que les ressources soient complètement développées, parce qu'on risque d'attendre longtemps. Il reste qu'en effet il serait irresponsable de ma part et de la part de n'importe qui de prétendre que, le lendemain de la proclamation d'un texte législatif, tous les besoins trouveront des réponses. Je pense qu'il est bien nécessaire que je réaffirme que, si l'on croit que c'est là le but du projet de loi, on s'aventure vers des déceptions. Ce n'est évidemment pas possible. Les programmes de développement, les plans de développement doivent exister en parallèle, mais je ne vois pas comment, dans une loi, on peut donner des gages de cela, sauf en créant un autre organisme qui aura la tâche de développer des plans, mais je pense qu'on en a assez des organismes. Le but de l'office n'est pas de faire des plans et de faire de la littérature, c'est essentiellement d'aider dans la capacité que vous avez vous-même très bien décrite, à votre page 10, non pas de doubler les organismes existants, mais de servir d'agent, de maître d'oeuvre dans l'utilisation des services existants au bénéfice d'une personne en particulier.

Le Président (M. Brisson): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, j'estime que l'échange que vient d'avoir le ministre avec l'asso-

ciation qui est devant nous nous permet d'aller un peu plus loin. Je ne suis pas du tout convaincu que les arguments du ministre aient écarté les remarques qui nous avaient été offertes tout à l'heure. Je pense, M. Perreault, que vous avez raison de trouver entre le titre de la loi, donc son objectif, parce qu'ici, on a appris à travailler avec des types de loi comme étant l'affirmation d'un objectif, et le contenu réel de la loi, une démarcation inévitable pour qui va avoir à vivre cette loi. Effectivement, plus on regarde cette loi, moins elle touche de personnes. Il y a l'oubli des enfants, par exemple; vous avez noté et un autre groupe nous l'avait signalé, la catégorisation de certains handicapés, certains, au dire du ministre dans sa réponse tout à l'heure, devenant, à cause de la nature de leur handicap physique ou mental, bénéficiaires éventuels de la loi et des services que peut leur offrir l'office, et d'autres, à cause de la gravité de leur handicap devront compter uniquement sur les services habituels du réseau des Affaires sociales, c'est-à-dire centres d'accueil, hôpitaux pour soins prolongés, etc.

Cela remet en cause toute la discrimination qu'il peut y avoir dans l'application de cette loi, puisque où va passer le couteau qui va faire que, pour un, existeront des services qu'on peut travailler à rendre les plus humains possible, et, d'autre part, l'autre devra, lui, continuer la situation qui est la sienne. Pour qui a visité des hôpitaux de malades chroniques et, en particulier, pour enfants déficients mentaux graves, il s'agit, ni plus ni moins, d'un ghetto où ils sont, à toutes fins pratiques, abandonnés.

L'argumentation du ministre n'écarte pas le fait que cette loi porte, si nous ne la corrigeons pas, une discrimination plus grave encore, peut-être, du fait qu'elle interviendra favorablement à l'égard de certains handicapés en laissant pour compte un certain nombre d'autres; je dis plus grave peut-être que la situation actuelle, qui a au moins l'uniformité de l'injustice, si vous me permettez cette expression.

Vous étiez peut-être avec nous ce matin lorsque d'autres groupes ont passé. Vous vous rappelez que le premier groupe que nous avons entendu, l'Association de paralysie cérébrale, nous a fait une suggestion que j'ai retenue à l'article 57, qui vise à inclure "à faire avec" — c'était leur expression — le plan de reclassement professionnel et social d'un handicapé avec le consentement de la personne handicapée. Le principe de cela a été défendu et, je pense, devrait être considéré comme acquis. Il s'agit du respect de la personne humaine.

Vous représentez un groupe de handicapés particuliers dont le taux de déficience peut être variable. J'imagine qu'en principe vous souscrivez à l'objectif défendu ce matin de l'implication de la personne handicapée dans le tracé de son plan de reclassement. Vous savez que, pour un certain nombre de handicapés, déficients mentaux, la collaboration à l'établissement d'un tel plan est, à toutes fins pratiques, impossible à réaliser concrètement, à moins d'y mettre une grande somme d'énergie et une grande somme de temps également.

Comment pouvez-vous nous suggérer de concilier les deux objectifs, c'est-à-dire connaissant la réalité pour un certain nombre de handicapés et favorisant en même temps le principe d'inclure autant que possible la personne handicapée dans la détermination de son plan de reclassement?

M. Perreault (Gaston): Encore là, M. le député, la réponse que je vais vous donner n'est peut-être pas une réponse universitaire. Mais je vais vous donner une réponse de parent. Je pense qu'en principe il est important que les personnes handicapées mentalement fassent partie d'un plan qu'on veut dresser pour elles, mais je dirais qu'il faut y aller avec beaucoup de jugement, tout comme, à certains moments, je suis prêt à consulter mon enfant de six ans pour certaines choses, mais je n'oublie jamais, dans les remarques qu'il me fait, la confiance que je lui fais et ce que je suis prêt à faire avec ce qu'il me dit. Je me rappelle toujours qu'il a six ans. L'âge mental des déficients mentaux peut varier entre un âge qui est à peu près cinq ans ou six ans. On ne peut pas s'attendre qu'un enfant raisonne comme un adulte. C'est le cas du déficient mental.

M. Charron: Je vais vous poser la question qui rejoint ma... J'avais une deuxième question en tête lorsque je vous ai posé celle-là.

Si on est incapable de tracer, avec une personne, son plan de reclassement professionnel et social, si la tâche est, à cause de la gravité de la déficience de la personne en cause, impossible à établir avec son consentement, avec ses goûts, avec ses préférences, avec ses ambitions et avec ses intérêts, diriez-vous que, lorsque la collaboration à pareille réalisation est impossible, nous sommes en face d'une personne inapte à être reclassée?

M. Perreault (Gaston): Inapte est un terme qui me semble aussi permanent que la mort. Quelqu'un qui est inapte, c'est quelqu'un qui ne peut pas faire quelque chose, plus jamais.

Cela me semble être un jugement — dans ma tête toujours — à long terme, qui n'a pas de recours. Quelqu'un qui est inapte, par exemple, à faire quelque chose, à mon avis, sur la rue Saint-Jean à Québec ou sur la rue Sainte-Catherine à Montréal n'est peut-être pas inapte dans le troisième rang à Saint-Flavien à faire certaines choses.

Il s'agit, à mon avis, d'un milieu de vie en fonction d'une capacité de fonctionner. Selon l'expérience que je vis, la déficience mentale n'est pas qu'on doit obliger les gens à faire des choses, mais on doit essayer de trouver comment elles peuvent le faire mieux et à quoi. Les gens qui auraient de la difficulté à collaborer à tracer un plan pour eux — et vous allez en trouver plusieurs à déficience mentale, des personnes déficientes... Je pense qu'une équipe de gens qui travaillent avec eux, qui les voient fonctionner pendant un certain nombre de jours, de mois même, pourraient à un certain moment dire: Cette personne, si on s'y prend d'une telle façon, réagit valablement; il y a

des choses importantes pour lesquelles elle réussit mieux. C'est quelque chose qu'on fait avec tout le monde. On essaie de faire ressortir les qualités des gens et de s'en servir à bon escient.

Avec le déficient, ce n'est pas différent, excepté que le niveau est moindre. On travaille à un niveau moins élevé au niveau de la capacité. Si vous demandez à un déficient, par exemple, de sculpter des meubles, il n'est peut-être pas capable, mais demandez-lui de sabler le vernis dessus, il est capable, il n'est plus inapte.

M. Pelletier (Jacques): Si vous me permettez. Lorsqu'on parle de déficience mentale, il faut toujours garder en tête la question de parents, de mandataire ou de parrain civique, qui que ce soit. Je crois qu'il est très important, lorsqu'on parle de libre choix, si on parle d'une personne qui a une déficience physique qui peut très bien participer et avoir le choix de son reclassement professionnel... Au niveau du déficient mental, c'est peut-être un peu différent à certains moments. Peut-être pas tout le temps. Il y a plusieurs individus qui sont déficients mentaux qui peuvent très bien prendre des décisions pour eux-mêmes, selon leurs goûts, leur potentiel etc. Il y en a d'autres, par contre, où on demande quand même que le mandataire ou le parrain civique ou le parent ait un gros mot à dire là-dessus.

M. Couture: Dans bien des cas, la volonté d'être reclassé n'existe pas toujours chez le déficient, il doit être stimulé.

M. Charron: Oui, d'accord.

M. Couture: Je pense qu'être inapte au reclassement, c'est porter un jugement définitif sur une personne à un moment donné.

M. Charron: Mais, la loi telle qu'elle est rédigée actuellement — c'est peut-être une des raisons pour lesquelles vous vous y opposez à bon droit mentionne à l'article 46c le critère à partir duquel on établira l'aptitude à un reclassement ou l'inaptitude à un reclassement. Les groupes de la semaine dernière, comme ceux de ce matin, nous ont fait remarquer à plusieurs occasions que ce caractère, qui dans le cas des déficients mentaux est appelé à 20%, je pense, est tout à fait aléatoire et arbitraire. Puisque éventuellement, malgré toute la latitude d'esprit, la largesse de coeur aussi qu'on pourra y mettre pour ne se résigner qu'en tout dernier lieu avant de classer comme inapte au reclassement une personne handicapée, quels sont les critères que vous nous suggérez de retenir plutôt qu'un critère mathématique qui peut varier selon les évaluateurs?

Il existera des gens pour qui les bénéfices de la loi sont chose qui leur appartient et il y en a d'autres qui ne pourront pas s'y rendre. Comment pouvons-nous établir cette démarcation?

M. Couture: Je pense qu'il appartient beaucoup plus aux éducateurs, aux personnes de tous les jours qui côtoient les déficients d'être en me- sure de déterminer un peu sa capacité ou ses aptitudes à un reclassement beaucoup plus que d'en revenir à des notions de pourcentage, tout en se demandant véritablement ce que 100% représentent. Nous avons déjà, dans certains ateliers protégés de comité, des personnes qui examinent chaque cas en particulier et qui portent des jugements ou qui forment certaines recommandations quant à leur reclassement ou encore quant au genre de programmes qui doivent leur être confiés. Je pense qu'on devrait quand même adopter une politique semblable, c'est-à-dire sans se référer justement aux personnes au niveau local, aux personnes responsables de l'atelier protégé ou à la corporation pour porter un jugement de cette nature plutôt que de s'en référer à un office des handicapés situé à Québec, même si M. le ministre a laissé entendre tantôt qu'il pouvait y avoir des bureaux régionaux.

La question n'est pas là. Je pense que cette décision appartient aux parents, aux éducateurs. Ce n'est pas une décision, ce sont plutôt des recommandations, des jugements qu'on peut porter, à un moment précis.

M. Charron: Si j'ai bien compris, la semaine dernière — il est tout à fait libre de me reprendre ou de me corriger s'il le veut — à un argument d'un groupe qui défendait une position à peu près comme la vôtre, c'est-à-dire que c'est à ceux qui sont auprès de la personne handicapée de trancher la question, autrement dit, le ministre des Affaires sociales a semblé craindre que cela ne conduise inévitablement à une surcharge auprès de l'office, dans le sens que peu de ces personnes se résigneront à classer comme inapte et donc connaissant bien le déficient, vivant avec lui et n'abandonnera jamais espoir de retrouver un endroit où cette personne pourra retrouver la liberté de n'importe quel humain, qu'en fin de compte l'office soit obligé de prendre tous ceux qui sont recommandés et que presque tout le monde lui soit recommandé de cette façon...

M. Forget: M. le Président, comme le député de Saint-Jacques me cite, j'aimerais compléter la citation. Si vous faites appel à des critères qui n'en sont pas, essentiellement vous faites appel au bon jugement de ceux qui ont un travail à faire; dans un premier temps, il est possible qu'il y ait beaucoup de gens qui se croient aptes ou croient leurs enfants ou les gens dont il s'occupent aptes à un reclassement. En soi, ce n'est pas grave, puisque cela indique seulement la grosseur du problème à résoudre; mais dans un deuxième temps, il va y avoir une sélection professionnelle contre laquelle il est peut-être nécessaire de se prémunir. Dans des situations comme celles-là, on le voit dans à peu près tous les organismes d'aide, quand il y a un volume suffisant pour justifier l'existence de l'organisme, les cas les plus difficiles tendent à être négligés puisqu'on trouve amplement à se justifier autrement. C'est dans cette optique qu'on a des seuils de handicap, si l'on peut dire, au moins à l'état de suggestion dans le projet de loi, qui tendent à obliger l'organisme à s'occuper en

priorité de ces cas plus lourds, parce que, du moins au niveau de la rédaction, si l'on regarde soigneusement le texte, ce n'est pas une raison. Ces pourcentages ne constituent pas des raisons pour refuser des services de reclassement professionnel. Donc, toute personne handicapée a le droit de réclamer les services et cette clause de 46c n'a pas un effet limitatif. Mais on cherche à orienter, par cette disposition, l'action de l'office vers ceux qui sont les plus gravement atteints; parce que dans le cas d'un achalandage maximum, il est clair que ce seront là les premiers à être négligés. Enfin, c'est clair pour moi. Je ne sais pas si cela l'est pour tout le monde. Je pense que l'expérience nous montre que c'est souvent ce qui se passe.

M. Dufour (Jean-Claude): M. le ministre, en fait, le projet de loi no 55 représente une évolution sociale, une évolution de la conscience sociale. On s'est aperçu que les handicapés de toute nature sont des humains au même titre que les autres. Cette portion de la population contracte un contrat avec le reste de la population par le biais d'un projet de loi, le projet de loi 55.

Vous avez, au début, posé la question, en disant: Votre mémoire semble vouloir critiquer la loi, dans un sens il dit que c'est trop et, dans l'autre sens, c'est trop peu. La question qu'on se pose véritablement, c'est: Quel est l'engagement pratique du gouvernement? Parce qu'un engagement, une loi, c'est beau, mais pour autant que cela permette à des individus d'exercer des recours en droit contre... le chapitre 1 n'est qu'une déclaration de principe. On veut tout embrasser, mais on n'embrasse rien au sens pratique du mot. Tandis qu'au niveau du reclassement professionnel, il y a un engagement pratique du ministère. C'est ce qui fait peut-être la bisbille dans tout cela.

M. Forget: Mais il n'y a pas de réponse à la question, comme vous la formuler, comme je vous ai indiqué tout à l'heure. Si vous cherchez des garanties, vous ne les trouverez pas, évidemment, dans un texte de loi. Vous ne les trouverez qu'à l'expérience.

Le Président (M. Brisson): Le député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Messieurs, je comprends un peu plus qu'avant et depuis toujours, particulièrement les sentiments d'aigreur que vous pouvez manifester et qui peuvent paraître amers aujourd'hui dans certaines déclarations qui sont contenues dans votre mémoire.

Je rattache à cela le terrible quotidien que vous vivez tous les jours avec ces cas-problèmes, ces cas de handicapés. Vous voyez depuis des an-nés des cas extrêmement sympathiques et vous n'avez aucun recours pour les soulager ou leur rendre véritablement les services que vous pensez être capable de leur rendre. Un jour, après bien des recommandations, particulièrement de ceux qui ont fait un travail dans l'ABC pour les édifices publics, pour tâcher d'obtenir certains critères fa- cilitant l'accès à certains bureaux, arrive un espoir, celui d'une loi qui s'appelle la loi 55 et qui, aux yeux de tout le monde, devait être une loi salvatrice qui devait vous apporter des solutions miracles ou des solutions qui vous aideraient au moins à traverser les pires moments que vous avez connus depuis des années.

Le fait probant, c'est que vous êtes, comme d'autres qui vous ont précédés, déçus de ne pas trouver dans la loi ce que vous pensiez y trouver. Je crois que vous n'êtes pas les seuls; nous en entendrons d'autres venir dire que la loi n'est pas parfaite, ne rencontre pas les objectfs que vous recherchez, particulièrement dans cette difficile mission qui vous est dévolue, par un dévouement sans borne auprès des déficients mentaux.

Je pense qu'il faut comprendre aussi que vous avez un devoir, une responsabilité qui est difficile parce que vous vivez tous les jours, depuis des années, ces problèmes sans espoir de solution. On vous apporte un projet de loi, no 55. Après l'avoir étudié comme vous l'avez dit, M. Perreault, sous plusieurs facettes, vous y trouvez des choses qui peuvent être véritablement bonnes, mais, en ce qui concerne particulièrement le droit des libertés individuelles, vous êtes intransigeant et je vous comprends. Vous ne voulez pas créer une seconde zone de ces handicapés mentaux et physiques. Vous voulez au moins qu'ils soient traités de la même façon et profitent des mêmes avantages que tous les citoyens ordinaires de notre société québécoise.

Maintenant, il y a une chose certaine, c'est que, dans votre mémoire, j'ai trouvé des choses merveilleuses. Par exemple, quand on prend l'article 9, on dit que des plaintes écrites seront portées quand 99% de ces gens handicapés ne peuvent pas signer. C'est sûr qu'on pourrait avoir une solution de rechange; un système de document audio-visuel pourrait être accepté, ce serait peut-être de bonne mise. Mais, pour les handicapés, quand vous en avez récupéré 2% au travail... Ce matin, je me suis fait donner des statistiques par d'autres qui vous ont précédés; le pourcentage des statistiques est très faible. Donc, comme la réhabilitation au travail est extrêmement difficile — vous le dites dans votre mémoire — ça devient une loi supplétive pour remplacer, par des subventions ou de l'aide matérielle, certaines déficiences physiques et mentales; c'est ça tout le projet de loi.

Mais, quand on arrive à l'article 46 et qu'on voit: peuvent demander leur enregistrement auprès de l'office aux fins de bénéficier des dispositions du présent article, les personnes qui ont une diminution de 30% de capacité physique et 20% de capacité mentale, on se dit: Un enfant qui a 4 ans, 5 ans, 7 ans, 8 ans, où est-ce qu'il va s'enregistrer? Il n'est pas là, c'est fait pour les adultes. Surtout aux articles suivants, je proteste énergiquement contre l'enregistrement de ces pauvres malheureux qu'on veut véritablement enregistrer. C'est seulement par un enregistrement qui doit être présenté suivant la formule prescrite par un règlement du lieutenant-gouverneur en conseil qu'ils pourront être acceptés. A l'article 48 on dit: se

soumettre à un examen par un professionnel et, à l'article 49, l'office "peut, s'il l'estime nécessaire, faire procéder à tout examen complémentaire." L'article 50: Dans les 60 jours de la réception de la demande, il accorde l'enregistrement au demandeur qui satisfait à toutes les conditions prescrites par l'article 46.

Je ne trouve pas cela généreux de la part du ministère de vous avoir donné une loi comme celle-là. Il faudrait qu'elle soit revue, refaite et recorrigée, avec des gens comme vous qui vivez dans le milieu particulièrement difficile. Ce ne sont pas des planificateurs payés à $25 000 ou $30 000 qui peuvent réellement faire une loi pour des handicapés qui soit, comme on le dit en bon canadien, en langage français, "suitable".

C'est défendu de manifester...

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare (Johnson): Si je monte le ton, c'est parce que je suis convaincu de ce que je dis. Je pense que vous avez là une loi qui devrait être faite comme vous le dites. Vous avez été chanceux, parce qu'il y en a, la semaine dernière, qui se sont fait passer le rabot pour avoir été moins loin que vous autres et qui se sont faits dire: On n'a pas de leçon à recevoir. Vous auriez dû entendre le ministre à ce moment-là. Il n'était pas de bonne humeur contre certaines délégations.

Le Président (M. Brisson): J'inviterais le député de Johnson à poser des questions.

M. Bellemare (Johnson): Oui. Je suis ici comme membre de la commission parlementaire. J'ai le droit de donner mon opinion à la suite du mémoire. Je m'en suis tenu au mémoire, et à la loi, M. le Président. Où est-ce que j'ai manqué dans tout cela? Est-ce que parce que cela ne fait pas votre affaire, M. le Président? Je respecte votre décision. Si vous m'enlevez le droit de parole, je vais me soumettre, mais j'ai encore bien des choses à dire.

Le Président (M. Brisson): Je soumets très honorablement au député de Johnson que je suis neutre comme président, premièrement. Deuxièmement, nous avons ici des invités qui viennent présenter des mémoires.

M. Bellemare (Johnson): Oui, je suis d'accord.

Le Président (M. Brisson): Troisièmement, à six heures, nous devons arrêter...

M. Bellemare (Johnson): Ce n'est pas moi...

Le Président (M. Brisson): Quatrièmement, que les membres de la commission doivent poser des questions afin d'être éclairés davantage. Disons que je vous ai laissé aller un peu, mais j'aimerais bien que les questions soient de mise.

M. Bellemare (Johnson): Mais pourquoi est-ce que c'est moi qui suis toujours limité? Est-ce que c'est parce que je suis le dernier?

Le Président (M. Brisson): C'est parce que vous parlez tellement bien qu'on vous laisse faire.

M. Bellemare (Johnson): Oui? M. le Président, c'est un témoignage sans équivoque. Messieurs, qu'est-ce que vous entendez particulièrement — est-ce que j'ai le droit de vous poser une question comme cela — par les professionnels de la santé? Il est bien entendu que, dans la loi, ce sont les professionnels de la santé qui vont être appelés à juger. J'aimerais bien vous entendre sur cela.

Une Voix: Oui.

M. Bellemare (Johnson): Ma première question a été posée sur l'article 46, à savoir si vous acceptez le barème, le quota de 30% pour les handicapés physiques et de 20% pour les handicapés mentaux. Qu'est-ce que vous faites pour les gens qui sont majeurs, mais qui sont des enfants? Deuxième question, qu'est-ce que vous faites avec les professionnels de la santé? Quelle est votre opinion? J'aurai deux petites questions pour terminer, si le président m'accorde le droit de parole, bien entendu.

M. Perreault (Gaston): M. le député, M. le Président, je ne sais pas réellement quelle définition nous pourrions donner aux professionnels de la santé. Nous avons regardé, au chapitre I, quelle interprétation la loi en donnait et nous ne l'avons pas trouvée.

Nous n'en avons pas personnellement à définir des professionnels de la santé.

M. Bellemare (Johnson): Quelqu'un est venu avec un mémoire la semaine dernière et il nous a dit que cela devrait être le médecin. Il n'y a pas seulement qu'un médecin qui peut, dans un cas d'invalidité, dans le cas d'une personne handicapée, donner une opinion, qui peut être un professionnel de la santé tout comme un médecin. Il peut y avoir des psychologues, il peut y avoir une foule de "logues" que je...

M. Couture: Je pense qu'on devrait apporter des modifications à la loi pour préciser davantage. Je pense que le législateur n'a pas voulu exclure les psychologues, les travailleurs sociaux et d'autres catégories de personnes.

M. Bellemare (Johnson): Mon autre question, puisqu'il faut aller vite pour donner la chance à tout le monde et qu'on n'aime pas trop souvent m'entendre, c'est qu'à l'article 79 il est question que celui qui se croit lésé parce que l'enregistrement auprès de l'office lui a été refusé, parce que cet enregistrement a été révoqué, ou parce que l'aide matérielle lui a été refusée, réduite, suspendue ou annulée, puisse en appeler à la Commis-

sion des affaires sociales. Est-ce que vous trouvez cela bien logique que l'appel soit logé auprès des Affaires sociales au lieu d'un autre tribunal qui serait organisé par l'office, ou bien par un autre corps indépendant? C'est blanc bonnet et bonnet blanc.

M. Pelletier (Jacques): M. Bellemare, vous avez répondu, en partie, à la question que vous avez posée. En fin de compte, l'office va relever de quel ministère? Ce n'est pas indiqué dans le projet de loi. Mais nous avons des petits doutes. En fait, on parle beaucoup d'affaires sociales.

La commission parlementaire, on en doute fortement, si c'est effectivement le réseau de plaintes. On trouve qu'il y aurait peut-être des mécanismes plus efficaces.

La Commission des droits de la personne vient de commencer, elle n'est peut-être pas encore tout à fait efficace. La Commission des affaires sociales, on n'est vraiment pas certain que ce sera une méthode juste et efficace d'entendre des plaintes.

M. Forget: Est-ce que je pourrais enchaîner là-dessus? Est-ce que je pourrais avoir des détails là-dessus? Il s'agit quand même d'un tribunal qui juge sur des questions assez variées, par exemple, les appels en vertu du Régime de rentes sont jugés par la Commission des affaires sociales; le problème de protection du malade mental est également tranché par la Commission des affaires sociales qui est un tribunal qui ne doit pas être confondu avec un ministère en particulier.

J'aimerais avoir des explications. Pourquoi jugez-vous que ce n'est pas un tribunal compétent pour décider de ces questions?

M. Dufour (Jean-Claude): M. le ministre, il y a au moins un fait à souligner au niveau de l'efficacité. C'est qu'on sait pertinemment, par expérience, que la Commission des affaires sociales a à statuer sur plusieurs choses, comme vous le dites, plusieurs juridictions et que les commissaires ne sont peut-être pas assez nombreux. A ce moment, les délais d'audition sont très longs.

M. Forget: Très longs; un mois, c'est très long?

M. Bellemare (Johnson): Pour un homme qui attend, oui. Pour un homme qui attend quand il a fait tous les sauts et les soubresauts, qu'il arrive devant la Commission des affaires sociales et que cela prend encore un mois, je vous garantis qu'il y a des problèmes.

M. Pelletier: Je dois dire aussi que la personne...

Mme Petitclerc: II y a aussi que les papiers se perdent facilement.

M. Bellemare (Johnson): Pardon?

Mme Petitclerc: II y a aussi que les papiers se perdent facilement.

M. Bellemare (Johnson): Sûrement.

M. Forget: Oui, mais ce sont des problèmes qui existent dans n'importe quel organisme. Cela ne répond pas à ma question, parce que vous créez un autre tribunal. J'imagine qu'il y aura des délais d'attente et qu'il y aura aussi... Comme vous dites, il y a des papiers qui se perdent; je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de papiers qui se perdent à un tribunal. Ordinairement, il y a un greffe. On ne sort pas les dossiers très facilement.

M. Bellemare (Johnson): Si le ministre me permet...

M. Forget: M. le Président, j'aimerais, malgré tout, qu'on réponde à ma question. On a laissé planer un doute sur un organisme quasi judiciaire qui agit en matière administrative. J'aimerais savoir pourquoi on croit sérieusement qu'un organisme comme celui-là n'est pas en mesure de donner un jugement impartial. Je pense que c'est une allégation assez sérieuse qui mérite d'être relevée.

M. Pelletier (Jacques): On n'a pas dit, M. le ministre, que la Commission des affaires sociales ne porterait pas des jugements impartiaux là-dessus; ce n'est pas notre problème et notre crainte. La crainte, c'est justement... Comme individus handicapés, par exemple, vous voyez plusieurs citoyens, aujourd'hui, qui ont beaucoup de difficultés à se déplacer. On a commencé notre séance et il y a des gens qui sont entrés pratiquement une heure après. On demande aux gens de se présenter en personne. La commission pourra-t-elle se déplacer et aller partout, pour les gens qui ne peuvent pas y aller?

M. Forget: Elle se rend même dans les centres hospitaliers, dans les cas où il y a des appels qui sont logés, par exemple, à partir de la Loi sur la protection du malade mental ou d'autres dispositions.

M. Pelletier (Jacques): Cela prend quand même un certain temps pour cela.

M. Forget: II n'y a pas d'organisme qui va être là le lendemain d'une demande d'appel; ne nous faisons pas d'illusions. C'est un organisme qui voyage dans tout le Québec, qui va dans toutes les régions, qui peut aller dans n'importe quelle petite ville pour entendre les témoins et siéger comme tribunal. Ne vous faites pas l'illusion que vous allez avoir un tribunal spécial d'appel pour les handicapés qui serait instantanément présent partout dans tout le territoire. Ce n'est pas possible.

M. Pelletier (Jacques): Ce n'est peut-être pas cela qu'on veut demander. On ne dit pas qu'il faudrait que cette commission y soit instantanément, mais cela prendrait peut-être un peu plus de garanties parce que la personne handicapée a soixante jours pour répondre. Il y a une norme, c'est écrit. Cela ne peut pas aller plus loin que soixante jours.

Par contre, pour répondre à la plainte, pour donner satisfaction à la personne, qu'est-ce qui va arriver? Y a-t-il des délais? Est-ce inscrit dans la loi? Une personne handicapée qui a beaucoup de difficulté à s'exprimer, par exemple, qui ne peut pas écrire, qui n'est pas accessible à un paquet de choses, qui va faire appel à ce tribunal qui est impartial, on se demande justement si on ne devrait pas avoir le droit d'appel directement à l'office pour commencer. Si après une décision: Monsieur, vous n'êtes pas apte à un reclassement professionnel...

Ensuite, ce qu'on se dit, c'est que la Commission des affaires sociales qui va juger des choses qui relèvent du milieu du travail...

M. Forget: Qui va juger de l'application de la loi, comme n'importe quel autre tribunal.

M. Pelletier (Jacques): Est-ce une loi des affaires sociales, finalement?

M. Bellemare (Johnson): Vous avez, à la Commission des accidents du travail, 200 000 cas par année. Il y a un tribunal d'appel, après la décision rendue, qui rend des décisions presque journalières, à toutes les semaines au moins.

Parce que le tribunal est effectif, il y a là une compensation, un service qui est beaucoup plus apprécié, que si cela vient dans un organisme où il y a toute une juridiction sur sept ou huit lois différentes.

M. Forget: M. le Président, je désire intervenir là-dessus, parce qu'on va s'engager dans un débat. Je ne suis pas du tout d'accord avec le député de Johnson sur l'analogie qu'il vient de faire. Il n'y a pas de tribunal d'appel. Il n'y a pas d'appel possible des décisions de la Commission du travail. C'est d'ailleurs un problème sur lequel le gouvernement se penche à l'heure actuelle.

M. Bellemare (Johnson): Allons donc! Il n'y a pas d'appel...

M. Forget: Ce n'est pas des affaires de la commission de vendre la commission...

M. Bellemare (Johnson): Le ministre se trompe. Il y a des appels continuels au sujet desquels le "board" siège toutes les semaines...

M. Forget: II y a une révision administrative.

M. Bellemare (Johnson): Non, monsieur. Il y a un comité de commissaires qui siège toutes les semaines pour entendre les appels. Tâchez de lire votre loi. Je vais vous faire la leçon devant tout le monde.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!

M. Forget: La leçon est adressée à Me Johnson ou à Me Bellemare.

M. Bellemare (Johnson): Comme vous voudrez.

Le Président (M. Brisson): Alors, d'autres questions?

M. Bellemare (Johnson): Je suis heureux d'avoir fait mon expérience.

Le Président (M. Brisson): Oui, madame.

Mme Petitclerc: II y a tout de même une chose. Au tout début de cette rencontre, vous nous demandez: Pourquoi vous opposez-vous? Pourquoi ne le voyez-vous pas d'un bon oeil? Or, ce qui fait tout de même plaisir, c'est que vous y répondez vous-même. Vous dites: Nous ne pouvons pas offrir de garantie. Donc, je vous dis: Ce dont nous nous plaignons, c'est justement parce qu'il n'y a pas de garantie et que c'est une structure énorme et que cela n'a pas de visage local, de sorte que, qu'on fasse appel à toutes ces questions que nous avons amenées ensuite, de plaintes et de tout ce que vous voudrez, vous savez, quand on demeure dans un tout petit village, dans un tout petit coin, et qu'il faudra venir à un endroit très éloigné, enfin... La réponse est là. Cette opposition vient du fait que la loi n'offre pas de garantie, que c'est trop vaste et que ce sera aussi trop coûteux. On recommande, vous l'avez dit, c'est à la page 10, mais ce n'est pas dans la loi 55.

M. Forget: Est-ce que je pourrais vous demander ce que vous proposez de retrancher comme pouvoir ou comme responsabilité de l'office? Comme vous dites que c'est trop gros, que cela fait trop de choses, j'apprécierais savoir de vous ce que vous voulez enlever.

Mme Petitclerc: Sans enlever, tout simplement redistribuer et utiliser ce qui est déjà en place.

M. Forget: C'est spécifiquement mentionné dans la loi, mais vous dites qu'il y a des choses là-dedans qui ne devraient pas y être. Vous devez avoir au moins un exemple à fournir.

Mme Petitclerc: Là, je ne sais pas à quoi vous faites... Je suis précise dans mon intervention. Je vous dis: Utilisez ce qui existe. Il y a des CLSC, il y a des CRSSS, il y a des ateliers, il y a des associations, il y a des organismes. Je vous dis: Utilisez à plein escient, sans nécessairement refaire toute cette perspective...

M. Forget: C'est ce que nous avons indiqué, que nous ferions, d'ailleurs. Je vous cite le paragraphe, à la fin de l'article 57. On le dit en toutes lettres. On dit exactement ce que vous venez de répéter, mais vous ajoutez à cela qu'il y a trop de choses là-dedans, que ce sera trop coûteux. Donc, tenant compte de cela, il y a des pouvoirs ou des fonctions que vous jugez ne pas devoir être assumées par l'office. J'aimerais savoir lesquelles. On

peut les examiner pour voir s'il ne serait pas opportun, en effet, de les supprimer. Encore faut-il que vous nous donniez concrètement ce que cela fait de trop pour l'office.

M. Pelletier (Jacques): Si vous nous permettez, M. le ministre, j'aime bien votre question. Ce n'est peut-être pas l'endroit pour commencer à vous donner ce qu'on voudrait et ce qu'on ne voudrait pas, ce qu'on voudrait enlever...

M. Forget: Au contraire, le but de la commission est d'être le plus spécifique possible, autrement, que vous disiez que vous n'êtes à peu près pas contents, mais que c'est assez vague, cela ne nous donne pas beaucoup d'indications. Dans votre mémoire, il n'y a pas plus de détails. Donc, la question que je vous pose, je pense, est tout à fait appropriée. Vous dites que c'est trop coûteux, trop compliqué, trop bureaucratique. Peut-être avez-vous raison. Je ne dis pas que vous n'avez pas raison, mais aidez-nous au moins, à décourvir les endroits où il y a des excès.

M. Pelletier (Jacques): D'accord. Quand vous dites que l'office a à faire des programmes de reclassement, à juger si un individu est apte ou non, à agréer des ateliers protégés, à les prendre en tutelle si, entre autres, ils sont déficitaires — c'est un petit problème, parce qu'on ne connaît pas tellement d'ateliers protégés qui font de gros profits, on en connaît plusieurs qui sont déficitaires — c'est toute cette fonction d'administrer les choses et, d'un autre côté, la fonction de protéger des droits. S'il faut vraiment avoir un office, laissez tomber toute la question d'administration, pour mettre de l'emphase sur la protection des droits, pour la coordination de ce qui existe déjà.

M. Forget: Je vais vous lire seulement un paragraphe. Je pense que vous l'avez probablement omis dans votre lecture du projet de loi. Le paragraphe que je vous citais tout à l'heure, de l'article 57: "Dans l'élaboration et l'exécution d'un tel plan, la fonction de l'office est d'aider la personne handicapée à obtenir des ministères, organismes publics et autres administrations publiques les services requis pour favoriser une récupération fonctionnelle raisonnable et améliorer son aptitude au travail."

Donc, qu'est-ce qu'on administre là-dedans, si ce n'est de se faire les interprètes et les avocats, si vous voulez, de la personne handicapée auprès des organismes existants, ce qui est exactement ce que vous nous suggérez de faire? Ce n'est pas de l'administration, quoique, évidemment, pour faire ça, il est nécessaire d'avoir un bureau, un téléphone, de recevoir les gens, d'écrire sur un papier quels sont leurs besoins et quelles sont les démarches à accomplir auprès de ces organismes? Bien sûr, là, c'est de l'administration, mais il est difficile de faire moins que ça.

M. Pelletier (Jacques): Si vous nous dites qu'effectivement l'office, dans ses fonctions et dans ce qu'il aura à faire, ne sera pas une structure qui sera trop lourde et trop bureaucratique...

M. Forget: C'est la loi qui le dit.

M. Pelletier (Jacques): ... à ce moment-là, on vous remercie de nous expliquer la loi un peu plus. Que voulez-vous? On n'est pas des avocats. On l'a regardée d'un oeil de parents, si vous voulez, ou d'amis. Même après vos explications, on demeure avec une impression d'une espèce d'entonnoir. Peut-être qu'une des façons, ce serait de vraiment spécifier que cet office, quitte à avoir certains services centraux, sera vraiment décentralisé, régionalisé et que, dans cet office, les personnes qui représentent les personnes handicapées ou les personnes handicapées elles-mêmes soient majoritaires ou soient quand même en position de force vis-à-vis de cela.

M. Forget: D'accord!

M. Dufour (Jean-Claude): Cela me fait penser un peu, en fait, à un individu qui arrive à un carrefour. L'Assemblée nationale est rendue à un tel point vis-à-vis des handicapés, qu'il y a plusieurs routes à prendre, mais elle ne sait pas trop quelle route prendre. On joue le rôle de défenseur, d'administrateur, de conseiller, d'informateur, dépis-teur, tuteur, portefeuille de l'employeur des ateliers protégés, contrôleur des associations bénévoles. Je pense que c'est un mandat trop large. Il va y avoir une perte d'énergie. Il serait peut-être préférable de rapetisser un peu l'entonnoir ou la position, ou de prendre une route et peut-être de bifurquer après et de changer, c'est toujours possible, ne pas trop embrasser.

M. Forget: J'ai bien compris ce que vous m'avez dit jusqu'à maintenant, mais, encore là, quand vous faites cette énumération, ma demande était de savoir laquelle de ces fonctions vous voulez éliminer.

M. Dufour (Jean-Claude): C'est ça dans la loi.

M. Couture: Je pense que nous sommes tous d'accord avec les fonctions qui sont énumérées à l'article 57. Ce qu'on voudrait savoir du ministre, c'est si, véritablement, la mise en application de ces droits et de ces services va se faire à partir d'un office central situé à Québec ou, justement, s'il va se faire un effort de régionalisation. Si c'est l'intention du législateur de régionaliser les services, de régionaliser l'office, on voudrait bien que, dans le texte de loi, ce soit mentionné, comme on l'a fait dans le cas de la loi 65.

M. Forget: D'accord!

Le Président (M. Brisson): D'autres questions? On vous remercie, messieurs.

J'appellerais l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie. M. Denis Morency, conseiller juridique.

Association canadienne des compagnies d'assurance-vie

M. Morency (Denis): M. le Président, M. le mi-

nistre, messieurs les membres de la commission, je suis Denis Morency, porte-parole et conseiller juridique de l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie. Je suis accompagné de Me Luc Plamondon, vice-directeur juridique de la Sun Life du Canada, ainsi que de M. Louis Labrecque, actuaire de l'assurance-vie Desjardins.

Je demanderais maintenant à M. Plamondon de bien vouloir commenter notre mémoire.

Le Président (M. Brisson): Oui, messieurs.

M. Plamondon (Luc): Notre intervention porte sur un point très restreint et ne touche que l'article 2 du projet de loi 55 et son interaction avec la Charte des droits et libertés de la personne. Plus particulièrement, nous sommes préoccupés des avantages sociaux complémentaires à l'emploi, particulièrement les régimes d'assurance sur la vie et les régimes d'assurance contre la maladie et les accidents.

La question qui se pose est la suivante: Si le handicapé a réussi à obtenir du travail — nous voyons les difficultés auxquelles il fait face pour en obtenir — la question se pose à ce moment-là. Doit-il avoir accès à ces régimes d'assurance sur la vie et d'accident-maladie sans tarification particulière? Le principe de l'assurance en général repose sur la formation de groupes de personnes — dans l'assurance collective du moins — qui représentent un risque relativement semblable. Je me permets une généralité, et c'est là qu'il faut des études, le handicapé peut représenter un risque — en assurance sur la vie et en assurance contre la maladie et les accidents — différent des gens de santé moyenne.

Dans la Charte des droits et libertés de la personne, il y a un article 97 qui permettait une discrimination — j'emploie le terme lestement — basée sur le sexe et l'âge dans les avantages sociaux. Il y a un comité particulier, le comité Boutin, qui a été chargé d'étudier les limites à apporter à cette discrimination.

Nous pensons qu'un article semblable est nécessaire dans le projet de loi no 55, touchant les handicapés et les avantages sociaux. Nous ne sommes pas prêts à proposer et à dire que tous les handicapés devraient se voir refuser l'accès à tous les avantages sociaux. C'est une position extrême qui ne peut pas tenir. Je pense qu'il serait imprudent également de croire l'inverse, que tous les handicapés devraient avoir accès à tous les avantages sociaux complémentaires à l'emploi, sans tenir compte du risque actuariel que leur état de santé peut occasionner.

Il y a un moyen terme à trouver. Il n'est pas particulièrement facile de le trouver. Nous suggérons un comité particulier pour l'étudier.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

M. Forget: J'aimerais peut-être de façon simpliste, niais au moins en procédant par élimination, poser un certain nombre de questions. Si je comprends bien, l'Association des compagnies d'assurance-vie n'est pas opposée à ce que les régimes d'avantages sociaux couvrent de la même façon les personnes handicapées et les personnes non handicapées.

M. Plamondon: Tout repose sur vos mots "de la même façon". Si vous voulez l'expliciter, je serai peut-être capable de commenter.

M. Forget: Si vous voulez faire cette qualification en vous basant sur le risque actuariel, cela peut être équivalent, dans certains cas, à les exclure des régimes de bénéfices sociaux.

M. Plamondon: C'est possible. Il y a des genres de handicap que les assureurs ne sont pas prêts à assumer soit en assurance sur la vie ou en assurance contre la maladie et les accidents.

M. Forget: N'est-ce pas une décision qui dans le fond ne revient pas tellement à l'assureur comme tel qu'à l'ensemble de la société de déterminer si le coût social de la couverture par l'assurance de certains risques sociaux, y compris certains handicaps, ne doit pas être assumé par l'ensemble de la société? Par exemple, l'ensemble des travailleurs d'une entreprise assume un coût supplémentaire pour les bénéfices sociaux et l'employeur pour sa part également, tenant compte du fait que certains risques seront plus élevés pour certaines personnes.

M. Plamondon: II est exact, surtout lorsque le groupe est le moindrement d'importance, que le coût additionnel résultant des sinistres supplémentaires que le handicap est susceptible de provoquer va se répartir sur l'ensemble des salariés et plus particulièrement les salariés de cette entreprise qui sont de santé moyenne. Cela peut-être une décision législative de faire porter ce coût par cet employeur et les employés de cette entreprise. Dans un sens, cela voudra dire que plus l'employeur fera preuve de sens social aigu en donnant suite à la loi, plus l'ensemble de ses salariés verront le coût de leurs avantages sociaux augmenter.

C'est peut-être une politique législative qui se défend, mais elle a des implications.

M. Forget: Pouvez-vous nous citer des législations d'autres provinces canadiennes ou d'Etats américains ou d'ailleurs qui traitent spécifiquement de cette question?

M. Plamondon: Celle du Nouveau-Brunswick est en cours actuellement. Elle a intégré ses amendements touchant les personnes handicapées à sa charte des droits et libertés de la personne et a un article qui permet la discrimination touchant les régimes d'assurance sur la vie et d'accident-maladie. Pour n'en citer qu'un, j'ai demandé à nos services de faire des relevés dans les autres provinces du Canada, mais cela commence à peine, la législation touchant les handicapés. Je ne serais pas en mesure de répondre pour les Etats-Unis pour le moment. J'ai posé la question à

nos services en Angleterre, où on m'avait dit qu'il y avait des lois imposant aux employeurs des quotas d'embauche de handicapés; je leur ai demandé si cette loi imposait également à l'employeur de donner accès aux handicapés qu'ils ont engagés aux régimes d'avantages sociaux. On m'a répondu: Non, la loi permet de les exclure des avantages sociaux.

M. Forget: Quand vous dites que la loi du Nouveau-Brunswick permet la discrimination, relativement aux avantages sociaux, est-ce que vous voulez dire la discrimination quant à l'admission à ces bénéfices ou quant aux taux de contribution qui sont exigés?

M. Plamondon: Un instant. Je vais retrouver un jour l'article de la loi du Nouveau-Brunswick que j'ai devant moi, mais, pour votre gouverne, effectivement, c'est le projet de loi 57 du Nouveau-Brunswick. Les termes utilisés sont: L'application des modalités et conditions d'un régime d'assurance-groupe ou d'assurance-salarié effectif... Que signifient les mots "application des modalités et conditions"? Peut-être que cela comprend l'accès et probablement les modalités de participation. Les termes anglais utilisés sont: "The operation of terms or conditions of any bona fide group". Je ne peux pas répondre avec précision à ce moment-ci. La loi est encore à l'étude, je pense. Elle est peut-être adoptée maintenant au Nouveau-Brunswick, mais sans me prononcer sur la portée exacte des mots au Nouveau-Brunswick, on permet une forme de discrimination.

M. Forget: Quelle est la situation actuelle dans le monde du travail si une personne handicapée est employée? Est-ce que vous devez normalement, en vertu des contrats en vigueur, couvrir cette personne comme les autres, quitte à charger plus cher, ou si vous pouvez l'exclure?

M. Plamondon: Non. Evidemment, le problème principal, c'est qu'il y a très peu de handicapés qui ont été engagés par les employeurs et c'est peut-être la raison du projet de loi 55. Quelques employeurs semblent avoir une politique d'emploi particulier à l'égard des handicapés et quelques-uns utilisent diverses techniques pour ce qui est de l'influence de cet emploi sur les avantages sociaux, créer une catégorie particulière d'employés les qualifiant de partiels permanents, des choses comme cela, et Cela les exclut des avantages sociaux, ou leur donner accès à certains des avantages sociaux comme la caisse de retraite, ce qui ne soulève aucune difficulté de façon générale, et les exclure de certains avantages sociaux. C'est un jugement qu'il faut faire selon le handicap auquel on fait face et l'avantage social dont on parle. Je demanderais peut-être à M. La-brecque s'il a des commentaires sur ce point.

M. Labrecque (Louis): En fait, dans les gros groupes, il n'y a pas trop de problèmes à couvrir un, deux, trois ou quatre employés qui sont handi- capés. Comme l'a dit tout à l'heure M. Plamondon, le problème ne se pose actuellement pas beaucoup, parce qu'il y a peu de handicapés qui travaillent. Le seul problème que nous pourrions voir à l'avenir, c'est que, si un employeur est plus généreux là-dessus qu'un autre, le coût de son assurance collective pourrait augmenter et pourrait devenir moins compétitif.

On a peur que les employeurs se servent un peu du prétexte ou de l'excuse de l'assurance collective pour ne pas engager des handicapés, ce qui aurait un effet contraire à la loi. Chose qu'on ne voudrait pas voir.

M. Bellemare (Johnson): Quant aux accidentés du travail, est-ce que ça figure dans le prorata que vous établissez pour fixer le prix dans les industries, là où il y a plusieurs handicapés de la Commission des accidents du travail?

M. Labrecque: Non, nous ne tenons pas compte, en fait... Quand nous vendons à un groupe, nous ne tenons pas compte des individus, généralement. Nous assurons le groupe; nous nous basons sur le niveau des prestations dans le passé. Si, parce qu'il y avait des handicapés ou des blessés, le niveau de prestation était plus élevé, la prime en tient compte naturellement. Mais nous ne tenons pas compte d'individus quand nous assurons un groupe en particulier. Nous ne calculons pas s'il y a dix ou cinq personnes qui ont eu des accidents dans le passé.

M. Bellemare (Johnson): M. Plamondon, ce matin, l'Association de paralysie cérébrale disait que cette loi avait beaucoup de similitude avec la loi belge instituant le Fonds national de reclassement social des handicapés, loi établie en 1963. Est-ce que cela vous a frappé un peu?

M. Plamondon: Non, très peu de nos sociétés membres qui s'intéressent aux assurances sur la vie au Canada font affaires en Europe continentale. Je n'ai pas de renseignements sur ce point précis, sur la loi belge; je ne peux pas commenter cela, M. Bellemare.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que le député de Saint-Jacques a des questions?

M. Charron: Non.

Le Président (M. Brisson): Le député de Johnson, d'autres questions?

M. Bellemare (Johnson): Non, merci.

Le Président (M. Brisson): Le député de Taschereau.

M. Bonnier: Je voudrais quand même que M. Labrecque puisse qualifier son commentaire, parce qu'on l'a entendu, par certains groupes, voulant que certains employeurs pouvaient refuser l'emploi à des handicapés sous prétexte que tel handicapé ne serait pas acceptable, soit dans les

groupes d'assurance collective pour fins d'accident ou de fonds de pension. Si je vous ai bien compris, vous dites: Non, nous ne refusons pas nécessairement ces gens pourvu que l'employeur puisse payer la prime. Cependant, il me semble que, tout à l'heure, vous avez dit qu'il y a peut-être certains handicaps que des compagnies d'assurance refuseraient, est-ce que c'est exact?

M. Labrecque: Sur une base collective, je ne dirais pas qu'il y a certains handicaps que nous refuserions. Cela aurait une influence sur l'expérience, sur les résultats.

M. Bonnier: Bien sûr. Donc, sur la prime. M. Labrecque: Sur la prime, pratiquement.

M. Bonnier: Mais étant donné qu'il s'agit d'assurances collectives et non pas individuelles, que vous assurez tout le groupe, ce n'est pas parce qu'une entreprise voudrait embaucher un, deux ou dix handicapés qu'elle pourrait refuser de les embaucher parce qu'ils ne seraient pas acceptables pour le groupe. En fait, ils sont acceptables pour le groupe. Peut-être à une tarification supérieure, cependant.

M. Labrecque: Peut-être à une tarification supérieure. La peur que nous avons, c'est que des employeurs se servent de ce prétexte pour refuser d'engager des handicapés.

M. Bonnier: D'accord, merci.

M. Forget: M. le Président, j'aurais une autre question. On parle d'un supplément de prime et, dans le même souffle, on dit que l'expérience est très limitée, il y a peu de personnes handicapées à l'emploi des entreprises qui sont couvertes par des régimes de bénéfices sociaux collectifs. Comment faites-vous le lien entre ces deux idées? Si l'expérience est très limitée, jusqu'à quel point cette notion que les coûts augmenteraient probablement ou que l'expérience serait mauvaise est-elle basée sur des faits ou plutôt sur des notions préconçues? Sans vouloir vous accuser d'avoir des notions préconçues, je pense que vous soulevez la possibilité d'un risque. Mais est-ce qu'on a au moins un début d'indication qui tendrait à confirmer ou à infirmer cette hypothèse que les coûts seraient plus élevés?

Parce que sur le plan du rendement, etc., l'expérience au contraire, je crois, est très probante, savoir que la personne handicapée a un rendement comparable de façon très favorable à celui des travailleurs non handicapés?

M. Labrecque: Oui, mais là vous parlez probablement d'une expérience avec quelques individus. Si vous regardez les employés handicapés, généralement, ces employés ont manifesté, dans leur passé, une vitalité extraordinaire. Simplement pour avoir surmonté ce handicap, pour avoir étudié, pour avoir eu accès au travail, ils ont manifesté souvent plus de "go ahead" que beaucoup d'employés ordinaires.

Ces employés ne sont pas des employés comme les autres au point de vue de la santé. Ils ont une santé moins bonne que les autres. Mais si vous ouvrez la porte à tous les handicapés, c'est une autre question. Des études ont été faites, notamment aux Etats-Unis, par certaines associations, surtout par certaines compagnies d'assurance. Vous savez que les compagnies d'assurance ont comme intérêt d'en assurer le plus possible. Plus on ouvre les portes grandes, plus on a de clients, plus cela fait notre affaire. On fait constamment des études sur certains cas particuliers, sur certains groupes particuliers, pour pouvoir déterminer un genre de tarification qui nous permette de les assurer.

En fait, si vous remontez 20 ans en arrière, le diabétique n'était pas assurable. Les gens qui avaient des crises cardiaques n'étaient pas assurables. Aujourd'hui, toutes les compagnies d'assurance assurent le diabétique selon certaines conditions, à savoir qu'il prend son insuline de façon régulière, etc. Même aujourd'hui, les gens qui ont fait des infarctus sont assurés.

Les compagnies d'assurance font toujours des études dans ce sens-là pour élargir le nombre de personnes qu'elles peuvent assurer, moyennant surprime, selon les circonstances. Il y a quand même des études qui prouvent que, pour certains handicaps, le pourcentage de mortalité est moins haut... non pas tant la mortalité que ce qu'on appelle, en termes d'assurance, la morbidité, c'est-à-dire, le fait de devenir invalide, est plus fort que chez les gens qui ont une santé moyenne.

M. Forget: II y a donc à votre disposition des études qui...

M. Labrecque: II y a des études plutôt fragmentaires, peut-être pas aussi profondes que les statistiques que l'on publie sur l'évolution canadienne en général. Mais il y a quand même certaines études qui sont faites là-dessus.

M. Forget: Dans la mesure du possible, ce serait dans l'intérêt de la commission d'avoir toutes les données qu'il vous semble possible de no.us communiquer.

M. Plamondon: Sur ce point-là, j'allais mentionner qu'il existe des tables de mortalité et de morbidité pour personnes tarifées, qui sont tirées des expériences des assureurs. Cela ne vise, en général, que des personnes qui étaient déjà assurées et qui ont subi un accident ou développé des maladies. On a confectionné des tables.

Evidemment, les personnes qui ont ce handicap depuis la naissance ont rarement eu l'occasion de devenir assurées et de tomber à l'intérieur de ces tables. Mais quand il s'agit d'extrapoler à partir de ces tables-là, c'est un peu la même attitude que de la part de l'assureur quand on n'a pas de statistiques précises, un peu comme les porcs-épics font l'amour, c'est très délicatement qu'on aborde le problème.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Messieurs, je vous remercie...

M. Bellemare (Johnson): Vous parliez des porcs-épics...

Le Président (M. Brisson): J'appellerais maintenant le Conseil du patronat du Québec; M. Ghislain Dufour, vice-président exécutif.

Conseil du patronat-du Québec

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, je voudrais d'abord vous présenter Me Edmond Tobin, du bureau de Martineau, Walker, Allison, qui est notre conseiller juridique dans ce dossier.

C'est un mémoire finalement très bref qu'on a à vous soumettre aujourd'hui, au nom du Conseil du patronat et de ses associations membres. C'est un projet dont on appuie pleinement le principe. Nous félicitons le ministre d'avoir eu l'initiative de le déposer à l'Assemblée nationale, même si nous sommes bien conscients qu'il sera nécessaire d'y apporter de nombreux amendements.

Ce n'est donc qu'à certains articles plus précis que nous voudrions nous attarder, au nom des employeurs, bien sûr, en fonction surtout des articles 3 et 38 qui les concerneront directement.

Avant de commenter ces quelques articles, nous voudrions souligner une inquiétude qui est celle de voir une intervention additionnelle du ministère des Affaires sociales sur un aspect du problème, celui de la vie au travail des handicapés qui nous apparaît relever de la juridiction du ministère du Travail.

Il y a eu d'autres interventions, la loi 253, la loi 36, la récente loi 61, qui nous apparaissent être de la juridiction du ministère du Travail. C'est une autre loi ici qui risque d'entraîner le ministère des Affaires sociales dans un champ de juridiction, celui du Travail, qui, quant à nous, devrait être réservé au ministère du Travail.

Quelques commentaires particuliers sur certains articles. Je passe l'article 1 pour arriver immédiatement à l'article 3 qui est celui du droit au travail. Nous exprimons notre désaccord avec l'esprit qui se dégage de cet article 3 qui non seulement impose tout le fardeau de la preuve à l'employeur, mais va même plus loin que l'article 46 de la charte des droits qui dit: "Quiconque travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions justes et raisonnables."

Tel qu'actuellement rédigé, le projet de loi crée une présomption qui ne se retrouve pas à ladite charte. Bien plus, la charte ne crée pas de droit au travail. L'article 3 du projet créerait presque un tel droit en faveur d'un handicapé.

Quant à la présomption prévue à cet article, elle est plus onéreuse que celle prévue au Code du travail, que celle prévue à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, du fait que ces lois prévoient des mécanismes exigeant au moins un commencement de preuve par le plaignant ou une prévérification, ou une enquête avant l'institution de plaintes, avant que le fardeau de la preuve n'incombe totalement à l'employeur.

Même l'ancienne loi sur la non-discrimination dans l'emploi, qui a été annulée par la charte des droits, prévoyait la vérification préliminaire d'une plainte par la Commission du salaire minimum avant l'institution de procédures et l'obligation d'une autorisation écrite du ministre du Travail comme prérequis à toute poursuite.

Nous considérons donc, sans le rejeter, que l'article 3 devrait au moins reproduire l'esprit qui se dégage de l'article 20 de la charte, c'est-à-dire des aptitudes, des qualités exigées de bonne foi pour un emploi. Deuxièmement, il faudrait revoir à tout le moins, l'article 9 afin qu'un mécanisme d'enquête obligatoire précède toute plainte, afin de réduire et peut-être d'éliminer les plaintes futiles. Ce mécanisme aurait également l'avantage de diluer l'onéreuse présomption de l'article 3 qui pèse évidemment sur les employeurs.

Trois autres suggestions. A l'article 15, nous suggérons qu'une personne du milieu de l'entreprise fasse partie de l'office. Il s'agirait là d'une ressource utile pour mieux analyser les problèmes venant du milieu de l'entreprise. Nous pensons que le projet de loi 55 a au moins cet avantage de sensibiliser le milieu des entreprises au problème des handicapés. Probablement qu'en intégrant quelqu'un du milieu de l'entreprise au niveau de l'office, on aurait à ce moment une meilleure réceptivité, probablement une meilleure collaboration des milieux de l'entreprise.

C'est la même chose pour l'article 66. Lorsqu'on dit que l'office doit collaborer avec certains services publics, on ne voit pas pourquoi les services privés sont exclus de ces modes de collaboration. C'est bien évident qu'il existe, dans les secteurs privés, des expertises qui pourraient être drôlement utiles pour l'office au lieu simplement de se référer aux seuls services publics.

Finalement, à l'article 73, nous suggérons qu'il y aurait lieu d'ajouter les mots "sciemment" et "délibérément" au contenu de l'article, afin d'éviter la possibilité de consentement, d'acquiescement ou de participation tacite des dirigeants d'entreprises.

Voilà, ce sont simplement quelques commentaires que nous avions à vous soumettre, puisque — on vous le rappelle — nous appuyons le principe du projet de loi 55 qui connaîtra, nous en sommes convaincus, des amendements. Quant à l'article 3, nous ne voudrions finalement pas, aller plus loin que la Charte des droits de l'homme, de façon finalement que ce groupe dont on parle aujourd'hui ne devienne pas justement un groupe vis-à-vis de qui on discrimine sur le plan du droit au travail.

Le Président (M. Brisson): L'honorable ministre.

M. Forget: Merci, M. le Président! Je concentrerai de la même façon mes questions sur l'article 3. Pour ce qui est du reste, je pense que ce sont décidément des remarques d'une importance secondaire par rapport aux préoccupations qui se dégagent de l'article 3.

Votre suggestion de se référer à l'article 20 de la Charte des droits et libertés de la personne fait, dans le fond, du test d'emploi une question de bonne foi, c'est-à-dire que les exigences de l'employeur sont acceptables, sauf si l'employé en perspective, celui qui cherche un emploi, peut démontrer que ces exigences, quant aux aptitudes et aux habilités requises, dénotent une mauvaise foi, sont la preuve d'une mauvaise foi de l'employeur dans son désir d'exercer une discrimination vis-à-vis d'une personne handicapée. La preuve de mauvaise foi est une preuve qui est difficile à faire. Ne croyez-vous pas qu'il y a une très grande disproportion dans les forces en présence entre un employeur et une personne handicapée par définition, puisque c'est de cela dont on parle, qui devrait prouver la mauvaise foi? Est-ce qu'il y a des chances quelconques de succès dans une preuve comme celle-là?

M. Dufour (Ghislain): C'est-à-dire que toute cette question du droit au travail, parce que finalement c'est le droit au travail qui est mis en cause ici, a été longuement discutée au moment de la discussion de la charte des droits de l'homme. A ce moment, les différents groupes qui ont plaidé pour le droit au travail ont apporté ce genre d'exemple, les handicapés finalement, mais on avait eu toute cette version. On parle des handicapés aujourd'hui, mais demain on peut parler de personnes de 55 ans et plus. On peut parler de jeunes de 24 ans et moins. Ce sont tous les groupes de la société finalement qui peuvent afficher vis-à-vis du droit au travail comme tel certains principes affichant leur propre droit. Alors, c'est bien sûr qu'une personne handicapée peut, devant un employeur isolé, se présenter dans une situation à peu près identique à celle que vous décriviez tantôt. Mais, dans l'esprit de la charte, lorsqu'il s'agit de bonne foi, l'aptitude aux qualités exigées de bonne foi pour un emploi, à ce moment, cela ne donne pas une présomption totale contre l'employeur. Il devra au moins prouver que l'employé n'avait pas les qualités, les aptitudes exigées pour remplir le travail qui était disponible.

M. Forget: Oui, il y a toujours la possibilité que les aptitudes exigées peuvent être sans rapport avec l'emploi. C'est une preuve technique qui est difficile à faire. Cela double la difficulté. En droit américain, on semble se diriger, d'après un arrêt de la Cour suprême américaine, vers la notion qui est celle que l'on retrouve à l'article 3, c'est-à-dire la nécessité pour l'employeur d'établir un lien de cause à effet, en quelque sorte, entre ces exigences pour l'embauchage et les qualités de la personne. Enfin, je pense que vous avez exprimé vos réserves. Je demeure un peu sceptique quant à la possibilité pour un individu de faire une preuve de ce genre, étant donné le milieu de travail; cela vaut certainement aussi bien pour la partie syndicale que la partie patronale qui se retrouve dans le milieu syndical. Je remarque, en le regrettant, qu'aucun syndicat n'ait manifesté d'intérêt pour venir se faire entendre en commission parlementaire sur le sujet. Je crois qu'il y a une résistance, malgré tout, de part et d'autre, de la part du patron, comme de la part des syndiqués, et qu'il est nécessaire d'aider un peu la personne qui cherche à vaincre cette résistance. Je ne sais pas s'il y a d'autres moyens pour le faire mais, à première vue, il ne semble pas qu'il y ait d'autres moyens que ce renversement du fardeau de la preuve.

M. Dufour (Ghislain): Me Tobin.

M. Tobin: M. le Président, M. le ministre, la raison pour laquelle nous nous sommes inspirés de la charte, c'est d'abord qu'elle touchait d'autres facettes de ces rapports dans l'article 20, où on mentionnait une distinction fondée sur des aptitudes ou des qualités exigées de bonne foi pour un emploi. On mentionnait la discrimination pour toute une autre gamme, si on veut, de raisons que vous connaissez bien, à savoir la race, d'autres croyances, origines ethniques, etc.

En fait, la discrimination qui est touchée par la Charte des droits de l'homme mentionne spécifiquement race, couleur, sexe, état civil, religion, convictions politiques, langue, origine ethnique nationale ou la condition sociale. Nous avons pensé qu'étant donné que cette charte, qui a été quand même sanctionnée en juin 1975 et proclamée totalement en vigueur à peine juin 1976, reflétait probablement un souci, on pourrait presque dire à jour, du législateur dans cette question de discrimination d'emploi et le fardeau de preuve qu'il était raisonnable d'exiger quant à un employeur.

Je pense qu'il est juste de dire que l'article 20 de la Charte des droits de l'homme n'a pas encore eu le temps de faire ses preuves. Il vient à peine d'être proclamé en vigueur. La commission est actuellement à ses tout débuts, et nous avons pensé qu'il était logique de faire le lien entre l'article 3 du projet 55 et un article tout nouveau, qui est à ses tout débuts, surtout que l'exigence de bonne foi que nous recommandons, bien sincèrement, est aussi à la lumière de l'autre recommandation qui est contenue au mémoire du Conseil du patronat dont M. Dufour vous a lu les grands extraits, soit le tamisage de plaintes par un organisme à qui le handicapé pourrait avoir recours advenant justement ce traitement déséquilibré entre un employeur qui poserait des conditions abusives et le postulant d'emploi qui serait handicapé. Nous avons pensé qu'avec le critère de bonne foi, d'une part, qui est un critère, si on veut, bien à jour, bien incarné dans une loi proclamée à peine juin cette année, et avec un organisme qui verrait à un prétamisage ou à une pré-enquête avant l'institution des plaintes, le handicapé, quant à nous, n'aurait probablement pas de raisons de se sentir tout seul, de se sentir démuni.

Je ne crois pas que ce soit l'intention du mémoire, ici, de le mettre en position inférieure, si on veut, face à des exigences abusives, lorsque nous parlons de bonne foi et lorsque nous parlons d'un organisme chez qui les plaintes devraient quand même être portées, afin qu'il y ait une enquête avant institution de procédure.

Que ça rejoigne — je le souhaite bien — la préoccupation du ministère, j'en serais très heureux.

M. Bellemare (Johnson): Si vous permettez, M. le Président, M. le ministre, sur le même sujet?

M. Forget: Oui, je vous en prie.

M. Bellemare (Johnson): Je comprends que c'est un droit nouveau qu'on introduit actuellement dans une loi, mais on a la précaution aussi de mettre un second paragraphe où la présomption disparaît. Dès que l'employeur peut trouver des raisons valables de dire: Ecoutez! Par la qualité, par la formulation de l'emploi qu'on a à lui offrir, il n'est pas apte. La présomption qui est dans le second paragraphe fait que le droit nouveau est bien mitigé. Mais peut-être que je vous donnerais raison, à l'article 9, de délimiter d'une manière plus circonspecte la qualité de la plainte qui peut être portée. Là, par exemple, je vous rejoins, parce que n'importe qui, même un accidenté du travail, qui est un handicapé, peut arriver et produire une demande et se voir refuser; et pour que ce soit valable, il peut prendre l'article 9 et s'en servir. Là, je pense que, véritablement, l'article 9 devrait contenir ce que vous préconisez, au moins un mécanisme d'enquête préliminaire, avant d'introduire une telle plainte. Mais qu'il y ait un danger... Dans la statistique qu'on m'a remise aujourd'hui — j'ai une statistique qui m'a été remise cet après-midi — de handicapés qui sont entrés sur le marché du travail, c'est dérisoire, le nombre de handicapés qui entrent dans les grandes compagnies ou chez les employeurs.

Il n'y en a presque pas.

M. Dufour (Ghislain): Je crois que vous soulevez le problème. C'est que, demain matin, avec l'article 3 tel quel, de façon automatique, pour un handicapé qui aurait été refusé chez un employeur, il incombera, demain matin, à l'employeur de faire la preuve — en fonction de la présomption, deuxième paragraphe, justement — qu'il n'a...

M. Bellemare (Johnson): Sauf si l'article 9 est amendé.

M. Dufour (Ghislain): Sauf si l'article 9 est amendé. Parce qu'on l'a...

M. Bellemare (Johnson): Si l'article 9 est amendé, vous êtes protégés.

M. Dufour (Ghislain): C'est-à-dire que, dans la loi...

M. Bellemare (Johnson): Vous êtes protégés, parce que toute velléité ou tout ce qui peut être déclaratoire ou tout ce qui peut être considéré comme résultant d'une enquête obligatoire vous protège.

M. Dufour (Ghislain): On confirmerait quand même, même en amendant l'article 9, dans le sens où on en parle, on confirmerait quand même à l'article 3 le droit au travail des handicapés. Mais, on dit: Si ce droit au travail devait être confirmé dans l'article 3, il faut absolument le pondérer, notamment par des amendements à l'article 9...

M. Bellemare (Johnson): D'accord.

M. Dufour (Ghislain): Qui ne sont pas nouveaux, d'ailleurs, parce que l'ancienne loi sur la non-discrimination dans l'emploi exigeait que la Commission du salaire minimum...

M. Bellemare (Johnson): Chapitre 124.

M. Dufour (Ghislain): ... fasse ce genre d'enquête.

M. Bellemare (Johnson): On ne peut pas — je pense que le ministre a parfaitement raison — ne pas affirmer dans une loi comme celle-là, qui concerne spécifiquement une protection des personnes handicapées, ne pas reconnaître le droit au travail. On ne peut pas. Je pense que le ministre est parfaitement justifié de dire qu'ils ont droit au travail. Cela, c'est l'article 3. Mais, que cela soit filtré, que cela soit organisé, comme vous dites, en vertu de l'article 9, pour qu'il y ait un mécanisme d'enquête obligatoire, je pense que cela protège véritablement le principe. C'est vrai que c'est du droit nouveau. Mais, c'est vrai aussi que, dans le chapitre 124, c'est textuellement cela, le droit au travail. Dans l'esprit de la loi, je verrais mal les patrons se refuser, dire: Non; j'ai peur de cela, on va être obligé de faire une preuve. Cela serait manquer de magnanimité et je sais que vous, M. Dufour, qui possédez ce sens inné des grandes valeurs, vous ne voudrez pas qu'on vous accuse de cela.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, M. Bellemare est en train de nous amener sur des terrains dangereux. On ne s'oppose pas, on dit: Ici, il faut que le gouvernement soit bien conscient qu'il crée du droit nouveau pour une catégorie de citoyens. Je ne suis pas sûr, après avoir écouté une partie de la journée des représentations de différentes associations de handicapés, que même elles, demandent ce privilège ou cette surprotection. J'entendais ce matin le Conseil québécois de l'enfance exceptionnelle dire que, finalement, il plaidait pour le droit au travail comme principe global dans une société.

M. Bellemare (Johnson): ... dans sept ans. M. Dufour (Ghislain): Pardon?

M. Bellemare (Johnson): II y en a eu sept dans sept ans.

M. Dufour (Ghislain): Non, mais il disait que, justement, il ne fallait pas donner des avantages, il ne fallait pas surprotéger, il fallait simplement reconnaître les droits et libertés de ces citoyens au même titre que les autres. Ici, on crée du droit

nouveau. Quand on le crée, nous, on dit: II faut quand même rendre l'entreprise opérationnelle et, à ce moment-là, on y apporte les deux recommandations — si, éventuellement, on devait demeurer dans ce concept — qui nous apparaissent essentielles pour plonger dans ce champ d'action nouveau.

M. Bellemare (Johnson): Je partage votre deuxième point de vue, peut-être pas le premier.

M. Charron: M. Dufour...

Le Président (M. Brisson): Le député de Saint-Jacques.

M. Charron: Puis-je vous demander comment réagirait l'association et les membres de votre association à l'introduction dans la loi d'une clause obligatoire d'un quota de personnes handicapées à employer dans des entreprises, par exemple, qui comptent 100 employés et plus?

M. Dufour (Ghislain): Je ne sais pas, on a beaucoup pensé à cette question; d'ailleurs, je sais que, dans le passé, le ministre lui-même a soulevé cette hypothèse. C'est très difficile, quand on parle d'abord d'un critère comme celui que vous avancez, une centaine d'employés et plus, cela va bien dans un secteur comme le secteur hospitalier, par exemple, cela irait très mal dans le secteur de la construction. Le choix des critères deviendrait extrêmement difficile. J'ai eu l'occasion de travailler dans une entreprise qui était une entreprise de services où on n'aurait eu aucune difficulté à se conformer à un pourcentage, même si cela avait été assez élevé, 3% ou 5%, parce que cela se prêtait à cela.

Dans d'autres entreprises de production manufacturière, cela devient extrêmement difficile. Je pense que l'expérience des autres pays qui ont tenté ce genre d'expérience... Même si on a légiféré, il semble que ce n'est pas tellement heureux.

Là, ce n'est pas une réaction de nos membres, mais je pense, en tout cas, que l'on préfère payer des amendes souvent que d'embaucher le quota qui est requis par la loi.

Je pense qu'on ne réagit pas mal en principe. C'est beaucoup plus les critères qui nous permettraient de déterminer ces prorata, qui deviendraient extrêmement difficiles.

M. Charron: Avez-vous l'impression que certains de vos membres ont pratiqué ce qui serait interdit désormais par l'article 3, c'est-à-dire refuser une personne qui aurait les aptitudes ou les qualités exigées pour le métier, mais qui, à cause, par exemple, de sa situation de handicapée ou de son apparence physique, ne conviendrait pas à l'image que l'employeur veut donner de son entreprise?

M. Dufour (Ghislain): Vous me demandez de répondre pour les employeurs. Je réponds que je n'en connais pas.

M. Charron: Alors, si vous n'en connaissez pas ou si vous estimez que cela ne se produit pas, l'article 3 serait de trop.

M. Dufour (Ghislain): Non, c'est parce que vous parlez d'image, alors que nous sommes au niveau de la compétence et des fonctions exigées pour un poste. On donnait un excellent exemple cet après-midi avec l'Association des déficients mentaux, je pense, lorsqu'on parlait de quelqu'un qui a un âge mental de six ans; il peut être très bon pour polir un meuble, mais il ne sera pas bon, à ce moment-là, pour dessiner un meuble. Alors, si le poste qui est offert est justement de dessiner le meuble, c'est bien sûr qu'on va lui refuser la fonction, mais lui pourra interpréter qu'il était bon pour polir le meuble. Alors, l'article 3 joue en appréciation du poste qui est offert et, à ce moment-là, on embarque dans tous les problèmes de la présomption du deuxième paragraphe.

M. Charron: Je donne un exemple qui a été concret au cours de l'été 1976, je pense. Des employeurs ont refusé des personnes à certains postes, par exemple hôtesses dans certains services, à cause de l'apparence physique des personnes. Cette question a d'ailleurs été soulevée ici. Je pense que cette pratique n'est peut-être pas habituelle et quotidienne, je l'espère, mais est quand même suffisamment fréquente pour que l'intervention législative n'apparaisse pas superflue. Vous êtes le premier groupe, et je le comprends à cause de ceux que vous représentez, à soulever cette question de l'article 3, parce que, pour quiconque, l'article 3 n'apparaît pas superflu. Tout le monde a eu, à l'occasion — là, je reviens sur la question de compétence — nettement la conviction qu'une personne pouvait, à cause de son travail, avoir l'aptitude ou la qualité exigée pour faire le travail, mais parce qu'elle était en chaise roulante ou parce qu'elle devait être accompagnée de prothèses ou, à l'occasion, d'un chien-guide, l'emploi lui était retiré. C'est parce que ces cas se sont produits qu'aujourd'hui on est — comme le disait le député de Johnson — à introduire, à l'intention de ces personnes, un droit nouveau. Le législateur s'est refusé à le faire lorsqu'il s'agissait de principes généraux, lors de la discussion de la charte en 1975. Cette fois-ci, la réticence du législateur à introduire le droit au travail ne s'est pas manifestée. Au contraire, cette réticence est abolie parce que nous avons estimé, nous qui appuyons cet article du projet de loi, que, dans ce cas-ci, il n'est pas superflu. Il y a trop de cas mentionnés — les personnes handicapées et ceux qui les représentent peuvent en mentionner aussi — pour dire que cet article n'a pas de raison d'être.

M. Dufour (Ghislain): C'est un commentaire que vous faites. Nous n'exprimons pas tout à fait le même point de vue. Vous parliez tantôt de cette hôtesse qui aurait pu être refusée à cause de l'image qu'elle apportait. Je vous retourne d'autres exemples. Vous avez sûrement, comme moi, entendu parler de personnes qui auraient supposé-

ment été refusées parce qu'elles avaient 55 ans et plus ou de jeunes qui reviennent et disent: Je n'ai pas eu l'emploi parce que j'avais moins de 25 ans. C'est tout le genre de situation qu'on a dans une société vis-à-vis des milieux de travail. Aujourd'hui, on parle d'une catégorie qui est celle des handicapés. Vous parlez de vos hôtesses; je peux parler de mes gens de 55 ans et plus et de mes jeunes de 24 ans et moins.

Tout le problème qui est posé, finalement, comme société, ce n'est pas un bloc, les handicapés, c'est le droit au travail de façon globale. Si le législateur, à cause de problèmes tout à fait particuliers vis-à-vis d'un groupe qui est celui qui le préoccupe aujourd'hui, veut prendre une orientation, nous disons: S'il faut qu'il situe ce problème à l'intérieur d'un contexte plus global—finalement je reviens à ce qu'on disait— si par ailleurs aussi il va dans cette direction, il y a au moins deux recommandations très précises qu'on lui fait dans cette avenue.

Le Président (M. Brisson): Le député de Taschereau.

M. Bonnier: M. le Président, j'ai une seule question à poser à M. Dufour. Cette loi situe des objectifs globaux extrêmement intéressants et sur lesquels il semble qu'en général les gens s'entendent. Ce qu'on critique dans cette loi, en général, c'est que, dans l'ordre pratique, on se demande comment elle va se réaliser. En ce qui regarde le droit au travail pour les handicapés et pour solutionner ce problème d'une façon pratique, est-ce que je pourrais vous demander si votre association a imaginé des formules de collaboration possible entre l'Etat et les entreprises en vue de stimuler l'emploi des handicapés? On sait par exemple qu'à l'Industrie et Commerce, dans certains domaines, on donne des subventions en vue de stimuler l'entreprise dans tel et tel secteur. Est-ce qu'il serait imaginable qu'un autre ministère, disons le ministère de l'Industrie et du Commerce, collabore d'une façon tangible à augmenter le nombre des handicapés dans les entreprises en aidant financièrement ou autrement pour que cette entreprise puisse compenser le manque à gagner quant au taux de productivité des personnes employées?

M. Dufour (Ghislain): Quand on a demandé qu'à l'article 15 on fasse paraître quelqu'un des milieux de l'entreprise, c'est un peu ça qu'on avait en tête. On n'a pas de programme précis, mais c'est bien évident que le projet de loi 55 a sensibilisé les milieux de l'entreprise au problème des handicapés.

Quant à des programmes, c'est bien sûr qu'on peut en imaginer. Nous, on n'est pas habitués de travailler avec le ministère des Affaires sociales. Je l'ai exprimé un peu au début. On travaille davantage dans ces problèmes avec le ministère du Travail. On travaille davantage avec le ministère de l'Industrie et du Commerce. Ces quatre ministères paraîtront, j'imagine, au niveau de l'office. Si les milieux de l'entreprise y étaient, c'est peut-être là que pourrait se dessiner le genre de programme dont vous parlez, c'est-à-dire que vous pouvez imaginer que ça peut être des subventions à l'entreprise, mais je ne suis pas sûr que certains partis politiques réagiraient bien à des subventions à l'entreprise. Il y a sûrement un intérêt de la part des entreprises, et c'est exprimé dans notre mémoire, à regarder de façon plus précise ce problème.

L'article 66 est dans le même sens, quand on dit à l'Etat: Ne regarde pas que les services publics; si tu regardes les services publics seulement, tu échappes peut-être des dimensions importantes dans le domaine du recyclage des handicapés. On pense que c'est une suggestion importante qu'on aimerait faire dans cette question d'utilisation des ressources qu'on a au Québec dans ce domaine.

Le Président (M. Brisson): D'autres questions? Je vous remercie, messieurs. J'appellerais maintenant l'Institut national canadien pour les aveugles, M. H. Marcel Bélanger, directeur.

Institut national canadien pour les aveugles

M. Bélanger (Marcel): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, comme les autres organismes qui l'ont fait avant nous, nous tenons à vous remercier de nous avoir demandé de coopérer à l'élaboration de ce projet de loi.

Vous n'êtes peut-être pas sans savoir que nulle autre que l'Organisation des Nations-Unies, le 9 décembre dernier, a promulgué, a adopté une résolution concernant les droits des personnes handicapées à l'échelle mondiale. Le Québec est presque le premier à suivre, après cet organisme mondial; nous en félicitons le gouvernement.

Bien que nous ne soyons pas tous d'accord, parmi les cadres de l'institut, quant à la philosophie de la loi, en majorité, le consensus, nous approuvons le projet de loi. Avec votre permission, M. le Président, voici la manière dont nous aimerions procéder. J'aimerais vous présenter mes collègues et ensuite faire le point sur l'INCA qui existe au Québec depuis 46 ans. Par la suite, savoir comment nous allons coopérer dans l'avenir avec l'office et, finalement, l'appréciation globale du projet de loi, tout en nous adressant aujourd'hui à deux points particuliers: les chiens-guides — en passant, il n'y a que de 80 à 100 chiens guides au Québec, qui sont très importants, mais on me dit qu'il n'y en a que trois dans la ville de Québec. Je sais que cela a fait les manchettes. On en parle à droite et à gauche, mais il n'y en a pas tant que cela. C'est très important. J'espère que nous allons vider la question des chiens guides, parce qu'il y a d'autres points qui sont aussi importants dans le projet de loi. L'autre point, ce sont les droits des personnes handicapées qu'est le but même du chapitre II.

Si vous me le permettez, j'aimerais vous présenter mes collègues. A ma droite, M. Saint-Onge,

qui est notre administrateur à Québec, ce qu'on appelle un administrateur régional; ensuite, M. André Vincent qui est un travailleur social au bureau divisionnaire à Montréal; à ma droite, notre chef des services des relations publiques, Michel Jetté; et à ma gauche, M. Avon, qui a plus de 25 ans d'expérience dans l'emploi et dans les ateliers protégés.

Pour ma part, cela fait seulement deux mois qu'on m'a fait l'insigne honneur de me demander d'assumer la direction de l'INCA au Québec, que j'ai acceptée. La première chose qu'on m'a présentée, c'est le projet de loi 55. J'ai eu mon baptême de feu. En collégialité, nous avons étudié votre projet, pour ne pas dire épluché et le fruit de nos labeurs de plusieurs jours, nous l'avons remis et vous l'avez devant vous.

Aujourd'hui, comme je vous l'ai dit, on aimerait seulement parler de deux aspects du projet. Comme je vous l'ai dit, cela fait 46 ans que l'institut existe au Québec et, si le ministère a son propre réseau, c'est que nous l'avions bien avant le ministère des Affaires sociales; nous sommes à l'échelle de la province, à l'exception de la Côte-Nord, de la Gaspésie et du Témiscamingue. C'est nous, en dépit et sans fausse modestie — et nous collaborons de très près avec les autres organismes, tel que le Conseil canadien des aveugles, le Montreal Association for the Blind, l'Association canadienne-française pour les aveugles, le RAQ et les autres — qui sommes reconnus comme étant les oeuvrants dans le domaine des handicapés visuels au Québec. C'est nous qui sommes très près des clients à cause de notre réseau. Cela existe depuis le temps que je vous dis et cela continue. Tous les jours, aux bureaux de Montréal et de Québec, entrent des clients. On devient aveugle, non seulement à la naissance, mais plus tard dans la vie. Mes collègues ici, ces jeunes hommes, sont aveugles depuis seulement quelques années.

On peut devenir aveugle plus tard. C'est venu depuis ces années. Si l'institut n'avait pas existé, il aurait fallu créer un institut ou un organisme quelconque pour s'occuper des handicapés visuels.

A cause de notre réseau, naturellement, c'est nous qui rejoignons la population francophone de la province, ce qui ne veut pas dire qu'on ne s'occupe pas des autres. Dans le moment, nous avons inscrit les aveugles, parce que nous sommes les seuls à avoir l'inscription, les registres sur tous les aveugles de la province de Québec, ce qui ne veut pas dire seulement une carte, mais tous les registres, tous les rapports des ophtalmologistes, les rapports de travailleurs sociaux, enfin, le dossier complet de chaque aveugle inscrit, pour ne pas dire qu'il n'y en a pas d'autres. Il y en a plusieurs autres qui existent qui ne sont pas inscrits. C'est nous qui les avons dans le moment.

Depuis ces années, on dispense tous les services qu'un client a le droit de recevoir. Je ne les nommerai pas, mais, en passant rapidement, notre clinique mobile parcourt la province, continuellement, à longueur d'année pour faire du dépistage et des rencontres avec des enfants des écoles primaires, justement pour faire le dépistage de nouveaux cas.

Je puis vous assurer, ainsi qu'à M. Bellemare qui n'est pas ici dans le moment, il voulait des statistiques tout à l'heure, qu'on pourra lui en donner s'il revient. La cécité et les cas qui existent en province sont très graves. C'est seulement un début. Dans le moment, nous avons une clinique. On pourrait en avoir trois et on ne suffirait pas à la tâche.

On peut parler aussi des bibliothèques, de la musique, de l'emploi, des ateliers protégés. C'est nous qui faisons cela depuis 46 ans. Dans quatre ans, nous aurons cinquante ans d'existence.

Après avoir fait cela, nous sommes rendus au bout de notre fusée, presque; quoique si nous avions les apports financiers nécessaires, on serait prêt à continuer à faire cavalier seul. Ce n'est pas la raison pour laquelle nous sommes d'accord sur le projet de loi 55. Je crois que la seule manière d'avancer, dans le monde moderne dans lequel nous vivons aujourd'hui, c'est main dans la main avec le gouvernement. Tous les organismes sont là pour le même but. Le but de l'institut, c'est l'amélioration de la condition de l'aveugle et la prévention de la cécité. Que ce soit le MAB, que ce soit le Conseil canadien des aveugles, que ce soit nous, ou le gouvernement, cela n'a pas d'importance, pourvu que le client ait les résultats, ait les services nécessaires. Même si la boîte est grande, même si l'organisme est lourd, il faut qu'on se rapproche du client. Dans le moment, c'est ce que nous faisons.

Nous espérons que le projet de loi verra à ce que le même genre de réseau — d'ailleurs, nous avons déjà amorcé des contacts avec le ministère à cet effet à ce que le client reçoive dorénavant des services aussi bons, sinon meilleurs, on l'espère, à l'avenir.

Comme je vous disais, aujourd'hui, on aimerait aborder deux aspects, l'un sur les chiens-guides, et l'autre, sur les droits des handicapés. Je demanderais à mon collègue, Michel Jetté, de s'adresser aux usagers des chiens-guides.

M. Jetté (Michel): M. le Président, membres de la commission, je serai assez bref. En fait, je tenterai ici d'apporter un peu plus de lumière sur deux articles qui ont particulièrement retenu notre attention. Il s'agit de l'article 1c ainsi que de l'article 5 qui, comme vous le savez, traitent tous deux de la question du chien-guide.

Lorsque l'on regarde de plus près l'article 1c), au chapitre 1, on remarque tout de suite que la définition que l'on en donne est la suivante: C'est un chien qui est "entraîné dans une école reconnue par le lieutenant-gouverneur en conseil pour guider un handicapé visuel." Bien que dans l'ensemble, nous soyons d'accord avec la définition qu'en donne le projet de loi, nous aimerions faire ressortir l'importance du choix des critères qui vont amener à la reconnaissance d'une ou de plusieurs écoles pour chiens-guides. Notre ami, M. Cartier, l'a mentionné ce matin, il n'existe pas d'école pour chiens-guides au Québec, pas plus d'ailleurs qu'il n'en existe au Canada. A moins qu'il ne soit dans les projets du ministère d'en créer une, en fait, nous aurons donc à faire affai-

res avec nos amis du sud. A cet effet, nous espérons que le ministère ou, du moins, l'Office québécois des handicapés qui verra à faire reconnaître cette école, étudiera l'expérience que possèdent une ou certaines écoles de dressage américaine. Au nombre des critères, nous espérons également que sera considérée la qualité de l'enseignement que l'on donne, tant à la personne qui devra utiliser le chien-guide qu'au chien-guide lui-même.

Les facteurs de choix qui amèneront le choix des écoles pourront être, nous l'espérons du moins, la langue d'enseignement. A l'heure actuelle, il existe, bien sûr, un certain nombre d'écoles américaines, pour ne pas dire qu'il en existe sept, à notre connaissance. Egalement, à notre connaissance, il y en aurait trois qui pourraient, éventuellement, dispenser ou qui dispensent à l'heure actuelle un enseignement en langue française. Nous espérons également que sera considéré le facteur distance, à savoir qu'il existe une école en Californie, qu'il en existe une en Ohio, une au Michigan. Notre ami, M. Cartier, en a parlé ce matin. Il en existe également deux dans l'Etat de New York et une au New Jersey. Donc, pensez à l'usager d'un chien-guide, pensez également au facteur distance à couvrir pour se rendre à ces écoles.

Il y aurait lieu, à ce moment, croyons-nous, qu'il s'établisse une consultation entre l'office ou le ministère et, d'une part, le personnel qualifié qui oeuvre dans le domaine des handicapés visuels pour déterminer les critères, pour déterminer le choix des écoles ou encore la façon dont l'enseignement devrait être donné. Il y aurait lieu, croyons-nous, également que soient consultés les organismes de handicapés visuels ou les organismes de santé oeuvrant dans le domaine. Il y aurait lieu, bien sûr, que soient consultés — c'est peut-être là où la consultation est la plus importante — les usagers de chiens-guides, non pas que l'on soit contre l'article 5 — nous allons en parler dans quelque moment — mais il existe certaines lacunes qui ne se seraient pas glissées dans le texte du projet de loi s'il y avait eu consultation avec les usagers de chiens-guides.

Nous considérons également qu'il est primordial que soient maintenus certains droits acquis. Ces droits acquis, nous ne les citerons que brièvement. Il s'agit, en fait, de l'allocation de $15 qui est versée aux personnes aveugles, usagers de chiens-guides et bénéficiaires de l'aide sociale, par l'entremise de l'INCA. C'est une allocation qui a été accordée aux usagers de chiens-guides par le ministère des Affaires sociales, la direction de l'aide sociale. Dans les droits acquis également, bien que l'office aura à reconnaître une ou plusieurs écoles, nous espérons que les personnes qui possèdent déjà des chiens-guides provenant d'autres écoles, celles-là peut-être pas retenues par l'office, pourront, en fait, régulariser leur situation face à la nouvelle loi.

L'article 5. Je viens tout juste de le mentionner brièvement, on mentionne, entre autres, dans cet article le droit d'accès aux moyens de transport et aux lieux publics pour le handicapé visuel, comme si ce dernier n'était pas... En fait, droit d'accès aux lieux publics, aux moyens de transport, accompagné de son chien-guide comme s'il n'était pas accompagné d'un chien-guide. A cet effet, on parle d'un chien qu'il tient en laisse, alors que l'on sait fort bien que l'expression "qu'il tient en laisse" va devoir, de toute évidence, être remplacée par l'expression "muni d'un harnais". Le harnais est reconnu, sur l'ensemble du territoire nord-américain, comme l'outil ou la pièce d'équipement qui permet à l'aveugle, d'une part, de connaître les signaux donnés par le chien et, d'autre part, de donner certains signaux à l'animal.

Le prix d'un siège qu'occuperait, semble-t-il, un chien-guide nous est apparu, pour le moins, surprenant. A notre connaissance, nous n'avons jamais entendu parler que l'aveugle devait acquitter le prix d'un siège pour son chien-guide. Il y aurait peut-être lieu, là encore, de préciser plus clairement la pensée du législateur.

Au deuxième alinéa, par contre — toujours à l'article 5 — il semble y avoir là, du moins c'est ce qui ressort de notre étude, une discrimination à l'endroit de l'aveugle. Dans un premier temps, dans le premier alinéa de l'article 5, on accorde à la personne aveugle le droit d'accès avec son chien-guide, et, dans un deuxième temps, pour des raisons que l'on dit être des raisons d'hygiène et des raisons de sécurité, on enlève ce droit. En fait, on n'enlève pas le droit. On le laisse au bon vouloir de la personne qui a la garde d'un lieu public.

Il y aurait lieu également de rappeler en terminant que le chien-guide constitue, pour l'aveugle, ses yeux.

Merci!

M. Bélanger: Je demanderais maintenant à André Vincent de s'adresser à vous concernant le chapitre II, Les droits des personnes handicapées.

M. Vincent (André): M. le Président, comme vient de le mentionner M. Bélanger, le bref expsé que j'ai à faire concerne principalement les droits des personnes handicapées, tels qu'énoncés à l'article 2. Le législateur, en proposant le projet de loi 55, semble tenir à ce que les personnes handicapées soient reconnues comme égales à tout autre citoyen, et nous avons constaté avec plaisir que l'ensemble de la loi semble répondre à ce souhait.

Cependant, nous aimerions apporter des suggestions d'amendements à certains articles. Ces amendements nous apparaissent importants pour mieux répondre à la philosophie du projet de loi 55.

Les premiers articles qui nous intéressent sont les articles 15 et 19, en ce qui a trait à la composition et au quorum de l'office. On suggère, tout d'abord, au niveau de la composition de l'office, qu'on ajoute des représentants de deux ministères qu'on considère très importants pour les lois futures en ce qui a trait aux handicapés, à savoir des représentants des ministères des Transports et des Affaires municipales. Quand on parle entre autres de barrières architecturales éventuel-

lement, je considère que le ministère des Affaires municipales est directement touché.

On suggère ensuite, aux mêmes articles, que six représentants des organismes les plus représentatifs des personnes décrites à l'article 46 fassent partie de l'office et qu'au moins un de ces représentants fasse partie de ce que l'on considère comme le quorum de l'office, et ce, pour des raisons qui nous apparaissent très évidentes. Je pense qu'il est indispensable que des gens ayant oeuvré de près et directement avec les personnes handicapées soient présents au moment de prises de décisions éventuelles, et ce, dans l'intérêt des personnes handicapées elles-mêmes.

On passe ensuite à l'article 46 où, aux paragraphes c) et d), on suggère certaines modifications; entre autres, au paragraphe c), en ce qui a trait au degré d'incapacité, on suggère qu'on tienne compte de l'amendement ou de la définition qu'on a donné à l'article 1f, quand on parle des handicapés visuels et des personnes aveugles, afin d'éviter qu'on retrouve dans cette catégorie de personnes un trop grand nombre d'individus, afin d'éviter certains abus. On souhaite également au même article que la lumière soit faite et qu'on tente d'uniformiser, si nécessaire et si possible, la définition de ces incapacités; que l'office qu'on devra constituer, que la Loi des accidents du travail, que les compagnies d'assurance utilisent les mêmes critères d'évaluation d'incapacité.

A l'article 46d, on aimerait préciser quels sont les droits des personnes qui seraient handicapées, mais qui relèvent de la Loi des accidents du travail. Je prends un exemple rapidement; en ce qui a trait à l'immatriculation des chiens-guides, par exemple, est ce qu'une personne qui bénéficie de la Loi des accidents du travail n'est pas protégée ou n'a pas ce droit, puisque, selon l'article 46d, elle ne peut pas être enregistrée auprès de l'office?

Enfin, on désire attirer votre attention sur l'article 72, principalement à l'alinéa e), où on parle de la canne blanche. Il est évident qu'on doit faire une loi à ce niveau et que la canne blanche ne peut être utilisée que par les personnes qu'on définit à l'article 1f. Cependant, je pense qu'une exception doit être faite pour les instructeurs en mobilité. On sait que l'utilisation d'une canne blanche demande un entraînement spécialisé qui ne peut être fait que par des instructeurs et qui doivent être voyants eux-mêmes. Ces gens qui ont l'occasion d'utiliser une canne blanche devraient être protégés et ne pas commettre une infraction aux termes de l'article 72e.

En terminant, j'aimerais attirer votre attention sur un souhait qu'on fait dans notre présentation, à savoir que les praticiens et les spécialistes qui travaillent auprès des personnes handicapées aient certaines garanties, certaines protections dans l'accomplissement de leur travail professionnel. Les membres de l'office, selon ce qui est dit dans le projet de loi, seront protégés, mais nous croyons que, dans l'exercice de leurs fonctions, les spécialistes, les professionnels auprès des handicapés devraient bénéficier de certaines garanties, eux également. Je vous remercie.

Le Président (M. Brisson): Le ministre a-t-il des questions?

M. Forget: Oui, je vous remercie. J'essaierai d'être bref. Pour ce qui est de l'article 5 — c'est l'article relatif à la question des chiens-guides — vous suggérez, si je comprends bien, qu'on remplace la laisse par le harnais; donc, qu'on soit un peu plus spécifique. Dans le même ordre de pensées, iriez-vous jusqu'à ce que l'on retrouve dans des législations américaines équivalentes, c'est-à-dire exiger le port de la muselière, ou s'il vous semble que c'est là une exigence qui est tout à fait superflue? On ne l'a pas incluse dans cette rédaction, comme vous voyez.

M. Jetté: C'est une question à laquelle on a songé. Il ne nous apparaît pas essentiel que, dans un projet de loi comme le projet de loi no 55, on impose le port de la muselière. A l'heure actuelle, les écoles de dressage américaines, celles avec lesquelles du moins, l'INCA et d'autres organismes et des particuliers ont fait affaires, sont des écoles qui nous apparaissent donner un excellent enseignement. De ce fait, l'animal est dressé de façon à ne pas mordre, à ne pas poser de geste ou à ne pas provoquer de situation embarrassante. Ce n'est pas, à notre avis, essentiel dans une loi comme celle-ci.

M. Forget: Pour ce qui est du deuxième alinéa du même article où on dit: "Malgré l'alinéa précédent, toute personne ayant la garde d'un lieu public," etc., vous avez souligné que cela vous semblait être une qualification au droit d'accès. D'un autre côté, ce matin, on a entendu M. Cartier, je crois, exposer certains incidents qui pouvaient découler de la présence d'un chien-quide dans certains contextes. Est-ce que vous êtes d'accord sur son exposé? Il a indiqué, par exemple, que dans le cas d'un établissement de santé, d'un hôpital, le chien ne serait pas admissible partout, ce qui ne veut pas dire que le handicapé visuel ne serait pas, lui, admis partout. Mais la question est de savoir: Est-ce qu'il est admis avec ou sans son chien-guide. La même question se pose dans le cas d'une salle de concert. La musique a un effet particulier sur certains chiens, même bien entraînés. Cela faisait d'ailleurs partie de l'exposé de M. Cartier. Il y a donc, dans certains cas, des circonstances où une imposition absolue semble inappropriée. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Est-ce que vous trouvez que c'est mal exprimé comme cela l'est, et que cela devrait être plus explicite? Ou est-ce que c'est une autre position que vous avez là-dessus?

M. Bélanger: M. le Président, avec votre permission, je demanderais à M. Saint-Onge, qui est aussi usager d'un chien-guide, de répondre à M. le ministre.

M. Saint-Onge (Pierre): M. le Président, nous sommes, je crois, relativement d'accord avec l'exposé de M. Cartier, qui nous a fait part, ce matin, de ses voeux. Tel qu'il le mentionnait également,

nous croyons que le deuxième alinéa de cet article suscite chez certaines personnes une interprétation qui pourrait être, à un moment donné, néfaste. Il est certain que dans des endroits où l'on dispense des soins, on parle d'hôpitaux, on parle de cliniques médicales ou autres, nous sommes entièrement d'accord que l'animal n'est pas nécessairement obligatoire. Par contre, dans d'autres établissements commerciaux, il n'y a apparemment aucun problème à ce qu'un chien-guide puisse accompagner son maître.

M. Forget: Vous voudriez que ces distinctions soient faites explicitement dans la loi.

M. Saint-Onge: C'est cela.

M. Forget: Je vois. Pour ce qui est de la canne blanche, la Montreal Association for the Blind a fait des représentations, d'une part, dans le même sens que vous, suggérant qu'on inclue les instructeurs en mobilité, ce qui semble une recommandation fort sensée. On va sûrement s'en inspirer. Par ailleurs, il suggérait de définir la canne blanche de façon beaucoup plus large. C'était par l'intention, dans le fond, qui avait présidé à la fabrication de la canne. Cela pouvait être n'importe quelle canne pourvu qu'elle ait été fabriquée par quelqu'un qui la destinait à un handicapé visuel. Je voyais certaines difficultés d'application d'une telle rédaction de la loi. Est-ce que vous avez une opinion quelconque sur le sujet?

M. Vincent: Pour notre part, nous trouvons que donner trop d'extension à cette loi, ce serait apporter des complications. En ce qui nous concerne, la définition de la canne blanche telle que donnée dans le projet de loi nous satisfait pleinement.

M. Forget: Je n'ai pas d'autre question, monsieur.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. Charron: M. le Président, M. le ministre a posé les questions que je voulais poser également.

Le Président (M. Brisson): L'honorable député de Johnson.

M. Bellemare (Johnson): Aucune question. On les a déjà posées à d'autres. C'est surtout ce qui regarde le chien-guide.

M. Bélanger: Vous vouliez, plus tôt cet après-midi, des statistiques sur l'emploi. On est prêt à vous en donner, si vous aimez.

M. Bellemare (Johnson): D'accord. C'est vous qui êtes monsieur...

M. Bélanger: Ce n'est pas moi qui vais vous les donner. C'est mon collègue, M. M. Avon, à ma gauche.

M. Bellemare (Johnson): Je serais bien prêt à les prendre.

M. Avon (John): En ce qui concerne les aveugles dans la province, M. Bellemare, je dois vous remercier, parce que lorsque vous étiez ministre du Travail, vous avez accordé à INCA le premier contrat de travail pour le service de la main-d'oeuvre. Depuis, nous avons un contrat de travail avec les autres ministres, annuellement. Nous avons trois agents de main-d'oeuvre dans la province.

M. Bellemare (Johnson): Trois agents.

M. Avon: Trois agents de main-d'oeuvre dans la province et, d'après une recherche et une étude du Centre de main-d'oeuvre du Canada et de l'Institut national canadien pour les aveugles, nous devrions en avoir six. Ces trois agents de main-d'oeuvre effectuent une moyenne de 60 placements d'aveugles dans la province. En plus de ça, il y en a d'autres, comme l'a dit M. Cartier par exemple, ce matin, des professionnels, qui, a force de combats avec les employeurs, réussissent à se trouver du travail. Je crois qu'en ce qui concerne le placement des aveugles, le ministre est au courant, il y a des difficultés, mais elles ne sont pas au niveau des employeurs, mais surtout des syndicats.

Il y a des clauses syndicales, par exemple, comme l'ancienneté, qui ne permettent pas à un aveugle d'être embauché par un hôpital, par exemple dans une chambre noire, parce que la classification de chambre noire est plus élevée que celle pour entrer comme employé. Depuis cinq ans, j'essaie de tous bords et de tous côtés de contourner cette clause d'ancienneté dans les hôpitaux, pour placer des aveugles et nous avons de la difficulté. Auparavant, nous avions plus de facilité, nous avions convaincu presque tous les employeurs, tous les hôpitaux de la province, les radiologistes, les directeurs du personnel et nous avions pu placer des aveugles dans les chambres noires. Depuis cette clause d'ancienneté, nous ne pouvons pas le faire.

Je ne vois réellement rien dans la loi qui parle des syndicats, qui encourage les syndicats à favoriser le placement des handicapés. Comme M. Dufour l'a dit à une précédente réunion ici, je crois que les employeurs sont prêts à collaborer dans la province, mais il faudrait aussi demander aux syndicats de collaborer avec nous.

En ce qui concerne la loi, 2%, cela a été essayé en Angleterre et en France, comme vous le savez et, au début, il y a eu un peu de succès, mais après que les employeurs ont le quota, il y en a qui se retrouvent avec des handicapés qui ne font rien dans un coin. J'ai parlé à beaucoup d'employeurs dans la province de Québec, qui ont vécu cette loi en Angletterre et ils préfèrent réellement ne pas avoir une loi, mais avoir le choix de collaborer avec les organismes qui font du placement de handicapés.

M. Bellemare (Johnson): A la Commission des accidents du travail, je voudrais vous citer un

cas particulier; nous avions engagé des sourds-muets pour le transfert et le classement des dossiers. Un jour, je suis arrivé dans mon bureau de président, il y avait un jeune homme qui était en train de fouiller dans les dossiers sous mon pupitre. Je lui ai demandé "Qu'est-ce que tu fais là?" Il ne m'a pas répondu.

Je l'ai pris par le bras et je lui ai dit: "Qu'est-ce que tu fais là?" J'ai commencé à comprendre qu'il était bien utile d'avoir des sourds-muets; il était bien pratique, il ne s'occupait pas de moi, pas du tout. Mais on a engagé, par exemple, à la manipulation de 12 000 dossiers par jour, une douzaine de sourds-muets qui font à la commission un travail épatant. Voilà un cas particulier où des handicapés physiques peuvent rendre dans une certaine catégorie d'immenses services. Quand il s'agit d'avoir des dossiers qui circulent tous les jours à cause des entrées et des sorties, ils ont pour tâche de passer par tous les ateliers et, dès qu'un dossier est marqué: Terminé, de le reprendre et de le remettre dans le classeur.

Pour les aveugles aussi, quand l'INCA est venu me voir au Centre de main-d'oeuvre pour m'occuper particulièrement des aveugles, j'ai été heureux d'ouvrir la porte. Je voudrais poser la question suivante: Où placez-vous ces 60 personnes par année? Dans quel domaine?

M. Avon: La majorité dans des industries de la province.

M. Bellemare (Johnson): Mais pour quoi faire surtout? Est-ce qu'il y a une spécialité particulière? Je viens de vous nommer les sourds-muets.

M. Avon: C'est très difficile, M. Bellemare, de vous dire dans quel poste. On pourrait vous dire, par exemple, dans l'emballage, sur des presses. Par exemple, à la compagnie Pratt & Whitney, qui était la United Aircraft, nous avons des personnes qui travaillent au lavage des pièces d'avion. Nous en avons qui travaillent sur des foreuses. Nous en avons qui travaillent sur un "Snyder vertical miller" qui est...

M. Bellemare (Johnson): Est-ce que le taux d'accident est élevé pour ces aveugles? Est-ce que le taux d'accident de travail...

M. Avon: Depuis 30 ans que je fais du placement chez les aveugles, nous avons eu environ deux accidents qui ont causé des pertes de travail pour quelques mois, et c'était pour les mêmes raisons qu'une personne voyante, un oubli, un manque d'attention.

M. Bélanger: C'est-à-dire que nos deux buts et l'amélioration de la condition de l'aveugle sont sine qua non. Il faut le faire, on doit le faire. L'autre, c'est la prévention de la cécité. Cela se fait. Nous avons trois infirmières qui parcourent la province avec des cliniques où se trouvent des ophtalmologistes et font l'étude sur place. C'est de la prévention.

J'ai un de mes collègues qui a passé trois semaines à la CTCUM à donner des cours de prévention. L'autre jour, il y a quelqu'un qui est venu le voir... On parle du port de lunettes, quelque chose comme cela.

M. Bellemare (Johnson): Ce matin, dans les journaux, on disait qu'il y a un lot considérable de lunettes qui traînent dans les ateliers, qui ne sont pas portées, ce qui est une cause véritable de cécité. C'est, comme vous le dites, une bonne manière d'attirer l'attention des gens sur la prévention qu'il faut apporter dans le travail. Comme la chaussure, comme le casque, comme le gant, comme les lunettes, c'est important dans certains domaines.

M. Bélanger: C'est comme la ceinture qu'on doit porter dans les voitures maintenant.

M. Bellemare (Johnson): Oui, cela dérange le soir, quelquefois.

M. Bélanger: Un autre de nos services et celui-ci est auto.

M. Bellemare (Johnson): ...pas pour moi, parce que ce n'est plus mon cas.

M. Bélanger: Dans le même ordre d'idées, pour ce qui est de l'emploi, vous n'êtes pas sans savoir que notre programme qui s'appelle "Cater plan", où on s'occupe de cafétérias, et qui emploie actuellement, dans la province, une soixantaine d'aveugles, dont 23 au niveau de cadre. Par exemple, nous avons la grande cafétéria de Radio-Canada à Montréal et le bureau de poste fédéral...

M. Bellemare (Johnson): Je ne comprends pas pourquoi on vous l'a enlevé ici, au gouvernement. Je me suis posé des questions, dernièrement, quand j'ai vu s'organiser la cafétéria, dans l'édifice du Parlement, l'autre côté et qu'on a enlevé aux aveugles cette partie qu'on leur avait concédée, et qu'on a remis toute cette cafétéria nouvelle, qui va opérer dans quelques jours, à l'organisation du Café du Parlement. Qu'on ait enlevé cela aux aveugles, je n'ai pas compris cela.

M. Bélanger: Ce n'est pas une question que vous posez, M. Bellemare. Vous pensez tout haut. Vous ne nous adressez pas la question tout de même?

M. Bellemare (Johnson): Vous êtes au courant?

M. Bélanger: Nous sommes au courant, oui. M. Charron: Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Bélanger: Comme dans les ateliers protégés, je crois que, dans l'avenir, nous devrons continuer à être subventionnés.

Plus on avance, plus on aura des sous-contrats et plus on pourra s'autofinancer, sachant très bien qu'on ne pourra jamais s'autofinancer ou s'autogérer, mais, plus on avancera, peut-être que les subventions pourraient être moindres et, nous ferons de plus en plus de profits, comme d'ailleurs avec le "Cater plan".

Naturellement, on a suggéré dans notre mémoire qu'on aimerait bien avoir la possibilité d'oeuvrer de plus en plus dans des édifices du gouvernement.

M. Bellemare (Johnson): Combien d'employés sont mis à pied, à peu près? Combien d'aveugles vont être mis à pied à cause de cette rénovation qu'on fait présentement?

M. Bélanger: Je ne pourrais pas vous dire. Est-ce que quelqu'un est au courant?

M. Avon: Je crois que les personnes aveugles vont être reclassifiées dans d'autres ministères.

M. Bellemare (Johnson): Dans d'autres ministères.

M. Avon: On l'espère.

M. Bellemare (Johnson): Envoyez-les au social.

Le Président (M. Brisson): Je vous remercie, messieurs.

M. Bélanger: Merci infiniment.

Le Président (M. Brisson): J'appellerais le Conseil régional de la santé et des services sociaux. M. Gérard Douville, directeur général.

Conseil régional de la santé et des services sociaux

M. Ouellet (Henri): M. le ministre, MM. les membres de la commission, je vais tout d'abord faire une rectification. Le porte-parole n'est pas M. Douville, parce qu'il a dû s'absenter. Je suis Henri Ouellet, membre de la permanence du Conseil de la santé et des services sociaux. Je vous présente M. Paul Mercure, président du Comité régional des services aux inadaptés dont on parlera tout à l'heure — M. Mercure est le père d'un enfant déficient mental — et Mme Alice Routier, qui est permanente au Conseil de la santé et des services sociaux de Québec.

Le mémoire que vous avez en main a été préparé effectivement par le Comité régional des services aux inadaptés de la région de Québec qui agit en tant que comité aviseur du CRSSS — j'emploierai le sigle CRSSS qui sera compris de tous, j'imagine — dans tout le secteur de la réadaptation. Le Comité régional des services aux inadaptés est formé de professionnels, d'usagers, de parents d'usagers qui travaillent dans le secteur de la réadaptation. Le CRSSS a voulu consacrer ce secteur prioritaire, suite aux nombreuses pressions qui nous arrivaient du milieu dans le domaine. Nous avons cru nécessaire de nous doter d'un mécanisme permanent qui nous avise sur la problématique du milieu.

Les personnes suivantes ont collaboré à la rédaction de ce document et chacune d'entre elles représente un type de handicap qui peut être touché par ce projet de loi: Tout d'abord, M. Jacques Verrette est une personne handicapée physique; M. Claude Châtelain, à titre de personne handicapée visuelle; M. Paul Mercure, comme parent d'un enfant déficient mental. Nous avons également eu la collaboration d'une personne du Centre de services sociaux de Québec, M. Jean-Simon Gosse-lin, ainsi que Mme Routier, ici présente.

Le Conseil régional de Québec tient à remercier M. le ministre Claude Forget, pour avoir déposé ce projet de loi à l'Assemblée nationale et avoir permis qu'il soit débattu en commission parlementaire par les organismes et personnes concernés.

Nous croyons que l'intention de ce projet de loi est valable et que, moyennant certaines modifications que nous suggérons, il pourrait apporter des améliorations aux services rendus aux personnes handicapées. Nous aimerions émettre certains commentaires généraux relativement aux principales recommandations de notre mémoire. Quant aux points secondaires, nous vous référons à notre mémoire où vous trouverez des commentaires détaillés sur les principaux articles du projet de loi.

Tout d'abord, les commentaires généraux. Au cours des mois qui ont précédé le dépôt de ce projet de loi, nous avons eu un échange de correspondance avec le ministre des Affaires sociales, M. Forget. Au cours de cet échange, le ministre nous assurait du dépôt prochain de cette loi et de la publication de la politique globale dans le domaine de la réadaptation des adultes. Le projet de loi sur la protection des personnes handicapées est maintenant à l'étude en commission parlementaire, mais la politique générale n'est pas encore connue. C'est pourquoi nous nous posons la question suivante qui nous semble primordiale. Comment ce projet de loi créant un office des personnes handicapées s'intègre-t-il dans l'ensemble de la politique? Il nous est donc difficile de nous prononcer sur ce projet de loi, lorsque la politique globale nous est encore inconnue.

Même si nous nous trouvons dans une telle situation, c'est-à-dire connaissance de la loi et non-connaissance de la politique globale, nous prenons quand même le risque de formuler certains commentaires qui pourraient trouver réponse dans la publication d'une politique de réadaptation des adultes. Nous émettrons donc les commentaires suivants: premièrement, les fonctions de l'office nous apparaissent beaucoup trop se limiter au reclassement professionnel des personnes handicapées. Des besoins comme le transport, l'habitation, le manque d'accessibilité aux édifices publics en raison des barrières architecturales, l'information et la référence sont presque oubliés. De fait, on les souligne dans les fonctions que l'office peut remplir et non pas dans les fonc-

tions que l'office doit remplir. Ils nous apparaissent, cependant, tout aussi importants que la réadaptation au travail, si l'on désire poursuivre un objectif d'intégration sociale des personnes handicapées. Nous savons que le ministère des Affaires sociales met de l'avant l'objectif de normalisation des personnes handicapées, mais nous ne croyons pas que cet objectif sera atteint si des besoins comme les moyens de transport ou un habitat décent ne sont pas satisfaits.

Les fontions de l'office nous apparaissent donc limitatives si cet office ne coordonne pas l'ensemble des politiques gouvernementales à l'endroit de ce type de population. J'ouvrirais une parenthèse pour dire, en particulier, que M. le ministre Forget connaît assez bien le problème pour avoir reçu dernièrement du CRSSS un mémoire ou une étude en rapport avec le transport des handicapés du Québec métropolitain. Le problème du transport est crucial. Si, aujourd'hui, on disposait d'un office avec des pouvoirs largement étendus en termes de coordination particulièrement, nous pensons que cet office serait en mesure de sensibiliser les principaux intervenants, les principaux responsables dans le secteur, qui sont, entre autres, le ministère des Transports et les municipalités qui devraient assumer leur leadership dans ce secteur, qui devraient vraiment prendre leurs responsabilités.

Aujourd'hui, les handicapés sont acculés jusqu'à un certain point — je trouve qu'en 1976 c'est inacceptable — à faire des campagnes de porte en porte pour se donner un transport relativement décent, alors que c'est un droit que tout le monde dit leur reconnaître. Je pense qu'il faudrait vraiment qu'il y ait des politiques énergiques à ce sujet.

Il faut, croyons-nous, qu'un coordonnateur soit nommé officiellement pour que toutes les politiques gouvernementales soient cohérentes et desservent bien la population cible visée. L'office devrait aussi avoir un pouvoir de recommandation sur toutes les lois afférentes au bien-être des personnes handicapées. Cet office n'aurait toutefois pas à se substituer aux organismes, aux ministères et aux établissements en place.

Troisièmement, nous croyons que l'office est trop nettement orienté vers les personnes les moins handicapées ou les plus facilement reclas-sables lorsque nous constatons que la durée du contrat de reclassement professionnel ne peut s'étendre au-delà d'un an et demi. Que fait-on avec les personnes les plus handicapées comme, par exemple, les personnes handicapées mentales profondes? Car, il ne faut pas s'illusionner. Plusieurs personnes handicapées ne pourront jamais, même si le but visé en est un d'intégration au marché du travail, être reclassées. Rien n'est prévu pour elles dans ce projet. Il n'est aucunement fait mention d'ateliers occupationnels, qui seront pourtant nécessaires. Que se passera-t-il pour ces personnes?

L'office, dans la dispensation de ses services, nous semble jouer un rôle contraignant et peut-être même répressif à l'endroit des personnes handicapées. Les articles 63, 64 et 65 nous parais- sent très sévères quant aux sanctions. Le bénéficiaire n'aurait pas droit à une attitude compréhensive s'il refuse de collaborer, alors qu'un refus peut être signe d'un symptôme plus profond et non seulement le signe d'une mauvaise volonté. De plus, par les pouvoirs d'enquête que lui confère l'article 64, l'office peut être, à la fois, juge et partie sur les services qu'il a rendus. Nous croyons que ces deux fonctions doivent être distinguées et chacune d'entre elles devrait être confiée à un organisme distinct.

Nous aimerions que les règlements de cette loi soient publiés dans la Gazette officielle et soumis, par conséquent, à la consultation. Il est souvent difficile de se prononcer sur un projet de loi alors que les règlements n'ont pas encore été édictés. Il arrive très souvent, en effet, que les règlements précisent une loi et permettent d'en mieux évaluer l'impact.

On voudrait maintenant vous signaler certains points importants, qui nous apparaissent les plus importants dans le mémoire que vous avez en main.

Il y a certains articles que nous aimerions voir modifiés, corrigés et améliorés, et nous allons insister particulièrement sur ceux-là, quitte à revenir en discussion par la suite.

Les articles 15 et 33, la composition de l'office et les relations de l'office avec les organismes qu'il a reconnus. Nous voudrions insister sur la nécessité de représentation des personnes handicapées au sein de l'office. Ces personnes sont les premières intéressées, et elles doivent constituer en nombre la moitié des membres de l'office. C'est pourquoi nous demandons que l'office comprenne douze membres, au lieu de dix. Les deux membres qui s'ajoutent doivent parvenir du secteur des handicapés. L'office serait aussi assuré d'une meilleure représentation des genres de handicaps et des différentes philosophies de réadaptation qui prévalent dans le secteur.

Nous aimerions insister sur le fait que l'office doit être en contact continu avec tous les organismes ou associations de personnes handicapées, afin de pouvoir obtenir des avis sur toutes ces politiques.

Article 38, les subventions aux employeurs. Cet article est un des plus importants du projet de loi pour ce qui regarde le reclassement professionnel. C'est surtout grâce à ce mécanisme qu'on cherchera à obtenir l'objectif d'intégration complète au marché du travail régulier et par conséquent l'objectif de normalisation sur le plan professionnel.

Cependant, l'aide aux employeurs doit être conditionnée de façon analogue à celle qui est accordée aux ateliers protégés. L'employeur devra donc s'engager à réserver les postes subventionnés aux bénéficiaires de l'office.

Article 67, le plan de reclassement professionnel. Ces plans de reclassement professionnel nous apparaissent appropriés, innovateurs et adaptés aux besoins des handicapés désirant accéder au marché du travail. Nous trouvons cependant, comme nous en avons fait mention dans la première partie de notre exposé, que la durée de

ces plans est définitivement trop courte. Nous craignons que beaucoup de personnes handicapées ne puissent pleinement en profiter en raison de handicaps plus prononcés.

Finalement, l'article 79 sur le droit d'appel. Le droit d'appel à la Commission des affaires sociales doit être étendu à toute décision de l'office et tout spécialement au plan de reclassement professionnel. Ce droit est maintenant de plus en plus reconnu dans toutes les législations sociales et nous apparaît extrêmement important. Considérant l'importance de l'office et l'importance de ses décisions, le droit d'appel doit être applicable à toutes les décisions de l'office.

Nous sommes conscients que nos recommandations, si elles étaient appliquées, auraient pour effet de modifier considérablement les attributions de l'office. Dans sa forme actuelle, ce projet de loi comporte des inconvénients majeurs qui obligent à une refonte quasi totale. Voici donc les principaux commentaires sur le projet de loi no 65 que nous voulions souligner à la commission parlementaire.

Nous vous remercions de votre bienveillante attention et nous vous référons à notre mémoire pour des détails plus techniques relatifs au projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Brisson): Merci. Le ministre m'a fait part qu'il n'avait aucune question, il a dû s'absenter momentanément. Le député de Saint-Jacques aurait-il des questions?

M. Charron: Oui, parce que le mémoire que vient de nous apporter le CRSSS du Québec métropolitain nous permet d'identifier dans des phrases assez claires certaines des lacunes et des manquements graves dans le projet de loi, que dès le départ de cette commission, vous vous en souviendrez, à sa seule lecture, nous avions été capables de mentionner à l'intention de la commission, en particulier toute la question du transport. Vous connaissez — ce n'est pas à vous que je dois le dire — sans aucun doute, la dernière décision du ministère des Affaires sociales, l'entente avec le ministère des Transports, et la décision de laisser l'organisation du transport des handicapés aux différentes communautés de transport dans les différentes communautés urbaines du Québec. Nous avons commenté cette chose à l'Assemblée, est-ce que cela s'est produit? J'ai, au nom de l'opposition, tenté d'obtenir une justification autre que technocratique de la part du ministre des Affaires sociales. Je ne l'ai pas obtenue, sauf celle de dire qu'il n'abandonnait pas la question du transport pour les handicapés, mais qu'il laissait aux autorités du transport le soin de le faire, le gouvernement s'engageant à combler jusqu'à 75%, je pense...

M. Ouellet: Jusqu'à 50%.

M. Charron: ... jusqu'à 50%, la partie du déficit accumulé ainsi.

Cela m'est apparu comme une façon très facile de se laver les mains d'un problème en disant:

II faut tout remettre à la même place dans l'organisation du transport. La particularité sociale de ce dont on parlait, de ceux dont on parlait, méritait à mon avis une attention plus grande du ministère des Affaires sociales. Diriez-vous aujourd'hui — je crois l'avoir vu dans les phrases assez claires de votre mémoire, mais j'aimerais que vous commentiez cette affirmation — que tout le travail de reclassement professionnel et social — parce que j'emploie le mot qui nous a été suggéré ce matin — qui serait celui de l'office, si la loi devait rester comme elle est là, est à toutes fins pratiques annulé dans les faits si le transport des handicapés n'est pas organisé?

M. Ouellet: Evidemment, il n'y a pas que le transport. Nous avons signalé le transport, parce que ce besoin nous a été signalé de façon particulière par les organismes, mais vous parlez de normalisation jusqu'au bout, parce que c'est ce que le ministère des Affaires sociales veut vraiment faire et je crois qu'il y a lieu de l'en féliciter. Mais si vraiment tout ce qui permettra à un handicapé de vivre des conditions de vie normalisantes n'est pas mis en place par quelque organisme ou quelque ministère que ce soit, je pense que les politiques du ministère des Affaires sociales risquent d'être vouées à l'échec. Parlons de transport, parlons d'habitation. Le transport m'apparaît peut-être le moyen qui saute aux yeux le plus facilement pour vraiment faciliter cette intégration. Aujourd'hui, dans le Québec métropolitain, il n'existe aucun moyen, littéralement aucun moyen, parce que depuis la semaine passée, le dernier organisme qui faisait du transport, grâce à une subvention de Centraide, n'a plus d'argent et, depuis la semaine passée, il n'y a donc rien, strictement rien.

M. Charron: Puisqu'on en est au cas de Québec et que vous le connaissez bien, qu'a fait la Commission de ttransport de la Communauté urbaine de Québec sur ce sujet depuis la décision du ministre?

M. Ouellet: Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la CTCUQ dans une étude récente que nous avons entreprise et la CTCUQ nous a gracieusement prêté un permanent pour travailler avec nous à l'étude parce que le projet l'intéressait au départ. A ce jour, je ne sais pas ce qui va se faire. Je sais que la CTCUQ est en train d'élaborer son budget de la prochaine année. Je n'ai pas l'assurance qu'il y aura une clause pour du transport de handicapés. Ce que nous demandons à la CTCUQ, comme à tout autre transporteur du même genre, c'est de donner un service de porte à porte à des individus qui ne peuvent utiliser les moyens réguliers de transport, parce qu'il faut toujours retenir le principe que si on veut être normalisant jusqu'au bout, il faut d'abord maximiser l'utilisation des transports en commun. Donc, à ce niveau-là, je pense que la CTCUQ est prête à faire des choses, dont la modification de parcours, dont l'aménagement de certains véhicules en particulier. Mais quant à un transport spécialisé de porte à porte, nous pensons que c'est la responsabilité

d'un organisme comme la CTCUQ ici dans le Québec métropolitain. Je ne suis pas certain de ce que cela va donner. Je pense que le ministère des Transports devrait donner une incitation plus importante aux municipalités pour qu'elles puissent vraiment accepter de développer ces programmes.

M. Charron: Une incitation, c'est exactement ce qui nous avait amené à croiser le fer avec le ministre sur cette question.

A notre avis, cela devait même aller jusqu'à l'obligation auprès des communautés de transport aussi bien structurées que celles qui desservent les différentes communautés urbaines du Québec, à tout le moins, prenons celles-là au départ, mais, si ce n'était pas obligatoire, au moins que l'incitation soit palpable. Quand le déficit n'est comblé par le gouvernement qu'à 50%, c'est inviter les compagnies de transport des différentes communautés urbaines à augmenter encore leur déficit. Je ne suis pas au courant dans les détails de la situation de la CTCUQ, mais je sais que le budget de la CTCUM, par exemple, à Montréal, a été déposé la semaine dernière et il a un déficit record. Ce qui fait que, quand on laisse à ces autorités le soin de développer un service pour lequel elles n'ont pas été, en vocation, préparées, c'est le moins qu'on puisse dire, et si elles noue disaient: Volontiers, si le gouvernement paye, on peut bien travailler à l'inclure dans notre service, mais si, en plus de cela, ça nous ajoute un déficit que, par tous les moyens du monde, on essaie de combler, sans être obligées d'exiger des autres citoyens plus que ce qu'on exige actuellement, elles ont une certaine réticence.

Combien de personnes évaluez-vous, sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, par exemple, nécessiteraient un transport en commun différent de celui des autres citoyens, parce qu'elles doivent se déplacer avec chaise roulante ou d'autres raisons?

M. Ouellet (Paul): Dans la récente étude que nous avions entreprise, nous évaluions, pour deux projets qui avaient été inventoriés en particulier, deux projets financés par le programme d'initiatives locales, environ 380 personnes qui nécessiteraient du service assez courant pour aller...

M. Charron: A domicile.

M. Ouellet: ...à domicile, pour aller à l'université, pour aller à l'école, au travail et fréquenter les services communautaires.

M. Charron: Est-ce que les ateliers protégés ont organisé eux-mêmes un moyen de transport pour leur clientèle?

M. Mercure: Disons que c'est un problème particulier, il y a certains ateliers protégés qui ont organisé un transport. Maintenant, il y avait certains ratios disponibles pour ces transports et ces ressources ne sont pas disponibles, de sorte que la situation actuelle est que les familles paient le transport pour les ateliers protégés ou les centres d'accueil, lorsque ce sont les centres d'accueil qui envoient leurs clients.

M. Charron: Les familles ou les centres d'accueil.

M. Mercure: C'est ça.

M. Charron: Actuellement, j'imagine que c'est en taxi, qu'il n'y a pas de service en commun?

M. Mercure: Disons qu'il y a des petits autobus qui sont fournis pour le transport spécial, mais il n'y a pas de subvention pour ce genre de transport actuellement, sauf quand il s'agit de transport scolaire; là, ce ne sont pas les ateliers protégés.

M. Charron: J'ai une autre question à M. Ouellet. Nous nous sommes attardés à quelques reprises au cours de la journée sur des distinctions faites entre les handicapés, qui découlent de la loi. On dit que seuls les handicapés que l'on classifie-rait comme aptes au retour au travail ou à l'intégration sont déjà des bénéficiaires de la loi, mais que les déficients mentaux graves, vous l'avez mentionné aussi dans le mémoire, ou les handicapés physiques, non recyclables sur le plan professionnel, sont les oubliés de la loi. Le ministre dit que ça n'empêche pas le reste des institutions sociales du Québec d'exister, hôpitaux à soins prolongés, etc.

Que pensez-vous qu'une loi, qui aurait visé à faire respecter les droits de toutes les personnes handicapées, y compris celles qui sont inaptes à un reclassement professionnel et social, aurait pu comporter de plus que ce que la loi 65, par exemple, a pu offrir de services à ces personnes?

M. Mercure: Disons que cela fait appel au principal point de notre mémoire. C'est-à-dire que le conseil régional et plusieurs autres organismes demandent une politique globale de réadaptation des adultes, en particulier.

Il y a des choses comme l'habitation, comme le transport, comme les loisirs spécialisés, des choses qui ne sont pas prévues du tout dans cette loi. On a encore la certitude que le ministère s'apprête à produire une politique globale de réadaptation des adultes. Disons qu'on aimerait bien connaître l'approche globale du gouvernement. C'est le point principal qu'on fait ressortir dans notre mémoire.

M. Charron: Si ces choses que vous mentionnez, comme l'habitation, le transport, l'organisation de loisirs, avaient été inclues dans le projet de loi, il aurait été plus complet et ainsi, visé la clientèle des handicapés, et non pas uniquement ceux qui vont bénéficier de l'office.

M. Mercure: Justement.

M. Charron: Je vous remercie beaucoup.

Report de la comparution de

l'Institut national canadien-français

pour la déficience mentale

Le Président (M. Brisson): Je vous remercie, messieurs. J'appellerais maintenant l'Institut national canadien-français pour la déficience mentale, M. Serge Dépatie, directeur général intérimaire.

M. Charron: M. Dépatie, vous devenez notre habitué de six heures moins cinq.

M. Dépatie (Serge): Je me demandais justement s'il s'agissait d'une coïncidence.

Le Président (M. Brisson): M. Dépatie, vous avez une quinzaine de minutes pour exposer un résumé de votre mémoire.

M. Dépatie (Serge): M. le Président, est-ce qu'il me serait permis de demander à la commission d'être entendu à une prochaine séance, pour être sûr...

Le Président (M. Brisson): De toute façon, vous avez droit à quinze minutes quand même.

M. Dépatie (Serge): Quinze minutes quand même.

Le Président (M. Brisson): Oui. On va jusqu'à 20 minutes habituellement, mais...

M. Dépatie (Serge): Même si j'ai attendu toute la journée, je regarde les figures fatiguées des gens de la commission. Je préférerais peut-être voir des gens plus reposés pour m'écouter. Il se pourrait que j'aille jusqu'à 25 minutes et la tolérance est plus grande le matin.

M. Charron: Je seconde votre proposition, M. Dépatie.

Le Président (M. Brisson): D'accord, vous serez convoqué à nouveau par le secrétaire des commissions.

M. Dépatie (Serge): Je vous remercie et je l'apprécie.

Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 56)

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