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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le lundi 11 décembre 1978 - Vol. 20 N° 222

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 84 - Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 84

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires sociales est réunie pour étudier le projet de loi 84 et pour entendre ses organismes convoqués devant cette Assemblée.

Sont membres de cette commission: En remplacement de M. Goldbloom (D'Arcy McGee) M. Forget (Saint-Laurent); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel (Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Lazure (Chambly), M. Martel (Richelieu), M. Paquette (Rosemont) remplacé par M. Alfred (Papineau), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Shaw (Pointe-Claire).

Les intervenants: M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Paquette (Rosemont); M. Couture (Saint-Henri), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Marcoux (Rimouski), M. Marois (Laporte), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saindon (Argenteuil).

Je vous suggérerais un rapporteur, M. Gravel, si vous désirez.

Cela va?

Mme Lavoie-Roux: ...

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez vous opposer, madame.

Les organismes seront entendus dans l'ordre suivant: L'Association des chirurgiens dentistes du Québec, l'Association professionnelle des op-tométristes du Québec, l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, l'Ordre des dentistes, l'Ordre des optométristes et l'Ordre des pharmaciens.

Compte tenu que nous sommes réunis pour étudier un projet de loi, nous devons donc annoncer l'article 1 comme étant appelé et suite à l'intervention de chacun...

Mme Lavoie-Roux: Je ne pense pas que nous soyons réunis pour étudier le projet de loi, M. le Président. Il y a une motion...

Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi. Donc, si ce n'est pas pour le projet de loi, on y reviendra. C'est parce que j'avais l'avis... En conséquence, la parole est à M. le ministre.

M. Grenier: Question de règlement. Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Grenier: Voyant le nombre de participants qu'il y a ici ce matin, ne pensez-vous pas qu'il y aurait lieu de demander, par l'entremise de nos secrétaires, qu'on nous donne une autre salle, étant donné que... J'imagine que la salle 81 est peut-être moins occupée ou bien le salon rouge encore.

Le Président (M. Jolivet): Nous allons faire les démarches en conséquence pour voir quelles sont les possibilités de transfert dans le courant de la matinée, le plus tôt possible, bien entendu.

M. le ministre.

M. Lazure: Justement, je veux d'abord, au nom du gouvernement, pour ainsi dire, m'excuser pour l'inconfort de cette salle. Nous n'avons malheureusement pas d'autre salle disponible, mais nous essaierons, comme le président vient de le dire, d'y remédier cet après-midi.

Déclaration préliminaire du ministre M. Denis Lazure

Alors, M. le Président, j'ai une déclaration d'ouverture qui n'est pas tellement longue, un exposé initial et je voudrais, au départ, dire que nous abordons cette séance qui, en principe, peut se prolonger toute la journée, toute la soirée, nous l'abordons dans un esprit d'ouverture.

Comme je le précisais lors du dépôt en première lecture, ce projet de loi vise à élargir l'éventail des services assurés, à faciliter le fonctionnement et l'administration du régime au moyen d'un certain nombre de mesures d'ordre administratif et enfin à promouvoir la disponibilité des médecins sur tout le territoire du Québec. Les additions et amendements proposés touchent principalement la Loi de l'assurance-maladie et la loi de la régie.

Je veux souligner au départ la présence, à ma droite, du Dr Martin Laberge, le président-directeur général de la Régie de l'assurance-maladie — la plupart d'entre vous le connaissez bien — ses collègues de la régie et un certain nombre de collègues du ministère.

Depuis 1976, et conformément à son programme, le gouvernement du Parti québécois a accéléré l'adoption de mesures sociales. Ainsi, en octobre 1977, la gratuité des médicaments était étendue à toutes les personnes âgées de 65 ans ou plus; le 30 novembre suivant était instauré le programme d'aide pour les handicapés visuels de moins de 18 ans, programme dont bénéficient également les handicapés visuels de 18 à 35 ans depuis le 1er décembre de cette année, le 1er janvier 1978, le programme de prothèses mammaires entrait en vigueur et les enfants de 12 à 14 ans devenaient admissibles à la gratuité des soins dentaires le 1er mai 1978.

Le projet de loi à l'étude aujourd'hui prévoit justement une addition ainsi qu'une modification de la couverture actuelle des services de santé. Il s'agit en premier lieu d'autoriser la Régie de

l'assurance-maladie à assumer, aux conditions prescrites, le coût d'achat, d'ajustement, de remplacement ou de réparation d'aides auditives déterminées par règlement. La modification comporte l'élargissement du champ d'application du programme de soins dentaires en faveur des bénéficiaires de l'aide sociale. Depuis 1976, ces Québécois ont droit aux soins dentaires gratuits, dans le cadre d'un programme particulier mis en place par le ministère et que la régie administre pour lui. Mais, étant donné que le gouvernement précédent n'avait pas négocié les modalités de rémunération avec les représentants de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, ce programme s est heurté dès le début à de nombreuses difficultés que palliera ce projet de loi.

Par ailleurs, la majorité des articles du projet de loi ont trait à des modifications propres à améliorer le fonctionnement du régime. Nous nous efforçons de rafraîchir la loi à la lumière des besoins de la population, des professionnels de la santé et de la régie.

Il importe de souligner dès maintenant que, contrairement aux allégations de certains, ce projet de loi n'a pas été élaboré en vase clos. Les membres de la régie, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens et la Fédération des médecins spécialistes ont été consultés relativement à certaines modifications envisagées et ont pu formuler leurs observations ou suggestions, et ceci, depuis avril dernier, avril 1978.

Il en a été de même du comité ministériel du développement social. Par ailleurs, les corporations professionnelles des dentistes, optométristes et pharmaciens, ont été informées des modifications touchant notamment les comités de révision, la carte d'assurance-maladie et les primes d encouragement.

Les idées ainsi recueillies n ont pu évidemment être toutes retenues, d'autant plus qu'un bon nombre étaient forcément divergentes. Le texte actuel, après quelques modifications, nous paraît néanmoins renfermer les dispositions les plus susceptibles de servir le mieux les intérêts des Québécois, en permettant à la régie de mieux gérer le régime et d'exercer un contrôle plus serré sur l'utilisation des fonds publics. Etant donné que ce qui nous amène ici aujourd'hui, c'est l'opposition d'un groupe de professionnels de la santé qui, à l'opposé de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, par exemple, ou de l'Association des conseils de médecins et dentistes, ont préféré le cadre d une commission parlementaire à celui d'une rencontre avec le ministre, pour se faire entendre, je voudrais traiter de certaines dispositions du projet de loi, à la lueur des objections déjà connues depuis une semaine.

Incidemment, compte tenu des modifications que nous nous proposons d'apporter à certains articles du projet de loi, la Fédération des médecins spécialistes du Québec et l'Association des conseils de médecins dentistes se sont dites satisfaites du projet de loi modifié. On l'aura compris, I'un des principaux objectifs de ce projet de loi est de resserrer les contrôles administratifs de la Régie d'assurance-maladie du Québec, afin de mettre un terme à la hausse injustifiée des coûts des services de santé et au gaspillage éhonté de fonds publics.

Ainsi, on évalue à $50 millions par année le montant que la régie verse pour des personnes inconnues, non identifiables dans son fichier des bénéficiaires du régime et dont on n'a aucune certitude qu'elles soient des contribuables québécois. Une étude des dossiers de la régie a révélé qu'en une année, des médecins avaient facturé à la régie la somme de $208 000 pour des actes déjà facturés à la Commission des accidents du travail ou déjà couverts par elle, donc des cas de double paiement. Il est arrivé, à plusieurs reprises, que des services ont été facturés à la régie pour des personnes décédées. Il serait normal que la régie se compense en pareils cas. Et il en est de même quand, par exemple, la régie constate...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Nous sommes ici en présence d'un texte de 17 pages. Je pensais que la commission avait été convoquée parce que des groupes étaient intéressés à nous présenter des mémoires. Je m'étonne qu'on soit obligés d'écouter le mémoire du ministre. Est-ce que c'est conforme au règlement?

M. Lazure: M. le Président, sur la question de règlement, et pour répondre à la question, c'est effectivement tout à fait conforme au règlement. Le député de L Acadie sait fort bien que les commissions parlementaires procèdent de la façon suivante; quand le ministre pilote un projet de loi qui est discuté devant une commission parlementaire, elle sait fort bien qu'il est de coutume que ce ministre fasse un exposé initial. Le reste de la séance sera occupé autant par les députés des partis d'Opposition que par les intervenants.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que Tordre de l'Assemblée nationale n'est pas d'entendre les gens, et non pas de faire un débat? Le ministre est à justifier sa position. On va entrer dans un débat plutôt que d'entendre les gens.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: A la suite de la question de règlement soulevée par le député de L'Acadie, je pense qu'il est dans les coutumes établies que, lorsqu'on étudie un projet de loi article par article, au tout début, le ministre fait son exposé, les partis d'Opposition par la suite.

Mais il n'est pas du tout dans l'habitude des commissions parlementaires d'entendre un document de cette importance de la part du ministre, quand on est ici pour entendre les groupes qui sont convoqués; d'autant plus que, ce matin, on a fait limiter le débat de dix heures à midi. On commence avec quinze minutes de retard. On a si peu de temps. Ce qui est important pour nous, de l'Op-

position — si ce n'est pas important pour le gouvernement — c est d'entendre les gens qui sont ici.

M. Lazure: M. le Président, je veux bien sauter un certain nombre de passages du texte, mais je maintiens que c'est tout à fait dans la coutume et je n'ai pas l'intention de sacrifier mon temps au profit des députés de l'Opposition, comme c'est déjà arrivé dans le passé. J'ai l'intention d'utiliser un privilège qui est normal au ministre qui pilote un projet de loi, soit de faire des remarques préliminaires. Et ce sont mes remarques préliminaires.

Le Président (M. Jolivet): Vous m'avez posé une question, Mme le député. Je ne voudrais pas qu'on engendre un débat, parce qu'on va perdre encore plus de temps.

Quant à moi, je pense qu'il est tout à fait normal qu'il y ait un exposé, comme à toute commission parlementaire, de la part du ministre, de la part des deux représentants de l'Opposition et, ensuite, on entend les mémoires. A chaque commission à laquelle j'ai assisté, cela a été dans la coutume.

Je pense que je ne dérogerai pas à la coutume qui est habituelle à ce niveau.

M. Lazure: M. le Président...

Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous nous dire quel article de notre règlement prévoit qu'à une commission parlementaire où on doit entendre les gens, il y ait cette présentation de mémoire de la part du ministre?

Le Président (M. Jolivet): Je comprends que vous fassiez mention d'un mémoire du ministre, mais ie crois que, selon la coutume, parce que ce n est pas une question de point de règlement, il y a un exposé qui est normalement bref de part et d'autre au niveau de chacun des représentants du gouvernement et des Oppositions et, ensuite, on entend les mémoires.

Dans ce contexte, je pense qu'on doit s'appuyer sur la coutume habituelle.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous appelez bref, un document de 17 pages, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas à moi à juger.

M. Lazure: M. le Président, je viens de dire, il y a deux minutes, que j'allais abréger mon exposé, si le député de L'Acadie veut bien en prendre note.

Un mot d'abord sur la carte d'assurance-maladie. Conformément à la demande expresse du Vérificateur général du Québec, telle qu'exprimée dans ses rapports annuels des deux dernières années, toute personne qui réside au Québec devra s'inscrire à la régie et présenter sa carte, si elle veut que les services assurés rendus soient payés par la régie aux professionnels de la santé.

Je note au passage que le Québec est la seule province où les bénéficiaires ne sont pas tenus de présenter un document attestant qu'ils sont inscrits au régime.

Nous sommes conscients que cette exigence va poser des problèmes particuliers, plus spécialement aux pharmaciens. Aussi, sommes-nous à la recherche d'une solution qui permettra d'atteindre l'objectif visé en minimisant les inconvénients. Nous recevrons aujourd'hui, avec beaucoup de sympathie, toute suggestion constructive à cet égard de la part des pharmaciens.

Toujours dans la même veine, la régie sera tenue de transmettre à tout bénéficiaire, pour qui elle aura payé plus d'un service, un relevé indiquant le nom du professionnel de la santé, la date, la nature des services, le montant versé par la régie pour chacun des services ainsi que la somme totale payée par elle.

Je passe à la page 11. Il est important, en effet, d'adopter des mesures de nature à empêcher que les Québécois fassent les frais de la non-participation massive d'un groupe de professionnels de la santé. Les événements récents ont été assez éloquents à cet égard. Je voudrais insister sur le fait que si l'article 24 de la loi présentement en vigueur et adoptée en 1970 permet au gouvernement "de prendre les mesures spéciales qu'il estime nécessaires pour faire en sorte que les services assurés dont il s'agit continueront à être rendus à des conditions uniformes", la formulation adoptée est suffisamment vague pour donner lieu à toutes sortes d'interprétations. Aussi, tout en respectant l'esprit même de cet article, nous limitons-nous à en préciser la teneur et à nous donner des moyens d'intervention ou d'application.

Il n'y a pas de sous-citoyen au Québec. Chacun a droit, dans sa région, à des services — services pour lesquels les citoyens paient des taxes — rendus par des professionnels dont la formation a été défrayée en grande partie par l'ensemble des citoyens.

Il était donc important d'adopter des mesures susceptibles de favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de la santé, car même si la situation a beaucoup évolué pour le mieux au cours des dernières années, on prévoit, en 1980, que trois régions du Québec, la Côte-Nord, le Nord-Ouest et le Nouveau-Québec, ne compteront aucun spécialiste dans plusieurs des spécialités dites courantes. Je donne quelques exemples de mauvaise répartition.

En terminant, je voudrais ajouter que si ce projet de loi nous semble renfermer des dispositions susceptibles de mieux servir les intérêts des Québécois, il ne prétend pas à la perfection. Aussi est-ce dans un esprit d'ouverture que nous avons poursuivi nos consultations, même après le dépôt en première lecture et comme nous le faisons encore aujourd'hui. Ce projet de loi vise deux objectifs, à savoir offrir des services de santé de qualité et mieux répartis dans tout le Québec; deuxièmement, permettre des moyens de contrôle nécessaire à une saine gestion des fonds publics. Soyez assurés que dans la mesure où les sugges-

tions formulées aujourd'hui respecteront ces principes, elles recevront un accueil favorable.

Ainsi, nous avions prévu, à l'article 15 de la loi, comme exemple de modification que nous envisageons, de permettre à la régie de procéder à une compensation ou de refuser le paiement lorsque les services qui ont déjà été payés ou dont on réclame le paiement ne sont pas des services assurés, n'ont pas été fournis ou n'ont pas été fournis conformément à la loi, aux règlements ou à l'entente. Cette disposition s'explique par la nécessité de donner des pouvoirs de contrôle plus efficaces.

Dans ces cas, cependant, il appartiendrait au professionnel de la santé de démontrer que les services étaient assurés, ont été fournis conformément à la loi, aux règlements ou à l'entente. Il s'agit, par cette disposition de la loi, de s'assurer que celui qui réclame un paiement pour un service rendu prouve qu'il a bien rendu ce service et que celui-ci peut faire l'objet d'une rémunération.

Dans cette mesure et à la suite de consultations, je considère actuellement la possibilité de revoir cette question du fardeau de la preuve afin que le texte de loi prévoie que ce fardeau appartienne au professionnel dans les seuls cas où le litige porte sur la question de savoir si le service était assuré ou si le service a été fourni. Je donne encore une couple d'exemples des modifications que nous envisageons.

Si la commission veut bien que le texte soit annexé au procès-verbal de cette commission, je m'en tiendrai à ces quelques remarques préliminaires.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie. Avant, est-ce que vous acceptez que ce texte soit mis en appendice au procès-verbal de la réunion?

Mme Lavoie-Roux: II va être reproduit au journal des Débats.

Le Président (M. Jolivet): Au journal des Débats. Compte tenu qu'il n'a pas été lu au complet, qu'il soit annexé au complet, (voir annexe A)

Remarques de l'Opposition Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas d'objection, M. le Président, j'allais même le proposer. (10 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il faut se réjouir du fait que le ministre se soit finalement rendu à la demande des groupes qui voulaient se faire entendre à cette commission parlementaire. Le ministre avait déjà répondu par la négative dans un télégramme à ces différents groupes, leur disant qu'ils ne seraient pas entendus à la commission parlementaire; je crois que ceci est le résultat de la persévérance que ces personnes ont démontrée. Je pense aussi que c'est, sans aucun doute, dû aux efforts de l'Opposition qui a essayé de démontrer, lors du débat en deuxième lecture sur la loi 101, que lorsqu'on fait des modifications à des lois qui touchent l'ensemble des citoyens, il est normal que les gens soient entendus en commission parlementaire, surtout quand on le demande avec beaucoup d'insistance.

Je me permets de noter entre autres l'attitude de suffisance du ministre qui, en page 3 — et il le répète en page 16 — nous dit qu'il a consulté; c'est bien clair qu'il a consulté certains groupes, pour les autres, il les a informés. On sait ce que cela représente d'informer. On ne peut pas parler de consultation à ce moment-là. Où je trouve cet élément de suffisance très marqué, c'est lorsque le ministre dit: Certains ont préféré à une rencontre avec le ministre de recourir soit à une conférence de presse ou de demander à être entendus publiquement. Je pense, M. le Président, que c'est la façon normale de procéder et que, dans des situations qui touchent l'ensemble des citoyens, ce n'est pas par "lobbying" que l'on doit procéder. C est ce que je pense sincèrement et je trouve le ministre très suffisant de mentionner à deux reprises qu'on a refusé la rencontre informelle avec le ministre et qu'on lui a préféré de se faire entendre en public.

Il y a plusieurs points que le ministre soulève dans son mémoire, ou sa présentation, comme il le dit. On parle de fraude, du coût des pertes de la Régie de l'Assurance-maladie. Ceci reste à être démontré et nul doute que le ministre le fera d'une façon beaucoup plus précise qu'il ne le fait dans cette présentation. A ce moment-ci, je pense qu'il est inutile de prendre plus de temps. Je veux simplement souhaiter la bienvenue aux groupes qui sont ici devant nous pour se faire entendre.

Nous allons accorder toute l'attention, du côté de l'Opposition officielle, aux représentations qu'ils ont à faire et je souhaite avec eux que le ministre, dans la discussion ultérieure de ce projet de loi article par article, saura tenir compte des représentations justifiées qu'ils pourront nous faire. Merci. M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fernand Grenier

M. Grenier: Je voudrais, bien sûr, ne pas utiliser trop de temps puisque les personnes qui sont ici devant nous ont des choses à nous dire, mais, comme le ministre a établi qu'il était conforme au règlement de dire un mot de bienvenue au début, je veux aussi me conformer à ce qui a été établi depuis déjà assez longtemps.

C'est à la suite, comme l'a si bien dit le député de L'Acadie, des demandes répétées de l'Opposition que le ministre a fini par céder aux demandes faites et, voyant que, dans ce projet de loi, il y avait tellement de choses qui allaient à l'encontre même de normes depuis longtemps établies, il a décidé de rencontrer ces groupes. Quand le ministre nous dit, à la page 14 de son projet de loi, que ce

projet vise deux objectifs bien précis, à savoir offrir des services de santé de qualité uniforme dans tout le Québec et permettre des moyens de contrôle nécessaires à une saine gestion de fonds public, je reconnais là le gouvernement; il veut uniformiser des services dans tout le Québec, ce que les Québécois ne veulent pas. Les Québécois ne veulent pas avoir les mêmes services ou la même sorte de services dans toutes et chacune des régions du Québec et c'est cela qu'on va entendre ce matin par les mémoires qui nous seront présentés.

Deuxièmement, je reconnais également le gouvernement dans sa deuxième partie: permettre des moyens de contrôle. S'il y a quelqu'un qui est au courant que le gouvernement veut contrôler quelque chose, ce sont bien les partis de l'Opposition. Depuis que ce gouvernement est en place, on ne cesse, à chaque projet de loi, d'exercer des contrôles et il faut avoir vécu la semaine dernière, alors que les projets de loi se bousculent les uns après les autres, pour se rendre compte jusqu'à quel point le gouvernement a gardé ses projets de loi pour la toute fin de la session, avant les Fêtes, pour nous présenter cette sorte de loi bien propre à ce gouvernement, le projet de loi 84.

C'est cette forme de contrôle qu'on va maintenant donner, offrir, qu'on va imposer à chacun des Québécois. J'ose espérer que le ministre est suffisamment ouvert ce matin pour écouter les gens qui sont ici, qui ont des choses à dire. On les a rencontrés. Le ministre avait 17 pages d'un mémoire à nous raconter ce matin. J'espère qu'on prendra le temps qu'il faut pour entendre ces personnes. Si une journée n'est pas suffisante, j'espère qu'on saura prendre le temps qu'il faut pour les entendre tous et chacun et qu'on leur donnera tout le temps qu'ils méritent à cause du travail qu'ils ont fait.

Comme représentant de l'Union Nationale, je serai ici, bien sûr, tout oreilles pour écouter ces gens et je suis assuré que le ministre en fera autant.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Lazure: Très brièvement. Je pense que le député de Mégantic-Compton s'accroche à un terme. D'ailleurs, je n'ai pas utilisé le terme "uniforme". Il faut entendre le terme "uniforme" qui est dans le texte écrit comme voulant parler d'une distribution mieux répartie des effectifs médicaux dans tout le Québec.

Si on veut s'en tenir au terme "uniforme", je ferais remarquer au député que, justement, la gratuité des soins hospitaliers ou des soins médicaux a un caractère uniforme au départ. Je pense qu'il ne faut pas avoir peur des termes. Il y a un minimum de soins qui doit être uniforme pour l'ensemble des Québécois.

Dernière remarque, M. le Président. Il y a mille chemins pour aller à Rome. Nous avons dit, au début, la semaine dernière, que ce projet de loi n'avait pas été élaboré en vase clos. Je le répète aujourd'hui. Il y a eu de multiples consultations depuis avril dernier.

La distinction entre consultation et information, pour l'information du député de L'Acadie, a l'explication suivante: II y a des groupes évidemment, les associations comme l'Association des chirurgiens dentistes et les fédérations et les autres associations qui représentent les professionnels qui sont liés à des ententes avec la régie et le ministère. Ces associations à notre point de vue — je pense que personne ne conteste cela — ont droit à une consultation beaucoup plus intense, beaucoup plus privilégiée que les ordres professionnels en cause. Les ordres professionnels ne sont pas directement en cause dans la Loi de la régie de l'assurance-maladie et c'est dans ce sens-là que nous faisions une distinction. Il ne s'agit pas de minimiser ou de mépriser qui que ce soit dans l'ensemble des gouvernements.

Je disais, M. le Président, qu'il y a plusieurs façons de se rendre à Rome; il y a plusieurs façons de prendre en considération des modifications. C'est une chose que nous faisons constamment, au moment de la discussion article par article d'un projet de loi, qui reste à venir dans le cas du projet de loi 84, nous apportons presque toujours des modifications suite à des suggestions de l'Opposition, suite à des suggestions venant de groupements. Alors, que ces suggestions soient faites à l'occasion d'une mini-commission parlementaire comme celle d'ajourd'hui ou par des rencontres comme on a déjà eues depuis plusieurs semaines, pour nous, l'essentiel, c'est de garder une certaine souplesse, et nous entendons le faire.

Présentation de mémoires

Mémoire conjoint de quatre associations professionnelles de la santé

Le Président (M. Jolivet): Donc, comme il est convenu maintenant, à partir de tout de suite, pour éviter qu'on engage un débat entre nous, ce qu'on aura l'occasion de faire après chacun des rapports présentés, je demanderais à M. Claude Chicoine, de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, de présenter les gens qui sont avec lui et de lire son rapport.

M. Hamel (Gérard): M. le Président. Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Hamel: Je suis Gérard Hamel, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Les quatre associations concernées ont l'intention de présenter un mémoire conjoint, unique et de faire des représentations conjointes.

Alors, vous me permettez d'identifier les autres représentants ici à cette table. A ma droite, MM. Jean-Marie Rodrigue, président de l'Association professionnelle des optométristes du Québec; Yvan Brodeur, conseiller juridique et Claude Chi-

coine, président de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec. A ma gauche, MM. Raymond Lachapelle, conseiller juridique; Jean-Claude Marquis, président de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires; Louis-Claude Trudel, conseiller juridique et André Tremblay, conseiller juridique.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. Hamel. Je dois comprendre que vous présentez le rapport au nom de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, de l'Association professionnelle des optométriste du Québec, de I'Association québécoise des pharmaciens propriétaires et de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

M. Hamel: Vous avez bien compris, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Un instant. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement vérifier un point sur lequel vous serez d'accord. On nous a donné une liste d'associations et on a l'impression que ces gens-là devaient présenter des rapports individuellement. Or, à ce moment-ci, ils présentent un rapport conjoint. Normalement, on alloue 20 minutes pour la présentation. Est-ce que, ce matin, compte tenu qu'ils se sont regroupés, on pourrait convenir que plus de temps leur soit accordé pour la présentation de leur mémoire?

M. Lazure: M. le Président, sur la question soulevée par le député de l'Acadie, je n'ai aucune espèce d'objection à ce qu'on étende cette période de temps.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, parfait.

Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'était ce que je voulais dire. Il n'y a pas de difficulté à le faire de la sorte. M. Hamel.

M. Hamel: M. le Président. M. le ministre, madame, MM. les membres de la commission, le 29 novembre, quatre associations professionnelles, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, l'Association des optométristes du Québec, et l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, ont demandé au ministre des Affaires sociales, M. Denis Lazure, d'être entendues en commission parlementaire pour protester contre certaines anomalies du projet de loi 84, projet de loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie du Québec et déposé en première lecture.

Pourquoi? Parce que le projet de loi 84 modifie à tel point la Loi de l'assurance-maladie du Québec qu'elle devient inacceptable, tant pour les associations professionnelles que pour les professionnels de la santé et les bénéficiaires du régime d'assurance-maladie du Québec.

Le sort des associations de professionnels de la santé, le projet de loi 84 affecte les associations de professionnels de la santé dans leur mandat de représentation collective de leurs membres; il les affecte également par ses dispositions ayant trait à la composition de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Le mandat de représentation. Depuis son entrée en vigueur, le 17 juillet 1970, la Loi de I'assurance-maladie prévoit que les rapports collectifs entre le ministre des Affaires sociales et les professionnels de la santé sont déterminés par entente négociée. En effet, l'article 15 de la loi prévoit que: "Le ministre des Affaires sociales peut, avec l'approbation du lieutenant-gouverneur en conseil, conclure avec les organismes représentatifs de toute catégorie de professionnels de la santé toute entente aux fins de l'application de la présente loi.

Une telle entente peut, pour assurer une répartition adéquate des professionnels de la santé sur le territoire du Québec, établir une procédure ayant pour effet de déterminer le nombre de professionnels admissibles à participer au régime d assurance-maladie ou au régime d'assurance-hospitalisation dans un même territoire ou établissement, en tenant compte de la catégorie ou spécialité à laquelle ils appartiennent.

Toute entente ou partie d'entente peut, s'il y est pourvu expressément, lier tout établissement. Toutefois, le ministre doit consulter les établissements ou groupes d'établissements susceptibles d'être liés par une entente ou partie d'entente et ceux-ci peuvent transmettre au ministre des recommandations quant aux modalités de leur participation à la conclusion de cette entente ou partie d'entente ".

La loi permet donc que, par de libres négociations, les parties circonscrivent les objets de négociation et établissent les mécanismes d'interprétation et d'application de l'entente. La loi permet également le recours à la libre contestation comme moyen ultime de solution des différends lors du renouvellement de l'entente.

Le projet de loi 84 a pour effet, de façon générale, de rétrécir considérablement le champ de la négociation, d'empiéter sur la juridiction des conseils d'arbitrage prévus aux ententes et de modifier fondamentalement les moyens de contestation.

Le champ de la négociation. Le projet de loi ampute le champ de la négociation sous plusieurs aspects. Mentionnons quelques exemples. L'addition, par l'article 48 du projet de loi 84, des articles 63 à 68, à la Loi de l'assurance-maladie, a pour effet d'introduire des primes d'encouragement aux professionnels dans le but de garantir aux bénéficiaires les services assurés dans un territoire reconnu par le ministre comme étant insuffisamment desservi.

L'application de ces dispositions rendrait à toutes fins pratiques inutiles les dispositions déjà prévues aux ententes relatives à la répartition géographique des professionnels. (10 h 45)

Ainsi, l'entente applicable aux médecins omnipraticiens prévoit l'utilisation de moyens incitatifs pour encourager les professionnels de la santé à favoriser certains territoires ou établissements éloignés.

L'octroi et la distribution de primes d'encouragement aux professionnels de la santé, par voie législative et aux conditions fixées par la loi, prive l'entente de son élément moteur, c'est-à-dire de l'incitation appropriée pour assurer la répartition des effectifs professionnels.

Le champ de la négociation est également amputé par le sixième alinéa de l'article 18 de la Loi de l'assurance-maladie, proposé par l'article 14 du projet de loi 84. Cette disposition prévoit qu'un professionnel de la santé ne peut exiger ou recevoir un paiement quelconque d'un bénéficiaire pour un service rendu en rapport avec la dispensation d'un service assuré, sauf dans les cas prévus par règlement.

Cet amendement est, à notre avis, inacceptable. D'abord, les ententes négociées avec les professionnels de la santé apportent déjà une solution pleinement satisfaisante au chapitre de la dispensation d'un service non assuré en rapport avec un service assuré, c'est-à-dire aux frais qui s'ajoutent aux soins assurés lorsque le professionnel de la santé rend un service supplémentaire non couvert par le régime.

Citons à titre d'exemple les dispositions prévues dans l'entente régissant les médecins omnipraticiens relatives aux frais accessoires, telles les injectables, et aux honoraires pour l'émission de certificats qui sont à la charge du patient. Ici, je me permets une autre parenthèse. Cette question est prioritaire. Le fardeau constitué par les procédures administratives et la paperasse, en général, est de plus en plus lourd à supporter par le professionnel de la santé. On ne peut abandonner à la réglementation cet objet traditionnel de négociation. Ce n'est pas dans le texte, ce que je viens de citer.

Ma parenthèse se poursuit. La semaine dernière, les médecins omnipraticiens recevaient un message dont j'extrais le paragraphe suivant: "La commission a modifié les formulaires-rapports du médecin. Désormais, en plus du numéro d'assurance sociale, le rapport du médecin doit obligatoirement porter les mentions suivantes: le numéro d'assurance-maladie, le code du diagnostic selon la classification internationale des maladies adaptées, CIMA, et le code de l'acte médical détaillé dans le manuel des médecins omnipraticiens distribué par la régie."

Or, le code des diagnostics selon la classification internationale des maladies, la dernière édition est en anglais seulement, aucun médecin omnipraticien n'en porte une copie. On n'a été consulté d'aucune façon.

M. Lazure: Est-ce que le président me permettrait une question d'information?

M. Hamel: Oui.

M. Lazure: Quand il parle d'une commission, à quelle commission fait-il allusion?

M. Hamel: A la Commission des accidents du travail. Cependant, je fais le lien avec le projet de loi 84 immédiatement.

Pendant que ce fardeau s'appesantit de jour en jour pour les professionnels, le ministre prend bien soin de protéger ses établissements contre les excès bureaucratiques dans le domaine des documents. Une directive aux établissements, signée par un sous-ministre, fixe un tarif minimum de $5 pour tout renseignement simple, de $15 pour un résumé de dossier, de $20 pour une copie complète d'un dossier et de $0.50 par page de photocopie transmise. Ce sont les coûts estimés par le ministre, que doivent récupérer les établissements quand on fait ces demandes de paperasse aux établissements. Mais on veut nous imposer par prescription, par réglementation, aux médecins...

M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs, je dois vous lire ici une résolution adoptée par les membres du Conseil de la fédération des médecins omnipraticiens du Québec, à la réunion tenue le samedi 9 décembre 1978, il y a deux jours, résolution endossée hier soir, politiquement, par les trois présidents siégeant à mes côtés.

Je vous demanderais de faire circuler cette résolution à tous les membres de la commission. "Considérant que la Commission des accidents du travail a fait parvenir récemment aux médecins omnipraticiens une directive qui implique la fourniture de nombreux renseignements relatifs à la prestation de services professionnels, renseignements dont l'utilité pour la Commission des accidents du travail nous semble sans commune mesure avec les tracasseries administratives engendrées par cette directive. "Considérant que de telles demandes de renseignements sont de plus en plus acheminées aux professionnels de la santé par des régies ou organismes gouvernementaux; "Considérant que le projet de loi 84 permet à la régie d'accroître ses exigences à cet égard, vu les pouvoirs de réglementation qui lui sont accordés à l'article 46 de ladite loi, lequel modifie l'article 57 de la Loi de l'assurance-maladie;

II est proposé par le Dr Daniel Drolet, appuyé par le Dr André Czitrom, que des représentations appropriées soient acheminées auprès des autorités gouvernementales, de même qu'à la commission parlementaire des affaires sociales qui entend les représentations des groupes intéressés au projet de loi 84; que, si les dites représentations n'apportent pas une solution concluante à ce problème, la Fédération des médecins omnipraticiens, si possible de concert avec les autres organismes représentant les professionnels de la santé, entreprenne une campagne d'information auprès de ses patients, notamment pour les sensibiliser aux accrocs à la confidentialité que sous-tendent souvent de telles pratiques administratives. "

Je pourrais, madame, messieurs les membres de la commission, vous distribuer ici des milliers de formulaires avec lesquels je pourrais tapisser les murs de cette salle, formulaires que doivent remplir les médecins. Nous croyons que le droit de prescrire aux professionnels de la santé, par règlement, des formulaires additionnels est tout à fait inacceptable et que cela doit faire partie de la négociation.

Je reviens au texte, au mémoire. Par ailleurs, l'amendement proposé à l'article 18, sixième alinéa, est une source grave d'injustice dans le cas où un professionnel de la santé est engagé dans un régime partiel. Le professionnel de la santé est alors empêché, par cet article, de réclamer des frais ou honoraires de son patient pour des services non assurés fournis en rapport avec la dispensation des services assurés.

Citons, à titre d'exemple, le cas d'un dentiste qui devrait avoir recours à l'analgésie relative, traitement non assuré, pour faciliter la dispensation d'un traitement assuré. L'analgésie relative n'étant pas assurée et étant un traitement dispensé en rapport avec un traitement assuré, le dentiste ne pourrait alors réclamer les honoraires pour la dispensation de ce service.

Les modifications de l'article 57 de la Loi de l'assurance-maladie prévoient que la régie peut déterminer par règlement — encore par règlement — la teneur, le mode ordinaire et le mode additionnel des relevés d'honoraires, les renseignements qu'ils doivent fournir à la régie et la nature des documents que les professionnels de la santé doivent tenir à la disposition de la régie.

Ces questions font présentement partie des objets de négociation entre le ministre des Affaires sociales et les associations de professionnels de la santé. L'amendement voudrait qu'elles deviennent l'objet de réglementation. Cette approche autocratique empêche la recherche de solutions concrètes et efficaces par la voie de la libre négociation.

J'ai une autre addition à faire ici qui n'est pas dans votre texte. Si vous vous interrogez sur la pertinence, à l'article 57b, à gauche, des termes "les renseignements que peut prescrire la régie par règlement", je dois vous informer qu'au cours de l'année, la régie à amorcé un sondage auprès des médecins omnipraticiens de la ville de Québec en vertu duquel on demandait aux médecins dans quelle proportion, entre autres, ou dans quel pourcentage les patients consultaient le médecin sans justification.

L'évaluation de la nécessité médicale s'effectue non seulement en rapport avec le professionnel, mais aussi en rapport avec le malade. Cette information sera d'autant plus pertinente quand on discutera un peu plus tard du contrôle ou de la juridiction du contrôle de la nécessité médicale.

La juridiction des conseils d'arbitrage. L'article 18, troisième alinéa, de la Loi de l'assurance-maladie, édicte qu'un professionnel de la santé ne peut être rémunéré pour des services assurés qu'il a fournis conformément à la loi ou aux règlements.

Le projet de loi 84 vise à amender cette disposition en édictant qu'un professionnel de la santé ne peut exiger, ni recevoir paiement de la régie pour un service assuré, qu'il n'a pas fourni ou qu'il a fourni non conformément à la loi, aux règlements ou à l'entente.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 18 prévoit que quiconque contrevient à cette obligation commet une infraction pénale et est passible d'une amende sur poursuite sommaire devant un tribunal de juridiction pénale.

Vu l'amendement proposé, un professionnel de la santé commettrait donc une infraction relevant de la compétence des tribunaux de juridiction pénale en ne fournissant pas un service assuré conformément à l'entente. Il est essentiel que l'interprétation et l'application de l'entente négociée continuent de relever de la juridiction exclusive du tribunal d'arbitrage de l'entente négociée. D'ailleurs, à notre connaissance, le législateur québécois n'a jamais dérogé à ce principe. Ainsi, une plainte pénale peut être portée pour le non-respect du Code du travail, mais en aucune façon pour le non-respect d'une convention collective, les problèmes d'interprétation et d'application d'une convention collective relevant de la juridiction exclusive du tribunal d'arbitrage.

L'amendement proposé nous apparaît une dérogation aux principes de droit qui ont toujours été appliqués par le législateur québécois. Cet amendement modifierait fondamentalement la nature contractuelle de l'entente négociée comme un corps de police applique la loi. Nous prétendons que cette modification ne saurait être retenue.

Les moyens de contestation: II est évident que l'encadrement des moyens de pression que peuvent utiliser les syndicats des secteurs publics ou parapublics constitue une tâche difficile. La solution consiste essentiellement à conserver les syndicats, de contester les propositions gouvernementales dans un contexte de libre négociation. Cet équilibre est d'autant plus délicat que la pression syndicale ne peut s'exercer ultimement qu'à l'endroit du public pour qu'elle se transforme en force socio-politique.

Dans le cas des professionnels de la santé, le législateur québécois s'est penché sur ce problème lors de l'adoption de la Loi de l'assurance-maladie en 1970. Les solutions alors retenues nous apparaissent sages, en ce qu'elles permettent aux professionnels de la santé, d'emprunter des voies de contestation beaucoup plus civilisées que le retrait pur et simple de services.

En effet, la loi actuelle prévoit d'abord que des professionnels de la santé peuvent se désengager du régime et leur permet d'emprunter cette voie, lorsque les propositions gouvernementales leur semblent inacceptables. Dans ce cas, le patient paie immédiatement le professionnel de la santé et achemine, par la suite, une réclamation à la régie qui le rembourse. De plus, la loi prévoit qu'un professionnel de la santé peut choisir de ne pas participer au régime et lui permet d'emprunter cette voie pour sensibiliser la population aux diffi-

cultés auxquelles font face ses représentants à la table de négociation. Le patient paie alors le professionnel de la santé et ne peut être remboursé par la régie. Certains groupes de professionnels de la santé ont dû, dans le cours de l'histoire du régime, se prévaloir de ces moyens de contestation. Ils ont alors préféré sacrifier l'efficacité de leur pression en se limitant à une opération mitigée. Ils ont toujours fourni à la population les soins qu'elle requérait.

Or, le projet de loi, par les modifications qu'il apporte à l'article 24, aux articles 24a à 24d et à l'article 25 de la Loi de l'assurance-maladie, vient bloquer la seule avenue de contestation partiellement efficace, mais digne et civilisée, que les professionnels de la santé s'étaient jusqu'ici astreints à emprunter.

En effet, aux termes de ces amendements, le lieutenant-gouverneur en conseil pourrait mettre fin à un mouvement concerté de non-participation en décrétant, à toutes fins pratiques, que les professionnels de la santé non participants deviennent des professionnels désengagés. Or, aux termes de ces mêmes amendements, le professionnel de la santé désengagé ne peut réclamer paiement du bénéficiaire avant que celui-ci n'ait été remboursé par la régie. (11 heures)

Le projet de loi cherche ou bien à atténuer jusqu'à leur portion infinitésimale les effets de nuisance que comporte encore la contestation des professionnels de la santé, ou bien à acculer ces derniers à l'unique possibilité du retrait service.

L'intervention du projet de loi est, eu égard à l'action passée et présente des professionnels de la santé, nettement injustifiée. Elle est de plus imprudente parce qu'elle cherche à contenir en vase clos la dynamique de la contestation.

Il est illusoire, sinon trompeur, de prôner la voie de la libre négociation — et cela est important — et du même souffle, de tenter de fermer la porte à toute forme de contestation efficace. Pourtant, ce sont bien ces deux objectifs contradictoires que recherche le projet de loi 84.

La composition de la régie.

La Loi actuelle de la Régie de l'assurance-maladie du Québec retient, dans son article 7, que cinq professionnels de la santé sont nommés à la régie, dont deux après consultation des organismes les plus représentatifs des professions de la santé autres que la profession médicale, et trois sur la recommandation des associations représentant les médecins, comme suit: un sur la recommandation de l'association représentant les médecins spécialistes du Québec, un autre sur la recommandation de l'association représentant les médecins omnipraticiens du Québec et le troisième sur la recommandation conjointe de ces deux dernières associations.

Depuis l'adoption de la loi actuelle, cinq organismes représentatifs des professionnels de la santé ont conclu des ententes avec le ministre des Affaires sociales aux fins de l'application de la Loi de l'assurance-maladie. Ces organismes ont été reconnus et désignés par le ministre comme jouis- sant d'un caractère représentatif à l'endroit de chacune des catégories de professionnels: les médecins spécialistes, les médecins omnipraticiens, les dentistes, les optométristes et les pharmaciens. Ces mêmes organismes s'apprêtent à renouveler leurs ententes respectives avec le ministre.

Dans ces circonstances, il devient oiseux et inutile de rechercher, au-delà des organismes désignés, les organismes les plus représentatifs du monde de la santé, comme le suggère le projet de loi, lesquels ne seraient pas les organismes déjà reconnus et qui représentent les seules catégories de professionnels en cause.

Par ailleurs, il est inconcevable que le projet de loi confie à quelques organismes les plus représentatifs du monde de la santé, le soin de suggérer la candidature des professionnels de toutes les catégories alors que, par définition, de tels organismes ne peuvent représenter que les professionnels de certaines catégories, et non pas les autres. Ces organismes agiraient au nom et pour d'autres organismes, ce qui serait à l'opposé d'une représentation véritable.

En réalité, aucun organisme ne peut être plus ou moins représentatif. Il est représentatif ou il ne l'est pas d'une catégorie donnée de professionnels de la santé. Il s'ensuit que le principe de la représentation exige que seul l'organisme qui représente effectivement une catégorie de professionnels soit représentatif des professionnels de cette catégorie.

M. Chicoine: Recommandations: II est recommandé de retrancher les articles 63 à 68 proposés par l'article 48 du projet de loi 84, le sixième alinéa de l'article 18 proposé par l'article 14 du projet de loi 84, le paragraphe b) de l'article 57 proposé par l'article 46 du projet de loi 84.

Il est recommandé de retrancher les mots "ou à l'entente" apparaissant au quatrième alinéa de l'article 18 de la Loi de l'assurance-maladie proposé par l'article 14 du projet de loi 84.

Il est recommandé de conserver le statu quo établi par la loi actuelle eu égard aux articles 24, 24a à 24d et 25 de la Loi de l'assurance-maladie de façon à permettre aux groupes de professionnels de la santé de se prévaloir d'une libre contestation dans l'esprit d'une libre négociation.

Il est recommandé de modifier l'article 7 de la Loi de la Régie de l'assurance-maladie comme suit:

Le président est nommé pour un mandat n'excédant pas dix ans et les autres membres pour un mandat n'excédant pas trois ans.

Deux de ses membres sont nommés après consultation des organismes les plus représentatifs du monde des affaires, deux après consultation des organismes les plus représentatifs du monde du travail, un après consultation des organismes les plus représentatifs des consommateurs.

Cinq autres de ces membres qui doivent être des professionnels de la santé autorisés en vertu de la loi à exercer leur profession au Québec: donc un médecin omnipraticien, un médecin spé-

cialiste. un dentiste, un optométriste et un pharmacien, sont nommés sur la recommandation des organismes qui les représentent aux fins de l'application de la Loi de l'assurance-maladie.

M. Hamel: Ce qui élimine toutes les ambiguïtés et les équivoques contenues actuellement dans le projet de loi 84.

Le sort du professionnel de la santé. Nous voudrions vous décrire maintenant le sort qui serait réservé aux professionnels de la santé par certaines des modifications proposées dans ce projet de loi.

Nous en traiterons sous trois aspects principaux: les tracasseries administratives; les pouvoirs exorbitants de la Régie et le comité de révision.

Le professionnel de la santé est le dispensateur par excellence des services assurés. Il est l'agent actif du régime d'assurance-maladie. Il est étonnant que le projet de loi s'acharne à entraver sa liberté, à nuire au climat de confiance nécessaire à son action et à lui imposer, généralement, des contraintes excessives.

Un nouveau concept, le bénéficiaire. Le projet de loi obligerait toute personne qui réside au Québec à s'inscrire à la régie si elle veut bénéficier du régime d'assurance-maladie. C'est bien ce qu'on doit comprendre du nouvel article 8 proposé par l'article 6 du projet. Voilà donc qu'apparaît un nouveau concept, celui du bénéficiaire, c'est-à-dire, comme le dit le nouveau paragraphe d) de l'article 1 de la loi, la personne qui réside au Québec et qui est dûment inscrite à la régie.

Partant, un professionnel de la santé n'aurait droit d'être rémunéré par la régie pour un service assuré seulement s'il l'a rendu à un bénéficiaire qui lui a présenté sa carte ou, si le bénéficiaire ne peut lui présenter sa carte, il serait rémunéré directement par ce dernier, mais au tarif prévu à l'entente.

Nous sommes donc en présence d'une situation totalement différente de celle fixée par la loi actuelle. Dans le régime actuel, toute personne qui réside au Québec a droit au bénéfice de la Loi de l'assurance-maladie, sans avoir à être inscrite à la régie, ce qui ne serait plus le cas à l'avenir.

L'obligation de porter et de présenter sa carte. Il résulte de cette situation nouvelle que le bénéficiaire devra, s'il ne veut pas avoir à débourser lui-même le coût des services assurés, porter et présenter sa carte de la régie. Au surplus, il faut souligner que le nouvel article 8a proposé par l'article 6 du projet interdit au bénéficiaire de confier sa carte à un tiers sous peine de sanction pénale. Ainsi, le projet de loi amène le professionnel de la santé, soumis à l'application d'une entente, à qui une personne s'adresse pour obtenir un service assuré, mais qui ne lui présente pas sa carte ou son carnet d'assurance-maladie, à réagir de la façon suivante: ou bien refuser de fournir le service assuré, auquel cas il s'expose à entrer en conflit avec le Code de déontologie qui le régit, ou bien consentir à fournir le service assuré.

La personne qui s'est ainsi présentée chez le professionnel de la santé sans sa carte ou son carnet de réclamation peut, ou bien ne pas être un bénéficiaire, parce qu'elle n'est pas résidente au Québec ou, tout en étant résidente au Québec, parce qu'elle ne s'est pas inscrite à la régie, ou bien être un bénéficiaire au sens de la loi, mais avoir perdu sa carte ou l'avoir oubliée ou endommagée, ou bien être un bénéficiaire, mais ne pas être inscrite dans les dossiers de la régie par suite d'erreur administrative.

Dans un cas comme dans l'autre, l'incertitude dans laquelle le professionnel de la santé est placé quant à la qualité de bénéficiaire de la personne qui se présente chez lui l'obligerait, par prudence, à ne pas exiger, ni recevoir de cette personne, des frais ou honoraires autres que ceux prévus par l'entente. En effet, s'il s'avère par la suite que cette personne est un véritable bénéficiaire, le professionnel est passible d'encourir une sanction pénale pour avoir excédé le tarif prévu par l'entente.

Mais il y a plus. Dans le cas d'un professionnel de la santé soumis à un régime partiel, cette prudence à laquelle il sera obligé, et pour cause, l'assujettira à s'en tenir au tarif en cours dans le régime partiel auquel il participe. En effet, par le biais de la menace de sanctions pénales que l'article 18 proposé par le projet de loi fait planer sur lui, il souscrira peu à peu, dans les faits, à un régime universel au bénéfice des consommateurs de services qui ne sont pas en fait de véritables bénéficiaires.

Dans l'hypothèse où le consommateur du service assuré est un bénéficiaire véritable, le professionnel de la santé peut légalement exiger et recevoir du bénéficiaire le coût du service assuré, mais, dans les faits, pourra-t-il résister à la demande pressante que le bénéficiaire sans argent lui adressera de retarder son paiement jusqu'à ce qu'il reçoive lui-même le coût du service assuré? L'expérience enseigne que le professionnel de la santé serait enclin le plus souvent à accéder à cette demande. Cependant, malgré toute cette bonne volonté, le professionnel de la santé ne pourrait pas acquiescer à cette demande car il se placerait lui-même dans la position pour le moins inconfortable de signer et d'émettre faussement le relevé d'honoraires prévu au nouvel article 10c. Ce nouvel article 10c accorde au bénéficiaire qui n'a pas présenté sa carte ou son carnet de réclamations le droit d'exiger de la régie le remboursement du coût des services assurés, mais à la condition qu'il présente à la régie le relevé d'honoraires prescrit suivant l'article 57 et que la régie ait obtenu du bénéficiaire ou du professionnel de la santé les renseignements dont elle a besoin pour justifier le paiement réclamé.

On comprendra facilement que le professionnel de la santé ne voudra pas encourir les risques découlant de cette demande du bénéficiaire. Il fera face inévitablement au dilemme suivant. Il refuse tout simplement la prestation du service assuré au bénéficiaire qui n'a pas l'argent en poche pour le payer; il rend le service assuré au bénéficiaire sur sa promesse de revenir le payer plus tard. Si le bénéficiaire remplit sa promesse, le professionnel

lui remet alors le relevé d'honoraires prescrit lui permettant d'obtenir le remboursement par la régie. Si le bénéficiaire n'est pas fidèle à sa promesse, le professionnel de la santé, fort vraisemblablement, aura rendu ses services gratuitement. De toute manière, le professionnel de la santé sera astreint à tenir, en plus de sa comptabilité pour la régie et pour sa clientèle privée, une autre comptabilité pour ce type particulier de créance, à maintenir une correspondance avec ses bénéficiaires, à dresser la liste de ses créances douteuses ou irrécupérables. Le professionnel de la santé qui est désengagé ou non participant du fait d'une ordonnance du ministre en vertu de l'article 24 de la loi, tel que modifié par le projet de loi, ou non participant en résultat de la sanction d'exclusion du régime qui s'attache à une condamnation pénale, en vertu de l'article 62 de la loi, tel que modifié par le projet de loi, est soumis à des contraintes plus rigoureuses que nous décrirons sous le titre: Le sort du bénéficiaire.

Le professionnel de la santé est aux prises avec des difficultés diverses, même quand le bénéficiaire est en possession de sa carte d'assurance-maladie. En effet, la présentation obligatoire de la carte implique l'impression obligatoire de la carte. Comment procéder à cette impression dans le cas d'une visite à domicile pour un médecin, par exemple, ou de livraison de médicaments pour un pharmacien? Les inconvénients sont pratiquement insurmontables, compte tenu de la prohibition que le nouvel article 8a, proposé par le projet de loi, fait aux bénéficiaires de confier à un tiers sa carte d'assurance-maladie et aux professionnels de la santé d'exiger ou accepter qu'un bénéficiaire lui confie sa même carte d'assurance-maladie. On peut imaginer les difficultés pratiques engendrées par ces exigences nouvelles, en particulier dans le cas des services pharmaceutiques, par exemple pour la livraison d'ordonnances à domicile, et aussi pour l'exécution d'ordonnances à la pharmacie même, pour les bénéficiaires qui sont incapables de s'y rendre personnellement.

On nous opposera peut-être que ce projet de loi a prévu, dans les modifications proposées à l'article 56 de la loi actuelle, l'addition d'un paragraphe aux fermes desquels le lieutenant-gouverneur en conseil pourrait déterminer les cas ou circonstances où un professionnel de la santé serait rémunéré par la régie pour les services assurés fournis à un bénéficiaire qui n'aurait pas présenté sa carte, tempérant ainsi la rigueur de l'obligation fixée par ce nouvel article 18. (11 h 15)

Toutefois, si le législateur retient le principe de l'inscription obligatoire à la régie et de la présentation obligatoire de la carte, nous croyons que les tempéraments et cas d'espèce devraient continuer de se régler, comme cela s'est fait jusqu'ici par la voie de la négociation, d'autant plus que les professionnels de la santé sont mieux placés pour suggérer les meilleures solutions aux situations concrètes qu'ils vivent quotidiennement.

La signature du relevé d'honoraires par le professionnel. Le projet de loi prescrit, par l'addi- tion de l'article 18a que le professionnel de la santé n'a droit d'être rémunéré par la régie, que s'il a lui-même signé le relevé d'honoraires. Trop de cas se présentent, de relevés d'honoraires multiples par un professionnel seul ou par un groupe de professionnels pour que cette prescription tienne comme règle générale, en particulier les ventes et livraisons effectuées par des pharmaciens qui sont d'une catégorie qui ne se prête pas, à cause de leur nombre même, à la signature du professionnel de la santé propriétaire.

Pour ces raisons, il nous apparaît inutile d'imposer cette règle par voie législative. Il conviendrait mieux de laisser aux organismes représentatifs et au ministre, par la voie des ententes négociées le soin de fixer et réglementer l'obligation pour le professionnel de la santé de signer le relevé d'honoraires et d'y apporter, de la même façon, les exceptions que la réalité des choses peuvent rendre nécessaires.

Les sondages de la régie. L'article 38 du projet de loi ajoute, à la fin de l'article 51 de la loi, un alinéa qui obligera la régie à faire périodiquement des sondages par voie d'échantillonnage. Ce procédé est propre à susciter chez le bénéficiaire un doute sérieux sur la compétence et la probité du professionnel de la santé. Il peut être l'occasion de confusion et d'équivoque préjudiciable. Il provoque les délations et éveille la méfiance. Pour ces motifs, ce procédé doit être écarté définitivement.

Deuxième alinéa de l'article 52. Le projet de loi propose, par son article 39, l'addition d'un deuxième alinéa à l'article 52 de la loi, obligeant la régie à divulguer les profils de pratique des professionnels de la santé à l'organisme qui les représente respectivement, à la condition cependant qu'elle ait obtenu l'autorisation écrite du professionnel de la santé. Cette condition devrait être écartée.

En 1976 — ce n'est pas au texte — le ministre des Affaires sociales m'écrivait une lettre, dont je cite un extrait. C'était en contrepartie de la proposition qu'avait faite la Fédération des médecins omnipraticiens d'imposer des plafonds individuels dans l'entente: "Je sais que vous vous préoccupez, au nom de la FMOQ, d'assurer la capacité de votre fédération à policer elle-même l'application de l'entente dans toute la mesure possible. Une telle volonté d'autorégulation de la part des omnipraticiens correspond en tout point à mes voeux et vous pouvez vous attendre que ce soit là l'effet produit par certaines des modifications qui seront apportées à la loi. Dans les négociations qui viennent de se terminer, ma position a été de chercher une entente sur les objectifs devant être atteints et de laisser à votre fédération une grande liberté quant aux moyens à mettre en oeuvre pour y arriver. Pour cela, l'accès à l'information doit vous être assurée".

C'est donc une promesse du ministre, promesse d'ailleurs réitérée un peu plus tard d'une façon plus spécifique.

De plus, nous souhaitons que la régie soit aussi tenue de fournir périodiquement et sans frais, à chaque professionnel de la santé, son

profil de pratique individuel pour sa propre vérification professionnelle et comptable.

Les pouvoirs exorbitants de la régie. Une des parties les plus importantes du mémoire, il va sans dire. Le projet de loi amplifie considérablement les pouvoirs de la régie. Nous assistons non seulement à une profilération des contrôles administratifs de la régie, mais encore à une exubérance frénétique des pouvoirs conférés à la régie. Témoin, cet éventail extensif de coercition administrative que constituent les modifications que propose l'article 15 du projet de loi en ajoutant l'article 18b à la Loi de l'assurance-maladie.

Le Président (M. Jolivet): Un instant. Est-ce que cela va?

M. Hamel: ... à témoin cet éventail extensif de coercition...

Le Président (M. Jolivet): Pour le besoin du journal des Débats, l'enregistrement se fait quand même, mais on va vous demander de parler plus fort en attendant.

M. Hamel: Témoin cet éventail extensif de coercition administrative que constituent les modifications que propose l'article 15 du projet de loi, en ajoutant l'article 18b à la Loi de l'assurance-maladie.

En effet, le projet remet à la régie, sur la foi d une simple enquête dont le sérieux ou la profondeur peut être discutable, le droit de refuser le paiement réclamé ou, lorsque le paiement a déjà été effectué, de se rembourser par compensation et rétroactivement pour des services présumément non assurés ou non fournis en conformité de la loi, de la réglementation ou de l'entente, si elle entretient des motifs raisonnables de croire que tel est le cas.

Le professionnel de la santé se voit, de surplus, imposer le fardeau statutaire d'établir la preuve contraire. La régie, ce faisant, deviendrait, à l'endroit des professionnels de la santé, à la fois une accusatrice qui n'est pas obligée de justifier objectivement le bien-fondé de son initiative, un juge qui peut interpréter et appliquer subjectivement la loi, la réglementation et l'entente auxquelles elle est pourtant assujettie et une exécutrice qui applique rétroactivement la sanction économique qu'elle décrète et qui pourvoit instantanément au paiement de la sanction en puisant, par compensation, aux revenus des professionnels de la santé.

Aux termes de la modification proposée, le professionnel de la santé ne peut pas se faire entendre et faire valoir quelque élément de justification avant la prise de décision. Il est averti du problème lorsque l'exécution est consommée. Après coup, s'il a la prétention de soulever quelque contestation, il est confronté par un renversement de preuve qui l'oblige à convaincre le tribunal compétent que la décision est mal fondée.

Ainsi, contrairement aux règles habituelles qui sont suivies devant les tribunaux de juridiction ci- vile et les conseils d'arbitrage, la régie sera placée dans une situation privilégiée par rapport au professionnel de la santé qui attaquera sa décision de refuser un paiement ou de se rembourser par compensation de sommes déjà payées.

A tout coup, le conseil d'arbitrage, saisi d un tel litige devra, au départ, présumer que la régie a raison et exiger du professionnel de la santé une preuve déterminante pour renverser cette présomption.

La régie s'érige comme juge et partie. Elle se targue de I'objectivité de son opinion et tranche souverainement en sa faveur. Nous nous permettons de rappeler ici qu'en vertu de l'article 38 du projet de loi, ajoutant un dernier alinéa à l'article 51 de la loi, la régie devra faire périodiquement des sondages par voie d'échantillonnages. Nous avons déjà souligné les risques extrêmement sérieux qui pourraient résulter de ce nouveau pouvoir de la régie.

Comment ne pas penser que celle-ci pourrait se convaincre, avec une certaine libéralité, quelle a trouvé dans ces sondages par voie d'échantillonnages, dont la qualité est loin d'être assurée, les motifs raisonnables dont parle l'article 18b proposé.

Si le législateur devait entériner ce système, il conférerait à la régie le pouvoir de passer outre au comité d'appréciation d'un relevé d'honoraires et au comité de révision, deux organismes consultatifs prédécisionnels. Il affaiblirait considérablement le rôle du conseil d'arbitrage qui se situe en aval de la décision, mais qui jouit d'une fonction préventive en matière d'interprétation de l'entente.

Notons de plus que l'article 18b ne fixe pas de limite de temps dans l'exercice de ce pouvoir qu'iI accorde à la régie de se rembourser par compensation de sommes déjà payées. Ainsi donc, la régie pourra remonter de façon indéfinie dans le temps. Il s'agit là d'une situation plutôt étonnante, d'abord, parce qu'elle est extraordinaire par rapport à toutes les règles de droit en usage qui imposent des délais de prescription ou de déchéance aux recours que l'on peut exercer: elle est étonnante aussi parce que les règles de droit commun veulent que le paiement effectué par le débiteur crée en soi la preuve que la somme payée était due.

En somme, le professionnel de la santé ne saura jamais s'il a été payé de façon définitive.

Cette situation encourage l'incurie de la régie et elle crée chez le professionnel de la santé une incertitude psychologique et une instabilité financière permanente que nous vivons actuellement d'ailleurs. Aucun autre organisme administratif ne jouit d'un pouvoir d'une telle envergure.

Nous nous opposons à ce que l'on accorde à la régie des pouvoirs aussi exorbitants.

Les modifications apportées par l'article 47 du projet de loi 84, à l'article 62 de la Loi de l'assurance-maladie modifient la portée des ententes en vigueur en prévoyant une nouvelle sanction économique. En effet, l'article proposé prévoit I exclusion obligatoire du régime d'un professionnel de la santé reconnu coupable d'une infraction crimi-

nelle concernant "la réclamation de services assurés ".

Or, l'article 152 du Code des professions dispose qu'un professionnel de la santé trouvé coupable d'un acte criminel est ipso facto traduit devant le comité de discipline de la corporation professionnelle dont il est membre et peut alors se voir retirer son droit de pratique et, par voie de conséquence, sa possibilité de participer au régime. L'amendement proposé nous semble inopportun, en ce qu'il empiète sur la juridiction déjà conférée aux corporations professionnelles, injuste en ce qu'il crée une double pénalité, triple et quadruple même, et inéquitable, en ce que la sanction prévue est appliquée de façon mathématique sans tenir compte de la gravité de l'offense.

La prescription. Par ailleurs, l'article 24 du projet de loi qui modifie l'article 27 de la Loi de l'assurance-maladie recherche à raccourcir le délai de prescription applicable au recours du professionnel de la santé contre la régie. Le nouvel article porte la prescription à six mois depuis la fourniture des services, plutôt que deux ans, selon ce que prévoit l'article 27 de la loi actuelle. Compte tenu des délais administratifs inéluctables du recours à l'arbitrage, le délai proposé est trop court. Il faut rétablir le délai de deux ans et même prévoir que le recours à l'arbitrage puisse causer la suspension de la prescription.

Le comité de révision. Les articles 27 à 37 du projet de loi touchent aux dispositions de la loi actuelle qui traitent des comités de révision.

En bref, le régime actuel prévoit que des comités de révision sont constitués par les médecins, les spécialistes en chirurgie buccale, les dentistes et les optométristes. Ces comités sont chargés d'émettre leurs recommandations lorsque la régie leur rapporte des cas où, à son avis, les services assurés pour lesquels un médecin, un dentiste ou un optométriste a réclamé ou obtenu paiement n'étaient pas requis aussi fréquemment ou ont été dispensés de façon abusive ou injustifiée.

Nous nous limiterons à discuter, parmi les recommandations qui sont proposées par le projet de loi en cette matière, uniquement celles qui affectent la composition des comités de révision, leurs compétences ratione materiae et les pouvoirs de la régie.

La composition du comité de révision. Les modifications proposées à l'article 29 de la loi actuelle augmentent le nombre des membres de chaque comité de révision et prévoient que le sixième membre doit être un avocat et le septième un fonctionaire de la régie nommé sur sa recommandation, mais ne possédant pas droit de vote.

Nous réitérons une demande souvent formulée dans le passé, à savoir que le comité de révision ait un caractère "de pair". C'était la condition qui avait fondé en 1972 la création de ces comités lorsque M. Castonguay et son sous-ministre, le Dr Brunet, avaient consulté la profession médicale. J'avais été consulté à ce moment. La condition devait être la création d'un comité de pairs. Cela a été changé par la suite.

Nous nous opposons donc à la présence comme membre d'un avocat qui aurait voix au chapitre au même titre que les professionnels de la santé, bien qu'encore là, nous reconnaissions que le comité puisse devoir, à l'occasion, s'adjoindre un avocat à titre de conseiller.

Nous nous opposons également, pour les mêmes motifs, à la présence comme membre d'un fonctionnaire de la régie, même s'il n'a pas droit de vote, bien qu'encore là, nous reconnaissions que le comité puisse s'adjoindre un fonctionnaire à titre de secrétaire.

La compétence "ratione materiae" du comité de révision: L'article 32 du projet de loi modifie l'article 34 de la loi actuelle. Présentement, les comités de révision ont compétence pour les cas où la régie est d'avis que les services n'étaient pas requis aussi fréquemment ou ont été dispensés de façon abusive ou injustifiée. La modification proposée a pour but d'ajouter à ces cas ceux où la régie serait d'avis que les services assurés "n'étaient pas requis au point de vue médical, optométrique, dentaire ou pharmaceutique". Cette compétence nouvelle tranche singulièrement sur celle que retient la loi actuelle.

Le projet de loi attribue au comité compétence en matière de ce qui est "requis du point de vue médical, dentaire, optométrique, pharmaceutique, etc.". Or, il s'agit ici de l'élément principal de la notion de "services assurés" que définit l'article 3 de la loi actuelle. Si le comité était saisi de "ce qui est requis du point de vue médical, dentaire, optométrique, pharmaceutique, etc.", il serait à même de déterminer tout "service assuré".

Nous nous opposons à ce que les "services assurés" qui sont définis à l'article 3 de la loi et qui sont susceptibles d'être restreints, dans leur définition prévue par l'article 56b de la loi, deviennent objet de compétence d'un comité dont la vocation est tout autre: déterminer à quelles conditions un service qui, à l'origine, est un service assuré ne devrait pas, cependant, être rémunéré par la régie pour les motifs que déterminera le comité.

Jusqu'ici, le comité n'agissait qu'à l'endroit de certains aspects de matière médicale, dentaire, optométrique, pharmaceutique, etc. et qu'à l'égard des professionnels. Voici que le projet de loi lui attribue maintenant une matière juridique qui est la détermination des "services assurés" et que la décision du comité impliquera désormais les bénéficiaires. Disons ici que, par anticipation, nous approuvons, les quatre associations de professionnels, les recommandations que feront les quatre corporations professionnelles sur cette question. Donc, il y a unité de pensée, il y a toujours eu unité de pensée entre les quatre corporations professionnelles depuis dix ans et les quatre associations que nous représentons sur cette question. Nous ne favorisons pas le transfert de la corporation à la régie de l'évaluation de la nécessité médicale.

Les pouvoirs de la régie: L'article 37 de la loi, modifié par l'article 35 du projet de loi, définit le

sort réservé à la recommandation émanant d'un comité de révision. Nous croyons que les dispositions législatives proposées accordent à la Régie de l'assurance-maladie des pouvoirs outranciers qui lui permettent aisément de faire table rase de toute recommandation provenant d'un comité de révision. Dès lors, on s'interroge sur l'utilité du comité de révision.

En effet, la régie n'est aucunement liée par la recommandation du comité et décide arbitrairement: de payer en tout ou en partie le montant réclamé, de refuser de payer ce montant ou d'exiger le remboursement de ce qui a été payé en trop, par compensation ou autrement.

Bien que le projet de loi conserve le droit d'appel à la Commission des affaires sociales pour le professionnel de la santé visé par une décision de la régie, il ne prévoit nullement l'obligation de transmettre audit professionnel de la santé copie de la recommandation du comité de révision. Le professionnel de la santé qui interjette appel exerce donc ce droit en ignorant un fait important: le jugement de ses pairs.

De plus, le professionnel de la santé se voit imposer le fardeau additionnel d'établir qu'en fait et en droit, la décision de la régie est mal fondée.

En contrepartie de ces recours illusoires pour les professionnels de la santé, nous proposons un mécanisme visant à combler toutes les lacunes contenues au projet de loi. Nous sommes d'avis qu'il est possible d'accorder à la régie un pouvoir décisionnel sur les affaires confiées au comité de révision. Toutefois, l'exécution de cette décision devrait être assujettie à certains délais et conditions.

Si la décision de la régie s'avère conforme à la recommandation du comité de révision, elle devrait être exécutoire trente jours après que le professionnel de la santé en ait été informé, ce dernier conservant son droit d'appel devant le tribunal compétent en cette matière. Nous croyons également que toute autre décision de la régie ne saurait être exécutoire que 90 jours après sa notification au professionnel concerné.

De plus, toute exécution de ce type de décision devrait être suspendue advenant le cas où le professionnel de la santé interjette appel, à charge par la régie d'en demander l'exécution provisoire à la Commission des affaires sociales.

Nous jugeons également primordial que la décision de la régie soit transmise au professionnel de la santé avec copie de la recommandation du comité de révision, et ce, dans un but évident d'accorder au professionnel de la santé visé le droit à une défense pleine et entière. Au nom de ce même droit fondamental accordé à toute personne dans le cadre de notre système judiciaire, nous protestons avec énergie contre le fardeau de preuve additionnel qui incomberait au professionnel de la santé, aux termes du dernier alinéa de l'article 37 de la loi.

A juste titre, nous croyons que le législateur ne peut accorder à la régie la qualité de juge et partie qu'elle détiendrait si l'article 37 de la loi était modifié tel que proposé.

Le projet de loi, dans son article 36, propose, par la modification de l'article 38, d'homologuer la décision de la régie. Nous nous opposons à cette modification au motif qu'il s'agit d'une décision purement administrative et non d'une décision quasi judiciaire.

M. Marquis (Jean-Claude): Recommandations II est recommandé de ne pas implanter le système de la carte obligatoire d'assurance-maladie, ce système étant inapproprié, prématuré, contraignant et source de situations conflictuelles.

Il est recommandé que le nouvel article 18a de la Loi de l'assurance-maladie, exigeant la signature du professionnel de la santé sur le relevé d'honoraires, soit rejeté, cette exigence étant du ressort de l'entente.

Il est recommandé que les mots "lorsqu'elle a été dûment autorisée à cette fin par écrit par le professionnel de la santé", au deuxième alinéa de l'article 52 proposé, soient retirés.

Il est recommandé que la régie fournisse à chaque professionnel de la santé, périodiquement et sans frais, son profil de pratique individuel.

Il est recommandé de façon catégorique, que l'article 18b de la Loi de l'assurance-maladie soit retiré du projet de loi, car il permettrait à la régie de s'ériger comme juge et partie, déniant ainsi tous recours aux organismes consultatifs prédécisionnels.

Il est recomandé de retrancher l'article 62 proposé par l'article 47 du projet de loi 84.

Il est recommandé de rétablir le délai de prescription à deux ans et même de prévoir que le recours à l'arbitrage puisse causer la suspension de la prescription.

Il est recommandé de modifier le statu quo en retenant le nombre de cinq membres, pourvu que ces derniers soient tous des professionnels de la santé, de même catégorie. Ainsi, le cinquième membre actuel de chaque comité qui n'est pas un professionnel de la santé serait remplacé par un professionnel de la santé de même catérogie.

Il est recommandé de maintenir la compétence "ratione materiae" que la loi actuelle attribue au comité.

Il est recommandé que l'exécution de la décision de la régie soit assujettie à certains délais et conditions et même suspendue selon le cas, en conformité du texte suivant: Article 37 de la Loi de l'assurance-maladie qui dit que la régie doit rendre une décision motivée dans les 30 jours de la réception de la recommandation du comité de révision et la transmettre, sans délai, par courrier recommandé, au professionnel de la santé visé par la décision, à la corporation professionnelle et à la fédération ou association professionnelle concernée avec copie de la recommandation du comité de révision.

La décision de la régie qui est conforme à la recommandation du comité de révision devient exécutoire 30 jours après la notification au professionnel de la santé visé, nonobstant appel. Toute autre décision de la régie devient exécutoire 90 jours après sa notification au professionnel de la santé visé.

Toutefois, si le professionnel interjette appel,

l'exécution de la décision de la régie est suspendue. Un professionnel de la santé qui se croit lésé à la suite d'une décision de la régie peut interjeter appel à la Commission des affaires sociales conformément à la Loi de la Commission des affaires sociales.

Il est aussi recommandé d'ajouter un troisième alinéa à l'article 21 de la Loi de la Commission des affaires sociales: Un appel visé au paragraphe 1 de l'article 20 suspend l'exécution d'une décision qui n'est pas conforme à la recommandation du comité de révision.

Toutefois, la commission peut en ordonner l'exécution provisoire. Il est enfin recommandé que la modification à l'article 38 de la Loi de l'assurance-maladie ne soit pas retenue.

M. Hamel: Le sort du bénéficiaire. Les professionnels de la santé ne peuvent pas se désintéresser du sort que la loi réserve aux bénéficiaires, ni du traitement que les modifications proposées leur inflige, non pas que les professionnels de la santé prétendent à quelque vocation privilégiée de protection à leur égard, mais ils savent d'expérience que leur efficacité professionnelle dépend largement du climat de confiance que le présent régime aura sauvegardé.

En contrepartie, les mesures législatives ou réglementaires qui engendrent la méfiance des bénéficiaires ou qui imposent aux bénéficiaires des contraintes intempestives nuisent souverainement à leurs relations professionnelles avec les bénéficiaires et affectent directement ou indirectement les services qu'ils leur fournissent.

L'inscription obligatoire des bénéficiaires. Le projet de loi propose de modifier l'article — de la Loi de l'assurance-maladie pour imposer à toute personne qui réside au Québec l'obligation stricte et positive de s'inscrire à la régie, conformément aux règlements. Le projet de loi renforce par là la déclaration générale que la loi actuelle formule à cet égard, sans engager formellement et personnellement tout citoyen.

Nous sommes d'avis que la prescription de la loi et les exigences du régime seraient satisfaites si toute personne qui réside au Québec et qui désire bénéficier des services assurés s'inscrit à la régie conformément aux règlements. Cette dernière formulation est tirée d'une modification de 1974 qui n'a pas été mise en vigueur. Elle a la vertu particulière de ne pas enrégimenter dans le régime une personne qui désire s'en abstenir.

La présentation obligatoire de la carte d'assurance-maladie. Le projet de loi propose une modification majeure au régime, la présentation obligatoire de la carte ou carnet par le bénéficiaire pour l'obtention de services assurés. Le système est annoncé par les dispositions nouvelles des articles 1b, 10a, 10b, 10c, 10e, 11, 18, 24b, 24c, 24d, 27 et 56o. Sans doute la réglementation à venir pourra-t-elle atténuer les contraintes que ces modifications législatives font peser sur les bénéficiaires, mais la réglementation n'est pas déposée et, de toute façon, elle ne pourra avoir qu'une portée d'exception.

En quoi consiste le système? Nous allons en tracer les lignes générales. Un bénéficiaire qui désire obtenir un service assuré présente obligatoirement sa carte au professionnel de la santé. Les cas d'exception sont ceux qui sont visés à la réglementation. Or, selon les cas d'exception, le bénéficiaire qui ne peut présenter physiquement sa carte risque d'essuyer un refus de services de la part du professionnel de la santé. Ce refus est non seulement légalisé par l'article 2 de la Loi de l'assurance-maladie, mais il est encore et surtout légitimé par l'esprit du système que préconise le projet de loi 84. En vertu de ce projet, le professionnel de la santé est assimilé à un fournisseur ordinaire de biens et de services qui reçoit en contrepartie de sa marchandise un bon qui porte l'impression d'une carte de crédit et qu'il échange contre valeur auprès d'un tiers payeur, même si l'on peut prévoir que certains professionnels de la santé, conscients de la situation précaire d'un bénéficiaire, fourniront à leurs risques le service assuré demandé. Encore faudrait-il que le système lui offre quelque incitation à agir de la sorte. Mais, selon le projet de loi, s'il est un professionnel participant, il fournit le service assuré au bénéficiaire qui n'a pas présenté sa carte, il remplit le relevé d'honoraires prescrit et le remet au bénéficiaire. Il est en droit d'exiger du bénéficiaire le coût du service fourni au tarif prévu par l'entente. Le bénéficiaire a alors le fardeau de transmettre à la régie le relevé d'honoraires obtenu du professionnel de la santé en même temps que sa demande de remboursement du coût du service assuré au tarif prévu par l'entente. Le bénéficiaire fournit sur demande de la régie les renseignements dont celle-ci a besoin pour justifier le paiement réclamé. Si la régie retarde indûment le remboursement, le bénéficiaire doit introduire une poursuite judiciaire contre la régie, poursuite qui peut s'étendre sur deux ans. S'il est un professionnel désengagé ou non participant, à un moment où le ministre, selon les dispositions du projet de loi, décide que le nombre de non-participants est trop élevé, il fournit le service assuré au bénéficiaire qui n'a pas présenté sa carte, il remplit le relevé d'honoraires prescrit et le remet au bénéficiaire. Toutefois, il ne peut exiger ni recevoir du bénéficiaire paiement d'honoraires avant de recevoir l'avis prescrit par l'article 24b proposé, si la régie a l'intention de payer le bénéficiaire. Mais la régie peut décider de ne pas payer le bénéficiaire, auquel cas le professionnel de la santé peut poursuivre le bénéficiaire en justice sur réception de l'avis négatif de la régie, mais, encore, la régie peut ne pas envoyer d'avis au professionnel de la santé, auquel cas ce dernier peut réclamer en justice au bénéficiaire le coût du service assuré. De son côté, le bénéficiaire doit attendre que la régie prenne position sans savoir à l'avance quand et comment, il peut ou ne peut pas, il doit ou ne doit pas payer, être payé, être poursuivi ou poursuivre lui-même.

S'il était un professionnel de la santé participant ou désengagé, mais est devenu non participant à la suite dune exclusion partielle du régime

qui lui est imposée obligatoirement à titre de double pénalité, en vertu de la modification projetée de la Loi de l'assurance-maladie, le professionnel de la santé est devenu non participant par l'effet de la loi. Les règles qui régissent le professionnel de la santé et les bénéficiaires deviennent, dès lors, celles qui s'appliquent au cas du professionnel de la santé non participant.

Ce changement intempestif des règles pénalise les bénéficiaires qui n'ont aucune alternative, mettre fin à leurs relations avec le professionnel de la santé ou subir le contrecoup de nouvelles règles contraignantes. Le bénéficiaire qui est assujetti au système projeté encourt d'autres déboires. Il est démuni face à la régie, sans que la loi lui accorde d'autres protections qu'un redressement possible devant le tribunal judiciaire. Ainsi, il ne peut contrôler l'interprétation et l'application de la loi, des règlements ou de l'entente que la régie décrète et lui impose. Il n'a pas accès à l'organisme d'arbitrage, sa soumission se doit d'être aveugle et totale.

Le système préconisé par le projet de loi plonge indéniablement le bénéficiaire dans la confusion complète. De plus, il lui impose le lourd fardeau de la nécessité d'être muni de sa carte ou d'encourir des déboursés imprévus ou de faire une réclamation à la régie et même d'intenter une poursuite pour entrer dans son dû. Bref, le projet de loi 84 est inacceptable et abusif pour la population.

La régie fait porter sur le professionnel de la santé et sur le bénéficiaire le poids de sa propre carence et de sa propre ineptie. L'implantation de ce nouveau système est inapproprié. D'une part, la distribution des cartes aux résidents du Québec présente de sérieuses lacunes, nonobstant toute statistique contraire de la régie. Le nombre de détenteurs illégaux est trop considérable. Les fraudes dont on parle ne proviennent pas des gens, des bénéficiaires qui n'ont pas de cartes, mais proviennent de personnes qui ont des cartes et qui ne sont pas des bénéficiaires. Dans certains centres d'accueil où la moyenne d'âge est de 82 ans, 15% de ces Québécois n'ont pas encore reçu leur carte d'assurance-maladie. Aucun d'entre eux n'est un fraudeur.

D'autre part, le nombre des situations raisonnablement excusables est presque incommensurable et, de toute façon, elles ne peuvent pas être toutes codifiées dans le cadre d'une réglementation bureaucratique. Pour ces motifs, la proposition du projet doit être rejetée globalement.

La confidentialité. La confidentialité des relations entre un professionnel de la santé et un bénéficiaire est le fondement même des relations qui existent entre un professionnel de la santé et la personne à laquelle il a fourni des services. Or, le projet de loi bat en brèche ce principe de plus d'une façon. Par la modification qu'il apporte à l'article 18b de la Loi de la régie de l'assurance-maladie, le projet de loi veut, ouvrir à la régie, sur simple requête ex parte au tribunal, le dossier médical d'un bénéficiaire qui fait défaut ou qui refuse d'autoriser la régie à le faire. Il s'agit d'une intrusion indécente dans l'intimité d'un bénéficiaire.

Par la modification qu'il suggère aux articles 55 et 57 de la Loi de l'assurance-maladie, le projet de loi prétend donner à la régie accès aux documents du dossier médical. C'est permettre à la régie de lire ouvertement dans la vie privée du bénéficiaire. Cette même modification, lorsqu'elle se réfère aux renseignements, peut s'interpréter comme ayant la même portée.

J'ai des remarques à faire hors texte, pour ce qui concerne les documents et dossiers médicaux. Depuis plusieurs mois, la régie agit par anticipation de l'adoption de cette loi. J'ai ici des copies de lettres qui sont envoyées par des correspon-dancières à des secrétaires de médecins, et je lis: "Afin de réviser adéquatement les demandes de paiement énoncés dans le tableau ci-annexé, nous désirons obtenir, pour chacune d'elles, la copie ou le rapport de l'examen complet: "Donc, c'est le dossier médical. Et nous n'exagérons en rien lorsque nous prétendons que c'est permettre à la régie de lire ouvertement dans la vie privée du bénéficiaire.

Cela est tellement vrai qu'un ancien employé de la régie me confiait qu'il y a déjà quelques années, les employés de la régie avaient demandé au président de la régie de former une unité spéciale chargée de transiger les réclamations concernant, comme bénéficiaires, les employés mêmes de la régie, de façon à conserver la confidentialité.

Il s'agit d'une intrusion indécente dans l'intimité d'un bénéficiaire. Par la modification de l'article 51 de la Loi de l'assurance-maladie, le projet de loi extensionne le pouvoir d'enquête déjà si vaste de la régie, pour lui permettre de recourir désormais aux sondages par voies d'échantillonnage, pour vérifier la fourniture des services assurés. Elle permet une mise en oeuvre, par téléphone, qui est susceptible d'en référer à un mauvais destinataire, pour des soins prodigués à un autre bénéficiaire.

On peut facilement supposer les imbroglios, les malentendus, les révélations intempestives qui peuvent en résulter, entraînant même des drames personnels avec les conséquences malencontreuses qui en sont le partage. C'est la zizanie et la méfiance qui s'installent au sein des relations entre professionnels de la santé et bénéficiaires.

M. Rodrigue: II est recommandé de rejeter totalement la proposition de la présentation obligatoire de la carte et du carnet, ayant pour effet d'implanter dans le régime d'assurance-maladie, un nouveau système qui se révèle, dans son application, contraignant et outrancier pour le bénéficiaire et le professionnel de la santé.

Il est recommandé de modifier l'article 18b de la Loi de la Régie de l'assurance-maladie de façon que le droit de la régie de prendre connaissance d'un dossier médical dans l'établissement, au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, soit conditionnel à l'obtention d'une

autorisation écrite du bénéficiaire, à défaut de laquelle la régie pourrait, par requête signifiée préalablement au bénéficiaire, s'adresser à un juge de la Cour supérieure pour obtenir une ordonnance à cet effet.

Il est recommandé de ne pas retenir la modification de l'article 57 de la Loi de l'assurance-maladie, notamment parce que cette modification peut impliquer la fourniture du dossier médical du bénéficiaire à la régie.

Il est recommandé d'exclure spécifiquement le dossier médical du bénéficiaire des documents visés par l'article 55 de la Loi de l'assurance-maladie proposé par l'article 41 du projet de loi 84, les "documents" n'incluant pas le dossier médical.

Il est recommandé, afin d'éviter les excès qu'entraîne tout sondage et les conséquences pernicieuses qui en résultent dans les rapports entre les professionnels de la santé et les bénéficiaires, de rejeter la modification de l'article 51 de la Loi de l'assurance-maladie à cet égard.

M. Hamel: M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les membres de la commission, en conclusion, nous disons que le projet de loi propose un modèle de gestion du Régime d'assurance-maladie centré sur un organisme unique de décision: la Régie de l'assurance-maladie.

Ce projet de loi ampute l'entente au profit de la régie de ses mécanismes majeurs tels que le comité d'appréciation des relevés d'honoraires, le comité de répartition des effectifs. Le projet soustrait à la négociation, au profit de la réglementation, les frais accessoires, les formulaires, les relevés d'honoraires, les documents, la signature de l'entente, etc. Le projet renverse l'ordre établi en ce sens que la régie qui est réputée être subordonnée à l'entente, en vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, détiendrait plus de droits que les parties contractantes, en particulier, les professionnels de la santé seraient assujettis au pouvoir d'interprétation et d'application de l'entente par la régie, même en matière médicale, dans le cadre de la Loi de l'assurance-maladie. En cela, la régie déplacerait les corporations professionnelles.

En un mot, la régie se voit dotée de pouvoirs outranciers à l'endroit de l'entente qu'elle supplante aux parties en matière professionnelle, à l'endroit des parties contractantes et des corporations qu'elle élimine en matière professionnelle, à l'endroit des professionnels de la santé qu'elle subjugue en matière professionnelle.

Ce nouveau modèle de gestion qu'on ne retrouve en aucun pays démocratique est inacceptable. Nous ne sommes pas ici pour réclamer des privilèges particuliers. De fait, nous réclamons un seul privilège et un seul droit, soit le privilège d'exercer notre profession conformément à la formation que nous avons reçue ou que nous continuons de recevoir ou de nous donner, et un seul droit, soit celui de négocier collectivement nos conditions d'exercice. Nous n'acceptons pas qu'elles soient déterminées unilatéralement par un organisme bureaucratique comme la régie.

En terminant, au nom des quatre présidents, M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs les membres de la commission, je rappelle que, soucieux de nos responsabilités sociales autant que de nos responsabilités professionnelles et syndicales, nous sommes toujours prêts, que nous avons toujours été prêts à offrir des solutions alternatives aussi bien au gouvernement qu'à cette commission parlementaire, solutions qui sont susceptibles d'humaniser le régime en même temps que d'améliorer son fonctionnement. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Pour dissiper l'ambiguïté du départ, c'est bien à 13 heures que nous ajournerons nos travaux et non pas à midi. C'est demain que nous ajournerons à midi, demande que vous aviez faite, M. le député. D'accord? Pour nous aujourd'hui, nous terminons à 13 heures. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, je veux d'abord remercier les représentants des quatre groupes pour avoir exprimé de façon bien claire leurs divergences. Il est bien évident que, sur plusieurs points, les quatre groupes ont et auront pendant un bon bout de temps des vues divergentes de nos vues. Je pense que c'est normal, surtout en ce qui a trait au contrôle un peu plus marqué par la régie. (12 heures)

Je vous rappelle aussi que, dans le texte de 17 pages qui a été distribué, déjà, je faisais état d'un certain nombre de modifications que nous sommes prêts à envisager. Je pense bien que personne ne s'attend qu'aujourd'hui, on donne un libellé, un mot à mot d'un nouveau texte qui résultera de nos discussions. Dans ce texte de 17 pages que vous aurez le loisir de consulter, peut-être à l'heure du midi, vous verrez qu'il y a quelques exemples bien précis. Il y a d'autres modifications que nous sommes prêts à apporter à certains articles.

M. le président, devant un mémoire aussi long, j'hésite un peu, à savoir quelle procédure on veut utiliser. On pourrait peut-être s'attacher à répondre ou à faire des commentaires sur chaque bloc de recommandations. Avant de faire cela, je veux quand même ajouter quelques remarques d'ordre général, encore une fois, parce que je n'ai pas tellement de questions. Je vous avoue que c'est clair. Les messages sont bien formulés et je vous en félicite. Je veux quand même rétablir certains faits, en ce qui concerne le bénéficiaire aussi.

Il y a une certaine exagération de langage dans votre mémoire, qui est de bon aloi dans les circonstances, mais il y a quand même un abus de langage. Je vous fais remarquer — et le président-directeur général de la régie apportera peut-être des précisions tantôt — que, dans la plupart des provinces du Canada, ce que nous demandons par ces amendements existe déjà. Je vous ferai remarquer aussi que, lors d'un sondage effectué en janvier 1977 par l'agence SORECOM, on se rend compte — et ce sondage n'a jamais été

contesté au plan de la méthodologie scientifique — que 93% des Québécois se disent favorables à l'utilisation de la carte d'assurance-maladie, 79% des Québécois ont affirmé que la carte était obligatoire. En d'autres termes, sans que la loi ne rende obligatoire la carte, déjà les gens croient qu'elle est obligatoire. Mais, en plus, 67% des Québécois qui disent que la carte d'assurance n'est pas obligatoire ou qui ne le savent pas seraient d'accord pour que la carte devienne obligatoire.

En somme, qu'on me dise que cela va causer certains inconvénients aux professionnels, j'en suis. J'ai déjà indiqué qu'il y aurait, dans les règlements, plusieurs exceptions, notamment les personnes âgées, les bébés, les cas d'accidents, les visites à domicile, nous sommes prêts à tenir compte de toutes les suggestions constructives qui pourraient être faites dans ce sens-là.

En ce qui concerne la soi-disant amputation du pouvoir de négociation — c'est peut-être, en ce qui concerne la partie "syndicale", le passage le plus important — je vous ferai remarquer que déjà la loi, telle qu'elle existe, prévoit, à l'article 24, essentiellement ce que nous introduisons dans le nouvel article 24. Si vous vous référez à l'article 24, le premier alinéa a un texte pratiquement identique. Mais, dans la loi actuelle, comme vous le savez fort bien, l'article 24, vers la fin de l'alinéa, dit: "II doit aussi, à compter de la publication de l'avis dans la Gazette officielle, prendre les mesures spéciales qu'il estime nécessaires et qu'il est autorisé à adopter en vertu de la loi pour faire en sorte que les services assurés dont il s'agit continuent à être rendus à des conditions uniformes ". "Continuent à être rendus de façon uniforme', cela veut dire, évidemment, l'interdiction de dépasser un tarif déjà agréé par une entente. L'article 24 tel qu'il existe ne permet pas au ministre ou au gouvernement de prendre des mesures bien identifiées. Ce que nous faisons tout simplement — comme je l'ai dit dans le texte ce matin — c'est que nous demandons, par cet amendement, d'être en mesure de réaliser l'objectif déjà visé par l'article 24 actuel.

Je vais peut-être demander au président de la régie, soit de poser des questions ou de faire des commentaires généraux.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Le président de la régie.

Mme Lavoie-Roux: Non. Allez-y.

M. Lazure: Je voulais tout simplement faire la remarque suivante. Dans la loi actuelle, c'est déjà inscrit que toute personne qui réside au Québec doit être inscrite à la régie. C'est dans la loi actuelle. Ce qu'on fait avec la modification, c'est qu'on dit qu'au lieu de dire: "doit être inscrit", on dit: "doit s'inscrire", parce que c'est une obligation qui existe déjà.

On a parlé tantôt des sondages. C'est un article en particulier. Le Dr Hamel, comme mem- bre de la régie, est au courant qu'il se fait des sondages depuis 1971, que les sondages se font à un rythme de 7000 par semaine et qu'on pense que cela fait partie d'une saine administration de vérifier si les services facturés à la régie ont été bel et bien rendus.

Et nous avons environ 150 fois par année des gens qui nous disent qu'ils n'ont jamais reçu les services que l'on a payés. Alors, dans la loi, ce qu'on inscrit, c'est tout un fondement juridique à ce qui se fait actuellement, à ce qui se fait depuis le tout début de la régie en 1971.

On a parlé du comité de révision comme d'un comité de la régie et que la régie va prendre le contrôle du comité de révision. Je pense que je n'ai pas besoin de l'expliquer, mais vous pourriez demander aux conseillers juridiques qui vous entourent. Le comité de révision n'est pas un comité de la régie. Le comité de révision est un comité du ministre des Affaires sociales. Je pense que la peur que vous avez, c'est que cela soit des non-docteurs. Il y a six médecins sur sept au comité de révision. Le septième est déjà nommé par l'Office des professions dans la loi actuelle. On ne fait que préciser que celui qui est nommé par l'Office des professions est un membre du Barreau. Il y a déjà dans la loi actuelle un membre nommé par l'Office des professions. On dit que ce membre sera un membre en règle du Barreau. Cela reste un comité de pairs. Il y en a un dont vous pouvez avoir peur. C est celui qui est nommé par la régie. On ne lui a pas donné le droit de vote. Je pense qu'encore là il y a des craintes qui sont plus ou moins justifiées. Les autres membres ne sont pas nommés par la régie. Ils sont nommés d'après des listes fournies par la fédération et par la corporation professionnelle. Encore une fois, c'est un comité qui relève non pas de la régie, mais qui relève du ministre des Affaires sociales.

Quand on introduit "médicalement requis" ou "requis au point de vue médical, dentaire et optométrique", cela n'a pas été fait au hasard. Cela a été fait à la demande des comités qui nous retournaient des dossiers en nous disant: On est d'accord que c'est abusif. On est d'accord que c'est injustifié. 125 injections dans une journée, on trouve que c'est pas mal fort, mais on pense que c'était médicalement non requis. Or, non médicalement non requis, ce n'est pas un service assuré. Un service assuré, c'est encore là écrit dans la loi, c'est un service qui est médicalement requis.

Or, le comité nous disant que c'est un service médicalement non requis, un service non assuré, ce n'est pas de notre juridiction. Ce n'est pas un service qui entre dans la Loi de la régie. Ce n'est pas de notre juridiction. Il nous retourne le dossier.

Et en passant, vous êtes probablement au courant qu'un comité de révision, pour rendre non pas une décision, mais une recommandation puisqu'on est sur les comités de révision, je les ai un par un. Je peux vous les donner. Je peux vous donner les dates. C'est un léger délai qui varie entre 10 et 36 mois pour étudier un cas.

L'immunité qui avait été demandée et qui a

été donnée dans la loi, c'est l'immunité qui avait également été demandée par les comités de révision eux-mêmes. Que le membre nommé par l'Office des professions soit un avocat, cela nous a été recommandé par un des comités de révision. Il y a eu trois études de faites sur les comités de révision, trois rapports qui ont été faits. Dans les trois rapports, on nous recommande que ce qui est requis au point de vue médical, optométrique, dentaire, pharmaceutique, fasse partie du mandat du comité.

Je vais prendre une recommandation no 9 d'un des comités. Que les comités de révision soient habilités à déterminer, sur la base des fréquences abusives injustifiées observées par la régie, si dans leur ensemble, les services assurés que rendent les professionnels de la santé sont requis au point de vue médical, dentaire, optométrique ou autres.

C'est un comité qui a fait rapport au mois de mars, le 31 mars 1976. Il y a eu, à la suite de cela, un deuxième rapport, qui nous recommande encore la même chose. Il y a eu, à la suite de cela, une étude, qui a été faite par un professeur de droit de l'Université de Montréal, qui est du 5 octobre 1976 et qui conclut — c'est une étude de 65 pages exactement — qu'en d'autres termes des services qui sont dispensés de façon abusive ou injustifiée devraient donc être des services non requis au point de vue médical. Alors, le "médicalement non requis, abusif ou injustifié", cela ne change absolument rien à la qualité parce que plus loin, il explique qu'on peut donner 125 injections, chacune a été donnée de façon parfaite, une très bonne qualité d'injection, avec la meilleure aiguille et ne pas faire mal au patient et à la bonne place, sauf que c'est médicalement non requis. Alors, la qualité n'est pas dans le rôle des comités de révision. Je précise encore une fois que le comité de révision n'est pas un comité de la régie, c'est un comité qui est en dehors de la régie. Il y a peut-être un autre petit commentaire. Quand on parle de carte d'assurance-maladie, vous parlez de carnet de santé. Est-ce que c'est un terme qui vient de la CSN directement ou si vous avez autre chose à l'esprit?

M. Marquis (Jean-Claude): Le carnet de réclamation des bénéficiaires de l'aide sociale.

M. Lazure: D'accord.

M. le Président, pour conclure, je répète encore une fois que nous n'avons jamais caché le fait que ces amendements, certains de ces amendements vont avoir pour effet de contrôler de façon un peu plus serrée la dispensation de services qui sont assurés. Je rappelle qu'il y a des sommes importantes. Le déboursé total cette année, au 31 mars 1979, pour les honoraires professionnels va se chiffrer à un peu plus de $700 millions. Il me semble qu'il est tout à fait normal que nous voulions mettre un terme à des bus. Cela demeure le fait d'une très petite minorité de professionnels, j'en conviens, mais quand un médecin réclame pour 200 examens réalisés en une journée, dont le tiers sont des examens complets alors que la durée moyenne de l'examen complet est de 45 minutes, je pense qu'il faut resserrer nos contrôles, il faut resserrer l'ensemble des dispositions de cette loi. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier les groupes qui sont présentement devant nous et qui ont présenté un mémoire finalement très étoffé et très bien organisé du point de vue de sa présentation.

Je pense qu'ils soulèvent plusieurs questions pertinentes, entre autres, par exemple, la possibilité de poursuites pénales envers l'omnipraticien ou le professionnel de la santé. Il y a également la question du fait que le projet de loi 84 soustrait toute possibilité de moyens de pression et le fait, par exemple, qu'ils ne puissent plus ne pas participer. Les moyens de désengagement et de non-participation qui sont prévus, normalement, à ce moment-ci, se trouvent restreints ou enlevés. Les professionnels eux-mêmes soulèvent tout le problème des soins de santé à donner à la population et de quelle façon on peut, dans une négociation, ou dans une signature d'entente, le faire d'une façon civilisée. Je me demande si le ministre serait prêt, également, à enlever tout moyen de pression aux autres personnels syndiqués à l'intérieur des hôpitaux. Je pense que la question demeure fondamentale. C'est toute la question des services dans les hôpitaux, les services de santé, est-ce qu'il y a droit de grève ou s'il n'y a pas de droit de grève? On sait qu'à ce moment-ci ce sont quand même des formes de pression raisonnables et je pense qu'elles ont été utilisées dans le cas des dentistes de façon qu'il n'enlevait quand même pas toute possibilité de services de santé aux malades, alors qu'on a vu des situations où les malades se sont trouvés, à toutes fins utiles, à l'occasion d'autres litiges ou d'autres conflits, privés de soins de santé. (12 h 15)

Ma question à ce moment-ci ne s'adresse pas tellement aux groupes qui sont devant nous, comme au ministre lui-même. Comment prévoit-il que les différents professionnels de la santé pourront quand même faire valoir leurs revendications puisqu'il faut, en fin de compte, qu'ils signent une entente qui comporte deux parties, et que, de part et d'autre, chacun... Evidemment, le gouvernement peut toujours agir d'autorité, mais, dans une négociation, il reste qu'il y a quand même des règles de jeu élémentaires à observer. Il semble bien, selon la perception qu'en ont ces professionnels de la santé, également la perception qu'on peut en avoir nous-mêmes, que ces moyens de pression n'existent plus et que, finalement, le gouvernement peut toujours agir et agit à toutes fins utiles, d'autorité, dans un cas comme celui-là.

M. Lazure: M. le Président, si vous permettez, je vais essayer de répondre à la question du député de L'Acadie.

Encore une fois, de façon bien sérieuse et bien sereine, nous maintenons que l'article 24 actuel, de la loi, qui est là depuis un bon bout de temps, qui a été introduit par un gouvernement antérieur, un gouvernement du Parti libéral, a pour effet, si le législateur s'en sert, si le gouvernement veut s'en servir, de prendre un groupe de professionnels qui est non participant et de le rendre participant et désengagé. Je pense que personne ne va contester cette interprétation de l'article 24 actuel.

Donc, sur le fond, nous ne changeons pas l'article 24. Nous ne faisons que préciser les moyens d'action qui sont restés trop vagues dans le texte actuel.

M. Hamel: C'est faux, M. le ministre.

M. Lazure: Vous pourrez répondre tantôt, mais plutôt que de l'entendre d'en arrière ou d'en avant, j'aimerais bien entendre l'ex-ministre des Affaires sociales donner sa propre interprétation de l'article 24 actuel. C'est l'interprétation que nous avons eue maintes et maintes fois, non seulement de notre contentieux, mais du comité de législation du gouvernement. Vous dites que cela enlève le droit de grève, ce n'est pas exact de dire que notre article 24 nouveau va enlever le droit de grève...

Mme Lavoie-Roux: Un des moyens de pression, peut-être pas vraiment de grève.

M. Lazure: Cela peut enlever un des nombreux moyens de pression qu'un groupe professionnel peut avoir. Bien sûr, bien sûr. Mais il faut comprendre pourquoi nous voulons l'enlever, ce moyen de pression. Nous voulons l'enlever, parce que nous trouvons inéquitable, c'est la première fois que j'utilise un gros mot, Dr Hamel, vous en avez utilisé plusieurs tout au long de votre mémoire, mais nous trouvons inéquitable qu'un citoyen ou une citoyenne, au moment où des moyens de pression sont exercés par des professionnels, ait à payer un tarif plus élevé que le tarif prévu dans une entente, comme cela peut être fait, si on ne change pas le texte actuel.

Nous trouvons inéquitable aussi qu'un ensemble de citoyens dans une région du Québec soit privé trop longtemps d'un service assuré et payé par les deniers publics. Je comprends qu'il y a une appréciation, une valeur de jugement dans les mots "trop longtemps", mais jusqu'ici ces appréciations, ce sont les gens élus qui ont le devoir de la faire, l'appréciation. Mais il y a d'autres moyens de pression qu'un professionnel peut exercer, à savoir fermer son bureau, quitter, aller en vacances, il y a plusieurs moyens de pression qu'un professionnel peut exercer, sans pénaliser au plan individuel.

Il s'agit bien de non-participation qui prend une envergure, si vous voulez, régionale ou nationale et qui, de toute évidence, est concertée et qui compromet la quantité et la qualité de services rendus. Il ne s'agit pas d'une non-participation sur une base individuelle.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: D'après le ministre, les modifications qu'il apporte, si c'était couvert par l'article 24 antérieur, servent à quoi, finalement?

M. Lazure: Elles servent à préciser les moyens d action, parce que, dans l'article 24 actuel, vers la fin du texte, on dit: "II doit aussi, à compter de la publication de l'avis, prendre les mesures spéciales qu'il estime nécessaires. '

C'était trop vague. Dans le texte actuel... "... et qu'il est autorisé à adopter en vertu de la loi". Or, dans la loi, il n'y en a pas actuellement. C'est cela qu on veut préciser. Quand on regarde notre texte, à la page 25 de notre projet de loi, on spécifie: "Après publication, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, décréter, pour une période qu'il détermine..."

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, excusez-moi. J'avais mal compris. Je pensais qu'on procédait tout de suite aux questions. Il me semble que le ministre avait dit qu'il voulait d'abord avoir des commentaires généraux, quitte ensuite à procéder chapitre par chapitre. Je vois que je me suis lancée dans les questions.

Mes remarques générales, je n'en avais pas, sauf pour dire qu il y avait beaucoup de points qui étaient soulevés par les groupes qui sont ici. Je pense qu'il faudrait peut-être les reprendre chapitre par chapitre. Je peux attendre qu'on fasse le tour.

Le Président (M. Jolivet): Comme vous voulez. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Très brièvement. Je m étais justement dirigé pour entrer dans les détails des questions, sans avoir un commentaire trop élaboré au départ. Je voudrais, bien sûr, remercier les groupes qui se sont présentés, les quatre groupes qu on rencontre ce matin. Je suis assuré qu'on leur donnera tout le temps voulu, étant donné qu'ils ont décidé de se regrouper et qu'il ne restera que quatre autres groupes à recevoir ce soir, après huit heures. Il est bien sûr qu'on pourra passer une partie de la journée avec ces quatre premiers groupes qui représentent la moitié des gens qui viennent ici, afin qu'on ait d'eux toute l'information qui est nécessaire.

Le ministre a parlé tout à l'heure avec son adjoint. Je serais fortement intéressé, au départ, à savoir du ministre pourquoi son projet de loi est venu. Est-ce que c'était un taux important d'insatisfaction qu'il y avait dans ce secteur de la santé? Est-ce que cela a été comparé avec le taux de certains autres professionnels, par exemple? Est-ce qu'on peut dire que le Québec, dans de nombreux sondages que le ministre peut faire, est-ce qu on a senti, dans ces quatre secteurs particuliers, un taux d'insatisfaction assez important pour permettre au ministre d'intervenir avec une loi comme celle-là?

M. Lazure: Un taux d'insatisfaction chez les professionnels, vous voulez dire?

M. Grenier: Non, chez le public. M. Lazure: Auprès du public? M. Grenier: Oui.

M. Lazure: Ecoutez. Il y a quelque temps, la Presse titrait, en première page — si on me permet de retracer la coupure — en date du mercredi 13 septembre 1978: "Québec et la santé. $50 millions vont à des inconnus."

Le fait que l'inscription ne soit pas obligatoire, d'une part, et deuxièmement, que le port et la présentation de la carte ne soient pas obligatoires, ces deux faits concourent à créer des situations où, que ce soit dans 15% ou 20%, peu importe, du nombre d'individus qui se présentent, sans carte, chez un médecin ou à la clinique dans un hôpital et qui disent: Je m'appelle Jean Lebrun, j'habite telle rue, telle adresse... Ces deux faits concourent à ce qu'il y ait des fraudeurs. Combien? On ne le sait pas. L'article le dit très bien d'ailleurs. C'est un article de Nicole Beauchamp de la Presse. Est-ce que c'est 7% ou 8% de ce 15%? C'est une estimation que nous faisons.

Quand un bénéficiaire d'un centre d'accueil se présente pour des soins sans avoir sa carte, Dr Hamel, on n'a jamais prétendu qu'il pouvait être un fraudeur. Je pense que vous défoncez une porte ouverte quand vous dites cela dans votre mémoire.

M. Hamel: Cela ne fait pas partie des $50 millions.

M. Lazure: Nous faisons la distinction, si vous vous rappelez l'article en question. Le montant de $50 millions est décomposé en deux parties. Une partie X, qui résulte des frais d'honoraires payés à des non-fraudeurs, mais à des gens qui n'ont pas leur carte. La partie Y, à côté, qui est constituée, selon l'estimation de Nicole Beauchamp et qui concorde avec l'estimation de la régie, d'une autre partie, peut-être 25% ou 30%, qui consiste à payer pour un citoyen américain qui habite près des frontières, par exemple dans les Cantons de l'Est. Ce ne sont pas des choses inconcevables, ce sont des choses qui arrivent continuellement.

Pour revenir à la question du député de Mégantic-Compton, ce n'est pas tellement l'insatisfaction des bénéficiaires, mais c'est un besoin, suite à des articles comme cela et aux propres constatations de la régie, de resserrer des contrôles. Je répète que la plupart des provinces — on a le relevé ici province par province — ont dans leur législation l'obligation de s'inscrire et de présenter la carte. Ce n'est rien de nouveau, ce qu'on présente aujourd'hui.

M. Grenier: M. le Président, c'est ma dernière observation générale. Je ne sais pas si cela prenait une loi aussi importante pour régler un point aussi précis que cela de quelques individus qui pouvaient, apparemment, être des hors-la-loi. Je me demande si ce n'est pas un peu un bâton de baseball qui tue une mouche, ce qu'on a ce matin, si on n'est pas venu là-dessus, comme on l'a fait, par exemple, quand on a décidé d'imposer une taxe sur le linge des enfants, alors qu'on avait décidé que c'était les infirmes, en fait, les gens de petite taille qui étaient les profiteurs. On s'est dépêché, un mois après, d'enlever cette taxe, parce que cela ne semblait plus important un mois après.

M. Lazure: Ce n'est pas vraiment drôle.

M. Grenier: Ne pensez-vous pas, M. le Président, que cette loi, pour corriger certaines erreurs qui peuvent arriver et qui arrivent au niveau de l'adoption de chacune des lois, est vraiment un peu forte?

M. Lazure: Dr Laberge, voulez-vous...

Peut-être que je pourrais apporter un commentaire sur la carte. On a eu, durant des années consécutives, des représentations du Vérificateur général de la province qui nous disait: Nous croyons que le contrôlé exercé sur les services assurés facturés serait grandement amélioré s'il devenait obligatoire de présenter la carte d'assurance-maladie pour recevoir gratuitement les services requis. C'est le 31 mars 1977.

Au 31 mars 1978, on a: L'absence du numéro d assurance-maladie sur le relevé d'honoraires rend de plus en plus difficile l'identification du bénéficiaire et contribue à rendre moins efficaces plusieurs mécanismes de vérification. On a fait le tour des différentes provinces canadiennes. En Al-berta, les résidents doivent s'inscrire et ils doivent présenter leur carte pour recevoir des services. En Colombie-Britannique, ils doivent également s'inscrire — c'est un régime à prime — et le résident doit présenter sa carte, c'est-à-dire le reçu de sa prime. L'lle-du-Prince-Edouard émet une carte à chaque résident de plus de seize ans. Il doit présenter sa carte. Au Manitoba, il doit également s'inscrire, prouver qu'il est admissible et il doit présenter sa carte avant qu'on exige le paiement. C'est la même chose au Nouveau-Brunswick. C'est la même chose dans toutes les provinces canadiennes à l'exception du Québec.

L'autre raison à laquelle le ministre des Affaires sociales faisait allusion, c'est que, dans un des rapports du Vérificateur, c'était 36% de gens qui n'avaient pas de carte, par échantillonnage.

Dans un autre rapport qui a été fait après, alors qu'on a fait des campagnes de publicité ou d'information auprès des professionnels et auprès de la population, on est tombé à 15% de gens — c'est en janvier 1978 — qui n'avaient pas de carte. Sur les 15%, on disait que la régie paie mensuellement $4 142 000 pour le compte de personnes qu'elle ne peut identifier. On ne sait pas si ce sont des Québécois ou non.

Mensuellement. On a ensuite des problèmes avec les profils de dispensation et les profils de

consommation. Si on veut faire des profils de consommation, on pense que les gens surconsomment, mais on ne sait pas qui surconsomme. On sait qu'on a payé, mais on ne sait pas à qui.

C'est la même chose pour ce dont on parlait tantôt, la vérification des services rendus. Je dis qu'on envoie 7000 lettres par semaine à des bénéficiaires leur demandant si tel ou tel service a été rendu à telle date par tel professionnel. C'est important d'avoir une carte pour être sûr qu'on envoie ces lettres au bon bénéficiaire.

C'est la même chose pour un article dans la loi qui avait été voté à l'automne, en décembre 1973 ou 1974, de faire parvenir à chaque Québécois un état des services payés. On n'inscrit pas le nom de la maladie ou la nature de la maladie, mais on envoie l'état des services payés au cours d'une année avec le nom du bénéficiaire, le nom des professionnels — c'est inscrit dans la loi — et le montant total payés pour eux.

Si on a 15% ou 20% de gens qui n'ont pas de carte d'assurance-maladie, c'est assez difficile de le donner ou de le donner complètement. (12 h 30)

II y a également des règlements qui sont prévus au paragraphe o), par voie de règlement. On va prendre l'exemple d'un nouveau-né, on n'exigera pas de carte, il n'a pas de carte. Dans les cas d'urgence, peu importe où ils se produisent, on n'exigera pas de carte, on va commencer par les soigner. On paie et on reviendra sur nos...

Pour revenir à la question du député de Mégantic-Compton, il dit: Est-ce qu'on ne se sert pas d'un bulldozer pour écraser une mouche? On l'a dit à plusieurs reprises, je l'ai dit dans mes remarques ce matin, il s'agit d'un projet de loi relativement modeste. C'est précisément parce qu'il est relativement modeste, comme le constate le député de Mégantic-Compton, que nous avions dit au début que nous ne voyions pas la nécessité d'avoir une commission parlementaire. D'ailleurs, peu de groupes l'ont demandée, finalement, cette commission parlementaire.

Je répète qu'il y a quand même, à part de la carte, toute une série de nouvelles dispositions relativement modestes, mais qui sont importantes. Par exemple, la répartition des professionnels de la santé. Il y a, découlant des ententes avec les médecins, un mécanisme de comité paritaire qui établit les régions éloignées où on manque de médecins. Ce comité paritaire, c'est entendu, il y avait une certaine somme de réservée lors des dernières négociations pour défrayer ce qu'on appelle des primes d'encouragement à aller dans des régions éloignées. Ceci n'était pas assis, si vous voulez, sur un fondement légal. Nous profitons de cette série d'amendements pour introduire cette prime d'encouragement.

Il y a aussi la signature, par le professionnel, de son relevé d'honoraires. Le professionnel, actuellement, n'est pas obligé de signer son relevé d'honoraires. Or, il arrive, encore une fois, dans des contestations judiciaires, que la régie ne puisse pas aller jusqu'au bout de sa contestation parce que la secrétaire ou l'infirmière a signé le relevé d'honoraires et le médecin n'est pas tenu responsable, ou le professionnel n'est pas tenu responsable. Alors, il s'agit d'une série de dispositions pour améliorer le fonctionnement actuel de la régie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton, avez-vous terminé?

M. Grenier: Oui, d'accord, je reviendrai.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Alfred: M. le Président, j'avais voulu au début commenter un peu le préambule de Mme le député de L'Acadie, mais j'en passe. Cependant, je ne peux pas ne pas m'inquiéter de la compréhension que le député de Mégantic-Compton fait du mot "contrôle". Je ne comprends pas non plus, d'une part, que l'Union Nationale nous demande de contrôler tout le temps quand il s'agit des organismes étatiques et, quand nous prenons des dispositions pour exercer un certain contrôle au sens administratif du terme, qu'elle nous dise que nous ne devons pas le faire. Je ne comprends pas la contradiction qui existe chez les représentants de l'Union Nationale. Quand nous contrôlons, ils nous accusent, quand on ne le fait pas, ils nous accusent de ne pas le faire. Je relevais, par exemple, dans le mémoire d'un représentant, des termes qui me font frémir tant ces termes démontrent... Je crois même assister à un drame raci-nien...

Mme Lavoie-Roux: Un drame racinien.

M. Alfred: Je relève: incertitude psychologique, instabilité financière, inopportun, injuste, inéquitable, inacceptable, indécent, et j'en passe. Cette prolifération même de ce vocabulaire démontre, effectivement, la divergence qui existe entre vous et le gouvernement. Est-ce qu'un vocabulaire plus scientifique, plus adapté ne nous permettrait pas d'avoir un meilleur dialogue?

M. Hamel: J'aimerais répondre à ceci...

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

M. Hamel: ...

M. Alfred: Est-ce que je...

Le Président (M. Jolivet): M. Hamel.

M. Hamel: Je vais répondre. En ce qui concerne le vocabulaire, si vous lisez, à la page 5 du document qui a été présenté ce matin par le ministre des Affaires sociales, on dit: "On l'aura compris, l'un des principaux objectifs de ce projet de loi est de resserrer les contrôles administratifs de la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin de mettre un terme à la hausse injustifiée des coûts de services de santé et au gaspillage éhonté

des fonds publics". Si vous voulez avoir des statistiques scientifiques, j'en ai ici tout un volume et j'aimerais que quelqu'un aille lui porter le document de notre congrès. Vous verrez à la page 61 que le coût des services médicaux au Québec de 1972 à 1976 représente une diminution constante du pourcentage du coût de ces services médicaux par rapport à l'ensemble des dépenses du secteur de santé et par rapport aussi au produit intérieur brut.

Donc, la croissance des coûts des services médicaux, en particulier, croît beaucoup plus lentement que le produit intérieur brut, malgré que la croissance des effectifs soit beaucoup plus rapide, même qu'ils croissent dix fois plus rapidement, actuellement, ces années-ci, que la population. Il n'y a absolument aucune justification à parler du coût des services de santé... de hausse injustifiée et de gaspillage éhonté. C'est de la véritable démagogie. C'est faux, tout à fait faux. Il n'y a aucun fondement scientifique, aucune statistique à l'appui. On peut s'échanger des statistiques, il n'y en a pas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, sur la question des abus, nous en avons entendu quelques mots de la part du président de la régie. N'avez-vous pas, maintenant, des moyens de contrôler les abus, avec le projet de loi actuel? Vous m'avez donné l'exemple de 200 examens dans la même journée. Vous n'avez pas actuellement les moyens de contrôler cette forme d'abus?

M. Lazure: Nous en avons évidemment. Mais il y en a un certain nombre qui ont besoin d'être resserrés. Je vais laisser le président de la régie donner des exemples.

Je voulais terminer avec ma carte, je répondrai à votre question ensuite.

Au cours d'une réunion des membres de la régie le 3 octobre 1978, il a été proposé et résolu à l'unanimité que la carte d'assurance-maladie devienne obligatoire.

A—Qu'un bénéficiaire soit tenu de présenter sa carte d'assurance-maladie à un professionnel de la santé, pour obtenir gratuitement les services assurés;

B—Que les exceptions à cette obligation soient prévues par règlement;

C—Qu'un bénéficiaire ne soit pas pénalisé, s'il n'a pas sa carte d'assurance-maladie, à la condition qu'il fasse la preuve de son admissibilité;

D—Qu'un délai de six mois soit alloué à la régie avant de rendre la carte obligatoire, de façon que la publicité adéquate puisse se faire auprès de la population.

M. Shaw: Je vais vous poser des questions sur la carte tantôt, mais je viens de vous poser une question précise, sur les abus. Il est évident que la base des gros changements de ce projet de loi est impliquée dans les abus. Commençons avec une vérité. Est-ce que vous avez les moyens, maintenant, avec tous les comités de révision et tous les autres comités de contrôle, de régler ces abus?

M. Lazure: II faudrait être très clair, c'était un peu mêlé dans le document qu'on a entendu tantôt. Les cas de fraude ne vont pas au comité d'appréciation. Ce n'est pas à ce comité de décider s'il y a fraude ou non. Les cas de fraude également, services non assurés — que j'ai mentionnés — ou services non rendus, des services qui nous sont facturés et n'ont pas été rendus, cela ne va pas non plus ni au comité d'appréciation ni au comité de révision, qui sont les organismes en place actuellement.

Il faut procéder par voie d'enquête, faire l'enquête et poursuivre le professionnel en cause.

M. Shaw: Mais vous avez des moyens, maintenant?

M. Lazure: On a des moyens qui sont assez difficiles à utiliser maintenant. On a des cas précis et on peut vous en citer beaucoup...

M. Shaw: Je n'en veux qu'un pour démontrer que ces gros changements dans le projet de loi sont demandés.

M. Lazure: Je vais prendre un exemple en pharmacie. Il n'y a pas longtemps, on a décidé d'envoyer des pharmaciens chez les bénéficiaires avec l'enquêteur, pour s'assurer que le médicament reçu par le bénéficiaire, pour lequel la régie a payé, c'est le même médicament.

Dans les 18 premiers cas, ce n'était pas le même médicament. C'était un médicament moins dispendieux et un médicament plus dispendieux facturé à la régie. Il y a $1 ou $2 de différence. Si on en accumule 25, cela fait $50. Est-ce qu'on va faire une cause en cour pour $50?

M. Shaw: Vous avez des moyens pour chercher ces informations, maintenant? Vous venez de le démontrer. Avez-vous un cas qui peut démontrer que vous n'avez pas ces moyens?

M. Lazure: On a parlé tantôt de la signature. Je ne sais pas si...

M. Shaw: Oui, la signature.

M. Lazure: On demande au médecin de signer. On a eu des cas où les services n'ont pas été facturés et il y a des cas où c'est un mandataire qui signe pour le professionnel. C'est la majorité. Il y a des cas où cela peut être un comptable ou une infirmière, mais il y a également des cas où c'est l'épouse du médecin qui va signer ce relevé d'honoraires.

Dans le cas d'un médecin qui nous facturait un examen complet sur un mort — cela faisait neuf mois qu'il était mort — on est allé en cour et, en cour, le médecin a dit: Ce n'est pas moi qui ai signé le relevé d'honoraires. Je m'excuse. Et le

juge l'a acquitté tout simplement. Alors, si ce sont là nos moyens, on va laisser faire.

M. Shaw: Mais vous pouvez faire ce règlement plus serré, c'est-à-dire le droit de signer sans enlever le droit...

M. Lazure: C'est ce qu'il y a dans la loi.

M. Shaw: ... mais, maintenant, vous insistez sur la signature du professionnel lui-même. A la fin de la journée, il va signer...

M. Lazure: Regardez...

M. Shaw: Je veux continuer. Peut-être qu'on peut resserrer cette section, mais vous avez maintenant une nouvelle commission d'enquête de la régie qui peut décider de la qualité du service dans une...

M. Lazure: Non. Il n'y a pas de commission d'enquête de la régie; vous parlez peut-être de la Commission des affaires sociales.

M. Shaw: Non. Je parle...

M. Lazure: Elle ne décide pas de la qualité non plus. C'est le rôle des corporations.

M. Shaw: ... de la commission de révision qui a maintenant un pouvoir.

M. Lazure: Je vous ai dit au début que les comités de révision n'ont pas à se prononcer sur la fausseté d'écrits, sur la fraude, sur les actes facturés non rendus et sur les services non assurés. Le comité de révision ne se prononce pas là-dessus. Le comité de révision se prononce sur les profils aberrants des actes injustifiés et on a ajouté, cette année, des actes médicalement non requis ou non requis au point de vue optométrique, dentaire, pharmaceutique.

M. Shaw: Mais cela n'implique pas un jugement de qualité de service.

M. Lazure: Non. Ces gens ne rendent même pas une décision. Ils font une recommandation. On avait suggéré au début que les comités de révision rendent une décision. Les comités de révision ont dit non parce qu'ils devenaient des tribunaux judiciaires. Ils font une recommandation, mais non pas dans le sens ou sur les points que vous avez soulevés, et la recommandation...

M. Shaw: Peut-être que je peux poser la même question au Dr Hamel parce qu'il est impliqué.

M. Lazure: Oui.

M. Shaw: Croyez-vous qu'avec ce pouvoir, c'est une "peer review ' du comité de révision, parce qu'on parle des actes non requis. On parle de 125 injections. Peut-être que c'est un allergiste qui est impliqué et 125 dans une journée, ce n'est pas un nombre trop élevé. Alors, est-ce une question... à votre avis?

M. Hamel: La régie possède actuellement, par I'intermédiaire du comité de révision actuel et par sa juridiction, les moyens suffisants pour réviser des cas d'abus du genre de ceux dont on discute ou qu'on présente. Un médecin qui aurait traité 200 malades dans une journée, son cas peut être étudié au comité de révision et des décisions peuvent être prises, sauf que les comités de révision, antérieurement, n'ont pas fonctionné de façon satisfaisante pour des raisons qui ne sont reliées en aucune façon à la question de prouver la nécessité médicale. Au contraire.

Si on ajoute à la juridiction des comités de révision la juridiction d'évaluer la nécessité médicale, le médicalement requis on va rendre leur travail presque impossible parce que l'expérience a prouvé, au niveau de la Commission des affaires sociales, lorsqu'il s'agit de prouver que l'acte n'est pas médicalement requis, les jugements jusqu'à maintenant ont été favorables aux médecins et non pas à la commission. Cela va rendre la tâche beaucoup plus difficile, d'une part. (12 h 45)

Mais avec les pouvoirs qu'ils ont actuellement, ils peuvent le faire, sauf qu'il manquait certains points. Par exemple, l'immunité. L'immunité, c'était important. Ce sont des choses qu'on a demandées. On est en faveur de l'immunité, mais on n'est pas en faveur, ni les corporations et tout à l'heure je pense que les corporations vont s'étendre longuement sur cette question... Je préfère d'ailleurs leur laisser en discuter, parce que cela relève d'elles. Il faut bien comprendre qu'actuellement lorsqu'on accorde au comité de révision une juridiction sur l'évaluation de la nécessité médicale, compte tenu du fait que la régie n'est pas liée par la recommandation du comité de révision, elle peut décider ce qu'elle veut. La régie peut décider ce qu'elle veut en matière médicale. Parce qu'il faut bien comprendre qu'un acte médical a une composante économique et une composante professionnelle. Si on veut l'évaluer non pas en fonction des aspects économiques, mais en fonction du "médicalement requis ", et si on donne en même temps des pouvoirs à la régie dans 18b, vous avez vu des pouvoirs de faire enquête, etc., à ce moment-là, on donne à la régie un pouvoir d'enquête sur la matière médicale, de juger l'évaluation de l'acte médical. A ce moment-là, la corporation perd sa juridiction dans le cadre de l'assurance-maladie. Ce n'est absolument pas nécessaire pour bien faire fonctionner le comité, actuellement. Il y a de petites améliorations à apporter, en particulier l'immunité, mais il n'y a absolument aucune raison de faire ce changement-là.

M. Lazure: Pour compléter, à la suite de la question du député de Pointe-Claire. Le Dr Hamel vient de l'admettre, c'est un exemple, justement, d'ajout, d'addition encore une fois, relativement modeste, qui va améliorer, d'ajouter l'immunité;

vous venez de le concéder vous-même, c'est une amélioration.

M. Hamel: Oui, on l'avait demandé.

M. Lazure: Deuxièmement, si vous le permettez, la Fédération des médecins spécialistes a recommandé, par écrit, d'ajouter à ce comité de révision un avocat, contrairement à la Fédération des omnipraticiens. Je l'ai dit dans mon texte ce matin, il y a quand même plusieurs divergences entre les deux fédérations. Nous pensons que le fait, d'introduire un avocat, désigné par l'Office des professions, améliore le rendement de ce comité de révision. Nous pensons que de donner l'immunité aux membres du comité de révision améliore le fonctionnement de ces comités.

M. Shaw: Mais vous avez donné un pouvoir de plus, c'est un pouvoir de juger la qualité des services. Est-ce que vous pouvez juger...

M. Lazure: Non, on ne juge pas la qualité. Non, on ne donne pas ce pouvoir.

M. Shaw: ... si c'est un traitement requis ou non? Alors, c'est un pouvoir, c'est évident.

M. Lazure: II n'y a pas de pouvoir de juger de la qualité. C'est le pouvoir de juger si l'acte rendu est un acte abusif ou injustifié. J'ai donné l'exemple de 125 injections sclérosantes dans la jambe d'une femme au cours d'une période de dix jours. On va leur dire: Est-ce que vous trouvez cela abusif ou injustifié? Ils vont dire nous pensons qu'elle n'en avait pas besoin de 125, nous pensons que c'était médicalement non requis.

M. Shaw: C'est un jugement impossible par un groupe... C'est un jugement impossible.

M. Lazure: Chaque injection peut avoir été faite de façon absolument adéquate. Il n'y a aucun reproche à faire à la façon dont l'injection a été faite. On pense que c'était médicalement non requis.

M. Shaw: Alors, vous n'avez pas d'autres moyens pour prendre la même décision, sans donner ce pouvoir à ce comité.

M. Lazure: On a refilé au comité, à ce moment donné, des injections de B-12 et des injections de fer. Il y avait des gens qui donnaient du fer de façon...

M. Shaw: A des patientes enceintes.

M. Lazure: D'accord, disons deux ou trois piqûres par semaine pendant plusieurs semaines, mais il y avait 50% de la clientèle qui recevait du fer. Chaque injection de fer était très bien donnée, la qualité de chacune était bonne. Sauf que le comité nous disait: On pense que c'était médicalement non requis. Si c'est médicalement non re- quis, ce n'est pas un service assuré. Dans la loi, on dit qu'un service assuré est un service requis au point de vue médical. Donc, si ce n'est pas un service assuré, le comité n'a pas à se prononcer dessus.

M. Shaw: Alors...

M. Lazure: Pour apporter une précision, dans le texte de loi actuel, on disait que la régie peut accepter la recommandation du comité. Elle peut l'accepter, donc, elle peut la refuser. On a mis: La régie décide. Parce que la Commission des affaires sociales aimerait ça que quelqu'un décide. Le comité préférait une recommandation à une décision. Le comité fait une recommandation, ce n'est pas un comité de la régie, je le répète encore. Sur sept personnes, il y a six professionnels. Sur le comité des médecins omnipraticiens, il y a six médecins sur sept, le septième est nommé par l'Office des professions. C'est déjà dans la loi, on a précisé que c'était un avocat.

Ils font une recommandation, mais il faut que quelqu'un décide. Alors, nous, au lieu de dire: Peut accepter la recommandation — il peut l'accepter ou la refuser, c'est une décision — on dit: "La régie décide, fait connaître sa décision dans les 30 jours". En passant, la décision du comité est toujours transmise à la corporation professionnelle et au professionnel concerné. J'ai vu que c'était une recommandation, mais on le fait toujours.

M. Shaw: Mais est-ce que vous attendez ces recommandations de la corporation professionnelle avant de transmettre une décision à la régie?

M. Lazure: Non.

M. Shaw: Alors, c'est évident que si vous avez un comité qui va transmettre la décision que vous aimez entendre, c'est bon. Mais si vous pouvez demander, en même temps, à une autre source d'information, comme la corporation professionnelle qui a des moyens d'étudier plus à fond la même question...

M. Lazure: Dans l'article de la loi, on a mis que le comité de révision peut consulter, s'il le juge nécessaire, la corporation professionnelle concernée.

M. Shaw: Alors, vous venez de dire que vous n'avez pas besoin d'une décision ou d'un voeu des pairs, concernant un acte médical, mais avec une décision de votre comité de révision, vous pouvez juger de leur part.

M. Lazure: Je vais essayer d'expliquer au député de Pointe-Claire. Le comité de révision est un comité de pairs. Dans le cas des omnipraticiens, le comité est composé de six omnipraticiens sur sept membres. Si ce n'est pas un comité de pairs, je ne sais pas ce que c'est un comité de pairs. Dans le cas des spécialistes, il est composé de six spécia-

listes sur sept. Mais encore une fois... Même chose pour les dentistes, pour les optométristes, les pharmaciens. C'est un ajout à la loi, on en crée un chez les pharmaciens, là où ça n'existait pas. Bon. Mais la qualité elle-même de l'acte professionnel, cette qualité, c est du ressort de chaque ordre. Ce n'est pas du ressort du comité de révision.

Le comité de révision juge, après analyse, d'un profil de pratique, juge si c'était conforme aux normes de pratique, pas sur la qualité de chaque acte en particulier. C'est du ressort de chaque professionnel.

M. Shaw: ... avez-vous maintenant l'obligation de contacter le professionnel impliqué avant de réduire...

M. Lazure: Je vais ajouter à la réponse du ministre des Affaires sociales. Si on prend le comité des médecins omnipraticiens, au bas de la page 31 du projet de loi 84, c'est écrit que le comité compend cinq médecins omnipraticiens, dont deux sont choisis parmi une liste d'au moins quatre noms fournie par la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Trois autres sont fournis par une liste d'au moins six noms fournis par la Fédération des médecins omnipraticiens. Ces personnes ne doivent pas occuper une charge élective ou une charge à temps plein au sein de la corporation ou de la fédération. Mais il y en a trois qui viennent de la Fédération des médecins omnipraticiens, deux qui viennent de la corporation professionnelle — donc, il y en a déjà cinq — et des deux autres membres, il y en a un qui est nommé par la régie sans droit de vote et l'autre est déjà nommé par l'Office des professions dans la loi actuelle. On précise que c'est un avocat, le septième membre.

Pour répondre à votre question de savoir ce qu'on fait des décisions, je vais vous dire qu'on n'a jamais refusé une décision d'un comité de révision. Vous allez me dire que ce n'est une garantie de rien. Chaque fois qu'on a une décision du comité de révision, on l'applique, mais chaque fois qu'on a une décision du comité de révision, on informe le professionnel, on informe la corporation et on informe la fédération.

Après cela, le professionnel est entendu au comité de révision. C'est marqué dans la loi, qu'il se fait entendre au comité de révision.

M. Shaw: Peut-être que je peux poser la même question au Dr Hamel, pour avoir des précisions de sa part.

M. Hamel: En premier lieu, il faudrait faire des distinctions entre la composition et la juridiction du comité. En ce qui concerne la composition, on se plait à dire qu'il y a cinq omnipraticiens sur le comité qui représentent les omnipraticiens, etc. On n'est pas contre le fait qu'il y ait cinq omnipraticiens sur un comité de pairs, sauf qu'on n'est pas d'accord qu'un conseiller juridique soit, à la fois un conseiller juridique et un membre du comité, il y a conflit dans les fonctions de ce conseiller juridique. Si on veut que ce soit un comité de pairs, d'une part, que ce soit composé seulement de médecins omnipraticiens ou de médecins spécialistes.

Deuxièmement, en ce qui concerne la juridiction de ce comité, dans la loi actuelle, on dit que ces services ont été dispensés de façon abusive ou injustifiée. Or, les pouvoirs qui existent dans la loi sont suffisants pour les membres du comité, pour juger si les services ont été dispensés de façon abusive ou injustifiée.

Sur un cas de 125 injections pour des varices, c'est très facile de porter un jugement. J'en parle d'autant plus à mon aise que j'ai siégé quatre ans, pour le régime d'assistance médicale, à un comité de révision. On a fait le travail rondement. Les décisions étaient prises, quand on avait à étudier un cas, dans un délai d'une semaine. On n'a jamais eu besoin de juger, pendant quatre années, à l'intérieur du service d'assistance médicale, si l'acte était médicalement nécessaire ou non. Nous étions capables de porter un jugement sur le caractère abusif ou injustifié.

Actuellement, ce qui est important, c'est qu'on ajoute, à la juridiction de ce comité, le pouvoir, supposément pour faciliter la tâche du comité, d'évaluer si l'acte est médicalement requis. C'est quand même jugé une matière médicale. C'est porter un jugement pour savoir si cet acte est médicalement requis. Il ne s'agit pas de savoir si c'est abusif. C'est bien sûr que cela peut être abusif, dans le cadre du régime, qu'un médecin fasse 200 visites à domicile par jour. Cela ne veut pas dire qu'il ne les a pas faites. Mais on peut, suivant des normes de pratique habituelles, déterminer que, même si l'acte pouvait être bon ou médicalement requis, c'est abusif quand même. Il faut faire une distinction entre la fréquence abusive et un acte qui est médicalement requis. Ceci est tellement vrai que, dans un cas justement de fréquence abusive de visites à domicile, les médecins membres d'un comité de révision ont fait les visites à domicile avec un médecin. Ils ont suivi le médecin de 5 heures, le matin, à minuit. On s'est aperçu que les visites à domicile étaient requises du point de vue médical et que, si on l'avait poursuivi sur le fondement que les services médicaux n'étaient pas requis, on aurait perdu la cause. C'était beaucoup plus facile de prétendre que les visites étaient abusives, en fonction de normes de pratiques, par analogie à d'autres normes de pratique.

Il faut étudier la balance des avantages et des inconvénients. D'une part, notre expérience, notre connaissance nous apprend qu'étendre la juridiction au médicalement requis n'aide pas du tout le comité de révision dans son travail et que c'est inutile.

D'autre part, comme inconvénient majeur, parce que les décisions de ce comité... Quand on se plait à dire que ce n'est pas un comité de la régie, sauf que les décisions de ce comité qui peuvent porter sur du médicalement requis, sont soumises à la discrétion de la régie ensuite, la régie peut suivre ou ne pas suivre la décision du comité de révision.

Si on ajoute aussi les pouvoirs d'enquête de la régie et les pouvoirs d'application et d'interprétation de l'entente, on se trouve, sur le plan juridique — il faudrait le demander à nos conseillers juridiques — à étendre la juridiction de la régie sur l'évaluation de la nécessité médicale. Si on veut faire des finasseries entre l'évaluation de la qualité de l'acte et l'évaluation de la nécessité médicale, vous comprenez bien que quand on dit à un médecin: Ton acte n'était pas nécessaire, on vient de juger de sa qualité aussi.

M. Lazure: M. le Président, seulement une rectification. Quand le Dr Hamel prétend qu'il y a conflit d'intérêts pour l'avocat qui est au sein du comité de révision, il a recours à un abus de langage encore une fois, parce que cet avocat n'est pas conseiller juridique de quiconque. Il n'est conseiller juridique de personne. Je ne sais pas où vous prenez votre idée qu'il est conseiller juridique, il ne l'est pas. C'est un avocat recommandé par l'Office des professions, nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, comme membre du comité de révision. Il n'est pas conseiller juridique. Laissez-moi terminer, je vous ai laissé terminer.

Deuxièmement, je pense que c'est ce genre d'argument qui sème la confusion et qui dramatise des choses qui n'ont pas à être dramatisées. Vous persistez à dire que c'est un comité de la régie, ce n'est pas un comité de la régie. Vous dites qu'en donnant tel pouvoir au comité, on donne tel pouvoir à la régie. Finalement, et c'est important, le comité de révision de la Fédération des médecins spécialistes a recommandé, non seulement la présence de l'avocat, mais aussi que le comité de révision ait juridiction sur ce qui est médicalement requis.

M. Hamel: Une dernière remarque, si vous permettez.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, mais comme il est 13 heures...

M. Grenier: Est-ce que vous pouvez vous permettre de la garder pendant l'heure du dîner?

Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je voulais... Habituellement, nous suspendons les travaux, puisqu'il est 13 heures. Nous allons continuer à 15 heures...

Une Voix: Je ne suis pas...

Le Président (M. Jolivet): Une minute. Nous allons revenir à 15 heures. Entre-temps, nous allons vérifier s'il est possible de changer de salle, mais je vous conseille d'abord de revenir ici avant, puisqu'on ne le saura qu'à ce moment. Quant au droit de parole, parce que le député de Pointe-Claire m'a fait signe qu'il n'avait pas terminé, je dois lui dire que ses premières vingt minutes sont cependant terminées. La parole sera au député de

Saint-Laurent. On pourra revenir à un autre tour de droit de parole.

Suspension de la séance à 13 h 1

Reprise de la séance à 15 h 10

Le Président (M. Jolivet): La commission des affaires sociales est réunie à nouveau pour continuer d'entendre les mémoires qui sont déposés devant elle, concernant le projet de loi 84.

Il y a une demande — et j'ai besoin du consentement — pour un changement. M. Lavigne (Beauharnois) est remplacé par M. Gagnon (Champlain). Est-ce que le consentement est acquis pour le changement de nom? Pas de problème? Donc, la parole était à M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais aller directement au premier chapitre du mémoire que nous avons entendu ce matin, le chapitre qui est intitulé: "Le sort des associations de professionnels de la santé", à la page 5 et qui se termine, aux pages 31 à 33, par une série de recommandations.

Il s'agit d'un ensemble de recommandations qui ont trait à ce que l'on pourrait qualifier de droits syndicaux face au pouvoir de gérance du ministre sur le régime d'assurance-maladie. Je pense qu'il est important de noter la préoccupation de ceux qui se sont exprimés ce matin, à savoir que la tradition qui a été édifiée au cours des huit dernières années au Québec soit respectée. Tradition à l'effet que certaines choses appartenaient à la négociation et que certaines autres appartenaient à la loi et au pouvoir de réglementation.

On pourrait, bien sûr, imaginer un régime d'assurance-maladie très différent de celui que nous avons où l'entente avec les différentes catégories de professionnels se résumerait en un document de cinq ou six pages, contenant à peine autre chose que le tarif et ses règles essentielles d'application, mais la tradition, encore une fois, en a voulu autrement. Nous avons des ententes qui sont, dans le fond, très complètes, qui touchent à peu près à tous les aspects de l'application du régime.

Dans le cas d'une tradition comme celle-là, il est légitime, je pense, pour les associations syndicales représentant les différentes catégories de professionnels de la santé, de se plaindre d'une modification unilatérale à ce qui était considéré comme des règles ordinaires de détermination de certaines questions.

Si je m'en rapporte aux différentes recommandations, il y a quelques questions que j'aimerais poser à nos invités, de manière à bien faire ressortir le sens de ces recommandations, pour être sûr que nous en voyons bien les raisons et les implications.

En premier lieu, il y a les articles 63 à 68 qui instaurent un régime d'incitation pour la pratique

dans certains lieux éloignés, dans certaines régions, et le mémoire que nous avons entendu ce matin nous dit que ces dispositions devraient être retranchées parce qu'elles sont inutiles puisque l'entente prévoit déjà d'ailleurs, non seulement l'entente des omnipraticiens, mais d'autres ententes prévoient déjà des dispositions contractuelles à cet effet.

A cela, le ministre nous a répondu que ces articles seraient requis pour légaliser des ententes. Ceci me pousse à poser deux questions, d'une part, au Dr Hamel ou à ses collègues.

Est-ce que, effectivement, au-delà de la réponse que vient de nous donner le ministre, le désir du ministre de voir cela dans la loi serait dû à une difficulté ou à un échec d'efforts de négociation portant sur un tel sujet, et je serais curieux de savoir du ministre s'il est vraiment nécessaire, advenant qu'il n'y ait pas eu d'échec dans ces négociations, d'avoir des articles aussi nombreux, étant donné que déjà, la loi dans son article 15, prévoit que les ententes, sans restriction, quelle que soit leur nature, quels que soient les sujets sur lesquels elles portent, lient la régie et par conséquent, trouvent un effet juridique par le biais de l'article 15, sans nécessiter ces articles.

En premier lieu, Dr Hamel, s'il vous plaît!

M. Hamel: Je vais laisser répondre Me La-chapelle, si vous permettez, à cette question. Me Raymond Lachapelle va répondre à votre question.

M. Lachapelle (Raymond): Dans l'entente des professionnels de la santé et plus particulièrement dans celle des omnipraticiens, que je prendrai à titre d'exemple — je m'excuse, je vais essayer de parler plus fort encore pour enterrer cette machine... (15 h 15)

M. Forget: II n'a pas de micro en plus de cela.

Mme Lavoie-Roux: II n'a pas de micro et il a la machine sur la tête.

M. Forget: Nos invités n'ont pas de micros.

M. Lachapelle: Je disais qu'il y a des dispositions spécifiques dans les ententes avec les professionnels de la santé, notamment dans celle avec les omnipraticiens. Je parle de cette dernière à titre d'exemple et aussi parce que, de par mes fonctions, j'en ai une connaissance plus approfondie. En effet, je suis conseiller juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens et je sais, pertinemment, que ce chapitre VIII intitulé: Répartition géographique des effectifs, a donné lieu à au moins une reprise, sinon deux à des accords entre le ministre et la fédération.

A la suite de ces ententes, il y a eu effectivement certaines normes de répartition qui ont été mises en vigueur. Alors, la réponse à la question posée est la suivante: Effectivement, l'entente a donné lieu à des accords et, en conséquence, ces accords, que nous trouvons pertinents, valables, se sont montrés jusqu'à ce jour efficaces.

Ensuite, j'aimerais ajouter que, lorsqu'on considère les articles 63 à 68 proposés par le projet de loi, peut-être irais-je jusqu'à donner raison — et je le fais à ce moment-là avec plaisir — au ministre en partie, en disant que, s'il s'agit de l'approbation des fonds, peut-être faut-il une disposition particulière dans l'entente et ce serait celle de l'article 68 qui se trouve, à ce moment-là, à imposer ou à faire porter par la régie le poids du coût des primes en question. L'article 68, à mon point de vue, du point de vue juridique, aurait sa raison d'être, mais les articles 63 à 67 inclusivement n'ont pas de raison d'être parce que, si vous lisez le premier article, l'article 63, dans le mémoire qui vous a été distribué, plus particulièrement à la page 8, vous lisez, dès les premières lignes: "63. Le ministre peut accorder, conformément à la présente loi et aux règlements, une prime d'encouragement à un professionnel de la santé..." Alors, cet article 63 se trouve à passer outre à l'entente, fait fi de l'entente, alors que la discrétion du ministre, à notre point de vue, devrait s'exercer dans le cadre contractuel qui est d'ailleurs très complet là-dessus.

Evidemment, je ne peux pas donner à cette assemblée tout le détail du chapitre 8 qui comprend trois longues pages, mais il y a constitution d'un comité mixte, des normes sont établies par les parties et de là naît et oeuvre un comité de répartition des effectifs. Ce qui est essentiel, c'est que l'entente prescrit justement, je lis en partie l'article 2902, la détermination des conditions susceptibles de favoriser la répartition et l'application aux médecins des contraintes prévues par la loi. Donc, que les parties mettent en oeuvre, décident de mettre en oeuvre des moyens incitatifs et des incitations à la fois pour favoriser la répartition des effectifs... Alors, je crois donc que les articles 63 à 67 sont superflus, d'une part, et, d autre part, leur matière fondamentale appartient au cadre de l'entente. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons. Le maintien de ces articles 63 à 68 tels qu'ils sont, se trouve à ériger un mur de béton et empêche les parties de négocier au-delà. Qui peut négocier contre la loi? C'est impossible.

En conséquence, nous demandons le retrait au moins des cinq premiers articles.

M. Lazure: M. le Président, pour compléter la réponse...

M. Forget: Juste avant que le ministre réponde, M. le Président, comme mon droit de parole est limité, j'imagine, si les réponses de tout le monde sont comptées dans mon temps, je ne pourrai pas me rendre très loin. Je demanderais la collaboration des membres de la commission.

M. Lazure: Bien sûr. Essentiellement, Me Lachapelle a touché l'objectif principal de ces quelques articles. On se souviendra que dans la dernière entente, j'ai davantage celle des spécialistes en tête, non pas parce qu'ils ne sont pas ici,

mais parce qu'avec ces derniers, on a réussi à s'entendre à l'intérieur du comité de répartition géographique, pour un groupe de spécialistes et il y en a un autre qui s'en vient. Mais il n'y avait rien qui permettait à la régie de dépenser ces sommes qui avaient été mises de côté, c'est-à-dire $1 million.

Alors, on s'entend là-dessus, on a la même perception. Maintenant, il y a peut-être des articles qui sont superflus. Ce n'est pas du tout notre intention d'aller contre l'entente, pas du tout. Mais je pense qu'il revient au gouvernement, au ministre des Affaires sociales en particulier, de désigner les zones qui, prioritairement, doivent recevoir des effectifs médicaux. Je pense que ça fait partie de l'appréciation du pouvoir élu de décider quelles sont les zones les plus prioritaires.

Cela étant dit, je répète, encore une fois, qu'on est prêt à enlever certains des articles s'ils semblent aller contre l'entente. On n'a pas l'intention d'aller contre l'entente.

M. Forget: Pour laisser ce premier sujet, je ne peux pas faire autrement que de noter qu'il semble que ces articles vont effectivement à rencontre d'une possibilité de conclure des ententes portant sur le même sujet, puisqu'elles ferment la porte à des variations qui ne seraient pas prévues par la loi. Je ne peux pas comprendre, d'autre part, pourquoi les dispositions de la loi, à l'heure actuelle, y compris le paragraphe de l'article 5 qui dit que toute entente lie la régie, sans restriction, a une portée très vaste, ne seraient pas suffisantes pour donner effet, même sur le plan budgétaire, à des ententes ou à des annexes conclues en vertu des ententes.

M. Lazure: En fait, je voudrais clarifier ce point, il y a trois catégories. Il y en a une, seulement pour la mentionner, ce sont les bourses de recherche. Pas de problème, c'est prévu dans la loi, 0,2% des montants dépensés au cours de l'exercice financier précédent sont réservés pour ça. Le jury qui détermine ça, c'est le conseil sur la santé du Québec. C'est lui qui détermine les boursiers. Le ministre les approuve et nous, nous versons les montants.

Le deuxième, où il n'y a pas de problème non plus, ce sont les bourses d'étude. Encore là, il y a un jury formé de trois membres qui donne les bourses d'étude et on réfère au comité de répartition géographique pour que ces jeunes aillent pratiquer dans les régions éloignées. Pour l'intérêt de tout le monde, je pourrais dire qu'il y en a 95 qui ont été données depuis le début, soit 1973, et qu'il y a seize finissants, je crois, cette année. Il y a des bourses A, B, C et D.

Il y a une modification intéressente que le ministre des Affaires sociales vient d'apporter. Au lieu de limiter les bourses d'étude aux étudiants en médecine, les bourses d'étude vont s'adresser aux étudiants en art dentaire ou en médecine dentaire, en optométrie et en pharmacie. C'est réglé.

La troisième, ce qui arrive de nouveau, ce sont des primes d'installation qui, on pense, à la lon- gue, vont remplacer les bourses d'étude, pour une raison assez simple. La bourse d'étude qu'on offre à l'étudiant, en deuxième année, on lui demande d'accepter une bourse qui est, par exemple, de $6000, une bourse qui est imposable, en lui demandant de s'engager à aller pratiquer dans un endroit que personne ne connaît. Tout le monde ignore l'endroit. Ni le ministère, ni la régie, ni le comité, ne peuvent savoir trois ou quatre ans à l'avance quel sera l'endroit. C'est pour cela qu'il y a une certaine tiédeur, de la part des jeunes, à s'y diriger.

La prime d'installation s'adresse à tous les professionnels de la santé encore, les quatre catégories avec lesquelles nous avons des ententes. Elle est immédiate, c'est-à-dire qu'on a recours à une main-d'oeuvre qui est immédiatement prête, cela peut être aussi bien pour un gynécologue dans une région, ou un anesthésiste, que pour un médecin omnipraticien, ou encore, dentiste, optométriste ou pharmacien.

Le problème est le suivant: Quand on a voulu donner des primes d'installation pour les psychiatres, on a fouillé notre loi, on l'a fait regarder par le ministère de la Justice et les gens du ministère nous ont dit: C'est regrettable, mais il n'y a aucun pouvoir dans la loi qui vous permette de prendre les fonds de la régie pour des primes d'installation. Il a fallu passer différemment, avec un budget spécial, au Conseil du trésor. C'est ce que la loi vient corriger.

Comme l'a fait remarquer le ministre plus tôt, de même que M. Lachapelle, tous les articles sont là, on en a parlé avec le Dr Lazure, ce n'est pas absolument nécessaire qu'ils soient là. Je ne me battrai pas sur l'article 1, 2 ou 3. On aurait certainement aimé — je suis conscient que je dis quelque chose qui appartient au Dr Lazure — que les conditions et les modalités pour l'attribution de subventions soient réservées par entente, au comité de répartition.

M. Forget: Un deuxième point, M. le Président. On demande de retrancher le sixième alinéa de l'article 18 proposé par l'article 14 du projet de loi. Il s'agit là de l'interdiction qui est faite à toute personne d'exiger ou de recevoir un paiement en rapport avec la dispensation d'un service assuré par un professionnel de la santé soumis à l'application d'une entente, sauf dans les cas prescrits.

Est-ce qu'il s'agit — j'espère que j'ai bien compté? Oui, c'est bien cela — de frais accessoires qui ne sont pas couverts spécifiquement par l'entente?

M. Lazure: Oui, c'est cela.

M. Forget: Est-ce qu'il s'agit de frais accessoires qui ne sont pas couverts spécifiquement par l'entente?

M. Lachapelle: J'aimerais peut-être corriger. Nous avons, dans notre entente...

M. Lazure: Pouvez-vous donner des exemples à ce sujet?

M. Lachapelle: Je m'y réfère toujours à titre d'exemple seulement, il y a dans l'entente des ornnipraticiens, à l'article 2 du préambule général, une disposition qui prévoit les frais accessoires et également les honoraires de certificats, mais l'exemple que je donne ne s'applique qu'aux professionnels de la santé régis par un régime universel. Ceux qui sont régis par le régime partiel ont un autre problème. Je demanderai tout à l'heure à un autre collègue de l'expliquer.

En résumé, l'entente des omnipraticiens qui sont régis par le régime universel de l'assurance-maladie porte effectivement sur le fait que les frais accessoires et également et peut-être surtout les honoraires de certificats peuvent être facturés directement aux bénéficiaires.

M. Forget: Votre prétention est que ceci peut se faire dans tous les cas où il y a un problème.

M. Lachapelle: Notre prétention serait... Dans tous les cas où...

M. Forget: Dans tous les cas où le fait de facturer les frais accessoires qui ne seraient pas couverts actuellement par l'entente cause un problème?

M. Lachapelle: Oui, parce que c'est de la nature, à ce moment-là, d'un service en rapport avec la dispensation de services assurés. On voit que la disposition du sixième alinéa se trouve d'abord à avoir pour effet d'enlever à l'entente le champ occupé actuellement...

M. Forget: Oui.

M. Lachapelle: ... et de le priver pour l'avenir touchant le comparable et de confier ce pouvoir à la loi et à la réglementation. Nous nous opposons justement à ce que nous appelons cette intrusion de la loi, parce que le champ privilégié de l'entente pour les professionnels de la santé est presque sacré syndicalement. Vous allez le comprendre. En particulier, c'est l'instrument le plus valable et le plus important pour les professionnels de la santé.

M. Forget: Pourrait-on savoir du ministre ou du président de la régie s'il y a des problèmes causés par des frais accessoires qui ne sont pas prévus par l'entente et s'il n'y aurait pas eu possibilité de négocier un amendement à l'entente actuelle de manière à réglementer ou à régulariser des problèmes de cette nature?

M. Lazure: Je dirais que le cas peut-être le plus fréquent est celui de certaines interventions mineures qui sont faites dans le cabinet du médecin. Le médecin va dire: Pour l'intervention, d'accord, je prends le tarif de la régie, mais, pour l'usage de ma table et de mes instruments, c'est $50. On le voit assez régulièrement, dans le cas des vasectomies. Maintenant, je ne suis pas sûr si cela ne devrait pas... En fait, ce qu'on ne veut pas, c'est que ce soit aux frais du malade. Je ne suis pas sûr si cela ne devrait pas être négocié et prévu. Par contre, il y a d'autres cas où j'ai déjà eu des plaintes; pour changer un pansement, parce qu'on passe dans la salle à côté, c'est $5 ou $10; et, pour aller plus loin, on a même eu une salle d'attente avec un appareil qui montrait un film et cela coûtait $1 pour voir le film. Ce sont ces frais qu'on n'aimerait pas voir facturés aux patients.

M. Lachapelle: Est-ce que je pourrais intervenir ici, un moment, pour signifier justement au Dr Laberge que, pour les derniers cas que vous avez mentionnés — qui sont hors de ma connaissance, mais qu'importe — à supposer qu'ils répondent à une réalité, vous acceptez avec moi que ces cas ne feront pas l'objet de l'entente. En conséquence, c est illégalement que le professionnel de la santé se trouverait à facturer cet accessoire. Ceci ne vient pas infirmer...

M. Lazure: Dans le cas dont je parle, le professionnel ne facture pas cela à la régie. Il facture cela au bénéficiaire, sous le nom d'une compagnie; il ne facture pas cela sous son nom à lui.

Je vous ferai remarquer aussi que le texte dit bien: "II est interdit à toute personne d'exiger... " Cela ne vise pas plus le professionnel médecin qu'un autre. C'est à dessein que l'expression est large.

M. Hamel: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): II y avait M. Chicoi-ne qui voulait intervenir.

M. Chicoine: M. le Président, je trouve un peu curieux l'apparition de cet article dans le projet de loi, parce que, justement, lors des négociations des règles d'application du tarif, c'est le mot à mot d'un article que le gouvernement a retiré, qu'on n'acceptait pas chez nous, et on le retrouve dans le projet de loi. Dans un régime partiel, c'est une injustice totale. (15 h 30)

Dans notre mémoire, on a donné l'exemple de I'analgésie relative. Comme tout le monde ne connaît pas les chambres à gaz, on va vous parler de couronne. C'est une chose que les gens connaissent assez bien. Une couronne, qui est un service assuré, peut nécessiter préalablement une gingivectomie ou un curetage autour de la dent sur laquelle on doit asseoir la couronne. Ce sont des traitements qui sont en rapport avec la confection de la couronne et qui ne sont absolument pas assurés, donc que le dentiste serait en droit de réclamer. Or, avec un tel article, pour tous les autres traitements, il ne peut absolument rien réclamer. Nous considérons cela comme une injustice.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Dr Chicoine, je comprends très bien cette objection dans le cas d'un régime

partiel. J'aimerais que dans le cas des exemples qui viennent d'être donnés par le Dr Laberge, le Dr Hamel fasse des commentaires dans le cas d'une charge, par exemple, qui est faite pour l'utilisation d'un plateau chirurgical ou etc., à plus forte raison la télévision ou les films... Ce sont des exemples qui pourraient être un peu caricaturaux... Est-ce que le bénéficiaire a un recours quelconque si la seule solution que vous recommandez est une solution contractuelle entre le ministre et votre association? Celui à qui on réclame le paiement, dans le fond, ne peut pas invoquer un contrat entre deux parties, auquel il n'est pas impliqué.

Voyez-vous des solutions à cela, en dehors du projet de loi qui est devant nous?

M. Lachapelle: Je pense que la forme contractuelle est quand même efficace, parce que ce qui est important, c'est de déterminer la nature de l'objet de négociation. Si la nature de l'objet de négociation, c'est les frais accessoires ou le service relié au service assuré, et l'inclusion et l'exclusion doivent être objets d'entente, on ne pourrait pas, par exemple, supposer que les inclusions sont dans l'entente et les exclusions sont dans la loi, d'une part. D'autre part, je crois que l'entente, par son effet obligatoire, peut amener la partie, soit le ministre ou même la régie dans certains cas, à exercer vis-à-vis le médecin en faute, le droit que l'entente lui donne et ceci, je crois, est une action efficace pour protéger le bénéficiaire.

M. Lazure: Pour ajouter encore une fois, l'entente ne pourrait pas lier des tierces personnes, des tierces parties et ce ne sont pas des exemples hypothétiques qu'on vous donne. Un groupe de professionnels peut former une compagnie, laquelle compagnie facture au bénéficiaire, soit le prix d'utilisation d'un plateau de petite chirurgie ou un film, peu importe, et il est évident qu'on ne peut toucher ces tierces personnes, qui sont des compagnies, par le biais d'une entente. Je pense que tout le monde admettra cela.

M. Lachapelle: Pour répondre et ici, j'y mets beaucoup de prudence parce que le débat ne peut se prolonger trop longtemps. Pour couper court, si vous permettez, si l'article 6, qui porte une interdiction légale à toute personne, etc, se trouvait à établir un paiement quelconque visé à l'entente en rapport avec la dispensation de services assurés, vous allieriez le champ de la négociation que vous protégeriez avec l'effet juridique que vous donnez à la loi. Prévoyez donc au sixième alinéa que les paiements visés puissent être négociés à l'entente.

M. Lazure: A première vue, c'est à retenir, mais je suis content que Me Lachapelle ait reconnu que pour les tierces parties, on a besoin de cet article. Donc, vous ne demandez plus le retrait pur et simple.

M. Lachapelle: Faisons la distinction. J'ai parlé au nom des professionnels de la santé qui sont régis par un régime universel, donc qui peuvent assez facilement, par l'entente, régler la situation, mais ceci ne règle pas du tout le cas des professionnels qui sont régis par un régime partiel.

M. Forget: Le ministre accepterait-il de revoir le texte avec cette préoccupation à l'esprit?

M. Lazure: Oui, sûrement.

M. Forget: La troisième recommandation vise à éliminer l'article 57, paragraphe b) où le ministre prévoit ou la régie prévoit un mode alternatif de paiement. Il semblerait, à première vue, que ce que la régie veut faire, c'est donner plus de flexibilité à la façon dont elle envisage transiger avec les professionnels de la santé. N'est-il pas vrai, par exemple, que du côté des pharmaciens, on a manifesté dans le passé un intérêt pour présenter les relevés d'honoraires sous forme de rubans d'ordinateur plutôt que sous forme de petits bouts de papiers et...

Ma première question s'adresserait au président de la régie. Si c'est tout ce que l'on vise, peut-être gagnerait-on à être plus spécifique de manière à ne pas soulever des craintes du côté des professionnels puisque c'est à leur demande même que je crois que la régie a entrepris d'utiliser des modes alternatifs de paiement.

M. Lazure: C'est exact. J'aimerais dire au début que le mode de relevé d'honoraires que nous avons à la régie — parce qu'on a dit ce matin qu'il y avait beaucoup de paperasse et que cela devenait étourdissant — c'est le même que celui que la régie — je ne parle pas pour les autres régies — d'assurance-maladie utilisait en 1970. On ne l'a jamais changé. C'est toujours le même relevé d'honoraires.

C'est un quatre par huit. Ce n'est pas un quatre par quatre. Ce n'est pas non plus une immense formule. On a regardé cela très souvent. On a eu, il y a quelques années, des demandes, particulièrement des pharmaciens et des médecins spécialistes à l'effet qu'on aimerait facturer la régie autrement que sur les demandes de paiement conventionnelles. C'est le but de cet article, pour permettre, encore une fois, de facturer sur support magnétique. On ne veut pas se limiter à la bande magnétique parce qu'il y a d'autres formules: soit les "disquettes", les cassettes et peut-être que dans un an ou deux ans, il y aura encore d'autres formules.

A cet effet, on a préparé un projet de règlement qui a une dizaine de pages. On est allé rencontrer les gens en Alberta qui ont un régime enregistré sur bande magnétique avec une quinzaine d'agences. Ils ont un tel régime depuis huit ans. On est allé également en Ontario où on a commencé il y a deux mois, mais on a fait un bon travail de déblaiement pour la réglementation.

On a donc un règlement qui est prêt, qui a été soumis aux membres du conseil d'administration

de la régie, qui le sera de nouveau cette semaine pour nous permettre de facturer de cette façon. Après contact personnel entre des fonctionnaires de la régie et au moins deux agents chez les pharmaciens, ils nous disent que le règlement tel qu'il est là est acceptable et qu'ils pourraient facturer de cette façon-là.

M. Forget: Ayant clarifié vos intentions, il me semble approprié, à ce moment-ci, de dire que la façon dont cet article est rédigé ne traduit pas fidèlement une intention simplement d'accepter d'autres possibilités de paiement ou de réclamations de paiement ou de relevés d'honoraires à la suite de consultations ou de discussions. Ce que je pense que les groupes qui sont devant nous craignent, c'est que, de façon arbitraire et unilatérale, la régie décide de modifier les modalités de paiement ou les modalités de réclamation de paiement plus exactement et d'imposer ainsi à leurs membres des frais nouveaux pour changer leur mécanisme comptable, etc. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen, pour le ministre, d'indiquer dans ce paragraphe que les méthodes additionnelles et alternatives de paiement peuvent être envisagées, mais à la suite des procédures, peu importe la formulation, qui suffiraient pour assurer les associations que ceci va se faire avec un "phasing-in", pour employer une expression bien connue, approprié avec des consultations de manière à ne pas causer subitement des coûts additionnels et imprévus aux membres de leurs associations.

M. Lazure: Une chose certaine, on ne veut sûrement pas l'imposer. D'ailleurs, on a mis "peut" dans l'article. On ne veut pas l'imposer.

M. Forget: C'est la régie peut... Ce n'est pas...

M. Lazure: Cela ne veut pas dire qu'on va l'imposer. Ce n'est pas la régie "doit "...

M. Forget: Ce n'est pas dirigé à la bonne personne.

M. Lazure: Ce n'est pas: La régie "doit "... Deuxièmement, les règlements sont approuvés par le conseil d'administration de la régie et approuvés par un arrêté en conseil. Au conseil d'administration de la régie, il y a cinq professionnels de la santé, et j'imagine que s'il y avait un règlement absolument inacceptable, il serait refusé là.

M. Forget: Je ne sais pas si ces éclaircissements satisfont nos invités, mais peut-être qu'on pourrait leur demander des commentaires.

M. Marquis (Jean-Claude): M. le Président, dans ce domaine-là, est-ce qu'il ne serait pas possible, parce que je prévois d'autres difficultés pour tout à l'heure, que cela passe aussi par le champ de la négociation? Parce que, là, il y a un drôle de problème qui va se présenter. On nous offre un projet de loi où on demande aux pharmaciens de signer chaque demande de paiement. Comment faire dans un système intégré d'un ordinateur à l'autre, pour que le pharmacien signe chaque demande de paiement? A ce moment-là, le seul organisme qui y trouvera son profit, c'est tout simplement la régie.

M. Lazure: M. le Président, les ententes actuelles prévoient qu'il y a consultation s'il y a des changements comme cela, et il me semble qu'à l'origine la formule a fait ses preuves. Donc, on ne peut pas dire que la régie a été tâtillonne et a changé souvent ses formules. Cela n'a pas été changé. Et que je sache, cela n'avait pas été négocié dans le cadre de l'entente, cette formule. Je pense que c'est un peu abusif là aussi de prétendre qu'un formulaire doit être négocié. Je pense que les corps intéressés doivent être consultés, on s'y engage, et s'il y a moyen de modifier l'article pour bien refléter qu'au fond il s'agit d'une évolution possible selon les données de la science, surtout la mécanographie, et il ne faut pas voir des choses où... C'est ce que je disais tantôt. On m'informe que les ententes actuelles prévoient qu'il faut consulter s'il y a changement de formule.

M. Trudel (Louis-Claude): M. le Président, c'est tellement vrai que les ententes actuelles — je me permets de faire cette parenthèse — prévoient aussi la consultation entre autres de l'Association des pharmaciens sur tout changement à la Loi de l'assurance-maladie et nous n'avons pas été consultés sur le projet de loi 84. D'ailleurs, vous avez oublié de nous le mentionner dans votre communiqué de ce matin. Ce que nous voulons faire comprendre, et je pense que cela rejoint les interrogations de tout le monde ici, de tous les représentants des organismes et des associations de la Fédération des omnipraticiens, c'est que ces problèmes peuvent être certainement discutés et négociés à l'intérieur des ententes. Nous croyons que les solutions à ces problèmes peuvent certainement être trouvées par les personnes engagées dans tous ces mécanismes. (15 h 45)

M. Forget: S'il faut passer plus de temps qu'il faut sur les formulaires, je note que, dans le fond, tout le monde est d'accord, sauf que les invités ici sont inquiets sur le libellé; peut-être que le ministre voudrait accepter de regarder le libellé de cet article, de manière à diminuer les inquiétudes sur les implications possibles d'un tel amendement.

Le Président (M. Jolivet): Un instant, je voulais faire une intervention avant de redonner la parole au député de Saint-Laurent. J'ai été très large parce qu'on s'est donné un consensus pour permettre ça, mais il y a d'autres députés qui ont demandé la parole; on pourrait revenir ensuite au niveau du Parti libéral.

M. Forget: M. le Président, je n'en ai pas pour tellement longtemps. Il y a trois autres articles, mais il y en a quelques-uns qui vont être très brefs dans ce premier chapitre.

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas d'objection, j'ai dit qu'on serait très large.

M. Forget: J'aurai terminé à ce moment-là. Le Président (M. Jolivet): Allez, monsieur.

M. Lachapelle: Un relevé d'honoraires porte également des demandes de mention, de renseignement. Ainsi, vous avez des cases appropriées qui doivent être remplies. Alors, lorsqu'on considère l'avenir, les professionnels de la santé s'interrogent sur la prolifération des mentions que pourrait susciter la régie; il s'agit ici de la régie, non pas du ministre. Encore, si c'était le ministre, peut-être qu'on aurait une confiance..., mais c'est la régie, un organisme administratif...

M. Lazure: Merci.

M. Lachapelle: ... n'est-ce pas? Lorsque nous voyons que le relevé d'honoraires est, dans le libellé du paragraphe b) de l'article 57, lié aux renseignements, renseignement, terme générique qui n'est ici précisé d'aucune façon et les documents, la nature des documents n'est pas définie, cela fait craindre toute chose à un professionnel de la santé. Il faudrait sans doute qu'il y ait des précisions qui, de façon spécifique, se trouvent à cerner la nature des renseignements et le document, pour qu'on ne puisse pas y lire des renseignements médicaux, des documents médicaux, et le reste.

M. Lazure: J'ai dit qu'on avait la même demande de paiement depuis 1970. Si je comprends bien votre mémoire, vous êtes opposé à l'utilisation de la carte d'assurance-maladie avec le nom du malade. Vous êtes opposé...

M. Lachapelle: Non, on ne parle pas du tout... On parle du relevé d'honoraires...

M. Lazure: Non, je vais finir ça. Vous êtes opposé à la signature. Le diagnostic est facultatif. Il y a seulement un code sur lequel on s'entend, c'est où il faut mettre le prix, si je comprends bien.

M. Lachapelle: Nous ne nous opposons pas à la signature, c'est faux. Nous disons que ceci est du ressort de l'entente. Au lieu de déterminer par la loi quelles sont les obligations du professionnel de la santé, nous demandons que le référé se fasse à l'entente où les parties, d'une catégorie à l'autre des professionnels, peuvent, suivant les circonstances, bien cerner le problème et amener des suggestions constructives quant à la nature du relevé, quant à la nature des mentions qui doivent être inscrites sur le relevé, quant à la nature du renseignement, et surtout la nature des documents qui doivent être fournis.

M. Lazure: Pour essayer de dissiper vos inquiétudes, je vous demanderais de lire l'article 55 à la page 41: "Tout professionnel de la santé au- quel s'applique une entente est tenu de fournir à la régie, sur demande de son directeur général, les seuls renseignements — voulez-vous le souligner? — et documents dont la régie a besoin pour apprécier un relevé d'honoraires... " C'est seulement de ça qu'on a besoin. On n'a pas besoin de plus que ça. On a besoin des seuls renseignements pour apprécier un relevé d'honoraires.

Si je reçois un compte d'anesthésie de $400 pour avoir endormi pour une opération aux jambes, j'aimerais bien ça avoir le protocole de l'anes-thésiste. Si on reçoit du même individu, dans la même semaine, trois hernies étranglées dans un hôpital, on demande le rapport de l'anatomopathologiste: Je ne peux pas toucher à ça, confidentiel. C'est bien sûr, on sait que, si le malade était à l'hôpital depuis plusieurs jours avant l'intervention, on ne sait pas si les hernies étaient étranglées autant que ça. On demande les seuls documents pertinents au relevé d'honoraires.

Pour vous rassurer, le ministre, après discussion ce midi, a convenu d'ajouter, à la toute dernière page, à la page 55... Quand on dit que la régie, avec l'autorisation d'un bénéficiaire, va prendre connaissance de tout document, veuillez ajouter: "pertinent à l'appréciation d'un relevé d'honoraires ". On n'a pas besoin de savoir autre chose. Mais les documents pertinents à l'appréciation des relevés d'honoraires, on aimerait les avoir.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Si je comprends bien les remarques que le ministre a faites, il n'a pas d'objection à éliminer les mots "ou à l'entente" dans le quatrième alinéa de l'article 18 de la Loi de l'assurance-maladie, tel que proposé dans l'article 14. Cela aurait donc, pour effet d'empêcher qu'une action pénale soit prise relativement à une violation de l'entente. Je crois que c'est un point sur lequel les invités d'aujourd'hui ont insisté beaucoup. Si je comprends bien, il y a entente là-dessus?

M. Lazure: Oui, vous avez bien compris mon intervention. J'ai dit que j'étais prêt personnellement — on en a discuté à midi aussi — à tirer cela au clair, pas mal dans le sens de votre représentation.

M. Forget: On en vient à l'article 24, M. le Président, relativement à la non-participation. A ce sujet-là, je dois dire...

M. Lazure: Je rappelle ce que j'ai dit ce matin. Il y a lieu quand même de laisser une autre expression, à savoir les services faussement décrits. Si on ne fait plus référence à l'entente, il faut quand même avoir une expression semblable à celle que je viens d'énoncer, pour des services faussement décrits, sans référer à l'entente.

M. Forget: Je n'ai pas de commentaire.

Pour ce qui est de l'article 24, M. le Président, très brièvement, deux choses. D'une part, le ministre lui-même s'est dit: Cela a dû être toujours le sens qu'il fallait attacher à l'article 24, c'est-à-dire la possibilité pour le ministre de révoquer l'utilisation massive de la non-participation. Il a même sollicité des commentaires sur son interprétation.

Je dirais que si tel était le cas, il me semble que la loi actuelle, du moins, cette partie de la loi qui vise à modifier l'article 24 et à y faire des rajouts, ne serait pas nécessaire. On n'avait qu'à demander aux tribunaux de faire une interprétation de cet article et on aurait eu le même résultat, on aurait eu le résultat recherché par l'amendement.

Si, d'un autre côté, on juge qu'il faut faire un amendement, comme il y a un principe d'interprétation du droit, à l'effet que le législateur n'intervient pas pour rien pour modifier une loi, c'est donc qu'on en est venu à la conclusion que l'article 24 n'avait pas ce sens-là. S'il n'a pas ce sens, je serais curieux de savoir quel sens il faut lui attribuer et peut-être, de ce côté, nos invités pourraient-ils nous dire quel sens, selon eux, devrait être attribué à l'article 24 dans sa formation actuelle.

M. Brodeur (Yvan): Si vous le permettez, j'aurais une remarque à faire auparavant sur la question de l'article 18. Pour ce qui est des services qui ont été faussement décrits, la loi actuelle, à l'article 18, troisième alinéa, pourvoit déjà à cela. C'est l'opinion que je vous soumets. Je ne tiens pas à entrer dans une discussion d'ordre juridique, mais je pense que la loi actuelle, telle qu'elle est rédigée, vous permet de régler ce problème. Cela étant dit pour revenir à l'article 24.

Je pense que c'est à tort que l'on a interprété l'article 24 actuel comme étant une disposition qui ait été pensée et décidée par le Parlement, dans le but, au fond, de pourvoir à des situations d'exception. Aucun des termes de l'article 24 n'indique que c'est une disposition qui doit apporter une réponse dans les cas où des professionnels de la santé, soit se désengagent, soit ne participent, comme mesure de pression, dans le cadre de leurs négociations.

Si vous le lisez, il vous indique simplement que, lorsque le ministre constate que dans une région du Québec, ou dans l'ensemble du Québec, le nombre de professinnels qui sont non participants est tel que les services ne peuvent plus être rendus de façon uniforme, il peut prendre les mesures qui sont requises et qu'il est autorisé de prendre par la loi.

Quelles mesures est-il autorisé à prendre selon la loi? Je vous référerais — vous y avez fait allusion tout à l'heure — au deuxième alinéa de l'article 15 qui dit notamment que le ministre peut négocier des dispositions qui pourvoient à la répartition des effectifs médicaux dans les différentes régions.

Il est évident — notamment les bourses — qu'il y a un certain nombre de dispositions de nature purement administrative que le ministre peut prendre s'il se rend compte, sans qu'on ne soit dans un contexte de contestation mais dans un contexte normal d'application de l'entente, qu'il manque de tel type de professionnels dans telle région. Notamment, il peut négocier. Il pourrait modifier l'entente, d'ailleurs. Ceci étant, l'article 24 proposé présentement évidemment modifie totalement le mécanisme qui est prévu, parce que, dans un premier temps, lorsqu'un groupe de professionnels serait non participant dans une région ou dans l'ensemble du Québec, l'effet de l'arrêté ministériel qui serait adopté serait d'en faire, à toutes fins pratiques, des professionnels désengagés.

Or, il faut voir le deuxième volet de cette disposition, c'est que, par hasard, à ce moment-là, on nous dit que le professionnel désengagé ne peut réclamer paiement avant que son patient ait reçu paiement de la régie. C'est donc par ce double jeu, ces deux volets, d'empêcher, à toutes fins pratiques, une contestation véritable qui puisse avoir un certain effet de par le truchement du désengagement ou de la non-participation. Nécessairement, cela amène à un autre moyen de pression qui n'a jamais été utilisé qui serait celui du retrait pur et simple des services, ce qui, effectivement, ferait qu'on en arrive à une situation qui, je pense, serait pire, quant aux objectifs qui sont recherchés.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais poser la même question au Dr Hamel, puisqu'il a participé à ces historiques négociations de 1970. N'est-il pas vrai, Dr Hamel, que la non-participation a été conçue, à son origine, comme une réponse à un problème, dans le fond, beaucoup plus individuel, c'est-à-dire le désir de certains professionnels de ne pas adhérer au régime pour des raisons qui leur étaient propres et non pas comme une mesure collective? Je pense bien que si on retournait aux discussions de cette époque, on ne trouverait pas d'allusion à l'utilisation de la non-participation comme mesure collective, mais seulement comme mesure individuelle.

M. Hamel: J'étais pour dire M. le ministre, excusez-moi... Il est vrai que...

M. Lazure: Je vais tenter de revenir à la psychiatrie, faites attention!

M. Hamel: ... en 1965, deux ou trois ans avant les premières négociations du régime d'assistance médicale, dans des éditoriaux, à cette époque, nous considérions que le droit au désengagement ou le droit à la non-participation était un droit fondamental pour un médecin individuel de ne pas participer à un régime, donc de ne pas être soumis aux contraintes de l'entente ou aux contraintes de la loi, etc. Nous avions d'ailleurs fait une distinction entre un médecin désengagé et un médecin non participant, justement pour bien démarquer que le non-participant est complètement en dehors du régime, n'est soumis à aucune condi-

tion de l'entente et peut facturer les honoraires qu'il conviendra de négocier sur une base individuelle avec son malade. C'est vrai, sauf qu'en même temps il faut avouer que nous croyions aussi, à ce moment-là, que c'était la meilleure façon, civilisée en même temps, pour certains médecins qui ne sont pas satisfaits du régime d'en sortir. Là, il reste à déterminer dans quelle mesure — ceci est inscrit dans la loi — cette forme de non-participation peut prendre des proportions qui sont inacceptables pour la société. C'est pour cela que nous croyons que la loi actuelle était satisfaisante.

D'ailleurs, dans notre cas, je pense que la loi a suffi à nous obliger à utiliser ce mécanisme avec beaucoup de prudence et d'une façon la plus civilisée possible.

M. Lazure: Si vous permettez un complément. En corollaire de la question et de la remarque du député de Saint-Laurent, historiquement, il y avait seulement une intention à ce statut de non-participant. C'était pour préserver la liberté individuelle d'un médecin, à l'époque, de ne pas adhérer au régime.

Ensuite, il y a eu une deuxième motivation qui s'est installée. Notamment, il y a eu, si ma mémoire est bonne, non-participation de certains groupes d'omnipraticiens. Graduellement, c'est devenue partie intégrante de la stratégie d'une négociation. (16 heures)

Si on revient au texte actuel, notre prétention, c'est que le texte actuel n'est pas suffisamment clair, parce que cela dit bien, dans la deuxième partie: Prendre les mesures spéciales qu'il estime nécessaires et qu'il est autorisé à adopter en vertu de la loi, mais il n'y en a pas dans la loi. Je vous pose la question: Lesquelles? C'est pour cela qu'on veut le préciser.

M. Hamel: Seulement une courte réponse?

M. Lazure: Quand vous me répondez: Par une entente, par une négociation, là, cela...

M. Hamel: Non, ce n'est pas cela du tout.

Le Président (M. Jolivet): La seule chose, c'est que je voudrais qu'on termine le plus vite possible, parce que M. le député de Mégantic-Compton voudrait bien avoir son tour.

M. Forget: Seulement une seule autre question relativement à cela, et je céderai la parole. Ne croyez-vous pas, étant donné l'usage qui a été fait de la non-participation, mis à part les événements récents, mais de façon coutumière et sur un plan individuel, que la faible utilisation qui a été faite de la non-participation, d'une part, et, d'autre part, si ce projet de loi-ci était adopté, le fait que, désormais, dans le fond, le régime sera administré beaucoup plus par la régie que par le professionnel, dans le sens suivant, c'est que n'importe quel bénéficiaire pourra obtenir de la régie direc- tement le remboursement pour le coût des services assurés, dans les cas où il n'a pas sa carte, où il n'a pas présenté sa carte au professionnel? Est-ce que, dans le fond, toute cette distinction entre non-participant et désengagé ne va pas perdre de sa signification, même si on laissait la loi inchangée? Comment expliquer au bénéficiaire qui réclame un paiement de la régie, parce qu'il n'a pas présenté sa carte au moment où il a obtenu les soins, qu'il ne peut pas obtenir le paiement de la régie, non pas parce qu'il n'a pas sa carte, mais parce que le médecin ou autre professionnel de la santé auquel il s'est adressé lui, n'avait pas sa carte en quelque sorte, toutes proportions gardées? C'est une explication qui va être difficile à faire. Je pense bien qu'elle ne serait pas acceptée, si on essaie de la faire. Ce qui veut dire, peut-être pas cette fois-ci, mais dans une modification subséquente à la loi, si on ne le fait pas immédiatement, qu'on va devoir reconnaître à tout bénéficiaire dûment enregistré à la régie le droit absolu d'obtenir un remboursement pour des services professionnels, au taux prévu par l'entente, bien sûr, et un droit absolu, non pas un droit conditionnel au fait qu'il se soit adressé à tel professionnel plutôt qu'à tel autre. Ceci me porte à considérer, lorsqu'on regarde le premier point, c'est-à-dire la plus ou moins de désuétude du droit individuel à cause d'un usage très faible, et cette nouvelle implication de l'utilisation de la carte, etc., qu'on en vient finalement à une situation où la distinction sur laquelle l'article 24 est basé, va devenir désuet, va devenir sans importance et que c'est peut-être un peu dans ce contexte — au moins, je comprends, il y a un élément de projection dans ce que je dis — que le débat autour de l'article 24 est peut-être un peu une tempête dans un verre d'eau.

M. Hamel: M. le Président, en fait, la non-participation a deux usages, comme vous l'avez signalé. Nous ne croyons pas, toutefois, que l'usage qu'on en fait, sur une base individuelle, même si elle est limitée, ne doit pas être respecté. On est quand même encore dans un pays démocratique. D'autant plus que, cet usage étant limité à une minorité de médecins, les bénéficiaires du régime ont accès à plus de 98% des médecins au Québec; ils ont donc un choix tout à fait facile, une accessibilité tout à fait facile. Cette réduction ne nuit pas à la flexibilité des soins, d'une part. D'autre part, les arguments qui sont contenus dans notre mémoire envers la deuxième utilisation sont toujours valables, et nous croyons qu'un médecin non participant doit pouvoir, comme dans la condition actuelle, négocier sur une base individuelle les honoraires avec son malade, puisqu'il est tout à fait en dehors du régime et qu'il y a certaines conditions qui doivent être respectées: en particulier, le médecin doit informer son malade, ou le professionnel de la santé doit informer le malade ou le client. Donc, même s'il y a deux usages, nous croyons encore, même si c'est limité, et c'est une raison parce que c'est limité, qu'on doit en conserver la liberté, l'accès aux deux usages.

M. Lazure: M. le Président, cela est maintenu, il ne faut pas qu'il y ait d'équivoque. Individuellement, nous maintenons que, lorsqu'il y a une non-participation massive dans une région, comme c'est arrivé pour les omnipraticiens dans certaines régions du Québec en 1975; en 1976, au Saguenay-Lac-Saint-Jean; si ma mémoire est bonne, si mes renseignements sont bons — tous les omnipraticiens étaient devenus non participants. La population de cette région-là était captive à toutes fins pratiques. Nous ne touchons pas au droit individuel d'un professionnel d'être non participant, mais nous voulons protéger la population contre une non-participation massive.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Le ministre a dit clairement ce matin qu'il y avait, comme moyens de pression pour eux, de fermer les bureaux ou d'abandonner la pratique et s'expatrier. Je me demande si vous entrevoyez autre chose que la formule de désengagement comme moyen de pression. Parce qu'il est toujours bon d'en garder un. Si on regarde dans le secteur de l'éducation, par exemple, on sait bien que les enseignants, si leur contrat n'est pas échu... On ne fait pas la grève, on appelle cela des journées d'étude, c'est une façon polie de faire la grève quand même. Est-ce que vous avez d'autres moyens à votre disposition, parce que je pense bien que vous seriez le seul groupe à ne rien avoir si jamais on vous enlevait celui-là.

M. Hamel: Nous avons le moyen que M. le ministre nous a suggéré ce matin, soit de partir en vacances, qui est le refus complet de servir; la grève totale. Je crois que cette proposition, dans le projet de loi, accule les professionnels à la grève, donc provoque les médecins à la grève plutôt que de leur laisser accès à un moyen plus civilisé qu'est la non-participation ou le désengagement.

Dans ce projet de loi on dit: Mes amis, vous aviez un moyen civilisé, mais on veut réduire vos moyens de contestation de façon que vous soyez acculés à faire quelque chose de très odieux dans votre cas. Parce qu'on dira plus tard que, dans le domaine de la santé, on ne doit pas faire la grève, mais on vous le recommande. On vous dira: Si vous voulez contester actuellement, fermez votre cabinet. Alors, à mon point de vue, c'est une attitude tout à fait...

M. Lazure: Nous n'enlevons pas actuellement —pour rectifier les faits — à chaque professionnel individuellement le droit d'être non participant et même à des groupes de professionnels de devenir non participants. Ce que nous disons dans ce texte, c'est que: Quand, dans une région donnée ou pour l'ensemble du Québec, il y a une non-participation massive qui empêche les citoyens de recevoir des services assurés pour lesquels ils paient des impôts, à ce moment-là, nous intervenons.

Mais il y a un dosage de non-participation — je me fie à l'imagination des dirigeants des fédérations et des associations et à leurs procureurs — qui est parfaitement possible à l'intérieur de ce texte-là.

M. Grenier: A toutes fins pratiques, ce que je comprends, c'est que, s'il y avait, dans des régions, certains médecins qui réussissaient à ne pas se désengager, ce qui se produirait, à ce moment-là, c'est qu'ils augmenteraient leur clientèle, tandis que d'autres, qui ne prendraient que la formule de désengagement, nuiraient très peu à l'ensemble de la population. Si on se rappelle le désengagement massif qu'il y a eu dans une région que je connais mieux, celle des Cantons de l'Est, vis-à-vis de l'Ordre des dentistes, dernièrement, vous vous donnez le moyen de leur dire qu'ils ne pourront pas passer... La loi leur interdira de faire ce désengagement massif, comme on en a connu dans les Cantons de l'Est... de non-participation.

M. Lazure: C'est cela, M. le Président, et j'ajouterais aussi... Parce qu'il y a un peu d'abus verbal quand le Dr Hamel dit: On nous enlève le seul moyen civilisé qu'il y avait. Quand même, il faut reconnaître que les professionnels, dans l'état actuel des choses, quand ils ont recours à un tel moyen de pression, si la loi ne changeait pas, auraient le bon bout du bâton, dans le sens que, non seulement ils ne sont pas pénalisés dans leurs revenus quand ils deviennent non participants, mais ils ont même le loisir de demander plus que le tarif de l'entente actuelle.

Dans toute épreuve de forces, si on parle d'épreuve de forces syndicales-patronales, pour les deux parties, on s'attend qu'elles soient pénalisées un peu toutes les deux, mais, dans le système actuel, vous conviendrez que le médecin n'est pas pénalisé quand il devient non participant. Il continue à pratiquer et peut même exiger au-delà de ce qui est prévu au tarif.

M. Hamel: Monsieur, je n'en conviens pas du tout. L'expérience qu'on a eue nous a prouvé le contraire. Au contraire, les médecins sont pénalisés comme d'autres dans une grève. Les faits sont tout à fait contraires.

M. Grenier: ... dans une période de désengagement comme il y a eu, est-ce que vous avez senti une diminution considérable de votre clientèle comme cela a été senti, par exemple, chez les dentistes?

M. Hamel: II y a eu une diminution importante.

M. Grenier: Est-ce que vous avez d'autres propositions, si jamais on vous enlève — et il semble que c'est cela... Est-ce que vous avez d'autres propositions ou de moyens de pression qui pourraient vous être laissés ou si vous les gardez dans votre poche?

M. Hamel: II n'y a que la grève.

M. Chicoine: Etant donné que j'ai passablement vécu, récemment, toutes les péripéties du

désengagement et de la non-participation, je pense que là, on a une preuve que le gouvernement a un grand bras législatif, mais un petit bras négociateur.

Au lieu de régler le problème, on a laissé traîner tout simplement une contestation plutôt que de s'attaquer directement à un problème. Lorsqu'il y a une contestation, c'est parce qu'il y a réellement un problème.

Il faut que cela soit bien clair. Dans le désengagement tel que proposé par le nouveau projet de loi ou le projet de loi 84, c'est totalement inapplicable? Pourquoi? Contrairement à ce que le ministre a dit durant le désengagement et la Régie de l'assurance-maladie aussi, dans son bulletin, le dentiste maintenant ne peut plus recevoir paiement lorsqu'il est désengagé. Auparavant, le dentiste était payé, remettait un relevé d'honoraires et la régie le remboursait.

Maintenant, ce n'est plus le cas. Le professionnel de la santé ne peut plus recevoir paiement. C'est la première fois, dans une loi, qu'on s'implique directement dans la marche d'un cabinet privé, d'une entreprise privée. C'est un peu comme si on disait: Quand vous allez chez Eaton, attendez donc de payer que votre garantie soit finie. Payez à ce moment. C'est un peu cela le désengagement qu'on propose actuellement aux professionnels de la santé. Je n'ai pas terminé, M. le ministre. La régie peut payer ou ne pas payer et on attend 90 jours avant de pouvoir poursuivre, mais le 59è jour, on va donner avis au client qu'on va le poursuivre parce que la régie n'a pas payé. Voyez-vous à quoi cela vous amène? C'est d'avoir un système dans le temps, savoir quand vous avez envoyé votre relevé d'horaires pour le 59è, envoyer un avis à votre patient. Il est payé le 65e jour. Vous passez pour un homme atroce parce que vous avez réclamé votre dû. Vous n'avez pas été assez patient pour la Régie de l'assurance-maladie.

Le désengagement est, à toutes fins utiles, inapplicable, d'une part. D'autre part, s'il y a de la non-participation, d'ailleurs vous savez que pour être désengagé ou être non participant, on avertit 30 jours à l'avance. On l'a fait. On a donné une conférence de presse et on a dit: Dans 30 jours, on va être non participant. Il n'y a rien qui bouge nulle part. Il n'y en a pas non plus aujourd'hui, même si on est réintégré. Il n'y a rien qui bouge. Ces choses ne changent rien.

Alors, le ministre a quand même 30 jours pour voir à ces négociations et, dans le projet de loi, actuellement, rétroactivement, on peut renvoyer le gars au désengagement de façon rétroactive au moment où le ministre le décide. Donc, il n'y a plus aucune forme de contestation et le ministre l'a dit ce matin.

Quand on parle de moyens civilisés, il nous en propose un, aller en vacances, refuser les services. Nous disons que ce n'est pas tout à fait le moyen civilisé que nous proposons.

On pense plus civilisé de rester sur place et de contester. Je me demande entre le refus de service et être non-participant tel que la loi le prévoit actuellement, se désengager tel que la loi, tel que prévu, je me demande laquelle des deux formes est la plus civilisée.

Et nous pensons qu'à l'intérieur du projet de loi qu'il y a là, c'est absolument aberrant d'être obligé de dire aux gens: Vous refusez des services à la population et c'est ce que le ministre nous a suggéré ce matin.

M. Lazure: J'aimerais simplement faire une rectification. Le Dr Chicoine, dans son préambule, dit que le gouvernement a un long bras législatif et un tout petit bras de négociation.

Je lui rappelle et je rappelle à ses collègues à la table que depuis un an et demi, nous avons signé des ententes négociées avec l'Association des optométristes, avec l'Association des pharmaciens propriétaires, avec la Fédération des médecins résidents internes. Deuxièmement, que nous avons négocié des ententes particulières — sept ou huit — avec la Fédération des médecins spécialistes et au moins deux avec votre Fédération des omnipraticiens. J'ajouterai, comme dernière remarque, que les fédérations, en tout cas les deux, omnipraticiens et spécialistes, si on veut parler en termes de syndicat, sont des syndicats tout à fait privilégiés en ce sens qu'à ma connaissance, ce sont les seuls syndicats à même des honoraires défrayés par des deniers publics qui ont le pouvoir d'une négociation perpétuelle et permanente.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton. (16 h 15)

M. Grenier: Merci. Je pense bien que cela nous a permis de connaître un peu votre explication, si c'est le seul moyen que laisse la loi, si on laisse de côté le désengagement qui semble ne pas être une façon de régler le problème, si la seule chose c'est de quitter les bureaux, c'est de faire la grève comme d'autres corps de métier, il faut quand même admettre, à ce moment-là, qu'il ne vous reste plus beaucoup de possibilités. L'argument que nous donne le ministre n'est peut-être pas sérieux. Il nous dira peut-être demain, en réponse à nos questions en Chambre, que c'est seulement pour faire de l'humour qu'il a fait cela. On verra.

M. Lazure: Je suis très sérieux, M. le député de Mégantic-Compton. Je suis très sérieux, oui.

M. Grenier: Vous êtes sérieux? Bon! C'est parce que M. Tardif avait dit cela à M. Drapeau qu'il faisait de l'humour et c'est le lendemain qu'on l'a appris.

M. Lazure: Vous allez avoir la même version demain, M. le député.

M. Grenier: Pardon?

M. Lazure: Vous allez avoir la même version demain qu'aujourd'hui.

M. Grenier: Sur le fardeau de la preuve, M. le conseiller juridique, est-ce que c'est habituel que le fardeau de la preuve — je pense que, dans les lois gouvernementales, il semble que ce soit des espèces rares — repose, revienne aux pratiquants comme c'est le cas actuellement?

M. Lachapelle: Dans mon expérience — j'ai l'expérience de quelque 25 ans dans le domaine du travail et auprès des tribunaux administratifs — c'est le seul cas, à l'heure actuelle, que je peux citer et je n'ai pas de précédent, à ce moment-là, à offrir. Jamais un organisme administratif se targue de faire valoir son opinion — il s'agit d'une opinion, n'est-ce pas — comme supérieure à celle de son vis-à-vis et obliger le vis-à-vis à établir, à la satisfaction de l'organisme administratif, que celui-ci a tort. C'est un renversement de preuve statutaire, remarquez bien, en ce sens qu'il est inscrit dans la loi, ce qui oblige, à ce moment-là, le professionnel de la santé à faire une preuve au-delà de l'ordinaire pour renverser le fardeau qui pèse sur lui. Alors, tant et aussi longtemps qu'il n'a pas atteint le degré de conviction probable qui est requis pour renverser le fardeau de la preuve, la présomption pèse toujours sur lui.

Alors, c'est une situation assez aberrante. Cependant, j'ai bien noté, je conçois bien qu'il le considère trop onéreux mais quant à nous — et nous aurons l'occasion d'y revenir — les articles 18b et 37, tels que modifiés par le projet de loi, continuent à susciter notre opposition parce que ce qui a été enlevé c'est le vice mineur, je dirais, le vice majeur demeure toujours.

M. Grenier: Est-ce que le ministre pourrait expliquer son document à la page 16 où il fait allusion au fardeau de la preuve qui pourrait être modifié si ce n'est pas enlevé?

M. Lazure: Si vous voulez, le Dr Laberge va expliquer exactement...

En fait, on a mentionné ce matin que dans l'état actuel de la législation le comité de révision fait une recommandation. L'article 37 de la loi... Oui.

M. Forget: M. le Président, une question de règlement. Je m'excuse auprès du Dr Laberge. Il me semblait qu'on avait accepté de fonctionner chapitre par chapitre. Là on va à droite et à gauche, un peu partout. Je pense que ce serait peut-être avantageux de prendre les recommandations série par série, autrement on risque de tout mélanger dans un même contexte.

Le Président (M. Jolivet): Si le député de Mégantic-Compton peut retenir sa question, mais... C'est parce que le problème que l'on a c'est qu'il ne nous reste pas tout à fait deux heures pour se rendre à dix-huit heures et ensuite, il y a quatre heures ce soir, mais il y a quatre autres organismes. Je pense que c'est à la demande de l'Opposition que les quatre autres organismes sont là. Je pense qu'il va falloir les écouter. Comme on doit terminer à minuit ce soir...

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est à leur propre demande, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Non, il y a eu des demandes en Chambre à ce niveau-là.

M. Forget: D'écouter les demandes.

Le Président (M. Jolivet): Ce que je veux dire c'est que, dans l'ensemble, il ne nous reste que six heures de travail, à peu près.

M. Grenier: M. le Président, si vous permettez, je sais une chose, on a l'habitude des commissions. A minuit on nous dira tout simplement qu'il ne reste plus de temps et il faudra se contenter du travail qu'on a de fait. Je voudrais bien qu'on ait une vue d'ensemble sur ce qu'on a devant nous, quitte à y revenir. C'est bien sûr que n'importe quel membre de l'Opposition gouvernementale pourra revenir sur n'importe quelle question, mais je préférerais qu'on brosse au moins les problèmes les plus importants qu'on a dans tout ça. Cela risque de mélanger les choses, je suis d'accord, mais on peut par contre avoir un éclairage sur l'ensemble du document, ce qui est plus positif.

M. Lazure: On va donner la réponse sur ce point précis, elle est courte. Quant au comité de révision, je disais que, dans la loi actuelle, l'article 37 dit que la régie peut donner suite à la recommandation. Elle peut ou ne peut pas donner suite à la recommandation. Le comité de révision fait une recommandation. Dans le nouveau texte, on dit que la régie décide, dans les trente jours, et en fait part aux professionnels et aux organismes qui sont concernés. La régie n'a pas d'objection, si elle ne suit pas la recommandation, à porter le fardeau de la preuve, pas d'objection.

C'est dans ce sens qu'on dit dans le texte qu'on est ouvert à cette modification. Au fond, c'est le fardeau de la preuve réciproque, chacun son tour, chacune des deux parties aura le fardeau de la preuve.

M. Trudel: M. le Président, pour répondre à la question posée par M. le député, est-ce qu'il parle en fonction de l'article 18b, dans le fardeau de la preuve?

M. Grenier: C'est ça.

M. Trudel: Donc, ce n'est pas sur le comité de révision. Pour compléter, je pense que c'est important pour nous, et là, je parle au nom de l'association des pharmaciens, c'est bien évident qu'au cours des négociations, à un moment donné le ministre nous avait proposé un paiement qu'on appelle un paiement immédiat avec validation ou postvalidation après paiement. Vous comprendrez que, pour le pharmacien qui réclame l'honoraire et le coût du médicament, c'était une proposition intéressante, à cause évidemment des montants d'inventaire que le régime signifie.

Ce qui, jusqu'à un certain point, nous amuse dans l'article 18b, c'est qu'on nous apporte, dans

cet article proposé par le projet de loi, un certain nombre d'éléments que nous avons écartés avec le plus de vigueur possible au cours des négociations. Pour nous, le problème du paiement immédiat avec postvalidation soulevait deux questions principales. D'une part, quand allons-nous savoir, quand le pharmacien saura-t-il qu'il est légalement payé ou quand sera-t-il légalement payé? Et, dans l'hypothèse où il a été légalement payé, peut-il, par la suite, faire face à la réclamation de l'indu, c'est-à-dire d'une somme qui aurait été payée et que la régie n'aurait pas dû lui payer? De quelle façon la réclamation sera-t-elle faite et dans quel délai une réclamation pourrait-elle venir par la suite?

Nous avons, je pense, en tout cas dans la mesure du possible, dans les textes que nous avons écrits, fait la distinction entre les deux éléments. Lorsque le pharmacien envoie une demande de paiement et qu'il est payé, nous avons dit au ministère et à la régie: Prenez un certain nombre de mois, s'il le faut, pour savoir si le paiement est dû, et indiquez-nous, lorsque vous nous payez, que telle ou telle demande de paiement en particulier est retenue ou qu'on la paie sous protêt, mais, à un moment donné, vous allez nous indiquer que nous sommes payés, après deux, trois ou quatre mois.

Si, par la suite, un an ou deux ans après, vous voulez nous réclamer des remboursements, vous allez avoir le fardeau de la preuve. Parce que, selon les principes de droit, si je suis payé, c'est que c'était dû. Nous avons discuté longuement et, après un certain nombre de séances, la régie et le ministre ont accepté que, lorsqu'il y aurait demande de remboursement, le fardeau de la preuve appartiendrait à la régie et lorsqu'il y aurait demande de remboursement, il y aurait compensation immédiate dans un seul cas, lorsque la demande de remboursement s'appliquerait à une demande double, à une répétition de demande de paiement évidente.

Dans tous les autres cas, le remboursement, la compensation ne doit pas se faire. Elle peut se faire dans les 45 jours de la demande de remboursement, à la condition que le pharmacien n'ait pas fait valoir une opposition devant le tribunal d'arbitrage.

Ici, vous voyez qu'on renverse complètement ce que nous avons négocié et qui a été signé en mars 1978.

M. Lazure: M. le Président, je vais essayer de clarifier. C'est une chose qui est pas mal complexe. On divise en deux sections, en deux blocs, le genre de réclamations. Le premier bloc, dans le cas de services dont le paiement est réclamé et pour lesquels le paiement a été effectué, les services qui n'étaient pas des services assurés ou qui n'ont pas été fournis, non assurés ou non fournis, mais quand même réclamation et paiement a été donné aux professionnels; dans de tels cas, nous maintenons que le professionnel doit avoir le fardeau de la preuve. Je pense que cela ne pose pas de problème.

Là où nous sommes prêts à modifier notre position — c'est à cela que j'ai fait allusion ce matin dans mon texte — c'est dans le cas où les dits services n'ont pas été fournis selon la loi, les règlements ou l'entente, elle peut refuser le paiement — ce qu'on proposait à l'origine — et procéder à leur remboursement, par compensation ou autrement, et, dans ce cas-ci, au lieu de mettre le fardeau de la preuve sur le professionnel, à ce moment-ci, nous serions prêts à modifier et à laisser les règles de preuves standards jouer selon les mécanismes usuels.

M. Marquis (Jean Claude): C'est parce qu'il y a un petit problème là-dedans. Pour le pharmacien, encore une fois, il y a des investissements d'argent. Si la régie se compense, avant d'avoir pris poursuite, cela place le pharmacien dans une situation difficile.

M. Lazure: Elle compose dans quelles sortes de cas? Des services payés qui étaient non assurés, non fournis?

M. Marquis: Non, des services qu'elle a acceptés, à un moment-donné, et le paiement est devenu final. Deux ans après, on pourrait revenir et on pourrait se compenser de nouveau, sans aucune preuve.

M. Lazure: C'est bien sûr que, si ce sont des services non fournis, on voudrait bien se compenser.

M. Marquis: Avec preuve.

M. Lazure: Avec preuve, on dit textuellement que c'est à la suite d'une enquête et que le paiement a été effectué.

M. Shaw: Mais il faut faire la preuve quand même.

M. Marquis: Prenez un pharmacien, par exemple, qu'on présumerait coupable. Je prends un montant forfaitaire de $50 000. On lui enlève le montant et, par suite d'une poursuite judiciaire, il est gagnant. On l'a privé d'un montant de $50 000 pendant six mois, un an, peut-être deux ans, avec les délais de la cour. Je pense que c'est une injustice qu'on fait, parce que cela a déjà été payé et que la régie a déjà considéré que le paiement était final. Et c'est ce qu'on a mis dans notre entente, à un moment donné.

M. Lazure: Ce qu'on dit, c'est que, si les services n'ont pas été rendus et que la régie se compense, venez faire la preuve que vous les avez rendus.

M. Trudel: Si vous le permettez, M. le Président, c'est cela qui n'est pas clair. A quel moment va-t-on nous dire: Les services n'ont pas été rendus et venez nous faire la preuve? Est-ce que c'est immédiatement? Est-ce que c'est dans deux ans? Est-ce que c'est dans cinq ans? C'est cela, en particulier, que je souligne dans l'article 18b.

M. Lazure: Actuellement, on avoue qu'il n'y a pas de limite. Nous sommes prêts à introduire une limite de temps. Au criminel, il n'y a pas de limite. Ce n'est pas 20 ans ou 30 ans. On ne changera pas les lois, il n'y en a pas. Au criminel, il n'y en a pas. Mais au pénal, il y a une limite qui pourrait être mise — je ne sais pas si c'est à cet endroit ou ailleurs — soit une limite, disons, de trois ans.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Trudel: J'ai l'impression que le Dr Laberge et moi ne parlons pas de la même chose. Le Dr Laberge parle du criminel et du pénal, alors que je pense que l'article 18b parle de la réclamation civile.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton. (16 h 30)

M Grenier: Je pense qu'on a éclairci le point à la satisfaction... En tout cas, c'est loin d'être clair, j'imagine, c'est loin d'être réglé, sauf qu'on s'est rendu compte de l'imbroglio qu'il y avait là et qu'il y avait certainement moyen qu'on s'attable pour le faire avancer.

Un autre point ici que j'aimerais connaître, c'est la carte-soleil qui aurait bien plus l'air, par les temps qui courent, d'une carte-nuages. C'est une formule de contrôle. On dit ici "qui doit s'inscrire ou doit être inscrit". Dans vos recommandations, vous dites, à la page 81 : "II est recommandé de ne pas implanter le système de la carte obligatoire de l'assaurance-maladie, ce système étant inapproprié, prématuré, contraignant et source de situations conflictuelles". Comme le gouvernement, le ministère se dirige vers une carte obligatoire à chacun des citoyens, j'aimerais connaître les raisons qui vous incitent à dire que ce ne serait pas absolument nécessaire et le pourquoi de cette carte obligatoire.

M. Marquis (Jean-Claude): La carte obligatoire, si on se réfère au projet de loi, il est bien stipulé que tous les bénéficiaires devraient avoir la carte. Le problème, c'est la présentation de la carte par le bénéficiaire lui-même. Je peux vous avouer candidement qu'en pharmacie, c'est absolument impossible, parce qu'en pharmacie, nous rendons des services à des tiers. Un tiers peut venir à la pharmacie et présenter la carte. Quand la vieille mère a 98 ans, ce n'est pas elle qui va venir chercher ses ordonnances. Cela va présenter des problèmes énormes. Les deux tiers que nous avons, c'est celui qui est délégué par le bénéficiaire et, l'autre tiers, ce sont les livreurs qui vont fournir la marchandise à domicile. Je pense qu'on n'a pas le droit de priver les bénéficiaires de cette double possibilité de se procurer des médicaments.

Nous avons vécu, en pharmacie — je voudrais insister un peu là-dessus — depuis 1972, le régime de la carte obligatoire, via les bénéficiaires de l'aide sociale. Depuis 1972, les pharmaciens, à travers le Québec, doivent exiger la carte pour s'assurer — le carnet, M. le président de la régie — que le bénéficiaire est bien admissible. Le carnet est émis pour trois mois. Cela veut dire qu'à tous les trois mois, nous devons, au niveau des fonctions d'employés de bureau, faire une vérification de chaque bénéficiaire qui téléphone ou qui se présente en pharmacie, sans la remettre continuellement chaque fois qu'il fait une visite, par exemple.

Nous avons affronté des problèmes énormes. Nos pharmaciens à travers le Québec ont été impliqués dans des systèmes de vérification épouvantables. Nous avions en main dans nos dossiers, très souvent, les cartes des bénéficiaires. Elles étaient refusées par la régie. Lorsqu'on faisait plainte à la régie, on nous disait textuellement: C'est le fichier du MAS qui est mal fait. Si on s'informait au MAS, on nous disait: C'est une erreur de la régie.

Il y a deux ans, à travers le Québec, il y a eu une volée de codes 93. Pour les non-initiés, les codes 93, ce sont des paiements refusés parce que le bénéficiaire n'était pas admissible en date du service. Les pharmaciens ont dû, à ce moment-là, aller chez les bénéficiaires chercher les cartes, faire des photocopies des cartes, les faire parvenir à la régie pour se faire payer. C'est en septembre. Nous avons appris, en janvier de l'année suivante, que la régie — je l'excuse, toute erreur est humaine — avait oublié d'insérer dans sa machine une bobine complète de bénéficiaires. Vous voyez le problème que cela peut présenter pour nous, ce système de cartes obligatoires.

Nous croyons qu'une fois que nous l'avons vérifié, que nous avons inscrit le numéro dans nos dossiers... Chaque fois que le malade se présente pour un service — très souvent, encore une fois c'est un tiers qui vient — comment voulez-vous qu'on puisse le faire payer.

Encore une fois, en pharmacie, vous avez un bien d'attaché. Ces gens n'ont pas d'argent. Le prix du bien qui est attaché varie continuellement. Cela peut être $5, $10, $20, cela peut être plus. L'honoraire, lui, est fixe. Il est présentement à $2.65. J'ai exécuté la semaine dernière pour un bénéficiaire de l'aide sociale qui n'avait pas sa carte — je l'avais dans mon dossier, elle était valide — une ordonnance pour un produit qui s'appelle Calcimar, calcitonine saumon, prescrit pour la maladie de Paget, au coût de $336 pour un mois de traitement, renouvelable trois fois. Est-ce qu'un bénéficiaire est capable, en vertu du nouveau projet de loi, de débourser ce montant et de le réclamer par la suite à la régie, parce qu'il n'a pas sa carte, parce qu'il l'a égarée, parce qu'il l'a oubliée? Vous voyez le problème que cela peut présenter pour nous, les pharmaciens, la carte obligatoire.

M. Lazure: M. le Président, on dit ce matin — j'ai même parlé des pharmaciens — qu'on est conscient de cela. Aux pages 7 et 8 de mon texte, déjà, on a énuméré des exceptions qui sont prévues au règlement. Je vous ai dit ce matin

qu'on était très conscient de la difficulté particulière en ce qui concerne les pharmaciens. On est prêt à avoir des formules souples qui vont rencontrer vos particularités. Le Dr Laberge...

M. Marquis (Jean-Claude): M. le ministre, pour vous répondre, ce qui m'agace un peu, c'est qu'il me semble que ce serait tellement plus simple de le mettre dans nos ententes, parce que des ministres, des fois, cela change, cela peut changer, les ministres. On est pris par des règlements qui seraient faits par la régie, acceptés par le lieutenant-gouverneur en conseil...

M. Lazure: C'est proposé par un ministre, celui qui est responsable de la régie, au lieutenant-gouverneur en conseil. C'est publié dans la Gazette...

M. Marquis (Jean-Claude): Cela peut changer du jour au lendemain.

M. Lazure: Pas comme cela, quand même! Il faut l'annoncer d'avance.

La carte obligatoire, il y a eu une ouverture de faite ce matin par le ministre des Affaires sociales, à savoir qu'au lieu d'exiger la carte, on exigerait peut-être uniquement le numéro de la carte. On a pensé aux gens qui sont à domicile, on a pensé également aux cas de pharmacie. Par contre, on a encore, même là, des hésitations, parce que quand le Dr Hamel a parlé ce matin qu'il y a 15% des gens dans les centres d'accueil qui n'ont pas leur carte, on les retrouve dans les bureaux de médecins. On a déjà trouvé au-delà de 100 cartes dans le bureau d'un médecin. Je ne sais pas si c'est la place où il faudrait que la carte soit gardée. On en a déjà trouvé. On a déjà trouvé au-delà de 100 cartes d'assurance-maladie dans un bureau. Dans le cas de la pharmacie, vous parlez de vérification et que c'est épouvantable comment on vérifie, mais c'est quand même $100 millions qu'on donne aux pharmaciens dans l'année qui s'en vient, en services et en produits. Alors, il y a une opposition à ce qu'il y ait des contrôles.

M. Marquis (Jean-Claude): Absolument pas!

M. Lazure: D'autant plus que sur les $100 millions, il y a $32 millions qui sont donnés, comme vous le savez, sans ordonnance médicale écrite. Cela dérange, d'une part, les médecins et, d'autre part, cela dérange les pharmaciens, mais il y a 32% des ordonnances qui ne sont pas écrites. Cela mérite qu'on s'y attarde un peu. Je vous ai dit ce matin que dans les 18 premières enquêtes qu'on a faites à domicile pour vérifier les médicaments, on y a trouvé des médicaments qui n'étaient pas ceux pour lesquels on avait été facturé. Il faut quand même être responsable et s'assurer que l'argent qu'on dépense l'est à bon escient.

M. Marquis (Jean-Claude): Nous sommes, nous aussi, responsables.

Le Président (M. Jolivet): Seulement une vérification, parce que je pense que la parole est au député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je pense que cela va bien quand même. Du choc des idées jaillit la lumière! Cela va bien. Il y aurait peut-être lieu qu'on entende la réponse. Ensuite, j'aurai quelques questions, les deux dernières.

Le Président (M. Jolivet): Tout de suite après cela, je devrai passer la parole au député de Pointe-Claire.

M. Grenier: Je voudrais bien quand même pouvoir poser une dernière question qui m'intéresse beaucoup et qui tourne autour de cela, une dernière après celle-là.

M. Marquis (Jean-Claude): M. le Président, nous ne sommes absolument pas contre les contrôles. Au contraire, depuis 1972, nous en avons subis à la tonne, des contrôles, nous, les pharmaciens, au niveau des cartes, je l'ai expliqué tout à l'heure. Nous sommes favorables au contrôle, mais nous ne voulons pas que le pharmacien soit pris dans un cadre où il ne peut plus bouger, qu'il soit continuellement obligé de quérir de l'argent auprès du bénéficiaire qui n'est pas capable de payer. C'est un système qui m'apparait complètement aberrant, si vous vous en tenez à ce que la carte soit toujours présentée chaque fois qu'on fait affaires avec le bénéficiaire. Il y aura tellement d'exceptions en pharmacie, messieurs, que j'ai l'impression qu'on aura la carte à l'occasion.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Pointe-Claire.

M. Grenier: J'aimerais savoir...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton, je m'excuse, mais je pense qu'on devrait passer au député de Pointe-Claire.

M. Grenier: M. le Président, on n'a pas dit un mot tout à l'heure pendant les questions de l'Opposition officielle et cela a duré une heure juste. Je pense qu'après une vingtaine de minutes, on pourrait au moins me permettre une dernière question. Cela a duré une heure juste tout à l'heure.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez raison. M. Grenier: Oui, je l'ai vérifié. Alors...

Le Président (M. Jolivet): Vous avez raison sur le temps. Je pense qu'on a laissé à ce moment-là — puisqu'on avait pris cela comme consensus — la possibilité d'augmenter le temps pour éviter de revenir continuellement sur des questions de règlement, à savoir qui a droit de parole ou pas. Je vous ai fait mention...

M. Grenier: J'interviens, c'est ma dernière question. Le député de Pointe-Claire pourra revenir et on changera de sujet, si on le désire.

Le Président (M. Jolivet): En espérant qu'elle ne prendra pas une demi-heure. Allez.

M. Grenier: Absolument pas! Je la poserais au Dr Hamel ou à un autre qui pourrait y répondre. Si le gouvernement veut absolument vendre sa carte soleil, sa carte obligatoire, et qu'on y voit là-dedans une administration difficile — j'ai été placé pour le savoir aussi, quand on voit que c'est bloqué dans les bureaux des médecins, cela ne me jette pas à terre. J'ai dirigé des institutions pour personnes âgées et je sais qu'il n'y a pas de quoi se jeter à terre avec cela. Il y a bien d'autres raisons pour lesquelles ils sont là. A partir de cela, j'aimerais savoir si vous auriez une autre formule de remplacement pour cette carte soleil?

M. Hamel: Avant de passer à la proposition, j'aimerais faire une remarque, parce que cela fait plusieurs fois qu'on met la chose en évidence ou qu'on la monte en épingle pour dramatiser une situation. On dit: Les cartes sont dans les bureaux des médecins. Il y a des erreurs qu'on cherche souvent à mettre en épingle. On n'a pas parlé, pour notre part, des erreurs de la régie, avec lesquelles on se débat continuellement. Je pourrais débiter pendant une heure des erreurs de la régie. Par exemple, les statistiques officielles qui ont paru en septembre en ce qui concerne les médecins omnipraticiens sont fausses quant au coût de l'acte, au nombre d'actes par médecin.

L'obstétrique en 1978 est 60% plus élevée qu'en 1977, alors qu'on sait très bien que c'est à peu près la même chose en obstétrique. Je pourrais donner toute une série d'erreurs comme celle-là. Je pense que cela ne règle aucun problème d'essayer de monter en épingle tel et tel type d'erreurs qui sont tout à fait normales, soit dans une institution, soit dans n'importe lequel organisme et même dans un cabinet de médecin.

Ceci dit, nous avons des propositions tout à fait constructives en ce qui concerne la carte et je laisse la parole à Me Brodeur.

M. Brodeur: Les associations qui sont ici aujourd'hui, ont préparé un document que je vais vous lire et commenter le plus brièvement possible. La proposition serait celle-ci.

Si le ministre des Affaires sociales juge que l'inscription à la régie est essentielle pour qu'un résident du Québec ait la qualité de bénéficiaire, la mise en place d'une telle mesure doit incomber à la régie et non pas aux professionnels de la santé, et, d'autre part, la présentation obligatoire de la carte doit être absolument écartée parce qu'elle crée de graves injustices. Nous accepterions donc, l'inscription obligatoire, mais pas la présentation obligatoire de la carte.

Nous suggérons l'approche suivante: un bénéficiaire serait, comme c'est le cas dans le projet de loi, une personne qui réside au Québec et est inscrite à la Régie de l'assurance-maladie. Seul un bénéficiaire aurait droit aux services assurés.

Comment s'appliquerait ce système? D'abord par rapport aux professionnels de la santé, il fournit les services prévus à la loi et à la réglementation sur présentation de la carte d'assurance-maladie ou sur la base des motifs de bonne foi qui l'amènent à croire que le patient est une personne résidant au Québec.

Le professionnel de la santé est alors rémunéré par la régie, à moins que le patient ne l'informe qu'il n'est pas inscrit à la régie et qu'il n'a pas l'intention de s'y inscrire, auquel cas le patient défraie lui-même le coût des honoraires professionnels. (16 h 45)

Qu'est-ce qui se passe du côté du patient dans le cas où il n'a pas sa carte? Le patient qui réside au Québec, mais qui n'est pas inscrit à la régie et qui n'a pas présenté sa carte, évidemment, et à qui des services assurés ont été fournis par un professionnel de la santé dont les services ont été payés par la régie, reçoit de cette dernière une demande de remboursement.

Toutefois, si le patient s'inscrit à la régie, dans un délai prévu, il n'a pas à rembourser à la régie le coût des services assurés. Autre hypothèse. Le patient est un bénéficiaire et est inscrit à la régie, mais, pour une raison ou une autre, il n'est pas en possession de sa carte d'assurance-maladie lorsqu'il se présente chez le professionnel de la santé.

Dans ce cas, la régie assume la responsabilité d'inciter ce patient à présenter sa carte à l'avenir ou à la remplacer s'il ne l'a plus. Cette incitation peut prendre plusieurs formes. Aux seules fins d'illustration, mentionnons une lettre de la régie l'incitant à présenter sa carte ou à demander l'émission d'une nouvelle carte, le cas échéant.

Campagne de publicité auprès des bénéficiaires: la mise à la disposition des bénéficiaires de formules de demandes d'émission de nouvelles cartes dans les bureaux des professionnels de la santé, la recommandation faite au bénéficiaire, par le professionnel de la santé qui, au fond, y trouve lui-même son intérêt, en termes d'administration, de présenter sa carte ou de voir à la faire remplacer lui-même s'il l'a perdue.

C'est là la proposition qui est soumise.

M. Grenier: Est-ce que cela peut être distribué pour l'avantage, pour la bonne compréhension des membres de la commission?

M. Brodeur: Nous n'avons pas de photocopie présentement. On pourra en faire faire.

M. Grenier: D'accord. Il s'agit de déposer le document au président.

Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez qu'à me le donner, on les fera en conséquence. M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Premièrement, une question au président de la régie. Vous avez dit ce matin que

toutes les autres provinces ou beaucoup d'autres provinces ont des cartes. Y a-t-il une province au Canada qui a des cartes comme celles que nous avons au Québec?

M. Lazure: Non.

M. Shaw: Vous avez dit, ce matin, que les autres provinces ont demandé leurs cartes avant de donner du service, mais, maintenant, vous dites qu'il n'y a pas de carte partout au Canada.

M. Lazure: Ce que je vous dis et que vous n'avez pas l'air de comprendre, c'est qu'elles n'ont pas de cartes comme celles du Québec.

M. Shaw: Oui.

M. Lazure: Les gens ont quelque chose à présenter, un document. Cela peut ressembler au permis de véhicules automobiles. Cela peut ressembler à autre chose. Dans une autre province, c'est le reçu du paiement de la prime comme en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. C'est cela qu'ils présentent pour recevoir des services.

M. Shaw: Alors, la seule chose que les autres provinces demandent est une preuve...

M. Lazure:... d'admissibilité.

M. Shaw: ... d'admissibilité. Pourquoi n'employons-nous pas le même système au Québec?

M. Lazure: C'est la même chose.

M. Shaw: Ce n'est pas la même chose du tout parce que, comme le responsable des pharmaciens l'a dit, ils ont fait la preuve en ayant de l'information d'un client et ils ont gardé cela dans leurs dossiers, et vous n'êtes pas prêt à accepter cela maintenant.

M. Lazure: J'ai dit tantôt aux pharmaciens que c'est possible, c'est dans les ouvertures que le Or Lazure a faites ce matin, qu'au lieu d'exiger la présentation de la carte, c'est possible qu'on exige le numéro qui est sur la carte.

M. Shaw: Mais vous n'êtes pas prêt vous-même à accepter cela. Vous venez de le dire.

M. Lazure: Je n'ai pas dit que je n'étais pas prêt à l'accepter. Je prends le cas des pharmaciens, en particulier. Le Dr Michael m'informe que 99% des demandes des pharmaciens arrivent avec le numéro. Il n'en manque pas beaucoup.

M. Shaw: J'accepte que les professionnels puissent vous donner plus que le numéro de la carte, mais vous exigez la carte, dans le projet de loi. C'est totalement différent.

Deuxièmement, le fardeau de la preuve...

M. Lazure: Si vous permettez, je vais expliquer un peu cela. On l'a déjà dit plusieurs fois. Etant donné que, de toute façon, j'ai fait allusion au sondage SORECOM du début de 1977, la très grande majorité des gens qui ont leur carte, la grande majorité présentent leur carte, la grande majorité des gens croient même que la carte est obligatoire et que, lorsqu'on leur pose la question et qu'on leur dit: Elle n'est pas obligatoire, mais, si elle devenait obligatoire, seriez-vous d'accord?, plus des deux tiers des gens disent: Oui, nous serions d'accord...

M. Shaw: Et un tiers qui n'ont pas leur carte.

M. Lazure: II s'agit, dans une loi, de stipuler pour une situation qui va toucher l'ensemble de la population. Dans les règlements, nous sommes prêts — nous le répétons — à faire des exceptions, notamment pour les pharmaciens.

M. Shaw: Une autre question dans le même domaine. On accepte maintenant que des enfants de moins de 18 ans, vous avez même avoué que 15% maintenant n'ont pas leur carte. Est-ce vrai?

M. Lazure: Non. Je ne sais pas où vous prenez cela, mais je n'ai jamais entendu parler de cela.

M. Grenier: Ils ne transportent pas leur carte avec eux.

M. Shaw: Non. J'ai dit que même 15% des...

M. Lazure: Le taux le plus élevé d'absences de carte se trouve chez les enfants de moins de 1 an et il est à 10,1%. Chez les enfants de moins de 1 an. C'est pour cette raison que, par règlement, on va exclure la carte pour au moins les moins de six mois. Ce qui est drôle, c'est que dans les autres programmes, comme par exemple les bénéficiaires québécois qui vont à l'extérieur du Québec, quand ils reviennent avec des comptes, on exige la carte. On ne paie pas s'ils n'ont pas une carte d'assurance-maladie ou s'ils ne sont pas inscrits. Il y a des fois des montants assez élevés qui peuvent aller jusqu'à $100 000. Avant de payer, on s'assure qu'ils sont inscrits. Quand on arrive dans le programme des prothèses visuelles, on n'a jamais payé une prothèse visuelle pour un individu qui n'a pas une carte ou qui n'est pas inscrit à la régie. Quand on va chez les orthèses et prothèses, seize établissements avec lesquels on est conventionné, on exige encore la carte. Chez les dentistes, comme preuve d'admissibilité pour l'âge, il n'y a pas de meilleur moyen que la carte. Chez les gens de 65 ans et plus, comme preuve qu'ils ont 65 ans et plus et qu'ils sont admissibles au programme de médicaments, le meilleur moyen c'est encore la carte. Le problème est: Est-ce que c'est la carte elle-même à présenter ou, comme le suggérait tantôt le pharmacien, est-ce qu'on ne pourrait pas se satisfaire du numéro?

M. Shaw: Pour continuer dans le même domaine...

Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. le député, il y a peut-être un ajout qui pourrait être fait.

M. Marquis (Jean-Claude): Une mise au point pour taquiner le président de la régie. J'ai dit tout à l'heure que nous fonctionnions avec deux systèmes. On a le carnet pour les bénéficiaires et on a la carte d'assurance-maladie pour les personnes âgées. Nous avons reçu, les pharmaciens, une directive de la régie de ne pas se servir de la carte d'assurance-maladie dans l'imprimant et pour les bénéficiaires lorsqu'il n'y avait pas concordance.

M. Shaw: II y a aussi la question du fardeau de la responsabilité. Il y a responsabilité quand un médecin ou un dentiste ou un pharmacien accepte une carte et, à un moment donné, la régie dit que ces services ont été donnés à quelqu'un qui a faussé la vérité. C'est au professionnel de payer ce montant, pourquoi au professionnel et pas au responsable qui est celui qui a fait le faux?

Je vais répéter encore une fois. On dit que M. Untel présente une carte qui n'est pas sa propre carte. C'est un Américain qui emploie, par exemple, ma carte. Mais s'il y a une enquête qui prouve que ce service a été rendu par un médecin à quelqu'un qui n'était pas couvert par cette couverture, pour le moment, il a mal présenté un fait. C'est le médecin qui doit payer ce montant.

M. Lazure: Non. Le médecin était de bonne foi, il avait une carte, il l'a inscrit. On se rend compte au fichier du bénéficiaire que l'inscription est fausse, est mauvaise, on découvre que c'est un résident du Vermont, de New York ou du Maine. C'est à nous de faire rembourser le client et non pas le médecin.

M. Shaw: Alors, le fardeau de la preuve dans ce domaine n'est pas au médecin.

M. Grenier: M. le député de Pointe-Claire me permettrait-il juste une question très courte?

Le Président (M. Jolivet): Non. M. Grenier: Sur le numéro.

Le Président (M. Jolivet): Non. Mme le député de L'Acadie.

M. Grenier: Elle était bien importante.

Le Président (M. Jolivet): Refilez-la à Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas compris sa question. M. le Président, je me demande s'il ne faudrait pas éclaircir, à ce moment-ci, la façon dont on procède. Ce matin, on avait convenu que chacun faisait un très court survol de ses impressions générales.

Le Président (M. Jolivet): Ce qui a été fait d'ailleurs.

Mme Lavoie-Roux: Non, ce qui n'a pas été fait, parce que c'était la première fois que le député de Saint-Laurent parlait, mais je ne veux pas prolonger le temps. Je veux simplement...

Le Président (M. Jolivet): Je vais expliquer pour bien se comprendre. Ce matin, on a demandé à un représentant de chacun des partis de parler. Quand nous sommes revenus, en terminant à 13 heures, j'ai demandé...

M. Forget: ... de Papineau.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Papineau aussi.

Le Président (M. Jolivet): Une minute. Ce que j'ai exprimé, on va le clarifier tout de suite. J'ai demandé aux partis politiques et à tout député qui voulait intervenir pour la première fois, d'intervenir. En deuxième lieu, le parti politique dont vous êtes le représentant a eu un droit de parole d'une heure, utilisé par le député de Saint-Laurent; ensuite, nous sommes allés au député de l'Union Nationale, au député de Pointe-Claire et on revient à vous.

Mme Lavoie-Roux: Je suis fort aise que vous vous compreniez, M. le Président, je trouve ça assez confus.

De toute façon, le ministre avait également fait valoir qu'il avait quelques questions à poser. Je pensais que le ministre reviendrait avec ses questions et qu'on referait le tour. Mais enfin, ceci est réglé à ce moment-ci. Est-ce qu'on passe maintenant au deuxième chapitre?

Le Président (M. Jolivet): C'est à vous de poser des questions, vous pouvez...

Mme Lavoie-Roux: Le ministre n a pas de question concernant le deuxième chapitre, si je comprends bien.

M. Lazure: Non, allez-y, Mme le député.

Le Président (M. Jolivet): Ah, parce que moi, j'avais compris qu'il laissait aux autres le soin de poser des questions.

M. Lazure: Depuis le début de la journée, c'est ce que j'ai tenté de faire...

Le Président (M. Jolivet): C'est ce que j'ai compris.

M. Lazure: ... pour suivre votre suggestion de ce matin, Mme le député de L'Acadie, lorsque vous m'avez interrompu dans ma lecture.

Mme Lavoie-Roux: Je ne vois pas quel rapport cela a, mais de toute façon...

M. Lazure: On le voit, nous.

Mme Lavoie-Roux: Si on prend les recommandations du deuxième chapitre, certaines de ces recommandations vont probablement toucher des représentations qui nous seront faites, un peu plus tard, j'imagine, par différents ordres de professions. Pour ce qui est de la première recommandation, à savoir de rie pas implanter de système de carte obligatoire d'assurance-maladie, je pense qu'on y a touché passablement depuis la fin des questions du député de Mégantic-Compton et du député de Pointe-Claire.

Il reste qu'il y a un problème qui a été soulevé à ce sujet, c'est celui des fausses cartes. J'aimerais demander au président de la régie si le fait de rendre la carte obligatoire va solutionner le problème de l'utilisation par d'autres de cartes qui ne leur appartiennent pas ou des fausses cartes? Parce que cela semble aussi être une grande partie du problème dans le cas des déficits ou des montants que la régie ne devrait peut-être pas payer, mais se trouve dans l'obligation de payer?

Le Président (M. Jolivet): Un instant! Avant qu'il réponde, on m'a fait une demande. Nous avons arrêté le système qui épure la salle de la fumée pour éviter le bruit qui était très fort tout à l'heure; est-ce qu'il serait possible, pour les besoins des non-fumeurs, de diminuer votre quota de cigarettes, ceux qui fument?

M. Laberge.

M. Lazure: Pour répondre au député de L'Acadie, je voudrais d'abord dire que pour les enfants nés de parents québécois, on émet une carte sans problème. Si les parents ne sont pas des résidents du Québec, que c'est un enfant né au Québec, on exige un certificat de naissance. Pour les adultes, le problème qui se pose est surtout au niveau des immigrants et, à partir de janvier, le ministère de l'Immigration du Québec est censé émettre un certificat de sélection. Alors, on demandera, pour un résident immigrant au Québec, un certificat de sélection avant d'émettre une carte d'assurance-maladie.

Pour les autres adultes qui s'inscrivent à la régie, on demande un répondant avec un numéro d'assurance-maladie. Maintenant, ça ne réglera pas le problème de gens de l'extérieur du Québec, particulièrement des états américains limitrophes, qui voudraient se procurer une carte, qui empruntent la carte d'un cousin ou d'un oncle et qui se font donner des soins. On n'a pas de preuve de ça.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous parlez... enfin, on citait la presse comme ayant mentionné — j'imagine que les chiffres venaient de la régie — $50 millions de frais qui n'auraient pas dû être payés; vous ne pouvez pas faire la proportion entre ce qui serait la négligence à présenter sa carte et le résultat de fraude ou mauvaise utilisation. ( 17 heures)

M. Lazure: C'est-à-dire que ce matin, j'ai parlé d'un montant de $50 millions — par mois, $4 140 000 environ — que nous payons à des professionnels de la santé du Québec, pour des services assurés à des personnes que nous présumons être des Québécois, mais on n'en a pas la certitude. Il faudrait faire une enquête dans chacun des cas et, comme on reçoit 900 000 demandes de paiement par semaine...

Mme Lavoie-Roux: Moins un autre million de dollars pour faire l'enquête.

M. Lazure: Cela coûterait plus cher de faire l'enquête que de payer les montants qui sont là.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais quand même demander aux groupes qui sont devant nous... Il reste un fait, et je pense que vous ne le nierez pas, il y a certainement des abus, dans l'utilisation ou la non-utilisation de la carte d'assurance-maladie... Est-ce que vous avez fait une suggestion que vous venez de déposer devant nous, car vous voulez redonner à la Régie de l'assurance-maladie la responsabilité de l'application de la loi... Les suggestions que vous faites sont l'ordre incitatif.

Est-ce que vous voulez dire par là qu'il n'y a pas eu suffisamment de suggestions d'ordre incitatif, dont le résultat est la mauvaise utilisation qu'on connaît, ou une certaine mauvaise utilisation qu'on connaît? Ou croyez-vous que vraiment cela sera suffisant pour corriger ce que l'on veut corriger? Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas jouer avec les chiffres. Je trouve qu'on peut facilement tomber dans la démagogie avec ce genre de chiffres. Mais, d'un autre côté, je pense qu'il y a un problème réel, et cela, vous en convenez ou vous n'en convenez pas. C'est peut-être la question fondamentale.

Et la deuxième, croyez-vous que des mesures incitatives, même en admettant que la régie pourrait être plus présente, plus incitative, faire plus d'éducation, croyez-vous que ce soit suffisant pour corriger les problèmes auxquels on fait face?

M. Hamel: Voici, M. le Président. Cette année, une campagne de la régie a eu pour résultats d'augmenter environ de 10%, c'est-à-dire de 80% à 90%, le port de la carte. Une seule campagne a eu cet effet, d'augmenter ce taux de 80% à 90%. Cela a eu un effet réellement important, donc un geste de la régie à retenir.

D'autre part, il faut bien savoir que les professionnels de la santé eux-mêmes, et leur personnel surtout, les secrétaires qui reçoivent les patients dans les cabinets, trouvent leur travail facilité par le port de la carte.

En général, de façon unanime, les professionnels sont favorables à ce que tout le monde, tous les bénéficiaires puissent porter la carte. En fait, ils le sont tellement que, dans les enquêtes que nous avons faites dernièrement, il y a une quinzaine de jours, dans les cabinets privés de médecins

omnipraticiens, 95% des malades se présentent avec la carte, parce que, justement surtout lorsque les patients reviennent, le personnel des médecins est peut-être le personnel le plus efficace au Québec pour influencer les bénéficiaires à porter leur carte.

La chose est tout à fait différente dans les établissements, dans les salles d'urgence — évidemment, cela se comprend — dans les centres d'accueil, pour des raisons que je ne veux pas élaborer ici. Mais de façon générale, on pense que les moyens incitatifs, on en a la preuve cette année, ont fait passer le port de la carte obligatoire d'environ 80% à 90%, sauf que vous avez quand même des patients qui se présentent avec des cartes avariées, qui ne sont pas utilisables; d'autre l'ont oubliée, lorsqu'ils sont partis d'urgence; vous en avez d'autres qui l'ont perdue; vous en avez d'autres qui attendent une nouvelle carte de la régie, cela peut prendre six mois, huit mois, parfois dix mois.

Vous avez toutes ces personnes de bonne foi qui, souvent, ont déjà été traitées par le médecin. Le médecin a le numéro de la carte. On se demande pourquoi, dans ces cas-là, il faudrait que le médecin exige des honoraires aux malades et suive la procédure prévue dans la loi. Lorsqu'un médecin traite une famille depuis quinze ans ou vingt ans et que les gens de cette famille ont perdu la carte et que le médecin possède déjà le numéro... C'est bien clair qu'il y a de l'amélioration à faire, il s'en est fait beaucoup et, d'après nous, ces mesures sont caduques, parce que, dans quelque temps, si la régie continue à faire des efforts, en particulier dans les centres d'accueil, on va avoir encore un plus haut pourcentage de patients qui vont posséder leur carte.

Mme Lavoie-Roux: J'imagine, M. le Président, qu'il est trop tôt pour la Régie de l'assurance-maladie d'évaluer dans quelle mesure des progrès ont été réalisés, à la suite de ces campagnes de publicité. Etant donné qu'apparemment, c'est assez récent, que vous avez fait ces efforts de publicité durant la dernière année, il est trop tôt pour établir si cela a eu de bons résultats et si on peut espérer que ce soit une solution suffisante.

M. Lazure: Je vais vous répondre. J'aimerais faire un petit commentaire au Dr Hamel. Il a confondu le temps d'une grossesse, neuf mois, avec le temps pour émettre une carte d'assurance-maladie qui est de neuf jours. Cela prend actuellement neuf jours à émettre une carte. Entre le jour où la réception arrive, la demande d'une carte, d'une inscription ou d'un remplacement de carte qui arrive à la régie et le moment où elle est émise, cela prend neuf iours.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Lazure: Je remonte au premier rapport du Vérificateur général qui, à ce moment-là, avait trouvé que 36%, par échantillonnage, des gens n'avaient pas de carte. C'est il y a trois ans. On a fait, à ce moment-là, une première campagne de publicité, tant auprès des professionnels qu'auprès des bénéficiaires. Dans ce domaine, je dois dire que les gens qui nous aident le plus, ce sont les secrétaires des professionnels qui disent aux patients, quand ils arrivent: Avez-vous votre carte? Non. Si vous ne l'avez pas, essayez de vous en procurer une, ou encore: La prochaine fois que vous viendrez, tâchez d'avoir votre carte.

On a également eu, de la part des pharmaciens, une excellente collaboration. Ils ont accepté d'avoir des présentoirs avec des possibilités d'inscription pour tout le monde, c'est-à-dire que les formules d'inscription sont distribuées là.

Dans une deuxième enquête, environ un an plus tard, on était autour de 25%. A la troisième enquête, celle à laquelle on a référé ce matin et sur laquelle on a donné les chiffres, on était à 15%. A la suite de cette enquête, il y a eu encore une nouvelle promotion pour l'utilisation de la carte et on est à environ — les chiffres du Dr Hamel sont très proches de l'exactitude — 10%, mais il reste, je le répète, que 99% des gens au Québec ont une carte d'assurance-maladie; 94% la portent sur eux, ce qui confirme ce que vient de dire le Dr Hamel également, c'est-à-dire que, dans les bureaux de pratique générale, 95% des gens se présentent là avec une carte.

Mme Lavoie-Roux: Que 94% la portent sur eux, je vous trouve optimiste, mais je ne le contesterai pas: vous devez le savoir mieux que moi.

M. Lazure: C'est encore l'enquête de SORECOM qui a été faite selon un sondage que vous connaissez.

Mme Lavoie-Roux: Par hasard, M. le Président, n'y aurait-il pas en circulation plus de cartes qu'il y a de résidents au Québec?

Le Président (M. Jolivet): Si vous me posez la question à moi, je ne le sais pas.

Mme Lavoie-Roux: Je veux dire par votre entremise, M. le Président.

M. Lazure: En 1975, au mois de juin, il y avait environ 10 millions de cartes. Est-ce que cela répond à votre question?

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes rendus à combien? Il y en a combien de morts depuis ce temps-là?

M. Lazure: II y avait ce qu'on appelait des NAM temporaires, c'est-à-dire qu'il y avait des cartes, le nombre était moins grand, mais il y avait des NAM temporaires; ce sont des gens à qui on avait signé des numéros temporaires. Actuellement, le nombre de cartes, depuis qu'on a émis la carte-soleil, c'est autour de 6 200 000 ou de 6 210 000. C'est le nombre de cartes en circulation, actuellement.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela la population du Québec, je pense? C'est à peu près cela. De toute façon!

Il y a un deuxième point. Je pense qu'on ne résoudra pas le problème de la carte-soleil aujourd'hui. Vous soulevez beaucoup les problèmes des pouvoirs très importants qu'on veut maintenant confier à la régie. Vous présentez, comme deuxième recommandation, que l'article 62 proposé par l'article 47 soit retranché. Si je comprends bien, j'imagine que vous considérez qu'il devrait normalement appartenir à l'Ordre des professions et non à la régie d'exclure, pendant six mois ou pendant un an, un professionnel de la Régie de l'assuran-ce-maladie. Est-ce que c'est le sens de votre deuxième recommandation? C'est à la page 83 de vos recommandations.

M. Lazure: C'est quand c'est possible...

M. Lachapelle: Particulièrement, je crois, à l'article 62, n'est-ce pas?

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Lachapelle: L'article 62, qui se trouve à instaurer un régime de double pénalité, qui, si on en croit l'article 152 du Code des professions, va être triplé par une triple pénalité, parce que le professionnel de la santé coupable d'une infraction pénale ipso facto se trouve traduit devant le comité de discipline de la corporation de sa catégorie. Egalement, nous considérons les conséquences que cela comporte pour le bénéficiaire. Pensons, si vous voulez, par hypothèse, au professionnel qui serait visé par une telle pénalité. Ce professionnel vis-à-vis des bénéficiaires leur cause le problème suivant: Ou bien cesser la relation bénéficiaire-professionnel, ou bien encore se soumettre au régime de non-participation, ce qui veut dire pour le bénéficiaire, évidemment, l'obligation de payer directement au professionnel en cause.

Pour ces motifs, nous croyons que cette double pénalité qui se conjugue même en triple pénalité, devrait simplement être bannie comme étant excessive. De toute façon, nous ajoutons également que s'il y a une sanction économique à considérer, l'entente peut prévoir des sanctions économiques. De toute façon, dans l'entente, à l'heure actuelle, nous parlons même, au niveau de la répartition des effectifs, nous l'avons vu, de contraintes. Alors, si nous lisons la nature de ces contraintes, par référence à la loi, elles pourraient correspondre à une exclusion du régime pour un temps, mais cependant, la nature, la gravité de l'offense devrait être prise en considération. Pourquoi avoir une sanction automatique dans tous les cas de six mois, quelle que soit l'échelle de la gravité, quelle que soit la nature de l'offense? Pour toutes ces raisons, nous croyons que la double pénalité est odieuse, est inopportune et qu'elle devrait être référée à l'entente, s'il y a lieu d'assurer une sanction économique.

Mme Lavoie-Roux: Oui, j'aimerais avoir les commentaires du ministre là-dessus.

M. Lazure: Oui, quelques commentaires avant de passer la parole au Dr Laberge. C'est une mesure qui peut paraître sévère à prime abord, exceptionnelle. Effectivement, elle s'appliquerait à des cas exceptionnels — le Dr Laberge va donner des chiffres tantôt — ce sont quelques cas par année. On dit bien: Lorsqu'un professionnel de la santé, poursuivi en vertu du Code criminel est coupable ou plaide coupable. Je pense bien que vous allez tenir pour acquis que la régie ne va pas poursuivre au criminel pour des péccadilles. La preuve, c'est qu'il y a très peu de cas par année. Je demande au Dr Laberge plus de détails, de détailler ce sujet.

M. Lachapelle: Je ne pense pas qu'on trouve là une excuse. Allez-y!

M. Lazure: C'est-à-dire que la régie, en vertu de sa loi, peut poursuivre au pénal, poursuivre au criminel. En 1976, on a poursuivi deux cas au criminel. En 1977, on en a poursuivi également deux. En 1978, jusqu'à maintenant, on en a poursuivi deux. Ce qui nous a fait penser à cette mesure, c'est qu'on l'a vue ailleurs dans d'autres provinces, surtout qu'on a réalisé qu'un professionnel condamné au criminel, le premier a une sentence suspendue avec $500 d'amende, le deuxième a $100 d'amende et un mois pour payer, au criminel toujours, le troisième a plaidé coupable, mais a eu une libération inconditionnelle. Il y en a un qui a eu trois jours de prison, mais à servir les trois derniers dimanches de chaque mois. Il y en a un autre qui a eu $2000 d'amende et un jour de prison. Ce sont pour des offenses au criminel. Je vous ferai remarquer que souvent les montants impliqués sont dans l'ordre de $50 000, $100 000 ou $150 000. Il y en a un autre ici qui a une probation de deux ans, et enfin, un qui plaide coupable, plaidoyer de culpabilité, libération inconditionnelle.

M. Lachapelle: Les arguments du président sont assez équivoques, ou du moins, ils semblent nous faire entendre que les tribunaux ne sont pas assez sévères, que les sentences accordées, ne sont pas suffisantes et que la régie devrait prendre sur elle de les rectifier au nom de sa justice. (17 h 15)

M. Lazure: Je vais continuer, si vous le permettez.

M. Lachapelle: Allez-y!

M. Lazure: Quand on reçoit ces sentences-là, elles sont envoyées à la Corporation professionnelle. Je regarde dans le rapport annuel et je vois qu'il y a eu huit cas où on a reçu des réprimandes, trois cas une amende de $500 dont l'une, une radiation d'une semaine et des radiations permanentes. Or, un des cas qui étaient en radiation permanente est allé devant le tribunal des professions, devant les juges Jean Fillion, Gilles Fillion et Conrad Pronovost. Devant les trois juges au tribunal on dit que "l'acte frauduleux dont l'appelant a été trouvé coupable, si grave soit-il au plan

du droit criminel, a été commis à l'occasion de l'exercice de sa profession de médecin et s'il n'a pu le commettre sans être médecin, il n'en reste pas moins qu'il ne s'agit pas d'un acte de pratique professionnelle médicale ou chirurgicale. La sévérité excessive de la sanction, soit la perte à vie de son gagne-pain — il avait été radié à vie par la corporation — démontre que le comité de discipline n'a pas fait la distinction qui s'impose entre la fraude qui consiste à surcharger non pas un client, mais la régie". C'est-à-dire que voler la régie, il semble que cela n'ait pas d'importance, mais voler un client cela en aurait.

Un peu plus loin ils reviennent à d'autres sentences où il n'a jamais été imposé plus qu'une radiation de deux mois. "La sanction prononcée n'a pas le caractère de justesse et de convenance appropriés au présent cas. Ceci exposé, le tribunal, à l'unanimité, est d'avis que la sanction de radiation permanente doit être écartée et remplacée par une autre qui se rapproche de celle déjà imposée". On dit, dans un article ici: "La corporation n'a pas à imposer de sanction économique, les sanctions d'ordre économique doivent être imposées ailleurs". Alors, ailleurs, on se demande où? Ce n'est pas un privilège que la régie se donne, c'est une obligatoin. Si on n'a pas mis de limite de temps, mettons un mois, deux mois, trois mois ou six mois, c'est qu'on ne voulait pas avoir de pouvoir discrétionnaire de dire: Dans tel cas, ce sera un mois, dans tel autre, ce sera six mois et dans tel autre, ce sera deux mois. On a mis six mois pour tout le monde.

Mme Lavoie-Roux: ...

Une Voix: Je ferais encore la remarque que ce sont des gens condamnés au criminel.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne veux pas mettre en doute l'importance des accusations — enfin de la nature des accusations — qui ont été portées contre ces personnes-là. Il semble évidemment qu'il y ait une faille quelque part. Apparemment vous en avez discuté, j'imagine, avec les corporations professionnelles qui, elles, comme vous dites, se disent: Au plan économique on n'a pas de sanction à imposer, on en a uniquement au plan de l'appartenance à une profession.

Tout à l'heure on va les entendre et je trouve regrettable que la régie soit obligée de prendre de telles mesures parce que peut-être qu'ailleurs, on n'a pas discuté suffisamment des mécanismes ou on ne s'est pas entendus sur des mécanismes qui soient plus opérants que ceux qui existent présentement et on vous oblige, dans la loi à ajouter cette dimension supplémentaire.

Il semble qu'il y ait un problème mais qu'on ne sache pas exactement comment s'y prendre pour y rémédier. De toute façon, la troisième recommandation me semble faite par les groupes pour rétablir le délai de prescription à deux ans. Je ne saurais juger si c'est deux ans ou un an, mais chose certaine, cela semble un peu surprenant que le professionnel qui est obligé de préparer sa défense ou de faire valoir son point de vue, ait six mois, alors qu'on conserve à la régie deux ans.

Peut-être que dans un cas c'est... C'est aux bénéficiaires...

M. Brodeur: Aucun délai...

M. Lazure: La raison pour le bénéficiaire, c'est qu'on a des résidents québécois qui vont travailler à l'extérieur du Québec comme enseignants ou comme étudiants, et on leur donne deux ans de délai pour produire leur relevé d'honoraires. La raison pour laquelle on demande six mois pour les professionnels, encore là, je ne sais pas pourquoi on y met tellement d'importance parce que dans 99% des cas, après trois mois, les demandes de paiement sont toutes entrées. Il y a une poignée de peut-être dix ou quinze professionnels qui, un bon matin, nous envoient pour $120 000 de comptes qui remontent 18 mois, 20 mois ou 22 mois en arrière. C'est cela qu'on veut éviter.

Pour tous les autres professionnels, on a même des tableaux qu'on a déjà distribués pour savoir à peu près le temps ou le délai qui s'écoule entre le service assuré et la réception à la régie de la demande de paiement. Alors, on a tant pour cent après dix jours, vingt jours, trente jours, mais je vous dis qu'à 90 jours, on a 99%, mais c'est cela ce 1% auquel on ne veut pas donner deux ans.

J'ajouterai aussi que cela rejoint les remarques de mes collègues d'en face qui contestaient tantôt les chiffres de la régie. J'ajouterai que si on laissait un délai aussi long pour les réclamations, c'est-à-dire deux ans, cela aurait pour effet de fausser les statistiques de la régie; en plus, on demande des rapports trimestriels pour être en mesure de calculer le revenu moyen de l'ensemble des professionnels.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question et je laisserai la place aux autres. C'est ce que vous vouliez me dire, M. le Président?

Le Président (M. Jolivet): Non. C'est parce qu'il y a des personnes qui voulaient intervenir.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): II y avait M. Chicoi-ne et M. Hamel.

M. Hamel: Je voudrais intervenir immédiatement, car 1% ne peut pas fausser les statistiques de la régie, si c'est vrai, parce qu'on procède depuis plusieurs années dans les statistiques en établissant un degré d'intégralité des données. Alors, cela ne peut fausser les résultats en aucune façon.

M. Lazure: 1% de $700 millions, c'est $7 millions.

M. Hamel: II y a des médecins, par contre, qui subissent des ajustements négatifs après un délai de six mois, après qu'ils ont été payés. Ils ont été payés il y a six mois, il y a huit mois, il y a un an, et ils subissent des ajustements négatifs. En vertu de votre loi, toutes les fois que la régie appliquerait un ajustement négatif, six mois après avoir payé un professionnel, celui-ci n'aurait plus aucun droit à réclamer, parce que cela serait depuis la fourniture des services, et non pas le paiement.

M. Lachapelle: Les six mois comprennent la fourniture de services, c'est tout à fait injuste.

M. Hamel: C'est tout à fait injuste.

M. Lachapelle: Vous avez la postvalidation. Vous avez la possibilité du recours à l'arbitrage et vous dites quand même qu'au bout de six mois, le recours est prescrit devant le tribunal. C'est un non-sens.

Le Président (M. Jolivet): M. Chicoine.

M. Chicoine: En ce qui concerne la compensation, lors de nos négociations, on avait justement demandé un délai de six mois et, à la table de négociation, on s'est fait dire que c'était trop court pour que la régie puisse réellement apprécier, et on nous a proposé deux ans. On a finalement accepté deux ans. N'y a-t-il pas là deux poids, deux mesures?

Il y a une autre chose que j'aimerais ajouter. On a parlé tantôt de l'article 62 et de la régie, qui veut devenir un juge plus sévère que les autres juges. On a dit à des endroits, concernant l'article 18b qu'elle était accusatrice, juge et exécutrice. En écoutant parler le président de la Régie d'assurance-maladie, mes craintes sont encore plus grandes quant à 18b parce que, là, si la régie a des motifs raisonnables, elle va se compenser. Vous comprenez que lorsqu'on entend un tel langage, on pense à tout ce projet de loi qui s'en vient. On dit: Peut-être qu'à 18b, on a raison d'avoir un peu plus peur qu'avant.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II y a une autre question que je voulais poser à la suite de la recommandation du cinquième alinéa de la page 83: il est recommandé de maintenir la compétence "ratione materiae" que la loi actuelle attribue au comité. C'est assez bien expliqué à la page 71 et à la page 73 de votre rapport, si je comprends bien, M. Hamel, le problème est le suivant: jusqu'à maintenant, c'était le comité de révision qui décidait du bien-fondé, par exemple, d'un service qui était donné par un professionnel de la santé et à ce moment-ci, la régie veut elle aussi pouvoir porter un jugement sur le bien-fondé d'un acte professionnel qui a été porté. Dans un sens, on pourrait penser que ce sont les professionnels de la santé qui peuvent juger le mieux du bien-fondé de tel acte; par contre, il y a des problèmes qui ont été soulevés, tout à l'heure, soit par le ministre ou par le président de la régie, à savoir que, parfois, des actes médicaux étaient bien posés, mais étaient peut-être posés d'une façon trop fréquente et indûment.

C'est cela qu'on veut tenter de corriger par ceci, si je ne m'abuse, mais, de toute façon peut-être que vous pourriez clarifier votre point de vue et ensuite entendre le président de la régie, pour qu'on soit très clair sur ce point-là, puisque cela constitue une de vos recommandations et que vous l'identifiez comme un autre pouvoir que la régie s'arroge et que vous jugez — je ne sais pas si vous avez utilisé le terme "outrancier" — en tout cas...

M. Hamel: Voici, M. le Président et Madame, cette question va faire l'objet principal des représentations des quatre corporations tout à l'heure. Ce matin, on a dit que la Fédération des médecins spécialistes avait des vues différentes des nôtres, je pense que, dans ce cas-là, je m'en remettrais à l'ordre dont le champ d'activités est tout à fait spécifique. Cela nous permettrait de passer à d'autres questions.

Le Président (M. Jolivet): Avez-vous autre chose à ajouter, M. le ministre? Non, d'accord.

Mme Lavoie-Roux: On va y revenir tout à l'heure, apparemment. Alors, je vais laisser la parole à d'autres, parce que j'ai pris mes 20 minutes.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je voudrais essayer qu'on regarde, d'une façon un peu plus globale, tout le mécanisme de paiement qui me semble, dans la version qu'on retrouve dans la loi 84, assez peu symétrique dans le sort qu'il réserve aux professionnels et à la régie. Je comprends bien que le ministre veut donner à la régie le pouvoir de refuser paiement, pouvoir qu'elle n'a pas, si je comprends bien, à l'heure actuelle, lorsqu'elle a des motifs sérieux de le faire. C'est un point de vue qui a sa valeur, étant donné qu'on ne peut pas exclure le fait que, dans certains cas, la régie peut avoir des raisons valables de refuser paiement.

Une fois que c'est dit, je crois qu'il faut cependant veiller à placer les deux parties, parce qu'on est à la veille d'un litige. Dès que la régie refuse de payer, on est sur le point d'avoir un litige si le professionnel insiste. Est-ce qu'il ne faudrait pas veiller à ce que, devant le litige en perspective, les deux parties soient davantage placées sur un pied d'égalité, en particulier la question de la compensation, où la régie est juge et partie, se fait justice elle-même? Cela me semble un pouvoir un peu exorbitant. Elle peut refuser de payer, elle peut continuer de refuser un acte correspondant à une description déterminée si les raisons pour le faire gardent leur validité, mais il reste que,

personnellement, je minterroge sur la compensation. Je ne vois pas que ce soit un pouvoir dont la régie a absolument besoin. Par ailleurs, le fardeau de la preuve devant la Commission des affaires sociales, il me semble que ce n'est pas une réponse adéquate que de dire, comme le ministre l'a dit tout à l'heure: Si c'est la régie qui refuse de payer... A ce moment-là, si je comprends bien, le fardeau de la preuve sera sur le professionnel et, si c'est le professionnel qui fait sa réclamation, je ne sais pas exactement ce qu'on voulait dire par là, mais on semblait suggérer qu'il y avait une espèce de symétrie. Je ne la vois pas du tout. Etant donné que le professionnel, dans sa réclamation, a toujours ses motifs, ce sont les faits contenus à son relevé d'honoraires; pour ce qui est de la régie, la loi ne précise pas du tout que son refus de paiement, d'abord, sera notifié, sera porté à la connaissance du professionnel et non plus que cette décision soit motivée. Comment le professionnel peut-il surmonter le fardeau de preuve qui lui incombe s'il ne dispose pas des motifs sur lesquels la régie s'appuie pour lui refuser son paiement?

Deuxièmement, il y a la question des prescriptions. Il me semble qu'il devrait y avoir symétrie dans les délais qui sont accordés aux uns et aux autres pour faire valoir leurs droits.

Troisièmement, et c'est là que j'ai un certain nombre de questions, on semble opter pour un rôle assez ambigu pour le comité de révision. Ce comité de révision ne fera que des recommandations, mais des recommandations que la régie est libre de refuser. Si la régie les rejette, je comprends qu'elle veut bien accepter le fardeau de la preuve, des raisons pour lesquelles elle va rejeter les recommandations, mais pourquoi le changement par rapport à la situation actuelle où il s'agit d'une décision, effectivement — même si le terme recommandation est utilisé dans la loi actuelle, c'est malgré tout une recommandation qui lie la régie? Je ne vois vraiment pas de raison de le faire, d'autant plus qu'on accorde au comité de révision une immunité. Or, une immunité, c'est, malgré tout, une disposition très exceptionnelle dans nos lois qui permet de dire à quelqu'un qui occupe une fonction officielle, qu'il n'est pas responsable des actes qu'il pose en sa qualité officielle. (17 h 30)

Mais s'il ne pose pas d'actes et ne fait que faire des recommandations, je ne vois pas du tout pourquoi on a besoin de donner l'immunité aux membres du comité de révision. Il me semble qu'il serait plus conséquent, soit d'enlever l'immunité et d'en faire un comité consultatif, à ce moment-là, il serait évident qu'ils n'ont pas de responsabilités, ou de leur donner l'immunité et leur donner une décision qui doit lier la régie et le professionnel, sujet à appel de part et d'autre.

D'autre part, on fait des objections au rôle de l'avocat sur un comité de révision, on sait cependant que si ça doit être un comité de révision qui prend des décisions, il y a de grands avantages à ce que toutes les règles de procédure, de justice naturelle, soient respectées de manière qu'il n'y ait pas de vice de forme dans la décision. Si ce n'est pas un organisme qui prend des décisions, on n'a pas besoin d'avoir d'avocats, puisque ce ne sont que des recommandations, les vices de forme, de toute façon, ne constituent pas un obstacle.

Il y a toutes sortes de contradictions dans le projet qui nous est soumis, il nous semble qu'il y a une absence de symétrie, premièrement et, d'autre part, il y a toutes sortes de contradictions. Cela ne correspond pas à une notion claire de ce que l'on veut réaliser. Ce sont des bouts de dispositions qui ne sont pas assorties les unes aux autres. Personnellement, je n'y vois pas de sens. Bien sûr, cela a un sens pris globalement, ça rend maximale la capacité de la régie d'agir selon ses priorités, je ne fais pas du tout de procès d'intentions à la régie, je pense qu'on agit de bonne foi de ce côté, mais il reste qu'il n'y a pas de symétrie et le rapport des forces de la régie face à un individu, un professionnel de la santé, est tel qu'on serait porté à souhaiter qu'il y ait un meilleur équilibre.

M. Lazure: M. le Président, je vais essayer de répondre à la première partie de la question. Il faut se référer à l'article 18b dans le projet de loi, à la page 25. "Lorsque la régie a des motifs raisonnables de croire, suite à une enquête, que des services assurés dont le paiement réclamé par un professionnel de la santé ou pour lesquels il a obtenu paiement étaient des services non assurés, n'ont pas été fournis... J'arrête ici, après les mots, "n'ont pas été fournis".

J'ai dit tantôt, c'est là où j'ai fait valoir que nous étions prêts à modifier le texte, que pour ces deux premiers cas, des services non assurés ou pas fournis. Il y a eu quand même réclamation et il y a eu quand même paiement. Dans ces deux cas, nous pensons que le fardeau de la preuve doit rester sur les épaules du professionnel de la santé.

Je pense que c'est une règle tout à fait normale. Dans les échanges, que ce soit de biens ou de services, si je vous réclame tant de dollars pour un service supposément rendu, je dois être en mesure de faire la preuve que je vous ai rendu ce service. Cela nous paraît de sens commun. Tandis que dans la deuxième partie, simplement pour faire la distinction qui est au coeur même de cette modification que nous sommes prêts à faire, c'est que dans les autres cas, si on continue la phrase, "... ou ont été fournis non conformément à la présente loi, aux règlements ou à l'entente, etc., etc."

Dans de tels cas, j'ai dit tantôt que nous sommes prêts à ne pas imposer le fardeau de la preuve au professionnel et à laisser le processus normal de fardeau de preuve se dérouler selon les méthodes régulières.

M. Forget: La seule distinction, M. le Président, qui s'impose, l'hypothèse à savoir que ce qui est allégué comme motif par la régie pour ne pas payer est une vérité acquise et admise par tous. Or, il n'y a pas de différence de nature sur le plan des exigences de preuve relativement au motif que

le service n'a pas été fourni ou qu'il a été fourni contrairement à l'entente. Dans tous les cas, on est en face, probablement, très probablement, d'une question qui va donner lieu à un litige, entre le professionnel et la régie.

Les distinctions qui sont basées sur des motifs différents tiennent pour acquis que les motifs sont valables. C'est une pétition de principe, ou on permet à la régie de refuser de payer dans tous les cas, ou on ne lui permet pas de payer dans tous les cas, mais on ne peut pas se baser sur une preuve à faire pour établir une distinction, avant qu'elle soit faite.

Le principe reste le même. C'est que dans les cas où la régie peut se faire justice elle-même, c'est quand même une façon de procéder assez curieuse. La régie peut, de toute façon — et ceci n'existe pas dans la loi actuelle — refuser de payer, mais sans se compenser pour les services qu'elle aurait payés dans le passé, de même nature, de même type, et attendre qu'on demande au comité de révision une décision qui la liera, à ce moment-là, et où il faudra faire la preuve, selon les règles normales de preuve.

M. Lazure: Dans les deux premiers cas, dans les services non fournis ou non assurés, il nous paraît que c'est une question factuelle. Il est plus facile d'établir par enquête que les services n'ont pas été fournis, d'une part, ou ont été fournis, ou que les services n'étaient pas assurés. C'est pour cela que nous pensons que, dans de tels cas, le professionnel doit avoir le fardeau de la preuve.

Dans la deuxième partie, il s'agit beaucoup plus d'interprétation. On touche d'abord à l'entente, à la loi et aux règlements de la loi. Et parce que, dans ce cas-ci, il s'agit plutôt d'interprétation, nous pensons qu'on doit, à ce moment-là, s'en tenir aux procédures acceptées, aux procédures standardisées, et non pas mettre le fardeau de la preuve sur le professionnel. Dans un cas, c'est plutôt factuel, dans un autre cas, c'est plutôt interprétatif.

M. Forget: Mais suffit-il, pour le professionnel qui prétend avoir fourni les services, d'affirmer sous serment qu'il les a fournis?

M. Lazure: C'est le jeu de l'enquête.

Je pense que le plus bel exemple pour services non assurés, c'est qu'on découvre qu'il y a pour $208 000 de services payés par la CAT, pour des accidentés du travail et on retrouve le même montant de $208 000 facturé à la régie, le même jour, pour le même montant, pour le même individu.

Nous, on dit: Pour la régie, ce sont des services non assurés, assurés en vertu d'une autre loi, celle de la CAT. Est-ce que la régie va faire la preuve des cas un par un? Ou si la régie se compense ou refuse de payer? Et si le professionnel prétend que ce sont deux actes différents, il viendra le prouver.

M. Forget: Mais ce n'est pas indifférent qu'elle se compense ou qu'elle refuse de payer? A moins qu'on considère du côté professionnel que c'est équivalent. Mais c'est strictement plus compliqué. Quand on se compense, on va plus loin que de refuser de payer. On va réclamer des sommes qui ont déjà été payées.

M. Lachapelle: Si vous voulez me permettre. M. Forget: Oui.

M. Lachapelle: Je crois que l'exemple que nous donne le président de la régie — et je crois que c'est l'exemple le plus simple qu'il ait choisi — illustre que ce n'est pas seulement une question de faits. C'est une question d'interprétation. L'exemple qu'il nous donne, à ce moment-là, nous obligerait d'interpréter, d'abord la loi relative à la Commission des accidents du travail et sa réglementation et, ensuite, la loi de la régie et sa réglementation.

Qu'est-ce qu'un service assuré? Est-ce factuel, un service assuré? Pour répondre à la question, je réfère en premier lieu à l'article 3 de la Loi de l'assurance-maladie qui me répond: Un service assuré est, dans le cas des médecins — permettez-moi de prendre cet exemple — un service médicalement requis.

Je me repose encore l'autre question? Qu'est-ce qu'un service médicalement requis? Là, il y a deux thèses qui semblent s'opposer. Le gouvernement, dans son projet de loi, dit: Je confie cette compétence au comité de révision. Le comité de révision devra être saisi, au préalable, de la question de savoir si oui ou non c'est médicalement requis.

Les professionnels de la santé prétendent qu'on devrait confier aux corporations professionnelles le soin de décider ce qui est médicalement requis. Mais encore là, il s'agira de l'opinion de la corporation professionnelle.

Et également je poursuis: La réglementation peut prévoir quels sont les services assurés qui ne sont pas médicalement requis. Encore là, il s'agit de faire l'interprétation juridique et médicale à la fois de la réglementation pour enfin décider si le service est assuré ou non.

Ce n'est pas une question factuelle. C'est une question qui est plutôt truffée de droits, de médecine et de faits. Dans de telles circonstances, je m'étonne que la régie puisse court-circuiter le comité de révision, la corporation professionnelle, la loi et la réglementation pour que son opinion prévale à la face même.

M. Lazure: Les services assurés, médicaments, prothèses, appareils orthopédiques ou autres ne comprennent pas ceux qu'une personne peut obtenir et auxquels elle a droit en vertu d'une autre loi du Québec ou d'une loi du Parlement du Canada. Dans le cas de l'exemple que je vous donne, je me dis que c'est couvert par une autre loi. Je ne vois pas la nécessité d'aller demander soit à la corporation ou à un comité de révision ou d'appréciation de relevés d'honoraires si les

$208 000 qui ont été payés en double sont pour des services assurés ou non assurés. Ce sont des services assurés, sauf qu'ils sont assurés par une autre loi, qui est celle de la CAT.

M. Forget: Pour les services assurés, il est beaucoup plus difficile de le faire positivement avec cette définition et ce sera encore plus difficile avec la loi 84, puisque, comme vient de l'indiquer Me Lachapelle, devient une définition de services assurés, intervient dans la définition de services assurés ce qui est médicalement requis. Rien n'empêcherait, avec ces amendements la régie de refuser de payer, parce qu'elle s'est fait une opinion donnée de ce qui est médicalement requis. On voit tout de suite que ce n'est pas du tout factuel, cela devient une question d'interprétation.

M. Lazure: Médicalement requis, ce n'est pas la régie, c'est le comité de révision. Ce n'est pas la même chose.

Mme Lavoie-Roux: Non, c'est vous qui tranchez.

M. Forget: Oui, mais ce sera décidé un jour. On a des raisons sérieuses de croire que ce n'est pas médicalement requis. Ce n'est donc pas un service assuré. On refuse donc de payer.

M. Lazure: M. le Président, je veux faire...

M. Forget: Cela irait encore dans une hypothèse de symétrie, mais on se compense, là, cela va encore un peu plus loin.

M. Lazure: M. le Président, il est important... Le député de Saint-Laurent en est bien conscient. Je pense que nos amis d'en face, par leurs exclamations, veulent laisser entendre que le comité de révision, ce n'est pas sérieux, c'est l'équivalent de la régie.

M. Forget: Ce n'est pas cela que j'ai dit.

M. Lazure: Tant mieux si ce n'est pas cela, parce que, ce matin, il y a eu cette ambiguïté aussi. On disait: La régie fait telle chose, telle chose, alors qu'on voulait le comité de révision.

M. Lachapelle: C'est tellement sérieux, M. le ministre, qu'on voudrait que la régie se plie à la décision.

M. Lazure: Je pense qu'il faut reconnaître et respecter la crédibilité de ce comité de révision. Dans le même ordre d'idées, on dit: La régie se fait justice. C'est une expression aussi qui fait peur au monde. La régie ne se fait pas justice, la régie prend des décisions dans le mandat général qu'elle a d'administrer des deniers publics. Elle prend des décisions. Ces décisions sont assujetties à toutes les contestations, qu'il s'agisse de contestations prévues par des mécanismes de l'entente ou de contestations prévues par les tribunaux.

M. Forget: M. le ministre, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, juste un instant, avant qu'on aille plus loin. C'est simplement pour rappeler qu'il est actuellement 17 h 40. Il reste quatre autres organismes à entendre ce soir. J'aimerais savoir de votre part ce que l'on fait ce soir, si on en termine avec les quatre organismes représentés à 18 heures et si on revient à 20 heures avec les autres organismes.

M. Forget: En somme, M. le Président, nous avons quatre heures, ce soir. Sans vouloir en rien minimiser la contribution des quatre autres organismes, j'ai malgré tout l'impression que l'éventail des questions que les organismes professionnels vont soulever est peut-être un peu moins largement ouvert que celui qui est ouvert par les organismes syndicaux, parce que cela fait partie en somme de leur mémoire, mais ce n'est qu'une des parties de leur mémoire. Personnellement, je ne le sais pas, pour les autres membres de la commission, je n'aurais objection qu'on déborde sur la séance de ce soir avec le groupe qui est devant nous.

Le Président (M. Jolivet): La seule chose que je dois vous dire cependant, c'est qu'à minuit, ce soir, se termine le temps pour l'ensemble des groupes qui viennent nous rencontrer, de telle sorte que, s'ils ne passaient pas ce soir, on ne les reverrait pas. Je pense que c'est simplement de rendre justice à ces groupes. Cela va? Il n'y a pas de problème? Si on s'entend, pour ma part, il n'y a pas de problème.

M. Grenier: Est-ce que vous pourriez résumer l'entente?

Le Président (M. Jolivet): L'entente, ce que je crois comprendre, c'est qu'à 20 heures, on revient avec le même organisme qui est représenté et qu'il est sûr et certain qu'à minuit ce soir, tout sera terminé avec les quatre autres qui sont là.

M. Lazure: M. le Président, j'appuie la suggestion, parce que, ce matin, j'ai expliqué justement, parce qu'on a fait des gorges chaudes, que, s'il n'y avait pas eu de consultations aussi approfondies avec les ordres, c'est précisément parce que les associations qui sont devant nous sont les premières concernées, et infiniment plus concernées, par l'ensemble de ce projet de loi que les autres ordres professionnels. Moi non plus, je ne veux pas minimiser l'importance du témoignage des autres, mais je pense qu'essentiellement, il s'agit des groupes devant nous qui sont les plus intéressés au projet de loi. (17 h 45)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent, vous avez encore la parole.

M. Forget: Oui, pourvu que je retrouve le fil de mes idées. Je vais aborder, à 17 h 45, à nouveau la question de savoir pourquoi on semble hésiter tellement quant au statut des comités de révision

qui sont tantôt des tribunaux administratifs, du moins par le statut d'immunité qu'on veut conférer à leurs membres, la présence d'un avocat qui a été prouvée nécessaire pour voir au bon déroulement, au déroulement régulier des procédures, à l'inatta-quabilité sur la forme de leurs délibérations et, d'un autre côté, le désir d'en faire des organismes purement consultatifs dont la régie peut mettre de côté les recommandations. Il me semble qu'il y a une hésitation. Peut-être qu'on pourrait nous donner une raison pour laquelle on semble osciller. Si je comprends bien, du côté des associations regroupées ici, on souhaiterait que ce soit un tribunal décisionnel qui lie la régie et qui, à cause de cela, soit doté de l'immunité et des pouvoirs nécessaires à son fonctionnement.

M. Lachapelle: Je crois que la solution que vous proposez est une solution idéale. Si elle était acceptée par le gouvernement, d'emblée, on l'accepterait, et même davantage. Je pense bien qu'elle va même au-delà de nos espérances. Nos espérances étant plus modestes, nous avons proposé, à la page 85 du mémoire, un nouveau texte qui, comme vous le voyez, à la lecture, incite très fortement la régie à coller à la recommandation du comité. En effet, à la page 85, nous suggérons que la décision de la régie qui est conforme à la réglementation du comité de révision devienne exécutoire trente jours après sa notification au professionnel de la santé visé, nonobstant appel, c'est-à-dire que nous acceptons facilement que la régie se conforme, lorsqu'elle accepte la décision, et que sa décision devienne exécutoire. Toute autre décision, cependant, c'est-à-dire une décision qui n'accepte pas la décision du comité de révision, ne devrait pas être immédiatement exécutoire. Elle devrait, au moins, être suspendue sur appel, quitte à la Commission des affaires sociales de décider de l'exécution provisoire, s'il y a lieu et s'il y a cause; encore faudra-t-il que la régie démontre la cause. C'est un régime, à ce moment, qui respecte certains des pouvoirs que la régie doit sans doute avoir pour appliquer l'entente. Cependant, nous donnons alors tout le poids requis à la décision, ou plutôt à la recommandation du comité de révision.

M. Lazure: M. le Président, sur la question du député de Saint-Laurent. M. le député de Saint-Laurent dit qu'il semble y avoir contradiction puisqu'on veut donner l'immunité au comité de révision et, en même temps, on ne lui donne pas les pouvoirs de décision.

Il y a dans le chapitre 48 de la Loi des services de santé et des services sociaux, l'article 128 qui permet de nommer un commissaire-enquêteur et selon la loi des commissaires-enquêteurs, ce commissaire-enquêteur a aussi immunité dans l'exercice de sa fonction d'enquêteur, mais il n'a pas non plus — comme notre comité de révision — le pouvoir de prendre des décisions. Le commissaire-enquêteur fait des recommandations dans son rapport au ministre concerné. L'analogie est valable, le fait d'avoir immunité n'en fait pas un tribunal administratif. Je rappelle encore ce que j'ai dit ce matin. C'est à la demande du comité de révision des médecins spécialistes que nous avons introduit cette immunité. Je ne pense pas qu'il y ait de contestation sur l'immunité. Vous êtes d'accord aussi?

M. Lachapelle: Tout le monde est d'accord. On ne soulève pas du tout ce point-là.

M. Lazure: Cela a été soulevé par le député de Saint-Laurent... Je le fais de façon bien sereine. J'essaie d'expliquer le fait que d'avoir l'immunité n'en fait pas un tribunal administratif. C'est ce que le député de Saint-Laurent disait: Que cela en faisait presque un tribunal administratif.

M. Forget: Oui, c'est pourquoi ma fille est muette. Cela ne répond pas du tout à la question que je posais. Pourquoi n'en faites-vous pas quelque chose de plus décisionnel, étant donné que vous décidez de résoudre un problème qui n'en est pas un de toute façon, avec l'immunité. Le ministère — je pense qu'il serait bon de le rappeler a toujours dit et a toujours effectivement pris fait et cause pour des personnes qui, à titre de fonctions officielles dans des comités de révision ou autrement, étaient mises en cause ou étaient poursuivies. Donc, le problème en est un beaucoup plus spéculatif que réel.

Si on franchit ce pas-là, c'est qu'on doit avoir l'intention de renforcer le pouvoir des comités de révision et non pas de l'affaiblir comme on le fait.

M. Lazure: En fait, quand on dit que les membres des comités de révision ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'acte officiel accompli de bonne foi, on avait un autre article avant, qui était le pouvoir d'un commissaire-enquêteur, qui est plus fort que cela dans les termes que j'ai compris.

A ce moment-là, le comité rendait une décision et ce sont les comités qui ne voulaient pas rendre de décision. Ils ont dit: Nous, on va faire une recommandation. Quand ils ont dit une recommandation, le comité de législation nous a demandé d'enlever les pouvoirs d'un commissaire-enquêteur et d'écrire: Ne peuvent être poursuivies en justice, et de les laisser avec une recommandation.

M. Forget: J'avais compris cette explication qui avait été donnée par le président de la régie ce matin. Il a dit: Les comités de révision ne veulent pas rendre de décision. Merci beaucoup, mais est-ce à eux de décider de quelle façon la loi va définir leur rôle?

Ils trouvent peut-être gênant ou embarrassant ou malcommode d'avoir à rendre des décisions, mais on a peut-être besoin d'un organisme qui va rendre une décision qui va être respectée par tout le monde. C'est une question d'intérêt public, cela n'a rien à voir avec les préférences personnelles des membres du comité de révision.

M. Lazure: Je veux simplement dire que je ne suis pas en désaccord sur le fond avec le député de Saint-Laurent, on peut l'envisager, mais le président de la régie, ce matin...

M. Lachapelle: Les professionnels accepteraient tout de suite la proposition qui vient d'être faite, que le comité de révision soit décisionnel, avec appel, évidemment, à la commission.

M. Lazure: Mais vous êtes conscient que les comités de révision ne veulent pas et que vos collègues spécialistes n'ont pas nécessairement la même opinion que vous.

M. Lachapelle: C'est un autre problème.

M. Lazure: La loi va concerner les deux groupes, autant les spécialistes que les omnipraticiens.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Voici, brièvement, concernant la carte de l'assurance-maladie, comme on le disait tout à l'heure, il y a eu une suggestion et je ne veux pas m'éterniser là-dessus, je veux faire seulement une observation en passant. On disait, à ce moment-là, que si quelqu'un n'avait pas sa carte ou l'oubliait, on pouvait s'en tenir au numéro. J'ai bien l'impression que si la personne peut retenir son numéro, elle peut bien penser à apporter sa carte aussi. Quand je dis que je m'appelle 3206281, je ne suis pas sûr que le patient pourra se rappeler du numéro aussi facilement.

M. Lazure: Ce n'est pas là que cela s'appliquait. Si le pharmacien a le numéro d'une personne de 98 ans, il a eu la carte, il a le numéro dans son fichier, et que cette personne revient pour d'autres médicaments ou envoie sa fille ou sa bru chercher les médicaments, il l'a déjà le numéro. Le professionnel l'a déjà dans son dossier. La même chose pour un patient qui va régulièrement chez un médecin, disons à toutes les semaines ou à tous les quinze jours et qu'un bon jour, il oublie sa carte. On dit: Le professionnel a le numéro de la carte. Alors, on n'aurait pas besoin de présenter la carte même.

L'autre exemple est pour les patients qui sont dans des centres d'accueil ou encore dans des centres hospitaliers de soins prolongés ou encore à domicile. Il y a eu un exemple de donné ce matin. C'est assez difficile de demander au médecin qui va à domicile de traîner dans une main sa sacoche et dans l'autre l'imprimante. Il ira en haut et il prendra le numéro. Alors, on pense qu'il y aurait moyen de s'accommoder avec le numéro.

M. Grenier: Chose certaine, c'est que le document qui a été déposé tout à l'heure par le Dr Bro-chu, je pense, mériterait peut-être plus de temps que nous ne lui en avons donné de la part de la régie...

Le Président (M. Jolivet): C'est Me Brodeur.

M. Grenier: ... de Me Brodeur. Alors, je pense bien qu'il mériterait plus d'attention que nous ne lui en avons donné lorsqu'il a été déposé tout à l'heure et j'imagine que cela va attirer l'attention du ministre puisque, même si cela semble simple pour certaines personnes, j'ai bien l'impression que le port de la carte est plus compliqué qu'on ne le pense avec les interventions qu'on a eues tout à l'heure.

Un autre point que j'ai retenu tout à l'heure, ce sont les recommandations à la page 81 du mémoire. On dit qu'il est recommandé que le nouvel article 18a de la Loi de l'assurance-maladie exigeant la signature du professionnel de la santé sur le relevé d'honoraires soit rejeté, cette exigence étant du ressort de l'entente.

Le Dr Laberge a mentionné un exemple de personnes qui avaient été poursuivies et où c'était l'épouse du médecin qui avait signé le formulaire. J'aimerais savoir, de votre côté, s'il ne pourrait pas y avoir même des poursuites contre cette personne, si cela doit se faire, et j'imagine bien que si le médecin décide de ne pas signer ses comptes — c'est bien un état de compte qu'il envoie à ce moment — c'est qu'il aime probablement mieux faire de la médecine que de remplir des rapports. Il y a certainement...

M. Lachapelle: Le président de la régie, en réponse, référait à une poursuite pénale.

M. Grenier: Oui.

M. Lachapelle: Et l'argumentation qu'il offre est la suivante ou à peu près. Pour qu'on puisse facilement poursuivre devant le tribunal pénal, il faut que le médecin signe son relevé d'honoraires, parce que cette exigence ne serait pas requise du tout en matière civile, car le mandataire, en matière civile, lie son mandant par définition. Mais sortons du domaine pénal et demeurons dans le domaine civil et disons ceci: Chaque fois qu'il s'agit d'une relation entre un professionnel de la santé et le régime, c'est-à-dire la régie, le ministre, nous croyons que l'instrument à privilégier est toujours l'entente, la loi ne devant intervenir que lorsqu'il s'agit de lier des tiers par-dessus, par exemple, les professionnels de la santé, rejoindre le bénéficiaire ou encore viser les bénéficiaires qui ne sont pas soumis à l'application de l'entente. Chaque fois, par ailleurs, lorsque l'entente peut, à titre d'objet, être un instrument suffisant, adéquat, nous croyons que nous devons privilégier l'entente. La signature et tous les cas qui doivent être prévus où le professionnel de la santé peut être excusé de signer personnellement, à notre point de vue, devraient être prévus par l'entente, et non pas par la loi.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous avez terminé?

M. Grenier: Non. Est-ce que vous avez à ajouter à ce que vient de nous dire Me Lachapelle?

M. Lazure: Jusqu'à maintenant, les deux sortes de poursuites qui sont faites par la régie sont au criminel, je vous l'ai dit, au rythme d'environ deux par année, les autres sont au pénal au rythme d'environ 20 à 25 par année. On n'a jamais poursuivi au civil. Le mandant n'est pas reconnu au pénal.

Aussi, pour continuer là-dessus, si on peut, au plan juridique, au plan légal, établir que le mandaté, celui à qui on donne un mandat, le pharmacien salarié dans le cas des pharmaciens propriétaires, si on peut établir que le pharmacien propriétaire demeure quand même responsable, à ce moment-là, nous sommes prêts à modifier.

M. Lachapelle: C'est une alternative par la voie de l'entente. Il n'y a pas de problème. La réponse est affirmative.

M. Lazure: Qu'est-ce qu'on peut ne pas faire par l'entente?

M. Lachapelle: Je vais vous le dire. Toutes les relations entre professionnels, la régie, les professionnels et le ministre, doivent faire l'objet d'une entente, autrement, il n'y a pas besoin d'entente et toutes relations autres doivent se faire par la loi et la réglementation. C'est, il me semble, un principe de base assez facile à appliquer.

M. Lazure: On n'a plus besoin de loi à ce moment-là.

M. Grenier: Une dernière question avant d'aller prendre le dîner; j'y reviendrai si on ne la termine pas.

A la page 33 de votre document, "le président est nommé pour un mandat n'excédant pas dix années, les autres membres pour un mandat n'excédant pas trois années." Bien sûr, cette partie est la même que celle qui est proposée par le gouvernement...

M. Lachapelle: Le litige se retrouve dans les trois dernières lignes.

M. Grenier: C'est ça. Quelles sont les raisons pour lesquelles vous demandez que les centres de santé ne soient pas consultés, je pense?

M. Lachapelle: En gros, de façon un peu caricaturale, je dirais ceci: On voudrait proposer que les organismes les plus représentatifs de la santé nomment les médecins, les pharmaciens et le reste. A titre d'exemple, un organisme des plus représentatifs serait les infirmières; que les infirmières, donc, nomment les médecins, les pharmaciens, les optométristes et les autres. Cela n'a pas de sens. On dit que la catégorie...

M. Lazure: Le texte ne dit pas que les autres organismes professionnels de la santé nomment, M. le Président, c'est induire le groupe en erreur.

M. Lachapelle: D'accord.

M. Lazure: Un instant.

M. Lachapelle: Je me rétracte, si vous voulez être formaliste.

M. Lazure: Ce n'est pas une question de formalité.

M. Lachapelle: Et je dis ceci, à ce moment-là, recommande ou suggère la nomination.

M. Lazure: Ecoutez, pour l'information du député de Mégantic-Compton, l'objectif de ce texte était de consulter — on ne s'en est jamais caché — l'ensemble des groupes professionnels de la santé, qu'il s'agisse de travailleurs sociaux, d'ergothérapeutes, de physiothérapeutes... Un instant, si vous voulez avoir une réponse. Vous ne voulez pas de réponse, mais le député de Mégantic-Compton en veut une.

J'ai consulté, évidemment, toujours de façon privilégiée, nos amis d'en face et, à ce moment-là, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui décide. Nous sommes prêts à faire une modification à notre texte. Je pense qu'il eût été bon que l'ensemble des professionnels de la santé soient consultés. Je continue à croire ça, mais on n'est pas prêt à en faire une bataille, on est prêt à le modifier et à dire qu'il y aura consultation avec les associations qui sont parties à l'entente.

M. Grenier: Cela veut dire que vous allez quand même maintenir les autres groupes en plus de ceux qui sont nommés ici.

M. Lazure: Non, M. le député de Mégantic, c'est justement ce que je viens de dire.

M. Grenier: Vous allez les limiter à ces groupes.

M. Lazure: A regret, je laisserais tomber la consultation avec les autres professionnels de la santé. (18 heures)

M. Grenier: A regret, M. le Président, je dois dire au ministre que, l'autre nuit, quand on a discuté du bill 103, je lui ai dit ce que je pensais du lieutenant-gouverneur en conseil et de la nomination des personnes sur recommandation des groupes sociaux de nos régions. Je pense que je l'ai dit assez clairement, vous vous en souvenez. Si c'est la même application que vous devez faire, je regrette, mais j'aime pas mal mieux la proposition faite par les gens d'ici que celle qui était faite dans votre projet de loi.

M. Lazure: Ce n'est pas du tout en cause, ça. On s'est compris, les gens d'en face et nous; là-dessus, il y a des signes de tête affirmatifs.

Une Voix: C'est-à-dire que...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, pour que ça ne se termine pas... Il y a M. Laberge qui veut ajouter quelque chose.

Mme Lavoie-Roux: ... ça faisait suite à ma demande.

Le Président (M. Jolivet): Allez-y et il pourra répondre...

Mme Lavoie-Roux: C'est très court. En admettant que vous reformuliez autrement pour que les représentants des différents groupes soient nommés, est-ce que vous allez retenir la nomination d'une personne des centres hospitaliers que vous avez fait sauter dans la reformulation?

M. Lazure: On ne l'a pas fait sauter. C'est parce que ce n'est pas amendé. Cela n'a pas été changé. Cette partie de l'article n'a pas été changée.

Mme Lavoie-Roux: Cela n'a pas été changé?

M. Lazure: Le représentant du centre hospitalier reste là. Quant aux professionnels de la santé...

Mme Lavoie-Roux: C'est le seul qu'on ne retrouve pas.

M. Lazure: On pourrait inscrire, après consultation avec la FMOQ, la FMSQ et les nommer, soit le représentant des optométristes, des dentistes et des pharmaciens.

Le Président (M. Jolivet): Donc, à la reprise, à 20 heures, nous continuerons avec le député de Mégantic-Compton.

Suspension de la séance à 18 h 2

Reprise de la séance à 20 h 12

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, messieurs!

La commission des affaires sociales est réunie à nouveau pour terminer son travail concernant les groupes qu'elle a à entendre sur le projet de loi 84. Au moment où nous nous sommes quittés tout à l'heure, la parole était au député de Mégantic-Compton.

Avant de commencer, pour savoir à quel moment on va terminer, pensez-vous que d'ici trois quarts d'heure on peut avoir terminé? C'est à peu près le temps. Les autres organismes pourront être demandés en avant. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, si vous permettiez l'intervention d'un autre député, d'un autre collègue, j'ai dû occuper ma dernière demi-heure à élever mes enfants par téléphone. Je passe la parole à un autre, quitte à revenir.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'ai deux questions qu'il me reste à poser. Cela déborde un peu sur les préoccupations qu'on va discuter avec les autres groupes, mais, malgré tout, c'est suffisamment pertinent pour le faire dans le contexte actuel.

Il y a actuellement, dans la loi, une disposition qui fait allusion au fait que certaines réclamations peuvent être faites pour des actes fournis de façon "abusive ou injustifiée ". Un amendement propose qu'on élargisse les critères de rejet, en quelque sorte, pour y inclure comme raisons de non-paiement des actes médicalement non requis. Pourrait-on avoir la version du ministre quant à la signification comparative de ces deux expressions?

Voulez-vous que je répète la question?

M. Lazure: S'il vous plaît, parce qu'on arrive tous.

M. Forget: Dans la loi actuelle, on a une expression qui fait allusion à des actes posés de façon abusive ou injustifiée. Par ailleurs, dans un amendement, on élargit les critères de rejet d'un acte, comme motif de non-paiement, aux actes qui sont médicalement non requis. Ce sont deux concepts. Pourrait-on nous faire l'analyse comparative des deux concepts?

M. Lazure: Référez-vous au pouvoir du comité de révision?

M. Forget: Par exemple.

M. Lazure: Des actes abusifs, injustifiés et médicalement non requis. (20 h 15)

M. Forget: C'est cela. Est-ce que ce sont deux expressions équivalentes, sinon, en quoi diffèrent-elles?

M. Lazure: Ce n'est pas la régie qui se compense. C'est confié au comité de révision, et c'est la recommandation du comité de révision...

M. Forget: D'accord. Je ne parle pas des conséquences qu'on donne à l'application de ces expressions. En termes de critères de rejet, quelle distinction fait-on entre ces deux concepts?

M. Lazure: C'est une distinction qui a été faite au moins par les comités eux-mêmes. On a référé au comité des dossiers avec des cas d'actes que nous croyons abusifs ou injustifiés et le comité nous retourne le dossier, après étude, en nous disant que, selon lui, il s'agit là d'actes non médicalement requis. Le raisonnement qu'il fait est que si un acte est non médicalement requis, c'est donc un service non assuré, c'est donc en dehors de la juridiction de la Régie de l'assurance-maladie. Donc, il ne peut pas se prononcer.

M. Forget: Bon. C'est une réponse — ce n'est pas une critique que je fais — qui n'en est pas une. Il reste qu'il y a eu un certain nombre

d'études, je suis sûr, qui ont été faites sur le plan juridique, quant au sens à donner à ces expressions, quant à la façon de les appliquer, aux critères implicites qui les sous-tendent. Est-ce qu'on est en face d'une technicité ou est-ce qu'on est en face de deux contenus différents?

M. Lazure: Antérieurement, j'ai parlé d'un rapport qui avait été fait à la demande de l'ancien ministre des Affaires sociales. J'ai même lu une recommandation...

M. Forget: Le rapport de Me Pepin.

M. Lazure: Non, c'était Gélinas, Kimlock et trois ou quatre autres. J'ai lu la recommandation 9 du rapport qui disait que les comités devraient se voir donner la juridiction, non seulement sur les actes abusifs et injustifiés, mais également sur les actes médicalement non requis. Il y a eu, à la suite de cela, un deuxième rapport qui a été fait et qui arrivait à la même conclusion. Il y a eu un rapport du comité de révision des médecins spécialistes qui demandait que les actes médicalement requis fassent partie de la juridiction du comité. Il y a eu une recommandation de la Fédération des médecins spécialistes au même effet. Il y a eu une étude, peut-être celle à laquelle vous vous référez, parce qu'elle vous était adressée, le mardi 5 octobre 1976. C'est une étude de 65 pages, qui est faite par un professeur de droit à l'Université de Montréal, qui dit: "En d'autres termes, des services qui sont dispensés de façon abusive ou injustifiée devraient donc être des services non requis au point de vue médical, qu'on ne peut dissocier le non-requis, au point de vue médical, de l'abusif, de l'injustifié dans le mandat d'un comité.

C'est sur ces études et ces recommandations qu'on s'est basé pour mettre le requis au point de vue médical, dentaire, optométrique, compte tenu, encore une fois, que le comité — je pense que c'est important de le dire — en est un de pairs. Si on regarde la loi, s'il y a sept membres, il y en a cinq qui viennent de la corporation professionnelle ou du syndicat, un sixième est nommé par la régie sans droit de vote, qui sera un médecin, et uniquement un nommé par l'Office des professions. Tout le monde nous a recommandé que cet individu-là soit un membre du Barreau. On a un membre du Barreau au comité de l'ACDQ, on en a un au comité de la FMSQ et c'est un autre professionnel au comité de la FMOQ.

M. le Président, d'un point de vue non légaliste et tout à fait profane — je ne suis pas professeur d'université — à première vue, il me paraît qu'il y a des actes qui seraient médicalement requis et qui pourraient être dispensés de façon abusive et injustifiée, à prime abord, sur un palier de sens commun. Médicalement non requis, c'est assez clair, mais, dans les médicalement requis, on peut avoir des actes accomplis et dispensés de façon abusive et injustifiée.

M. Forget: II faudrait choisir. La raison de ma question, c'est qu'il y a une longue histoire relative à la distinction possible entre les deux expressions. La raison pour laquelle j'ai posé la question, c'est que, connaissant l'existence de ces études-là et comme c'est enregistré au journal des Débats, au moins, comme point de repaire, pour comprendre l'évolution de nos lois, cela peut être utile d'obtenir une indication claire selon laquelle, de façon pratique, de façon légale ou peu importe, sans essayer de préciser à quel point de vue on se place, les deux expressions sont équivalentes et la distinction que certains ont voulu voir ou faire ou imposer par la loi ou par la coutume, jusqu'à maintenant, est désormais reconnue comme non valable. Je pense qu'il serait important de le dire, plutôt que de dire oui et non. A un moment donné, il faut le dire, si c'est cela.

M. Lazure: J'insiste pour dire que des actes peuvent être posés de façon abusive et injustifiée et être des actes médicalement requis.

M. Forget: Alors, quel critère allez-vous utiliser, si c'est le cas, pour déterminer que, tout en étant médicalement requis, ils sont posés de façon abusive et injustifiée? Le bon sens ou le...

M. Lazure: Ce n'est pas nous du tout qui le décidons.

M. Forget: Je comprends.

M. Lazure: On fait les profils et on les envoie au comité de pairs et c'est au comité...

M. Forget: Je ne vous demande pas qui le décide. Je vous demande ceux qui le décident, qui sont-il? De quoi vont-ils s'aider pour en arriver à un tel jugement?

M. Lazure: Je répondrais que le profil du professionnel est préparé par un secteur qui s'appelle le secteur des profils à la régie.

M. Forget: C'est une définition statistique.

M. Lazure: Si le secteur des profils se rend compte qu'il y a quelqu'un, un individu, un professionnel qui est très aberrant dans sa pratique, le secteur des profils n'a pas à se prononcer si c'était "médicalement requis'' ou non. Cela ne le regarde pas. Il n'a pas à se prononcer sur la qualité des actes. Cela ne le regarde pas. Mais avant d'envoyer le cas au comité de révision, on s'assure que les actes ont été rendus, que ce n'est pas du faussement décrit et que ce ne sont pas des services non rendus, parce qu'encore là, on a eu deux cas qui ont été au comité...

M. Forget: Tout le monde s'entend là-dessus.

M. Lazure: On s'assure des faits. On l'envoie au comité, mais je pense que c'est au comité à déterminer si, réellement, c'est abusif, injustifié ou si c'est médicalement non requis, mais non pas à nous.

M. Forget: Est-ce une condition suffisante pour déterminer qu'un acte est posé de façon abusive ou injustifiée ou si c'est seulement une condition nécessaire?

Autrement dit, quand vous décrivez la question des profils, est-ce une façon d'isoler un certain nombre de cas particuliers pour un examen plus approfondi ou si, en soi, cela peut être un critère de rejet?

M. Lazure: En soi, ce n'est pas un critère de rejet.

M. Forget: Donc, ce n'est qu'une condition nécessaire. Ce n'est pas suffisant. Donc, on revient à la position de départ. Quelle est la condition suffisante pour le non-paiement des actes et l'on revient au "médicalement non requis"? Parce qu'une fois qu'on aura isolé par des processus statistiques un certain nombre de cas "déviants ", on va les examiner pour voir si même ils sont apparemment déviants statistiquement, ils méritent malgré tout d'être rémunérés comme étant des actes "médicalement requis". A ce moment, la seule condition à la fois nécessaire et suffisante, c'est l'idée d'être "médicalement non requis". Si c'est cela que vous voulez dire, il faudrait le dire une fois pour qu'on se comprenne et qu'on arrête de spéculer sur ces questions, parce que cela fait dix ans qu'on spécule là-dessus.

M. Lazure: II y a peut-être une chose. On n'arrête pas de payer, même quand on se rend compte, ou qu'on pense ou qu'on a des raisons de croire...

M. Forget: Mais vous faites quelque chose avec la décision. Autrement, on n'a pas besoin de soulever le problème

M. Lazure: Non. On n'arrête pas les paiements. On continue les paiements. On continue les paiements pendant trois mois, six mois. J'ai mentionné, ce matin, que la moyenne de temps pour faire une recommandation...

M. Forget: Si vous voulez, on ne parlera pas de la procédure qui suit la décision...

M. Lazure: ... c'est de douze... mais on continue à payer.

M. Forget: ... on va simplement s'arrêter à la décision. Qu'est-ce qui justifie et motive la décision? Et sur ce point, je reviens encore avec la même question. N'est-il pas vrai que le seul critère à la fois nécessaire et suffisant, c'est — peut-être même pas suffisant parce qu'il faut... oui, je dirais même suffisant — d'être médicalement non requis.

M. Lazure: Je pense que c'est insuffisant. M. Forget: Quel critère faut-il en plus de cela?

M. Lazure: L'abusif.

M. Forget: Là, on tourne en rond.

M. Lazure: On ne tourne pas en rond.

M. Forget: J'ai l'impression qu'il y a encore des imprécisions notables dans la façon dont la régie envisage le rôle des organismes de contrôle et que, malgré tout ce cinéma d'un amendement à la loi et — Dieu sait — des années d'expérience des fois frustrantes avec les comités de révision, on ne sera pas plus avancé après qu'avant si on n'a pas bien clarifié cette question. Ce n'est qu'une opinion personnelle. Je pense qu'on va devoir s'arrêter là pour le moment, parce qu'il ne semble pas qu'on ait une réponse très claire là-dessus. Quant à moi, je ne suis pas satisfait qu'on ait une réponse claire de la part de la régie ou du ministre là-dessus.

M. Lazure: Je vous dis encore qu'on n'a aucun critère à la régie qui nous permette de déterminer si un acte était médicalement requis ou non. On a des critères, cependant, qui nous permettent de déterminer si les actes étaient abusifs et injustifiés. C'est rendu au comité de révision que celui-ci nous informe que les actes qu'on reproche à un professionnel d'avoir posés trop fréquemment étaient en fait des actes non requis médicalement et retourne le dossier à la régie en disant: Ce n'est pas un service assuré.

M. Forget: On va laisser cela. Je pense que c'est clair dans la mesure où cela peut l'être pour l'instant. L'article 62 — et ce sera ma dernière question, M. le Président — prévoit le cas d'une sanction par voie de non-participation obligatoire dans certains cas comme conséquence nécessaire à certaines condamnations. On se trouve donc en face de la perspective suivante: des bénéficiaires ont comme, disons, médecins de familles, médecins habituels un M. X qui, à leur insu, évidemment, devient partie à un litige avec la régie pour des actes qu'il a posés ou non posés, mais de toute façon des réclamations de paiement, des relevés d'honoraires qui donnent lieu à un litige de nature criminelle, qui n'ont probablement rien à voir avec ce bénéficiaire en particulier.

A la suite du procès, il y a une condamnation et, en vertu de l'article 62, du jour au lendemain, un bénéficiaire va avoir comme médecin, alors qu'il a eu le même médecin depuis des années, un médecin non-participant, soudainement non-participant. La conséquence de ça, c'est que, légalement et pratiquement, il sera impossible pour ce bénéficiaire de se voir rembourser le coût des services qui seraient normalement des services assurés fournis par ce médecin. Cornent peut-on concilier la notion d'une non-participation comme sanction nécessaire à un acte criminel avec les autres dispositions de la loi qui prévoient que c'est un droit du bénéficiaire de recevoir le remboursement pour les services qu'il reçoit, alors qu'il est affecté par un processus dont il n'a pas nécessaire-

ment connaissance, qui est étranger à son cas personnel.

Bien sûr, on pourra me dire: Le médecin non-participant, dès qu'il devient non-participant, a le devoir légal d'en informer les patients. C'est une réponse strictement légale. Est-ce que ça ne crée pas une certaine difficulté, parce que les autres cas de non-participation, tels qu'envisagés originalement dans la Loi sur l'assurance-maladie, étaient des cas de non-participation volontaire de la part du médecin et présumément permanente. C'est presque l'option d'un style de vie pour le médecin. Donc, c'était de notoriété publique. Il n'y avait pas de changement subit dans le statut au titre de l'assurance-maladie d'un médecin.

Là, on se retrouve dans une circonstance où un bénéficiaire, plusieurs bénéficiaires, des milliers de bénéficiaires, possiblement, du moins des centaines, vont se trouver devant des circonstances fortuites, imprévues, cela va les obliger, s'ils veulent conserver le bénéfice de l'assurance-maladie, de changer de médecin. Est-ce que ce n'est pas, encore une fois, une situation un peu paradoxale?

M. Lazure: Je répéterais d'abord, que c'est une mesure exceptionnelle. Je vous ai dit qu'il y avait deux cas en 1975, deux en 1976, deux en 1977, deux en 1978, deux cas par année. Il faut qu'avant de procéder de telle façon et d'aller au criminel, la cause soit regardée sous tous les angles. On est bien sûr qu'il y a des motifs très sérieux avant d'amener un professionnel au criminel. Maintenant, un professionnel condamné au criminel ou qui plaide coupable au criminel, c'est une sanction économique, c'est-à-dire qu'il ne perd pas son droit de pratique mais c'est une sanction économique et il n'est plus dans le régime ou il est un non-participant pour six mois. 20 h 30)

Est-ce vraiment mieux de le garder dans le régime, qu'il ait une libération inconditionnelle et il recommence à pratiquer le lendemain, ou qu'il fasse une journée de prison le dimanche et il recommence le lundi. Est-ce que vous pensez que c'est mieux? Ou sommes-nous mieux d'avoir une sanction économique?

M. Forget: La question se pose. Une dernière question et j'aurai complètement terminé, M. le Président. Sur le problème soulevé par l'amendement à l'article 24, je ne sais pas comment formuler cette question, mais je ne veux pas donner de mauvaises idées à personne.

Je me demande si, dans le fond, cela a une importance quelconque, la modification à l'article 24. Qu'est-ce qui arrive — et encore là, ce n'est pas nécessairement un comportement que je sanctionnerais ou que j'approuverais — même dans le contexte du nouvel article 24 et des suivants, si, pour conserver leurs moyens de pression, les professionnels de la santé, devant être seulement désengagés plutôt que non participants, refusent tout simplement de s'acquitter des formalités permettant à leurs patients d'obte- nir la réclamation de la régie? Est-ce que le même résultat n'est pas obtenu que s'ils étaient non-participants?

M. Lazure: Je ne sais pas si le député de Saint-Laurent s'attend qu'on réponde à une question comme celle-là dans un sens ou dans l'autre. Cela me paraît évident que, si le professionnel décidait de ne pas se conformer à la loi, il serait sujet aux sanctions qui seraient prévues. C'est vraiment une question très hypothétique. Vous dites: Je ne veux pas donner de tuyaux à qui que ce soit. Mais je pense qu'il faudrait y faire face en temps et lieu.

Je ne pense pas qu'on puisse, en proposant un projet de loi, prendre en considération sérieuse la possibilité où un individu ou des individus décideraient délibérément d'agir à rencontre de la loi.

M. Forget: II faut quand même y penser lorsqu'on parle de comportement collectif. On sait très bien qu'on pourrait, tout aussi facilement qu'on modifie l'article 24, modifier certaines autres dispositions du Code du travail relativement aux employés salariés des centres hospitaliers. Si on faisait cette supposition ou cette suggestion, le ministre s'empresserait de nous dire que ce serait une modification futile à la loi, parce qu'elle ne serait pas respectée.

Je ne fais que poser le même genre d'objection, le même genre de question, face à une modification qui se prétend une solution face à un moyen d'action collectif. Je me dis: Est-ce que la même objection n'est pas également valable? On peut bien modifier la loi, sauf que la garantie qu'on va, par là, modifier les comportements, c'est autre chose.

M. Lazure: Si c'est cela que le député de Saint-Laurent veut dire, M. le Président, je suis bien prêt à admettre qu'il n'y a aucune loi qui peut offrir une garantie, surtout dans le domaine des relations du travail qui offre la garantie d'être respectée intégralement ou d'être efficace intégralement.

M. Forget: Bon. Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Brièvement, j'espère bien, ce sont des questions qui ont déjà été posées sous d'autres aspects. En tout cas, je n'ai pas eu réponse complètement. Dans les actes dits abusifs de la part de certains professionnels du milieu, j'aimerais connaître le personnel, l'organisation de contrôle qu'il y a ici à Québec. C'est quand même une partie du budget importante des Affaires sociales qui s'occupe de l'organisme de contrôle qu'on a ici. Il y a quand même un personnel important à ce niveau-là qui s'occupe du contrôle.

M. Lazure: II y a une direction à la régie qui s'appelle la direction du contrôle et du recouvre-

ment. Le directeur est Me Paul Lafrance. Dans la direction, il y a quatre services, un service qui s'occupe de la tierce responsabilité qui n'a rien à faire avec cela, qui va chercher les montants qui, normalement, auraient dû être payés par une police d'assurance. C'est un service qui est en train de disparaître graduellement avec la mise en place de la Régie de l'assurance automobile. Pour donner l'importance du service, il y a 22 employés qui vont facturer cette année — l'objectif est dépassé — $9 millions. Ce ne sont pas les professionnels, ce sont des bénéficiaires qui ont subi des accidents, qui ont été hospitalisés, parce qu'on récupère l'argent à la fois pour l'assurance-hospitalisation et pour l'assurance-maladie.

Un deuxième service, c'est le secrétariat qui s'occupe des comités d'appréciation, des comités de révision, qui fournit le personnel de secrétariat pour cela, qui n'a rien à voir avec les enquêtes.

Le troisième service est un service juridique dans lequel il y a cinq ou six avocats.

Le quatrième, celui qui vous intéresse, c'est le service des enquêtes dans lequel il y a huit personnes qui ouvrent dans une année environ 200 dossiers. L'origine des dossiers. Ils proviennent, d'une part, de ce dont on a parlé ce matin de la vérification des services rendus, qu'on appelle la VSR, où les gens nous disent: Non, ce n'est pas vrai, on n'a pas eu les services; ou encore des plaintes qu'on a directement à la régie. Je pense que si on a une plainte qui semble sérieuse, fondée, les gens se sont rencontrés, ils déposent leur plainte, là, on fait une enquête. Cela vient troisièment du secteur des profils que je mentionnais tout à l'heure, parce qu'avant d'envoyer le cas au comité de révision, on veut s'assurer que les services ont été rendus. Si on envoie au comité de révision soit des services non assurés ou des services non rendus, le comité de révision dira: Ce n'est pas notre juridiction. C'est à peu près l'origine en gros des plaintes qui vont au service des enquêtes.

M. Grenier: D'accord. Merci. Du côté des fraudeurs, on a souvent parlé des gens en banlieue ou, en tout cas, vivant près des frontières américaines, le Maine, le Vermont, le New-Hampshire, l'Etat de New-York. Vous avez mentionné un montant au cours de la journée. De combien pensez-vous que la régie peut avoir été fraudée par ces gens qui ont probablement un pied-à-terre au Québec ici, qui passent ici le minimum de temps pour avoir leur droit d'être citoyens du Québec et qui font ensuite profiter toute leur famille de leur carte? C'est de ces gens, en fait, que...

M. Lazure: Le montant qui a été avancé — il faut le dire correctement, parce qu'il ne faudrait pas mal l'interpréter. On a parlé de $4 142 000 par mois que la régie paie à des professionnels de la santé, qui sont dans notre fichier, pour des services assurés. Les prix sont corrects, sauf que le bénéficiaire, on ne peut pas l'identifier. Alors, on présume que ce sont des résidents du Québec.

Si on va plus loin et qu'on fait enquête — ce qu'on ne peut pas faire dans tous les cas — la régie reçoit 900 000 demandes de paiement par semaine et 45 millions par année. On ne peut pas faire 1000 enquêtes par semaine, ou 5000. Si on va plus loin et qu'on fait des enquêtes, on trouve, dans quelques cas, que ce sont des gens qui n'ont pas droit auy services, qui ne sont pas des résidents du Québec.

J'ai mentionné qu'on a déjà découvert qu'une patiente d'Angleterre était venue au Québec se faire opérer pour un cancer du sein et était retournée dans son pays. On a eu un Libanais qui est venu au Québec, qui a utilisé la carte de quelqu'un qu'il connaissait, qui a été hospitalisé, qui a été traité. Cela prendrait une armée d'enquêteurs pour connaître cela. Maintenant, on sait qu'il y a des Américains, en particulier, des Franco-Américains avec un nom à connotation française qui ont une carte avec une adresse d'ici — cela peut être Saint-Pamphile ou quelque chose comme cela. Mais encore là, cela ne règle pas tout le problème, comme il a été mentionné, d'avoir une carte d'assurance-maladie obligatoire. Cela ne règle pas ces problèmes. C'est sûr qu'il y aura un trafic de cartes.

M. Grenier: Est-ce que les jugements qui sont donnés à ce moment sont de nature à inciter les gens à ne plus répéter les mêmes actes et que cela se sache dans l'entourage? Parce qu'on sait fort bien que ce n'est pas votre intention, quand même, de poursuivre tout le monde, mais de poser des gestes qui vont être de nature à en apeurer certains qui ont envie de se servir d'un système comme celui-là.

M. Lazure: Je pense que c'est $500 d'amende, c'est un minimum, de $500 à $1000.

M. Grenier: Vous avez peut-être une dernière question à adresser aux gens qui sont ici?

M. Lachapelle: M. le Président, l'échange auquel nous avons assisté il y a quelques minutes entre le député de Saint-Laurent, le président de la régie et le ministre a été instructif pour nous. Je m'explique là-dessus: La question posée était de savoir s'il y avait une différenciation possible entre les services non médicalement requis et les services dont la dispensation était faite de façon abusive ou injustifiée au sens de l'article 34 de la Loi de l'assurance-maladie. Alors, d'une part, nous avons appris qu'un savant professeur de l'Université de Montréal avait donné son opinion à savoir qu'il n'y avait pas de distinction essentielle entre les services non médicalement requis et les services dispensés de façon abusive ou injustifiée. Cependant, le président de la régie ne s'entend pas avec le savant professeur et, lui, voit une distinction. Le ministre l'appuie. La question, évidemment, pour nous qui sommes des spectateurs, est la suivante: Lorsqu'on dit qu'en fonction de l'article 37, proposé par le projet de loi 84, "la régie doit rendre une décision motivée dans les trente

jours de la réception de la recommandation du comité de révision et procéder à la compensation s'il y a lieu", il y a lieu de se poser des questions très sérieuses à savoir si la régie ne sera jamais en position de pouvoir rendre une décision motivée qui sera bien fondée.

Ceci, évidemment, nous amène à appuyer la recommandation que nous avons offerte, à savoir que nous voulons qu'en matière médicale la régie suive et soit obligée de suivre le plus possible la recommandation du comité de révision, parce que la matière médicale, d'après nous, appartient aux médecins et aux corporations professionnelles, en particulier l'Ordre des médecins, en ce qui concerne évidemment la matière médicale. Mais, tout de suite, j'étends pour dire que ceci est vrai également de toute matière professionnelle. C'est là — si vous le permettez — que j'aimerais braquer un projecteur sur un sujet central.

Nous avons sans doute plusieurs problèmes dont le contenu technique est très poussé et qui sont des problèmes que j'appellerais "satellites". Mais il y a un problème central et j'aimerais le soumettre à l'Assemblée. Il transparaît à travers le mémoire, mais il n'est peut-être cependant pas articulé de façon aussi éloquente que je voudrais le faire.

J'aimerais vous dire que ce qui est en cause ici en particulier, c'est le problème central. Ce qui est en cause, c'est un modèle de gestion que propose le projet de loi, pour le régime d'assurance-maladie. Je crois — si je peux me permettre une analogie — que le modèle qui est retenu par le projet de loi est le modèle qu'on retrouve assez communément dans les conventions collectives, à savoir que l'employeur a non seulement l'initiative de la décision, mais prend une décision — il ne s'agit pas ici d'une recommandation — qu'il impose à ses subordonnés les salariés, lesquels n'ont qu'une seule voie de redressement, ou bien le tribunal d'arbitrage ou bien le tribunal ordinaire, selon le cas.

Je crois que c'est une erreur que ce modèle de gestion soit proposé par le projet de loi, pour les raisons suivantes: A mon point de vue: 1- La régie n'est pas un employeur et le ministre n'est pas non plus l'employeur des médecins. Il y a une différence essentielle entre les professionnels de la santé qui oeuvrent — et ce sont ceux qui sont visés, ce ne sont pas les professionnels à l'acte — à titre d'entrepreneurs. Prenons, à titre d'exemple, les pharmaciens propriétaires. On ne peut jamais imaginer que les pharmaciens propriétaires puissent être considérés et avoir le statut de salariés au sens du Code du travail. Mais il y a plus, c'est que la matière est une matière médicale.

Il ne s'agit pas ici simplement de passer sur des descriptions de tâches, des tâches que l'employeur peut décrire et peut comprendre à sa façon et imposer une décision provisoire, assujettie évidemment aux redressements possibles. Non, il s'agit d'une matière médicale, et cette matière médicale, à mon point de vue, appartient aux parties, d'une part, et aux corporations professionnelles d'autre part.

Permettez-moi de vous parler de l'entente et de vous dire comment, généralement, le projet de loi se trouve à porter échec à l'entente. On nous a donné des exemples partiels au niveau — et je cite ici — de la signature du médecin, article 18a proposé, les frais accessoires, les certificats, l'article 18, sixième alinéa, les relevés d'honoraires, les renseignements, les documents, l'article 57b, mais, à mon point de vue, il s'agit d'obstacles mineurs. Mais l'obstacle majeur est le suivant, à titre d'exemple, au niveau de l'entente, et je n'ai pas ici à décrire techniquement toute l'entente, ce serait trop long. Vous comprenez comme moi que l'entente a pour objet entre autres, la nomenclature des actes, la tarification.

Je m'arrête seulement à ces deux détails. La nomenclature des actes: vous avez une description d'actes, mais, sous cette description d'actes, qu'est-ce que vous avez? A mon point de vue vous avez un mode de dispensation qui se trouve implicitement inclus. Vous avez également des modes reconnus d'exercice de la profession qui sont implicitement inclus. Et, au niveau de la description d'actes, vous avez également une tarification. (20 h 45)

Si je prends l'acte lui-même, avec les principes qui le sous-tendent, je crois que ces actes relèvent d'abord des parties et ces parties sont les parties contractantes sans contredit, le ministre d'une part, la fédération d'autre part, ou bien chaque association professionnelle suivant sa catégorie, mais il y a plus. L'acte, pour autant qu'il se trouve à être sous-tendu par des modes reconnus d'exercice de la profession, relève aussi de la corporation professionnelle.

Or, en matière professionnelle comme en matière médicale, que je prends à titre d'exemple, les professionnels ici devant vous s'opposent, en principe, catégoriquement, et ils l'ont fait depuis au moins neuf ans, depuis l'instauration de la Régie de l'assurance-maladie, avant même que le régime de l'assurance-maladie soit institué par la Loi de l'assurance-maladie en 1970, les professionnels de la santé, de façon catégorique, constante, s'opposent et s'opposeront à ce que la matière médicale soit confiée à la régie. Pourquoi? Parce que la régie, premièrement, n'est pas une partie contractante, parce que la régie ne peut se substituer, à ce moment-là, ni au ministre, ni à la fédération, parce que la régie ne peut pas déplacer le rôle des corporations professionnelles et que, partant, non, ceci est essentiel.

Vous avez parlé, M. le ministre, de divergences entre le groupe gouvernemental et le groupe de professionnels. J'essaie de franchir le fossé qui les sépare et on essaie de démontrer l'erreur qui se trouve dans le modèle de gestion que vous proposez, parce que le modèle de gestion que vous proposez en est un au sens de l'article 18b et de l'article 37, c'est-à-dire que la régie, à tous égards et particulièrement en matière professionnelle, médicale, à titre d'exemple, prend l'initiative d'une décision, porte une décision qui n'est pas une recommandation et l'impose au professionnel de la santé, au point où celui-ci, non seulement est

soumis à la décision, mais encore soumis à l'exécution de la décision, sans qu'il y ait suspension de la décision. C'est ce modèle de l'article 18b et de l'article 37 qui, à mon point de vue, constitue le modèle le plus pernicieux de gestion et contre lequel nous nous érigeons pour le temps présent et pour l'avenir parce que, quelle que soit la position que le gouvernement voudra prendre, je connais assez les professionnels de la santé pour savoir qu'à l'avenir, ils ne pourront pas changer de position; savoir que ce qui doit être confié, suivant la loi, aux corporations professionnelles doit demeurer dans le champ de la compétence de la corporation professionnelle et que ce qui est confié aux parties doit demeurer confié aux parties.

C'est la raison pour laquelle nous voudrions, et nous prenons à titre d'exemple le comité de révision; nous voulons donner le plus grand poids possible à la recommandation du comité de révision et nous disons, dans la recommandation que nous faisons, recommandation mitigée, sans doute... Si on suivait la proposition du député de Saint-Laurent, on préférerait et de beaucoup, que le comité de révision soit décisionnel et, si jamais le ministre veut nous l'offrir, d'emblée, nous l'avons déjà dit, nous accepterions, mais, de façon mitigée, nous disons, pour le moins, lorsque la recommandation du comité de révision est donnée, si la régie entend la suivre, à ce moment, nous permettons l'exécution immédiate et instantanée, mais si la régie veut s'en départir, s'en écarter, à ce moment, il nous semble que l'exécution devrait être seulement provisoire, parce qu'on ne peut pas, à mon point de vue, vivre avec un système qui préconise une décision de la régie en matière médicale au niveau de la compétence du comité de révision, soit l'article 37 et, de la même façon, je reviens à l'article 18b... J'attends que le ministre ait fini.

M. Lazure: II y a peut-être une chose que j'aimerais voir éclairer une fois pour toutes.

M. Lachapelle: Oui.

M. Lazure: Le comité de révision est-il un comité de la régie?

M. Lachapelle: Non. Vous l'avez dit. C'est vrai. C'est sûr.

M. Lazure: Ou est-ce un comité du ministre?

M. Lachapelle: Si ce n'est pas un comité de la régie, suivez donc sa décision. La loi ici donne deux pages, dote un comité de tous les pouvoirs, n'est-ce pas? Vous l'avez dit vous-même, des immunités et, à ce moment, par l'article 37, elle vient dire que, quelle que soit la recommandation du comité de révision, la régie retient le pouvoir de ne pas la suivre, à son gré, et, dans les circonstances — M. le Président de la régie, vous devez l'admettre vous-même — il est très difficile de distinguer et d'évaluer, d'apprécier les critères qui doivent régir le comité de révision à savoir, en particulier, s'il s'agit des actes requis aussi fré- quemment que nécessaires ou les services dispensés de façon justifiée ou injustifiée ou encore non médicalement requis selon la proposition. N'est-ce pas? Alors, il me semble que dans de telles circonstances le plus grand poids devrait être donné à la recommandation du comité de révision de même suivant l'article 18. Est-ce qu'on ne pourrait pas établir ici un parallèle et demander à la régie de suivre et non pas de court-circuiter le comité d'appréciation de relevés d'honoraires qui se trouve, à toutes fins pratiques, le comité des parties à compétence médicale? Sa recommandation devrait avoir le même poids, toutes choses étant égales, à celle du comité de révision en matière médicale, pour que, en matière médicale, la régie ne vienne pas directement écarter les parties, se substituer à elles, parce que c'est maintenant le rôle de la régie. Elle se substitue et au ministre et à la fédération et aux associations et... Laissez-moi finir.

M. Lazure: D'accord. Si je comprends bien, les cas de fraude vont aller au comité d'appréciation.

M. Lachapelle: Non, je n'ai pas dit cela.

M. Lazure: Oui, parce qu'on dit que les services non assurés ou les services qui n'ont pas été fournis.

M. Lachapelle: Non, vous abusez.

M. Lazure: Non, mais un service qui n'a pas été fourni, à l'article 18, c'est un cas de fraude. Vous voulez qu'on envoie cela au comité de révision. Cela n'a jamais été de sa compétence.

M. Lachapelle: J'irais peut-être s'il le fallait. Je vais pousser à la limite. Parce qu'à ce moment-là notre argumentation serait: Si je nie à la limite, je nie le tout, mais je pense bien que ce n'est pas logique d'agir de cette façon-là. Mais regardez un peu. Si vous invoquez ce qui existe dans d'autres provinces canadiennes. Regardez un peu la province voisine, l'Ontario, absolument rien de ce qui est médical ne relève directement et de façon décisionnelle du "manager", tout est conféré au Medical Review Committee, chaque fois qu'il s'agit de matière médicale. Alors, il me semble, voilà une leçon dont on pourrait se prévaloir. Il me semble que l'article 18b, qui est central, parce qu'il est nouveau, ces pouvoirs qui sont maintenant conférés à la régie n'existaient pas auparavant, la régie devrait suivre un modèle de gestion qui est le plus apte, le plus approprié à préserver la matière médicale, à préserver la compétence des parties, des corporations professionnelles et surtout la paix industrielle, la paix du milieu dans le monde du travail.

M. Lazure: M. le Président, je pense vraiment qu on continue à confondre ce que vous appelez la gestion de la régie et les fonctions des comités de révision. Les comités de révision sont des

comités de pairs, on l'a dit plusieurs fois aujourd'hui, il faut le répéter encore. Sur sept personnes, il y a cinq pairs. Jusqu'ici, selon les informations recueillies, presque toujours la régie a suivi... non pas presque, mais toujours, la régie a suivi les recommandations des comités de révision. On ne s'oppose pas, en principe. Je ne m'oppose pas en tout cas en principe. Je l'ai dit avant l'ajournement, mais vous devez comprendre que vos collègues de l'autre fédération ne désirent pas... Ecoutez, c'est quand même au moins 50% de la gent médicale. Ils s'opposent. Pourquoi est-ce que nous devrions donner préférence à votre voeu plutôt qu'au voeu des spécialistes? Je n'ai pas de préférence dogmatique là-dessus, mais je vous rappelle une chose, c'est que dans le cas où la régie hypothétiquement, parce que cela ne s'est jamais présenté, ne suivrait pas la recommandation du comité de révision, à ce moment-là, je l'ai dit ce matin, nous sommes consentants à faire une modification pour que le fardeau de la preuve incombe à la régie. C'est clair. Je lai dit à deux reprises, je le répète pour la troisième fois.

Si on ne suit pas la recommandation, on aura le fardeau de la preuve.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je termine. Je suis conscient du fait que sur ce point-là, c'est loin d'être réglé. Il reste une bataille à livrer là. Je termine. Je voudrais qu'on réponde rapidement, parce qu'on veut réserver du temps aux autres qui sont ici. Aux pages 53,105 et 109, vous faites appel au sondage et vous y allez avec des mots assez raides: II peut être l'occasion de confusion et d'équivoque préjudiciable. Il provoque les délations et éveille la méfiance. Vous dites plus loin: C'est la zizanie et la méfiance qui s'installent au sein des relations entre les professionnels de la santé et les bénéficiaires. Vous demandez, à la fin de vos recommandations, que cela cesse. Maintenant, le docteur nous a donné son exposé là-dessus au cours de la journée. Est-ce que vous maintenez quand même, après les débats qui ont eu lieu ici, la non-nécessité de ces sondages?

M. Hamel: Nous le maintenons. Nous n'avons pas eu le temps ce matin de répondre à cette question. Le président de la régie avait rappelé que je siégeais à la régie depuis un certain temps et que je devais être au courant. Je suis au courant que des sondages sont faits depuis 1971, c'est bien sûr. Je suis davantage au courant de ces sondages, non pas par ma présence à la régie, mais par les plaintes que je reçois, de semaine en semaine, des médecins. Ce qui est écrit dans le mémoire, c'est la traduction des plaintes qui sont acheminées quotidiennement à la fédération là-dessus. C'est un genre de plainte qu'on est plus à même d'apprécier que d'autres personnes.

Est-ce que je peux en même temps répondre — cela fait deux fois que le ministre des Affaires sociales nous pose la question, à savoir pourquoi il prendrait état davantage des positions de la FMOQ que de celles de la FMSQ. Ma réponse à ceci est que, quand il s'agit d'une matière qui relève encore moins des fédérations, d'une certaine façon, mais davantage de la corporation, je pense que la meilleure façon de trouver laquelle des deux fédérations peut avoir raison, c'est de demander à la corporation.

Je pense que ce sera une bonne façon, tout à l'heure, de le faire.

M. Lazure: On n'aura même pas besoin de le lui demander, je suis sûr qu'elle va nous en parler tantôt.

Pour Me Lachapelle qui a apprécié que j'aie cité un professeur de droit de l'Université de Montréal...

M. Hamel: Je n'avais pas fini ma remarque là-dessus...

M. Lazure: Allez-y.

M. Hamel: ... sur le comité. Depuis tout à l'heure, depuis ce matin d'ailleurs, qu'on prétend que le comité de révision, ce n'est pas un comité de la régie. On n'a jamais prétendu, de ce côté-ci, que c'était un comité de la régie. Ce qu'on prétend c'est que dans la mesure où la régie s'arroge le pouvoir du comité de révision, il finit par l'assumer. Dans la mesure où il n'est pas lié par la décision du comité de révision, qu'il peut prendre, sur une matière qui est discutée au comité de révision, une décision contraire à celle du comité de révision, il s'arroge donc le même pouvoir de prendre une décision qui peut être contraire à celle du comité de révision, mais sur la même matière. C'est dans ce sens. Cela ne transforme pas le comité de révision en comité de la régie, c'est l'inverse.

C'est la régie qui s'empare d'une matière qui devrait demeurer de juridiction exclusive soit au comité de révision, soit à la corporation. Là-dessus, par anticipation, nous vous disons ceci: si vous ne respectez pas ça, donnez les pouvoirs qui sont accordés actuellement au comité de révision à la corporation directement. Que ses décisions soient définitives.

Mais que la régie ne s'arroge pas le pouvoir de prendre des décisions sur des matières qui, normalement, sont décidées par le comité de révision. J'espère que c'est plus clair que cela ne l'était.

Le Président (M. Jolivet): M. Laberge.

M. Lazure: Le mot décision a l'air de faire peur à bien du monde, dans le fond, même à nous. J'aimerais autant ne pas en avoir de décisions à prendre.

M. Hamel: Voyons donc.

M. Lazure: Sauf qu'actuellement, on en avait. C'était écrit: La régie peut donner suite aux re-

commandations. Au comité de législation — ce sont des gens qui sont supposés connaître ça — ils nous ont dit: Donc, c'est vous autres qui décidez, parce que vous pouvez y donner suite, alors ils ont mis le mot décision. Mais j'ai dit: Si on va à l'encontre de la décision du comité de révision, que le fardeau de la preuve soit sur la régie. Mais pour ajouter et aller plus loin peut-être dans le sens d'un comité de révision, où il devrait aller, je dis que — et ça devrait intéresser Me Lachapelle particulièrement — le législateur a édicté en décembre 1974 des dispositions qui prévoient que les recommandations des comités de révision peuvent faire l'objet d'un appel à la Commission des affaires sociales. "Je me demande pourquoi l'article 37 de la loi a institué ce recours. Je connais les vertus de principe du droit d'appel.

Toutefois, dans l'administration publique et dans notre système judiciaire, toutes les décisions ne font pas nécessairement l'objet d'un appel, surtout lorsque cet appel n'est pas limité aux questions de droit et à fortiori lorsqu'il s'agit d'un appel d'un organisme siégeant en révision et composé d'une façon particulière." (21 heures)

II termine en disant que, dans un passage dont je ne saisis pas la portée précise, le rapport Gélinas se demande s'il n'y aurait pas lieu de relier un jour les comités de révision à la Commission des affaires sociales. C'est une autre avenue qui mériterait d'être regardée.

M. le Président, j'aurais une question à poser au Dr Hamel. Est-ce que, oui ou non, à votre connaissance, la régie a respecté, a donné suite, a endossé les décisions du comité de révision, dans le passé?

M. Hamel: Je ne peux pas vous répondre immédiatement à cette question, sans vérifier; malheureusement, j'aurais besoin de vérification.

M. Lazure: Les autorités de la régie m'informent, de façon bien catégorique, que, toujours, les autorités ont endossé...

M. Hamel: On ne juge pas la conduite de la régie. On juge un projet de loi.

M. Lazure: D'accord. Il faut maintenir toutes les éventualités. Si jamais la régie ne donnait pas suite, n'endossait pas, le fardeau de la preuve va lui incomber. Il me semble que...

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Non. Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je pense que les autres questions que je pourrais avoir viendront...

M. Forget: Je pourrais peut-être suggérer de remercier nos invités, si c'était possible.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Hamel: Au nom des trois présidents et en mon nom personnel, je voudrais remercier tous ceux qui ont permis la tenue de cette commission parlementaire. Les échanges ont été francs et ouverts, mais nous continuons d'espérer que les représentations que nous avons faites aujourd'hui seront prises en bonne considération.

Compte tenu du fait que nous devons rendre compte des résultats de nos représentations à nos membres, nous demandons au ministre de nous faire connaître ses intentions en ce qui concerne les représentations que nous avons faites en rapport avec le projet de loi.

M. Lazure: Si vous le permettez avant, le Dr Laberge a un mot à nous dire.

Dans le télégramme du front commun, comme dans le document aujourd'hui, j'ai relevé un mot qui m'a particulièrement touché. On parle d'incurie administrative de la régie, de même que, dans le télégramme, on parle d'incompétence de la régie. Dans les journaux, on parlait de 12 000 professionnels de la santé. Je vous ai comptés, vous êtes 8294. Donc, il y en a 50% de trop.

J'aimerais quand même vous informer que le budget de la régie — parce que je parle de l'administration de la régie — pour les frais d'administration, est de $41 752 000. C'est un budget dont le pourcentage des dépenses est passé de 5,49% il y a cinq ans, à 5,38%, à 4,77%, à 4,53% et, au moment actuel, il est à 4,38%, soit une diminution de 20%.

Je ferais remarquer également que les dépenses d'administration, pour l'an prochain, seront de $42 200 000, le coût des services sera de $964 millions, comprenant tous les services qu'on a, ce qui va faire un budget de $1 006 000 000. Le coût de ces dépenses d'administration, pour l'année prochaine, comparé à l'année actuelle, représente une augmentation de 1,1%.

On a fait des comparaisons avec les autres provinces canadiennes et on doit dire que, comme régie ou administration, on n'a rien à leur envier. On a fait la comparaison avec les compagnies privées américaines (74), on a retenu celles dont les frais d'administration étaient supérieurs à $20 millions. La moyenne de leurs frais d'administration est de 9,6%. En passant, cela coûtait $0.94 pour traiter une demande de paiement en 1976 et cela en coûte $0.92 en 1978.

Il y a peut-être un point intéressant également, c'est la productivité de la régie, c'est-à-dire que l'on traitait 19 000 demandes de paiement par effectif et nous sommes passés à 28 900 dans une période de trois ans, ce qui fait une augmentation de 41%.

Le plan des effectifs de la régie était de 1946 employés réguliers et 451 occasionnels. Celui-ci est passé à 1500 réguliers et à 100 occasionnels, pour une diminution de 797 postes, soit 33% de réduction.

Les dépenses d'administration ont diminué à compter du 1er avril 1978. Par rapport aux projections faites en 1975, elles ont diminué de $274 000

par mois ce qui ne fait pas loin de $3 millions par année.

Pour ce qui concerne le premier objectif que la régie s'était fixé, soir de payer les professionnels de la santé avec efficacité et diligence en réduisant au minimum les tracasseries administratives, ce pourquoi on a toujours gardé la même demande de paiement, on paie 99% des demandes de paiement; on en reçoit 900 000 par semaine. On les paie dans un délai de 11 à 28 jours. Le montant, c'est d'environ $25 millions, sauf pour les pharmaciens où on paie dans un délai de moins de quinze jours.

M. le Président, je veux profiter, avant de retourner aux commentaires du Dr Hamel, de l'occasion pour souligner le travail très efficace de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, parce qu'en se donnant la peine de s'y arrêter un instant, surtout pour ceux qui sont plus profanes, on se rend compte que, comme le Dr Laberge vient de le dire, presque un million de demandes par semaine sont traitées par cet organisme. Je pense qu'il faut lever son chapeau devant le peu de bavures, le peu d'erreurs et le peu de complications et le peu de tracasseries qui émanent de cette régie. Avec beaucoup de plaisir, je veux publiquement souligner le travail que fait la régie et ses dirigeants.

On a abordé, ce matin, quant à moi en tout cas, la commission parlementaire avec ouverture. On a fait état... Ceux qui ont eu le loisir de lire le texte de 17 pages ont pu voir qu'au départ, il y avait une indication d'ouverture, de modifications que nous envisagions de faire à ce projet de loi. On n'a jamais eu la prétention de croire que le projet de loi était parfait, loin de là. Nous allons retenir des modifications. J'en veux comme exemple les relevés d'honoraires, en particulier pour ce qui concerne les pharmaciens, mais aussi pour l'ensemble des professionnels; cette question du mandaté, à la condition que le professionnel voudra bien s'engager légalement à être responsable, même lorsque le mandaté signera les relevés.

Autre exemple, les primes d'encouragement concernant la répartition géographique. Nous sommes d'accord pour enlever une bonne partie des articles qui sont là. La consultation des organismes limitée aux cinq associations liées à l'entente, nous en sommes. Le renversement aussi du fardeau de la preuve sur la régie, dans le cas de la deuxième partie de l'article 37, où la régie ne suit pas la décision du comité de révision et dans certains cas qui apparaissent à l'article 18b.

Je note aussi, encore une fois, que vos confrères spécialistes se sont dit aujourd'hui satisfaits de ce projet de loi, avec certaines modifications que j'ai indiquées tout au cours de la journée.

Il y aura l'étude article par article dans les jours qui viennent. Pour répondre spécifiquement aux remarques du Dr Hamel, vous pouvez être assuré que les engagements que nous avons pris ce soir et tout au cours de la journée, ces engagements à modifier certains articles vont apparaître au cours de l'étude article par article.

En conclusion, M. le Président, nous conti- nuons à croire qu'il s'agit là d'amendements qui ne touchent pas au fond, contrairement à ce que Me Lachapelle prétendait tantôt, qui ne touchent pas au fond même de l'esprit et de la lettre des échanges ou des transactions, des relations entre la régie, les professionnels et le ministère. Nous pensons que les modalités que nous apportons, les amendements que nous apportons vont assurer une efficacité encore plus grande et vont faire en sorte que le pourcentage, même s'il est relativement bas, des fraudes et des abus va diminuer. Je remercie, au nom de tout le groupe ici, tes représentants des quatre groupements.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux simplement remercier les groupes qui sont venus aujourd'hui et les assurer qu'au moment de l'étude article par article, nous allons tenter de continuer de faire valoir certains points de vue, entre autres le rôle du comité de révision qui, je pense, semble vous tenir beaucoup à coeur et avec raison, de vraiment le différencier de la régie, et d'autres points que vous avez fait valoir. Je vous remercie encore une fois de votre mémoire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Au nom de notre formation politique, je voudrais vous remercier pour les sept heures que nous avons passées ensemble depuis ce matin. Je sais que nous n'avons pas pu analyser le document dans tous ses détails, mais il nous a permis un éclairage. Je pense que le front commun qu'a fait l'Opposition pour demander que vous veniez nous rencontrer aura certainement contribué largement à certains adoucissements. Je dois vous dire aussi que le ministre que vous avez rencontré, aujourd'hui, n'est peut-être pas celui qui a la couenne la plus dure dans le cabinet. Il fait certaines concessions parfois et c'est à votre avantage. Maintenant, j'aimerais vous faire savoir aussi que le ministre a dû comprendre que la plus mauvaise entente vaut quand même le meilleur des procès. J'imagine qu'il y aura d'ici l'adoption de la loi des appels téléphoniques qui pourront se faire ou des arrangements afin que vous puissiez régler par entente des points qui sont restés en veilleuse. Merci en mon nom et au nom de notre formation politique de votre présentation. Cela nous donne un éclairage nouveau.

Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup. J'appelle les autres organismes. Je pense qu'il y a un regroupement, donc la Corporation professionnelle des médecins du Québec, l'Ordre des dentistes, l'Ordre des optométristes et l'Ordre des pharmaciens.

Corporation professionnelle des médecins

du Québec, Ordre des dentistes, Ordre des

optométristes et Ordre des pharmaciens

M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre, madame et MM. les députés membres de

la commission parlementaire, mesdames et messieurs, il me fait plaisir d'intervenir à cette heure tardive, nous avons attendu patiemment pendant onze heures à écouter nos confrères. J'espère que votre patience et votre acuité intellectuelle sont encore à leur meilleur pour continuer à écouter certaines de nos doléances et les recommandations que nous avons à vous faire.

Le Président (M. Jolivet): Pour nous aider... Oui...

M. Roy (Augustin): J'aimerais présenter les membres qui font partie de notre groupe et vous dire s'il s'agit d'un précédent où quatre corporations professionnelles, quatre ordre professionnels qui ont eu et qui ont, des fois, certaines divergences dans l'interprétation de leur loi, se sont regroupés dans l'intérêt public pour faire part de leurs recommandations sur un projet de loi extrêmement important.

Je commence par ma droite: Me Daniel Lavoie, qui est procureur de la Corporation des optométristes; M. Michel Denault, président de l'Ordre des optométristes du Québec; M. Jean Décarie, assistant secrétaire général de l'Ordre des optométristes; Dr André Lapierre, assistant secrétaire général de la Corporation des médecins; M. Pierre-Yves Lamarche, dentiste secrétaire général de l'Ordre des dentistes; Dr Jean-Guy Landry, nouveau président de l'Ordre des dentistes et Me André Poupart, également procureur de l'Ordre des dentistes du Québec. Je m'excuse, et non le moindre, M. Jacques Gagnon, président de l'Ordre des pharmaciens du Québec, qui est toujours présent, même s'il est caché derrière nous. Je suis moi-même président de la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Le ministre a ouvert cette commission, ce matin, dans un esprit d'ouverture. Nous espérons que son esprit d'ouverture va se continuer jusqu'à minuit, car c'est la quatrième fois que nous avons l'occasion de nous présenter en commission parlementaire pour discuter d'un projet de loi traitant de l'assurance-maladie. (21 h 15)

Notre première expérience remonte à 1970, alors que nous nous étions fait entendre deux fois et malheureusement, à ce jour, nos résultats ont été plus ou moins fructueux. Nous espérons qu'ils seront meilleurs ce soir. Le ministre a déjà annoncé certains changements parce que je pense qu'il est important que ces lois — aussi importantes que celle de l'assurance-maladie — soient les meilleures possible de façon à favoriser le bon exercice de nos professions.

Je dois faire en commençant une clarification sur un sujet dont on ne parlera pas aujourd'hui dans notre représentation, mais qui a été mentionné au cours de la discussion de la journée, c'est-à-dire une précision sur l'article 24 qui existe actuellement dans la Loi de l'assurance-maladie. Je dois dire que cet article 24 — je me souviens d'avoir été un des intervenants à l'époque — a été modifié en octobre 1970, il n'était pas dans la loi originale de 1970. Il y a été inséré en octobre 1970, justement durant les fameux événements d'octobre 1970 — la crise d'octobre — et c'était une concession de M. Castonguay, à ce moment-là, pas pour permettre seulement la non-participation individuelle des médecins, mais, également, pour permettre la contestation collective des médecins. C'était une des concessions majeures de M. Castonguay à l'époque, et je vous prie de me croire qu'il n'en a pas fait beaucoup. Je dois quand même lui donner le mérite d'avoir fait celle-là et remettre les choses à leur place.

M. Lazure: A quelle place?

M. Roy (Augustin): C'est-à-dire lorsqu'on a dit que c'était un moyen de contestation uniquement individuel pour protester contre les médecins, pour qui l'idéologie de la question de l'assurance-maladie ne faisait pas l'affaire. Mais cela avait été également amené à l'époque par la Fédération des médecins spécialistes qui était en grève à ce moment-là et qui avait insisté pour avoir ce moyen de contestation collective.

Deux précisions également sur ce qu'a dit le ministre dans son introduction ce matin qui nous touchent. A la page 5, alors que le ministre parle de la hausse injustifiée des coûts de la santé et du gaspillage éhonté des fonds publics qui nous touchent comme citoyens et qui nous touchent aussi comme professionnels — car nous avons à coeur la bonne qualité de la pratique de nos professions et lorsqu'on parle de gaspillage éhonté, on peut laisser entendre qu'il y a mauvaise pratique, ce qui n'est pas le cas.

D'ailleurs je tiens à faire cette précision, tout au cours de nos interventions, je ne voudrais pas que quiconque se sente visé, ni le ministre des Affaires sociales, ni le président-directeur général de la régie que je connais très bien tous les deux, qui sont mes amis. Nous sommes ici pour faire des recommandations sur un projet de loi, nous ne voulons en aucune façon être des accusateurs mais simplement, dans l'intérêt public, porter certains commentaires pour bonifier un projet de loi.

Le deuxième point sur l'intervention du ministre est à la page 12 de son texte, alors qu'il mentionne la mauvaise distribution des effectifs médicaux au Québec et qu'il parle en particulier du fait que dans certaines régions, telles la Côte-Nord, le Nord-Ouest et le Nouveau-Québec, il n'y aurait aucun spécialiste dans plusieurs spécialités dites courantes.

Je ne peux pas m'empêcher de profiter de l'occasion qui m'est donnée pour rappeler au ministre qu'il a une décision extrêmement importante à rendre dans les jours qui s'en viennent, en ce qui concerne la directive des postes d'internes et de résidents et qui, justement, touche la préparation de nos futurs spécialistes et lui dire que, contrairement à l'opinion généralement diffusée dans la population, dans les média, actuellement, nous nous dirigeons vers une pénurie de spécialistes et non pas d'omnipraticiens. Ce qui était le

contraire autrefois, surtout dans les régions éloignées, parce que, de plus en plus, nos jeunes médecins se dirigent vers la pratique générale, la médecine de famille, alors qu'il y a beaucoup moins d'incitation à se diriger dans des spécialités, pour plusieurs raisons. Mais je pense qu'il faudrait quand même être prudent, parce que dans les régions éloignées, les demandes qui nous sont faites sont généralement pour des médecins spécialistes.

Je dois dire également que la Corporation professionnelle des médecins du Québec a été consultée sur l'avant-projet de loi, mais pas au tout début, comme l'ont été les deux fédérations qui ont reçu le projet de loi et qui ont eu une consultation officielle.

Nous avons été consultés parce que nous avions pris connaissance du projet de loi, de l'avant-projet qui nous avait été remis par des amis, évidemment, et à ce moment-là, nous avons dit au gouvernement: Ecoutez, nous sommes au courant qu'il y a un projet de loi, cela nous concerne, est-ce que vous pourriez en faire une consultation officielle?

Evidemment, c'est ce qu'on a fait et on a fait parvenir des représentations au gouvernement et au ministre au sujet de l'avant-projet de loi, mais, malheureusement, la plupart des recommandations que nous avons faites n'ont pas été suivies.

Nous désirons féliciter la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, l'Association des optométristes, celle des dentistes et celle des pharmaciens pour avoir convoqué et fait convoquer cette commission parlementaire ce qui, à mon avis, est un geste éminemment démocratique qui favorise la bonne information, et Dieu sait comment les députés ici présents et le ministre également ont peut-être pu apprendre de choses aujourd'hui au cours des échanges qui ont eu lieu durant la journée.

Je pense que cela demande un certain courage parce qu'on s'expose, évidemment, à se faire renvoyer toutes sortes de questions plus ou moins intéressantes et cela demande également beaucoup de travail pour se préparer à venir en commission parlementaire.

Je pense que c'est un atout que d'avoir des groupements qui sont prêts à poser ces gestes, et à venir s'expliquer devant le législateur dans l'intention d'améliorer les projets de loi.

Evidemment, on ne peut pas en dire autant d'un autre groupement, qui s'appelle la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui a suivi une autre méthode, un autre cheminement, ce qui est pleinement son droit, mais je ne voudrais pas que le ministre ou que le gouvernement interprète en aucune façon l'absence des médecins spécialistes à cette table ou durant cette commission parlementaire comme un signe de division de la profession médicale.

Je pense que c'est une autre méthode d'approche qu'ils ont choisie. C'est leur droit. Quant à moi, je pense que je dois féliciter les autres groupes pour avoir choisi la méthode qui m'apparaît la meilleure.

Je dois dire que les professionnels de la santé ont été profondément affectés par toutes les législations adoptées dans le domaine social depuis 1970, ce qui amène et ce qui a amené — et qu'on voit encore — une certaine démoralisation, une certaine démission, même une certaine démobilisation de certains professionnels de la santé qui abandonnent la lutte ou se résignent à une résistance passive, ce que nous combattons, parce que nous voulons justement motiver nos médecins, motiver nos professionnels de la santé de façon à faire en sorte qu'ils aient une attitude positive et que le climat actuel puisse s'améliorer. C'est pour cela que des commissions de ce genre sont excellentes: elles permettent d'aérer des difficultés et des problèmes; elles permettent de chasser de fausses idées, de fausses opinions, et peut-être d'améliorer le moral et aussi d'améliorer la satisfaction. Actuellement, je dois le noter, il y a du mécontentement parmi les professionnels de la santé, parce que certains, à tort ou à raison, croient que leur liberté de pratique est atteinte. Ils croient qu'il n'y a pas possibilité de changer le système actuel, ce qui explique, dans bon nombre de cas, les nombreux départs de professionnels de la santé au cours des dernières années. Ces départs, particulièrement, en 1978, deviennent alarmants et j'espère qu'ils vont cesser. J'espère aussi que le gouvernement va prendre les mesures pour satisfaire les professionnels de la santé de façon à leur donner la chance d'exercer leur profession en toute sérénité et dans l'intérêt de leurs malades. Si on était témoin d'autres départs massifs comme on l'a été récemment, dans les dernières années, ce seraient des saignées et des pertes énormes en capital humain. Ôr, c'est justement le public qui paie la note de ces départs qui sont toujours mauvais et qui sont généralement dus...

M. Lazure: Si vous permettez, Dr Roy, j'invoquerais la pertinence du débat.

M. Roy (Augustin): Justement, il me reste trois lignes... et ces départs sont justement dûs, en général, à des...

Mme Lavoie-Roux: Quand cela fait mal.

M. Roy: ... tracasseries administratives. Cela devient très pertinent, parce qu'on a justement dans le projet de loi, un contrôle excessif et souvent une bureaucratisation de la profession à cause de l'ingérence constante de l'Etat et de ses organismes.

Maintenant, nous allons à tour de rôle faire état de certains points et, au tout début, nous allons établir d'une façon générale le rôle des corporations. Le Dr Lamarche va commencer cet aspect de notre mémoire; par la suite, nous parlerons des comités de révisions et des autres sujets pertinents.

M. Lamarche (Pierre-Yves): M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs les députés. Au nom des représentants des corporations des mé-

decins, des pharmaciens, des optométristes et des dentistes, je désire vous remercier de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui d'être entendus devant cette commission. Il peut paraître surprenant que des représentants de corporations professionnelles tiennent à s'exprimer sur un projet de loi dont la visée première était de solutionner un problème de nature plutôt syndicale. Il est donc important de préciser que le législateur a profité de cette situation pour inclure dans ce projet de loi d'autres modifications touchant la Loi de I assurance-maladie. Il est donc à comprendre que nous sommes ici pour saisir cette commission de commentaires portant non pas sur l'aspect qui intéresse les syndicats, mais plutôt sur les dispositions de ce projet de loi qui portent atteinte directement au mandat social des corporations, notamment par les modifications qui sont apportées aux comités de révision.

A ce stade-ci, il est opportun, croyons-nous, d'effleurer la couleur historique de notre intervention. En 1976, le Dr Gélinas, mandaté par le gouvernement d'alors, produisait un document ayant pour objet d'amender la Loi de l'assurance-maladie. C'est alors que les corporations ici présentes sont sollicitées pour soumettre leurs commentaires au ministre d'alors sur ce fameux rapport Gélinas. Les corporations produisaient individuellement des mémoires sur ce sujet. Depuis cette époque, peu de nouvelles. Récemment, survient le conflit dentistes-ministère des Affaires sociales et, subséquemment, le projet de loi 84 renfermant, d'une part, les dispositions en vue de délier l'impasse et, au surplus, à notre grande surprise, la presque totalité des recommandations du rapport Gélinas y apparaissent et, par surcroît, à peu de choses près, aucun des commentaires émis antérieurement par l'une ou l'autre des corporations en cause n'était retenu.

M. le Président, afin de démontrer à cette assemblée la dimension réelle de l'enjeu qui se dispute en ce qui nous concerne, vous me permettrez de définir très succinctement ce qu'est une corporation professionnelle, d'où elle prend sa source, quel est son encadrement légal et quels sont les mécanismes dont elle dispose pour statuer sur des actes en tant que requis ou non. Nous nous permettons cette intervention qui, de prime abord, peut paraître une digression, mais qui débouche directement sur le coeur du sujet.

Pour comprendre le rôle des corporations professionnelles, il faut faire appel à la notion de responsabilité. Les professionnels ont deux modes de responsabilité à respecter. Tout d'abord individuelle, c'est-à-dire de produire des actes ou des soins de qualité et de procéder à une mise à jour constante de leurs connaissances. Dans une autre perspective, comme membre d'une collectivité, le professionnel devient le dépositaire d'un mandat social plus exigeant. La nature des services qu'il rend, son statut, sa capacité d'objectivité, son expertise, la contribution de la population à sa formation, imposent au professionnel une ouverture sur les dimensions sociales de la collectivité qu'il est appelé à desservir. Ainsi, les profession- nels, comme groupe, deviennent dépositaires d'un mandat social à la fois complexe et exigeant. Ce mandat, globalement, peut se définir ainsi: Assurer à la population des soins de qualité et en favoriser l'accès à tous. En pratique, ce mandat comporte de nombreuses facettes dont les plus importantes sont les suivantes: Commencer, favoriser et implanter des mesures de prévention.

Vous me permettrez un hors-contexte pour souligner l'effort que le gouvernement, par le truchement du ministère des Affaires sociales, fait actuellement pour la promotion de la santé sous ses divers aspects. J'aimerais faire le même commentaire en ce qui a trait à l'implantation de la fluoration.

Deuxième mandat, maintenir et améliorer la qualité de la formation des futurs professionnels, organiser une mise à jour constante des connaissances professionnelles des professionnels actifs et, finalement, une obligation négative, mais essentielle s'ajoute à cette liste, c'est le contrôle de la qualité des actes par, notamment, l'inspection professionnelle, c'est-à-dire la vérification statutaire de la compétence de tous les professionnels, la répression de toute défaillance quant aux abus dans l'exécution des actes non requis et ce, par le comité d'éthique et le conseil de discipline. Finalement, la répression de la pratique illégale. Il est évident que cette nomenclature n'est pas exhaustive. Pour assumer toutes les dimensions de ce mandat social, les membres d'une corporation subventionnent un organisme pour agir en leur nom, c'est la Corporation professionnelle. (21 h 30)

Celle-ci répond, pour les professionnels en cause de ce mandat à caractère social. La structure opérationnelle des corporations se situe au niveau d'un bureau formé de professionnels et où le public est présent. Pour permettre aux corporations d'assumer leurs responsabilités, le législateur leur a consenti un cadre légal, c'est-à-dire le Code des professions, qui dicte des devoirs, des droits et des obligations uniformes et ce code est assorti d'une loi organique en vue de tenir compte des particularités de chacune des corporations.

Toute cette structure est orientée vers l'accomplissement des perspectives sociales d'une profession. Le Code des professions prévoit, en outre, un organisme extrêmement important qu'on appelle l'Office des professions. L'Office des professions a pour mandat spécifique, entre autres, de surveiller les corporations afin de veiller à ce qu'elles accomplissent convenablement le mandat qui leur est dicté par le Code des professions. C'est cette structure organisationnelle qui permet à la corporation de remplir son mandat.

Aujourd'hui, on confère au comité de révision des pouvoirs d'évaluation à travers un comité de six membres. Ces pouvoirs sont les mêmes, à certains égards, que ceux prévus à l'intérieur du Code des professions, et assumés par des pairs à travers le comité d'inspection professionnel, le syndic, le comité d'éthique, ainsi que le comité de discipline avec une possibilité d'appel au niveau du tribunal des professions. Nous assistons donc

à l'organisation d'une structure parallèle et, à ce sujet, mes confrères ici présents développeront davantage cette dimension.

Mesdames, messieurs, la sanction formelle de ce projet de loi, notamment par l'article 34, qui reconnaît à un comité de révision formé de six membres, le pouvoir de statuer sur la qualité des actes professionnels, conteste dans le fond et dans la forme la structure élaborée par le législateur et contenu dans le Code des professions. En ce qui a trait au jugement à porter sur un acte requis ou non, ce jugement devrait être porté par les comités d'inspection professionnel, les syndics et le comité de discipline, ainsi que le tribunal des professions en appel.

A toutes fins utiles, on confère à un comité de six membres les mêmes obligations, pouvoirs et expertises qui sont déjà exercés avec succès par des structures bien articulées et implantées au sein des corporations et ce, pour la protection du public. Dans ce contexte, nous ne pouvons comprendre que l'Office des professions n'ait pas su convaincre le législateur du danger évident que pose cette modification du comité de révision.

Enfin, pourquoi remettre en cause le rôle des corporations dans la poursuite de certains objectifs, par l'adoption de mesures ne visant que quelques cas marginaux qui, de toute façon, peuvent être soumis à des mécanismes de répression bien articulés et surveillés dans leur opération par l'Office des professions et qui dispose de l'expertise nécessaire. Je vous remercie.

M. Roy (Augustin): Nous allons continuer sur le rôle du comité de révision et j'espère que la lumière va se faire. M. le Président, M. le ministre, Madame, MM. les députés, mon intervention va se limiter au seul comité de révision. Le projet de loi 84 modifie de façon fondamentale la Loi sur lassurance-maladie en étendant la juridiction des comités de révision de façon à leur permettre de déterminer si les services fournis étaient requis, du point de vue médical, optométrique, dentaire et pharmaceutique, selon le cas. Le projet de loi ne modifie la Loi de l'assurance-maladie en ne liant pas la régie aux recommandations des comités de révision et surtout en permettant à la régie de rendre une décision sans tenir compte des recommandations du comité de révision. Enfin, il le modifie en permettant à la régie, par l'addition de l'article 18b de court-circuiter les comités de révision, tels que prévus à l'article 32 du présent projet de loi.

Ceci dit, avant de pousser plus loin l'étude des amendements, permettez-moi de revenir sur un des objectifs visés. Un des objectifs visés par la loi est de mettre sur pied un mécanisme susceptible de déceler et de réprimer les abus, de contrôler la surutilisation des services. Le rôle d'un comité de révision n'est pas d'établir qu'un ou plusieurs actes posés n'étaient pas médicalement requis, particulièrement dans le contexte juridique québécois où il existe un Code des professions adopté par le législateur, mais le rôle d'un comité de révision est bien plutôt d'évaluer la fréquence des actes posés en vue d'une rémunération.

Me Gilles Pépin, dans une opinion juridique émise, mentionne que les normes médicales étant floues sur la question de la fréquence des actes posés — il suffit de prendre comme exemple le nombre idéal de visites prénatales ou le nombre de visites pour une pneumonie, une grippe, un infarctus. On peut en mettre.

Me Pépin disait que les normes médicales étant floues sur la fréquence des actes posés, il faut qu'un comité de révision composé de pairs apporte les interprétations et les précisions nécessaires, mais toujours en vue de la rémunération.

Les corporations ici présentes ont toujours préconisé le maintien de deux forums distincts pour l'évaluation de l'acte médical, optométrique, dentaire ou pharmaceutique, deux forums sous leur aspect économique et sous leur aspect professionnel.

L'évaluation du premier aspect, économique, se fait par rapport à une loi, par rapport à des règlements, par rapport à une entente négociée entre deux parties, alors que l'évaluation du second, l'aspect professionnel, se fait par rapport à des normes et standards d'exercices professionnels généralement acceptés.

Nous maintenons que les comités de révision prévus par la Loi de lassurance-maladie, et le comité d'inspection professionnelle prévu par le Code des professions demeurent, chacun dans leur domaine respectif, les plus qualifiés pour porter un jugement éclairé.

Je disais, M. le ministre, que nous maintenons que les comités de révision, prévus par la Loi de lassurance-maladie et le comité d'inspection professionnelle, prévu par le Code des professions, demeurent, dans leur domaine respectif, les organismes les plus qualifiés pour porter un jugement éclairé.

Après avoir traité de l'objectif, revoyons quelque peu les difficultés des comités de révision. Le projet de loi propose de modifier le mandat des comités de révision, alors que les difficultés auxquelles se sont butés les divers comités, ne sont pas dues à des causes relatives à ce mandat. Nous avons maintes fois rappelé le contexte dans lequel ont évolué les comités de révision et qui les a souvent immobilisés dans leur action.

Et je me permets de rappeler quelques-unes de ces difficultés, difficultés qui sont d'ailleurs tirées souvent du texte commandé par la régie au Dr Gélinas, texte qui a été fait sans aucune consultation avec les organismes les plus concernés.

Une première difficulté a résidé dans l'interprétation légaliste rigoureuse, très rigoureuse, qui a été faite des textes de loi par les divers contentieux et qui s'est transposée dans les faits par la crainte des comités de révision de juger des cas particuliers qui leur étaient soumis, par rapport à une pratique professionnelle généralement acceptée et la crainte de prendre des décisions appropriées, faute de ne pouvoir étoffer ces décisions selon les règles strictes de la preuve et de la procédure, advenant un appel devant la Commission des affaires sociales.

Une deuxième difficulté est venue de la quasi-impossibilité, à la suite d'une étude de profil ou d'un échantillonnage de données statistiques, d'appliquer, devant une pratique de production de série, les règles strictes de la preuve et de la procédure. La grande difficulté ne réside pas dans l'évaluation de ces cas, mais dans la preuve à présenter, selon les règles de la preuve et de la procédure pour soutenir éventuellement devant un tribunal d'appel la décision prise. Que ce soit sur le plan économique ou sur le plan professionnel, le problème est le même. L'évaluation des cas est relativement facile; la preuve à présenter est difficile.

Dans l'évaluation de la nécessité médicale, les corporations devront procéder cas par cas, après enquête et étude des dossiers et des profils. Le comité d'inspection professionnelle peut évaluer d'une façon globale — quand je parle du comité d'inspection professionnelle, c'est celui des corporations — la valeur d'un exercice professionnel et faire des recommandations.

Dans quelques rares cas, il peut être relativement facile d'établir la nécessité médicale des actes, mais ces quelques cas, on peut les compter sur les doigts d'une main. On peut parler des plasties, des vibices. On peut parler de la vitamine B12, mais ce sont à peu près les seuls cas où on peut, à partir de données, dire que ce n'était pas médicalement requis ou dire de façon générale que ce n'est pas médicalement requis. Il est beaucoup plus difficile par d'autres exemples de déterminer si une visite médicale, une visite à domicile était nécessaire ou si une visite en cabinet de consultation était nécessaire. On peut donner de multiples exemples.

Une troisième difficulté, d'après le rapport Gélinas, consistait dans l'imprécision des ententes.

Une quatrième était dans l'imprécision des concepts ou termes utilisés tels que "qualité", "nécessité", "pertinence", "fréquence", "abusif" et "injustifié". Cette imprécision est ressortie ce soir. On l'a vue par les discussions.

Une cinquième difficulté a résidé dans l'inexpérience des membres des comités, qui ont dû acquérir cette expérience et tracer la voie de ces comités. On ne peut exiger de professionnels cliniciens la même expérience que celle des professionnels qui exercent à temps plein au sein d'un organisme chargé du contrôle économique ou qualificatif d'une profession.

Malheureusement, M. le ministre, la loi élimine ces professionnels des comités de révision. Il faut donc s'assurer au moins de donner aux professionnels cliniciens qui n'ont aucune expérience dans le domaine un support compétent pour leur permettre de prendre des décisions fondées sur des études et des enquêtes valables.

Une sixième difficulté a résidé dans l'impossibilité légale pour les comités de révision prévus par la Loi de l'assurance-maladie et les comités d'inspection professionnelle prévus par le Code des professions d'établir des communications efficaces et d'échanger des informations nécessaires pour le bon fonctionnement de chacun de ces comités.

En 1974, lors de l'adoption du Code des professions, le législateur a omis de faire le lien entre les deux lois. Loin de favoriser des échanges entre les deux comités, le Code des professions les a défendus.

Enfin, on a invoqué les difficultés pour la régie au lendemain de la création des comités de révision de s'acquitter de ses responsabilités à leur égard. En fait, on a pris environ deux ans pour pouvoir fournir des données aux comités de révision.

Tel que je l'ai dit il y a quelques instants, ces difficultés n'ont aucunement trait au mandat des comités de révision tel qu'il est inscrit dans la loi actuelle et en vigueur.

En introduisant la notion de nécessité médicale, optométrique, dentaire ou pharmaceutique dans la loi, on amplifiera les difficultés de comités de révision. En effet, il faudra prévoir des difficultés accrues dans la preuve à présenter. L'expérience a démontré qu'il était très difficile de faire la preuve devant un tribunal qu'un acte n'était pas médicalement requis. Il nous apparaîtrait encore plus difficile, sur la seule base d'un profil d'exercice, d'affirmer que des actes n'étaient pas médicalement requis, alors qu'il nous apparaît relativement facile, sur la base d'un profil, et par référence à une pratique généralement acceptée, d'établir que des actes n'étaient pas requis aussi fréquemment. La nécessité d'un acte médical ne peut s'interpréter in se sans tenir compte de l'état du malade, des circonstances de temps et de lieu dans lesquelles il est posé. (21 h 45)

II faudrait aussi s'entendre si on ajoute le médicalement requis" dans la loi. Il faudrait aussi s'entendre sur la définition du mot "requis", au point de vue médical, dentaire, pharmaceutique ou optométrique. Il faudra déterminer si le mot "requis" signifie un acte nécessaire, un acte convenable, un acte prescrit ou s'il s'agit d'un acte posé en fonction des règles de l'art et de la science et des critères de nécessité de soins par rapport aux besoins du malade concerné. La nécessité des actes par rapport aux besoins du malade nous apparaît beaucoup plus importante. Il faut presque avoir examiné le malade pour déterminer si l'acte posé était médicalement requis.

A la suite de l'introduction de cette notion de "médicalement requis" dans le mandat des comités de révision, la discussion reprendra sur les définitions de fréquence, de qualité, de quantité, de nécessité et de pertinence. La ronde des interprétations formulées par les contentieux des différents organismes et parties en cause reprendra de plus belle et les comités de révision, replongés dans ce contexte juridique étroit auquel les membres ne sont pas habitués, risqueront, encore une fois, d'être immobilisés par la crainte du manque de preuves à présenter ou la difficulté de les élaborer.

Ce bref rappel étant fait, je reviens au projet de loi. Le projet de loi 84 fait en sorte que la juridiction des corporations professionnelles, en ce qui concerne l'évaluation de la nécessité médicale, optométrique, dentaire ou pharmaceutique, soit, dans les faits, transférée directement à la Régie de l'assurance-maladie. Le projet de loi 84 fait en sorte que les comités de révision deviennent une simple façade dont l'action pourra en tout temps être annihilée par la régie qui pourra refuser la recommandation du comité ou même prendre une décision contraire à cette recommandation.

D'autre part, l'article 18b, qui apparaît à la page 25 du présent projet, en plus de renverser le fardeau de la preuve pour le médecin, le pharmacien, le dentiste ou l'optométriste, permettra à la régie de court-circuiter les comités de révision, tel qu'il est prévu par l'article 34 du présent projet de loi.

La régie, pouvant enquêter sur toute matière de sa compétence, l'introduction de la notion de "médicalement requis " dans le mandat du comité de révision entraîne ipso facto l'élargissement des pouvoirs d'enquête de la régie. La régie pourra alors faire enquête pour juger de la nécessité des actes sur le plan médical, sur le plan pharmaceutique, sur le plan dentaire ou sur le plan optométrique. Comme c'est la régie qui, après enquête et étude des dossiers des bénéficiaires, décidera, selon la loi — l'article 32 du présent projet de loi le dit — décidera des cas qui devront être soumis au comité de révision, c'est la régie qui, en définitive, décidera de la nécessité des actes dans les quatre professions, soit la médecine, la pharmacie, l'art dentaire et l'optométrie. Vous noterez que le pouvoir de consulter les dossiers des bénéficiaires est donné dans la Loi de la Régie de l'assurance-maladie et non dans la Loi de l'assurance-maladie.

L'article 18b tel que libellé permettra à la régie, sur la base d'une enquête et pour des motifs qu'elle ne sera pas tenue de dévoiler, de refuser de payer pour des services rendus non conformément à la loi. La régie pourra, par cet article, refuser de payer des services non requis du point de vue médical, optométrique, dentaire ou pharmaceutique, ces services n'ayant pas été rendus conformément à la loi. Cet article 18b, tel que je l'ai mentionné tout à l'heure, permet ainsi à la régie, après avoir décidé que les services n'étaient pas médicalement requis, de court-circuiter des comités de révision et de refuser de payer.

Il y aura grave danger que les normes et standards d'exercice professionnel ne soient axés que sur des objectifs d'ordre économique, compte tenu que l'évaluation de la nécessité médicale, optométrique, dentaire ou pharmaceutique des services rendus sera faite par la régie. De plus, la régie étant un organisme payeur, ce sera la placer dans une situation de conflit d'intérêts que de lui demander, par le biais des comités de révision ou directement, de déterminer la nécessité médicale, optométrique, dentaire ou pharmaceutique des actes posés.

Ainsi, la régie pourra se permettre de remplir le rôle des corporations, de remplir le rôle des comités de révision, de se faire enquêteur, de se faire juge, alors qu'elle est aussi partie. La loi remet en cause l'existence des comités de révision et des corporations, du moins, en ce qui concerne les services assurés et en ce qui concerne la médecine, c'est au moins 99% des actes posés, sinon plus.

La loi, en fait, permet la mainmise de la régie sur l'aspect professionnel de quatre professions au Québec, ce qui constitue, à notre avis, un précédent extrêmement dangereux. Certains pourront croire que j'en mets plus qu'il n'y en a, mais si vous analysez le projet de loi, il dit ce qu'il dit et il dit ce que je viens de dire.

Avant de modifier le mandat des comités de révision qui ont éprouvé, depuis leur création en 1973, beaucoup de difficultés à trouver un mode de fonctionnement. Avant d'accroître les difficultés de fonctionnement, avant de remettre en cause les structures qui tentent de s'adapter et avant de placer la régie dans une situation de conflit d'intérêts, avant de risquer de mettre une mainmise de la part de la régie sur quatre professions, il nous apparaît important que l'on tente plutôt de faire la cohérence des textes de loi, de s'entendre sur les objectifs et de donner aux comités de révision les deux moyens d'action qui leur manquent, soit la possibilité de prendre des décisions sur la base d'échantillonnage scientifique, de profil d'exercice, de statistiques et de moyennes comparatives.

Ceci, on le demande depuis plusieurs années et n'a jamais été accepté. Le deuxième moyen que l'on demande, c'est la possibilité, pour le comité de révision, de recourir au comité d'inspection professionnelle de la corporation concernée pour faire établir la nécessité médicale, optométrique, pharmaceutique ou dentaire des actes posés par un professionnel. Et, bien sûr, il faut la réciproque, que le comité d'inspection professionnelle puisse donner la réponse. Actuellement la régie peut communiquer avec la corporation, fournir des informations, mais pour la corporation, pour le comité d'inspection professionnelle ou pour le syndic de la corporation, il est défendu, selon le texte du Code des professions, de fournir la réponse.

Le projet de loi actuel ne donne rien de ces deux moyens et, pour ces raisons, les corporations ici présentes recommandent que le mandat des comités de révision demeure le même qu'actuellement, c'est-à-dire, celui de la loi en vigueur et que les lois de l'assurance-maladie et la Code des professions soient amendés pour permettre aux comités de révision chaque fois que nécessaire, de s'adresser au comité d'inspection professionnelle des corporations concernées aux fins d'établir la nécessité médicale, optométrique, dentaire ou pharmaceutique des actes posés et permettre au comité d'inspection professionnelle de fournir aux comités de révision la réponse appropriée quant aux actes posés et que si ce mandat des comités de révision n'était pas accepté et qu'il

devait être modifié pour lui permettre de juger de la nécessité médicale ou pharmaceutique ou optométrique ou dentaire des actes posés par les professionnels et de leur comité avec les normes généralement acceptées, il faudrait que ce comité devienne un comité de la corporation, tel que prévu en Ontario et tel que mentionné plus haut, avec financement par le régime.

Je dois rappeler ici que depuis l'existence des syndicats professionnels, il s'est établi un consensus à l'effet que toute question relative à la rémunération des médecins, pharmaciens, dentistes ou optométristes était la responsabilité des syndicats professionnels et que toute question relative à la qualité de l'exercice était la responsabilité de la corporation.

Dans la mesure du possible, les corporations désirent maintenir cette position et ne pas s'introduire dans l'évaluation économique d'une pratique professionnelle.

Dans un mémoire soumis au ministre des Affaires sociales et au président de la Régie de l'assurance- maladie en janvier 1977, nous avons insisté sur l'importance que les comités de révision soient des comités de pairs. Les nominations d'un avocat et d'un fonctionnaire sur ces comités ne répondent pas aux critères d'un comité de pairs.

Il est facile pour un tel comité, à notre avis, de retenir les services d'un avocat et d'un fonctionnaire au besoin. L'avocat pourra alors beaucoup plus facilement remplir le rôle de conseiller juridique. Il n'apparaît pas sain qu'un avocat soit membre d'un comité avec droit de vote et, en même temps, conseiller juridique de ce comité.

En Ontario, la loi précise qu'aucun membre des comités de révision ne doit faire partie de la fonction publique. Je veux rappeler ici aussi la règle sacrée qu'on appelle audi alteram partem. En plus de renverser le fardeau de la preuve par les articles 18b et 37, la loi permet — et je dis "permet " avec un point d'exclamation — à un professionnel visé par ces articles de se faire entendre devant un organisme qui ne prend pas de décisions, c'est-à-dire, le comité de révision.

Nous avons toujours entendu dire que la règle sacrée audi alternam partem devait permettre à un individu accusé de se faire entendre devant l'organisme qui prend la décision le concernant. Si la régie n'est pas liée par la recommandation du comité de révision tel que le veut le projet de loi, il faudrait que le professionnel visé puisse se faire entendre devant la régie, et nous en arrivons à la situation loufoque où un professionnel devra se faire entendre, sur des problèmes d'ordre professionnel, devant un organisme qui n'est pas un comité de pairs et qui risque, malgré tout le respect que nous devons à la régie, de n'y rien comprendre.

Je veux dire un mot des ententes particulières entre la régie et un professionnel. La régie négocie, de temps à autre, des ententes à l'amiable avec des professionnels participant au régime. Nous ne connaissons pas le nombre de ces ententes parce que la régie, malgré des demandes formelles écrites de la part de la Corporation des médecins du Québec — et les autres corporations pourront dire si elles ont fait la même demande — a toujours refusé de dévoiler les ententes et d'en faire connaître le contenu.

Nous nous opposons à ce genre d'ententes particulières qui, en plus de constituer une forme de chantage, court-circuitent les comités de révision et privent les corporations d'information concernant le comportement de leurs membres et la qualité de leur exercice professionnel.

De telles ententes, faites en catimini, risquent de laisser sur le marché du travail des professionnels incompétents.

Un mot du mécanisme d'appel. Nous recommandons que les décisions du comité soient finales et lient les parties, soit le médecin concerné, la Régie de l'assurance-maladie, que toute décision du comité soit transmise à la régie, au professionnel concerné et à la corporation concernée et que l'appel ne puisse être interjeté devant la Commission des affaires sociales que sur le dossier tel que constitué et que la commission ne puisse se prononcer sur la qualité, la pertinence ou la nécessité des actes posés. (22 heures)

En conclusion, M. le ministre, croire que les corporations ne livrent qu'une bataille de juridiction entre elles et la régie, ce serait restreindre de beaucoup la portée de notre intervention. Nous voulons insister sur le fait que les deux organismes, régie et corporation, ont comme objectif la protection du public, l'un en s'assurant comme organisme payeur que les fonds publics sont utilisés selon la loi et les ententes et I'autre en s assurant de la qualité des services fournis. J'ai tenté de démontrer au cours de cet exposé que les difficultés des comités de révision n avaient pas trait au mandat, que si nous ajoutons la notion de "médicalement requis" dans la loi, nous accroîtrons sérieusement les difficultés de révision, que si nous ajoutons la notion de "médicalement requis' et que je dis "médicalement" requis, il faut toujours laisser entendre dentaires, pharmaceutiques et optométriques, que si nous ajoutons la notion de "médicalement requis " dans la loi, cela équivaut à la mainmise de la régie sur l'aspect professionnel de quatre professions.

J'ai tenté de démontrer que les corporations collaboreront avec les comités de révision si la loi le permet dans les cas où il faudra déterminer le "médicalement requis".

Tant pour les intérêts du public que pour les intérêts supérieurs, je dis bien supérieurs, des professions visées, nous voulons ramener à la raison ceux de nos membres qui abusent du régime tant sur le plan économique que sur le plan professionnel. Chacune de nos corporations figure parmi celles qui sont les mieux organisées et les plus actives. Chacune est à même de démontrer l'expérience et la compétence de son personnel sur le plan du contrôle de la qualité des actes. Ces professionnels d'expérience se retrouvent en plus grand nombre à I intérieur des corporations qu'à l'intérieur du ministère des

Affaires sociales et de la régie. Nous sommes peut-être des corporations en Amérique du Nord elles qui ont le plus d'expérience dans l'évaluation de la qualité de l'acte. M. le ministre, nous voulons la collaboration entre la régie et les corporations de façon que chacune puisse atteindre son objectif. De grâce, faites que les lois permettent cette collaboration.

M. Décarie:...

M. Décarie (Jean): M. le Président, le syllogisme du projet de loi 84 nous paraît être le suivant: d'une part, l'aspect professionnel de l'évaluation des services que rendent les professionnels affecte directement le paiement et conséquemment concerne la régie de l'assurance-maladie. D'autre part, les corporations professionnels s'intéressent à la qualité, la pertinence et la nécessité des services rendus par les professionnels et n'a pas à se préoccuper de l'aspect économique. Donc, il faut que la Régie de l'assurance-maladie ou les comités de révision s'ingèrent dans l'évaluation professionnelle. C'est le sens de l'article 32 du projet de loi. Pour nous, le projet de loi 84 ne correspond aucunement à un partage de responsabilités, mais à un transfert de pouvoirs. C'est l'exercice, par la Régie de l'assurance-maladie, par les comités de révision, de tous les pouvoirs de contrôle confiés aux corporations professionnelles par le Code des professions. En y donnant suite, la Régie de l'assurance-maladie et les comités de révision accapareraient à toutes fins utiles les obligations et les responsabilités que l'Etat avait reconnues aux corporations professionnelles. Le plus grand risque de ce projet de loi 84 est de voir la qualité des soins sacrifiée à l'efficacité administrative ainsi qu'à la rentabilité de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Nous sommes d'opinion que l'évaluation de la qualité de soins de même que le contrôle des normes et activités professionnelles doivent relever exclusivement des corporations professionnelles. Tout mécanisme de révision des dossiers professionnels doit être soumis à l'autorité des corporations.

Si on fait un parallèle et qu'on regarde la contradiction qui existe entre, par exemple, l'article 34 et l'article 19a, pour ce faire, d'une part, on demande à la régie d'énoncer un avis suivant lequel il y a une fréquence abusive ou injustifiée par l'article 34 et, d'autre part, on lui interdit formellement de déterminer la fréquence d'un acte susceptible d'être payé, l'article 19a. L'article 34 actuel, qui permet à la régie de ne pas payer s'il y a fréquence abusive, oblige la régie à démontrer que. dans le cas donné, il y a eu effectivement abus. Une preuve statistique ne serait pas suffisante, le professionnel pourrait faire la preuve de circonstances expliquant son attitude.

Ce que l'article 19a actuel défend à la régie, c'est de déterminer dans l'abstrait la fréquence d'un acte susceptible d'être payé, en mettant en doute la qualité ou la pertinence de cet acte répétitif. Mais la régie peut faire sa preuve dans chaque cas particulier en vertu de l'article 34. Le projet de loi 84 fait appel au même syllogisme que celui que nous avons démontré lorsqu'il s'agissait de la qualité des actes pour justifier maintenant l'ingérence de la régie et des comités de révision dans le champ de juridiction exclusif des corporations professionnelles.

Pertinence de l'acte, nécessité de l'acte, compétence et autres notions. Nous désirons rappeler que l'Ordre des optométristes du Québec a demandé, en 1973, au ministre, l'assurance, "que les objectifs du comité de révision seraient strictement d'ordre économique et viseraient à contrôler uniquement la mauvaise utilisation ou la surutilisation des services assurés, que le comité de révision ne se prononcerait pas sur la nécessité professionnelle des services rendus par les professionnels ".

Aujourd'hui, par le projet de loi 84, on veut augmenter les pouvoirs des comités de révision, de telle sorte que non seulement ces derniers puissent se prononcer sur les services qui ne sont pas requis aussi fréquemment et sur les services dispensés de façon abusive ou injustifiée, mais également sur l'opportunité de rendre des services. C'est le sens du "requis au point de vue médical, optométrique, dentaire ou pharmaceutique".

Sous prétexte que les affaires transmises par la régie au comité de révision n'étaient pas assez étoffées dans le passé, le projet de loi 84 réclame, pour la Régie de l'assurance-maladie, le pouvoir d'enquêter, même sur des matières qui ne sont pas de sa juridiction, d'établir des normes d'exercice professionnel, de fréquence et de nécessité, à partir desquelles elle constituera, à l'aide d'experts, sa preuve qui sera présentée par la suite au comité de révision. Le projet de loi 84 se comporte exactement comme si les corporations professionnelles n'existaient pas.

Bien plus, on place en parallèle la Commission des affaires sociales, non composée de pairs, tout comme le tribunal des professions, pour chapeauter un système hors pair; c'est le dédoublement de la structure à sa limite pour se prononcer sur la qualité des actes.

Nous sommes d'avis que les changements recommandés par le projet de loi 84 débordent des objectifs recherchés. Pourquoi avoir recours au concept de qualité de services en établissant des présomptions irréfutables de fautes professionnelles et en dépouillant les organismes autorisés de leur droit de regard, puisque c'est l'étendue des soins, au plan économique seulement, que l'on voudrait protéger? Le projet de loi 84 confirme à la Régie de l'assurance-maladie des pouvoirs exorbitants en matière d'enquête. Il dénie l'autorité, l'autonomie et le champ de juridiction exclusif des corporations professionnelles.

L'adoption du projet de loi 84 dans sa forme actuelle impliquerait, à toutes fins utiles, que les obligations des corporations professionnelles en matière d'inspection professionnelle et d'enquête du syndic seraient transférées à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. De plus, non seulement on veut établir une règle qui vise la fréquence ou

I abus, mais une règle qui vise la qualité même de I acte. On en arrivera donc à ce qu'on appelle en droit une présomption irréfutable, juris et de jure, ces mécanismes seront introduits pour établir automatiquement l'irrégularité de l'acte pose, alors que le seul but recherché est de ne pas payer.

On pourra prétendre par exemple que l'acte n était pas professionnellement requis, sans avoir à le démontrer dans chaque cas particulier. Tous les mécanismes des comités de révision perdront leur sens. On a beau dire que la régie pourra recourir à un organisme extérieur, demander un avis à la corporation professionnelle concernée. Ces comités seront liés par cette preuve automatique et le professionnel n'aura plus le choix que de s'identifier et d'identifier les paiements qu'il aura reçus.

En conclusion, nous affirmons, à cause de toutes les observations que nous avons faites, et plus particulièrement à cause de l'accroissement du champ de juridiction des comités de révision et de la Régie de l'assurance-maladie, que cette partie du projet de loi 84 est inacceptable.

Nous croyons important de réaffirmer que la qualité de l'exercice professionnel est reliée à d'autres facteurs que la fréquence des actes posés et qu'une haute fréquence ne correspond pas automatiquement à des services de moindre qualité.

Nous sommes d'avis que l'accumulation, la comparaison et l'étude de statistiques, de profils et de moyennes, ne peuvent en aucun cas, remplacer l'évaluation professionnelle qui doit être effectuée par la corporation professionnelle.

M. Roy (Augustin): En terminant ce chapitre sur les comités de révision, je dois dire que nous avons rencontré, jeudi dernier, le comité exécutif de la Fédération des médecins spécialistes du Quebec, à qui nous avons exposé cette prise de position de notre part et la Fédération des médecins spécialistes s'est dite d'accord, n'avait pas objection à notre prise de position. Elle s'est dite prête à ne pas faire de discussion idéologique sur cette question des comités de révision se ralliant à la position que nous venons de vous exposer.

Maintenant, quelques brefs commentaires sur d autres sujets qui touchent le projet de loi, comme la carte d'assurance-maladie. Nous voulons dire que nous acceptons, comme tout le monde, l'inscription obligatoire des bénéficiaires. Nous sommes contre l'abus et le gaspillage des fonds publics, mais nous voulons, encore une fois, comme les autres groupes, faire état des difficultés que la présentation obligatoire de cette carte peut comporter, en particulier pour certaines personnes qui n'ont pas déjà été mentionnées. Nous comprenons que le ministre est prêt à faire des exceptions. Mais la semaine dernière, un médecin omnipraticien, par exemple, qui travaille à Montréal, trois soirs par semaine, dans une organisation qui s'appelle "La maison du père", qui est fréquentée par les gens que l'on appelle, en termes ordinaires, des robineux surtout, pas plus que trois sur douze de ces patients qu'il voyait tous les soirs, n'avaient une carte d'assurance-maladie. Ils n'en avaient jamais reçu.

Il faudrait également — ce n'est pas un blâme vis-à-vis de la régie elle-même — que la régie améliore son mécanisme de distribution des cartes. Plusieurs personnes nous disent n'avoir jamais reçu la carte de la Régie de l'assurance-maladie, carte qu'elles ont demandée. Je suis en bonne position pour le dire, parce que, dans ma famille qui compte cinq personnes, j'ai un enfant qui n'a jamais reçu sa carte d'assurance-maladie. Je ne l'ai pas redemandée après, pensant que la régie serait assez intelligente, puisque mon enfant a déjà requis les services d'un médecin et d'autres professionnels de la santé, de vérifier qu'il n'avait pas sa carte et qu'il la recevrait, par le fait même, ce qui n'a jamais été fait.

Il y a aussi le cas des personnes âgées. Un certain nombre de personnes âgées de 75 ans, de 80 ans, n'ont jamais eu de carte d'assurance-maladie. Elles ne l'ont pas à cause des procédures difficiles et bureaucratiques que cela prend pour obtenir cette carte. Souvent, pour des certificats de naissance, il faut courir à gauche et à droite. Je me demande à ce moment-là, pourquoi ces personnes qui reçoivent de la Régie des rentes, des pensions, des prestations d'autres organisations, pourquoi la Régie de l'assurance-maladie ne ferait pas articulation, avec ces autres groupes, pour leur émettre une carte pour diminuer leurs démarches, démarches que ces personnes ne veulent pas faire, parce qu'elles ne sont pas habituées à la bureaucratie et ne comprennent pas le genre de système dans lequel on vit. On a de la misère à le comprendre nous aussi.

Je voudrais faire remarquer également, à I article 8a de ce projet de loi qui permet au bénéficiaire de confier sa carte à un établissement et à un établissement, il permet d'exiger la carte d'un bénéficiaire. Cet article pourrait faire en sorte qu'un établissement, y inclus les CLSC, qui sont des établissements en fonction de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, exigent la carte et la conservent pour la durée d'un traitement. Le bénéficiaire serait ainsi privé de sa carte, advenant une urgence, ou qu'il veuille se présenter dans un autre établissement ou dans une polyclinique, ou dans un cabinet privé. Je pense qu'il faudrait peut-être vérifier cet article 8a, pour faire en sorte que la carte ne soit pas confisquée ou gardée trop longtemps, ce qui empêcherait des gens de pouvoir s'en servir. (22 h 15)

Je vois aussi, à l'article 39, qui amende l'article 52 de la Loi de l'assurance-maladie, le troisième paragraphe donne l'autorisation à la régie de divulguer à des organismes du gouvernement ou à un ministre, selon la réglementation, son fichier des bénéficiaires. J'espère que la réciproque pourrait être également vraie de façon que ce fichier des bénéficiaires soit le plus complet possible et qu'on vérifie ce que je ne comprends pas avec les bénéficiaires des allocations familiales, par exemple. Mon garçon reçoit l'allo-

cation familiale et il n'a pas sa carte. On pourrait peut-être contrôler cela. Il me semble qu'il doit y en avoir d'autres cas comme le mien.

Nous pensons qu'évidemment cela pourrait faire en sorte que tous les gens puissent avoir leur place en diminuant les procédures bureaucratiques pour se les procurer.

Un mot sur la question des mécanismes disciplinaires. On a fait allusion, au cours de la journée, à l'article 47 qui amende l'article 62 de la Loi de l'assurance-maladie qui fait en sorte qu'un professionnel condamné pour une offense en vertu du Code criminel soit déclaré non-participant automatiquement par la régie pour une période de six mois. J'ai bien entendu le président-directeur général de la régie donner les raisons de l'inclusion de cet article qui nous apparaît tout à fait exagéré parce qu'à ce moment-là, il nie le rôle des tribunaux. A quoi servent les tribunaux si évidemment on croit que leurs décisions ne sont pas bonnes, si on croit que leurs décisions ne sont pas justes, parce que les décisions varient d'un cas à un autre? C'est justement cela le fait des tribunaux, un juge qui est capable de voir un accusé en face de lui et d'apprécier la nature de la plainte, la nature de l'accusation et de faire en sorte que sa sentence puisse varier, même si l'accusation est la même.

Je dois dire ici que tous les médecins, en particulier ceux qui ont fait l'objet de poursuites en vertu du Code criminel et dont les cas nous ont été référés par la Régie de l'assurance-maladie, ont été traduits devant notre conseil de discipline. C'est difficile de satisfaire tout le monde. De temps en temps, on trouve que notre comité n'est pas assez sévère. D'autres fois, on trouve qu'il est trop sévère, parce qu'il radie quelqu'un de façon permanente, mais il faut dire qu'aussi le comité de discipline entend le médecin et entend le professionnel de la santé et est capable d'apprécier la nature de l'acte qu'il a posé et peut aussi, dans sa sentence, tenir compte des antécédents de ce médecin ou de ce professionnel de la santé.

Par exemple, quelqu'un qui est accusé d'avoir fraudé la régie pour une somme de $1800 — c'est un cas que je vois — est radié pour deux mois. Il y en a un autre qui a aussi fraudé pour $1808 mais qui est mort avant que son cas passe devant le comité de discipline. Evidemment, il faut aussi dire que, dans des cas semblables, si la sentence apparaît légère, si la sentence est une amende ou si elle est un jour de prison ou un jour de prison deux ou trois fins de semaine de suite, elle tient compte souvent de l'état de santé lamentable de certains de ces professionnels de la santé. Je dois le dire, parce que je regarde les noms ici et je vois deux de ces médecins qui décédés récemment étaient de véritables loques humaines rendus à ce stade de leur vie. Ces choses ne devraient pas se reproduire, mais, malheureusement, elles existent.

Nous avons également un médecin que nous avons radié d'une façon permanente de la régie pour une fraude de $1136. C'est là que le tribunal des professions a ramené notre sentence à cinq ans de suspension. Pourquoi avait-il été radié d'une façon permanente? Parce que c'était la troisième fois qu'il passait devant le comité de discipline de notre corporation. Il faut tenir compte de cela. Nous avons des dossiers sur chacun des professionnels. C'est clair qu'un médecin qui récidive d'une façon semblable peut encourir une pénalité plus grave. C'est pourquoi la sentence. automatique de six mois ou d'un an nous apparaît injuste et arbitraire.

M. Denault (Michel): Ce que je veux ajouter là-dessus, M. le ministre, c'est que le Dr Laberge a mentionné tout à l'heure que les sanctions étaient dérisoires devant les tribunaux d'ordre pénal, mais il faut dire que les accusations ne sont pas pour des fraudes de 150 000. Les accusations c'étaient des accusations d'avoir fraudé la régie pour $1800, $964, $7000, $1136. Il y en a une de $125 000, mais son auteur a été radié à vie.

Si vous poursuivez les professionnels pour un montant de $1800, c'est bien sûr que c'est parce qu'il faut, devant un tribunal pénal, y aller cas par cas et montrer que tel service pour tel malade a été frauduleusement réclamé.

C'est la même chose quand on vous dit que, pour la nécessité médicale, il faut y aller cas par cas. Devant notre comité de discipline ou devant nos comités, il faut démontrer que tel acte n'était pas médicalement requis. On en démontre une douzaine et on dit que les autres sont pareils. Vous autres, vous faites la même chose devant le tribunal pénal. Vous dites: Un cas, deux cas, trois cas, et vous en démontrez 24 ou 50, je ne sais pas, mais vous dites: Les autres font la même chose. Pour le juge qui regarde, l'accusation est d'avoir volé $1800 et non $125 000. C'est pour cela que les amendes, les sanctions sont moins sévères que vous ne l'espériez.

M. Roy (Augustin): II faut aussi tenir compte du fait que ces médecins sont condamnés à rembourser également ou ont déjà remboursé la régie. D'autre part, évidemment, il serait peut-être illogique de les condamner à des suspensions trop longues, parce qu'on les empêche de gagner leur vie, de gagner de l'argent pour rembourser la régie. Cela peut peut-être...

M. Lazure: Dr Roy, vous dites que ces gens-là sont dans un état de santé lamentable. Vous ne pensez pas que, six mois, cela leur donnerait le temps de se remettre.

M. Roy (Augustin): Ils ont même le temps de mourir. Ce sont justement des gens que nous ne voulons pas garder, mais lorsque nous connaissons leur cas, nous pouvons leur faire subir des examens médicaux. Dans ces cas, c'étaient des narcomanes. Il y en avait justement un de Québec.

Un autre article sur lequel j'attire votre attention, c'est l'article 18 de la loi, un article qui a été touché, mais pas sur l'aspect que je voulais apporter à votre attention dans le cours de la journée. C'est au sujet du fait que l'article 18 stipule qu'un professionnel de la santé n'a le droit

d'être rémunéré par la régie que pour un service assuré qu'il a fourni lui-même. Ici, nous devons rappeler les commentaires que nous avons déjà formulés à l'égard de cet article qui, loin de faciliter le travail d'équipe, ne le favorise absolument pas. Les lois actuelles ne sont axées que sur l'exercice individuel des professions, alors que la tendance est assurément à l'exercice en groupe. La loi, en plus, ne favorise pas la délégation des actes prévus par le Code des professions, ce qui est permis aux pharmaciens dans cet article 18 — nous sommes heureux que ce soit permis aux pharmaciens — devrait être également permis aux médecins, aux dentistes et aux optométristes, quitte à négocier un tarif différent pour ces actes ou à négocier une composante technique lorsque ces actes sont faits par un professionnel de la santé autre que le médecin ou l'optométriste ou le pharmacien ou le dentiste lui-même. Autrement, on force ces gens à poser des actes que d'autres personnes pourraient poser aussi bien qu'eux. Je pense que les fédérations pourraient négocier des ententes à cet effet.

Nous voulons seulement dire un mot, évidemment, au sujet du fardeau de la preuve qui a été touché longuement aujourd'hui. Nous ne croyons pas qu'il soit juste, qu'il soit équitable d'avoir deux sortes de justice, une pour les citoyens en général et une autre pour les médecins. C'est pour cela que nous nous opposons totalement à ce que le fardeau de la preuve soit contre les professionnels de la santé, en général. Dans la société, il y a des lois qui donnent le fardeau de la preuve à celui qui poursuit, et, dans des cas particuliers, à l'opposé. Nous croyons que les lois, soit du Code criminel, soit en matière civile devraient toujours prévaloir, même dans un régime d'assurance-maladie. Je fais aussi allusion aux articles 18b et 37 de la Loi de l'assurance-maladie, en disant en plus qu'il ne nous apparaît jamais acceptable de se faire justice soi-même et que nous ne voyons pas pourquoi la régie pourrait se compenser avant que l'accusé, le professionnel en cause, n'ait été trouvé coupable. Il serait évidemment facile pour nous aussi de penser que nous sommes volés par nos ministères du Revenu, par exemple, et de nous compenser en ne payant pas notre impôt ou en refusant de payer une certaine partie de notre impôt. On sait facilement ce qui pourrait nous arriver. Je pense qu'on ne doit jamais se faire justice soi-même et que la régie devrait être soumise aux mêmes lois que toutes les organisations normales.

Nous voulons aussi attirer l'attention une minute sur les tracasseries administratives exagérées de certaines parties de cette loi comme par exemple, la signature des relevés d'honoraires par le professionnel lui-même. Je pense qu'on doit présumer de la bonne foi des professionnels. C'est une perte de temps que de les forcer à signer chacun de leurs relevés d'honoraires, ne serait-ce que les signer en masse ou en liasse le soir, ils ne les regarderont pas plus. Je pense qu'il y a moyen d'organiser leur temps de meilleure façon.

En ce qui concerne l'article 65 sur les primes d'encouragement, je pense qu'il y a probablement eu une petite erreur de rédaction. On dit dans cet article que le jury peut procéder à un examen des professionnels qui demandent des primes, pour déterminer l'aptitude des postulants à remplir leur engagement. Je présume que c'est tout simplement pour savoir si le postulant est capable d aller travailler dans le Nord, est capable de sexiler dans des endroits isolés. Je pense qu'il faudrait peut-être en clarifier la teneur, de façon à ne pas laisser entendre qu'il s'agit là d'examens professionnels, d'examens médicaux que, on le pense, on ne devrait pas faire subir de nouveau à nos professionnels.

Il y a aussi, à l'article 42d, une définition de l'établissement universitaire. Cela nous apparaît , redondant puisque l'établissement universitaire apparaît bien décrit à l'article 88 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

La loi nous apparaît également discriminatoire en ce qui concerne les délais de prescription qui varient selon les professionnels de la santé ou selon les bénéficiaires. Ils varient également pour la régie qui n'a aucun délai. Les amendes varient également selon que l'on est bénéficiaire ou que I'on est professionnel de la santé. Et enfin, la question du secret professionnel. Nous croyons que l'article 38, auquel nous nous sommes déjà opposés lorsqu'il avait été inscrit dans la Loi de l'assurance-maladie, est dangereux. Il est encore plus dangereux parce qu'on ajoute aujourd'hui, à l'alinéa b ou au paragraphe b, la nature des services qui sont fournis à la personne. Ces genres d'informations qui sont distribuées dans les familles, dans les foyers, peuvent souvent créer des conflits entre conjoints ou entre parents et enfants qui auraient consulté un médecin ou un professionnel à l'insu l'un de l'autre. Cela se note particulièrement à l'égard des mineurs. Nous croyons qu'il faut être extrêmement prudent dans l'information qui doit être donnée aux gens qui ont vu des professionnels au cours de l'année.

Evidemment, si l'on vise un objectif politique, lenvoi de telles informations ne nous paraît pas acceptable. Si l'on tente par ce moyen d'ajouter un mécanisme de contrôle, nous croyons que celui-ci, additionné aux vérifications périodiques par voie de sondage, ne nous apparaît pas nécessaire. A propos de sondage, nous voudrions que cet article 38, en ce qui concerne le sondage, soit également amélioré, en spécifiant que les sondages doivent être faits par voie écrite s'ils doivent être faits. Qu'on ne commence pas à faire des sondages par téléphone, ce qui pourrait être le cas si on laisse l'article tel que libellé. Je pense qu'il faudrait peut-être resserrer cet article et s'assurer que les sondages sont faits par la voie du courrier confidentiel.

Finalement, en ce qui concerne les dossiers médicaux, nous ne voyons absolument pas la pertinence de l'article 56 de ce projet de loi qui amende l'article 18b non pas de la Loi de l'assurance-maladie, mais de la Loi de la régie de l'assurance-maladie et qui donne à la régie l'autorisation de prendre connaissance du dossier médical d'un bénéficiaire dans un établissement. Nous

ne voyons pas pourquoi la régie a besoin du dossier médical. Peut-être parce qu'elle voulait établir le médicalement requis dont on a parlé tout à l'heure et, à ce moment-là, il faut qu'elle se substitue aux corporations pour établir la qualité des actes. Si ce n'est pas cela, la régie n'a pas besoin de cela, d'autant plus que l'article 41a a été amendé pour permettre à la régie d'avoir, en plus des renseignements, les documents pour apprécier les relevés d'honoraires et nous avons actuellement, à l'article 41, amélioré ou amendé l'article 55 de la Loi de l'assurance-maladie pour permettre à la régie d'avoir, en plus des renseignements, les documents, ce qu'elle ne pouvait pas avoir avant, pour apprécier les relevés d'honoraires. Ce qui peut être acceptable lorsque la régie peut vérifier pour voir un protocole anesthésique, un protocole opératoire, elle a actuellement, dans l'article 55, cet instrument qui est le document et qui n'est pas, par ailleurs, le dossier médical. Nous nous opposons à ce que la régie puisse avoir accès à ce dossier médical parce que ce n'est justement pas son rôle d'évaluer la qualité des actes.

M. Lapierre: Ici, M. le ministre, concernant les dossiers médicaux, vous notez que l'article 56 qui permet à la régie, qui amende la loi de la régie et qui donne la possibilité de consulter des dossiers médicaux... Nos conseillers juridiques, là-dessus, nous disent qu'il est peut-être possible que le lien qui devrait se faire avec les informations qui doivent être gardées confidentielles en vertu de la Loi de l'assurance-maladie n'existe pas entre cet article et l'autre qui est dans la loi. On ne voit pas pourquoi on met cet article dans une loi alors qu'on met les obligations à la confidentialité dans l'autre loi. (22 h 30)

M. Denault: Nous reconnaissons que la Régie de l'assurance-maladie a la responsabilité d'examiner si les services payés sont des services assurés, c'est-à-dire qu'ils sont déterminés par règlement, qu'ils sont rendus, qu'ils sont fournis conformément aux dispositions des ententes.

Le législateur doit admettre que la Régie de l'assurance-maladie, à titre d'agent payeur, n'est concernée directement que par l'aspect économique de la rémunération des services professionnels. Le législateur doit admettre de plus que les corporations professionnelles ont la responsabilité directe de la qualité de l'acte professionnel. Par l'établissement d'un pouvoir parallèle, contradictoire, nous prétendons que c'est la négation des responsabilités des corporations professionnelles concernées en matière de protection du public.

D'ailleurs, nous, l'Ordre des optométristes, nous sommes posé des questions à savoir si la Régie de l'assurance-maladie du Québec ferait mieux que les corporations professionnelles pour protéger le public.

M. Roy (Augustin): Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Lazure: Je remercie les porte-parole des quatre ordres. Je reconnais la verve habituelle de mon président-directeur général. Je reconnais aussi que dans son emportement verbal surtout — et cela se pardonne mieux quand c'est verbal — il y ait certaines exagérations et certaines inexactitudes, mais quand c'est par écrit, cela devient un peu plus sérieux et je me réfère au télégramme qui a été signé par les quatre porte-parole des ordres qui m'a été envoyé.

Je tiens pour acquis que les corporations professionnelles ont comme mandat principal, sinon unique, de voir à la protection du public. Quand je vois dans le télégramme du groupe des remarques comme celles-ci, j'en cite quelques-unes: "La loi impose aux professionnels visés un surcroît de travail bureaucratique". Je pose la question: En quoi cela concerne-t-il la qualité des soins et le bien public?

Deuxièmement, "... la loi impose l'exercice individuel des professions alors que l'exercice en équipe est aujourd'hui la règle générale". Je lis bien "... la loi impose l'exercice individuel..." Je pense qu'il y a vraiment un abus de langage, particulièrement flagrant.

Je vais essayer d'être bref, de m'en tenir au principal plaidoyer, à savoir celui qui touche les comités de révision, mais avant, très rapidement, je veux répondre aux remarques du président de la Corporation des médecins.

Il a cru bon de féliciter la Fédération des omnipraticiens de participer, mais là où je ne le suis plus, c'est qu'il laisse entendre que la Fédération des médecins spécialistes est un peu moins persona grata auprès de lui et de sa corporation parce qu'elle a choisi une autre voie. Or, à titre de membre en règle de la Corporation des médecins, je m'insurge contre une telle remarque qui porte à discriminer un peu les médecins spécialistes.

Essentiellement, le plaidoyer que nous avons entendu tantôt sur les comités de révision vise à démontrer que la régie et on a même parlé de mainmise tantôt, mainmise, Dr Lapierre, mainmise de la régie sur les professionnels... Encore une fois, on confond comité de révision et régie. C'est dommage qu'on continue à confondre les deux.

M. Lapierre: On ne les confond pas, M. le ministre.

M. Lazure: Vous répondrez tantôt, si vous voulez. J'étais en train de dire que cette confusion discrédite jusqu'à un certain point les comités de révision. Ni la régie, ni les comités de révision, ni le ministre des Affaires sociales n'ont l'intention de changer l'article 19a de la loi qui dit: "Rien dans la présente loi, ni dans une entente, n'autorise la régie à refuser de payer le coût de services assurés pour le motif qu'elle met en doute la qualité d'un acte pour lequel il est demandé paiement.

Je pense qu'on défonce des portes ouvertes quand on dit que la régie ou les comités de révision veulent accaparer le droit de juger de la qualité des actes. Il n'y a personne qui conteste que c'est là le rôle des corporations professionnelles. Vous pouvez alléguer que l'expression

"médicalement non requis" équivaut à une appréciation. Nous ne sommes pas d'accord avec votre interprétation. D'autres ne sont pas d'accord non plus, et je cite: Les comités de révision ont été institués... Je cite un texte de la Fédération des médecins spécialistes: "Les comités de révision ont été institués pour que les profils de pratique professionnelle soient analysés par un groupe d'experts indépendants. A moins de remettre en cause, l'existence même de ces comités, leur rapport doit lier tant la régie que le personnel de la santé en cause sauf leur droit d'appel respectif. Jamais notre fédération n'a eu le moindre commentaire défavorable sur le travail du comité de révision des médecins spécialistes".

Nous avons convenu — je l'ai dit à plusieurs reprises, je l'ai répété et je l'ai dit aux médecins spécialistes, pas mercredi dernier, samedi dernier, je le répète encore une fois — que dans les cas hypothétiques où la régie n'accepterait pas la recommandation du comité de révision, le fardeau de la preuve incomberait à la régie à ce moment-là et il n'y aurait pas compensation automatique avant que la régie ait fait la preuve.

Parce qu'on a dit tantôt, je pense que c'est le Dr Lapierre aussi, que le comité de révision devenait une façade. Alors, ce fameux fardeau de la preuve, je le répète encore une fois, autant pour l'article 18 que pour l'autre article, 35 ou 39, je ne sais plus, pour les deux articles, nous rétablissons ce que j'appelais ce matin le mécanisme habituel de la règle. Concernant les ententes spéciales dont vous avez parlé tantôt, nous n'avons pas d'objection que la régie fournisse à la corporation professionnelle en cause, mais à la condition que le professionnel en question donne son autorisation par écrit. Je pense que ce serait normal, autrement il pourrait y avoir un bris de confidentialité dans cette entente particulière.

Cependant, M. le Président, quand on s'insurge contre le délai de prescription, contre la signature du relevé d'honoraires, contre le fardeau de la preuve, sur tous ces points-là, je me demande vraiment et je suis sérieux, si les corporations professionnelles qui sont ici ce soir sont vraiment strictement axées sur la protection du bien public ou si elle ne sont pas aussi, dans une bonne mesure, préoccupées par la protection de leurs membres, ce qui n'est pas tout à fait dans leur mandat. Je répète que nous n'avons pas l'intention de faire jouer aux comités de révision le rôle que les corporations professionnelles doivent jouer. Le "médicalement non requis ", c'est une expression qui avait été suggérée par le comité de révision de la Fédération des médecins spécialistes, la Fédération des médecins spécialistes nous réitère qu'elle est d'accord sur cette expression. Vous représentez, que je sache, autant les médecins spécialistes que les médecins omnipraticiens et je vous pose la question: Pourquoi prenez-vous partie pour un groupement plutôt qu'un autre, surtout quand il s'agit de deux groupements syndicaux?

M. Roy (Augustin): Je pense que c'est le temps de répondre au ministre avant qu'il n'aille trop loin. Je sais que le Dr Lapierre est impatient également de répondre. Je dois vous dire évidemment que moi aussi je suis spécialiste, mais je n'ai pas de dette envers personne, pas d'entente cachée avec personne et que la position...

M. Lazure: Moi non plus je n'ai pas de... M. le Président, je pense que vraiment là, Dr Roy, vous êtes de mauvaise foi en insinuant de telles choses. Cela peut faire rire la galerie, mais si vous êtes ici pour faire rire la galerie, moi je ne suis pas ici pour faire rire la galerie!

M. Roy (Augustin): Non, pas du tout je n'ai...

M. Lazure: Laissez-moi finir, je ne vous ai pas interrompu.

M. Roy (Augustin): Non, vous venez de m interrompre.

M. Lazure: Non, je ne vous ai pas interrompu. Je n'ai de dette envers personne.

M. Roy (Augustin): Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Lazure: Et ce gouvernement-ci, en particulier, n'a de dette envers personne.

M. Roy (Augustin): Je n'ai pas insinué que vous aviez des dettes envers personne, j'ai dit que moi je n'en avais pas et que je n'avais pas d'entente cachée. Cela ne veut pas dire que vous en avez. Interprétez-le comme vous voulez. De toute façon, je dois vous dire que c'est malheureux que la Fédération des spécialistes ne soit pas ici, parce qu'elle aurait pu dire sa version des choses. Parce que j'ai dit tout à l'heure que nous l'avions recontrée jeudi et qu'elle était d'accord sur la position que nous avons énoncée aujourd'hui. Je dois dire qu'on ne défend pas les membres quand on vient ici, les fédérations et les associations sont capables de le faire très bien. On défend le public, parce qu'on veut que la pratique de la profession, la pratique de la médecine soit la meilleure possible. Quand on impose des surcroîts de travail à nos membres, des tracasseries administratives, des embêtements constants, à ce moment-là, évidemment, on risque de diminuer leur moral, leur sens du dévouement et de diminuer la qualité des actes et des soins qu'ils peuvent poser, parce qu'ils sont trop pris par la bureaucratie.

Evidemment, on dit dans notre télégramme que la loi impose aux professionnels un surcroît de travail je suis d'accord, qu'elle impose également la pratique, l'exercice individuel des professions, alors que l'exercice en équipe est aujourd'hui la règle générale. Je ne vois rien d'exagéré là-dedans et c'est justement ce que j'ai tenté de démontrer en disant que le mot lui-même, en forçant les professionnels à poser leurs actes, ça devient exagéré dans le contexte actuel, où on veut déléguer les actes, on veut une pratique de la médecine en équipe. Si on demande ça, c'est justement pour améliorer la pratique des professions, dans l'intérêt du public, pas pour nos membres.

J'ai dit que nos fédérations, nos organismes représentatifs des professionnels négocieront des ententes en fonction des lois qui seront adoptées par le gouvernement, par le législateur.

M. Lazure: M. le Président, si vous permettez, je peux reprendre le fil de ma...

M. Roy (Augustin): J'ai une autre réponse à faire à ce que vous avez dit tout à l'heure.

M. Lazure: Si vous permettez, je vais finir mon intervention.

M. Roy (Augustin): Vous m'avez accusé tout à l'heure de prendre parti pour une fédération...

M. Lazure: Je ne vous ai accusé de rien.

M. Roy (Augustin): ... plutôt que par une autre. J'ai dit que je félicitais la Fédération des omnipraticiens, je le répète, les autres associations d'avoir eu le courage, d'avoir pris leur fin de semaine pour se présenter ici et éclairer l'opinion publique, éclairer l'opposition, qui va être en meilleure posture pour discuter de ce projet de loi en deuxième lecture et en troisième lecture. L'autre fédération a adopté une stratégie différente, j'ai dit que c'était son droit, mais que c'est mieux et que j'apprécie personnellement, le travail fait aujourd'hui par un autre groupe, parce qu'à ce moment-là, les partis d'Opposition n'auraient pas eu l'éclairage, qui a été donné aujourd'hui ni le public.

M. Lazure: M. le Président, je termine avec une dernière remarque, concernant les comités de révision. Je pense que le reste est relativement mineur, surtout si on considère l'essence même de vos deux exposés qui portaient sur les comités de révision. Je m'en tiens à ça pour le moment et, justement, je cite, à même le communiqué de presse publié aujourd'hui par la Fédération des médecins spécialistes à Montréal. Moi aussi, je regrette qu'ils ne soient pas ici aujourd'hui, mais je peux quand même lire, c'est un document public.

Cela dit, à la page 9, "nous notons que la référence aux mots, "services non médicalement requis" dans le mandat de notre comité de révision, nous est apparu logique puisque ces mots sont en concordance parfaite avec la définition législative de l'expression "services assurés", c'est-à-dire les services qui sont rendus par les médecins et qui sont requis du point de vue médical. Notre fédération n'entend pas conduire un débat idéologique sur le libellé du mandat des comités de révision. Elle exige cependant que ce mandat soit formulé en termes clairs pour lui permettre d'assumer efficacement la politique d'autodiscipline à laquelle se sont unanimement engagées ces associations affiliées."

M. le Président, je pense que le moins qu'on puisse dire, pour un observateur qui veut être neutre dans ça, c'est qu'il y a, de la part des deux gouvernements importants de médecins, spécialistes et omnipraticiens, divergence d'opinion quant à cette expression, "non médicalement requis", d'une part. D'autre part, je pense que le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a une bonne partie de vos membres, presque la moitié, tous les spécialistes, qui n'ont pas de problèmes vis-à-vis de cette expression et qui n'identifient pas les mots, "non médicalement requis" avec une appréciation de la qualité des services. (22 h 45)

M. Roy (Augustin): M. le ministre, plutôt que de dire que les absents ont toujours tort, il faudrait dire que les absents ont toujours raison.

M. Lazure: J'ai cité le texte.

M. Roy (Augustin): Depuis que j'assiste à cette commission parlementaire que je vois la Fédération des spécialistes venir à la table et, d'après tous les groupements qui sont ici — et vous pouvez les compter — il y en a un qui n'a pas le pas, ou il n'y en a qu'un qui a le pas. Un des deux.

M. Lazure: II y a l'Association des conseils de médecins et dentistes, il y a la Fédération des médecins résidents et internes.

M. Roy (Augustin): Vous dites que nous prenons position contre les médecins spécialistes. Je dois dire que la position aux comités de révision, M. le ministre, je ne l'ai pas inventée en fin de semaine. Elle était déjà écrite à la corporation, bien avant que vous décidiez qu'il y avait une commission parlementaire.

Quand vous dites que nous confondons les comités de révision et la régie, je ne les confonds pas. Mon texte était suffisamment clair, il me semble. Il faudrait quasiment que je le reprenne. Mais il me semble que le comité de révision est créé par la Loi de l'assurance-maladie, comme le comité de discipline de la corporation est créé par le Code des professions. Vous allez vous-même dire que le comité de discipline est un comité de la corporation. Je vais vous dire la même chose. Ce n'est pas un comité de la corporation, c'est un comité qui est indépendant, comme le comité de révision est un comité autonome indépendant. Il est dans la Loi de l'assurance-maladie, comme le comité de discipline est dans la Loi médicale ou dans le Code des professions.

En fait, tout ce que j'ai dit ce soir ou tout ce que nous avons mentionné dans le mémoire, nous l'avons pris dans le projet de loi. On ne l'a pas inventé. Tout ce qu'on a dit est écrit dedans. Et je vous défie de reprendre mon texte et de dire que ce n'est pas vrai. C'est marqué dedans.

M. Lazure: J'aurais une remarque très bienveillante pour le président de ma corporation. S'il était assez aimable de faire parvenir l'inscription à la régie de son fils qui ne l'est pas...

M. Roy (Augustin): La régie l'a déjà reçue.

M. Lazure: Je te demande d'en envoyer une autre, pour être bien sûr qu'elle est allée à la bonne place.

M. Roy (Augustin): C'est toujours à nous autres à courir après vous autres!

M. Lazure: C'est-à-dire que la régie n'inscrit pas le monde.

M. Gagnon: ... les gens à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lazure: Je pense que ce n'est pas une farce. Ce sont les gens qui s'inscrivent, ce n'est pas la régie qui les inscrit. Ce sont les gens qui s'inscrivent. Je vous demanderais de faire la démarche et de regarder le temps que cela prend pour avoir une carte.

En même temps, peut-être que je ferais un commentaire sur les tracasseries administratives, et le surcroît de travail bureaucratique qu'on retrouve dans vos commentaires. C'est une des mes préoccupations depuis que je suis à la régie, celle d'essayer de couper cela, de supprimer cela. Je vous ai dit qu'on a la même demande de paiement que celle qu'il y avait en 1970. On avait, en 1975 — il y a certains médecins dans la salle qui vont se le rappeler — inauguré une formule qui s'appelait REI, qui était une immense formule à faire remplir par les médecins. Il y avait des carreaux rouges, jaunes et bleus. La formule et l'appareil qui servait à la formule sont entre les deux ponts de Québec, dans le fond du fleuve. On ne les a jamais utilisés, parce que je trouvais que c'était demander un travail absolument inutile aux professionnels, alors que la régie pouvait se contenter du relevé d'honoraires.

J'ai pris mes informations à l'heure du souper, parce que je vous ai dit que 99% des demandes de paiement sont payées entre 11 et 28 jours. Et on m'a appris que les demandes de paiement au-delà de six mois, on n'en a pas pour les pharmaciens et pour les optométristes; pour les dentistes et pour les médecins omnipraticiens, environ 3000; pour les médecins spécialistes, environ 30 000 dont 20 000 seraient des actes non négociés. Les comptes ne traînent pas à la régie pendant deux ans, trois ans, quatre ans.

Il y a une précision pour les recours, à l'article 18b. Les conseillers juridiques, non seulement n'auraient aucune objection, mais ils seraient prêts à mettre que le délai de compensation soit limité à 36 mois, comme le Dr Roy l'a soulevé tantôt.

Il y a peut-être un autre petit mot que je voudrais dire rapidement sur la transmission d'informations à la corporation. Il y a, dans l'article 52 de la loi, quelque chose qui est assez clair. On n'interdit pas de révéler des renseignements obtenus pour l'exécution de la présente loi au bureau de la corporation des différentes corporations.

Je n'hésite jamais, quand il y a un dossier anormal qui va au comité de révision ou encore qui va en cour, à envoyer le dossier au complet à la corporation. Je l'ai toujours fait. Je me rappelle, même une année, avoir envoyé le dossier des médecins dont les revenus étaient supérieurs à $200 000. Ce que cela a donné, je ne le sais pas, mais l'un deux a fait $615 000, l'année suivante. C'était, en passant, un physiatre.

M. Roy (Augustin): Nous avons investigué, mais, dans plusieurs cas, ce sont des pratiques de groupes. Il y a des chiffres qui ne veulent rien dire. Mais on ne blâme pas la régie.

M. Lazure: Non.

M. Roy (Augustin): On trouve que la régie fait bien son travail, peut-être qu'elle le fait trop bien. Justement, ce sont des suggestions. Il faut quand même que l'on n'alourdisse pas indûment le travail des médecins comme par la signature de relevés d'honoraires. C'est nouveau. On trouve qu'elle fait bien son travail en général, mais elle fait quand même...

M. Lazure: On a expliqué pourquoi cet après-midi on voulait avoir cela.

M. Roy (Augustin): On ne blâme pas la régie sur ce qu'elle fait.

M. Lazure: Ce que je voulais dire, c'est qu'il y a des dossiers réglés. Tantôt, quelqu'un a parlé de cela. Cela arrive. En fait, le nombre de fois, c'est arrivé 99 fois en deux ans qu'on a rencontré un professionnel de la santé qui nous a dit: Je m excuse, je ne pensais pas du tout que c'était cela. Je n'avais pas lu le préambule comme il faut. Je n'avais pas lu la définition de l'examen. Quelle est la différence entre ce que je vous ai facturé et ce que vous m'avez payé? On établissait une différence et, au lieu de l'amener en cour pour fraude, au lieu de l'amener au comité de révision pour des services faussement décrits — en fait, c'était cela — ces cas-là étaient réglés en général par le chef du service des enquêtes, entérinés par le directeur du contrôle et du recouvrement.

Ce que j'ai fait, dans 100% des cas, cela a été de mettre en bas: D'accord. Le professionnel proposait un remboursement de $10 000, de $15 000 ou de $20 000. Le montant total pour les 99 est d'environ $1 996 000.

Les cas où cela se présentait fréquemment, c'était chez les médecins en particulier dans des spécialités, comme l'ophtalmologie ou l'oto-rhino qui nous facturaient soit des consultations majeures ou des examens complets majeurs; un examen complet majeur — j'oublie tout ce qui précède et ce qui suit — est un examen détaillé, complet portant sur tous les systèmes et régions. Entre nous, si une patiente ou un patient allait voir l'ophtalmologiste et qu'on lui dirait: Voulez-vous vous déshabiller, s'il vous plaît, il ouvrirait les yeux bien grands. On n'a jamais fait enlever la cravate.

Chez un oto-rhino-laryngologiste, c'est la même chose. Là, l'oto-rhino ou l'ophtalmo disait: Je pensais que c'était cela un examen complet ma-

jeur. Je l'ai examiné. Cela m'a pris tant de temps et je pensais que cela répondait à cela. On dit: Non, lisez la définition, cela ne répond pas à cela. L'alternative c'est quoi? Le poursuivre en cour ou, si réellement on jugeait qu'il était de bonne foi et qu'il était prêt à rembourser, on prenait le remboursement.

Vous m'avez posé une question. Je n'ai aucune espèce d'objection de vous envoyer les noms, à une condition, seulement une, c'est que le professionnel y consente. Parce que je regarde, dans vos documents, vous dites: La régie veut lire ouvertement dans la vie privée du bénéficiaire. Je ne voudrais pas vous faire lire "dans la vie privée des médecins", s'ils ne le veulent pas. J'aimerais avoir le consentement du médecin. Si le médecin me dit: Je n'ai aucune objection. Je suis prêt, à partir de demain, chaque fois qu'on aura un cas semblable, de le faire parvenir à la corporation professionnelle concernée, mais encore une fois, à condition que le médecin consente.

Pour aller dans la confidentialité, j'ai beau dire, et il me semble que cela se comprend bien, que ce à quoi la régie a droit, ce sont les seuls renseignements et documents dont on a besoin pour apprécier un relevé d'honoraires, une demande de paiement.

Tantôt, le Dr Lapierre s'est érigé avec force contre l'article 56. Cet après-midi, concernant l'article 56 de la page 55, on a dit que celui-là est mis pour aller dans les établissements. J'ai donné des exemples dans les établissements. Je peux les répéter, si vous voulez. Il s'agit de la copie de tout document et on est prêt à ajouter "pertinent à l'appréciation des relevés d'honoraires". Encore une fois, si on reçoit un compte d'anesthésie de $400 — c'est arrivé — pour des varices, et $600 pour le chirurgien pour des varices, on aimerait voir le protocole opératoire. On a vu trois hernies étranglées par le même chirurgien d'un hôpital. On aurait aimé voir le rapport anatomo-pathologique. On sait que une hernie étranglée, cela paie plus que pas étranglée, mais en tout cas, on aurait aimé le voir. On demande seulement cela. A 900 000 demandes de paiements par semaine, ce n'est pas le temps de faire cela bien souvent. La fréquence où on demande un document pertinent à l'appréciation d'un relevé d'honoraires, j'ai demandé aux affaires médicales hier, cela se situe à peu près à quelques demandes par mois, trois, quatre ou cinq demandes par mois qu'on peut faire pour essayer d'avoir un document qui va nous permettre... Cela, c'est un document dans un établissement.

Dans un établissement. La Loi sur les services de santé et les services sociaux, que vous avez citée tantôt, dit à l'article 7 — c'est clair, c'est comme de l'eau de roche pour nous autres — ceci: "Sont confidentiels les dossiers médicaux des patients dans un établissement". Est-ce clair? On dit: "Nul ne peut en donner ou prendre communication, même aux fins d'une enquête, si ce n'est avec l'autorisation expresse ou implicite du patient, ou encore sur l'ordre d'un tribunal". Nous autres, on dit: La régie, avec l'autorisation du bénéficiaire ou de la Cour supérieure — je ne me rappelle pas lequel — d'un bénéficiaire au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux peut prendre connaissance de son dossier médical dans un établissement. Alors, on demande le consentement. A défaut, avec une autorisation de la Cour supérieure. C'est le mot à mot de l'article 7. C'est écrit au bout du tribunal: Ou dans les autres cas précis par la loi. Encore là, je me cache en arrière du comité de législation qui dit: Au lieu de le prendre là, mettez-le donc clairement dans votre loi, mais mettez la même chose. On a pris exactement ce qui est dans l'article 7 de la Loi sur les services de santé et services sociaux. On le met là, mais on avait oublié d'ajouter: Documents pertinents à l'appréciation des relevés d'honoraires.

Maintenant, en parlant de confidentialité — et je voudrais finir avec cela — je me suis permis de regarder ce que quelques compagnies d'assurances demandent comme renseignements ou comme autorisation. Je vais vous en lire une, la fin d'une autre, et une troisième. "J'autorise par les présentes tout médecin, praticien, hôpital, clinique ou autre établissement médical ou rattaché à la médecine, toute compagnie d'assurances, le "Medical Information Bureau" ou autre organisme — c'est effrayant, cela peut être un club de hockey — institution ou personnes détenant des dossiers ou des renseignements sur moi-même ou mon état de santé à transmettre ces renseignements à la compagnie X." Je vais faire mon commentaire à la fin. Il y en a une deuxième. Je lis seulement la dernière phrase: "La présente autorisation valant également pour toute autre période postérieure à la date de la signature du présent document". J'ai trouvé cela épouvantable, mais je n'étais pas au bout de mes surprises. J'en ai trouvé une dernière: "J'autorise par les présentes tout médecin ou autre personne qui m'a traité ou examiné, ou a traité ou examiné un des membres de ma famille, à donner à la compagnie d'assurances Y en tout temps tout renseignement qu'il pourrait avoir sur ma santé ou mon histoire médicale ou sur celle d'un des membres de ma famille". Là, je vous demanderais, en tant que corporation professionnelle: Etes-vous capable — et vous voulez protéger le public — de supprimer ces choses?

M. Roy (Augustin): On va vous répondre.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! Mme le député de L'Acadie. Vous aurez probablement l'occasion d'y répondre, à moins qu'elle n'accepte.

M. Roy (Augustin): Non, mais quand même!

Le Président (M. Jolivet): Je comprends, M. Roy, mais c'est parce que si madame...

Mme Lavoie-Roux: Ecoutez, je ne veux pas lui enlever... On vient de lui faire une série de remarques. S'il veut répondre, je parlerai après, certainement.

Le Président (M. Jolivet): Si vous êtes d'accord, c'était votre consentement que je voulais avoir pour ne pas être accusé de ne pas vous donner la parole.

M. Roy (Augustin): Non, ce n'est pas parce que certains organismes utilisent des formules outrancières et des pratiques exagérées que la régie se doit de les limiter... D'ailleurs...

M. Lazure: Pas du tout.

M. Roy (Augustin): Non, c'est justement ce qu'on ne veut pas que vous fassiez. D'ailleurs, le Dr Lapierre va expliciter. Ce dont vous avez besoin — et vous le dites vous-même — c'est de certains documents pour apaiser les relevés d'honoraires, pas des dossiers médicaux. A ce moment, révisez votre article 56, parce qu'il dit que vous pouvez prendre connaissance du dossier médical d'un individu. Vous n'avez pas besoin de dossier médical. Vous avez peut-être besoin de certains documents dans le dossier médical. A ce moment, restreignez l'article à "certains documents pertinents au relevé d'honoraires dans le dossier médical".

M. Lazure: Excellente remarque, je vous remercie, c'est ce qu'on va faire.

M. Lapierre: M. le ministre, j'ai eu l'occasion, à un colloque où vous étiez, de donner une conférence sur le secret professionnel et l'informatique. Vous aviez dit, à ce moment, que vous pensiez à l'élaboration d'une loi-cadre qui régirait tous les faits que le Dr Martin Laberge vient de mentionner. Pour l'information de tous, pour vous montrer jusqu'où le secret professionnel est respecté en ce qui concerne les compagnies d'assurances, il existe — et c'est une citation que j'ai tirée d'un document du gouvernement fédéral — à Boston, une association qui s'appelle le "Medical Information Bureau" qui groupe 700 compagnies d'assurances, dont 80 canadiennes. Le seul rôle de cet organisme est de fournir à toute compagnie d'assurances les informations qu'un malade ou un assuré n'aurait pas données à sa compagnie en demandant une assurance. (23 heures)

Si en fait, on tient, malgré tout, au secret professionnel, ce n'est pas parce qu'on met en doute les règles de la régie qui respectent le secret professionnel — parce qu'on n'a jamais eu une plainte concernant la régie où il y aurait eu un secret qui serait sorti — mais il reste que, chaque fois que nous voyons un article qui permet à d'autres organismes de prendre connaissance des dossiers médicaux quand ce n'est pas nécessaire, nous nous opposons à de tels articles.

M. Roy: Nous avons demandé au gouvernement actuel et à l'ancien gouvernement de faire un projet de loi-cadre sur la confidentialité des dossiers. Cela avait été accepté par l'ancien gouvernement. Lorsqu'on a discuté avec un autre minis- tère, — je ne me souviens plus lequel on nous a promis qu'une autre loi-cadre serait présentée sur le secret professionnel, surtout en ce qui concerne toutes les données qui sont recueillies dans les divers ministères et qui portent atteinte à la vie privée des gens. Je pense que c'est le temps qu'on ait une loi-cadre sur le secret professionnel et sur la confidentialité des données que toutes sortes d'organismes gouvernementaux possèdent.

M. Lazure: Vous avez absolument raison et ce que j'ai dit il y a quelque temps, Dr Lapierre, je le répète, il y a des gens qui y travaillent actuellement au gouvernement. Vous comprendrez que c'est un projet de loi extrêmement complexe à fabriquer, et je vous invite à nous fournir un mémoire technique concernant toute cette question qu'on débat actuellement. Je soulignerais, en terminant, que, sur au-delà de $45 millions de réclamations par année, on n'a pas à se plaindre, à ma connaissance, que des secrets professionnels coulent ou donnent lieu à des fuites à la régie. Je pense qu'on doit se réjouir qu'il y ait eu de ce côté une attitude très correcte et prudente.

M. Roy: On est content de la collaboration qu'on a toujours eue avec la régie. Tout ce que l'on veut, c'est que cela continue; on ne voudrait pas évidemment qu'il y ait, dans le projet de loi actuel, des accrocs à la confiance qui a toujours régné depuis le début.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Là, je ne donne plus de consentement. Je veux d'abord remercier les ordres professionnels qui sont venus faire leurs représentations. Je ne leur en fais pas reproche, mais j'aurais souhaité, compte tenu de toute l'argumentation qui a été développée en particulier par M. Lapierre, qu'on ait eu des copies, cela aurait été extrêmement utile pour suivre toute votre argumentation, qui était extrêmement intéressante et dont il a fallu quand même retenir uniquement les principaux éléments.

Je voudrais d'abord vous dire que je trouve un peu surprenant que le ministre réponde quand même à des questions sérieuses que vous avez posées sur le recoupement qui existe entre trois instances, soit le comité de révision, les corporations professionnelles et la régie, et possiblement les pouvoirs qu'à l'avenir elle s'arrogera. Je pense qu'il y avait des questions sérieuses. Il demeure une confusion. Comme je le disais à ceux qui vous ont précédés, je pense qu'à la commission parlementaire qui étudiera la loi article par article, nous allons essayer d'approfondir ce problème.

Quand le ministre — au moins trois fois sans exagérer — dit: Vous confondez le comité de révision avec la régie, je pense que, justement, vous ne voulez pas qu'il y ait de confusion entre les deux. Or, si le projet de loi 84 procède, est maintenu tel qu'il est libellé dans le moment, pour

que la régie exerce un pouvoir de décision, à ce moment, je pense qu'il y aura confusion entre les deux, parce que, d'une certaine façon, la régie s'appropriera les pouvoirs qui étaient jusqu'à ce moment, dévolus au comité de révision et c'est justement ce que vous voulez éviter.

J'ajouterais également que, lorsque le ministre vous dit: J'ai l'impression que vous vous occupez peut-être plus de vos membres que de la qualité des soins. Cela m'apparaît comme une affirmation gratuite, tant que cela n'est pas prouvé. Je pense que ce que vous craignez, c'est que la régie s'approprie un pouvoir de décision en dépit des avis du comité de révision, pouvoir de décision, par exemple, qui pourrait porter sur les actes qui sont "médicalement requis ou non requis" et qu'à ce moment, il y ait peut-être un jugement professionnel qui touche la qualité des actes qui sera porté. Je pense que c'est quand même une préoccupation que vous avez et qui touche vraiment à la qualité des soins.

Je veux également vous remercier d'être venus en commission parlementaire. Le ministre se réfugie toujours derrière l'opinion des médecins spécialistes, contre qui je n'ai rien, au contraire, j'aurai peut-être besoin d'eux demain, mais je pense que l'attitude du ministre dans tout ce débat, comme d'ailleurs dans le débat sur la loi 103 qui aura lieu, c'est de procéder en catimini. C'est tellement vrai que je sais que, demain, par exemple, il reçoit une entrevue privée des groupes qui ont demandé d'être reçus officiellement en commission parlementaire. Je ne sais pas si...

M. Alfred: ...

Mme Lavoie-Roux: Ils représentent des associations, M. le député de Papineau. Alors, avant de parler à travers votre chapeau, allez donc aux sources!

M. Alfred: ... je n'en ai pas!

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, je n'invente rien puisqu'à deux reprises — je l'ai signalé ce matin dans le mémoire, enfin dans la présentation du ministre s'il ne veut pas l'appeler un mémoire — ce sont des félicitations aux gens qui procèdent par des voies que le ministre approuve, soit par rencontre privée à son bureau ou autrement, alors je pense qu'il est important que, dans des projets de loi qui ont une portée sur l'ensemble de la population, on devrait être prêt et disponible à faire le débat en séance publique. D'ailleurs, plusieurs ont signalé l'ouverture du ministre ou c'est peut-être le ministre qui a fait part de son ouverture à l'ouverture de la commission parlementaire, mais c'est assez intéressant de voir qu'au lieu de: "Nous recevons aujourd'hui en commission parlementaire des gens qui ont fait la demande d'être entendus", il écrit: C'est à cause de l'opposition de certains groupes que nous nous retrouvons aujourd'hui ici en commission parlementaire.

Je trouve que c'est assez négatif comme approche et c'est exactement ce qu'il y a dans le mémoire. Evidemment, je ne voudrais pas reprendre des points que vous avez soulevés sur le fardeau de la preuve. Je pense que c'est juste quand vous dites que c'est toujours à celui qui porte l'accusation qu'incombe la responsabilité de faire la preuve et non pas l'inverse, comme il est prévu dans le projet de loi.

Vous avez mentionné — j'espère que ceci est couvert et que je ne le sais pas — quand vous avez fait référence aux sondages, qu'ils pourraient porter sur des mineurs et il y a quand même là une nécessité de s'assurer que, dans la loi, ces derniers seront protégés.

La seule question que je voudrais vous poser est la suivante. Lorsque vous avez parlé des trois, disons que je les appelle des instances, le comité de révision, le comité d'inspection professionnelle et la régie, je pense que vous avez signalé assez bien, au plan économique, le conflit d'intérêts dans lequel pourrait se retrouver la régie qui exercerait un pouvoir de décision finale.

Vous ai-je bien compris quand vous avez dit... Il m'est apparu qu'il y avait peut-être, je ne sais pas si le terme "opposition" est juste, entre le rôle joué par un comité de révision au plan professionnel et le rôle que joue le comité d'inspection professionnelle au plan professionnel. J'ai cru comprendre qu'il y avait peut-être un chevauchement de l'un sur l'autre. Pourriez-vous donner plus de détails là-dessus?

M. Lapierre: II y aura chevauchement si le comité de révision a à décider si les actes sont médicalement requis ou non plutôt que de déterminer si les actes sont posés de façon trop fréquente.

Il y a une différence entre la nécessité médicale et la fréquence de l'acte. Un acte peut être posé de façon répétitive et c'est la répétition qui n'est pas bonne. C'est sur cette notion de fréquence que des comités de révision devraient avoir à juger, indépendamment de la qualité de l'acte, indépendamment de la nécessité de l'acte et, si le comité de révision a des doutes sur la qualité ou a des doutes sur la nécessité de l'acte, il peut s'en référer au comité d'inspection professionnelle qui va évaluer la pratique de l'individu en question et va déterminer si les actes étaient médicalement requis ou pas.

Même le comité d'inspection n'aura pas la tâche facile à déterminer si les actes étaient médicalement requis ou pas, parce que je reviens sur ce que j'ai dit. Si on introduit cette notion de médicalement requis dans la loi, on amplifie les problèmes plutôt que de les diminuer. J'ai tenté de démontrer au cours de mon exposé que les problèmes n'étaient pas dans le mandat et la loi modifie le mandat pour solutionner les problèmes et ce n'est pas là que sont les problèmes.

Mme Lavoie-Roux: Mais d'après vous, le comité de révision, à ce moment-ci, si j'ai bien compris, n'est pas suffisamment outillé ou n'a pas les outils requis pour...

M. Lapierre: Le comité de révision n'a pas les

outils nécessaires et c'est ce qu'on refuse de mettre dans la loi. Je ne blâme pas les personnes ici présentes ou le ministre de le refuser. Je pense que c'est le système juridique qui fait qu'on ne peut pas l'introduire dans la loi. Il faudrait introduire dans la loi que le comité de révision peut prendre une décision sur la base d'un échantillonnage, sur la base d'un profil par comparaison à une pratique générale, une pratique médicale ou pharmaceutique ou autre, mais généralement acceptée. C'est cela qu'il faudrait inscrire dans la loi, mais il n'y a personne qui veut prendre la chance de l'inscrire dans la loi pour donner le moyen au comité de révision d'agir.

M. Lazure: M. le Président, si vous permettez, juste une remarque là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Lazure: A la page 37 de notre projet de loi, l'article 34 qui amende 36, premier paragraphe, on dit: Le comité de révision peut, avant de faire ses recommandations, demander un avis à la corporation professionnelle concernée. Il y a cette possibilité d'un avis sollicité à chaque corporation professionnelle. J'ajouterais, si vous le permettez, pour le député de L'Acadie, que dans la loi actuelle, l'article 37 donne déjà à la régie le pouvoir de décider, selon une loi qui n'a pas été proposée par notre gouvernement, mais l'article 37 dit: La régie peut accepter la recommandation du comité de révision et elle doit alors s'y conformer. Mais quand une loi dit: on peut accepter, cela veut dire implicitement qu'elle peut refuser aussi. Donc, cela lui donne le pouvoir de décision. Je pense, M. le Président, que c'est enfoncer une porte ouverte que de prétendre que notre projet de loi introduit un nouveau droit à la régie. Il n'introduit pas un nouveau droit. Il existe déjà.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, M. le Président, est-ce que le paragraphe 3, justement, de l'ancien article 35...

M. Lazure: 37.

Mme Lavoie-Roux: ... ou plutôt 37 ne dit pas que dans le cas où il refuse de se conformer à la recommandation du comité de révision, il doit aller en appel auprès de la commission des affaires sociales.

M. Lazure: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est cela qui va continuer de s'appliquer?

M. Lazure: On l'a dit plusieurs fois aujourd'hui. C'est maintenu pour les deux comités. Si la régie hypothétiquement n'acceptait pas la recommandation du comité de révision, elle ne pourrait pas procéder à se compenser elle-même, elle devrait aller en appel et elle aurait le fardeau de la preuve en appel. Contrairement, si le profession- nel conteste une décision de la régie qui est conforme à la recommandation...

Mme Lavoie-Roux: C'est le professionnel qui doit aller en appel et non pas la régie.

M. Lazure: J'explique les deux. Les deux possibilités sont là. Si la régie suit la recommandation du comité de révision et que le professionnel se sent lésé, qu'il veut aller en appel, à ce moment-là, il a le fardeau de la preuve. Cependant, si la régie ne suivait pas la recommandation du comité de révision et qu'elle voulait aller en appel, elle aurait le fardeau de la preuve et elle ne pourrait pas se compenser avant que la cause ait été entendue.

M. Forget: Mais si elle ne veut pas accepter la décision, si elle ne veut pas aller en appel.

Mme Lavoie-Roux: Aller en appel...

M. Forget: Là, il y a une situation nouvelle.

M. Lazure: Non, mais l'appelant va y aller à ce moment-là. Le professionnel va y aller forcément.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais c'est quand même différent par rapport à l'ancienne rédaction. Dans l'ancienne rédaction la régie pouvait... Non?

M. Forget: Selon l'ancienne rédaction, la régie a deux choix. Le droit d'accepter la décision ou d'aller en appel.

M. Roy (Augustin): L'appelant peut aller en appel, mais il a le fardeau de la preuve. La régie ne peut pas aller en appel. D'ailleurs, la régie ne saurait pas aller en appel, c'est elle qui décide.

M. Forget: A l'heure actuelle elle devrait avoir trois choix.

M. Lazure: Si la formulation n'est pas assez claire à ce point de vue, sur le fond en fin de compte, dans une discussion comme celle qu'on a en commission parlementaire, ce qui importe, c'est le fond, je pense que sur le fond, on l'a dit assez de fois aujourd'hui, on va prévoir, dans une formulation plus claire que si la régie ne suit pas la recommandation et interjette appel, elle aura le fardeau de la preuve, appel provoqué par l'appelant, de toute évidence. (23 h 15)

Si la régie prend une décision qui est non conforme à la recommandation et que cela va à l'encontre des intérêts de l'appelant, du professionnel, le professionnel ira en appel et, à ce moment-là, c'est la régie qui aura le fardeau de la preuve.

M. Roy (Augustin): Mais pourquoi...

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, c'est peut-être par distraction, M. le ministre, c'est quand

même un peu tard. Vous avez dit: La régie, à ce moment-là, devra faire la preuve. Dans l'article 35: "II incombe à l'appelant de prouver que la décision de la régie est mal fondée."

M. Lazure: On a dit ce matin qu'on était prêt à modifier cela.

Mme Lavoie-Roux: Ah! vous étiez prêt à modifier cela?

M. Lazure: Oui, on l'a dit à quelques reprises aujourd'hui.

Mme Lavoie-Roux: II y a une dernière question que je voudrais poser. Vous avez fait allusion tout à l'heure au fait qu'il existait un manque de communication possible entre le comité d'inspection professionnelle et le comité de révision, c'est une chose qui ne vous était pas possible à cause d'une certaine disposition ou d'une non-disposition ou d'une absence de disposition dans le Code des professions. Pourriez-vous expliquer, si c'est vraiment important que cette communication puisse s'établir là, où ceci pourrait s'inscrire comme amendement?

M. Roy (Augustin): Oui, d'ailleurs, c'est important, parce que l'article 36, comme le ministre vient de le mentionner, stipule que le comité de révision peut demander un avis à la corporation, mais la corporation , justement à cause des dispositions du Code des professions pour ce qui concerne l'inspection professionnelle, est liée au secret et ne peut pas transmettre l'avis.

M. Lapierre: Voyez-vous, le Code des professions...

Mme Lavoie-Roux: Je saisis bien.

M. Lapierre: En fait, ce n'est pas la régie que nous accusons de ne pas transmettre les informations. Le Dr Laberge a semblé prendre l'accusation pour lui tout à l'heure. On n'a jamais mentionné cela, pour ce qui nous concerne du moins. La régie ne refuse pas de nous fournir des informations. La régie peut nous écrire, peut nous demander, à propos d'un individu X, la décision du comité d'inspection à la suite de l'évaluation de la pratique de cet individu, mais le Code des professions dit: Chaque enquêteur ou membre du comité prête le serment ou fait l'affirmation solennelle contenue à l'annexe 2. Nous allons à l'annexe 2 et l'annexe 2 dit: Je jure que je ne révélerai et ne ferai connaître, sans y être autorisé par la loi, quoi que ce soit dont j'aurai eu connaissance dans l'exercice de ma charge. C'est ce que j'ai mentionné tout à l'heure. En 1974, quand on a adopté le Code des professions, on a oublié de faire le lien entre le Code et la Loi de l'assurance-maladie, pour permettre de meilleurs échanges entre les deux organismes.

M. Roy (Augustin): Nous serions intéressés à ce que ce soit amendé, pour nous permettre de prendre action contre des professionnels qui exagèrent ou qui abusent. Quand on le sait, on le fait, mais, évidemment, c'est une infime minorité et on ne peut pas tout deviner, tout savoir. On pense que, quand même, la pratique professionnelle se fait très bien, mais, évidemment, il y a des cas où on exagère et on voudrait le savoir.

A l'heure actuelle, ce qu'on dit, c'est que le mandat du comité de révision est correct dans la loi actuelle. Si cela n'a pas fonctionné dans certains cas, c'est parce que c'est une question d'hommes qui ont mal interprété la loi, qui ont eu peur de courir des risques, parce qu'ils n'avaient pas l'immunité. On leur donne l'immunité. Si on avait procédé comme on a fait avec l'assistance médicale... C'est quand même un régime qui a eu quatre ans, de 1966 à 1970, qui a réglé une foule de cas. A ma connaissance, il y en a un seul qui est allé en appel. Je pense qu'à ce moment-là, les décisions se prenaient rapidement. Je me souviens qu'au comité, il y avait le Dr Hamel, le Dr Robillard, le Dr Lizotte, il y avait un avocat, Me Morency, il y avait cinq personnes qui prenaient des décisions, qui faisaient venir le professionnel et qui décidaient, à la valeur des informations qui étaient données, si c'était justifié ou abusif. Prenons, par exemple, le cas d'un médecin qui, généralement, dans tous les cas de grippe, demanderait dix visites, ferait venir son patient ou irait voir son patient dix fois dans chaque cas de grippe. Tous les médecins raisonnables, de bonne foi, agissant comme de bons médecins, seront d'accord pour dire: A prime abord, c'est abusif. Cela peut être justifié dans un cas en particulier. C'est au médecin, à ce moment-là, à le justifier. Mais, si c'est la règle générale, on dit: Ecoutez, cela n'a pas de sens, le genre de pratique que vous faites. Ce sont des traitements, des visites injustifiés. On vous paie pour deux visites par malade ou pour une visite par malade. Le reste, on ne le paie pas.

Le comité de révision doit avoir des sanctions économiques seulement et ne jamais toucher en quoi que ce soit à la qualité des actes, ni à l'interprétation du "médicalement requis" ou du "médicalement nécessaire", parce qu'à ce moment, il faut déterminer cela, acte par acte, et vous ne pourrez jamais le faire, à moins d'avoir vu le patient au moment où il était malade.

M. Lapierre: M. le ministre disait tout à l'heure que les comités de révision ou le comité de révision des médecins spécialistes avait demandé que les mots "médicalement requis" soient inscrits dans la loi. Je me rappelle avoir eu l'occasion, à deux ou trois reprises, et dont au moins une en présence du président de l'office dans le temps, qui était Me Dussault, de rencontrer les comités de révision et de discuter avec eux. Je me rappelle bien que celui des omnipraticiens, en particulier, aurait voulu nous faire dire que certains actes n'étaient pas médicalement requis, mais qu'il n'était pas possible pour nous de le dire. C'est peut-être pour cette raison qu'on veut l'avoir dans la loi.

M. Roy (Augustin): La seule fois que nous avons dit à la régie qu'un acte n'était pas médicalement requis, c'était dans le cas des injections d'hormones gonadotrophin chorionique pour le traitement de l'obésité. La régie nous l'a demandé d'une façon spécifique, nous avons répondu qu'il n'y avait pas de base scientifique pour l'utilisation de ce traitement. Sur la foi de notre avis, la régie a décidé d'exclure ce genre de traitement, comme étant un "acte assuré".

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Seulement un dernier mot sur le problème de la confidentialité que vous avez soulevé. Là aussi, je pense que nous allons nous assurer que c'est vraiment couvert, et même si cela existait dans la loi actuelle, je pense que s'il y a de la place pour l'amélioration, on devrait le faire. Quant à votre recommandation qu'il y ait une loi-cadre touchant toute l'information qui existe à l'intérieur des différents ministères, peut-être que la suggestion que vous venez de faire sera retenue. Je dois vous dire que déjà, à l'étude des crédits du ministère des Communications en 1977, j'ai posé la question au ministre d'Etat au développement culturel, qui m'assurait qu'on y travaillait. J'ai posé à nouveau la question de 1978, et là, c'était devenu un peu difficile. Peut-être qu'il faut attendre après le référendum et qu'on l'aura. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Bien brièvement, parce qu'à mesure que l'heure avance, nos lumières baissent.

Le Président (M. Jolivet): Encore?

M. Grenier: Encore ce soir. C'est un peu ainsi toutes les nuits, je peux vous dire cela.

Dr Roy, le ministre vous disait tout à l'heure qu'il avait de la difficulté à comprendre que vous étiez pris entre la protection... Vous deviez être là pour protéger le citoyen d'abord avant de protéger les professionnels. C'est toujours compliqué un peu et vous avez largement répondu en disant: Quand les professionnels sont heureux, on a des chances que les citoyens soient heureux. On fait face au même problème quand on interroge le ministre. Il a parfois de la difficulté à trouver la différence entre son ministère et son parti.

M. Roy (Augustin): Je pourrais dire aux politiciens que je n'ai pas tellement besoin de me préoccuper actuellement de plaire à mes commettants, parce que je viens d'être élu pour quatre ans. J'ai quatre ans devant moi.

M. Grenier: Votre mandat.

M. Lazure: Si vous me permettez, le député de Mégantic-Compton va me permettre une petite note légère.

M. Grenier: Sûrement.

M. Lazure: Un gros titre dans les journaux, je l'ai gardé, mais je ne l'ai pas ici: "Les médecins du Québec sont les plus heureux au Canada", une enquête sérieuse et par écrit, conduite, vous le savez Dr Roy, par le Collège de pratique générale du Canada...

M. Roy (Augustin): C'est tellement...

Mme Lavoie-Roux: ... que vous êtes heureux.

M. Grenier: Je suis heureux d'entendre dire cela par le ministre, parce que si on n'avait pas eu ces rencontres qu'on a provoquées...

M. Roy (Augustin): II faut peut-être se méfier beaucoup des manchettes de journaux.

M. Lapierre: Est-ce qu'à partir d'une telle manchette, il faut rendre les gens malheureux?

M. Grenier: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Combien y en a-t-il qui sont...

M. Grenier: C'est cela que j'aurais craint, M. le ministre. S'il n'y avait pas eu ces rencontres aujourd'hui, il y en aurait eu un bon groupe qui serait reparti insatisfait.

Mme Lavoie-Roux: Combien y en a-t-il qui ont quitté le Québec, on nous en a parlé?

Le Président (M. Jolivet): Je reviens au ministre.

M. Lazure: De toute façon, c'est le public qui vous intéresse, ce ne sont pas les médecins.

M. Grenier: Oui, cela veut dire... Parmi les médecins qui sont ici, heureux, Dr Roy, vous pourriez peut-être nous donner le nombre de ceux qui ont quitté le Québec depuis quelques années, depuis 1976, par exemple. Combien y a-t-il de médecins qui ont quitté le Québec?

Une Voix: II y en a eu beaucoup.

M. Roy (Augustin): J'ai parlé au début du moral des médecins, évidemment, de l'état, d'attitude, de climat qui régnait chez la profession médicale et chez nos professionnels de la santé. Evidemment, il n'y a rien de politique là-dedans. Je ne voudrais jamais faire de politique. Ce n'est pas la place pour en faire ici.

M. Grenier: Je ne sais pas.

M. Roy (Augustin): Je dois dire qu'il y a une augmentation progressive — le ministre a les chiffres, d'ailleurs, je les lui ai fait parvenir il y a une couple de semaines, à sa demande — du départ des médecins vers d'autres provinces ou

d'autres pays. J'espère que ce nombre va diminuer. Ce ne sont pas seulement des jeunes médecins qui terminent leurs études. Ce ne sont pas seulement des internes ou des résidents qui étaient inscrits, qui faisaient du "moonlighting". Ce sont des médecins complètement établis, très souvent, des experts dans des techniques très spécialisées, ultra-spécialisées qui quittent pour toutes sortes de raisons, surtout en chirurgie, parce qu'ils n'ont pas justement à leur disposition...

Ce n'est pas un problème québécois, c'est un problème canadien à cause des déficits budgétaires dans les hôpitaux, de problèmes de restrictions budgétaires; ils n'ont pas à leur disposition les salles d'opération comme ils voudraient les avoir, l'équipement. Il y a une foule de facteurs qui entrent en considération et qui font qu'un bon nombre de médecins ont quitté. J'espère que cela va cesser. Je sais, par ailleurs, qu'un très grand nombre ont dans leur poche ce que j'appelle une police d'assurance, c'est-à-dire des permis d'exercice dans d'autres provinces ou dans d'autres pays, particulièrement les états du Sud des Etats-Unis et qu'ils pourraient évidemment, partir à n'importe quel moment.

C'est malheureux, évidemment, de voir ces gens nous quitter parce qu'il y a eu de grands investissements faits dans leur cas. Je pense qu'il faudrait s'en préoccuper pour amener une bonne répartition géographique des médecins et faire en sorte que nos médecins restent ici parce que c'est un bon capital humain dans lequel on a investi, il faut les rendre heureux. Actuellement, il n'y a pas seulement un problème québécois, il y a un problème canadien à cause du système général d'assurance-maladie au Canada qui est extrêmement bureaucratique et tracassier.

M. Grenier: Je vous coupe parce que le temps est assez limité. Je suis sûr qu'avec l'insatisfaction des médecins du Québec, le nombre va en diminuant depuis quelques années, j'imagine.

M. Roy (Augustin): II y a une chose que je voudrais bien dire. Quand on parle de cela dans le public, on dit toujours: Cela n'a pas d'allure, cela n'a pas de bon sens, les médecins font beaucoup d'argent. On monte leur revenu en épingle. Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de satisfaction du travail fait. Evidemment, c'est une question d'ingérence générale. Je ne veux pas blâmer personne. Cela fait partie du système dans lequel on vit depuis 1967 quand on a commencé l'assurance-maladie au Canada et l'as-surance-hospitalisation. Cela fait partie du système qui fait que, dès qu'un tiers payant intervient entre le malade et le médecin, la relation change. C'est tellement vrai que plus le tiers payant ou le tiers intervenant resserre les contrôles, plus il y a une tendance, peut-être, à la démoralisation, la démission, la démobilisation parce que les médecins et les professionnels de la santé ont été fortement touchés par toute la réforme de la santé depuis 1970, tout comme les professeurs ont été touchés par la réforme de l'éducation. On tente de remonter les troupes, de mobiliser, de motiver les médecins. Je sais que les fédérations vont le faire mais nous avons une grosse côte à remonter parce qu'il y en a qui ne veulent plus rien savoir. Cela est mauvais pour le malade.

M. Lazure: Une question, Dr Roy. Est-ce que vous pensez, comme protecteur du public, que le public voudrait retourner à l'ancien système, le pré-1967?

M. Roy: II n'est pas question de retourner en arrière et d'enlever des mesures sociales comme celles de l'assurance-hospitalisation, de l'assurance-maladie. Mais il faut faire en sorte que ces mesures ne soient pas trop opprimantes, ne soient pas trop étouffantes. C'est ce que nous voulons évidemment vous dire et ce sur quoi nous voulons attirer votre attention parce que je sais fort bien qu'aux Etats-Unis, on se dirige également vers un régime d'assurance-maladie. On m'a appelé la semaine dernière pour aller à New York en parler. Le sénateur Kennedy a fait une grosse campagne là-dessus; il y a un lobby épouvantable. Evidemment, ils ne voudraient pas commettre là-bas les erreurs qu'on a commises ici en allant trop loin mais il faudrait peut-être penser que cette relation du tiers payant modifie énormément la relation médecin-patient et que plus il y a ingérence de l'Etat, plus il y a des formules à remplir. Je ne parle pas seulement de la Régie de l'assurance-maladie, il y a la Commission des accidents du travail, la Régie de l'assurance automobile et nommez-en des organismes qui demandent des formules et des formules. Cela rend la pratique de la médecine plus difficile vis-à-vis le malade parce qu'un médecin n'a quand même pas fait cinq, six ou dix ans d'études pour remplir des papiers. Il a fait cela pour pratiquer la médecine.

M. Grenier: J'ai regardé la bataille qui se faisait à savoir laisser à la Régie l'aspect plus administratif et garder de plus en plus confidentiels les dossiers de vos professionnels et je crois qu'il faut être d'accord avec cela. Vous savez que des dossiers mis dans les mains d'un gouvernement sont moins en sûreté que des dossiers personnels remis à des compagnies d'assurances; vous n'êtes pas sans savoir cela. Je pense qu'il y a un vice-président américain qui s'en souvient, qui n'a pas pu se présenter à la vice-présidence à cause de cela. Dans un gouvernement, on a ce qu'on appelle des fuites calculées, peu importe le gouvernement qui est là. Quand cela peut faire l'affaire de quelqu'un de laisser sortir un dossier, on peut se le permettre. Si cela peut faire l'affaire de quelqu'un, à un moment donné, de faire savoir que telle ou telle personne a été traitée par un psychiatre dans sa vie, cela peut parfois être intéressant comme on l'a déjà vu et l'expérience est là.

M. Roy (Augustin): Nous allons nous attacher à cela parce qu'actuellement, il n'y a pas eu de fuite

ici mais il y a eu, malheureusement, des fuites en Ontario pas plus tard que l'année dernière. C'est pour cela qu'il y a des problèmes énormes entre la profession médicale en Ontario et le gouvernement parce qu'il y a eu des fuites calculées et volontaires de renseignements confidentiels concernant des individus, ce qui leur a nui considérablement. (23 h 30)

M. Grenier: Vous n'avez pas effleuré ou presque pas — votre groupe — les sondages. J'aurais bien voulu savoir si vous jugez à peu près sur la même base ces sondages. Vous avez parlé des sondages téléphoniques qui semblaient moins pénibles, qui étaient moins près de l'aspect confidentiel.

M. Roy (Augustin): Je trouve cela un peu niaiseux ces sondages, pour vous dire bien franchement. Cela m'est arrivé une fois de recevoir une lettre de la régie, l'année dernière, parce qu'un de mes enfants est allé voir un médecin le 24 décembre. Je suppose qu'on a dit que, le 24 décembre, dans les relevés d'honoraires qu'on va recevoir, il y a bien des chances d'avoir de la fraude. J'ai reçu un relevé d'honoraires à un certain moment. C'était la première fois que cet enfant allait voir un médecin. C'était pour calculer si on avait véritablement vu le médecin. C'est une formule stéréotypée. J'ai eu envie de la déchirer, mais j'ai répondu. J'ai signé mon nom et j'ai dit que c'était de la niaiserie, ce que l'on avait fait là, je l'ai donc retournée à la régie.

Evidemment, je reçois des commentaires de médecins, parce que les médecins me parlent moi aussi, vous savez. J'ai affaire aux médecins de temps en temps. Ils trouvent que les gens ne savent pas quoi faire quand ils reçoivent ces formules de sondage. Souvent, ils appellent le médecin et ils disent: Qu'est-ce que je vais répondre, docteur? Comment cela se fait-il, Dr Roy, qu'on fait enquête sur vous? Ce sont des réactions que je reçois de médecins.

M. Lazure: Je reçois des réactions du public, qui nous dit que c'est une bonne affaire que la régie nous demande de temps en temps si on est vraiment allé chez le médecin à telle date, si on a reçu ce service. On ne parle pas aux mêmes personnes. Vous parlez aux médecins. Je parle plutôt aux citoyens.

M. Roy (Augustin): Oui, mais, encore là, on n'est pas contre les contrôles. Les citoyens nous parlent aussi. On n'est pas contre les contrôles.

M. Grenier: Est-ce que ce sondage peut fonctionner aussi à la suite d'un appel?

M. Roy (Augustin): Non. C'est toujours par écrit.

M. Grenier: Oui, mais si c'est sur demande, si, moi, j'appelle la régie et que je porte plainte sur telle personne, tel patient, la régie doit-elle intervenir ou peut-elle intervenir?

M. Lazure: Non, le sondage du 24 décembre prouve que les ordinateurs fonctionnement le jour de Noël et le jour de l'An.

M. Grenier: Ce qui n'est pas mal.

M. Lazure: Le 24 décembre n'a rien à faire avec cela. C'est un sondage qui est fait tout à fait au hasard, qui a été programmé par des informaticiens pour nous dire de prendre, je ne me rappelle pas si c'était 0,2% ou 0,3% de la clientèle de chacun des médecins et ce n'est pas envoyé aux enfants. J'entendais tantôt quelqu'un dire que c'était envoyé aux enfants.

M. Roy (Augustin): Jusqu'à quel âge êtes-vous un enfant?

M. Lazure: Si c'est en bas... Il y a un certain âge où on l'envoie aux parents.

M. Roy (Augustin): Ma fille avait 16 ans et elle l'a reçu.

M. Lazure: Mettons en bas de 14 ans, parce que je pense... Il y a une loi qui est la Loi de la protection de la santé publique, j'espère que vous l'avez lue au moins une fois dans votre vie...

M. Roy (Augustin): Plusieurs fois.

M. Lazure: ... qui dit qu'en haut de quatorze ans, les gens peuvent se faire soigner sans le consentement de leurs parents. A seize ans, si elle l'a eu, c'est parce qu'on a respecté cette norme.

M. Roy (Augustin): Mais c'est justement là le danger, et j'ai attiré l'attention tout à l'heure sur ce genre de sondages que l'on fait, que les parents peuvent recevoir, et alors que l'enfant n'a pas averti les parents qu'il était allé voir un médecin. Vous savez que les enfants ont droit de consulter sans le consentement des parents. C'est écrit dans la loi. Alors, pourquoi envoyer des sondages qui peuvent semer la zizanie dans des familles?

M. Lazure: Bon, la zizanie, je vais vous dire que votre famille n'avait ni la syphilis, ni la gonorrhée, ni un avortement thérapeutique, parce qu'on ne les envoie pas, ceux-là. On a des listes d'exclusion.

M. Roy (Augustin): Pour savoir cela, il faut regarder les dossiers.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Roy (Augustin): Pour éliminer la syphilis et les avortements, cela veut dire que vous examinez les dossiers!

Le Président (M. Jolivet): Je comprends, M. Roy, qu'à cette heure de la soirée, on puisse avoir quelques applaudissements, mais j'ai été très large durant toute la journée, je pense, c'est pour cela...

M. Grenier: Vous avez laissé passer bien des occasions.

Mme Lavoie-Roux: ...

Le Président (M. Jolivet): Vous ne m'aidez pas, Mme le député. C'est simplement pour vous dire qu'il reste encore près de 25 minutes de travail, à moins qu'on finisse avant, mais je vous demanderais, s'il vous plaît... M. le député de Papineau.

M. Alfred: Je félicite la Corporation des médecins, surtout quand M. Roy dit qu'il déploie beaucoup d'efforts pour mobiliser et motiver ses membres. Alors, je le félicite là-dessus. Cependant, c'est peut-être pour revenir encore à mon ami, M. le député de Mégantic-Compton...

M. Grenier: Lâchez-moi un peu!

Le Président (M. Jolivet): N'oubliez pas que ses lumières sont éteintes!

M. Grenier: Oui, je sais... pour répondre.

M. Alfred: Vous savez que vous êtes un porteur de... Il s'est permis de faire de la digression plutôt burlesque. M. le député de Mégantic-Compton a voulu faire, bien sûr, un peu de politicaillerie, voulant tout ramener au 15 novembre, parce que, pour lui, la terre aurait tremblé à Honolulu et il aurait dit: C'est la faute au 15 novembre. Cependant, vous avez parlé d'un médecin qui quitte le Québec pour aller ailleurs. Est-ce qu'il y a aussi beaucoup de médecins qui quittent l'Ontario pour aller ailleurs? On laisse le Canada de côté, mais l'Ontario.

M. Roy (Augustin): Je pourrais parler longtemps sur ce sujet-là. Il y a des médecins qui quittent le Québec, mais il y a aussi des médecins d'autres provinces du Canada qui quittent le Canada, à cause du système général d'assurance-santé qui est le même pour toutes les provinces avec de petites variantes. C'est assez grave, parce qu'à l'heure actuelle, le ministre le sait également, en 1978, selon les statistiques du ministère fédéral de l'Immigration, il y aura environ 900 médecins canadiens qui auront quitté le Canada pour les Etats-Unis. C'est plus que la moitié de tous les médecins qui terminent leurs études dans une année, dans les seize facultés de médecine du Canada, en 1978. Ce ne sont pas tous des médecins du Québec, parce qu'en 1978, on aura perdu, au Québec, environ 330 à 340 médecins. Evidemment, c'est compensé par le fait que nos facultés de médecine produisent une très grande quantité de médecins. C'est ce qui fait, évidemment, que nos statistiques deviennent faussées à cause des départs, du très grand nombre de jeunes qui entrent en pratique, mais, évidemment, on perd dans cela des gars extrêmement bien formés, après dix ou quinze ans, et qui sont des experts, des superspécialistes, et qu'il n'est jamais heureux de perdre. Ce n'est pas un phénomène uniquement québécois. C'est un phénomène canadien. C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure que c'était sérieux, que ce n'était pas un facteur uniquement politique, que c'était surtout socio-économique, à cause du système dans lequel on vit, parce qu'on vit dans un système socialiste au Canada sans en avoir le nom. Par ailleurs, c'est justement pour cela qu'en même temps, l'immigration a été bloquée, a été stoppée au Canada depuis les deux dernières années, particulièrement depuis l'année dernière. Il est pratiquement impossible pour un médecin étranger de venir sïntaller au Canada depuis une couple d'années. L'immigration canadienne totale a été diminuée à environ 200 médecins venant de l'extérieur pour tout le Canada.

Justement, je pense que le député de Papineau devrait peut-être s'interroger sur le sort d'un certain nombre de ses concitoyens qui sont à Montréal, qui attendent des postes d'internes dans les hôpitaux et qui sont chômeurs depuis un an, deux ans, parce qu'on manque de postes pour les insérer dans notre groupement médical. On manque de postes, justement à cause du contingentement des internes et des résidents par le ministère des Affaires sociales et j'attends avec plaisir, j'espère la directive du ministre qui va geler le nombre de postes cette année ou qui ne le diminuera pas parce qu'on ne pourra jamais s'en sortir.

M. Alfred: Votre question, M. le docteur, est très pertinente. Si des médecins québécois d'origine haïtienne sont à Montréal, qu'ils chôment et qu'ils peuvent rendre service à la communauté québécoise, je vais faire des pressions auprès des ministres en titre pour que ces médecins puissent rendre un service adéquat à la communauté québécoise d'ici.

M. Roy (Augustin): Merci. Je vais vous les envoyer et j'ai le plaisir de vous dire qu'il y en a 150 à Montréal seulement, M. le député de Papineau, et je peux vous dire que je suis très ami avec eux et qu'ils ont tous voté pour moi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: II est bien tard, M. le Président, mais je veux, premièrement, dire qu'on doit accepter que notre système de Régie de l'assurance-maladie est un des meilleurs au monde et tous les professionnels ici sont conscients de cela. Mais je crois, en même temps, avec tous les chiffres qui ont été donnés par le président de la régie, qu'on doit accepter en même temps les autres chiffres qui démontrent, depuis 1971, que le revenu net, par professionnel au Québec, était réduit d'à peu près 25%. Alors, quand on dit, dans les remarques du ministre, que l'un des principaux objectifs de ce projet de loi est de resserrer les contrôles administratifs de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, c'est évident que, véritablement, les serrures sont assez resserrées pour le moment.

La vérité est que peut-être que les contrôles qui sont impliqués dans ce projet de loi, vont un peu trop loin. Nous venons de parler de médecins qui ont quitté le Québec pour d'autres raisons, mais une des raison, certainement, est qu'il arrive que c'est presque impossible de continuer avec le taux d'impôt qu'on paye et le taux d'inflation qu'on a à cause des augmentations du coût "overhead", tous les autres faits que l'on vit dans une situation d'assurance-maladie étatique.

Alors, c'est pour cette raison que les professionnels commencent à croire que les pouvoirs que vous demandez dans ce projet de loi sont peut-être trop excessifs. On dit ici qu'il y a $50 millions placés dans des endroits inconnus. En même temps, ça représente moins de 5% de toutes les prestations payées. On dit aussi que vous avez d'autres abus certainement, parce que dans tous les domaines, nous allons voir des abus. Mais est-ce que nous n'avons pas maintenant, dans la loi actuelle, toutes les précautions pour éviter ces abus?

Parce que ce n'est pas seulement le texte du projet de loi, mais c'est l'image que ce projet de loi démontre à la population, spécifiquement la population des professionnels au Québec. On a des problèmes avec le moral des professionnels. Vous savez fort bien que quand un professionnel reçoit un chèque négatif au lieu d'un chèque positif, à cause d'un manque de connaissances de son entente avec la régie, parce qu'il n'a pas fait... Imaginez-vous un examen rectal... et tous ces examens complets qui ont été enlevés pour une période de deux ans peut-être... Le moral des médecins et des dentistes au Québec est aussi mauvais, parce que même avec l'étude dont le ministre a parlé, on sait fort bien que le moral n'est pas correct au Québec.

C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, nous avons entendu ces mémoires des professionnels de la santé. C'est pour cette raison qu'on a besoin de réétudier ce projet de loi, en acceptant que si c'est excessif, si on a besoin de certains changements, disons l'immunité des enquêteurs ou autre chose, vous avez raison. Mais de la manière dont c'est présenté, c'est clairement excessif, de demander de mettre le nom sur toutes les formules de réclamation, c'est incroyable. Franchement, on n'a besoin d'aucun nom, parce qu'aussitôt qu'on envoie cette formule de réclamation, on accepte la responsabilité.

On peut dire en même temps que chaque fois que vous allez chez votre médecin ou votre dentiste ou votre pharmacien, vous avez besoin de votre carte "medicare ", c'est incroyable. Ces mesures excessives, même si une commission de révision peut juger de la qualité des services, de faire un "peer review " sur une question médicale, c'est aussi un effet excessif.

Je crois qu'avec les renseignements de nos collègues professionnels aujourd'hui, au moins, nous avons besoin, dans la période d'étude de ce projet de loi article par article, que des changements de valeur soient faits.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Sherbrooke.

M. Roy (Augustin): J'aimerais ajouter un mot. Le député de Pointe-Claire a raison dans ce qu'il dit, c'est surtout l'esprit qui se dégage de certains projets de loi qui fait en sorte qu'il devient pernicieux et nocif. C'est l'esprit que les professionnels de la santé en déduisent. Finalement, il y a, derrière ça, toute cette scène où on parle de salariat. (23 h 45)

Evidemment, c'est une idée qui est chère au ministre, qui va peut-être se réaliser plus facilement qu'il ne le croit, parce que si on continue les restrictions, les coupures, les formules à remplir, ce seront peut-être les médecins qui seront heureux d'être salariés, parce qu'ils feront peut-être une bien meilleure vie professionnelle et familiale. Mais cela ne sera peut-être pas à l'avantage du public.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: M. le Président, je constate, à ma très vive déception, qu'il y a un point de vue très important qui n'a pas été entendu tout au long de cette journée, justement le point de vue du public et le point de vue du représentant du public.

Je me refuse à reconnaître, dans l'exposé que les corporations professionnelles nous ont fait ce soir, l'énoncé du point de vue du public. Je m'excuse. Je considère que quand on reconnaît qu'on connaît au Québec une surconsommation particulièrement abusive de médication, un mode de prescription automatique dans bien des cabinets de médecins et souvent exagéré, c'est le sens commun populaire qui dit cela.

On a un budget de $700 millions à administrer où chacun connaît, dans sa propre famille, des exemples qui sont parfois discutés mais où chacun se sent impuissant à modifier ces règles du jeu de pratiques abusives qui discréditent, dans certains milieux, certains médecins, parce qu'on sait qu'il y en a qui abusent.

Quand qn voit défiler devant nous des corporations qui attaquent un projet de loi qui est loin d'être un projet de loi sauvage... Tout ce qu'il permet de faire, ce projet de loi, c'est d'empêcher que des abus trop visibles ne se répètent; tout ce que ce projet de loi engage, c'est une méthode d'autocontrôle, finalement, par les professionnels eux-mêmes, parce qu'ils sont eux-mêmes représentés aux comités de révision, ils sont eux-mêmes désignés par les corporations à ces comités de révision. Le projet de loi permet d'interdire les abus trop visibles où la régie elle-même reconnaît que, traditionnellement, d'expérience, elle n'a pas pu agir d'une manière contraignante, un tant soit peu contraignante.

J'ai entendu les exposés des corporations ce soir et il y a un élément qui m'a particulièrement intéressé. Il est arrivé à la toute fin. Il ne faisait pas

partie du tout, semble-t-il, de la présentation initiale. C'est celui ayant trait au comité d'inspection professionnelle.

J'ai cru sentir que le débat n'était pas complété au sein des corporations quant au rôle définitif qu'on voudrait voir accorder à ces comités d'inspection professionnelle. On a semblé reconnaître l'impuissance relative, en fonction des lois actuelles, à vraiment protéger le public par l'application de contrôles réels, à partir de profils de pratiques reconnues comme abusives et ce point de vue, qui aurait pu, dans le plus ferme intérêt du public, être défendu comme possibilité dans la présentation de vos mémoires, n'a pas jailli à ce moment-là. Il a jailli à travers des questions incidentes. C'est un aspect que j'aurais voulu fouiller particulièrement, les rôles mutuels des comités d'inspection professionnelle et des comités de révision à la régie.

Quant au comité de révision à la régie, il y a une chose qu'il faut bien comprendre. Sur les déboursés effectués par la régie, le montant de $700 millions du dernier exercice, c'est de l'argent du public. C'est le contribuable qui paie pour cela. Il faut s'assurer, au minimum — et c'est ce que les comités de révision permettent, c'est ce que les explicitations qui ont été données démontrent — d'établir au moins certaines normes, pour reconnaître que certaines pratiques sont carrément abusives, comme le concept du "médicalement requis".

Ces dispositions que la loi comporte ne vont pas très loin. Les corporations professionnelles, les médecins, les dentistes, tous les professionnels de la santé qui sont regroupés par leur association, qui est très agressive, et ça se comprend, c'est un syndicat qui défend ses intérêts, et par une corporation qui est très jalouse de ses prérogatives et par des professionnels désignés au sein des comités de révision, à mon avis, ont toutes les garanties du monde d'assurer à la fois que leurs intérêts soient protégés et de permettre un peu mieux que l'intérêt du public soit protégé.

M. Roy (Augustin): M. le Président, si on avait trois ou quatre heures de plus, on pourrait très facilement parler très longuement du comité d'inspection professionnelle. Si on n'en a pas parlé, c'est parce qu'on discute d'un projet de loi 84 qui concerne les amendements à la Loi de l'assuran-ce-maladie et non pas des amendements au Code des professions, qui concerne le comité d'inspection professionnelle. On peut vous dire que ça fonctionne extrêmement bien, le comité d'inspection professionnelle, que c'est efficace, que c'est financé par les corporations et que ça protège le public.

Nous sommes d'accord pour des contrôles, de bons contrôles. Si on fait des représentations, c'est justement parce qu'on veut qu'il y ait des contrôles raisonnables, mais bien faits. On fait des remarques sur les comités de révision, parce que, justement, dans le passé, ils ont mal fonctionné, on essaie de faire en sorte qu'ils fonctionnent davantage. On n'a jamais dit que le projet de loi était sauvage. Le député de Sherbrooke a sûre- ment mal lu le projet de loi ou la loi complète de l'assurance-maladie pour nous faire dire ça. Il a mal lu nos commentaires. On est conscient qu'il y a peut-être des problèmes. Il y a des problèmes chez tous les organismes et groupes de la société.

Mais, par ailleurs, quand on parle de surconsommation médicale, c'est un concept qu'on gar-roche à gauche et à droite. Quel organisme, y compris le gouvernement, le ministère des Affaires sociales, la régie, a été capable de prouver qu'il y avait surconsommation médicale? On a demandé, autant comme autant, de nous donner des chiffres. C'est le sens commun populaire qui nous dit qu'il y a surconsommation médicale, mais c'est le même sens commun populaire, représenté par le peuple, qui demande les médicaments, qui demande ces drogues. Essayez de les lui enlever.

On déplore évidemment qu'il y ait utilisation peut-être excessive de certains médicaments. Mais ce n'est quand même pas nous qui les prenons. Ce n'est quand même pas nous qui les fabriquons.

M. Lazure: Dr Roy, on a déjà même poursuivi une patiente pour surconsommation de médicaments. Elle a été condamnée à $20 d'amende et c'est l'aide sociale qui a payé.

M. Roy (Augustin): II ne faudrait quand même pas charrier sur la surconsommation de médicaments.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Lapierre: M. le Président, j'avais une réaction à faire...

Le Président (M. Jolivet): Je sais, mais comme on approche de 24 heures, M. le député de Saint-Laurent m'a demandé le droit de parole, si vous... ça va, allez-y.

M. Lapierre: M. le Président, si le député est déçu de la tournure des événements de ce soir, je le suis moi aussi. C'est peut-être l'heure tardive qui a fait que les discussions ont tourné au vinaigre, de temps à autre, ou c'est peut-être aussi parce que l'argumentation qu'on a développée dans le texte était trop serrée, qu'il n'y avait pas de voie de sortie.

En fait, le texte qu'on a développé ce soir ne se veut pas une attaque contre le projet de loi. J'ai tenté, par ce texte, de démontrer les difficultés qu'ont vécues les comités de révision et j'ai tenté de convaincre l'Assemblée de ne pas retomber dans le même panneau en créant des difficultés additionnelles. C'est tout ce que j'ai essayé de faire par le texte. Je vais le faire dactylographier de façon plus propre et je pourrais en donner des copies. Vous me direz où il y a des attaques contre le projet de loi.

Si on vient ici en commission parlementaire et qu'on ne peut pas parler sur un projet de loi, à quoi bon venir? Je suis aussi déçu que vous, parce que j'aurais pensé que la discussion aurait

porté beaucoup plus sur le comité de révision que sur toute autre question développée ce soir. Si vous mentionnez que le comité d'inspection professionnelle est venu juste au moment d'une question, vous pourrez relire mon texte, il est écrit dans mon texte que le comité d'inspection professionnelle ne pouvait fournir les réponses à la régie. Je l'ai mentionné à plusieurs reprises dans le texte.

Enfin, M. le Président, je suis étonné de voir qu'on se fait du rôle des corporations une conception relativement étroite. A mon sens, une corporation est là pour la protection du public. Vous pouvez venir visiter chacune de nos corporations et vous allez voir pour qui on travaille. En ce qui nous concerne, chez nous, il y a 17 médecins qui sont sur la route, qui travaillent pour la protection du public et qui vérifient la qualité des actes, tant en établissement qu'en cabinet privé. Ce n'est pas pour la défense des intérêts des médecins qu'ils font des visites. C'est pour améliorer la qualité des soins en vue de la protection du public. Ce rôle des corporations, à mon sens, est plus large que la simple visite, le simple contrôle en cabinet privé. Cela va jusqu'à inclure la médecine d'équipe et des tracasseries administratives.

Vous avez mentionné, M. le ministre, tout à l'heure, que la loi ne créait pas un nouveau droit à la régie. Par le texte qu'on a présenté ce soir, il y avait un nouveau droit. Je ne veux pas reprendre encore toute la mécanique, mais, avant de terminer, je voudrais tout simplement rappeler que, lorsque la régie ou lorsqu'une cause est allé en appel devant la Commission des affaires sociales et qu'elle a été perdue, cela a été sur le "médicalement requis".

Je veux bien essayer de convaincre une dernière fois de ne pas introduire cette notion dans la loi, parce que cela va compliquer les choses et non parce qu'on veut protéger les docteurs, parce que cela va compliquer le système. Une fois que je l'ai dit, il vous reste, M. le ministre, à décider de modifier la loi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je vais intervenir encore plus brièvement que je n'avais l'intention de le faire. Je n'avais d'ailleurs pas l'intention de parler jusqu'à ce que j'aie entendu le député de Sherbrooke. J'ai retrouvé là le même écho que celui qu'on a entendu dans la bouche du ministre un peu plus tôt, c'est-à-dire une attaque, qui est probablement la meilleure défense, mais qui ne demeure absolument pas justifiée par, je pense bien, les mémoires très légitimes que nous avons entendus. C'est peut-être là une certaine conception du rôle de l'homme politique ou des institutions parlementaires, mais je pense que c'est une utile illustration aux leçons de choses pour nos visiteurs, de toute façon, comme c'est la preuve vivante que les commissions parlementaires enrichissent tout le monde qui y participe. Il demeure qu'il n'est absolument pas approprié ou justifié de faire un procès à quelque groupe que ce soit qui vient ici pour, évidemment, offrir sa perception de la réalité. Le ministre — d'ailleurs, il ne s'en fait pas faute — a tout le loisir de prendre ce qu'il veut prendre et de laisser ce qu'il veut laisser. Il n'a pas besoin, en plus de cela, de se lancer dans quelque condamnation que ce soit. Ce n'est d'ailleurs pas vrai que la loi des professions fait obligation aux corporations professionnelles de s'occuper seulement de l'intérêt du public. Il est tout à fait légitime pour les corporations professionnelles, sans pour autant négliger l'intérêt du public, de le faire également à la lumière d'un intérêt bien compris de leurs membres. Si, en plus de cela, un certain nombre de professionnels veulent se donner plusieurs autres associations, ils sont prêts à payer pour cela. Je pense bien que ce n'est pas à ceux qui n'en font pas partie de s'en plaindre, puisque cela ne nous coûte rien.

Pour ce qui est de l'argumentation présentée, je voudrais particulièrement féliciter et remercier le Dr Lapierre. J'allais, s'il ne l'avait pas fait lui-même, souligner que son argumentation est extrêmement soigneuse et qu'elle tend à démontrer, au niveau du diagnostic au moins, des problèmes qu'ont vécus les comités de révision, des choses que le ministre et ses conseillers auraient intérêt à regarder avec beaucoup d'attention. Par exemple, quand le Dr Lapierre a fait mention des problèmes de preuve, soit devant les comités de révision, soit devant la Commission des affaires sociales, il met le doigt sur un problème très important et qui n'est pas du tout résolu par la loi qui nous est présentée. Même si on était tous d'accord sur le "médicalement requis" — ce que, je le sais bien, n'est pas le cas — il demeure que, si le problème de la preuve n'est pas résolu, les comités de révision n'auront pas plus de résultats, pas plus d'effets qu'ils n'en ont eus jusqu'à maintenant, quel que soit le désir du ministre et du président de la régie. C'est ce problème que le Dr Lapierre a souligné. Je pense qu'il était le bienvenu de le faire. C'est le seul qui l'ait mentionné avec autant de soin et autant de clarté. (Minuit)

Je pense qu'il n'y a pas eu de réponse à cette objection. Ce n'est pas une attaque contre la loi, c'est un problème réel qui a été soulevé. Malgré les nombreuses études qui ont été faites sur le sujet, on n'a pas vraiment trouvé la solution. Est-ce que c'est du côté de la redéfinition des règles de preuve? Est-ce que c'est du côté de la recherche d'un nouveau critère de refus ou d'acceptation des demandes de paiement? Je n'ai pas moi-même de solution miracle à offrir, mais je pense qu'il y a là une réflexion qui n'est pas complétée encore. Vous avez eu le mérite de nous le souligner.

M. le Président, je pense qu'il est d'ailleurs déjà trop tard pour arrêter de parler, mais je vais le faire, malgré tout. Je remercie nos hôtes de nous avoir fourni cet éclairage.

Le Président (M Jolivet): Simplement pour le mot de la fin. M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, j'ai dit au début de mes remarques en réaction aux exposés des représentants que, pour moi, l'essentiel était le comité de révision, que tout le reste était relativement marginal. Je pense que c'est la matière même avec laquelle on travaille qui est par définition extrêmement complexe.

Le député de Saint-Laurent fait bien de le faire remarquer, ce n'est pas un commentaire sur la loi actuelle ou la future loi, c'est le sujet même qui nous arrête, qui est difficile à cerner. Je continue à croire, comme d'ailleurs d'autres l'ont cru, que, quand on parle d'actes injustifiés ou d'abus, cela peut toucher des actes médicalement justifiés, médicalement indiqués, si vous voulez, ou non médicalement indiqués. Cela peut toucher les deux catégories.

Théoriquement, philosophiquement, on pourrait très bien concevoir que le problème soit transféré à la juridiction des corporations professionnelles. On pourrait, ce serait un système. Je n'ai pas d'opposition de principe à ce système, je n'ai pas d'opposition de principe. On nous fait valoir, du moins les gens qui ont travaillé à la moitié des comités de révision — je fais référence aux spécialistes — nous font valoir que l'expression "médicalement requis" améliorerait... Je vous le dis de toute bonne foi, je constate, depuis quelque temps, que c'est vraiment partagé. C'est très partagé. Moi aussi je reconnais l'argumentation du Dr Lapierre, mais elle est serrée dans le sens où vous faites l'équivalence "médicalement requis" égale une appréciation, une évaluation de la qualité d'un acte.

Or, ce n'est pas notre définition de "médicalement requis". Peut-être faudrait-il mieux définir ce qu'on entend par "médicalement requis", parce que, quand on parle de "médicalement requis", nous, ainsi que l'autre fédération, la Fédération des médecins spécialistes, ne voyons pas cela comme étant un synonyme de qualité de l'acte. Je pense, en définitive, que, si on pouvait offrir, au cours de la discussion article par article, une définition mieux circonscrite de "médicalement requis" qui ne toucherait pas... parce que ce n'est pas notre intention de toucher à ce qui est la qualité de l'acte.

En somme, M. le Président, on a dit, ce matin, que les deux objectifs de ce projet de loi étaient d'abord d'améliorer le fonctionnement de la régie qui a déjà un fonctionnement très efficace — je pense qu'il y a toujours place pour l'amélioration — et aussi, par certaines dispositions, de permettre une meilleure répartition géographique des effectifs professionnels. Une fois ces deux objectifs maintenus, je retiens, des nombreuses discussions que nous avons eues aujourd'hui avec tous les organimes, un bon nombre de suggestions et de possibilités de modifications.

Il y a plusieurs chemins pour se rendre à Rome; il y a plusieurs façons de connaître les vues de groupements. Là-dessus, je n'accepte évidemment pas le commentaire du député de L'Acadie. C'est de bonne guerre, quand on est dans l'Opposition — notre parti a fait la même chose — de demander des commissions parlementaires à peu près sur tout projet de loi qui est le moindrement important, mais Dieu sait que cela devient presque impossible de légiférer, si on passe le plus clair de notre temps en commission parlementaire.

C'était une appréciation de notre part que le projet de loi était relativement modeste, et c'est encore notre appréciation. Il y a des groupes qui sont venus se faire entendre aujourd'hui. Il y en a d'autres qui se sont fait entendre autrement. Je ne pense pas qu'on doive dire: Tel mode de représentation est supérieur à tel autre. Je pense que, quel que soit le mode de consultation, on en retient des idées qui vont nous aider au cours de la deuxième lecture et au cours de l'étude article par article. Je remercie ceux qui sont venus.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Non, je n'ai rien à ajouter.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je vais me permettre de relever un point soulevé par Mme le député de L'Acadie. Nous nous étions associés, nous aussi, à la demande de rencontrer ici ces huit groupes que nous avons aujourd'hui. Je pense que ce soir, nous ne devons pas le regretter, puisqu'on a appris énormément de choses de part et d'autre, j'imagine. S'il est vrai que le centre de discussions a été autour du comité de révision, je pense qu'il y a eu plusieurs points aujourd'hui qui ont peut-être été résolus, au moins, en grande partie. S'il n'y avait pas eu cette discussion, cela aurait pu être ce facteur qui mettait du sable dans l'engrenage. Je pense bien qu'on n'a pas perdu notre temps après cette longue journée. Personnellement, je ne regrette pas d'avoir convoqué, d'avoir demandé au ministre — et je pense que c'était l'idée du député de L'Acadie également — de convoquer ici ces huit groupes que nous avons rencontrés aujourd'hui.

S'il y avait un souhait à formuler en terminant, nous avons reçu des quatre premiers groupes le document qui nous a été remis ce matin, et si c'était possible d'avoir les notes, au moins, du Dr Lapierre et du Dr Roy, qui nous ont été données verbalement ce soir, pour qu'on puisse les avoir en notre possession afin de s'en servir lors de l'étude article par article qui va commencer, ce ne saurait tarder, je pense. Cela pourrait être une pièce importante pour nous, si vous pouviez nous les faire parvenir dans les plus courts délais. Personnellement, je vous remercie au nom de notre formation politique. Soyez assurés que j'ai l'impression qu'on a passé des heures qui étaient importantes pour nous et pour vous aussi.

M. Roy (Augustin): II nous a fait plaisir, MM. les membres de la commission parlementaire, de venir exprimer nos commentaires sur ce projet de loi, qui est un projet de loi extrêmement important,

et non pas seulement technique. Les suggestions et commentaires, même s'il y a eu des hauts et des bas en ce qui concerne les intonations de voix, étaient dans le but de bonifier le projet de loi, de l'améliorer et de le rendre plus acceptable. Nous avons fait plusieurs suggestions, évidemment, en ce qui concerne, en particulier, les comités de révision, d'autres groupes en ont fait également, mais il faudrait véritablement regarder cette question de définition de "médicalement requis ' et ne pas penser à une définition strictement légale, à cause de l'interprétation qu'on lui donne en fonction de l'article 3 de la loi qui dit qu'un service médicalement requis devient un service assuré. C'est malheureux, évidemment, que cela vienne du comité de révision des spécialistes parce que c'est un comité qui a relativement bien fonctionné. Je pense que "médicalement requis", cela a une tout autre connotation pour un médecin. C'est un acte qui est véritablement nécessaire sur le plan médical. Si on pense en médecin, on pense différemment d'un avocat qui interprète un article de loi. Nous, on dit qu'on ne devrait pas le mettre, parce qu'on va compliquer davantage le fonctionnement des comités de révision. On demande qu'on leur donne d'autres armes pour fonctionner, qu'on leur donne l'immunité. Je pense qu'à ce moment, on pourrait régler un certain nombre d'abus.

Le Président (M. Jolivet): Rapidement, s'il vous plaît, parce que...

M. Denault: Je voudrais seulement remercier les membres de la commission de nous avoir reçus. Je voudrais entrer dans la foulée sur laquelle le ministre des Affaires sociales a terminé, cette porte qu'il a légèrement ouverte, concernant les corporations professionnelles, les efforts consentis par les corporations professionnelles depuis quelques années en ce qui concerne la protection du public, les comités d'inspection professionnelle, la formation continue, les comités de discipline. Les corporations professionnelles ont investi, non seulement du temps, mais énormément d'argent pour accomplir le travail que le législateur leur a confié, en ce qui concerne la protection du public.

Alors, je pense que nous entrevoyons la possibilité, M. le ministre, que les corporations professionnelles puissent poursuivre le travail déjà amorcé. J'espère que la porte que vous avez seulement entrouverte en ce qui concerne la poursuite du rôle que nous avons déjà commencé et initié, et qui n'est pas terminé en ce qui concerne les législations auprès de l'Office des professions concernant notre assujettissement à la loi 250... Pour un, je pense que je peux me faire le porte-parole des membres que nous représentons pour vous remercier de nous avoir reçus et féliciter les gens qui ont fait en sorte que cette commission parlementaire ait lieu.

Le Président (M. Jolivet): Comme il est minuit, je dois ajourner les débats à ce matin, 10 heures, dans la même salle, ici, pour l'étude des projets de loi 117, 118 et 103.

Fin de la séance à 0 h 10

ANNEXE Projet de loi no 84

Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives

Exposé préliminaire du ministre des Affaires sociales

M. Denis Lazure

Commission parlementaire

du 11 décembre 1978

Comme je le précisais lors du dépôt en première lecture, ce projet de loi vise à élargir l'éventail des services assurés, à faciliter le fonctionnement et l'administration du régime au moyen d'un certain nombre de mesures d'ordre administratif, et enfin à promouvoir la disponibilité des médecins sur tout le territoire du Québec. Les additions et amendements proposés touchent principalement la Loi de l'assurance-maladie et la Loi de la Régie.

Loi de l'assurance-maladie

Depuis 1976, et conformément à son programme, le gouvernement du Parti Québécois a accéléré l'adoption de mesures sociales. Ainsi, en octobre 1977, la gratuité des médicaments était étendue à toutes les personnes âgées de 65 ans ou plus. Le 30 novembre suivant, était instauré le programme

d'aides pour les handicapés visuels de moins de 18 ans, programme dont bénéficient également les handicapés visuels de 18 à 35 ans depuis le 1er décembre. Le 1er janvier 1978, le programme de prothèses mammaires entrait en vigueur et les enfants de 12 à 14 ans devenaient admissibles à la gratuité des soins dentaires le 1er mai.

Le projet de loi à l'étude aujourd'hui prévoit justement une addition, ainsi qu'une modification de la couverture actuelle des services de santé.

Il s'agit en premier lieu d'autoriser la Régie de l'assurance-maladie à assumer, aux conditions prescrites, le coût d'achat, d'ajustement, de remplacement ou de réparation d'aides auditives déterminées par règlement.

La modification, elle, comporte l'élargissement du champ d'application du programme de soins dentaires en faveur des bénéficiaires de l'aide sociale. Depuis 1976, ces Québécois ont droit aux soins dentaires gratuits, dans le cadre d'un programme particulier, mis en place par le ministère et que la Régie administre pour lui. Mais, étant donné que le gouvernement précédent n'avait pas négocié les modalités de rémunération avec les représentants de l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec, ce programme s'est heurté dès le début à de nombreuses difficultés, auxquelles paliera ce projet de loi.

Par ailleurs, la majorité des articles du projet de loi ont trait à des modifications propres à améliorer le fonctionnement du régime. Nous nous efforçons de rafraîchir la Loi à la lumière des besoins de la population, des professionnels de la santé, et de la Régie.

Il importe de souligner dès maintenant que, contrairement aux allégations de certains, ce projet de loi n'a pas été élaboré en vase clos. Les membres de la Régie, la Corporation professionnelle des médecins du Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens et la Fédération des médecins spécialistes ont été consultés relativement à certaines modifications envisagées et ont pu formuler leurs observations ou suggestions. Il en a été de même du Comité ministériel du développement social. Par ailleurs, les corporations professionnelles des dentistes, optométristes et pharmaciens ont été informées des modifications touchant notamment les comités de révision, la carte d'assurance-maladie et les primes d'encouragement.

Les idées ainsi recueillies n'ont pu évidemment être toutes retenues, d'autant qu'un bon nombre étaient forcément divergentes. Le texte actuel, après quelques modifications, nous paraît néanmoins renfermer les dispositions les plus susceptibles de servir le mieux les intérêts des Québécois, en permettant à la Régie de mieux gérer le régime et d'exercer un contrôle plus serré sur l'utilisation des fonds publics.

Etant donné que ce qui nous amène ici aujourd'hui, c'est l'opposition d'un groupe de professionnels de la santé qui, à l'opposé de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, par exemple, ou de l'Association des conseils de médecins et dentistes, ont préféré le cadre d'une commission parlementaire à celui d'une rencontre avec le ministre, pour se faire entendre, je voudrais traiter de certaines dispositions du projet de loi, à la lueur des objections déjà connues depuis une semaine.

Incidemment, compte tenu des modifications que nous nous proposons d'apporter à certains articles du projet de loi, la Fédération des médecins spécialistes du Québec et l'Association des conseils de médecins dentistes se sont dites satisfaites du projet de loi modifié.

Contrôles administratifs

On l'aura compris, l'un des principaux objectifs de ce projet de loi est de resserrer les contrôles administratifs de la Régie de l'Assurance-maladie du Québec afin de mettre un terme à la hausse injustifiée, des coûts des services de santé et au gaspillage éhonté des fonds publics.

Ainsi, on évalue à $50 millions le montant que la Régie de l'Assurance-maladie du Québec verse annuellement pour des personnes inconnues, non identifiables dans son fichier des bénéficiaires du régime et dont on n'a aucune certitude qu'elles soient des contribuables québécois.

Une étude des dossiers de la Régie de l'Assurance-maladie du Québec a révélé qu'en une année les médecins avaient facturé à la Régie la somme de $208 000. pour des actes déjà facturés à la Commission des accidents du travail ou déjà couverts par elle, donc des cas de double paiement.

Il est arrivé à plusieurs reprises que des services ont été facturés à la Régie pour des personnes décédées. Il serait normal que la Régie se compense en pareil cas.

Il en est de même quand par exemple la Régie constate, après enquête, qu'elle a pavé des services supposément fournis à des personnes qui étaient dans un centre d'accueil, mais en étaient parties au moment des soins.

L'étude des dossiers de la Régie a également permis d'identifier d'autres types de fraudes pratiquées par des professionnels de la santé.

Ainsi, certains médecins réclamaient pour 200 examens réalisés en une journée, dont 1/3 d'examens complets, alors que la durée moyenne d'un examen complet est de 45 minutes selon l'entente.

Autres exemples

Une enquête menée auprès de physiatres qui affirmaient avoir effectué 125 traitements au cours

d une seule journée, a permis de déterminer que ces traitements ont été donnés en l'absence du physia-tre à l'encontre des stipulations de l'entente.

Il en va de même pour les professionnels qui réclament pour 3 ou 5 examens complets de vision, chez une même personne au cours d'une année alors que le règlement permet 1 examen par année.

Nous pourrions également fournir des exemples de pharmaciens qui n'ont pas livré les médicaments facturés à la Régie.

Mais j'arrête ici cette illustration des différentes fraudes pratiquées aux dépens des contribuables québécois pour aborder les remèdes que nous nous proposons d'adopter.

Un mot sur la carte d'Assurance-maladie: Conformément à la demande expresse du Vérificateur général du Québec telle qu'exprimée dans ses rapports sur les derniers exercices financiers, toute personne qui réside au Québec devra s'inscrire à la Régie et présenter sa carte si elle veut que les services assurés rendus soient payés par la Régie au professionnel de la santé.

Evidemment, ce règlement prévoira des exceptions, notamment: — les urgences où qu'elles se présentent; — les bébés de moins de 6 mois; — les personnes âgées retenues à la maison, dans les centres d'accueil ou les centres hospitaliers de soins prolongés; — les services rendus dans les laboratoires des centres hospitaliers; — enfin tous les cas prévus aux règlements.

En tout autre cas, le professionnel pourra se faire payer les services assurés directement par le bénéficiaire et celui-ci, s'il est inscrit, pourra se faire rembourser.

L entrée en vigueur de cette disposition sera précédée d'une campagne d'information suffisante pour que personne ne soit pris de court. Nous prévoyons un délai d'au moins six mois après l'adoption.

Le Québec est la seule province où les bénéficiaires ne sont pas tenus de présenter un document attestant qu'ils sont inscrits au régime. Il s'en suit que mensuellement plus de 220 000 demandes de paiement sont acquittées sans qu'on puisse retracer pour qui on paie ces services reçus. Comment prétendre alors pouvoir gérer les deniers publics!

Pour ces mêmes raisons, il importe que le professionnel signe lui-même son relevé d'honoraires. Le professionnel peut actuellement confier à une secrétaire, une maison de perception, etc. la tâche de signer en son nom. Comme il l'a été démontré devant les tribunaux, il est alors tout à fait impossible à la Régie de poursuivre un professionnel qui l'aurait fraudé si ce professionnel n'est pas responsable de son relevé d'honoraires.

Nous sommes conscients que cette exigence pose des problèmes particuliers à l'employeur de plusieurs pharmaciens par exemple, aussi sommes-nous à la recherche d'une solution qui permettrait d'attreindre l'objectif visé en minisant les inconvénients.

Toujours dans la même veine, la Régie sera tenue de transmettre, à tout bénéficiaire pour qui elle aura payé plus d'un service, un relevé indiquant le nom du professionnel de la santé, la date et la nature des services, le montant versé par la Régie pour chacun des services, ainsi que la somme totale payée par elle.

Il s'agit là d'une obligation qu'imposait l'ancien article, adopté en décembre 1974, et dont I entrée en vigueur n'a jamais été proclamée. Cette mesure permettra à tout citoyen qui reçoit des services de santé de prendre conscience du coût de tels services.

Avec l'autorisation du bénéficiaire ou d'un juge de la cour supérieure, ce projet de loi permet également à la Régie d'avoir accès à tout document pertinent à l'appréciation d'un relevé d'honoraires.

Il est à noter que cet article ne vaut que pour le dossier médical dans les établissements et est identique à l'article 7 de la Loi des services de santé et les services sociaux.

La Régie n'aura donc pas accès à plus de données qu'une compagnie d'assurance qui s'enquiert du dossier du malade avant de le rembourser pour les traitements reçus.

Nécessité de services de qualité

On aura aussi compris à la lecture du présent projet de loi que ce dernier vise un objectif de qualité de services. Nous désirons tout en respectant l'équilibre des droits de chacun, que la population ne soit pas pénalisée lors du refus de fournir des services par les professionnels de la santé et que les services soient rendus uniformément partout au Québec.

Il est important en effet d'adopter des mesures de nature a empêcher que les Québécois fassent les frais de la non-participation massive d'un groupe de professionnels de la santé. Les événements récents ont été assez éloquents à cet effet.

Je voudrais insister ici sur le fait que si l'article 24 de la loi présentement en vigueur et adopté en 1970 permet au gouvernement et je cite: "de prendre les mesures spéciales qu'il estime nécessaires pour faire en sorte que les services assurés dont il s'agit continuent à être rendus à des conditions uniformes", la formulation adoptée est suffisamment vague pour donner lieu à toutes sortes d'interprétations. Aussi, et tout en respectant l'esprit même de cet article, nous limitons-nous à en préciser la teneur et à nous donner des moyens d'application.

II n'y a pas de sous-citoyen au Québec et chacun a droit à des services dans sa région, services pour lesquels les citoyens paient des taxes et services rendus par des professionnels dont la formation a été défrayée en grande partie par ces citoyens. Il était donc important d'adopter des mesures susceptibles de favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de la santé car, même si la situation a beaucoup évolué au cours des dernières années, en 1980, on prévoit que 3 régions du Québec, celles de la Côte-Nord, du Nord-Ouest et le Nouveau-Québec ne compteront aucun spécialiste dans plusieurs des spécialités dites courantes. Toujours en 1980, dans ces trois mêmes régions, on trouvera un omnipraticien pour 2000 habitants alors qu'à Montréal et Québec, ce rapport sera d'un omnipraticien pour 500 habitants.

Citons aussi l'exemple de ce centre hospitalier montréalais qui emploie 40 psychiatres pour un département de 80 lits alors que dans le Nord-Ouest, on trouve 2 psychiatres pour 200 000 habitants, aucun sur la Côte-Nord et quelques-uns pour le bas du Fleuve.

Le régime de prime d'encouragement prévu dans cette loi permet au ministre de recourir à une main-d'oeuvre immédiatement disponible, afin d'assurer l'accessibilité aux services assurés dans les territoires désignés. L'efficacité vérifiée de cette mesure en Ontario incitera des professionnels à s établir en dehors des grands centres comme Québec et Montréal. Parallèlement à cette politique, nous équipons actuellement les centres hospitaliers régionaux en vue de recevoir ces spécialistes.

En terminant, je voudrais ajouter que si, comme je l'ai dit au début, ce projet de loi nous semble renfermer des dispositions susceptibles de mieux servir les intérêts des Québécois, il ne prétend pas à la perfection. Aussi, est-ce dans un esprit d'ouverture que nous avons poursuivi nos consultations, même après le dépôt en 1ère lecture et que nous le faisons encore aujourd'hui.

Ce projet de loi vise deux objectifs à savoir: 1—off rir des services de santé de qualité et uniformes dans tout le Québec. 2—permettre des moyens de contrôle nécessaire à une saine gestion des fonds publics.

Soyez assurés que, dans la mesure où les suggestions formulées aujourd'hui respecteront ces principes, elles recevront un accueil favorable. D'ailleurs, à l'issue d'une rencontre avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec, nous nous proposons déjà d'apporter certaines modifications au texte déposé.

Ainsi, nous avions prévu à l'article 15 de la loi de permettre à la Régie de procéder à une compensation ou de refuser le paiement lorsque les services qui ont déjà été payés ou dont on réclame le paiement ne sont pas des services assurés, n'ont pas été fournis ou ont été fournis non-conformément à la loi, aux règlements ou à l'entente. Cette disposition s'explique par la nécessité de donner des pouvoirs de contrôle plus efficaces à la Régie et elle nous apparaît indispensable.

Dans ces cas, cependant, selon le texte actuellement devant l'Assemblée Nationale, il appartiendrait au professionnel de la santé de démontrer que les services étaient assurés, ont été fournis ou ont été fournis conformément à la loi, aux règlements ou à l'entente. Il s'agit par cette disposition de la loi de s'assurer que celui qui réclame un paiement pour un service rendu prouve qu'il a bien rendu ce service et que celui-ci peut faire l'objet d'une rémunération selon la loi et les règlements.

Dans cette mesure et à la suite de consultations, je considère actuellement la possibilité de revoir cette question du fardeau de la preuve afin que le texte de loi prévoit que ce fardeau appartienne au professionnel dans les seuls cas où le litige porte sur la question de savoir si le service était assuré ou si le service a été fourni.

Je suis également en train d'examiner la question du fardeau de preuve de l'appelant devant la Commission des affaires sociales, lorsque la décision de la Régie sur la recommandation du comité de révision est portée en appel devant cette commission. Ainsi, en vertu d'une hypothèse, il serait possible de statuer que la Régie supportera le fardeau de preuve devant la Commission si elle décide de ne pas suivre les recommandations du comité et que le professionnel se verra chargé du fardeau de preuve lorsque la Régie suit la recommandation du comité.

Enfin, je voudrais préciser, qu'à la suite de consultations avec ceux qui ont choisi cette voie d'intervention plutôt que la conférence de presse, je considère la possibilité d'amender les articles pertinents du projet de loi afin d'indiquer clairement mon intention d'assurer que les mécanismes d'arbitrage prévus aux ententes signées avec les différents représentants seront les voies privilégiées de règlements des litiges quant au paiement réclamé pour un service fourni non-conformément à l'entente. Cependant et dans le but de ne pas laisser s'échapper celui qui demande le paiement pour des services faussement décrits, il serait possible de ne pas permettre que les contraventions à l'entente puissent faire l'objet de poursuites pénales mais que les fausses descriptions de services le puissent.

D'aucuns ont prétendu que ce projet de loi était "anti-syndical, anti-professionnel et antibénéficiaire".

Que d'accusations pour un projet de loi qui ne vise en somme qu'à s'assurer que certains professionnels ne profiteront pas indûment des deniers publics et que l'ensemble des Québécois recevra les services auquel il a droit!

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