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Etude du projet de loi no 84
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, messieurs!
La commission des affaires sociales est réunie pour
étudier le projet de loi 84 et pour entendre ses organismes
convoqués devant cette Assemblée.
Sont membres de cette commission: En remplacement de M. Goldbloom
(D'Arcy McGee) M. Forget (Saint-Laurent); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Gravel
(Limoilou), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Lavigne (Beauharnois), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Lazure (Chambly), M. Martel (Richelieu), M. Paquette
(Rosemont) remplacé par M. Alfred (Papineau), M. Samson (Rouyn-Noranda)
et M. Shaw (Pointe-Claire).
Les intervenants: M. Alfred (Papineau) remplacé par M. Paquette
(Rosemont); M. Couture (Saint-Henri), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget
(Saint-Laurent) remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lacoste
(Sainte-Anne), M. Marcoux (Rimouski), M. Marois (Laporte), M. Roy (Beauce-Sud),
M. Saindon (Argenteuil).
Je vous suggérerais un rapporteur, M. Gravel, si vous
désirez.
Cela va?
Mme Lavoie-Roux: ...
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez vous opposer,
madame.
Les organismes seront entendus dans l'ordre suivant: L'Association des
chirurgiens dentistes du Québec, l'Association professionnelle des
op-tométristes du Québec, l'Association québécoise
des pharmaciens propriétaires, la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec, la Corporation professionnelle
des médecins du Québec, l'Ordre des dentistes, l'Ordre des
optométristes et l'Ordre des pharmaciens.
Compte tenu que nous sommes réunis pour étudier un projet
de loi, nous devons donc annoncer l'article 1 comme étant appelé
et suite à l'intervention de chacun...
Mme Lavoie-Roux: Je ne pense pas que nous soyons réunis
pour étudier le projet de loi, M. le Président. Il y a une
motion...
Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi. Donc, si ce n'est
pas pour le projet de loi, on y reviendra. C'est parce que j'avais l'avis... En
conséquence, la parole est à M. le ministre.
M. Grenier: Question de règlement. Le Président
(M. Jolivet): Oui.
M. Grenier: Voyant le nombre de participants qu'il y a ici ce
matin, ne pensez-vous pas qu'il y aurait lieu de demander, par l'entremise de
nos secrétaires, qu'on nous donne une autre salle, étant
donné que... J'imagine que la salle 81 est peut-être moins
occupée ou bien le salon rouge encore.
Le Président (M. Jolivet): Nous allons faire les
démarches en conséquence pour voir quelles sont les
possibilités de transfert dans le courant de la matinée, le plus
tôt possible, bien entendu.
M. le ministre.
M. Lazure: Justement, je veux d'abord, au nom du gouvernement,
pour ainsi dire, m'excuser pour l'inconfort de cette salle. Nous n'avons
malheureusement pas d'autre salle disponible, mais nous essaierons, comme le
président vient de le dire, d'y remédier cet
après-midi.
Déclaration préliminaire du ministre M.
Denis Lazure
Alors, M. le Président, j'ai une déclaration d'ouverture
qui n'est pas tellement longue, un exposé initial et je voudrais, au
départ, dire que nous abordons cette séance qui, en principe,
peut se prolonger toute la journée, toute la soirée, nous
l'abordons dans un esprit d'ouverture.
Comme je le précisais lors du dépôt en
première lecture, ce projet de loi vise à élargir
l'éventail des services assurés, à faciliter le
fonctionnement et l'administration du régime au moyen d'un certain
nombre de mesures d'ordre administratif et enfin à promouvoir la
disponibilité des médecins sur tout le territoire du
Québec. Les additions et amendements proposés touchent
principalement la Loi de l'assurance-maladie et la loi de la régie.
Je veux souligner au départ la présence, à ma
droite, du Dr Martin Laberge, le président-directeur
général de la Régie de l'assurance-maladie la
plupart d'entre vous le connaissez bien ses collègues de la
régie et un certain nombre de collègues du ministère.
Depuis 1976, et conformément à son programme, le
gouvernement du Parti québécois a accéléré
l'adoption de mesures sociales. Ainsi, en octobre 1977, la gratuité des
médicaments était étendue à toutes les personnes
âgées de 65 ans ou plus; le 30 novembre suivant était
instauré le programme d'aide pour les handicapés visuels de moins
de 18 ans, programme dont bénéficient également les
handicapés visuels de 18 à 35 ans depuis le 1er décembre
de cette année, le 1er janvier 1978, le programme de prothèses
mammaires entrait en vigueur et les enfants de 12 à 14 ans devenaient
admissibles à la gratuité des soins dentaires le 1er mai
1978.
Le projet de loi à l'étude aujourd'hui prévoit
justement une addition ainsi qu'une modification de la couverture actuelle des
services de santé. Il s'agit en premier lieu d'autoriser la Régie
de
l'assurance-maladie à assumer, aux conditions prescrites, le
coût d'achat, d'ajustement, de remplacement ou de réparation
d'aides auditives déterminées par règlement. La
modification comporte l'élargissement du champ d'application du
programme de soins dentaires en faveur des bénéficiaires de
l'aide sociale. Depuis 1976, ces Québécois ont droit aux soins
dentaires gratuits, dans le cadre d'un programme particulier mis en place par
le ministère et que la régie administre pour lui. Mais,
étant donné que le gouvernement précédent n'avait
pas négocié les modalités de rémunération
avec les représentants de l'Association des chirurgiens dentistes du
Québec, ce programme s est heurté dès le début
à de nombreuses difficultés que palliera ce projet de loi.
Par ailleurs, la majorité des articles du projet de loi ont trait
à des modifications propres à améliorer le fonctionnement
du régime. Nous nous efforçons de rafraîchir la loi
à la lumière des besoins de la population, des professionnels de
la santé et de la régie.
Il importe de souligner dès maintenant que, contrairement aux
allégations de certains, ce projet de loi n'a pas été
élaboré en vase clos. Les membres de la régie, la
Corporation professionnelle des médecins du Québec, la
Fédération des médecins omnipraticiens et la
Fédération des médecins spécialistes ont
été consultés relativement à certaines
modifications envisagées et ont pu formuler leurs observations ou
suggestions, et ceci, depuis avril dernier, avril 1978.
Il en a été de même du comité
ministériel du développement social. Par ailleurs, les
corporations professionnelles des dentistes, optométristes et
pharmaciens, ont été informées des modifications touchant
notamment les comités de révision, la carte d'assurance-maladie
et les primes d encouragement.
Les idées ainsi recueillies n ont pu évidemment être
toutes retenues, d'autant plus qu'un bon nombre étaient forcément
divergentes. Le texte actuel, après quelques modifications, nous
paraît néanmoins renfermer les dispositions les plus susceptibles
de servir le mieux les intérêts des Québécois, en
permettant à la régie de mieux gérer le régime et
d'exercer un contrôle plus serré sur l'utilisation des fonds
publics. Etant donné que ce qui nous amène ici aujourd'hui, c'est
l'opposition d'un groupe de professionnels de la santé qui, à
l'opposé de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, par exemple, ou de l'Association des
conseils de médecins et dentistes, ont préféré le
cadre d une commission parlementaire à celui d'une rencontre avec le
ministre, pour se faire entendre, je voudrais traiter de certaines dispositions
du projet de loi, à la lueur des objections déjà connues
depuis une semaine.
Incidemment, compte tenu des modifications que nous nous proposons
d'apporter à certains articles du projet de loi, la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec et l'Association des conseils de médecins dentistes se
sont dites satisfaites du projet de loi modifié. On l'aura compris, I'un
des principaux objectifs de ce projet de loi est de resserrer les
contrôles administratifs de la Régie d'assurance-maladie du
Québec, afin de mettre un terme à la hausse injustifiée
des coûts des services de santé et au gaspillage
éhonté de fonds publics.
Ainsi, on évalue à $50 millions par année le
montant que la régie verse pour des personnes inconnues, non
identifiables dans son fichier des bénéficiaires du régime
et dont on n'a aucune certitude qu'elles soient des contribuables
québécois. Une étude des dossiers de la régie a
révélé qu'en une année, des médecins avaient
facturé à la régie la somme de $208 000 pour des actes
déjà facturés à la Commission des accidents du
travail ou déjà couverts par elle, donc des cas de double
paiement. Il est arrivé, à plusieurs reprises, que des services
ont été facturés à la régie pour des
personnes décédées. Il serait normal que la régie
se compense en pareils cas. Et il en est de même quand, par exemple, la
régie constate...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Nous sommes ici en présence d'un texte de 17 pages. Je pensais
que la commission avait été convoquée parce que des
groupes étaient intéressés à nous présenter
des mémoires. Je m'étonne qu'on soit obligés
d'écouter le mémoire du ministre. Est-ce que c'est conforme au
règlement?
M. Lazure: M. le Président, sur la question de
règlement, et pour répondre à la question, c'est
effectivement tout à fait conforme au règlement. Le
député de L Acadie sait fort bien que les commissions
parlementaires procèdent de la façon suivante; quand le ministre
pilote un projet de loi qui est discuté devant une commission
parlementaire, elle sait fort bien qu'il est de coutume que ce ministre fasse
un exposé initial. Le reste de la séance sera occupé
autant par les députés des partis d'Opposition que par les
intervenants.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que Tordre de
l'Assemblée nationale n'est pas d'entendre les gens, et non pas de faire
un débat? Le ministre est à justifier sa position. On va entrer
dans un débat plutôt que d'entendre les gens.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: A la suite de la question de règlement
soulevée par le député de L'Acadie, je pense qu'il est
dans les coutumes établies que, lorsqu'on étudie un projet de loi
article par article, au tout début, le ministre fait son exposé,
les partis d'Opposition par la suite.
Mais il n'est pas du tout dans l'habitude des commissions parlementaires
d'entendre un document de cette importance de la part du ministre, quand on est
ici pour entendre les groupes qui sont convoqués; d'autant plus que, ce
matin, on a fait limiter le débat de dix heures à midi. On
commence avec quinze minutes de retard. On a si peu de temps. Ce qui est
important pour nous, de l'Op-
position si ce n'est pas important pour le gouvernement c
est d'entendre les gens qui sont ici.
M. Lazure: M. le Président, je veux bien sauter un certain
nombre de passages du texte, mais je maintiens que c'est tout à fait
dans la coutume et je n'ai pas l'intention de sacrifier mon temps au profit des
députés de l'Opposition, comme c'est déjà
arrivé dans le passé. J'ai l'intention d'utiliser un
privilège qui est normal au ministre qui pilote un projet de loi, soit
de faire des remarques préliminaires. Et ce sont mes remarques
préliminaires.
Le Président (M. Jolivet): Vous m'avez posé une
question, Mme le député. Je ne voudrais pas qu'on engendre un
débat, parce qu'on va perdre encore plus de temps.
Quant à moi, je pense qu'il est tout à fait normal qu'il y
ait un exposé, comme à toute commission parlementaire, de la part
du ministre, de la part des deux représentants de l'Opposition et,
ensuite, on entend les mémoires. A chaque commission à laquelle
j'ai assisté, cela a été dans la coutume.
Je pense que je ne dérogerai pas à la coutume qui est
habituelle à ce niveau.
M. Lazure: M. le Président...
Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous nous dire quel article de notre
règlement prévoit qu'à une commission parlementaire
où on doit entendre les gens, il y ait cette présentation de
mémoire de la part du ministre?
Le Président (M. Jolivet): Je comprends que vous fassiez
mention d'un mémoire du ministre, mais ie crois que, selon la coutume,
parce que ce n est pas une question de point de règlement, il y a un
exposé qui est normalement bref de part et d'autre au niveau de chacun
des représentants du gouvernement et des Oppositions et, ensuite, on
entend les mémoires.
Dans ce contexte, je pense qu'on doit s'appuyer sur la coutume
habituelle.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous appelez bref, un document de 17
pages, M. le Président?
Le Président (M. Jolivet): Ce n'est pas à moi
à juger.
M. Lazure: M. le Président, je viens de dire, il y a deux
minutes, que j'allais abréger mon exposé, si le
député de L'Acadie veut bien en prendre note.
Un mot d'abord sur la carte d'assurance-maladie. Conformément
à la demande expresse du Vérificateur général du
Québec, telle qu'exprimée dans ses rapports annuels des deux
dernières années, toute personne qui réside au
Québec devra s'inscrire à la régie et présenter sa
carte, si elle veut que les services assurés rendus soient payés
par la régie aux professionnels de la santé.
Je note au passage que le Québec est la seule province où
les bénéficiaires ne sont pas tenus de présenter un
document attestant qu'ils sont inscrits au régime.
Nous sommes conscients que cette exigence va poser des problèmes
particuliers, plus spécialement aux pharmaciens. Aussi, sommes-nous
à la recherche d'une solution qui permettra d'atteindre l'objectif
visé en minimisant les inconvénients. Nous recevrons aujourd'hui,
avec beaucoup de sympathie, toute suggestion constructive à cet
égard de la part des pharmaciens.
Toujours dans la même veine, la régie sera tenue de
transmettre à tout bénéficiaire, pour qui elle aura
payé plus d'un service, un relevé indiquant le nom du
professionnel de la santé, la date, la nature des services, le montant
versé par la régie pour chacun des services ainsi que la somme
totale payée par elle.
Je passe à la page 11. Il est important, en effet, d'adopter des
mesures de nature à empêcher que les Québécois
fassent les frais de la non-participation massive d'un groupe de professionnels
de la santé. Les événements récents ont
été assez éloquents à cet égard. Je voudrais
insister sur le fait que si l'article 24 de la loi présentement en
vigueur et adoptée en 1970 permet au gouvernement "de prendre les
mesures spéciales qu'il estime nécessaires pour faire en sorte
que les services assurés dont il s'agit continueront à être
rendus à des conditions uniformes", la formulation adoptée est
suffisamment vague pour donner lieu à toutes sortes
d'interprétations. Aussi, tout en respectant l'esprit même de cet
article, nous limitons-nous à en préciser la teneur et à
nous donner des moyens d'intervention ou d'application.
Il n'y a pas de sous-citoyen au Québec. Chacun a droit, dans sa
région, à des services services pour lesquels les citoyens
paient des taxes rendus par des professionnels dont la formation a
été défrayée en grande partie par l'ensemble des
citoyens.
Il était donc important d'adopter des mesures susceptibles de
favoriser une meilleure répartition géographique des
professionnels de la santé, car même si la situation a beaucoup
évolué pour le mieux au cours des dernières années,
on prévoit, en 1980, que trois régions du Québec, la
Côte-Nord, le Nord-Ouest et le Nouveau-Québec, ne compteront aucun
spécialiste dans plusieurs des spécialités dites
courantes. Je donne quelques exemples de mauvaise répartition.
En terminant, je voudrais ajouter que si ce projet de loi nous semble
renfermer des dispositions susceptibles de mieux servir les
intérêts des Québécois, il ne prétend pas
à la perfection. Aussi est-ce dans un esprit d'ouverture que nous avons
poursuivi nos consultations, même après le dépôt en
première lecture et comme nous le faisons encore aujourd'hui. Ce projet
de loi vise deux objectifs, à savoir offrir des services de santé
de qualité et mieux répartis dans tout le Québec;
deuxièmement, permettre des moyens de contrôle nécessaire
à une saine gestion des fonds publics. Soyez assurés que dans la
mesure où les sugges-
tions formulées aujourd'hui respecteront ces principes, elles
recevront un accueil favorable.
Ainsi, nous avions prévu, à l'article 15 de la loi, comme
exemple de modification que nous envisageons, de permettre à la
régie de procéder à une compensation ou de refuser le
paiement lorsque les services qui ont déjà été
payés ou dont on réclame le paiement ne sont pas des services
assurés, n'ont pas été fournis ou n'ont pas
été fournis conformément à la loi, aux
règlements ou à l'entente. Cette disposition s'explique par la
nécessité de donner des pouvoirs de contrôle plus
efficaces.
Dans ces cas, cependant, il appartiendrait au professionnel de la
santé de démontrer que les services étaient
assurés, ont été fournis conformément à la
loi, aux règlements ou à l'entente. Il s'agit, par cette
disposition de la loi, de s'assurer que celui qui réclame un paiement
pour un service rendu prouve qu'il a bien rendu ce service et que celui-ci peut
faire l'objet d'une rémunération.
Dans cette mesure et à la suite de consultations, je
considère actuellement la possibilité de revoir cette question du
fardeau de la preuve afin que le texte de loi prévoie que ce fardeau
appartienne au professionnel dans les seuls cas où le litige porte sur
la question de savoir si le service était assuré ou si le service
a été fourni. Je donne encore une couple d'exemples des
modifications que nous envisageons.
Si la commission veut bien que le texte soit annexé au
procès-verbal de cette commission, je m'en tiendrai à ces
quelques remarques préliminaires.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie. Avant, est-ce que vous acceptez que ce texte soit mis en appendice au
procès-verbal de la réunion?
Mme Lavoie-Roux: II va être reproduit au journal des
Débats.
Le Président (M. Jolivet): Au journal des Débats.
Compte tenu qu'il n'a pas été lu au complet, qu'il soit
annexé au complet, (voir annexe A)
Remarques de l'Opposition Mme Thérèse
Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas d'objection, M. le Président,
j'allais même le proposer. (10 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il faut se réjouir du fait
que le ministre se soit finalement rendu à la demande des groupes qui
voulaient se faire entendre à cette commission parlementaire. Le
ministre avait déjà répondu par la négative dans un
télégramme à ces différents groupes, leur disant
qu'ils ne seraient pas entendus à la commission parlementaire; je crois
que ceci est le résultat de la persévérance que ces
personnes ont démontrée. Je pense aussi que c'est, sans aucun
doute, dû aux efforts de l'Opposition qui a essayé de
démontrer, lors du débat en deuxième lecture sur la loi
101, que lorsqu'on fait des modifications à des lois qui touchent
l'ensemble des citoyens, il est normal que les gens soient entendus en
commission parlementaire, surtout quand on le demande avec beaucoup
d'insistance.
Je me permets de noter entre autres l'attitude de suffisance du ministre
qui, en page 3 et il le répète en page 16 nous dit
qu'il a consulté; c'est bien clair qu'il a consulté certains
groupes, pour les autres, il les a informés. On sait ce que cela
représente d'informer. On ne peut pas parler de consultation à ce
moment-là. Où je trouve cet élément de suffisance
très marqué, c'est lorsque le ministre dit: Certains ont
préféré à une rencontre avec le ministre de
recourir soit à une conférence de presse ou de demander à
être entendus publiquement. Je pense, M. le Président, que c'est
la façon normale de procéder et que, dans des situations qui
touchent l'ensemble des citoyens, ce n'est pas par "lobbying" que l'on doit
procéder. C est ce que je pense sincèrement et je trouve le
ministre très suffisant de mentionner à deux reprises qu'on a
refusé la rencontre informelle avec le ministre et qu'on lui a
préféré de se faire entendre en public.
Il y a plusieurs points que le ministre soulève dans son
mémoire, ou sa présentation, comme il le dit. On parle de fraude,
du coût des pertes de la Régie de l'Assurance-maladie. Ceci reste
à être démontré et nul doute que le ministre le fera
d'une façon beaucoup plus précise qu'il ne le fait dans cette
présentation. A ce moment-ci, je pense qu'il est inutile de prendre plus
de temps. Je veux simplement souhaiter la bienvenue aux groupes qui sont ici
devant nous pour se faire entendre.
Nous allons accorder toute l'attention, du côté de
l'Opposition officielle, aux représentations qu'ils ont à faire
et je souhaite avec eux que le ministre, dans la discussion ultérieure
de ce projet de loi article par article, saura tenir compte des
représentations justifiées qu'ils pourront nous faire. Merci. M.
le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Fernand Grenier
M. Grenier: Je voudrais, bien sûr, ne pas utiliser trop de
temps puisque les personnes qui sont ici devant nous ont des choses à
nous dire, mais, comme le ministre a établi qu'il était conforme
au règlement de dire un mot de bienvenue au début, je veux aussi
me conformer à ce qui a été établi depuis
déjà assez longtemps.
C'est à la suite, comme l'a si bien dit le député
de L'Acadie, des demandes répétées de l'Opposition que le
ministre a fini par céder aux demandes faites et, voyant que, dans ce
projet de loi, il y avait tellement de choses qui allaient à l'encontre
même de normes depuis longtemps établies, il a
décidé de rencontrer ces groupes. Quand le ministre nous dit,
à la page 14 de son projet de loi, que ce
projet vise deux objectifs bien précis, à savoir offrir
des services de santé de qualité uniforme dans tout le
Québec et permettre des moyens de contrôle nécessaires
à une saine gestion de fonds public, je reconnais là le
gouvernement; il veut uniformiser des services dans tout le Québec, ce
que les Québécois ne veulent pas. Les Québécois ne
veulent pas avoir les mêmes services ou la même sorte de services
dans toutes et chacune des régions du Québec et c'est cela qu'on
va entendre ce matin par les mémoires qui nous seront
présentés.
Deuxièmement, je reconnais également le gouvernement dans
sa deuxième partie: permettre des moyens de contrôle. S'il y a
quelqu'un qui est au courant que le gouvernement veut contrôler quelque
chose, ce sont bien les partis de l'Opposition. Depuis que ce gouvernement est
en place, on ne cesse, à chaque projet de loi, d'exercer des
contrôles et il faut avoir vécu la semaine dernière, alors
que les projets de loi se bousculent les uns après les autres, pour se
rendre compte jusqu'à quel point le gouvernement a gardé ses
projets de loi pour la toute fin de la session, avant les Fêtes, pour
nous présenter cette sorte de loi bien propre à ce gouvernement,
le projet de loi 84.
C'est cette forme de contrôle qu'on va maintenant donner, offrir,
qu'on va imposer à chacun des Québécois. J'ose
espérer que le ministre est suffisamment ouvert ce matin pour
écouter les gens qui sont ici, qui ont des choses à dire. On les
a rencontrés. Le ministre avait 17 pages d'un mémoire à
nous raconter ce matin. J'espère qu'on prendra le temps qu'il faut pour
entendre ces personnes. Si une journée n'est pas suffisante,
j'espère qu'on saura prendre le temps qu'il faut pour les entendre tous
et chacun et qu'on leur donnera tout le temps qu'ils méritent à
cause du travail qu'ils ont fait.
Comme représentant de l'Union Nationale, je serai ici, bien
sûr, tout oreilles pour écouter ces gens et je suis assuré
que le ministre en fera autant.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Lazure: Très brièvement. Je pense que le
député de Mégantic-Compton s'accroche à un terme.
D'ailleurs, je n'ai pas utilisé le terme "uniforme". Il faut entendre le
terme "uniforme" qui est dans le texte écrit comme voulant parler d'une
distribution mieux répartie des effectifs médicaux dans tout le
Québec.
Si on veut s'en tenir au terme "uniforme", je ferais remarquer au
député que, justement, la gratuité des soins hospitaliers
ou des soins médicaux a un caractère uniforme au départ.
Je pense qu'il ne faut pas avoir peur des termes. Il y a un minimum de soins
qui doit être uniforme pour l'ensemble des Québécois.
Dernière remarque, M. le Président. Il y a mille chemins
pour aller à Rome. Nous avons dit, au début, la semaine
dernière, que ce projet de loi n'avait pas été
élaboré en vase clos. Je le répète aujourd'hui. Il
y a eu de multiples consultations depuis avril dernier.
La distinction entre consultation et information, pour l'information du
député de L'Acadie, a l'explication suivante: II y a des groupes
évidemment, les associations comme l'Association des chirurgiens
dentistes et les fédérations et les autres associations qui
représentent les professionnels qui sont liés à des
ententes avec la régie et le ministère. Ces associations à
notre point de vue je pense que personne ne conteste cela ont
droit à une consultation beaucoup plus intense, beaucoup plus
privilégiée que les ordres professionnels en cause. Les ordres
professionnels ne sont pas directement en cause dans la Loi de la régie
de l'assurance-maladie et c'est dans ce sens-là que nous faisions une
distinction. Il ne s'agit pas de minimiser ou de mépriser qui que ce
soit dans l'ensemble des gouvernements.
Je disais, M. le Président, qu'il y a plusieurs façons de
se rendre à Rome; il y a plusieurs façons de prendre en
considération des modifications. C'est une chose que nous faisons
constamment, au moment de la discussion article par article d'un projet de loi,
qui reste à venir dans le cas du projet de loi 84, nous apportons
presque toujours des modifications suite à des suggestions de
l'Opposition, suite à des suggestions venant de groupements. Alors, que
ces suggestions soient faites à l'occasion d'une mini-commission
parlementaire comme celle d'ajourd'hui ou par des rencontres comme on a
déjà eues depuis plusieurs semaines, pour nous, l'essentiel,
c'est de garder une certaine souplesse, et nous entendons le faire.
Présentation de mémoires
Mémoire conjoint de quatre associations
professionnelles de la santé
Le Président (M. Jolivet): Donc, comme il est convenu
maintenant, à partir de tout de suite, pour éviter qu'on engage
un débat entre nous, ce qu'on aura l'occasion de faire après
chacun des rapports présentés, je demanderais à M. Claude
Chicoine, de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec, de
présenter les gens qui sont avec lui et de lire son rapport.
M. Hamel (Gérard): M. le Président. Le
Président (M. Jolivet): Oui.
M. Hamel: Je suis Gérard Hamel, président de la
Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.
Les quatre associations concernées ont l'intention de présenter
un mémoire conjoint, unique et de faire des représentations
conjointes.
Alors, vous me permettez d'identifier les autres représentants
ici à cette table. A ma droite, MM. Jean-Marie Rodrigue,
président de l'Association professionnelle des optométristes du
Québec; Yvan Brodeur, conseiller juridique et Claude Chi-
coine, président de l'Association des chirurgiens dentistes du
Québec. A ma gauche, MM. Raymond Lachapelle, conseiller juridique;
Jean-Claude Marquis, président de l'Association québécoise
des pharmaciens propriétaires; Louis-Claude Trudel, conseiller juridique
et André Tremblay, conseiller juridique.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. Hamel. Je
dois comprendre que vous présentez le rapport au nom de l'Association
des chirurgiens dentistes du Québec, de l'Association professionnelle
des optométriste du Québec, de I'Association
québécoise des pharmaciens propriétaires et de la
Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec.
M. Hamel: Vous avez bien compris, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement
vérifier un point sur lequel vous serez d'accord. On nous a donné
une liste d'associations et on a l'impression que ces gens-là devaient
présenter des rapports individuellement. Or, à ce moment-ci, ils
présentent un rapport conjoint. Normalement, on alloue 20 minutes pour
la présentation. Est-ce que, ce matin, compte tenu qu'ils se sont
regroupés, on pourrait convenir que plus de temps leur soit
accordé pour la présentation de leur mémoire?
M. Lazure: M. le Président, sur la question
soulevée par le député de l'Acadie, je n'ai aucune
espèce d'objection à ce qu'on étende cette période
de temps.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, parfait.
Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'était ce
que je voulais dire. Il n'y a pas de difficulté à le faire de la
sorte. M. Hamel.
M. Hamel: M. le Président. M. le ministre, madame, MM. les
membres de la commission, le 29 novembre, quatre associations professionnelles,
la Fédération des médecins omnipraticiens du
Québec. l'Association des chirurgiens dentistes du Québec,
l'Association des optométristes du Québec, et l'Association
québécoise des pharmaciens propriétaires, ont
demandé au ministre des Affaires sociales, M. Denis Lazure, d'être
entendues en commission parlementaire pour protester contre certaines anomalies
du projet de loi 84, projet de loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie du
Québec et déposé en première lecture.
Pourquoi? Parce que le projet de loi 84 modifie à tel point la
Loi de l'assurance-maladie du Québec qu'elle devient inacceptable, tant
pour les associations professionnelles que pour les professionnels de la
santé et les bénéficiaires du régime
d'assurance-maladie du Québec.
Le sort des associations de professionnels de la santé, le projet
de loi 84 affecte les associations de professionnels de la santé dans
leur mandat de représentation collective de leurs membres; il les
affecte également par ses dispositions ayant trait à la
composition de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.
Le mandat de représentation. Depuis son entrée en vigueur,
le 17 juillet 1970, la Loi de I'assurance-maladie prévoit que les
rapports collectifs entre le ministre des Affaires sociales et les
professionnels de la santé sont déterminés par entente
négociée. En effet, l'article 15 de la loi prévoit que:
"Le ministre des Affaires sociales peut, avec l'approbation du
lieutenant-gouverneur en conseil, conclure avec les organismes
représentatifs de toute catégorie de professionnels de la
santé toute entente aux fins de l'application de la présente
loi.
Une telle entente peut, pour assurer une répartition
adéquate des professionnels de la santé sur le territoire du
Québec, établir une procédure ayant pour effet de
déterminer le nombre de professionnels admissibles à participer
au régime d assurance-maladie ou au régime
d'assurance-hospitalisation dans un même territoire ou
établissement, en tenant compte de la catégorie ou
spécialité à laquelle ils appartiennent.
Toute entente ou partie d'entente peut, s'il y est pourvu
expressément, lier tout établissement. Toutefois, le ministre
doit consulter les établissements ou groupes d'établissements
susceptibles d'être liés par une entente ou partie d'entente et
ceux-ci peuvent transmettre au ministre des recommandations quant aux
modalités de leur participation à la conclusion de cette entente
ou partie d'entente ".
La loi permet donc que, par de libres négociations, les parties
circonscrivent les objets de négociation et établissent les
mécanismes d'interprétation et d'application de l'entente. La loi
permet également le recours à la libre contestation comme moyen
ultime de solution des différends lors du renouvellement de
l'entente.
Le projet de loi 84 a pour effet, de façon
générale, de rétrécir considérablement le
champ de la négociation, d'empiéter sur la juridiction des
conseils d'arbitrage prévus aux ententes et de modifier fondamentalement
les moyens de contestation.
Le champ de la négociation. Le projet de loi ampute le champ de
la négociation sous plusieurs aspects. Mentionnons quelques exemples.
L'addition, par l'article 48 du projet de loi 84, des articles 63 à 68,
à la Loi de l'assurance-maladie, a pour effet d'introduire des primes
d'encouragement aux professionnels dans le but de garantir aux
bénéficiaires les services assurés dans un territoire
reconnu par le ministre comme étant insuffisamment desservi.
L'application de ces dispositions rendrait à toutes fins
pratiques inutiles les dispositions déjà prévues aux
ententes relatives à la répartition géographique des
professionnels. (10 h 45)
Ainsi, l'entente applicable aux médecins omnipraticiens
prévoit l'utilisation de moyens incitatifs pour encourager les
professionnels de la santé à favoriser certains territoires ou
établissements éloignés.
L'octroi et la distribution de primes d'encouragement aux professionnels
de la santé, par voie législative et aux conditions fixées
par la loi, prive l'entente de son élément moteur,
c'est-à-dire de l'incitation appropriée pour assurer la
répartition des effectifs professionnels.
Le champ de la négociation est également amputé par
le sixième alinéa de l'article 18 de la Loi de
l'assurance-maladie, proposé par l'article 14 du projet de loi 84. Cette
disposition prévoit qu'un professionnel de la santé ne peut
exiger ou recevoir un paiement quelconque d'un bénéficiaire pour
un service rendu en rapport avec la dispensation d'un service assuré,
sauf dans les cas prévus par règlement.
Cet amendement est, à notre avis, inacceptable. D'abord, les
ententes négociées avec les professionnels de la santé
apportent déjà une solution pleinement satisfaisante au chapitre
de la dispensation d'un service non assuré en rapport avec un service
assuré, c'est-à-dire aux frais qui s'ajoutent aux soins
assurés lorsque le professionnel de la santé rend un service
supplémentaire non couvert par le régime.
Citons à titre d'exemple les dispositions prévues dans
l'entente régissant les médecins omnipraticiens relatives aux
frais accessoires, telles les injectables, et aux honoraires pour
l'émission de certificats qui sont à la charge du patient. Ici,
je me permets une autre parenthèse. Cette question est prioritaire. Le
fardeau constitué par les procédures administratives et la
paperasse, en général, est de plus en plus lourd à
supporter par le professionnel de la santé. On ne peut abandonner
à la réglementation cet objet traditionnel de négociation.
Ce n'est pas dans le texte, ce que je viens de citer.
Ma parenthèse se poursuit. La semaine dernière, les
médecins omnipraticiens recevaient un message dont j'extrais le
paragraphe suivant: "La commission a modifié les formulaires-rapports du
médecin. Désormais, en plus du numéro d'assurance sociale,
le rapport du médecin doit obligatoirement porter les mentions
suivantes: le numéro d'assurance-maladie, le code du diagnostic selon la
classification internationale des maladies adaptées, CIMA, et le code de
l'acte médical détaillé dans le manuel des médecins
omnipraticiens distribué par la régie."
Or, le code des diagnostics selon la classification internationale des
maladies, la dernière édition est en anglais seulement, aucun
médecin omnipraticien n'en porte une copie. On n'a été
consulté d'aucune façon.
M. Lazure: Est-ce que le président me permettrait une
question d'information?
M. Hamel: Oui.
M. Lazure: Quand il parle d'une commission, à quelle
commission fait-il allusion?
M. Hamel: A la Commission des accidents du travail. Cependant, je
fais le lien avec le projet de loi 84 immédiatement.
Pendant que ce fardeau s'appesantit de jour en jour pour les
professionnels, le ministre prend bien soin de protéger ses
établissements contre les excès bureaucratiques dans le domaine
des documents. Une directive aux établissements, signée par un
sous-ministre, fixe un tarif minimum de $5 pour tout renseignement simple, de
$15 pour un résumé de dossier, de $20 pour une copie
complète d'un dossier et de $0.50 par page de photocopie transmise. Ce
sont les coûts estimés par le ministre, que doivent
récupérer les établissements quand on fait ces demandes de
paperasse aux établissements. Mais on veut nous imposer par
prescription, par réglementation, aux médecins...
M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs, je dois
vous lire ici une résolution adoptée par les membres du Conseil
de la fédération des médecins omnipraticiens du
Québec, à la réunion tenue le samedi 9 décembre
1978, il y a deux jours, résolution endossée hier soir,
politiquement, par les trois présidents siégeant à mes
côtés.
Je vous demanderais de faire circuler cette résolution à
tous les membres de la commission. "Considérant que la Commission des
accidents du travail a fait parvenir récemment aux médecins
omnipraticiens une directive qui implique la fourniture de nombreux
renseignements relatifs à la prestation de services professionnels,
renseignements dont l'utilité pour la Commission des accidents du
travail nous semble sans commune mesure avec les tracasseries administratives
engendrées par cette directive. "Considérant que de telles
demandes de renseignements sont de plus en plus acheminées aux
professionnels de la santé par des régies ou organismes
gouvernementaux; "Considérant que le projet de loi 84 permet à la
régie d'accroître ses exigences à cet égard, vu les
pouvoirs de réglementation qui lui sont accordés à
l'article 46 de ladite loi, lequel modifie l'article 57 de la Loi de
l'assurance-maladie;
II est proposé par le Dr Daniel Drolet, appuyé par le Dr
André Czitrom, que des représentations appropriées soient
acheminées auprès des autorités gouvernementales, de
même qu'à la commission parlementaire des affaires sociales qui
entend les représentations des groupes intéressés au
projet de loi 84; que, si les dites représentations n'apportent pas une
solution concluante à ce problème, la Fédération
des médecins omnipraticiens, si possible de concert avec les autres
organismes représentant les professionnels de la santé,
entreprenne une campagne d'information auprès de ses patients, notamment
pour les sensibiliser aux accrocs à la confidentialité que
sous-tendent souvent de telles pratiques administratives. "
Je pourrais, madame, messieurs les membres de la commission, vous
distribuer ici des milliers de formulaires avec lesquels je pourrais tapisser
les murs de cette salle, formulaires que doivent remplir les médecins.
Nous croyons que le droit de prescrire aux professionnels de la santé,
par règlement, des formulaires additionnels est tout à fait
inacceptable et que cela doit faire partie de la négociation.
Je reviens au texte, au mémoire. Par ailleurs, l'amendement
proposé à l'article 18, sixième alinéa, est une
source grave d'injustice dans le cas où un professionnel de la
santé est engagé dans un régime partiel. Le professionnel
de la santé est alors empêché, par cet article, de
réclamer des frais ou honoraires de son patient pour des services non
assurés fournis en rapport avec la dispensation des services
assurés.
Citons, à titre d'exemple, le cas d'un dentiste qui devrait avoir
recours à l'analgésie relative, traitement non assuré,
pour faciliter la dispensation d'un traitement assuré.
L'analgésie relative n'étant pas assurée et étant
un traitement dispensé en rapport avec un traitement assuré, le
dentiste ne pourrait alors réclamer les honoraires pour la dispensation
de ce service.
Les modifications de l'article 57 de la Loi de l'assurance-maladie
prévoient que la régie peut déterminer par
règlement encore par règlement la teneur, le mode
ordinaire et le mode additionnel des relevés d'honoraires, les
renseignements qu'ils doivent fournir à la régie et la nature des
documents que les professionnels de la santé doivent tenir à la
disposition de la régie.
Ces questions font présentement partie des objets de
négociation entre le ministre des Affaires sociales et les associations
de professionnels de la santé. L'amendement voudrait qu'elles deviennent
l'objet de réglementation. Cette approche autocratique empêche la
recherche de solutions concrètes et efficaces par la voie de la libre
négociation.
J'ai une autre addition à faire ici qui n'est pas dans votre
texte. Si vous vous interrogez sur la pertinence, à l'article 57b,
à gauche, des termes "les renseignements que peut prescrire la
régie par règlement", je dois vous informer qu'au cours de
l'année, la régie à amorcé un sondage auprès
des médecins omnipraticiens de la ville de Québec en vertu duquel
on demandait aux médecins dans quelle proportion, entre autres, ou dans
quel pourcentage les patients consultaient le médecin sans
justification.
L'évaluation de la nécessité médicale
s'effectue non seulement en rapport avec le professionnel, mais aussi en
rapport avec le malade. Cette information sera d'autant plus pertinente quand
on discutera un peu plus tard du contrôle ou de la juridiction du
contrôle de la nécessité médicale.
La juridiction des conseils d'arbitrage. L'article 18, troisième
alinéa, de la Loi de l'assurance-maladie, édicte qu'un
professionnel de la santé ne peut être
rémunéré pour des services assurés qu'il a fournis
conformément à la loi ou aux règlements.
Le projet de loi 84 vise à amender cette disposition en
édictant qu'un professionnel de la santé ne peut exiger, ni
recevoir paiement de la régie pour un service assuré, qu'il n'a
pas fourni ou qu'il a fourni non conformément à la loi, aux
règlements ou à l'entente.
Enfin, le dernier alinéa de l'article 18 prévoit que
quiconque contrevient à cette obligation commet une infraction
pénale et est passible d'une amende sur poursuite sommaire devant un
tribunal de juridiction pénale.
Vu l'amendement proposé, un professionnel de la santé
commettrait donc une infraction relevant de la compétence des tribunaux
de juridiction pénale en ne fournissant pas un service assuré
conformément à l'entente. Il est essentiel que
l'interprétation et l'application de l'entente négociée
continuent de relever de la juridiction exclusive du tribunal d'arbitrage de
l'entente négociée. D'ailleurs, à notre connaissance, le
législateur québécois n'a jamais dérogé
à ce principe. Ainsi, une plainte pénale peut être
portée pour le non-respect du Code du travail, mais en aucune
façon pour le non-respect d'une convention collective, les
problèmes d'interprétation et d'application d'une convention
collective relevant de la juridiction exclusive du tribunal d'arbitrage.
L'amendement proposé nous apparaît une dérogation
aux principes de droit qui ont toujours été appliqués par
le législateur québécois. Cet amendement modifierait
fondamentalement la nature contractuelle de l'entente négociée
comme un corps de police applique la loi. Nous prétendons que cette
modification ne saurait être retenue.
Les moyens de contestation: II est évident que l'encadrement des
moyens de pression que peuvent utiliser les syndicats des secteurs publics ou
parapublics constitue une tâche difficile. La solution consiste
essentiellement à conserver les syndicats, de contester les propositions
gouvernementales dans un contexte de libre négociation. Cet
équilibre est d'autant plus délicat que la pression syndicale ne
peut s'exercer ultimement qu'à l'endroit du public pour qu'elle se
transforme en force socio-politique.
Dans le cas des professionnels de la santé, le législateur
québécois s'est penché sur ce problème lors de
l'adoption de la Loi de l'assurance-maladie en 1970. Les solutions alors
retenues nous apparaissent sages, en ce qu'elles permettent aux professionnels
de la santé, d'emprunter des voies de contestation beaucoup plus
civilisées que le retrait pur et simple de services.
En effet, la loi actuelle prévoit d'abord que des professionnels
de la santé peuvent se désengager du régime et leur permet
d'emprunter cette voie, lorsque les propositions gouvernementales leur semblent
inacceptables. Dans ce cas, le patient paie immédiatement le
professionnel de la santé et achemine, par la suite, une
réclamation à la régie qui le rembourse. De plus, la loi
prévoit qu'un professionnel de la santé peut choisir de ne pas
participer au régime et lui permet d'emprunter cette voie pour
sensibiliser la population aux diffi-
cultés auxquelles font face ses représentants à la
table de négociation. Le patient paie alors le professionnel de la
santé et ne peut être remboursé par la régie.
Certains groupes de professionnels de la santé ont dû, dans le
cours de l'histoire du régime, se prévaloir de ces moyens de
contestation. Ils ont alors préféré sacrifier
l'efficacité de leur pression en se limitant à une
opération mitigée. Ils ont toujours fourni à la population
les soins qu'elle requérait.
Or, le projet de loi, par les modifications qu'il apporte à
l'article 24, aux articles 24a à 24d et à l'article 25 de la Loi
de l'assurance-maladie, vient bloquer la seule avenue de contestation
partiellement efficace, mais digne et civilisée, que les professionnels
de la santé s'étaient jusqu'ici astreints à emprunter.
En effet, aux termes de ces amendements, le lieutenant-gouverneur en
conseil pourrait mettre fin à un mouvement concerté de
non-participation en décrétant, à toutes fins pratiques,
que les professionnels de la santé non participants deviennent des
professionnels désengagés. Or, aux termes de ces mêmes
amendements, le professionnel de la santé désengagé ne
peut réclamer paiement du bénéficiaire avant que celui-ci
n'ait été remboursé par la régie. (11 heures)
Le projet de loi cherche ou bien à atténuer jusqu'à
leur portion infinitésimale les effets de nuisance que comporte encore
la contestation des professionnels de la santé, ou bien à acculer
ces derniers à l'unique possibilité du retrait service.
L'intervention du projet de loi est, eu égard à l'action
passée et présente des professionnels de la santé,
nettement injustifiée. Elle est de plus imprudente parce qu'elle cherche
à contenir en vase clos la dynamique de la contestation.
Il est illusoire, sinon trompeur, de prôner la voie de la libre
négociation et cela est important et du même
souffle, de tenter de fermer la porte à toute forme de contestation
efficace. Pourtant, ce sont bien ces deux objectifs contradictoires que
recherche le projet de loi 84.
La composition de la régie.
La Loi actuelle de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec retient, dans son article 7, que cinq professionnels de la
santé sont nommés à la régie, dont deux
après consultation des organismes les plus représentatifs des
professions de la santé autres que la profession médicale, et
trois sur la recommandation des associations représentant les
médecins, comme suit: un sur la recommandation de l'association
représentant les médecins spécialistes du Québec,
un autre sur la recommandation de l'association représentant les
médecins omnipraticiens du Québec et le troisième sur la
recommandation conjointe de ces deux dernières associations.
Depuis l'adoption de la loi actuelle, cinq organismes
représentatifs des professionnels de la santé ont conclu des
ententes avec le ministre des Affaires sociales aux fins de l'application de la
Loi de l'assurance-maladie. Ces organismes ont été reconnus et
désignés par le ministre comme jouis- sant d'un caractère
représentatif à l'endroit de chacune des catégories de
professionnels: les médecins spécialistes, les médecins
omnipraticiens, les dentistes, les optométristes et les pharmaciens. Ces
mêmes organismes s'apprêtent à renouveler leurs ententes
respectives avec le ministre.
Dans ces circonstances, il devient oiseux et inutile de rechercher,
au-delà des organismes désignés, les organismes les plus
représentatifs du monde de la santé, comme le suggère le
projet de loi, lesquels ne seraient pas les organismes déjà
reconnus et qui représentent les seules catégories de
professionnels en cause.
Par ailleurs, il est inconcevable que le projet de loi confie à
quelques organismes les plus représentatifs du monde de la santé,
le soin de suggérer la candidature des professionnels de toutes les
catégories alors que, par définition, de tels organismes ne
peuvent représenter que les professionnels de certaines
catégories, et non pas les autres. Ces organismes agiraient au nom et
pour d'autres organismes, ce qui serait à l'opposé d'une
représentation véritable.
En réalité, aucun organisme ne peut être plus ou
moins représentatif. Il est représentatif ou il ne l'est pas
d'une catégorie donnée de professionnels de la santé. Il
s'ensuit que le principe de la représentation exige que seul l'organisme
qui représente effectivement une catégorie de professionnels soit
représentatif des professionnels de cette catégorie.
M. Chicoine: Recommandations: II est recommandé de
retrancher les articles 63 à 68 proposés par l'article 48 du
projet de loi 84, le sixième alinéa de l'article 18
proposé par l'article 14 du projet de loi 84, le paragraphe b) de
l'article 57 proposé par l'article 46 du projet de loi 84.
Il est recommandé de retrancher les mots "ou à l'entente"
apparaissant au quatrième alinéa de l'article 18 de la Loi de
l'assurance-maladie proposé par l'article 14 du projet de loi 84.
Il est recommandé de conserver le statu quo établi par la
loi actuelle eu égard aux articles 24, 24a à 24d et 25 de la Loi
de l'assurance-maladie de façon à permettre aux groupes de
professionnels de la santé de se prévaloir d'une libre
contestation dans l'esprit d'une libre négociation.
Il est recommandé de modifier l'article 7 de la Loi de la
Régie de l'assurance-maladie comme suit:
Le président est nommé pour un mandat n'excédant
pas dix ans et les autres membres pour un mandat n'excédant pas trois
ans.
Deux de ses membres sont nommés après consultation des
organismes les plus représentatifs du monde des affaires, deux
après consultation des organismes les plus représentatifs du
monde du travail, un après consultation des organismes les plus
représentatifs des consommateurs.
Cinq autres de ces membres qui doivent être des professionnels de
la santé autorisés en vertu de la loi à exercer leur
profession au Québec: donc un médecin omnipraticien, un
médecin spé-
cialiste. un dentiste, un optométriste et un pharmacien, sont
nommés sur la recommandation des organismes qui les représentent
aux fins de l'application de la Loi de l'assurance-maladie.
M. Hamel: Ce qui élimine toutes les ambiguïtés
et les équivoques contenues actuellement dans le projet de loi 84.
Le sort du professionnel de la santé. Nous voudrions vous
décrire maintenant le sort qui serait réservé aux
professionnels de la santé par certaines des modifications
proposées dans ce projet de loi.
Nous en traiterons sous trois aspects principaux: les tracasseries
administratives; les pouvoirs exorbitants de la Régie et le
comité de révision.
Le professionnel de la santé est le dispensateur par excellence
des services assurés. Il est l'agent actif du régime
d'assurance-maladie. Il est étonnant que le projet de loi s'acharne
à entraver sa liberté, à nuire au climat de confiance
nécessaire à son action et à lui imposer,
généralement, des contraintes excessives.
Un nouveau concept, le bénéficiaire. Le projet de loi
obligerait toute personne qui réside au Québec à
s'inscrire à la régie si elle veut bénéficier du
régime d'assurance-maladie. C'est bien ce qu'on doit comprendre du
nouvel article 8 proposé par l'article 6 du projet. Voilà donc
qu'apparaît un nouveau concept, celui du bénéficiaire,
c'est-à-dire, comme le dit le nouveau paragraphe d) de l'article 1 de la
loi, la personne qui réside au Québec et qui est dûment
inscrite à la régie.
Partant, un professionnel de la santé n'aurait droit d'être
rémunéré par la régie pour un service assuré
seulement s'il l'a rendu à un bénéficiaire qui lui a
présenté sa carte ou, si le bénéficiaire ne peut
lui présenter sa carte, il serait rémunéré
directement par ce dernier, mais au tarif prévu à l'entente.
Nous sommes donc en présence d'une situation totalement
différente de celle fixée par la loi actuelle. Dans le
régime actuel, toute personne qui réside au Québec a droit
au bénéfice de la Loi de l'assurance-maladie, sans avoir à
être inscrite à la régie, ce qui ne serait plus le cas
à l'avenir.
L'obligation de porter et de présenter sa carte. Il
résulte de cette situation nouvelle que le bénéficiaire
devra, s'il ne veut pas avoir à débourser lui-même le
coût des services assurés, porter et présenter sa carte de
la régie. Au surplus, il faut souligner que le nouvel article 8a
proposé par l'article 6 du projet interdit au bénéficiaire
de confier sa carte à un tiers sous peine de sanction pénale.
Ainsi, le projet de loi amène le professionnel de la santé,
soumis à l'application d'une entente, à qui une personne
s'adresse pour obtenir un service assuré, mais qui ne lui
présente pas sa carte ou son carnet d'assurance-maladie, à
réagir de la façon suivante: ou bien refuser de fournir le
service assuré, auquel cas il s'expose à entrer en conflit avec
le Code de déontologie qui le régit, ou bien consentir à
fournir le service assuré.
La personne qui s'est ainsi présentée chez le
professionnel de la santé sans sa carte ou son carnet de
réclamation peut, ou bien ne pas être un
bénéficiaire, parce qu'elle n'est pas résidente au
Québec ou, tout en étant résidente au Québec, parce
qu'elle ne s'est pas inscrite à la régie, ou bien être un
bénéficiaire au sens de la loi, mais avoir perdu sa carte ou
l'avoir oubliée ou endommagée, ou bien être un
bénéficiaire, mais ne pas être inscrite dans les dossiers
de la régie par suite d'erreur administrative.
Dans un cas comme dans l'autre, l'incertitude dans laquelle le
professionnel de la santé est placé quant à la
qualité de bénéficiaire de la personne qui se
présente chez lui l'obligerait, par prudence, à ne pas exiger, ni
recevoir de cette personne, des frais ou honoraires autres que ceux
prévus par l'entente. En effet, s'il s'avère par la suite que
cette personne est un véritable bénéficiaire, le
professionnel est passible d'encourir une sanction pénale pour avoir
excédé le tarif prévu par l'entente.
Mais il y a plus. Dans le cas d'un professionnel de la santé
soumis à un régime partiel, cette prudence à laquelle il
sera obligé, et pour cause, l'assujettira à s'en tenir au tarif
en cours dans le régime partiel auquel il participe. En effet, par le
biais de la menace de sanctions pénales que l'article 18 proposé
par le projet de loi fait planer sur lui, il souscrira peu à peu, dans
les faits, à un régime universel au bénéfice des
consommateurs de services qui ne sont pas en fait de véritables
bénéficiaires.
Dans l'hypothèse où le consommateur du service
assuré est un bénéficiaire véritable, le
professionnel de la santé peut légalement exiger et recevoir du
bénéficiaire le coût du service assuré, mais, dans
les faits, pourra-t-il résister à la demande pressante que le
bénéficiaire sans argent lui adressera de retarder son paiement
jusqu'à ce qu'il reçoive lui-même le coût du service
assuré? L'expérience enseigne que le professionnel de la
santé serait enclin le plus souvent à accéder à
cette demande. Cependant, malgré toute cette bonne volonté, le
professionnel de la santé ne pourrait pas acquiescer à cette
demande car il se placerait lui-même dans la position pour le moins
inconfortable de signer et d'émettre faussement le relevé
d'honoraires prévu au nouvel article 10c. Ce nouvel article 10c accorde
au bénéficiaire qui n'a pas présenté sa carte ou
son carnet de réclamations le droit d'exiger de la régie le
remboursement du coût des services assurés, mais à la
condition qu'il présente à la régie le relevé
d'honoraires prescrit suivant l'article 57 et que la régie ait obtenu du
bénéficiaire ou du professionnel de la santé les
renseignements dont elle a besoin pour justifier le paiement
réclamé.
On comprendra facilement que le professionnel de la santé ne
voudra pas encourir les risques découlant de cette demande du
bénéficiaire. Il fera face inévitablement au dilemme
suivant. Il refuse tout simplement la prestation du service assuré au
bénéficiaire qui n'a pas l'argent en poche pour le payer; il rend
le service assuré au bénéficiaire sur sa promesse de
revenir le payer plus tard. Si le bénéficiaire remplit sa
promesse, le professionnel
lui remet alors le relevé d'honoraires prescrit lui permettant
d'obtenir le remboursement par la régie. Si le
bénéficiaire n'est pas fidèle à sa promesse, le
professionnel de la santé, fort vraisemblablement, aura rendu ses
services gratuitement. De toute manière, le professionnel de la
santé sera astreint à tenir, en plus de sa comptabilité
pour la régie et pour sa clientèle privée, une autre
comptabilité pour ce type particulier de créance, à
maintenir une correspondance avec ses bénéficiaires, à
dresser la liste de ses créances douteuses ou
irrécupérables. Le professionnel de la santé qui est
désengagé ou non participant du fait d'une ordonnance du ministre
en vertu de l'article 24 de la loi, tel que modifié par le projet de
loi, ou non participant en résultat de la sanction d'exclusion du
régime qui s'attache à une condamnation pénale, en vertu
de l'article 62 de la loi, tel que modifié par le projet de loi, est
soumis à des contraintes plus rigoureuses que nous décrirons sous
le titre: Le sort du bénéficiaire.
Le professionnel de la santé est aux prises avec des
difficultés diverses, même quand le bénéficiaire est
en possession de sa carte d'assurance-maladie. En effet, la présentation
obligatoire de la carte implique l'impression obligatoire de la carte. Comment
procéder à cette impression dans le cas d'une visite à
domicile pour un médecin, par exemple, ou de livraison de
médicaments pour un pharmacien? Les inconvénients sont
pratiquement insurmontables, compte tenu de la prohibition que le nouvel
article 8a, proposé par le projet de loi, fait aux
bénéficiaires de confier à un tiers sa carte
d'assurance-maladie et aux professionnels de la santé d'exiger ou
accepter qu'un bénéficiaire lui confie sa même carte
d'assurance-maladie. On peut imaginer les difficultés pratiques
engendrées par ces exigences nouvelles, en particulier dans le cas des
services pharmaceutiques, par exemple pour la livraison d'ordonnances à
domicile, et aussi pour l'exécution d'ordonnances à la pharmacie
même, pour les bénéficiaires qui sont incapables de s'y
rendre personnellement.
On nous opposera peut-être que ce projet de loi a prévu,
dans les modifications proposées à l'article 56 de la loi
actuelle, l'addition d'un paragraphe aux fermes desquels le
lieutenant-gouverneur en conseil pourrait déterminer les cas ou
circonstances où un professionnel de la santé serait
rémunéré par la régie pour les services
assurés fournis à un bénéficiaire qui n'aurait pas
présenté sa carte, tempérant ainsi la rigueur de
l'obligation fixée par ce nouvel article 18. (11 h 15)
Toutefois, si le législateur retient le principe de l'inscription
obligatoire à la régie et de la présentation obligatoire
de la carte, nous croyons que les tempéraments et cas d'espèce
devraient continuer de se régler, comme cela s'est fait jusqu'ici par la
voie de la négociation, d'autant plus que les professionnels de la
santé sont mieux placés pour suggérer les meilleures
solutions aux situations concrètes qu'ils vivent quotidiennement.
La signature du relevé d'honoraires par le professionnel. Le
projet de loi prescrit, par l'addi- tion de l'article 18a que le professionnel
de la santé n'a droit d'être rémunéré par la
régie, que s'il a lui-même signé le relevé
d'honoraires. Trop de cas se présentent, de relevés d'honoraires
multiples par un professionnel seul ou par un groupe de professionnels pour que
cette prescription tienne comme règle générale, en
particulier les ventes et livraisons effectuées par des pharmaciens qui
sont d'une catégorie qui ne se prête pas, à cause de leur
nombre même, à la signature du professionnel de la santé
propriétaire.
Pour ces raisons, il nous apparaît inutile d'imposer cette
règle par voie législative. Il conviendrait mieux de laisser aux
organismes représentatifs et au ministre, par la voie des ententes
négociées le soin de fixer et réglementer l'obligation
pour le professionnel de la santé de signer le relevé
d'honoraires et d'y apporter, de la même façon, les exceptions que
la réalité des choses peuvent rendre nécessaires.
Les sondages de la régie. L'article 38 du projet de loi ajoute,
à la fin de l'article 51 de la loi, un alinéa qui obligera la
régie à faire périodiquement des sondages par voie
d'échantillonnage. Ce procédé est propre à susciter
chez le bénéficiaire un doute sérieux sur la
compétence et la probité du professionnel de la santé. Il
peut être l'occasion de confusion et d'équivoque
préjudiciable. Il provoque les délations et éveille la
méfiance. Pour ces motifs, ce procédé doit être
écarté définitivement.
Deuxième alinéa de l'article 52. Le projet de loi propose,
par son article 39, l'addition d'un deuxième alinéa à
l'article 52 de la loi, obligeant la régie à divulguer les
profils de pratique des professionnels de la santé à l'organisme
qui les représente respectivement, à la condition cependant
qu'elle ait obtenu l'autorisation écrite du professionnel de la
santé. Cette condition devrait être écartée.
En 1976 ce n'est pas au texte le ministre des Affaires
sociales m'écrivait une lettre, dont je cite un extrait. C'était
en contrepartie de la proposition qu'avait faite la Fédération
des médecins omnipraticiens d'imposer des plafonds individuels dans
l'entente: "Je sais que vous vous préoccupez, au nom de la FMOQ,
d'assurer la capacité de votre fédération à policer
elle-même l'application de l'entente dans toute la mesure possible. Une
telle volonté d'autorégulation de la part des omnipraticiens
correspond en tout point à mes voeux et vous pouvez vous attendre que ce
soit là l'effet produit par certaines des modifications qui seront
apportées à la loi. Dans les négociations qui viennent de
se terminer, ma position a été de chercher une entente sur les
objectifs devant être atteints et de laisser à votre
fédération une grande liberté quant aux moyens à
mettre en oeuvre pour y arriver. Pour cela, l'accès à
l'information doit vous être assurée".
C'est donc une promesse du ministre, promesse d'ailleurs
réitérée un peu plus tard d'une façon plus
spécifique.
De plus, nous souhaitons que la régie soit aussi tenue de fournir
périodiquement et sans frais, à chaque professionnel de la
santé, son
profil de pratique individuel pour sa propre vérification
professionnelle et comptable.
Les pouvoirs exorbitants de la régie. Une des parties les plus
importantes du mémoire, il va sans dire. Le projet de loi amplifie
considérablement les pouvoirs de la régie. Nous assistons non
seulement à une profilération des contrôles administratifs
de la régie, mais encore à une exubérance
frénétique des pouvoirs conférés à la
régie. Témoin, cet éventail extensif de coercition
administrative que constituent les modifications que propose l'article 15 du
projet de loi en ajoutant l'article 18b à la Loi de
l'assurance-maladie.
Le Président (M. Jolivet): Un instant. Est-ce que cela
va?
M. Hamel: ... à témoin cet éventail extensif
de coercition...
Le Président (M. Jolivet): Pour le besoin du journal des
Débats, l'enregistrement se fait quand même, mais on va vous
demander de parler plus fort en attendant.
M. Hamel: Témoin cet éventail extensif de
coercition administrative que constituent les modifications que propose
l'article 15 du projet de loi, en ajoutant l'article 18b à la Loi de
l'assurance-maladie.
En effet, le projet remet à la régie, sur la foi d une
simple enquête dont le sérieux ou la profondeur peut être
discutable, le droit de refuser le paiement réclamé ou, lorsque
le paiement a déjà été effectué, de se
rembourser par compensation et rétroactivement pour des services
présumément non assurés ou non fournis en
conformité de la loi, de la réglementation ou de l'entente, si
elle entretient des motifs raisonnables de croire que tel est le cas.
Le professionnel de la santé se voit, de surplus, imposer le
fardeau statutaire d'établir la preuve contraire. La régie, ce
faisant, deviendrait, à l'endroit des professionnels de la santé,
à la fois une accusatrice qui n'est pas obligée de justifier
objectivement le bien-fondé de son initiative, un juge qui peut
interpréter et appliquer subjectivement la loi, la réglementation
et l'entente auxquelles elle est pourtant assujettie et une exécutrice
qui applique rétroactivement la sanction économique qu'elle
décrète et qui pourvoit instantanément au paiement de la
sanction en puisant, par compensation, aux revenus des professionnels de la
santé.
Aux termes de la modification proposée, le professionnel de la
santé ne peut pas se faire entendre et faire valoir quelque
élément de justification avant la prise de décision. Il
est averti du problème lorsque l'exécution est consommée.
Après coup, s'il a la prétention de soulever quelque
contestation, il est confronté par un renversement de preuve qui
l'oblige à convaincre le tribunal compétent que la
décision est mal fondée.
Ainsi, contrairement aux règles habituelles qui sont suivies
devant les tribunaux de juridiction ci- vile et les conseils d'arbitrage, la
régie sera placée dans une situation privilégiée
par rapport au professionnel de la santé qui attaquera sa
décision de refuser un paiement ou de se rembourser par compensation de
sommes déjà payées.
A tout coup, le conseil d'arbitrage, saisi d un tel litige devra, au
départ, présumer que la régie a raison et exiger du
professionnel de la santé une preuve déterminante pour renverser
cette présomption.
La régie s'érige comme juge et partie. Elle se targue de
I'objectivité de son opinion et tranche souverainement en sa faveur.
Nous nous permettons de rappeler ici qu'en vertu de l'article 38 du projet de
loi, ajoutant un dernier alinéa à l'article 51 de la loi, la
régie devra faire périodiquement des sondages par voie
d'échantillonnages. Nous avons déjà souligné les
risques extrêmement sérieux qui pourraient résulter de ce
nouveau pouvoir de la régie.
Comment ne pas penser que celle-ci pourrait se convaincre, avec une
certaine libéralité, quelle a trouvé dans ces sondages par
voie d'échantillonnages, dont la qualité est loin d'être
assurée, les motifs raisonnables dont parle l'article 18b
proposé.
Si le législateur devait entériner ce système, il
conférerait à la régie le pouvoir de passer outre au
comité d'appréciation d'un relevé d'honoraires et au
comité de révision, deux organismes consultatifs
prédécisionnels. Il affaiblirait considérablement le
rôle du conseil d'arbitrage qui se situe en aval de la décision,
mais qui jouit d'une fonction préventive en matière
d'interprétation de l'entente.
Notons de plus que l'article 18b ne fixe pas de limite de temps dans
l'exercice de ce pouvoir qu'iI accorde à la régie de se
rembourser par compensation de sommes déjà payées. Ainsi
donc, la régie pourra remonter de façon indéfinie dans le
temps. Il s'agit là d'une situation plutôt étonnante,
d'abord, parce qu'elle est extraordinaire par rapport à toutes les
règles de droit en usage qui imposent des délais de prescription
ou de déchéance aux recours que l'on peut exercer: elle est
étonnante aussi parce que les règles de droit commun veulent que
le paiement effectué par le débiteur crée en soi la preuve
que la somme payée était due.
En somme, le professionnel de la santé ne saura jamais s'il a
été payé de façon définitive.
Cette situation encourage l'incurie de la régie et elle
crée chez le professionnel de la santé une incertitude
psychologique et une instabilité financière permanente que nous
vivons actuellement d'ailleurs. Aucun autre organisme administratif ne jouit
d'un pouvoir d'une telle envergure.
Nous nous opposons à ce que l'on accorde à la régie
des pouvoirs aussi exorbitants.
Les modifications apportées par l'article 47 du projet de loi 84,
à l'article 62 de la Loi de l'assurance-maladie modifient la
portée des ententes en vigueur en prévoyant une nouvelle sanction
économique. En effet, l'article proposé prévoit I
exclusion obligatoire du régime d'un professionnel de la santé
reconnu coupable d'une infraction crimi-
nelle concernant "la réclamation de services assurés
".
Or, l'article 152 du Code des professions dispose qu'un professionnel de
la santé trouvé coupable d'un acte criminel est ipso facto
traduit devant le comité de discipline de la corporation professionnelle
dont il est membre et peut alors se voir retirer son droit de pratique et, par
voie de conséquence, sa possibilité de participer au
régime. L'amendement proposé nous semble inopportun, en ce qu'il
empiète sur la juridiction déjà conférée aux
corporations professionnelles, injuste en ce qu'il crée une double
pénalité, triple et quadruple même, et inéquitable,
en ce que la sanction prévue est appliquée de façon
mathématique sans tenir compte de la gravité de l'offense.
La prescription. Par ailleurs, l'article 24 du projet de loi qui modifie
l'article 27 de la Loi de l'assurance-maladie recherche à raccourcir le
délai de prescription applicable au recours du professionnel de la
santé contre la régie. Le nouvel article porte la prescription
à six mois depuis la fourniture des services, plutôt que deux ans,
selon ce que prévoit l'article 27 de la loi actuelle. Compte tenu des
délais administratifs inéluctables du recours à
l'arbitrage, le délai proposé est trop court. Il faut
rétablir le délai de deux ans et même prévoir que le
recours à l'arbitrage puisse causer la suspension de la
prescription.
Le comité de révision. Les articles 27 à 37 du
projet de loi touchent aux dispositions de la loi actuelle qui traitent des
comités de révision.
En bref, le régime actuel prévoit que des comités
de révision sont constitués par les médecins, les
spécialistes en chirurgie buccale, les dentistes et les
optométristes. Ces comités sont chargés d'émettre
leurs recommandations lorsque la régie leur rapporte des cas où,
à son avis, les services assurés pour lesquels un médecin,
un dentiste ou un optométriste a réclamé ou obtenu
paiement n'étaient pas requis aussi fréquemment ou ont
été dispensés de façon abusive ou
injustifiée.
Nous nous limiterons à discuter, parmi les recommandations qui
sont proposées par le projet de loi en cette matière, uniquement
celles qui affectent la composition des comités de révision,
leurs compétences ratione materiae et les pouvoirs de la
régie.
La composition du comité de révision. Les modifications
proposées à l'article 29 de la loi actuelle augmentent le nombre
des membres de chaque comité de révision et prévoient que
le sixième membre doit être un avocat et le septième un
fonctionaire de la régie nommé sur sa recommandation, mais ne
possédant pas droit de vote.
Nous réitérons une demande souvent formulée dans le
passé, à savoir que le comité de révision ait un
caractère "de pair". C'était la condition qui avait fondé
en 1972 la création de ces comités lorsque M. Castonguay et son
sous-ministre, le Dr Brunet, avaient consulté la profession
médicale. J'avais été consulté à ce moment.
La condition devait être la création d'un comité de pairs.
Cela a été changé par la suite.
Nous nous opposons donc à la présence comme membre d'un
avocat qui aurait voix au chapitre au même titre que les professionnels
de la santé, bien qu'encore là, nous reconnaissions que le
comité puisse devoir, à l'occasion, s'adjoindre un avocat
à titre de conseiller.
Nous nous opposons également, pour les mêmes motifs,
à la présence comme membre d'un fonctionnaire de la régie,
même s'il n'a pas droit de vote, bien qu'encore là, nous
reconnaissions que le comité puisse s'adjoindre un fonctionnaire
à titre de secrétaire.
La compétence "ratione materiae" du comité de
révision: L'article 32 du projet de loi modifie l'article 34 de la loi
actuelle. Présentement, les comités de révision ont
compétence pour les cas où la régie est d'avis que les
services n'étaient pas requis aussi fréquemment ou ont
été dispensés de façon abusive ou
injustifiée. La modification proposée a pour but d'ajouter
à ces cas ceux où la régie serait d'avis que les services
assurés "n'étaient pas requis au point de vue médical,
optométrique, dentaire ou pharmaceutique". Cette compétence
nouvelle tranche singulièrement sur celle que retient la loi
actuelle.
Le projet de loi attribue au comité compétence en
matière de ce qui est "requis du point de vue médical, dentaire,
optométrique, pharmaceutique, etc.". Or, il s'agit ici de
l'élément principal de la notion de "services assurés" que
définit l'article 3 de la loi actuelle. Si le comité était
saisi de "ce qui est requis du point de vue médical, dentaire,
optométrique, pharmaceutique, etc.", il serait à même de
déterminer tout "service assuré".
Nous nous opposons à ce que les "services assurés" qui
sont définis à l'article 3 de la loi et qui sont susceptibles
d'être restreints, dans leur définition prévue par
l'article 56b de la loi, deviennent objet de compétence d'un
comité dont la vocation est tout autre: déterminer à
quelles conditions un service qui, à l'origine, est un service
assuré ne devrait pas, cependant, être
rémunéré par la régie pour les motifs que
déterminera le comité.
Jusqu'ici, le comité n'agissait qu'à l'endroit de certains
aspects de matière médicale, dentaire, optométrique,
pharmaceutique, etc. et qu'à l'égard des professionnels. Voici
que le projet de loi lui attribue maintenant une matière juridique qui
est la détermination des "services assurés" et que la
décision du comité impliquera désormais les
bénéficiaires. Disons ici que, par anticipation, nous approuvons,
les quatre associations de professionnels, les recommandations que feront les
quatre corporations professionnelles sur cette question. Donc, il y a
unité de pensée, il y a toujours eu unité de pensée
entre les quatre corporations professionnelles depuis dix ans et les quatre
associations que nous représentons sur cette question. Nous ne
favorisons pas le transfert de la corporation à la régie de
l'évaluation de la nécessité médicale.
Les pouvoirs de la régie: L'article 37 de la loi, modifié
par l'article 35 du projet de loi, définit le
sort réservé à la recommandation émanant
d'un comité de révision. Nous croyons que les dispositions
législatives proposées accordent à la Régie de
l'assurance-maladie des pouvoirs outranciers qui lui permettent aisément
de faire table rase de toute recommandation provenant d'un comité de
révision. Dès lors, on s'interroge sur l'utilité du
comité de révision.
En effet, la régie n'est aucunement liée par la
recommandation du comité et décide arbitrairement: de payer en
tout ou en partie le montant réclamé, de refuser de payer ce
montant ou d'exiger le remboursement de ce qui a été payé
en trop, par compensation ou autrement.
Bien que le projet de loi conserve le droit d'appel à la
Commission des affaires sociales pour le professionnel de la santé
visé par une décision de la régie, il ne prévoit
nullement l'obligation de transmettre audit professionnel de la santé
copie de la recommandation du comité de révision. Le
professionnel de la santé qui interjette appel exerce donc ce droit en
ignorant un fait important: le jugement de ses pairs.
De plus, le professionnel de la santé se voit imposer le fardeau
additionnel d'établir qu'en fait et en droit, la décision de la
régie est mal fondée.
En contrepartie de ces recours illusoires pour les professionnels de la
santé, nous proposons un mécanisme visant à combler toutes
les lacunes contenues au projet de loi. Nous sommes d'avis qu'il est possible
d'accorder à la régie un pouvoir décisionnel sur les
affaires confiées au comité de révision. Toutefois,
l'exécution de cette décision devrait être assujettie
à certains délais et conditions.
Si la décision de la régie s'avère conforme
à la recommandation du comité de révision, elle devrait
être exécutoire trente jours après que le professionnel de
la santé en ait été informé, ce dernier conservant
son droit d'appel devant le tribunal compétent en cette matière.
Nous croyons également que toute autre décision de la
régie ne saurait être exécutoire que 90 jours après
sa notification au professionnel concerné.
De plus, toute exécution de ce type de décision devrait
être suspendue advenant le cas où le professionnel de la
santé interjette appel, à charge par la régie d'en
demander l'exécution provisoire à la Commission des affaires
sociales.
Nous jugeons également primordial que la décision de la
régie soit transmise au professionnel de la santé avec copie de
la recommandation du comité de révision, et ce, dans un but
évident d'accorder au professionnel de la santé visé le
droit à une défense pleine et entière. Au nom de ce
même droit fondamental accordé à toute personne dans le
cadre de notre système judiciaire, nous protestons avec énergie
contre le fardeau de preuve additionnel qui incomberait au professionnel de la
santé, aux termes du dernier alinéa de l'article 37 de la
loi.
A juste titre, nous croyons que le législateur ne peut accorder
à la régie la qualité de juge et partie qu'elle
détiendrait si l'article 37 de la loi était modifié tel
que proposé.
Le projet de loi, dans son article 36, propose, par la modification de
l'article 38, d'homologuer la décision de la régie. Nous nous
opposons à cette modification au motif qu'il s'agit d'une
décision purement administrative et non d'une décision quasi
judiciaire.
M. Marquis (Jean-Claude): Recommandations II est
recommandé de ne pas implanter le système de la carte obligatoire
d'assurance-maladie, ce système étant inapproprié,
prématuré, contraignant et source de situations
conflictuelles.
Il est recommandé que le nouvel article 18a de la Loi de
l'assurance-maladie, exigeant la signature du professionnel de la santé
sur le relevé d'honoraires, soit rejeté, cette exigence
étant du ressort de l'entente.
Il est recommandé que les mots "lorsqu'elle a été
dûment autorisée à cette fin par écrit par le
professionnel de la santé", au deuxième alinéa de
l'article 52 proposé, soient retirés.
Il est recommandé que la régie fournisse à chaque
professionnel de la santé, périodiquement et sans frais, son
profil de pratique individuel.
Il est recommandé de façon catégorique, que
l'article 18b de la Loi de l'assurance-maladie soit retiré du projet de
loi, car il permettrait à la régie de s'ériger comme juge
et partie, déniant ainsi tous recours aux organismes consultatifs
prédécisionnels.
Il est recomandé de retrancher l'article 62 proposé par
l'article 47 du projet de loi 84.
Il est recommandé de rétablir le délai de
prescription à deux ans et même de prévoir que le recours
à l'arbitrage puisse causer la suspension de la prescription.
Il est recommandé de modifier le statu quo en retenant le nombre
de cinq membres, pourvu que ces derniers soient tous des professionnels de la
santé, de même catégorie. Ainsi, le cinquième membre
actuel de chaque comité qui n'est pas un professionnel de la
santé serait remplacé par un professionnel de la santé de
même catérogie.
Il est recommandé de maintenir la compétence "ratione
materiae" que la loi actuelle attribue au comité.
Il est recommandé que l'exécution de la décision de
la régie soit assujettie à certains délais et conditions
et même suspendue selon le cas, en conformité du texte suivant:
Article 37 de la Loi de l'assurance-maladie qui dit que la régie doit
rendre une décision motivée dans les 30 jours de la
réception de la recommandation du comité de révision et la
transmettre, sans délai, par courrier recommandé, au
professionnel de la santé visé par la décision, à
la corporation professionnelle et à la fédération ou
association professionnelle concernée avec copie de la recommandation du
comité de révision.
La décision de la régie qui est conforme à la
recommandation du comité de révision devient exécutoire 30
jours après la notification au professionnel de la santé
visé, nonobstant appel. Toute autre décision de la régie
devient exécutoire 90 jours après sa notification au
professionnel de la santé visé.
Toutefois, si le professionnel interjette appel,
l'exécution de la décision de la régie est
suspendue. Un professionnel de la santé qui se croit lésé
à la suite d'une décision de la régie peut interjeter
appel à la Commission des affaires sociales conformément à
la Loi de la Commission des affaires sociales.
Il est aussi recommandé d'ajouter un troisième
alinéa à l'article 21 de la Loi de la Commission des affaires
sociales: Un appel visé au paragraphe 1 de l'article 20 suspend
l'exécution d'une décision qui n'est pas conforme à la
recommandation du comité de révision.
Toutefois, la commission peut en ordonner l'exécution provisoire.
Il est enfin recommandé que la modification à l'article 38 de la
Loi de l'assurance-maladie ne soit pas retenue.
M. Hamel: Le sort du bénéficiaire. Les
professionnels de la santé ne peuvent pas se désintéresser
du sort que la loi réserve aux bénéficiaires, ni du
traitement que les modifications proposées leur inflige, non pas que les
professionnels de la santé prétendent à quelque vocation
privilégiée de protection à leur égard, mais ils
savent d'expérience que leur efficacité professionnelle
dépend largement du climat de confiance que le présent
régime aura sauvegardé.
En contrepartie, les mesures législatives ou
réglementaires qui engendrent la méfiance des
bénéficiaires ou qui imposent aux bénéficiaires des
contraintes intempestives nuisent souverainement à leurs relations
professionnelles avec les bénéficiaires et affectent directement
ou indirectement les services qu'ils leur fournissent.
L'inscription obligatoire des bénéficiaires. Le projet de
loi propose de modifier l'article de la Loi de l'assurance-maladie pour
imposer à toute personne qui réside au Québec l'obligation
stricte et positive de s'inscrire à la régie, conformément
aux règlements. Le projet de loi renforce par là la
déclaration générale que la loi actuelle formule à
cet égard, sans engager formellement et personnellement tout
citoyen.
Nous sommes d'avis que la prescription de la loi et les exigences du
régime seraient satisfaites si toute personne qui réside au
Québec et qui désire bénéficier des services
assurés s'inscrit à la régie conformément aux
règlements. Cette dernière formulation est tirée d'une
modification de 1974 qui n'a pas été mise en vigueur. Elle a la
vertu particulière de ne pas enrégimenter dans le régime
une personne qui désire s'en abstenir.
La présentation obligatoire de la carte d'assurance-maladie. Le
projet de loi propose une modification majeure au régime, la
présentation obligatoire de la carte ou carnet par le
bénéficiaire pour l'obtention de services assurés. Le
système est annoncé par les dispositions nouvelles des articles
1b, 10a, 10b, 10c, 10e, 11, 18, 24b, 24c, 24d, 27 et 56o. Sans doute la
réglementation à venir pourra-t-elle atténuer les
contraintes que ces modifications législatives font peser sur les
bénéficiaires, mais la réglementation n'est pas
déposée et, de toute façon, elle ne pourra avoir qu'une
portée d'exception.
En quoi consiste le système? Nous allons en tracer les lignes
générales. Un bénéficiaire qui désire
obtenir un service assuré présente obligatoirement sa carte au
professionnel de la santé. Les cas d'exception sont ceux qui sont
visés à la réglementation. Or, selon les cas d'exception,
le bénéficiaire qui ne peut présenter physiquement sa
carte risque d'essuyer un refus de services de la part du professionnel de la
santé. Ce refus est non seulement légalisé par l'article 2
de la Loi de l'assurance-maladie, mais il est encore et surtout
légitimé par l'esprit du système que préconise le
projet de loi 84. En vertu de ce projet, le professionnel de la santé
est assimilé à un fournisseur ordinaire de biens et de services
qui reçoit en contrepartie de sa marchandise un bon qui porte
l'impression d'une carte de crédit et qu'il échange contre valeur
auprès d'un tiers payeur, même si l'on peut prévoir que
certains professionnels de la santé, conscients de la situation
précaire d'un bénéficiaire, fourniront à leurs
risques le service assuré demandé. Encore faudrait-il que le
système lui offre quelque incitation à agir de la sorte. Mais,
selon le projet de loi, s'il est un professionnel participant, il fournit le
service assuré au bénéficiaire qui n'a pas
présenté sa carte, il remplit le relevé d'honoraires
prescrit et le remet au bénéficiaire. Il est en droit d'exiger du
bénéficiaire le coût du service fourni au tarif
prévu par l'entente. Le bénéficiaire a alors le fardeau de
transmettre à la régie le relevé d'honoraires obtenu du
professionnel de la santé en même temps que sa demande de
remboursement du coût du service assuré au tarif prévu par
l'entente. Le bénéficiaire fournit sur demande de la régie
les renseignements dont celle-ci a besoin pour justifier le paiement
réclamé. Si la régie retarde indûment le
remboursement, le bénéficiaire doit introduire une poursuite
judiciaire contre la régie, poursuite qui peut s'étendre sur deux
ans. S'il est un professionnel désengagé ou non participant,
à un moment où le ministre, selon les dispositions du projet de
loi, décide que le nombre de non-participants est trop
élevé, il fournit le service assuré au
bénéficiaire qui n'a pas présenté sa carte, il
remplit le relevé d'honoraires prescrit et le remet au
bénéficiaire. Toutefois, il ne peut exiger ni recevoir du
bénéficiaire paiement d'honoraires avant de recevoir l'avis
prescrit par l'article 24b proposé, si la régie a l'intention de
payer le bénéficiaire. Mais la régie peut décider
de ne pas payer le bénéficiaire, auquel cas le professionnel de
la santé peut poursuivre le bénéficiaire en justice sur
réception de l'avis négatif de la régie, mais, encore, la
régie peut ne pas envoyer d'avis au professionnel de la santé,
auquel cas ce dernier peut réclamer en justice au
bénéficiaire le coût du service assuré. De son
côté, le bénéficiaire doit attendre que la
régie prenne position sans savoir à l'avance quand et comment, il
peut ou ne peut pas, il doit ou ne doit pas payer, être payé,
être poursuivi ou poursuivre lui-même.
S'il était un professionnel de la santé participant ou
désengagé, mais est devenu non participant à la suite dune
exclusion partielle du régime
qui lui est imposée obligatoirement à titre de double
pénalité, en vertu de la modification projetée de la Loi
de l'assurance-maladie, le professionnel de la santé est devenu non
participant par l'effet de la loi. Les règles qui régissent le
professionnel de la santé et les bénéficiaires deviennent,
dès lors, celles qui s'appliquent au cas du professionnel de la
santé non participant.
Ce changement intempestif des règles pénalise les
bénéficiaires qui n'ont aucune alternative, mettre fin à
leurs relations avec le professionnel de la santé ou subir le contrecoup
de nouvelles règles contraignantes. Le bénéficiaire qui
est assujetti au système projeté encourt d'autres
déboires. Il est démuni face à la régie, sans que
la loi lui accorde d'autres protections qu'un redressement possible devant le
tribunal judiciaire. Ainsi, il ne peut contrôler l'interprétation
et l'application de la loi, des règlements ou de l'entente que la
régie décrète et lui impose. Il n'a pas accès
à l'organisme d'arbitrage, sa soumission se doit d'être aveugle et
totale.
Le système préconisé par le projet de loi plonge
indéniablement le bénéficiaire dans la confusion
complète. De plus, il lui impose le lourd fardeau de la
nécessité d'être muni de sa carte ou d'encourir des
déboursés imprévus ou de faire une réclamation
à la régie et même d'intenter une poursuite pour entrer
dans son dû. Bref, le projet de loi 84 est inacceptable et abusif pour la
population.
La régie fait porter sur le professionnel de la santé et
sur le bénéficiaire le poids de sa propre carence et de sa propre
ineptie. L'implantation de ce nouveau système est inapproprié.
D'une part, la distribution des cartes aux résidents du Québec
présente de sérieuses lacunes, nonobstant toute statistique
contraire de la régie. Le nombre de détenteurs illégaux
est trop considérable. Les fraudes dont on parle ne proviennent pas des
gens, des bénéficiaires qui n'ont pas de cartes, mais proviennent
de personnes qui ont des cartes et qui ne sont pas des
bénéficiaires. Dans certains centres d'accueil où la
moyenne d'âge est de 82 ans, 15% de ces Québécois n'ont pas
encore reçu leur carte d'assurance-maladie. Aucun d'entre eux n'est un
fraudeur.
D'autre part, le nombre des situations raisonnablement excusables est
presque incommensurable et, de toute façon, elles ne peuvent pas
être toutes codifiées dans le cadre d'une réglementation
bureaucratique. Pour ces motifs, la proposition du projet doit être
rejetée globalement.
La confidentialité. La confidentialité des relations entre
un professionnel de la santé et un bénéficiaire est le
fondement même des relations qui existent entre un professionnel de la
santé et la personne à laquelle il a fourni des services. Or, le
projet de loi bat en brèche ce principe de plus d'une façon. Par
la modification qu'il apporte à l'article 18b de la Loi de la
régie de l'assurance-maladie, le projet de loi veut, ouvrir à la
régie, sur simple requête ex parte au tribunal, le dossier
médical d'un bénéficiaire qui fait défaut ou qui
refuse d'autoriser la régie à le faire. Il s'agit d'une intrusion
indécente dans l'intimité d'un bénéficiaire.
Par la modification qu'il suggère aux articles 55 et 57 de la Loi
de l'assurance-maladie, le projet de loi prétend donner à la
régie accès aux documents du dossier médical. C'est
permettre à la régie de lire ouvertement dans la vie
privée du bénéficiaire. Cette même modification,
lorsqu'elle se réfère aux renseignements, peut
s'interpréter comme ayant la même portée.
J'ai des remarques à faire hors texte, pour ce qui concerne les
documents et dossiers médicaux. Depuis plusieurs mois, la régie
agit par anticipation de l'adoption de cette loi. J'ai ici des copies de
lettres qui sont envoyées par des correspon-dancières à
des secrétaires de médecins, et je lis: "Afin de réviser
adéquatement les demandes de paiement énoncés dans le
tableau ci-annexé, nous désirons obtenir, pour chacune d'elles,
la copie ou le rapport de l'examen complet: "Donc, c'est le dossier
médical. Et nous n'exagérons en rien lorsque nous
prétendons que c'est permettre à la régie de lire
ouvertement dans la vie privée du bénéficiaire.
Cela est tellement vrai qu'un ancien employé de la régie
me confiait qu'il y a déjà quelques années, les
employés de la régie avaient demandé au président
de la régie de former une unité spéciale chargée de
transiger les réclamations concernant, comme
bénéficiaires, les employés mêmes de la
régie, de façon à conserver la confidentialité.
Il s'agit d'une intrusion indécente dans l'intimité d'un
bénéficiaire. Par la modification de l'article 51 de la Loi de
l'assurance-maladie, le projet de loi extensionne le pouvoir d'enquête
déjà si vaste de la régie, pour lui permettre de recourir
désormais aux sondages par voies d'échantillonnage, pour
vérifier la fourniture des services assurés. Elle permet une mise
en oeuvre, par téléphone, qui est susceptible d'en
référer à un mauvais destinataire, pour des soins
prodigués à un autre bénéficiaire.
On peut facilement supposer les imbroglios, les malentendus, les
révélations intempestives qui peuvent en résulter,
entraînant même des drames personnels avec les conséquences
malencontreuses qui en sont le partage. C'est la zizanie et la méfiance
qui s'installent au sein des relations entre professionnels de la santé
et bénéficiaires.
M. Rodrigue: II est recommandé de rejeter totalement la
proposition de la présentation obligatoire de la carte et du carnet,
ayant pour effet d'implanter dans le régime d'assurance-maladie, un
nouveau système qui se révèle, dans son application,
contraignant et outrancier pour le bénéficiaire et le
professionnel de la santé.
Il est recommandé de modifier l'article 18b de la Loi de la
Régie de l'assurance-maladie de façon que le droit de la
régie de prendre connaissance d'un dossier médical dans
l'établissement, au sens de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux, soit conditionnel à l'obtention d'une
autorisation écrite du bénéficiaire, à
défaut de laquelle la régie pourrait, par requête
signifiée préalablement au bénéficiaire, s'adresser
à un juge de la Cour supérieure pour obtenir une ordonnance
à cet effet.
Il est recommandé de ne pas retenir la modification de l'article
57 de la Loi de l'assurance-maladie, notamment parce que cette modification
peut impliquer la fourniture du dossier médical du
bénéficiaire à la régie.
Il est recommandé d'exclure spécifiquement le dossier
médical du bénéficiaire des documents visés par
l'article 55 de la Loi de l'assurance-maladie proposé par l'article 41
du projet de loi 84, les "documents" n'incluant pas le dossier
médical.
Il est recommandé, afin d'éviter les excès
qu'entraîne tout sondage et les conséquences pernicieuses qui en
résultent dans les rapports entre les professionnels de la santé
et les bénéficiaires, de rejeter la modification de l'article 51
de la Loi de l'assurance-maladie à cet égard.
M. Hamel: M. le Président, M. le ministre, madame et
messieurs les membres de la commission, en conclusion, nous disons que le
projet de loi propose un modèle de gestion du Régime
d'assurance-maladie centré sur un organisme unique de décision:
la Régie de l'assurance-maladie.
Ce projet de loi ampute l'entente au profit de la régie de ses
mécanismes majeurs tels que le comité d'appréciation des
relevés d'honoraires, le comité de répartition des
effectifs. Le projet soustrait à la négociation, au profit de la
réglementation, les frais accessoires, les formulaires, les
relevés d'honoraires, les documents, la signature de l'entente, etc. Le
projet renverse l'ordre établi en ce sens que la régie qui est
réputée être subordonnée à l'entente, en
vertu de l'article 15 de la Loi de l'assurance-maladie, détiendrait plus
de droits que les parties contractantes, en particulier, les professionnels de
la santé seraient assujettis au pouvoir d'interprétation et
d'application de l'entente par la régie, même en matière
médicale, dans le cadre de la Loi de l'assurance-maladie. En cela, la
régie déplacerait les corporations professionnelles.
En un mot, la régie se voit dotée de pouvoirs outranciers
à l'endroit de l'entente qu'elle supplante aux parties en matière
professionnelle, à l'endroit des parties contractantes et des
corporations qu'elle élimine en matière professionnelle, à
l'endroit des professionnels de la santé qu'elle subjugue en
matière professionnelle.
Ce nouveau modèle de gestion qu'on ne retrouve en aucun pays
démocratique est inacceptable. Nous ne sommes pas ici pour
réclamer des privilèges particuliers. De fait, nous
réclamons un seul privilège et un seul droit, soit le
privilège d'exercer notre profession conformément à la
formation que nous avons reçue ou que nous continuons de recevoir ou de
nous donner, et un seul droit, soit celui de négocier collectivement nos
conditions d'exercice. Nous n'acceptons pas qu'elles soient
déterminées unilatéralement par un organisme
bureaucratique comme la régie.
En terminant, au nom des quatre présidents, M. le
Président, M. le ministre, madame, messieurs les membres de la
commission, je rappelle que, soucieux de nos responsabilités sociales
autant que de nos responsabilités professionnelles et syndicales, nous
sommes toujours prêts, que nous avons toujours été
prêts à offrir des solutions alternatives aussi bien au
gouvernement qu'à cette commission parlementaire, solutions qui sont
susceptibles d'humaniser le régime en même temps que
d'améliorer son fonctionnement. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Pour dissiper
l'ambiguïté du départ, c'est bien à 13 heures que
nous ajournerons nos travaux et non pas à midi. C'est demain que nous
ajournerons à midi, demande que vous aviez faite, M. le
député. D'accord? Pour nous aujourd'hui, nous terminons à
13 heures. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, je veux d'abord remercier les
représentants des quatre groupes pour avoir exprimé de
façon bien claire leurs divergences. Il est bien évident que, sur
plusieurs points, les quatre groupes ont et auront pendant un bon bout de temps
des vues divergentes de nos vues. Je pense que c'est normal, surtout en ce qui
a trait au contrôle un peu plus marqué par la régie. (12
heures)
Je vous rappelle aussi que, dans le texte de 17 pages qui a
été distribué, déjà, je faisais état
d'un certain nombre de modifications que nous sommes prêts à
envisager. Je pense bien que personne ne s'attend qu'aujourd'hui, on donne un
libellé, un mot à mot d'un nouveau texte qui résultera de
nos discussions. Dans ce texte de 17 pages que vous aurez le loisir de
consulter, peut-être à l'heure du midi, vous verrez qu'il y a
quelques exemples bien précis. Il y a d'autres modifications que nous
sommes prêts à apporter à certains articles.
M. le président, devant un mémoire aussi long,
j'hésite un peu, à savoir quelle procédure on veut
utiliser. On pourrait peut-être s'attacher à répondre ou
à faire des commentaires sur chaque bloc de recommandations. Avant de
faire cela, je veux quand même ajouter quelques remarques d'ordre
général, encore une fois, parce que je n'ai pas tellement de
questions. Je vous avoue que c'est clair. Les messages sont bien
formulés et je vous en félicite. Je veux quand même
rétablir certains faits, en ce qui concerne le
bénéficiaire aussi.
Il y a une certaine exagération de langage dans votre
mémoire, qui est de bon aloi dans les circonstances, mais il y a quand
même un abus de langage. Je vous fais remarquer et le
président-directeur général de la régie apportera
peut-être des précisions tantôt que, dans la plupart
des provinces du Canada, ce que nous demandons par ces amendements existe
déjà. Je vous ferai remarquer aussi que, lors d'un sondage
effectué en janvier 1977 par l'agence SORECOM, on se rend compte
et ce sondage n'a jamais été
contesté au plan de la méthodologie scientifique
que 93% des Québécois se disent favorables à l'utilisation
de la carte d'assurance-maladie, 79% des Québécois ont
affirmé que la carte était obligatoire. En d'autres termes, sans
que la loi ne rende obligatoire la carte, déjà les gens croient
qu'elle est obligatoire. Mais, en plus, 67% des Québécois qui
disent que la carte d'assurance n'est pas obligatoire ou qui ne le savent pas
seraient d'accord pour que la carte devienne obligatoire.
En somme, qu'on me dise que cela va causer certains inconvénients
aux professionnels, j'en suis. J'ai déjà indiqué qu'il y
aurait, dans les règlements, plusieurs exceptions, notamment les
personnes âgées, les bébés, les cas d'accidents, les
visites à domicile, nous sommes prêts à tenir compte de
toutes les suggestions constructives qui pourraient être faites dans ce
sens-là.
En ce qui concerne la soi-disant amputation du pouvoir de
négociation c'est peut-être, en ce qui concerne la partie
"syndicale", le passage le plus important je vous ferai remarquer que
déjà la loi, telle qu'elle existe, prévoit, à
l'article 24, essentiellement ce que nous introduisons dans le nouvel article
24. Si vous vous référez à l'article 24, le premier
alinéa a un texte pratiquement identique. Mais, dans la loi actuelle,
comme vous le savez fort bien, l'article 24, vers la fin de l'alinéa,
dit: "II doit aussi, à compter de la publication de l'avis dans la
Gazette officielle, prendre les mesures spéciales qu'il estime
nécessaires et qu'il est autorisé à adopter en vertu de la
loi pour faire en sorte que les services assurés dont il s'agit
continuent à être rendus à des conditions uniformes ".
"Continuent à être rendus de façon uniforme', cela veut
dire, évidemment, l'interdiction de dépasser un tarif
déjà agréé par une entente. L'article 24 tel qu'il
existe ne permet pas au ministre ou au gouvernement de prendre des mesures bien
identifiées. Ce que nous faisons tout simplement comme je l'ai
dit dans le texte ce matin c'est que nous demandons, par cet amendement,
d'être en mesure de réaliser l'objectif déjà
visé par l'article 24 actuel.
Je vais peut-être demander au président de la régie,
soit de poser des questions ou de faire des commentaires
généraux.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Le président de la régie.
Mme Lavoie-Roux: Non. Allez-y.
M. Lazure: Je voulais tout simplement faire la remarque suivante.
Dans la loi actuelle, c'est déjà inscrit que toute personne qui
réside au Québec doit être inscrite à la
régie. C'est dans la loi actuelle. Ce qu'on fait avec la modification,
c'est qu'on dit qu'au lieu de dire: "doit être inscrit", on dit: "doit
s'inscrire", parce que c'est une obligation qui existe déjà.
On a parlé tantôt des sondages. C'est un article en
particulier. Le Dr Hamel, comme mem- bre de la régie, est au courant
qu'il se fait des sondages depuis 1971, que les sondages se font à un
rythme de 7000 par semaine et qu'on pense que cela fait partie d'une saine
administration de vérifier si les services facturés à la
régie ont été bel et bien rendus.
Et nous avons environ 150 fois par année des gens qui nous disent
qu'ils n'ont jamais reçu les services que l'on a payés. Alors,
dans la loi, ce qu'on inscrit, c'est tout un fondement juridique à ce
qui se fait actuellement, à ce qui se fait depuis le tout début
de la régie en 1971.
On a parlé du comité de révision comme d'un
comité de la régie et que la régie va prendre le
contrôle du comité de révision. Je pense que je n'ai pas
besoin de l'expliquer, mais vous pourriez demander aux conseillers juridiques
qui vous entourent. Le comité de révision n'est pas un
comité de la régie. Le comité de révision est un
comité du ministre des Affaires sociales. Je pense que la peur que vous
avez, c'est que cela soit des non-docteurs. Il y a six médecins sur sept
au comité de révision. Le septième est déjà
nommé par l'Office des professions dans la loi actuelle. On ne fait que
préciser que celui qui est nommé par l'Office des professions est
un membre du Barreau. Il y a déjà dans la loi actuelle un membre
nommé par l'Office des professions. On dit que ce membre sera un membre
en règle du Barreau. Cela reste un comité de pairs. Il y en a un
dont vous pouvez avoir peur. C est celui qui est nommé par la
régie. On ne lui a pas donné le droit de vote. Je pense qu'encore
là il y a des craintes qui sont plus ou moins justifiées. Les
autres membres ne sont pas nommés par la régie. Ils sont
nommés d'après des listes fournies par la
fédération et par la corporation professionnelle. Encore une
fois, c'est un comité qui relève non pas de la régie, mais
qui relève du ministre des Affaires sociales.
Quand on introduit "médicalement requis" ou "requis au point de
vue médical, dentaire et optométrique", cela n'a pas
été fait au hasard. Cela a été fait à la
demande des comités qui nous retournaient des dossiers en nous disant:
On est d'accord que c'est abusif. On est d'accord que c'est injustifié.
125 injections dans une journée, on trouve que c'est pas mal fort, mais
on pense que c'était médicalement non requis. Or, non
médicalement non requis, ce n'est pas un service assuré. Un
service assuré, c'est encore là écrit dans la loi, c'est
un service qui est médicalement requis.
Or, le comité nous disant que c'est un service
médicalement non requis, un service non assuré, ce n'est pas de
notre juridiction. Ce n'est pas un service qui entre dans la Loi de la
régie. Ce n'est pas de notre juridiction. Il nous retourne le
dossier.
Et en passant, vous êtes probablement au courant qu'un
comité de révision, pour rendre non pas une décision, mais
une recommandation puisqu'on est sur les comités de révision, je
les ai un par un. Je peux vous les donner. Je peux vous donner les dates. C'est
un léger délai qui varie entre 10 et 36 mois pour étudier
un cas.
L'immunité qui avait été demandée et qui
a
été donnée dans la loi, c'est l'immunité qui
avait également été demandée par les comités
de révision eux-mêmes. Que le membre nommé par l'Office des
professions soit un avocat, cela nous a été recommandé par
un des comités de révision. Il y a eu trois études de
faites sur les comités de révision, trois rapports qui ont
été faits. Dans les trois rapports, on nous recommande que ce qui
est requis au point de vue médical, optométrique, dentaire,
pharmaceutique, fasse partie du mandat du comité.
Je vais prendre une recommandation no 9 d'un des comités. Que les
comités de révision soient habilités à
déterminer, sur la base des fréquences abusives
injustifiées observées par la régie, si dans leur
ensemble, les services assurés que rendent les professionnels de la
santé sont requis au point de vue médical, dentaire,
optométrique ou autres.
C'est un comité qui a fait rapport au mois de mars, le 31 mars
1976. Il y a eu, à la suite de cela, un deuxième rapport, qui
nous recommande encore la même chose. Il y a eu, à la suite de
cela, une étude, qui a été faite par un professeur de
droit de l'Université de Montréal, qui est du 5 octobre 1976 et
qui conclut c'est une étude de 65 pages exactement qu'en
d'autres termes des services qui sont dispensés de façon abusive
ou injustifiée devraient donc être des services non requis au
point de vue médical. Alors, le "médicalement non requis, abusif
ou injustifié", cela ne change absolument rien à la
qualité parce que plus loin, il explique qu'on peut donner 125
injections, chacune a été donnée de façon parfaite,
une très bonne qualité d'injection, avec la meilleure aiguille et
ne pas faire mal au patient et à la bonne place, sauf que c'est
médicalement non requis. Alors, la qualité n'est pas dans le
rôle des comités de révision. Je précise encore une
fois que le comité de révision n'est pas un comité de la
régie, c'est un comité qui est en dehors de la régie. Il y
a peut-être un autre petit commentaire. Quand on parle de carte
d'assurance-maladie, vous parlez de carnet de santé. Est-ce que c'est un
terme qui vient de la CSN directement ou si vous avez autre chose à
l'esprit?
M. Marquis (Jean-Claude): Le carnet de réclamation des
bénéficiaires de l'aide sociale.
M. Lazure: D'accord.
M. le Président, pour conclure, je répète encore
une fois que nous n'avons jamais caché le fait que ces amendements,
certains de ces amendements vont avoir pour effet de contrôler de
façon un peu plus serrée la dispensation de services qui sont
assurés. Je rappelle qu'il y a des sommes importantes. Le
déboursé total cette année, au 31 mars 1979, pour les
honoraires professionnels va se chiffrer à un peu plus de $700 millions.
Il me semble qu'il est tout à fait normal que nous voulions mettre un
terme à des bus. Cela demeure le fait d'une très petite
minorité de professionnels, j'en conviens, mais quand un médecin
réclame pour 200 examens réalisés en une journée,
dont le tiers sont des examens complets alors que la durée moyenne de
l'examen complet est de 45 minutes, je pense qu'il faut resserrer nos
contrôles, il faut resserrer l'ensemble des dispositions de cette loi.
Merci.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux remercier les
groupes qui sont présentement devant nous et qui ont
présenté un mémoire finalement très
étoffé et très bien organisé du point de vue de sa
présentation.
Je pense qu'ils soulèvent plusieurs questions pertinentes, entre
autres, par exemple, la possibilité de poursuites pénales envers
l'omnipraticien ou le professionnel de la santé. Il y a également
la question du fait que le projet de loi 84 soustrait toute possibilité
de moyens de pression et le fait, par exemple, qu'ils ne puissent plus ne pas
participer. Les moyens de désengagement et de non-participation qui sont
prévus, normalement, à ce moment-ci, se trouvent restreints ou
enlevés. Les professionnels eux-mêmes soulèvent tout le
problème des soins de santé à donner à la
population et de quelle façon on peut, dans une négociation, ou
dans une signature d'entente, le faire d'une façon civilisée. Je
me demande si le ministre serait prêt, également, à enlever
tout moyen de pression aux autres personnels syndiqués à
l'intérieur des hôpitaux. Je pense que la question demeure
fondamentale. C'est toute la question des services dans les hôpitaux, les
services de santé, est-ce qu'il y a droit de grève ou s'il n'y a
pas de droit de grève? On sait qu'à ce moment-ci ce sont quand
même des formes de pression raisonnables et je pense qu'elles ont
été utilisées dans le cas des dentistes de façon
qu'il n'enlevait quand même pas toute possibilité de services de
santé aux malades, alors qu'on a vu des situations où les malades
se sont trouvés, à toutes fins utiles, à l'occasion
d'autres litiges ou d'autres conflits, privés de soins de santé.
(12 h 15)
Ma question à ce moment-ci ne s'adresse pas tellement aux groupes
qui sont devant nous, comme au ministre lui-même. Comment
prévoit-il que les différents professionnels de la santé
pourront quand même faire valoir leurs revendications puisqu'il faut, en
fin de compte, qu'ils signent une entente qui comporte deux parties, et que, de
part et d'autre, chacun... Evidemment, le gouvernement peut toujours agir
d'autorité, mais, dans une négociation, il reste qu'il y a quand
même des règles de jeu élémentaires à
observer. Il semble bien, selon la perception qu'en ont ces professionnels de
la santé, également la perception qu'on peut en avoir
nous-mêmes, que ces moyens de pression n'existent plus et que,
finalement, le gouvernement peut toujours agir et agit à toutes fins
utiles, d'autorité, dans un cas comme celui-là.
M. Lazure: M. le Président, si vous permettez, je vais
essayer de répondre à la question du député de
L'Acadie.
Encore une fois, de façon bien sérieuse et bien sereine,
nous maintenons que l'article 24 actuel, de la loi, qui est là depuis un
bon bout de temps, qui a été introduit par un gouvernement
antérieur, un gouvernement du Parti libéral, a pour effet, si le
législateur s'en sert, si le gouvernement veut s'en servir, de prendre
un groupe de professionnels qui est non participant et de le rendre participant
et désengagé. Je pense que personne ne va contester cette
interprétation de l'article 24 actuel.
Donc, sur le fond, nous ne changeons pas l'article 24. Nous ne faisons
que préciser les moyens d'action qui sont restés trop vagues dans
le texte actuel.
M. Hamel: C'est faux, M. le ministre.
M. Lazure: Vous pourrez répondre tantôt, mais
plutôt que de l'entendre d'en arrière ou d'en avant, j'aimerais
bien entendre l'ex-ministre des Affaires sociales donner sa propre
interprétation de l'article 24 actuel. C'est l'interprétation que
nous avons eue maintes et maintes fois, non seulement de notre contentieux,
mais du comité de législation du gouvernement. Vous dites que
cela enlève le droit de grève, ce n'est pas exact de dire que
notre article 24 nouveau va enlever le droit de grève...
Mme Lavoie-Roux: Un des moyens de pression, peut-être pas
vraiment de grève.
M. Lazure: Cela peut enlever un des nombreux moyens de pression
qu'un groupe professionnel peut avoir. Bien sûr, bien sûr. Mais il
faut comprendre pourquoi nous voulons l'enlever, ce moyen de pression. Nous
voulons l'enlever, parce que nous trouvons inéquitable, c'est la
première fois que j'utilise un gros mot, Dr Hamel, vous en avez
utilisé plusieurs tout au long de votre mémoire, mais nous
trouvons inéquitable qu'un citoyen ou une citoyenne, au moment où
des moyens de pression sont exercés par des professionnels, ait à
payer un tarif plus élevé que le tarif prévu dans une
entente, comme cela peut être fait, si on ne change pas le texte
actuel.
Nous trouvons inéquitable aussi qu'un ensemble de citoyens dans
une région du Québec soit privé trop longtemps d'un
service assuré et payé par les deniers publics. Je comprends
qu'il y a une appréciation, une valeur de jugement dans les mots "trop
longtemps", mais jusqu'ici ces appréciations, ce sont les gens
élus qui ont le devoir de la faire, l'appréciation. Mais il y a
d'autres moyens de pression qu'un professionnel peut exercer, à savoir
fermer son bureau, quitter, aller en vacances, il y a plusieurs moyens de
pression qu'un professionnel peut exercer, sans pénaliser au plan
individuel.
Il s'agit bien de non-participation qui prend une envergure, si vous
voulez, régionale ou nationale et qui, de toute évidence, est
concertée et qui compromet la quantité et la qualité de
services rendus. Il ne s'agit pas d'une non-participation sur une base
individuelle.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: D'après le ministre, les modifications
qu'il apporte, si c'était couvert par l'article 24 antérieur,
servent à quoi, finalement?
M. Lazure: Elles servent à préciser les moyens d
action, parce que, dans l'article 24 actuel, vers la fin du texte, on dit: "II
doit aussi, à compter de la publication de l'avis, prendre les mesures
spéciales qu'il estime nécessaires. '
C'était trop vague. Dans le texte actuel... "... et qu'il est
autorisé à adopter en vertu de la loi". Or, dans la loi, il n'y
en a pas actuellement. C'est cela qu on veut préciser. Quand on regarde
notre texte, à la page 25 de notre projet de loi, on spécifie:
"Après publication, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par
règlement, décréter, pour une période qu'il
détermine..."
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, excusez-moi. J'avais mal
compris. Je pensais qu'on procédait tout de suite aux questions. Il me
semble que le ministre avait dit qu'il voulait d'abord avoir des commentaires
généraux, quitte ensuite à procéder chapitre par
chapitre. Je vois que je me suis lancée dans les questions.
Mes remarques générales, je n'en avais pas, sauf pour dire
qu il y avait beaucoup de points qui étaient soulevés par les
groupes qui sont ici. Je pense qu'il faudrait peut-être les reprendre
chapitre par chapitre. Je peux attendre qu'on fasse le tour.
Le Président (M. Jolivet): Comme vous voulez. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Très brièvement. Je m étais
justement dirigé pour entrer dans les détails des questions, sans
avoir un commentaire trop élaboré au départ. Je voudrais,
bien sûr, remercier les groupes qui se sont présentés, les
quatre groupes qu on rencontre ce matin. Je suis assuré qu'on leur
donnera tout le temps voulu, étant donné qu'ils ont
décidé de se regrouper et qu'il ne restera que quatre autres
groupes à recevoir ce soir, après huit heures. Il est bien
sûr qu'on pourra passer une partie de la journée avec ces quatre
premiers groupes qui représentent la moitié des gens qui viennent
ici, afin qu'on ait d'eux toute l'information qui est nécessaire.
Le ministre a parlé tout à l'heure avec son adjoint. Je
serais fortement intéressé, au départ, à savoir du
ministre pourquoi son projet de loi est venu. Est-ce que c'était un taux
important d'insatisfaction qu'il y avait dans ce secteur de la santé?
Est-ce que cela a été comparé avec le taux de certains
autres professionnels, par exemple? Est-ce qu'on peut dire que le
Québec, dans de nombreux sondages que le ministre peut faire, est-ce qu
on a senti, dans ces quatre secteurs particuliers, un taux d'insatisfaction
assez important pour permettre au ministre d'intervenir avec une loi comme
celle-là?
M. Lazure: Un taux d'insatisfaction chez les professionnels, vous
voulez dire?
M. Grenier: Non, chez le public. M. Lazure: Auprès du
public? M. Grenier: Oui.
M. Lazure: Ecoutez. Il y a quelque temps, la Presse titrait, en
première page si on me permet de retracer la coupure en
date du mercredi 13 septembre 1978: "Québec et la santé. $50
millions vont à des inconnus."
Le fait que l'inscription ne soit pas obligatoire, d'une part, et
deuxièmement, que le port et la présentation de la carte ne
soient pas obligatoires, ces deux faits concourent à créer des
situations où, que ce soit dans 15% ou 20%, peu importe, du nombre
d'individus qui se présentent, sans carte, chez un médecin ou
à la clinique dans un hôpital et qui disent: Je m'appelle Jean
Lebrun, j'habite telle rue, telle adresse... Ces deux faits concourent à
ce qu'il y ait des fraudeurs. Combien? On ne le sait pas. L'article le dit
très bien d'ailleurs. C'est un article de Nicole Beauchamp de la Presse.
Est-ce que c'est 7% ou 8% de ce 15%? C'est une estimation que nous faisons.
Quand un bénéficiaire d'un centre d'accueil se
présente pour des soins sans avoir sa carte, Dr Hamel, on n'a jamais
prétendu qu'il pouvait être un fraudeur. Je pense que vous
défoncez une porte ouverte quand vous dites cela dans votre
mémoire.
M. Hamel: Cela ne fait pas partie des $50 millions.
M. Lazure: Nous faisons la distinction, si vous vous rappelez
l'article en question. Le montant de $50 millions est décomposé
en deux parties. Une partie X, qui résulte des frais d'honoraires
payés à des non-fraudeurs, mais à des gens qui n'ont pas
leur carte. La partie Y, à côté, qui est constituée,
selon l'estimation de Nicole Beauchamp et qui concorde avec l'estimation de la
régie, d'une autre partie, peut-être 25% ou 30%, qui consiste
à payer pour un citoyen américain qui habite près des
frontières, par exemple dans les Cantons de l'Est. Ce ne sont pas des
choses inconcevables, ce sont des choses qui arrivent continuellement.
Pour revenir à la question du député de
Mégantic-Compton, ce n'est pas tellement l'insatisfaction des
bénéficiaires, mais c'est un besoin, suite à des articles
comme cela et aux propres constatations de la régie, de resserrer des
contrôles. Je répète que la plupart des provinces on
a le relevé ici province par province ont dans leur
législation l'obligation de s'inscrire et de présenter la carte.
Ce n'est rien de nouveau, ce qu'on présente aujourd'hui.
M. Grenier: M. le Président, c'est ma dernière
observation générale. Je ne sais pas si cela prenait une loi
aussi importante pour régler un point aussi précis que cela de
quelques individus qui pouvaient, apparemment, être des hors-la-loi. Je
me demande si ce n'est pas un peu un bâton de baseball qui tue une
mouche, ce qu'on a ce matin, si on n'est pas venu là-dessus, comme on
l'a fait, par exemple, quand on a décidé d'imposer une taxe sur
le linge des enfants, alors qu'on avait décidé que c'était
les infirmes, en fait, les gens de petite taille qui étaient les
profiteurs. On s'est dépêché, un mois après,
d'enlever cette taxe, parce que cela ne semblait plus important un mois
après.
M. Lazure: Ce n'est pas vraiment drôle.
M. Grenier: Ne pensez-vous pas, M. le Président, que cette
loi, pour corriger certaines erreurs qui peuvent arriver et qui arrivent au
niveau de l'adoption de chacune des lois, est vraiment un peu forte?
M. Lazure: Dr Laberge, voulez-vous...
Peut-être que je pourrais apporter un commentaire sur la carte. On
a eu, durant des années consécutives, des représentations
du Vérificateur général de la province qui nous disait:
Nous croyons que le contrôlé exercé sur les services
assurés facturés serait grandement amélioré s'il
devenait obligatoire de présenter la carte d'assurance-maladie pour
recevoir gratuitement les services requis. C'est le 31 mars 1977.
Au 31 mars 1978, on a: L'absence du numéro d assurance-maladie
sur le relevé d'honoraires rend de plus en plus difficile
l'identification du bénéficiaire et contribue à rendre
moins efficaces plusieurs mécanismes de vérification. On a fait
le tour des différentes provinces canadiennes. En Al-berta, les
résidents doivent s'inscrire et ils doivent présenter leur carte
pour recevoir des services. En Colombie-Britannique, ils doivent
également s'inscrire c'est un régime à prime
et le résident doit présenter sa carte, c'est-à-dire le
reçu de sa prime. L'lle-du-Prince-Edouard émet une carte à
chaque résident de plus de seize ans. Il doit présenter sa carte.
Au Manitoba, il doit également s'inscrire, prouver qu'il est admissible
et il doit présenter sa carte avant qu'on exige le paiement. C'est la
même chose au Nouveau-Brunswick. C'est la même chose dans toutes
les provinces canadiennes à l'exception du Québec.
L'autre raison à laquelle le ministre des Affaires sociales
faisait allusion, c'est que, dans un des rapports du Vérificateur,
c'était 36% de gens qui n'avaient pas de carte, par
échantillonnage.
Dans un autre rapport qui a été fait après, alors
qu'on a fait des campagnes de publicité ou d'information auprès
des professionnels et auprès de la population, on est tombé
à 15% de gens c'est en janvier 1978 qui n'avaient pas de
carte. Sur les 15%, on disait que la régie paie mensuellement $4 142 000
pour le compte de personnes qu'elle ne peut identifier. On ne sait pas si ce
sont des Québécois ou non.
Mensuellement. On a ensuite des problèmes avec les profils de
dispensation et les profils de
consommation. Si on veut faire des profils de consommation, on pense que
les gens surconsomment, mais on ne sait pas qui surconsomme. On sait qu'on a
payé, mais on ne sait pas à qui.
C'est la même chose pour ce dont on parlait tantôt, la
vérification des services rendus. Je dis qu'on envoie 7000 lettres par
semaine à des bénéficiaires leur demandant si tel ou tel
service a été rendu à telle date par tel professionnel.
C'est important d'avoir une carte pour être sûr qu'on envoie ces
lettres au bon bénéficiaire.
C'est la même chose pour un article dans la loi qui avait
été voté à l'automne, en décembre 1973 ou
1974, de faire parvenir à chaque Québécois un état
des services payés. On n'inscrit pas le nom de la maladie ou la nature
de la maladie, mais on envoie l'état des services payés au cours
d'une année avec le nom du bénéficiaire, le nom des
professionnels c'est inscrit dans la loi et le montant total
payés pour eux.
Si on a 15% ou 20% de gens qui n'ont pas de carte d'assurance-maladie,
c'est assez difficile de le donner ou de le donner complètement. (12 h
30)
II y a également des règlements qui sont prévus au
paragraphe o), par voie de règlement. On va prendre l'exemple d'un
nouveau-né, on n'exigera pas de carte, il n'a pas de carte. Dans les cas
d'urgence, peu importe où ils se produisent, on n'exigera pas de carte,
on va commencer par les soigner. On paie et on reviendra sur nos...
Pour revenir à la question du député de
Mégantic-Compton, il dit: Est-ce qu'on ne se sert pas d'un bulldozer
pour écraser une mouche? On l'a dit à plusieurs reprises, je l'ai
dit dans mes remarques ce matin, il s'agit d'un projet de loi relativement
modeste. C'est précisément parce qu'il est relativement modeste,
comme le constate le député de Mégantic-Compton, que nous
avions dit au début que nous ne voyions pas la nécessité
d'avoir une commission parlementaire. D'ailleurs, peu de groupes l'ont
demandée, finalement, cette commission parlementaire.
Je répète qu'il y a quand même, à part de la
carte, toute une série de nouvelles dispositions relativement modestes,
mais qui sont importantes. Par exemple, la répartition des
professionnels de la santé. Il y a, découlant des ententes avec
les médecins, un mécanisme de comité paritaire qui
établit les régions éloignées où on manque
de médecins. Ce comité paritaire, c'est entendu, il y avait une
certaine somme de réservée lors des dernières
négociations pour défrayer ce qu'on appelle des primes
d'encouragement à aller dans des régions éloignées.
Ceci n'était pas assis, si vous voulez, sur un fondement légal.
Nous profitons de cette série d'amendements pour introduire cette prime
d'encouragement.
Il y a aussi la signature, par le professionnel, de son relevé
d'honoraires. Le professionnel, actuellement, n'est pas obligé de signer
son relevé d'honoraires. Or, il arrive, encore une fois, dans des
contestations judiciaires, que la régie ne puisse pas aller jusqu'au
bout de sa contestation parce que la secrétaire ou l'infirmière a
signé le relevé d'honoraires et le médecin n'est pas tenu
responsable, ou le professionnel n'est pas tenu responsable. Alors, il s'agit
d'une série de dispositions pour améliorer le fonctionnement
actuel de la régie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton, avez-vous terminé?
M. Grenier: Oui, d'accord, je reviendrai.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Papineau.
M. Alfred: M. le Président, j'avais voulu au début
commenter un peu le préambule de Mme le député de
L'Acadie, mais j'en passe. Cependant, je ne peux pas ne pas m'inquiéter
de la compréhension que le député de
Mégantic-Compton fait du mot "contrôle". Je ne comprends pas non
plus, d'une part, que l'Union Nationale nous demande de contrôler tout le
temps quand il s'agit des organismes étatiques et, quand nous prenons
des dispositions pour exercer un certain contrôle au sens administratif
du terme, qu'elle nous dise que nous ne devons pas le faire. Je ne comprends
pas la contradiction qui existe chez les représentants de l'Union
Nationale. Quand nous contrôlons, ils nous accusent, quand on ne le fait
pas, ils nous accusent de ne pas le faire. Je relevais, par exemple, dans le
mémoire d'un représentant, des termes qui me font frémir
tant ces termes démontrent... Je crois même assister à un
drame raci-nien...
Mme Lavoie-Roux: Un drame racinien.
M. Alfred: Je relève: incertitude psychologique,
instabilité financière, inopportun, injuste, inéquitable,
inacceptable, indécent, et j'en passe. Cette prolifération
même de ce vocabulaire démontre, effectivement, la divergence qui
existe entre vous et le gouvernement. Est-ce qu'un vocabulaire plus
scientifique, plus adapté ne nous permettrait pas d'avoir un meilleur
dialogue?
M. Hamel: J'aimerais répondre à ceci...
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
M. Hamel: ...
M. Alfred: Est-ce que je...
Le Président (M. Jolivet): M. Hamel.
M. Hamel: Je vais répondre. En ce qui concerne le
vocabulaire, si vous lisez, à la page 5 du document qui a
été présenté ce matin par le ministre des Affaires
sociales, on dit: "On l'aura compris, l'un des principaux objectifs de ce
projet de loi est de resserrer les contrôles administratifs de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec afin de mettre un terme
à la hausse injustifiée des coûts de services de
santé et au gaspillage éhonté
des fonds publics". Si vous voulez avoir des statistiques scientifiques,
j'en ai ici tout un volume et j'aimerais que quelqu'un aille lui porter le
document de notre congrès. Vous verrez à la page 61 que le
coût des services médicaux au Québec de 1972 à 1976
représente une diminution constante du pourcentage du coût de ces
services médicaux par rapport à l'ensemble des dépenses du
secteur de santé et par rapport aussi au produit intérieur
brut.
Donc, la croissance des coûts des services médicaux, en
particulier, croît beaucoup plus lentement que le produit
intérieur brut, malgré que la croissance des effectifs soit
beaucoup plus rapide, même qu'ils croissent dix fois plus rapidement,
actuellement, ces années-ci, que la population. Il n'y a absolument
aucune justification à parler du coût des services de
santé... de hausse injustifiée et de gaspillage
éhonté. C'est de la véritable démagogie. C'est
faux, tout à fait faux. Il n'y a aucun fondement scientifique, aucune
statistique à l'appui. On peut s'échanger des statistiques, il
n'y en a pas.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, sur
la question des abus, nous en avons entendu quelques mots de la part du
président de la régie. N'avez-vous pas, maintenant, des moyens de
contrôler les abus, avec le projet de loi actuel? Vous m'avez
donné l'exemple de 200 examens dans la même journée. Vous
n'avez pas actuellement les moyens de contrôler cette forme d'abus?
M. Lazure: Nous en avons évidemment. Mais il y en a un
certain nombre qui ont besoin d'être resserrés. Je vais laisser le
président de la régie donner des exemples.
Je voulais terminer avec ma carte, je répondrai à votre
question ensuite.
Au cours d'une réunion des membres de la régie le 3
octobre 1978, il a été proposé et résolu à
l'unanimité que la carte d'assurance-maladie devienne obligatoire.
AQu'un bénéficiaire soit tenu de présenter sa
carte d'assurance-maladie à un professionnel de la santé, pour
obtenir gratuitement les services assurés;
BQue les exceptions à cette obligation soient
prévues par règlement;
CQu'un bénéficiaire ne soit pas
pénalisé, s'il n'a pas sa carte d'assurance-maladie, à la
condition qu'il fasse la preuve de son admissibilité;
DQu'un délai de six mois soit alloué à la
régie avant de rendre la carte obligatoire, de façon que la
publicité adéquate puisse se faire auprès de la
population.
M. Shaw: Je vais vous poser des questions sur la carte
tantôt, mais je viens de vous poser une question précise, sur les
abus. Il est évident que la base des gros changements de ce projet de
loi est impliquée dans les abus. Commençons avec une
vérité. Est-ce que vous avez les moyens, maintenant, avec tous
les comités de révision et tous les autres comités de
contrôle, de régler ces abus?
M. Lazure: II faudrait être très clair,
c'était un peu mêlé dans le document qu'on a entendu
tantôt. Les cas de fraude ne vont pas au comité
d'appréciation. Ce n'est pas à ce comité de décider
s'il y a fraude ou non. Les cas de fraude également, services non
assurés que j'ai mentionnés ou services non rendus,
des services qui nous sont facturés et n'ont pas été
rendus, cela ne va pas non plus ni au comité d'appréciation ni au
comité de révision, qui sont les organismes en place
actuellement.
Il faut procéder par voie d'enquête, faire l'enquête
et poursuivre le professionnel en cause.
M. Shaw: Mais vous avez des moyens, maintenant?
M. Lazure: On a des moyens qui sont assez difficiles à
utiliser maintenant. On a des cas précis et on peut vous en citer
beaucoup...
M. Shaw: Je n'en veux qu'un pour démontrer que ces gros
changements dans le projet de loi sont demandés.
M. Lazure: Je vais prendre un exemple en pharmacie. Il n'y a pas
longtemps, on a décidé d'envoyer des pharmaciens chez les
bénéficiaires avec l'enquêteur, pour s'assurer que le
médicament reçu par le bénéficiaire, pour lequel la
régie a payé, c'est le même médicament.
Dans les 18 premiers cas, ce n'était pas le même
médicament. C'était un médicament moins dispendieux et un
médicament plus dispendieux facturé à la régie. Il
y a $1 ou $2 de différence. Si on en accumule 25, cela fait $50. Est-ce
qu'on va faire une cause en cour pour $50?
M. Shaw: Vous avez des moyens pour chercher ces informations,
maintenant? Vous venez de le démontrer. Avez-vous un cas qui peut
démontrer que vous n'avez pas ces moyens?
M. Lazure: On a parlé tantôt de la signature. Je ne
sais pas si...
M. Shaw: Oui, la signature.
M. Lazure: On demande au médecin de signer. On a eu des
cas où les services n'ont pas été facturés et il y
a des cas où c'est un mandataire qui signe pour le professionnel. C'est
la majorité. Il y a des cas où cela peut être un comptable
ou une infirmière, mais il y a également des cas où c'est
l'épouse du médecin qui va signer ce relevé
d'honoraires.
Dans le cas d'un médecin qui nous facturait un examen complet sur
un mort cela faisait neuf mois qu'il était mort on est
allé en cour et, en cour, le médecin a dit: Ce n'est pas moi qui
ai signé le relevé d'honoraires. Je m'excuse. Et le
juge l'a acquitté tout simplement. Alors, si ce sont là
nos moyens, on va laisser faire.
M. Shaw: Mais vous pouvez faire ce règlement plus
serré, c'est-à-dire le droit de signer sans enlever le
droit...
M. Lazure: C'est ce qu'il y a dans la loi.
M. Shaw: ... mais, maintenant, vous insistez sur la signature du
professionnel lui-même. A la fin de la journée, il va
signer...
M. Lazure: Regardez...
M. Shaw: Je veux continuer. Peut-être qu'on peut resserrer
cette section, mais vous avez maintenant une nouvelle commission
d'enquête de la régie qui peut décider de la qualité
du service dans une...
M. Lazure: Non. Il n'y a pas de commission d'enquête de la
régie; vous parlez peut-être de la Commission des affaires
sociales.
M. Shaw: Non. Je parle...
M. Lazure: Elle ne décide pas de la qualité non
plus. C'est le rôle des corporations.
M. Shaw: ... de la commission de révision qui a maintenant
un pouvoir.
M. Lazure: Je vous ai dit au début que les comités
de révision n'ont pas à se prononcer sur la fausseté
d'écrits, sur la fraude, sur les actes facturés non rendus et sur
les services non assurés. Le comité de révision ne se
prononce pas là-dessus. Le comité de révision se prononce
sur les profils aberrants des actes injustifiés et on a ajouté,
cette année, des actes médicalement non requis ou non requis au
point de vue optométrique, dentaire, pharmaceutique.
M. Shaw: Mais cela n'implique pas un jugement de qualité
de service.
M. Lazure: Non. Ces gens ne rendent même pas une
décision. Ils font une recommandation. On avait suggéré au
début que les comités de révision rendent une
décision. Les comités de révision ont dit non parce qu'ils
devenaient des tribunaux judiciaires. Ils font une recommandation, mais non pas
dans le sens ou sur les points que vous avez soulevés, et la
recommandation...
M. Shaw: Peut-être que je peux poser la même question
au Dr Hamel parce qu'il est impliqué.
M. Lazure: Oui.
M. Shaw: Croyez-vous qu'avec ce pouvoir, c'est une "peer review '
du comité de révision, parce qu'on parle des actes non requis. On
parle de 125 injections. Peut-être que c'est un allergiste qui est
impliqué et 125 dans une journée, ce n'est pas un nombre trop
élevé. Alors, est-ce une question... à votre avis?
M. Hamel: La régie possède actuellement, par
I'intermédiaire du comité de révision actuel et par sa
juridiction, les moyens suffisants pour réviser des cas d'abus du genre
de ceux dont on discute ou qu'on présente. Un médecin qui aurait
traité 200 malades dans une journée, son cas peut être
étudié au comité de révision et des
décisions peuvent être prises, sauf que les comités de
révision, antérieurement, n'ont pas fonctionné de
façon satisfaisante pour des raisons qui ne sont reliées en
aucune façon à la question de prouver la nécessité
médicale. Au contraire.
Si on ajoute à la juridiction des comités de
révision la juridiction d'évaluer la nécessité
médicale, le médicalement requis on va rendre leur travail
presque impossible parce que l'expérience a prouvé, au niveau de
la Commission des affaires sociales, lorsqu'il s'agit de prouver que l'acte
n'est pas médicalement requis, les jugements jusqu'à maintenant
ont été favorables aux médecins et non pas à la
commission. Cela va rendre la tâche beaucoup plus difficile, d'une part.
(12 h 45)
Mais avec les pouvoirs qu'ils ont actuellement, ils peuvent le faire,
sauf qu'il manquait certains points. Par exemple, l'immunité.
L'immunité, c'était important. Ce sont des choses qu'on a
demandées. On est en faveur de l'immunité, mais on n'est pas en
faveur, ni les corporations et tout à l'heure je pense que les
corporations vont s'étendre longuement sur cette question... Je
préfère d'ailleurs leur laisser en discuter, parce que cela
relève d'elles. Il faut bien comprendre qu'actuellement lorsqu'on
accorde au comité de révision une juridiction sur
l'évaluation de la nécessité médicale, compte tenu
du fait que la régie n'est pas liée par la recommandation du
comité de révision, elle peut décider ce qu'elle veut. La
régie peut décider ce qu'elle veut en matière
médicale. Parce qu'il faut bien comprendre qu'un acte médical a
une composante économique et une composante professionnelle. Si on veut
l'évaluer non pas en fonction des aspects économiques, mais en
fonction du "médicalement requis ", et si on donne en même temps
des pouvoirs à la régie dans 18b, vous avez vu des pouvoirs de
faire enquête, etc., à ce moment-là, on donne à la
régie un pouvoir d'enquête sur la matière médicale,
de juger l'évaluation de l'acte médical. A ce moment-là,
la corporation perd sa juridiction dans le cadre de l'assurance-maladie. Ce
n'est absolument pas nécessaire pour bien faire fonctionner le
comité, actuellement. Il y a de petites améliorations à
apporter, en particulier l'immunité, mais il n'y a absolument aucune
raison de faire ce changement-là.
M. Lazure: Pour compléter, à la suite de la
question du député de Pointe-Claire. Le Dr Hamel vient de
l'admettre, c'est un exemple, justement, d'ajout, d'addition encore une fois,
relativement modeste, qui va améliorer, d'ajouter l'immunité;
vous venez de le concéder vous-même, c'est une
amélioration.
M. Hamel: Oui, on l'avait demandé.
M. Lazure: Deuxièmement, si vous le permettez, la
Fédération des médecins spécialistes a
recommandé, par écrit, d'ajouter à ce comité de
révision un avocat, contrairement à la Fédération
des omnipraticiens. Je l'ai dit dans mon texte ce matin, il y a quand
même plusieurs divergences entre les deux fédérations. Nous
pensons que le fait, d'introduire un avocat, désigné par l'Office
des professions, améliore le rendement de ce comité de
révision. Nous pensons que de donner l'immunité aux membres du
comité de révision améliore le fonctionnement de ces
comités.
M. Shaw: Mais vous avez donné un pouvoir de plus, c'est un
pouvoir de juger la qualité des services. Est-ce que vous pouvez
juger...
M. Lazure: Non, on ne juge pas la qualité. Non, on ne
donne pas ce pouvoir.
M. Shaw: ... si c'est un traitement requis ou non? Alors, c'est
un pouvoir, c'est évident.
M. Lazure: II n'y a pas de pouvoir de juger de la qualité.
C'est le pouvoir de juger si l'acte rendu est un acte abusif ou
injustifié. J'ai donné l'exemple de 125 injections
sclérosantes dans la jambe d'une femme au cours d'une période de
dix jours. On va leur dire: Est-ce que vous trouvez cela abusif ou
injustifié? Ils vont dire nous pensons qu'elle n'en avait pas besoin de
125, nous pensons que c'était médicalement non requis.
M. Shaw: C'est un jugement impossible par un groupe... C'est un
jugement impossible.
M. Lazure: Chaque injection peut avoir été faite de
façon absolument adéquate. Il n'y a aucun reproche à faire
à la façon dont l'injection a été faite. On pense
que c'était médicalement non requis.
M. Shaw: Alors, vous n'avez pas d'autres moyens pour prendre la
même décision, sans donner ce pouvoir à ce
comité.
M. Lazure: On a refilé au comité, à ce
moment donné, des injections de B-12 et des injections de fer. Il y
avait des gens qui donnaient du fer de façon...
M. Shaw: A des patientes enceintes.
M. Lazure: D'accord, disons deux ou trois piqûres par
semaine pendant plusieurs semaines, mais il y avait 50% de la clientèle
qui recevait du fer. Chaque injection de fer était très bien
donnée, la qualité de chacune était bonne. Sauf que le
comité nous disait: On pense que c'était médicalement non
requis. Si c'est médicalement non re- quis, ce n'est pas un service
assuré. Dans la loi, on dit qu'un service assuré est un service
requis au point de vue médical. Donc, si ce n'est pas un service
assuré, le comité n'a pas à se prononcer dessus.
M. Shaw: Alors...
M. Lazure: Pour apporter une précision, dans le texte de
loi actuel, on disait que la régie peut accepter la recommandation du
comité. Elle peut l'accepter, donc, elle peut la refuser. On a mis: La
régie décide. Parce que la Commission des affaires sociales
aimerait ça que quelqu'un décide. Le comité
préférait une recommandation à une décision. Le
comité fait une recommandation, ce n'est pas un comité de la
régie, je le répète encore. Sur sept personnes, il y a six
professionnels. Sur le comité des médecins omnipraticiens, il y a
six médecins sur sept, le septième est nommé par l'Office
des professions. C'est déjà dans la loi, on a
précisé que c'était un avocat.
Ils font une recommandation, mais il faut que quelqu'un décide.
Alors, nous, au lieu de dire: Peut accepter la recommandation il peut
l'accepter ou la refuser, c'est une décision on dit: "La
régie décide, fait connaître sa décision dans les 30
jours". En passant, la décision du comité est toujours transmise
à la corporation professionnelle et au professionnel concerné.
J'ai vu que c'était une recommandation, mais on le fait toujours.
M. Shaw: Mais est-ce que vous attendez ces recommandations de la
corporation professionnelle avant de transmettre une décision à
la régie?
M. Lazure: Non.
M. Shaw: Alors, c'est évident que si vous avez un
comité qui va transmettre la décision que vous aimez entendre,
c'est bon. Mais si vous pouvez demander, en même temps, à une
autre source d'information, comme la corporation professionnelle qui a des
moyens d'étudier plus à fond la même question...
M. Lazure: Dans l'article de la loi, on a mis que le
comité de révision peut consulter, s'il le juge
nécessaire, la corporation professionnelle concernée.
M. Shaw: Alors, vous venez de dire que vous n'avez pas besoin
d'une décision ou d'un voeu des pairs, concernant un acte
médical, mais avec une décision de votre comité de
révision, vous pouvez juger de leur part.
M. Lazure: Je vais essayer d'expliquer au député de
Pointe-Claire. Le comité de révision est un comité de
pairs. Dans le cas des omnipraticiens, le comité est composé de
six omnipraticiens sur sept membres. Si ce n'est pas un comité de pairs,
je ne sais pas ce que c'est un comité de pairs. Dans le cas des
spécialistes, il est composé de six spécia-
listes sur sept. Mais encore une fois... Même chose pour les
dentistes, pour les optométristes, les pharmaciens. C'est un ajout
à la loi, on en crée un chez les pharmaciens, là où
ça n'existait pas. Bon. Mais la qualité elle-même de l'acte
professionnel, cette qualité, c est du ressort de chaque ordre. Ce n'est
pas du ressort du comité de révision.
Le comité de révision juge, après analyse, d'un
profil de pratique, juge si c'était conforme aux normes de pratique, pas
sur la qualité de chaque acte en particulier. C'est du ressort de chaque
professionnel.
M. Shaw: ... avez-vous maintenant l'obligation de contacter le
professionnel impliqué avant de réduire...
M. Lazure: Je vais ajouter à la réponse du ministre
des Affaires sociales. Si on prend le comité des médecins
omnipraticiens, au bas de la page 31 du projet de loi 84, c'est écrit
que le comité compend cinq médecins omnipraticiens, dont deux
sont choisis parmi une liste d'au moins quatre noms fournie par la Corporation
professionnelle des médecins du Québec. Trois autres sont fournis
par une liste d'au moins six noms fournis par la Fédération des
médecins omnipraticiens. Ces personnes ne doivent pas occuper une charge
élective ou une charge à temps plein au sein de la corporation ou
de la fédération. Mais il y en a trois qui viennent de la
Fédération des médecins omnipraticiens, deux qui viennent
de la corporation professionnelle donc, il y en a déjà
cinq et des deux autres membres, il y en a un qui est nommé par
la régie sans droit de vote et l'autre est déjà
nommé par l'Office des professions dans la loi actuelle. On
précise que c'est un avocat, le septième membre.
Pour répondre à votre question de savoir ce qu'on fait des
décisions, je vais vous dire qu'on n'a jamais refusé une
décision d'un comité de révision. Vous allez me dire que
ce n'est une garantie de rien. Chaque fois qu'on a une décision du
comité de révision, on l'applique, mais chaque fois qu'on a une
décision du comité de révision, on informe le
professionnel, on informe la corporation et on informe la
fédération.
Après cela, le professionnel est entendu au comité de
révision. C'est marqué dans la loi, qu'il se fait entendre au
comité de révision.
M. Shaw: Peut-être que je peux poser la même question
au Dr Hamel, pour avoir des précisions de sa part.
M. Hamel: En premier lieu, il faudrait faire des distinctions
entre la composition et la juridiction du comité. En ce qui concerne la
composition, on se plait à dire qu'il y a cinq omnipraticiens sur le
comité qui représentent les omnipraticiens, etc. On n'est pas
contre le fait qu'il y ait cinq omnipraticiens sur un comité de pairs,
sauf qu'on n'est pas d'accord qu'un conseiller juridique soit, à la fois
un conseiller juridique et un membre du comité, il y a conflit dans les
fonctions de ce conseiller juridique. Si on veut que ce soit un comité
de pairs, d'une part, que ce soit composé seulement de médecins
omnipraticiens ou de médecins spécialistes.
Deuxièmement, en ce qui concerne la juridiction de ce
comité, dans la loi actuelle, on dit que ces services ont
été dispensés de façon abusive ou
injustifiée. Or, les pouvoirs qui existent dans la loi sont suffisants
pour les membres du comité, pour juger si les services ont
été dispensés de façon abusive ou
injustifiée.
Sur un cas de 125 injections pour des varices, c'est très facile
de porter un jugement. J'en parle d'autant plus à mon aise que j'ai
siégé quatre ans, pour le régime d'assistance
médicale, à un comité de révision. On a fait le
travail rondement. Les décisions étaient prises, quand on avait
à étudier un cas, dans un délai d'une semaine. On n'a
jamais eu besoin de juger, pendant quatre années, à
l'intérieur du service d'assistance médicale, si l'acte
était médicalement nécessaire ou non. Nous étions
capables de porter un jugement sur le caractère abusif ou
injustifié.
Actuellement, ce qui est important, c'est qu'on ajoute, à la
juridiction de ce comité, le pouvoir, supposément pour faciliter
la tâche du comité, d'évaluer si l'acte est
médicalement requis. C'est quand même jugé une
matière médicale. C'est porter un jugement pour savoir si cet
acte est médicalement requis. Il ne s'agit pas de savoir si c'est
abusif. C'est bien sûr que cela peut être abusif, dans le cadre du
régime, qu'un médecin fasse 200 visites à domicile par
jour. Cela ne veut pas dire qu'il ne les a pas faites. Mais on peut, suivant
des normes de pratique habituelles, déterminer que, même si l'acte
pouvait être bon ou médicalement requis, c'est abusif quand
même. Il faut faire une distinction entre la fréquence abusive et
un acte qui est médicalement requis. Ceci est tellement vrai que, dans
un cas justement de fréquence abusive de visites à domicile, les
médecins membres d'un comité de révision ont fait les
visites à domicile avec un médecin. Ils ont suivi le
médecin de 5 heures, le matin, à minuit. On s'est aperçu
que les visites à domicile étaient requises du point de vue
médical et que, si on l'avait poursuivi sur le fondement que les
services médicaux n'étaient pas requis, on aurait perdu la cause.
C'était beaucoup plus facile de prétendre que les visites
étaient abusives, en fonction de normes de pratiques, par analogie
à d'autres normes de pratique.
Il faut étudier la balance des avantages et des
inconvénients. D'une part, notre expérience, notre connaissance
nous apprend qu'étendre la juridiction au médicalement requis
n'aide pas du tout le comité de révision dans son travail et que
c'est inutile.
D'autre part, comme inconvénient majeur, parce que les
décisions de ce comité... Quand on se plait à dire que ce
n'est pas un comité de la régie, sauf que les décisions de
ce comité qui peuvent porter sur du médicalement requis, sont
soumises à la discrétion de la régie ensuite, la
régie peut suivre ou ne pas suivre la décision du comité
de révision.
Si on ajoute aussi les pouvoirs d'enquête de la régie et
les pouvoirs d'application et d'interprétation de l'entente, on se
trouve, sur le plan juridique il faudrait le demander à nos
conseillers juridiques à étendre la juridiction de la
régie sur l'évaluation de la nécessité
médicale. Si on veut faire des finasseries entre l'évaluation de
la qualité de l'acte et l'évaluation de la
nécessité médicale, vous comprenez bien que quand on dit
à un médecin: Ton acte n'était pas nécessaire, on
vient de juger de sa qualité aussi.
M. Lazure: M. le Président, seulement une rectification.
Quand le Dr Hamel prétend qu'il y a conflit d'intérêts pour
l'avocat qui est au sein du comité de révision, il a recours
à un abus de langage encore une fois, parce que cet avocat n'est pas
conseiller juridique de quiconque. Il n'est conseiller juridique de personne.
Je ne sais pas où vous prenez votre idée qu'il est conseiller
juridique, il ne l'est pas. C'est un avocat recommandé par l'Office des
professions, nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, comme membre
du comité de révision. Il n'est pas conseiller juridique.
Laissez-moi terminer, je vous ai laissé terminer.
Deuxièmement, je pense que c'est ce genre d'argument qui
sème la confusion et qui dramatise des choses qui n'ont pas à
être dramatisées. Vous persistez à dire que c'est un
comité de la régie, ce n'est pas un comité de la
régie. Vous dites qu'en donnant tel pouvoir au comité, on donne
tel pouvoir à la régie. Finalement, et c'est important, le
comité de révision de la Fédération des
médecins spécialistes a recommandé, non seulement la
présence de l'avocat, mais aussi que le comité de révision
ait juridiction sur ce qui est médicalement requis.
M. Hamel: Une dernière remarque, si vous permettez.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, mais comme il est
13 heures...
M. Grenier: Est-ce que vous pouvez vous permettre de la garder
pendant l'heure du dîner?
Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je voulais...
Habituellement, nous suspendons les travaux, puisqu'il est 13 heures. Nous
allons continuer à 15 heures...
Une Voix: Je ne suis pas...
Le Président (M. Jolivet): Une minute. Nous allons revenir
à 15 heures. Entre-temps, nous allons vérifier s'il est possible
de changer de salle, mais je vous conseille d'abord de revenir ici avant,
puisqu'on ne le saura qu'à ce moment. Quant au droit de parole, parce
que le député de Pointe-Claire m'a fait signe qu'il n'avait pas
terminé, je dois lui dire que ses premières vingt minutes sont
cependant terminées. La parole sera au député de
Saint-Laurent. On pourra revenir à un autre tour de droit de
parole.
Suspension de la séance à 13 h 1
Reprise de la séance à 15 h 10
Le Président (M. Jolivet): La commission des affaires
sociales est réunie à nouveau pour continuer d'entendre les
mémoires qui sont déposés devant elle, concernant le
projet de loi 84.
Il y a une demande et j'ai besoin du consentement pour un
changement. M. Lavigne (Beauharnois) est remplacé par M. Gagnon
(Champlain). Est-ce que le consentement est acquis pour le changement de nom?
Pas de problème? Donc, la parole était à M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais aller
directement au premier chapitre du mémoire que nous avons entendu ce
matin, le chapitre qui est intitulé: "Le sort des associations de
professionnels de la santé", à la page 5 et qui se termine, aux
pages 31 à 33, par une série de recommandations.
Il s'agit d'un ensemble de recommandations qui ont trait à ce que
l'on pourrait qualifier de droits syndicaux face au pouvoir de gérance
du ministre sur le régime d'assurance-maladie. Je pense qu'il est
important de noter la préoccupation de ceux qui se sont exprimés
ce matin, à savoir que la tradition qui a été
édifiée au cours des huit dernières années au
Québec soit respectée. Tradition à l'effet que certaines
choses appartenaient à la négociation et que certaines autres
appartenaient à la loi et au pouvoir de réglementation.
On pourrait, bien sûr, imaginer un régime
d'assurance-maladie très différent de celui que nous avons
où l'entente avec les différentes catégories de
professionnels se résumerait en un document de cinq ou six pages,
contenant à peine autre chose que le tarif et ses règles
essentielles d'application, mais la tradition, encore une fois, en a voulu
autrement. Nous avons des ententes qui sont, dans le fond, très
complètes, qui touchent à peu près à tous les
aspects de l'application du régime.
Dans le cas d'une tradition comme celle-là, il est
légitime, je pense, pour les associations syndicales représentant
les différentes catégories de professionnels de la santé,
de se plaindre d'une modification unilatérale à ce qui
était considéré comme des règles ordinaires de
détermination de certaines questions.
Si je m'en rapporte aux différentes recommandations, il y a
quelques questions que j'aimerais poser à nos invités, de
manière à bien faire ressortir le sens de ces recommandations,
pour être sûr que nous en voyons bien les raisons et les
implications.
En premier lieu, il y a les articles 63 à 68 qui instaurent un
régime d'incitation pour la pratique
dans certains lieux éloignés, dans certaines
régions, et le mémoire que nous avons entendu ce matin nous dit
que ces dispositions devraient être retranchées parce qu'elles
sont inutiles puisque l'entente prévoit déjà d'ailleurs,
non seulement l'entente des omnipraticiens, mais d'autres ententes
prévoient déjà des dispositions contractuelles à
cet effet.
A cela, le ministre nous a répondu que ces articles seraient
requis pour légaliser des ententes. Ceci me pousse à poser deux
questions, d'une part, au Dr Hamel ou à ses collègues.
Est-ce que, effectivement, au-delà de la réponse que vient
de nous donner le ministre, le désir du ministre de voir cela dans la
loi serait dû à une difficulté ou à un échec
d'efforts de négociation portant sur un tel sujet, et je serais curieux
de savoir du ministre s'il est vraiment nécessaire, advenant qu'il n'y
ait pas eu d'échec dans ces négociations, d'avoir des articles
aussi nombreux, étant donné que déjà, la loi dans
son article 15, prévoit que les ententes, sans restriction, quelle que
soit leur nature, quels que soient les sujets sur lesquels elles portent, lient
la régie et par conséquent, trouvent un effet juridique par le
biais de l'article 15, sans nécessiter ces articles.
En premier lieu, Dr Hamel, s'il vous plaît!
M. Hamel: Je vais laisser répondre Me La-chapelle, si vous
permettez, à cette question. Me Raymond Lachapelle va répondre
à votre question.
M. Lachapelle (Raymond): Dans l'entente des professionnels de la
santé et plus particulièrement dans celle des omnipraticiens, que
je prendrai à titre d'exemple je m'excuse, je vais essayer de
parler plus fort encore pour enterrer cette machine... (15 h 15)
M. Forget: II n'a pas de micro en plus de cela.
Mme Lavoie-Roux: II n'a pas de micro et il a la machine sur la
tête.
M. Forget: Nos invités n'ont pas de micros.
M. Lachapelle: Je disais qu'il y a des dispositions
spécifiques dans les ententes avec les professionnels de la
santé, notamment dans celle avec les omnipraticiens. Je parle de cette
dernière à titre d'exemple et aussi parce que, de par mes
fonctions, j'en ai une connaissance plus approfondie. En effet, je suis
conseiller juridique de la Fédération des médecins
omnipraticiens et je sais, pertinemment, que ce chapitre VIII intitulé:
Répartition géographique des effectifs, a donné lieu
à au moins une reprise, sinon deux à des accords entre le
ministre et la fédération.
A la suite de ces ententes, il y a eu effectivement certaines normes de
répartition qui ont été mises en vigueur. Alors, la
réponse à la question posée est la suivante:
Effectivement, l'entente a donné lieu à des accords et, en
conséquence, ces accords, que nous trouvons pertinents, valables, se
sont montrés jusqu'à ce jour efficaces.
Ensuite, j'aimerais ajouter que, lorsqu'on considère les articles
63 à 68 proposés par le projet de loi, peut-être irais-je
jusqu'à donner raison et je le fais à ce moment-là
avec plaisir au ministre en partie, en disant que, s'il s'agit de
l'approbation des fonds, peut-être faut-il une disposition
particulière dans l'entente et ce serait celle de l'article 68 qui se
trouve, à ce moment-là, à imposer ou à faire porter
par la régie le poids du coût des primes en question. L'article
68, à mon point de vue, du point de vue juridique, aurait sa raison
d'être, mais les articles 63 à 67 inclusivement n'ont pas de
raison d'être parce que, si vous lisez le premier article, l'article 63,
dans le mémoire qui vous a été distribué, plus
particulièrement à la page 8, vous lisez, dès les
premières lignes: "63. Le ministre peut accorder, conformément
à la présente loi et aux règlements, une prime
d'encouragement à un professionnel de la santé..." Alors, cet
article 63 se trouve à passer outre à l'entente, fait fi de
l'entente, alors que la discrétion du ministre, à notre point de
vue, devrait s'exercer dans le cadre contractuel qui est d'ailleurs très
complet là-dessus.
Evidemment, je ne peux pas donner à cette assemblée tout
le détail du chapitre 8 qui comprend trois longues pages, mais il y a
constitution d'un comité mixte, des normes sont établies par les
parties et de là naît et oeuvre un comité de
répartition des effectifs. Ce qui est essentiel, c'est que l'entente
prescrit justement, je lis en partie l'article 2902, la détermination
des conditions susceptibles de favoriser la répartition et l'application
aux médecins des contraintes prévues par la loi. Donc, que les
parties mettent en oeuvre, décident de mettre en oeuvre des moyens
incitatifs et des incitations à la fois pour favoriser la
répartition des effectifs... Alors, je crois donc que les articles 63
à 67 sont superflus, d'une part, et, d autre part, leur matière
fondamentale appartient au cadre de l'entente. C'est la raison pour laquelle
nous nous opposons. Le maintien de ces articles 63 à 68 tels qu'ils
sont, se trouve à ériger un mur de béton et empêche
les parties de négocier au-delà. Qui peut négocier contre
la loi? C'est impossible.
En conséquence, nous demandons le retrait au moins des cinq
premiers articles.
M. Lazure: M. le Président, pour compléter la
réponse...
M. Forget: Juste avant que le ministre réponde, M. le
Président, comme mon droit de parole est limité, j'imagine, si
les réponses de tout le monde sont comptées dans mon temps, je ne
pourrai pas me rendre très loin. Je demanderais la collaboration des
membres de la commission.
M. Lazure: Bien sûr. Essentiellement, Me Lachapelle a
touché l'objectif principal de ces quelques articles. On se souviendra
que dans la dernière entente, j'ai davantage celle des
spécialistes en tête, non pas parce qu'ils ne sont pas ici,
mais parce qu'avec ces derniers, on a réussi à s'entendre
à l'intérieur du comité de répartition
géographique, pour un groupe de spécialistes et il y en a un
autre qui s'en vient. Mais il n'y avait rien qui permettait à la
régie de dépenser ces sommes qui avaient été mises
de côté, c'est-à-dire $1 million.
Alors, on s'entend là-dessus, on a la même perception.
Maintenant, il y a peut-être des articles qui sont superflus. Ce n'est
pas du tout notre intention d'aller contre l'entente, pas du tout. Mais je
pense qu'il revient au gouvernement, au ministre des Affaires sociales en
particulier, de désigner les zones qui, prioritairement, doivent
recevoir des effectifs médicaux. Je pense que ça fait partie de
l'appréciation du pouvoir élu de décider quelles sont les
zones les plus prioritaires.
Cela étant dit, je répète, encore une fois, qu'on
est prêt à enlever certains des articles s'ils semblent aller
contre l'entente. On n'a pas l'intention d'aller contre l'entente.
M. Forget: Pour laisser ce premier sujet, je ne peux pas faire
autrement que de noter qu'il semble que ces articles vont effectivement
à rencontre d'une possibilité de conclure des ententes portant
sur le même sujet, puisqu'elles ferment la porte à des variations
qui ne seraient pas prévues par la loi. Je ne peux pas comprendre,
d'autre part, pourquoi les dispositions de la loi, à l'heure actuelle, y
compris le paragraphe de l'article 5 qui dit que toute entente lie la
régie, sans restriction, a une portée très vaste, ne
seraient pas suffisantes pour donner effet, même sur le plan
budgétaire, à des ententes ou à des annexes conclues en
vertu des ententes.
M. Lazure: En fait, je voudrais clarifier ce point, il y a trois
catégories. Il y en a une, seulement pour la mentionner, ce sont les
bourses de recherche. Pas de problème, c'est prévu dans la loi,
0,2% des montants dépensés au cours de l'exercice financier
précédent sont réservés pour ça. Le jury qui
détermine ça, c'est le conseil sur la santé du
Québec. C'est lui qui détermine les boursiers. Le ministre les
approuve et nous, nous versons les montants.
Le deuxième, où il n'y a pas de problème non plus,
ce sont les bourses d'étude. Encore là, il y a un jury
formé de trois membres qui donne les bourses d'étude et on
réfère au comité de répartition géographique
pour que ces jeunes aillent pratiquer dans les régions
éloignées. Pour l'intérêt de tout le monde, je
pourrais dire qu'il y en a 95 qui ont été données depuis
le début, soit 1973, et qu'il y a seize finissants, je crois, cette
année. Il y a des bourses A, B, C et D.
Il y a une modification intéressente que le ministre des Affaires
sociales vient d'apporter. Au lieu de limiter les bourses d'étude aux
étudiants en médecine, les bourses d'étude vont s'adresser
aux étudiants en art dentaire ou en médecine dentaire, en
optométrie et en pharmacie. C'est réglé.
La troisième, ce qui arrive de nouveau, ce sont des primes
d'installation qui, on pense, à la lon- gue, vont remplacer les bourses
d'étude, pour une raison assez simple. La bourse d'étude qu'on
offre à l'étudiant, en deuxième année, on lui
demande d'accepter une bourse qui est, par exemple, de $6000, une bourse qui
est imposable, en lui demandant de s'engager à aller pratiquer dans un
endroit que personne ne connaît. Tout le monde ignore l'endroit. Ni le
ministère, ni la régie, ni le comité, ne peuvent savoir
trois ou quatre ans à l'avance quel sera l'endroit. C'est pour cela
qu'il y a une certaine tiédeur, de la part des jeunes, à s'y
diriger.
La prime d'installation s'adresse à tous les professionnels de la
santé encore, les quatre catégories avec lesquelles nous avons
des ententes. Elle est immédiate, c'est-à-dire qu'on a recours
à une main-d'oeuvre qui est immédiatement prête, cela peut
être aussi bien pour un gynécologue dans une région, ou un
anesthésiste, que pour un médecin omnipraticien, ou encore,
dentiste, optométriste ou pharmacien.
Le problème est le suivant: Quand on a voulu donner des primes
d'installation pour les psychiatres, on a fouillé notre loi, on l'a fait
regarder par le ministère de la Justice et les gens du ministère
nous ont dit: C'est regrettable, mais il n'y a aucun pouvoir dans la loi qui
vous permette de prendre les fonds de la régie pour des primes
d'installation. Il a fallu passer différemment, avec un budget
spécial, au Conseil du trésor. C'est ce que la loi vient
corriger.
Comme l'a fait remarquer le ministre plus tôt, de même que
M. Lachapelle, tous les articles sont là, on en a parlé avec le
Dr Lazure, ce n'est pas absolument nécessaire qu'ils soient là.
Je ne me battrai pas sur l'article 1, 2 ou 3. On aurait certainement
aimé je suis conscient que je dis quelque chose qui appartient au
Dr Lazure que les conditions et les modalités pour l'attribution
de subventions soient réservées par entente, au comité de
répartition.
M. Forget: Un deuxième point, M. le Président. On
demande de retrancher le sixième alinéa de l'article 18
proposé par l'article 14 du projet de loi. Il s'agit là de
l'interdiction qui est faite à toute personne d'exiger ou de recevoir un
paiement en rapport avec la dispensation d'un service assuré par un
professionnel de la santé soumis à l'application d'une entente,
sauf dans les cas prescrits.
Est-ce qu'il s'agit j'espère que j'ai bien compté?
Oui, c'est bien cela de frais accessoires qui ne sont pas couverts
spécifiquement par l'entente?
M. Lazure: Oui, c'est cela.
M. Forget: Est-ce qu'il s'agit de frais accessoires qui ne sont
pas couverts spécifiquement par l'entente?
M. Lachapelle: J'aimerais peut-être corriger. Nous avons,
dans notre entente...
M. Lazure: Pouvez-vous donner des exemples à ce sujet?
M. Lachapelle: Je m'y réfère toujours à
titre d'exemple seulement, il y a dans l'entente des ornnipraticiens, à
l'article 2 du préambule général, une disposition qui
prévoit les frais accessoires et également les honoraires de
certificats, mais l'exemple que je donne ne s'applique qu'aux professionnels de
la santé régis par un régime universel. Ceux qui sont
régis par le régime partiel ont un autre problème. Je
demanderai tout à l'heure à un autre collègue de
l'expliquer.
En résumé, l'entente des omnipraticiens qui sont
régis par le régime universel de l'assurance-maladie porte
effectivement sur le fait que les frais accessoires et également et
peut-être surtout les honoraires de certificats peuvent être
facturés directement aux bénéficiaires.
M. Forget: Votre prétention est que ceci peut se faire
dans tous les cas où il y a un problème.
M. Lachapelle: Notre prétention serait... Dans tous les
cas où...
M. Forget: Dans tous les cas où le fait de facturer les
frais accessoires qui ne seraient pas couverts actuellement par l'entente cause
un problème?
M. Lachapelle: Oui, parce que c'est de la nature, à ce
moment-là, d'un service en rapport avec la dispensation de services
assurés. On voit que la disposition du sixième alinéa se
trouve d'abord à avoir pour effet d'enlever à l'entente le champ
occupé actuellement...
M. Forget: Oui.
M. Lachapelle: ... et de le priver pour l'avenir touchant le
comparable et de confier ce pouvoir à la loi et à la
réglementation. Nous nous opposons justement à ce que nous
appelons cette intrusion de la loi, parce que le champ privilégié
de l'entente pour les professionnels de la santé est presque
sacré syndicalement. Vous allez le comprendre. En particulier, c'est
l'instrument le plus valable et le plus important pour les professionnels de la
santé.
M. Forget: Pourrait-on savoir du ministre ou du président
de la régie s'il y a des problèmes causés par des frais
accessoires qui ne sont pas prévus par l'entente et s'il n'y aurait pas
eu possibilité de négocier un amendement à l'entente
actuelle de manière à réglementer ou à
régulariser des problèmes de cette nature?
M. Lazure: Je dirais que le cas peut-être le plus
fréquent est celui de certaines interventions mineures qui sont faites
dans le cabinet du médecin. Le médecin va dire: Pour
l'intervention, d'accord, je prends le tarif de la régie, mais, pour
l'usage de ma table et de mes instruments, c'est $50. On le voit assez
régulièrement, dans le cas des vasectomies. Maintenant, je ne
suis pas sûr si cela ne devrait pas... En fait, ce qu'on ne veut pas,
c'est que ce soit aux frais du malade. Je ne suis pas sûr si cela ne
devrait pas être négocié et prévu. Par contre, il y
a d'autres cas où j'ai déjà eu des plaintes; pour changer
un pansement, parce qu'on passe dans la salle à côté, c'est
$5 ou $10; et, pour aller plus loin, on a même eu une salle d'attente
avec un appareil qui montrait un film et cela coûtait $1 pour voir le
film. Ce sont ces frais qu'on n'aimerait pas voir facturés aux
patients.
M. Lachapelle: Est-ce que je pourrais intervenir ici, un moment,
pour signifier justement au Dr Laberge que, pour les derniers cas que vous avez
mentionnés qui sont hors de ma connaissance, mais qu'importe
à supposer qu'ils répondent à une
réalité, vous acceptez avec moi que ces cas ne feront pas l'objet
de l'entente. En conséquence, c est illégalement que le
professionnel de la santé se trouverait à facturer cet
accessoire. Ceci ne vient pas infirmer...
M. Lazure: Dans le cas dont je parle, le professionnel ne facture
pas cela à la régie. Il facture cela au
bénéficiaire, sous le nom d'une compagnie; il ne facture pas cela
sous son nom à lui.
Je vous ferai remarquer aussi que le texte dit bien: "II est interdit
à toute personne d'exiger... " Cela ne vise pas plus le professionnel
médecin qu'un autre. C'est à dessein que l'expression est
large.
M. Hamel: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): II y avait M. Chicoi-ne qui
voulait intervenir.
M. Chicoine: M. le Président, je trouve un peu curieux
l'apparition de cet article dans le projet de loi, parce que, justement, lors
des négociations des règles d'application du tarif, c'est le mot
à mot d'un article que le gouvernement a retiré, qu'on
n'acceptait pas chez nous, et on le retrouve dans le projet de loi. Dans un
régime partiel, c'est une injustice totale. (15 h 30)
Dans notre mémoire, on a donné l'exemple de
I'analgésie relative. Comme tout le monde ne connaît pas les
chambres à gaz, on va vous parler de couronne. C'est une chose que les
gens connaissent assez bien. Une couronne, qui est un service assuré,
peut nécessiter préalablement une gingivectomie ou un curetage
autour de la dent sur laquelle on doit asseoir la couronne. Ce sont des
traitements qui sont en rapport avec la confection de la couronne et qui ne
sont absolument pas assurés, donc que le dentiste serait en droit de
réclamer. Or, avec un tel article, pour tous les autres traitements, il
ne peut absolument rien réclamer. Nous considérons cela comme une
injustice.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Dr Chicoine, je comprends très bien cette
objection dans le cas d'un régime
partiel. J'aimerais que dans le cas des exemples qui viennent
d'être donnés par le Dr Laberge, le Dr Hamel fasse des
commentaires dans le cas d'une charge, par exemple, qui est faite pour
l'utilisation d'un plateau chirurgical ou etc., à plus forte raison la
télévision ou les films... Ce sont des exemples qui pourraient
être un peu caricaturaux... Est-ce que le bénéficiaire a un
recours quelconque si la seule solution que vous recommandez est une solution
contractuelle entre le ministre et votre association? Celui à qui on
réclame le paiement, dans le fond, ne peut pas invoquer un contrat entre
deux parties, auquel il n'est pas impliqué.
Voyez-vous des solutions à cela, en dehors du projet de loi qui
est devant nous?
M. Lachapelle: Je pense que la forme contractuelle est quand
même efficace, parce que ce qui est important, c'est de déterminer
la nature de l'objet de négociation. Si la nature de l'objet de
négociation, c'est les frais accessoires ou le service relié au
service assuré, et l'inclusion et l'exclusion doivent être objets
d'entente, on ne pourrait pas, par exemple, supposer que les inclusions sont
dans l'entente et les exclusions sont dans la loi, d'une part. D'autre part, je
crois que l'entente, par son effet obligatoire, peut amener la partie, soit le
ministre ou même la régie dans certains cas, à exercer
vis-à-vis le médecin en faute, le droit que l'entente lui donne
et ceci, je crois, est une action efficace pour protéger le
bénéficiaire.
M. Lazure: Pour ajouter encore une fois, l'entente ne pourrait
pas lier des tierces personnes, des tierces parties et ce ne sont pas des
exemples hypothétiques qu'on vous donne. Un groupe de professionnels
peut former une compagnie, laquelle compagnie facture au
bénéficiaire, soit le prix d'utilisation d'un plateau de petite
chirurgie ou un film, peu importe, et il est évident qu'on ne peut
toucher ces tierces personnes, qui sont des compagnies, par le biais d'une
entente. Je pense que tout le monde admettra cela.
M. Lachapelle: Pour répondre et ici, j'y mets beaucoup de
prudence parce que le débat ne peut se prolonger trop longtemps. Pour
couper court, si vous permettez, si l'article 6, qui porte une interdiction
légale à toute personne, etc, se trouvait à établir
un paiement quelconque visé à l'entente en rapport avec la
dispensation de services assurés, vous allieriez le champ de la
négociation que vous protégeriez avec l'effet juridique que vous
donnez à la loi. Prévoyez donc au sixième alinéa
que les paiements visés puissent être négociés
à l'entente.
M. Lazure: A première vue, c'est à retenir, mais je
suis content que Me Lachapelle ait reconnu que pour les tierces parties, on a
besoin de cet article. Donc, vous ne demandez plus le retrait pur et
simple.
M. Lachapelle: Faisons la distinction. J'ai parlé au nom
des professionnels de la santé qui sont régis par un
régime universel, donc qui peuvent assez facilement, par l'entente,
régler la situation, mais ceci ne règle pas du tout le cas des
professionnels qui sont régis par un régime partiel.
M. Forget: Le ministre accepterait-il de revoir le texte avec
cette préoccupation à l'esprit?
M. Lazure: Oui, sûrement.
M. Forget: La troisième recommandation vise à
éliminer l'article 57, paragraphe b) où le ministre
prévoit ou la régie prévoit un mode alternatif de
paiement. Il semblerait, à première vue, que ce que la
régie veut faire, c'est donner plus de flexibilité à la
façon dont elle envisage transiger avec les professionnels de la
santé. N'est-il pas vrai, par exemple, que du côté des
pharmaciens, on a manifesté dans le passé un intérêt
pour présenter les relevés d'honoraires sous forme de rubans
d'ordinateur plutôt que sous forme de petits bouts de papiers et...
Ma première question s'adresserait au président de la
régie. Si c'est tout ce que l'on vise, peut-être gagnerait-on
à être plus spécifique de manière à ne pas
soulever des craintes du côté des professionnels puisque c'est
à leur demande même que je crois que la régie a entrepris
d'utiliser des modes alternatifs de paiement.
M. Lazure: C'est exact. J'aimerais dire au début que le
mode de relevé d'honoraires que nous avons à la régie
parce qu'on a dit ce matin qu'il y avait beaucoup de paperasse et que
cela devenait étourdissant c'est le même que celui que la
régie je ne parle pas pour les autres régies
d'assurance-maladie utilisait en 1970. On ne l'a jamais changé. C'est
toujours le même relevé d'honoraires.
C'est un quatre par huit. Ce n'est pas un quatre par quatre. Ce n'est
pas non plus une immense formule. On a regardé cela très souvent.
On a eu, il y a quelques années, des demandes, particulièrement
des pharmaciens et des médecins spécialistes à l'effet
qu'on aimerait facturer la régie autrement que sur les demandes de
paiement conventionnelles. C'est le but de cet article, pour permettre, encore
une fois, de facturer sur support magnétique. On ne veut pas se limiter
à la bande magnétique parce qu'il y a d'autres formules: soit les
"disquettes", les cassettes et peut-être que dans un an ou deux ans, il y
aura encore d'autres formules.
A cet effet, on a préparé un projet de règlement
qui a une dizaine de pages. On est allé rencontrer les gens en Alberta
qui ont un régime enregistré sur bande magnétique avec une
quinzaine d'agences. Ils ont un tel régime depuis huit ans. On est
allé également en Ontario où on a commencé il y a
deux mois, mais on a fait un bon travail de déblaiement pour la
réglementation.
On a donc un règlement qui est prêt, qui a
été soumis aux membres du conseil d'administration
de la régie, qui le sera de nouveau cette semaine pour nous
permettre de facturer de cette façon. Après contact personnel
entre des fonctionnaires de la régie et au moins deux agents chez les
pharmaciens, ils nous disent que le règlement tel qu'il est là
est acceptable et qu'ils pourraient facturer de cette
façon-là.
M. Forget: Ayant clarifié vos intentions, il me semble
approprié, à ce moment-ci, de dire que la façon dont cet
article est rédigé ne traduit pas fidèlement une intention
simplement d'accepter d'autres possibilités de paiement ou de
réclamations de paiement ou de relevés d'honoraires à la
suite de consultations ou de discussions. Ce que je pense que les groupes qui
sont devant nous craignent, c'est que, de façon arbitraire et
unilatérale, la régie décide de modifier les
modalités de paiement ou les modalités de réclamation de
paiement plus exactement et d'imposer ainsi à leurs membres des frais
nouveaux pour changer leur mécanisme comptable, etc. Est-ce qu'il n'y
aurait pas moyen, pour le ministre, d'indiquer dans ce paragraphe que les
méthodes additionnelles et alternatives de paiement peuvent être
envisagées, mais à la suite des procédures, peu importe la
formulation, qui suffiraient pour assurer les associations que ceci va se faire
avec un "phasing-in", pour employer une expression bien connue,
approprié avec des consultations de manière à ne pas
causer subitement des coûts additionnels et imprévus aux membres
de leurs associations.
M. Lazure: Une chose certaine, on ne veut sûrement pas
l'imposer. D'ailleurs, on a mis "peut" dans l'article. On ne veut pas
l'imposer.
M. Forget: C'est la régie peut... Ce n'est pas...
M. Lazure: Cela ne veut pas dire qu'on va l'imposer. Ce n'est pas
la régie "doit "...
M. Forget: Ce n'est pas dirigé à la bonne
personne.
M. Lazure: Ce n'est pas: La régie "doit "...
Deuxièmement, les règlements sont approuvés par le conseil
d'administration de la régie et approuvés par un
arrêté en conseil. Au conseil d'administration de la régie,
il y a cinq professionnels de la santé, et j'imagine que s'il y avait un
règlement absolument inacceptable, il serait refusé
là.
M. Forget: Je ne sais pas si ces éclaircissements
satisfont nos invités, mais peut-être qu'on pourrait leur demander
des commentaires.
M. Marquis (Jean-Claude): M. le Président, dans ce
domaine-là, est-ce qu'il ne serait pas possible, parce que je
prévois d'autres difficultés pour tout à l'heure, que cela
passe aussi par le champ de la négociation? Parce que, là, il y a
un drôle de problème qui va se présenter. On nous offre un
projet de loi où on demande aux pharmaciens de signer chaque demande de
paiement. Comment faire dans un système intégré d'un
ordinateur à l'autre, pour que le pharmacien signe chaque demande de
paiement? A ce moment-là, le seul organisme qui y trouvera son profit,
c'est tout simplement la régie.
M. Lazure: M. le Président, les ententes actuelles
prévoient qu'il y a consultation s'il y a des changements comme cela, et
il me semble qu'à l'origine la formule a fait ses preuves. Donc, on ne
peut pas dire que la régie a été tâtillonne et a
changé souvent ses formules. Cela n'a pas été
changé. Et que je sache, cela n'avait pas été
négocié dans le cadre de l'entente, cette formule. Je pense que
c'est un peu abusif là aussi de prétendre qu'un formulaire doit
être négocié. Je pense que les corps
intéressés doivent être consultés, on s'y engage, et
s'il y a moyen de modifier l'article pour bien refléter qu'au fond il
s'agit d'une évolution possible selon les données de la science,
surtout la mécanographie, et il ne faut pas voir des choses où...
C'est ce que je disais tantôt. On m'informe que les ententes actuelles
prévoient qu'il faut consulter s'il y a changement de formule.
M. Trudel (Louis-Claude): M. le Président, c'est tellement
vrai que les ententes actuelles je me permets de faire cette
parenthèse prévoient aussi la consultation entre autres de
l'Association des pharmaciens sur tout changement à la Loi de
l'assurance-maladie et nous n'avons pas été consultés sur
le projet de loi 84. D'ailleurs, vous avez oublié de nous le mentionner
dans votre communiqué de ce matin. Ce que nous voulons faire comprendre,
et je pense que cela rejoint les interrogations de tout le monde ici, de tous
les représentants des organismes et des associations de la
Fédération des omnipraticiens, c'est que ces problèmes
peuvent être certainement discutés et négociés
à l'intérieur des ententes. Nous croyons que les solutions
à ces problèmes peuvent certainement être trouvées
par les personnes engagées dans tous ces mécanismes. (15 h
45)
M. Forget: S'il faut passer plus de temps qu'il faut sur les
formulaires, je note que, dans le fond, tout le monde est d'accord, sauf que
les invités ici sont inquiets sur le libellé; peut-être que
le ministre voudrait accepter de regarder le libellé de cet article, de
manière à diminuer les inquiétudes sur les implications
possibles d'un tel amendement.
Le Président (M. Jolivet): Un instant, je voulais faire
une intervention avant de redonner la parole au député de
Saint-Laurent. J'ai été très large parce qu'on s'est
donné un consensus pour permettre ça, mais il y a d'autres
députés qui ont demandé la parole; on pourrait revenir
ensuite au niveau du Parti libéral.
M. Forget: M. le Président, je n'en ai pas pour tellement
longtemps. Il y a trois autres articles, mais il y en a quelques-uns qui vont
être très brefs dans ce premier chapitre.
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas d'objection, j'ai
dit qu'on serait très large.
M. Forget: J'aurai terminé à ce moment-là.
Le Président (M. Jolivet): Allez, monsieur.
M. Lachapelle: Un relevé d'honoraires porte
également des demandes de mention, de renseignement. Ainsi, vous avez
des cases appropriées qui doivent être remplies. Alors, lorsqu'on
considère l'avenir, les professionnels de la santé s'interrogent
sur la prolifération des mentions que pourrait susciter la régie;
il s'agit ici de la régie, non pas du ministre. Encore, si
c'était le ministre, peut-être qu'on aurait une confiance..., mais
c'est la régie, un organisme administratif...
M. Lazure: Merci.
M. Lachapelle: ... n'est-ce pas? Lorsque nous voyons que le
relevé d'honoraires est, dans le libellé du paragraphe b) de
l'article 57, lié aux renseignements, renseignement, terme
générique qui n'est ici précisé d'aucune
façon et les documents, la nature des documents n'est pas
définie, cela fait craindre toute chose à un professionnel de la
santé. Il faudrait sans doute qu'il y ait des précisions qui, de
façon spécifique, se trouvent à cerner la nature des
renseignements et le document, pour qu'on ne puisse pas y lire des
renseignements médicaux, des documents médicaux, et le reste.
M. Lazure: J'ai dit qu'on avait la même demande de paiement
depuis 1970. Si je comprends bien votre mémoire, vous êtes
opposé à l'utilisation de la carte d'assurance-maladie avec le
nom du malade. Vous êtes opposé...
M. Lachapelle: Non, on ne parle pas du tout... On parle du
relevé d'honoraires...
M. Lazure: Non, je vais finir ça. Vous êtes
opposé à la signature. Le diagnostic est facultatif. Il y a
seulement un code sur lequel on s'entend, c'est où il faut mettre le
prix, si je comprends bien.
M. Lachapelle: Nous ne nous opposons pas à la signature,
c'est faux. Nous disons que ceci est du ressort de l'entente. Au lieu de
déterminer par la loi quelles sont les obligations du professionnel de
la santé, nous demandons que le référé se fasse
à l'entente où les parties, d'une catégorie à
l'autre des professionnels, peuvent, suivant les circonstances, bien cerner le
problème et amener des suggestions constructives quant à la
nature du relevé, quant à la nature des mentions qui doivent
être inscrites sur le relevé, quant à la nature du
renseignement, et surtout la nature des documents qui doivent être
fournis.
M. Lazure: Pour essayer de dissiper vos inquiétudes, je
vous demanderais de lire l'article 55 à la page 41: "Tout professionnel
de la santé au- quel s'applique une entente est tenu de fournir à
la régie, sur demande de son directeur général, les seuls
renseignements voulez-vous le souligner? et documents dont la
régie a besoin pour apprécier un relevé d'honoraires... "
C'est seulement de ça qu'on a besoin. On n'a pas besoin de plus que
ça. On a besoin des seuls renseignements pour apprécier un
relevé d'honoraires.
Si je reçois un compte d'anesthésie de $400 pour avoir
endormi pour une opération aux jambes, j'aimerais bien ça avoir
le protocole de l'anes-thésiste. Si on reçoit du même
individu, dans la même semaine, trois hernies étranglées
dans un hôpital, on demande le rapport de l'anatomopathologiste: Je ne
peux pas toucher à ça, confidentiel. C'est bien sûr, on
sait que, si le malade était à l'hôpital depuis plusieurs
jours avant l'intervention, on ne sait pas si les hernies étaient
étranglées autant que ça. On demande les seuls documents
pertinents au relevé d'honoraires.
Pour vous rassurer, le ministre, après discussion ce midi, a
convenu d'ajouter, à la toute dernière page, à la page
55... Quand on dit que la régie, avec l'autorisation d'un
bénéficiaire, va prendre connaissance de tout document, veuillez
ajouter: "pertinent à l'appréciation d'un relevé
d'honoraires ". On n'a pas besoin de savoir autre chose. Mais les documents
pertinents à l'appréciation des relevés d'honoraires, on
aimerait les avoir.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Si je comprends bien les remarques que le ministre a
faites, il n'a pas d'objection à éliminer les mots "ou à
l'entente" dans le quatrième alinéa de l'article 18 de la Loi de
l'assurance-maladie, tel que proposé dans l'article 14. Cela aurait
donc, pour effet d'empêcher qu'une action pénale soit prise
relativement à une violation de l'entente. Je crois que c'est un point
sur lequel les invités d'aujourd'hui ont insisté beaucoup. Si je
comprends bien, il y a entente là-dessus?
M. Lazure: Oui, vous avez bien compris mon intervention. J'ai dit
que j'étais prêt personnellement on en a discuté
à midi aussi à tirer cela au clair, pas mal dans le sens
de votre représentation.
M. Forget: On en vient à l'article 24, M. le
Président, relativement à la non-participation. A ce
sujet-là, je dois dire...
M. Lazure: Je rappelle ce que j'ai dit ce matin. Il y a lieu
quand même de laisser une autre expression, à savoir les services
faussement décrits. Si on ne fait plus référence à
l'entente, il faut quand même avoir une expression semblable à
celle que je viens d'énoncer, pour des services faussement
décrits, sans référer à l'entente.
M. Forget: Je n'ai pas de commentaire.
Pour ce qui est de l'article 24, M. le Président, très
brièvement, deux choses. D'une part, le ministre lui-même s'est
dit: Cela a dû être toujours le sens qu'il fallait attacher
à l'article 24, c'est-à-dire la possibilité pour le
ministre de révoquer l'utilisation massive de la non-participation. Il a
même sollicité des commentaires sur son interprétation.
Je dirais que si tel était le cas, il me semble que la loi
actuelle, du moins, cette partie de la loi qui vise à modifier l'article
24 et à y faire des rajouts, ne serait pas nécessaire. On n'avait
qu'à demander aux tribunaux de faire une interprétation de cet
article et on aurait eu le même résultat, on aurait eu le
résultat recherché par l'amendement.
Si, d'un autre côté, on juge qu'il faut faire un
amendement, comme il y a un principe d'interprétation du droit, à
l'effet que le législateur n'intervient pas pour rien pour modifier une
loi, c'est donc qu'on en est venu à la conclusion que l'article 24
n'avait pas ce sens-là. S'il n'a pas ce sens, je serais curieux de
savoir quel sens il faut lui attribuer et peut-être, de ce
côté, nos invités pourraient-ils nous dire quel sens, selon
eux, devrait être attribué à l'article 24 dans sa formation
actuelle.
M. Brodeur (Yvan): Si vous le permettez, j'aurais une remarque
à faire auparavant sur la question de l'article 18. Pour ce qui est des
services qui ont été faussement décrits, la loi actuelle,
à l'article 18, troisième alinéa, pourvoit
déjà à cela. C'est l'opinion que je vous soumets. Je ne
tiens pas à entrer dans une discussion d'ordre juridique, mais je pense
que la loi actuelle, telle qu'elle est rédigée, vous permet de
régler ce problème. Cela étant dit pour revenir à
l'article 24.
Je pense que c'est à tort que l'on a interprété
l'article 24 actuel comme étant une disposition qui ait
été pensée et décidée par le Parlement, dans
le but, au fond, de pourvoir à des situations d'exception. Aucun des
termes de l'article 24 n'indique que c'est une disposition qui doit apporter
une réponse dans les cas où des professionnels de la
santé, soit se désengagent, soit ne participent, comme mesure de
pression, dans le cadre de leurs négociations.
Si vous le lisez, il vous indique simplement que, lorsque le ministre
constate que dans une région du Québec, ou dans l'ensemble du
Québec, le nombre de professinnels qui sont non participants est tel que
les services ne peuvent plus être rendus de façon uniforme, il
peut prendre les mesures qui sont requises et qu'il est autorisé de
prendre par la loi.
Quelles mesures est-il autorisé à prendre selon la loi? Je
vous référerais vous y avez fait allusion tout à
l'heure au deuxième alinéa de l'article 15 qui dit
notamment que le ministre peut négocier des dispositions qui pourvoient
à la répartition des effectifs médicaux dans les
différentes régions.
Il est évident notamment les bourses qu'il y a un
certain nombre de dispositions de nature purement administrative que le
ministre peut prendre s'il se rend compte, sans qu'on ne soit dans un contexte
de contestation mais dans un contexte normal d'application de l'entente, qu'il
manque de tel type de professionnels dans telle région. Notamment, il
peut négocier. Il pourrait modifier l'entente, d'ailleurs. Ceci
étant, l'article 24 proposé présentement évidemment
modifie totalement le mécanisme qui est prévu, parce que, dans un
premier temps, lorsqu'un groupe de professionnels serait non participant dans
une région ou dans l'ensemble du Québec, l'effet de
l'arrêté ministériel qui serait adopté serait d'en
faire, à toutes fins pratiques, des professionnels
désengagés.
Or, il faut voir le deuxième volet de cette disposition, c'est
que, par hasard, à ce moment-là, on nous dit que le professionnel
désengagé ne peut réclamer paiement avant que son patient
ait reçu paiement de la régie. C'est donc par ce double jeu, ces
deux volets, d'empêcher, à toutes fins pratiques, une contestation
véritable qui puisse avoir un certain effet de par le truchement du
désengagement ou de la non-participation. Nécessairement, cela
amène à un autre moyen de pression qui n'a jamais
été utilisé qui serait celui du retrait pur et simple des
services, ce qui, effectivement, ferait qu'on en arrive à une situation
qui, je pense, serait pire, quant aux objectifs qui sont recherchés.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais poser la même
question au Dr Hamel, puisqu'il a participé à ces historiques
négociations de 1970. N'est-il pas vrai, Dr Hamel, que la
non-participation a été conçue, à son origine,
comme une réponse à un problème, dans le fond, beaucoup
plus individuel, c'est-à-dire le désir de certains professionnels
de ne pas adhérer au régime pour des raisons qui leur
étaient propres et non pas comme une mesure collective? Je pense bien
que si on retournait aux discussions de cette époque, on ne trouverait
pas d'allusion à l'utilisation de la non-participation comme mesure
collective, mais seulement comme mesure individuelle.
M. Hamel: J'étais pour dire M. le ministre, excusez-moi...
Il est vrai que...
M. Lazure: Je vais tenter de revenir à la psychiatrie,
faites attention!
M. Hamel: ... en 1965, deux ou trois ans avant les
premières négociations du régime d'assistance
médicale, dans des éditoriaux, à cette époque, nous
considérions que le droit au désengagement ou le droit à
la non-participation était un droit fondamental pour un médecin
individuel de ne pas participer à un régime, donc de ne pas
être soumis aux contraintes de l'entente ou aux contraintes de la loi,
etc. Nous avions d'ailleurs fait une distinction entre un médecin
désengagé et un médecin non participant, justement pour
bien démarquer que le non-participant est complètement en dehors
du régime, n'est soumis à aucune condi-
tion de l'entente et peut facturer les honoraires qu'il conviendra de
négocier sur une base individuelle avec son malade. C'est vrai, sauf
qu'en même temps il faut avouer que nous croyions aussi, à ce
moment-là, que c'était la meilleure façon,
civilisée en même temps, pour certains médecins qui ne sont
pas satisfaits du régime d'en sortir. Là, il reste à
déterminer dans quelle mesure ceci est inscrit dans la loi
cette forme de non-participation peut prendre des proportions qui sont
inacceptables pour la société. C'est pour cela que nous croyons
que la loi actuelle était satisfaisante.
D'ailleurs, dans notre cas, je pense que la loi a suffi à nous
obliger à utiliser ce mécanisme avec beaucoup de prudence et
d'une façon la plus civilisée possible.
M. Lazure: Si vous permettez un complément. En corollaire
de la question et de la remarque du député de Saint-Laurent,
historiquement, il y avait seulement une intention à ce statut de
non-participant. C'était pour préserver la liberté
individuelle d'un médecin, à l'époque, de ne pas
adhérer au régime.
Ensuite, il y a eu une deuxième motivation qui s'est
installée. Notamment, il y a eu, si ma mémoire est bonne,
non-participation de certains groupes d'omnipraticiens. Graduellement, c'est
devenue partie intégrante de la stratégie d'une
négociation. (16 heures)
Si on revient au texte actuel, notre prétention, c'est que le
texte actuel n'est pas suffisamment clair, parce que cela dit bien, dans la
deuxième partie: Prendre les mesures spéciales qu'il estime
nécessaires et qu'il est autorisé à adopter en vertu de la
loi, mais il n'y en a pas dans la loi. Je vous pose la question: Lesquelles?
C'est pour cela qu'on veut le préciser.
M. Hamel: Seulement une courte réponse?
M. Lazure: Quand vous me répondez: Par une entente, par
une négociation, là, cela...
M. Hamel: Non, ce n'est pas cela du tout.
Le Président (M. Jolivet): La seule chose, c'est que je
voudrais qu'on termine le plus vite possible, parce que M. le
député de Mégantic-Compton voudrait bien avoir son
tour.
M. Forget: Seulement une seule autre question relativement
à cela, et je céderai la parole. Ne croyez-vous pas, étant
donné l'usage qui a été fait de la non-participation, mis
à part les événements récents, mais de façon
coutumière et sur un plan individuel, que la faible utilisation qui a
été faite de la non-participation, d'une part, et, d'autre part,
si ce projet de loi-ci était adopté, le fait que,
désormais, dans le fond, le régime sera administré
beaucoup plus par la régie que par le professionnel, dans le sens
suivant, c'est que n'importe quel bénéficiaire pourra obtenir de
la régie direc- tement le remboursement pour le coût des services
assurés, dans les cas où il n'a pas sa carte, où il n'a
pas présenté sa carte au professionnel? Est-ce que, dans le fond,
toute cette distinction entre non-participant et désengagé ne va
pas perdre de sa signification, même si on laissait la loi
inchangée? Comment expliquer au bénéficiaire qui
réclame un paiement de la régie, parce qu'il n'a pas
présenté sa carte au moment où il a obtenu les soins,
qu'il ne peut pas obtenir le paiement de la régie, non pas parce qu'il
n'a pas sa carte, mais parce que le médecin ou autre professionnel de la
santé auquel il s'est adressé lui, n'avait pas sa carte en
quelque sorte, toutes proportions gardées? C'est une explication qui va
être difficile à faire. Je pense bien qu'elle ne serait pas
acceptée, si on essaie de la faire. Ce qui veut dire, peut-être
pas cette fois-ci, mais dans une modification subséquente à la
loi, si on ne le fait pas immédiatement, qu'on va devoir
reconnaître à tout bénéficiaire dûment
enregistré à la régie le droit absolu d'obtenir un
remboursement pour des services professionnels, au taux prévu par
l'entente, bien sûr, et un droit absolu, non pas un droit conditionnel au
fait qu'il se soit adressé à tel professionnel plutôt
qu'à tel autre. Ceci me porte à considérer, lorsqu'on
regarde le premier point, c'est-à-dire la plus ou moins de
désuétude du droit individuel à cause d'un usage
très faible, et cette nouvelle implication de l'utilisation de la carte,
etc., qu'on en vient finalement à une situation où la distinction
sur laquelle l'article 24 est basé, va devenir désuet, va devenir
sans importance et que c'est peut-être un peu dans ce contexte au
moins, je comprends, il y a un élément de projection dans ce que
je dis que le débat autour de l'article 24 est peut-être un
peu une tempête dans un verre d'eau.
M. Hamel: M. le Président, en fait, la non-participation a
deux usages, comme vous l'avez signalé. Nous ne croyons pas, toutefois,
que l'usage qu'on en fait, sur une base individuelle, même si elle est
limitée, ne doit pas être respecté. On est quand même
encore dans un pays démocratique. D'autant plus que, cet usage
étant limité à une minorité de médecins, les
bénéficiaires du régime ont accès à plus de
98% des médecins au Québec; ils ont donc un choix tout à
fait facile, une accessibilité tout à fait facile. Cette
réduction ne nuit pas à la flexibilité des soins, d'une
part. D'autre part, les arguments qui sont contenus dans notre mémoire
envers la deuxième utilisation sont toujours valables, et nous croyons
qu'un médecin non participant doit pouvoir, comme dans la condition
actuelle, négocier sur une base individuelle les honoraires avec son
malade, puisqu'il est tout à fait en dehors du régime et qu'il y
a certaines conditions qui doivent être respectées: en
particulier, le médecin doit informer son malade, ou le professionnel de
la santé doit informer le malade ou le client. Donc, même s'il y a
deux usages, nous croyons encore, même si c'est limité, et c'est
une raison parce que c'est limité, qu'on doit en conserver la
liberté, l'accès aux deux usages.
M. Lazure: M. le Président, cela est maintenu, il ne faut
pas qu'il y ait d'équivoque. Individuellement, nous maintenons que,
lorsqu'il y a une non-participation massive dans une région, comme c'est
arrivé pour les omnipraticiens dans certaines régions du
Québec en 1975; en 1976, au Saguenay-Lac-Saint-Jean; si ma
mémoire est bonne, si mes renseignements sont bons tous les
omnipraticiens étaient devenus non participants. La population de cette
région-là était captive à toutes fins pratiques.
Nous ne touchons pas au droit individuel d'un professionnel d'être non
participant, mais nous voulons protéger la population contre une
non-participation massive.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Le ministre a dit clairement ce matin qu'il y avait,
comme moyens de pression pour eux, de fermer les bureaux ou d'abandonner la
pratique et s'expatrier. Je me demande si vous entrevoyez autre chose que la
formule de désengagement comme moyen de pression. Parce qu'il est
toujours bon d'en garder un. Si on regarde dans le secteur de
l'éducation, par exemple, on sait bien que les enseignants, si leur
contrat n'est pas échu... On ne fait pas la grève, on appelle
cela des journées d'étude, c'est une façon polie de faire
la grève quand même. Est-ce que vous avez d'autres moyens à
votre disposition, parce que je pense bien que vous seriez le seul groupe
à ne rien avoir si jamais on vous enlevait celui-là.
M. Hamel: Nous avons le moyen que M. le ministre nous a
suggéré ce matin, soit de partir en vacances, qui est le refus
complet de servir; la grève totale. Je crois que cette proposition, dans
le projet de loi, accule les professionnels à la grève, donc
provoque les médecins à la grève plutôt que de leur
laisser accès à un moyen plus civilisé qu'est la
non-participation ou le désengagement.
Dans ce projet de loi on dit: Mes amis, vous aviez un moyen
civilisé, mais on veut réduire vos moyens de contestation de
façon que vous soyez acculés à faire quelque chose de
très odieux dans votre cas. Parce qu'on dira plus tard que, dans le
domaine de la santé, on ne doit pas faire la grève, mais on vous
le recommande. On vous dira: Si vous voulez contester actuellement, fermez
votre cabinet. Alors, à mon point de vue, c'est une attitude tout
à fait...
M. Lazure: Nous n'enlevons pas actuellement pour rectifier
les faits à chaque professionnel individuellement le droit
d'être non participant et même à des groupes de
professionnels de devenir non participants. Ce que nous disons dans ce texte,
c'est que: Quand, dans une région donnée ou pour l'ensemble du
Québec, il y a une non-participation massive qui empêche les
citoyens de recevoir des services assurés pour lesquels ils paient des
impôts, à ce moment-là, nous intervenons.
Mais il y a un dosage de non-participation je me fie à
l'imagination des dirigeants des fédérations et des associations
et à leurs procureurs qui est parfaitement possible à
l'intérieur de ce texte-là.
M. Grenier: A toutes fins pratiques, ce que je comprends, c'est
que, s'il y avait, dans des régions, certains médecins qui
réussissaient à ne pas se désengager, ce qui se
produirait, à ce moment-là, c'est qu'ils augmenteraient leur
clientèle, tandis que d'autres, qui ne prendraient que la formule de
désengagement, nuiraient très peu à l'ensemble de la
population. Si on se rappelle le désengagement massif qu'il y a eu dans
une région que je connais mieux, celle des Cantons de l'Est,
vis-à-vis de l'Ordre des dentistes, dernièrement, vous vous
donnez le moyen de leur dire qu'ils ne pourront pas passer... La loi leur
interdira de faire ce désengagement massif, comme on en a connu dans les
Cantons de l'Est... de non-participation.
M. Lazure: C'est cela, M. le Président, et j'ajouterais
aussi... Parce qu'il y a un peu d'abus verbal quand le Dr Hamel dit: On nous
enlève le seul moyen civilisé qu'il y avait. Quand même, il
faut reconnaître que les professionnels, dans l'état actuel des
choses, quand ils ont recours à un tel moyen de pression, si la loi ne
changeait pas, auraient le bon bout du bâton, dans le sens que, non
seulement ils ne sont pas pénalisés dans leurs revenus quand ils
deviennent non participants, mais ils ont même le loisir de demander plus
que le tarif de l'entente actuelle.
Dans toute épreuve de forces, si on parle d'épreuve de
forces syndicales-patronales, pour les deux parties, on s'attend qu'elles
soient pénalisées un peu toutes les deux, mais, dans le
système actuel, vous conviendrez que le médecin n'est pas
pénalisé quand il devient non participant. Il continue à
pratiquer et peut même exiger au-delà de ce qui est prévu
au tarif.
M. Hamel: Monsieur, je n'en conviens pas du tout.
L'expérience qu'on a eue nous a prouvé le contraire. Au
contraire, les médecins sont pénalisés comme d'autres dans
une grève. Les faits sont tout à fait contraires.
M. Grenier: ... dans une période de désengagement
comme il y a eu, est-ce que vous avez senti une diminution considérable
de votre clientèle comme cela a été senti, par exemple,
chez les dentistes?
M. Hamel: II y a eu une diminution importante.
M. Grenier: Est-ce que vous avez d'autres propositions, si jamais
on vous enlève et il semble que c'est cela... Est-ce que vous
avez d'autres propositions ou de moyens de pression qui pourraient vous
être laissés ou si vous les gardez dans votre poche?
M. Hamel: II n'y a que la grève.
M. Chicoine: Etant donné que j'ai passablement
vécu, récemment, toutes les péripéties du
désengagement et de la non-participation, je pense que là,
on a une preuve que le gouvernement a un grand bras législatif, mais un
petit bras négociateur.
Au lieu de régler le problème, on a laissé
traîner tout simplement une contestation plutôt que de s'attaquer
directement à un problème. Lorsqu'il y a une contestation, c'est
parce qu'il y a réellement un problème.
Il faut que cela soit bien clair. Dans le désengagement tel que
proposé par le nouveau projet de loi ou le projet de loi 84, c'est
totalement inapplicable? Pourquoi? Contrairement à ce que le ministre a
dit durant le désengagement et la Régie de l'assurance-maladie
aussi, dans son bulletin, le dentiste maintenant ne peut plus recevoir paiement
lorsqu'il est désengagé. Auparavant, le dentiste était
payé, remettait un relevé d'honoraires et la régie le
remboursait.
Maintenant, ce n'est plus le cas. Le professionnel de la santé ne
peut plus recevoir paiement. C'est la première fois, dans une loi, qu'on
s'implique directement dans la marche d'un cabinet privé, d'une
entreprise privée. C'est un peu comme si on disait: Quand vous allez
chez Eaton, attendez donc de payer que votre garantie soit finie. Payez
à ce moment. C'est un peu cela le désengagement qu'on propose
actuellement aux professionnels de la santé. Je n'ai pas terminé,
M. le ministre. La régie peut payer ou ne pas payer et on attend 90
jours avant de pouvoir poursuivre, mais le 59è jour, on va donner avis
au client qu'on va le poursuivre parce que la régie n'a pas payé.
Voyez-vous à quoi cela vous amène? C'est d'avoir un
système dans le temps, savoir quand vous avez envoyé votre
relevé d'horaires pour le 59è, envoyer un avis à votre
patient. Il est payé le 65e jour. Vous passez pour un homme atroce parce
que vous avez réclamé votre dû. Vous n'avez pas
été assez patient pour la Régie de
l'assurance-maladie.
Le désengagement est, à toutes fins utiles, inapplicable,
d'une part. D'autre part, s'il y a de la non-participation, d'ailleurs vous
savez que pour être désengagé ou être non
participant, on avertit 30 jours à l'avance. On l'a fait. On a
donné une conférence de presse et on a dit: Dans 30 jours, on va
être non participant. Il n'y a rien qui bouge nulle part. Il n'y en a pas
non plus aujourd'hui, même si on est réintégré. Il
n'y a rien qui bouge. Ces choses ne changent rien.
Alors, le ministre a quand même 30 jours pour voir à ces
négociations et, dans le projet de loi, actuellement,
rétroactivement, on peut renvoyer le gars au désengagement de
façon rétroactive au moment où le ministre le
décide. Donc, il n'y a plus aucune forme de contestation et le ministre
l'a dit ce matin.
Quand on parle de moyens civilisés, il nous en propose un, aller
en vacances, refuser les services. Nous disons que ce n'est pas tout à
fait le moyen civilisé que nous proposons.
On pense plus civilisé de rester sur place et de contester. Je me
demande entre le refus de service et être non-participant tel que la loi
le prévoit actuellement, se désengager tel que la loi, tel que
prévu, je me demande laquelle des deux formes est la plus
civilisée.
Et nous pensons qu'à l'intérieur du projet de loi qu'il y
a là, c'est absolument aberrant d'être obligé de dire aux
gens: Vous refusez des services à la population et c'est ce que le
ministre nous a suggéré ce matin.
M. Lazure: J'aimerais simplement faire une rectification. Le Dr
Chicoine, dans son préambule, dit que le gouvernement a un long bras
législatif et un tout petit bras de négociation.
Je lui rappelle et je rappelle à ses collègues à la
table que depuis un an et demi, nous avons signé des ententes
négociées avec l'Association des optométristes, avec
l'Association des pharmaciens propriétaires, avec la
Fédération des médecins résidents internes.
Deuxièmement, que nous avons négocié des ententes
particulières sept ou huit avec la
Fédération des médecins spécialistes et au moins
deux avec votre Fédération des omnipraticiens. J'ajouterai, comme
dernière remarque, que les fédérations, en tout cas les
deux, omnipraticiens et spécialistes, si on veut parler en termes de
syndicat, sont des syndicats tout à fait privilégiés en ce
sens qu'à ma connaissance, ce sont les seuls syndicats à
même des honoraires défrayés par des deniers publics qui
ont le pouvoir d'une négociation perpétuelle et permanente.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton. (16 h 15)
M. Grenier: Merci. Je pense bien que cela nous a permis de
connaître un peu votre explication, si c'est le seul moyen que laisse la
loi, si on laisse de côté le désengagement qui semble ne
pas être une façon de régler le problème, si la
seule chose c'est de quitter les bureaux, c'est de faire la grève comme
d'autres corps de métier, il faut quand même admettre, à ce
moment-là, qu'il ne vous reste plus beaucoup de possibilités.
L'argument que nous donne le ministre n'est peut-être pas sérieux.
Il nous dira peut-être demain, en réponse à nos questions
en Chambre, que c'est seulement pour faire de l'humour qu'il a fait cela. On
verra.
M. Lazure: Je suis très sérieux, M. le
député de Mégantic-Compton. Je suis très
sérieux, oui.
M. Grenier: Vous êtes sérieux? Bon! C'est parce que
M. Tardif avait dit cela à M. Drapeau qu'il faisait de l'humour et c'est
le lendemain qu'on l'a appris.
M. Lazure: Vous allez avoir la même version demain, M. le
député.
M. Grenier: Pardon?
M. Lazure: Vous allez avoir la même version demain
qu'aujourd'hui.
M. Grenier: Sur le fardeau de la preuve, M. le conseiller
juridique, est-ce que c'est habituel que le fardeau de la preuve je
pense que, dans les lois gouvernementales, il semble que ce soit des
espèces rares repose, revienne aux pratiquants comme c'est le cas
actuellement?
M. Lachapelle: Dans mon expérience j'ai
l'expérience de quelque 25 ans dans le domaine du travail et
auprès des tribunaux administratifs c'est le seul cas, à
l'heure actuelle, que je peux citer et je n'ai pas de précédent,
à ce moment-là, à offrir. Jamais un organisme
administratif se targue de faire valoir son opinion il s'agit d'une
opinion, n'est-ce pas comme supérieure à celle de son
vis-à-vis et obliger le vis-à-vis à établir,
à la satisfaction de l'organisme administratif, que celui-ci a tort.
C'est un renversement de preuve statutaire, remarquez bien, en ce sens qu'il
est inscrit dans la loi, ce qui oblige, à ce moment-là, le
professionnel de la santé à faire une preuve au-delà de
l'ordinaire pour renverser le fardeau qui pèse sur lui. Alors, tant et
aussi longtemps qu'il n'a pas atteint le degré de conviction probable
qui est requis pour renverser le fardeau de la preuve, la présomption
pèse toujours sur lui.
Alors, c'est une situation assez aberrante. Cependant, j'ai bien
noté, je conçois bien qu'il le considère trop
onéreux mais quant à nous et nous aurons l'occasion d'y
revenir les articles 18b et 37, tels que modifiés par le projet
de loi, continuent à susciter notre opposition parce que ce qui a
été enlevé c'est le vice mineur, je dirais, le vice majeur
demeure toujours.
M. Grenier: Est-ce que le ministre pourrait expliquer son
document à la page 16 où il fait allusion au fardeau de la preuve
qui pourrait être modifié si ce n'est pas enlevé?
M. Lazure: Si vous voulez, le Dr Laberge va expliquer
exactement...
En fait, on a mentionné ce matin que dans l'état actuel de
la législation le comité de révision fait une
recommandation. L'article 37 de la loi... Oui.
M. Forget: M. le Président, une question de
règlement. Je m'excuse auprès du Dr Laberge. Il me semblait qu'on
avait accepté de fonctionner chapitre par chapitre. Là on va
à droite et à gauche, un peu partout. Je pense que ce serait
peut-être avantageux de prendre les recommandations série par
série, autrement on risque de tout mélanger dans un même
contexte.
Le Président (M. Jolivet): Si le député de
Mégantic-Compton peut retenir sa question, mais... C'est parce que le
problème que l'on a c'est qu'il ne nous reste pas tout à fait
deux heures pour se rendre à dix-huit heures et ensuite, il y a quatre
heures ce soir, mais il y a quatre autres organismes. Je pense que c'est
à la demande de l'Opposition que les quatre autres organismes sont
là. Je pense qu'il va falloir les écouter. Comme on doit terminer
à minuit ce soir...
Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est à leur propre demande,
M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Non, il y a eu des demandes en
Chambre à ce niveau-là.
M. Forget: D'écouter les demandes.
Le Président (M. Jolivet): Ce que je veux dire c'est que,
dans l'ensemble, il ne nous reste que six heures de travail, à peu
près.
M. Grenier: M. le Président, si vous permettez, je sais
une chose, on a l'habitude des commissions. A minuit on nous dira tout
simplement qu'il ne reste plus de temps et il faudra se contenter du travail
qu'on a de fait. Je voudrais bien qu'on ait une vue d'ensemble sur ce qu'on a
devant nous, quitte à y revenir. C'est bien sûr que n'importe quel
membre de l'Opposition gouvernementale pourra revenir sur n'importe quelle
question, mais je préférerais qu'on brosse au moins les
problèmes les plus importants qu'on a dans tout ça. Cela risque
de mélanger les choses, je suis d'accord, mais on peut par contre avoir
un éclairage sur l'ensemble du document, ce qui est plus positif.
M. Lazure: On va donner la réponse sur ce point
précis, elle est courte. Quant au comité de révision, je
disais que, dans la loi actuelle, l'article 37 dit que la régie peut
donner suite à la recommandation. Elle peut ou ne peut pas donner suite
à la recommandation. Le comité de révision fait une
recommandation. Dans le nouveau texte, on dit que la régie
décide, dans les trente jours, et en fait part aux professionnels et aux
organismes qui sont concernés. La régie n'a pas d'objection, si
elle ne suit pas la recommandation, à porter le fardeau de la preuve,
pas d'objection.
C'est dans ce sens qu'on dit dans le texte qu'on est ouvert à
cette modification. Au fond, c'est le fardeau de la preuve réciproque,
chacun son tour, chacune des deux parties aura le fardeau de la preuve.
M. Trudel: M. le Président, pour répondre à
la question posée par M. le député, est-ce qu'il parle en
fonction de l'article 18b, dans le fardeau de la preuve?
M. Grenier: C'est ça.
M. Trudel: Donc, ce n'est pas sur le comité de
révision. Pour compléter, je pense que c'est important pour nous,
et là, je parle au nom de l'association des pharmaciens, c'est bien
évident qu'au cours des négociations, à un moment
donné le ministre nous avait proposé un paiement qu'on appelle un
paiement immédiat avec validation ou postvalidation après
paiement. Vous comprendrez que, pour le pharmacien qui réclame
l'honoraire et le coût du médicament, c'était une
proposition intéressante, à cause évidemment des montants
d'inventaire que le régime signifie.
Ce qui, jusqu'à un certain point, nous amuse dans l'article 18b,
c'est qu'on nous apporte, dans
cet article proposé par le projet de loi, un certain nombre
d'éléments que nous avons écartés avec le plus de
vigueur possible au cours des négociations. Pour nous, le
problème du paiement immédiat avec postvalidation soulevait deux
questions principales. D'une part, quand allons-nous savoir, quand le
pharmacien saura-t-il qu'il est légalement payé ou quand
sera-t-il légalement payé? Et, dans l'hypothèse où
il a été légalement payé, peut-il, par la suite,
faire face à la réclamation de l'indu, c'est-à-dire d'une
somme qui aurait été payée et que la régie n'aurait
pas dû lui payer? De quelle façon la réclamation
sera-t-elle faite et dans quel délai une réclamation
pourrait-elle venir par la suite?
Nous avons, je pense, en tout cas dans la mesure du possible, dans les
textes que nous avons écrits, fait la distinction entre les deux
éléments. Lorsque le pharmacien envoie une demande de paiement et
qu'il est payé, nous avons dit au ministère et à la
régie: Prenez un certain nombre de mois, s'il le faut, pour savoir si le
paiement est dû, et indiquez-nous, lorsque vous nous payez, que telle ou
telle demande de paiement en particulier est retenue ou qu'on la paie sous
protêt, mais, à un moment donné, vous allez nous indiquer
que nous sommes payés, après deux, trois ou quatre mois.
Si, par la suite, un an ou deux ans après, vous voulez nous
réclamer des remboursements, vous allez avoir le fardeau de la preuve.
Parce que, selon les principes de droit, si je suis payé, c'est que
c'était dû. Nous avons discuté longuement et, après
un certain nombre de séances, la régie et le ministre ont
accepté que, lorsqu'il y aurait demande de remboursement, le fardeau de
la preuve appartiendrait à la régie et lorsqu'il y aurait demande
de remboursement, il y aurait compensation immédiate dans un seul cas,
lorsque la demande de remboursement s'appliquerait à une demande double,
à une répétition de demande de paiement
évidente.
Dans tous les autres cas, le remboursement, la compensation ne doit pas
se faire. Elle peut se faire dans les 45 jours de la demande de remboursement,
à la condition que le pharmacien n'ait pas fait valoir une opposition
devant le tribunal d'arbitrage.
Ici, vous voyez qu'on renverse complètement ce que nous avons
négocié et qui a été signé en mars 1978.
M. Lazure: M. le Président, je vais essayer de clarifier.
C'est une chose qui est pas mal complexe. On divise en deux sections, en deux
blocs, le genre de réclamations. Le premier bloc, dans le cas de
services dont le paiement est réclamé et pour lesquels le
paiement a été effectué, les services qui n'étaient
pas des services assurés ou qui n'ont pas été fournis, non
assurés ou non fournis, mais quand même réclamation et
paiement a été donné aux professionnels; dans de tels cas,
nous maintenons que le professionnel doit avoir le fardeau de la preuve. Je
pense que cela ne pose pas de problème.
Là où nous sommes prêts à modifier notre
position c'est à cela que j'ai fait allusion ce matin dans mon
texte c'est dans le cas où les dits services n'ont pas
été fournis selon la loi, les règlements ou l'entente,
elle peut refuser le paiement ce qu'on proposait à l'origine
et procéder à leur remboursement, par compensation ou
autrement, et, dans ce cas-ci, au lieu de mettre le fardeau de la preuve sur le
professionnel, à ce moment-ci, nous serions prêts à
modifier et à laisser les règles de preuves standards jouer selon
les mécanismes usuels.
M. Marquis (Jean Claude): C'est parce qu'il y a un petit
problème là-dedans. Pour le pharmacien, encore une fois, il y a
des investissements d'argent. Si la régie se compense, avant d'avoir
pris poursuite, cela place le pharmacien dans une situation difficile.
M. Lazure: Elle compose dans quelles sortes de cas? Des services
payés qui étaient non assurés, non fournis?
M. Marquis: Non, des services qu'elle a acceptés, à
un moment-donné, et le paiement est devenu final. Deux ans après,
on pourrait revenir et on pourrait se compenser de nouveau, sans aucune
preuve.
M. Lazure: C'est bien sûr que, si ce sont des services non
fournis, on voudrait bien se compenser.
M. Marquis: Avec preuve.
M. Lazure: Avec preuve, on dit textuellement que c'est à
la suite d'une enquête et que le paiement a été
effectué.
M. Shaw: Mais il faut faire la preuve quand même.
M. Marquis: Prenez un pharmacien, par exemple, qu'on
présumerait coupable. Je prends un montant forfaitaire de $50 000. On
lui enlève le montant et, par suite d'une poursuite judiciaire, il est
gagnant. On l'a privé d'un montant de $50 000 pendant six mois, un an,
peut-être deux ans, avec les délais de la cour. Je pense que c'est
une injustice qu'on fait, parce que cela a déjà été
payé et que la régie a déjà considéré
que le paiement était final. Et c'est ce qu'on a mis dans notre entente,
à un moment donné.
M. Lazure: Ce qu'on dit, c'est que, si les services n'ont pas
été rendus et que la régie se compense, venez faire la
preuve que vous les avez rendus.
M. Trudel: Si vous le permettez, M. le Président, c'est
cela qui n'est pas clair. A quel moment va-t-on nous dire: Les services n'ont
pas été rendus et venez nous faire la preuve? Est-ce que c'est
immédiatement? Est-ce que c'est dans deux ans? Est-ce que c'est dans
cinq ans? C'est cela, en particulier, que je souligne dans l'article 18b.
M. Lazure: Actuellement, on avoue qu'il n'y a pas de limite. Nous
sommes prêts à introduire une limite de temps. Au criminel, il n'y
a pas de limite. Ce n'est pas 20 ans ou 30 ans. On ne changera pas les lois, il
n'y en a pas. Au criminel, il n'y en a pas. Mais au pénal, il y a une
limite qui pourrait être mise je ne sais pas si c'est à cet
endroit ou ailleurs soit une limite, disons, de trois ans.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Trudel: J'ai l'impression que le Dr Laberge et moi ne parlons
pas de la même chose. Le Dr Laberge parle du criminel et du pénal,
alors que je pense que l'article 18b parle de la réclamation civile.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton. (16 h 30)
M Grenier: Je pense qu'on a éclairci le point à la
satisfaction... En tout cas, c'est loin d'être clair, j'imagine, c'est
loin d'être réglé, sauf qu'on s'est rendu compte de
l'imbroglio qu'il y avait là et qu'il y avait certainement moyen qu'on
s'attable pour le faire avancer.
Un autre point ici que j'aimerais connaître, c'est la carte-soleil
qui aurait bien plus l'air, par les temps qui courent, d'une carte-nuages.
C'est une formule de contrôle. On dit ici "qui doit s'inscrire ou doit
être inscrit". Dans vos recommandations, vous dites, à la page 81
: "II est recommandé de ne pas implanter le système de la carte
obligatoire de l'assaurance-maladie, ce système étant
inapproprié, prématuré, contraignant et source de
situations conflictuelles". Comme le gouvernement, le ministère se
dirige vers une carte obligatoire à chacun des citoyens, j'aimerais
connaître les raisons qui vous incitent à dire que ce ne serait
pas absolument nécessaire et le pourquoi de cette carte obligatoire.
M. Marquis (Jean-Claude): La carte obligatoire, si on se
réfère au projet de loi, il est bien stipulé que tous les
bénéficiaires devraient avoir la carte. Le problème, c'est
la présentation de la carte par le bénéficiaire
lui-même. Je peux vous avouer candidement qu'en pharmacie, c'est
absolument impossible, parce qu'en pharmacie, nous rendons des services
à des tiers. Un tiers peut venir à la pharmacie et
présenter la carte. Quand la vieille mère a 98 ans, ce n'est pas
elle qui va venir chercher ses ordonnances. Cela va présenter des
problèmes énormes. Les deux tiers que nous avons, c'est celui qui
est délégué par le bénéficiaire et, l'autre
tiers, ce sont les livreurs qui vont fournir la marchandise à domicile.
Je pense qu'on n'a pas le droit de priver les bénéficiaires de
cette double possibilité de se procurer des médicaments.
Nous avons vécu, en pharmacie je voudrais insister un peu
là-dessus depuis 1972, le régime de la carte obligatoire,
via les bénéficiaires de l'aide sociale. Depuis 1972, les
pharmaciens, à travers le Québec, doivent exiger la carte pour
s'assurer le carnet, M. le président de la régie
que le bénéficiaire est bien admissible. Le carnet est
émis pour trois mois. Cela veut dire qu'à tous les trois mois,
nous devons, au niveau des fonctions d'employés de bureau, faire une
vérification de chaque bénéficiaire qui
téléphone ou qui se présente en pharmacie, sans la
remettre continuellement chaque fois qu'il fait une visite, par exemple.
Nous avons affronté des problèmes énormes. Nos
pharmaciens à travers le Québec ont été
impliqués dans des systèmes de vérification
épouvantables. Nous avions en main dans nos dossiers, très
souvent, les cartes des bénéficiaires. Elles étaient
refusées par la régie. Lorsqu'on faisait plainte à la
régie, on nous disait textuellement: C'est le fichier du MAS qui est mal
fait. Si on s'informait au MAS, on nous disait: C'est une erreur de la
régie.
Il y a deux ans, à travers le Québec, il y a eu une
volée de codes 93. Pour les non-initiés, les codes 93, ce sont
des paiements refusés parce que le bénéficiaire
n'était pas admissible en date du service. Les pharmaciens ont dû,
à ce moment-là, aller chez les bénéficiaires
chercher les cartes, faire des photocopies des cartes, les faire parvenir
à la régie pour se faire payer. C'est en septembre. Nous avons
appris, en janvier de l'année suivante, que la régie je
l'excuse, toute erreur est humaine avait oublié d'insérer
dans sa machine une bobine complète de bénéficiaires. Vous
voyez le problème que cela peut présenter pour nous, ce
système de cartes obligatoires.
Nous croyons qu'une fois que nous l'avons vérifié, que
nous avons inscrit le numéro dans nos dossiers... Chaque fois que le
malade se présente pour un service très souvent, encore
une fois c'est un tiers qui vient comment voulez-vous qu'on puisse le
faire payer.
Encore une fois, en pharmacie, vous avez un bien d'attaché. Ces
gens n'ont pas d'argent. Le prix du bien qui est attaché varie
continuellement. Cela peut être $5, $10, $20, cela peut être plus.
L'honoraire, lui, est fixe. Il est présentement à $2.65. J'ai
exécuté la semaine dernière pour un
bénéficiaire de l'aide sociale qui n'avait pas sa carte je
l'avais dans mon dossier, elle était valide une ordonnance pour
un produit qui s'appelle Calcimar, calcitonine saumon, prescrit pour la maladie
de Paget, au coût de $336 pour un mois de traitement, renouvelable trois
fois. Est-ce qu'un bénéficiaire est capable, en vertu du nouveau
projet de loi, de débourser ce montant et de le réclamer par la
suite à la régie, parce qu'il n'a pas sa carte, parce qu'il l'a
égarée, parce qu'il l'a oubliée? Vous voyez le
problème que cela peut présenter pour nous, les pharmaciens, la
carte obligatoire.
M. Lazure: M. le Président, on dit ce matin j'ai
même parlé des pharmaciens qu'on est conscient de cela. Aux
pages 7 et 8 de mon texte, déjà, on a
énuméré des exceptions qui sont prévues au
règlement. Je vous ai dit ce matin
qu'on était très conscient de la difficulté
particulière en ce qui concerne les pharmaciens. On est prêt
à avoir des formules souples qui vont rencontrer vos
particularités. Le Dr Laberge...
M. Marquis (Jean-Claude): M. le ministre, pour vous
répondre, ce qui m'agace un peu, c'est qu'il me semble que ce serait
tellement plus simple de le mettre dans nos ententes, parce que des ministres,
des fois, cela change, cela peut changer, les ministres. On est pris par des
règlements qui seraient faits par la régie, acceptés par
le lieutenant-gouverneur en conseil...
M. Lazure: C'est proposé par un ministre, celui qui est
responsable de la régie, au lieutenant-gouverneur en conseil. C'est
publié dans la Gazette...
M. Marquis (Jean-Claude): Cela peut changer du jour au
lendemain.
M. Lazure: Pas comme cela, quand même! Il faut l'annoncer
d'avance.
La carte obligatoire, il y a eu une ouverture de faite ce matin par le
ministre des Affaires sociales, à savoir qu'au lieu d'exiger la carte,
on exigerait peut-être uniquement le numéro de la carte. On a
pensé aux gens qui sont à domicile, on a pensé
également aux cas de pharmacie. Par contre, on a encore, même
là, des hésitations, parce que quand le Dr Hamel a parlé
ce matin qu'il y a 15% des gens dans les centres d'accueil qui n'ont pas leur
carte, on les retrouve dans les bureaux de médecins. On a
déjà trouvé au-delà de 100 cartes dans le bureau
d'un médecin. Je ne sais pas si c'est la place où il faudrait que
la carte soit gardée. On en a déjà trouvé. On a
déjà trouvé au-delà de 100 cartes
d'assurance-maladie dans un bureau. Dans le cas de la pharmacie, vous parlez de
vérification et que c'est épouvantable comment on vérifie,
mais c'est quand même $100 millions qu'on donne aux pharmaciens dans
l'année qui s'en vient, en services et en produits. Alors, il y a une
opposition à ce qu'il y ait des contrôles.
M. Marquis (Jean-Claude): Absolument pas!
M. Lazure: D'autant plus que sur les $100 millions, il y a $32
millions qui sont donnés, comme vous le savez, sans ordonnance
médicale écrite. Cela dérange, d'une part, les
médecins et, d'autre part, cela dérange les pharmaciens, mais il
y a 32% des ordonnances qui ne sont pas écrites. Cela mérite
qu'on s'y attarde un peu. Je vous ai dit ce matin que dans les 18
premières enquêtes qu'on a faites à domicile pour
vérifier les médicaments, on y a trouvé des
médicaments qui n'étaient pas ceux pour lesquels on avait
été facturé. Il faut quand même être
responsable et s'assurer que l'argent qu'on dépense l'est à bon
escient.
M. Marquis (Jean-Claude): Nous sommes, nous aussi,
responsables.
Le Président (M. Jolivet): Seulement une
vérification, parce que je pense que la parole est au
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je pense que cela va bien quand même. Du choc
des idées jaillit la lumière! Cela va bien. Il y aurait
peut-être lieu qu'on entende la réponse. Ensuite, j'aurai quelques
questions, les deux dernières.
Le Président (M. Jolivet): Tout de suite après
cela, je devrai passer la parole au député de Pointe-Claire.
M. Grenier: Je voudrais bien quand même pouvoir poser une
dernière question qui m'intéresse beaucoup et qui tourne autour
de cela, une dernière après celle-là.
M. Marquis (Jean-Claude): M. le Président, nous ne sommes
absolument pas contre les contrôles. Au contraire, depuis 1972, nous en
avons subis à la tonne, des contrôles, nous, les pharmaciens, au
niveau des cartes, je l'ai expliqué tout à l'heure. Nous sommes
favorables au contrôle, mais nous ne voulons pas que le pharmacien soit
pris dans un cadre où il ne peut plus bouger, qu'il soit continuellement
obligé de quérir de l'argent auprès du
bénéficiaire qui n'est pas capable de payer. C'est un
système qui m'apparait complètement aberrant, si vous vous en
tenez à ce que la carte soit toujours présentée chaque
fois qu'on fait affaires avec le bénéficiaire. Il y aura
tellement d'exceptions en pharmacie, messieurs, que j'ai l'impression qu'on
aura la carte à l'occasion.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Grenier: J'aimerais savoir...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton, je m'excuse, mais je pense qu'on devrait passer au
député de Pointe-Claire.
M. Grenier: M. le Président, on n'a pas dit un mot tout
à l'heure pendant les questions de l'Opposition officielle et cela a
duré une heure juste. Je pense qu'après une vingtaine de minutes,
on pourrait au moins me permettre une dernière question. Cela a
duré une heure juste tout à l'heure.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez raison. M. Grenier:
Oui, je l'ai vérifié. Alors...
Le Président (M. Jolivet): Vous avez raison sur le temps.
Je pense qu'on a laissé à ce moment-là puisqu'on
avait pris cela comme consensus la possibilité d'augmenter le
temps pour éviter de revenir continuellement sur des questions de
règlement, à savoir qui a droit de parole ou pas. Je vous ai fait
mention...
M. Grenier: J'interviens, c'est ma dernière question. Le
député de Pointe-Claire pourra revenir et on changera de sujet,
si on le désire.
Le Président (M. Jolivet): En espérant qu'elle ne
prendra pas une demi-heure. Allez.
M. Grenier: Absolument pas! Je la poserais au Dr Hamel ou
à un autre qui pourrait y répondre. Si le gouvernement veut
absolument vendre sa carte soleil, sa carte obligatoire, et qu'on y voit
là-dedans une administration difficile j'ai été
placé pour le savoir aussi, quand on voit que c'est bloqué dans
les bureaux des médecins, cela ne me jette pas à terre. J'ai
dirigé des institutions pour personnes âgées et je sais
qu'il n'y a pas de quoi se jeter à terre avec cela. Il y a bien d'autres
raisons pour lesquelles ils sont là. A partir de cela, j'aimerais savoir
si vous auriez une autre formule de remplacement pour cette carte soleil?
M. Hamel: Avant de passer à la proposition, j'aimerais
faire une remarque, parce que cela fait plusieurs fois qu'on met la chose en
évidence ou qu'on la monte en épingle pour dramatiser une
situation. On dit: Les cartes sont dans les bureaux des médecins. Il y a
des erreurs qu'on cherche souvent à mettre en épingle. On n'a pas
parlé, pour notre part, des erreurs de la régie, avec lesquelles
on se débat continuellement. Je pourrais débiter pendant une
heure des erreurs de la régie. Par exemple, les statistiques officielles
qui ont paru en septembre en ce qui concerne les médecins omnipraticiens
sont fausses quant au coût de l'acte, au nombre d'actes par
médecin.
L'obstétrique en 1978 est 60% plus élevée qu'en
1977, alors qu'on sait très bien que c'est à peu près la
même chose en obstétrique. Je pourrais donner toute une
série d'erreurs comme celle-là. Je pense que cela ne règle
aucun problème d'essayer de monter en épingle tel et tel type
d'erreurs qui sont tout à fait normales, soit dans une institution, soit
dans n'importe lequel organisme et même dans un cabinet de
médecin.
Ceci dit, nous avons des propositions tout à fait constructives
en ce qui concerne la carte et je laisse la parole à Me Brodeur.
M. Brodeur: Les associations qui sont ici aujourd'hui, ont
préparé un document que je vais vous lire et commenter le plus
brièvement possible. La proposition serait celle-ci.
Si le ministre des Affaires sociales juge que l'inscription à la
régie est essentielle pour qu'un résident du Québec ait la
qualité de bénéficiaire, la mise en place d'une telle
mesure doit incomber à la régie et non pas aux professionnels de
la santé, et, d'autre part, la présentation obligatoire de la
carte doit être absolument écartée parce qu'elle
crée de graves injustices. Nous accepterions donc, l'inscription
obligatoire, mais pas la présentation obligatoire de la carte.
Nous suggérons l'approche suivante: un bénéficiaire
serait, comme c'est le cas dans le projet de loi, une personne qui
réside au Québec et est inscrite à la Régie de
l'assurance-maladie. Seul un bénéficiaire aurait droit aux
services assurés.
Comment s'appliquerait ce système? D'abord par rapport aux
professionnels de la santé, il fournit les services prévus
à la loi et à la réglementation sur présentation de
la carte d'assurance-maladie ou sur la base des motifs de bonne foi qui
l'amènent à croire que le patient est une personne
résidant au Québec.
Le professionnel de la santé est alors
rémunéré par la régie, à moins que le
patient ne l'informe qu'il n'est pas inscrit à la régie et qu'il
n'a pas l'intention de s'y inscrire, auquel cas le patient défraie
lui-même le coût des honoraires professionnels. (16 h 45)
Qu'est-ce qui se passe du côté du patient dans le cas
où il n'a pas sa carte? Le patient qui réside au Québec,
mais qui n'est pas inscrit à la régie et qui n'a pas
présenté sa carte, évidemment, et à qui des
services assurés ont été fournis par un professionnel de
la santé dont les services ont été payés par la
régie, reçoit de cette dernière une demande de
remboursement.
Toutefois, si le patient s'inscrit à la régie, dans un
délai prévu, il n'a pas à rembourser à la
régie le coût des services assurés. Autre hypothèse.
Le patient est un bénéficiaire et est inscrit à la
régie, mais, pour une raison ou une autre, il n'est pas en possession de
sa carte d'assurance-maladie lorsqu'il se présente chez le professionnel
de la santé.
Dans ce cas, la régie assume la responsabilité d'inciter
ce patient à présenter sa carte à l'avenir ou à la
remplacer s'il ne l'a plus. Cette incitation peut prendre plusieurs formes. Aux
seules fins d'illustration, mentionnons une lettre de la régie
l'incitant à présenter sa carte ou à demander
l'émission d'une nouvelle carte, le cas échéant.
Campagne de publicité auprès des
bénéficiaires: la mise à la disposition des
bénéficiaires de formules de demandes d'émission de
nouvelles cartes dans les bureaux des professionnels de la santé, la
recommandation faite au bénéficiaire, par le professionnel de la
santé qui, au fond, y trouve lui-même son intérêt, en
termes d'administration, de présenter sa carte ou de voir à la
faire remplacer lui-même s'il l'a perdue.
C'est là la proposition qui est soumise.
M. Grenier: Est-ce que cela peut être distribué pour
l'avantage, pour la bonne compréhension des membres de la
commission?
M. Brodeur: Nous n'avons pas de photocopie présentement.
On pourra en faire faire.
M. Grenier: D'accord. Il s'agit de déposer le document au
président.
Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez qu'à me le
donner, on les fera en conséquence. M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Premièrement, une question au président de
la régie. Vous avez dit ce matin que
toutes les autres provinces ou beaucoup d'autres provinces ont des
cartes. Y a-t-il une province au Canada qui a des cartes comme celles que nous
avons au Québec?
M. Lazure: Non.
M. Shaw: Vous avez dit, ce matin, que les autres provinces ont
demandé leurs cartes avant de donner du service, mais, maintenant, vous
dites qu'il n'y a pas de carte partout au Canada.
M. Lazure: Ce que je vous dis et que vous n'avez pas l'air de
comprendre, c'est qu'elles n'ont pas de cartes comme celles du
Québec.
M. Shaw: Oui.
M. Lazure: Les gens ont quelque chose à présenter,
un document. Cela peut ressembler au permis de véhicules automobiles.
Cela peut ressembler à autre chose. Dans une autre province, c'est le
reçu du paiement de la prime comme en Ontario, en Alberta et en
Colombie-Britannique. C'est cela qu'ils présentent pour recevoir des
services.
M. Shaw: Alors, la seule chose que les autres provinces demandent
est une preuve...
M. Lazure:... d'admissibilité.
M. Shaw: ... d'admissibilité. Pourquoi n'employons-nous
pas le même système au Québec?
M. Lazure: C'est la même chose.
M. Shaw: Ce n'est pas la même chose du tout parce que,
comme le responsable des pharmaciens l'a dit, ils ont fait la preuve en ayant
de l'information d'un client et ils ont gardé cela dans leurs dossiers,
et vous n'êtes pas prêt à accepter cela maintenant.
M. Lazure: J'ai dit tantôt aux pharmaciens que c'est
possible, c'est dans les ouvertures que le Or Lazure a faites ce matin, qu'au
lieu d'exiger la présentation de la carte, c'est possible qu'on exige le
numéro qui est sur la carte.
M. Shaw: Mais vous n'êtes pas prêt vous-même
à accepter cela. Vous venez de le dire.
M. Lazure: Je n'ai pas dit que je n'étais pas prêt
à l'accepter. Je prends le cas des pharmaciens, en particulier. Le Dr
Michael m'informe que 99% des demandes des pharmaciens arrivent avec le
numéro. Il n'en manque pas beaucoup.
M. Shaw: J'accepte que les professionnels puissent vous donner
plus que le numéro de la carte, mais vous exigez la carte, dans le
projet de loi. C'est totalement différent.
Deuxièmement, le fardeau de la preuve...
M. Lazure: Si vous permettez, je vais expliquer un peu cela. On
l'a déjà dit plusieurs fois. Etant donné que, de toute
façon, j'ai fait allusion au sondage SORECOM du début de 1977, la
très grande majorité des gens qui ont leur carte, la grande
majorité présentent leur carte, la grande majorité des
gens croient même que la carte est obligatoire et que, lorsqu'on leur
pose la question et qu'on leur dit: Elle n'est pas obligatoire, mais, si elle
devenait obligatoire, seriez-vous d'accord?, plus des deux tiers des gens
disent: Oui, nous serions d'accord...
M. Shaw: Et un tiers qui n'ont pas leur carte.
M. Lazure: II s'agit, dans une loi, de stipuler pour une
situation qui va toucher l'ensemble de la population. Dans les
règlements, nous sommes prêts nous le
répétons à faire des exceptions, notamment pour les
pharmaciens.
M. Shaw: Une autre question dans le même domaine. On
accepte maintenant que des enfants de moins de 18 ans, vous avez même
avoué que 15% maintenant n'ont pas leur carte. Est-ce vrai?
M. Lazure: Non. Je ne sais pas où vous prenez cela, mais
je n'ai jamais entendu parler de cela.
M. Grenier: Ils ne transportent pas leur carte avec eux.
M. Shaw: Non. J'ai dit que même 15% des...
M. Lazure: Le taux le plus élevé d'absences de
carte se trouve chez les enfants de moins de 1 an et il est à 10,1%.
Chez les enfants de moins de 1 an. C'est pour cette raison que, par
règlement, on va exclure la carte pour au moins les moins de six mois.
Ce qui est drôle, c'est que dans les autres programmes, comme par exemple
les bénéficiaires québécois qui vont à
l'extérieur du Québec, quand ils reviennent avec des comptes, on
exige la carte. On ne paie pas s'ils n'ont pas une carte d'assurance-maladie ou
s'ils ne sont pas inscrits. Il y a des fois des montants assez
élevés qui peuvent aller jusqu'à $100 000. Avant de payer,
on s'assure qu'ils sont inscrits. Quand on arrive dans le programme des
prothèses visuelles, on n'a jamais payé une prothèse
visuelle pour un individu qui n'a pas une carte ou qui n'est pas inscrit
à la régie. Quand on va chez les orthèses et
prothèses, seize établissements avec lesquels on est
conventionné, on exige encore la carte. Chez les dentistes, comme preuve
d'admissibilité pour l'âge, il n'y a pas de meilleur moyen que la
carte. Chez les gens de 65 ans et plus, comme preuve qu'ils ont 65 ans et plus
et qu'ils sont admissibles au programme de médicaments, le meilleur
moyen c'est encore la carte. Le problème est: Est-ce que c'est la carte
elle-même à présenter ou, comme le suggérait
tantôt le pharmacien, est-ce qu'on ne pourrait pas se satisfaire du
numéro?
M. Shaw: Pour continuer dans le même domaine...
Le Président (M. Jolivet): Un instant, M. le
député, il y a peut-être un ajout qui pourrait être
fait.
M. Marquis (Jean-Claude): Une mise au point pour taquiner le
président de la régie. J'ai dit tout à l'heure que nous
fonctionnions avec deux systèmes. On a le carnet pour les
bénéficiaires et on a la carte d'assurance-maladie pour les
personnes âgées. Nous avons reçu, les pharmaciens, une
directive de la régie de ne pas se servir de la carte
d'assurance-maladie dans l'imprimant et pour les bénéficiaires
lorsqu'il n'y avait pas concordance.
M. Shaw: II y a aussi la question du fardeau de la
responsabilité. Il y a responsabilité quand un médecin ou
un dentiste ou un pharmacien accepte une carte et, à un moment
donné, la régie dit que ces services ont été
donnés à quelqu'un qui a faussé la vérité.
C'est au professionnel de payer ce montant, pourquoi au professionnel et pas au
responsable qui est celui qui a fait le faux?
Je vais répéter encore une fois. On dit que M. Untel
présente une carte qui n'est pas sa propre carte. C'est un
Américain qui emploie, par exemple, ma carte. Mais s'il y a une
enquête qui prouve que ce service a été rendu par un
médecin à quelqu'un qui n'était pas couvert par cette
couverture, pour le moment, il a mal présenté un fait. C'est le
médecin qui doit payer ce montant.
M. Lazure: Non. Le médecin était de bonne foi, il
avait une carte, il l'a inscrit. On se rend compte au fichier du
bénéficiaire que l'inscription est fausse, est mauvaise, on
découvre que c'est un résident du Vermont, de New York ou du
Maine. C'est à nous de faire rembourser le client et non pas le
médecin.
M. Shaw: Alors, le fardeau de la preuve dans ce domaine n'est pas
au médecin.
M. Grenier: M. le député de Pointe-Claire me
permettrait-il juste une question très courte?
Le Président (M. Jolivet): Non. M. Grenier: Sur le
numéro.
Le Président (M. Jolivet): Non. Mme le
député de L'Acadie.
M. Grenier: Elle était bien importante.
Le Président (M. Jolivet): Refilez-la à Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas compris sa question. M. le
Président, je me demande s'il ne faudrait pas éclaircir, à
ce moment-ci, la façon dont on procède. Ce matin, on avait
convenu que chacun faisait un très court survol de ses impressions
générales.
Le Président (M. Jolivet): Ce qui a été fait
d'ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: Non, ce qui n'a pas été fait,
parce que c'était la première fois que le député de
Saint-Laurent parlait, mais je ne veux pas prolonger le temps. Je veux
simplement...
Le Président (M. Jolivet): Je vais expliquer pour bien se
comprendre. Ce matin, on a demandé à un représentant de
chacun des partis de parler. Quand nous sommes revenus, en terminant à
13 heures, j'ai demandé...
M. Forget: ... de Papineau.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Papineau aussi.
Le Président (M. Jolivet): Une minute. Ce que j'ai
exprimé, on va le clarifier tout de suite. J'ai demandé aux
partis politiques et à tout député qui voulait intervenir
pour la première fois, d'intervenir. En deuxième lieu, le parti
politique dont vous êtes le représentant a eu un droit de parole
d'une heure, utilisé par le député de Saint-Laurent;
ensuite, nous sommes allés au député de l'Union Nationale,
au député de Pointe-Claire et on revient à vous.
Mme Lavoie-Roux: Je suis fort aise que vous vous compreniez, M.
le Président, je trouve ça assez confus.
De toute façon, le ministre avait également fait valoir
qu'il avait quelques questions à poser. Je pensais que le ministre
reviendrait avec ses questions et qu'on referait le tour. Mais enfin, ceci est
réglé à ce moment-ci. Est-ce qu'on passe maintenant au
deuxième chapitre?
Le Président (M. Jolivet): C'est à vous de poser
des questions, vous pouvez...
Mme Lavoie-Roux: Le ministre n a pas de question concernant le
deuxième chapitre, si je comprends bien.
M. Lazure: Non, allez-y, Mme le député.
Le Président (M. Jolivet): Ah, parce que moi, j'avais
compris qu'il laissait aux autres le soin de poser des questions.
M. Lazure: Depuis le début de la journée, c'est ce
que j'ai tenté de faire...
Le Président (M. Jolivet): C'est ce que j'ai compris.
M. Lazure: ... pour suivre votre suggestion de ce matin, Mme le
député de L'Acadie, lorsque vous m'avez interrompu dans ma
lecture.
Mme Lavoie-Roux: Je ne vois pas quel rapport cela a, mais de
toute façon...
M. Lazure: On le voit, nous.
Mme Lavoie-Roux: Si on prend les recommandations du
deuxième chapitre, certaines de ces recommandations vont probablement
toucher des représentations qui nous seront faites, un peu plus tard,
j'imagine, par différents ordres de professions. Pour ce qui est de la
première recommandation, à savoir de rie pas implanter de
système de carte obligatoire d'assurance-maladie, je pense qu'on y a
touché passablement depuis la fin des questions du député
de Mégantic-Compton et du député de Pointe-Claire.
Il reste qu'il y a un problème qui a été
soulevé à ce sujet, c'est celui des fausses cartes. J'aimerais
demander au président de la régie si le fait de rendre la carte
obligatoire va solutionner le problème de l'utilisation par d'autres de
cartes qui ne leur appartiennent pas ou des fausses cartes? Parce que cela
semble aussi être une grande partie du problème dans le cas des
déficits ou des montants que la régie ne devrait peut-être
pas payer, mais se trouve dans l'obligation de payer?
Le Président (M. Jolivet): Un instant! Avant qu'il
réponde, on m'a fait une demande. Nous avons arrêté le
système qui épure la salle de la fumée pour éviter
le bruit qui était très fort tout à l'heure; est-ce qu'il
serait possible, pour les besoins des non-fumeurs, de diminuer votre quota de
cigarettes, ceux qui fument?
M. Laberge.
M. Lazure: Pour répondre au député de
L'Acadie, je voudrais d'abord dire que pour les enfants nés de parents
québécois, on émet une carte sans problème. Si les
parents ne sont pas des résidents du Québec, que c'est un enfant
né au Québec, on exige un certificat de naissance. Pour les
adultes, le problème qui se pose est surtout au niveau des immigrants
et, à partir de janvier, le ministère de l'Immigration du
Québec est censé émettre un certificat de
sélection. Alors, on demandera, pour un résident immigrant au
Québec, un certificat de sélection avant d'émettre une
carte d'assurance-maladie.
Pour les autres adultes qui s'inscrivent à la régie, on
demande un répondant avec un numéro d'assurance-maladie.
Maintenant, ça ne réglera pas le problème de gens de
l'extérieur du Québec, particulièrement des états
américains limitrophes, qui voudraient se procurer une carte, qui
empruntent la carte d'un cousin ou d'un oncle et qui se font donner des soins.
On n'a pas de preuve de ça.
Mme Lavoie-Roux: Quand vous parlez... enfin, on citait la presse
comme ayant mentionné j'imagine que les chiffres venaient de la
régie $50 millions de frais qui n'auraient pas dû
être payés; vous ne pouvez pas faire la proportion entre ce qui
serait la négligence à présenter sa carte et le
résultat de fraude ou mauvaise utilisation. ( 17 heures)
M. Lazure: C'est-à-dire que ce matin, j'ai parlé
d'un montant de $50 millions par mois, $4 140 000 environ que
nous payons à des professionnels de la santé du Québec,
pour des services assurés à des personnes que nous
présumons être des Québécois, mais on n'en a pas la
certitude. Il faudrait faire une enquête dans chacun des cas et, comme on
reçoit 900 000 demandes de paiement par semaine...
Mme Lavoie-Roux: Moins un autre million de dollars pour faire
l'enquête.
M. Lazure: Cela coûterait plus cher de faire
l'enquête que de payer les montants qui sont là.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais quand
même demander aux groupes qui sont devant nous... Il reste un fait, et je
pense que vous ne le nierez pas, il y a certainement des abus, dans
l'utilisation ou la non-utilisation de la carte d'assurance-maladie... Est-ce
que vous avez fait une suggestion que vous venez de déposer devant nous,
car vous voulez redonner à la Régie de l'assurance-maladie la
responsabilité de l'application de la loi... Les suggestions que vous
faites sont l'ordre incitatif.
Est-ce que vous voulez dire par là qu'il n'y a pas eu
suffisamment de suggestions d'ordre incitatif, dont le résultat est la
mauvaise utilisation qu'on connaît, ou une certaine mauvaise utilisation
qu'on connaît? Ou croyez-vous que vraiment cela sera suffisant pour
corriger ce que l'on veut corriger? Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut
pas jouer avec les chiffres. Je trouve qu'on peut facilement tomber dans la
démagogie avec ce genre de chiffres. Mais, d'un autre côté,
je pense qu'il y a un problème réel, et cela, vous en convenez ou
vous n'en convenez pas. C'est peut-être la question fondamentale.
Et la deuxième, croyez-vous que des mesures incitatives,
même en admettant que la régie pourrait être plus
présente, plus incitative, faire plus d'éducation, croyez-vous
que ce soit suffisant pour corriger les problèmes auxquels on fait
face?
M. Hamel: Voici, M. le Président. Cette année, une
campagne de la régie a eu pour résultats d'augmenter environ de
10%, c'est-à-dire de 80% à 90%, le port de la carte. Une seule
campagne a eu cet effet, d'augmenter ce taux de 80% à 90%. Cela a eu un
effet réellement important, donc un geste de la régie à
retenir.
D'autre part, il faut bien savoir que les professionnels de la
santé eux-mêmes, et leur personnel surtout, les secrétaires
qui reçoivent les patients dans les cabinets, trouvent leur travail
facilité par le port de la carte.
En général, de façon unanime, les professionnels
sont favorables à ce que tout le monde, tous les
bénéficiaires puissent porter la carte. En fait, ils le sont
tellement que, dans les enquêtes que nous avons faites
dernièrement, il y a une quinzaine de jours, dans les cabinets
privés de médecins
omnipraticiens, 95% des malades se présentent avec la carte,
parce que, justement surtout lorsque les patients reviennent, le personnel des
médecins est peut-être le personnel le plus efficace au
Québec pour influencer les bénéficiaires à porter
leur carte.
La chose est tout à fait différente dans les
établissements, dans les salles d'urgence évidemment, cela
se comprend dans les centres d'accueil, pour des raisons que je ne veux
pas élaborer ici. Mais de façon générale, on pense
que les moyens incitatifs, on en a la preuve cette année, ont fait
passer le port de la carte obligatoire d'environ 80% à 90%, sauf que
vous avez quand même des patients qui se présentent avec des
cartes avariées, qui ne sont pas utilisables; d'autre l'ont
oubliée, lorsqu'ils sont partis d'urgence; vous en avez d'autres qui
l'ont perdue; vous en avez d'autres qui attendent une nouvelle carte de la
régie, cela peut prendre six mois, huit mois, parfois dix mois.
Vous avez toutes ces personnes de bonne foi qui, souvent, ont
déjà été traitées par le médecin. Le
médecin a le numéro de la carte. On se demande pourquoi, dans ces
cas-là, il faudrait que le médecin exige des honoraires aux
malades et suive la procédure prévue dans la loi. Lorsqu'un
médecin traite une famille depuis quinze ans ou vingt ans et que les
gens de cette famille ont perdu la carte et que le médecin
possède déjà le numéro... C'est bien clair qu'il y
a de l'amélioration à faire, il s'en est fait beaucoup et,
d'après nous, ces mesures sont caduques, parce que, dans quelque temps,
si la régie continue à faire des efforts, en particulier dans les
centres d'accueil, on va avoir encore un plus haut pourcentage de patients qui
vont posséder leur carte.
Mme Lavoie-Roux: J'imagine, M. le Président, qu'il est
trop tôt pour la Régie de l'assurance-maladie d'évaluer
dans quelle mesure des progrès ont été
réalisés, à la suite de ces campagnes de publicité.
Etant donné qu'apparemment, c'est assez récent, que vous avez
fait ces efforts de publicité durant la dernière année, il
est trop tôt pour établir si cela a eu de bons résultats et
si on peut espérer que ce soit une solution suffisante.
M. Lazure: Je vais vous répondre. J'aimerais faire un
petit commentaire au Dr Hamel. Il a confondu le temps d'une grossesse, neuf
mois, avec le temps pour émettre une carte d'assurance-maladie qui est
de neuf jours. Cela prend actuellement neuf jours à émettre une
carte. Entre le jour où la réception arrive, la demande d'une
carte, d'une inscription ou d'un remplacement de carte qui arrive à la
régie et le moment où elle est émise, cela prend neuf
iours.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Lazure: Je remonte au premier rapport du Vérificateur
général qui, à ce moment-là, avait trouvé
que 36%, par échantillonnage, des gens n'avaient pas de carte. C'est il
y a trois ans. On a fait, à ce moment-là, une première
campagne de publicité, tant auprès des professionnels
qu'auprès des bénéficiaires. Dans ce domaine, je dois dire
que les gens qui nous aident le plus, ce sont les secrétaires des
professionnels qui disent aux patients, quand ils arrivent: Avez-vous votre
carte? Non. Si vous ne l'avez pas, essayez de vous en procurer une, ou encore:
La prochaine fois que vous viendrez, tâchez d'avoir votre carte.
On a également eu, de la part des pharmaciens, une excellente
collaboration. Ils ont accepté d'avoir des présentoirs avec des
possibilités d'inscription pour tout le monde, c'est-à-dire que
les formules d'inscription sont distribuées là.
Dans une deuxième enquête, environ un an plus tard, on
était autour de 25%. A la troisième enquête, celle à
laquelle on a référé ce matin et sur laquelle on a
donné les chiffres, on était à 15%. A la suite de cette
enquête, il y a eu encore une nouvelle promotion pour l'utilisation de la
carte et on est à environ les chiffres du Dr Hamel sont
très proches de l'exactitude 10%, mais il reste, je le
répète, que 99% des gens au Québec ont une carte
d'assurance-maladie; 94% la portent sur eux, ce qui confirme ce que vient de
dire le Dr Hamel également, c'est-à-dire que, dans les bureaux de
pratique générale, 95% des gens se présentent là
avec une carte.
Mme Lavoie-Roux: Que 94% la portent sur eux, je vous trouve
optimiste, mais je ne le contesterai pas: vous devez le savoir mieux que
moi.
M. Lazure: C'est encore l'enquête de SORECOM qui a
été faite selon un sondage que vous connaissez.
Mme Lavoie-Roux: Par hasard, M. le Président, n'y
aurait-il pas en circulation plus de cartes qu'il y a de résidents au
Québec?
Le Président (M. Jolivet): Si vous me posez la question
à moi, je ne le sais pas.
Mme Lavoie-Roux: Je veux dire par votre entremise, M. le
Président.
M. Lazure: En 1975, au mois de juin, il y avait environ 10
millions de cartes. Est-ce que cela répond à votre question?
Mme Lavoie-Roux: Vous êtes rendus à combien? Il y en
a combien de morts depuis ce temps-là?
M. Lazure: II y avait ce qu'on appelait des NAM temporaires,
c'est-à-dire qu'il y avait des cartes, le nombre était moins
grand, mais il y avait des NAM temporaires; ce sont des gens à qui on
avait signé des numéros temporaires. Actuellement, le nombre de
cartes, depuis qu'on a émis la carte-soleil, c'est autour de 6 200 000
ou de 6 210 000. C'est le nombre de cartes en circulation, actuellement.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela la population du Québec, je
pense? C'est à peu près cela. De toute façon!
Il y a un deuxième point. Je pense qu'on ne résoudra pas
le problème de la carte-soleil aujourd'hui. Vous soulevez beaucoup les
problèmes des pouvoirs très importants qu'on veut maintenant
confier à la régie. Vous présentez, comme deuxième
recommandation, que l'article 62 proposé par l'article 47 soit
retranché. Si je comprends bien, j'imagine que vous considérez
qu'il devrait normalement appartenir à l'Ordre des professions et non
à la régie d'exclure, pendant six mois ou pendant un an, un
professionnel de la Régie de l'assuran-ce-maladie. Est-ce que c'est le
sens de votre deuxième recommandation? C'est à la page 83 de vos
recommandations.
M. Lazure: C'est quand c'est possible...
M. Lachapelle: Particulièrement, je crois, à
l'article 62, n'est-ce pas?
Mme Lavoie-Roux: C'est cela.
M. Lachapelle: L'article 62, qui se trouve à instaurer un
régime de double pénalité, qui, si on en croit l'article
152 du Code des professions, va être triplé par une triple
pénalité, parce que le professionnel de la santé coupable
d'une infraction pénale ipso facto se trouve traduit devant le
comité de discipline de la corporation de sa catégorie.
Egalement, nous considérons les conséquences que cela comporte
pour le bénéficiaire. Pensons, si vous voulez, par
hypothèse, au professionnel qui serait visé par une telle
pénalité. Ce professionnel vis-à-vis des
bénéficiaires leur cause le problème suivant: Ou bien
cesser la relation bénéficiaire-professionnel, ou bien encore se
soumettre au régime de non-participation, ce qui veut dire pour le
bénéficiaire, évidemment, l'obligation de payer
directement au professionnel en cause.
Pour ces motifs, nous croyons que cette double pénalité
qui se conjugue même en triple pénalité, devrait simplement
être bannie comme étant excessive. De toute façon, nous
ajoutons également que s'il y a une sanction économique à
considérer, l'entente peut prévoir des sanctions
économiques. De toute façon, dans l'entente, à l'heure
actuelle, nous parlons même, au niveau de la répartition des
effectifs, nous l'avons vu, de contraintes. Alors, si nous lisons la nature de
ces contraintes, par référence à la loi, elles pourraient
correspondre à une exclusion du régime pour un temps, mais
cependant, la nature, la gravité de l'offense devrait être prise
en considération. Pourquoi avoir une sanction automatique dans tous les
cas de six mois, quelle que soit l'échelle de la gravité, quelle
que soit la nature de l'offense? Pour toutes ces raisons, nous croyons que la
double pénalité est odieuse, est inopportune et qu'elle devrait
être référée à l'entente, s'il y a lieu
d'assurer une sanction économique.
Mme Lavoie-Roux: Oui, j'aimerais avoir les commentaires du
ministre là-dessus.
M. Lazure: Oui, quelques commentaires avant de passer la parole
au Dr Laberge. C'est une mesure qui peut paraître sévère
à prime abord, exceptionnelle. Effectivement, elle s'appliquerait
à des cas exceptionnels le Dr Laberge va donner des chiffres
tantôt ce sont quelques cas par année. On dit bien:
Lorsqu'un professionnel de la santé, poursuivi en vertu du Code criminel
est coupable ou plaide coupable. Je pense bien que vous allez tenir pour acquis
que la régie ne va pas poursuivre au criminel pour des
péccadilles. La preuve, c'est qu'il y a très peu de cas par
année. Je demande au Dr Laberge plus de détails, de
détailler ce sujet.
M. Lachapelle: Je ne pense pas qu'on trouve là une excuse.
Allez-y!
M. Lazure: C'est-à-dire que la régie, en vertu de
sa loi, peut poursuivre au pénal, poursuivre au criminel. En 1976, on a
poursuivi deux cas au criminel. En 1977, on en a poursuivi également
deux. En 1978, jusqu'à maintenant, on en a poursuivi deux. Ce qui nous a
fait penser à cette mesure, c'est qu'on l'a vue ailleurs dans d'autres
provinces, surtout qu'on a réalisé qu'un professionnel
condamné au criminel, le premier a une sentence suspendue avec $500
d'amende, le deuxième a $100 d'amende et un mois pour payer, au criminel
toujours, le troisième a plaidé coupable, mais a eu une
libération inconditionnelle. Il y en a un qui a eu trois jours de
prison, mais à servir les trois derniers dimanches de chaque mois. Il y
en a un autre qui a eu $2000 d'amende et un jour de prison. Ce sont pour des
offenses au criminel. Je vous ferai remarquer que souvent les montants
impliqués sont dans l'ordre de $50 000, $100 000 ou $150 000. Il y en a
un autre ici qui a une probation de deux ans, et enfin, un qui plaide coupable,
plaidoyer de culpabilité, libération inconditionnelle.
M. Lachapelle: Les arguments du président sont assez
équivoques, ou du moins, ils semblent nous faire entendre que les
tribunaux ne sont pas assez sévères, que les sentences
accordées, ne sont pas suffisantes et que la régie devrait
prendre sur elle de les rectifier au nom de sa justice. (17 h 15)
M. Lazure: Je vais continuer, si vous le permettez.
M. Lachapelle: Allez-y!
M. Lazure: Quand on reçoit ces sentences-là, elles
sont envoyées à la Corporation professionnelle. Je regarde dans
le rapport annuel et je vois qu'il y a eu huit cas où on a reçu
des réprimandes, trois cas une amende de $500 dont l'une, une radiation
d'une semaine et des radiations permanentes. Or, un des cas qui étaient
en radiation permanente est allé devant le tribunal des professions,
devant les juges Jean Fillion, Gilles Fillion et Conrad Pronovost. Devant les
trois juges au tribunal on dit que "l'acte frauduleux dont l'appelant a
été trouvé coupable, si grave soit-il au plan
du droit criminel, a été commis à l'occasion de
l'exercice de sa profession de médecin et s'il n'a pu le commettre sans
être médecin, il n'en reste pas moins qu'il ne s'agit pas d'un
acte de pratique professionnelle médicale ou chirurgicale. La
sévérité excessive de la sanction, soit la perte à
vie de son gagne-pain il avait été radié à
vie par la corporation démontre que le comité de
discipline n'a pas fait la distinction qui s'impose entre la fraude qui
consiste à surcharger non pas un client, mais la régie".
C'est-à-dire que voler la régie, il semble que cela n'ait pas
d'importance, mais voler un client cela en aurait.
Un peu plus loin ils reviennent à d'autres sentences où il
n'a jamais été imposé plus qu'une radiation de deux mois.
"La sanction prononcée n'a pas le caractère de justesse et de
convenance appropriés au présent cas. Ceci exposé, le
tribunal, à l'unanimité, est d'avis que la sanction de radiation
permanente doit être écartée et remplacée par une
autre qui se rapproche de celle déjà imposée". On dit,
dans un article ici: "La corporation n'a pas à imposer de sanction
économique, les sanctions d'ordre économique doivent être
imposées ailleurs". Alors, ailleurs, on se demande où? Ce n'est
pas un privilège que la régie se donne, c'est une obligatoin. Si
on n'a pas mis de limite de temps, mettons un mois, deux mois, trois mois ou
six mois, c'est qu'on ne voulait pas avoir de pouvoir discrétionnaire de
dire: Dans tel cas, ce sera un mois, dans tel autre, ce sera six mois et dans
tel autre, ce sera deux mois. On a mis six mois pour tout le monde.
Mme Lavoie-Roux: ...
Une Voix: Je ferais encore la remarque que ce sont des gens
condamnés au criminel.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne veux pas mettre en
doute l'importance des accusations enfin de la nature des accusations
qui ont été portées contre ces personnes-là.
Il semble évidemment qu'il y ait une faille quelque part. Apparemment
vous en avez discuté, j'imagine, avec les corporations professionnelles
qui, elles, comme vous dites, se disent: Au plan économique on n'a pas
de sanction à imposer, on en a uniquement au plan de l'appartenance
à une profession.
Tout à l'heure on va les entendre et je trouve regrettable que la
régie soit obligée de prendre de telles mesures parce que
peut-être qu'ailleurs, on n'a pas discuté suffisamment des
mécanismes ou on ne s'est pas entendus sur des mécanismes qui
soient plus opérants que ceux qui existent présentement et on
vous oblige, dans la loi à ajouter cette dimension
supplémentaire.
Il semble qu'il y ait un problème mais qu'on ne sache pas
exactement comment s'y prendre pour y rémédier. De toute
façon, la troisième recommandation me semble faite par les
groupes pour rétablir le délai de prescription à deux ans.
Je ne saurais juger si c'est deux ans ou un an, mais chose certaine, cela
semble un peu surprenant que le professionnel qui est obligé de
préparer sa défense ou de faire valoir son point de vue, ait six
mois, alors qu'on conserve à la régie deux ans.
Peut-être que dans un cas c'est... C'est aux
bénéficiaires...
M. Brodeur: Aucun délai...
M. Lazure: La raison pour le bénéficiaire, c'est
qu'on a des résidents québécois qui vont travailler
à l'extérieur du Québec comme enseignants ou comme
étudiants, et on leur donne deux ans de délai pour produire leur
relevé d'honoraires. La raison pour laquelle on demande six mois pour
les professionnels, encore là, je ne sais pas pourquoi on y met
tellement d'importance parce que dans 99% des cas, après trois mois, les
demandes de paiement sont toutes entrées. Il y a une poignée de
peut-être dix ou quinze professionnels qui, un bon matin, nous envoient
pour $120 000 de comptes qui remontent 18 mois, 20 mois ou 22 mois en
arrière. C'est cela qu'on veut éviter.
Pour tous les autres professionnels, on a même des tableaux qu'on
a déjà distribués pour savoir à peu près le
temps ou le délai qui s'écoule entre le service assuré et
la réception à la régie de la demande de paiement. Alors,
on a tant pour cent après dix jours, vingt jours, trente jours, mais je
vous dis qu'à 90 jours, on a 99%, mais c'est cela ce 1% auquel on ne
veut pas donner deux ans.
J'ajouterai aussi que cela rejoint les remarques de mes collègues
d'en face qui contestaient tantôt les chiffres de la régie.
J'ajouterai que si on laissait un délai aussi long pour les
réclamations, c'est-à-dire deux ans, cela aurait pour effet de
fausser les statistiques de la régie; en plus, on demande des rapports
trimestriels pour être en mesure de calculer le revenu moyen de
l'ensemble des professionnels.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question et je laisserai la
place aux autres. C'est ce que vous vouliez me dire, M. le
Président?
Le Président (M. Jolivet): Non. C'est parce qu'il y a des
personnes qui voulaient intervenir.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): II y avait M. Chicoi-ne et M.
Hamel.
M. Hamel: Je voudrais intervenir immédiatement, car 1% ne
peut pas fausser les statistiques de la régie, si c'est vrai, parce
qu'on procède depuis plusieurs années dans les statistiques en
établissant un degré d'intégralité des
données. Alors, cela ne peut fausser les résultats en aucune
façon.
M. Lazure: 1% de $700 millions, c'est $7 millions.
M. Hamel: II y a des médecins, par contre, qui subissent
des ajustements négatifs après un délai de six mois,
après qu'ils ont été payés. Ils ont
été payés il y a six mois, il y a huit mois, il y a un an,
et ils subissent des ajustements négatifs. En vertu de votre loi, toutes
les fois que la régie appliquerait un ajustement négatif, six
mois après avoir payé un professionnel, celui-ci n'aurait plus
aucun droit à réclamer, parce que cela serait depuis la
fourniture des services, et non pas le paiement.
M. Lachapelle: Les six mois comprennent la fourniture de
services, c'est tout à fait injuste.
M. Hamel: C'est tout à fait injuste.
M. Lachapelle: Vous avez la postvalidation. Vous avez la
possibilité du recours à l'arbitrage et vous dites quand
même qu'au bout de six mois, le recours est prescrit devant le tribunal.
C'est un non-sens.
Le Président (M. Jolivet): M. Chicoine.
M. Chicoine: En ce qui concerne la compensation, lors de nos
négociations, on avait justement demandé un délai de six
mois et, à la table de négociation, on s'est fait dire que
c'était trop court pour que la régie puisse réellement
apprécier, et on nous a proposé deux ans. On a finalement
accepté deux ans. N'y a-t-il pas là deux poids, deux mesures?
Il y a une autre chose que j'aimerais ajouter. On a parlé
tantôt de l'article 62 et de la régie, qui veut devenir un juge
plus sévère que les autres juges. On a dit à des endroits,
concernant l'article 18b qu'elle était accusatrice, juge et
exécutrice. En écoutant parler le président de la
Régie d'assurance-maladie, mes craintes sont encore plus grandes quant
à 18b parce que, là, si la régie a des motifs
raisonnables, elle va se compenser. Vous comprenez que lorsqu'on entend un tel
langage, on pense à tout ce projet de loi qui s'en vient. On dit:
Peut-être qu'à 18b, on a raison d'avoir un peu plus peur
qu'avant.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II y a une autre question que je voulais poser
à la suite de la recommandation du cinquième alinéa de la
page 83: il est recommandé de maintenir la compétence "ratione
materiae" que la loi actuelle attribue au comité. C'est assez bien
expliqué à la page 71 et à la page 73 de votre rapport, si
je comprends bien, M. Hamel, le problème est le suivant: jusqu'à
maintenant, c'était le comité de révision qui
décidait du bien-fondé, par exemple, d'un service qui
était donné par un professionnel de la santé et à
ce moment-ci, la régie veut elle aussi pouvoir porter un jugement sur le
bien-fondé d'un acte professionnel qui a été porté.
Dans un sens, on pourrait penser que ce sont les professionnels de la
santé qui peuvent juger le mieux du bien-fondé de tel acte; par
contre, il y a des problèmes qui ont été soulevés,
tout à l'heure, soit par le ministre ou par le président de la
régie, à savoir que, parfois, des actes médicaux
étaient bien posés, mais étaient peut-être
posés d'une façon trop fréquente et indûment.
C'est cela qu'on veut tenter de corriger par ceci, si je ne m'abuse,
mais, de toute façon peut-être que vous pourriez clarifier votre
point de vue et ensuite entendre le président de la régie, pour
qu'on soit très clair sur ce point-là, puisque cela constitue une
de vos recommandations et que vous l'identifiez comme un autre pouvoir que la
régie s'arroge et que vous jugez je ne sais pas si vous avez
utilisé le terme "outrancier" en tout cas...
M. Hamel: Voici, M. le Président et Madame, cette question
va faire l'objet principal des représentations des quatre corporations
tout à l'heure. Ce matin, on a dit que la Fédération des
médecins spécialistes avait des vues différentes des
nôtres, je pense que, dans ce cas-là, je m'en remettrais à
l'ordre dont le champ d'activités est tout à fait
spécifique. Cela nous permettrait de passer à d'autres
questions.
Le Président (M. Jolivet): Avez-vous autre chose à
ajouter, M. le ministre? Non, d'accord.
Mme Lavoie-Roux: On va y revenir tout à l'heure,
apparemment. Alors, je vais laisser la parole à d'autres, parce que j'ai
pris mes 20 minutes.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je voudrais essayer qu'on regarde, d'une façon
un peu plus globale, tout le mécanisme de paiement qui me semble, dans
la version qu'on retrouve dans la loi 84, assez peu symétrique dans le
sort qu'il réserve aux professionnels et à la régie. Je
comprends bien que le ministre veut donner à la régie le pouvoir
de refuser paiement, pouvoir qu'elle n'a pas, si je comprends bien, à
l'heure actuelle, lorsqu'elle a des motifs sérieux de le faire. C'est un
point de vue qui a sa valeur, étant donné qu'on ne peut pas
exclure le fait que, dans certains cas, la régie peut avoir des raisons
valables de refuser paiement.
Une fois que c'est dit, je crois qu'il faut cependant veiller à
placer les deux parties, parce qu'on est à la veille d'un litige.
Dès que la régie refuse de payer, on est sur le point d'avoir un
litige si le professionnel insiste. Est-ce qu'il ne faudrait pas veiller
à ce que, devant le litige en perspective, les deux parties soient
davantage placées sur un pied d'égalité, en particulier la
question de la compensation, où la régie est juge et partie, se
fait justice elle-même? Cela me semble un pouvoir un peu exorbitant. Elle
peut refuser de payer, elle peut continuer de refuser un acte correspondant
à une description déterminée si les raisons pour le faire
gardent leur validité, mais il reste que,
personnellement, je minterroge sur la compensation. Je ne vois pas que
ce soit un pouvoir dont la régie a absolument besoin. Par ailleurs, le
fardeau de la preuve devant la Commission des affaires sociales, il me semble
que ce n'est pas une réponse adéquate que de dire, comme le
ministre l'a dit tout à l'heure: Si c'est la régie qui refuse de
payer... A ce moment-là, si je comprends bien, le fardeau de la preuve
sera sur le professionnel et, si c'est le professionnel qui fait sa
réclamation, je ne sais pas exactement ce qu'on voulait dire par
là, mais on semblait suggérer qu'il y avait une espèce de
symétrie. Je ne la vois pas du tout. Etant donné que le
professionnel, dans sa réclamation, a toujours ses motifs, ce sont les
faits contenus à son relevé d'honoraires; pour ce qui est de la
régie, la loi ne précise pas du tout que son refus de paiement,
d'abord, sera notifié, sera porté à la connaissance du
professionnel et non plus que cette décision soit motivée.
Comment le professionnel peut-il surmonter le fardeau de preuve qui lui incombe
s'il ne dispose pas des motifs sur lesquels la régie s'appuie pour lui
refuser son paiement?
Deuxièmement, il y a la question des prescriptions. Il me semble
qu'il devrait y avoir symétrie dans les délais qui sont
accordés aux uns et aux autres pour faire valoir leurs droits.
Troisièmement, et c'est là que j'ai un certain nombre de
questions, on semble opter pour un rôle assez ambigu pour le
comité de révision. Ce comité de révision ne fera
que des recommandations, mais des recommandations que la régie est libre
de refuser. Si la régie les rejette, je comprends qu'elle veut bien
accepter le fardeau de la preuve, des raisons pour lesquelles elle va rejeter
les recommandations, mais pourquoi le changement par rapport à la
situation actuelle où il s'agit d'une décision, effectivement
même si le terme recommandation est utilisé dans la loi
actuelle, c'est malgré tout une recommandation qui lie la régie?
Je ne vois vraiment pas de raison de le faire, d'autant plus qu'on accorde au
comité de révision une immunité. Or, une immunité,
c'est, malgré tout, une disposition très exceptionnelle dans nos
lois qui permet de dire à quelqu'un qui occupe une fonction officielle,
qu'il n'est pas responsable des actes qu'il pose en sa qualité
officielle. (17 h 30)
Mais s'il ne pose pas d'actes et ne fait que faire des recommandations,
je ne vois pas du tout pourquoi on a besoin de donner l'immunité aux
membres du comité de révision. Il me semble qu'il serait plus
conséquent, soit d'enlever l'immunité et d'en faire un
comité consultatif, à ce moment-là, il serait
évident qu'ils n'ont pas de responsabilités, ou de leur donner
l'immunité et leur donner une décision qui doit lier la
régie et le professionnel, sujet à appel de part et d'autre.
D'autre part, on fait des objections au rôle de l'avocat sur un
comité de révision, on sait cependant que si ça doit
être un comité de révision qui prend des décisions,
il y a de grands avantages à ce que toutes les règles de
procédure, de justice naturelle, soient respectées de
manière qu'il n'y ait pas de vice de forme dans la décision. Si
ce n'est pas un organisme qui prend des décisions, on n'a pas besoin
d'avoir d'avocats, puisque ce ne sont que des recommandations, les vices de
forme, de toute façon, ne constituent pas un obstacle.
Il y a toutes sortes de contradictions dans le projet qui nous est
soumis, il nous semble qu'il y a une absence de symétrie,
premièrement et, d'autre part, il y a toutes sortes de contradictions.
Cela ne correspond pas à une notion claire de ce que l'on veut
réaliser. Ce sont des bouts de dispositions qui ne sont pas assorties
les unes aux autres. Personnellement, je n'y vois pas de sens. Bien sûr,
cela a un sens pris globalement, ça rend maximale la capacité de
la régie d'agir selon ses priorités, je ne fais pas du tout de
procès d'intentions à la régie, je pense qu'on agit de
bonne foi de ce côté, mais il reste qu'il n'y a pas de
symétrie et le rapport des forces de la régie face à un
individu, un professionnel de la santé, est tel qu'on serait
porté à souhaiter qu'il y ait un meilleur équilibre.
M. Lazure: M. le Président, je vais essayer de
répondre à la première partie de la question. Il faut se
référer à l'article 18b dans le projet de loi, à la
page 25. "Lorsque la régie a des motifs raisonnables de croire, suite
à une enquête, que des services assurés dont le paiement
réclamé par un professionnel de la santé ou pour lesquels
il a obtenu paiement étaient des services non assurés, n'ont pas
été fournis... J'arrête ici, après les mots, "n'ont
pas été fournis".
J'ai dit tantôt, c'est là où j'ai fait valoir que
nous étions prêts à modifier le texte, que pour ces deux
premiers cas, des services non assurés ou pas fournis. Il y a eu quand
même réclamation et il y a eu quand même paiement. Dans ces
deux cas, nous pensons que le fardeau de la preuve doit rester sur les
épaules du professionnel de la santé.
Je pense que c'est une règle tout à fait normale. Dans les
échanges, que ce soit de biens ou de services, si je vous réclame
tant de dollars pour un service supposément rendu, je dois être en
mesure de faire la preuve que je vous ai rendu ce service. Cela nous
paraît de sens commun. Tandis que dans la deuxième partie,
simplement pour faire la distinction qui est au coeur même de cette
modification que nous sommes prêts à faire, c'est que dans les
autres cas, si on continue la phrase, "... ou ont été fournis non
conformément à la présente loi, aux règlements ou
à l'entente, etc., etc."
Dans de tels cas, j'ai dit tantôt que nous sommes prêts
à ne pas imposer le fardeau de la preuve au professionnel et à
laisser le processus normal de fardeau de preuve se dérouler selon les
méthodes régulières.
M. Forget: La seule distinction, M. le Président, qui
s'impose, l'hypothèse à savoir que ce qui est
allégué comme motif par la régie pour ne pas payer est une
vérité acquise et admise par tous. Or, il n'y a pas de
différence de nature sur le plan des exigences de preuve relativement au
motif que
le service n'a pas été fourni ou qu'il a été
fourni contrairement à l'entente. Dans tous les cas, on est en face,
probablement, très probablement, d'une question qui va donner lieu
à un litige, entre le professionnel et la régie.
Les distinctions qui sont basées sur des motifs différents
tiennent pour acquis que les motifs sont valables. C'est une pétition de
principe, ou on permet à la régie de refuser de payer dans tous
les cas, ou on ne lui permet pas de payer dans tous les cas, mais on ne peut
pas se baser sur une preuve à faire pour établir une distinction,
avant qu'elle soit faite.
Le principe reste le même. C'est que dans les cas où la
régie peut se faire justice elle-même, c'est quand même une
façon de procéder assez curieuse. La régie peut, de toute
façon et ceci n'existe pas dans la loi actuelle refuser de
payer, mais sans se compenser pour les services qu'elle aurait payés
dans le passé, de même nature, de même type, et attendre
qu'on demande au comité de révision une décision qui la
liera, à ce moment-là, et où il faudra faire la preuve,
selon les règles normales de preuve.
M. Lazure: Dans les deux premiers cas, dans les services non
fournis ou non assurés, il nous paraît que c'est une question
factuelle. Il est plus facile d'établir par enquête que les
services n'ont pas été fournis, d'une part, ou ont
été fournis, ou que les services n'étaient pas
assurés. C'est pour cela que nous pensons que, dans de tels cas, le
professionnel doit avoir le fardeau de la preuve.
Dans la deuxième partie, il s'agit beaucoup plus
d'interprétation. On touche d'abord à l'entente, à la loi
et aux règlements de la loi. Et parce que, dans ce cas-ci, il s'agit
plutôt d'interprétation, nous pensons qu'on doit, à ce
moment-là, s'en tenir aux procédures acceptées, aux
procédures standardisées, et non pas mettre le fardeau de la
preuve sur le professionnel. Dans un cas, c'est plutôt factuel, dans un
autre cas, c'est plutôt interprétatif.
M. Forget: Mais suffit-il, pour le professionnel qui
prétend avoir fourni les services, d'affirmer sous serment qu'il les a
fournis?
M. Lazure: C'est le jeu de l'enquête.
Je pense que le plus bel exemple pour services non assurés, c'est
qu'on découvre qu'il y a pour $208 000 de services payés par la
CAT, pour des accidentés du travail et on retrouve le même montant
de $208 000 facturé à la régie, le même jour, pour
le même montant, pour le même individu.
Nous, on dit: Pour la régie, ce sont des services non
assurés, assurés en vertu d'une autre loi, celle de la CAT.
Est-ce que la régie va faire la preuve des cas un par un? Ou si la
régie se compense ou refuse de payer? Et si le professionnel
prétend que ce sont deux actes différents, il viendra le
prouver.
M. Forget: Mais ce n'est pas indifférent qu'elle se
compense ou qu'elle refuse de payer? A moins qu'on considère du
côté professionnel que c'est équivalent. Mais c'est
strictement plus compliqué. Quand on se compense, on va plus loin que de
refuser de payer. On va réclamer des sommes qui ont déjà
été payées.
M. Lachapelle: Si vous voulez me permettre. M. Forget: Oui.
M. Lachapelle: Je crois que l'exemple que nous donne le
président de la régie et je crois que c'est l'exemple le
plus simple qu'il ait choisi illustre que ce n'est pas seulement une
question de faits. C'est une question d'interprétation. L'exemple qu'il
nous donne, à ce moment-là, nous obligerait d'interpréter,
d'abord la loi relative à la Commission des accidents du travail et sa
réglementation et, ensuite, la loi de la régie et sa
réglementation.
Qu'est-ce qu'un service assuré? Est-ce factuel, un service
assuré? Pour répondre à la question, je
réfère en premier lieu à l'article 3 de la Loi de
l'assurance-maladie qui me répond: Un service assuré est, dans le
cas des médecins permettez-moi de prendre cet exemple un
service médicalement requis.
Je me repose encore l'autre question? Qu'est-ce qu'un service
médicalement requis? Là, il y a deux thèses qui semblent
s'opposer. Le gouvernement, dans son projet de loi, dit: Je confie cette
compétence au comité de révision. Le comité de
révision devra être saisi, au préalable, de la question de
savoir si oui ou non c'est médicalement requis.
Les professionnels de la santé prétendent qu'on devrait
confier aux corporations professionnelles le soin de décider ce qui est
médicalement requis. Mais encore là, il s'agira de l'opinion de
la corporation professionnelle.
Et également je poursuis: La réglementation peut
prévoir quels sont les services assurés qui ne sont pas
médicalement requis. Encore là, il s'agit de faire
l'interprétation juridique et médicale à la fois de la
réglementation pour enfin décider si le service est assuré
ou non.
Ce n'est pas une question factuelle. C'est une question qui est
plutôt truffée de droits, de médecine et de faits. Dans de
telles circonstances, je m'étonne que la régie puisse
court-circuiter le comité de révision, la corporation
professionnelle, la loi et la réglementation pour que son opinion
prévale à la face même.
M. Lazure: Les services assurés, médicaments,
prothèses, appareils orthopédiques ou autres ne comprennent pas
ceux qu'une personne peut obtenir et auxquels elle a droit en vertu d'une autre
loi du Québec ou d'une loi du Parlement du Canada. Dans le cas de
l'exemple que je vous donne, je me dis que c'est couvert par une autre loi. Je
ne vois pas la nécessité d'aller demander soit à la
corporation ou à un comité de révision ou
d'appréciation de relevés d'honoraires si les
$208 000 qui ont été payés en double sont pour des
services assurés ou non assurés. Ce sont des services
assurés, sauf qu'ils sont assurés par une autre loi, qui est
celle de la CAT.
M. Forget: Pour les services assurés, il est beaucoup plus
difficile de le faire positivement avec cette définition et ce sera
encore plus difficile avec la loi 84, puisque, comme vient de l'indiquer Me
Lachapelle, devient une définition de services assurés,
intervient dans la définition de services assurés ce qui est
médicalement requis. Rien n'empêcherait, avec ces amendements la
régie de refuser de payer, parce qu'elle s'est fait une opinion
donnée de ce qui est médicalement requis. On voit tout de suite
que ce n'est pas du tout factuel, cela devient une question
d'interprétation.
M. Lazure: Médicalement requis, ce n'est pas la
régie, c'est le comité de révision. Ce n'est pas la
même chose.
Mme Lavoie-Roux: Non, c'est vous qui tranchez.
M. Forget: Oui, mais ce sera décidé un jour. On a
des raisons sérieuses de croire que ce n'est pas médicalement
requis. Ce n'est donc pas un service assuré. On refuse donc de
payer.
M. Lazure: M. le Président, je veux faire...
M. Forget: Cela irait encore dans une hypothèse de
symétrie, mais on se compense, là, cela va encore un peu plus
loin.
M. Lazure: M. le Président, il est important... Le
député de Saint-Laurent en est bien conscient. Je pense que nos
amis d'en face, par leurs exclamations, veulent laisser entendre que le
comité de révision, ce n'est pas sérieux, c'est
l'équivalent de la régie.
M. Forget: Ce n'est pas cela que j'ai dit.
M. Lazure: Tant mieux si ce n'est pas cela, parce que, ce matin,
il y a eu cette ambiguïté aussi. On disait: La régie fait
telle chose, telle chose, alors qu'on voulait le comité de
révision.
M. Lachapelle: C'est tellement sérieux, M. le ministre,
qu'on voudrait que la régie se plie à la décision.
M. Lazure: Je pense qu'il faut reconnaître et respecter la
crédibilité de ce comité de révision. Dans le
même ordre d'idées, on dit: La régie se fait justice. C'est
une expression aussi qui fait peur au monde. La régie ne se fait pas
justice, la régie prend des décisions dans le mandat
général qu'elle a d'administrer des deniers publics. Elle prend
des décisions. Ces décisions sont assujetties à toutes les
contestations, qu'il s'agisse de contestations prévues par des
mécanismes de l'entente ou de contestations prévues par les
tribunaux.
M. Forget: M. le ministre, M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, juste un instant, avant
qu'on aille plus loin. C'est simplement pour rappeler qu'il est actuellement 17
h 40. Il reste quatre autres organismes à entendre ce soir. J'aimerais
savoir de votre part ce que l'on fait ce soir, si on en termine avec les quatre
organismes représentés à 18 heures et si on revient
à 20 heures avec les autres organismes.
M. Forget: En somme, M. le Président, nous avons quatre
heures, ce soir. Sans vouloir en rien minimiser la contribution des quatre
autres organismes, j'ai malgré tout l'impression que l'éventail
des questions que les organismes professionnels vont soulever est
peut-être un peu moins largement ouvert que celui qui est ouvert par les
organismes syndicaux, parce que cela fait partie en somme de leur
mémoire, mais ce n'est qu'une des parties de leur mémoire.
Personnellement, je ne le sais pas, pour les autres membres de la commission,
je n'aurais objection qu'on déborde sur la séance de ce soir avec
le groupe qui est devant nous.
Le Président (M. Jolivet): La seule chose que je dois vous
dire cependant, c'est qu'à minuit, ce soir, se termine le temps pour
l'ensemble des groupes qui viennent nous rencontrer, de telle sorte que, s'ils
ne passaient pas ce soir, on ne les reverrait pas. Je pense que c'est
simplement de rendre justice à ces groupes. Cela va? Il n'y a pas de
problème? Si on s'entend, pour ma part, il n'y a pas de
problème.
M. Grenier: Est-ce que vous pourriez résumer
l'entente?
Le Président (M. Jolivet): L'entente, ce que je crois
comprendre, c'est qu'à 20 heures, on revient avec le même
organisme qui est représenté et qu'il est sûr et certain
qu'à minuit ce soir, tout sera terminé avec les quatre autres qui
sont là.
M. Lazure: M. le Président, j'appuie la suggestion, parce
que, ce matin, j'ai expliqué justement, parce qu'on a fait des gorges
chaudes, que, s'il n'y avait pas eu de consultations aussi approfondies avec
les ordres, c'est précisément parce que les associations qui sont
devant nous sont les premières concernées, et infiniment plus
concernées, par l'ensemble de ce projet de loi que les autres ordres
professionnels. Moi non plus, je ne veux pas minimiser l'importance du
témoignage des autres, mais je pense qu'essentiellement, il s'agit des
groupes devant nous qui sont les plus intéressés au projet de
loi. (17 h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent, vous avez encore la parole.
M. Forget: Oui, pourvu que je retrouve le fil de mes
idées. Je vais aborder, à 17 h 45, à nouveau la question
de savoir pourquoi on semble hésiter tellement quant au statut des
comités de révision
qui sont tantôt des tribunaux administratifs, du moins par le
statut d'immunité qu'on veut conférer à leurs membres, la
présence d'un avocat qui a été prouvée
nécessaire pour voir au bon déroulement, au déroulement
régulier des procédures, à l'inatta-quabilité sur
la forme de leurs délibérations et, d'un autre côté,
le désir d'en faire des organismes purement consultatifs dont la
régie peut mettre de côté les recommandations. Il me semble
qu'il y a une hésitation. Peut-être qu'on pourrait nous donner une
raison pour laquelle on semble osciller. Si je comprends bien, du
côté des associations regroupées ici, on souhaiterait que
ce soit un tribunal décisionnel qui lie la régie et qui, à
cause de cela, soit doté de l'immunité et des pouvoirs
nécessaires à son fonctionnement.
M. Lachapelle: Je crois que la solution que vous proposez est une
solution idéale. Si elle était acceptée par le
gouvernement, d'emblée, on l'accepterait, et même davantage. Je
pense bien qu'elle va même au-delà de nos espérances. Nos
espérances étant plus modestes, nous avons proposé,
à la page 85 du mémoire, un nouveau texte qui, comme vous le
voyez, à la lecture, incite très fortement la régie
à coller à la recommandation du comité. En effet, à
la page 85, nous suggérons que la décision de la régie qui
est conforme à la réglementation du comité de
révision devienne exécutoire trente jours après sa
notification au professionnel de la santé visé, nonobstant appel,
c'est-à-dire que nous acceptons facilement que la régie se
conforme, lorsqu'elle accepte la décision, et que sa décision
devienne exécutoire. Toute autre décision, cependant,
c'est-à-dire une décision qui n'accepte pas la décision du
comité de révision, ne devrait pas être
immédiatement exécutoire. Elle devrait, au moins, être
suspendue sur appel, quitte à la Commission des affaires sociales de
décider de l'exécution provisoire, s'il y a lieu et s'il y a
cause; encore faudra-t-il que la régie démontre la cause. C'est
un régime, à ce moment, qui respecte certains des pouvoirs que la
régie doit sans doute avoir pour appliquer l'entente. Cependant, nous
donnons alors tout le poids requis à la décision, ou plutôt
à la recommandation du comité de révision.
M. Lazure: M. le Président, sur la question du
député de Saint-Laurent. M. le député de
Saint-Laurent dit qu'il semble y avoir contradiction puisqu'on veut donner
l'immunité au comité de révision et, en même temps,
on ne lui donne pas les pouvoirs de décision.
Il y a dans le chapitre 48 de la Loi des services de santé et des
services sociaux, l'article 128 qui permet de nommer un
commissaire-enquêteur et selon la loi des commissaires-enquêteurs,
ce commissaire-enquêteur a aussi immunité dans l'exercice de sa
fonction d'enquêteur, mais il n'a pas non plus comme notre
comité de révision le pouvoir de prendre des
décisions. Le commissaire-enquêteur fait des recommandations dans
son rapport au ministre concerné. L'analogie est valable, le fait
d'avoir immunité n'en fait pas un tribunal administratif. Je rappelle
encore ce que j'ai dit ce matin. C'est à la demande du comité de
révision des médecins spécialistes que nous avons
introduit cette immunité. Je ne pense pas qu'il y ait de contestation
sur l'immunité. Vous êtes d'accord aussi?
M. Lachapelle: Tout le monde est d'accord. On ne soulève
pas du tout ce point-là.
M. Lazure: Cela a été soulevé par le
député de Saint-Laurent... Je le fais de façon bien
sereine. J'essaie d'expliquer le fait que d'avoir l'immunité n'en fait
pas un tribunal administratif. C'est ce que le député de
Saint-Laurent disait: Que cela en faisait presque un tribunal
administratif.
M. Forget: Oui, c'est pourquoi ma fille est muette. Cela ne
répond pas du tout à la question que je posais. Pourquoi n'en
faites-vous pas quelque chose de plus décisionnel, étant
donné que vous décidez de résoudre un problème qui
n'en est pas un de toute façon, avec l'immunité. Le
ministère je pense qu'il serait bon de le rappeler a toujours dit
et a toujours effectivement pris fait et cause pour des personnes qui, à
titre de fonctions officielles dans des comités de révision ou
autrement, étaient mises en cause ou étaient poursuivies. Donc,
le problème en est un beaucoup plus spéculatif que
réel.
Si on franchit ce pas-là, c'est qu'on doit avoir l'intention de
renforcer le pouvoir des comités de révision et non pas de
l'affaiblir comme on le fait.
M. Lazure: En fait, quand on dit que les membres des
comités de révision ne peuvent être poursuivis en justice
en raison d'acte officiel accompli de bonne foi, on avait un autre article
avant, qui était le pouvoir d'un commissaire-enquêteur, qui est
plus fort que cela dans les termes que j'ai compris.
A ce moment-là, le comité rendait une décision et
ce sont les comités qui ne voulaient pas rendre de décision. Ils
ont dit: Nous, on va faire une recommandation. Quand ils ont dit une
recommandation, le comité de législation nous a demandé
d'enlever les pouvoirs d'un commissaire-enquêteur et d'écrire: Ne
peuvent être poursuivies en justice, et de les laisser avec une
recommandation.
M. Forget: J'avais compris cette explication qui avait
été donnée par le président de la régie ce
matin. Il a dit: Les comités de révision ne veulent pas rendre de
décision. Merci beaucoup, mais est-ce à eux de décider de
quelle façon la loi va définir leur rôle?
Ils trouvent peut-être gênant ou embarrassant ou malcommode
d'avoir à rendre des décisions, mais on a peut-être besoin
d'un organisme qui va rendre une décision qui va être
respectée par tout le monde. C'est une question d'intérêt
public, cela n'a rien à voir avec les préférences
personnelles des membres du comité de révision.
M. Lazure: Je veux simplement dire que je ne suis pas en
désaccord sur le fond avec le député de Saint-Laurent, on
peut l'envisager, mais le président de la régie, ce matin...
M. Lachapelle: Les professionnels accepteraient tout de suite la
proposition qui vient d'être faite, que le comité de
révision soit décisionnel, avec appel, évidemment,
à la commission.
M. Lazure: Mais vous êtes conscient que les comités
de révision ne veulent pas et que vos collègues
spécialistes n'ont pas nécessairement la même opinion que
vous.
M. Lachapelle: C'est un autre problème.
M. Lazure: La loi va concerner les deux groupes, autant les
spécialistes que les omnipraticiens.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Voici, brièvement, concernant la carte de
l'assurance-maladie, comme on le disait tout à l'heure, il y a eu une
suggestion et je ne veux pas m'éterniser là-dessus, je veux faire
seulement une observation en passant. On disait, à ce moment-là,
que si quelqu'un n'avait pas sa carte ou l'oubliait, on pouvait s'en tenir au
numéro. J'ai bien l'impression que si la personne peut retenir son
numéro, elle peut bien penser à apporter sa carte aussi. Quand je
dis que je m'appelle 3206281, je ne suis pas sûr que le patient pourra se
rappeler du numéro aussi facilement.
M. Lazure: Ce n'est pas là que cela s'appliquait. Si le
pharmacien a le numéro d'une personne de 98 ans, il a eu la carte, il a
le numéro dans son fichier, et que cette personne revient pour d'autres
médicaments ou envoie sa fille ou sa bru chercher les
médicaments, il l'a déjà le numéro. Le
professionnel l'a déjà dans son dossier. La même chose pour
un patient qui va régulièrement chez un médecin, disons
à toutes les semaines ou à tous les quinze jours et qu'un bon
jour, il oublie sa carte. On dit: Le professionnel a le numéro de la
carte. Alors, on n'aurait pas besoin de présenter la carte
même.
L'autre exemple est pour les patients qui sont dans des centres
d'accueil ou encore dans des centres hospitaliers de soins prolongés ou
encore à domicile. Il y a eu un exemple de donné ce matin. C'est
assez difficile de demander au médecin qui va à domicile de
traîner dans une main sa sacoche et dans l'autre l'imprimante. Il ira en
haut et il prendra le numéro. Alors, on pense qu'il y aurait moyen de
s'accommoder avec le numéro.
M. Grenier: Chose certaine, c'est que le document qui a
été déposé tout à l'heure par le Dr Bro-chu,
je pense, mériterait peut-être plus de temps que nous ne lui en
avons donné de la part de la régie...
Le Président (M. Jolivet): C'est Me Brodeur.
M. Grenier: ... de Me Brodeur. Alors, je pense bien qu'il
mériterait plus d'attention que nous ne lui en avons donné
lorsqu'il a été déposé tout à l'heure et
j'imagine que cela va attirer l'attention du ministre puisque, même si
cela semble simple pour certaines personnes, j'ai bien l'impression que le port
de la carte est plus compliqué qu'on ne le pense avec les interventions
qu'on a eues tout à l'heure.
Un autre point que j'ai retenu tout à l'heure, ce sont les
recommandations à la page 81 du mémoire. On dit qu'il est
recommandé que le nouvel article 18a de la Loi de l'assurance-maladie
exigeant la signature du professionnel de la santé sur le relevé
d'honoraires soit rejeté, cette exigence étant du ressort de
l'entente.
Le Dr Laberge a mentionné un exemple de personnes qui avaient
été poursuivies et où c'était l'épouse du
médecin qui avait signé le formulaire. J'aimerais savoir, de
votre côté, s'il ne pourrait pas y avoir même des poursuites
contre cette personne, si cela doit se faire, et j'imagine bien que si le
médecin décide de ne pas signer ses comptes c'est bien un
état de compte qu'il envoie à ce moment c'est qu'il aime
probablement mieux faire de la médecine que de remplir des rapports. Il
y a certainement...
M. Lachapelle: Le président de la régie, en
réponse, référait à une poursuite
pénale.
M. Grenier: Oui.
M. Lachapelle: Et l'argumentation qu'il offre est la suivante ou
à peu près. Pour qu'on puisse facilement poursuivre devant le
tribunal pénal, il faut que le médecin signe son relevé
d'honoraires, parce que cette exigence ne serait pas requise du tout en
matière civile, car le mandataire, en matière civile, lie son
mandant par définition. Mais sortons du domaine pénal et
demeurons dans le domaine civil et disons ceci: Chaque fois qu'il s'agit d'une
relation entre un professionnel de la santé et le régime,
c'est-à-dire la régie, le ministre, nous croyons que l'instrument
à privilégier est toujours l'entente, la loi ne devant intervenir
que lorsqu'il s'agit de lier des tiers par-dessus, par exemple, les
professionnels de la santé, rejoindre le bénéficiaire ou
encore viser les bénéficiaires qui ne sont pas soumis à
l'application de l'entente. Chaque fois, par ailleurs, lorsque l'entente peut,
à titre d'objet, être un instrument suffisant, adéquat,
nous croyons que nous devons privilégier l'entente. La signature et tous
les cas qui doivent être prévus où le professionnel de la
santé peut être excusé de signer personnellement, à
notre point de vue, devraient être prévus par l'entente, et non
pas par la loi.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Grenier: Non. Est-ce que vous avez à ajouter à
ce que vient de nous dire Me Lachapelle?
M. Lazure: Jusqu'à maintenant, les deux sortes de
poursuites qui sont faites par la régie sont au criminel, je vous l'ai
dit, au rythme d'environ deux par année, les autres sont au pénal
au rythme d'environ 20 à 25 par année. On n'a jamais poursuivi au
civil. Le mandant n'est pas reconnu au pénal.
Aussi, pour continuer là-dessus, si on peut, au plan juridique,
au plan légal, établir que le mandaté, celui à qui
on donne un mandat, le pharmacien salarié dans le cas des pharmaciens
propriétaires, si on peut établir que le pharmacien
propriétaire demeure quand même responsable, à ce
moment-là, nous sommes prêts à modifier.
M. Lachapelle: C'est une alternative par la voie de l'entente. Il
n'y a pas de problème. La réponse est affirmative.
M. Lazure: Qu'est-ce qu'on peut ne pas faire par l'entente?
M. Lachapelle: Je vais vous le dire. Toutes les relations entre
professionnels, la régie, les professionnels et le ministre, doivent
faire l'objet d'une entente, autrement, il n'y a pas besoin d'entente et toutes
relations autres doivent se faire par la loi et la réglementation.
C'est, il me semble, un principe de base assez facile à appliquer.
M. Lazure: On n'a plus besoin de loi à ce
moment-là.
M. Grenier: Une dernière question avant d'aller prendre le
dîner; j'y reviendrai si on ne la termine pas.
A la page 33 de votre document, "le président est nommé
pour un mandat n'excédant pas dix années, les autres membres pour
un mandat n'excédant pas trois années." Bien sûr, cette
partie est la même que celle qui est proposée par le
gouvernement...
M. Lachapelle: Le litige se retrouve dans les trois
dernières lignes.
M. Grenier: C'est ça. Quelles sont les raisons pour
lesquelles vous demandez que les centres de santé ne soient pas
consultés, je pense?
M. Lachapelle: En gros, de façon un peu caricaturale, je
dirais ceci: On voudrait proposer que les organismes les plus
représentatifs de la santé nomment les médecins, les
pharmaciens et le reste. A titre d'exemple, un organisme des plus
représentatifs serait les infirmières; que les
infirmières, donc, nomment les médecins, les pharmaciens, les
optométristes et les autres. Cela n'a pas de sens. On dit que la
catégorie...
M. Lazure: Le texte ne dit pas que les autres organismes
professionnels de la santé nomment, M. le Président, c'est
induire le groupe en erreur.
M. Lachapelle: D'accord.
M. Lazure: Un instant.
M. Lachapelle: Je me rétracte, si vous voulez être
formaliste.
M. Lazure: Ce n'est pas une question de formalité.
M. Lachapelle: Et je dis ceci, à ce moment-là,
recommande ou suggère la nomination.
M. Lazure: Ecoutez, pour l'information du député de
Mégantic-Compton, l'objectif de ce texte était de consulter
on ne s'en est jamais caché l'ensemble des groupes
professionnels de la santé, qu'il s'agisse de travailleurs sociaux,
d'ergothérapeutes, de physiothérapeutes... Un instant, si vous
voulez avoir une réponse. Vous ne voulez pas de réponse, mais le
député de Mégantic-Compton en veut une.
J'ai consulté, évidemment, toujours de façon
privilégiée, nos amis d'en face et, à ce moment-là,
c'est le lieutenant-gouverneur en conseil qui décide. Nous sommes
prêts à faire une modification à notre texte. Je pense
qu'il eût été bon que l'ensemble des professionnels de la
santé soient consultés. Je continue à croire ça,
mais on n'est pas prêt à en faire une bataille, on est prêt
à le modifier et à dire qu'il y aura consultation avec les
associations qui sont parties à l'entente.
M. Grenier: Cela veut dire que vous allez quand même
maintenir les autres groupes en plus de ceux qui sont nommés ici.
M. Lazure: Non, M. le député de Mégantic,
c'est justement ce que je viens de dire.
M. Grenier: Vous allez les limiter à ces groupes.
M. Lazure: A regret, je laisserais tomber la consultation avec
les autres professionnels de la santé. (18 heures)
M. Grenier: A regret, M. le Président, je dois dire au
ministre que, l'autre nuit, quand on a discuté du bill 103, je lui ai
dit ce que je pensais du lieutenant-gouverneur en conseil et de la nomination
des personnes sur recommandation des groupes sociaux de nos régions. Je
pense que je l'ai dit assez clairement, vous vous en souvenez. Si c'est la
même application que vous devez faire, je regrette, mais j'aime pas mal
mieux la proposition faite par les gens d'ici que celle qui était faite
dans votre projet de loi.
M. Lazure: Ce n'est pas du tout en cause, ça. On s'est
compris, les gens d'en face et nous; là-dessus, il y a des signes de
tête affirmatifs.
Une Voix: C'est-à-dire que...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant, pour que
ça ne se termine pas... Il y a M. Laberge qui veut ajouter quelque
chose.
Mme Lavoie-Roux: ... ça faisait suite à ma
demande.
Le Président (M. Jolivet): Allez-y et il pourra
répondre...
Mme Lavoie-Roux: C'est très court. En admettant que vous
reformuliez autrement pour que les représentants des différents
groupes soient nommés, est-ce que vous allez retenir la nomination d'une
personne des centres hospitaliers que vous avez fait sauter dans la
reformulation?
M. Lazure: On ne l'a pas fait sauter. C'est parce que ce n'est
pas amendé. Cela n'a pas été changé. Cette partie
de l'article n'a pas été changée.
Mme Lavoie-Roux: Cela n'a pas été
changé?
M. Lazure: Le représentant du centre hospitalier reste
là. Quant aux professionnels de la santé...
Mme Lavoie-Roux: C'est le seul qu'on ne retrouve pas.
M. Lazure: On pourrait inscrire, après consultation avec
la FMOQ, la FMSQ et les nommer, soit le représentant des
optométristes, des dentistes et des pharmaciens.
Le Président (M. Jolivet): Donc, à la reprise,
à 20 heures, nous continuerons avec le député de
Mégantic-Compton.
Suspension de la séance à 18 h 2
Reprise de la séance à 20 h 12
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, messieurs!
La commission des affaires sociales est réunie à nouveau
pour terminer son travail concernant les groupes qu'elle a à entendre
sur le projet de loi 84. Au moment où nous nous sommes quittés
tout à l'heure, la parole était au député de
Mégantic-Compton.
Avant de commencer, pour savoir à quel moment on va terminer,
pensez-vous que d'ici trois quarts d'heure on peut avoir terminé? C'est
à peu près le temps. Les autres organismes pourront être
demandés en avant. M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, si vous permettiez
l'intervention d'un autre député, d'un autre collègue,
j'ai dû occuper ma dernière demi-heure à élever mes
enfants par téléphone. Je passe la parole à un autre,
quitte à revenir.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'ai deux questions qu'il me reste à poser.
Cela déborde un peu sur les préoccupations qu'on va discuter avec
les autres groupes, mais, malgré tout, c'est suffisamment pertinent pour
le faire dans le contexte actuel.
Il y a actuellement, dans la loi, une disposition qui fait allusion au
fait que certaines réclamations peuvent être faites pour des actes
fournis de façon "abusive ou injustifiée ". Un amendement propose
qu'on élargisse les critères de rejet, en quelque sorte, pour y
inclure comme raisons de non-paiement des actes médicalement non requis.
Pourrait-on avoir la version du ministre quant à la signification
comparative de ces deux expressions?
Voulez-vous que je répète la question?
M. Lazure: S'il vous plaît, parce qu'on arrive tous.
M. Forget: Dans la loi actuelle, on a une expression qui fait
allusion à des actes posés de façon abusive ou
injustifiée. Par ailleurs, dans un amendement, on élargit les
critères de rejet d'un acte, comme motif de non-paiement, aux actes qui
sont médicalement non requis. Ce sont deux concepts. Pourrait-on nous
faire l'analyse comparative des deux concepts?
M. Lazure: Référez-vous au pouvoir du comité
de révision?
M. Forget: Par exemple.
M. Lazure: Des actes abusifs, injustifiés et
médicalement non requis. (20 h 15)
M. Forget: C'est cela. Est-ce que ce sont deux expressions
équivalentes, sinon, en quoi diffèrent-elles?
M. Lazure: Ce n'est pas la régie qui se compense. C'est
confié au comité de révision, et c'est la recommandation
du comité de révision...
M. Forget: D'accord. Je ne parle pas des conséquences
qu'on donne à l'application de ces expressions. En termes de
critères de rejet, quelle distinction fait-on entre ces deux
concepts?
M. Lazure: C'est une distinction qui a été faite au
moins par les comités eux-mêmes. On a référé
au comité des dossiers avec des cas d'actes que nous croyons abusifs ou
injustifiés et le comité nous retourne le dossier, après
étude, en nous disant que, selon lui, il s'agit là d'actes non
médicalement requis. Le raisonnement qu'il fait est que si un acte est
non médicalement requis, c'est donc un service non assuré, c'est
donc en dehors de la juridiction de la Régie de l'assurance-maladie.
Donc, il ne peut pas se prononcer.
M. Forget: Bon. C'est une réponse ce n'est pas une
critique que je fais qui n'en est pas une. Il reste qu'il y a eu un
certain nombre
d'études, je suis sûr, qui ont été faites sur
le plan juridique, quant au sens à donner à ces expressions,
quant à la façon de les appliquer, aux critères implicites
qui les sous-tendent. Est-ce qu'on est en face d'une technicité ou
est-ce qu'on est en face de deux contenus différents?
M. Lazure: Antérieurement, j'ai parlé d'un rapport
qui avait été fait à la demande de l'ancien ministre des
Affaires sociales. J'ai même lu une recommandation...
M. Forget: Le rapport de Me Pepin.
M. Lazure: Non, c'était Gélinas, Kimlock et trois
ou quatre autres. J'ai lu la recommandation 9 du rapport qui disait que les
comités devraient se voir donner la juridiction, non seulement sur les
actes abusifs et injustifiés, mais également sur les actes
médicalement non requis. Il y a eu, à la suite de cela, un
deuxième rapport qui a été fait et qui arrivait à
la même conclusion. Il y a eu un rapport du comité de
révision des médecins spécialistes qui demandait que les
actes médicalement requis fassent partie de la juridiction du
comité. Il y a eu une recommandation de la Fédération des
médecins spécialistes au même effet. Il y a eu une
étude, peut-être celle à laquelle vous vous
référez, parce qu'elle vous était adressée, le
mardi 5 octobre 1976. C'est une étude de 65 pages, qui est faite par un
professeur de droit à l'Université de Montréal, qui dit:
"En d'autres termes, des services qui sont dispensés de façon
abusive ou injustifiée devraient donc être des services non requis
au point de vue médical, qu'on ne peut dissocier le non-requis, au point
de vue médical, de l'abusif, de l'injustifié dans le mandat d'un
comité.
C'est sur ces études et ces recommandations qu'on s'est
basé pour mettre le requis au point de vue médical, dentaire,
optométrique, compte tenu, encore une fois, que le comité
je pense que c'est important de le dire en est un de pairs. Si on
regarde la loi, s'il y a sept membres, il y en a cinq qui viennent de la
corporation professionnelle ou du syndicat, un sixième est nommé
par la régie sans droit de vote, qui sera un médecin, et
uniquement un nommé par l'Office des professions. Tout le monde nous a
recommandé que cet individu-là soit un membre du Barreau. On a un
membre du Barreau au comité de l'ACDQ, on en a un au comité de la
FMSQ et c'est un autre professionnel au comité de la FMOQ.
M. le Président, d'un point de vue non légaliste et tout
à fait profane je ne suis pas professeur d'université
à première vue, il me paraît qu'il y a des actes qui
seraient médicalement requis et qui pourraient être
dispensés de façon abusive et injustifiée, à prime
abord, sur un palier de sens commun. Médicalement non requis, c'est
assez clair, mais, dans les médicalement requis, on peut avoir des actes
accomplis et dispensés de façon abusive et
injustifiée.
M. Forget: II faudrait choisir. La raison de ma question, c'est
qu'il y a une longue histoire relative à la distinction possible entre
les deux expressions. La raison pour laquelle j'ai posé la question,
c'est que, connaissant l'existence de ces études-là et comme
c'est enregistré au journal des Débats, au moins, comme point de
repaire, pour comprendre l'évolution de nos lois, cela peut être
utile d'obtenir une indication claire selon laquelle, de façon pratique,
de façon légale ou peu importe, sans essayer de préciser
à quel point de vue on se place, les deux expressions sont
équivalentes et la distinction que certains ont voulu voir ou faire ou
imposer par la loi ou par la coutume, jusqu'à maintenant, est
désormais reconnue comme non valable. Je pense qu'il serait important de
le dire, plutôt que de dire oui et non. A un moment donné, il faut
le dire, si c'est cela.
M. Lazure: J'insiste pour dire que des actes peuvent être
posés de façon abusive et injustifiée et être des
actes médicalement requis.
M. Forget: Alors, quel critère allez-vous utiliser, si
c'est le cas, pour déterminer que, tout en étant
médicalement requis, ils sont posés de façon abusive et
injustifiée? Le bon sens ou le...
M. Lazure: Ce n'est pas nous du tout qui le décidons.
M. Forget: Je comprends.
M. Lazure: On fait les profils et on les envoie au comité
de pairs et c'est au comité...
M. Forget: Je ne vous demande pas qui le décide. Je vous
demande ceux qui le décident, qui sont-il? De quoi vont-ils s'aider pour
en arriver à un tel jugement?
M. Lazure: Je répondrais que le profil du professionnel
est préparé par un secteur qui s'appelle le secteur des profils
à la régie.
M. Forget: C'est une définition statistique.
M. Lazure: Si le secteur des profils se rend compte qu'il y a
quelqu'un, un individu, un professionnel qui est très aberrant dans sa
pratique, le secteur des profils n'a pas à se prononcer si
c'était "médicalement requis'' ou non. Cela ne le regarde pas. Il
n'a pas à se prononcer sur la qualité des actes. Cela ne le
regarde pas. Mais avant d'envoyer le cas au comité de révision,
on s'assure que les actes ont été rendus, que ce n'est pas du
faussement décrit et que ce ne sont pas des services non rendus, parce
qu'encore là, on a eu deux cas qui ont été au
comité...
M. Forget: Tout le monde s'entend là-dessus.
M. Lazure: On s'assure des faits. On l'envoie au comité,
mais je pense que c'est au comité à déterminer si,
réellement, c'est abusif, injustifié ou si c'est
médicalement non requis, mais non pas à nous.
M. Forget: Est-ce une condition suffisante pour déterminer
qu'un acte est posé de façon abusive ou injustifiée ou si
c'est seulement une condition nécessaire?
Autrement dit, quand vous décrivez la question des profils,
est-ce une façon d'isoler un certain nombre de cas particuliers pour un
examen plus approfondi ou si, en soi, cela peut être un critère de
rejet?
M. Lazure: En soi, ce n'est pas un critère de rejet.
M. Forget: Donc, ce n'est qu'une condition nécessaire. Ce
n'est pas suffisant. Donc, on revient à la position de départ.
Quelle est la condition suffisante pour le non-paiement des actes et l'on
revient au "médicalement non requis"? Parce qu'une fois qu'on aura
isolé par des processus statistiques un certain nombre de cas
"déviants ", on va les examiner pour voir si même ils sont
apparemment déviants statistiquement, ils méritent malgré
tout d'être rémunérés comme étant des actes
"médicalement requis". A ce moment, la seule condition à la fois
nécessaire et suffisante, c'est l'idée d'être
"médicalement non requis". Si c'est cela que vous voulez dire, il
faudrait le dire une fois pour qu'on se comprenne et qu'on arrête de
spéculer sur ces questions, parce que cela fait dix ans qu'on
spécule là-dessus.
M. Lazure: II y a peut-être une chose. On n'arrête
pas de payer, même quand on se rend compte, ou qu'on pense ou qu'on a des
raisons de croire...
M. Forget: Mais vous faites quelque chose avec la
décision. Autrement, on n'a pas besoin de soulever le
problème
M. Lazure: Non. On n'arrête pas les paiements. On continue
les paiements. On continue les paiements pendant trois mois, six mois. J'ai
mentionné, ce matin, que la moyenne de temps pour faire une
recommandation...
M. Forget: Si vous voulez, on ne parlera pas de la
procédure qui suit la décision...
M. Lazure: ... c'est de douze... mais on continue à
payer.
M. Forget: ... on va simplement s'arrêter à la
décision. Qu'est-ce qui justifie et motive la décision? Et sur ce
point, je reviens encore avec la même question. N'est-il pas vrai que le
seul critère à la fois nécessaire et suffisant, c'est
peut-être même pas suffisant parce qu'il faut... oui, je
dirais même suffisant d'être médicalement non
requis.
M. Lazure: Je pense que c'est insuffisant. M. Forget: Quel
critère faut-il en plus de cela?
M. Lazure: L'abusif.
M. Forget: Là, on tourne en rond.
M. Lazure: On ne tourne pas en rond.
M. Forget: J'ai l'impression qu'il y a encore des
imprécisions notables dans la façon dont la régie envisage
le rôle des organismes de contrôle et que, malgré tout ce
cinéma d'un amendement à la loi et Dieu sait des
années d'expérience des fois frustrantes avec les comités
de révision, on ne sera pas plus avancé après qu'avant si
on n'a pas bien clarifié cette question. Ce n'est qu'une opinion
personnelle. Je pense qu'on va devoir s'arrêter là pour le moment,
parce qu'il ne semble pas qu'on ait une réponse très claire
là-dessus. Quant à moi, je ne suis pas satisfait qu'on ait une
réponse claire de la part de la régie ou du ministre
là-dessus.
M. Lazure: Je vous dis encore qu'on n'a aucun critère
à la régie qui nous permette de déterminer si un acte
était médicalement requis ou non. On a des critères,
cependant, qui nous permettent de déterminer si les actes étaient
abusifs et injustifiés. C'est rendu au comité de révision
que celui-ci nous informe que les actes qu'on reproche à un
professionnel d'avoir posés trop fréquemment étaient en
fait des actes non requis médicalement et retourne le dossier à
la régie en disant: Ce n'est pas un service assuré.
M. Forget: On va laisser cela. Je pense que c'est clair dans la
mesure où cela peut l'être pour l'instant. L'article 62 et
ce sera ma dernière question, M. le Président
prévoit le cas d'une sanction par voie de non-participation obligatoire
dans certains cas comme conséquence nécessaire à certaines
condamnations. On se trouve donc en face de la perspective suivante: des
bénéficiaires ont comme, disons, médecins de familles,
médecins habituels un M. X qui, à leur insu, évidemment,
devient partie à un litige avec la régie pour des actes qu'il a
posés ou non posés, mais de toute façon des
réclamations de paiement, des relevés d'honoraires qui donnent
lieu à un litige de nature criminelle, qui n'ont probablement rien
à voir avec ce bénéficiaire en particulier.
A la suite du procès, il y a une condamnation et, en vertu de
l'article 62, du jour au lendemain, un bénéficiaire va avoir
comme médecin, alors qu'il a eu le même médecin depuis des
années, un médecin non-participant, soudainement non-participant.
La conséquence de ça, c'est que, légalement et
pratiquement, il sera impossible pour ce bénéficiaire de se voir
rembourser le coût des services qui seraient normalement des services
assurés fournis par ce médecin. Cornent peut-on concilier la
notion d'une non-participation comme sanction nécessaire à un
acte criminel avec les autres dispositions de la loi qui prévoient que
c'est un droit du bénéficiaire de recevoir le remboursement pour
les services qu'il reçoit, alors qu'il est affecté par un
processus dont il n'a pas nécessaire-
ment connaissance, qui est étranger à son cas
personnel.
Bien sûr, on pourra me dire: Le médecin non-participant,
dès qu'il devient non-participant, a le devoir légal d'en
informer les patients. C'est une réponse strictement légale.
Est-ce que ça ne crée pas une certaine difficulté, parce
que les autres cas de non-participation, tels qu'envisagés originalement
dans la Loi sur l'assurance-maladie, étaient des cas de
non-participation volontaire de la part du médecin et
présumément permanente. C'est presque l'option d'un style de vie
pour le médecin. Donc, c'était de notoriété
publique. Il n'y avait pas de changement subit dans le statut au titre de
l'assurance-maladie d'un médecin.
Là, on se retrouve dans une circonstance où un
bénéficiaire, plusieurs bénéficiaires, des milliers
de bénéficiaires, possiblement, du moins des centaines, vont se
trouver devant des circonstances fortuites, imprévues, cela va les
obliger, s'ils veulent conserver le bénéfice de
l'assurance-maladie, de changer de médecin. Est-ce que ce n'est pas,
encore une fois, une situation un peu paradoxale?
M. Lazure: Je répéterais d'abord, que c'est une
mesure exceptionnelle. Je vous ai dit qu'il y avait deux cas en 1975, deux en
1976, deux en 1977, deux en 1978, deux cas par année. Il faut qu'avant
de procéder de telle façon et d'aller au criminel, la cause soit
regardée sous tous les angles. On est bien sûr qu'il y a des
motifs très sérieux avant d'amener un professionnel au criminel.
Maintenant, un professionnel condamné au criminel ou qui plaide coupable
au criminel, c'est une sanction économique, c'est-à-dire qu'il ne
perd pas son droit de pratique mais c'est une sanction économique et il
n'est plus dans le régime ou il est un non-participant pour six mois. 20
h 30)
Est-ce vraiment mieux de le garder dans le régime, qu'il ait une
libération inconditionnelle et il recommence à pratiquer le
lendemain, ou qu'il fasse une journée de prison le dimanche et il
recommence le lundi. Est-ce que vous pensez que c'est mieux? Ou sommes-nous
mieux d'avoir une sanction économique?
M. Forget: La question se pose. Une dernière question et
j'aurai complètement terminé, M. le Président. Sur le
problème soulevé par l'amendement à l'article 24, je ne
sais pas comment formuler cette question, mais je ne veux pas donner de
mauvaises idées à personne.
Je me demande si, dans le fond, cela a une importance quelconque, la
modification à l'article 24. Qu'est-ce qui arrive et encore
là, ce n'est pas nécessairement un comportement que je
sanctionnerais ou que j'approuverais même dans le contexte du
nouvel article 24 et des suivants, si, pour conserver leurs moyens de pression,
les professionnels de la santé, devant être seulement
désengagés plutôt que non participants, refusent tout
simplement de s'acquitter des formalités permettant à leurs
patients d'obte- nir la réclamation de la régie? Est-ce que le
même résultat n'est pas obtenu que s'ils étaient
non-participants?
M. Lazure: Je ne sais pas si le député de
Saint-Laurent s'attend qu'on réponde à une question comme
celle-là dans un sens ou dans l'autre. Cela me paraît
évident que, si le professionnel décidait de ne pas se conformer
à la loi, il serait sujet aux sanctions qui seraient prévues.
C'est vraiment une question très hypothétique. Vous dites: Je ne
veux pas donner de tuyaux à qui que ce soit. Mais je pense qu'il
faudrait y faire face en temps et lieu.
Je ne pense pas qu'on puisse, en proposant un projet de loi, prendre en
considération sérieuse la possibilité où un
individu ou des individus décideraient délibérément
d'agir à rencontre de la loi.
M. Forget: II faut quand même y penser lorsqu'on parle de
comportement collectif. On sait très bien qu'on pourrait, tout aussi
facilement qu'on modifie l'article 24, modifier certaines autres dispositions
du Code du travail relativement aux employés salariés des centres
hospitaliers. Si on faisait cette supposition ou cette suggestion, le ministre
s'empresserait de nous dire que ce serait une modification futile à la
loi, parce qu'elle ne serait pas respectée.
Je ne fais que poser le même genre d'objection, le même
genre de question, face à une modification qui se prétend une
solution face à un moyen d'action collectif. Je me dis: Est-ce que la
même objection n'est pas également valable? On peut bien modifier
la loi, sauf que la garantie qu'on va, par là, modifier les
comportements, c'est autre chose.
M. Lazure: Si c'est cela que le député de
Saint-Laurent veut dire, M. le Président, je suis bien prêt
à admettre qu'il n'y a aucune loi qui peut offrir une garantie, surtout
dans le domaine des relations du travail qui offre la garantie d'être
respectée intégralement ou d'être efficace
intégralement.
M. Forget: Bon. Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Brièvement, j'espère bien, ce sont des
questions qui ont déjà été posées sous
d'autres aspects. En tout cas, je n'ai pas eu réponse
complètement. Dans les actes dits abusifs de la part de certains
professionnels du milieu, j'aimerais connaître le personnel,
l'organisation de contrôle qu'il y a ici à Québec. C'est
quand même une partie du budget importante des Affaires sociales qui
s'occupe de l'organisme de contrôle qu'on a ici. Il y a quand même
un personnel important à ce niveau-là qui s'occupe du
contrôle.
M. Lazure: II y a une direction à la régie qui
s'appelle la direction du contrôle et du recouvre-
ment. Le directeur est Me Paul Lafrance. Dans la direction, il y a
quatre services, un service qui s'occupe de la tierce responsabilité qui
n'a rien à faire avec cela, qui va chercher les montants qui,
normalement, auraient dû être payés par une police
d'assurance. C'est un service qui est en train de disparaître
graduellement avec la mise en place de la Régie de l'assurance
automobile. Pour donner l'importance du service, il y a 22 employés qui
vont facturer cette année l'objectif est dépassé
$9 millions. Ce ne sont pas les professionnels, ce sont des
bénéficiaires qui ont subi des accidents, qui ont
été hospitalisés, parce qu'on récupère
l'argent à la fois pour l'assurance-hospitalisation et pour
l'assurance-maladie.
Un deuxième service, c'est le secrétariat qui s'occupe des
comités d'appréciation, des comités de révision,
qui fournit le personnel de secrétariat pour cela, qui n'a rien à
voir avec les enquêtes.
Le troisième service est un service juridique dans lequel il y a
cinq ou six avocats.
Le quatrième, celui qui vous intéresse, c'est le service
des enquêtes dans lequel il y a huit personnes qui ouvrent dans une
année environ 200 dossiers. L'origine des dossiers. Ils proviennent,
d'une part, de ce dont on a parlé ce matin de la vérification des
services rendus, qu'on appelle la VSR, où les gens nous disent: Non, ce
n'est pas vrai, on n'a pas eu les services; ou encore des plaintes qu'on a
directement à la régie. Je pense que si on a une plainte qui
semble sérieuse, fondée, les gens se sont rencontrés, ils
déposent leur plainte, là, on fait une enquête. Cela vient
troisièment du secteur des profils que je mentionnais tout à
l'heure, parce qu'avant d'envoyer le cas au comité de révision,
on veut s'assurer que les services ont été rendus. Si on envoie
au comité de révision soit des services non assurés ou des
services non rendus, le comité de révision dira: Ce n'est pas
notre juridiction. C'est à peu près l'origine en gros des
plaintes qui vont au service des enquêtes.
M. Grenier: D'accord. Merci. Du côté des fraudeurs,
on a souvent parlé des gens en banlieue ou, en tout cas, vivant
près des frontières américaines, le Maine, le Vermont, le
New-Hampshire, l'Etat de New-York. Vous avez mentionné un montant au
cours de la journée. De combien pensez-vous que la régie peut
avoir été fraudée par ces gens qui ont probablement un
pied-à-terre au Québec ici, qui passent ici le minimum de temps
pour avoir leur droit d'être citoyens du Québec et qui font
ensuite profiter toute leur famille de leur carte? C'est de ces gens, en fait,
que...
M. Lazure: Le montant qui a été avancé
il faut le dire correctement, parce qu'il ne faudrait pas mal
l'interpréter. On a parlé de $4 142 000 par mois que la
régie paie à des professionnels de la santé, qui sont dans
notre fichier, pour des services assurés. Les prix sont corrects, sauf
que le bénéficiaire, on ne peut pas l'identifier. Alors, on
présume que ce sont des résidents du Québec.
Si on va plus loin et qu'on fait enquête ce qu'on ne peut
pas faire dans tous les cas la régie reçoit 900 000
demandes de paiement par semaine et 45 millions par année. On ne peut
pas faire 1000 enquêtes par semaine, ou 5000. Si on va plus loin et qu'on
fait des enquêtes, on trouve, dans quelques cas, que ce sont des gens qui
n'ont pas droit auy services, qui ne sont pas des résidents du
Québec.
J'ai mentionné qu'on a déjà découvert qu'une
patiente d'Angleterre était venue au Québec se faire
opérer pour un cancer du sein et était retournée dans son
pays. On a eu un Libanais qui est venu au Québec, qui a utilisé
la carte de quelqu'un qu'il connaissait, qui a été
hospitalisé, qui a été traité. Cela prendrait une
armée d'enquêteurs pour connaître cela. Maintenant, on sait
qu'il y a des Américains, en particulier, des Franco-Américains
avec un nom à connotation française qui ont une carte avec une
adresse d'ici cela peut être Saint-Pamphile ou quelque chose comme
cela. Mais encore là, cela ne règle pas tout le problème,
comme il a été mentionné, d'avoir une carte
d'assurance-maladie obligatoire. Cela ne règle pas ces problèmes.
C'est sûr qu'il y aura un trafic de cartes.
M. Grenier: Est-ce que les jugements qui sont donnés
à ce moment sont de nature à inciter les gens à ne plus
répéter les mêmes actes et que cela se sache dans
l'entourage? Parce qu'on sait fort bien que ce n'est pas votre intention, quand
même, de poursuivre tout le monde, mais de poser des gestes qui vont
être de nature à en apeurer certains qui ont envie de se servir
d'un système comme celui-là.
M. Lazure: Je pense que c'est $500 d'amende, c'est un minimum, de
$500 à $1000.
M. Grenier: Vous avez peut-être une dernière
question à adresser aux gens qui sont ici?
M. Lachapelle: M. le Président, l'échange auquel
nous avons assisté il y a quelques minutes entre le député
de Saint-Laurent, le président de la régie et le ministre a
été instructif pour nous. Je m'explique là-dessus: La
question posée était de savoir s'il y avait une
différenciation possible entre les services non médicalement
requis et les services dont la dispensation était faite de façon
abusive ou injustifiée au sens de l'article 34 de la Loi de
l'assurance-maladie. Alors, d'une part, nous avons appris qu'un savant
professeur de l'Université de Montréal avait donné son
opinion à savoir qu'il n'y avait pas de distinction essentielle entre
les services non médicalement requis et les services dispensés de
façon abusive ou injustifiée. Cependant, le président de
la régie ne s'entend pas avec le savant professeur et, lui, voit une
distinction. Le ministre l'appuie. La question, évidemment, pour nous
qui sommes des spectateurs, est la suivante: Lorsqu'on dit qu'en fonction de
l'article 37, proposé par le projet de loi 84, "la régie doit
rendre une décision motivée dans les trente
jours de la réception de la recommandation du comité de
révision et procéder à la compensation s'il y a lieu", il
y a lieu de se poser des questions très sérieuses à savoir
si la régie ne sera jamais en position de pouvoir rendre une
décision motivée qui sera bien fondée.
Ceci, évidemment, nous amène à appuyer la
recommandation que nous avons offerte, à savoir que nous voulons qu'en
matière médicale la régie suive et soit obligée de
suivre le plus possible la recommandation du comité de révision,
parce que la matière médicale, d'après nous, appartient
aux médecins et aux corporations professionnelles, en particulier
l'Ordre des médecins, en ce qui concerne évidemment la
matière médicale. Mais, tout de suite, j'étends pour dire
que ceci est vrai également de toute matière professionnelle.
C'est là si vous le permettez que j'aimerais braquer un
projecteur sur un sujet central.
Nous avons sans doute plusieurs problèmes dont le contenu
technique est très poussé et qui sont des problèmes que
j'appellerais "satellites". Mais il y a un problème central et
j'aimerais le soumettre à l'Assemblée. Il transparaît
à travers le mémoire, mais il n'est peut-être cependant pas
articulé de façon aussi éloquente que je voudrais le
faire.
J'aimerais vous dire que ce qui est en cause ici en particulier, c'est
le problème central. Ce qui est en cause, c'est un modèle de
gestion que propose le projet de loi, pour le régime
d'assurance-maladie. Je crois si je peux me permettre une analogie
que le modèle qui est retenu par le projet de loi est le
modèle qu'on retrouve assez communément dans les conventions
collectives, à savoir que l'employeur a non seulement l'initiative de la
décision, mais prend une décision il ne s'agit pas ici
d'une recommandation qu'il impose à ses subordonnés les
salariés, lesquels n'ont qu'une seule voie de redressement, ou bien le
tribunal d'arbitrage ou bien le tribunal ordinaire, selon le cas.
Je crois que c'est une erreur que ce modèle de gestion soit
proposé par le projet de loi, pour les raisons suivantes: A mon point de
vue: 1- La régie n'est pas un employeur et le ministre n'est pas non
plus l'employeur des médecins. Il y a une différence essentielle
entre les professionnels de la santé qui oeuvrent et ce sont ceux
qui sont visés, ce ne sont pas les professionnels à l'acte
à titre d'entrepreneurs. Prenons, à titre d'exemple, les
pharmaciens propriétaires. On ne peut jamais imaginer que les
pharmaciens propriétaires puissent être considérés
et avoir le statut de salariés au sens du Code du travail. Mais il y a
plus, c'est que la matière est une matière médicale.
Il ne s'agit pas ici simplement de passer sur des descriptions de
tâches, des tâches que l'employeur peut décrire et peut
comprendre à sa façon et imposer une décision provisoire,
assujettie évidemment aux redressements possibles. Non, il s'agit d'une
matière médicale, et cette matière médicale,
à mon point de vue, appartient aux parties, d'une part, et aux
corporations professionnelles d'autre part.
Permettez-moi de vous parler de l'entente et de vous dire comment,
généralement, le projet de loi se trouve à porter
échec à l'entente. On nous a donné des exemples partiels
au niveau et je cite ici de la signature du médecin,
article 18a proposé, les frais accessoires, les certificats, l'article
18, sixième alinéa, les relevés d'honoraires, les
renseignements, les documents, l'article 57b, mais, à mon point de vue,
il s'agit d'obstacles mineurs. Mais l'obstacle majeur est le suivant, à
titre d'exemple, au niveau de l'entente, et je n'ai pas ici à
décrire techniquement toute l'entente, ce serait trop long. Vous
comprenez comme moi que l'entente a pour objet entre autres, la nomenclature
des actes, la tarification.
Je m'arrête seulement à ces deux détails. La
nomenclature des actes: vous avez une description d'actes, mais, sous cette
description d'actes, qu'est-ce que vous avez? A mon point de vue vous avez un
mode de dispensation qui se trouve implicitement inclus. Vous avez
également des modes reconnus d'exercice de la profession qui sont
implicitement inclus. Et, au niveau de la description d'actes, vous avez
également une tarification. (20 h 45)
Si je prends l'acte lui-même, avec les principes qui le
sous-tendent, je crois que ces actes relèvent d'abord des parties et ces
parties sont les parties contractantes sans contredit, le ministre d'une part,
la fédération d'autre part, ou bien chaque association
professionnelle suivant sa catégorie, mais il y a plus. L'acte, pour
autant qu'il se trouve à être sous-tendu par des modes reconnus
d'exercice de la profession, relève aussi de la corporation
professionnelle.
Or, en matière professionnelle comme en matière
médicale, que je prends à titre d'exemple, les professionnels ici
devant vous s'opposent, en principe, catégoriquement, et ils l'ont fait
depuis au moins neuf ans, depuis l'instauration de la Régie de
l'assurance-maladie, avant même que le régime de
l'assurance-maladie soit institué par la Loi de l'assurance-maladie en
1970, les professionnels de la santé, de façon
catégorique, constante, s'opposent et s'opposeront à ce que la
matière médicale soit confiée à la régie.
Pourquoi? Parce que la régie, premièrement, n'est pas une partie
contractante, parce que la régie ne peut se substituer, à ce
moment-là, ni au ministre, ni à la fédération,
parce que la régie ne peut pas déplacer le rôle des
corporations professionnelles et que, partant, non, ceci est essentiel.
Vous avez parlé, M. le ministre, de divergences entre le groupe
gouvernemental et le groupe de professionnels. J'essaie de franchir le
fossé qui les sépare et on essaie de démontrer l'erreur
qui se trouve dans le modèle de gestion que vous proposez, parce que le
modèle de gestion que vous proposez en est un au sens de l'article 18b
et de l'article 37, c'est-à-dire que la régie, à tous
égards et particulièrement en matière professionnelle,
médicale, à titre d'exemple, prend l'initiative d'une
décision, porte une décision qui n'est pas une recommandation et
l'impose au professionnel de la santé, au point où celui-ci, non
seulement est
soumis à la décision, mais encore soumis à
l'exécution de la décision, sans qu'il y ait suspension de la
décision. C'est ce modèle de l'article 18b et de l'article 37
qui, à mon point de vue, constitue le modèle le plus pernicieux
de gestion et contre lequel nous nous érigeons pour le temps
présent et pour l'avenir parce que, quelle que soit la position que le
gouvernement voudra prendre, je connais assez les professionnels de la
santé pour savoir qu'à l'avenir, ils ne pourront pas changer de
position; savoir que ce qui doit être confié, suivant la loi, aux
corporations professionnelles doit demeurer dans le champ de la
compétence de la corporation professionnelle et que ce qui est
confié aux parties doit demeurer confié aux parties.
C'est la raison pour laquelle nous voudrions, et nous prenons à
titre d'exemple le comité de révision; nous voulons donner le
plus grand poids possible à la recommandation du comité de
révision et nous disons, dans la recommandation que nous faisons,
recommandation mitigée, sans doute... Si on suivait la proposition du
député de Saint-Laurent, on préférerait et de
beaucoup, que le comité de révision soit décisionnel et,
si jamais le ministre veut nous l'offrir, d'emblée, nous l'avons
déjà dit, nous accepterions, mais, de façon
mitigée, nous disons, pour le moins, lorsque la recommandation du
comité de révision est donnée, si la régie entend
la suivre, à ce moment, nous permettons l'exécution
immédiate et instantanée, mais si la régie veut s'en
départir, s'en écarter, à ce moment, il nous semble que
l'exécution devrait être seulement provisoire, parce qu'on ne peut
pas, à mon point de vue, vivre avec un système qui
préconise une décision de la régie en matière
médicale au niveau de la compétence du comité de
révision, soit l'article 37 et, de la même façon, je
reviens à l'article 18b... J'attends que le ministre ait fini.
M. Lazure: II y a peut-être une chose que j'aimerais voir
éclairer une fois pour toutes.
M. Lachapelle: Oui.
M. Lazure: Le comité de révision est-il un
comité de la régie?
M. Lachapelle: Non. Vous l'avez dit. C'est vrai. C'est
sûr.
M. Lazure: Ou est-ce un comité du ministre?
M. Lachapelle: Si ce n'est pas un comité de la
régie, suivez donc sa décision. La loi ici donne deux pages, dote
un comité de tous les pouvoirs, n'est-ce pas? Vous l'avez dit
vous-même, des immunités et, à ce moment, par l'article 37,
elle vient dire que, quelle que soit la recommandation du comité de
révision, la régie retient le pouvoir de ne pas la suivre,
à son gré, et, dans les circonstances M. le
Président de la régie, vous devez l'admettre vous-même
il est très difficile de distinguer et d'évaluer,
d'apprécier les critères qui doivent régir le
comité de révision à savoir, en particulier, s'il s'agit
des actes requis aussi fré- quemment que nécessaires ou les
services dispensés de façon justifiée ou
injustifiée ou encore non médicalement requis selon la
proposition. N'est-ce pas? Alors, il me semble que dans de telles circonstances
le plus grand poids devrait être donné à la recommandation
du comité de révision de même suivant l'article 18. Est-ce
qu'on ne pourrait pas établir ici un parallèle et demander
à la régie de suivre et non pas de court-circuiter le
comité d'appréciation de relevés d'honoraires qui se
trouve, à toutes fins pratiques, le comité des parties à
compétence médicale? Sa recommandation devrait avoir le
même poids, toutes choses étant égales, à celle du
comité de révision en matière médicale, pour que,
en matière médicale, la régie ne vienne pas directement
écarter les parties, se substituer à elles, parce que c'est
maintenant le rôle de la régie. Elle se substitue et au ministre
et à la fédération et aux associations et... Laissez-moi
finir.
M. Lazure: D'accord. Si je comprends bien, les cas de fraude vont
aller au comité d'appréciation.
M. Lachapelle: Non, je n'ai pas dit cela.
M. Lazure: Oui, parce qu'on dit que les services non
assurés ou les services qui n'ont pas été fournis.
M. Lachapelle: Non, vous abusez.
M. Lazure: Non, mais un service qui n'a pas été
fourni, à l'article 18, c'est un cas de fraude. Vous voulez qu'on envoie
cela au comité de révision. Cela n'a jamais été de
sa compétence.
M. Lachapelle: J'irais peut-être s'il le fallait. Je vais
pousser à la limite. Parce qu'à ce moment-là notre
argumentation serait: Si je nie à la limite, je nie le tout, mais je
pense bien que ce n'est pas logique d'agir de cette façon-là.
Mais regardez un peu. Si vous invoquez ce qui existe dans d'autres provinces
canadiennes. Regardez un peu la province voisine, l'Ontario, absolument rien de
ce qui est médical ne relève directement et de façon
décisionnelle du "manager", tout est conféré au Medical
Review Committee, chaque fois qu'il s'agit de matière médicale.
Alors, il me semble, voilà une leçon dont on pourrait se
prévaloir. Il me semble que l'article 18b, qui est central, parce qu'il
est nouveau, ces pouvoirs qui sont maintenant conférés à
la régie n'existaient pas auparavant, la régie devrait suivre un
modèle de gestion qui est le plus apte, le plus approprié
à préserver la matière médicale, à
préserver la compétence des parties, des corporations
professionnelles et surtout la paix industrielle, la paix du milieu dans le
monde du travail.
M. Lazure: M. le Président, je pense vraiment qu on
continue à confondre ce que vous appelez la gestion de la régie
et les fonctions des comités de révision. Les comités de
révision sont des
comités de pairs, on l'a dit plusieurs fois aujourd'hui, il faut
le répéter encore. Sur sept personnes, il y a cinq pairs.
Jusqu'ici, selon les informations recueillies, presque toujours la régie
a suivi... non pas presque, mais toujours, la régie a suivi les
recommandations des comités de révision. On ne s'oppose pas, en
principe. Je ne m'oppose pas en tout cas en principe. Je l'ai dit avant
l'ajournement, mais vous devez comprendre que vos collègues de l'autre
fédération ne désirent pas... Ecoutez, c'est quand
même au moins 50% de la gent médicale. Ils s'opposent. Pourquoi
est-ce que nous devrions donner préférence à votre voeu
plutôt qu'au voeu des spécialistes? Je n'ai pas de
préférence dogmatique là-dessus, mais je vous rappelle une
chose, c'est que dans le cas où la régie hypothétiquement,
parce que cela ne s'est jamais présenté, ne suivrait pas la
recommandation du comité de révision, à ce
moment-là, je l'ai dit ce matin, nous sommes consentants à faire
une modification pour que le fardeau de la preuve incombe à la
régie. C'est clair. Je lai dit à deux reprises, je le
répète pour la troisième fois.
Si on ne suit pas la recommandation, on aura le fardeau de la
preuve.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je termine. Je suis conscient du fait que sur ce
point-là, c'est loin d'être réglé. Il reste une
bataille à livrer là. Je termine. Je voudrais qu'on
réponde rapidement, parce qu'on veut réserver du temps aux autres
qui sont ici. Aux pages 53,105 et 109, vous faites appel au sondage et vous y
allez avec des mots assez raides: II peut être l'occasion de confusion et
d'équivoque préjudiciable. Il provoque les délations et
éveille la méfiance. Vous dites plus loin: C'est la zizanie et la
méfiance qui s'installent au sein des relations entre les professionnels
de la santé et les bénéficiaires. Vous demandez, à
la fin de vos recommandations, que cela cesse. Maintenant, le docteur nous a
donné son exposé là-dessus au cours de la journée.
Est-ce que vous maintenez quand même, après les débats qui
ont eu lieu ici, la non-nécessité de ces sondages?
M. Hamel: Nous le maintenons. Nous n'avons pas eu le temps ce
matin de répondre à cette question. Le président de la
régie avait rappelé que je siégeais à la
régie depuis un certain temps et que je devais être au courant. Je
suis au courant que des sondages sont faits depuis 1971, c'est bien sûr.
Je suis davantage au courant de ces sondages, non pas par ma présence
à la régie, mais par les plaintes que je reçois, de
semaine en semaine, des médecins. Ce qui est écrit dans le
mémoire, c'est la traduction des plaintes qui sont acheminées
quotidiennement à la fédération là-dessus. C'est un
genre de plainte qu'on est plus à même d'apprécier que
d'autres personnes.
Est-ce que je peux en même temps répondre cela fait
deux fois que le ministre des Affaires sociales nous pose la question, à
savoir pourquoi il prendrait état davantage des positions de la FMOQ que
de celles de la FMSQ. Ma réponse à ceci est que, quand il s'agit
d'une matière qui relève encore moins des
fédérations, d'une certaine façon, mais davantage de la
corporation, je pense que la meilleure façon de trouver laquelle des
deux fédérations peut avoir raison, c'est de demander à la
corporation.
Je pense que ce sera une bonne façon, tout à l'heure, de
le faire.
M. Lazure: On n'aura même pas besoin de le lui demander, je
suis sûr qu'elle va nous en parler tantôt.
Pour Me Lachapelle qui a apprécié que j'aie cité un
professeur de droit de l'Université de Montréal...
M. Hamel: Je n'avais pas fini ma remarque là-dessus...
M. Lazure: Allez-y.
M. Hamel: ... sur le comité. Depuis tout à l'heure,
depuis ce matin d'ailleurs, qu'on prétend que le comité de
révision, ce n'est pas un comité de la régie. On n'a
jamais prétendu, de ce côté-ci, que c'était un
comité de la régie. Ce qu'on prétend c'est que dans la
mesure où la régie s'arroge le pouvoir du comité de
révision, il finit par l'assumer. Dans la mesure où il n'est pas
lié par la décision du comité de révision, qu'il
peut prendre, sur une matière qui est discutée au comité
de révision, une décision contraire à celle du
comité de révision, il s'arroge donc le même pouvoir de
prendre une décision qui peut être contraire à celle du
comité de révision, mais sur la même matière. C'est
dans ce sens. Cela ne transforme pas le comité de révision en
comité de la régie, c'est l'inverse.
C'est la régie qui s'empare d'une matière qui devrait
demeurer de juridiction exclusive soit au comité de révision,
soit à la corporation. Là-dessus, par anticipation, nous vous
disons ceci: si vous ne respectez pas ça, donnez les pouvoirs qui sont
accordés actuellement au comité de révision à la
corporation directement. Que ses décisions soient
définitives.
Mais que la régie ne s'arroge pas le pouvoir de prendre des
décisions sur des matières qui, normalement, sont
décidées par le comité de révision. J'espère
que c'est plus clair que cela ne l'était.
Le Président (M. Jolivet): M. Laberge.
M. Lazure: Le mot décision a l'air de faire peur à
bien du monde, dans le fond, même à nous. J'aimerais autant ne pas
en avoir de décisions à prendre.
M. Hamel: Voyons donc.
M. Lazure: Sauf qu'actuellement, on en avait. C'était
écrit: La régie peut donner suite aux re-
commandations. Au comité de législation ce sont des
gens qui sont supposés connaître ça ils nous ont
dit: Donc, c'est vous autres qui décidez, parce que vous pouvez y donner
suite, alors ils ont mis le mot décision. Mais j'ai dit: Si on va
à l'encontre de la décision du comité de révision,
que le fardeau de la preuve soit sur la régie. Mais pour ajouter et
aller plus loin peut-être dans le sens d'un comité de
révision, où il devrait aller, je dis que et ça
devrait intéresser Me Lachapelle particulièrement le
législateur a édicté en décembre 1974 des
dispositions qui prévoient que les recommandations des comités de
révision peuvent faire l'objet d'un appel à la Commission des
affaires sociales. "Je me demande pourquoi l'article 37 de la loi a
institué ce recours. Je connais les vertus de principe du droit
d'appel.
Toutefois, dans l'administration publique et dans notre système
judiciaire, toutes les décisions ne font pas nécessairement
l'objet d'un appel, surtout lorsque cet appel n'est pas limité aux
questions de droit et à fortiori lorsqu'il s'agit d'un appel d'un
organisme siégeant en révision et composé d'une
façon particulière." (21 heures)
II termine en disant que, dans un passage dont je ne saisis pas la
portée précise, le rapport Gélinas se demande s'il n'y
aurait pas lieu de relier un jour les comités de révision
à la Commission des affaires sociales. C'est une autre avenue qui
mériterait d'être regardée.
M. le Président, j'aurais une question à poser au Dr
Hamel. Est-ce que, oui ou non, à votre connaissance, la régie a
respecté, a donné suite, a endossé les décisions du
comité de révision, dans le passé?
M. Hamel: Je ne peux pas vous répondre
immédiatement à cette question, sans vérifier;
malheureusement, j'aurais besoin de vérification.
M. Lazure: Les autorités de la régie m'informent,
de façon bien catégorique, que, toujours, les autorités
ont endossé...
M. Hamel: On ne juge pas la conduite de la régie. On juge
un projet de loi.
M. Lazure: D'accord. Il faut maintenir toutes les
éventualités. Si jamais la régie ne donnait pas suite,
n'endossait pas, le fardeau de la preuve va lui incomber. Il me semble
que...
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Non. Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je
pense que les autres questions que je pourrais avoir viendront...
M. Forget: Je pourrais peut-être suggérer de
remercier nos invités, si c'était possible.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Hamel: Au nom des trois présidents et en mon nom
personnel, je voudrais remercier tous ceux qui ont permis la tenue de cette
commission parlementaire. Les échanges ont été francs et
ouverts, mais nous continuons d'espérer que les représentations
que nous avons faites aujourd'hui seront prises en bonne
considération.
Compte tenu du fait que nous devons rendre compte des résultats
de nos représentations à nos membres, nous demandons au ministre
de nous faire connaître ses intentions en ce qui concerne les
représentations que nous avons faites en rapport avec le projet de
loi.
M. Lazure: Si vous le permettez avant, le Dr Laberge a un mot
à nous dire.
Dans le télégramme du front commun, comme dans le document
aujourd'hui, j'ai relevé un mot qui m'a particulièrement
touché. On parle d'incurie administrative de la régie, de
même que, dans le télégramme, on parle
d'incompétence de la régie. Dans les journaux, on parlait de 12
000 professionnels de la santé. Je vous ai comptés, vous
êtes 8294. Donc, il y en a 50% de trop.
J'aimerais quand même vous informer que le budget de la
régie parce que je parle de l'administration de la régie
pour les frais d'administration, est de $41 752 000. C'est un budget
dont le pourcentage des dépenses est passé de 5,49% il y a cinq
ans, à 5,38%, à 4,77%, à 4,53% et, au moment actuel, il
est à 4,38%, soit une diminution de 20%.
Je ferais remarquer également que les dépenses
d'administration, pour l'an prochain, seront de $42 200 000, le coût des
services sera de $964 millions, comprenant tous les services qu'on a, ce qui va
faire un budget de $1 006 000 000. Le coût de ces dépenses
d'administration, pour l'année prochaine, comparé à
l'année actuelle, représente une augmentation de 1,1%.
On a fait des comparaisons avec les autres provinces canadiennes et on
doit dire que, comme régie ou administration, on n'a rien à leur
envier. On a fait la comparaison avec les compagnies privées
américaines (74), on a retenu celles dont les frais d'administration
étaient supérieurs à $20 millions. La moyenne de leurs
frais d'administration est de 9,6%. En passant, cela coûtait $0.94 pour
traiter une demande de paiement en 1976 et cela en coûte $0.92 en
1978.
Il y a peut-être un point intéressant également,
c'est la productivité de la régie, c'est-à-dire que l'on
traitait 19 000 demandes de paiement par effectif et nous sommes passés
à 28 900 dans une période de trois ans, ce qui fait une
augmentation de 41%.
Le plan des effectifs de la régie était de 1946
employés réguliers et 451 occasionnels. Celui-ci est passé
à 1500 réguliers et à 100 occasionnels, pour une
diminution de 797 postes, soit 33% de réduction.
Les dépenses d'administration ont diminué à compter
du 1er avril 1978. Par rapport aux projections faites en 1975, elles ont
diminué de $274 000
par mois ce qui ne fait pas loin de $3 millions par année.
Pour ce qui concerne le premier objectif que la régie
s'était fixé, soir de payer les professionnels de la santé
avec efficacité et diligence en réduisant au minimum les
tracasseries administratives, ce pourquoi on a toujours gardé la
même demande de paiement, on paie 99% des demandes de paiement; on en
reçoit 900 000 par semaine. On les paie dans un délai de 11
à 28 jours. Le montant, c'est d'environ $25 millions, sauf pour les
pharmaciens où on paie dans un délai de moins de quinze
jours.
M. le Président, je veux profiter, avant de retourner aux
commentaires du Dr Hamel, de l'occasion pour souligner le travail très
efficace de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, parce
qu'en se donnant la peine de s'y arrêter un instant, surtout pour ceux
qui sont plus profanes, on se rend compte que, comme le Dr Laberge vient de le
dire, presque un million de demandes par semaine sont traitées par cet
organisme. Je pense qu'il faut lever son chapeau devant le peu de bavures, le
peu d'erreurs et le peu de complications et le peu de tracasseries qui
émanent de cette régie. Avec beaucoup de plaisir, je veux
publiquement souligner le travail que fait la régie et ses
dirigeants.
On a abordé, ce matin, quant à moi en tout cas, la
commission parlementaire avec ouverture. On a fait état... Ceux qui ont
eu le loisir de lire le texte de 17 pages ont pu voir qu'au départ, il y
avait une indication d'ouverture, de modifications que nous envisagions de
faire à ce projet de loi. On n'a jamais eu la prétention de
croire que le projet de loi était parfait, loin de là. Nous
allons retenir des modifications. J'en veux comme exemple les relevés
d'honoraires, en particulier pour ce qui concerne les pharmaciens, mais aussi
pour l'ensemble des professionnels; cette question du mandaté, à
la condition que le professionnel voudra bien s'engager légalement
à être responsable, même lorsque le mandaté signera
les relevés.
Autre exemple, les primes d'encouragement concernant la
répartition géographique. Nous sommes d'accord pour enlever une
bonne partie des articles qui sont là. La consultation des organismes
limitée aux cinq associations liées à l'entente, nous en
sommes. Le renversement aussi du fardeau de la preuve sur la régie, dans
le cas de la deuxième partie de l'article 37, où la régie
ne suit pas la décision du comité de révision et dans
certains cas qui apparaissent à l'article 18b.
Je note aussi, encore une fois, que vos confrères
spécialistes se sont dit aujourd'hui satisfaits de ce projet de loi,
avec certaines modifications que j'ai indiquées tout au cours de la
journée.
Il y aura l'étude article par article dans les jours qui
viennent. Pour répondre spécifiquement aux remarques du Dr Hamel,
vous pouvez être assuré que les engagements que nous avons pris ce
soir et tout au cours de la journée, ces engagements à modifier
certains articles vont apparaître au cours de l'étude article par
article.
En conclusion, M. le Président, nous conti- nuons à croire
qu'il s'agit là d'amendements qui ne touchent pas au fond, contrairement
à ce que Me Lachapelle prétendait tantôt, qui ne touchent
pas au fond même de l'esprit et de la lettre des échanges ou des
transactions, des relations entre la régie, les professionnels et le
ministère. Nous pensons que les modalités que nous apportons, les
amendements que nous apportons vont assurer une efficacité encore plus
grande et vont faire en sorte que le pourcentage, même s'il est
relativement bas, des fraudes et des abus va diminuer. Je remercie, au nom de
tout le groupe ici, tes représentants des quatre groupements.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je veux simplement remercier les groupes qui
sont venus aujourd'hui et les assurer qu'au moment de l'étude article
par article, nous allons tenter de continuer de faire valoir certains points de
vue, entre autres le rôle du comité de révision qui, je
pense, semble vous tenir beaucoup à coeur et avec raison, de vraiment le
différencier de la régie, et d'autres points que vous avez fait
valoir. Je vous remercie encore une fois de votre mémoire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Au nom de notre formation politique, je voudrais vous
remercier pour les sept heures que nous avons passées ensemble depuis ce
matin. Je sais que nous n'avons pas pu analyser le document dans tous ses
détails, mais il nous a permis un éclairage. Je pense que le
front commun qu'a fait l'Opposition pour demander que vous veniez nous
rencontrer aura certainement contribué largement à certains
adoucissements. Je dois vous dire aussi que le ministre que vous avez
rencontré, aujourd'hui, n'est peut-être pas celui qui a la couenne
la plus dure dans le cabinet. Il fait certaines concessions parfois et c'est
à votre avantage. Maintenant, j'aimerais vous faire savoir aussi que le
ministre a dû comprendre que la plus mauvaise entente vaut quand
même le meilleur des procès. J'imagine qu'il y aura d'ici
l'adoption de la loi des appels téléphoniques qui pourront se
faire ou des arrangements afin que vous puissiez régler par entente des
points qui sont restés en veilleuse. Merci en mon nom et au nom de notre
formation politique de votre présentation. Cela nous donne un
éclairage nouveau.
Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup. J'appelle les
autres organismes. Je pense qu'il y a un regroupement, donc la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, l'Ordre des dentistes,
l'Ordre des optométristes et l'Ordre des pharmaciens.
Corporation professionnelle des
médecins
du Québec, Ordre des dentistes, Ordre
des
optométristes et Ordre des pharmaciens
M. Roy (Augustin): M. le Président, M. le ministre, madame
et MM. les députés membres de
la commission parlementaire, mesdames et messieurs, il me fait plaisir
d'intervenir à cette heure tardive, nous avons attendu patiemment
pendant onze heures à écouter nos confrères.
J'espère que votre patience et votre acuité intellectuelle sont
encore à leur meilleur pour continuer à écouter certaines
de nos doléances et les recommandations que nous avons à vous
faire.
Le Président (M. Jolivet): Pour nous aider... Oui...
M. Roy (Augustin): J'aimerais présenter les membres qui
font partie de notre groupe et vous dire s'il s'agit d'un
précédent où quatre corporations professionnelles, quatre
ordre professionnels qui ont eu et qui ont, des fois, certaines divergences
dans l'interprétation de leur loi, se sont regroupés dans
l'intérêt public pour faire part de leurs recommandations sur un
projet de loi extrêmement important.
Je commence par ma droite: Me Daniel Lavoie, qui est procureur de la
Corporation des optométristes; M. Michel Denault, président de
l'Ordre des optométristes du Québec; M. Jean Décarie,
assistant secrétaire général de l'Ordre des
optométristes; Dr André Lapierre, assistant secrétaire
général de la Corporation des médecins; M. Pierre-Yves
Lamarche, dentiste secrétaire général de l'Ordre des
dentistes; Dr Jean-Guy Landry, nouveau président de l'Ordre des
dentistes et Me André Poupart, également procureur de l'Ordre des
dentistes du Québec. Je m'excuse, et non le moindre, M. Jacques Gagnon,
président de l'Ordre des pharmaciens du Québec, qui est toujours
présent, même s'il est caché derrière nous. Je suis
moi-même président de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec.
Le ministre a ouvert cette commission, ce matin, dans un esprit
d'ouverture. Nous espérons que son esprit d'ouverture va se continuer
jusqu'à minuit, car c'est la quatrième fois que nous avons
l'occasion de nous présenter en commission parlementaire pour discuter
d'un projet de loi traitant de l'assurance-maladie. (21 h 15)
Notre première expérience remonte à 1970, alors que
nous nous étions fait entendre deux fois et malheureusement, à ce
jour, nos résultats ont été plus ou moins fructueux. Nous
espérons qu'ils seront meilleurs ce soir. Le ministre a
déjà annoncé certains changements parce que je pense qu'il
est important que ces lois aussi importantes que celle de
l'assurance-maladie soient les meilleures possible de façon
à favoriser le bon exercice de nos professions.
Je dois faire en commençant une clarification sur un sujet dont
on ne parlera pas aujourd'hui dans notre représentation, mais qui a
été mentionné au cours de la discussion de la
journée, c'est-à-dire une précision sur l'article 24 qui
existe actuellement dans la Loi de l'assurance-maladie. Je dois dire que cet
article 24 je me souviens d'avoir été un des intervenants
à l'époque a été modifié en octobre
1970, il n'était pas dans la loi originale de 1970. Il y a
été inséré en octobre 1970, justement durant les
fameux événements d'octobre 1970 la crise d'octobre
et c'était une concession de M. Castonguay, à ce
moment-là, pas pour permettre seulement la non-participation
individuelle des médecins, mais, également, pour permettre la
contestation collective des médecins. C'était une des concessions
majeures de M. Castonguay à l'époque, et je vous prie de me
croire qu'il n'en a pas fait beaucoup. Je dois quand même lui donner le
mérite d'avoir fait celle-là et remettre les choses à leur
place.
M. Lazure: A quelle place?
M. Roy (Augustin): C'est-à-dire lorsqu'on a dit que
c'était un moyen de contestation uniquement individuel pour protester
contre les médecins, pour qui l'idéologie de la question de
l'assurance-maladie ne faisait pas l'affaire. Mais cela avait été
également amené à l'époque par la
Fédération des médecins spécialistes qui
était en grève à ce moment-là et qui avait
insisté pour avoir ce moyen de contestation collective.
Deux précisions également sur ce qu'a dit le ministre dans
son introduction ce matin qui nous touchent. A la page 5, alors que le ministre
parle de la hausse injustifiée des coûts de la santé et du
gaspillage éhonté des fonds publics qui nous touchent comme
citoyens et qui nous touchent aussi comme professionnels car nous avons
à coeur la bonne qualité de la pratique de nos professions et
lorsqu'on parle de gaspillage éhonté, on peut laisser entendre
qu'il y a mauvaise pratique, ce qui n'est pas le cas.
D'ailleurs je tiens à faire cette précision, tout au cours
de nos interventions, je ne voudrais pas que quiconque se sente visé, ni
le ministre des Affaires sociales, ni le président-directeur
général de la régie que je connais très bien tous
les deux, qui sont mes amis. Nous sommes ici pour faire des recommandations sur
un projet de loi, nous ne voulons en aucune façon être des
accusateurs mais simplement, dans l'intérêt public, porter
certains commentaires pour bonifier un projet de loi.
Le deuxième point sur l'intervention du ministre est à la
page 12 de son texte, alors qu'il mentionne la mauvaise distribution des
effectifs médicaux au Québec et qu'il parle en particulier du
fait que dans certaines régions, telles la Côte-Nord, le
Nord-Ouest et le Nouveau-Québec, il n'y aurait aucun spécialiste
dans plusieurs spécialités dites courantes.
Je ne peux pas m'empêcher de profiter de l'occasion qui m'est
donnée pour rappeler au ministre qu'il a une décision
extrêmement importante à rendre dans les jours qui s'en viennent,
en ce qui concerne la directive des postes d'internes et de résidents et
qui, justement, touche la préparation de nos futurs spécialistes
et lui dire que, contrairement à l'opinion généralement
diffusée dans la population, dans les média, actuellement, nous
nous dirigeons vers une pénurie de spécialistes et non pas
d'omnipraticiens. Ce qui était le
contraire autrefois, surtout dans les régions
éloignées, parce que, de plus en plus, nos jeunes médecins
se dirigent vers la pratique générale, la médecine de
famille, alors qu'il y a beaucoup moins d'incitation à se diriger dans
des spécialités, pour plusieurs raisons. Mais je pense qu'il
faudrait quand même être prudent, parce que dans les régions
éloignées, les demandes qui nous sont faites sont
généralement pour des médecins spécialistes.
Je dois dire également que la Corporation professionnelle des
médecins du Québec a été consultée sur
l'avant-projet de loi, mais pas au tout début, comme l'ont
été les deux fédérations qui ont reçu le
projet de loi et qui ont eu une consultation officielle.
Nous avons été consultés parce que nous avions pris
connaissance du projet de loi, de l'avant-projet qui nous avait
été remis par des amis, évidemment, et à ce
moment-là, nous avons dit au gouvernement: Ecoutez, nous sommes au
courant qu'il y a un projet de loi, cela nous concerne, est-ce que vous
pourriez en faire une consultation officielle?
Evidemment, c'est ce qu'on a fait et on a fait parvenir des
représentations au gouvernement et au ministre au sujet de
l'avant-projet de loi, mais, malheureusement, la plupart des recommandations
que nous avons faites n'ont pas été suivies.
Nous désirons féliciter la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec, l'Association des
optométristes, celle des dentistes et celle des pharmaciens pour avoir
convoqué et fait convoquer cette commission parlementaire ce qui,
à mon avis, est un geste éminemment démocratique qui
favorise la bonne information, et Dieu sait comment les députés
ici présents et le ministre également ont peut-être pu
apprendre de choses aujourd'hui au cours des échanges qui ont eu lieu
durant la journée.
Je pense que cela demande un certain courage parce qu'on s'expose,
évidemment, à se faire renvoyer toutes sortes de questions plus
ou moins intéressantes et cela demande également beaucoup de
travail pour se préparer à venir en commission parlementaire.
Je pense que c'est un atout que d'avoir des groupements qui sont
prêts à poser ces gestes, et à venir s'expliquer devant le
législateur dans l'intention d'améliorer les projets de loi.
Evidemment, on ne peut pas en dire autant d'un autre groupement, qui
s'appelle la Fédération des médecins spécialistes
du Québec, qui a suivi une autre méthode, un autre cheminement,
ce qui est pleinement son droit, mais je ne voudrais pas que le ministre ou que
le gouvernement interprète en aucune façon l'absence des
médecins spécialistes à cette table ou durant cette
commission parlementaire comme un signe de division de la profession
médicale.
Je pense que c'est une autre méthode d'approche qu'ils ont
choisie. C'est leur droit. Quant à moi, je pense que je dois
féliciter les autres groupes pour avoir choisi la méthode qui
m'apparaît la meilleure.
Je dois dire que les professionnels de la santé ont
été profondément affectés par toutes les
législations adoptées dans le domaine social depuis 1970, ce qui
amène et ce qui a amené et qu'on voit encore une
certaine démoralisation, une certaine démission, même une
certaine démobilisation de certains professionnels de la santé
qui abandonnent la lutte ou se résignent à une résistance
passive, ce que nous combattons, parce que nous voulons justement motiver nos
médecins, motiver nos professionnels de la santé de façon
à faire en sorte qu'ils aient une attitude positive et que le climat
actuel puisse s'améliorer. C'est pour cela que des commissions de ce
genre sont excellentes: elles permettent d'aérer des difficultés
et des problèmes; elles permettent de chasser de fausses idées,
de fausses opinions, et peut-être d'améliorer le moral et aussi
d'améliorer la satisfaction. Actuellement, je dois le noter, il y a du
mécontentement parmi les professionnels de la santé, parce que
certains, à tort ou à raison, croient que leur liberté de
pratique est atteinte. Ils croient qu'il n'y a pas possibilité de
changer le système actuel, ce qui explique, dans bon nombre de cas, les
nombreux départs de professionnels de la santé au cours des
dernières années. Ces départs, particulièrement, en
1978, deviennent alarmants et j'espère qu'ils vont cesser.
J'espère aussi que le gouvernement va prendre les mesures pour
satisfaire les professionnels de la santé de façon à leur
donner la chance d'exercer leur profession en toute
sérénité et dans l'intérêt de leurs malades.
Si on était témoin d'autres départs massifs comme on l'a
été récemment, dans les dernières années, ce
seraient des saignées et des pertes énormes en capital humain.
Ôr, c'est justement le public qui paie la note de ces départs qui
sont toujours mauvais et qui sont généralement dus...
M. Lazure: Si vous permettez, Dr Roy, j'invoquerais la pertinence
du débat.
M. Roy (Augustin): Justement, il me reste trois lignes... et ces
départs sont justement dûs, en général, à
des...
Mme Lavoie-Roux: Quand cela fait mal.
M. Roy: ... tracasseries administratives. Cela devient
très pertinent, parce qu'on a justement dans le projet de loi, un
contrôle excessif et souvent une bureaucratisation de la profession
à cause de l'ingérence constante de l'Etat et de ses
organismes.
Maintenant, nous allons à tour de rôle faire état de
certains points et, au tout début, nous allons établir d'une
façon générale le rôle des corporations. Le Dr
Lamarche va commencer cet aspect de notre mémoire; par la suite, nous
parlerons des comités de révisions et des autres sujets
pertinents.
M. Lamarche (Pierre-Yves): M. le Président, M. le
ministre, madame, messieurs les députés. Au nom des
représentants des corporations des mé-
decins, des pharmaciens, des optométristes et des dentistes, je
désire vous remercier de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui
d'être entendus devant cette commission. Il peut paraître
surprenant que des représentants de corporations professionnelles
tiennent à s'exprimer sur un projet de loi dont la visée
première était de solutionner un problème de nature
plutôt syndicale. Il est donc important de préciser que le
législateur a profité de cette situation pour inclure dans ce
projet de loi d'autres modifications touchant la Loi de I assurance-maladie. Il
est donc à comprendre que nous sommes ici pour saisir cette commission
de commentaires portant non pas sur l'aspect qui intéresse les
syndicats, mais plutôt sur les dispositions de ce projet de loi qui
portent atteinte directement au mandat social des corporations, notamment par
les modifications qui sont apportées aux comités de
révision.
A ce stade-ci, il est opportun, croyons-nous, d'effleurer la couleur
historique de notre intervention. En 1976, le Dr Gélinas, mandaté
par le gouvernement d'alors, produisait un document ayant pour objet d'amender
la Loi de l'assurance-maladie. C'est alors que les corporations ici
présentes sont sollicitées pour soumettre leurs commentaires au
ministre d'alors sur ce fameux rapport Gélinas. Les corporations
produisaient individuellement des mémoires sur ce sujet. Depuis cette
époque, peu de nouvelles. Récemment, survient le conflit
dentistes-ministère des Affaires sociales et, subséquemment, le
projet de loi 84 renfermant, d'une part, les dispositions en vue de
délier l'impasse et, au surplus, à notre grande surprise, la
presque totalité des recommandations du rapport Gélinas y
apparaissent et, par surcroît, à peu de choses près, aucun
des commentaires émis antérieurement par l'une ou l'autre des
corporations en cause n'était retenu.
M. le Président, afin de démontrer à cette
assemblée la dimension réelle de l'enjeu qui se dispute en ce qui
nous concerne, vous me permettrez de définir très succinctement
ce qu'est une corporation professionnelle, d'où elle prend sa source,
quel est son encadrement légal et quels sont les mécanismes dont
elle dispose pour statuer sur des actes en tant que requis ou non. Nous nous
permettons cette intervention qui, de prime abord, peut paraître une
digression, mais qui débouche directement sur le coeur du sujet.
Pour comprendre le rôle des corporations professionnelles, il faut
faire appel à la notion de responsabilité. Les professionnels ont
deux modes de responsabilité à respecter. Tout d'abord
individuelle, c'est-à-dire de produire des actes ou des soins de
qualité et de procéder à une mise à jour constante
de leurs connaissances. Dans une autre perspective, comme membre d'une
collectivité, le professionnel devient le dépositaire d'un mandat
social plus exigeant. La nature des services qu'il rend, son statut, sa
capacité d'objectivité, son expertise, la contribution de la
population à sa formation, imposent au professionnel une ouverture sur
les dimensions sociales de la collectivité qu'il est appelé
à desservir. Ainsi, les profession- nels, comme groupe, deviennent
dépositaires d'un mandat social à la fois complexe et exigeant.
Ce mandat, globalement, peut se définir ainsi: Assurer à la
population des soins de qualité et en favoriser l'accès à
tous. En pratique, ce mandat comporte de nombreuses facettes dont les plus
importantes sont les suivantes: Commencer, favoriser et implanter des mesures
de prévention.
Vous me permettrez un hors-contexte pour souligner l'effort que le
gouvernement, par le truchement du ministère des Affaires sociales, fait
actuellement pour la promotion de la santé sous ses divers aspects.
J'aimerais faire le même commentaire en ce qui a trait à
l'implantation de la fluoration.
Deuxième mandat, maintenir et améliorer la qualité
de la formation des futurs professionnels, organiser une mise à jour
constante des connaissances professionnelles des professionnels actifs et,
finalement, une obligation négative, mais essentielle s'ajoute à
cette liste, c'est le contrôle de la qualité des actes par,
notamment, l'inspection professionnelle, c'est-à-dire la
vérification statutaire de la compétence de tous les
professionnels, la répression de toute défaillance quant aux abus
dans l'exécution des actes non requis et ce, par le comité
d'éthique et le conseil de discipline. Finalement, la répression
de la pratique illégale. Il est évident que cette nomenclature
n'est pas exhaustive. Pour assumer toutes les dimensions de ce mandat social,
les membres d'une corporation subventionnent un organisme pour agir en leur
nom, c'est la Corporation professionnelle. (21 h 30)
Celle-ci répond, pour les professionnels en cause de ce mandat
à caractère social. La structure opérationnelle des
corporations se situe au niveau d'un bureau formé de professionnels et
où le public est présent. Pour permettre aux corporations
d'assumer leurs responsabilités, le législateur leur a consenti
un cadre légal, c'est-à-dire le Code des professions, qui dicte
des devoirs, des droits et des obligations uniformes et ce code est assorti
d'une loi organique en vue de tenir compte des particularités de chacune
des corporations.
Toute cette structure est orientée vers l'accomplissement des
perspectives sociales d'une profession. Le Code des professions prévoit,
en outre, un organisme extrêmement important qu'on appelle l'Office des
professions. L'Office des professions a pour mandat spécifique, entre
autres, de surveiller les corporations afin de veiller à ce qu'elles
accomplissent convenablement le mandat qui leur est dicté par le Code
des professions. C'est cette structure organisationnelle qui permet à la
corporation de remplir son mandat.
Aujourd'hui, on confère au comité de révision des
pouvoirs d'évaluation à travers un comité de six membres.
Ces pouvoirs sont les mêmes, à certains égards, que ceux
prévus à l'intérieur du Code des professions, et
assumés par des pairs à travers le comité d'inspection
professionnel, le syndic, le comité d'éthique, ainsi que le
comité de discipline avec une possibilité d'appel au niveau du
tribunal des professions. Nous assistons donc
à l'organisation d'une structure parallèle et, à ce
sujet, mes confrères ici présents développeront davantage
cette dimension.
Mesdames, messieurs, la sanction formelle de ce projet de loi, notamment
par l'article 34, qui reconnaît à un comité de
révision formé de six membres, le pouvoir de statuer sur la
qualité des actes professionnels, conteste dans le fond et dans la forme
la structure élaborée par le législateur et contenu dans
le Code des professions. En ce qui a trait au jugement à porter sur un
acte requis ou non, ce jugement devrait être porté par les
comités d'inspection professionnel, les syndics et le comité de
discipline, ainsi que le tribunal des professions en appel.
A toutes fins utiles, on confère à un comité de six
membres les mêmes obligations, pouvoirs et expertises qui sont
déjà exercés avec succès par des structures bien
articulées et implantées au sein des corporations et ce, pour la
protection du public. Dans ce contexte, nous ne pouvons comprendre que l'Office
des professions n'ait pas su convaincre le législateur du danger
évident que pose cette modification du comité de
révision.
Enfin, pourquoi remettre en cause le rôle des corporations dans la
poursuite de certains objectifs, par l'adoption de mesures ne visant que
quelques cas marginaux qui, de toute façon, peuvent être soumis
à des mécanismes de répression bien articulés et
surveillés dans leur opération par l'Office des professions et
qui dispose de l'expertise nécessaire. Je vous remercie.
M. Roy (Augustin): Nous allons continuer sur le rôle du
comité de révision et j'espère que la lumière va se
faire. M. le Président, M. le ministre, Madame, MM. les
députés, mon intervention va se limiter au seul comité de
révision. Le projet de loi 84 modifie de façon fondamentale la
Loi sur lassurance-maladie en étendant la juridiction des comités
de révision de façon à leur permettre de déterminer
si les services fournis étaient requis, du point de vue médical,
optométrique, dentaire et pharmaceutique, selon le cas. Le projet de loi
ne modifie la Loi de l'assurance-maladie en ne liant pas la régie aux
recommandations des comités de révision et surtout en permettant
à la régie de rendre une décision sans tenir compte des
recommandations du comité de révision. Enfin, il le modifie en
permettant à la régie, par l'addition de l'article 18b de
court-circuiter les comités de révision, tels que prévus
à l'article 32 du présent projet de loi.
Ceci dit, avant de pousser plus loin l'étude des amendements,
permettez-moi de revenir sur un des objectifs visés. Un des objectifs
visés par la loi est de mettre sur pied un mécanisme susceptible
de déceler et de réprimer les abus, de contrôler la
surutilisation des services. Le rôle d'un comité de
révision n'est pas d'établir qu'un ou plusieurs actes
posés n'étaient pas médicalement requis,
particulièrement dans le contexte juridique québécois
où il existe un Code des professions adopté par le
législateur, mais le rôle d'un comité de révision
est bien plutôt d'évaluer la fréquence des actes
posés en vue d'une rémunération.
Me Gilles Pépin, dans une opinion juridique émise,
mentionne que les normes médicales étant floues sur la question
de la fréquence des actes posés il suffit de prendre comme
exemple le nombre idéal de visites prénatales ou le nombre de
visites pour une pneumonie, une grippe, un infarctus. On peut en mettre.
Me Pépin disait que les normes médicales étant
floues sur la fréquence des actes posés, il faut qu'un
comité de révision composé de pairs apporte les
interprétations et les précisions nécessaires, mais
toujours en vue de la rémunération.
Les corporations ici présentes ont toujours
préconisé le maintien de deux forums distincts pour
l'évaluation de l'acte médical, optométrique, dentaire ou
pharmaceutique, deux forums sous leur aspect économique et sous leur
aspect professionnel.
L'évaluation du premier aspect, économique, se fait par
rapport à une loi, par rapport à des règlements, par
rapport à une entente négociée entre deux parties, alors
que l'évaluation du second, l'aspect professionnel, se fait par rapport
à des normes et standards d'exercices professionnels
généralement acceptés.
Nous maintenons que les comités de révision prévus
par la Loi de lassurance-maladie, et le comité d'inspection
professionnelle prévu par le Code des professions demeurent, chacun dans
leur domaine respectif, les plus qualifiés pour porter un jugement
éclairé.
Je disais, M. le ministre, que nous maintenons que les comités de
révision, prévus par la Loi de lassurance-maladie et le
comité d'inspection professionnelle, prévu par le Code des
professions, demeurent, dans leur domaine respectif, les organismes les plus
qualifiés pour porter un jugement éclairé.
Après avoir traité de l'objectif, revoyons quelque peu les
difficultés des comités de révision. Le projet de loi
propose de modifier le mandat des comités de révision, alors que
les difficultés auxquelles se sont butés les divers
comités, ne sont pas dues à des causes relatives à ce
mandat. Nous avons maintes fois rappelé le contexte dans lequel ont
évolué les comités de révision et qui les a souvent
immobilisés dans leur action.
Et je me permets de rappeler quelques-unes de ces difficultés,
difficultés qui sont d'ailleurs tirées souvent du texte
commandé par la régie au Dr Gélinas, texte qui a
été fait sans aucune consultation avec les organismes les plus
concernés.
Une première difficulté a résidé dans
l'interprétation légaliste rigoureuse, très rigoureuse,
qui a été faite des textes de loi par les divers contentieux et
qui s'est transposée dans les faits par la crainte des comités de
révision de juger des cas particuliers qui leur étaient soumis,
par rapport à une pratique professionnelle généralement
acceptée et la crainte de prendre des décisions
appropriées, faute de ne pouvoir étoffer ces décisions
selon les règles strictes de la preuve et de la procédure,
advenant un appel devant la Commission des affaires sociales.
Une deuxième difficulté est venue de la
quasi-impossibilité, à la suite d'une étude de profil ou
d'un échantillonnage de données statistiques, d'appliquer, devant
une pratique de production de série, les règles strictes de la
preuve et de la procédure. La grande difficulté ne réside
pas dans l'évaluation de ces cas, mais dans la preuve à
présenter, selon les règles de la preuve et de la
procédure pour soutenir éventuellement devant un tribunal d'appel
la décision prise. Que ce soit sur le plan économique ou sur le
plan professionnel, le problème est le même. L'évaluation
des cas est relativement facile; la preuve à présenter est
difficile.
Dans l'évaluation de la nécessité médicale,
les corporations devront procéder cas par cas, après
enquête et étude des dossiers et des profils. Le comité
d'inspection professionnelle peut évaluer d'une façon globale
quand je parle du comité d'inspection professionnelle, c'est
celui des corporations la valeur d'un exercice professionnel et faire
des recommandations.
Dans quelques rares cas, il peut être relativement facile
d'établir la nécessité médicale des actes, mais ces
quelques cas, on peut les compter sur les doigts d'une main. On peut parler des
plasties, des vibices. On peut parler de la vitamine B12, mais ce sont à
peu près les seuls cas où on peut, à partir de
données, dire que ce n'était pas médicalement requis ou
dire de façon générale que ce n'est pas
médicalement requis. Il est beaucoup plus difficile par d'autres
exemples de déterminer si une visite médicale, une visite
à domicile était nécessaire ou si une visite en cabinet de
consultation était nécessaire. On peut donner de multiples
exemples.
Une troisième difficulté, d'après le rapport
Gélinas, consistait dans l'imprécision des ententes.
Une quatrième était dans l'imprécision des concepts
ou termes utilisés tels que "qualité", "nécessité",
"pertinence", "fréquence", "abusif" et "injustifié". Cette
imprécision est ressortie ce soir. On l'a vue par les discussions.
Une cinquième difficulté a résidé dans
l'inexpérience des membres des comités, qui ont dû
acquérir cette expérience et tracer la voie de ces
comités. On ne peut exiger de professionnels cliniciens la même
expérience que celle des professionnels qui exercent à temps
plein au sein d'un organisme chargé du contrôle économique
ou qualificatif d'une profession.
Malheureusement, M. le ministre, la loi élimine ces
professionnels des comités de révision. Il faut donc s'assurer au
moins de donner aux professionnels cliniciens qui n'ont aucune
expérience dans le domaine un support compétent pour leur
permettre de prendre des décisions fondées sur des études
et des enquêtes valables.
Une sixième difficulté a résidé dans
l'impossibilité légale pour les comités de révision
prévus par la Loi de l'assurance-maladie et les comités
d'inspection professionnelle prévus par le Code des professions
d'établir des communications efficaces et d'échanger des
informations nécessaires pour le bon fonctionnement de chacun de ces
comités.
En 1974, lors de l'adoption du Code des professions, le
législateur a omis de faire le lien entre les deux lois. Loin de
favoriser des échanges entre les deux comités, le Code des
professions les a défendus.
Enfin, on a invoqué les difficultés pour la régie
au lendemain de la création des comités de révision de
s'acquitter de ses responsabilités à leur égard. En fait,
on a pris environ deux ans pour pouvoir fournir des données aux
comités de révision.
Tel que je l'ai dit il y a quelques instants, ces difficultés
n'ont aucunement trait au mandat des comités de révision tel
qu'il est inscrit dans la loi actuelle et en vigueur.
En introduisant la notion de nécessité médicale,
optométrique, dentaire ou pharmaceutique dans la loi, on amplifiera les
difficultés de comités de révision. En effet, il faudra
prévoir des difficultés accrues dans la preuve à
présenter. L'expérience a démontré qu'il
était très difficile de faire la preuve devant un tribunal qu'un
acte n'était pas médicalement requis. Il nous apparaîtrait
encore plus difficile, sur la seule base d'un profil d'exercice, d'affirmer que
des actes n'étaient pas médicalement requis, alors qu'il nous
apparaît relativement facile, sur la base d'un profil, et par
référence à une pratique généralement
acceptée, d'établir que des actes n'étaient pas requis
aussi fréquemment. La nécessité d'un acte médical
ne peut s'interpréter in se sans tenir compte de l'état du
malade, des circonstances de temps et de lieu dans lesquelles il est
posé. (21 h 45)
II faudrait aussi s'entendre si on ajoute le médicalement requis"
dans la loi. Il faudrait aussi s'entendre sur la définition du mot
"requis", au point de vue médical, dentaire, pharmaceutique ou
optométrique. Il faudra déterminer si le mot "requis" signifie un
acte nécessaire, un acte convenable, un acte prescrit ou s'il s'agit
d'un acte posé en fonction des règles de l'art et de la science
et des critères de nécessité de soins par rapport aux
besoins du malade concerné. La nécessité des actes par
rapport aux besoins du malade nous apparaît beaucoup plus importante. Il
faut presque avoir examiné le malade pour déterminer si l'acte
posé était médicalement requis.
A la suite de l'introduction de cette notion de "médicalement
requis" dans le mandat des comités de révision, la discussion
reprendra sur les définitions de fréquence, de qualité, de
quantité, de nécessité et de pertinence. La ronde des
interprétations formulées par les contentieux des
différents organismes et parties en cause reprendra de plus belle et les
comités de révision, replongés dans ce contexte juridique
étroit auquel les membres ne sont pas habitués, risqueront,
encore une fois, d'être immobilisés par la crainte du manque de
preuves à présenter ou la difficulté de les
élaborer.
Ce bref rappel étant fait, je reviens au projet de loi. Le projet
de loi 84 fait en sorte que la juridiction des corporations professionnelles,
en ce qui concerne l'évaluation de la nécessité
médicale, optométrique, dentaire ou pharmaceutique, soit, dans
les faits, transférée directement à la Régie de
l'assurance-maladie. Le projet de loi 84 fait en sorte que les comités
de révision deviennent une simple façade dont l'action pourra en
tout temps être annihilée par la régie qui pourra refuser
la recommandation du comité ou même prendre une décision
contraire à cette recommandation.
D'autre part, l'article 18b, qui apparaît à la page 25 du
présent projet, en plus de renverser le fardeau de la preuve pour le
médecin, le pharmacien, le dentiste ou l'optométriste, permettra
à la régie de court-circuiter les comités de
révision, tel qu'il est prévu par l'article 34 du présent
projet de loi.
La régie, pouvant enquêter sur toute matière de sa
compétence, l'introduction de la notion de "médicalement requis "
dans le mandat du comité de révision entraîne ipso facto
l'élargissement des pouvoirs d'enquête de la régie. La
régie pourra alors faire enquête pour juger de la
nécessité des actes sur le plan médical, sur le plan
pharmaceutique, sur le plan dentaire ou sur le plan optométrique. Comme
c'est la régie qui, après enquête et étude des
dossiers des bénéficiaires, décidera, selon la loi
l'article 32 du présent projet de loi le dit décidera des
cas qui devront être soumis au comité de révision, c'est la
régie qui, en définitive, décidera de la
nécessité des actes dans les quatre professions, soit la
médecine, la pharmacie, l'art dentaire et l'optométrie. Vous
noterez que le pouvoir de consulter les dossiers des
bénéficiaires est donné dans la Loi de la Régie de
l'assurance-maladie et non dans la Loi de l'assurance-maladie.
L'article 18b tel que libellé permettra à la régie,
sur la base d'une enquête et pour des motifs qu'elle ne sera pas tenue de
dévoiler, de refuser de payer pour des services rendus non
conformément à la loi. La régie pourra, par cet article,
refuser de payer des services non requis du point de vue médical,
optométrique, dentaire ou pharmaceutique, ces services n'ayant pas
été rendus conformément à la loi. Cet article 18b,
tel que je l'ai mentionné tout à l'heure, permet ainsi à
la régie, après avoir décidé que les services
n'étaient pas médicalement requis, de court-circuiter des
comités de révision et de refuser de payer.
Il y aura grave danger que les normes et standards d'exercice
professionnel ne soient axés que sur des objectifs d'ordre
économique, compte tenu que l'évaluation de la
nécessité médicale, optométrique, dentaire ou
pharmaceutique des services rendus sera faite par la régie. De plus, la
régie étant un organisme payeur, ce sera la placer dans une
situation de conflit d'intérêts que de lui demander, par le biais
des comités de révision ou directement, de déterminer la
nécessité médicale, optométrique, dentaire ou
pharmaceutique des actes posés.
Ainsi, la régie pourra se permettre de remplir le rôle des
corporations, de remplir le rôle des comités de révision,
de se faire enquêteur, de se faire juge, alors qu'elle est aussi partie.
La loi remet en cause l'existence des comités de révision et des
corporations, du moins, en ce qui concerne les services assurés et en ce
qui concerne la médecine, c'est au moins 99% des actes posés,
sinon plus.
La loi, en fait, permet la mainmise de la régie sur l'aspect
professionnel de quatre professions au Québec, ce qui constitue,
à notre avis, un précédent extrêmement dangereux.
Certains pourront croire que j'en mets plus qu'il n'y en a, mais si vous
analysez le projet de loi, il dit ce qu'il dit et il dit ce que je viens de
dire.
Avant de modifier le mandat des comités de révision qui
ont éprouvé, depuis leur création en 1973, beaucoup de
difficultés à trouver un mode de fonctionnement. Avant
d'accroître les difficultés de fonctionnement, avant de remettre
en cause les structures qui tentent de s'adapter et avant de placer la
régie dans une situation de conflit d'intérêts, avant de
risquer de mettre une mainmise de la part de la régie sur quatre
professions, il nous apparaît important que l'on tente plutôt de
faire la cohérence des textes de loi, de s'entendre sur les objectifs et
de donner aux comités de révision les deux moyens d'action qui
leur manquent, soit la possibilité de prendre des décisions sur
la base d'échantillonnage scientifique, de profil d'exercice, de
statistiques et de moyennes comparatives.
Ceci, on le demande depuis plusieurs années et n'a jamais
été accepté. Le deuxième moyen que l'on demande,
c'est la possibilité, pour le comité de révision, de
recourir au comité d'inspection professionnelle de la corporation
concernée pour faire établir la nécessité
médicale, optométrique, pharmaceutique ou dentaire des actes
posés par un professionnel. Et, bien sûr, il faut la
réciproque, que le comité d'inspection professionnelle puisse
donner la réponse. Actuellement la régie peut communiquer avec la
corporation, fournir des informations, mais pour la corporation, pour le
comité d'inspection professionnelle ou pour le syndic de la corporation,
il est défendu, selon le texte du Code des professions, de fournir la
réponse.
Le projet de loi actuel ne donne rien de ces deux moyens et, pour ces
raisons, les corporations ici présentes recommandent que le mandat des
comités de révision demeure le même qu'actuellement,
c'est-à-dire, celui de la loi en vigueur et que les lois de
l'assurance-maladie et la Code des professions soient amendés pour
permettre aux comités de révision chaque fois que
nécessaire, de s'adresser au comité d'inspection professionnelle
des corporations concernées aux fins d'établir la
nécessité médicale, optométrique, dentaire ou
pharmaceutique des actes posés et permettre au comité
d'inspection professionnelle de fournir aux comités de révision
la réponse appropriée quant aux actes posés et que si ce
mandat des comités de révision n'était pas accepté
et qu'il
devait être modifié pour lui permettre de juger de la
nécessité médicale ou pharmaceutique ou
optométrique ou dentaire des actes posés par les professionnels
et de leur comité avec les normes généralement
acceptées, il faudrait que ce comité devienne un comité de
la corporation, tel que prévu en Ontario et tel que mentionné
plus haut, avec financement par le régime.
Je dois rappeler ici que depuis l'existence des syndicats
professionnels, il s'est établi un consensus à l'effet que toute
question relative à la rémunération des médecins,
pharmaciens, dentistes ou optométristes était la
responsabilité des syndicats professionnels et que toute question
relative à la qualité de l'exercice était la
responsabilité de la corporation.
Dans la mesure du possible, les corporations désirent maintenir
cette position et ne pas s'introduire dans l'évaluation
économique d'une pratique professionnelle.
Dans un mémoire soumis au ministre des Affaires sociales et au
président de la Régie de l'assurance- maladie en janvier 1977,
nous avons insisté sur l'importance que les comités de
révision soient des comités de pairs. Les nominations d'un avocat
et d'un fonctionnaire sur ces comités ne répondent pas aux
critères d'un comité de pairs.
Il est facile pour un tel comité, à notre avis, de retenir
les services d'un avocat et d'un fonctionnaire au besoin. L'avocat pourra alors
beaucoup plus facilement remplir le rôle de conseiller juridique. Il
n'apparaît pas sain qu'un avocat soit membre d'un comité avec
droit de vote et, en même temps, conseiller juridique de ce
comité.
En Ontario, la loi précise qu'aucun membre des comités de
révision ne doit faire partie de la fonction publique. Je veux rappeler
ici aussi la règle sacrée qu'on appelle audi alteram partem. En
plus de renverser le fardeau de la preuve par les articles 18b et 37, la loi
permet et je dis "permet " avec un point d'exclamation à
un professionnel visé par ces articles de se faire entendre devant un
organisme qui ne prend pas de décisions, c'est-à-dire, le
comité de révision.
Nous avons toujours entendu dire que la règle sacrée audi
alternam partem devait permettre à un individu accusé de se faire
entendre devant l'organisme qui prend la décision le concernant. Si la
régie n'est pas liée par la recommandation du comité de
révision tel que le veut le projet de loi, il faudrait que le
professionnel visé puisse se faire entendre devant la régie, et
nous en arrivons à la situation loufoque où un professionnel
devra se faire entendre, sur des problèmes d'ordre professionnel, devant
un organisme qui n'est pas un comité de pairs et qui risque,
malgré tout le respect que nous devons à la régie, de n'y
rien comprendre.
Je veux dire un mot des ententes particulières entre la
régie et un professionnel. La régie négocie, de temps
à autre, des ententes à l'amiable avec des professionnels
participant au régime. Nous ne connaissons pas le nombre de ces ententes
parce que la régie, malgré des demandes formelles écrites
de la part de la Corporation des médecins du Québec et les
autres corporations pourront dire si elles ont fait la même demande
a toujours refusé de dévoiler les ententes et d'en faire
connaître le contenu.
Nous nous opposons à ce genre d'ententes particulières
qui, en plus de constituer une forme de chantage, court-circuitent les
comités de révision et privent les corporations d'information
concernant le comportement de leurs membres et la qualité de leur
exercice professionnel.
De telles ententes, faites en catimini, risquent de laisser sur le
marché du travail des professionnels incompétents.
Un mot du mécanisme d'appel. Nous recommandons que les
décisions du comité soient finales et lient les parties, soit le
médecin concerné, la Régie de l'assurance-maladie, que
toute décision du comité soit transmise à la régie,
au professionnel concerné et à la corporation concernée et
que l'appel ne puisse être interjeté devant la Commission des
affaires sociales que sur le dossier tel que constitué et que la
commission ne puisse se prononcer sur la qualité, la pertinence ou la
nécessité des actes posés. (22 heures)
En conclusion, M. le ministre, croire que les corporations ne livrent
qu'une bataille de juridiction entre elles et la régie, ce serait
restreindre de beaucoup la portée de notre intervention. Nous voulons
insister sur le fait que les deux organismes, régie et corporation, ont
comme objectif la protection du public, l'un en s'assurant comme organisme
payeur que les fonds publics sont utilisés selon la loi et les ententes
et I'autre en s assurant de la qualité des services fournis. J'ai
tenté de démontrer au cours de cet exposé que les
difficultés des comités de révision n avaient pas trait au
mandat, que si nous ajoutons la notion de "médicalement requis" dans la
loi, nous accroîtrons sérieusement les difficultés de
révision, que si nous ajoutons la notion de "médicalement requis'
et que je dis "médicalement" requis, il faut toujours laisser entendre
dentaires, pharmaceutiques et optométriques, que si nous ajoutons la
notion de "médicalement requis " dans la loi, cela équivaut
à la mainmise de la régie sur l'aspect professionnel de quatre
professions.
J'ai tenté de démontrer que les corporations collaboreront
avec les comités de révision si la loi le permet dans les cas
où il faudra déterminer le "médicalement requis".
Tant pour les intérêts du public que pour les
intérêts supérieurs, je dis bien supérieurs, des
professions visées, nous voulons ramener à la raison ceux de nos
membres qui abusent du régime tant sur le plan économique que sur
le plan professionnel. Chacune de nos corporations figure parmi celles qui sont
les mieux organisées et les plus actives. Chacune est à
même de démontrer l'expérience et la compétence de
son personnel sur le plan du contrôle de la qualité des actes. Ces
professionnels d'expérience se retrouvent en plus grand nombre à
I intérieur des corporations qu'à l'intérieur du
ministère des
Affaires sociales et de la régie. Nous sommes peut-être des
corporations en Amérique du Nord elles qui ont le plus
d'expérience dans l'évaluation de la qualité de l'acte. M.
le ministre, nous voulons la collaboration entre la régie et les
corporations de façon que chacune puisse atteindre son objectif. De
grâce, faites que les lois permettent cette collaboration.
M. Décarie:...
M. Décarie (Jean): M. le Président, le syllogisme
du projet de loi 84 nous paraît être le suivant: d'une part,
l'aspect professionnel de l'évaluation des services que rendent les
professionnels affecte directement le paiement et conséquemment concerne
la régie de l'assurance-maladie. D'autre part, les corporations
professionnels s'intéressent à la qualité, la pertinence
et la nécessité des services rendus par les professionnels et n'a
pas à se préoccuper de l'aspect économique. Donc, il faut
que la Régie de l'assurance-maladie ou les comités de
révision s'ingèrent dans l'évaluation professionnelle.
C'est le sens de l'article 32 du projet de loi. Pour nous, le projet de loi 84
ne correspond aucunement à un partage de responsabilités, mais
à un transfert de pouvoirs. C'est l'exercice, par la Régie de
l'assurance-maladie, par les comités de révision, de tous les
pouvoirs de contrôle confiés aux corporations professionnelles par
le Code des professions. En y donnant suite, la Régie de
l'assurance-maladie et les comités de révision accapareraient
à toutes fins utiles les obligations et les responsabilités que
l'Etat avait reconnues aux corporations professionnelles. Le plus grand risque
de ce projet de loi 84 est de voir la qualité des soins sacrifiée
à l'efficacité administrative ainsi qu'à la
rentabilité de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.
Nous sommes d'opinion que l'évaluation de la qualité de soins de
même que le contrôle des normes et activités
professionnelles doivent relever exclusivement des corporations
professionnelles. Tout mécanisme de révision des dossiers
professionnels doit être soumis à l'autorité des
corporations.
Si on fait un parallèle et qu'on regarde la contradiction qui
existe entre, par exemple, l'article 34 et l'article 19a, pour ce faire, d'une
part, on demande à la régie d'énoncer un avis suivant
lequel il y a une fréquence abusive ou injustifiée par l'article
34 et, d'autre part, on lui interdit formellement de déterminer la
fréquence d'un acte susceptible d'être payé, l'article 19a.
L'article 34 actuel, qui permet à la régie de ne pas payer s'il y
a fréquence abusive, oblige la régie à démontrer
que. dans le cas donné, il y a eu effectivement abus. Une preuve
statistique ne serait pas suffisante, le professionnel pourrait faire la preuve
de circonstances expliquant son attitude.
Ce que l'article 19a actuel défend à la régie,
c'est de déterminer dans l'abstrait la fréquence d'un acte
susceptible d'être payé, en mettant en doute la qualité ou
la pertinence de cet acte répétitif. Mais la régie peut
faire sa preuve dans chaque cas particulier en vertu de l'article 34. Le projet
de loi 84 fait appel au même syllogisme que celui que nous avons
démontré lorsqu'il s'agissait de la qualité des actes pour
justifier maintenant l'ingérence de la régie et des
comités de révision dans le champ de juridiction exclusif des
corporations professionnelles.
Pertinence de l'acte, nécessité de l'acte,
compétence et autres notions. Nous désirons rappeler que l'Ordre
des optométristes du Québec a demandé, en 1973, au
ministre, l'assurance, "que les objectifs du comité de révision
seraient strictement d'ordre économique et viseraient à
contrôler uniquement la mauvaise utilisation ou la surutilisation des
services assurés, que le comité de révision ne se
prononcerait pas sur la nécessité professionnelle des services
rendus par les professionnels ".
Aujourd'hui, par le projet de loi 84, on veut augmenter les pouvoirs des
comités de révision, de telle sorte que non seulement ces
derniers puissent se prononcer sur les services qui ne sont pas requis aussi
fréquemment et sur les services dispensés de façon abusive
ou injustifiée, mais également sur l'opportunité de rendre
des services. C'est le sens du "requis au point de vue médical,
optométrique, dentaire ou pharmaceutique".
Sous prétexte que les affaires transmises par la régie au
comité de révision n'étaient pas assez
étoffées dans le passé, le projet de loi 84
réclame, pour la Régie de l'assurance-maladie, le pouvoir
d'enquêter, même sur des matières qui ne sont pas de sa
juridiction, d'établir des normes d'exercice professionnel, de
fréquence et de nécessité, à partir desquelles elle
constituera, à l'aide d'experts, sa preuve qui sera
présentée par la suite au comité de révision. Le
projet de loi 84 se comporte exactement comme si les corporations
professionnelles n'existaient pas.
Bien plus, on place en parallèle la Commission des affaires
sociales, non composée de pairs, tout comme le tribunal des professions,
pour chapeauter un système hors pair; c'est le dédoublement de la
structure à sa limite pour se prononcer sur la qualité des
actes.
Nous sommes d'avis que les changements recommandés par le projet
de loi 84 débordent des objectifs recherchés. Pourquoi avoir
recours au concept de qualité de services en établissant des
présomptions irréfutables de fautes professionnelles et en
dépouillant les organismes autorisés de leur droit de regard,
puisque c'est l'étendue des soins, au plan économique seulement,
que l'on voudrait protéger? Le projet de loi 84 confirme à la
Régie de l'assurance-maladie des pouvoirs exorbitants en matière
d'enquête. Il dénie l'autorité, l'autonomie et le champ de
juridiction exclusif des corporations professionnelles.
L'adoption du projet de loi 84 dans sa forme actuelle impliquerait,
à toutes fins utiles, que les obligations des corporations
professionnelles en matière d'inspection professionnelle et
d'enquête du syndic seraient transférées à la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. De plus, non seulement on
veut établir une règle qui vise la fréquence ou
I abus, mais une règle qui vise la qualité même de I
acte. On en arrivera donc à ce qu'on appelle en droit une
présomption irréfutable, juris et de jure, ces mécanismes
seront introduits pour établir automatiquement
l'irrégularité de l'acte pose, alors que le seul but
recherché est de ne pas payer.
On pourra prétendre par exemple que l'acte n était pas
professionnellement requis, sans avoir à le démontrer dans chaque
cas particulier. Tous les mécanismes des comités de
révision perdront leur sens. On a beau dire que la régie pourra
recourir à un organisme extérieur, demander un avis à la
corporation professionnelle concernée. Ces comités seront
liés par cette preuve automatique et le professionnel n'aura plus le
choix que de s'identifier et d'identifier les paiements qu'il aura
reçus.
En conclusion, nous affirmons, à cause de toutes les observations
que nous avons faites, et plus particulièrement à cause de
l'accroissement du champ de juridiction des comités de révision
et de la Régie de l'assurance-maladie, que cette partie du projet de loi
84 est inacceptable.
Nous croyons important de réaffirmer que la qualité de
l'exercice professionnel est reliée à d'autres facteurs que la
fréquence des actes posés et qu'une haute fréquence ne
correspond pas automatiquement à des services de moindre
qualité.
Nous sommes d'avis que l'accumulation, la comparaison et l'étude
de statistiques, de profils et de moyennes, ne peuvent en aucun cas, remplacer
l'évaluation professionnelle qui doit être effectuée par la
corporation professionnelle.
M. Roy (Augustin): En terminant ce chapitre sur les
comités de révision, je dois dire que nous avons
rencontré, jeudi dernier, le comité exécutif de la
Fédération des médecins spécialistes du Quebec,
à qui nous avons exposé cette prise de position de notre part et
la Fédération des médecins spécialistes s'est dite
d'accord, n'avait pas objection à notre prise de position. Elle s'est
dite prête à ne pas faire de discussion idéologique sur
cette question des comités de révision se ralliant à la
position que nous venons de vous exposer.
Maintenant, quelques brefs commentaires sur d autres sujets qui touchent
le projet de loi, comme la carte d'assurance-maladie. Nous voulons dire que
nous acceptons, comme tout le monde, l'inscription obligatoire des
bénéficiaires. Nous sommes contre l'abus et le gaspillage des
fonds publics, mais nous voulons, encore une fois, comme les autres groupes,
faire état des difficultés que la présentation obligatoire
de cette carte peut comporter, en particulier pour certaines personnes qui
n'ont pas déjà été mentionnées. Nous
comprenons que le ministre est prêt à faire des exceptions. Mais
la semaine dernière, un médecin omnipraticien, par exemple, qui
travaille à Montréal, trois soirs par semaine, dans une
organisation qui s'appelle "La maison du père", qui est
fréquentée par les gens que l'on appelle, en termes ordinaires,
des robineux surtout, pas plus que trois sur douze de ces patients qu'il voyait
tous les soirs, n'avaient une carte d'assurance-maladie. Ils n'en avaient
jamais reçu.
Il faudrait également ce n'est pas un blâme
vis-à-vis de la régie elle-même que la régie
améliore son mécanisme de distribution des cartes. Plusieurs
personnes nous disent n'avoir jamais reçu la carte de la Régie de
l'assurance-maladie, carte qu'elles ont demandée. Je suis en bonne
position pour le dire, parce que, dans ma famille qui compte cinq personnes,
j'ai un enfant qui n'a jamais reçu sa carte d'assurance-maladie. Je ne
l'ai pas redemandée après, pensant que la régie serait
assez intelligente, puisque mon enfant a déjà requis les services
d'un médecin et d'autres professionnels de la santé, de
vérifier qu'il n'avait pas sa carte et qu'il la recevrait, par le fait
même, ce qui n'a jamais été fait.
Il y a aussi le cas des personnes âgées. Un certain nombre
de personnes âgées de 75 ans, de 80 ans, n'ont jamais eu de carte
d'assurance-maladie. Elles ne l'ont pas à cause des procédures
difficiles et bureaucratiques que cela prend pour obtenir cette carte. Souvent,
pour des certificats de naissance, il faut courir à gauche et à
droite. Je me demande à ce moment-là, pourquoi ces personnes qui
reçoivent de la Régie des rentes, des pensions, des prestations
d'autres organisations, pourquoi la Régie de l'assurance-maladie ne
ferait pas articulation, avec ces autres groupes, pour leur émettre une
carte pour diminuer leurs démarches, démarches que ces personnes
ne veulent pas faire, parce qu'elles ne sont pas habituées à la
bureaucratie et ne comprennent pas le genre de système dans lequel on
vit. On a de la misère à le comprendre nous aussi.
Je voudrais faire remarquer également, à I article 8a de
ce projet de loi qui permet au bénéficiaire de confier sa carte
à un établissement et à un établissement, il permet
d'exiger la carte d'un bénéficiaire. Cet article pourrait faire
en sorte qu'un établissement, y inclus les CLSC, qui sont des
établissements en fonction de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux, exigent la carte et la conservent pour la durée
d'un traitement. Le bénéficiaire serait ainsi privé de sa
carte, advenant une urgence, ou qu'il veuille se présenter dans un autre
établissement ou dans une polyclinique, ou dans un cabinet privé.
Je pense qu'il faudrait peut-être vérifier cet article 8a, pour
faire en sorte que la carte ne soit pas confisquée ou gardée trop
longtemps, ce qui empêcherait des gens de pouvoir s'en servir. (22 h
15)
Je vois aussi, à l'article 39, qui amende l'article 52 de la Loi
de l'assurance-maladie, le troisième paragraphe donne l'autorisation
à la régie de divulguer à des organismes du gouvernement
ou à un ministre, selon la réglementation, son fichier des
bénéficiaires. J'espère que la réciproque pourrait
être également vraie de façon que ce fichier des
bénéficiaires soit le plus complet possible et qu'on
vérifie ce que je ne comprends pas avec les bénéficiaires
des allocations familiales, par exemple. Mon garçon reçoit
l'allo-
cation familiale et il n'a pas sa carte. On pourrait peut-être
contrôler cela. Il me semble qu'il doit y en avoir d'autres cas comme le
mien.
Nous pensons qu'évidemment cela pourrait faire en sorte que tous
les gens puissent avoir leur place en diminuant les procédures
bureaucratiques pour se les procurer.
Un mot sur la question des mécanismes disciplinaires. On a fait
allusion, au cours de la journée, à l'article 47 qui amende
l'article 62 de la Loi de l'assurance-maladie qui fait en sorte qu'un
professionnel condamné pour une offense en vertu du Code criminel soit
déclaré non-participant automatiquement par la régie pour
une période de six mois. J'ai bien entendu le président-directeur
général de la régie donner les raisons de l'inclusion de
cet article qui nous apparaît tout à fait exagéré
parce qu'à ce moment-là, il nie le rôle des tribunaux. A
quoi servent les tribunaux si évidemment on croit que leurs
décisions ne sont pas bonnes, si on croit que leurs décisions ne
sont pas justes, parce que les décisions varient d'un cas à un
autre? C'est justement cela le fait des tribunaux, un juge qui est capable de
voir un accusé en face de lui et d'apprécier la nature de la
plainte, la nature de l'accusation et de faire en sorte que sa sentence puisse
varier, même si l'accusation est la même.
Je dois dire ici que tous les médecins, en particulier ceux qui
ont fait l'objet de poursuites en vertu du Code criminel et dont les cas nous
ont été référés par la Régie de
l'assurance-maladie, ont été traduits devant notre conseil de
discipline. C'est difficile de satisfaire tout le monde. De temps en temps, on
trouve que notre comité n'est pas assez sévère. D'autres
fois, on trouve qu'il est trop sévère, parce qu'il radie
quelqu'un de façon permanente, mais il faut dire qu'aussi le
comité de discipline entend le médecin et entend le professionnel
de la santé et est capable d'apprécier la nature de l'acte qu'il
a posé et peut aussi, dans sa sentence, tenir compte des
antécédents de ce médecin ou de ce professionnel de la
santé.
Par exemple, quelqu'un qui est accusé d'avoir fraudé la
régie pour une somme de $1800 c'est un cas que je vois est
radié pour deux mois. Il y en a un autre qui a aussi fraudé pour
$1808 mais qui est mort avant que son cas passe devant le comité de
discipline. Evidemment, il faut aussi dire que, dans des cas semblables, si la
sentence apparaît légère, si la sentence est une amende ou
si elle est un jour de prison ou un jour de prison deux ou trois fins de
semaine de suite, elle tient compte souvent de l'état de santé
lamentable de certains de ces professionnels de la santé. Je dois le
dire, parce que je regarde les noms ici et je vois deux de ces médecins
qui décédés récemment étaient de
véritables loques humaines rendus à ce stade de leur vie. Ces
choses ne devraient pas se reproduire, mais, malheureusement, elles
existent.
Nous avons également un médecin que nous avons
radié d'une façon permanente de la régie pour une fraude
de $1136. C'est là que le tribunal des professions a ramené notre
sentence à cinq ans de suspension. Pourquoi avait-il été
radié d'une façon permanente? Parce que c'était la
troisième fois qu'il passait devant le comité de discipline de
notre corporation. Il faut tenir compte de cela. Nous avons des dossiers sur
chacun des professionnels. C'est clair qu'un médecin qui récidive
d'une façon semblable peut encourir une pénalité plus
grave. C'est pourquoi la sentence. automatique de six mois ou d'un an nous
apparaît injuste et arbitraire.
M. Denault (Michel): Ce que je veux ajouter là-dessus, M.
le ministre, c'est que le Dr Laberge a mentionné tout à l'heure
que les sanctions étaient dérisoires devant les tribunaux d'ordre
pénal, mais il faut dire que les accusations ne sont pas pour des
fraudes de 150 000. Les accusations c'étaient des accusations d'avoir
fraudé la régie pour $1800, $964, $7000, $1136. Il y en a une de
$125 000, mais son auteur a été radié à vie.
Si vous poursuivez les professionnels pour un montant de $1800, c'est
bien sûr que c'est parce qu'il faut, devant un tribunal pénal, y
aller cas par cas et montrer que tel service pour tel malade a
été frauduleusement réclamé.
C'est la même chose quand on vous dit que, pour la
nécessité médicale, il faut y aller cas par cas. Devant
notre comité de discipline ou devant nos comités, il faut
démontrer que tel acte n'était pas médicalement requis. On
en démontre une douzaine et on dit que les autres sont pareils. Vous
autres, vous faites la même chose devant le tribunal pénal. Vous
dites: Un cas, deux cas, trois cas, et vous en démontrez 24 ou 50, je ne
sais pas, mais vous dites: Les autres font la même chose. Pour le juge
qui regarde, l'accusation est d'avoir volé $1800 et non $125 000. C'est
pour cela que les amendes, les sanctions sont moins sévères que
vous ne l'espériez.
M. Roy (Augustin): II faut aussi tenir compte du fait que ces
médecins sont condamnés à rembourser également ou
ont déjà remboursé la régie. D'autre part,
évidemment, il serait peut-être illogique de les condamner
à des suspensions trop longues, parce qu'on les empêche de gagner
leur vie, de gagner de l'argent pour rembourser la régie. Cela peut
peut-être...
M. Lazure: Dr Roy, vous dites que ces gens-là sont dans un
état de santé lamentable. Vous ne pensez pas que, six mois, cela
leur donnerait le temps de se remettre.
M. Roy (Augustin): Ils ont même le temps de mourir. Ce sont
justement des gens que nous ne voulons pas garder, mais lorsque nous
connaissons leur cas, nous pouvons leur faire subir des examens
médicaux. Dans ces cas, c'étaient des narcomanes. Il y en avait
justement un de Québec.
Un autre article sur lequel j'attire votre attention, c'est l'article 18
de la loi, un article qui a été touché, mais pas sur
l'aspect que je voulais apporter à votre attention dans le cours de la
journée. C'est au sujet du fait que l'article 18 stipule qu'un
professionnel de la santé n'a le droit
d'être rémunéré par la régie que pour
un service assuré qu'il a fourni lui-même. Ici, nous devons
rappeler les commentaires que nous avons déjà formulés
à l'égard de cet article qui, loin de faciliter le travail
d'équipe, ne le favorise absolument pas. Les lois actuelles ne sont
axées que sur l'exercice individuel des professions, alors que la
tendance est assurément à l'exercice en groupe. La loi, en plus,
ne favorise pas la délégation des actes prévus par le Code
des professions, ce qui est permis aux pharmaciens dans cet article 18
nous sommes heureux que ce soit permis aux pharmaciens devrait
être également permis aux médecins, aux dentistes et aux
optométristes, quitte à négocier un tarif différent
pour ces actes ou à négocier une composante technique lorsque ces
actes sont faits par un professionnel de la santé autre que le
médecin ou l'optométriste ou le pharmacien ou le dentiste
lui-même. Autrement, on force ces gens à poser des actes que
d'autres personnes pourraient poser aussi bien qu'eux. Je pense que les
fédérations pourraient négocier des ententes à cet
effet.
Nous voulons seulement dire un mot, évidemment, au sujet du
fardeau de la preuve qui a été touché longuement
aujourd'hui. Nous ne croyons pas qu'il soit juste, qu'il soit équitable
d'avoir deux sortes de justice, une pour les citoyens en général
et une autre pour les médecins. C'est pour cela que nous nous opposons
totalement à ce que le fardeau de la preuve soit contre les
professionnels de la santé, en général. Dans la
société, il y a des lois qui donnent le fardeau de la preuve
à celui qui poursuit, et, dans des cas particuliers, à
l'opposé. Nous croyons que les lois, soit du Code criminel, soit en
matière civile devraient toujours prévaloir, même dans un
régime d'assurance-maladie. Je fais aussi allusion aux articles 18b et
37 de la Loi de l'assurance-maladie, en disant en plus qu'il ne nous
apparaît jamais acceptable de se faire justice soi-même et que nous
ne voyons pas pourquoi la régie pourrait se compenser avant que
l'accusé, le professionnel en cause, n'ait été
trouvé coupable. Il serait évidemment facile pour nous aussi de
penser que nous sommes volés par nos ministères du Revenu, par
exemple, et de nous compenser en ne payant pas notre impôt ou en refusant
de payer une certaine partie de notre impôt. On sait facilement ce qui
pourrait nous arriver. Je pense qu'on ne doit jamais se faire justice
soi-même et que la régie devrait être soumise aux
mêmes lois que toutes les organisations normales.
Nous voulons aussi attirer l'attention une minute sur les tracasseries
administratives exagérées de certaines parties de cette loi comme
par exemple, la signature des relevés d'honoraires par le professionnel
lui-même. Je pense qu'on doit présumer de la bonne foi des
professionnels. C'est une perte de temps que de les forcer à signer
chacun de leurs relevés d'honoraires, ne serait-ce que les signer en
masse ou en liasse le soir, ils ne les regarderont pas plus. Je pense qu'il y a
moyen d'organiser leur temps de meilleure façon.
En ce qui concerne l'article 65 sur les primes d'encouragement, je pense
qu'il y a probablement eu une petite erreur de rédaction. On dit dans
cet article que le jury peut procéder à un examen des
professionnels qui demandent des primes, pour déterminer l'aptitude des
postulants à remplir leur engagement. Je présume que c'est tout
simplement pour savoir si le postulant est capable d aller travailler dans le
Nord, est capable de sexiler dans des endroits isolés. Je pense qu'il
faudrait peut-être en clarifier la teneur, de façon à ne
pas laisser entendre qu'il s'agit là d'examens professionnels, d'examens
médicaux que, on le pense, on ne devrait pas faire subir de nouveau
à nos professionnels.
Il y a aussi, à l'article 42d, une définition de
l'établissement universitaire. Cela nous apparaît , redondant
puisque l'établissement universitaire apparaît bien décrit
à l'article 88 de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux.
La loi nous apparaît également discriminatoire en ce qui
concerne les délais de prescription qui varient selon les professionnels
de la santé ou selon les bénéficiaires. Ils varient
également pour la régie qui n'a aucun délai. Les amendes
varient également selon que l'on est bénéficiaire ou que
I'on est professionnel de la santé. Et enfin, la question du secret
professionnel. Nous croyons que l'article 38, auquel nous nous sommes
déjà opposés lorsqu'il avait été inscrit
dans la Loi de l'assurance-maladie, est dangereux. Il est encore plus dangereux
parce qu'on ajoute aujourd'hui, à l'alinéa b ou au paragraphe b,
la nature des services qui sont fournis à la personne. Ces genres
d'informations qui sont distribuées dans les familles, dans les foyers,
peuvent souvent créer des conflits entre conjoints ou entre parents et
enfants qui auraient consulté un médecin ou un professionnel
à l'insu l'un de l'autre. Cela se note particulièrement à
l'égard des mineurs. Nous croyons qu'il faut être
extrêmement prudent dans l'information qui doit être donnée
aux gens qui ont vu des professionnels au cours de l'année.
Evidemment, si l'on vise un objectif politique, lenvoi de telles
informations ne nous paraît pas acceptable. Si l'on tente par ce moyen
d'ajouter un mécanisme de contrôle, nous croyons que celui-ci,
additionné aux vérifications périodiques par voie de
sondage, ne nous apparaît pas nécessaire. A propos de sondage,
nous voudrions que cet article 38, en ce qui concerne le sondage, soit
également amélioré, en spécifiant que les sondages
doivent être faits par voie écrite s'ils doivent être faits.
Qu'on ne commence pas à faire des sondages par téléphone,
ce qui pourrait être le cas si on laisse l'article tel que
libellé. Je pense qu'il faudrait peut-être resserrer cet article
et s'assurer que les sondages sont faits par la voie du courrier
confidentiel.
Finalement, en ce qui concerne les dossiers médicaux, nous ne
voyons absolument pas la pertinence de l'article 56 de ce projet de loi qui
amende l'article 18b non pas de la Loi de l'assurance-maladie, mais de la Loi
de la régie de l'assurance-maladie et qui donne à la régie
l'autorisation de prendre connaissance du dossier médical d'un
bénéficiaire dans un établissement. Nous
ne voyons pas pourquoi la régie a besoin du dossier
médical. Peut-être parce qu'elle voulait établir le
médicalement requis dont on a parlé tout à l'heure et,
à ce moment-là, il faut qu'elle se substitue aux corporations
pour établir la qualité des actes. Si ce n'est pas cela, la
régie n'a pas besoin de cela, d'autant plus que l'article 41a a
été amendé pour permettre à la régie
d'avoir, en plus des renseignements, les documents pour apprécier les
relevés d'honoraires et nous avons actuellement, à l'article 41,
amélioré ou amendé l'article 55 de la Loi de
l'assurance-maladie pour permettre à la régie d'avoir, en plus
des renseignements, les documents, ce qu'elle ne pouvait pas avoir avant, pour
apprécier les relevés d'honoraires. Ce qui peut être
acceptable lorsque la régie peut vérifier pour voir un protocole
anesthésique, un protocole opératoire, elle a actuellement, dans
l'article 55, cet instrument qui est le document et qui n'est pas, par
ailleurs, le dossier médical. Nous nous opposons à ce que la
régie puisse avoir accès à ce dossier médical parce
que ce n'est justement pas son rôle d'évaluer la qualité
des actes.
M. Lapierre: Ici, M. le ministre, concernant les dossiers
médicaux, vous notez que l'article 56 qui permet à la
régie, qui amende la loi de la régie et qui donne la
possibilité de consulter des dossiers médicaux... Nos conseillers
juridiques, là-dessus, nous disent qu'il est peut-être possible
que le lien qui devrait se faire avec les informations qui doivent être
gardées confidentielles en vertu de la Loi de l'assurance-maladie
n'existe pas entre cet article et l'autre qui est dans la loi. On ne voit pas
pourquoi on met cet article dans une loi alors qu'on met les obligations
à la confidentialité dans l'autre loi. (22 h 30)
M. Denault: Nous reconnaissons que la Régie de
l'assurance-maladie a la responsabilité d'examiner si les services
payés sont des services assurés, c'est-à-dire qu'ils sont
déterminés par règlement, qu'ils sont rendus, qu'ils sont
fournis conformément aux dispositions des ententes.
Le législateur doit admettre que la Régie de
l'assurance-maladie, à titre d'agent payeur, n'est concernée
directement que par l'aspect économique de la rémunération
des services professionnels. Le législateur doit admettre de plus que
les corporations professionnelles ont la responsabilité directe de la
qualité de l'acte professionnel. Par l'établissement d'un pouvoir
parallèle, contradictoire, nous prétendons que c'est la
négation des responsabilités des corporations professionnelles
concernées en matière de protection du public.
D'ailleurs, nous, l'Ordre des optométristes, nous sommes
posé des questions à savoir si la Régie de
l'assurance-maladie du Québec ferait mieux que les corporations
professionnelles pour protéger le public.
M. Roy (Augustin): Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Lazure: Je remercie les porte-parole des quatre ordres. Je
reconnais la verve habituelle de mon président-directeur
général. Je reconnais aussi que dans son emportement verbal
surtout et cela se pardonne mieux quand c'est verbal il y ait
certaines exagérations et certaines inexactitudes, mais quand c'est par
écrit, cela devient un peu plus sérieux et je me
réfère au télégramme qui a été
signé par les quatre porte-parole des ordres qui m'a été
envoyé.
Je tiens pour acquis que les corporations professionnelles ont comme
mandat principal, sinon unique, de voir à la protection du public. Quand
je vois dans le télégramme du groupe des remarques comme
celles-ci, j'en cite quelques-unes: "La loi impose aux professionnels
visés un surcroît de travail bureaucratique". Je pose la question:
En quoi cela concerne-t-il la qualité des soins et le bien public?
Deuxièmement, "... la loi impose l'exercice individuel des
professions alors que l'exercice en équipe est aujourd'hui la
règle générale". Je lis bien "... la loi impose l'exercice
individuel..." Je pense qu'il y a vraiment un abus de langage,
particulièrement flagrant.
Je vais essayer d'être bref, de m'en tenir au principal plaidoyer,
à savoir celui qui touche les comités de révision, mais
avant, très rapidement, je veux répondre aux remarques du
président de la Corporation des médecins.
Il a cru bon de féliciter la Fédération des
omnipraticiens de participer, mais là où je ne le suis plus,
c'est qu'il laisse entendre que la Fédération des médecins
spécialistes est un peu moins persona grata auprès de lui et de
sa corporation parce qu'elle a choisi une autre voie. Or, à titre de
membre en règle de la Corporation des médecins, je m'insurge
contre une telle remarque qui porte à discriminer un peu les
médecins spécialistes.
Essentiellement, le plaidoyer que nous avons entendu tantôt sur
les comités de révision vise à démontrer que la
régie et on a même parlé de mainmise tantôt,
mainmise, Dr Lapierre, mainmise de la régie sur les professionnels...
Encore une fois, on confond comité de révision et régie.
C'est dommage qu'on continue à confondre les deux.
M. Lapierre: On ne les confond pas, M. le ministre.
M. Lazure: Vous répondrez tantôt, si vous voulez.
J'étais en train de dire que cette confusion discrédite
jusqu'à un certain point les comités de révision. Ni la
régie, ni les comités de révision, ni le ministre des
Affaires sociales n'ont l'intention de changer l'article 19a de la loi qui dit:
"Rien dans la présente loi, ni dans une entente, n'autorise la
régie à refuser de payer le coût de services assurés
pour le motif qu'elle met en doute la qualité d'un acte pour lequel il
est demandé paiement.
Je pense qu'on défonce des portes ouvertes quand on dit que la
régie ou les comités de révision veulent accaparer le
droit de juger de la qualité des actes. Il n'y a personne qui conteste
que c'est là le rôle des corporations professionnelles. Vous
pouvez alléguer que l'expression
"médicalement non requis" équivaut à une
appréciation. Nous ne sommes pas d'accord avec votre
interprétation. D'autres ne sont pas d'accord non plus, et je cite: Les
comités de révision ont été institués... Je
cite un texte de la Fédération des médecins
spécialistes: "Les comités de révision ont
été institués pour que les profils de pratique
professionnelle soient analysés par un groupe d'experts
indépendants. A moins de remettre en cause, l'existence même de
ces comités, leur rapport doit lier tant la régie que le
personnel de la santé en cause sauf leur droit d'appel respectif. Jamais
notre fédération n'a eu le moindre commentaire défavorable
sur le travail du comité de révision des médecins
spécialistes".
Nous avons convenu je l'ai dit à plusieurs reprises, je
l'ai répété et je l'ai dit aux médecins
spécialistes, pas mercredi dernier, samedi dernier, je le
répète encore une fois que dans les cas
hypothétiques où la régie n'accepterait pas la
recommandation du comité de révision, le fardeau de la preuve
incomberait à la régie à ce moment-là et il n'y
aurait pas compensation automatique avant que la régie ait fait la
preuve.
Parce qu'on a dit tantôt, je pense que c'est le Dr Lapierre aussi,
que le comité de révision devenait une façade. Alors, ce
fameux fardeau de la preuve, je le répète encore une fois, autant
pour l'article 18 que pour l'autre article, 35 ou 39, je ne sais plus, pour les
deux articles, nous rétablissons ce que j'appelais ce matin le
mécanisme habituel de la règle. Concernant les ententes
spéciales dont vous avez parlé tantôt, nous n'avons pas
d'objection que la régie fournisse à la corporation
professionnelle en cause, mais à la condition que le professionnel en
question donne son autorisation par écrit. Je pense que ce serait
normal, autrement il pourrait y avoir un bris de confidentialité dans
cette entente particulière.
Cependant, M. le Président, quand on s'insurge contre le
délai de prescription, contre la signature du relevé
d'honoraires, contre le fardeau de la preuve, sur tous ces points-là, je
me demande vraiment et je suis sérieux, si les corporations
professionnelles qui sont ici ce soir sont vraiment strictement axées
sur la protection du bien public ou si elle ne sont pas aussi, dans une bonne
mesure, préoccupées par la protection de leurs membres, ce qui
n'est pas tout à fait dans leur mandat. Je répète que nous
n'avons pas l'intention de faire jouer aux comités de révision le
rôle que les corporations professionnelles doivent jouer. Le
"médicalement non requis ", c'est une expression qui avait
été suggérée par le comité de
révision de la Fédération des médecins
spécialistes, la Fédération des médecins
spécialistes nous réitère qu'elle est d'accord sur cette
expression. Vous représentez, que je sache, autant les médecins
spécialistes que les médecins omnipraticiens et je vous pose la
question: Pourquoi prenez-vous partie pour un groupement plutôt qu'un
autre, surtout quand il s'agit de deux groupements syndicaux?
M. Roy (Augustin): Je pense que c'est le temps de répondre
au ministre avant qu'il n'aille trop loin. Je sais que le Dr Lapierre est
impatient également de répondre. Je dois vous dire
évidemment que moi aussi je suis spécialiste, mais je n'ai pas de
dette envers personne, pas d'entente cachée avec personne et que la
position...
M. Lazure: Moi non plus je n'ai pas de... M. le Président,
je pense que vraiment là, Dr Roy, vous êtes de mauvaise foi en
insinuant de telles choses. Cela peut faire rire la galerie, mais si vous
êtes ici pour faire rire la galerie, moi je ne suis pas ici pour faire
rire la galerie!
M. Roy (Augustin): Non, pas du tout je n'ai...
M. Lazure: Laissez-moi finir, je ne vous ai pas interrompu.
M. Roy (Augustin): Non, vous venez de m interrompre.
M. Lazure: Non, je ne vous ai pas interrompu. Je n'ai de dette
envers personne.
M. Roy (Augustin): Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Lazure: Et ce gouvernement-ci, en particulier, n'a de dette
envers personne.
M. Roy (Augustin): Je n'ai pas insinué que vous aviez des
dettes envers personne, j'ai dit que moi je n'en avais pas et que je n'avais
pas d'entente cachée. Cela ne veut pas dire que vous en avez.
Interprétez-le comme vous voulez. De toute façon, je dois vous
dire que c'est malheureux que la Fédération des
spécialistes ne soit pas ici, parce qu'elle aurait pu dire sa version
des choses. Parce que j'ai dit tout à l'heure que nous l'avions
recontrée jeudi et qu'elle était d'accord sur la position que
nous avons énoncée aujourd'hui. Je dois dire qu'on ne
défend pas les membres quand on vient ici, les fédérations
et les associations sont capables de le faire très bien. On
défend le public, parce qu'on veut que la pratique de la profession, la
pratique de la médecine soit la meilleure possible. Quand on impose des
surcroîts de travail à nos membres, des tracasseries
administratives, des embêtements constants, à ce moment-là,
évidemment, on risque de diminuer leur moral, leur sens du
dévouement et de diminuer la qualité des actes et des soins
qu'ils peuvent poser, parce qu'ils sont trop pris par la bureaucratie.
Evidemment, on dit dans notre télégramme que la loi impose
aux professionnels un surcroît de travail je suis d'accord, qu'elle
impose également la pratique, l'exercice individuel des professions,
alors que l'exercice en équipe est aujourd'hui la règle
générale. Je ne vois rien d'exagéré
là-dedans et c'est justement ce que j'ai tenté de
démontrer en disant que le mot lui-même, en forçant les
professionnels à poser leurs actes, ça devient
exagéré dans le contexte actuel, où on veut
déléguer les actes, on veut une pratique de la médecine en
équipe. Si on demande ça, c'est justement pour améliorer
la pratique des professions, dans l'intérêt du public, pas pour
nos membres.
J'ai dit que nos fédérations, nos organismes
représentatifs des professionnels négocieront des ententes en
fonction des lois qui seront adoptées par le gouvernement, par le
législateur.
M. Lazure: M. le Président, si vous permettez, je peux
reprendre le fil de ma...
M. Roy (Augustin): J'ai une autre réponse à faire
à ce que vous avez dit tout à l'heure.
M. Lazure: Si vous permettez, je vais finir mon intervention.
M. Roy (Augustin): Vous m'avez accusé tout à
l'heure de prendre parti pour une fédération...
M. Lazure: Je ne vous ai accusé de rien.
M. Roy (Augustin): ... plutôt que par une autre. J'ai dit
que je félicitais la Fédération des omnipraticiens, je le
répète, les autres associations d'avoir eu le courage, d'avoir
pris leur fin de semaine pour se présenter ici et éclairer
l'opinion publique, éclairer l'opposition, qui va être en
meilleure posture pour discuter de ce projet de loi en deuxième lecture
et en troisième lecture. L'autre fédération a
adopté une stratégie différente, j'ai dit que
c'était son droit, mais que c'est mieux et que j'apprécie
personnellement, le travail fait aujourd'hui par un autre groupe, parce
qu'à ce moment-là, les partis d'Opposition n'auraient pas eu
l'éclairage, qui a été donné aujourd'hui ni le
public.
M. Lazure: M. le Président, je termine avec une
dernière remarque, concernant les comités de révision. Je
pense que le reste est relativement mineur, surtout si on considère
l'essence même de vos deux exposés qui portaient sur les
comités de révision. Je m'en tiens à ça pour le
moment et, justement, je cite, à même le communiqué de
presse publié aujourd'hui par la Fédération des
médecins spécialistes à Montréal. Moi aussi, je
regrette qu'ils ne soient pas ici aujourd'hui, mais je peux quand même
lire, c'est un document public.
Cela dit, à la page 9, "nous notons que la
référence aux mots, "services non médicalement requis"
dans le mandat de notre comité de révision, nous est apparu
logique puisque ces mots sont en concordance parfaite avec la définition
législative de l'expression "services assurés",
c'est-à-dire les services qui sont rendus par les médecins et qui
sont requis du point de vue médical. Notre fédération
n'entend pas conduire un débat idéologique sur le libellé
du mandat des comités de révision. Elle exige cependant que ce
mandat soit formulé en termes clairs pour lui permettre d'assumer
efficacement la politique d'autodiscipline à laquelle se sont
unanimement engagées ces associations affiliées."
M. le Président, je pense que le moins qu'on puisse dire, pour un
observateur qui veut être neutre dans ça, c'est qu'il y a, de la
part des deux gouvernements importants de médecins, spécialistes
et omnipraticiens, divergence d'opinion quant à cette expression, "non
médicalement requis", d'une part. D'autre part, je pense que le moins
qu'on puisse dire, c'est qu'il y a une bonne partie de vos membres, presque la
moitié, tous les spécialistes, qui n'ont pas de problèmes
vis-à-vis de cette expression et qui n'identifient pas les mots, "non
médicalement requis" avec une appréciation de la qualité
des services. (22 h 45)
M. Roy (Augustin): M. le ministre, plutôt que de dire que
les absents ont toujours tort, il faudrait dire que les absents ont toujours
raison.
M. Lazure: J'ai cité le texte.
M. Roy (Augustin): Depuis que j'assiste à cette commission
parlementaire que je vois la Fédération des spécialistes
venir à la table et, d'après tous les groupements qui sont ici
et vous pouvez les compter il y en a un qui n'a pas le pas, ou il
n'y en a qu'un qui a le pas. Un des deux.
M. Lazure: II y a l'Association des conseils de médecins
et dentistes, il y a la Fédération des médecins
résidents et internes.
M. Roy (Augustin): Vous dites que nous prenons position contre
les médecins spécialistes. Je dois dire que la position aux
comités de révision, M. le ministre, je ne l'ai pas
inventée en fin de semaine. Elle était déjà
écrite à la corporation, bien avant que vous décidiez
qu'il y avait une commission parlementaire.
Quand vous dites que nous confondons les comités de
révision et la régie, je ne les confonds pas. Mon texte
était suffisamment clair, il me semble. Il faudrait quasiment que je le
reprenne. Mais il me semble que le comité de révision est
créé par la Loi de l'assurance-maladie, comme le comité de
discipline de la corporation est créé par le Code des
professions. Vous allez vous-même dire que le comité de discipline
est un comité de la corporation. Je vais vous dire la même chose.
Ce n'est pas un comité de la corporation, c'est un comité qui est
indépendant, comme le comité de révision est un
comité autonome indépendant. Il est dans la Loi de
l'assurance-maladie, comme le comité de discipline est dans la Loi
médicale ou dans le Code des professions.
En fait, tout ce que j'ai dit ce soir ou tout ce que nous avons
mentionné dans le mémoire, nous l'avons pris dans le projet de
loi. On ne l'a pas inventé. Tout ce qu'on a dit est écrit dedans.
Et je vous défie de reprendre mon texte et de dire que ce n'est pas
vrai. C'est marqué dedans.
M. Lazure: J'aurais une remarque très bienveillante pour
le président de ma corporation. S'il était assez aimable de faire
parvenir l'inscription à la régie de son fils qui ne l'est
pas...
M. Roy (Augustin): La régie l'a déjà
reçue.
M. Lazure: Je te demande d'en envoyer une autre, pour être
bien sûr qu'elle est allée à la bonne place.
M. Roy (Augustin): C'est toujours à nous autres à
courir après vous autres!
M. Lazure: C'est-à-dire que la régie n'inscrit pas
le monde.
M. Gagnon: ... les gens à l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lazure: Je pense que ce n'est pas une farce. Ce sont les gens
qui s'inscrivent, ce n'est pas la régie qui les inscrit. Ce sont les
gens qui s'inscrivent. Je vous demanderais de faire la démarche et de
regarder le temps que cela prend pour avoir une carte.
En même temps, peut-être que je ferais un commentaire sur
les tracasseries administratives, et le surcroît de travail
bureaucratique qu'on retrouve dans vos commentaires. C'est une des mes
préoccupations depuis que je suis à la régie, celle
d'essayer de couper cela, de supprimer cela. Je vous ai dit qu'on a la
même demande de paiement que celle qu'il y avait en 1970. On avait, en
1975 il y a certains médecins dans la salle qui vont se le
rappeler inauguré une formule qui s'appelait REI, qui
était une immense formule à faire remplir par les
médecins. Il y avait des carreaux rouges, jaunes et bleus. La formule et
l'appareil qui servait à la formule sont entre les deux ponts de
Québec, dans le fond du fleuve. On ne les a jamais utilisés,
parce que je trouvais que c'était demander un travail absolument inutile
aux professionnels, alors que la régie pouvait se contenter du
relevé d'honoraires.
J'ai pris mes informations à l'heure du souper, parce que je vous
ai dit que 99% des demandes de paiement sont payées entre 11 et 28
jours. Et on m'a appris que les demandes de paiement au-delà de six
mois, on n'en a pas pour les pharmaciens et pour les optométristes; pour
les dentistes et pour les médecins omnipraticiens, environ 3000; pour
les médecins spécialistes, environ 30 000 dont 20 000 seraient
des actes non négociés. Les comptes ne traînent pas
à la régie pendant deux ans, trois ans, quatre ans.
Il y a une précision pour les recours, à l'article 18b.
Les conseillers juridiques, non seulement n'auraient aucune objection, mais ils
seraient prêts à mettre que le délai de compensation soit
limité à 36 mois, comme le Dr Roy l'a soulevé
tantôt.
Il y a peut-être un autre petit mot que je voudrais dire
rapidement sur la transmission d'informations à la corporation. Il y a,
dans l'article 52 de la loi, quelque chose qui est assez clair. On n'interdit
pas de révéler des renseignements obtenus pour l'exécution
de la présente loi au bureau de la corporation des différentes
corporations.
Je n'hésite jamais, quand il y a un dossier anormal qui va au
comité de révision ou encore qui va en cour, à envoyer le
dossier au complet à la corporation. Je l'ai toujours fait. Je me
rappelle, même une année, avoir envoyé le dossier des
médecins dont les revenus étaient supérieurs à $200
000. Ce que cela a donné, je ne le sais pas, mais l'un deux a fait $615
000, l'année suivante. C'était, en passant, un physiatre.
M. Roy (Augustin): Nous avons investigué, mais, dans
plusieurs cas, ce sont des pratiques de groupes. Il y a des chiffres qui ne
veulent rien dire. Mais on ne blâme pas la régie.
M. Lazure: Non.
M. Roy (Augustin): On trouve que la régie fait bien son
travail, peut-être qu'elle le fait trop bien. Justement, ce sont des
suggestions. Il faut quand même que l'on n'alourdisse pas indûment
le travail des médecins comme par la signature de relevés
d'honoraires. C'est nouveau. On trouve qu'elle fait bien son travail en
général, mais elle fait quand même...
M. Lazure: On a expliqué pourquoi cet après-midi on
voulait avoir cela.
M. Roy (Augustin): On ne blâme pas la régie sur ce
qu'elle fait.
M. Lazure: Ce que je voulais dire, c'est qu'il y a des dossiers
réglés. Tantôt, quelqu'un a parlé de cela. Cela
arrive. En fait, le nombre de fois, c'est arrivé 99 fois en deux ans
qu'on a rencontré un professionnel de la santé qui nous a dit: Je
m excuse, je ne pensais pas du tout que c'était cela. Je n'avais pas lu
le préambule comme il faut. Je n'avais pas lu la définition de
l'examen. Quelle est la différence entre ce que je vous ai
facturé et ce que vous m'avez payé? On établissait une
différence et, au lieu de l'amener en cour pour fraude, au lieu de
l'amener au comité de révision pour des services faussement
décrits en fait, c'était cela ces cas-là
étaient réglés en général par le chef du
service des enquêtes, entérinés par le directeur du
contrôle et du recouvrement.
Ce que j'ai fait, dans 100% des cas, cela a été de mettre
en bas: D'accord. Le professionnel proposait un remboursement de $10 000, de
$15 000 ou de $20 000. Le montant total pour les 99 est d'environ $1 996
000.
Les cas où cela se présentait fréquemment,
c'était chez les médecins en particulier dans des
spécialités, comme l'ophtalmologie ou l'oto-rhino qui nous
facturaient soit des consultations majeures ou des examens complets majeurs; un
examen complet majeur j'oublie tout ce qui précède et ce
qui suit est un examen détaillé, complet portant sur tous
les systèmes et régions. Entre nous, si une patiente ou un
patient allait voir l'ophtalmologiste et qu'on lui dirait: Voulez-vous vous
déshabiller, s'il vous plaît, il ouvrirait les yeux bien grands.
On n'a jamais fait enlever la cravate.
Chez un oto-rhino-laryngologiste, c'est la même chose. Là,
l'oto-rhino ou l'ophtalmo disait: Je pensais que c'était cela un examen
complet ma-
jeur. Je l'ai examiné. Cela m'a pris tant de temps et je pensais
que cela répondait à cela. On dit: Non, lisez la
définition, cela ne répond pas à cela. L'alternative c'est
quoi? Le poursuivre en cour ou, si réellement on jugeait qu'il
était de bonne foi et qu'il était prêt à rembourser,
on prenait le remboursement.
Vous m'avez posé une question. Je n'ai aucune espèce
d'objection de vous envoyer les noms, à une condition, seulement une,
c'est que le professionnel y consente. Parce que je regarde, dans vos
documents, vous dites: La régie veut lire ouvertement dans la vie
privée du bénéficiaire. Je ne voudrais pas vous faire lire
"dans la vie privée des médecins", s'ils ne le veulent pas.
J'aimerais avoir le consentement du médecin. Si le médecin me
dit: Je n'ai aucune objection. Je suis prêt, à partir de demain,
chaque fois qu'on aura un cas semblable, de le faire parvenir à la
corporation professionnelle concernée, mais encore une fois, à
condition que le médecin consente.
Pour aller dans la confidentialité, j'ai beau dire, et il me
semble que cela se comprend bien, que ce à quoi la régie a droit,
ce sont les seuls renseignements et documents dont on a besoin pour
apprécier un relevé d'honoraires, une demande de paiement.
Tantôt, le Dr Lapierre s'est érigé avec force contre
l'article 56. Cet après-midi, concernant l'article 56 de la page 55, on
a dit que celui-là est mis pour aller dans les établissements.
J'ai donné des exemples dans les établissements. Je peux les
répéter, si vous voulez. Il s'agit de la copie de tout document
et on est prêt à ajouter "pertinent à l'appréciation
des relevés d'honoraires". Encore une fois, si on reçoit un
compte d'anesthésie de $400 c'est arrivé pour des
varices, et $600 pour le chirurgien pour des varices, on aimerait voir le
protocole opératoire. On a vu trois hernies étranglées par
le même chirurgien d'un hôpital. On aurait aimé voir le
rapport anatomo-pathologique. On sait que une hernie étranglée,
cela paie plus que pas étranglée, mais en tout cas, on aurait
aimé le voir. On demande seulement cela. A 900 000 demandes de paiements
par semaine, ce n'est pas le temps de faire cela bien souvent. La
fréquence où on demande un document pertinent à
l'appréciation d'un relevé d'honoraires, j'ai demandé aux
affaires médicales hier, cela se situe à peu près à
quelques demandes par mois, trois, quatre ou cinq demandes par mois qu'on peut
faire pour essayer d'avoir un document qui va nous permettre... Cela, c'est un
document dans un établissement.
Dans un établissement. La Loi sur les services de santé et
les services sociaux, que vous avez citée tantôt, dit à
l'article 7 c'est clair, c'est comme de l'eau de roche pour nous autres
ceci: "Sont confidentiels les dossiers médicaux des patients dans
un établissement". Est-ce clair? On dit: "Nul ne peut en donner ou
prendre communication, même aux fins d'une enquête, si ce n'est
avec l'autorisation expresse ou implicite du patient, ou encore sur l'ordre
d'un tribunal". Nous autres, on dit: La régie, avec l'autorisation du
bénéficiaire ou de la Cour supérieure je ne me
rappelle pas lequel d'un bénéficiaire au sens de la Loi
sur les services de santé et les services sociaux peut prendre
connaissance de son dossier médical dans un établissement. Alors,
on demande le consentement. A défaut, avec une autorisation de la Cour
supérieure. C'est le mot à mot de l'article 7. C'est écrit
au bout du tribunal: Ou dans les autres cas précis par la loi. Encore
là, je me cache en arrière du comité de législation
qui dit: Au lieu de le prendre là, mettez-le donc clairement dans votre
loi, mais mettez la même chose. On a pris exactement ce qui est dans
l'article 7 de la Loi sur les services de santé et services sociaux. On
le met là, mais on avait oublié d'ajouter: Documents pertinents
à l'appréciation des relevés d'honoraires.
Maintenant, en parlant de confidentialité et je voudrais
finir avec cela je me suis permis de regarder ce que quelques compagnies
d'assurances demandent comme renseignements ou comme autorisation. Je vais vous
en lire une, la fin d'une autre, et une troisième. "J'autorise par les
présentes tout médecin, praticien, hôpital, clinique ou
autre établissement médical ou rattaché à la
médecine, toute compagnie d'assurances, le "Medical Information Bureau"
ou autre organisme c'est effrayant, cela peut être un club de
hockey institution ou personnes détenant des dossiers ou des
renseignements sur moi-même ou mon état de santé à
transmettre ces renseignements à la compagnie X." Je vais faire mon
commentaire à la fin. Il y en a une deuxième. Je lis seulement la
dernière phrase: "La présente autorisation valant
également pour toute autre période postérieure à la
date de la signature du présent document". J'ai trouvé cela
épouvantable, mais je n'étais pas au bout de mes surprises. J'en
ai trouvé une dernière: "J'autorise par les présentes tout
médecin ou autre personne qui m'a traité ou examiné, ou a
traité ou examiné un des membres de ma famille, à donner
à la compagnie d'assurances Y en tout temps tout renseignement qu'il
pourrait avoir sur ma santé ou mon histoire médicale ou sur celle
d'un des membres de ma famille". Là, je vous demanderais, en tant que
corporation professionnelle: Etes-vous capable et vous voulez
protéger le public de supprimer ces choses?
M. Roy (Augustin): On va vous répondre.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! Mme le
député de L'Acadie. Vous aurez probablement l'occasion d'y
répondre, à moins qu'elle n'accepte.
M. Roy (Augustin): Non, mais quand même!
Le Président (M. Jolivet): Je comprends, M. Roy, mais
c'est parce que si madame...
Mme Lavoie-Roux: Ecoutez, je ne veux pas lui enlever... On vient
de lui faire une série de remarques. S'il veut répondre, je
parlerai après, certainement.
Le Président (M. Jolivet): Si vous êtes d'accord,
c'était votre consentement que je voulais avoir pour ne pas être
accusé de ne pas vous donner la parole.
M. Roy (Augustin): Non, ce n'est pas parce que certains
organismes utilisent des formules outrancières et des pratiques
exagérées que la régie se doit de les limiter...
D'ailleurs...
M. Lazure: Pas du tout.
M. Roy (Augustin): Non, c'est justement ce qu'on ne veut pas que
vous fassiez. D'ailleurs, le Dr Lapierre va expliciter. Ce dont vous avez
besoin et vous le dites vous-même c'est de certains
documents pour apaiser les relevés d'honoraires, pas des dossiers
médicaux. A ce moment, révisez votre article 56, parce qu'il dit
que vous pouvez prendre connaissance du dossier médical d'un individu.
Vous n'avez pas besoin de dossier médical. Vous avez peut-être
besoin de certains documents dans le dossier médical. A ce moment,
restreignez l'article à "certains documents pertinents au relevé
d'honoraires dans le dossier médical".
M. Lazure: Excellente remarque, je vous remercie, c'est ce qu'on
va faire.
M. Lapierre: M. le ministre, j'ai eu l'occasion, à un
colloque où vous étiez, de donner une conférence sur le
secret professionnel et l'informatique. Vous aviez dit, à ce moment, que
vous pensiez à l'élaboration d'une loi-cadre qui régirait
tous les faits que le Dr Martin Laberge vient de mentionner. Pour l'information
de tous, pour vous montrer jusqu'où le secret professionnel est
respecté en ce qui concerne les compagnies d'assurances, il existe
et c'est une citation que j'ai tirée d'un document du
gouvernement fédéral à Boston, une association qui
s'appelle le "Medical Information Bureau" qui groupe 700 compagnies
d'assurances, dont 80 canadiennes. Le seul rôle de cet organisme est de
fournir à toute compagnie d'assurances les informations qu'un malade ou
un assuré n'aurait pas données à sa compagnie en demandant
une assurance. (23 heures)
Si en fait, on tient, malgré tout, au secret professionnel, ce
n'est pas parce qu'on met en doute les règles de la régie qui
respectent le secret professionnel parce qu'on n'a jamais eu une plainte
concernant la régie où il y aurait eu un secret qui serait sorti
mais il reste que, chaque fois que nous voyons un article qui permet
à d'autres organismes de prendre connaissance des dossiers
médicaux quand ce n'est pas nécessaire, nous nous opposons
à de tels articles.
M. Roy: Nous avons demandé au gouvernement actuel et
à l'ancien gouvernement de faire un projet de loi-cadre sur la
confidentialité des dossiers. Cela avait été
accepté par l'ancien gouvernement. Lorsqu'on a discuté avec un
autre minis- tère, je ne me souviens plus lequel on nous a promis
qu'une autre loi-cadre serait présentée sur le secret
professionnel, surtout en ce qui concerne toutes les données qui sont
recueillies dans les divers ministères et qui portent atteinte à
la vie privée des gens. Je pense que c'est le temps qu'on ait une
loi-cadre sur le secret professionnel et sur la confidentialité des
données que toutes sortes d'organismes gouvernementaux
possèdent.
M. Lazure: Vous avez absolument raison et ce que j'ai dit il y a
quelque temps, Dr Lapierre, je le répète, il y a des gens qui y
travaillent actuellement au gouvernement. Vous comprendrez que c'est un projet
de loi extrêmement complexe à fabriquer, et je vous invite
à nous fournir un mémoire technique concernant toute cette
question qu'on débat actuellement. Je soulignerais, en terminant, que,
sur au-delà de $45 millions de réclamations par année, on
n'a pas à se plaindre, à ma connaissance, que des secrets
professionnels coulent ou donnent lieu à des fuites à la
régie. Je pense qu'on doit se réjouir qu'il y ait eu de ce
côté une attitude très correcte et prudente.
M. Roy: On est content de la collaboration qu'on a toujours eue
avec la régie. Tout ce que l'on veut, c'est que cela continue; on ne
voudrait pas évidemment qu'il y ait, dans le projet de loi actuel, des
accrocs à la confiance qui a toujours régné depuis le
début.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Là, je ne donne plus de consentement. Je
veux d'abord remercier les ordres professionnels qui sont venus faire leurs
représentations. Je ne leur en fais pas reproche, mais j'aurais
souhaité, compte tenu de toute l'argumentation qui a été
développée en particulier par M. Lapierre, qu'on ait eu des
copies, cela aurait été extrêmement utile pour suivre toute
votre argumentation, qui était extrêmement intéressante et
dont il a fallu quand même retenir uniquement les principaux
éléments.
Je voudrais d'abord vous dire que je trouve un peu surprenant que le
ministre réponde quand même à des questions
sérieuses que vous avez posées sur le recoupement qui existe
entre trois instances, soit le comité de révision, les
corporations professionnelles et la régie, et possiblement les pouvoirs
qu'à l'avenir elle s'arrogera. Je pense qu'il y avait des questions
sérieuses. Il demeure une confusion. Comme je le disais à ceux
qui vous ont précédés, je pense qu'à la commission
parlementaire qui étudiera la loi article par article, nous allons
essayer d'approfondir ce problème.
Quand le ministre au moins trois fois sans exagérer
dit: Vous confondez le comité de révision avec la régie,
je pense que, justement, vous ne voulez pas qu'il y ait de confusion entre les
deux. Or, si le projet de loi 84 procède, est maintenu tel qu'il est
libellé dans le moment, pour
que la régie exerce un pouvoir de décision, à ce
moment, je pense qu'il y aura confusion entre les deux, parce que, d'une
certaine façon, la régie s'appropriera les pouvoirs qui
étaient jusqu'à ce moment, dévolus au comité de
révision et c'est justement ce que vous voulez éviter.
J'ajouterais également que, lorsque le ministre vous dit: J'ai
l'impression que vous vous occupez peut-être plus de vos membres que de
la qualité des soins. Cela m'apparaît comme une affirmation
gratuite, tant que cela n'est pas prouvé. Je pense que ce que vous
craignez, c'est que la régie s'approprie un pouvoir de décision
en dépit des avis du comité de révision, pouvoir de
décision, par exemple, qui pourrait porter sur les actes qui sont
"médicalement requis ou non requis" et qu'à ce moment, il y ait
peut-être un jugement professionnel qui touche la qualité des
actes qui sera porté. Je pense que c'est quand même une
préoccupation que vous avez et qui touche vraiment à la
qualité des soins.
Je veux également vous remercier d'être venus en commission
parlementaire. Le ministre se réfugie toujours derrière l'opinion
des médecins spécialistes, contre qui je n'ai rien, au contraire,
j'aurai peut-être besoin d'eux demain, mais je pense que l'attitude du
ministre dans tout ce débat, comme d'ailleurs dans le débat sur
la loi 103 qui aura lieu, c'est de procéder en catimini. C'est tellement
vrai que je sais que, demain, par exemple, il reçoit une entrevue
privée des groupes qui ont demandé d'être reçus
officiellement en commission parlementaire. Je ne sais pas si...
M. Alfred: ...
Mme Lavoie-Roux: Ils représentent des associations, M. le
député de Papineau. Alors, avant de parler à travers votre
chapeau, allez donc aux sources!
M. Alfred: ... je n'en ai pas!
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, je n'invente rien puisqu'à
deux reprises je l'ai signalé ce matin dans le mémoire,
enfin dans la présentation du ministre s'il ne veut pas l'appeler un
mémoire ce sont des félicitations aux gens qui
procèdent par des voies que le ministre approuve, soit par rencontre
privée à son bureau ou autrement, alors je pense qu'il est
important que, dans des projets de loi qui ont une portée sur l'ensemble
de la population, on devrait être prêt et disponible à faire
le débat en séance publique. D'ailleurs, plusieurs ont
signalé l'ouverture du ministre ou c'est peut-être le ministre qui
a fait part de son ouverture à l'ouverture de la commission
parlementaire, mais c'est assez intéressant de voir qu'au lieu de: "Nous
recevons aujourd'hui en commission parlementaire des gens qui ont fait la
demande d'être entendus", il écrit: C'est à cause de
l'opposition de certains groupes que nous nous retrouvons aujourd'hui ici en
commission parlementaire.
Je trouve que c'est assez négatif comme approche et c'est
exactement ce qu'il y a dans le mémoire. Evidemment, je ne voudrais pas
reprendre des points que vous avez soulevés sur le fardeau de la preuve.
Je pense que c'est juste quand vous dites que c'est toujours à celui qui
porte l'accusation qu'incombe la responsabilité de faire la preuve et
non pas l'inverse, comme il est prévu dans le projet de loi.
Vous avez mentionné j'espère que ceci est couvert
et que je ne le sais pas quand vous avez fait référence
aux sondages, qu'ils pourraient porter sur des mineurs et il y a quand
même là une nécessité de s'assurer que, dans la loi,
ces derniers seront protégés.
La seule question que je voudrais vous poser est la suivante. Lorsque
vous avez parlé des trois, disons que je les appelle des instances, le
comité de révision, le comité d'inspection professionnelle
et la régie, je pense que vous avez signalé assez bien, au plan
économique, le conflit d'intérêts dans lequel pourrait se
retrouver la régie qui exercerait un pouvoir de décision
finale.
Vous ai-je bien compris quand vous avez dit... Il m'est apparu qu'il y
avait peut-être, je ne sais pas si le terme "opposition" est juste, entre
le rôle joué par un comité de révision au plan
professionnel et le rôle que joue le comité d'inspection
professionnelle au plan professionnel. J'ai cru comprendre qu'il y avait
peut-être un chevauchement de l'un sur l'autre. Pourriez-vous donner plus
de détails là-dessus?
M. Lapierre: II y aura chevauchement si le comité de
révision a à décider si les actes sont médicalement
requis ou non plutôt que de déterminer si les actes sont
posés de façon trop fréquente.
Il y a une différence entre la nécessité
médicale et la fréquence de l'acte. Un acte peut être
posé de façon répétitive et c'est la
répétition qui n'est pas bonne. C'est sur cette notion de
fréquence que des comités de révision devraient avoir
à juger, indépendamment de la qualité de l'acte,
indépendamment de la nécessité de l'acte et, si le
comité de révision a des doutes sur la qualité ou a des
doutes sur la nécessité de l'acte, il peut s'en
référer au comité d'inspection professionnelle qui va
évaluer la pratique de l'individu en question et va déterminer si
les actes étaient médicalement requis ou pas.
Même le comité d'inspection n'aura pas la tâche
facile à déterminer si les actes étaient
médicalement requis ou pas, parce que je reviens sur ce que j'ai dit. Si
on introduit cette notion de médicalement requis dans la loi, on
amplifie les problèmes plutôt que de les diminuer. J'ai
tenté de démontrer au cours de mon exposé que les
problèmes n'étaient pas dans le mandat et la loi modifie le
mandat pour solutionner les problèmes et ce n'est pas là que sont
les problèmes.
Mme Lavoie-Roux: Mais d'après vous, le comité de
révision, à ce moment-ci, si j'ai bien compris, n'est pas
suffisamment outillé ou n'a pas les outils requis pour...
M. Lapierre: Le comité de révision n'a pas les
outils nécessaires et c'est ce qu'on refuse de mettre dans la
loi. Je ne blâme pas les personnes ici présentes ou le ministre de
le refuser. Je pense que c'est le système juridique qui fait qu'on ne
peut pas l'introduire dans la loi. Il faudrait introduire dans la loi que le
comité de révision peut prendre une décision sur la base
d'un échantillonnage, sur la base d'un profil par comparaison à
une pratique générale, une pratique médicale ou
pharmaceutique ou autre, mais généralement acceptée. C'est
cela qu'il faudrait inscrire dans la loi, mais il n'y a personne qui veut
prendre la chance de l'inscrire dans la loi pour donner le moyen au
comité de révision d'agir.
M. Lazure: M. le Président, si vous permettez, juste une
remarque là-dessus.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Lazure: A la page 37 de notre projet de loi, l'article 34 qui
amende 36, premier paragraphe, on dit: Le comité de révision
peut, avant de faire ses recommandations, demander un avis à la
corporation professionnelle concernée. Il y a cette possibilité
d'un avis sollicité à chaque corporation professionnelle.
J'ajouterais, si vous le permettez, pour le député de L'Acadie,
que dans la loi actuelle, l'article 37 donne déjà à la
régie le pouvoir de décider, selon une loi qui n'a pas
été proposée par notre gouvernement, mais l'article 37
dit: La régie peut accepter la recommandation du comité de
révision et elle doit alors s'y conformer. Mais quand une loi dit: on
peut accepter, cela veut dire implicitement qu'elle peut refuser aussi. Donc,
cela lui donne le pouvoir de décision. Je pense, M. le Président,
que c'est enfoncer une porte ouverte que de prétendre que notre projet
de loi introduit un nouveau droit à la régie. Il n'introduit pas
un nouveau droit. Il existe déjà.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, M. le Président, est-ce
que le paragraphe 3, justement, de l'ancien article 35...
M. Lazure: 37.
Mme Lavoie-Roux: ... ou plutôt 37 ne dit pas que dans le
cas où il refuse de se conformer à la recommandation du
comité de révision, il doit aller en appel auprès de la
commission des affaires sociales.
M. Lazure: Oui.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est cela qui va continuer de
s'appliquer?
M. Lazure: On l'a dit plusieurs fois aujourd'hui. C'est maintenu
pour les deux comités. Si la régie hypothétiquement
n'acceptait pas la recommandation du comité de révision, elle ne
pourrait pas procéder à se compenser elle-même, elle
devrait aller en appel et elle aurait le fardeau de la preuve en appel.
Contrairement, si le profession- nel conteste une décision de la
régie qui est conforme à la recommandation...
Mme Lavoie-Roux: C'est le professionnel qui doit aller en appel
et non pas la régie.
M. Lazure: J'explique les deux. Les deux possibilités sont
là. Si la régie suit la recommandation du comité de
révision et que le professionnel se sent lésé, qu'il veut
aller en appel, à ce moment-là, il a le fardeau de la preuve.
Cependant, si la régie ne suivait pas la recommandation du comité
de révision et qu'elle voulait aller en appel, elle aurait le fardeau de
la preuve et elle ne pourrait pas se compenser avant que la cause ait
été entendue.
M. Forget: Mais si elle ne veut pas accepter la décision,
si elle ne veut pas aller en appel.
Mme Lavoie-Roux: Aller en appel...
M. Forget: Là, il y a une situation nouvelle.
M. Lazure: Non, mais l'appelant va y aller à ce
moment-là. Le professionnel va y aller forcément.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais c'est quand même
différent par rapport à l'ancienne rédaction. Dans
l'ancienne rédaction la régie pouvait... Non?
M. Forget: Selon l'ancienne rédaction, la régie a
deux choix. Le droit d'accepter la décision ou d'aller en appel.
M. Roy (Augustin): L'appelant peut aller en appel, mais il a le
fardeau de la preuve. La régie ne peut pas aller en appel. D'ailleurs,
la régie ne saurait pas aller en appel, c'est elle qui
décide.
M. Forget: A l'heure actuelle elle devrait avoir trois choix.
M. Lazure: Si la formulation n'est pas assez claire à ce
point de vue, sur le fond en fin de compte, dans une discussion comme celle
qu'on a en commission parlementaire, ce qui importe, c'est le fond, je pense
que sur le fond, on l'a dit assez de fois aujourd'hui, on va prévoir,
dans une formulation plus claire que si la régie ne suit pas la
recommandation et interjette appel, elle aura le fardeau de la preuve, appel
provoqué par l'appelant, de toute évidence. (23 h 15)
Si la régie prend une décision qui est non conforme
à la recommandation et que cela va à l'encontre des
intérêts de l'appelant, du professionnel, le professionnel ira en
appel et, à ce moment-là, c'est la régie qui aura le
fardeau de la preuve.
M. Roy (Augustin): Mais pourquoi...
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, c'est peut-être par
distraction, M. le ministre, c'est quand
même un peu tard. Vous avez dit: La régie, à ce
moment-là, devra faire la preuve. Dans l'article 35: "II incombe
à l'appelant de prouver que la décision de la régie est
mal fondée."
M. Lazure: On a dit ce matin qu'on était prêt
à modifier cela.
Mme Lavoie-Roux: Ah! vous étiez prêt à
modifier cela?
M. Lazure: Oui, on l'a dit à quelques reprises
aujourd'hui.
Mme Lavoie-Roux: II y a une dernière question que je
voudrais poser. Vous avez fait allusion tout à l'heure au fait qu'il
existait un manque de communication possible entre le comité
d'inspection professionnelle et le comité de révision, c'est une
chose qui ne vous était pas possible à cause d'une certaine
disposition ou d'une non-disposition ou d'une absence de disposition dans le
Code des professions. Pourriez-vous expliquer, si c'est vraiment important que
cette communication puisse s'établir là, où ceci pourrait
s'inscrire comme amendement?
M. Roy (Augustin): Oui, d'ailleurs, c'est important, parce que
l'article 36, comme le ministre vient de le mentionner, stipule que le
comité de révision peut demander un avis à la corporation,
mais la corporation , justement à cause des dispositions du Code des
professions pour ce qui concerne l'inspection professionnelle, est liée
au secret et ne peut pas transmettre l'avis.
M. Lapierre: Voyez-vous, le Code des professions...
Mme Lavoie-Roux: Je saisis bien.
M. Lapierre: En fait, ce n'est pas la régie que nous
accusons de ne pas transmettre les informations. Le Dr Laberge a semblé
prendre l'accusation pour lui tout à l'heure. On n'a jamais
mentionné cela, pour ce qui nous concerne du moins. La régie ne
refuse pas de nous fournir des informations. La régie peut nous
écrire, peut nous demander, à propos d'un individu X, la
décision du comité d'inspection à la suite de
l'évaluation de la pratique de cet individu, mais le Code des
professions dit: Chaque enquêteur ou membre du comité prête
le serment ou fait l'affirmation solennelle contenue à l'annexe 2. Nous
allons à l'annexe 2 et l'annexe 2 dit: Je jure que je ne
révélerai et ne ferai connaître, sans y être
autorisé par la loi, quoi que ce soit dont j'aurai eu connaissance dans
l'exercice de ma charge. C'est ce que j'ai mentionné tout à
l'heure. En 1974, quand on a adopté le Code des professions, on a
oublié de faire le lien entre le Code et la Loi de l'assurance-maladie,
pour permettre de meilleurs échanges entre les deux organismes.
M. Roy (Augustin): Nous serions intéressés à
ce que ce soit amendé, pour nous permettre de prendre action contre des
professionnels qui exagèrent ou qui abusent. Quand on le sait, on le
fait, mais, évidemment, c'est une infime minorité et on ne peut
pas tout deviner, tout savoir. On pense que, quand même, la pratique
professionnelle se fait très bien, mais, évidemment, il y a des
cas où on exagère et on voudrait le savoir.
A l'heure actuelle, ce qu'on dit, c'est que le mandat du comité
de révision est correct dans la loi actuelle. Si cela n'a pas
fonctionné dans certains cas, c'est parce que c'est une question
d'hommes qui ont mal interprété la loi, qui ont eu peur de courir
des risques, parce qu'ils n'avaient pas l'immunité. On leur donne
l'immunité. Si on avait procédé comme on a fait avec
l'assistance médicale... C'est quand même un régime qui a
eu quatre ans, de 1966 à 1970, qui a réglé une foule de
cas. A ma connaissance, il y en a un seul qui est allé en appel. Je
pense qu'à ce moment-là, les décisions se prenaient
rapidement. Je me souviens qu'au comité, il y avait le Dr Hamel, le Dr
Robillard, le Dr Lizotte, il y avait un avocat, Me Morency, il y avait cinq
personnes qui prenaient des décisions, qui faisaient venir le
professionnel et qui décidaient, à la valeur des informations qui
étaient données, si c'était justifié ou abusif.
Prenons, par exemple, le cas d'un médecin qui,
généralement, dans tous les cas de grippe, demanderait dix
visites, ferait venir son patient ou irait voir son patient dix fois dans
chaque cas de grippe. Tous les médecins raisonnables, de bonne foi,
agissant comme de bons médecins, seront d'accord pour dire: A prime
abord, c'est abusif. Cela peut être justifié dans un cas en
particulier. C'est au médecin, à ce moment-là, à le
justifier. Mais, si c'est la règle générale, on dit:
Ecoutez, cela n'a pas de sens, le genre de pratique que vous faites. Ce sont
des traitements, des visites injustifiés. On vous paie pour deux visites
par malade ou pour une visite par malade. Le reste, on ne le paie pas.
Le comité de révision doit avoir des sanctions
économiques seulement et ne jamais toucher en quoi que ce soit à
la qualité des actes, ni à l'interprétation du
"médicalement requis" ou du "médicalement nécessaire",
parce qu'à ce moment, il faut déterminer cela, acte par acte, et
vous ne pourrez jamais le faire, à moins d'avoir vu le patient au moment
où il était malade.
M. Lapierre: M. le ministre disait tout à l'heure que les
comités de révision ou le comité de révision des
médecins spécialistes avait demandé que les mots
"médicalement requis" soient inscrits dans la loi. Je me rappelle avoir
eu l'occasion, à deux ou trois reprises, et dont au moins une en
présence du président de l'office dans le temps, qui était
Me Dussault, de rencontrer les comités de révision et de discuter
avec eux. Je me rappelle bien que celui des omnipraticiens, en particulier,
aurait voulu nous faire dire que certains actes n'étaient pas
médicalement requis, mais qu'il n'était pas possible pour nous de
le dire. C'est peut-être pour cette raison qu'on veut l'avoir dans la
loi.
M. Roy (Augustin): La seule fois que nous avons dit à la
régie qu'un acte n'était pas médicalement requis,
c'était dans le cas des injections d'hormones gonadotrophin chorionique
pour le traitement de l'obésité. La régie nous l'a
demandé d'une façon spécifique, nous avons répondu
qu'il n'y avait pas de base scientifique pour l'utilisation de ce traitement.
Sur la foi de notre avis, la régie a décidé d'exclure ce
genre de traitement, comme étant un "acte assuré".
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Seulement un dernier mot sur le problème
de la confidentialité que vous avez soulevé. Là aussi, je
pense que nous allons nous assurer que c'est vraiment couvert, et même si
cela existait dans la loi actuelle, je pense que s'il y a de la place pour
l'amélioration, on devrait le faire. Quant à votre recommandation
qu'il y ait une loi-cadre touchant toute l'information qui existe à
l'intérieur des différents ministères, peut-être que
la suggestion que vous venez de faire sera retenue. Je dois vous dire que
déjà, à l'étude des crédits du
ministère des Communications en 1977, j'ai posé la question au
ministre d'Etat au développement culturel, qui m'assurait qu'on y
travaillait. J'ai posé à nouveau la question de 1978, et
là, c'était devenu un peu difficile. Peut-être qu'il faut
attendre après le référendum et qu'on l'aura. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Bien brièvement, parce qu'à mesure que
l'heure avance, nos lumières baissent.
Le Président (M. Jolivet): Encore?
M. Grenier: Encore ce soir. C'est un peu ainsi toutes les nuits,
je peux vous dire cela.
Dr Roy, le ministre vous disait tout à l'heure qu'il avait de la
difficulté à comprendre que vous étiez pris entre la
protection... Vous deviez être là pour protéger le citoyen
d'abord avant de protéger les professionnels. C'est toujours
compliqué un peu et vous avez largement répondu en disant: Quand
les professionnels sont heureux, on a des chances que les citoyens soient
heureux. On fait face au même problème quand on interroge le
ministre. Il a parfois de la difficulté à trouver la
différence entre son ministère et son parti.
M. Roy (Augustin): Je pourrais dire aux politiciens que je n'ai
pas tellement besoin de me préoccuper actuellement de plaire à
mes commettants, parce que je viens d'être élu pour quatre ans.
J'ai quatre ans devant moi.
M. Grenier: Votre mandat.
M. Lazure: Si vous me permettez, le député de
Mégantic-Compton va me permettre une petite note
légère.
M. Grenier: Sûrement.
M. Lazure: Un gros titre dans les journaux, je l'ai gardé,
mais je ne l'ai pas ici: "Les médecins du Québec sont les plus
heureux au Canada", une enquête sérieuse et par écrit,
conduite, vous le savez Dr Roy, par le Collège de pratique
générale du Canada...
M. Roy (Augustin): C'est tellement...
Mme Lavoie-Roux: ... que vous êtes heureux.
M. Grenier: Je suis heureux d'entendre dire cela par le ministre,
parce que si on n'avait pas eu ces rencontres qu'on a provoquées...
M. Roy (Augustin): II faut peut-être se méfier
beaucoup des manchettes de journaux.
M. Lapierre: Est-ce qu'à partir d'une telle manchette, il
faut rendre les gens malheureux?
M. Grenier: C'est cela.
Mme Lavoie-Roux: Combien y en a-t-il qui sont...
M. Grenier: C'est cela que j'aurais craint, M. le ministre. S'il
n'y avait pas eu ces rencontres aujourd'hui, il y en aurait eu un bon groupe
qui serait reparti insatisfait.
Mme Lavoie-Roux: Combien y en a-t-il qui ont quitté le
Québec, on nous en a parlé?
Le Président (M. Jolivet): Je reviens au ministre.
M. Lazure: De toute façon, c'est le public qui vous
intéresse, ce ne sont pas les médecins.
M. Grenier: Oui, cela veut dire... Parmi les médecins qui
sont ici, heureux, Dr Roy, vous pourriez peut-être nous donner le nombre
de ceux qui ont quitté le Québec depuis quelques années,
depuis 1976, par exemple. Combien y a-t-il de médecins qui ont
quitté le Québec?
Une Voix: II y en a eu beaucoup.
M. Roy (Augustin): J'ai parlé au début du moral des
médecins, évidemment, de l'état, d'attitude, de climat qui
régnait chez la profession médicale et chez nos professionnels de
la santé. Evidemment, il n'y a rien de politique là-dedans. Je ne
voudrais jamais faire de politique. Ce n'est pas la place pour en faire
ici.
M. Grenier: Je ne sais pas.
M. Roy (Augustin): Je dois dire qu'il y a une augmentation
progressive le ministre a les chiffres, d'ailleurs, je les lui ai fait
parvenir il y a une couple de semaines, à sa demande du
départ des médecins vers d'autres provinces ou
d'autres pays. J'espère que ce nombre va diminuer. Ce ne sont pas
seulement des jeunes médecins qui terminent leurs études. Ce ne
sont pas seulement des internes ou des résidents qui étaient
inscrits, qui faisaient du "moonlighting". Ce sont des médecins
complètement établis, très souvent, des experts dans des
techniques très spécialisées,
ultra-spécialisées qui quittent pour toutes sortes de raisons,
surtout en chirurgie, parce qu'ils n'ont pas justement à leur
disposition...
Ce n'est pas un problème québécois, c'est un
problème canadien à cause des déficits budgétaires
dans les hôpitaux, de problèmes de restrictions
budgétaires; ils n'ont pas à leur disposition les salles
d'opération comme ils voudraient les avoir, l'équipement. Il y a
une foule de facteurs qui entrent en considération et qui font qu'un bon
nombre de médecins ont quitté. J'espère que cela va
cesser. Je sais, par ailleurs, qu'un très grand nombre ont dans leur
poche ce que j'appelle une police d'assurance, c'est-à-dire des permis
d'exercice dans d'autres provinces ou dans d'autres pays,
particulièrement les états du Sud des Etats-Unis et qu'ils
pourraient évidemment, partir à n'importe quel moment.
C'est malheureux, évidemment, de voir ces gens nous quitter parce
qu'il y a eu de grands investissements faits dans leur cas. Je pense qu'il
faudrait s'en préoccuper pour amener une bonne répartition
géographique des médecins et faire en sorte que nos
médecins restent ici parce que c'est un bon capital humain dans lequel
on a investi, il faut les rendre heureux. Actuellement, il n'y a pas seulement
un problème québécois, il y a un problème canadien
à cause du système général d'assurance-maladie au
Canada qui est extrêmement bureaucratique et tracassier.
M. Grenier: Je vous coupe parce que le temps est assez
limité. Je suis sûr qu'avec l'insatisfaction des médecins
du Québec, le nombre va en diminuant depuis quelques années,
j'imagine.
M. Roy (Augustin): II y a une chose que je voudrais bien dire.
Quand on parle de cela dans le public, on dit toujours: Cela n'a pas d'allure,
cela n'a pas de bon sens, les médecins font beaucoup d'argent. On monte
leur revenu en épingle. Ce n'est pas une question d'argent, c'est une
question de satisfaction du travail fait. Evidemment, c'est une question
d'ingérence générale. Je ne veux pas blâmer
personne. Cela fait partie du système dans lequel on vit depuis 1967
quand on a commencé l'assurance-maladie au Canada et
l'as-surance-hospitalisation. Cela fait partie du système qui fait que,
dès qu'un tiers payant intervient entre le malade et le médecin,
la relation change. C'est tellement vrai que plus le tiers payant ou le tiers
intervenant resserre les contrôles, plus il y a une tendance,
peut-être, à la démoralisation, la démission, la
démobilisation parce que les médecins et les professionnels de la
santé ont été fortement touchés par toute la
réforme de la santé depuis 1970, tout comme les professeurs ont
été touchés par la réforme de l'éducation.
On tente de remonter les troupes, de mobiliser, de motiver les médecins.
Je sais que les fédérations vont le faire mais nous avons une
grosse côte à remonter parce qu'il y en a qui ne veulent plus rien
savoir. Cela est mauvais pour le malade.
M. Lazure: Une question, Dr Roy. Est-ce que vous pensez, comme
protecteur du public, que le public voudrait retourner à l'ancien
système, le pré-1967?
M. Roy: II n'est pas question de retourner en arrière et
d'enlever des mesures sociales comme celles de l'assurance-hospitalisation, de
l'assurance-maladie. Mais il faut faire en sorte que ces mesures ne soient pas
trop opprimantes, ne soient pas trop étouffantes. C'est ce que nous
voulons évidemment vous dire et ce sur quoi nous voulons attirer votre
attention parce que je sais fort bien qu'aux Etats-Unis, on se dirige
également vers un régime d'assurance-maladie. On m'a
appelé la semaine dernière pour aller à New York en
parler. Le sénateur Kennedy a fait une grosse campagne là-dessus;
il y a un lobby épouvantable. Evidemment, ils ne voudraient pas
commettre là-bas les erreurs qu'on a commises ici en allant trop loin
mais il faudrait peut-être penser que cette relation du tiers payant
modifie énormément la relation médecin-patient et que plus
il y a ingérence de l'Etat, plus il y a des formules à remplir.
Je ne parle pas seulement de la Régie de l'assurance-maladie, il y a la
Commission des accidents du travail, la Régie de l'assurance automobile
et nommez-en des organismes qui demandent des formules et des formules. Cela
rend la pratique de la médecine plus difficile vis-à-vis le
malade parce qu'un médecin n'a quand même pas fait cinq, six ou
dix ans d'études pour remplir des papiers. Il a fait cela pour pratiquer
la médecine.
M. Grenier: J'ai regardé la bataille qui se faisait
à savoir laisser à la Régie l'aspect plus administratif et
garder de plus en plus confidentiels les dossiers de vos professionnels et je
crois qu'il faut être d'accord avec cela. Vous savez que des dossiers mis
dans les mains d'un gouvernement sont moins en sûreté que des
dossiers personnels remis à des compagnies d'assurances; vous
n'êtes pas sans savoir cela. Je pense qu'il y a un vice-président
américain qui s'en souvient, qui n'a pas pu se présenter à
la vice-présidence à cause de cela. Dans un gouvernement, on a ce
qu'on appelle des fuites calculées, peu importe le gouvernement qui est
là. Quand cela peut faire l'affaire de quelqu'un de laisser sortir un
dossier, on peut se le permettre. Si cela peut faire l'affaire de quelqu'un,
à un moment donné, de faire savoir que telle ou telle personne a
été traitée par un psychiatre dans sa vie, cela peut
parfois être intéressant comme on l'a déjà vu et
l'expérience est là.
M. Roy (Augustin): Nous allons nous attacher à cela parce
qu'actuellement, il n'y a pas eu de fuite
ici mais il y a eu, malheureusement, des fuites en Ontario pas plus tard
que l'année dernière. C'est pour cela qu'il y a des
problèmes énormes entre la profession médicale en Ontario
et le gouvernement parce qu'il y a eu des fuites calculées et
volontaires de renseignements confidentiels concernant des individus, ce qui
leur a nui considérablement. (23 h 30)
M. Grenier: Vous n'avez pas effleuré ou presque pas
votre groupe les sondages. J'aurais bien voulu savoir si vous jugez
à peu près sur la même base ces sondages. Vous avez
parlé des sondages téléphoniques qui semblaient moins
pénibles, qui étaient moins près de l'aspect
confidentiel.
M. Roy (Augustin): Je trouve cela un peu niaiseux ces sondages,
pour vous dire bien franchement. Cela m'est arrivé une fois de recevoir
une lettre de la régie, l'année dernière, parce qu'un de
mes enfants est allé voir un médecin le 24 décembre. Je
suppose qu'on a dit que, le 24 décembre, dans les relevés
d'honoraires qu'on va recevoir, il y a bien des chances d'avoir de la fraude.
J'ai reçu un relevé d'honoraires à un certain moment.
C'était la première fois que cet enfant allait voir un
médecin. C'était pour calculer si on avait véritablement
vu le médecin. C'est une formule stéréotypée. J'ai
eu envie de la déchirer, mais j'ai répondu. J'ai signé mon
nom et j'ai dit que c'était de la niaiserie, ce que l'on avait fait
là, je l'ai donc retournée à la régie.
Evidemment, je reçois des commentaires de médecins, parce
que les médecins me parlent moi aussi, vous savez. J'ai affaire aux
médecins de temps en temps. Ils trouvent que les gens ne savent pas quoi
faire quand ils reçoivent ces formules de sondage. Souvent, ils
appellent le médecin et ils disent: Qu'est-ce que je vais
répondre, docteur? Comment cela se fait-il, Dr Roy, qu'on fait
enquête sur vous? Ce sont des réactions que je reçois de
médecins.
M. Lazure: Je reçois des réactions du public, qui
nous dit que c'est une bonne affaire que la régie nous demande de temps
en temps si on est vraiment allé chez le médecin à telle
date, si on a reçu ce service. On ne parle pas aux mêmes
personnes. Vous parlez aux médecins. Je parle plutôt aux
citoyens.
M. Roy (Augustin): Oui, mais, encore là, on n'est pas
contre les contrôles. Les citoyens nous parlent aussi. On n'est pas
contre les contrôles.
M. Grenier: Est-ce que ce sondage peut fonctionner aussi à
la suite d'un appel?
M. Roy (Augustin): Non. C'est toujours par écrit.
M. Grenier: Oui, mais si c'est sur demande, si, moi, j'appelle la
régie et que je porte plainte sur telle personne, tel patient, la
régie doit-elle intervenir ou peut-elle intervenir?
M. Lazure: Non, le sondage du 24 décembre prouve que les
ordinateurs fonctionnement le jour de Noël et le jour de l'An.
M. Grenier: Ce qui n'est pas mal.
M. Lazure: Le 24 décembre n'a rien à faire avec
cela. C'est un sondage qui est fait tout à fait au hasard, qui a
été programmé par des informaticiens pour nous dire de
prendre, je ne me rappelle pas si c'était 0,2% ou 0,3% de la
clientèle de chacun des médecins et ce n'est pas envoyé
aux enfants. J'entendais tantôt quelqu'un dire que c'était
envoyé aux enfants.
M. Roy (Augustin): Jusqu'à quel âge êtes-vous
un enfant?
M. Lazure: Si c'est en bas... Il y a un certain âge
où on l'envoie aux parents.
M. Roy (Augustin): Ma fille avait 16 ans et elle l'a
reçu.
M. Lazure: Mettons en bas de 14 ans, parce que je pense... Il y a
une loi qui est la Loi de la protection de la santé publique,
j'espère que vous l'avez lue au moins une fois dans votre vie...
M. Roy (Augustin): Plusieurs fois.
M. Lazure: ... qui dit qu'en haut de quatorze ans, les gens
peuvent se faire soigner sans le consentement de leurs parents. A seize ans, si
elle l'a eu, c'est parce qu'on a respecté cette norme.
M. Roy (Augustin): Mais c'est justement là le danger, et
j'ai attiré l'attention tout à l'heure sur ce genre de sondages
que l'on fait, que les parents peuvent recevoir, et alors que l'enfant n'a pas
averti les parents qu'il était allé voir un médecin. Vous
savez que les enfants ont droit de consulter sans le consentement des parents.
C'est écrit dans la loi. Alors, pourquoi envoyer des sondages qui
peuvent semer la zizanie dans des familles?
M. Lazure: Bon, la zizanie, je vais vous dire que votre famille
n'avait ni la syphilis, ni la gonorrhée, ni un avortement
thérapeutique, parce qu'on ne les envoie pas, ceux-là. On a des
listes d'exclusion.
M. Roy (Augustin): Pour savoir cela, il faut regarder les
dossiers.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il
vous plaît!
M. Roy (Augustin): Pour éliminer la syphilis et les
avortements, cela veut dire que vous examinez les dossiers!
Le Président (M. Jolivet): Je comprends, M. Roy,
qu'à cette heure de la soirée, on puisse avoir quelques
applaudissements, mais j'ai été très large durant toute la
journée, je pense, c'est pour cela...
M. Grenier: Vous avez laissé passer bien des
occasions.
Mme Lavoie-Roux: ...
Le Président (M. Jolivet): Vous ne m'aidez pas, Mme le
député. C'est simplement pour vous dire qu'il reste encore
près de 25 minutes de travail, à moins qu'on finisse avant, mais
je vous demanderais, s'il vous plaît... M. le député de
Papineau.
M. Alfred: Je félicite la Corporation des médecins,
surtout quand M. Roy dit qu'il déploie beaucoup d'efforts pour mobiliser
et motiver ses membres. Alors, je le félicite là-dessus.
Cependant, c'est peut-être pour revenir encore à mon ami, M. le
député de Mégantic-Compton...
M. Grenier: Lâchez-moi un peu!
Le Président (M. Jolivet): N'oubliez pas que ses
lumières sont éteintes!
M. Grenier: Oui, je sais... pour répondre.
M. Alfred: Vous savez que vous êtes un porteur de... Il
s'est permis de faire de la digression plutôt burlesque. M. le
député de Mégantic-Compton a voulu faire, bien sûr,
un peu de politicaillerie, voulant tout ramener au 15 novembre, parce que, pour
lui, la terre aurait tremblé à Honolulu et il aurait dit: C'est
la faute au 15 novembre. Cependant, vous avez parlé d'un médecin
qui quitte le Québec pour aller ailleurs. Est-ce qu'il y a aussi
beaucoup de médecins qui quittent l'Ontario pour aller ailleurs? On
laisse le Canada de côté, mais l'Ontario.
M. Roy (Augustin): Je pourrais parler longtemps sur ce
sujet-là. Il y a des médecins qui quittent le Québec, mais
il y a aussi des médecins d'autres provinces du Canada qui quittent le
Canada, à cause du système général
d'assurance-santé qui est le même pour toutes les provinces avec
de petites variantes. C'est assez grave, parce qu'à l'heure actuelle, le
ministre le sait également, en 1978, selon les statistiques du
ministère fédéral de l'Immigration, il y aura environ 900
médecins canadiens qui auront quitté le Canada pour les
Etats-Unis. C'est plus que la moitié de tous les médecins qui
terminent leurs études dans une année, dans les seize
facultés de médecine du Canada, en 1978. Ce ne sont pas tous des
médecins du Québec, parce qu'en 1978, on aura perdu, au
Québec, environ 330 à 340 médecins. Evidemment, c'est
compensé par le fait que nos facultés de médecine
produisent une très grande quantité de médecins. C'est ce
qui fait, évidemment, que nos statistiques deviennent faussées
à cause des départs, du très grand nombre de jeunes qui
entrent en pratique, mais, évidemment, on perd dans cela des gars
extrêmement bien formés, après dix ou quinze ans, et qui
sont des experts, des superspécialistes, et qu'il n'est jamais heureux
de perdre. Ce n'est pas un phénomène uniquement
québécois. C'est un phénomène canadien. C'est pour
cela que j'ai dit tout à l'heure que c'était sérieux, que
ce n'était pas un facteur uniquement politique, que c'était
surtout socio-économique, à cause du système dans lequel
on vit, parce qu'on vit dans un système socialiste au Canada sans en
avoir le nom. Par ailleurs, c'est justement pour cela qu'en même temps,
l'immigration a été bloquée, a été
stoppée au Canada depuis les deux dernières années,
particulièrement depuis l'année dernière. Il est
pratiquement impossible pour un médecin étranger de venir
sïntaller au Canada depuis une couple d'années. L'immigration
canadienne totale a été diminuée à environ 200
médecins venant de l'extérieur pour tout le Canada.
Justement, je pense que le député de Papineau devrait
peut-être s'interroger sur le sort d'un certain nombre de ses concitoyens
qui sont à Montréal, qui attendent des postes d'internes dans les
hôpitaux et qui sont chômeurs depuis un an, deux ans, parce qu'on
manque de postes pour les insérer dans notre groupement médical.
On manque de postes, justement à cause du contingentement des internes
et des résidents par le ministère des Affaires sociales et
j'attends avec plaisir, j'espère la directive du ministre qui va geler
le nombre de postes cette année ou qui ne le diminuera pas parce qu'on
ne pourra jamais s'en sortir.
M. Alfred: Votre question, M. le docteur, est très
pertinente. Si des médecins québécois d'origine
haïtienne sont à Montréal, qu'ils chôment et qu'ils
peuvent rendre service à la communauté québécoise,
je vais faire des pressions auprès des ministres en titre pour que ces
médecins puissent rendre un service adéquat à la
communauté québécoise d'ici.
M. Roy (Augustin): Merci. Je vais vous les envoyer et j'ai le
plaisir de vous dire qu'il y en a 150 à Montréal seulement, M. le
député de Papineau, et je peux vous dire que je suis très
ami avec eux et qu'ils ont tous voté pour moi.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: II est bien tard, M. le Président, mais je veux,
premièrement, dire qu'on doit accepter que notre système de
Régie de l'assurance-maladie est un des meilleurs au monde et tous les
professionnels ici sont conscients de cela. Mais je crois, en même temps,
avec tous les chiffres qui ont été donnés par le
président de la régie, qu'on doit accepter en même temps
les autres chiffres qui démontrent, depuis 1971, que le revenu net, par
professionnel au Québec, était réduit d'à peu
près 25%. Alors, quand on dit, dans les remarques du ministre, que l'un
des principaux objectifs de ce projet de loi est de resserrer les
contrôles administratifs de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, c'est évident que, véritablement, les serrures
sont assez resserrées pour le moment.
La vérité est que peut-être que les contrôles
qui sont impliqués dans ce projet de loi, vont un peu trop loin. Nous
venons de parler de médecins qui ont quitté le Québec pour
d'autres raisons, mais une des raison, certainement, est qu'il arrive que c'est
presque impossible de continuer avec le taux d'impôt qu'on paye et le
taux d'inflation qu'on a à cause des augmentations du coût
"overhead", tous les autres faits que l'on vit dans une situation
d'assurance-maladie étatique.
Alors, c'est pour cette raison que les professionnels commencent
à croire que les pouvoirs que vous demandez dans ce projet de loi sont
peut-être trop excessifs. On dit ici qu'il y a $50 millions placés
dans des endroits inconnus. En même temps, ça représente
moins de 5% de toutes les prestations payées. On dit aussi que vous avez
d'autres abus certainement, parce que dans tous les domaines, nous allons voir
des abus. Mais est-ce que nous n'avons pas maintenant, dans la loi actuelle,
toutes les précautions pour éviter ces abus?
Parce que ce n'est pas seulement le texte du projet de loi, mais c'est
l'image que ce projet de loi démontre à la population,
spécifiquement la population des professionnels au Québec. On a
des problèmes avec le moral des professionnels. Vous savez fort bien que
quand un professionnel reçoit un chèque négatif au lieu
d'un chèque positif, à cause d'un manque de connaissances de son
entente avec la régie, parce qu'il n'a pas fait... Imaginez-vous un
examen rectal... et tous ces examens complets qui ont été
enlevés pour une période de deux ans peut-être... Le moral
des médecins et des dentistes au Québec est aussi mauvais, parce
que même avec l'étude dont le ministre a parlé, on sait
fort bien que le moral n'est pas correct au Québec.
C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, nous avons entendu ces
mémoires des professionnels de la santé. C'est pour cette raison
qu'on a besoin de réétudier ce projet de loi, en acceptant que si
c'est excessif, si on a besoin de certains changements, disons
l'immunité des enquêteurs ou autre chose, vous avez raison. Mais
de la manière dont c'est présenté, c'est clairement
excessif, de demander de mettre le nom sur toutes les formules de
réclamation, c'est incroyable. Franchement, on n'a besoin d'aucun nom,
parce qu'aussitôt qu'on envoie cette formule de réclamation, on
accepte la responsabilité.
On peut dire en même temps que chaque fois que vous allez chez
votre médecin ou votre dentiste ou votre pharmacien, vous avez besoin de
votre carte "medicare ", c'est incroyable. Ces mesures excessives, même
si une commission de révision peut juger de la qualité des
services, de faire un "peer review " sur une question médicale, c'est
aussi un effet excessif.
Je crois qu'avec les renseignements de nos collègues
professionnels aujourd'hui, au moins, nous avons besoin, dans la période
d'étude de ce projet de loi article par article, que des changements de
valeur soient faits.
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Sherbrooke.
M. Roy (Augustin): J'aimerais ajouter un mot. Le
député de Pointe-Claire a raison dans ce qu'il dit, c'est surtout
l'esprit qui se dégage de certains projets de loi qui fait en sorte
qu'il devient pernicieux et nocif. C'est l'esprit que les professionnels de la
santé en déduisent. Finalement, il y a, derrière
ça, toute cette scène où on parle de salariat. (23 h
45)
Evidemment, c'est une idée qui est chère au ministre, qui
va peut-être se réaliser plus facilement qu'il ne le croit, parce
que si on continue les restrictions, les coupures, les formules à
remplir, ce seront peut-être les médecins qui seront heureux
d'être salariés, parce qu'ils feront peut-être une bien
meilleure vie professionnelle et familiale. Mais cela ne sera peut-être
pas à l'avantage du public.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sherbrooke.
M. Gosselin: M. le Président, je constate, à ma
très vive déception, qu'il y a un point de vue très
important qui n'a pas été entendu tout au long de cette
journée, justement le point de vue du public et le point de vue du
représentant du public.
Je me refuse à reconnaître, dans l'exposé que les
corporations professionnelles nous ont fait ce soir, l'énoncé du
point de vue du public. Je m'excuse. Je considère que quand on
reconnaît qu'on connaît au Québec une surconsommation
particulièrement abusive de médication, un mode de prescription
automatique dans bien des cabinets de médecins et souvent
exagéré, c'est le sens commun populaire qui dit cela.
On a un budget de $700 millions à administrer où chacun
connaît, dans sa propre famille, des exemples qui sont parfois
discutés mais où chacun se sent impuissant à modifier ces
règles du jeu de pratiques abusives qui discréditent, dans
certains milieux, certains médecins, parce qu'on sait qu'il y en a qui
abusent.
Quand qn voit défiler devant nous des corporations qui attaquent
un projet de loi qui est loin d'être un projet de loi sauvage... Tout ce
qu'il permet de faire, ce projet de loi, c'est d'empêcher que des abus
trop visibles ne se répètent; tout ce que ce projet de loi
engage, c'est une méthode d'autocontrôle, finalement, par les
professionnels eux-mêmes, parce qu'ils sont eux-mêmes
représentés aux comités de révision, ils sont
eux-mêmes désignés par les corporations à ces
comités de révision. Le projet de loi permet d'interdire les abus
trop visibles où la régie elle-même reconnaît que,
traditionnellement, d'expérience, elle n'a pas pu agir d'une
manière contraignante, un tant soit peu contraignante.
J'ai entendu les exposés des corporations ce soir et il y a un
élément qui m'a particulièrement intéressé.
Il est arrivé à la toute fin. Il ne faisait pas
partie du tout, semble-t-il, de la présentation initiale. C'est
celui ayant trait au comité d'inspection professionnelle.
J'ai cru sentir que le débat n'était pas
complété au sein des corporations quant au rôle
définitif qu'on voudrait voir accorder à ces comités
d'inspection professionnelle. On a semblé reconnaître
l'impuissance relative, en fonction des lois actuelles, à vraiment
protéger le public par l'application de contrôles réels,
à partir de profils de pratiques reconnues comme abusives et ce point de
vue, qui aurait pu, dans le plus ferme intérêt du public,
être défendu comme possibilité dans la présentation
de vos mémoires, n'a pas jailli à ce moment-là. Il a
jailli à travers des questions incidentes. C'est un aspect que j'aurais
voulu fouiller particulièrement, les rôles mutuels des
comités d'inspection professionnelle et des comités de
révision à la régie.
Quant au comité de révision à la régie, il y
a une chose qu'il faut bien comprendre. Sur les déboursés
effectués par la régie, le montant de $700 millions du dernier
exercice, c'est de l'argent du public. C'est le contribuable qui paie pour
cela. Il faut s'assurer, au minimum et c'est ce que les comités
de révision permettent, c'est ce que les explicitations qui ont
été données démontrent d'établir au
moins certaines normes, pour reconnaître que certaines pratiques sont
carrément abusives, comme le concept du "médicalement
requis".
Ces dispositions que la loi comporte ne vont pas très loin. Les
corporations professionnelles, les médecins, les dentistes, tous les
professionnels de la santé qui sont regroupés par leur
association, qui est très agressive, et ça se comprend, c'est un
syndicat qui défend ses intérêts, et par une corporation
qui est très jalouse de ses prérogatives et par des
professionnels désignés au sein des comités de
révision, à mon avis, ont toutes les garanties du monde d'assurer
à la fois que leurs intérêts soient protégés
et de permettre un peu mieux que l'intérêt du public soit
protégé.
M. Roy (Augustin): M. le Président, si on avait trois ou
quatre heures de plus, on pourrait très facilement parler très
longuement du comité d'inspection professionnelle. Si on n'en a pas
parlé, c'est parce qu'on discute d'un projet de loi 84 qui concerne les
amendements à la Loi de l'assuran-ce-maladie et non pas des amendements
au Code des professions, qui concerne le comité d'inspection
professionnelle. On peut vous dire que ça fonctionne extrêmement
bien, le comité d'inspection professionnelle, que c'est efficace, que
c'est financé par les corporations et que ça protège le
public.
Nous sommes d'accord pour des contrôles, de bons contrôles.
Si on fait des représentations, c'est justement parce qu'on veut qu'il y
ait des contrôles raisonnables, mais bien faits. On fait des remarques
sur les comités de révision, parce que, justement, dans le
passé, ils ont mal fonctionné, on essaie de faire en sorte qu'ils
fonctionnent davantage. On n'a jamais dit que le projet de loi était
sauvage. Le député de Sherbrooke a sûre- ment mal lu le
projet de loi ou la loi complète de l'assurance-maladie pour nous faire
dire ça. Il a mal lu nos commentaires. On est conscient qu'il y a
peut-être des problèmes. Il y a des problèmes chez tous les
organismes et groupes de la société.
Mais, par ailleurs, quand on parle de surconsommation médicale,
c'est un concept qu'on gar-roche à gauche et à droite. Quel
organisme, y compris le gouvernement, le ministère des Affaires
sociales, la régie, a été capable de prouver qu'il y avait
surconsommation médicale? On a demandé, autant comme autant, de
nous donner des chiffres. C'est le sens commun populaire qui nous dit qu'il y a
surconsommation médicale, mais c'est le même sens commun
populaire, représenté par le peuple, qui demande les
médicaments, qui demande ces drogues. Essayez de les lui enlever.
On déplore évidemment qu'il y ait utilisation
peut-être excessive de certains médicaments. Mais ce n'est quand
même pas nous qui les prenons. Ce n'est quand même pas nous qui les
fabriquons.
M. Lazure: Dr Roy, on a déjà même poursuivi
une patiente pour surconsommation de médicaments. Elle a
été condamnée à $20 d'amende et c'est l'aide
sociale qui a payé.
M. Roy (Augustin): II ne faudrait quand même pas charrier
sur la surconsommation de médicaments.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Lapierre: M. le Président, j'avais une réaction
à faire...
Le Président (M. Jolivet): Je sais, mais comme on approche
de 24 heures, M. le député de Saint-Laurent m'a demandé le
droit de parole, si vous... ça va, allez-y.
M. Lapierre: M. le Président, si le député
est déçu de la tournure des événements de ce soir,
je le suis moi aussi. C'est peut-être l'heure tardive qui a fait que les
discussions ont tourné au vinaigre, de temps à autre, ou c'est
peut-être aussi parce que l'argumentation qu'on a
développée dans le texte était trop serrée, qu'il
n'y avait pas de voie de sortie.
En fait, le texte qu'on a développé ce soir ne se veut pas
une attaque contre le projet de loi. J'ai tenté, par ce texte, de
démontrer les difficultés qu'ont vécues les comités
de révision et j'ai tenté de convaincre l'Assemblée de ne
pas retomber dans le même panneau en créant des difficultés
additionnelles. C'est tout ce que j'ai essayé de faire par le texte. Je
vais le faire dactylographier de façon plus propre et je pourrais en
donner des copies. Vous me direz où il y a des attaques contre le projet
de loi.
Si on vient ici en commission parlementaire et qu'on ne peut pas parler
sur un projet de loi, à quoi bon venir? Je suis aussi déçu
que vous, parce que j'aurais pensé que la discussion aurait
porté beaucoup plus sur le comité de révision que
sur toute autre question développée ce soir. Si vous mentionnez
que le comité d'inspection professionnelle est venu juste au moment
d'une question, vous pourrez relire mon texte, il est écrit dans mon
texte que le comité d'inspection professionnelle ne pouvait fournir les
réponses à la régie. Je l'ai mentionné à
plusieurs reprises dans le texte.
Enfin, M. le Président, je suis étonné de voir
qu'on se fait du rôle des corporations une conception relativement
étroite. A mon sens, une corporation est là pour la protection du
public. Vous pouvez venir visiter chacune de nos corporations et vous allez
voir pour qui on travaille. En ce qui nous concerne, chez nous, il y a 17
médecins qui sont sur la route, qui travaillent pour la protection du
public et qui vérifient la qualité des actes, tant en
établissement qu'en cabinet privé. Ce n'est pas pour la
défense des intérêts des médecins qu'ils font des
visites. C'est pour améliorer la qualité des soins en vue de la
protection du public. Ce rôle des corporations, à mon sens, est
plus large que la simple visite, le simple contrôle en cabinet
privé. Cela va jusqu'à inclure la médecine d'équipe
et des tracasseries administratives.
Vous avez mentionné, M. le ministre, tout à l'heure, que
la loi ne créait pas un nouveau droit à la régie. Par le
texte qu'on a présenté ce soir, il y avait un nouveau droit. Je
ne veux pas reprendre encore toute la mécanique, mais, avant de
terminer, je voudrais tout simplement rappeler que, lorsque la régie ou
lorsqu'une cause est allé en appel devant la Commission des affaires
sociales et qu'elle a été perdue, cela a été sur le
"médicalement requis".
Je veux bien essayer de convaincre une dernière fois de ne pas
introduire cette notion dans la loi, parce que cela va compliquer les choses et
non parce qu'on veut protéger les docteurs, parce que cela va compliquer
le système. Une fois que je l'ai dit, il vous reste, M. le ministre,
à décider de modifier la loi.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je vais intervenir encore plus
brièvement que je n'avais l'intention de le faire. Je n'avais d'ailleurs
pas l'intention de parler jusqu'à ce que j'aie entendu le
député de Sherbrooke. J'ai retrouvé là le
même écho que celui qu'on a entendu dans la bouche du ministre un
peu plus tôt, c'est-à-dire une attaque, qui est probablement la
meilleure défense, mais qui ne demeure absolument pas justifiée
par, je pense bien, les mémoires très légitimes que nous
avons entendus. C'est peut-être là une certaine conception du
rôle de l'homme politique ou des institutions parlementaires, mais je
pense que c'est une utile illustration aux leçons de choses pour nos
visiteurs, de toute façon, comme c'est la preuve vivante que les
commissions parlementaires enrichissent tout le monde qui y participe. Il
demeure qu'il n'est absolument pas approprié ou justifié de faire
un procès à quelque groupe que ce soit qui vient ici pour,
évidemment, offrir sa perception de la réalité. Le
ministre d'ailleurs, il ne s'en fait pas faute a tout le loisir
de prendre ce qu'il veut prendre et de laisser ce qu'il veut laisser. Il n'a
pas besoin, en plus de cela, de se lancer dans quelque condamnation que ce
soit. Ce n'est d'ailleurs pas vrai que la loi des professions fait obligation
aux corporations professionnelles de s'occuper seulement de
l'intérêt du public. Il est tout à fait légitime
pour les corporations professionnelles, sans pour autant négliger
l'intérêt du public, de le faire également à la
lumière d'un intérêt bien compris de leurs membres. Si, en
plus de cela, un certain nombre de professionnels veulent se donner plusieurs
autres associations, ils sont prêts à payer pour cela. Je pense
bien que ce n'est pas à ceux qui n'en font pas partie de s'en plaindre,
puisque cela ne nous coûte rien.
Pour ce qui est de l'argumentation présentée, je voudrais
particulièrement féliciter et remercier le Dr Lapierre. J'allais,
s'il ne l'avait pas fait lui-même, souligner que son argumentation est
extrêmement soigneuse et qu'elle tend à démontrer, au
niveau du diagnostic au moins, des problèmes qu'ont vécus les
comités de révision, des choses que le ministre et ses
conseillers auraient intérêt à regarder avec beaucoup
d'attention. Par exemple, quand le Dr Lapierre a fait mention des
problèmes de preuve, soit devant les comités de révision,
soit devant la Commission des affaires sociales, il met le doigt sur un
problème très important et qui n'est pas du tout résolu
par la loi qui nous est présentée. Même si on était
tous d'accord sur le "médicalement requis" ce que, je le sais
bien, n'est pas le cas il demeure que, si le problème de la
preuve n'est pas résolu, les comités de révision n'auront
pas plus de résultats, pas plus d'effets qu'ils n'en ont eus
jusqu'à maintenant, quel que soit le désir du ministre et du
président de la régie. C'est ce problème que le Dr
Lapierre a souligné. Je pense qu'il était le bienvenu de le
faire. C'est le seul qui l'ait mentionné avec autant de soin et autant
de clarté. (Minuit)
Je pense qu'il n'y a pas eu de réponse à cette objection.
Ce n'est pas une attaque contre la loi, c'est un problème réel
qui a été soulevé. Malgré les nombreuses
études qui ont été faites sur le sujet, on n'a pas
vraiment trouvé la solution. Est-ce que c'est du côté de la
redéfinition des règles de preuve? Est-ce que c'est du
côté de la recherche d'un nouveau critère de refus ou
d'acceptation des demandes de paiement? Je n'ai pas moi-même de solution
miracle à offrir, mais je pense qu'il y a là une réflexion
qui n'est pas complétée encore. Vous avez eu le mérite de
nous le souligner.
M. le Président, je pense qu'il est d'ailleurs déjà
trop tard pour arrêter de parler, mais je vais le faire, malgré
tout. Je remercie nos hôtes de nous avoir fourni cet
éclairage.
Le Président (M Jolivet): Simplement pour le mot de la
fin. M. le ministre.
M. Lazure: M. le Président, j'ai dit au début de
mes remarques en réaction aux exposés des représentants
que, pour moi, l'essentiel était le comité de révision,
que tout le reste était relativement marginal. Je pense que c'est la
matière même avec laquelle on travaille qui est par
définition extrêmement complexe.
Le député de Saint-Laurent fait bien de le faire
remarquer, ce n'est pas un commentaire sur la loi actuelle ou la future loi,
c'est le sujet même qui nous arrête, qui est difficile à
cerner. Je continue à croire, comme d'ailleurs d'autres l'ont cru, que,
quand on parle d'actes injustifiés ou d'abus, cela peut toucher des
actes médicalement justifiés, médicalement
indiqués, si vous voulez, ou non médicalement indiqués.
Cela peut toucher les deux catégories.
Théoriquement, philosophiquement, on pourrait très bien
concevoir que le problème soit transféré à la
juridiction des corporations professionnelles. On pourrait, ce serait un
système. Je n'ai pas d'opposition de principe à ce
système, je n'ai pas d'opposition de principe. On nous fait valoir, du
moins les gens qui ont travaillé à la moitié des
comités de révision je fais référence aux
spécialistes nous font valoir que l'expression
"médicalement requis" améliorerait... Je vous le dis de toute
bonne foi, je constate, depuis quelque temps, que c'est vraiment
partagé. C'est très partagé. Moi aussi je reconnais
l'argumentation du Dr Lapierre, mais elle est serrée dans le sens
où vous faites l'équivalence "médicalement requis"
égale une appréciation, une évaluation de la
qualité d'un acte.
Or, ce n'est pas notre définition de "médicalement
requis". Peut-être faudrait-il mieux définir ce qu'on entend par
"médicalement requis", parce que, quand on parle de "médicalement
requis", nous, ainsi que l'autre fédération, la
Fédération des médecins spécialistes, ne voyons pas
cela comme étant un synonyme de qualité de l'acte. Je pense, en
définitive, que, si on pouvait offrir, au cours de la discussion article
par article, une définition mieux circonscrite de "médicalement
requis" qui ne toucherait pas... parce que ce n'est pas notre intention de
toucher à ce qui est la qualité de l'acte.
En somme, M. le Président, on a dit, ce matin, que les deux
objectifs de ce projet de loi étaient d'abord d'améliorer le
fonctionnement de la régie qui a déjà un fonctionnement
très efficace je pense qu'il y a toujours place pour
l'amélioration et aussi, par certaines dispositions, de permettre
une meilleure répartition géographique des effectifs
professionnels. Une fois ces deux objectifs maintenus, je retiens, des
nombreuses discussions que nous avons eues aujourd'hui avec tous les organimes,
un bon nombre de suggestions et de possibilités de modifications.
Il y a plusieurs chemins pour se rendre à Rome; il y a plusieurs
façons de connaître les vues de groupements. Là-dessus, je
n'accepte évidemment pas le commentaire du député de
L'Acadie. C'est de bonne guerre, quand on est dans l'Opposition notre
parti a fait la même chose de demander des commissions
parlementaires à peu près sur tout projet de loi qui est le
moindrement important, mais Dieu sait que cela devient presque impossible de
légiférer, si on passe le plus clair de notre temps en commission
parlementaire.
C'était une appréciation de notre part que le projet de
loi était relativement modeste, et c'est encore notre
appréciation. Il y a des groupes qui sont venus se faire entendre
aujourd'hui. Il y en a d'autres qui se sont fait entendre autrement. Je ne
pense pas qu'on doive dire: Tel mode de représentation est
supérieur à tel autre. Je pense que, quel que soit le mode de
consultation, on en retient des idées qui vont nous aider au cours de la
deuxième lecture et au cours de l'étude article par article. Je
remercie ceux qui sont venus.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Non, je n'ai rien à ajouter.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je vais me permettre de relever un point
soulevé par Mme le député de L'Acadie. Nous nous
étions associés, nous aussi, à la demande de rencontrer
ici ces huit groupes que nous avons aujourd'hui. Je pense que ce soir, nous ne
devons pas le regretter, puisqu'on a appris énormément de choses
de part et d'autre, j'imagine. S'il est vrai que le centre de discussions a
été autour du comité de révision, je pense qu'il y
a eu plusieurs points aujourd'hui qui ont peut-être été
résolus, au moins, en grande partie. S'il n'y avait pas eu cette
discussion, cela aurait pu être ce facteur qui mettait du sable dans
l'engrenage. Je pense bien qu'on n'a pas perdu notre temps après cette
longue journée. Personnellement, je ne regrette pas d'avoir
convoqué, d'avoir demandé au ministre et je pense que
c'était l'idée du député de L'Acadie
également de convoquer ici ces huit groupes que nous avons
rencontrés aujourd'hui.
S'il y avait un souhait à formuler en terminant, nous avons
reçu des quatre premiers groupes le document qui nous a
été remis ce matin, et si c'était possible d'avoir les
notes, au moins, du Dr Lapierre et du Dr Roy, qui nous ont été
données verbalement ce soir, pour qu'on puisse les avoir en notre
possession afin de s'en servir lors de l'étude article par article qui
va commencer, ce ne saurait tarder, je pense. Cela pourrait être une
pièce importante pour nous, si vous pouviez nous les faire parvenir dans
les plus courts délais. Personnellement, je vous remercie au nom de
notre formation politique. Soyez assurés que j'ai l'impression qu'on a
passé des heures qui étaient importantes pour nous et pour vous
aussi.
M. Roy (Augustin): II nous a fait plaisir, MM. les membres de la
commission parlementaire, de venir exprimer nos commentaires sur ce projet de
loi, qui est un projet de loi extrêmement important,
et non pas seulement technique. Les suggestions et commentaires,
même s'il y a eu des hauts et des bas en ce qui concerne les intonations
de voix, étaient dans le but de bonifier le projet de loi, de
l'améliorer et de le rendre plus acceptable. Nous avons fait plusieurs
suggestions, évidemment, en ce qui concerne, en particulier, les
comités de révision, d'autres groupes en ont fait
également, mais il faudrait véritablement regarder cette question
de définition de "médicalement requis ' et ne pas penser à
une définition strictement légale, à cause de
l'interprétation qu'on lui donne en fonction de l'article 3 de la loi
qui dit qu'un service médicalement requis devient un service
assuré. C'est malheureux, évidemment, que cela vienne du
comité de révision des spécialistes parce que c'est un
comité qui a relativement bien fonctionné. Je pense que
"médicalement requis", cela a une tout autre connotation pour un
médecin. C'est un acte qui est véritablement nécessaire
sur le plan médical. Si on pense en médecin, on pense
différemment d'un avocat qui interprète un article de loi. Nous,
on dit qu'on ne devrait pas le mettre, parce qu'on va compliquer davantage le
fonctionnement des comités de révision. On demande qu'on leur
donne d'autres armes pour fonctionner, qu'on leur donne l'immunité. Je
pense qu'à ce moment, on pourrait régler un certain nombre
d'abus.
Le Président (M. Jolivet): Rapidement, s'il vous
plaît, parce que...
M. Denault: Je voudrais seulement remercier les membres de la
commission de nous avoir reçus. Je voudrais entrer dans la foulée
sur laquelle le ministre des Affaires sociales a terminé, cette porte
qu'il a légèrement ouverte, concernant les corporations
professionnelles, les efforts consentis par les corporations professionnelles
depuis quelques années en ce qui concerne la protection du public, les
comités d'inspection professionnelle, la formation continue, les
comités de discipline. Les corporations professionnelles ont investi,
non seulement du temps, mais énormément d'argent pour accomplir
le travail que le législateur leur a confié, en ce qui concerne
la protection du public.
Alors, je pense que nous entrevoyons la possibilité, M. le
ministre, que les corporations professionnelles puissent poursuivre le travail
déjà amorcé. J'espère que la porte que vous avez
seulement entrouverte en ce qui concerne la poursuite du rôle que nous
avons déjà commencé et initié, et qui n'est pas
terminé en ce qui concerne les législations auprès de
l'Office des professions concernant notre assujettissement à la loi
250... Pour un, je pense que je peux me faire le porte-parole des membres que
nous représentons pour vous remercier de nous avoir reçus et
féliciter les gens qui ont fait en sorte que cette commission
parlementaire ait lieu.
Le Président (M. Jolivet): Comme il est minuit, je dois
ajourner les débats à ce matin, 10 heures, dans la même
salle, ici, pour l'étude des projets de loi 117, 118 et 103.
Fin de la séance à 0 h 10
ANNEXE Projet de loi no 84
Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et
d'autres dispositions législatives
Exposé préliminaire du ministre des
Affaires sociales
M. Denis Lazure
Commission parlementaire
du 11 décembre 1978
Comme je le précisais lors du dépôt en
première lecture, ce projet de loi vise à élargir
l'éventail des services assurés, à faciliter le
fonctionnement et l'administration du régime au moyen d'un certain
nombre de mesures d'ordre administratif, et enfin à promouvoir la
disponibilité des médecins sur tout le territoire du
Québec. Les additions et amendements proposés touchent
principalement la Loi de l'assurance-maladie et la Loi de la Régie.
Loi de l'assurance-maladie
Depuis 1976, et conformément à son programme, le
gouvernement du Parti Québécois a accéléré
l'adoption de mesures sociales. Ainsi, en octobre 1977, la gratuité des
médicaments était étendue à toutes les personnes
âgées de 65 ans ou plus. Le 30 novembre suivant, était
instauré le programme
d'aides pour les handicapés visuels de moins de 18 ans, programme
dont bénéficient également les handicapés visuels
de 18 à 35 ans depuis le 1er décembre. Le 1er janvier 1978, le
programme de prothèses mammaires entrait en vigueur et les enfants de 12
à 14 ans devenaient admissibles à la gratuité des soins
dentaires le 1er mai.
Le projet de loi à l'étude aujourd'hui prévoit
justement une addition, ainsi qu'une modification de la couverture actuelle des
services de santé.
Il s'agit en premier lieu d'autoriser la Régie de
l'assurance-maladie à assumer, aux conditions prescrites, le coût
d'achat, d'ajustement, de remplacement ou de réparation d'aides
auditives déterminées par règlement.
La modification, elle, comporte l'élargissement du champ
d'application du programme de soins dentaires en faveur des
bénéficiaires de l'aide sociale. Depuis 1976, ces
Québécois ont droit aux soins dentaires gratuits, dans le cadre
d'un programme particulier, mis en place par le ministère et que la
Régie administre pour lui. Mais, étant donné que le
gouvernement précédent n'avait pas négocié les
modalités de rémunération avec les représentants de
l'Association des chirurgiens-dentistes du Québec, ce programme s'est
heurté dès le début à de nombreuses
difficultés, auxquelles paliera ce projet de loi.
Par ailleurs, la majorité des articles du projet de loi ont trait
à des modifications propres à améliorer le fonctionnement
du régime. Nous nous efforçons de rafraîchir la Loi
à la lumière des besoins de la population, des professionnels de
la santé, et de la Régie.
Il importe de souligner dès maintenant que, contrairement aux
allégations de certains, ce projet de loi n'a pas été
élaboré en vase clos. Les membres de la Régie, la
Corporation professionnelle des médecins du Québec, la
Fédération des médecins omnipraticiens et la
Fédération des médecins spécialistes ont
été consultés relativement à certaines
modifications envisagées et ont pu formuler leurs observations ou
suggestions. Il en a été de même du Comité
ministériel du développement social. Par ailleurs, les
corporations professionnelles des dentistes, optométristes et
pharmaciens ont été informées des modifications touchant
notamment les comités de révision, la carte d'assurance-maladie
et les primes d'encouragement.
Les idées ainsi recueillies n'ont pu évidemment être
toutes retenues, d'autant qu'un bon nombre étaient forcément
divergentes. Le texte actuel, après quelques modifications, nous
paraît néanmoins renfermer les dispositions les plus susceptibles
de servir le mieux les intérêts des Québécois, en
permettant à la Régie de mieux gérer le régime et
d'exercer un contrôle plus serré sur l'utilisation des fonds
publics.
Etant donné que ce qui nous amène ici aujourd'hui, c'est
l'opposition d'un groupe de professionnels de la santé qui, à
l'opposé de la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, par exemple, ou de l'Association des
conseils de médecins et dentistes, ont préféré le
cadre d'une commission parlementaire à celui d'une rencontre avec le
ministre, pour se faire entendre, je voudrais traiter de certaines dispositions
du projet de loi, à la lueur des objections déjà connues
depuis une semaine.
Incidemment, compte tenu des modifications que nous nous proposons
d'apporter à certains articles du projet de loi, la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec et l'Association des conseils de médecins dentistes se
sont dites satisfaites du projet de loi modifié.
Contrôles administratifs
On l'aura compris, l'un des principaux objectifs de ce projet de loi est
de resserrer les contrôles administratifs de la Régie de
l'Assurance-maladie du Québec afin de mettre un terme à la hausse
injustifiée, des coûts des services de santé et au
gaspillage éhonté des fonds publics.
Ainsi, on évalue à $50 millions le montant que la
Régie de l'Assurance-maladie du Québec verse annuellement pour
des personnes inconnues, non identifiables dans son fichier des
bénéficiaires du régime et dont on n'a aucune certitude
qu'elles soient des contribuables québécois.
Une étude des dossiers de la Régie de l'Assurance-maladie
du Québec a révélé qu'en une année les
médecins avaient facturé à la Régie la somme de
$208 000. pour des actes déjà facturés à la
Commission des accidents du travail ou déjà couverts par elle,
donc des cas de double paiement.
Il est arrivé à plusieurs reprises que des services ont
été facturés à la Régie pour des personnes
décédées. Il serait normal que la Régie se compense
en pareil cas.
Il en est de même quand par exemple la Régie constate,
après enquête, qu'elle a pavé des services
supposément fournis à des personnes qui étaient dans un
centre d'accueil, mais en étaient parties au moment des soins.
L'étude des dossiers de la Régie a également permis
d'identifier d'autres types de fraudes pratiquées par des professionnels
de la santé.
Ainsi, certains médecins réclamaient pour 200 examens
réalisés en une journée, dont 1/3 d'examens complets,
alors que la durée moyenne d'un examen complet est de 45 minutes selon
l'entente.
Autres exemples
Une enquête menée auprès de physiatres qui
affirmaient avoir effectué 125 traitements au cours
d une seule journée, a permis de déterminer que ces
traitements ont été donnés en l'absence du physia-tre
à l'encontre des stipulations de l'entente.
Il en va de même pour les professionnels qui réclament pour
3 ou 5 examens complets de vision, chez une même personne au cours d'une
année alors que le règlement permet 1 examen par
année.
Nous pourrions également fournir des exemples de pharmaciens qui
n'ont pas livré les médicaments facturés à la
Régie.
Mais j'arrête ici cette illustration des différentes
fraudes pratiquées aux dépens des contribuables
québécois pour aborder les remèdes que nous nous proposons
d'adopter.
Un mot sur la carte d'Assurance-maladie: Conformément à la
demande expresse du Vérificateur général du Québec
telle qu'exprimée dans ses rapports sur les derniers exercices
financiers, toute personne qui réside au Québec devra s'inscrire
à la Régie et présenter sa carte si elle veut que les
services assurés rendus soient payés par la Régie au
professionnel de la santé.
Evidemment, ce règlement prévoira des exceptions,
notamment: les urgences où qu'elles se présentent;
les bébés de moins de 6 mois; les personnes
âgées retenues à la maison, dans les centres d'accueil ou
les centres hospitaliers de soins prolongés; les services rendus
dans les laboratoires des centres hospitaliers; enfin tous les cas
prévus aux règlements.
En tout autre cas, le professionnel pourra se faire payer les services
assurés directement par le bénéficiaire et celui-ci, s'il
est inscrit, pourra se faire rembourser.
L entrée en vigueur de cette disposition sera
précédée d'une campagne d'information suffisante pour que
personne ne soit pris de court. Nous prévoyons un délai d'au
moins six mois après l'adoption.
Le Québec est la seule province où les
bénéficiaires ne sont pas tenus de présenter un document
attestant qu'ils sont inscrits au régime. Il s'en suit que mensuellement
plus de 220 000 demandes de paiement sont acquittées sans qu'on puisse
retracer pour qui on paie ces services reçus. Comment prétendre
alors pouvoir gérer les deniers publics!
Pour ces mêmes raisons, il importe que le professionnel signe
lui-même son relevé d'honoraires. Le professionnel peut
actuellement confier à une secrétaire, une maison de perception,
etc. la tâche de signer en son nom. Comme il l'a été
démontré devant les tribunaux, il est alors tout à fait
impossible à la Régie de poursuivre un professionnel qui l'aurait
fraudé si ce professionnel n'est pas responsable de son relevé
d'honoraires.
Nous sommes conscients que cette exigence pose des problèmes
particuliers à l'employeur de plusieurs pharmaciens par exemple, aussi
sommes-nous à la recherche d'une solution qui permettrait d'attreindre
l'objectif visé en minisant les inconvénients.
Toujours dans la même veine, la Régie sera tenue de
transmettre, à tout bénéficiaire pour qui elle aura
payé plus d'un service, un relevé indiquant le nom du
professionnel de la santé, la date et la nature des services, le montant
versé par la Régie pour chacun des services, ainsi que la somme
totale payée par elle.
Il s'agit là d'une obligation qu'imposait l'ancien article,
adopté en décembre 1974, et dont I entrée en vigueur n'a
jamais été proclamée. Cette mesure permettra à tout
citoyen qui reçoit des services de santé de prendre conscience du
coût de tels services.
Avec l'autorisation du bénéficiaire ou d'un juge de la
cour supérieure, ce projet de loi permet également à la
Régie d'avoir accès à tout document pertinent à
l'appréciation d'un relevé d'honoraires.
Il est à noter que cet article ne vaut que pour le dossier
médical dans les établissements et est identique à
l'article 7 de la Loi des services de santé et les services sociaux.
La Régie n'aura donc pas accès à plus de
données qu'une compagnie d'assurance qui s'enquiert du dossier du malade
avant de le rembourser pour les traitements reçus.
Nécessité de services de
qualité
On aura aussi compris à la lecture du présent projet de
loi que ce dernier vise un objectif de qualité de services. Nous
désirons tout en respectant l'équilibre des droits de chacun, que
la population ne soit pas pénalisée lors du refus de fournir des
services par les professionnels de la santé et que les services soient
rendus uniformément partout au Québec.
Il est important en effet d'adopter des mesures de nature a
empêcher que les Québécois fassent les frais de la
non-participation massive d'un groupe de professionnels de la santé. Les
événements récents ont été assez
éloquents à cet effet.
Je voudrais insister ici sur le fait que si l'article 24 de la loi
présentement en vigueur et adopté en 1970 permet au gouvernement
et je cite: "de prendre les mesures spéciales qu'il estime
nécessaires pour faire en sorte que les services assurés dont il
s'agit continuent à être rendus à des conditions
uniformes", la formulation adoptée est suffisamment vague pour donner
lieu à toutes sortes d'interprétations. Aussi, et tout en
respectant l'esprit même de cet article, nous limitons-nous à en
préciser la teneur et à nous donner des moyens d'application.
II n'y a pas de sous-citoyen au Québec et chacun a droit à
des services dans sa région, services pour lesquels les citoyens paient
des taxes et services rendus par des professionnels dont la formation a
été défrayée en grande partie par ces citoyens. Il
était donc important d'adopter des mesures susceptibles de favoriser une
meilleure répartition géographique des professionnels de la
santé car, même si la situation a beaucoup évolué au
cours des dernières années, en 1980, on prévoit que 3
régions du Québec, celles de la Côte-Nord, du Nord-Ouest et
le Nouveau-Québec ne compteront aucun spécialiste dans plusieurs
des spécialités dites courantes. Toujours en 1980, dans ces trois
mêmes régions, on trouvera un omnipraticien pour 2000 habitants
alors qu'à Montréal et Québec, ce rapport sera d'un
omnipraticien pour 500 habitants.
Citons aussi l'exemple de ce centre hospitalier montréalais qui
emploie 40 psychiatres pour un département de 80 lits alors que dans le
Nord-Ouest, on trouve 2 psychiatres pour 200 000 habitants, aucun sur la
Côte-Nord et quelques-uns pour le bas du Fleuve.
Le régime de prime d'encouragement prévu dans cette loi
permet au ministre de recourir à une main-d'oeuvre immédiatement
disponible, afin d'assurer l'accessibilité aux services assurés
dans les territoires désignés. L'efficacité
vérifiée de cette mesure en Ontario incitera des professionnels
à s établir en dehors des grands centres comme Québec et
Montréal. Parallèlement à cette politique, nous
équipons actuellement les centres hospitaliers régionaux en vue
de recevoir ces spécialistes.
En terminant, je voudrais ajouter que si, comme je l'ai dit au
début, ce projet de loi nous semble renfermer des dispositions
susceptibles de mieux servir les intérêts des
Québécois, il ne prétend pas à la perfection.
Aussi, est-ce dans un esprit d'ouverture que nous avons poursuivi nos
consultations, même après le dépôt en 1ère
lecture et que nous le faisons encore aujourd'hui.
Ce projet de loi vise deux objectifs à savoir: 1off rir des
services de santé de qualité et uniformes dans tout le
Québec. 2permettre des moyens de contrôle nécessaire
à une saine gestion des fonds publics.
Soyez assurés que, dans la mesure où les suggestions
formulées aujourd'hui respecteront ces principes, elles recevront un
accueil favorable. D'ailleurs, à l'issue d'une rencontre avec la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec, nous nous proposons déjà d'apporter certaines
modifications au texte déposé.
Ainsi, nous avions prévu à l'article 15 de la loi de
permettre à la Régie de procéder à une compensation
ou de refuser le paiement lorsque les services qui ont déjà
été payés ou dont on réclame le paiement ne sont
pas des services assurés, n'ont pas été fournis ou ont
été fournis non-conformément à la loi, aux
règlements ou à l'entente. Cette disposition s'explique par la
nécessité de donner des pouvoirs de contrôle plus efficaces
à la Régie et elle nous apparaît indispensable.
Dans ces cas, cependant, selon le texte actuellement devant
l'Assemblée Nationale, il appartiendrait au professionnel de la
santé de démontrer que les services étaient
assurés, ont été fournis ou ont été fournis
conformément à la loi, aux règlements ou à
l'entente. Il s'agit par cette disposition de la loi de s'assurer que celui qui
réclame un paiement pour un service rendu prouve qu'il a bien rendu ce
service et que celui-ci peut faire l'objet d'une rémunération
selon la loi et les règlements.
Dans cette mesure et à la suite de consultations, je
considère actuellement la possibilité de revoir cette question du
fardeau de la preuve afin que le texte de loi prévoit que ce fardeau
appartienne au professionnel dans les seuls cas où le litige porte sur
la question de savoir si le service était assuré ou si le service
a été fourni.
Je suis également en train d'examiner la question du fardeau de
preuve de l'appelant devant la Commission des affaires sociales, lorsque la
décision de la Régie sur la recommandation du comité de
révision est portée en appel devant cette commission. Ainsi, en
vertu d'une hypothèse, il serait possible de statuer que la Régie
supportera le fardeau de preuve devant la Commission si elle décide de
ne pas suivre les recommandations du comité et que le professionnel se
verra chargé du fardeau de preuve lorsque la Régie suit la
recommandation du comité.
Enfin, je voudrais préciser, qu'à la suite de
consultations avec ceux qui ont choisi cette voie d'intervention plutôt
que la conférence de presse, je considère la possibilité
d'amender les articles pertinents du projet de loi afin d'indiquer clairement
mon intention d'assurer que les mécanismes d'arbitrage prévus aux
ententes signées avec les différents représentants seront
les voies privilégiées de règlements des litiges quant au
paiement réclamé pour un service fourni non-conformément
à l'entente. Cependant et dans le but de ne pas laisser
s'échapper celui qui demande le paiement pour des services faussement
décrits, il serait possible de ne pas permettre que les contraventions
à l'entente puissent faire l'objet de poursuites pénales mais que
les fausses descriptions de services le puissent.
D'aucuns ont prétendu que ce projet de loi était
"anti-syndical, anti-professionnel et antibénéficiaire".
Que d'accusations pour un projet de loi qui ne vise en somme qu'à
s'assurer que certains professionnels ne profiteront pas indûment des
deniers publics et que l'ensemble des Québécois recevra les
services auquel il a droit!