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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 11 octobre 1983 - Vol. 27 N° 151

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur la réglementation des établissements découlant de la Loi sur les services de santé et les services sociaux


Journal des débats

 

(Dix-neuf heures quarante et une minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des affaires sociales est réunie ce soir pour entendre des personnes et des groupes intéressés à faire des représentations en regard de l'adoption de la réglementation sur l'organisation et l'administration des établissements découlant de la loi no 27.

Les membres de la commission sont: MM. Boucher (Rivière-du-Loup), Brouillet (Chauveau), Mmes Dougherty (Jacques-Cartier), Harel (Maisonneuve), M. Johnson (Anjou), Mmes Juneau (Johnson), Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Leduc (Fabre), Picotte (Maskinongé), Rochefort (Gouin), Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: MM. Beauséjour (Iberville), Bisaillon (Sainte-Marie), Blais (Terrebonne), French (Westmount), Gravel (Limoilou), Hains (Saint-Henri), Lafrenière (Ungava), Laplante (Bourassa) et Marx (D'Arcy McGee).

Nous entendrons ce soir quatre groupes. Un premier groupe formé de dix corporations professionnelles qui entendent donner une réaction commune au projet. Un deuxième, la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec. Un troisième, la Corporation professionnelle des psychologues du Québec. Un quatrième, l'Association des cadres intermédiaires des affaires sociales.

J'inviterais le premier groupe, le groupe de dix corporations professionnelles, à s'approcher, s'il vous plaît!

Mme Linda Manzo, est-ce vous qui allez faire la lecture du mémoire?

Mme Manzo (Linda): Oui.

Le Président (M. Desbiens): Puis-je vous demander s'il vous plaît de descendre d'un siège.

Regroupement de dix corporations professionnelles

Mme Manzo: Ah oui, certainement.

Le Président (M. Desbiens): Vers la droite ou vers la gauche, cela dépend, de façon que personne n'attrape le torticolis.

Mme Manzo si vous voulez présenter d'abord les personnes qui vous accompagnent et procéder à la présentation du mémoire.

Mme Manzo: Oui.

M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de vous remercier au nom des dix corporations professionnelles signataires du mémoire d'avoir accepté de nous entendre ce soir.

Je vais d'abord vous présenter vos interlocuteurs. Il s'agit à ma gauche, de M. Pierre Landry, directeur général de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux et à ma droite, M. Michel Sabourin, président de la Corporation professionnelle des pyschologues.

J'aimerais également vous présenter les autres présidents des corporations professionnelles qui sont présents ce soir. Il s'agit de Mme Louise Desaulniers, présidente de la Corporation professionnelle des diététistes. Je les inviterais à se lever pour que vous puissiez les identifier. Mme Patricia Girard présidente la Corporation professionnelle des physiothérapeutes, Mme Jeanne Grimard, présidente de la Corporation professionnelle des technologistes médicaux, Mme Monique Hébert, présidente de la Corporation professionnelle des orthophonistes et audiologistes, Mme Jeanine Pelland-Baudry s'est excusée ce soir, elle est retenue à Montréal, et M. Alain Cromp, président de la Corporation professionnelle des techniciens en radiologie et M. Louis Roy, président de la Corporation professionnelle des conseillers d'orientation.

Le regroupement des dix corporations professionnelles en vue de vous soumettre un mémoire aujourd'hui est certes un précédent dans l'histoire du professionnalisme au Québec. Il faut comprendre que ce sont nos préoccupations au sujet de la qualité des soins et de la protection du public qui ont sous-tendu nos réflexions au sujet du projet de règlement dont il est question. Chacune de nos corporations a, dans les dix dernières années, évolué vers une meilleure connaissance et une meilleure maîtrise de son mandat. C'est sans doute à cause d'une certaine maturation dans notre identité et dans notre rôle qu'il nous fut possible de mettre sur papier les principes, les commentaires et les interrogations dont nous vous entretiendrons dans quelques instants et qui se veulent - il ne faut pas l'oublier - un apport positif à vos délibérations. Nous nous permettons enfin de vous souligner que notre mandat, ce soir, se limite à la présentation

du mémoire commun. Vous comprendrez que, pour des raisons évidentes, nous ne pouvons prendre position sur des sujets qui touchent les mémoires de chacune des corporations et qui vont au-delà du contenu du mémoire commun.

L'inquiétude des professionnels de la santé oeuvrant au sein de l'ensemble du système de distribution des services de santé et des services sociaux a déjà été communiquée au gouvernement. Les interrogations fondamentales qui ont été soulevées sont demeurées tout aussi d'actualité lorsque le projet de règlement sur l'organisation et l'administration des établissements a été publié. Cette démarche provient aussi du fait que le projet de règlement est silencieux quant à l'organisation de certains de leurs services dans les établissements. Pourtant ces professionnels rendent des services indispensables à la santé et au bien-être des citoyens du Québec, aussi bien dans la communauté que dans tous les établissements, quels qu'en soient la catégorie, la classe ou le type. Cette intervention du groupe des corporations professionnelles se situe à l'intérieur de leur mandat d'assurer la protection du public, comme je le disais tantôt, et la qualité des services fournis aux individus, aux familles et à la collectivité.

Il faut d'abord souligner que ces professions, dont la participation des membres est essentielle pour répondre à l'aspect global des besoins de santé de la population, sont reconnues dans la société québécoise par une législation particulière. Pour être constituées en corporations professionnelles, ces professions ont satisfait à toutes les conditions stipulées à l'article 25 du Code des professions. L'article 25 du code se lit comme suit: "Pour déterminer si une corporation professionnelle doit ou non être constituée, il est tenu compte notamment de l'ensemble des facteurs suivants: "1- les connaissances requises pour exercer les activités des personnes qui seraient régies par la corporation dont la constitution est proposée; "2- le degré d'autonomie dont jouissent les personnes qui seraient membres de la corporation dans l'exercice des activités dont il s'agit, et la difficulté de porter un jugement sur ces activités pour des gens ne possédant pas une formation et une qualification de même nature; "3- le caractère personnel des rapports entre ces personnes et les gens recourant à leurs services, en raison de la confiance particulière que ces derniers sont appelés à leur témoigner par le fait notamment qu'elles leur dispensent des soins ou qu'elles administrent leurs biens; "4- la gravité du préjudice ou des dommages qui pourraient être subis par des gens recourant aux services de ces personnes par suite du fait que leur compétence ou leur intégrité ne seraient pas contrôlées par la corporation; "5- le caractère confidentiel des renseignements que ces personnes sont appelées à connaître dans l'exercice dans leur profession."

Deux volets sont indissociables pour assurer la fonction de protection du public par le contrôle dévolu aux corporations professionnelles. C'est en grande partie ce qui nous amène ici ce soir. Il y a d'abord la compétence professionnelle des membres et les conditions administratives et techniques d'exercice de leurs actes professionnels. D'ailleurs ce mandat de protection du public serait illusoire s'il n'engendrait chez les mandataires un souci particulier de la façon dont sont organisés leurs services professionnels dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Même si toutes nos professions ne sont pas également et de la même façon affectées par le projet de règlement proposé, l'analyse commune a permis de constater la présence d'ambiguïtés qui risquent, selon nous, de compromettre les buts de rationalisation des services et de diminution des coûts poursuivis par la loi. Nous reconnaissons qu'un des mécanismes prévus à cette fin, fort louable d'ailleurs, est l'intégration du corps médical au processus décisionnel des établissements de santé. Nous souscrivons aussi à d'autres objectifs tels que la volonté d'assurer une plus grande décentralisation, l'implantation d'une meilleure complémentarité des ressources et la valorisation de l'autonomie des établissements dans la préparation de plans d'organisation propres à chacun. Par contre, les moyens utilisés pour les atteindre ne doivent pas, notamment, constituer une entrave aux droits fondamentaux des bénéficiaires d'avoir accès aux ressources de santé et de mesures sociales et de recevoir les services professionnels de leur choix, droits qui leur sont reconnus par l'article 6 de la loi.

C'est donc dans l'esprit de notre mandat de protection du public et de la responsabilité professionnelle attenante que nous croyons opportun d'attirer votre attention sur certaines lacunes et certaines ambiguïtés du projet de règlement soumis et de suggérer l'addition de précisions qui nous semblent essentielles pour assurer à la fois une plus grande efficacité administrative et organisationnelle et une meilleure qualité des services aux bénéficiaires.

L'analyse du projet de règlement par le groupe des corporations professionnelles a été guidée par des principes fondamentaux. Il s'agit de la complémentarité et de la continuité des services, de l'accès de la population aux services professionnels en fonction de leurs besoins sur les plans physique, psychologique et social, de la participation des professionnels à une gestion

efficace et efficiente des établissements du réseau. Pour ces motifs, le présent mémoire traite de l'organisation des établissements, du comité consultatif à la direction générale, de l'accès de la population aux services et d'une préoccupation relative aux commissions administratives régionales et, enfin, il traite également du caractère confidentiel des dossiers des bénéficiaires.

Donc, le premier grand point dont nous allons traiter est: l'organisation des établissements. Le gouvernement désire maintenir la qualité des soins auxquels la population a pleinement droit. Comme les conditions administratives et techniques d'exercice des professionnels ont des conséquences directes sur la qualité des services, il nous semble essentiel d'associer et d'intégrer à l'administration tous les professionnels qui oeuvrent dans les établissements. Dans ce contexte, il importe de prévoir une structure organisationnelle qui assure aux professionnels des conditions d'exercice respectant l'autonomie professionnelle indispensable à la distribution, par des personnes compétentes, de services de qualité.

Considérons d'abord l'organisation des centres hospitaliers. Malheureusement, la réglementation proposée est muette sur certaines composantes organisationnelles des centres hospitaliers. En effet, les dispositions du projet de règlement n'apportent pas toute la clarification indispensable aux articles 70 et 71,1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, en ce qui a trait à certaines expressions énoncées dans ces deux articles. Il s'agit des expressions suivantes: départements et services cliniques, définition des ressources de son département et règles d'utilisation des ressources des centres hospitaliers.

Le libellé de ces articles ouvre la porte à une interprétation très large et très libre de ces trois formulations. Nous pensons que ces expressions devraient avoir un sens strict, c'est-à-dire qui limite "les départements et services cliniques" aux seules ressources médicales. À notre avis, elles n'ont pas le sens large qui pourrait inclure tous les professionnels, comme il semble que cela est véhiculé dans certains milieux. En maintenant une telle ambiguïté, le gouvernement s'expose à des interprétations abusives de sa réelle volonté législative et permet, en conséquence, l'établissement de dangereux précédents.

Unités administratives distinctes. Alors que la Loi sur les services de santé et les services sociaux ne précise nulle part que les "ressources" se limitent dans les faits aux seules ressources médicales, les articles 69 et 70 du projet de règlement éliminent par contre, dans leur version actuelle, toute ambiguïté en intégrant sous le vocable "ressources" tous les professionnels non-médecins de ces départements.

Je vous rappelle un peu le contenu de ces deux articles. L'article 69 dit: "Le plan d'organisation d'un centre hospitalier de soins de courte durée doit prévoir la formation d'un département clinique de radiologie. Sous l'autorité du DSP - directeur des services professionnels - le chef de ce département clinique gère les ressources humaines, matérielles et financières de l'établissement nécessaires à la poursuite des objectifs du département."

D'autre part, l'article 70 dit: "Le plan d'organisation d'un centre hospitalier de soins de courte durée doit prévoir la mise sur pied d'un département clinique de laboratoires de biologie médicale. Sous l'autorité du directeur des services professionnels, le chef de ce département clinique gère les ressources humaines, matérielles et financières de l'établissement nécessaires à la poursuite des objectifs du département."

Nous croyons qu'une structure administrative saine devrait prévoir, à ces deux articles, une mention du chef de service des techniciens en radiologie, par rapport à l'article 69, et du chef de service des technologistes médicaux, par rapport à l'article 70, dont le mandat est de gérer les ressources humaines, matérielles et financières de son service.

Pour ces raisons, il est recommandé: Que les articles 69 et 70 du projet de règlement soient modifiés afin que la gestion des ressources humaines, matérielles et financières par le chef d'un département clinique de radiologie ou de laboratoires de biologie médicale n'inclue pas la mention des resssources confiées au chef de service des techniciens en radiologie ni celles confiées au chef de service des technologistes médicaux.

La réglementation devrait reconnaître, sur le plan administratif, que tous les professionnels qui ne le seraient pas déjà soient clairement regroupés dans des unités administratives distinctes des départements cliniques médicaux, la gestion professionnelle et administrative de ces unités devant alors être assurée par un chef de service de la même profession.

S'il faut en croire le projet de règlement, les articles 156 et 158 du règlement d'application actuel concernant les chefs de service et décrivant leurs fonctions seraient bientôt une chose du passé. Il serait étonnant et surtout navrant de devoir conclure que c'est là la vision que le gouvernement a de la valeur et de la spécificité de nos services professionnels. Une telle conclusion irait en effet à l'encontre du principe même de la pluridisciplinarité essentielle au fonctionnement des services offerts dans les centres hospitaliers en fonction des besoins des bénéficiaires. Par quel moyen, donc, les conditions administratives et techniques essentielles à

l'offre compétente de nos services professionnels peuvent-elles être assurées?

Nous demandons que le gouvernement exerce son pouvoir de réglementation prévu à l'article 173i, en ce qui concerne la détermination des services que le plan d'organisation d'un établissement doit prévoir.

Dans le souci du respect de l'autonomie des établissements quant à leur plan d'organisation, mais aussi pour favoriser la distribution efficace et efficiente des différents services rendus à la population dans ces établissements, le groupe des corporations professionnelles demande que soit reconnue, au projet de règlement, l'obligation d'instituer dans les centres hospitaliers des services regroupant les professionnels autres que les médecins lorsque les besoins de bénéficiaires, la nature et le volume des activités ainsi que les caractéristiques du centre l'exigent.

Il est donc recommandé: Qu'une section intitulée "services cliniques dans les centres hospitaliers" soit insérée entre la section IV et la section V du chapitre VI du projet de règlement.

Que cette nouvelle section comprenne les articles suivants: "1. Lorsque les besoins des bénéficiaires, l'intensité et la complexité des soins requis, la gravité des maladies, la nature et le volume des activités et les caractéristiques du centre le justifient, le plan d'organisation d'un centre hospitalier doit prévoir la formation d'un service de diététique, d'un service d'ergothérapie, d'un service d'orientation, d'un service d'orthophonie, d'un service d'audiologie, d'un service de physiothérapie, d'un service de psychologie, d'un service de radiologie, d'un service de technologie médicale et d'un service social. (20 heures) "2. Le chef des services prévus au plan d'organisation est membre en règle de sa corporation professionnelle et il gère les ressources humaines, matérielles et financières de son service."

Par ces modifications, le législateur tiendrait compte des réalités complexes des différents services professionnels offerts dans les centres hospitaliers. Faisant appel à la gestion responsable d'un chef de service, l'établissement pourra mieux voir à ce que la coordination des ressources professionnelles du service, le choix et l'étendue des activités professionnelles offertes le soient dans le meilleur intérêt des bénéficiaires.

Représentativité auprès de la direction générale. La reconnaissance organisationnelle des services rendus aux bénéficiaires par différentes disciplines suppose la reconnaissance d'une responsabilité administrative auprès de la direction générale. Afin d'assurer l'interdisciplinarité, la complémentarité et la continuité des services, les ressources de ces services établis dans un centre hospitalier doivent être représentées au niveau décisionnel, c'est-à-dire auprès de la direction générale d'un centre hospitalier, par un gestionnaire autre qu'un médecin. Dans cette optique, il est recommandé: que soit précisé au projet de règlement un mécanisme permettant que les chefs de services cliniques instaurés dans un centre hospitalier soient représentés auprès de la direction générale par un gestionnaire autre qu'un médecin.

En second lieu, considérons l'organisation dans les centres d'accueil. Dans les centres d'accueil d'hébergement, la section V du chapitre VI du projet de règlement prévoit des dispositions pour que soient intégrés au plan d'organisation de ces centres un service médical et un service de pharmacie.

Qu'en est-il des autres services rendus aux bénéficiaires? Les centres de réadaptation ne nécessitent-ils pas aussi une certaine organisation des services, puisque ces centres offrent des services spécialisés d'adaptation et de réadaptation à une clientèle qui comprend des individus mésadaptés sur le plan socio-affectif, des handicapés mentaux, des handicapés physiques et des toxicomanes?

L'absence de mesures d'encadrement pour l'ensemble des professionnels qui offrent des services aux bénéficiaires admis ou inscrits dans les centres d'accueil de réadaptation nous préoccupe. En effet, les tendances sociales actuelles démontrent l'accroissement du nombre de personnes qui nécessitent une réadaptation ou un placement. Alors que le projet de règlement n'identifie des dispositions que pour les centres d'accueil d'hébergement, il serait opportun que des mesures soient prévues pour les centres d'accueil de réadaptation.

Pour assumer la complémentarité et la continuité des services et pour favoriser l'interdisciplinarité, le groupe des corporations professionnelles suggère que le plan d'organisation d'un centre d'accueil de réadaptation véhicule le principe de la représentativité, au niveau décisionnel, d'un professionnel oeuvrant dans ces centres. Si les besoins des bénéficiaires, le volume et la nature des activités l'exigent, un tel centre doit pouvoir instaurer des services cliniques particuliers dirigés par un chef de service de la même profession.

Il est recommandé que le chapitre VI soit modifié et s'intitule: Organisation des centres hospitaliers et des centres d'accueil; qu'une section soit ajoutée à la fin du chapitre VI concernant les services professionnels en centre d'accueil de réadaptation.

En second lieu, nous soumettons quelques considérations au sujet du comité consultatif à la direction générale. Le comité

consultatif à la direction générale doit faire les recommandations qu'il juge nécessaires en ce qui concerne, entre autres, les orientations, les priorités d'action, le plan d'organisation et les moyens à mettre en oeuvre pour assurer la complémentarité des services.

Comme le prévoit la loi, le conseil consultatif du personnel clinique - CCPC - a la responsabilité de faire auprès du conseil d'administration des recommandations sur l'organisation scientifique et technique de l'établissement, en vertu de l'article 109. Étant donné l'importance du rôle du conseil consultatif du personnel clinique et considérant que le personnel clinique fait partie intégrante de la vie de l'établissement, le projet de règlement devrait considérer l'opportunité d'utiliser à bon escient les compétences des membres de ce conseil lors d'une analyse des orientations, du plan d'organisation, des priorités et des moyens d'action du centre hospitalier. Pour ces raisons et dans une perspective d'approche globale du bénéficiaire, nous demandons que le président du conseil consultatif du personnel clinique soit membre du comité consultatif à la direction générale et que, conséquemment, l'article 17 du projet de règlement soit modifié dans ce sens.

De même, compte tenu des obligations du personnel clinique et des conséquences que peut avoir un règlement d'un conseil d'administration sur ses activités, il est recommandé qu'un paragraphe soit ajouté à la fin de l'article 8 afin que, lorsqu'un règlement adopté par un conseil d'administration a une incidence sur les responsabilités du conseil consultatif du personnel clinique, il ait d'abord fait l'objet d'une consultation auprès de ce dernier.

Troisièmement, nous vous soumettons un bref commentaire au sujet des commissions administratives régionales. La reconnaissance administrative de l'apport essentiel des professionnels à l'offre de services de santé au Québec devrait être accompagnée de mesures similaires permettant une représentation adéquate de leur contribution auprès des instances qui orientent et qui planifient les services aux niveaux régional et sous-régional en vue de pourvoir aux besoins de la population. C'est du moins ce que le groupe souhaite.

Quatrièmement - et non le moindre -le point qui touche l'accès aux services. Les professionnels du domaine de la santé et des services sociaux ont démontré au fil des années le caractère essentiel et complémentaire de leurs divers services professionnels, leur pertinence ainsi que leur rentabilité en termes de rapports coût-rendement. La population, appréciant aussi la spécificité de la contribution essentielle de l'approche médicale, n'en continue pas moins de requérir et de réclamer des services de santé complémentaires et respectueux du caractère global de la personne sur les plans physique, psychologique et social.

Dans le chapitre IV du projet de règlement qui traite de l'accès aux services dispensés par les établissements, les modalités d'inscription sont définies de façon telle qu'elles risquent de ne pas tenir compte de la liberté qu'a une personne de choisir le professionnel dont elle désire recevoir les services; et pourtant, ce droit est reconnu par la loi. Bien sûr, l'article 21 du projet de règlement prévoit qu'une personne est inscrite dans un établissement lorsqu'elle y reçoit des services qui ne nécessitent pas son hospitalisation. Par contre, l'article 25, traitant spécifiquement de l'inscription dans un centre hospitalier de soins de courte durée, précise la nécessité d'une demande d'un médecin ou d'un dentiste qui est membre du conseil des médecins et dentistes de l'établissement. Nous ne comprenons pas la raison d'une telle obligation de référence médicale.

L'expérience révèle que les services offerts sous le mode de l'inscription en clinique externe permettent aux établissements de diminuer le volume des besoins et des coûts d'hospitalisation. De plus, les centres hospitaliers à vocation régionale peuvent répondre, par cette modalité, à la nécessité d'offrir des services de santé appropriés. Il nous apparaît donc inadmissible qu'un citoyen puisse n'avoir accès aux services dans les centres hospitaliers qu'en passant obligatoirement par l'intermédiaire d'une référence médicale. Même si un médecin peut inscrire un bénéficiaire, nous soulevons le problème relatif à l'accès direct des citoyens à une évaluation ou à une intervention professionnelle de l'ergothérapeute, de l'infirmière ou de l'infirmier, de l'orthophoniste ou de l'audiologiste, du physiothérapeute, du psychologue, du travailleur social ou du conseiller d'orientation. Il est nécessaire de rappeler que les programmes externes comprennent des activités multidisciplinaires qui sont planifiées, organisées et contrôlées à l'intérieur d'un encadrement institué par le centre hospitalier, de sorte qu'une personne devrait pouvoir s'inscrire à ces programmes sans qu'on exige nécessairement une demande de la part du médecin.

Considérant que toute personne a la liberté de choisir le professionnel dont elle désire recevoir des services, que les programmes en externe comprennent des services multidisciplinaires dispensés tant par le médecin, le dentiste que par le personnel clinique, et qu'ils sont accessibles selon les politiques établies par l'établissement, il est recommandé que soit éliminé l'article 25 exigeant une demande d'un médecin ou d'un dentiste membre du conseil des médecins et

dentistes de l'établissement pour que soit inscrite une personne à des services ne nécessitant pas son hospitalisation.

Un cinquième et dernier point qui traite du caractère confidentiel du dossier. Nous nous inquiétons de certaines dispositions de la réglementation concernant le dossier du bénéficiaire en ce qui concerne l'obligation pour un établissement de fournir au ministre les informations apparaissant à l'annexe 2 du projet de règlement. Ces dispositions de l'article 24 soulèvent toute une série de questions sur le caractère confidentiel de ces documents. Qu'arrive-t-il du secret professionnel et du droit à la protection des renseignements? L'informatisation des données protégera-t-elle ces droits fondamentaux et l'accès à ces informations sera-t-il vraiment circonscrit? Nous n'avons pas trouvé, à l'heure actuelle, de réponse claire à ces questions. Nous nous interrogeons sur les dispositions de l'article 24 en nous demandant si elles sont conciliables avec les dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne, ainsi qu'avec les dispositions de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Nous croyons qu'il est de notre responsabilité de vous transmettre nos inquiétudes et nos interrogations à ce sujet.

Pour conclure, disons que nos concitoyens et nos concitoyennes dans l'ensemble et les bénéficiaires de façon plus spécifique ont un droit strict à l'accès à des services professionnels qui répondent de façon particulière au caractère global de leurs besoins en matière de santé et de services sociaux. Les avantages indéniables de l'intervention multidisciplinaire fondés sur l'autonomie essentielle des diverses professions en cause appellent des règles de saine gestion qui devraient être intégrées au projet de règlement sur l'organisation et l'administration des établissements. Il est donc impérieux que le gouvernement voie à la création ou au maintien dans le réseau des affaires sociales d'unités administratives responsables et respectueuses de ces apports professionnels distincts.

Nous vous remercions de la considération que vous accorderez à nos préoccupations. Nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions visant à clarifier le contenu de ce mémoire.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, Mme Manzo, ainsi qu'à vos collègues, ceux qui sont assis à côté de vous ou dans les premières rangées de la salle. J'apprécie à sa juste valeur la qualité de votre mémoire compte tenu des contraintes considérables que vous avez de représenter une ligne commune ou une sorte de dénominateur commun de corporations aussi diversifiées que celles que vous représentez. Je pense que vous êtes parvenue, en tout cas, à faire l'exercice d'une façon suffisamment impressionnante pour que votre mémoire soit clair. De plus, je comprends aussi qu'à l'égard de nos questions, je vais tenter de les formuler en termes les plus généraux possible. Je comprends que vous êtes dans une situation un peu délicate aussi pour répondre au nom d'autres corporations.

Peut-être ferais-je beaucoup plus de commentaires plutôt que de vous poser des questions. Le premier commentaire que je ferais nous vient de la préoccupation que vous reconnaissez d'emblée dans votre mémoire de mieux intégrer les médecins à l'administration hospitalière et à la vie de l'établissement. C'était l'objectif de la loi 27 et c'est dans la poursuite de cet objectif que nous proposons ce projet de règlement sur lequel nous vous entendons aujourd'hui. Il reste que - j'aimerais peut-être entendre certains commentaires un peu plus tard - les propositions que vous nous faites, que ce soit au niveau du CCPC, de l'inclusion de personnes représentant les professions non médicales au conseil consultatif, que ce soit dans la notion de gestion des ressources humaines et de l'exclusion que vous voudriez nous voir apporter dans le cas des technologistes ou des techniciens en radiologie, vous me semblez reconduire sur le plan des concepts la dichotomie qui existe, à laquelle nous ne mettrons fin que par des ambiguïtés créatrices pour reprendre, non pas une expression, mais le mot ambiguïté que vous avez dans votre mémoire. (20 h 15)

Quant à l'article 25 qui vous préoccupe passablement, je vous dirai que la seule chose que nous changeons dans le règlement actuel, c'est le fait qu'il faut que cette référence par un médecin vienne d'un médecin qui est membre du CMD. C'est la seule précision que nous apportons. Ce que nous reconduisons, c'est ce qui a toujours existé et cela vient de la logique qui a inspiré la mise sur pied des programmes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-maladie, qui est ce que l'État voulait couvrir au moment où il a adopté ces programmes.

La notion de référence médicale est une très vieille notion dans notre système. Elle est vécue d'une façon beaucoup plus évidente et manifeste à cause de la nature même de ce que sont les fonctions hospitalières, elle est vécue de façon beaucoup plus évidente au niveau hospitalier. Je ne dirais peut-être pas de façon aussi évidente dans les CLSC, par exemple, ou dans les centres d'accueil où les autres professionnels de la santé sont appelés, comment dirais-je, à exercer leur autonomie d'une façon peut-être plus large ou moins

contraignante, non pas seulement à l'égard de la profession médicale, mais du fait que ces établissements sont, en général, beaucoup plus axés sur une dimension multidisciplinaire, bien qu'elle soit quand même présente dans le milieu hospitalier, surtout dans les cliniques externes, mais aussi du fait que la diversité des intervenants et leur seul nombre sont beaucoup moins impressionnants évidemment dans un CLSC ou dans un centre d'accueil spécialisé en hébergement ou en réadaptation.

Les très grands hôpitaux, notamment les hôpitaux universitaires des grandes régions urbaines du Québec, ont en général des CCPC qui ont beaucoup de difficultés à fonctionner, mais je dois dire, cependant, à l'exception de la région 03 où il y a une sorte de tradition. Par ailleurs les plus petits hôpitaux ont des CCPC qui fonctionnent. Pourquoi? Essentiellement parce qu'il y a moins de gens dans les petits hôpitaux, deuxièmement, parce que l'équilibre entre le corps médical et "les autres professions de la santé" est différent et, troisièmement, parce que la réalité syndicale aussi, ce qui est toujours très délicat et très complexe - je sais que vous n'êtes pas ici pour nous parler de cela - est probablement moins présente pour une raison ou pour une autre. Dans les grands hôpitaux, notre perception c'est que le travail ou la revendication qui est faite par les professions de la santé que vous représentez ici passe souvent par la voie syndicale. Encore une fois, je ne la qualifie pas. Je ne dis pas que ce n'est pas correct, etc., mais je dis simplement que l'instrument le plus naturel, souvent, pour les professions, à l'exclusion des infirmières qui ont une structure très précise, c'est la voie syndicale, la voie du grief, par exemple, dans l'applicaiton de la convention collective, etc.

Encore une fois, je ne porte pas un jugement sur cela, mais je considère que c'est une situation de fait et que si les conseils consultatifs, c'est-à-dire les CCPC s'étaient développés de façon très étendue, probablement que ce serait leur instrument. Mais la diversité et les nombres, je pense, ont joué contre le regroupement et probablement que c'est un jugement qu'on peut porter sur l'application de la loi au moment où elle est adoptée, au moment où on a choisi de créer des CCPC qui sont, on le sait, dans l'immense majorité des cas, des structures plutôt inopérantes.

À l'égard de la confidentialité, vous aussi, en tant que corporation, c'est bien démontré dans votre document, à la page 14, vous accomplissez, avec beaucoup de précision, vos mandats de corporation. On en a déjà, d'ailleurs, assez longuement traité dans des séances précédentes et je peux vous dire qu'on prend très bonne note de vos commentaires.

Quant à l'accès aux services, il reste que vous reposez le principe de la possibilité pour un professionnel régi par les lois de vos corporations d'être celui qui initie ou celle qui initie, finalement, une démarche d'accès aux services. C'est vrai dans le secteur privé. Je pense, notamment, à la physiothérapie qui, de plus en plus, est présente dans le secteur privé et où les règles de responsabilité professionnelle m'apparaissent a priori - ou en tout cas jusqu'à preuve du contraire - respectées à la fois par les membres et par la corporation, mais où l'environnement, encore une fois, est très monolithique. C'est celui d'un cabinet de professionnel qui s'appelle physiothérapeute par opposition à une équipe très diversifiée, très large, très nombreuse, où ultimement ce qui est couvert dans le cas de l'hôpital, c'est l'assurance-hospitalisation, ce qui est couvert dans le cas de la présence du médecin, c'est l'assurance-maladie, que ce soit à l'hôpital ou à l'extérieur.

Ce n'est pas notre intention - je veux simplement vous le dire tout de suite - de faire en sorte qu'on élargisse une chose qui n'existe pas en ce moment dans nos hôpitaux, à savoir de donner une initiative aux autres professionnels de la santé en termes d'utilisation de l'ensemble des ressources à l'égard d'un patient. La règle veut, dans notre système, que ce soit le médecin, ultimement, qui ait la responsabilité d'amorcer le déclenchement du processus d'hospitalisation et la sortie. On sait cependant - et je présume que vos collègues de la Corporation des psychologues ou des travailleurs sociaux nous en parleront, dans le cas de la psychiatrie, par exemple - la part extrêmement importante qui est jouée par ces professionnels. Il reste qu'au bout de la ligne, dans la mesure où cela se situe dans les murs d'un hôpital, notre système est ainsi fait que c'est la responsabilité du médecin qui est d'abord et avant tout engagée à l'égard de la responsabilité de l'établissement. Ce qui n'empêche pas que, évidemment, la responsabilité de chacun des professionnels intervenant dans les équipes multidisciplinaires existe au niveau de la qualité, des règles de déontologie, d'excellence, etc. Et en ce sens-là, je veux simplement vous dire - bien que je ne pense pas que vous ayez eu l'impression qu'on se dirigeait vers cela - que nous n'avons pas l'intention de modifier cette dimension d'initiative du corps médical dans le cas des hôpitaux.

Pardon. J'ai peut-être besoin d'un physiothérapeute ce soir pour faire du "clapping".

Donc, j'aimerais vous entendre réagir à certains de mes commentaires et au dernier, sur les centres d'accueil, où j'aimerais vous entendre aller un peu au-delà du paragraphe que vous avez à la page 9 sur la notion de

l'encadrement en centre d'accueil. Voyez-vous - et, encore une fois, je prends vos commentaires sous toute réserve parce que vous représentez un groupe diversifié et que c'est délicat pour vous - des axes d'organisation dans le cas des centres d'accueil qui seraient passablement différents de ce qu'on retrouve en milieu hospitalier et qui seraient peut-être un peu plus le reflet de la présence beaucoup plus importante, effectivement, des autres professions, en termes relatifs, que celle de la profession médicale dans ces centres d'accueil?

Le Président (M. Desbiens): Mme

Manzo.

Mme Manzo: Oui. Vous avez abordé plusieurs points dans vos commentaires. On va essayer de répondre le plus complètement possible. Je pense qu'il est important de souligner qu'on est assez conscients de la complexité qui se pose au législateur face à l'organisation dans les institutions. J'aimerais peut-être, avant de céder la parole à mes collègues, faire un rappel historique de l'évolution des services de santé dans le sens où, au début, il y avait le médecin, il y avait les religieuses et il y avait le curé. Ensuite se sont développées, pour X, Y, raisons, différentes professions qui, peu à peu, ont installé les assises de leur science et qui maintenant, je pense, arrivent à une maturité à ce niveau-là. C'est ce qui explique en grande partie les éléments que vous retrouvez dans le mémoire. Quand vous parlez de dichotomie par rapport à l'implication des médecins dans l'administration des établissements, je peux vous dire que, moi, je ne la vois pas dans le sens où, si à tous les jours nous collaborons par rapport au traitement à donner au bénéficiaire, je pense que dans l'administration aussi il y devrait y avoir une collaboration qui devrait s'installer et non pas de minimiser la part administrative et professionnelle des uns pour permettre aux autres de se prendre en charge de ce côté. C'est un commentaire bien général. Je vais céder la parole à M. Michel Sabourin et par après, à M. Pierre Landry.

M. Sabourin (Michel): Merci. J'aimerais simplement ajouter quelques commentaires à ceux de Mme Manzo qui font référence bien sûr aux commentaires du ministre concernant notre mémoire.

En ce qui concerne son premier commentaire sur la question de mieux intégrer les médecins dans les centres hospitaliers, comme c'était le voeu de la loi 27, bien sûr que nous sommes d'accord et nous l'avons mentionné. A ce sujet, il ne faut pas oublier que dans le secteur hospitalier, il y a une proportion importante de professionnels qui ne sont pas médecins qui, je pense, méritent aussi d'être intégrés au niveau du système. Le sens qu'on peut donner à notre démarche, ici, ce soir, c'est d'essayer de prévoir qu'il y ait des mécanismes, des structures de fonctionnement précis qui permettent à tous ces professionnels d'exercer justement, comme disait le ministre, leur créativité à ce moment et qu'ils puissent, en ce qui concerne le centre hospitalier ou le centre de services sociaux auxquels ils appartiennent, contribuer d'une façon plus grande en même temps en collaborant avec les médecins qui font partie de l'établissement et qui y jouent un rôle très important.

En ce qui concerne l'accessibilité aux services, nous reconnaissons qu'il existe une logique et une tradition assez lointaine qui fait qu'habituellement en ce qui concerne l'externe, les gens doivent obligatoirement passer par les références médicales. Il existe également à ce niveau - M. le ministre doit sûrement être conscient de cela - dans plusieurs régions éloignées et même dans des régions non pas aussi éloignées - il existait d'une façon plus fréquente antérieurement -cette possibilité d'accès à des services directs offerts par des centres hospitaliers dans le cadre de programmes précis qui ont été approuvés par le centre hospitalier et qui se retrouvent au niveau d'une collaboration multidisciplinaire. C'est-à-dire qu'il n'est pas question de demander que nos professionnels exercent en cabinet privé dans un centre hospitalier, ce n'est absolument pas le sens de notre demande. Mais simplement nous demandons que cela continue comme avant, que les gens qui requièrent des services de santé, des services médicaux, les requièrent en externe par la modalité de l'inscription sauf qu'ils puissent également et dans certains cas c'est très clair - il y a des gens qui n'ont pas nécessairement besoin d'une intervention médicale - requérir des services précis déjà prévus par l'hôpital. On pense que ce serait peut-être logique et surtout moins coûteux d'éliminer un intermédiaire qui n'est pas nécessairement requis dans tous les cas.

Par là, je voudrais faire remarquer que nous croyons que la très grande majorité des inscriptions vont sans doute demeurer et vont se faire de la même façon qu'actuellement. Il serait important de reconnaître dans la réalité quelque chose qui se passe déjà assez fréquemment dans les régions éloignées de par le manque de professionnels. Il arrive quelquefois que ceci soit fait en fonction du bienfait du bénéficiaire. Les délais qu'on impose souvent pour l'accès à certains services peuvent être quelquefois préjudiciables à l'intérêt du bénéficiaire. En ce qui concerne l'accès, ce qu'on demande dans le mémoire, ce n'est pas tant de commencer toute une série de traitements et ce n'est

pas tant, comme disait le ministre, l'utilisation de l'ensemble des ressources de l'hôpital. Il ne s'agit pas de faire ce qu'on appelle communément le "screening" mais uniquement de pouvoir donner des services que les gens demandent et qu'ils ont droit de demander si on se réfère à l'article 6 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Je vais limiter ces commentaires à ces considérations pour le moment.

Mme Manzo: J'aimerais inviter M. Landry à vous entretenir peut-être de certaines suggestions ou commentaires qu'il pourrait nous faire sur l'organisation dans les centres d'accueil. (20 h 30)

M. Landry (Pierre): En fait, comme vous l'aviez un peu prévu en ce qui concerne les centres d'accueil, il va m'être difficile d'aller beaucoup plus loin que ce que nous disons dans le mémoire. Essentiellement, ce qu'on dit dans le mémoire à ce sujet, c'est que compte tenu du développement des centres d'accueil avec beaucoup de vocations à caractère préventif, protection et tout cela et qui est, je dirais, un milieu encore plus naturellement favorable à la multidisci-plinarité et où cela devient encore peut-être plus essentiel. On se dit que, dans le fond, c'est un peu le modèle qu'on préconisait pour le milieu hospitalier, dont on voit la même application. Je pense que cela revient toujours et on essaie quand même d'être raisonnable. Lorsque les besoins des bénéficiaires, le volume et la nature des activités l'imposent - on connaît la grande diversité de dimensions des centres d'accueil auxquels on peut avoir affaire - il y aurait lieu, selon nous, d'instaurer des services et des petits départements avec les divers professionnels. Dans le fond, c'est sensiblement la même chose que ce qu'on préconise dans le milieu hospitalier, sauf qu'on est peut-être dans un milieu où les traditions sont moins instaurées ou établies d'une façon plus rigide.

Le Président (M. Desbiens): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire que j'ai l'impression qu'on vous a soumis à un exercice difficile en vous obligeant à vous regrouper. Je dois avouer que je suis un peu partie à cet exercice parce que, très honnêtement, le ministre m'en avait parlé. Il se disait: On ne peut quand même pas entendre 10 corporations, comme dans votre cas. Je me suis rendue au sens pratique du ministre, mais je réalise aujourd'hui que cela vous paralyse passablement dans les revendications, entre guillemets, que vous voulez faire aujourd'hui.

Vous avez soulevé plusieurs questions à côté desquelles le ministre est peut-être passé un peu rapidement. C'est sans doute à cause de sa mauvaise grippe et je suis fort sympathique à sa mauvaise grippe. J'aimerais vous voir donner un exemple - peut-être que le ministre passe un peu vite, sans doute à cause de sa grippe - sur le fameux article 25. Si on se réfère à l'article actuel, qui est l'article 49, le ministre nous dit: II s'agit d'un changement mineur. L'article 49 se lisait: "Une personne est inscrite dans un centre hospitalier lorsqu'elle requiert ou reçoit des soins ou traitements qui ne nécessitent pas son hébergement, mais sans plus" alors qu'à l'article 25 on lit: "Une personne est inscrite dans un centre hospitalier à la demande d'un médecin ou dentiste qui est membre du Conseil des médecins et dentistes de l'établissement; ce médecin ou dentiste devient le médecin ou dentiste traitant du bénéficiaire."

Il y a là une différence qui m'apparaît, à moi aussi, majeure. Je sais pas si je vous interprète bien, quant aux difficultés que vous tentez de faire valoir auprès de la commission. Est-ce que je me trompe en disant que, dans le fonctionnement actuel des hôpitaux, il pouvait y avoir, par exemple, des références de l'infirmière à un professionnel, ou encore, d'un autre professionnel qui n'était pas le médecin à la diététiste, au travailleur social etc? D'après ce que je comprends, ceci vient changer cette façon de fonctionner. Est-ce que je me trompe ou si c'est cela que vous tentez de nous communiquer?

Mme Manzo: Ce n'est pas tout à fait cela. Quand vous parlez d'une référence de l'infirmière, par exemple, à la diététiste ou du psychologue à l'ergothérapeute...

Mme Lavoie-Roux: ...des gens dans l'hôpital.

Mme Manzo: ...la personne est déjà inscrite ou admise à l'hôpital. C'est une chose. On parle ici de cas qui ne seraient pas encore inscrits, des gens qui viennent de l'extérieur de l'hôpital.

Mme Lavoie-Roux: Pouvez-vous donner un exemple concret de cela?

Mme Manzo: M. Michel Sabourin soulevait tantôt l'exemple, en régions éloignées, des personnes qui font une demande à l'institution. Je vais prendre l'exemple de l'ergothérapie parce que c'est la profession qui m'est la plus familière. Cela pourrait être par exemple le cas d'un bénéficiaire qui a été hospitalisé, qui a été admis et qui a eu des traitements internes et externes, qui par la suite est retourné dans son milieu de travail et qui présente des problèmes dans son milieu de travail, et qui a besoin d'une réévaluation qu'on appelle

"travail". Il n'a pas besoin de soins médicaux; il n'a pas besoin de réévaluation dans les laboratoires ou de radiographie. Ce que les personnes de la ressource dans le milieu ou ce que les employeurs veulent savoir, c'est: comment peut-il fonctionner dans le milieu de travail? Ou est-ce qu'on peut l'aider à mieux fonctionner? Alors dans un cas comme celui-là je ne crois pas que l'intervention du médecin soit nécessaire. Peut-être qu'on pourrait apporter d'autres exemples aussi.

M. Sabourin: Je peux peut-être me permettre d'ajouter très brièvement que le simple fait que des gens quelquefois se présentent dans un centre hospitalier avec un problème bien précis, bien délimité et qui n'est pas de nature médicale, à ce moment-là ils veulent obtenir un service précis; ils connaissent quand même leur besoin à ce niveau-là et ils font la demande de ce service. Nous pensons que lorsque quelqu'un a besoin d'un service qui n'est pas nécessairement médical, il peut l'obtenir en s'inscrivant dans une clinique externe d'un hôpital. L'exemple qu'on vient de donner est assez courant et on le retrouve fréquemment dans la vie de tous les jours. Si je prends l'exemple, comme Mme Manzo pour l'ergothérapie, d'une profession que je connais bien, soit la psychologie, il arrive fréquemment que des gens vont consulter des psychologues parce qu'ils ont besoin de services psychologiques et qu'ils savent pertinemment qu'ils vont trouver la réponse en consultant un psychologue. Il y a des programmes spécifiques et précis qui existent très souvent dans les centres hospitaliers. Ils peuvent demander d'y avoir accès. Par ailleurs, je dois faire remarquer que pour la grande majorité de nos corporations professionnelles, quand on reçoit un client en pratique privée, supposons, et qu'à notre avis, il présente des problèmes médicaux on le réfère immédiatement au médecin. Bien sûr, on a appris à reconnaître et à utiliser les services du médecin quand ils sont requis à ce niveau.

Mme Manzo: Il est peut-être important de souligner que nos préoccupations vont beaucoup autour du fait que c'est une pratique qui existe présentement et qui n'est pas cautionnée d'aucune façon par la loi et les règlements et qui doit l'être puisque cela répond à des besoins.

Mme Lavoie-Roux: J'essaie de bien comprendre votre préoccupation. Ne s'agirait-il pas de patients ou de bénéficiaires qui ont déjà été traités dans un centre hospitalier, qui ont eu leur congé, mais qui, à l'occasion de leur suivi, que ce soit à l'hôpital ou en clinique, ont eu des contacts avec différents professionnels. Prenons la diététiste par exemple. Bon, ils retournent chez eux; les choses vont bien pendant X temps et tout à coup on réalise qu'une diète qui doit être suivie est mal suivie ou qu'elle devrait être modifiée, enfin, le bénéficiaire s'en rend compte lui-même. Ne s'agit-il pas à ce moment-là d'un bénéficiaire qui retourne consulter le ou la diététiste qui l'a suivi? Dans le fond, ce bénéficiaire est toujours inscrit dans le centre hospitalier. Avez-vous des gens qui vont venir directement de la communauté à un service diététique d'un centre hospitalier pour demander des conseils sur l'obésité, par exemple?

Mme Manzo: Ce n'est pas exclusivement des gens qui ont déjà été traités et qui ont reçu des soins dans le centre hospitalier. Cela peut être des gens qui n'en ont pas reçu, je ne dirai pas jamais, mais qui ont un besoin et qui s'adressent à l'institution. Je ne peux pas vous donner de proportion.

Mme Lavoie-Roux: Non, je sais ce que vous voulez dire. Est-ce que dans ces cas-là ce ne serait pas plus normal pour ces personnes, s'il y en avait un, qu'elles soient référées au CLSC, ou, dans le cas d'autres types de services, qu'elles soient référées au CSS? Évidemment, il reste des professions qui seraient à découvert parce qu'elles ne fonctionnent qu'en milieu hospitalier, j'imagine.

Mme Manzo: Vous savez que justement les CLSC, présentement, n'offrent peut-être pas la gamme des services qu'on retrouve dans les centres hospitaliers. Il y a aussi la question de la lourdeur des cas qui s'adressent aux centres hospitaliers, qui sont différents des cas qui s'adressent aux CLSC. Maintenant, si on considère la totalité de la province, on a vu naître différents hybrides, différents agencements. On a des petits CLSC, des grands CLSC, des petits hôpitaux. Tout cela fait un agencement qui n'est pas homogène. Ce qui fait que dans certaines régions on peut peut-être référer des cas au CLSC, cas qui vont s'adresser à l'hôpital général dans une autre région.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ma collègue de Jacques-Cartier m'a envoyé cette note. Pourquoi je la reprends? C'est que j'ai vécu cela moi aussi à plusieurs reprises. Que ferait dans une localité donnée l'école qui réfère un enfant en difficulté d'apprentissage à un psychologue et que la seule place où il s'en trouve c'est l'hôpital?

M. Johnson (Anjou): On revient non pas à une question de préférence personnelle que d'aucuns voudraient attribuer à celui qui vous parle ou d'autres à cause de ses antécédents et de sa formation, mais on revient à ce que dit la loi. La loi dit "services médicalement requis". C'est cela que l'État a décidé de

régler il y a quelques années, les services médicalement requis. C'est comme cela d'ailleurs qu'on va chercher la moitié du financement. Nous, on dit 48% quand ils sont de bonne humeur au fédéral. C'est cela qui est couvert dans notre régime, c'est cela qu'on retrouve dans la Loi sur l'assurance-maladie, c'est cela qu'on retrouve dans la Loi sur l'assurance-hospitalisation. Le cas que vous soulevez est un cas extrêmement intéressant. Cela veut dire qu'en pratique il faut qu'il y ait un contrat de service entre l'hôpital et la commission scolaire. Il faut qu'il y ait un contrat de service. Il faut qu'il y ait un paiement pour ce service par la commission scolaire. Pourquoi? Parce que l'ensemble de notre structure est basé sur la notion du "médicalement requis" qu'on retrouve à toutes sortes de places, dans les règlements, dans les lois, dans le financement, etc. Je ne dis pas que c'est le bonheur, surtout quand je sais à qui je m'adresse dans le cas des corporations professionnelles autres que médicales. Ce n'est pas pour rien que l'État, depuis un certain nombre d'années, a développé les CLSC. Écoutez, sur la part des psychoéducateurs dans les centres d'accueil et de réadaptation, je dois vous dire qu'ils en mènent un peu plus large que les médecins. Cela n'empêche pas l'État d'être présent et de mettre littéralement des dizaine de millions là-dedans.

Il reste que quand on parle de l'hôpital, la logique et la cohérence du système c'est la notion du médicalement requis. C'est là, je pense, qu'on doit trouver des réponses, non pas dans les préjugés et les idéologies, essentiellement parce que c'est ce que cela couvre. Les problèmes qu'on soulève, je pense qu'il faut essayer d'y trouver des solutions à l'occasion. Je ne pense pas que l'ouverture, qu'évoque le regroupement des corporations professionnelles ici, le regroupement des dix qu'on entend ce soir, de la notion d'inscription par toutes les autres professions soit une voie simple. Sur le plan du financement ce ne sera pas drôle tout à l'heure. Je pense que M. Sabourin me comprendrait si je parlais de Valleyfield. Dans la mesure où on a une cohérence qui est le "médicalement requis" dans le secteur hospitalier, il faut trouver d'autres voies pour répondre à cela. Le jour où on ouvre cela à l'égard de la notion d'inscription pour l'ensemble des autres professions, tout en comprenant que dans les régions éloignées en psychiatrie c'est évident... Je sais bien qu'en Abitibi la moitié du temps ce sont les psychologues qui règlent les problèmes. Ils ne peuvent pas prescrire de l'Argactil, par exemple. Je sais bien qu'en physiothérapie, en pratique, et en ergothérapie il y a une espèce de présence de fait de la profession dans certains milieux où il manque de médecins, où il manque d'encadrement, où il n'y a pas de physiatres, etc. Je sais qu'en pratique les physiothérapeutes - je suis allé récemment à l'hôpital de Chibougamau où on a un service de physiothéraphie et j'ai l'impression qu'on en mène assez large. Cependant, de temps en temps, il y a un orthopédiste qui y va et il va y avoir du médicalement requis... Cela reste la cohérence de nos lois sur l'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation et, encore une fois, ce n'est pas une question de choix idéologique. Le jour où on change cela, on change toute la perspective, non pas sur le plan de l'idéologie et du respect des professions, on change toute la perspective de financement du régime, et nous ne sommes pas prêts à faire cela.

Cela dit, beaucoup des considérations des cas que vous avez évoqués, des cas qui ont été évoqués par les gens qui sont venus témoigner devant nous ce soir, devront connaître dans une certaine mesure certaines réponses. Je ne suis pas très optimiste quant à la précision des réponses qu'on peut apporter à cela, parce que c'est un échafaudage où chaque bloc dépend de l'autre, et le jour où on en déplace un on déplace toute la pyramide; c'est très complexe.

Dans le cas du milieu scolaire, la notion de contrat de services est idéale: on fait payer la commission scolaire. Dans le fond, c'est le psychologue de l'hôpital qui va régler le problème, il n'y a pas de médecin dans le circuit et il n'y en aura pas non plus, mais il faut que, quelque part, quelqu'un paie, alors on fait payer la commission scolaire et on s'occupe d'aller vous taxer. (20 h 45)

Mme Lavoie-Roux: ...des psychologues bientôt.

Mme Manzo: Est-ce que vous aviez une question, madame?

Mme Lavoie-Roux: C'était pour qu'on aille un peu plus au fond de la question que je vous ai posé cette question.

Mme Manzo: J'aimerais réagir à ce que dit M. le ministre, parce qu'il vient de parler de respect des professions. J'aimerais vous dire qu'il faut penser au respect du bénéficiaire et quand on pense à "médicalement requis", qu'est-ce que cela veut dire? Si on pense au bénéficiaire, on pense à un bénéficiaire qui peut être malade physiquement, qui a des besoins affectifs, qui peut avoir des disfonctions au niveau de son fonctionnement social et au niveau de son fonctionnement biologique. Je crois que le législateur doit en tenir compte dans la mesure du possible.

M. Sabourin: Si je peux me permettre,

je voulais simplement ajouter quelques mots à la suite des propos du ministre. La question des coûts supplémentaires qui pourraient être engendrés par une accessibilité plus universelle ne m'apparaît pas évidente à première vue. C'est que, dans les centres hospitaliers, les professionnels sont déjà là, ils sont engagés et reçoivent un salaire. Dans le fond, ce qu'on demande, c'est d'augmenter leurs tâches, mais on ne demande pas d'augmentation de salaire en même temps.

M. Johnson (Anjou): Vous ne demandez pas d'augmentation d'effectifs, par hasard?

M. Sabourin: L'idée qu'on vous a soumise ce soir a trait uniquement à l'utilisation efficace des ressources là où elles sont et des ressources qui sont en place, bien sûr.

M. Johnson (Anjou): M. Sabourin, là-dessus, j'ironisais un peu. Je sais que vous n'êtes pas venus ici faire une revendication syndicale, parce que votre mémoire avait le ton qu'on est en droit de s'attendre d'une corporation professionnelle. Je dis simplement que finalement, encore une fois, je ne nie pas l'intérêt que représente, pour les citoyens, les bénéficiaires et l'évolution de notre société, un accès plus large à certains des services rendus par les professions, mais je dis: II n'y a rien dans nos lois à ce stade-ci, il n'y a rien dans la logique de nos lois depuis quinze ans au Québec dans ce sens. Il y a cependant une présence massive de l'État à travers les CLSC et les centres d'accueil, par exemple, où c'est clair que l'accès à beaucoup de ces services contrairement à ce qu'on voit dans beaucoup d'autres provinces ou beaucoup d'autres endroits sur le continent nord-américain - où on a développé, malgré tout, une certaine accessibilité à ce type de services... C'est pour cela que, nous, nous le voyons de deux façons, il y a d'abord l'hôpital qui est le gros morceau, ce sont les gros budgets, ce sont les affaires qui font mal au monde, ce sont les besoins les plus évidents, les plus manifestes et, dans l'hôpital, la notion du médicalement requis reste une notion centrale.

Deuxièmement, il y a les autres professions. Dans le cas de l'hôpital, on dit: Dans le fond, ils sont un peu à la remorque de l'ordonnance médicale - ce qui est d'ailleurs vrai, j'ai l'impression, pour 90% de la pratique de la plupart des professionnels -ils sont dans un cadre de notion d'ordonnance médicale et, dans les autres cas, nous disons: L'extension à ce type de services nécessiterait des modifications extrêmement importantes à nos lois et présupposerait qu'on accepte de changer un peu la nature de ce qu'ont toujours été les hôpitaux. Je ne dis pas que ce ne serait pas souhaitable, mais je sais qu'à ce stade-ci, il reste que certains des problèmes très spécifiques qui sont évoqués par les corporations dans certaines conditions, que ce soit l'exemple qui nous a été donné sur l'ergothérapie, la pschyco ou la physio, ce sont des choses auxquelles il faut tenter de donner des réponses.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse auprès de nos invités si je pose une question au ministre, mais comme nous n'aurons pas d'autres occasions, il faut bien que je la pose ici.

L'article 49, tel qu'il existait, était plus général, si on peut dire, et permettait, je pense, de répondre à ce genre de requête qui pouvait venir de la communauté ou autre, particulièrement dans les milieux qui ne sont pas dotés de CLSC ou qui n'ont pas tous les équipements qu'un centre plus urbain aurait. Quel est le but du ministre en le rendant beaucoup plus contraignant par l'article 25?

M. Johnson (Anjou): Je vais vous donner un exemple. On a eu une cause de jurisprudence. D'abord, il faut bien dire que l'article 49 appliquait la loi, et dans la loi la notion du médicalement requis est là. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil quant à cela.

Mme Lavoie-Roux: ...dans les règlements, de toute façon.

M. Johnson (Anjou): C'est cela, mais ce que je veux dire, c'est que l'article 49 de l'ancien règlement, il fallait le voir comme un règlement d'application de la loi, et la loi a toujours référé à une notion, sous un vocable ou l'autre, de médicalement requis. Bon! Donc, on refond et on fait la distinction entre l'admission, l'inscription, etc. Deuxièmement, pour revenir à votre question, on a eu une cause de jurisprudence récemment. Un médecin - entre guillemets -de pratique privée fait inscrire un citoyen, un de ses patients à des services en externe. C'était un hôpital. Le tribunal dit dans cette cause, si je ne me trompe, à cause du pouvoir réglementaire, qu'il avait le droit de le faire. Car le règlement n'était pas assez précis. Ce qui voulait dire que du jour au lendemain, avec cette décision, on pouvait présumer que n'importe quel médecin à n'importe quel endroit sur le territoire pouvait, à toutes fins utiles, aller tirer ses ressources des établissements, même en externe. Je comprends que dans le cas précis qui était visé de M. ou de Mme Untel, c'était peut-être une bien bonne chose et tout le monde trouvait que c'était une bien bonne idée, mais il reste que cela n'a pas de bon sens d'organiser un système semblable.

On n'est pas pour laisser 12 000 centres de décision sur le territoire du Québec - c'est-à-dire le nombre de médecins qu'il y a -décider comment vont fonctionner toutes les cliniques externes de tous les établissements hospitaliers. Ce qu'on fait, c'est de dire: L'inscription pour activités en clinique externe doit venir d'un médecin qui est membre du CMD, ce qui veut dire qu'en pratique, le médecin de quartier qui n'a pas de privilège d'hospitalisation à cet endroit, ce qu'il va faire c'est de faire appel à un collègue qui est membre du CMD. Sans cela, il n'y a pas de limites au type de désorganisation qu'on peut avoir et il y a une utilisation peut-être pas très rationnelle des ressources. C'est évidemment plus contraignant pour les professionnels en pratique privée, les médecins, mais je pense que c'est un peu mieux pour le système comme cela.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez l'impression, vous autres, de toute façon, que c'est une certaine limitation à l'accessibilité des bénéficiaires et c'est dans ce sens que vous le présentez. Bon! Je pense qu'on ne peut pas aller plus loin dans la discussion.

Je voudrais maintenant passer au fameux problème soulevé par votre coalition et qu'on retrouve dans différents mémoires. C'est la question du médecin qui devient responsable, enfin! la création des départements et services cliniques. On en mentionne deux précisément dans les règlements, soit la radiologie et les laboratoires où - et je l'ai vu à peu près dans tous les mémoires, que ce soit les techniciens en radiologie, que ce soit les physiothérapeutes, etc. - vous trouvez qu'il peut y avoir là un accroc, peut-être pas nécessairement un accroc, mais un danger pour l'autonomie professionnelle des professionnels - je m'excuse - et j'aimerais lire ici, par exemple, - celui-ci m'a frappée particulièrement - le mémoire de la Corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec, j'en avais lu un qui était aussi véhément, celui des techniciens en radiologie, mais je n'ai pas le mémoire avec moi - qui dit à la page 8: "Nous croyons sincèrement que l'autonomie des professionnels, péniblement acquise, et que la multidisciplinarité recherchée encore bien fragile seraient anéanties par les dysfonctions administratives qui découleraient de l'application du projet de règlement tel que présenté." On a déjà discuté, avant que vous ne veniez aujourd'hui, des responsabilités du médecin comme chef de département clinique, pas nécessairement une ingérence, mais une certaine interférence... Oui, interférence, je ne sais pas si c'est français non plus, mais en tout cas, une certaine interférence avec la pratique des différentes professions. Est-ce vraiment un danger? Ici, on m'a dit que non, que ce n'en était pas un. D'ailleurs, ce sont les médecins qui m'ont dit qu'il n'y en avait pas, si je m'en souviens bien.

Des voix: Ah! Ah!

Mme Lavoie-Roux: Remarquez bien que je pense qu'il y a des médecins qui sont capables de respecter l'autonomie professionnelle des gens. Il y en a d'autres peut-être moins. Je ne le sais pas. Pouvez-vous préciser un peu plus ce que vous dites, parce que cela semble comme un danger appréhendé. Dans la pratique, cela présente-t-il un problème majeur pour les professions?

Mme Manzo: Écoutez, je vais céder la parole à M. Landry.

M. Landry (Pierre): Je pense que ce serait peut-être utile de faire un bref rappel, et ce sont des considérations qui sont semblables à celles qu'on apporte au niveau de l'accès aux services en externe, particulièrement. Au cours des dix dernières années, la façon de travailler en milieu hospitalier a changé beaucoup et je dois reconnaître avec le ministre qu'on s'est doté effectivement d'équipements plus sophistiqués que ce qu'on voit dans beaucoup d'endroits en Amérique du Nord. Notamment, il y a la réorganisation du réseau des affaires sociales qui s'est faite en parallèle avec je dirais la mise en place du Code des professions et des différents professionnels. Je pense qu'il y a beaucoup de professionnels représentés ici ce soir qui sont issus de professions relativement jeunes et qui se sont affirmés d'une façon importante au cours des dernières années.

Ce que je veux dire, c'est que la délivrance, si on veut, des services de santé et de services sociaux au Québec a considérablement changé au cours de la dernière décennie. Ce qu'on veut comme groupe professionnel - c'est la raison de notre présence ici ce soir - c'est que cette présence transparaisse, qu'elle soit reconnue. Il y a une complexité grandissante de la façon de délivrer les services. Il y a la spécificité des professions qui s'est développée. Au fond, on dit qu'on aimerait que cela se reflète au niveau de l'administration, dans l'organisation d'un département particulier, par une représentation même au niveau de la direction générale et tout cela. Pour répondre d'une façon plus spécifique à votre question, Mme Lavoie-Roux, concernant les difficultés qu'on voit, actuellement une place est laissée par la loi et on ne définit pas d'une façon précise ce qu'est un département clinique, quelles sont les ressources et l'ampleur de tout cela.

Nous, on dit: Soyons un peu plus clair,

si possible, et définissons les ressources cliniques comme des ressources médicales et qu'on ne mette pas dans des départements un patron qui soit d'une autre profession que la plupart des gens qui y travaillent. On prend l'exemple, particulièrement, des technolo-gistes médicaux et des techniciens en radiologie. On peut voir, à un moment donné, un département où le patron est à la fois le patron et le principal client. Je pense que ces exemples sont intéressants. L'exemple du technicien en radiologie, du technologiste médical, le client de ces professionnels, ce n'est pas le bénéficiaire, c'est le médecin. On voit un médecin patron d'un département, gérant des ressources humaines alors qu'il en est lui-même, d'une façon un peu étirée, l'utilisateur. C'est un exemple un peu particulier qu'on retrouve là.

Je pense qu'il faut surtout le voir en termes de développement de l'autonomie. On se dit: II y a une autonomie professionnelle. Pour une grande partie, nous sommes des corporations à titre réservé. On sait les difficultés qu'on peut avoir à un moment donné à faire respecter ne serait-ce que le titre que nous portons. Je n'entrerai pas dans cela ce soir, mais ce que nous demandons, dans le fond, c'est des garanties, des balises minimales pour essayer de garantir notre autonomie et de garantir des services. Je ne sais pas si cela précise un peu.

Mme Lavoie-Roux: Oui, cela précise un peu, mais je voudrais revenir sur le mémoire des physiothérapeutes qui disent - je voudrais qu'ils explicitent - que la multidisciplinarité recherchée, encore bien fragile, serait anéantie par les dysfonctions administratives qui découleraient de l'application du projet de règlement tel que présenté. Les réactions actuelles suscitées dans les milieux hospitaliers par la publication de ce projet de règlement, et ce avant même qu'il soit adopté, nous semblent être un sombre présage de ce que pourrait être la réalité.

Est-ce qu'on peut nous donner des exemples de cela parce que là on semble tomber dans les faits concrets. Je voudrais savoir jusqu'où vont ces difficultés qui ne sont plus appréhendées puisque, déjà, on semblerait les vivre. (21 heures)

Mme Manzo: On ne peut pas répondre pour la Corporation professionnelle des physiothérapeutes. Si vous souhaitez obtenir une réponse à la fin de la présentation du mémoire commun, libre à vous de la demander. J'aimerais continuer, si vous voulez, ce qui avait été ébauché par M. Landry, afin d'apporter plus de précision.

Quand on parle d'autonomie professionnelle telle qu'elle est définie dans le Code des professions, on parle de la difficulté pour une personne, qui n'a pas la formation dans une discipline, de porter un jugement sur les activités de professionnels qui exercent cette profession. Si on pense à la gestion des services professionnels, cette définition de l'autonomie prend de plus en plus d'importance, parce qu'il ne faut pas oublier que la gestion des services professionnels, c'est une gestion quotidienne. On n'est pas au niveau de la planification sur une grande échelle. On peut dire que le chef de service, c'est un manager, si on utilise des termes administratifs. C'est lui qui va faire la planification, la coordination et le contrôle des activités quotidiennes d'un service. C'est lui qui va faire la gestion quotidienne des ressources humaines, matérielles et financières. Je ne crois pas que les médecins, présentement, soient aptes à le faire. Qu'ils aient cette préoccupation ou que ce soit réaliste qu'ils le fassent pour les autres professions, ils ne sont pas habilités à le faire. Ils sont peut-être habilités à le faire pour ce qui est de la gestion des ressources médicales, mais pas pour la gestion des autres ressources.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je peux me permettre de revenir là-dessus? Cela m'apparaît assez important ce que vient de dire Mme Manzo en réponse à votre question. Dans l'exemple des disciplines de laboratoire, on est conscient qu'il y a des gens qui exercent des disciplines qui sont des professions à titre réservé. M. Landry disait tout à l'heure que le client du laboratoire, ce n'est pas le bénéficiaire; c'est le médecin. En gros, je suis d'accord. Ultimement, c'est là, en principe, pour servir le bénéficiaire; je pense que c'est évident à vos yeux comme aux miens. Mais c'est vrai que celui qui demande des examens de laboratoire... C'est rare que les gens arrivent à l'urgence en disant: Faites-moi une glycémie. Cela peut arriver, mais c'est assez rare.

Entre deux modèles où, dans le premier, il y a une espèce de jugement constant sur le plan administratif et sur le plan de la gestion - je ne parle pas seulement sur le plan professionnel - par les pairs - cela voudrait dire que, dans certains grands hôpitaux, on a quinze structures pour le faire, parce qu'il y a quinze professions -et un autre modèle qui dit: S'il est exact que c'est le médecin qui est celui qui tire sur cette ressource qu'est le laboratoire et qui permet de considérer qu'il n'est pas nécessairement en conflit d'intérêts, et qui va même peut-être être un peu mieux placé que d'autres pour expliquer à certains de ses collègues qu'il y a peut-être des façons de voir un peu différentes ou des façons de procéder un peu différentes, je trouve que le deuxième modèle est plus simple. Il implique un certain pari, cependant, sur la capacité et l'intérêt des médecins à le faire et je pense que ce n'est pas inexistant dans le réseau

des affaires sociales, même si c'est très inégal selon les établissements et les régions. Mais ce n'est pas vrai qu'un technologiste médical va, finalement, influencer de façon aussi efficace le comportement médical dans l'établissement qu'un chef de département qui est lui-même membre du corps médical. Je pense qu'on peut dire que les relations humaines étant ce qu'elles sont et les relations entre groupes étant ce qu'elles sont, il y a peut-être plus de chance qu'un hématologiste, qui est dans l'hôpital depuis dix ans, explique aux gens admis à la salle d'urgence qu'il trouve que des SMA 12 ou chaque fois que quelqu'un rentre avec un rhume, c'est peut-être une affaire à remettre en question... Il y a plus de chance qu'il soit efficace que si c'est le technicien responsable qui, lui, peut porter un jugement et se rendre compte que, dans 99,8% des cas, ce qui sort, c'est de la normalité, et qu'il y a bien de l'énergie et des ressources perdues là-dedans. Mais, finalement, celui qui peut le mieux véhiculer cela, je pense, dans le corps médical, cela reste un médecin.

Mme Manzo: On est tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Ce qu'on vous dit est d'un autre ordre. Ce qu'on vous dit, c'est que la gérance de l'apport professionnel des technologistes médicaux n'est pas d'aller dire aux médecins qui sont dans l'institution d'utiliser tel test plutôt que tel autre et qu'ils font des abus. La gérance des apports professionnels des technologistes médicaux, c'est au chef de service en technologie médicale. Ce n'est pas la même chose. Ce sont deux choses différentes et distinctes.

M. Johnson (Anjou): Vous parlez strictement de l'accomplissement professionnel? À ce moment-là, je vous dirai que je ne suis pas sûr que ce soit le règlement ou le projet de règlement qui crée cela. Cela existe dans la réalité de tous les jours. J'en connais, des médecins biochimistes, responsables de laboratoires, et j'ai l'impression que les relations qu'ils ont... J'ai connu des endroits - je pense à deux, en particulier, où j'ai travaillé - où les relations étaient particulièrement harmonieuses. Je vais vous dire que le technologiste de laboratoire ne se laissait pas piler sur les pieds, parce qu'il a sa technique, il a son code de déontologie, il a son éthique. Ce n'est pas vrai qu'il laisse un autre professionnel, fût-il un médecin, entrer dans les domaines purement professionnels et d'appréciation professionnelle sans, au minimum, se livrer à une sérieuse discussion et, en fin de compte, revendiquer qu'en vertu des lois, de la pratique normale et du respect qui est dû à sa profession, il a voix au chapitre. Je ne pense pas que le règlement vienne modifier cette dynamique qui est très vraie, qui est très réelle.

Mme Manzo: Écoutez, je pense qu'on dépasse le cadre de mon expertise personnelle, en tout cas, en ce qui concerne les technologistes médicaux. J'avais l'impression que vous confondiez les deux niveaux de gestion. J'espère que je n'ai pas porté préjudice aux membres de cette corporation.

M. Johnson (Anjou): Non, non. D'ailleurs...

Mme Manzo: Je les inviterais, en tout cas, si je l'ai fait, à...

M. Johnson (Anjou): ...ils nous ont envoyé un long mémoire et j'ai l'impression qu'on les verra après la commission parlementaire, pour les entendre. Ce ne sera pas nécessairement à la commmission, mais, on va lire leur mémoire et on va leur faire parvenir des questions par la suite.

Non, je pourrais appliquer cela à d'autres. Il y a quinze ou dix-sept professions de la santé à peu près - je ne sais plus, cela dépend des hôpitaux. Je trouve que votre raisonnement poussait un peu plus loin en disant que, dans le fond, personne ne peut être le "supérieur" de qui que ce soit dans l'hôpital. Moi, je me dis qu'à un moment donné il doit y en avoir un qui est obligé de trancher. C'est sur le plan de la gestion, encore une fois, pas sur le plan professionnel. Cela reste votre rôle à vous, les corporations, de voir à cela. Cela reste à vos membres dans la mesure où ils respectent les règles de déontologie, etc., dans la mesure où ils se taillent une place dans l'hôpital, ce qu'ils ont fait, même si c'est inégal, encore une fois. Mais, ultimement, il faut que quelqu'un puisse poser un jugement sur des aspects de la gestion. Cela ne peut pas, je pense, être quinze structures dans l'hôpital. C'est déjà assez compliqué comme cela. Il y en a une demi-douzaine et les gens ne se retrouvent pas, parfois.

Mme Manzo: Je pense qu'on en arrive à des conditions pratico-pratiques et je ne pense pas que ce soir, nous, on puisse y répondre. Je trouve que votre question est très pertinente, mais je n'ai pas l'impression qu'on puisse y répondre ce soir. Ce que je pourrais vous proposer par ailleurs, c'est qu'on pourrait certainement collaborer à essayer de répondre à cette question avec vous.

M. Johnson (Anjou): Merci, Mme Manzo.

Mme Lavoie-Roux: Cela m'amène à la question suivante que vous soulevez dans votre mémoire. Peut-être vous sentiriez-vous

moins inquiets au sujet du règlement si on ne faisait pas sauter les articles qui prévoient des chefs de département professionnels, que ce soient les physiothérapeutes, les diététistes, les psychologues, les travailleurs sociaux. À ce moment-là, j'ai l'impression que l'aspect de la gérance, les corporations peuvent le voir, mais, comme on enlève aussi toute possibilité de regroupement... Par exemple, vous pouvez avoir un travailleur social qui est attaché au service de cardiologie, un autre au service de neurologie, un autre au service d'orthopédie, etc. Finalement, ces gens-là peuvent se retrouver passablement isolés, d'autant plus que, dans un hôpital universitaire, vous pouvez avoir - je ne sais pas - dix ou douze travailleurs sociaux, ou moins, ou davantage, et que les règlements actuels ne prévoient plus de chefs de départements qui regrouperaient un nombre de professionnels. À la page 8, vous faites la suggestion que cette nouvelle section, les services cliniques dans les centres hospitaliers, soit insérée - peu importe où -lorsque les besoins des bénéficiaires, l'intensité et la complexité des soins requis, la gravité des maladies, la nature, etc. et les caractéristiques du centre le justifient. Je me demande si vous pourriez préciser cela un peu plus. Je me dis: Les besoins le justifient... Même si le ministre disait peut-être que cela a du bon sens, il y a un nombre relativement important qui justifierait un regroupement pour des fins professionnelles, cela reste trop vague dans votre projet d'amendement.

M. Landry (Pierre): Ce qu'on a essayé de lier, c'est un peu en relation avec ce que le ministre disait. C'est qu'évidemment, on fait la distinction entre la gérance ou la supervision professionnelle ou l'appréciation de l'acte professionnel et l'administration comme telle. Ce qu'on trouve un peu intrigant, non pas au sens de faire des intrigues, c'est que les rôles de coordination des chefs de département ou des chefs cliniques semblent être des rôles de gestion. Je me dis: Pourquoi ne les confie-t-on pas à des gestionnaires? C'est un peu le genre de questions avec lesquelles on joue. Il apparaît que, lorsqu'on est dans un milieu médical, lorsqu'on est dans un milieu hospitalier, le médecin a cette prérogative d'être capable de faire de la gestion automatiquement. Quand on arrive à la section que vous soulevez Mme Lavoie-Roux, ce sont des choses qui existent, ce ne sont pas des créations nouvelles. Il existe des centres...

Mme Lavoie-Roux: Vous ne le retrouvez plus dans les règlements.

M. Landry (Pierre): Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Vous ne le retrouvez plus dans les règlements.

M. Landry (Pierre): Non, non, c'est exactement cela. Selon la grandeur de l'hôpital, des régions, etc., on a les départements de tous les professionnels qui sont énumérés. Ce qu'on voudrait voir préserver, c'est l'autonomie professionnelle et il ne faut pas être angélique. L'autonomie professionnelle, à un moment donné, trouve un soutien dans la gestion administrative, dans la situation actuelle qu'on vit.

M. Johnson (Anjou): Une brève remarque sur ce sujet. Je voudrais qu'on se comprenne bien. Ce projet de réglementation a deux buts - je l'ai dit au début de la commission - d'une part, de mieux intégrer les médecins à l'hôpital et, d'autre part, il veut déréglementer un peu. Il n'y a rien qui empêche, encore une fois, que ces départements soient maintenus ou même créés ou que des services soient créés ou maintenus. Ce qu'on dit, c'est que cela reste un jugement local. Un article comme celui qui nous est proposé a quelque chose d'un peu, je dirais presque... Ce n'est pas de la nature d'un règlement, ce qu'on nous propose. On dit: Lorsque les besoins, etc. Le plan doit prévoir, cela va de soi, dans la mesure où ce règlement prévoit que, localement, ces décisions peuvent se prendre. Je veux simplement rassurer tout le monde sur ce sujet. On n'interdit pas que cela soit fait. On dit simplement: C'est au niveau local que la décision va se prendre. On me dira: Évidemment, au niveau local, on aimerait mieux si le règlement nous protégeait un peu pour s'assurer que la dynamique ne fait pas qu'on tasse du monde inutilement, avec les conséquences qu'on évoquait sur le plan de l'autonomie professionnelle. Mais on ne peut pas le dire et ne pas le dire. On ne peut pas faire les deux en même temps. Ce qu'on dit, c'est que c'est un jugement local. Dans mon esprit, je dois vous dire, dans l'immense majorité des établissements où cela existe déjà, que je ne vois pas vraiment comment ils vont faire autrement que reconduire, dans les plans d'organisation, les notions de départements et/ou de services dans l'ensemble des secteurs qu'on évoque.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais bien avoir la bonne foi du ministre. Je suis sûre qu'il dit ceci avec beaucoup de conviction, mais on a été témoin, pas plus tard que le printemps dernier, d'un hôpital important, pour ne pas le nommer, Sacré-Coeur, où on a décidé... Je ne veux pas poser de questions ou faire le procès du conseil d'administration de l'hôpital. Il reste que ce n'était pas un petit hôpital où il y avait un ou deux psychologues; c'était un hôpital universitaire

et pourtant... Je ne sais pas si c'est un choix budgétaire qu'on a fait. Cela peut être un choix budgétaire, je ne connais vraiment pas la motivation de l'établissement, mais, quand on s'assoit uniquement sur la bonne foi, vu que le poids de ces professions au niveau du conseil d'administration d'un centre hospitalier n'est pas très représentatif... (21 h 15)

M. Johnson (Anjou): J'allais dire: Dans la mesure où il y a maintenant des représentants des CLSC aux conseils d'administration des hôpitaux, leur poids est peut-être plus grand qu'il ne l'était. En tout cas, il n'est sûrement pas moins important qu'il ne l'était.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste que, concrètement, ils sont peu représentés à l'heure actuelle. C'est dans ce sens que, dans la mesure où ce sont même des prérequis des universités pour des stagiaires, on peut se demander comment les gens vont fonctionner quand tout à coup un conseil d'administration - peut-être très bien intentionné, remarquez bien - décide qu'avec dix psychologues, on fait sauter le chef de département. Il faut quand même que, pour dix psychologues qui fonctionnent un peu chacun à son gré dans différents secteurs d'un grand centre hospitalier, il y ait un certain encadrement. Il y en a pour d'autres; il y en a pour les médecins, il y en a pour... Je trouve que c'est peut-être laisser la porte trop grande ouverte et compter trop sur la bonne foi des gens, sur la bonne foi des administrateurs qui, on le sait, sont fortement coincés par des impératifs budgétaires. Je me demande si vraiment on assure, dans le fond, ce qu'on veut assurer. Qu'on ait des chefs de département et qu'on leur paie des salaires, cela me laisse absolument froide, mais je pense qu'on veut des chefs de département pour assurer une qualité professionnelle, assurer la vie professionnelle et donner un meilleur service aux bénéficiaires, en fin de compte.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Je reviens sur la question du conseil d'administration. Il y a un représentant du CCPC dans tous les conseils d'administration et il y a un représentant du CMD dans tous les conseils d'administration, en vertu de la loi. C'est ce que la loi dit: II y a un représentant du personnel clinique non médical aux conseils d'administration. Bon Dieu! s'ils ne marchent pas dans la plupart des hôpitaux, qu'on ne vienne pas dire au ministère que c'est de sa faute. Cela ne fonctionne pas dans la plupart des hôpitaux. Le milieu a de la misère à s'organiser pour le faire, mais la structure est là; elle existe depuis quatorze ans. Il faut peut-être se mettre cela en tête aussi. Peut-être parce que bien des professions dans beaucoup d'établissements ont fonctionné chacune de son côté, en tirant chacune sur sa couverte et en oubliant qu'elles avaient un moyen collectif pour agir, d'une part.

Deuxièmement, il y a un représentant du CMD...

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre... M. Johnson (Anjou): Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...peut-être que c'est vrai ce que vous dites...

M. Johnson (Anjou): C'est ce que dit la loi.

Mme Lavoie-Roux: ...qu'il y a tellement d'intérêts divergents, mais, écoutez, si vous voulez... On connaît une profession à l'intérieur des hôpitaux où il y a aussi souvent des intérêts divergents selon qu'on est spécialiste ou omnipraticien. C'est la même profession, alors...

M. Johnson (Anjou): En effet. Ils sont seulement deux ceux-là; imaginez-vous, à quinze!

Mme Lavoie-Roux: Ils sont deux et de la même profession. Alors, il ne faudrait peut-être pas leur jeter la masse trop fortement parce qu'ils représentent quinze professions et qu'ils ne s'entendent pas comme du papier à musique.

M. Johnson (Anjou): Oui. Je vous rappelle qu'il y a une bataille pour la présidence du CMD, juste ces deux professions, pour savoir qui sera président et qui ira au conseil d'administration.

Mme Lavoie-Roux: Voyez-vous, je ne le savais même pas. C'est vous qui me l'apprenez.

M. Johnson (Anjou): Je dis simplement... Cela reste des choses locales. On ne peut pas tenir le discours de la déréglementation, de la décentralisation et de la responsabilisation locale et, en même temps, demander à Québec de mettre tout cela dans son règlement. C'est cela le choix qu'on fait.

Mme Lavoie-Roux: Si vous aviez déréglementé tout le long et si vous décentralisiez véritablement, je suivrais votre discours, M. le ministre, à fond de train...

M. Johnson (Anjou): On en a fait un grand bout.

Mme Lavoie-Roux: ...mais ce n'est pas exactement comme cela. Vous ne pouvez pas dire cela en gardant complètement et totalement votre sérieux.

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire qu'il est évident qu'on réglemente certains secteurs où on veut voir des choses représenter les priorités jugées être les priorités gouvernementales ou l'orientation gouvernementale. Cela reste fondamentalement des cas locaux, aussi importants qu'ils soient, aussi ennuyeux qu'ils puissent être, mais c'est la vie. Si la réponse à cela, c'est de faire quinze structures parce qu'il y a quinze types de professions dans les établissements, cela n'a pas de sens. C'est le monde à l'envers. En ce sens-là, encore une fois, il y a le CCPC, même s'il est dysfonctionnel, qui est un instrument très imparfait où les arbitrages doivent se faire entre les différentes corporations, mais où je présume que la préoccupation commune du maintien de l'autonomie professionnelle de chacun de ces regroupements puisse voir là les bases d'une collaboration qui permette qu'ils s'affirment, y compris au niveau du conseil d'administration qui reste l'instance décisionnelle.

Mme Manzo: M. le ministre, est-ce que je peux me permettre?

M. Johnson (Anjou): Oui, madame.

Mme Manzo: Je trouve qu'on mêle pas mal les cartes. On ne peut pas parler de CCPC quand on parle d'unité administrative. Ce sont deux choses différentes. Ce n'est pas le même niveau. De plus, on vous a dit dans notre mémoire qu'il existait dans la loi et dans le projet de règlement certaines ambiguïtés que certains termes n'étaient pas clairs et que l'on souhaitait qu'une précision soit apportée. On n'est pas contre qu'il y ait des choses qui se décident à l'intérieur des centres hospitaliers, mais, si le libellé de la loi et des règlements n'est pas clair, il va y avoir des interprétations de cette loi. Je peux vous dire que, dans certains centres hospitaliers présentement, les professionnels se font dire: Vous n'aurez plus le droit d'administrer vos services. C'est fini. Si vous nous dites que ce n'est pas selon l'esprit de la loi, elle n'est pas assez claire parce qu'elle est mal interprétée dans certains milieux.

Il me semble que la réglementation devrait prévoir le fait d'apporter une clarification minimale à la loi. Le libellé des articles qu'on vous propose est effectivement peut-être un peu flou, d'après ce que Mme Lavoie-Roux en a compris, mais c'est peut-être à dessein qu'on voulait laisser une certaine latitude pour que certains articles puissent être applicables dans différentes institutions qui n'ont pas toutes la même réalité dans leur fonctionnement quotidien.

Mme Lavoie-Roux: L'article 156 disait: peut prévoir...

M. Johnson (Anjou): De l'ancien règlement.

Mme Lavoie-Roux: Oui, de l'ancien règlement: peut prévoir l'institution de services hospitaliers, notamment, d'un service d'accueil, d'un service de pharmacie, etc. Enfin, il n'est peut-être pas nécessaire de les énumérer. Ils sont tous énumérés par profession. Il y a peut-être des nouvelles professions depuis le moment où cette nomenclature a été faite, mais ne pourrait-on pas trouver un article qui permettrait que, mis à part les services médicaux, d'autres services professionnels pourraient être prévus, sans les spécifier? Parce que vous avez tout à fait raison en disant que tel centre hospitalier n'a peut-être pas besoin de 15 types de départements, en laissant aux établissements quand même la latitude nécessaire.

M. Johnson (Anjou): J'ai deux commentaires à faire. D'abord, si Mme Lavoie-Roux me le permet, je reprendrais un peu ce que disait Mme Manzo. Vous dites que la loi ou le règlement n'est pas clair, parce qu'il prête à des interprétations aussi folichonnes que celle que tous les départements vont être abolis. Je dois vous dire que mon expérience depuis quelques années dans la réglementation fait que cela ne veut pas nécessairement dire que les textes ne sont pas clairs. Si cela donne une interprétation folichonne, c'est que parfois cela sert des intérêts et que le seul fait que le gouvernement intervienne par réglementation ou par une loi dans une affaire permet à des gens de dire n'importe quoi pour toutes sortes de raisons: qu'ils peuvent avoir des intérêts locaux, ou corporatifs, ou syndicaux, ou politiques, pour dire des choses comme celles-là. Je sais qu'on voulait ameuter et qu'on était bien sûr que les gens se battraient dans les autobus parce qu'on faisait le règlement. Je pense que les citoyens ne se battront pas dans les autobus pour cela. Il faut regarder cela tranquillement, écouter ce que les gens ont à nous dire et essayer de trouver la meilleure formulation possible dans une procédure exceptionnelle qui fait qu'on vous entend aujourd'hui, alors que normalement on ne vous aurait pas entendus. Les députés se seraient réunis, en auraient discuté pendant deux heures et le ministre aurait envoyé son papier au Conseil des ministres, et cela aurait été adopté. Mais on a ventilé cela un peu et on a trouvé que cela en valait la peine. C'est un précédent.

Deuxièmement, dans la formule proposée à la page 8 par le regroupement des corporations, on nous dit: Lorsque les besoins des bénéficiaires, l'intensité et la complexité des soins requis, la gravité des maladies, etc., le justifient, le centre doit

prévoir... Je vous dis que, d'après moi, cela fait partie de la réalité. Le jour où vous marquerez cela dans les règlements de cette façon, qui va décider ce que sont les besoins des bénéficiaires, l'intensité et la complexité des soins requis? Comment cela va-t-il se faire? C'est quoi la dynamique locale?

Mme Manzo: Ce serait un conseil d'administration sérieux qui devrait analyser ces données et en arriver aux conclusions nécessaires.

M. Johnson (Anjou): C'est ce qu'on dit quand on déréglemente. C'est exactement cela qu'on dit, dans la mesure où, dans les pouvoirs généraux du conseil d'administration, on dit que c'est à lui d'adopter une série de règlements sur une série de données; donc, des données semblables à celles-là, quand on parle du plan d'organisation, par exemple, les services, les départements, etc., sans nécessairement en faire la nomenclature. Formulé comme cela, je me dirais: C'est parce qu'il y a quelqu'un ici, d'un de ces services, qui va démontrer ou qui va prétendre démontrer qu'il l'exige. Je trouve que votre réponse est extrêmement importante parce que vous dites: C'est le conseil d'administration. C'est cela qu'on dit. C'est cela l'approche qu'on prend dans le règlement.

Mme Manzo: M. le ministre, il pourrait arriver que ce soit à un de ces professionnels de faire la démonstration au conseil d'administration, puisque c'est lui qui a l'expertise pour la faire, au fond. Le conseil d'administration pourrait, à ce moment-là, entériner ses recommandations. D'une certaine façon, cela cautionne l'autonomie des professionnels.

M. Johnson (Anjou): Je me doute bien que c'est un peu votre objectif en nous présentant cela. Je vous remercie. Pour moi, cela va.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'on a touché tout à l'heure d'une certaine façon à l'accessibilité des soins. Plusieurs groupes ont posé ici des questions touchant l'accessibilité des soins, le choix du médecin, le choix de l'établissement et également touchant le caractère confidentiel du dossier. Je pense qu'on a répondu à ces questions et que le ministre les a prises en considération. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres interventions, je remercie les représentants des corporations professionnelles de leur participation à nos travaux.

Mme Manzo: C'est nous qui vous remercions.

Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec

Le Président (M. Desbiens): J'invite les représentants de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec à s'approcher, s'il vous plaît.

M. Johnson (Anjou): Ou à rester en place. (21 h 30)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

II est 21 h 30 et il reste trois intervenants. La fin normale habituelle des commissions est à 22 heures. Alors, est-ce qu'on s'entend immédiatement...

Mme Lavoie-Roux: On examinera cela à 22 heures, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): À 22 heures, parfait. M. Landry, si vous voulez présenter celui qui vous accompagne et procéder.

M. Landry (Pierre): En l'absence de notre président, qui est à l'extérieur du pays, j'aimerais vous présenter le mémoire de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux. Je veux remercier le ministre et cette commission de nous donner l'occasion de nous prononcer sur le projet de règlement, ce qui fait suite pour nous, d'une certaine façon, aux commentaires que nous avions déjà eu l'occasion d'exprimer lors du dépôt du projet de loi 27.

Je voudrais vous présenter M. Richard Côté, qui va m'assister au niveau des réponses et de l'argumentation. M. Côté est notre ex-président et il demeure dans la région de Québec.

Évidemment, ce sera sans surprise que vous apprendrez que notre mémoire est complémentaire du mémoire de la coalition, que nous endossons. Nous sommes en effet d'avis que les règlements, en associant les médecins à la gestion des services de santé, peuvent contribuer à une certaine diminution des coûts. Nous souscrivons cependant à certains dangers exprimés par plusieurs intervenants quant aux conflits d'intérêts et quant aux risques d'une certaine rigidité avec une réglementation trop précise. Je pense que la discussion qu'on vient d'avoir peut en témoigner.

Les travailleurs sociaux ont quand même reconnu dans ce projet l'intention fort louable du ministre de préciser le mandat et les mécanismes d'accès aux établissements publics de santé et de services sociaux, d'élargir les pouvoirs des conseils d'administration de ces établissements, d'accroître la participation et la responsabilité des médecins à la gestion des coûts et de diminuer, sous certains aspects,

le fardeau bureaucratique que constitue la tenue de dossiers et de registres dans les établissements publics.

Même si, dans la situation actuelle, les travailleurs sociaux, qui, on le sait, travaillent par contrats de services entre les centres de services sociaux et les centres hospitaliers, ont une certaine autonomie "protégée", nous avons estimé important d'être solidaires des travaux du regroupement. Les plans d'organisation sont des choses qui viennent et qui vont, la distribution des services et les professionnels, ce sont ordinairement des choses qui demeurent.

Nous appuyons donc sans réserve les principes visant à garantir l'autonomie des professionnels dans la distribution des services, mais c'est aux bénéficiaires que cette autonomie peut le mieux servir. Dans ce sens, nous appuyons le principe d'une direction des services des professionnels non médicaux, le principe d'entité administrative, le regroupement des professionnels d'une même discipline avec à leur tête un professionnel de cette discipline et une représentation au niveau de la direction générale ainsi que l'accès direct en externe, particulièrement. Notre point de vue reflétera l'expérience spécifique des travailleurs sociaux à tous les niveaux hiérarchiques des établissements de santé et des services sociaux ainsi que notre vive préoccupation des droits des bénéficiaires. Nos commentaires, en fait, ne sont pas regroupés par thèmes. Ils font suite tout simplement à l'ordre chronologique des articles du règlement.

La première chose sur laquelle nous aimerions apporter quelques commentaires, c'est l'article 7 qui prévoit trois catégories de familles d'accueil. Je ne vous lirai pas le projet de règlement. L'article 7, à notre point de vue, ne règle pas le problème majeur des familles d'accueil qui en est d'abord un de manque d'appui communautaire et professionnel. Nous applaudissons à l'intention du législateur de reconnaître que certains bénéficiaires exigent des services particuliers en raison de la nature des handicaps physiques et psychosociaux qu'ils présentent. Nous comprenons aussi que le ministère a l'intention de rémunérer chacune de ces catégories selon les tarifs fixés par lui en raison du permis accordé.

Cependant, nous voyons, dans cette hiérarchisation des familles d'accueil, de très grandes difficultés d'application pratique que l'on pourrait résumer comme suit. D'abord, les risques face à la continuité du service: le bénéficiaire en besoin de protection sociale mais dont l'état s'est amélioré à la suite d'un séjour en famille d'accueil "spéciale" devra-t-il être muté d'une famille à l'autre pour revenir à une autre catégorie si son état se détériore à nouveau? Les enfants et les adultes psychiatrisés, entre autres, ont un très grand besoin de stabilité et sont particulièrement vulnérables à ce type de rupture dans leurs relations dans le milieu familial. On voit aussi un certain risque accru de "commercialisation" des familles d'accueil.

Nous recommandons plutôt que des tarifs spéciaux soient disponibles afin d'assurer un meilleur service aux bénéficiaires, mais que les tarifs soient attribués aux catégories de bénéficiaires et non à des catégories de familles d'accueil selon des critères préétablis et régis par des normes administratives soumises au ministre par les conseils d'administration des établissements. Il n'y a pas lieu, à notre avis, de rigidifier par la loi la ressource famille d'accueil qui est et qui, je pense, doit demeurer une ressource dite légère et souple au niveau du fonctionnement et de l'application.

À l'article 17 qui stipule que le conseil d'administration d'un centre hospitalier doit constituer un comité consultatif à la direction générale, nous recommandons, compte tenu de l'importance des facteurs sociaux et psychosociaux liés à la maladie, compte tenu de l'objectif de complémentarité entre les établissements du réseau, que le chef de département de service social ou le responsable des programmes de services sociaux hospitaliers du centre de services sociaux contractant avec le centre hospitalier soit partie au conseil consultatif a la direction générale des centres hospitaliers. Nous faisons allusion, dans le fond, au même principe qui est soutenu par la coalition de la gérance d'un professionnel par un professionnel d'une même discipline représentée par ce même professionnel au niveau de la direction générale.

Aux articles 20, 21 et 22, on peut lire, à l'article 20, qu'une personne est enregistrée; à l'article 21, qu'une personne est inscrite et, à l'article 22, qu'une personne est admise selon certaines modalités. Il nous semble qu'il y aurait lieu d'établir ici une distinction claire entre les catégories d'établissements, parce que cela nous semble quand même un peu étrange que l'ordonnance médicale soit requise pour l'enregistrement d'un bénéficiaire dans un centre de services sociaux ou un centre local de services communautaires. Le libellé actuel nous porte à croire ce que nous avançons.

À l'article 24, annexes II et III, un établissement doit fournir au ministre les informations apparaissant aux annexes II et III, selon sa catégorie. En fait, on reprend ici aussi, d'une façon un peu plus élaborée, les inquiétudes que nous avions au niveau de la confidentialité. La Corporation des travailleurs sociaux a une longue tradition, je dirais, de s'intéresser aux problèmes de confidentialité et on peut se reporter,

notamment, aux célèbres discussions autour du code CP 12, il y a quelques années.

Nous reconnaissons la nécessité pour le ministre de recueillir des données pertinentes et uniformes, dans le réseau des affaires sociales, sur les services rendus aux bénéficiaires afin de permettre une planification adéquate des services. Cependant, nous sommes d'avis que la nature et la quantité des informations à fournir au ministre par tous les établissements sur leurs bénéficiaires constituent une violation de la vie privée - tel que le règlement le stipule à l'heure actuelle, du moins. Il nous semble qu'au niveau de la programmation et de la planification on n'a pas besoin d'avoir des moitiés de code postal de bénéficiaires ou encore même des renseignements relativement précis quant à la nature des interventions des divers professionnels.

Nous craignons très sérieusement que ne se constitue, par ce biais joint à d'autres biais, bien sûr, un fichier-citoyen, si on veut, toujours une grande hantise, auquel ni la population ni l'Assemblée nationale n'ont donné leur accord à ce jour. Il semble qu'il devrait y avoir, un peu à l'instar du mémoire de la coalition, un peu plus de concordance à ce niveau entre la Charte des droits et libertés de la personne et une loi qu'on attend aussi concernant l'accès à l'information gouvernementale.

À l'article 33, où il est question du système d'admission en réadaptation, on stipule que ce système devrait prévoir la participation d'un médecin, d'un travailleur social et d'une infirmière. Je dois vous dire qu'on a été étonné et particulièrement satisfait de voir que le législateur inclut maintenant la présence d'un travailleur social et d'autres professionnels qui sont mentionnés, nommément. On trouve que c'est une amorce de concordance entre cette réglementation et le Code des professions qui nous faisait assez défaut.

À l'article 49, on dit qu'un centre local de services communautaires ou un centre de services sociaux doit prendre les mesures nécessaires pour que toute personne dont l'état exige des services d'urgence les reçoive, compte tenu des ressources de l'établissement. On sait la difficulté ou, en tout cas, l'interprétation de l'expression "compte tenu des ressources" qui, très souvent, justifie de longues listes d'attente. Pour des raisons évidentes, comme je viens de le signifier, avec l'expérience des dernières années en situation de coupures budgétaires, nous croyons que cet article devrait se lire comme suit: "Un centre local de services communautaires ou un centre de services sociaux doit prendre les mesures nécessaires pour que toute personne dont l'état exige des services d'urgence les reçoive, compte tenu de la mission de l'établissement." Évidemment, il faudra accorder aux établissements les ressources nécessaires ou, en tout cas, qu'on précise les limites de ses mandats. Autrement, cela devient des voeux pieux.

À l'article 50, on dit qu'une personne est prise en charge par une famille d'accueil selon les formalités suivantes. En fait, on se pose des questions quant au terme "prise en charge" qui, dans notre vocabulaire, désigne ordinairement une responsabilité d'établissement et/ou d'un acte professionnel. Il nous semble que le paragraphe pourrait se lire ainsi: Une personne est hébergée par une famille d'accueil.

À l'article 51, on dit que lorsqu'un centre de services sociaux dirige un bénéficiaire dans une famille d'accueil, il transmet à la famille d'accueil un rapport sommaire écrit de l'état de santé et des besoins du bénéficiaire. On croit, évidemment, comme le législateur, à la nécessité de transmettre aux familles d'accueil qui sont des partenaires une information pertinente sur l'état de santé et les services requis par le bénéficiaire. Nous nous posons, par contre, certaines questions quant à la notion de "rapport sommaire écrit" à transmettre aux familles d'accueil et nous trouvons que c'est superflu. Nous nous posons surtout des questions sur les garanties qui peuvent être apportées quant à la confidentialité et à la conservation de ce genre de mini-dossier qui peut être constitué au sujet d'un bénéficiaire dans une famille d'accueil. (21 h 45)

À l'article 53, la préoccupation de notre corporation touche le droit strict du bénéficiaire à un dossier. En fait, on stipule dans cet article, notamment, qu'un établissement qui, en vertu d'un contrat de services professionnels, prête les services de membres de son personnel clinique à un autre établissement, n'ouvre pas de dossier pour les services fournis au bénéficiaire de l'autre établissement. Évidemment, on se réfère ici au cas bien connu des dossiers de bénéficiaires qu'on ouvre dans les centres hospitaliers, qui sont ouverts à la demande d'un centre de services sociaux. On croit qu'il y a un droit strict du bénéficiaire à un dossier qui rende compte de la nature et de la qualité des services rendus à toutes les étapes de l'intervention. Le dossier est, évidemment, un instrument de responsabilité des établissements et des professionnels.

Cet article suscite aussi des interrogations sérieuses et nous porte à demander des clarifications sur les points suivants. Par exemple, quelle est la différence que le législateur fait entre la notion de dossier et celle de registre? Toujours au même article 53, on fait allusion à la tenue de registre. Dans ce cas-ci, le bénéficiaire lésé dans ses droits par une erreur de diagnostic, par exemple, en service

externe, possède-t-il les mêmes recours devant la justice si aucun dossier n'est ouvert ou s'il n'y a qu'un registre? Quelles sont les normes de confidentialité pour un tel registre?

Toujours concernant le même article, on se demande quel est le sens des mots "évaluation" et "orientation". Est-ce que c'est le même que celui qu'on entend ordinairement par la Loi sur la protection de la jeunesse? Si c'est le même sens, on se demande comment on peut ne pas être tenu d'ouvrir un dossier dans ces situations.

Enfin, au dernier alinéa de l'article 53, le législateur abolit le dossier du centre de services sociaux pour les bénéficiaires des établissements de santé. Nous croyons que cela sème davantage de confusion quant à la responsabilité civile d'un établissement "qui, en vertu d'un contrat de services, prête les services de membres de son personnel à un autre établissement", face aux actes posés par son personnel clinique.

De plus, en quoi cet article est-il conciliable avec l'article 46 des règlements de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui définit un bénéficiaire comme suit: "Toute personne recevant des services de santé et des services sociaux d'un établissement est considérée comme bénéficiaire de services au sens du présent règlement."

Les travailleurs sociaux croient que la réglementation devrait clarifier toute cette question des relations du dossier social dans les établissements de santé et surtout pas y ajouter davantage de confusion.

Nous sommes également d'avis que pour les raisons précitées et conformément au Code des professions, le dossier des bénéficiaires doit permettre d'identifier et de responsabiliser les professionnels qui ont rendu les services et ce, selon les disciplines professionnelles spécifiques qu'ils représentent.

Nous ajoutons à cette présentation qu'il nous semble qu'il devrait y avoir aussi une concordance avec les règlements de tenue de dossiers au cabinet de consultation que sont tenues d'adopter les corporations professionnelles.

A l'article 56, le dossier tenu par un centre de services sociaux, un centre d'accueil ou un centre local de services communautaires, comprend, notamment, des observations médicales ou psychosociales. Encore ici, on croit qu'il y aurait intérêt -c'est une question de concordance - à distinguer les dossiers d'un centre de services sociaux et ceux d'un CLSC qui, évidemment, dans un CSS, ne contiendraient pas d'observations médicales.

A l'article 62, un établissement doit permettre aux représentants d'une corporation d'avoir accès au dossier d'un bénéficiaire dans l'exercice du mandat de la corporation professionnelle. Je tiens à dire que cet article nous satisfait particulièrement, parce que je pense qu'il va permettre de lever, enfin, toute espèce d'ambiguïté aux établissements qui font des difficultés au niveau de l'accès des corporations professionnelles dans l'exercice de leur mandat. Je pense ici, en particulier, à l'inspection professionnelle.

A l'article 100, au premier alinéa, le comité d'évaluation médicale et dentaire doit assumer les fonctions suivantes: entre autres, on dit "veiller à ce que les dossiers des bénéficiaires soient tenus conformément au présent règlement où à ceux adoptés par le centre hospitalier". Cela nous semble quelque peu surprenant et on considère même inacceptable et inadéquat que la responsabilité de la tenue des dossiers des bénéficiaires relève du comité d'évaluation médicale et dentaire du centre hospitalier. Cette responsabilité devrait être partagée par le service des archives, notamment, et les responsables de chacune des disciplines oeuvrant dans l'établissement, et probablement les corporations concernées.

Nous vous remercions, M. le ministre, messieurs, mesdames membres de la commission des affaires sociales.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Landry, de votre exposé, du sommaire et des commentaires que vous apportez ainsi que des suggestions.

Sur les familles d'accueil, brièvement, on prend 21 types de familles et on essaie de les regrouper en 3 pour les fins du règlement. La question que vous posez m'apparaît bien pertinente: s'assurer qu'il n'y a pas d'effet pervers qui ferait que les gens soient obligés de voyager d'une famille d'accueil spéciale à une autre qui ne l'est pas, etc. On prend bonne note de vos commentaires. Ce qu'on veut se donner essentiellement, c'est un instrument qui nous permette de les catégoriser, notamment sur le plan du financement. Vous dites qu'il y a un danger de commercialiser. Je pense que c'est probablement afin d'être bref dans votre présentation; vous n'avez utilisé qu'une ligne. Il reste que les cas dits plus lourds en matière de protection sociale exigent plus d'efforts, ils sont plus complexes et, à la fin du compte, les gens ont tendance à vouloir être rémunérés davantage ou à avoir plus de ressources, ce qui ne nous apparaît pas intrinsèquement anormal.

Dans le cas des catégories d'établissement, à la page 4, aux articles 20, 21, 22, nous retenons bien votre suggestion. Il faut qu'on clarifie le texte qui, effectivement, porte à ambiguïté. Quant aux considérations sur la confidentialité qu'on

retrouve à la page 5 touchant les articles 24 et les annexes 2 et 3, nous en avons déjà parlé très longuement. Non, il n'y aura pas de fichier de citoyens. Je pense que tous les hommes politiques depuis 25 ans s'évertuent a dire qu'ils n'en auront pas. Mais, chaque fois qu'on est obligé d'en constituer pour les fins d'une activité spécifique, il nous est donné de nous faire rappeler qu'il faut faire attention. Alors, vous n'avez pas à vous inquiéter à ce sujet. Il reste que la loi 65 a été adoptée, il y a une commission qui siège et je pense que le travail est remarquable. L'intérêt remarquable de cette loi, c'est qu'elle est issue essentiellement d'un consensus du Parlement et qu'elle a été adoptée à l'unanimité. On a toujours affaire à des domaines très délicats, très complexes, mais, dans la mesure où on a l'unanimité du Parlement et que le débat a duré un an et demi, on se dit que c'est probablement à peu près le meilleur mécanisme que l'on pouvait trouver dans une démocratie. Et on va s'arranger pour que notre règlement tienne compte de la loi 65.

Au sujet de l'article 49, au bas de la page 5, "compte tenu des ressources de l'établissement", c'est la loi qui dit cela. On reprend ce qui est dit dans la loi. Je ne suis pas sûr qu'on peut y faire une extension par règlement, d'autant plus que l'extension que vous évoquez, c'est l'obligation qui lie le ministère qui se doit de fournir aux établissements...

L'article 50, oui, on regarde cela un peu en fonction de ce que vous évoquez. Ensuite, l'article 51, le rapport sommaire. Dans le fond, notre objectif, c'était celui de la transmission de renseignements pour qu'il y ait un meilleur suivi sauf que vous soulevez le problème de la confidentialité, etc. On va regarder cela, comme l'ensemble des articles qui touchent l'accès aux informations privilégiées. C'est une excellente chose que vous le souleviez.

Quant à l'article 53, il y a deux choses. Nous avons deux objectifs. Le premier, ce n'est pas parce qu'on fait de la santé ou de la prévention en milieu scolaire qu'on veut ficher 1 000 000 d'étudiants. C'est une espèce de principe de base qu'on prend, à savoir qu'on n'est pas obligé de ficher tout le monde qui est susceptible d'être là.

Deuxièmement, on recherche la protection des informations de nature médicale. On ne voudrait pas que le dossier hospitalier passe entre les mains d'une autre structure. Par ailleurs, je comprends que sur le plan - d'autres groupes avant vous ont soulevé cela également - de la responsabilité des établissements, notamment du CSS, il va falloir clarifier la question du dossier. Mais, il faut bien comprendre que notre objectif, c'est de faire en sorte que le dossier médical ne circule pas ailleurs qu'à l'hôpital pour des raisons de protection. Je vous ferai remarquer, quant à vos inquiétudes à l'égard de l'informatisation des renseignements, que la régie de l'assurance-maladie a codifié, depuis 1972, 50 000 000 d'actes médicaux qui comprennent le nom, le numéro d'aide sociale, l'âge, l'adresse et un diagnostic des personnes qui ont été vues. À ma connaissance, il n'est jamais rien arrivé avec cela. Je trouve cela intéressant qu'il y ait là un mécanisme de dix ans d'expérience. J'aurais le goût de vous dire: donnez-moi cinq cas où vous avez appris que - je ne sais pas où j'ai pris cela. Ah oui! Je vais être prudent - donnez-moi cinq cas où, par exemple, l'utilisation de l'informatique, la codification d'informations extrêmement confidentielles qu'on retrouve a donné lieu justement à un bris de confidentialité. À ma connaissance, depuis deux ans et demi que je suis aux Affaires sociales, cela n'existe pas. Je me dis: On a des leçons intéressantes à prendre de cela. C'est un système bien "sécure" en termes de protection de la confidentialité. Cela fait quand même dix ans qu'il fonctionne, cela ne fait pas seulement six mois. C'est intéressant. Je me dis: peut-être qu'il faut s'inspirer de ces expériences. Cela peut aussi exister ailleurs, y compris dans les CLSC.

Tout ce que vous évoquez, en pages 7 et 8, la série de questions que vous évoquez m'appraissent absolument pertinentes. J'avoue qu'il y a une certaine imprécision dans le projet de règlement sur la nature du dossier. Je ne dis pas qu'on va répondre d'une façon qui vous intéresse à tous les niveaux là-dessus, mais, à mon avis, vous posez les bonnes questions. Ce sera à nous de trouver les bonnes réponses. Je pense que j'ai fait le tour. Je vous remercie, M. Landry. Je présume que vous avez quelques commentaires sur les miens.

Le Président (M. Desbiens): M. Landry.

M. Landry (Pierre): En fait, c'est peut-être celui de la confidentialité qui nous chatouille toujours. Je veux dire qu'il y a la nature des renseignements qui sont aussi placés en banque, si on veut. Ici, je ne me ferai pas l'ardent défenseur de... Je n'enfourcherai pas mon cheval blanc pour défendre toute la question parce que c'est vraiment complexe, toute la question de l'informatisation des données. Nous n'en avons d'ailleurs pas parlé. L'informatisation nous semble simplement une façon de porter les choses. Par contre, on ne sait pas ce qu'on aura entre les mains comme banque de données dans quelques années. Quant aux questions d'accès aux données informatisées, cela commence à être une chose à laquelle divers gouvernements s'intéressent. Je veux dire qu'on commence à reconnaître, même au niveau du Code civil, ce genre

d'infractions. Tant mieux si, depuis dix ans, on n'a rien à se reprocher. Je suis très content d'entendre cela.

M. Johnson (Anjou): Dans le cas de la RAMQ.

M. Landry (Pierre): Oui. Ce que j'allais ajouter justement là-dessus, c'est que la nature d'une donnée confidentielle, comme combien de rhumes de cerveaux ont été traités, je veux dire que ce n'est pas quelque chose qui cause un grand préjudice.

M. Johnson (Anjou): En psychiatrie, les maladies vénériennes, des choses aussi sensibles que cela comme données, l'ensemble de ce que l'on retrouve dans une série de pratiques médicales... Quand on pense, par exemple, aux employeurs qui, sans faire en sorte que les gens se livrent à des examens médicaux, posent des questions sur leur état de santé, alors que, dans le fond, ils posent plus de questions en fonction de leurs préjugés que de la réalité. Quant au fichier de la RAMQ, je pense qu'il ne faut pas trop minimiser son expérience.

M. Landry (Pierre): Non, je ne veux pas la minimiser.

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'elle est très valable. Il y a beaucoup de données bien sensibles sur le plan social et sur le plan des individus. Cela n'est jamais sorti. Je trouve cela important qu'on le souligne. Ce qui ne veut pas dire que tous les systèmes sont parfaits, mais celui-là a l'air pas mal bien.

M. Landry (Pierre): Oui, mais en fait...

M. Johnson (Anjou): J'avoue que les rhumes de cerveaux c'est sans importance; on peut même éternuer en commission parlementaire.

M. Landry (Pierre): On peut même présenter des mémoires avec cela. En fait, la préoccupation qu'on a à ce niveau est plus globale, au sens où l'on sait qu'on monte des fichiers, que ce soit au niveau de l'Éducation, que ce soit au niveau des Affaires sociales et tout cela, et qu'il y a des concordances qui peuvent se faire là-dedans. La question est de savoir pourquoi, au fond. Pourquoi a-t-on besoin d'information personnalisée et individualisée? Cela nous a surpris, lorsqu'on sait que dans le réseau des centres de services sociaux, par exemple, on croit savoir qu'il y a déjà une informatisation qui s'installe, qu'il y a des données qui sont cueillies. Je pense qu'on est loin du moment des grandes revendications où on disait: Comment veux-tu qu'on attribue un budget aux Affaires sociales? On n'a pas de données. On a dépassé cela. Mais ce que je dis, c'est que, lorsqu'on parle de planification et de programmation, on n'a pas besoin de savoir que c'est M. ou Mme Chose. C'est tout. C'est une prudence préventive qu'on a comme préoccupation à ce niveau. (22 heures)

M. Johnson (Anjou): Encore une fois, on peut vous donner l'assurance que l'application de la loi 65 est garante de ces protections et qu'on va faire en sorte de s'assurer que tout cela est absolument concordant avec la loi 65 et les exigences de la commission.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je n'ai qu'une seule question parce que tous les points que vous soulevez l'ont été soit à l'occasion de la présentation du mémoire de la coalition ou encore de celui des CSS ou apportés par d'autres, soit les centres d'accueil et les CLSC. Est-ce que les trois catégories de familles d'accueil telles qu'elles sont établies vous semblent suffisantes et permettent de prévoir d'autres formules de familles d'accueil expérimentales qu'on ne connaît pas sur une base très étendue aujourd'hui? Est-ce que ces trois catégories vous suffisent?

M. Landry (Pierre): J'aimerais donner la parole à M. Côté, qui est plus près de ces pratiques que moi. Qu'il me suffise de dire à ce moment-ci que ce qu'on a recueilli comme information des travailleurs sociaux travaillant avec des familles d'accueil, c'est que, jusqu'à un certain point, il y a effectivement divers types de familles d'accueil qui existent, mais elles ne sont pas catégorisées. Jusqu'à un certain point, on avait l'impression ici qu'on aurait rigidifié considérablement notre façon de fonctionner, mais peut-être pas dans le sens qui aurait été souhaité.

M. Côté (Richard): D'après ce que l'on sait de la part de nos membres qui oeuvrent auprès des familles d'accueil, les trois catégories qui sont spécifiées dans le projet de règlement constituent un avancement par rapport à ce qu'il y avait auparavant, mais c'est quand même un carcan; il va être difficile de trouver des idées créatrices en recherche de nouvelles ressources pour de nouveaux besoins qui émergent. Il faudra, non pas de façon irrégulière, catégoriser, dans ces trois catégories mais ce sera illégal de le faire. Quand on pense au mandat des centres de services sociaux, qui ont à gérer le développement des ressources de familles d'accueil et qui doivent accueillir dans ces ressources des enfants dont les besoins sont de plus en plus lourds à supporter pour une famille, il faut trouver d'autres types de ressources que la famille d'accueil

traditionnelle. Même si on l'éclate en famille d'accueil régulière, spéciale ou de réadaptation, d'après ce que nos membres nous disent, cela ne règle pas le problème fondamental de trouver des budgets pour développer de nouvelles ressources qui répondraient aux nouveaux besoins des gens.

Mme Lavoie-Roux: Si je soulève la question, c'est parce que, par exemple, les appartements supervisés, cela tomberait où? M. le ministre, je ne pense pas qu'il faille mettre dix types de catégories de familles d'accueil, mais il pourrait y en avoir une quatrième qui permettrait l'expérimentation pour laisser la porte ouverte à d'autres formules éventuelles. Je sais qu'il y a des projets d'hôpitaux psychiatriques. Je ne pense pas aux appartements supervisés, mais à des hôpitaux psychiatriques pour enfants où il y a l'aller et le retour entre l'institution... Enfin, je pense à des formules un peu nouvelles.

M. Côté (Richard): Si nous suggérons que le paiement soit effectué en fonction du besoin du jeune et non pas de la catégorie de la famille d'accueil, c'est un peu pour résoudre le problème d'une catégorisation qui ne nous permettrait pas de latitude.

M. Landry (Pierre): D'une certaine façon, si on le reprend justement par catégories de bénéficiaires, jusqu'à un certain point, il y a des catégories de familles d'accueil qui vont un peu d'elles-mêmes se former. Mais, au fond, je pense que l'essentiel de notre propos, c'est vraiment de ne pas encadrer une ressource, de ne pas prendre dans un règlement une ressource qu'on a toujours considérée comme légère d'application, non pas qu'elle ne puisse pas recevoir de cas lourds, mais c'est une ressource qui est quand même flexible, qu'on peut aller chercher, qu'on peut reprendre, etc., et qui est, comparativement à nos institutions, beaucoup plus souple et beaucoup plus facile à administrer que des grands établissements, par exemple.

M. Johnson (Anjou): Là-dessus, je veux simplement dire qu'on se promène toujours d'une conception à l'autre dans ces choses. En ce moment, on a une seule sorte de famille d'accueil reconnue dans la loi, si je ne me trompe pas d'ailleurs, et, deuxièmement, l'article 173 de la loi nous donne la possibilité d'établir des catégories. Or, en ce moment - depuis les modifications par la loi 27 - dans la réalité, il y a à peu près 21 types de ressources, me dit-on, que vous connaissez sans doute mieux que moi. On n'est pas pour se mettre à faire 21 catégories, cela n'a pas de bon sens, ce sera encore pire. Alors, on dit, dans le fond, qu'il y en a trois sortes. D'abord, la famille d'accueil régulière, la souple et la première, celle que recherche M. Landry; c'est d'ailleurs le fait de l'immense majorité de ces ressources.

Deuxièmement, ce qu'on voulait, c'est préciser un peu - notamment pour des raisons financières - les ressources spéciales où les besoins sont beaucoup plus lourds, où les ressources donc sont plus coûteuses et où ce n'est pas facile de recruter parfois. Donc, établir une catégorie où on peut se simplifier un peu la vie en termes d'identifier des ressources qui pourraient vous être utiles, non pas tellement pour les catégoriser en fonction du traitement, mais se donner un instrument pour négocier les tarifs, et des choses comme celles-là, qui tiennent compte de cette réalité.

Troisièmement, il y a la famille d'accueil de réadaptation proprement dite, qui est la famille d'accueil qui ne s'occupe pas que d'hébergement des personnes ou des besoins courants ou ordinaires des gens, mais qui correspond à une ressource qui, dans le fond, est vue comme une ressource qui s'imbrique dans le travail du CSS, notamment les handicapés, et en particulier dans le cas des handicapés.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Boucher: Sur le même sujet, M. le ministre. Est-ce que le problème ne pourrait pas se régler par la possibilité de cumuler, à l'intérieur d'une même famille d'accueil, une ou deux catégories? Disons que tout dépend de l'enfant qu'elle garde. Si elle garde un enfant qui ne présente pas de problème et qu'elle en a un autre qui présente un problème, elle pourrait être considérée comme une famille d'accueil régulière et en même temps une famille d'accueil spéciale. Elle pourrait cumuler des statuts.

M. Landry (Pierre): C'est un peu le sens de notre...

M. Boucher: Cela réglerait le problème, à mon sens.

M. Landry (Pierre): ...proposition.

M. Boucher: Que le règlement ne soit pas exclusif en disant qu'une famille d'accueil est considérée régulière, point; elle ne peut plus être considérée comme spéciale...

M. Landry (Pierre): C'est cela. Si on...

M. Boucher: ...au moment où elle garde un enfant qui est spécial, à un moment donné.

Le Président (M. Desbiens): M. Landry.

M. Landry (Pierre): Oui, un des phénomènes justement qu'on réalisait en discutant avec des praticiens, c'est que, par exemple, la famille d'accueil de réadaptation n'était peut-être pas intéressée, même s'il y a un attrait pécuniaire et des capacités et des énergies. Elle n'est peut-être pas intéressée compte tenu de l'énergie que demande le type de clientèle qu'il y a là, à avoir continuellement quatre personnes dans un programme actif de réadaptation. Elle aurait peut-être le goût de recevoir, pendant un an ou deux ans, deux bénéficiaires un peu moins lourds et deux cas un peu plus lourds. C'est un peu dans ce sens qu'on va dans notre suggestion, en collant plutôt la contribution supplémentaire au bénéficiaire. Parce que, de toute façon, on se dit que, finalement, on va atteindre à peu près un objectif semblable, c'est-à-dire que les familles d'accueil vont se spécialiser progressivement en fonction des clientèles qu'elles vont recevoir. Mais on se garde une souplesse et je reviens à l'argument: on veut garder à la famille d'accueil ce qui, je pense, est l'essentiel de cette formule, c'est-à-dire sa souplesse et son adaptabilité et ne pas mettre cela d'une façon trop cadrée dans un règlement. On va soumettre cela à votre réflexion.

M. Johnson (Anjou): D'accord. Merci.

Mme Lavoie-Roux: ...des fois, même pour le bénéfice d'un enfant plus difficile qui est placé, la famille peut recevoir deux autres enfants qui sont des enfants qu'on appellerait "réguliers" ou qui tomberaient dans la catégorie A, et leur présence serait bénéfique pour le troisième.

M. Johnson (Anjou): De le laisser au bénéficiaire plutôt que...

Mme Lavoie-Roux: Mais je pense aussi à son développement éventuel et il se fait des expériences de solutions de rechange. Il ne faudrait pas que ce soit, en tout cas...

M. Johnson (Anjou): Les foyers de groupes, les appartements adaptés... Mais je pense que l'ensemble des ressources de rechange, d'abord, cela correspond à l'orientation qu'on essaie de donner dans certains secteurs, pour traduire cela sur le plan budgétaire et autrement. Deuxièmement, je pense que le règlement ouvre sur cela beaucoup plus facilement que l'ancien.

Mme Lavoie-Roux: Bon! En tout cas, si vous pensez que cela vous permet toutes les initiatives... Est-ce que c'est avec les trois qui sont là... Le ministre dit: Cela ouvre...

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire que l'appartement adapté, ce n'est pas dans le règlement qu'on va trouver la réponse. Ce n'est pas une famille d'accueil. C'est dans les budgets et dans ce qui se fait dans les établissements, etc. C'est ce que je veux dire.

M. Landry (Pierre): Oui, c'est tout à fait vrai. On est de votre avis, dans le sens où, finalement, on devrait... C'est pour cela qu'on dit: On ne devrait même pas retrouver les catégories dans le règlement. On va vous servir l'argument que j'ai entendu un peu plus tôt.

M. Johnson (Anjou): Oui. À ce moment-là, on pourrait ne pas avoir de règlement et seulement des budgets.

M. Landry (Pierre): Non, on sait qu'il y a peut-être la nécessité de faire un peu de ménage là-dedans, mais on vous suggère un autre moyen, dans le fond.

Le Président (M. Desbiens): Pas d'autres interventions? Merci aux représentants de la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux.

M. Landry (Pierre): Merci beaucoup.

Corporation professionnelle des psychologues du Québec

Le Président (M. Desbiens): J'invite les représentants de la Corporation professionnelle des psychologues du Québec à s'approcher, s'il vous plaît.

Il est 22 heures. Pendant que cela se produit...

M. Johnson (Anjou): Je vais aller prendre un cognac avec...

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! M. Sabourin, je vous demanderais d'abord d'identifier les personnes qui vous accompagnent avant de nous présenter un sommaire, j'imagine, de votre mémoire.

M. Sabourin: Merci, M. le Président. Tout d'abord, à ma gauche, j'aimerais vous présenter M. Ghislain Girard, chef du service de psychologie de l'Institut Roland-Saucier à Chicoutimi; immédiatement après lui, M. François Leduc, conseiller aux affaires professionnelles à la Corporation professionnelle des psychologues du Québec, et, à ma droite, Mme Jacqueline Carrier, chef du service de psychologie du Centre hospitalier de Valleyfield et qui a sans doute quelques commentaires à faire... (22 h 15)

Mme Lavoie Roux: ...mais c'est moins important.

M. Sabourin: ...éventuellement. Je désire d'abord remercier le ministre de l'occasion qu'il nous donne de venir présenter à cette commission les opinions et les commentaires des psychologues sur le projet de réglementation relatif à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Dans le présent mémoire, nous allons surtout aborder trois points, soit: premièrement, la structure d'organisation et la gestion des services professionnels non médicaux dans les établissements; en second lieu, la représentation des services professionnels non médicaux dans les corps décisionnels et consultatifs; en troisième lieu, l'accessibilité des bénéficiaires aux soins professionnels. Nous ferons également quelques commentaires par rapport à certains articles qui ne touchent qu'indirectement aux trois sujets que je viens de mentionner.

Le projet de loi 27, modifiant certaines dispositions législatives dans le domaine de la santé et des services sociaux, poursuivait dans un contexte de rareté des ressources et dans une perspective de saine gestion un certain nombre d'objectifs dont, entre autres, la rationnalisation des services, la diminution des coûts, la décentralisation des processus décisionnels, l'accroissement de l'autonomie des établissements et l'implantation de principes d'intercomplémentarité des ressources physiques dans la distribution des soins. Ces objectifs s'appuyaient sur la nécessité de maintenir dans le réseau la qualité de soins à laquelle le bénéficiaire est en droit de s'attendre. Il va sans dire que nous souscrivons entièrement à ces objectifs et surtout au postulat sur lequel ils s'appuient. D'autre part, le moyen privilégié retenu pour atteindre ces objectifs était l'intégration du corps médical à la gestion des établissements de santé.

Sur ce point, le projet de réglementation comporte toutes les précisions devant permettre d'actualiser dans les faits la volonté du législateur. Cependant, s'il se révèle nécessaire d'intégrer les principaux responsables des coûts au système de gestion des établissements de santé, il nous semble également essentiel de procéder à l'intégration structurale et fonctionnelle des professionnels non médecins, dont les psychologues, qui, rappelons-le, jouent un rôle indispensable dans la distribution des soins de santé. Or, la réglementation proposée est muette sur ce point. Ce qui est plus grave encore, c'est que certaines dispositions de la réglementation actuellement en vigueur, qui apportaient des précisions utiles à cet effet, seraient éventuellement abrogées si le projet actuel de réglementation devait être adopté sans modification ni ajout.

Le Président (M. Desbiens): Je m'excuse de vous interrompre. Est-ce que vous avez l'intention de le lire au complet?

M. Sabourin: II y a certaines parties que je ne lirai pas.

Le Président (M. Desbiens): Je fais la remarque parce qu'il y a évidemment l'heure, mais également je profite de l'occasion pour mentionner que tous les mémoires ayant été déjà remis à tous les participants de la commission, vous tenez pour acquis qu'ils en ont pris connaissance déjà.

M. Sabourin: D'accord. Je vais essayer de synthétiser dans la mesure du possible. Faut-il rappeler que cette reconnaissance d'une participation essentielle de professions non médicales, spécifiques et autonomes à la distribution des services de santé tire son origine d'un constat fondé sur la sagesse populaire et la réalité des faits. En effet, sans vouloir nier ou déprécier le caractère spécifique et essentiel de la contribution médicale, on doit admettre qu'elle n'en comporte pas moins certaines limites quant aux services et aux soins qu'elle peut proposer, surtout si l'on veut se montrer respectueux du caractère global de la personne et s'appuyer sur la philosophie de la multidisciplinarité déjà prônée dans le rapport Castonguay-Nepveu et reprise plus récemment dans le rapport de la commission Houde.

Il est cependant malheureux de constater que ce souci, pourtant réputé essentiel, d'une action collégiale et complémentaire fondée sur la reconnaissance du caractère distinctif et de la qualité de la formation des divers groupes professionnels en cause est loin de se traduire toujours dans les faits, dans les lois et dans les règlements. Ceci est d'autant plus surprenant que le principe de l'interdisciplinarité est pourtant reconnu comme essentiel par la très grande majorité des intervenants: médecins et professionnels et gestionnaires des milieux de la santé et des services sociaux. Partant de ces diverses constatations, nous sommes donc étonnés de ne pas retrouver dans le projet de réglementation des précisions sur l'organisation des services professionnels dans les établissements.

Pourtant, comme nous l'avons vu, dès que l'on parle de services de santé, on doit nécessairement tenir compte de la multidisciplinarité, de la complémentarité des services et de l'obligation d'assurer une continuité des soins.

Or, puisque rien n'est expressément prévu, il est possible d'imaginer différents scénarios de structures possibles. Le premier scénario, le premier modèle, c'est ce que je vais appeler le modèle de structure par service où les professionnels sont regroupés selon leur spécialité. Une telle structure permet de développer et de maintenir un haut niveau de compétence spécialisée, puisque les professionnels de la même

discipline sont tous réunis dans un même service et sous un même chef. En plus de favoriser la création et le maintien de relations intraprofessionnelles centrées sur la tâche, cette structure permet d'accroître la stimulation et la motivation et d'utiliser les ressources d'une façon plus souple et efficace. Aussi, l'évaluation du rendement clinique d'un professionnel, mesure qui comporte des aspects à la fois administratifs et professionnels, se trouve effectuée par un cadre de la même discipline, seul habilité à poser de tels jugements en vertu même de l'article 25 du Code des professions.

En conséquence, nous recommandons que le manuel de gestion financière identifie des postes d'activité distincts pour chacune des professions non médicales et que la structure par service puisse permettre à un chef de service d'exercer les fonctions qu'il devrait nécessairement exercer s'il veut remplir à la fois le volet professionnel et administratif de la tâche qui lui est dévolue.

Je dois dire que le principe d'une structure par service est actuellement admis et appliqué d'une façon assez générale dans le réseau des établissements de santé et que c'est d'ailleurs la structure qui est recommandée par le conseil d'accréditation des hôpitaux. Je dois dire également que la structure par service est parfaitement conciliable avec un mode de gestion où les activités clliniques sont structurées en programme selon la catégorie de bénéficiaires ou le type de besoin. En fait, elle constitue le prérequis indispensable au fonctionnement par structure matricielle. Je donne une référence précise pour illustrer cet exemple. Une chose qui est importante, c'est de préciser que la demande d'autonomie qui est sous-jacente à la structure par service n'entraîne pas nécessairement une opposition avec une modalité de collaboration. En fait, je mentionne dans le mémoire un exemple où le médecin et le psychologue collaborent d'une façon fréquente et d'une façon efficace par rapport au traitement du patient.

Un autre scénario possible, c'est celui d'une gestion médicale des professionnels oeuvrant dans les établissements de santé. La conception d'un pareil modèle part de l'existence de départements médicaux spécialisés auxquels on rattache directement, en vertu de certains rapprochements fonctionnels bien connus - par exemple, la psychologie et la psychiatrie - les différentes disciplines dont la contribution est essentielle à la bonne marche d'un établissement de santé. Ici, le principe sous-jacent ne découle pas de la primauté des besoins du bénéficiaire, mais plutôt de la nécessité d'offrir les services requis aux départements médicaux spécialisés. Dans les faits, une telle structure prévoit la gestion professionnelle et administrative d'une discipline par la spécialité médicale qui s'en rapproche le plus. Ce modèle a certes l'avantage de simplifier les structures et le fonctionnement des établissements de santé en diminuant le nombre des intermédiaires décisionnels, mais il entraîne une situation intenable sur le plan de la logique administrative, menant à une confusion de la hiérarchie clinique et de la hiérarchie gestionnelle. Ainsi, une telle structure, axée sur l'illusion de l'efficacité et sur une simplification excessive, ne peut tenir compte de la réalité complexe des établissements de santé et ne peut qu'engendrer des conflits profonds basés en grande partie sur l'impossibilité pour quelque profession que ce soit de connaître vraiment et de tenir compte de tous les apports spécialisés, professionnels et techniques des différentes disciplines.

Mais au-delà des différences entre les disciplines, il existe une complémentarité dont il convient d'exploiter toute la richesse et ce, pour le plus grand bien du bénéficiaire qui doit continuer d'être notre principal centre d'intérêt. Nous sommes convaincus que le modèle de gestion médicale de toutes les ressources professionnelles d'un établissement ne peut constituer une solution valable et viable à la nécessité de rationalisation et de gestion saine des coûts de la santé. Les prémisses sur lesquelles il s'appuie sont inconciliables avec la réalité complexe d'un fonctionnement multidiscipli-naire.

Par rapport aux recommandations qui découlent de cette section de notre mémoire, je fais référence tout simplement, dans le but d'accélérer, aux recommandations qui ont déjà été formulées dans le mémoire commun. Ce sont des recommandations que nous appuyons entièrement.

Représentation des services professionnels non médicaux dans les corps décisionnels et consultatifs. Autant nous croyons qu'il est essentiel de préciser dans la réglementation l'institution de structures distinctes pour assurer des services professionnels autonomes, autant nous pensons qu'il est absolument indispensable qu'on confie la responsabilité de la gestion générale de ces ressources à un directorat administratif, seul capable de garantir à la fois le respect des spécificités professionnelles et une représentation gestionnelle distincte auprès de la direction générale de l'établissement.

En effet, puisque la loi accroît considérablement les responsabilités du directeur des services professionnels sur le plan strictement médical, nous sommes d'avis qu'on ne doit pas lui confier en surcroît la responsabilité des ressources non médicales. Il y aurait alors risque de conflit d'intérêts et il serait à craindre que le directeur des services professionnels, de par la lourdeur et l'envergure de la tâche qui lui est dévolue,

ne puisse accorder aux ressources non médicales toute l'attention qu'elles requièrent au plan de la représentation auprès de la direction générale. D'autre part, il est également impensable de déléguer ce rôle à la Direction des soins infirmiers, car il va sans dire que la gestion quotidienne des multiples services offerts par les 51 000 infirmières et infirmiers du réseau est déjà suffisamment lourde et complexe pour éviter qu'on lui ajoute en plus la responsabilité d'assumer celle du travail des autres professionnels non médicaux.

C'est pourquoi, étant donné que l'article 115 de la loi stipule qu'un plan d'organisation peut prévoir un directeur des services hospitaliers et que l'article 173i confère au gouvernement le pouvoir de réglementation à cet effet, nous recommandons d'insérer dans le projet de règlement l'article suivant: "Le plan d'organisation d'un centre hospitalier doit prévoir l'institution d'une Direction des services hospitaliers assurant la gestion des services professionnels non médicaux de l'établissement."

Dans le mémoire, il y a un point qui est soulevé par rapport au fait qu'il y a une possibilité de confusion au niveau des comités consultatifs de par le fait que, à l'occasion, il se peut que les mêmes personnes soient amenées à exercer à la fois des rôles consultatifs et des rôles de régie. Comme tout le monde le sait, il existe dans les hôpitaux un comité de régie et les membres de ce comité seront éventuellement aptes à devenir membres du comité consultatif. On demande s'il y aurait possibilité que les aspects exécutif et consultatif ne se confondent pas d'une façon excessive dans certains établissements, peut-être parmi les plus petits.

Concernant également la question de la représentation au niveau du comité consultatif à la direction générale, nous demandons d'inclure, à l'article 17 du projet de règlement, le fait que le directeur des services hospitaliers et le fait que le directeur des soins infirmiers, de même que le président du conseil consultatif du personnel clinique, comme nous en avons discuté tantôt lors de la présentation du mémoire commun, soient inclus au niveau de la composition de ce comité.

L'accessibilité des bénéficiaires aux soins professionnels. L'article 6 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux stipule clairement que rien dans la présente loi ne limite la liberté qu'a une personne qui réside au Québec de choisir le professionnel ou rétablissement duquel elle désire recevoir des services de santé ou des services sociaux. Pourtant, les modalités d'inscription décrites à l'article 25 du projet de règlement vont carrément à l'encontre de cette liberté de choix en imposant comme condition obligatoire à l'obtention de services de santé dans un centre hospitalier la nécessité absolue d'une référence médicale. Et qui plus est, cette référence médicale peut porter un double caractère obligatoire car elle doit parvenir uniquement d'un membre du CMD de rétablissement. Dans notre mémoire, nous donnons un exemple qui nous provient d'un centre hospitalier à vocation régionale qui démontre, je pense, assez clairement que l'obligation de référer à un membre du conseil des médecins et des dentistes de l'établissement peut entraîner le fait qu'un grand nombre de bénéficiaires seraient en quelque sorte privés de soins ou auraient un accès difficile à ces soins. Je n'aborderai pas plus longuement ce sujet. C'est présenté assez clairement dans le mémoire.

Par ailleurs, l'article 25, qu'il y soit ou non stipulée la nécessité de recourir à un membre du CMD, n'implique pas moins la nécessité d'une référence médicale obligatoire. Nous croyons, toujours en accord avec le contenu du mémoire commun, que cette nécessité est non seulement injustifiée, mais contraire à la loi. Cette affirmation est d'autant plus vraie dans le cas de l'accès aux services d'un psychologue. En effet, il suffit de comparer cette situation à ce qui se passe en pratique privée en psychologie clinique. Actuellement, environ 15% des membres de la corporation exercent leur profession à temps plein en cabinet privé. Si l'on ajoute à ce chiffre le nombre de psychologues qui exercent à temps partiel, en faisant la transformation équivalente à temps plein, une estimation conservatrice situerait à environ 25% la proportion des psychologues qui offrent des services d'évaluation et d'intervention à un public nombreux qui s'adresse directement à eux sans l'obligation de recourir à une référence médicale. Pourquoi en serait-il autrement au niveau des centres hospitaliers et des autres établissements du réseau? La population, de plus en plus informée quant à la spécificité des services professionnels auxquels elle peut recourir et de plus en plus consciente de la nature de ses problèmes et de ses besoins, a appris à s'adresser directement au professionnel qu'elle considère le plus en mesure de lui fournir les interventions appropriées. (22 h 30)

II ne s'agit pas ici de promouvoir l'accessibilité directe des bénéficiaires dans le but de s'assurer une clientèle intéressante et nombreuse, mais bien de reconnaître que la compétence et la fonction d'un psychologue l'autorisent à exercer sa profession d'une façon autonome et responsable et de reconnaître également que dans la très grande majorité des cas le public peut très bien décider des services de santé qui lui conviennent le mieux.

Il serait injustifié, à la fois au plan des

droits individuels et des coûts engendrés, d'obliger ce même public à passer par une référence médicale s'il veut avoir accès au service d'un psychologue dans les établissements de santé qu'il contribue à financer. Nous avons la ferme conviction que le respect du principe de l'accessibilité directe aurait une valeur préventive importante et ce à des coûts très minimes vu les bénéfices escomptés. En effet, il empêcherait le développement de situations plus graves pouvant engendrer des coûts beaucoup plus importants sur le plan médical et social au niveau, par exemple, des frais d'expertise professionnelle, d'hospitalisation ou d'hébergement à long terme.

Considérant que l'article 21 respecte le droit des personnes à l'accès au professionnel de son choix, nous recommandons que soit éliminé l'article 25.

Parmi les commentaires et recommandations particulières, nous tenons d'abord à souligner l'importance d'avoir précisé dans les articles 34 et 39 la nécessité d'une évaluation psychologique au niveau des évaluations requises pour l'admission dans les établissements offrant des services en soins prolongés ou en hébergement et l'attribution d'un congé en centre d'hébergement. L'évaluation psychologique est en effet beaucoup plus complète et pertinente, étant donné le type de problèmes de la clientèle dont on évalue la nécessité d'admission ou de congé, que l'évaluation psychique nécessairement superficielle qui pourrait découler d'un examen médical. L'avantage essentiel de l'évaluation psychologique, dont on retrouve d'ailleurs une description nuancée à l'annexe de ce mémoire, est qu'un tel examen porte non seulement sur les processus psychopathologiques mais aussi sur les forces vives, les capacités psychologiques résiduelles du bénéficiaire et les pronostics de récupération. On ne peut que féliciter le gouvernement de son souci d'assurer ainsi aux bénéficiaires des services précis et complets à ce niveau. D'ailleurs, la qualité et la pertinence de l'évaluation psychologique sont déjà reconnues par la Régie de l'assurance automobile du Québec. Elle est grandement utilisée dans de nombreux milieux.

Dans les autres demandes qui sont faites au niveau des commentaires et recommandations particulières, il y a simplement une question de concordance au niveau des admissions par rapport à la précision des évaluations. Il y a également une concordance au niveau des comités d'admission, au niveau du système d'admission des professionnels qui doivent s'occuper nécessairement des admissions. Je vous ferai grâce de la lecture de ces recommandations. Je pense qu'elles sont relativement logiques les unes avec les autres et relativement claires.

Concernant les articles 55 et 56, il y a une recommandation précise qu'on fait à ce niveau et qui recoupe celles qui ont été faites avant moi par la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux ou par le mémoire commun. Il s'agit tout simplement de prévoir une classification des informations contenues dans le dossier sous forme de volets. On précise qu'il nous semblerait pertinent et conforme à la réalité des faits de prévoir des volets médicaux, psychologiques et sociaux.

La Corporation professionnelle des psychologues a voulu attirer l'attention du législateur sur les implications du projet de réglementation afférent à la Loi sur les services de santé et les services sociaux dans le but d'en souligner certaines lacunes et de proposer quelques corrections sous la forme d'ajouts et de précisions. Les recommandations qu'elle a jugé bon de faire portent sur trois points principaux. Le premier s'adresse à l'organisation structurale des établissements de santé. Nous avons souligné la nécessité, pour assurer une administration saine et efficace, d'intégrer d'une façon distincte dans les structures gestionnelles les services professionnels essentiels à la bonne marche de l'établissement. Nous sommes convaincus que c'est là la seule mesure capable de garantir aux bénéficiaires la meilleure qualité possible des services. Nos considérations ont porté en second lieu sur la nécessité de regrouper les services professionnels non médicaux sous la direction d'un responsable des services hospitaliers distinct de la direction des services médicaux et de celle des services infirmiers afin d'assurer à la fois une gestion plus efficace, une meilleure coordination et la représentation essentielle de ces services auprès de la direction générale et des corps consultatifs. Enfin, nous avons insisté sur l'opportunité d'éliminer l'article 25 du projet de règlement de façon à garantir au bénéficiaire le libre accès aux services professionnels de son choix qui lui est déjà reconnu par l'article 6 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Nous espérons que les membres de la commission permanente des affaires sociales comprendront que ces recommandations s'inspirent du souci du législateur de donner aux établissements de santé les moyens d'assurer une gestion saine et efficace, respectueuse de l'autonomie des corps professionnels qui y collaborent et avant tout capable de garantir aux bénéficiaires tant le libre accès aux services professionnels de leur choix que la meilleure qualité de soins possible. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, M. Sabourin,

d'avoir résumé votre mémoire qu'on a parcouru avec intérêt et au sujet duquel d'ailleurs, je me suis préparé quelques notes au moment où on l'a analysé.

Je ne reviendrai pas sur les thèmes généraux qu'on a déjà évoqués avec vos collègues des autres corporations ou à d'autres occasions: confidentialité, la notion d'accès, etc.

Juste deux remarques sur deux sujets très spécifiques. Vous évoquez que le manuel financier devrait tenir compte de l'existence des services. Je vous dirai - à moins que je vous aie mal compris - que cela est parfaitement incompatible avec une chose au sujet de laquelle le Québec se distingue et fait l'objet d'une certaine admiration de beaucoup de sociétés occidentales, c'est la notion du budget global. Chaque fois, d'ailleurs, qu'on demande aux hôpitaux de nous fournir quelques données précises sur un service, ils nous disent: Vous voulez tout défaire notre budget global. Si j'ai bien compris, vous voudriez carrément que l'hôpital soit par services et notamment par catégories professionnelles sur le plan budgétaire.

M. Sabourin: Je pense que c'est un principe de base qu'on avait d'ailleurs formulé au niveau du mémoire commun, concernant toute la question, de faire assumer par une seule personne la gestion à la fois des ressources humaines et financières telles que précisées au niveau du mémoire. Je vais me permettre de demander à Mme Jacqueline Carrier de nous donner quelques précisions à ce sujet elle qui oeuvre dans le milieu hospitalier.

Mme Carrier (Jacqueline): Je crois que cela ne va pas à l'encontre de budget global, pas du tout. Nous faisons allusion au fait que les directives qui viennent par rapport au manuel de gestion font que le budget qui peut être attribué à un centre d'activité, tout à coup n'est plus accroché à ce centre d'activité et tout à coup revient à un autre centre d'activité. Alors, on fait uniquement allusion à cela, sachant très bien que, même si ces directives viennent, je crois qu'il y a des centres hospitaliers qui font en sorte que cela ne modifie pas le plan d'organisation chaque fois.

M. Johnson (Anjou): Sur la question des unités de mesure, je suis très ouvert là-dessus et qu'on puisse, à partir des données qu'on a, revoir les unités de mesure qu'on a, notamment dans une approche qui semble être celle vers laquelle se dirige la plupart des systèmes modernes en Occident - c'est le DRG, "Diagnosis related groups" - qui est une approche qui vise à quantifier le degré d'activité des établissements à partir de ce qu'impliquent les regroupements diagnostiques sur le plan des ressources, y compris des ressources où on doit tenir compte d'une unité de mesure comme les services en psychologie ou autrement.

L'autre commentaire ou l'autre question que j'avais, c'était sur la dimension de l'évaluation dans le cas de l'hébergement. Nous voulions dire "psychosocials", c'est marqué "psychologique". Vous nous dites que vous êtes contents que ce soit "psychologique", alors j'essaie de regrouper. A propos de l'évaluation médicale de la personne qui doit aller en hébergement, ce qu'on recherche dans le texte de règlement, c'est de dire: Le dossier doit comprendre, dans la formule que chaque région doit adopter, une évaluation et on dit "psychologique", mais ce qu'on tentait de recouvrir comme égalité c'est la notion psychosociale, qui est une notion peut-être un peu plus générale et qui n'a peut-être pas la même connotation professionnelle que vous lui accordez en le prenant au pied de la lettre. J'aimerais peut-être vous entendre réagir sur la notion de "psychosociale".

M. Sabourin: Oui. Étant donné que, souvent, des regroupements n'apportent pas une clarification utile à la bonne compréhension des termes, je pense qu'il est utile, au niveau des évaluations, de faire appel aux dimensions de la personne concernée. C'est pourquoi on était très content quand on a vu, aux articles 34 et 39, qu'on précisait spécifiquement une évaluation physique, psychologique et sociale, parce que ce sont quand même trois aspects de la personne qui sont, bien sûr, complémentaires, mais qui recouvrent des réalités qui, parfois, pourraient devenir confuses si on les regroupait d'une façon précise.

M. Johnson (Anjou): Si on disait "psychosociale" au lieu de dire "psychologique et sociale", comment réagiriez-vous? Vous n'êtes pas obligé de réagir tout de suite. Vous pourriez nous écrire, mais...

M. Sabourin: Je pense qu'il y a une question de sémantique intéressante derrière tout cela. Il y a même une question théorique intéressante derrière tout cela, que je ne veux pas aborder ici. Souvent, la réalité psychosociale comme telle est à part de la réalité fondamentale psychologique et de la réalité fondamentale sociale. Cela peut faire appel, notamment, à l'intégration des deux concepts sans nécessairement se référer aux deux éléments de base qui y ont donné naissance. Là, on pourrait, évidemment, aller dans une longue discussion théorique en faisant appel à des concepts de psychosociologie et je ne veux vraiment pas entrer dans ce débat ce soir.

M. Johnson (Anjou): Par exemple, on a des préoccupations dans le cas de l'hébergement; quand on regarde les normes dans les grands centres urbains et la pression qu'il y a sur le réseau, on veut d'abord une bonne évaluation de l'autonomie des personnes. Quand on dit qu'on veut maintenir, dans la mesure du possible, les gens le plus longtemps possible chez eux, on ne veut pas que les grabataires restent pris dans des appartements au troisième étage et tant mieux si le voisin passe. Ce n'est pas ce dont on parle. On dit simplement: Dans la mesure où les gens ont un degré d'autonomie et dans la mesure où ils ont le goût d'exercer le choix de rester chez eux, on pense qu'il faut que l'État les soutienne le plus possible.

Maintenant, il y a les autres et, dans les autres, l'autonomie se mesure assez bien, habituellement, à partir de critères organiques, notamment quant à l'évaluation de l'efficacité du système locomoteur de la personne. Je dis "organiques" parce que je peux y inclure aussi des phénomènes comme les psychoses organiques qui sont souvent évaluées médicalement. Mais l'autre dimension dont on veut tenir compte, dans le fond, c'est des choses qu'on peut regrouper sous l'appellation générale de "degré de dépendance des gens". Je distingue cela de la notion psychologique au sens où je trouve que la notion de dépendance, c'est quelque chose d'empirique. Les infirmières nous disaient d'ailleurs: Ne mettez pas "psychologique", vous devriez mettre "psychosociale". Je pense que dans un de leurs mémoires ou dans une de leurs interventions elles évoquaient cela, quelque chose qui n'est pas nécessairement de l'ordre du diagnostic très spécialisé.

Je ne veux pas être réductionniste, mais dans le fond, ce qu'on recherche, c'est dans quelle mesure cette personne présente une condition qui fait qu'il serait souhaitable qu'elle soit en hébergement et, par opposition, dans quelle mesure elle a résolu son Oedipe ou son Électre avec son père ou sa mère. Je ne dis pas que c'est ce que vous faites seulement. C'est aussi cela et c'est correct. Bon! On se comprend bien. Ce qu'on cherche, c'est une notion très fonctionnelle aux fins de porter un jugement qui soit le plus adéquat, qui n'est plus seulement sur un individu, mais qui permet de pondérer sa position par rapport à un ensemble, parce qu'on veut être équitable dans l'allocation des ressources. C'est là que la notion psychosociale, on la trouve intéressante, par opposition à psychologique et sociale qui sont des notions distinctes, ce qui n'empêche pas une bonne partie de ce que vous évoquiez tout à l'heure.

M. Sabourin: Simplement pour ajouter un très bref commentaire. Je partage entièrement vos vues concernant l'utilité d'une notion d'évaluation psychosociale. Par ailleurs, en laissant les deux termes séparés, on peut faire une évaluation psychosociale. Cela ne nous empêche pas de le faire. Dans certains cas - je ne dis pas que cela va être une question qui va se faire "at large" et qu'on va faire passer une batterie de 122 tests à tout le monde pour déterminer qui doit ou non entrer dans un centre d'hébergement, bien sûr, je suis très réaliste à ce niveau - dans certaines conditions, au-delà des analyses en profondeur auxquelles vous vous référiez, il existe quand même des techniques et des instruments psychologiques tels quels qui offrent à ce niveau, je pense, une possibilité d'en arriver vraiment à une évaluation qui soit très exacte et très précise au plan psychologique et qui ne nécessite pas nécessairement une analyse extrêmement complète et extrêmement longue de chacun des cas qui nous est présenté. (22 h 45)

M. Johnson (Anjou): Merci de vos commentaires. Merci également de votre mémoire qui est apprécié.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'ai une seule question parce que plusieurs éléments ont été discutés tout à l'heure sur la question de l'autonomie professionnelle. Vous faites une suggestion en page 7 que le projet de règlement comprenne un article qui se lirait comme suit: "Le plan d'organisation d'un centre hospitalier doit prévoir l'institution d'une direction de services hospitaliers assurant la gestion des services professionnels non médicaux de l'établissement." Je me demandais si vous pouviez insister un peu là-dessus. L'esprit de cette recommandation, c'est que ceci assure une représentation au comité consultatif. Est-ce que c'est cela?

M. Sabourin: Dans un premier temps, la recommandation que nous faisons va dans le sens qu'il y a quelqu'un, un administrateur qui puisse représenter au niveau de la direction générale tous les services de professionnels non médicaux. Dans un deuxième temps, nous pensons que cette personne devrait normalement être parmi les gens qui assurent la composition du comité consultatif à la direction générale afin, quand même, de représenter les idées, les points de vue, les préoccupations et les contributions éventuelles de tous les professionnels médicaux - qui sont quand même assez nombreux - qui oeuvrent dans les centres hospitaliers.

Mme Lavoie-Roux: II y en a plusieurs qui nous ont fait une recommandation que

siège au comité consultatif un représentant de leur corporation. Évidemment, dans l'esprit du ministre, je pense que le règlement, enfin, une partie du règlement avait pour objet précisément d'intégrer davantage la dimension médicale à la gestion de l'institution. J'aimerais peut-être connaître vos réactions, M. le ministre, à cette suggestion. Il reste qu'il y a de nombreuses autres professions qui, peut-être, se sentiraient plus à l'aise de voir qu'ils ont une voix. Là ils seraient représentés au comité consultatif par le truchement des chefs - qu'est-ce que c'est la formule?

M. Johnson (Anjou): DSH, c'est ce qu'on propose ici.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Johnson (Anjou): II y a une autre formule. Je comprends cette préoccupation. Je me dis: II va falloir trouver une façon d'y répondre. Encore une fois, dans un établissement où il y a des chefs de services cliniques qui sont des médecins, une direction des soins infirmiers et une direction des services hospitaliers, il me semble que si j'étais la directrice ou le directeur des soins infirmiers, ou une directrice ou un directeur des soins hospitaliers et que je n'étais pas invité à la réunion, je me poserais une mosus de question. Vous savez, c'est la moitié de l'hôpital. L'autre moitié, ce sont les médecins. Est-ce qu'il faudrait préciser des choses? Est-ce qu'il faudrait dire, je ne sais pas moi, que le représentant du CCPC devrait en faire partie, qui est un regroupement qui est plus dans la nature des intérêts des corporations. On va regarder cela. On va explorer cela. Je pense que cela nous a été dit à plusieurs reprises.

Comme on voit, chaque fois qu'on parle même de former un comité, fût-il consultatif, tout le monde vient nous expliquer qui devrait le nommer et qui devrait en faire partie. Si on prenait toutes les suggestions, on ne ferait pas de déréglementation. Mais on tient compte de cette préoccupation.

Mme Lavoie-Roux: Cela paraît un compromis entre la représentation de chaque profession au conseil d'administration ou au comité consultatif. Alors, si le ministre reste l'esprit ouvert, on va lui faire confiance. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie la Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec.

Une voix: Et psychologues.

Le Président (M. Desbiens): Excusez. Je me suis trompé d'une ligne. Et psychologues.

Je commence à rétrograder encore une fois.

J'invite l'Association des cadres intermédiaires des affaires sociales à s'approcher, s'il vous plaît. Je profite de l'intermède pour rappeler que toutes les copies des mémoires sont conservées au Secrétariat des commissions où elles peuvent être consultées.

À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Cyr, veuillez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît, et présenter le résumé de votre mémoire.

Association des cadres intermédiaires des affaires sociales

Mme Cyr (Clairna): À ma droite, M. Laurian Lefrançois, directeur général de l'association; à ma gauche, M. Paul-André Léveillé, membre du conseil provincial, M. Yvon Labonté, membre du conseil provincial et Mme Françoise Caron, première vice-présidente de l'association.

M. le Président de la commission parlementaire, M. le ministre des Affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, membres de la commission parlementaire, nous tenons d'abord à remercier M. le ministre des Affaires sociales pour son invitation à nous présenter devant vous aujourd'hui.

Notre association est vouée à la promotion et à la défense des intérêts socio-économiques des cadres intermédiaires des établissements du réseau des affaires sociales dont 5300 sont présentement membres. Comme l'indique bien le nom de notre association, nos membres sont tous cadres de niveau intermédiaire et proviennent de toutes les catégories d'établissements du réseau des affaires sociales, à l'exception des centres de services sociaux.

Le projet de règlement qui fait l'objet de la présente commission parlementaire touche directement plusieurs de nos membres, non seulement dans la circonstance entourant l'exercice journalier de leurs fonctions, mais encore dans leurs liens d'emploi mêmes. C'est pour cette raison que l'ensemble de nos membres a insisté pour que notre association fasse clairement connaître au ministre des Affaires sociales les préoccupations, voire les appréhensions que le dit règlement suscite chez la majorité d'entre eux. Aussi, le fait que nous représentons des gestionnaires de première ligne nous impute la responsabilité de nous pencher sur les incidences de ce règlement, tant du point de vue du fonctionnement global que spécifique et journalier. Tout comme M. le ministre, nous sommes ultrasensibles eux coûts énormes qu'engendrent les services sanitaires et sociaux à la population active québécoise et nous avons toujours fourni une collaboration maximale dans la poursuite des objectifs tels

que définis par le ministre des Affaires sociales pour les diverses catégories d'établissements et ce, dans le plus grand souci de rentabilité pour chaque dollar investi.

Nous tenons donc, M. le Président, MM. les ministres, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, à ce que vous sachiez clairement à quelle enseigne nous logeons.

Le mémoire que nous avons déposé n'est pas volumineux et son contenu n'est nullement à caractère philosophique. Il fallait qu'il en soit ainsi puisque les personnes que nous représentons sont des gens pratiques, préoccupés et responsables du fonctionnement journalier, chacun dans son service et en harmonie avec les autres services de son établissement. Nous croyons que les commentaires contenus dans notre mémoire reflètent ce caractère particulier commun à nos membres.

Si vous nous le permettez, M. le ministre, M. le Président, nous nous dispenserons de faire la lecture entière de notre mémoire pour nous attacher aux extraits que nous considérons les plus importants en fonction des intérêts immédiats de nos membres, soit la formation du comité consultatif à la direction générale, les départements cliniques dans un centre hospitalier de soins de courte durée et enfin, la formation du service médical dans les centres d'hébergement.

Chapitre III: Administration des établissements. Section V: Comité consultatif à la direction générale dans les centres hospitaliers, article 17. Qu'il nous soit permis d'abord de vous signifier que notre association ne voit pas de nécessité pressante pour la formation d'un tel comité, mais n'y est pas non plus farouchement opposée. Pour cette raison, nous sommes d'avis que la formation de ce comité ne devrait pas être obligatoire et que son mandat de même que la fréquence de ses réunions devraient être définis par le conseil d'administration de l'établissement, sur recommandation du directeur général.

Nous avons toutefois noté la composition de ce comité consultatif et les sujets sur lesquels son analyse et ses recommandations devraient porter. Il nous est alors apparu évident que l'intention du ministre est de conscientiser et de responsabiliser les médecins face aux coûts de fonctionnement de nos établissements de santé, dans le but de les contenir et, possiblement, de les réduire. Notre association croit que cet objectif est bon puisque le véritable générateur des coûts d'un établissement de santé est le médecin. Néanmoins, notre association juge que le médecin n'est pas seulement générateur de coûts; il en est aussi un consommateur important. C'est l'alliage de ces deux qualités des médecins dans nos établissements qui nous incite à demander une révision de la composition dudit comité si le ministre en retient l'existence réglementée. Nous préconisons d'y inclure deux éléments additionnels, soit un représentant des cadres intermédiaires et un représentant du personnel clinique. Ces deux éléments nouveaux apporteraient dans la réflexion et dans les préoccupations du comité un équilibre souhaitable qui est loin d'être évident dans sa composition telle que prévue au projet de règlement. La présence d'un représentant des cadres intermédiaires au sein de ce comité aurait pour avantage d'apporter un éclairage nécessaire en matière de faisabilité puisque c'est ce groupe de gestionnaires qui doit assumer la coordination de toutes les activités de soutien et un tel comité peut difficilement se passer de la contribution en connaissances pratiques opérationnelles que pourrait lui apporter un représentant des cadres intermédiaires de l'établissement. (23 heures)

D'autre part, d'un même point de vue pratique, le représentant du personnel clinique serait grandement utile pour aviser le comité sur les répercussions possibles et les difficultés envisageables dans l'implantation des programmes ou mesures préconisés. Nous nous permettons donc d'insister pour que la composition du comité consultatif à la direction générale, prévue à l'article 17, inclue un représentant des cadres intermédiaires de l'établissement et un représentant du personnel clinique, si toutefois la formation d'un tel comité devait être retenue dans le règlement.

Organisation des centres hospitaliers et des centres d'hébergement. Départements cliniques dans un centre hospitalier de soins de courte durée: articles 69 et 70. Nous recommandons que ces deux articles soient modifiés de façon à être moins limitatifs quant au directorat dont pourront relever ces chefs de départements cliniques et, au lieu d'y lire qu'ils seront sous l'autorité du directeur des services professionnels, on devrait y lire qu'ils seront sous l'autorité du directeur spécifié au plan d'organisation de l'établissement. Nous recommandons également qu'il soit précisé que la gestion des ressources humaines, matérielles et financières de l'établissement confiée aux chefs de départements cliniques soit uniquement celle applicable aux activités purement médicales. Les articles 69 et 70 se liraient donc de la façon suivante: 69. "Le plan d'organisation d'un centre hospitalier de soins de courte durée doit prévoir la formation d'un département clinique de radiologie. Sous l'autorité du directeur spécifié au plan d'organisation de l'établissement, le chef de ce département clinique gère les ressources humaines,

matérielles et financières applicables directement aux activités médicales du département."

C'est le même libellé pour l'article 70.

Notre intervention est basée sur plusieurs motifs dont les plus importants sont les suivants: Nous croyons qu'il est très dangereux et malsain de permettre à quiconque de fixer son propre salaire, ce qui est sûrement le résultat le plus évident et, selon nous, le plus inévitable lorsqu'on confie à celui qui est rémunéré à l'acte le soin de gérer le partage et l'utilisation des fonds. À ce sujet, notre intervention n'a aucunement pour but d'offenser quelque individu ou quelque groupe d'individus que ce soit; elle est l'expression honnête d'une réflexion basée sur nos constatations du comportement habituel dans des circonstances semblables, comportement normal auquel nos médecins n'ont pas globalement démontré être en mesure d'échapper. Ce qui est moins normal, c'est de placer certains d'entre eux dans une situation de conflit d'intérêts possible.

Une autre de nos préoccupations est celle de l'assujettissement des groupes de professionnels, techniciens en radiologie et technologistes médicaux à celui des médecins. Nous considérons qu'il y a là une menace à l'autonomie des corporations professionnelles affectées et nous vous soumettons qu'il serait pour le moins inopportun de créer une race de superprofessionnels. Dans sa profession propre, chacun est réputé être le plus compétent.

Notre association croit également qu'à moins que la gestion dont il est question ne soit limitée à celle applicable aux activités médicales les articles 69 et 70 constituent une proposition qui n'est pas économiquement rentable. En effet, les coûts que doit rencontrer notre société pour la formation d'un médecin sont de plusieurs fois supérieurs à ceux qu'engendre la formation d'un administrateur ou de tout autre professionnel. Il est donc illogique de confier à des médecins des activités qui ne sont pas directement reliées à l'exercice de leur profession, alors qu'on pourrait tout aussi facilement les confier à une personne compétente dont le coût de formation de même que le salaire sont largement inférieurs à ceux qui sont rattachés à l'utilisation d'un médecin dans ces mêmes activités. Nous considérons donc que l'utilisation des médecins dans des activités de gestion de ressources humaines, matérielles et financières autres que celles reliées directement aux activités médicales est une mauvaise proposition d'un point de vue économique.

Enfin, si M. le ministre devait persister dans l'orientation qu'il a annoncée, il devra prévoir qu'un chef de département clinique sera un cadre, soumis aux mêmes règles que les autres cadres du réseau des affaires sociales, pour ses conditions de travail et ses conditions salariales afin que comme tous les autres gestionnaires, il ait à faire face aux mêmes obligations envers son employeur et rende compte, comme eux, de sa gestion.

Service médical dans les centres d'hébergement: articles 79, 80, 81 et 82. Notre intervention au sujet des articles précités n'aura pas comme objectif de préconiser le rejet de la formation d'un service médical, mais plutôt de promouvoir des changements quant à sa composition. En effet, nous croyons que ce service médical devrait être remplacé par un comité de services médicaux et cliniques pour y inclure la participation de représentants du personnel clinique, particulièrement ceux oeuvrant dans les soins de santé et d'assistance. Le fait que les médecins soient très peu présents dans les centres d'hébergement nous incite à préconiser que le contrôle de la qualité des soins aux bénéficiaires qui y séjournent soit effectué au moins en collaboration avec les professionnels dont la présence dans les centres est plus constante et/ou assidue.

À ce moment, nous aimerions vous déposer un document, à titre de réflexion, d'une structure administrative dite matérielle qui illustre bien, à notre avis, la faisabilité d'incorporer la participation médicale au processus de gestion sans pour autant leur confier la responsabilité administrative totale des ressources matérielles, humaines et financières et répond aux besoins des professionnels. On pourrait en discuter sur un libre échange.

Nous vous remercions, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, de l'attention que vous avez eu l'amabilité de nous accorder. Nous sommes confiants que nos commentaires apporteront les réaménagements positifs pour le meilleur fonctionnement du réseau et le mieux-être de la population québécoise. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci, Mme Cyr, pour votre mémoire et de nous en avoir fait un résumé. Si je comprends bien, il y a un document que vous faites circuler en ce moment. Encore une fois, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des choses qui sont plus ou moins communes à différents des groupes qu'on a entendus ni même sur certaines de vos prémisses parce que si jamais des médecins, par choix ou autrement, devenaient des salariés ou des gens qu'on appelle à honoraires fixes dans la nomenclature de la Régie de l'assurance-maladie, je pense qu'il y a une bonne partie de vos arguments qui ne pourraient pas tenir dans le cas des médecins de laboratoires, si je ne me trompe.

Mme Cyr: On a signalé que dans l'éventualité où un médecin deviendrait un gestionnaire salarié, il y aurait à ce moment-là une mauvaise utilisation des ressources médicales pour quelqu'un qui a été formé à un coût très élevé, comparativement à quelqu'un qui peut répondre essentiellement aux mêmes besoins des gestionnaires à un coût moindre. C'est là que l'on dit que cette thèse de faire des médecins des gestionnaires est économiquement non rentable alors que quelqu'un d'autre peut aussi bien faire le travail à un coût moindre. Notre grande préoccupation est au point de vue de la rentabilité du système.

M. Johnson (Anjou): Vous savez combien on est sensible à ces préoccupations, mais il n'en demeure pas moins...

M. Labonté (Yvon): M. Johnson, je pourrais ajouter qu'on est justement payés pour le savoir.

M. Johnson (Anjou): Oui, vous êtes payés pour le savoir.

Mme Cyr: C'est pour cela qu'on est payés.

M. Johnson (Anjou): Je ne veux pas commenter plus longuement qu'il le faut sur cet aspect. Je pense que c'est une discussion qui...

Mme Cyr: II n'y a pas grand-chose à ajouter, je crois.

M. Johnson (Anjou): ...ne manque pas d'intérêt, mais il y a une espèce de logique infernale dans votre mémoire. Vous dites: Écoutez, s'ils ne sont pas à honoraires fixes ou à salaire, ils sont en conflit d'intérêts.

Mme Cyr: Exactement.

M. Johnson (Anjou): Puis s'ils viennent à salaire, vous perdez de l'argent pour rien. Pourquoi payer du monde si bien formé? Conclusion: Ne faites rien. C'est ce que vous nous dites?

Mme Cyr: Conclusion: Mettez des gestionnaires qui ne sont pas des médecins.

M. Johnson (Anjou): Oui, mais là je vous enverrai la copie de mes discours en deuxième lecture sur la loi 27 et quelques autres choses comme cela. C'est une orientation qu'on a prise et qu'on pense justifiée. On est conscient qu'il y a des éléments de risque là-dedans et je pense que le corps médical est prêt à bouger dans bien des choses; il l'a démontré depuis quelques années, malgré des situations pas toujours faciles qui.

Quant aux centres d'accueil d'hébergement, je trouve cela intéressant, ce que vous nous dites. Ce n'est pas que j'accroche facilement, mais j'aimerais vous entendre là-dessus. La notion d'une espèce d'évaluation multidisciplinaire dans le cas des centres d'accueil, pourriez-vous expliciter un peu là-dessus? Je comprends que la dominante n'est pas médicale a priori dans un centre d'accueil, je ne suis pas sûr qu'elle ait à l'être à part cela, sauf évidemment là où cela ressemble plus à un CHSP qu'à autre chose. La dominante, ce n'est pas la dimension médicale dans un centre d'accueil; idéalement, cela ne doit pas l'être. Dans un hôpital, plus ou moins par définition, c'est l'activité dominante sur le plan des volumes, du type d'actes qui sont posés, des préoccupations quotidiennes des gens et de la vocation de l'établissement. Or, dans le cas des centres d'accueil, comment verriez-vous cela fonctionner, une espèce de comité d'évaluation où il y a des médecins, des infirmières et peut-être le pharmacien?

Mme Cyr: Vous l'avez signalé tantôt, l'équipe multidisciplinaire, comprend des gens qui ont à donner des services aux bénéficiaires, à s'assurer que les bénéficiaires reçoivent les services nécessaires et qu'on les réévalue très souvent en cours de route. Avec ce genre de bénéficiaires, les besoins changent et il faut s'y adapter. Nous ne sommes pas sûrs que les besoins sont évalués en temps opportun, de façon qu'ils reçoivent au moment opportun les services dont ils ont besoin. Parfois, on a tendance à oublier ces gens à l'intérieur d'un système et on laisse vaguer un peu à la va-comme-je-te-pousse, alors que si on devait vraiment s'asseoir et réévaluer la situation on rendrait davantage service aux bénéficiaires en plus, parfois, d'économiser des ressources.

M. Johnson (Anjou): Vous revenez souvent là-dessus. Cela doit être parce que vous savez que je suis sensible à cela.

Mme Cyr: En tant que gestionnaire, dans le pratico-pratique, M. le ministre, tous les jours, on doit constamment sensibiliser notre personnel aux coûts, et dans tous les détails.

M. Johnson (Anjou): Je sais cela, et souvent dans une position où vous êtes pris entre l'arbre et l'écorce car vous êtes des cadres intermédiaires.

Mme Cyr: Quand on doit justifier qu'on doive couper la quantité de boîtes de kleenex de 50%, c'est quelque chose et on doit le faire.

M. Johnson (Anjou): Pas ce mois-ci, franchement, c'est le mois des grippes!

Mme Cyr: À l'occasion, on le fait au quotidien.

M. Johnson (Anjou): Faites cela avant la fièvre des foins et avant l'automne ou après, mais...

Mme Lavoie-Roux: Nous ne sommes pas au plus creux de l'hiver, M. le ministre!

M. Johnson (Anjou): Je disais en aparté à Mme Lavoie-Roux qu'à la fin de la commission on va additionner tous ceux qui veulent faire partie du comité consultatif de la DG et je vais annoncer un nouveau programme de construction d'arenas à côté des hôpitaux pour faire les réunions du comité!

Je veux simplement vous dire qu'il y a peut-être une certaine confusion quant au rôle du comité. On l'a dit un peu au début, le comité n'a pas un rôle de gestion. Il est bien évident qu'il y a un bout du quotidien qui va s'y tramer et que les gens vont se lancer des idées, des hypothèses et peut-être s'engueuler à l'occasion, mais...

Mme Cyr: M. le ministre, le comité consultatif de la DG, vous avez bien expliqué son rôle la semaine dernière et vous l'avez réexpliqué ce soir, je crois. J'ai recueilli vos propos à cet effet. C'est pour se consulter sur les grandes orientations de la vocation du centre. Parfait. Ceci dit, quand on décide des grandes orientations, très souvent, on y greffe des projets. Ces projets doivent être actualisés, ils doivent être coordonnés, incorporés aux activités régulières des services impliqués.

Le corps intermédiaire, qui est près du quotidien, de la faisabilité des projets, en tant que ressource nécessaire de volume et de coordination, à l'intérieur de ses activités régulières, peut dire: Oui, on peut faire ce projet à telle et telle condition. Ce sont des projets qui partent très souvent de gens qui ont des grandes idéologies et des théories. C'est très bien, mais c'est important d'avoir une personne dans le pratico-pratique qui vous ramène sur terre et qui dise: C'est bien beau tout cela, mais coupez ce petit bout si vous voulez que cela marche. Je pense que le corps intermédiaire est très important. Il peut aider, entre autres, à vraiment actualiser des projets en apportant tous les détails importants dans la faisabilité de tels projets. (23 h 15)

II arrive très souvent qu'on voie des projets qui achoppent parce que justement, il y a quelqu'un en bas qui n'a pas apporté l'aspect pratico-pratique et quelque part, la roue accroche. C'est cet aspect qui nous préoccupe et je crois que le cadre intermédiaire qui doit en plus assurer les bonnes relations du travail des services se fait parfois bousculer par des gens qui partent des projets. Pour en nommer un, quand on a installé les DSP dans les établissements, on arrivait avec des projets très intéressants, mais on ne s'était pas préoccupé dans le quotidien des implications dans les services et des gens qui devaient fournir un apport à ces projets. Cela achoppait. Cela créait des tensions. Combien de temps cela a pris? Cela a pris du temps à vraiment incorporer l'idée des DSP, parce qu'on se faisait lancer des projets sur la tête. On n'avait pas le choix. Il fallait les incorporer. Il fallait le faire et les relations du travail ont été très détériorées avec des situations semblables. Le cadre intermédiaire qui, dans le quotidien, assure les bonnes relations du travail, doit vendre cette marchandise auprès des employés, leur faire comprendre son importance et où on s'en va. Si le corps intermédiaire n'est pas là pour vendre des projets qui pourraient découler d'une telle consultation, cela risque d'achopper, parce qu'il faut les vendre. Les employés, quand on leur demande: Avez-vous le temps pour des changements - on le vit dans le quotidien et on vient d'en vivre avec les nouvelles mesures de coupures budgétaires - on sait ce que cela peut donner. Les relations du travail nous préoccupent autant que tout l'aspect budgétaire et la rentabilité.

M. Johnson (Anjou): Je vous remercie, madame. Encore une fois, je vous remercie de votre mémoire et de votre présentation.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. À la page 4 de votre mémoire plus officiel, vous mettez le gouvernement en garde contre trop de réglementation et vous dites: "II est important de se rappeler que les contrôles et rapports mobilisent des ressources humaines et génèrent des coûts qui sont directement proportionnels au nombre et à l'ampleur des contrôles eux-mêmes, le point de saturation étant atteint quand les économies équivalent aux coûts engendrés par ces derniers." Vous laissez entendre que la réglementation actuelle apporte de la réglementation supplémentaire - c'est ainsi que je l'interprète - qui va ajouter aux coûts actuels. Pouvez-vous donner des exemples de ceux-ci?

M. Lefrançois (Laurian): Madame, au moment où on a rédigé notre mémoire, c'était le 6 septembre. On a appris par la suite que la gestion financière - parce que cette rubrique traite de la gestion financière - ne ferait pas l'objet de la commission parlementaire. C'est au niveau de la gestion.

Mme Lavoie-Roux: Mais cela ne fait

rien. On peut en parler quand même, monsieur, vous savez.

M. Johnson (Anjou): C'est son sujet favori.

Des voix: Ah! Ah!

Mme Lavoie-Roux: J'ai beaucoup de sujets favoris. Ce sont des règlements qui sont sortis quelques jours avant, je pense. C'est sorti vers le 6 au lieu du 10.

M. Lefrançois: Cela est sorti le 3.

Mme Lavoie-Roux: Le 3 exactement, vous avez raison.

M. Lefrançois: Oui, les autres sont sortis le 10.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il n'y a rien qui empêche d'en parler. Vous n'avez pas a vous en excuser. Pouvez-vous nous dire, puisqu'il s'agit de cela, parce que ces règlements sont aussi soumis, peut-être pas à la commission parlementaire, mais ils paraissent dans la Gazette officielle et sont soumis à la règle des 60 jours et ainsi de suite. Je crois qu'on est peut-être rendus aux 60 jours. Je ne sais pas s'ils sont devenus officiels pour la gestion financière.

M. Johnson (Anjou): Non, pas encore.

Mme Lavoie-Roux: Pas encore? 90 jours ou 60 jours?

M. Johnson (Anjou): 60 jours.

Mme Lavoie-Roux: C'était le 3 août?

M. Johnson (Anjou): Si vous en parlez, oui...

Mme Lavoie-Roux: Septembre, octobre... M. Johnson (Anjou): Novembre.

Mme Lavoie-Roux: Cela va faire 90 jours.

M. Johnson (Anjou): C'est exact. Il n'est pas trop tard.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais s'il y a des points...

M. Labonté: J'aimerais...

M. Johnson (Anjou): C'est parce que le décret n'a pas encore été adopté.

M. Labonté: Cet article...

Mme Lavoie-Roux: Bon! On le sait bien.

C'est parce que le gouvernement est en période de réflexion, mais c'est heureux dans ce cas. Plus sérieusement, y avait-il des points dans ce...

M. Labonté: On l'avait fait sous forme de commentaire général et c'est voulu ainsi. On ne voulait pas traiter de cas particuliers, mais je pense que c'est un lieu commun de dire que dans le réseau des affaires sociales aujourd'hui, on dépense énormément d'activités pour des rapports sous toutes leurs formes. D'accord? La valeur des statistiques, à l'occasion, c'est très bien. Cela peut même être intéressant pour la lecture pour autant que cela donnera des résultats éventuels, sauf que les gens du réseau trouvent, à l'heure actuelle - et les cadres intermédiaires sont parmi ceux qui sont constamment impliqués dans ce genre de choses - qu'on en est rendu à un point de saturation au niveau des contrôles où on dépense beaucoup trop d'énergie à faire des rapports sur les rapports plutôt que dans des activités directement reliées au bien des bénéficiaires. C'était écrit à l'intention du ministre lui demandant, quand il va y avoir de nouvelles mesures de contrôle, de songer à cet aspect parce qu'on dépense présentement dans le réseau des sommes énormes pour les contrôles. On commence à se demander si cela vaut la peine. Parce que quand on dépense 1 $ pour contrôler 0,05 $, ce n'est pas rentable.

M. Johnson (Anjou): Je suis d'accord avec vous...

M. Lefrançois: C'est là une mise en garde uniquement.

M. Johnson (Anjou): ...que 1 $ pour contrôler 0,05 $, ce n'est pas rentable. J'aimerais vous entendre - je n'ai aucune objection, au contraire - pour mon bénéfice et le bénéfice de ceux qui m'accompagnent.

Mme Cyr: M. le ministre, on ne peut pas aller dans les détails. C'était simplement une mise en garde. On voit arriver des mesures de contrôle par-dessus contrôle.

M. Johnson (Anjou): Avez-vous l'impression que ce qui découle des nouveaux règlements, c'est plus contraignant que ce qui existait auparavant?

M. Lefrançois: Ce commentaire était en fonction du règlement sur la gestion financière.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous trouvez que le règlement sur la gestion financière est plus contraignant que ce qu'était l'exercice habituel au niveau du ministère, parce qu'il y a une quantité de

paperasse inévitable? C'est 6 000 000 000 $, il faut savoir un peu où cela s'en va. Vous trouvez que le nouveau règlement sur la gestion financière est plus contraignant que les autres, que la pratique.

M. Lefrançois: Ce n'était même pas le but de notre propos. S'il fallait en enlever encore, il faudrait le faire. Si on arrivait, à pousser notre pensée au bout, non seulement on a atteint le point de saturation, on considère qu'on l'a dépassé. Au niveau des contrôles, il va peut-être falloir faire marche arrière, parce qu'on dépense vraiment trop de ressources dans ce domaine.

M. Johnson (Anjou): Je retiens votre commentaire.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est important. Là, on a un peu blagué, mais la même chose vaut pour l'éducation où les directions d'écoles font des rapports pardessus rapports et on se demande quand elles s'occupent de la direction pédagogique.

M. Johnson (Anjou): C'est le projet de loi no 40.

Mme Lavoie-Roux: Non, je ne parle pas du projet de loi-cadre, je parle de la vie courante.

M. Johnson (Anjou): La vie courante.

Mme Lavoie-Roux: Oui. J'ai reçu énormément de commentaires, même de la part d'infirmières chefs de différents paliers d'administration des centres hospitaliers où on dit: II y a de l'énergie qui serait peut-être mieux consacrée à s'occuper directement des bénéficiaires que de jouer avec de la paperasse. Enfin, dans tout ce genre de "statement" - je ne trouve pas de meilleur mot - il peut y avoir une part d'exagération, mais c'est basé généralement sur la réalité. Les gens ne diraient pas cela s'il n'y avait pas un fondement de réalité. On pourrait peut-être poser la même question aux gens de votre ministère. Je ne sais pas si ce sont ces derniers qui engendrent la paperasse dans les institutions. Je ne le sais pas.

De toute façon, sur la gestion financière, on aura des questions à vous poser, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Lors des crédits.

Mme Lavoie-Roux: Non, pas lors de l'étude des crédits. Demain soir.

M. Léveillé (Antoine): II y a quelques commentaires à ajouter au sujet de la tâche de gestionnaire que vous confiez au chef de département. Voici ce qui nous apparaît étonnant, une mesure en somme assez accélérée... Le législateur confie au chef de département l'administration d'unités de mesures et de coûts absolument diversifées, qui vont des coûts technologiques aux coûts d'activités absolument sans rapport avec la profession médicale et, par-dessus le marché, l'élaboration de mesures de qualité, de normes, d'exercice médical et aussi d'élaboration de sanctions administratives. Cela nous apparaît une initiative hors mesure et on est absolument étonné de voir qu'on confiera toute cette charge multidisciplinaire aux unités absolument discordantes dans un certain sens à une seule personne qui exerce la profession médicale. On ne peut pas comprendre, en l'espace de quelques mois, que le législateur créera des experts autant en appréciation d'exercice où des composantes technologiques arrivent en cause et aussi un exercice absolument étranger à la profession médicale...

Vous savez que les professions non médicales de la santé ne cherchent pas en soi à éliminer les symptômes et soulager la douleur. Elles cherchent à voir à ce que la personne progresse dans son état de santé, globalement. Comment voulez-vous confier, en l'espace de quelques mois, à des super-administrateurs que le législateur va mettre sur place sur l'échiquier des services de santé et des services administratifs, quelqu'un qui pourra apprécier toutes ces dimensions du jour au lendemain?

Mme Cyr: Toujours dans le même esprit de préoccupation et d'économie, M. le ministre, j'aimerais faire un rappel d'incidents récents - tout le monde s'en souvient - pour régler la pénurie des ressources financières du gouvernement, les coupures budgétaires. Vous vous rappellerez que, parmi les priorités lors des derniers plans de redressement, la priorité no 1 était de couper 10% des effectifs dans la structure administrative. Ont suivi: des coupures de postes, des coupures de salaires et des gels de salaires. Les cadres intermédiaires ont assuré la gestion de la mise en application de ces mesures très difficiles à digérer. Encore aujourd'hui, on cherche des digestifs efficaces pour continuer à digérer ces mesures. On comprend très mal et on se pose la question: Quel autre digestif pourra-t-on choisir pour faire comprendre à nos employés les nouvelles mesures annoncées par le ministère? Pour nous, il y a un manque de cohérence si on veut suivre toute la logique, les coupures budgétaires et les redressements budgétaires, avec les nouvelles structures proposées. On devra garder l'harmonie des relations du travail, encore une fois. On devra vendre à nos employés le bien-fondé de ces mesures, et quand on ne les comprend pas, on a beaucoup de difficulté à les faire articuler dans le

quotidien. Vous savez, les relations du travail, c'est le quotidien pour nous et c'est nous qui devons les vendre ces mesures-là à nos employés. Quand on a de la difficulté à les comprendre nous-mêmes, c'est très difficile de les faire comprendre aux autres.

Mme Lavoie-Roux: II me semble que le ministre devrait réagir à cela. Il me semble que vous devriez avoir une réaction à cela, avant que je pose une autre question.

M. Johnson (Anjou): Cela s'en vient. Vous pouvez y aller. J'ai pris des notes.

Mme Lavoie-Roux: Non, on va vous entendre et peut-être qu'après cela ma question deviendra inutile.

M. Johnson (Anjou): Vous gardez toujours pour la fin. Je ne veux pas recommencer à zéro, mais je pense que vous êtes sensible à cela, Mme Cyr, et votre "membership" aussi. Vous savez, des contrôles, il y en a parce qu'il faut qu'il y en ait parce que c'est 6 000 000 000 $ d'argent public. Ce n'est pas vous qui vous levez en Chambre, tous les mardis, quand madame pose une question. C'est moi.

Une voix: M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): II y a cela. Si vous me le permettez, je vais prendre trois minutes. Deuxièmement, c'est vrai qu'on consomme une certaine partie de l'énergie dans le réseau, comme dans tous les grands réseaux, à des contrôles de nature administrative qui nous donnent des choses qu'on peut quantifier et qui nous aident, de temps en temps, à prendre des décisions raisonnables. Je pense que, depuis trois ans -rien ne dit que, l'an prochain, ce sera pareil; plutôt le contraire - avec les restrictions budgétaires, on a réussi malgré tout, même si cela a été difficile à certains endroits, à préserver l'essentiel. Et si on a réussi à le faire c'est parce qu'on avait des données et on avait des orientations basées sur des données. Ces données-là nous venaient des mosus de contrôles qui ennuient tout le monde. Ces contrôles sont essentiels même si, en fin de compte, il y a peut-être - je ne sais pas - quatre ou cinq heures de travail sur dix où cela ne servirait à rien. Mais les quatre ou cinq heures où cela sert à quelque chose, c'est très utile.

Deuxième considération...

Mme Cyr: Je m'excuse, mais on ne parle pas de la même chose.

M. Johnson (Anjou): Si vous me le permettez, madame.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): Si vous me le permettez, madame, c'est moi qui ai la parole. Je n'ai pas d'objection à ce que vous la preniez après.

Mme Cyr: Simplement, c'est qu'on ne parle pas de la même chose.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! C'est M. le ministre qui a la parole. (23 h 30)

M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, on ne demande pas mieux que cela, nous autres, réduire les contrôles. Je suis sûr que je vais avoir reçu de votre association une lettre ou un mémoire sur le dernier projet de règlement en matière budgétaire qui n'est pas encore entré en vigueur. On a des discussions avec l'Association des hôpitaux et d'autres groupes intéressés. Évidemment, par définition, le jour où on réduira les contrôles, il y aura moins de postes d'offerts à ceux dont le job est de les faire. Finalement, c'est peut-être mieux comme cela pour le système, c'est bien évident. Il n'en demeure pas moins qu'on ne pense pas créer une nouvelle créature qui s'appelle le supermédecin administrateur qui va régler tous les problèmes. Je voudrais ici m'inscrire un peu en faux sur ce qu'évoquait monsieur. Je comprends ce qu'il veut dire, mais je vais caricaturer, pour les fins de la discussion, ce qu'il a dit. On ne s'imagine pas qu'on va créer une génération spontanée de médecins administrateurs. D'ailleurs, le règlement franchit un pas dans le sens d'une meilleure intégration.

Deuxièmement, j'aurais tendance à vous dire que je connais bien des gestionnaires dans bien des hôpitaux où la description que vous me faisiez du surhomme ou de la surfemme, c'est le directeur général et, d'après moi, il n'est pas plus fin que d'autres. Je peux vous donner quelques exemples auxquels je pense en particulier où des hôpitaux ont certains problèmes et où il y a des départements qui sont tout croches à des endroits. Ce ne sera pas plus croche parce que ce sont des médecins. Quand vous me parlez des unités de mesure, celui qui a passé neuf ans de sa vie à l'université à apprendre sa médecine et une spécialité, qui a pratiqué cinq ou six ans de sa vie et qui travaille avec des ordinateurs et le reste, je comprends qu'il n'est pas formé comme gestionnaire, mais il y a peut-être des chances qu'il soit capable d'évaluer ce que sont des unités de mesure si quelqu'un à côté le lui montre, en tout cas, normalement. Comme on les paie dans notre société, ils doivent être capables de se saisir de certains de ces problèmes-là. Vous faites signe que non. Moi, je pense que oui et j'en

connais.

Je me refuse à faire de ce débat un débat idéologique. Les gestionnaires qui savent tout et les médecins qui ne connaissent rien en gestion, je ne crois pas à cela. Ce n'est pas comme cela que ça fonctionne dans la vraie vie. J'ai regardé cela aller dans les hôpitaux depuis deux ans avec les compressions qu'on a eues et j'en ai vu des "docteurs" être capables de s'occuper de la gestion. Et ils avaient présentes à l'esprit certaines choses qui, à mon avis, étaient des choses communes à l'ensemble de l'équipe médicale et administrative. Ils avaient en tête les besoins des bénéficiaires et la capacité de leur rendre des services.

Je me refuse à voir cet univers comme un univers isolé et qu'on voudrait présenter comme étant déconnecté des contraintes. Ils savent en "simonac" ce que c'est, des contraintes, les médecins, depuis quelques années, parce qu'ils les subissent. Et je me dis que, ma foi, il y en a peut-être une bonne partie qui ont appris des choses à travers cela et qui ont une contribution sérieuse à apporter.

Cela dit, il ne faut pas être naïf, je suis d'accord avec vous. Il ne faut pas être naïf et on ne s'imagine pas qu'on va les transformer en supergestionnaires, et ce n'est pas cela que le projet de règlement prévoit non plus. S'il avait prévu cela, il aurait probablement prévu l'abolition de bien des types des postes administratifs dans les hôpitaux.

Vous savez, il y a bien des pays où ils se débrouillent avec pas mai moins de personnel-cadre qu'on en a, nous, dans le réseau des affaires sociales au Québec. Je ne dis pas qu'on en a plus chez nous que dans d'autres secteurs d'activités, qu'on se comprenne bien. Mais on en a peut-être un peu plus chez nous que dans d'autres sociétés. Et il doit y avoir moyen de faire quelque chose avec tout cela.

Je pense qu'un hôpital qui fonctionne sans ses médecins, ce n'est plus un hôpital. Je pense que, dans l'époque dans laquelle on entre, où il va y avoir des choix d'orientation importants pour les établissements pour garantir le développement du réseau hospitalier du Québec, il va falloir qu'on tienne compte du point de vue des médecins. Encore une fois, sans être naïf, on est conscient que quelquefois leur mode de rémunération et les conditions dans lesquelles ils travaillent ou ont à travailler les mettent dans des positions délicates, difficiles et sensibles, quand ce n'est pas carrément en conflit d'intérêts. On est conscient de tout cela. On se dit que globalement il doit y avoir quelque chose à faire pour les citoyens pour les rendre solidaires de leurs établissements, par choix. Je pense que la voie réglementaire qu'on ouvre là, c'est une voie qui implique des choix et non pas des obligations.

Le Président (M. Desbiens): Mme Cyr, est-ce que vous avez...

Mme Cyr: Simplement, comme j'avais commencé à le dire, on n'est pas contre les contrôles. On se pose des questions. C'est le besoin de cette nouvelle structure et, comme je vous le disais, je ne peux pas l'expliquer et j'essaie encore d'en comprendre le bien-fondé. La semaine dernière, j'ai recueilli vos propos concernant la nécessité d'impliquer les médecins dans la gestion. On en est et on vous suit; on est d'accord. Par contre, vous n'étiez pas prêt à aller jusqu'à la cogestion médico-administrative et là, on vous suit. Par contre, où cela commence à décrocher un peu, c'est quand on vous voit confier la responsabilité administrative totale aux chefs de départements cliniques. À notre avis, cela va plus loin que la cogestion. C'est de la gestion médicale totale. Alors, pour moi, il y a...

M. Johnson (Anjou): ...encore à quelqu'un. Ce n'est pas seulement cela. On ne vient pas de multiplier le nombre d'hôpitaux au Québec par le nombre de médecins.

Mme Cyr: Toujours dans notre préoccupation d'économie des ressources et d'utilisation rationnelle des ressources, on vous dit simplement que ce n'est pas économiquement rentable une structure comme cela. Comment peut-on justifier le besoin d'une telle structure, alors que le comité consultatif au DG, à notre avis, répond à vos objectifs d'implication des médecins dans les décisions d'orientation des centres? Pourquoi aller jusqu'à leur donner une responsabilité administrative dans des secteurs spécifiques? On sait très bien ou on pressent des ouvertures encore plus grandes que seulement les départements de radiologie et de laboratoire. Ce n'est pas de la cogestion, c'est plus que cela.

M. Johnson (Anjou): Un dernier commentaire, Mme Cyr, si vous permettez. Je pense à deux établissements très précis que j'ai en tête qui sont parmi les établissements les plus performants du réseau hospitalier et où cela existe déjà comme cela. Quand vous me parlez des arguments économiques et que vous me dites que cela ne sera pas rentable... On a sous nos yeux des exemples d'établissements performants. On ne demande pas aux établissements d'être rentables; ce ne sont pas des kiosques de patates frites, ce sont des lieux de services au public. On leur demande d'arriver à l'intérieur de l'allocation de ressources que la société nous permet de leur donner. J'en connais et j'en ai deux à l'esprit qui sont

remarquables et c'est déjà comme cela qu'ils fonctionnent. J'en connais aussi où c'est tout croche dans d'autres situations. Je dis simplement que ce n'est pas le modèle en soi qui va faire que cela va coûter plus cher ou moins cher. Je ne pense pas. C'est très largement la capacité pour les individus de se solidariser dans un travail d'équipe qui implique des objectifs communs. Des objectifs communs, cela présuppose que, parmi les premiers intéressés qui sont les médecins, ils participent au processus décisionnel au niveau des orientations et qu'ils participent encore une fois à l'univers des contraintes plutôt que simplement d'avoir à le subir.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais demander au ministre ce qu'il prévoit comme rémunération. Y aura-t-il une rémunération au médecin qui assumera ce poste de directeur de département, particulièrement en radiologie et...

M. Johnson (Anjou): Cela fait partie du champ des négociations avec les fédérations. De la même façon qu'on attribue une rémunération pour les personnes dont c'est la fonction unique que de faire de la gestion, il nous apparaît évident, sans prétendre qu'on va aller leur donner l'équivalent d'un salaire pour le faire, qu'il va falloir qu'il y ait une forme de rétribution qui soit accordée à ceux qui s'adonnent à ce type d'activités. On s'est fait une évaluation des coûts.

Mme Lavoie-Roux: Je sens qu'il y a un peu de tension sur le sujet. Je pense qu'il y a des remarques qui nous ont été faites par un grand nombres d'organismes sur la question de la gestion des ressources humaines. Je pense qu'il y a une ambiguïté là-dessus. Qu'est-ce que cela veut dire la gestion des ressources humaines? Ceux qui ont des réticences à ce sujet la conçoivent comme allant même jusqu'au fonctionnement professionnel des gens. Je pense que cela n'a jamais été très clarifié de votre part, la gestion des ressources. Personne n'accroche trop sur les ressources financières, sauf peut-être ce groupe. Ce serait peut-être un premier point à clarifier, ce qu'on entend par ressources financières. Je voulais aussi vous demander si, dans votre esprit, le fait qu'un médecin joue un rôle de gestionnaire pour lequel il serait éventuellement rémunéré à l'intérieur d'un département, dans une planification à moyen ou à long terme, peut impliquer des coupures de cadres intermédiaires qui, actuellement, assument des fonctions de gestion. C'est ce que je crois comprendre des échanges qu'on a ici ce soir.

M. Johnson (Anjou): II peut y avoir un effet de substitution dans certains services à moyen et à long terme; il est possible qu'il y ait un regroupement de certaines fonctions. Encore une fois, il faut voir ce que dit le règlement. Il parle, en ce moment, de deux départements. Cela n'empêche pas qu'éventuellement, dans la pratique, ces choses s'étendent un peu plus. Donc, on parle d'un horizon de moyen et de long terme où il pourrait y avoir effectivement de la substitution de fonctions. J'utilise cette expression parce que je ne veux pas utiliser l'expression "coupure" pour une raison bien claire. "Coupure", cela veut dire que l'an prochain on coupe tant de postes. Ce n'est pas de cela que l'on parle. Il y a de l'attrition, etc.

Mme Lavoie-Roux: II y a des postes qui pourraient disparaître par attrition ou...

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire qu'il y a des postes où va se jouer un effet de substitution avec le temps. De plus, sur la notion de gestion des ressources humaines... Prenons l'exemple précis d'un hôpital qui, en ce moment, a une pièce d'équipement assez remarquable, très utile et qui fonctionne huit heures par jour. Il y a des listes d'un mois et demi pour subir les examens avec ce type d'équipement. Il y a aussi un problème de ressources humaines dans l'utilisation de cet équipement. Ce n'est pas un problème de gestion purement financière; le problème, c'est d'utiliser au maximum l'horaire utile de cet appareil qui peut servir à plusieurs établissements et, donc, à une multitude de citoyens.

La notion de gestion des ressources humaines implique qu'on donne des instruments pour essayer de régler cela. Il y a des balises, des conventions collectives, le budget et la direction du personnel et les congés des gens. Il ne s'agit pas de dire que cela va remplacer... Ce n'est pas parce qu'un chef de département s'adonne à avoir MD au bout de son nom que cela veut dire qu'il n'y a plus de conventions collectives dans les hôpitaux; on dit simplement que celui qui a le MD au bout de son nom dans ce département dira peut-être: La liste d'attente d'un mois et demi, ceci et cela, c'est un problème en termes de service diagnostique. Il faudra résoudre ce problème alors qu'autrement, encore une fois, il est dans un contexte où il peut, à la rigueur, s'en plaindre. Tant mieux si l'appareil y répond et, si l'appareil n'y répond pas, il n'y a rien à faire. Le jour où il a la maîtrise des ressources humaines et des ressources financières, il a des instruments pour y faire quelque chose. Encore là, c'est un instrument qui est bien imparfait parce qu'il a toutes les autres contraintes des horaires.

Mme Lavoie-Roux: Mais ce sont des ressources dont vous parlez.

M. Johnson (Anjou): Non, dans un cas comme celui-là, par exemple, vous pouvez avoir un problème d'horaire d'équipe.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Johnson (Anjou): C'est cela, le problème qui se pose.

Mme Lavoie-Roux: Alors, c'est strictement du point de vue - je vais le mettre entre parenthèses parce qu'on peut y attacher une connotation péjorative - de la "rentabilité" des ressources matérielles, des ressources humaines aussi.

M. Johnson (Anjou): C'est cela, d'interproductivité dans certains secteurs.

M. Léveillé: C'est à ce sujet aussi que les corporations professionnelles se sont présentées ici et que l'association des cadres met en garde contre l'application d'un tel règlement parce que, dans ces circonstances, on confie à un médecin la détermination de l'emploi des ressources professionnelles. Dans ces circonstances, bien qu'il y ait effectivement des balises d'ententes syndicales et des choses du genre, ce qui nous inquiète, c'est que les balises d'ordre professionnel, qui en sera le représentant? Qui sera le porte-parole du nursing à l'intérieur d'un département de médecine générale? Quelle autorité aura-t-il dans l'abus ou non de l'emploi des horaires, dans un certain sens, absolument excessifs ou, dans d'autres cas, des volumes de travail en technologie et des choses du genre?

Dans ces circonstances, on croit que, d'un côté, il peut s'agir d'un médecin-chef dans chaque département, soit d'un omnipraticien-chef pour les soins généraux, soit d'un radiologiste-chef en radiologie et autres personnes du genre dans d'autres types de département qui, eux, mettront le problème sur la table. Dans un consensus de délibération tout à fait objectif et de rationalisation des coûts et des emplois du temps des gens, on en arrive, dans le fond, à une réalité où les gens s'accordent à faire évoluer la situation. Mais un représentant-chef du corps médical dans chaque département pourrait tout aussi bien faire la chose, et peut-être mieux.

M. Johnson (Anjou): Vous dites peut-être mieux?

M. Léveillé: Peut-être mieux que...

M. Johnson (Anjou): Pour quelle raison? (23 h 45)

M. Léveillé: Pour la raison que je vous ai donnée tout à l'heure. Si vous demandez à ce chef de département d'assumer les unités et les coûts en nursing, en dispensant des services professionnels, en dispensant du matériel de fourniture médicale et autres choses du genre, vous confiez au même personnage toute une somme de données disparates, il en devient le seul interlocuteur.

M. Johnson (Anjou): Vous dites qu'en fin de compte, il faut que quelqu'un réponde et cela s'adonne que c'est lui qui va répondre, disons, dans le cas de la radiologie et des laboratoires. C'est lui qui va en répondre et le D5P est...

M. Léveillé: Sans interlocuteur au niveau...

M. Johnson (Anjou): Oui, écoutez]

M. Léveillé: ...technique ou au niveau professionnel.

M. Johnson (Anjou): Écoutez! Pour moi, c'est l'évidence même. Vous devriez voir les pouvoirs que la loi me donne et avez-vous remarqué les gens qui m'accompagnent ici?

M. Léveillé: Mais, M. le ministre, vous nous étaliez tout à l'heure...

M. Johnson (Anjou): C'est comme cela que... Vous savez comme moi...

M. Léveillé: ...que, dans le fond, toute cette réalité-là est vécue localement.

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Léveillé: Alors, dans des circonstances locales, il est fort probable qu'il se passe bien des événements, des décisions et des options dont vous n'entendrez probablement jamais parler.

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Léveillé: Bien oui! C'est pour cela que, dans ces circonstances, nous considérons qu'une formule comme une structure matricielle qu'on vous a offerte tout à l'heure nous permet de garantir que, d'une part, la partie médicale est solidement représentée par un chef médecin qui représente tout son groupe médical qui oeuvre dans ce département; d'autre part, que la direction du nursing soit aussi consciente de la façon dont sont utilisées ces ressources et les recommandations favorables à une meilleure utilisation et, finalement, une direction des services hospitaliers qui représente et fait valoir l'amélioration des services qui n'ont pas d'instance ou de considération médicale dans leur exercice, des services qui ne cherchent pas

l'élimination des symptômes ou l'élimination de la douleur, les services de croissance de santé globale.

M. Johnson (Anjou): Je vérifie avec le sous-ministre. La direction des services infirmiers, elle est contenue dans la loi. Elle ne disparaîtra pas. J'essaie de voir. Je vous écoute et...

M. Léveillé: On pense surtout à la direction des services hospitaliers en ce moment.

M. Johnson (Anjou): Oui, mais vous donniez l'exemple, tout à l'heure, de la direction des services infirmiers. Écoutez! Il ne faut pas avoir vécu dans un hôpital bien longtemps pour s'apercevoir qu'un hôpital, cela ne fonctionne pas si les infirmières ne sont pas là.

M. Léveillé: C'est exact. C'est capital.

M. Johnson (Anjou): Bon! 40% des effectifs d'un hôpital, ce sont les infirmières.

M. Léveillé: Si on ajoute le personnel des professionnels de la santé, on aborde, à ce moment-là, quelque chose comme plus des deux tiers de l'hôpital qui consistent en tous ces gens-là. Ce qu'on réalise, c'est qu'un chef de département qui réunira toutes ces fonctions, tout ce fonctionnement, est un professionnel, sans compter tout l'appareillage technologique et de fourniture de soins de santé. Tout cela sera entre les mains d'un porte-parole qui sera un médecin.

Mme Lavoie-Roux: Dans le moment, qui en est responsable à l'intérieur d'un département?

M. Léveillé: Ce sont des coordon-natrices de soins infirmiers ou des chefs d'unité infirmière qui conduisent l'état des soins et les plans de soins. Ce sont des infirmières ou, dans d'autres circonstances, comme dans des départements de réadaptation, le service de réadaptation, ce sont des professionnels de la santé qui peuvent être soit un psychologue dans un cas, soit...

M. Johnson (Anjou): Mais le règlement n'empêche pas l'exercice de ces responsabilités. Il n'abolit pas la direction des services infirmiers et des DSH. Qu'on se comprenne bien. J'essaie de voir d'où vient... Quelqu'un disait qu'il y a des gens qui font toutes sortes d'interprétations. On n'abolit pas un DSH et un DSI dans le règlement.

Mme Cyr: Le règlement ne l'abolit pas de fait, mais il va en découler une abolition.

M. Johnson (Anjou): Des DSH, madame, saviez-vous que ce sont des créatures purement locales? Cela n'a jamais été obligatoire ni en vertu de la loi, ni en vertu des règlements.

M. Léveillé: C'est ce qui nous étonne. Mme Cyr: C'est ce qui nous étonne...

M. Johnson (Anjou): Et cela existait quand même.

M. Léveillé: C'est ce qui nous étonne.

Mme Cyr: ...et qu'on voudrait conserver.

M. Johnson (Anjou): Ce qu'on dit, c'est que, dorénavant, ce qui est obligatoire...

M. Léveillé: Que vous ne normalisiez pas cette situation-là.

M. Johnson (Anjou): C'est que, quand on dit "gestion des ressources" en vertu de la loi 27, dans le règlement, la gestion des ressources, ce sont toutes les ressources et c'est applicable dans deux services, dans deux départements qu'on a évoqués. C'est cela qu'on dit. On n'abolit pas le reste. J'essaie de voir...

M. Léveillé: C'est-à-dire...

Mme Cyr: Avec la possibilité de...

M. Léveillé: ...qu'un conseil d'administration peut ouvrir autant de départements qu'il est justifié de le faire, avec approbation.

M. Johnson (Anjou): Oui, mais c'est déjà cela. C'est déjà comme cela que ça fonctionne.

M. Léveillé: C'est dans ces circonstances-là qu'on vous met en garde contre une telle application, parce que, dans ces circonstances, il peut se produire éventuellement que les services hospitaliers qui ne sont pas d'ordre médical, qui ne conçoivent pas leur travail sous un angle médical, ne soient pas représentés dans le département et hors du département au niveau des comités de régie, entre autres.

Ce qui nous inquiète, c'est que, dans un seul pas qui nous apparaît un pas absolument gigantesque et presque phénoménal, c'est presque un saut lyrique, dans ces circonstances-là, on demande à un médecin, du jour au lendemain, d'assumer tous ces ordres de valeur très multidisciplinaires qui lui sont aussi, uniquement en termes de matériel et de technologie, parfaitement étrangers. Nous pensons que, dès le départ,

le médecin a tellement de tâches à faire dans sa tâche de représentation...

Tenant compte du rôle représentatif de ce médecin au comité consultatif à la direction générale pour des projets interétablissements et ajoutant à ses responsabilités d'élaborer les règles de planification et d'utilisation des ressources médicales, les normes de soins médicaux, la définition des outils qui seront utiles pour évaluer le profil de la pratique médicale individuelle et collective, le profil des caractéristiques des patients et toute formulation de sanctions administratives contre les médecins qui ne respecteront pas ces règles, nous ne pouvons que conclure à une première expérience administrative considérable à assumer pour un corps professionnel déjà peu sensibilisé aux principes financiers et corporatifs et à la gestion des ressources humaines et des soins de santé. Voilà ce qu'on dit dans notre proposition. C'est pourquoi on vous propose, pour un premier temps, pour un premier pas, de considérer une démarche naturelle par laquelle on demande à des chefs d'unité de devenir des chefs représentant le corps médical de ces départements et de se contenter de faire cette tâche qui est quand même déjà considérable.

M. Johnson (Anjou): Madame.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Je pense qu'on a assez échangé sur toute cette question. Je ne sais pas où est la réponse, je vais vous l'avouer bien humblement, parce que je ne suis pas sûre si je comprends plus ou moins qu'auparavant.

Il y a quand même une chose sur laquelle je veux revenir pour les fins de la discussion: le chef de département. Tenons-nous-en au département de radiologie. Il devra quand même défendre ou justifier un budget, il devra rendre des comptes à savoir comment il s'est payé - je vais caricaturer -un salaire de 150 000 $, qu'il n'y a plus qu'un radiologiste et que les examens ne se font plus. Cela tournera mal quelque part s'il y a des exagérations dans un sens ou dans l'autre. Il devra répondre à la fin de l'année de la façon qu'il a utilisé son budget. J'imagine que, lorsqu'il présente son budget, il dit: J'ai besoin de tant de matériel, de tant de techniciens en radiologie, de tant de secrétaires, de film, de pellicule, de l'instrumentation, etc. J'imagine que c'est comme cela mais il sera obligé d'en rendre compte. Si, à la fin de l'année, cela a été renversé et qu'il a dépensé trop d'une sorte et pas assez de l'autre, et dans l'hypothèse où c'est un gros méchant et qu'il s'est payé un salaire de 150 000 $, il me semble qu'il y aura quelqu'un dans l'institution pour lui demander des comptes.

Je suis prête à admettre que, s'il ne l'a jamais fait, il faudra qu'il trouve des moyens d'évaluer ce besoin de matériel et toutes ces choses; mais, pour le reste, je ne pense pas qu'il soit laissé libre, qu'on lui donne un magot de tant de milliers de dollars et qu'ensuite il fasse... Il me semble que ce type de contrôle s'exercera à l'intérieur de l'hôpital.

M. Johnson (Anjou): Tout d'abord, il y a la réalité.

Mme Lavoie-Roux: Mais si les examens ne se font pas parce qu'il n'y a pas assez de matériel...

M. Johnson (Anjou): Voilà: Un département de radiologie, c'est là pour donner des services et non pas simplement pour tenir occupé quelqu'un qui en assume la direction. De plus, il y a la notion d'être responsable et de rendre compte de ce qu'on fait à partir d'un budget, à partir des ressources mises à sa disposition. C'est ce que la loi dit. Les ressources mises à sa disposition, il n'en invente pas, il n'en fabrique pas. Ensuite, il y a un équilibre entre les professions de la santé où, s'il est vrai que ces choses-là s'entrecoupent et s'il est vrai que les conceptions, particulièrement au Québec, parce qu'on s'est donné un cadre extrêmement rigide à l'égard des professions... Si on se compare avec d'autres endroits dans le monde, il y a des notions ou des plates-bandes auxquelles tu ne touches pas sur le plan de la direction professionnelle et sur le plan de la vie professionnelle des gens. Finalement, il y a le fait qu'on tient pour acquis qu'il y a un potentiel pour faire cela, et je le tiens pour acquis; mais il y en a qui ne veulent pas le tenir pour acquis. J'ai bien remarqué cela.

Le système québécois est différent d'autres systèmes. Je pourrais dire, par exemple, dans le cas des médecins du Québec, qui sont généralement moins bien payés que les médecins du reste du Canada -ce qui n'est pas exactement le cas de nos cadres, qui sont généralement mieux payés que ce qu'on retrouve ailleurs au Canada -qu'ils vivent des situations différentes et plus particulières. Cela en est un aspect, et il y en a une douzaine d'autres. Si vous allez aux États-Unis, dans certains hôpitaux dits privés, ce qui est le cas d'environ la moitié des établissements américains, il y a des hôpitaux qui portent même le nom de "doctors' hospital", et ce n'est pas pour rien; c'est parce que les actionnaires sont des médecins, les gestionnaires sont des médecins et les cliniciens sont des médecins. Cela existe. On n'est pas tout seul sur la terre. Je ne vous dis pas qu'il faut que notre système public devienne une série de 250 "doctors' hospital" pour le Québec. Je vous dis simplement que ce n'est pas parce qu'on

a fait un cours de médecine qu'on est incapable de gérer, comme ce n'est pas parce qu'on en a fait un qu'on peut affirmer que, par définition, c'est cela qui nous intéresse le plus dans la vie.

Je pense que ce règlement est un pas qui n'est pas un saut lyrique; je pense que c'est l'expression que vous utilisiez. Ce n'est quand même pas un saut lyrique. C'est un pas qui va dans le sens de ce qu'on a dit être nos objectifs au moment de l'étude de la loi 27: d'impliquer plus les médecins dans l'administration. Je pense que ce n'est pas de façon désordonnée; ce n'est pas irrationnel; ce n'est pas vrai qu'on est en train de revirer les hôpitaux à l'envers avec cela. Mais on est en train de créer des conditions qui vont faire que, de plus en plus, avec le temps, les médecins vont pouvoir s'identifier à des aspects de gestion et que, dans un premier temps, ils vont très largement avoir droit au chapitre sur les notions de base qui m'apparaissent marquer les années qui viennent dans le développement de notre système de santé, les notions d'orientation des établissements et des choix qu'il y a à faire.

Je rencontrais tout récemment les représentants médicaux et administratifs d'un grand hôpital de Montréal, qui ont des projets de fondation comme d'autres, qui ont commencé à faire des choix extrêmement difficiles pour le corps médical, à savoir: Est-ce qu'on continue ou pas tel type de département au profit du développement de tel autre? Ce n'est pas vrai qu'on va laisser ces décisions-là à quatre sous-ministres adjoints à Québec et au cabinet du ministre des Affaires sociales ou juste à des gens qui ont des MBA. Il faut qu'ils soient impliqués dans ce processus, par définition, et je ne me fais pas d'inquiétude à ce sujet.

Le ministère et tout le reste de la structure seront bien là pour leur rappeler ce que sont leurs contraintes, par définition, d'abord parce qu'on est plus nombreux au niveau des gestionnaires qu'ils le sont comme médecins et, deuxièmement, parce qu'il y a une tradition ici que les hôpitaux se sont développés dans un système public qui impliquait une très grande présence des gestionnaires qui vont, par la force des choses, continuer d'occuper une place extrêmement importante. Mais cette place-là ne doit pas exclure, comme on est en train de le faire - et à un moment très critique et très important pour le développement du système de santé au Québec, pour l'avenir -la présence des médecins à ces différents niveaux. Et on doit accepter aussi qu'à certains endroits, dans la mesure où des conditions locales le permettent et dans la mesure où certains secteurs sont plus clairement identifiables comme étant susceptibles d'avoir des gages de succès dans cette opération, on permette aux médecins d'exercer des pouvoirs de gestionnaires à certains endroits.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement poser une dernière question au ministre. Est-ce que vous entrevoyez, par exemple, que, dans un hôpital ou dans un département de radiologie qui serait un département considérable, vu que c'est un hôpital universitaire... Est-ce que vous entrevoyez qu'à un moment donné ces gens-là puissent occuper cette fonction-là à temps plein? À ce moment-là, est-ce qu'ils pourraient être considérés comme cadres s'ils deviennent gestionnaires à temps plein?

Deuxièmement, est-ce que vous avez fait une évaluation grossière, si on veut, mais quand même une évaluation, des coûts que cela peut impliquer? C'est aussi un élément important, (minuit)

M. Johnson (Anjou): Je vérifiais une chose avec un des sous-ministres adjoints qui a aussi une expérience de ce que la vie de gestionnaire veut dire. De façon générale, dans le cas des départements de radiologie, par exemple, on me dit que c'est extrêmement rare que le chef du département de radiologie - et cela existe dans certains hôpitaux en ce moment - se consacre exclusivement à ces tâches de gestion. Je ne parlerai pas ici de la dimension des tempéraments. Je pense qu'à l'exception des DSP, en général, les médecins qui ont des fonctions d'une nature administrative dans les hôpitaux conservent aussi un rôle relativement important sur le plan clinique.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que ces chefs de département qui existent présentement dans certains hôpitaux assument actuellement toutes les fonctions que le règlement prévoit, soit de gérer les ressources humaines, matérielles et financières?

M. Johnson (Anjou): Dans certains cas, oui.

Mme Lavoie-Roux: Dans certains cas, complètement.

M. Johnson (Anjou): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Avez-vous fait une évaluation des coûts de ces chefs de département? Enfin, une approximation...

M. Johnson (Anjou): Oui.

Mme Lavoie-Roux: ...parce que c'est quand même important aussi.

M. Johnson (Anjou): Oui, on a une approximation, mais vous me permettrez de ne pas l'évoquer ici...

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Johnson (Anjou): ...d'abord parce qu'on est en public et, deuxièmement, parce que je vois des représentants de la Fédération des médecins spécialistes et que ce sont des choses qui font partie des discussions à la table de négociation. On a fait une évaluation et on pense qu'il y a moyen d'aviser à l'intérieur de ce qu'on prévoit dans un avenir possible.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Merci. M. Johnson (Anjou): Merci.

Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas d'autres interventions? Je remercie l'Association des cadres intermédiaires.

La commission des affaires sociales ajourne ses travaux à demain matin, 9 h 30.

(Fin de la séance à 0 h 02)

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