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Commission conjointe des affaires sociales et de la
justice
Avant-projet de joi sur la protection de la
jeunesse
Séance du mardi 25 novembre 1975
(Dix heures quarante-deux minutes)
M. Houde, Limoilou (président de la commission conjointe des
affaires sociales et de la justice): A l'ordre, messieurs!
Les membres de la commission, ce matin, sont les suivants:
MM. Giasson (Montmagny-L'Islet); Bédard (Chicoutimi); Bellemare
(Johnson); Bellemare (Rosemont); Bonnier (Taschereau); Charron (Saint-Jacques);
Malépart (Sainte-Marie); Bou-dreau (Bourget); Forget (Saint-Laurent);
Fortier (Gaspé); Lecours (Frontenac); Massicotte (Lotbinière);
Samson (Rouyn-Noranda); Saint-Germain (Jacques-Cartier); Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys); Bédard (Chicoutimi); Faucher (Nicolet-Yamaska),
qui remplace M. Bienvenue (Crémazie); Burns (Maisonneuve); Comellier
(Saint-Hyacinthe), qui remplace M. Ciaccia (Mont-Royal); Desjardins
(Louis-Hébert); Pagé (Portneuf); Déziel
(Saint-François), qui remplace M. Perreault (l'Assomption); Samson
(Rouyn-Noranda); Dufour (Vanier), qui remplace Springate (Sainte-Anne); Sylvain
(Beauce-Nord); Tardif (Anjou); Choquette (Outremont).
Les organismes, ce matin, sont les suivants: Conseil des affaires
sociales et de la famille; Ligue des droits de l'homme; Association des centres
de services sociaux du Québec; Centre international de criminologie
comparée; Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur de Jésus;
Fédération des unions de familles Inc.
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. Forget: Merci M. le Président...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant, M. le
ministre. Le nom de M. Bonnier est suggéré comme rapporteur de la
commission. Est-il adopté par la commission?
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre
des Affaires sociales.
Remarques préliminaires
M. Forget: Etant donné l'importance des groupes qui sont
devant nous ce matin et l'importance de leurs mémoires, l'impatience
qu'ils ont sans aucun doute d'expliquer et de compléter l'expression de
leur pensée, telle qu'on la retrouve dans les mémoires qu'ils ont
fait parvenir à cette commission, je n'ai pas de remarques très
longues à faire à ce moment-ci. On se souviendra que, le 27 juin
dernier, j'avais l'honneur de déposer le texte de cet avant-projet de
loi qui a été inspiré par un examen de trois
considérations principales.
D'une part, on sait que, depuis quelques années, ce sujet de la
protection de la jeunesse a fait l'objet de nombreux travaux, de nombreuses
représentations, de nombreux colloques; nous avons cherché, dans
ce projet, à refléter ces voeux et ces représentations
exprimés par un grand nombre de groupes dans le passé, un grand
nombre de groupes qui se retrouveront encore une fois devant nous à
l'occasion des séances de cette commission parlementaire mixte.
D'autre part, nous avons cherché à faire se
refléter dans ce texte l'état du droit, tel qu'on le retrouve
dans les provinces du Canada ou les Etats étrangers où la
situation, sur le plan des services sociaux et des services juridiques, est la
mieux développée.
Enfin, nous cherchons à nous inspirer, dans ce texte je
suis sûr que nous aurons là-dessus plusieurs commentaires nous
aidant à mieux les atteindre des objectifs suivants,
c'est-à-dire la considération des meilleurs intérêts
de l'enfant et le souci comme la nécessité de faire jouer
à tous les intervenants dans la protection de la jeunesse le rôle
qui leur revient comme étant le plus approprié à leurs
contributions spécifiques.
Ce sont donc là les considérations qui nous ont
guidés, les sources de cet effort qui s'est concrétisé
à la suite de consultations nombreuses sur des esquisses qui ont
précédé cet avant-projet de loi par ce document que nous
avons maintenant devant nous.
Il est clair que la pensée de tous a continué à
progresser depuis cette date du 27 juin. Elle continuera, je l'espère,
à progresser à la lumière des travaux de cette commission.
C'est donc dans cet esprit, de voir dans quelle mesure les propositions
contenues dans le texte de cet avant-projet pourraient bénéficier
à de nouvelles modifications, de nouveaux perfectionnements que, pour ma
part, j'assisterai à ces travaux, que j'y participerai.
Voilà, M. le Président, tout ce que je voulais dire
à ce moment-ci. C'est une période pendant laquelle je pense, tous
les membres de cette commission voudront être le plus attentif possible
aux représentations qui nous seront faites, le moment des débats
étant réservé pour une phase subséquente.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de la
justice.
M. Levesque: M. le Président, je n'avais pas l'intention
d'intervenir autrement que de souscrire à ce que vient de dire le
ministre des Affaires sociales et de vous dire que le ministère de la
Justice s'intéresse particulièrement à cette question de
la protection de la jeunesse, conserve un esprit très ouvert et
poursuit, avec le ministère des Affaires sociales, les mêmes
objectifs, c'est-à-dire la protection de l'enfant.
C'est pourquoi nous avons décidé d'avoir une commission
conjointe et des affaires sociales et
de la justice. Vous savez que ce projet de loi sera administré en
partie par les Affaires sociales et en partie par le ministère de la
Justice, s'il est adopté dans sa forme actuelle. Mais il n'y a aucun
doute que le gouvernement n'a pas voulu, à ce moment, s'en tenir
à un texte. Ce n'est pas un projet de loi que nous étudions, mais
un avant-projet de loi. Alors, nous sommes présentement aux
écoutes. Nous souhaitons la plus cordiale bienvenue à tous ceux
qui sont ici ce matin et qui vous suivront au cours de ces auditions.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, c'est aussi avec beaucoup de
satisfaction que j'entreprends ce travail à la commission mixte de la
justice et des affaires sociales. Il y a longtemps que j'attendais le moment
d'aborder publiquement ce dossier. J'imagine aussi que c'est la satisfaction
que connaîtront plusieurs groupes en ayant l'occasion, enfin, de
s'exprimer publiquement sur cette question. L'attente a été
longue parce que, quand l'avant-projet de loi dont l'étude commence
aujourd'hui sera devenu un projet de loi, sera adopté par
l'Assemblée, je pense qu'il ne sera pas faux de dire que l'actuelle loi
de la protection de la jeunesse datera à ce moment de 25 ans.
Il y a 25 ans, effectivement, qu'on a créé cette cour
spéciale afin de soustraire les jeunes à la justice pénale
traditionnelle. Depuis ce temps, presque sans que la cour elle-même en
soit affectée autrement que par l'évolution des moeurs, les
notions qui prévalent dans le traitement de la criminalité,
adultes comme jeunes, ont beaucoup évolué. L'absence de
ressources institutionnelles adéquates, l'utilisation de la cour pour
régler des problèmes autres que ceux pour lesquels elle
était prévue à l'origine, la nomination de juges issus de
la pratique du droit privé exclusivement et le manque de leadership du
gouvernement caractérisé par un conflit de juridictions entre
deux ministères, sont, en fait, autant de facteurs qui, à mon
avis, ont contribué à une situation préjudiciable pour les
jeunes.
Il y a encore certains juges de la Cour de bien-être social qui ne
semblent pas croire à la réhabilitation. Devant eux, les jeunes
ne jouissent même pas de droits équivalant à ceux des
adultes. Cette année, par exemple, je suis informé que
près de 60% des enfants ou des jeunes ont été
laissés seuls devant le juge. Un policier a pu obtenir l'autorisation de
la cour pour détenir pour fins d'enquête un jeune
hébergé dans un centre d'accueil. Pourtant, une telle
procédure n'existe pas dans notre droit. Inutile d'insister non plus sur
les moyens que les policiers peuvent alors employer pour soutirer de ces
jeunes, à l'occasion, des plaidoyers de culpabilité.
Pratiquement, il n'y a pas de droit d'appel devant la cour.
Donc, en plus de ces dénis de justice évidents, des jeunes
sont incarcérés, en plus, dans des prisons d'adultes. Ce n'est
que tout récemment, après systématiquement deux ans de
cris d'alarme, que le ministre des Affaires sociales s'est décidé
à agir.
L'absence de pouvoirs législatifs adéquats et de
ressources suffisantes ont certainement limité l'action du gouvernement
aux cas les plus urgents et délaissant presque totalement la
prévention et l'action à moyen ou à long terme dans ce
domaine. Le placement demeure donc son moyen d'intervention
privilégié.
Dans un tel contexte, l'avant-projet de loi dont nous commençons
l'étude aujourd'hui est certainement une nette amélioration par
rapport à la situation actuelle. En 1972, je n'étais pas
responsable du dossier des Affaires sociales, mais je me souviens que la
tentative faite alors d'une réforme dans ce secteur a
échoué à cause du conflit de juridictions, encore une
fois, entre le ministère des Affaires sociales et celui de la Justice
concernant essentiellement la probation. Il est malheureux de constater que
l'avant-projet de loi, plutôt que de trancher carrément en faveur
d'une "approche" sociale, maintient encore une fois une dichotomie
administrative qui, tôt ou tard, ne fera qu'engendrer des conflits de
juridictions.
L'avant-projet de loi confie au ministère de la Justice le soin
d'administrer les parties les plus importantes de la loi, notamment la
surveillance de la commission et du comité local d'orientation qui est
chargé de determiner si la sécurité, le
développement ou la santé de l'enfant sont en danger, d'effectuer
l'évaluation des cas, d'appliquer des mesures provisoires et,
finalement, de décider si l'enfant doit être pris en charge.
Ce n'est qu'à partir de ce moment que le directeur de la
protection de la jeunesse qui, lui, relève du ministère des
Affaires sociales, entre en action, soit pour mettre en application les mesures
de protection suggérées par le comité ou pour
référer le cas à la cour qui, elle aussi, relève du
ministre de la Justice.
La protection de la jeunesse doit, à notre avis, relever du
ministère des Affaires sociales. Si je suis seul du côté de
l'Opposition officielle, ce matin, c'est uniquement à cause de la
maladie qui retient mon collègue de Maisonneuve à
Montréal. Cette question doit être indicative du fait que notre
position là-dessus est la plus clairement prise. La protection de la
jeunesse doit relever du ministère des Affaires sociales. C'est la seule
façon, à notre avis, d'assurer une meilleure chance de
réhabilitation des jeunes dont la santé, la
sécurité ou le simple développement personnel peut
être mis en danger.
Le ministère de la Justice je ne lui en fais pas grief
est habitué à travailler avec des criminels. Plusieurs de
ses fonctionnaires, les plus importants, ne croient pas aux valeurs de la
réhabilitation. On ne peut demander, à ces gens qui, toute leur
vie, ont eu à faire face à ce que la société
produit de plus endurcis comme criminels, de faire des distinctions et de
traiter des enfants différemment.
On ne peut demander à un avocat, parvenu sur le banc, de faire
preuve d'un plus grand discernement, d'une plus grande ouverture d'esprit que
lorsqu'il était dans la pratique privée du droit. Il se peut que
l'avocat en question s'adapte, mais nous ne pouvons que parier, que cette
transformation, encore aujourd'hui, en 1975, malgré
toute l'évolution des moeurs, sera insuffisamment sensible au
niveau des cours.
L'actuel juge en chef de la Cour du bien-être social qui est
nommé en vertu de la section IV de la Loi des tribunaux judiciaires,
situation qui demeurera inchangée de par la loi que nous
étudions, a déjà suggéré que les centres
d'accueil relèvent du ministère de la Justice à cause du
trop grand nombre d'évasions. Il songeait même,
sérieusement, à donner c'est lui qui le dit des
instructions à ses juges pour qu'ils ordonnent l'incarcération
des enfants dans des prisons communes.
Pourtant, on sait que, dans la très grande majorité des
cas, ces jeunes sont vite retrouvés et que, lorsqu'ils ont les moyens
suffisants, ces centres ont un taux de non-récidive très
élevé, près de 85% dans certains cas. C'est cette attitude
que nous ne pouvons plus longtemps endurer dans le domaine de la protection de
la jeunesse.
Dois-je rappeler à cette commission que 60% à 70% des
jeunes qui arrivent en cour ont en commun un milieu familial perturbé
et, parmi ceux-là, les milieux défavorisés sont
surreprésentés?
C'est donc beaucoup aussi comme député de Saint-Jacques
que je participerai aux travaux de cette commission. Même si la loi
propose la nomination de praticiens des affaires sociales, il n'en demeure pas
moins que les organismes administratifs je l'ai dit tout à
l'heure relèveront du ministère de la Justice.
Je crois que ce projet de loi intervient dans un domaine trop important
pour permettre qu'une querelle de professionnels, de politiciens en mal de
juridiction, puissent mettre en cause une réforme qui, dans son
ensemble, est une nette amélioration par rapport à la situation
actuelle.
L'Opposition entend bien, comme l'a souligné le ministre des
Affaires sociales, faire ce débat, en ayant comme seule
préoccupation le bien-être des jeunes pour des raisons sociales et
familiales, qui sont placés dans des situations telles que l'on doit
leur accorder la meilleure protection possible.
M. le Président, nous voudrions que ce projet de loi fournisse
l'occasion, non seulement aux députés, mais à toute la
société, de faire le point sur la situation du jeune dans notre
société, sur les opinions qui s'expriment quant à la
meilleure façon de lui assurer son épanouissement et que nous
profitions de l'occasion pour formuler, de façon plus claire, les
solutions qui s'avéreront à son avantage, compte tenu des
connaissances nouvelles. L'Opposition entreprend donc l'étude de cet
avant-projet en donnant l'assurance qu'aucune considération partisane ne
déterminera notre action et en offrant notre collaboration pour que le
produit fini soit meilleur. L'enjeu nous en apparaît trop important.
M. le Président, si vous me permettez, je suis arrivé dans
ce dossier par une drôle de porte. Je dois vous le confesser
immédiatement. Effectivement.c'est au cours d'une tournée des
institutions relevant du ministère des Affaires sociales, que
j'effectuais en octobre dernier dans le territoire du
Montréal métropolitain et à l'occasion de laquelle
j'avais demandé à ceux qui avaient organisé ma
tournée de me réserver une visite d'un ou deux centres d'accueil
pour les jeunes, que je me suis retrouvé au centre Saint-Vallier, pour
ne pas le nommer. J'ai découvert l'administration aux prises avec un
large problème, non seulement administratif, mais je pense que je ne
manquerai pas de respect envers elle en disant que je l'ai trouvée aussi
avec un problème de conscience. Ce problème de conscience avait
atteint un point de non-retour, semble-t-il. Il n'était pas neuf, il
remontait à deux ans.
M. Saint-Germain: M. le Président, je soulève un
point de règlement.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Un point de
règlement.
M. Saint-Germain: Nous sommes ici ce matin, M. le
Président, pour écouter les associations ou les divers groupes
intéressés à cet avant-projet de loi. Je crois que le
député et l'Opposition auront amplement le temps de faire un
débat là-dessus et d'exprimer leurs opinions. Je ne crois pas que
ce soit positif, à ce stade des travaux, d'entamer un débat. Je
crois que ceux qui sont ici, nos invités ce matin, sont désireux
de nous donner leurs opinions et nous sommes personnellement bien
désireux de les entendre. Je crois que d'après nos
règlements, c'est ce qu'on devrait faire. Je m'aperçois que le
député de Saint-Jacques amorce actuellement un débat. Si
on lui donne la réplique, je suis certain qu'on ne pourra pas,
aujourd'hui, entendre ceux qui sont ici.
Le Président (M. Houde, Limoilou): II a le droit de faire
un exposé de quinze minutes. Tant et aussi longtemps qu'il n'aura pas
atteint son quinze minutes, je lui cède la parole.
M. Charron: M. le Président, je déplore ce point de
règlement soulevé par le député, il est de fort
mauvais aloi, il me semble. Parce que si les gens qui sont ici, j'en conviens,
ont hâte de nous exprimer leurs opinions, je pense ne pas mentir en
disant qu'ils ont aussi envie d'entendre enfin les hommes publics et les hommes
politiques se prononcer sur des sujets qu'ils sont souvent seuls à
conduire et seuls à débattre, et que j'ai...
M. Saint-Germain: Ce n'est pas à ce niveau-ci qu'on fait
le débat.
M. Charron:... à cette occasion le président
vient de me le rappeler et je pense que vous auriez mauvaise grâce de
continuer à m'interrompre qui m'est fournie d'exprimer le point
de vue de l'Opposition et la façon dont nous allons procéder, non
seulement à l'étude de ce projet de loi mais aussi à la
discussion avec les gens qui ont bien voulu répondre à notre
invitation.
M. le Président, c'est à Saint-Vallier que s'est fait le
contact concret avec ce dossier. Saint-
Vallier venait de prendre, il y avait à peine trois ou quatre
jours, la décision de fermer ses portes, après que le nombre
maximum de jeunes à l'intérieur de cette institution eût
été atteint, et donc, ipso facto, de refouler plusieurs jeunes
dans des centres de détention commune avec des prisonniers ou des
criminels adultes. A cette occasion, lorsque j'ai décidé de
soulever cette question publiquement et lorsque j'ai convaincu mes
collègues de l'Opposition de le faire publiquement, je savais que je
prenais un risque. Ce risque était calculé. Il y avait le danger
qu'en voulant éviter à des jeunes la détention en prison
commune, ce qui leur est interdit par la loi même, nous provoquions
à l'intérieur du ministère des Affaires sociales,
après deux ans de laisser-aller sans équivoque sur ce dossier, la
volonté d'une action trop rapide et trop brusque, pour ne pas dire,
à l'occasion, presque un règlement de compte.
Il est évident que la réputation du ministre, du
ministère, de certains hauts fonctionnaires, se trouvait, par le fait
même, touchée et j'ai craint, j'ai hésité longuement
avant de le faire, que cela ne conduise le ministère des Affaires
sociales à prendre des solutions qui dépassaient le
caractère d'urgence et qui auraient eu des portées à moyen
ou à long terme, non réfléchies et non pensées.
C'est pourquoi je me suis permis, dès l'ouverture de la session, de
signaler les solutions d'urgence, réclamant que la solution d'urgence
soit un signal d'avis qu'il fallait se mettre à table sur les solutions
à moyen ou à long terme. Cette solution d'urgence, je suis
heureux de voir qu'elle a même été partiellement
retenue.
Effectivement, au moment où on se parle, le centre Berthelet a
une unité administrative provisoire qui a été
formée au lendemain de nos interventions publiques, qui s'est faite,
comme nous l'avions suggéré, avec la collaboration d'autres
centres et, en particulier, celui de Boscoville et celui de la faculté
de psycho-éducation de l'Université de Montréal.
Le caractère provisoire de cette unité administrative est
effectivement définitif puisque, le 15 janvier prochain, à moins
qu'on ait apporté des solutions à moyen terme, cette unité
administrative devra refermer ses portes, retourner son personnel
prêté par les autres institutions à ceux qui l'ont
prêté et, ainsi, remettre le problème à nouveau sur
la place publique s'il n'a pas connu de solution.
Je choisis d'intervenir à ce moment parce que l'impératif
de sortir les jeunes de prisons communes ce sont les parents de ces
jeunes qui m'avaient rejoint m'apparaissait plus important qu'un risque
de froissement technocratique, lequel a été évident et est
encore évident aujourd'hui, si on lit le journal La Presse
d'aujourd'hui, mais il me semble que cela devait se faire et cela a conduit
effectivement à une solution acceptable, pour autant qu'on l'accepte
comme temporaire.
J'aurai l'occasion, M. le Président, d'intervenir sur d'autres
sujets, d'autres conceptions et de les développer avec les
témoins, ceux qui viendront nous donner leurs opinions sur l'action
auprès de ces jeunes, les devoirs et les responsabilités du
gouvernement dans le domaine social.
Je me permets de signaler, en conclusion, à l'attention de la
commission que, quels que soient nos efforts et quels que soient même les
efforts de ceux qui viendront nous présenter leurs réflexions,
souvent bâties à partir d'expériences que j'ai
découvertes au cours de cette tournée qui m'a amené dans
plusieurs institutions oeuvrant dans ce domaine très difficile à
mener, qui demande beaucoup de courage et qui se fait souvent sans beaucoup
d'apport et sans beaucoup d'appui gouvernemental, il faut le
reconnaître...
Quel que soit le projet de loi auquel nous aboutissions, quelle que soit
la réflexion commune et collective que nous menions ensemble sur ce
sujet, il reste que la loi demeurera silencieuse sur un domaine fondamental:
Les centres d'accueil eux-mêmes, les foyers d'accueil eux-mêmes et
l'hypothèse de plus en plus soutenue d'un travail en milieu ouvert de
prévention à la délinquance, d'aide à la
délinquance et de réhabilitation de la délinquance.
Le plus loin que va le projet de loi, c'est de nous
référer qui, quand et comment un jeune peut se retrouver dans un
centre d'accueil. Mais rien ne nous dit, dans ce projet de loi, et rien ne nous
permet de le faire et si je fais cette remarque, c'est parce que
j'invite fortement les gens qui viendront témoigner à ne pas se
gêner pour le faire rien ne nous dit aux mains de qui, une fois
que nous avons tranché qui, quand, comment et pourquoi on l'envoie dans
un centre d'accueil, qui s'en occupera dans un centre d'accueil? Que lui
arrivera-t-il dans un centre d'accueil? Sera-t-il réhabilité dans
un centre d'accueil? Où sera-t-il mis dans cette prison pour jeunes,
construite sous le régime actuel, qui s'appelle Berthelet? Quels
traitements thérapeutiques connaîtra-t-il?
Quelles approches le gouvernement favorisera-t-il? Favorise-t-il
l'approche de la thérapie de groupe? Favorise-t-il l'approche
individuelle? Favorise-t-il l'approche corrective? Favorise-t-il l'approche
préventive? Rien dans l'avant-projet de loi ne nous permettra de le
toucher. Si nous ne le faisons pas de nous-mêmes, à l'occasion, en
nous écartant du texte de loi, je pense que cette commission ratera 75%
de son objectif.
Il ne suffit pas de clarifier, comme le devoir s'impose depuis
maintenant près de vingt ans, les droits et les devoirs de chacun
à l'égard des jeunes Québécois qui, pour employer
le langage fédéral, ont des démêlés avec la
justice. Il y a plus. Il y a à savoir, comment au Québec, avec
qui au Québec, pour qui au Québec et dans l'intérêt
de qui au Québec nous allons travailler dans ces centres, dans ces
foyers ou dans ces maisons.
Donc, M. le Président, j'estime que cette approche doit
être éminemment soutenue tout au long des travaux de la
commission, parce que c'est là effectivement que la protection de la
jeunesse, la réhabilitation de la jeunesse et la confiance dans la
jeunesse peuvent se manifester le plus clairement possible.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je suis
très heureux, ce matin, de prendre part au début de ces travaux
qui sont très importants pour la vie de notre peuple
québécois, particulièrement de notre jeunesse. Tous les
gouvernements doivent répondre à des besoins qui sont nés
des faits et des gestes coutumiers et journaliers.
L'Union Nationale, comme l'a dit tout à l'heure le
député de Saint-Jacques, avait établi, dans le temps, le
premier ministère de la Jeunesse, en 1945, et il avait aussi
établi les cours de bien-être social.
Je pense que, pour la période où nous avions à
administrer, dans ce temps, nous répondions à un besoin urgent.
Depuis ce temps, plusieurs autres facteurs sont venus s'ajouter, des
éléments nouveaux, toutes sortes de critères nouveaux sont
venus s'ajouter aux nécessités et surtout à
l'évidence qu'il y avait d'améliorer le système mis en
place.
Je voudrais simplement dire à cette assemblée, à
cette commission que, dernièrement, à Ottawa, le comité
ministériel du Solliciteur général a déposé,
sous la signature de M. Tassé, un mémoire assez explicite sur les
jeunes qui ont des démêlés avec la justice. Ce document qui
est fort volumineux, mais qui a été étudié par des
gens qui avaient véritablement l'idée de rendre service à
la jeunesse, mériterait sûrement qu'on lui fasse de la
publicité. Je pense qu'on trouve dans ce mémoire des choses assez
extraordinaires qui pourraient peut-être nous aider, dans le projet de
loi que nous étudions, à apporter certaines modifications
à certains articles.
D'ailleurs, forts de l'expérience de tous ceux qui viendront
devant cette commission, car vous avez vécu ces choses, chacun dans
votre domaine, et nous entendrons toutes les associations déjà
annoncées nous présenter le fruit de leur travail.
Je suis assuré, messieurs, que nous allons sûrement en
profiter et que nous allons sûrement aider à trouver les
meilleures solutions à ces graves problèmes de la jeunesse.
Je voudrais dire aussi que mon collègue d'Outremont a
déjà déposé en Chambre un volumineux dossier sur la
justice, comme on dit, La Justice contemporaine, dans lequel on retrouve
particulièrement tout un secteur de la protection de la jeunesse. Je ne
voudrais pas lui enlever ce mérite, mais je crois qu'on doit vous rendre
le mérite d'avoir donné à la province un document qui est
fort intéressant à lire et surtout, à retenir.
M. le Président, seulement une remarque qui serait
peut-être disgracieuse un peu à la fin de cette intervention,
c'est que je vois mal l'arrivée du ministre des Affaires sociales dans
ce dossier. Il compliquera énormément toute la loi, et, pour
cause, le ministre des Affaires sociales a déjà un boulot assez
considérable à faire. Je pense que le ministère de la
Justice devrait continuer d'exercer les pleins pouvoirs. Cette intrusion du
ministère des Affaires sociales m'inquiète
énormément, et surtout connaissant sa bureaucratie et ses
bureaucrates, je pense qu'ils nous apporteront des "troubles* qui ne nous
aideront pas à résoudre nos problèmes. Je suis sûr
que le ministre accueillera mes remarques avec beaucoup de
compréhension. Ce n'est pas à l'homme personnellement à
qui je voudrais que ces remarques s'appliquent, mais a son système. Je
pense que le ministre en a déjà suffisamment, sans s'introduire
dans un domaine où c'est la justice qui devrait, surtout quand il s'agit
de la protection de la jeunesse, tel que le dit l'avant-projet de la loi, voir
à régler ses propres problèmes, et Dieu sait combien il en
a.
M. le Président, en terminant, je suis heureux ce matin de vous
dire... J'ai confiance au ministre de la Justice, à celui qui vient de
prendre une telle succession.
M. Choquette: On va ajourner la troisième force.
M. Bellemare (Johnson): J'ai confiance, au sens juridique, et
surtout à l'expérience parlementaire d'un vétéran
de la politique provinciale pour pouvoir conduire à bien cette nouvelle
loi qui va maintenant être étudiée. Je vous remercie.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Outremont.
M. Choquette: M. le Président, je voudrais
brièvement faire part de mon point de vue au début des travaux
que nous entreprenons sur l'avant-projet de loi sur la protection de la
jeunesse. J'avais été associé, il y a maintenant quelques
années, avec l'ancien ministre des Affaires sociales, M. Claude
Castonguay, dans la présentation du projet de loi no 65 qui
s'était rendu jusqu'à l'étape de l'étude en
commission parlementaire de la justice et des affaires sociales, projet de loi
dont l'étude fut ajournée et abandonnée à la suite
des élections générales qui ont eu lieu au Québec
en 1973.
C'est à ce moment qu'en ma qualité de ministre de la
Justice, j'ai eu l'occasion de m'intéresser de beaucoup plus près
que je ne l'avais fait auparavant à tout le domaine de la protection de
la jeunesse, à tout le domaine de la délinquance
juvénile.
Les observations qui nous furent faites à l'époque, par
les groupes qui ont comparu devant cette commission parlementaire conjointe de
la justice et des affaires sociales, furent pour moi un objet de
réflexion extrêmement sérieux, à tel point que
devant la difficulté de réconcilier les impératifs de la
justice dans un domaine comme celui-ci, comme les impératifs aussi
importants de la recherche de cet aspect sur lequel, je pense, le
député de Saint-Jacques a mis l'accent, la prévention de
la délinquance, la protection sociale, or, devant la difficulté
de réconcilier ces deux impératifs extrêmement
présents dans ce domaine, je me suis intéressé de
très près à la question. A tel point, que mes
études m'ont conduit dans certains en-
droits du monde où je considère que ce domaine est plus
avancé qu'à aucun autre endroit.
Ainsi, j'ai eu l'occasion de visiter la Belgique qui passe pour
l'endroit où on a mis au point les meilleures formules en matière
de protection de la jeunesse. J'ai aussi visité la Suède
où j'ai pu voir et constater le fonctionnement de ses institutions.
Finalement, je me suis rendu en Californie où, là encore, on a
fait des efforts très sérieux de ce côté.
Sans chercher, dès le début de cette étude en
commission parlementaire, à imposer un point de vue ou formuler une
théorie qui ne tiendra peut-être pas à la suite des
représentations que nous recevrons de la part des divers groupes
intéressés, il me semble qu'il est particulièrement
important de créer une commission de la protection de la jeunesse qui
jouisse d'une large autonomie et qui agisse, en quelque sorte, comme trait
d'union entre le ministère de la Justice et les services sociaux
auxquels le député de Saint-Jacques a fait allusion,
c'est-à-dire les foyers et les endroits qui sont sous la
responsabilité du ministre des Affaires sociales. C'est seulement par
une commission jouissant d'une autonomie bien large que nous pourrons
réconcilier, dans les faits, d'une part, l'esprit juridique qui,
constatant qu'une infraction ou un crime ont été commis, veut
naturellement qu'il y ait une sanction de façon que cette sanction serve
de châtiment, d'exemple ou de moyen aussi de réhabilitation,
à la condition que le jugement soit assorti de mesures qui favorisent
cette réhabilitation, c'est certainement l'un des impératifs.
D'autre part, il y a aussi tellement d'autres situations où il est
possible d'amener des jeunes qui ont commis des actes délictueux, ou qui
sont dans une situation prochaine d'en commettre et qui, à ce point de
vue, seraient considérés comme des cas de protection, il est
aussi important, à mon sens, de ne pas faire jouer toute la rigueur de
la loi à leur égard, car il faudra considérer les jeunes,
les personnes qui n'ont pas atteint l'âge adulte, comme des sujets qui
sont plus en droit de protection, qui sont plus capables de
réhabilitation que des adultes, évidemment. Par
conséquent, une philosophie humanitaire et humaine s'impose avec
d'autant plus de force chez les jeunes qu'elle ne s'impose chez les
adultes.
Il y a aussi une autre dimension qu'il me paraît important de
considérer à ce moment-ci. C'est la participation volontaire du
public qui est intéressé dans le domaine de la protection de la
jeunesse. Ici je rejoins les remarques de mon ami le député de
Johnson lorsqu'il soulignait les grands inconvénients de la
bureaucratisation d'un domaine comme celui-ci.
S'il y a un impératif où il faut laisser jouer la
spontanéité et le volontariat et le bénévolat,
c'est bien celui-ci. Pour ma part, ayant connu d'assez loin je dois
l'admettre le ministère des Affaires sociales, je ne suis pas
rassuré par l'avant-projet de loi, du fait que l'on cherche à
faire appel à des parents, à des policiers, à des membres
de clubs sociaux, à des membres de chambres de commerce, à des
syndicalistes, enfin, à tous les éléments de la
société québécoise qui voudraient participer, au
niveau des tribunaux, dans chaque région du Québec, à des
comités de protection de la jeunesse qui fassent en sorte qu'on traite
les cas à l'origine et, avant de les soumettre aux tribunaux, qu'on les
traite sur un plan, en quelque sorte, comunautaire.
Mon expérience avec le ministère des Affaires sociales est
que c'est un ministère qui est trop empreint d'un esprit technocratique
et bureaucratique. Et cela est un danger lorsqu'on étudie un projet
où on touche des éléments humains aussi importants que
ceux-là.
Sans aucun doute, pourra-t-on dire que remettre le tout à la
Justice, c'est aussi un danger parce qu'on connaît l'esprit traditionnel
des gens de la Justice. C'est ce qui a fait qu'autrefois, à
l'époque où le député de Johnson était
député ministériel d'un gouvernement de l'Union Nationale
et qu'on avait adopté la Loi sur la protection de la jeunesse que nous
avons à l'heure actuelle, c'est ce qui explique qu'à cette
époque, on a fait un effort pour "déjudicialiser" en quelque
sorte le processus de la protection de la jeunesse, à tel point que les
services de probation, en rapport avec les juvéniles, sont passés
de la Justice aux Affaires sociales. A ce moment, c'était le grand vent
des Affaires sociales qui s'en venait au Québec. C'était la mode
et peut-être cette dernière correspondait-elle aussi à une
carence chez les gens de profession juridique qui, malheureusement, avaient une
attitude assez étroite et étriquée devant ces
problèmes et qui, n'ayant qu'une formation juridique je ne dirai
pas livresque, mais on pourrait presque le dire pour caricaturer ne
traitaient pas ces problèmes dans toutes leurs dimensions, à la
fois juridiques, sans aucun doute, mais humaines et pertinentes, selon la
condition des jeunes. C'est ainsi qu'à cette époque, le mouvement
a commencé pour s'en aller des cours de bien-être social,
lorsqu'on parlait de protection de la jeunesse, pour aller vers des
responsabilités de plus en plus amples qui furent confiées au
ministère des Affaires sociales.
Aujourd'hui, je pense qu'il nous est possible de faire une
synthèse et de tenir compte des défauts des gens qui appatiennent
aux deux écoles de pensée, de tenir compte aussi de leurs points
forts, car les deux ont un apport extrêmement important et c'est au
niveau de la synthèse des activités des juges, des avocats, des
juristes du ministère de la Justice ainsi que des gens qui appartiennent
plutôt à une formation sociale, que ce soit une formation de
travailleur social, de psychologue, enfin, de toutes ces nouvelles professions
qui s'intéressent, soit aux problèmes psychologiques des jeunes,
soit aux problèmes de la famille, enfin, à tous les
problèmes que l'on couvre, généralement, sous
l'étiquette de "social".
Donc, le défi actuel pour le Québec, à l'occasion
de ce projet de loi, est de réaliser une synthèse qui soit
satisfaisante et qui puisse tenir compte des deux dimensions.
Il faudra éviter, je pense, de se noyer dans
l'imprécision, dans l'absence de détermination
exacte du situs des responsabilités. S'il y a un défaut
qu'on peut reprocher à la bureaucratie et à la technocratie,
c'est bien de noyer les décision? dans l'anonymat de la fonction
publique et dans cette espèce de magma où on rencontre assez peu
de gens qui se considèrent personnellement responsables des actes qu'ils
posent, préférant plutôt s'appuyer sur des normes, sur
l'autorité de leurs supérieurs et qui sont abdiqué, en
acceptant la sécurité de l'emploi, leur sens des
responsabilités. Je pense que, dans un domaine comme celui-ci, il faudra
bien préciser les responsabilités.
Je reviens sur le centre d'un projet de loi comme celui-ci, c'est la
commission de la protection, et ce sont aussi les comités locaux de
protection de la jeunesse qui devront être instaurés auprès
de chaque tribunal et qui devront faire appel aux énergies volontaires
des citoyens désireux de participer à l'oeuvre de la protection
de la jeunesse.
Est-ce une illusion, M. le Président, pour un gouvernement, de
compter sur le bénévolat et le volontariat? A mon sens, cela ne
l'est pas. On connaît trop d'adultes qui sont prêts à se
dévouer, à se consacrer à des oeuvres de loisir et de
sport auprès de la jeunesse. Il y en a autant qui sont prêts
à participer à des comités de protection de la jeunesse,
qui vont aider la communauté à prendre en charge ses
responsabilités, prendre en charge ses problèmes au niveau de la
jeunesse. M. le Président, je pense donc qu'il faudra faire un appel
dans ce genre, d'autant plus que ceci correspond à des principes que
j'ai eu l'occasion de développer à la suite de mon
expérience comme membre du gouvernement. Aujourd'hui, il faut
éviter la centralisation, il faut déconcentrer,
décentraliser l'administration. Il faut aller rejoindre les gens dans
leur milieu. Il faut leur donner l'occasion de s'exprimer, de prendre en main
leurs responsabilités. Je pense que c'est comme ceci qu'on fera une
société responsable.
Donc, fuyons, n'est-ce pas, M. le Président, les structures
bureaucratiques et l'organisation trop lourde et tâchons de rejoindre les
citoyens dans leurs problèmes concrets en faisant appel à ce sens
des responsabilités qui seul va être capable de venir à
bout de régler, dans une certaine mesure, l'amplitude des
problèmes qui se posent dans le domaine de la protection de la
jeunesse.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre
des Affaires sociales.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je crois que nous
venons de constater, par les propos que viennent de tenir nos collègues
d'en face, la vérité de cet ancien proverbe chinois que le
succès a beaucoup de pères et que l'insuccès est orphelin.
Il est clair que l'on a entendu un député se baser sur sa
participation à un gouvernement qui, il y a 25 ans, a adopté les
mesures sociales, sans doute appropriées pour l'époque, et un
autre qui invoque une tournée, soit à l'extérieur du pays,
soit une tournée à l'intérieur de nos centres d'accueil,
pour justifier des jugements et vérifier la justesse de certaines
constatations qui se retrouvent dans cet avant-projet de loi que nous avons
à considérer. Tout ce qui apparaît valable, bien sûr,
est adopté volontiers, et c'est heureux. Tout ce qui est moins
réussi dans la situation que l'on observe n'est évidemment
revendiqué par personne. De toute façon, ces problèmes
existent pour celui qui, comme moi, vient comme le dernier en lice de ceux qui
s'en sont occupés, puisque nous venons d'entendre les personnes qui
sont, sans aucun doute, mes aînés sur le plan de leur implication
dans le processus politique. Il y a de cela beaucoup de leçons à
tirer, des leçons de succès, sans aucun doute, mais aussi des
leçons d'échecs qui ne sont pas seulement les échecs d'un
homme ou d'un gouvernement, mais qui sont les échecs d'une
société à résoudre les problèmes de la
jeunesse.
Il ne faut pas être trop superficiels dans nos jugements parce que
ce que nous voulons véritablement réformer, ce ne sont pas
seulement des structures gouvernementales, ce ne sont pas seulement des
processus administratifs, mais c'est l'attitude de l'ensemble d'une
société telle qu'elle s'exprime bien évidemment par ses
institutions, mais aussi de bien d'autres façons envers l'enfance
malheureuse, l'enfance délinquante, l'enfance abandonnée et il
faudra plus que simplement des réformes de structures pour y
arriver.
J'espère que les groupes qui viendront devant nous vont
éviter de suivre trop étroitement l'exemple qui vient de leur
être donné, par ces interventions que nous venons d'entendre,
cette espèce de sport national que nous avons parfois de penser tout
solutionner en termes de structures. Il serait malheureux que le débat
que cette commission va tenir, tourne trop exclusivement alentour de la
question, à savoir si la responsabilité pour la jeunesse devrait
appartenir exclusivement aux Affaires sociales nous l'avons entendu
exclusivement à la Justice nous l'avons entendu
également ou ne relever ni de l'un, ni de l'autre et tout
solutionner dans une autre structure distincte des deux premières.
Je crois que si nous ne réussissons qu'à discuter de ces
questions sans aller plus concrètement, plus profondément dans
les problèmes, nous nous retrouverons peut-être avec de nouvelles
structures, mais essentiellement les mêmes problèmes qu'avant.
C'est s'illusionner de croire que les difficultés que nous constatons
sont uniquement l'effet de structures administratives. Ces structures
permettent, tout au plus, des divergences réelles et beaucoup plus
fondamentales, dans les façons de voir les problèmes, dans les
objectifs poursuivis par différents individus, dans les moyens qu'ils
ont respectivement à leur disposition. C'est à ces causes
profondes qu'il faudrait essayer de trouver des solutions.
Les structures ne peuvent que les camoufler ou les dissimuler à
notre examen.
Il est clair que parmi ces raisons et ces causes profondes des
difficultés actuelles qui sont réelles, se trouvent des
situations de fait, de ressources, de formation professionnelle, que la loi ne
peut, à elle seule, corriger, ni même principalement corriger. On
sait, par ailleurs, que parallèlement à l'éla-
boration de cet avant-projet de loi, des efforts ont été
faits durant le cours de cette année, par un comité
d'études qui fut créé en janvier et qui, tel que promis,
me remettra dans quelques semaines, avant Noël, son rapport final. Ce
comité d'études aura beaucoup de choses à dire sur les
programmes, sur la formation professionnelle, sur l'organisation des services,
à l'intérieur de quelque structure que ce soit. Ce seront des
recommandations qui mériteront un examen très attentif et des
décisions majeures. Il ne faut donc pas ignorer ce deuxième volet
de la protection de la jeunesse qui, à mon avis, est aussi important que
l'aspect législatif et ne pas oublier que des décisions
très importantes seront nécessaires aussi à cet
égard. Ce qui ne diminue, en rien, l'intérêt du projet de
loi, si l'on veut que les responsabilités que nous pourrons
dégager dans ce secteur s'exercent dans un cadre approprié. Mais
encore une fois, j'inviterais, à la fois la commission et les groupes
qui viennent devant nous, à baser leur argumentation sur un examen
spécifique des problèmes, une tentative pour cerner de
façon très concrète la façon dont les
problèmes se posent plutôt que de laisser leur attention se
détourner vers des considérations de structures. Les structures,
je pense, sont importantes, la loi en traite, mais elles ne sont pas toute la
solution ni même la partie la plus importante de la solution aux
problèmes que nous connaissons.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre de la
Justice.
M. Levesque: M. le Président, vous me permettrez
simplement de dire que nous venons d'entendre la position du gouvernement par
les propos que vient de tenir le ministre des Affaires sociales. Je n'ai pas
l'intention de prolonger cette discussion préliminaire. Je ne voudrais
pas cependant que mon silence soit interprété, à ce
moment-ci, comme souscrivant à certains propos qui ont été
tenus au sujet de l'administration de la justice comme telle. Nous aurons
certainement l'occasion au cours de l'étude, non pas seulement de
l'avant-projet de loi, mais du projet de loi qui s'ensuivra, de poursuivre ce
débat s'il y a lieu; mais j'ai confiance que les témoignages que
nous entendrons dès maintenant nous permettront, chacun d'entre nous, de
nuancer ce que nous avons présentement à l'esprit.
Conseil des affaires sociales et de la famille
Le Président (M. Houde, Limoilou): J'invite
immédiatement les représentants du Conseil des affaires sociales
et de la famille. Voulez-vous vous présenter et présenter
également ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît?
M. Marier (Roger): M. le Président, MM. les ministres, MM.
les membres de la commission parlementaire, je me présente, Roger
Marier. Je suis le président du Conseil des affaires sociales et de la
famille.
Le Conseil des affaires sociales et de la famille est un organisme
gouvernemental autonome, d'études et de consultations dont la
création remonte à décembre 1970.
Le conseil est composé, outre de son président, de quinze
membres auxquels s'ajoutent trois membres d'office, le sous-ministre des
Affaires sociales, les présidents des régies des rentes et de
l'assurance-maladie ou de leurs délégués. Les quinze
membres sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil sur
recommandation du ministre des Affaires sociales, après consultation des
groupes représentatifs du domaine de la santé, des associations
et des groupes représentatifs du domaine des services sociaux, des
associations familiales, des groupes socio-économiques
représentatifs, des milieux syndicaux et des milieux universitaires.
M'accompagnent, aujourd'hui, le Dr Robert Gourdeau qui nous vient des
associations et des groupes du secteur de la santé; M. Richard Sarrasin,
associé au groupe du secteur des services sociaux; Mme Denise
Laporte-Dubuc, des associations familiales et M. Myer Katz qui nous vient des
milieux universitaires.
Outre ces personnes, font partie présentement du conseil, MM.
André Beaudoin, André Boyer, Lucien Chevrette, Léo
Cormier, Mlle Nicole David, MM. Robert Dean, Martiel Laforest, Jacques
Lizée, Damias Messier, le Dr Antonine Paquin et le Dr Lorraine
Trempe.
La présence du Conseil des affaires sociales et de la famille
devant la commission parlementaire, ce matin, est le résultat d'un
intérêt qui remonte au printemps de 1973 et dont il est fait
état dans le rapport annuel du Conseil des Affaires sociales pour
1973/74.
Les travaux du conseil se sont attachés à retracer les
responsabilités et droits qui échoient aux enfants comme à
leurs parents et à les situer dans le contexte de la protection
générale que la société accorde à ses
membres, par le truchement des services qu'elle dispense.
Ces données préliminaires ont permis d'identifier le
domaine particulier de la protection spéciale de l'enfance et de la
jeunesse et d'y définir une notion de protection sociale et une notion
de protection judiciaire, la première comportant une nette
priorité et antériorité, par rapport à la
seconde.
La protection sociale devrait s'initier auprès d'un service de
protection de la jeunesse, responsable au ministre des Affaires sociales,
organisé comme établissement public, d'après le
modèle des établissements de la Loi des services de santé
et des services sociaux dans chaque région du territoire.
Ce service, après analyse du cas, pourrait formuler un plan
d'intervention, confier à ces fins l'enfant à un centre de
service social, tout en continuant de suivre son progrès et son
évolution. Il exercerait la fonction de tuteur de l'enfant par voie de
délégation; si l'usage de la contrainte s'avérait
nécessaire pour le bien de l'enfant, le cas serait
référé à la compétence du tribunal.
Les personnels nécessaires à l'évaluation des cas
pourraient être délégués au service de protection de
la jeunesse, par les établissements appropriés du secteur des
affaires sociales.
La protection judiciaire, elle, devrait s'appuyer sur des expertises
pour rendre des ordonnances et avoir à sa disposition, à ces
fins, les services de personnels capables de suivre le progrès et
l'évolution de l'enfant. Ces personnels pourraient aussi être
délégués au tribunal par voie d'ententes et de contrats,
comme le sont les personnels des services de santé et de service social
délégués en milieu scolaire.
Le Conseil des affaires sociales a fait sienne la déclaration des
Nations-Unies de 1959, sur les droits de l'enfant, ceux dont il devrait jouir
à titre de sujet de droit et ceux qu'il devrait posséder comme
étant objet de droit.
Il a affirmé entre autres le droit de l'enfant d'être
représenté par un avocat. Le conseil a jugé que l'enfant
ne doit pas être retiré, autant que faire se peut, de sa famille.
Il a donné son accord aux principes consignés dans les
priorités du MAS pour 1975, à l'effet que les jeunes de moins de
douze ans ne devraient désormais plus être placés en
institution et aux mesures à prendre à cet effet pour en diminuer
le nombre.
Dans l'élaboration des mécanismes d'intervention, le
conseil a pris parti pour l'obligation de la dénonciation pour ceux qui
sont au courant des comportements qui rendent nécessaire l'intervention
des pouvoirs publics. La participation du public aux interventions comme
à l'orientation et à la gestion de la commission et la
décentralisation de ces moyens comme de ces décisions comptaient
aussi au nombre des options faites par le conseil.
Le conseil a considéré que la loi 78 concernant la
protection de la jeunesse, adoptée au cours du mois de décembre
dernier, comportait un réel progrès dans la protection des
enfants soumis à de mauvais traitements physiques. Les mauvais
traitements qui n'impliquent pas de brutalité physique peuvent
être aussi dommageables au développement de l'enfant. C'est
pourquoi il a fait l'étude, avec beaucoup d'intérêt, de
l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse déposé le
27 juin dernier devant l'Assemblée nationale.
Il me fait plaisir de demander au Dr Robert Gourdeau qui a
présidé le comité spécial du Conseil pour la
protection de la jeunesse de vous présenter le mémoire du
conseil. Dr Gourdeau.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Dr Gourdeau.
Comité pour la protection de la
jeunesse
M. Gourdeau (Robert): M. le Président, le Conseil des
affaires sociales et de la famille tient à exprimer publiquement, devant
la commission parlementaire des affaires sociales, sa grande satisfaction en
rapport avec l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse.
Le conseil est d'accord avec les raisons, consignées sous forme
d'attendus en préambule de l'avant-projet de loi, qui ont rendu ce
projet de loi nécessaire et urgent et qui ont inspiré la
législation dans son élaboration de l'avant-projet de loi.
Le conseil est heureux de constater que l'avant-projet de loi sur la
protection de la jeunesse consacre plusieurs suggestions formulées par
le conseil dans son document sur le premier projet de loi, notamment quant
à la reconnaissance de l'intérêt de l'enfant et des droits
qui lui sont propres.
Le conseil encourage, en outre, la décentralisation des services
de protection de la jeunesse prescrite dans l'avant-projet de loi par
l'établissement, dans chacune des régions, de comités
locaux d'orientation, d'un conseil de surveillance et d'une direction de la
protection de la jeunesse, qui assureront la participation du public à
la protection de la jeunesse.
Le texte de l'avant-projet de loi établit une distinction entre
la protection sociale et la protection judiciaire, comme le désirait le
conseil, tout en établissant une collaboration fonctionnelle entre le
ministère des Affaires sociales et le ministère de la Justice,
notamment quant à leurs objectifs et aux services qui relèvent de
la compétence de chacun d'eux.
Le conseil reconnaît l'importance des dispositions diverses de cet
avant-projet de loi qui sont conçues en fonction de l'âge de
l'enfant.
Le conseil prévoit que des suggestions opportunes pourront
être formulées à la présente commission
parlementaire des affaires sociales par divers groupes sur des points
particuliers. C'est dans ce contexte que le conseil a jugé utile de
formuler deux suggestions relatives aux articles 9 et 96:
L'article 9: "Les enfants hébergés dans les centres ou
familles d'accueil ont droit d'adresser du courrier en toute
confidentialité à leurs parents, frères, soeurs ou
ascendants, à leur avocat, aux directeurs, à la commission, au
Protecteur du citoyen, aux membres de l'Assemblée nationale ainsi qu'aux
juges et greffiers de la cour."
Les membres du conseil souhaiteraient que cet article soit plutôt
formulé ainsi: "Les enfants hébergés dans les centres ou
familles d'accueil ont droit d'adresser du courrier en toute
confidentialité à leurs parents, frères, soeurs ou
ascendants et à toute autre personne de leur choix, à moins de
réserves particulières formulées par la commission ou par
la cour, dans le cas où il y va de l'intérêt de l'enfant;
ils ont également droit d'adresser du courrier en toute
confidentialité à leur avocat, aux directeurs, à la
commission, au Protecteur du citoyen, aux membres de l'Assemblée
nationale ainsi qu'aux juges et greffiers de la cour."
Au sujet de l'article 96: "Un dossier est conservé par la cour
jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de 21 ans. Il peut
ensuite être détruit, sauf si l'enfant se trouve dans un des cas
visés à l'article 59."
Le conseil suggère que cet article soit modifié de la
façon suivante, afin d'éviter de nuire à l'avenir de
l'enfant: "Un dossier est conservé par la cour jusqu'à ce que
l'enfant ait atteint l'âge de 18 ans ou jusqu'à la fin de son
hébergement si l'enfant a 18 ans et plus. Il doit ensuite être
détruit sauf si l'enfant se trouve dans un des cas visés à
l'article 59. " Cet article amène également les membres du
conseil à s'interroger sur ce qui arrive des dossiers des enfants dont
la protection n'a pas été jugée en danger par le
comité local d'orientation.
En conclusion du présent mémoire, le conseil tient
à réaffirmer à la commission parlementaire des affaires
sociales son appréciation pour la qualité de cet avant-projet de
loi.
Même s'il est vrai, selon le conseil, que tout projet ou
avant-projet de loi est perfectible, il apparaît que la version
déposée en juin 1975 devant l'Assemblée nationale
constitue une importante et nécessaire réforme législative
dans le domaine de la protection de la jeunesse.
Enfin, en raison des besoins pressants en matière de la
protection de la jeunesse québécoise, le conseil
réitère son invitation aux représentants autorisés
de la communauté à faire rapidement connaître leurs vues
les plus objectives et les plus constructives sur l'économie de cet
avant-projet de loi pour ne compromettre ni différer son adoption par le
législateur. En terminant, permettez-moi de lire un paragraphe d'un des
travaux internes du conseil sur l'implantation de ce programme. Il
apparaît au conseil que la condition de succès de l'implantation
d'une loi de protection de la jeunesse repose dans une grande mesure sur
l'esprit et la formation que les participants aux diverses structures de la
protection spéciale de la jeunesse apporteront dans l'exercice de leurs
tâches. Ils devront se convaincre que les enfants doivent demeurer dans
leur famille et utiliser à ces fins toutes les ressources que la
protection générale et la protection sociale peuvent mettre
à leur disposition, en priorité, comme aussi les autres. Ils
devront se convaincre que la valeur que la société attache
à la prévention et celle qu'elle attache aux traitements
requièrent que soient épuisées toutes les ressources
disponibles avant de recourir aux processus judiciaires. Les attitudes et les
climats d'autorité et de répression ont des impacts qu'il reste
à évaluer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: J'aimerais remercier le Conseil des affaires sociales,
en la personne de son président ainsi que du président du
comité spécial pour la protection de la jeunesse, pour ce
mémoire, cette opinion exprimée sur l'avant-projet de loi. Je
n'ai qu'une question. Elle touche à une recommandation qui est faite
quant à l'article 9. Je ne sais pas si le comité ou le conseil a
considéré l'autre partie de cette proposition qui est contenue
implicitement dans le texte de l'avant-projet de loi et qui a trait au droit de
recevoir le courrier. Le texte tel qu'il est exprimé dans l'avant-projet
de loi ne traite que du droit, que le conseil voudrait voir élargi, de
transmettre du courrier. Pour ce qui est de recevoir le courrier, est-ce que le
conseil a examiné cette question et a développé une
opinion?
M. Gourdeau: En fait, le comité et le conseil ont voulu
faire ces distinctions simplement parce que, dans certains cas, il y a avantage
à ce que l'enfant ne puisse pas communiquer avec ses frères ou
ses soeurs ou même avec ses parents. Ce sont des cas, évidemment,
assez rares, mais, quand même, nous pensions qu'il était important
de faire cette distinction dans la loi. Quant au sujet de recevoir du courrier,
il n'en a pas été question particulièrement.
M. Marier: Cependant, on peut penser que la même
règle pourrait s'appliquer.
M. Levesque: Si je comprends bien, lorsque vous avez cette
réserve qui se lit comme suit: "A moins de réserve
particulière", cela s'applique non pas seulement à toute autre
personne de leur choix, mais également à l'ensemble des personnes
mentionnées.
M. Gourdeau: Non, M. Levesque. Cela s'applique aux parents,
frères et soeurs, ou ascendants, et non pas à l'avocat, au
directeur, à la commission, etc.
M. Levesque: Je comprends. Vous croyez qu'il y a des moments
où...
M. Gourdeau: Assurément. Il y a des cas où on a vu
des parents encourager le proxénétisme ou des choses comme cela
chez des enfants mineurs. Je pense que, dans des situations comme
celles-là, ce n'est pas bon que l'enfant puisse communiquer; il faut le
couper de ces influences mauvaises.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, j'ai plusieurs questions. Je
vais enchaîner sur celle-là tout de suite. Quand vous dites: II
faut le couper de ces influences mauvaises, vous laissez quand même la
décision ou à la commission ou à la cour.
M. Gourdeau: Absolument, à moins de réserve
particulière formulée par la commission ou la cour dans le cas
où il y va de l'intérêt de l'enfant.
M. Charron: Est-ce qu'il y aurait recours, selon vous, contre une
décision de la commission ou de la cour?
M. Gourdeau: II y a toujours le droit d'appel qui est dans le
texte de loi.
M. Charron: Même sur une chose comme celle-là,
même sur l'octroi du courrier, la réception et l'envoi du
courrier.
M. Gourdeau: Je crois que oui.
M. Charron: M. le Président, je veux remercier
également les membres du Conseil des affaires sociales et de la famille.
Il peut sembler curieux à certains observateurs que le premier
témoin que nous entendions apporte presque un témoignage-maison.
Que pourrait-on penser, du ministère des Affaires sociales, étant
donné que c'est un organisme, comme l'a signalé le
président lui-même, qui relève, dans la composition de ses
membres comme dans ses pouvoirs tels que définis, du ministère
des Affaires sociales. Mais je m'en voudrais, tout de suite, de laisser cette
impression parce qu'effectivement, à l'occasion, j'ai pris connaissance
de certains mémoires du Conseil des affaires sociales où
certaines suggestions, certaines critiques des agissements du ministère
des Affaires sociales proprement dit ont été claires et n'ont pas
toujours été retenues, d'ailleurs, par le ministre des Affaires
sociales.
Donc, votre appui à l'avant-projet de loi ne doit, en aucune
circonstance, être étudié ou vu comme étant
téléguidé par le ministère des Affaires sociales.
Je tiens à le souligner.
J'ai quelques questions à partir de ce court mémoire. Vous
vous dites heureux de constater que l'avant-projet de loi consacre plusieurs
suggestions notamment quant à la reconnaissance de
l'intérêt de l'enfant et des droits qui lui sont propres, ce que
vous aviez fait lors de la première version. Etes-vous satisfait de ce
chapitre de l'avant-projet de loi totalement? Croyez-vous que la
présentation et l'inscription des droits du jeune ou de l'enfant, dans
le projet de loi, pourrait être exhaustive qu'elle ne l'est actuellement?
Est-ce qu'on pourrait préciser davantage?
M. Marier: Le conseil n'a pas étudié cette question
sauf qu'il a enregistré son assentiment sur le traitement qui
était fait aux droits de l'enfant dans l'avant-projet de loi. La
question n'a pas été posée à savoir si cela devrait
prendre une autre forme, que je sache. Peut-être que le Dr Gourdeau
pourrait faire aussi un commentaire là-dessus.
M. Gourdeau: Cette question a été discutée
à plusieurs reprises au niveau du conseil et nous spécifions dans
notre projet que les attendus ainsi que les autres points mentionnés
dans l'avant-projet de loi essaient d'être pas mal exhaustifs et ont
semblé satisfaire la majorité des membres du conseil.
Dans un document antérieur sur l'avant-projet de loi, nous avions
inscrit les droits de l'enfant tels que demandés par les Nations
Unies.
M. Charron: Vous avez fait, M. Gourdeau, référence
à cette déclaration des Nations Unies. A mon avis j'ai
parcouru les mémoires pour savoir si d'autres groupes vont insister sur
ce point il y a encore une marge entre la déclaration des Nations
Unies sur ce sujet et le contenu de l'avant-projet de loi. Puisque vous aviez
dit en le présentant que vous faisiez vôtre la déclaration
des Nations Unies, c'est pour cela que venait la question suivante: Si vous
faites vôtre la déclaration des Nations Unies, ne trouvez-vous pas
qu'elle n'est pas entièrement répétée dans
l'avant-projet de loi et qu'elle gagnerait à l'être?
M. Marier: M. le Président, il n'y avait pas lieu qu'elle
soit entièrement répétée. Si vous vous souvenez
bien, la déclaration des Nations Unies touche toutes sortes de droits,
comme le droit à l'éducation. Nous n'avons pas de problème
avec cette formulation excepté que ce n'est pas relié au sujet
dont traite au moins directement l'avant-projet de loi.
M. Charron: Vous le croyez vraiment? Justement, quant à
l'exemple que vous venez de donner du droit à l'éducation
précédemment reconnu par les Nations Unies, droit à
l'éducation pour l'enfant, cette loi va s'appliquer à des jeunes
bien définis et sachant qu'elle va conduire des jeunes à des
maisons que nous avons mentionnées tantôt...
M. Marier: Ce que je voulais dire, M. le Président, c'est
que c'est sûr que ces enfants ont droit à l'éducation mais
il n'a pas semblé nécessaire, dans tous les cas, que ce droit qui
est affirmé ailleurs soit aussi inclus dans l'avant-projet de loi.
M. Charron: Mais si les jeunes en centre d'accueil ne recevaient
pas l'éducation, par exemple, cela pourrait être une violation de
leur droit? Il y a des centres d'accueil qui, actuellement, ne donnent pas
l'éducation, qui sont purement et simplement un lieu
d'incarcération. Vous le savez.
M. Choquette: M. le Président, permettez que j'interrompe
le député de Saint-Jacques.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Outremont.
M. Choquette: Je voudrais attirer l'attention de la commission
sur le fait que le droit à l'éducation est consacré, non
seulement par les lois de l'éducation, mais il est également
consacré par la Charte sur les droits et libertés de la personne
et cette charte a une application générale. Par
conséquent, je suis bien de l'avis de nos interlocuteurs qu'il
semblerait un peu saugrenu de répéter de nouveau un droit qui
doit avoir une application générale dans tout le
Québec.
M. Charron: Oui, mais lorsqu'il n'est pas appliqué, on
gagne peut-être à le répéter.
M. Choquette: II appartiendra au ministre des Affaires sociales
de prendre ses responsabilités dans les institutions qui sont sous sa
compétence, mais on ne peut répéter dans tous les textes
de loi des principes qui sont déjà, en somme, consacrés
par d'autres lois de portée plus générale.
Sur le problème de l'extension des droits de l'enfant, question
sur laquelle le député de Saint-Jacques interrogeait nos
interlocuteurs, les droits de l'enfant qui sont consacrés par le projet
de loi actuel sont des droits fort limités, il faut l'admet-
tre. Et il faudra non seulement aller à la Charte sur les droits
et libertés de la personne, aux lois de l'éducation, mais je
pense qu'il faudra aller éventuellement aux droits qui seront
énoncés dans le Code civil, car le Code civil énoncera les
droits des enfants avec beaucoup plus d'amplitude, je pense, qu'on ne pourrait
le faire dans un texte de loi comme celui-ci.
M. Charron: De toute façon, nous aurons amplement
l'occasion de revenir sur cette question puisque nous n'en sommes qu'aux
premiers témoins.
Je passe à deux paragraphes plus loin de votre mémoire, M.
Marier. Vous vous dites, encore une fois, satisfait de la distinction contenue
dans l'avant-projet de loi entre protection sociale et protection judiciaire,
donc, entre la dualité de juridiction dans ce domaine.
Etes-vous satisfait je vais vous demander une précision
à cette affirmation générale du fait que
l'avant-projet de loi confie au ministère de la Justice le soin
d'administrer la surveillance de la commission et du comité local
d'orientation? Je me serais attendu de la part du Conseil des affaires sociales
et de la famille à une approche différente de celle dont vous
vous dites satisfait?
M. Gourdeau: En fait, la question a été
discutée au niveau du conseil. Je pense que ce qui a porté le
conseil à accepter la formule est qu'il y a une bonne
représentation du ministère des Affaires sociales dans la
commission. C'est une commission conjointe, en fait, même si sa
surveillance en est assurée par le ministère de la Justice, et
nous considérions que c'était un pas en avant, très
progressif, et le conseil a accepté ceci comme adéquat.
M. Charron: Mais ce n'est pas un mince détail de savoir de
qui relève la commission, quelle que soit sa composition. Si je peux
étendre la comparaison au propre conseil qui est devant nous ce matin,
cela serait tout à fait différent pour vous-même si vous
deviez relever d'un autre ministère à cause de l'oeuvre que vous
avez à faire et des domaines dont vous devez traiter.
Si nous considérons l'aspect de l'action et la protection de la
jeunesse sous l'angle social, il est très important que cette commission
qui aura une relative autonomie on discutera de cela aussi plus loin, le
député d'Outremont l'a mentionné relève d'un
ministère ou d'un autre, ce n'est pas un détail uniquement
administratif, je pense bien que vous en conviendrez.
M. Gourdeau: Nous ne considérons pas cela comme un
détail administratif, mais le fait qu'il y a un directeur de la
protection de la jeunesse dans chaque centre de services sociaux et le fait que
l'enfant en difficulté est soumis d'abord au comité local
d'orientation où il y a une participation du public, avait convaincu le
conseil qu'à la base il y avait déjà une présence
des services sociaux, une présence de protection sociale, d'abord, avant
la protection judiciaire.
M. Charron: Une dernière question sur ce sujet. Vous
estimez donc que la présence du ministère des Affaires sociales,
dans la structure qui nous est présentée dans l'avant-projet de
loi, est suffisante.
M. Gourdeau: Allez-y donc, M. Marier.
M. Marier: Le conseil a considéré que la solution
qui était avancée dans l'avant-projet de loi constituait un
heureux compromis entre des tendances difficiles à réconcilier et
mettait en position de dialogue, à tous les niveaux des organismes
suggérés, les représentants du ministère de la
Justice avec les représentants du secteur social. Nous avons
trouvé que c'était là, en effet, une façon efficace
d'aborder la question dans le meilleur intérêt de l'enfant.
M. Charron: Une dernière question, M. le Président,
au Conseil des affaires sociales et de la famille, Le conseil ne dit mot, et
cela m'étonne, d'une analyse du fonctionnement de la Cour de
bien-être social actuellement. Aucune allusion même n'est faite
à la conduite et à la façon dont la Cour de
bien-être social fonctionne, aux droits qui y sont refusés,
à certaines occasions. J'ai mentionné dans mon allocution
d'ouverture certains faits qui peuvent paraître anodins, mais qui sont
des dénis de justice évidents et je m'attendais, du Conseil des
affaires sociales et de la famille, à tout le moins, à une
allusion à ce phénomène qui ne peut avoir
échappé à votre attention.
M. Marier: L'objet de l'étude du conseil et du rapport qui
vous en a été fait portait sur l'avant-projet de loi
lui-même. Evidemment que le conseil a discuté, à toutes
sortes d'occasions, des carences qui peuvent exister dans toutes sortes de
secteurs de la société. Il a tenu compte, à la fois, des
éléments positifs et des éléments négatifs
qui existent par rapport aux diverses institutions, mais cela n'était
pas le propos qu'il se proposait d'aborder à l'occasion de la
présentation de son mémoire à la commission.
M. Charron: J'admets bien que vous deviez vous prononcer sur un
avant-projet de loi, mais l'avant-projet de loi lui-même fait
référence à la Cour de bien-être social à
plusieurs occasions. Des droits lui sont reconnus, des pouvoirs d'intervention
jusqu'au coeur des centres d'accueil lui sont reconnus, des pouvoirs de
décision sur le traitement des jeunes lui sont carrément
affirmés à certains articles. Autre détail qui n'est pas
sans importance non plus, le huis clos des décisions de la Cour de
bien-être social est intrinsèquement maintenu dans le projet de
loi actuel. Je pense que les occasions, pour le conseil, de parler de la Cour
de bien-être social étaient déjà largement offertes
dans le projet de loi même et que vous n'auriez pas manqué
à votre mandat en donnant l'opinion du conseil sur le comportement de la
Cour de bien-être social actuelle.
Enfin, si vous n'avez mot à dire là-dessus, laissez-moi
vous dire que je le déplore parce que
j'aurais bien aimé avoir, du Conseil des affaires sociales et de
la famille, une opinion sur la Cour de bien-être social où qu'elle
soit.
M. Marier: Le conseil, dans sa lecture de l'avant-projet de loi,
n'a pas fait l'étude des cours de bien-être social actuelles. Il a
vu le tribunal dont il est fait mention dans la perspective de l'avant-projet
avec ses objectifs, ses déclarations de droit et l'esprit aussi qui,
dans l'avenir...
M. Charron: Oui, mais vous ne pouvez pas faire abstraction de ce
qui se passe dans le présent pour juger, pour proposer des solutions
pour l'avenir. Vous le faites à partir d'un comportement concret et je
ne peux pas croire que le Conseil des affaires sociales et de la famille ne
sait pas et n'a pas regardé ce qui se passe dans les cours de
bien-être social actuellement et ce qui s'y passe depuis des
années. Ce n'est pas un phénomène nouveau.
C'est pour cela que je me permets d'en... Je n'ai pas à vous
faire de reproches, mais je pense que je peux le déplorer, parce que
s'il est un organisme de qui j'aurais bien aimé avoir une opinion claire
et franche... parce que, je l'ai soutenu tout à l'heure, à
l'occasion, le conseil sait être clair et franc sur certains sujets. Par
exemple, quant à la politique de revenu minimum garanti, les remarques
que vous avez faites au ministre des Affaires sociales étaient claires.
Nous aurions bien aimé sur ce sujet... Parce que, écoutez, si on
discute simplement d'un avant-projet de loi, de ce qui peut être
amené à l'avenir sans que cette commission parle de la Cour du
bien-être social et des centres d'accueil, je le dis encore je
pense que le ministre des Affaires sociales a même renchéri
là-dessus en conclusion tout à l'heure si nous ne parlons
que de structures et que nous ne parlons pas de fonctionnement et d'esprit
à l'intérieur des structures, et l'esprit de la Cour du
bien-être social, je vous assure que c'en est tout un qui mérite
une attention particulière, nous ne parlons pas de la protection de la
jeunesse, c'est bien simple.
M. Forget: M. le Président, si vous me permettez
d'exprimer une remarque sur le même sujet, je crois qu'il ne faut pas
faire une interprétation plus large qu'il se doit de l'avis qui nous est
donné par le Conseil des affaires sociales et de la famille. Et ce, dans
le sens suivant. L'avis généralement favorable sauf deux
ou trois remarques qui sont faites quant à des améliorations
possibles porte sur la totalité de l'avant-projet. Or, cet
avant-projet contient des dispositions relatives au fonctionnement de la cour.
Je me permets de les énumérer de manière à
être bien sûr si, effectivement, sur ces points, il y a de la part
du conseil, un sentiment que ces éléments de solution sont
satisfaisants ou incomplets. Il existe une disposition dans l'avant-projet qui
demande à la cour de rendre des jugements motivés et une autre
série de dispositions qui permet l'appel des décisions. Pris
ensemble, ce sont deux remèdes qui, je pense, peuvent largement
contribuer à diminuer les problèmes de dénis de justice
apparents ou réels que le député de Saint-Jacques a
soulignés, puisque c'est un mécanisme d'usage bien connu que le
mécanisme d'appel sur des décisions motivées.
Il y a, en outre, sur le huit clos, un mécanisme de
contrôle de l'activité judiciaire, qui est de droit commun dans
tous les cas, une disposition, non pas le silence comme l'a laissé
entendre le député de Saint-Jacques, mais une disposition
permettant à la commission qui regroupe non seulement les
ministères, mais aussi le public intéressé à la
protection de la jeunesse, un moyen de reconnaître la possibilité
pour des personnes qui ont un intérêt public, à être
présentes à des auditions devant la cour, à y assister.
Donc, il y a une levée partielle du huis clos. Si on fait le total, nous
avons au moins, de mémoire, trois mesures qui sont de nature à
contribuer à une amélioration du fonctionnement de la cour.
Est-ce que le conseil, enfin... je pense que la question est presque superflue.
Mais je crois que le conseil, en donnant un avis positif, au moins, sauf
erreur, sur l'ensemble du projet, s'est également prononcé sur
ces trois mesures qui sont, à mon avis, significatives. Peut-être
y en a-t-il d'autres qui pourraient s'y ajouter? Je ne sais pas.
Peut-être que les représentants du conseil voudraient faire un
commentaire sur ce sujet.
M. Gourdeau: Le conseil avait déjà fait
connaître au ministre son avis sur le premier projet de loi qui a
été abandonné. Quand nous avons décidé de
présenter un mémoire sur le projet actuel, évidemment nous
n'avons pas eu le temps non plus de faire une étude exhaustive de toute
la question, mais nous avons étudié l'avant-projet de loi,
paragraphe par paragraphe. Nous en avons étudié l'esprit, nous
avons vu le progrès que cet avant-projet de loi marque sur ce qui
existait autrefois et nous n'avons pas fait de procès d'intention. Nous
jugeons que copie de la décision de la cour doit être rendue dans
tous les cas, qu'il y a droit d'appel, etc., et qu'il y a tellement de points
maintenant qui viennent protéger l'enfant, protéger ses parents
et protéger le public que nous n'avons pas fait de procès
d'intention.
Nous avons jugé que ces articles de l'avant-projet de loi
étaient bons, adéquats.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, l'avant-projet de
loi établit une distinction entre la protection sociale et la protection
judiciaire. Vous avez trouvé que c'était juste, raisonnable.
Mais vous avez aussi, dans un autre volet, demandé d'encourager
fortement la décentralisation des services de protection de la jeunesse,
en disant, par exemple: II y aura établissement, dans chacune des
régions, de comités locaux d'orientation, de surveillance, de
direction et même, vous ajoutez à cela que vous souhaitez
ardemment la participation du public à la protection de la jeunesse.
Vous avez fait un très grand pas, mais vous vous êtes
arrêtés en bon chemin. Quand vous avez parlé de
décentralisation, vous avez probablement
craint d'aller plus loin à cause du ministère des Affaires
sociales qui veut jouer un rôle très important.
Je voudrais que vous me disiez ce matin, si cela vous était
permis ou si c'était possible, en explicitant, d'une manière
particulière, que vous entendez par décentralisation. Est-ce que
ce ne serait pas le bout qui manque pour être la perfection, comme le
disait mon collègue d'Outremont tout à l'heure, une commission
complètement détachée qui gérerait
complètement l'application de l'avant-projet qu'on étudie.
Peut-être que c'est cela, peut-être que vous n'avez pas osé
le dire.
Mais quand vous parlez de décentralisation, je pense que tout le
monde vous suit. Il faudrait, par-dessus tout cela, les comités locaux
d'orientation, la surveillance et même, à la direction de la
protection de l'enfance, avoir la consultation du public. Mais le mot
"décentralisation", pour moi, dit beaucoup. Je vois, dans votre
comité d'étude du Conseil des affaires sociales et de la famille,
une inspiration qui pourrait peut-être aller plus loin. C'est pour cela
que je retrouve dans votre mémoire ce mot "décentralisation".
Est-ce que l'enfant ne serait pas mieux servi par une
décentralisation des pouvoirs politiques qui sont dans l'avant-projet de
loi et du ministre des Affaires sociales et du ministre de la Justice?
Est-ce que cette décentralisation n'apporterait pas des volets
nouveaux? Il serait utile que vous me disiez jusqu'où va votre
décentralisation.
Etant attaché définitivement à un ministère
ou à un autre, je pense qu'on n'atteindra pas les buts que tout le monde
recherche. Si vous demandez au public de fonctionner, si vous établissez
des comités régionaux, si vous établissez une certaine
collaboration fonctionnelle entre le ministère des Affaires sociales et
celui de la Justice, je pense que cette décentralisation ne pourra pas
se faire à cause d'un certain climat politique qui pourra
peut-être empêcher certaines réalisations.
Tandis que, si c'était une commission complètement
autonome, qui dépendrait peut-être, avec certains droits et
privilèges, de ces deux ministères, il y aurait un
dégagement total.
C'est pour cela qu'en 1945, quand on a établi les cours de
bien-être social, on a voulu complètement les mettre à part
de l'application de la justice en général; l'anonymat, le huis
clos et toutes ces choses ont été établis.
Je voudrais que vous m'expliquiez ce matin si le mot
"décentralisation", qui est dans votre mémoire, va
jusque-là.
M. Marier: M. le Président, je ne crois pas trahir les
opinions du conseil en disant que le conseil a considéré que ce
domaine de la protection de la jeunesse était une responsabilité
d'Etat. A cet égard, il faut que l'Etat en assume la
responsabilité, le fonctionnement, conformément aux règles
qui président à l'organisation démocratique qui est la
nôtre.
C'est pour cela que le conseil a jugé tout à fait normal
que les instruments que la loi prévoyait tombent sous la
responsabilité d'un ministre du gouvernement.
Le conseil a considéré que l'avant-projet de loi
comportait des éléments de décentralisation et de
participation de la part du public, d'abord au niveau de la composition de la
commission elle-même, ensuite au niveau de la composition du conseil de
surveillance et de chacun des comités locaux. Voici tout un lot
d'occasions de rapprocher les instruments de protection de la jeunesse des
différentes régions, des différentes localités et
le conseil a exprimé sa satisfaction de la solution qui était
avancée.
M. Bellemare (Johnson): Je me soumets, j'accepte de bonne
grâce l'explication que vous me donnez, mais je ne l'entérine pas,
parce que je ne vois pas, dans ce mot de la décentralisation...
D'ailleurs je pense que, comme mon collègue de Saint-Jacques l'a aussi
fait remarquer tout à l'heure, dans l'organisation des services de
bien-être social et de la nomination des juges, à la commission de
bien-être social, il pourrait peut-être y avoir un consensus
nouveau d'établi qui devrait penser aussi... Je respecte beaucoup les
avocats, j'ai beaucoup de respect pour ces maîtres qui ont la chance
d'être au Barreau, mais je pense qu'il y a peut-être, à
côté de ces messieurs, d'autres personnes extrêmement
qualifiées pour occuper des postes de président d'un tribunal de
bien-être social et qui pourraient avec avantage être mieux que
certaines nominations politiques.
Je pense que...
M. Choquette: D'autrefois.
M. Bellemare (Johnson): ... d'autrefois et encore aujourd'hui...
Vous avez perdu la mémoire depuis quelques jours. Sur cela aussi, mon
collègue a certainement raison de dire qu'il aurait fallu
qu'implicitement, ce qui n'est pas contenu dans votre mémoire, vous
donniez peut-être votre avis. Cela aurait été un document
bien important venant de l'autorité que vous représentez dans
l'élaboration de ce projet de loi.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président, je voulais savoir du Conseil
des affaires sociales et de la famille s'il s'est arrêté à
la définition des responsabilités, des devoirs et des pouvoirs
ainsi que des limites des pouvoirs de la famille en relation avec les
enfants.
Je pense que l'avant-projet de loi stipule très bien quels sont
les droits des enfants. Mais est-ce que vous croyez qu'il y aurait avantage
pour nous à insérer quand même une compréhension de
ces droits à l'intérieur des devoirs et des
responsabilités des parents ou de la famille?
M. Gourdeau: En fait, peut-être que M. Marier pourrait
répondre à cela. Nous avons actuellement un comité de la
famille qui travaille sur un avis à donner au ministre sur le tribunal
de la famille. Cette question est sur le point d'aboutir avec un avis du
conseil là-dessus. M. Marier, avez-vous quelque chose à
ajouter?
M. Marier: Dans toute l'étude que le conseil a faite, il a
essayé de situer les responsabilités à assumer dans le
secteur de la protection par rapport aux responsabilités qui sont
antérieures à celles-là. Evidemment, la première
responsabilité échoit à la famille qui a des fonctions de
protection à l'égard de l'enfant.
La société, historiquement, par ces organismes
communautaires, est intervenue pour épauler la famille dans ses
tâches de protection de l'enfant, soit par l'intermédiaire des
programmes d'éducation, soit par l'intermédiaire des programmes
des services sociaux qui existaient avant la Loi des services de santé
et des services de bien-être et qui étaient le produit de
l'initiative des communautés.
L'étude n'a donc pas nié ces responsabilités de la
famille, ni non plus des communautés locales, mais a vu la
nécessité d'une intervention de l'Etat et du développement
de services spéciaux de protection de la jeunesse tant au plan social
qu'au plan judiciaire.
M. Bonnier: Autrement dit, vous tenez pour acquis que c'est
déjà souligné ou spécifié à quelques
endroits. Ce n'est pas nécessaire pour nous de revenir sur ces
points.
M. Marier: C'est cela.
M. Bonnier: Un dernier point, M. le Président. Je voudrais
simplement savoir du conseil comment il réagit d'une façon
générale à cette structure qu'on mettra en place,
spécifiquement pour la protection de l'enfance. Vous êtes au
courant, évidemment, du fonctionnement de la loi 65, des multiples
agences de services sociaux et autres que nous avons, des interrelations
parfois difficiles entre ces différentes agences, entre le personnel de
ces agences, et du fait que les gens de la rue sont un peu perdus devant ces
structures. Ce qu'ils veulent, c'est un service. Est-ce que vous croyez que le
fait de mettre sur pied une autre structure assez importante, à partir
de la commission, celle de la protection et le reste, est-ce que vous croyez
que cela serait de nature à rendre un meilleur service ou
peut-être même à compliquer les interrelations entre les
services déjà existants et la population elle-même? Enfin,
c'est elle qu'on veut desservir au bout de la ligne.
M. Marier: M. le Président, le conseil a fait une option
et ne croit pas que cela va compliquer outre mesure les rapports avec les gens,
surtout si on pense que les conseils de surveillance ont, en vertu de la loi,
au plan des régions, des fonctions d'information auprès du
public, donc, déjà décentralisées, et que, si on se
fie à l'expérience qui est déjà faite dans le cadre
de la loi 78, déjà, les gens savent qu'ils peuvent, par un
numéro de télépone, requérir, rejoindre les
structures dont ils ont besoin. Ce que je viens de dire n'empêche pas
que, par rapport à tous les services gouvernementaux, il existe un
besoin d'information de la part du public qu'il faut continuer de satisfaire
par tous les moyens possibles.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Outremont.
M. Choquette: M. le Président, j'ai été
vivement intéressé par les propos du député de
Johnson et les questions qu'il a dirigées vers le Conseil des affaires
sociales et de la famille. La question qui semble être en suspens, c'est
de savoir si le projet de loi va assez loin sur le plan de la participation du
public au travail de la protection de la jeunesse. Je pense que les
comités locaux qui seraient institués par le projet de loi
devraient être de nature à permettre une participation du public
au niveau des décisions prises en matière de protection de la
jeunesse. Je me demande si on n'alourdit pas tout ce système par la
création de comités de surveillance régionaux, car tout le
monde semble être relativement d'accord pour dire qu'il faut une
commission de la protection de la jeunesse qui ait une large autonomie dans la
direction de ce domaine. Tout le monde semble également accepter
l'idée de comités locaux qui seraient constitués d'un
noyau provenant du ministère de la Justice, des Affaires sociales, avec
la participation et l'association de citoyens bénévoles ou
volontaires pour servir dans ces comités locaux.
Est-ce qu'on ne fait pas un peu trop de "struc-turite" et de
bureaucratie à vouloir instituer des comités de surveillance
régionaux?
Est-ce qu'on n'ajoute pas un palier inutile dans une matière
où les communications entre la commission de la protection de la
jeunesse et les comités locaux devraient et pourraient se faire
très directement et très simplement.
Donc, je pose la question. Pour ma part, i'ai l'impression qu'on a
ajouté quelque chose d'inutile. Encore une patente qui ne servira
à rien sinon à mêler les cartes. Pour ma part, je suis fort
enclin à demander aux honorables ministres responsables de cet
avant-projet de loi de supprimer ce palier intermédiaire qui agira un
peu comme la cinquième roue du chariot.
D'autre part, il y a aussi un autre facteur où je reconnais les
propensions bureaucratiques des personnes qui ont peut-être
été à l'origine de cet avant-projet de loi. C'est cette
fameuse direction de la protection de la jeunesse au sein des CSS. Encore une
autre patente, encore une autre catégorie qu'on crée, un petit
empire en préparation pour quelqu'un, dans chaque région. Dieu
sait que le dossier des CSS n'est pas plaidé dans l'opinion publique
d'une façon absolument convaincante. Les CSS demeurent encore une
expérience que beaucoup critiquent même dans tous les milieux. Je
ne dis pas qu'il faille conclure dès ce moment-ci que c'est un
échec, mais on peut se poser beaucoup de questions sur cette
stratégie gouvernementale qui a visé à réunir tous
les services sociaux sous un même toit, faire disparaître, en
somme, l'individualité et le caractère original de chaque oeuvre
sociale qui existait auparavant au Québec. J'ai l'impression qu'on
crée des tours de Babel, d'immenses monuments à la bureaucratie
et qu'on satisfait peut-être des planificateurs au ministère des
Affaires sociales mais sans rejoindre les problèmes réels des
gens.
C'est la raison pour laquelle, là encore, je pense que cette
direction de la protection de la jeunesse qu'on voudrait instituer dans ces CSS
ajouterait encore au fatras administratif qui va finir par étouffer les
initiatives et empêcher la solution réelle des
problèmes.
Donc, M. le Président, j'aimerais avoir l'avis du Conseil des
affaires sociales et de la famille qui, comme l'a dit le député
de Saint-Jacques avec beaucoup de conviction, a une liberté absolue de
penser sur ces questions par rapport au ministre des Affaires sociales.
M. Marier: M. le Président, le conseil a soumis un
mémoire. Ce que dit le conseil est le résultat du consensus de
ses membres. Il n'a pas pu anticiper toutes les questions que les membres de la
commission pourraient lui poser et, par conséquent, sur des questions
comme celle-ci, les consensus ne sont pas établis. Tout ce que le
président du conseil pourrait dire sur certaines questions, ce serait
son opinion personnelle. A ce moment-là, cela n'aurait que la valeur que
l'on accorde à son opinion personnelle. Est-ce que je peux donner mon
opinion personnelle?
M. Choquette: Sans doute.
M. Marier: Le conseil de surveillance, il me semble, n'est pas
une structure embarrassante mais l'indice ou le témoin de la
volonté inscrite dans l'avant-projet de loi du législateur
d'associer la population, au plan régional, à la supervision du
système. N'importe quelle administration gouvernementale, dans ses
fonctions, assume celle d'une certaine supervision. Dans ce cas-ci,
l'avant-projet de loi ne dit pas que ce sera un fonctionnaire qui assumera la
supervision, mais elle associe un certain nombre de personnes à
l'exercice de cette fonction administrative.
Je pense qu'il faut interpréter la désignation "conseil"
comme nécessaire pour préserver, par rapport à la
commission, l'unité de commandement.
Sur la direction de la protection de la jeunesse, je dirais qu'il s'agit
là d'une initiative heureuse parce qu'elle permet au système de
protection de la jeunesse de faire la jonction des services de protection
sociale, générale et des services sociaux. C'est une fonction
nécessaire, si l'on veut que, en considération des besoins de
l'enfant, tous les éléments trouvent leur application.
M. Choquette: J'ai noté votre avis, malgré que je
ne partage pas votre opinion.
Au cours de vos propos, vous avez mentionné, assez vaguement et
peut-être me suis-je trompé sur ce que vous vouliez dire, mais
vous pourrez clarifier ma compréhension... j'ai semblé comprendre
que vous préconisiez l'établissement d'une obligation juridique
ou légale de dénoncer des cas qui mériteraient la
protection sociale ou judiciaire, suivant le cas, pour des motifs autres que
ceux de mauvais traitements physiques, tel que cela a été retenu
par la Loi de la protection de la jeunesse qui a été
adoptée récemment.
Vous avez semblé, en somme, étendre l'obligation de
dénoncer tout cas d'enfant qui serait en péril ou en danger par
suite de son milieu social, familial, et vous avez proposé, si je vous
ai bien compris, une extension du principe de la dénonciation qui est
déjà contenu dans la loi précédemment
mentionnée par rapport avec de mauvais traitements physiques. Vous ai-je
bien saisi sur ce point?
M. Marier: II faudrait préciser. Dans la
présentation que j'ai faite du conseil et de ses travaux, j'ai
mentionné que le conseil avait opté pour l'obligation de la part
des gens qui sont au courant, à la fois des mauvais traitements ou des
mauvaises conditions de toute autre nature dont pourrait être victime
l'enfant, de dénoncer cette situation.
Dans le mémoire que le conseil vous a présenté,
toutefois, il n'est pas fait allusion, que je sache, à cette
disposition, de sorte que le conseil s'est rallié à la position
qui est exprimée dans l'avant-projet qui prévoit une obligation
dans le cas des mauvais traitements physiques et une invitation dans le cas des
mauvais traitements d'autres caractères.
M. Choquette: J'attire votre attention sur le grand danger
d'étendre l'obligation de dénoncer ce qui pourrait être ou
ce qui pourrait ne pas être des cas nécessitant la protection
sociale ou judiciaire.
Je crains beaucoup, pour ma part, si on étendait le principe
au-delà des mauvais traitements physiques, que l'on crée une
atmosphère générale de dénonciation, de
délation ou de suspicion sociale.
Tout le monde n'a pas les mêmes vues sur la façon
d'élever les enfants et il est trop facile d'ouvrir des portes de ce
genre pour que des voisins commencent à se dénoncer les uns les
autres.
Et c'est la raison pour laquelle, pour ma part, je me suis toujours
arrêté aux mauvais traitements physiques, c'est-à-dire aux
cas les plus graves, aux cas où on peut constater les effets des
sévices qui peuvent être imposés à des enfants. Et
d'ailleurs, je ne pense pas que vous puissiez trouver dans aucune loi
étrangère une obligation de dénonciation pour autre chose
que des mauvais traitements physiques.
D'ailleurs même cette obligation légale de dénoncer
des sévices imposés à des enfants est déjà
un principe qui va assez loin en soi, qui est une exception, compte tenu de la
situation précaire et de l'état, qui est souvent celui des
enfants, d'être sans défense vis-à-vis de leurs parents ou
de leurs gardiens qui peuvent leur imposer de mauvais traitements. Je crois
qu'il faut être prudent lorsqu'on s'avance sur cette voie et il faut
savoir arrêter à un moment, où on ne va pas trop loin.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Autres questions?
M. Gourdeau: M. le Président, même si, au
début, le conseil avait, dans ses documents de tra-
vail, proposé une dénonciation obligatoire pour toutes les
formes de sévices, à la suite d'autres réunions, à
la suite de l'étude de l'avant-projet de loi,il s'est rallié
à ce qu'il y a dans l'avant-projet de loi, à la
possibilité de dénonciation et à l'obligation, pour les
mauvais traitements physiques, et à la possibilité, pour les
autres.
M. Marier: Compte tenu des dangers évidents que vous avez
signalés, monsieur.
M. Choquette: II y a une dernière question, M. le
Président, si vous le permettez, c'est la question de la probation
juvénile sur laquelle j'aimerais avoir l'avis du conseil. Actuellement,
la probation juvénile est rassortie à la compétence du
ministère des Affaires sociales et il y a chez les membres de cette
profession, ceux qui font la probation juvénile, un désir, qui a
été exprimé très ouvertement récemment, de
voir leur compétence être attribuée au ministère de
la Justice. Je pense qu'il y a des arguments sérieux pour motiver un tel
changement. C'est que l'officier de probation juvénile, qui a comme
fonction de surveiller l'ordonnance de probation, fait appliquer en somme un
jugement qui a été rendu par un juge et, naturellement, ce juge
appartient plutôt au secteur judiciaire. Je sais qu'autrefois
c'était la situation, comme je l'ai mentionné au début de
mes remarques préliminaires; à un moment donné, la
probation juvénile a été transférée du
ministère de la Justice aux Affaires sociales et, aujourd'hui, je
m'interroge très sérieusement sur le mouvement qu'il faudrait
faire en sens inverse et qui me paraîtrait devoir correspondre avec plus
de netteté au partage nécessaire des fonctions entre la Justice
et les Affaires sociales.
M. Gourdeau: En fait, M. le Président, nous ne pouvons pas
répondre au nom du conseil. Nous ne pouvons pas donner un avis. Le
conseil ne s'est pas réuni pour répondre à la question du
ministre, mais cette question a déjà fait l'objet de discussions
dans nos travaux internes et c'est sûr qu'on a des opinions sur les
officiers de probation. Comme conseil, nous ne pouvons pas publier nos
documents internes aujourd'hui et c'est le ministre qui nous donne la
permission de les publier. Il faudrait faire une réunion du conseil pour
répondre à votre question.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Autres questions des
membres de la commission?
Alors, la commission suspend ses travaux à cet après-midi,
vers 4 heures.
M. Levesque: Est-ce qu'on peut dire immédiatement qui sera
appelé?
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le premier organisme
appelé sera la Ligue des droits de l'homme; viendront ensuite,
l'Association des centres de services sociaux du Québec, le Centre
international de criminologie comparée, l'Hôtel-Dieu du
Sacré-Coeur de Jésus, les Fédérations des unions de
familles Inc.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 4 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 39)
Reprise de la séance à 16 h 25
M. Houde, Limoilou (président de la commission conjointe de la
justice et des affaires sociales): A l'ordre, messieurs!
Voulez-vous reprendre vos sièges. J'invite immédiatement
les représentants de la Ligue des droits de l'homme. Auriez-vous
l'amabilité de vous présenter, s'il vous plaît?
Il nous reste cinq organismes à entendre. On va faire en sorte
que ce soit le plus rapidement possible. Il ne faudra pas qu'on en veuille aux
membres de la commission s'il y a un organisme qui ne peut pas se faire
entendre. On va faire tout notre possible pour que ce soit fait assez
rapidement.
La Ligue des droits de l'homme est représentée. Est-ce que
l'Association des centres de services sociaux du Québec est
représentée? Le Centre international de criminologie
comparée? L'Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur de Jésus, je
pense, n'est pas représenté ici. La Fédération des
unions de famille incorporée?
M. Charron: Oui.
La Ligue des droits de l'homme
Le Président (M. Houde, Limoilou): Nous allons
débuter immédiatement. Présentez-vous, s'il vous
plaît.
Mme Gobeil: M. le Président, MM. les ministres, MM. les
députés, vous me permettrez d'abord de présenter la
délégation de la ligue. A ma gauche, Mme Stella Guy, qui est
membre du comité exécutif de la ligue, et, à ma droite, M.
Jean-François Boulais, qui est secrétaire de la ligue et
également du comité exécutif de la ligue. Plusieurs de nos
collaborateurs n'ont pu se joindre à nous...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Vous-même,
Madame?
Mme Gobeil: Je suis Aline Gobeil de la permanence de la ligue,
j'y venais, monsieur.
Plusieurs de nos collaborateurs n'ont pu se joindre à nous,
étant retenus à Montréal par leurs activités
professionnelles. Je voudrais mentionner particulièrement Mme Lizette
Gervais, M. Guy Bourgeault, le Dr Raymond Boyer et Me Pierre Jasmin qui sont
membres du comité exécutif de la ligue, de même que Mme
Louise Gagné-Rébello qui, l'an dernier, fut responsable du
comité mis sur pied par la ligue pour venir en aide aux jeunes de
Berthelet, assignés à des prisons communes lors de la mise en
tutelle de l'institution, et également le directeur
général de la ligue, M. Normand Caron, qui n'entrera en fonctions
que le 1er décembre prochain.
Le mémoire que nous présentons aujourd'hui traite
exclusivement des questions qui sont de la compétence propre de la ligue
et pour lesquelles nous avons eu une expérience pertinente. J'aimerais
rappeler que, depuis quatre ans, la protection de la jeunesse fut l'un des
dossiers majeurs de la
ligue. Nous faisons d'ailleurs référence, dans ce
mémoire, à quelques-uns des engagements majeurs de la ligue dans
le domaine de la protection de la jeunesse. Je passe tout de suite au contenu
même de notre mémoire.
Nous traitons au chapitre premier des éléments essentiels
à une affirmation adéquate des droits de l'enfant.
Les problèmes vécus par les jeunes sont à ce point
nombreux et extrêmes que nous n'hésitons pas à affirmer
que, loin de recevoir l'aide dont ils ont besoin, ils comptent parmi ceux de
notre société dont les droits sont les plus ignorés et
bafoués. Réalité que nos modes d'intervention sociale et
judiciaire se sont révélés impuissants à
prévenir et à corriger.
Il nous apparaît indispensable que la protection de la jeunesse
s'inspire du respect des jeunes, en ne les considérant pas comme des
êtres faibles, des diminutifs d'adultes, mais comme un groupe de citoyens
qui ont leur personnalité et la maturité propre à leur
âge. Si ceux qui doivent administrer la protection de la jeunesse n'ont
pas comme premier objectif de rechercher en tout le développement
positif de la personne du jeune et du groupe social qu'il forme ainsi que de sa
personnalité juridique, les plus beaux systèmes de protection
échoueront.
La protection de la jeunesse est une tâche de service qui doit
avoir pour moteur le respect et la promotion des droits fondamentaux du jeune
en tant qu'il est une personne et un sujet de droit et à partir d'une
reconnaissance de ses besoins essentiels.
Nous sommes en mesure d'affirmer qu'à la base des injustices les
plus graves, on doit souvent admettre que c'est la notion même de droits
qui n'est pas reconnue aux jeunes:
Droit de prévenir leurs proches et de recourir aux services d'un
avocat lorsqu'ils sont arrêtés ou détenus;
Droit d'être traités avec humanité et avec le
respect dû à la personne humaine;
Droit d'être informés des motifs de leur arrestation et
détention;
Droit d'être assistés par un avocat devant tout
tribunal;
Droit de bénéficier d'un système d'éducation
qui favorise le plein épanouissement de leur personnalité, y
compris lorsqu'ils sont temporairement retirés d'un milieu familial
naturel;
Droit à des mesures spéciales de protection et d'aide.
Autant de droits qui ne sont pas reconnus dans les faits; comme en
témoignent les jeunes eux-mêmes.
A titre d'exemple, une jeune fille de quinze ans nous affirme avoir
été gardée en détention pendant plus de deux ans
sans savoir pourquoi alors qu'elle était confiée à une
institution pour sa protection, où elle fut gardée dans un
complet isolement pendant plusieurs semaines, où elle ne put poursuivre
ses études parce que tout ce que l'institution offrait, c'étaient
des cours de couture, etc., et nous en passons.
Droit à des conditions de vie et de développement se
rapprochant le plus de celle d'un milieu familial normal, alors que, faute de
ressources, de plus en plus de jeunes sont incarcérés dans des
prisons communes qui ne sont pas équipées pour les recevoir,
encore moins pour aider les jeunes en difficulté.
On retrouve au Québec près de la moitié des enfants
qui sont placés en foyers nourriciers pour tout le Canada et leur
situation s'avère souvent pire que leur situation familiale
d'origine.
Nos milieux de protection et d'hébergement ne sont pas soumis au
minimum de contrôle qu'on devrait en attendre et ils sont aussi le plus
souvent dépourvus des ressources qui leur permettraient de fonctionner
normalement.
Droit à la liberté d'expression, à la vie
privée et à l'exercice de leurs droits sans distinction
fondée sur la race, la couleur, le sexe, les convictions politiques, la
tenue vestimentaire et physique, la condition sociale...
Comment attendre des jeunes qu'ils adhèrent à un milieu
social et qu'ils respectent ses valeurs à leur mérite si ce
même milieu les rejette comme personnes en refusant de leur consentir les
droits les plus élémentaires?
Aussi, avant même de s'orienter vers de nouveaux mécanismes
d'intervention, faut-il poser le problème à sa racine, savoir
quelle est la conception que l'on se fera des droits des jeunes dans
l'édifice d'une nouvelle loi et de services à créer.
De cette approche, dépend largement le développement
positif de la personne du jeune et du groupe social auquel il appartient en
raison de son âge.
La ligue a toujours soutenu que l'enfant devait jouir de droits
fondamentaux, égaux à ceux des adultes, à l'exception de
ceux qui ne sauraient lui être consentis en raison de son âge. Dans
le projet de charte des droits qu'elle publiait en 1973, la ligue proposait une
formulation qui pouvait se lire comme suit: "Les enfants et les adolescents, en
tant que personnes, ont des droits fondamentaux égaux à ceux des
adultes. Ils doivent être considérés et
protégés de telle manière que cette égalité
de droit soit toujours garantie dans les faits et en tenant compte du
développement de leur qualité de citoyen".
On peut lire, en préambule du projet de loi concernant les jeunes
qui ont des démêlés avec la justice, un texte de même
inspiration: "Les jeunes jouissent des mêmes libertés et droits
fondamentaux que les adultes; ils ont droit à des mesures
spéciales de protection et d'aide pour la sauvegarde de ces droits et
libertés, et pour le respect des principes énoncés dans la
déclaration canadienne des droits ou ailleurs"; et le projet de loi
fédéral énonce un certain nombre de droits qui
découlent de ce postulat. L'énumération proposée
d'ailleurs n'est pas limitative.
A l'instar de l'avant-projet de loi fédéral, nous posons
comme postulat de base, l'importance primordiale de reconnaître aux
jeunes des droits fondamentaux égaux à ceux des adultes, et
sans
pour autant restreindre la portée de cette orientation, la ligue
situe cependant cette approche dans une perspective évolutive.
Nous mettons en garde ce gouvernement contre son empressement à
déclarer les droits dans des phrases ronflantes qui seront vidées
de leur contenu dans la réalité quotidienne.
Trop souvent, la pauvreté de nos ressources fait échec
à une reconnaissance dans les faits des droits de l'enfant.
Par exemple, citons le cas d'une jeune fille dont la détention
clairement illégale dans une institution de la région de
Montréal permettait d'envisager une procédure d'habeas corpus.
Les représentants de l'enfant rejetèrent cette solution juridique
pour le motif que sa libération acquise, l'enfant n'aurait eu aucun toit
où demeurer et se serait trouvé ainsi, dans une situation pire,
en somme, que celle qu'on voulait corriger.
Relativement au chapitre 2 de l'avant-projet de loi, nous sommes
satisfaits de la rédaction de l'article 3 qui reconnaît que le
milieu familial est le plus apte à assurer le développement de
l'enfant. Nous recommandons, par ailleurs, que le droit de l'enfant à
l'éducation soit inscrit dans la loi pour que l'on cesse de
dé-scolariser en pratique les enfants retirés de leur milieu
familial. Nous demandons que l'article 6 de l'avant-projet de loi soit
modifié en ajoutant après le deuxième paragraphe, le
paragraphe suivant, je cite-. "Les institutions doivent informer les parents et
les enfants des règles internes les concernant."
Nous demandons que l'article 9 de l'avant-projet soit modifié
comme suit: "Les centres et familles d'accueil doivent respecter le droit des
enfants d'utiliser en toute confidentialité les divers moyens de
communication et doivent rendre ces moyens accessibles aux enfants qu'ils
hébergent." Dans sa rédaction projetée, l'article 9
impose, à notre avis, une restriction injustifiée au droit de
l'enfant à communiquer par courrier ou autrement.
Nous demandons que soit énoncé le droit de l'enfant
à recevoir une explication des décisions prises à son
sujet et qu'une disposition en ce sens soit ajoutée au chapitre 2. Nous
demandons que soit introduite dans le texte de loi la disposition suivante: Le
premier paragraphe est le texte que j'ai cité tout à l'heure,
comme faisant partie du premier dossier-charte de la ligue de 1973. Je vous le
répète: "Les enfants et les adolescents en tant que personnes ont
les droits fondamentaux égaux à ceux des adultes. Ils doivent
être considérés et protégés de telle
manière que cette égalité de droit soit toujours garantie
dans les faits et en tenant compte du développement de leur
qualité de citoyen. Ils jouissent notamment des droits
énoncés dans la Charte des droits et libertés de la
personne sauf disposition expresse contraire d'une autre loi."
Nous demandons enfin que toutes les dispositions consacrant les droits
des jeunes soient intégrées dans le cadre même de la loi et
qu'en conséquence, l'alinéa premier du préambule soit
reporté au chapitre 2 de la loi, de même que l'alinéa
quatrième, lesquels pourraient se lire comme suit: "Tout enfant a droit
à la protection, à l'attention, à la
sécurité et au respect que doivent lui apporter sa famille ou les
personnes qui en tiennent lieu. Tout enfant a droit, en pleine
égalité, à une audition impartiale par un tribunal
indépendant et qui ne soit pas préjugé."
Nous insistons pour que le législateur prenne en sérieuse
considération les recommandations que nous lui soumettons pour une
reconnaissance des droits de l'enfant.
Nous ajoutons que dans les faits, la reconnaissance des droits des
jeunes est liée aux structures administratives et au mode
d'administration de la justice pour les jeunes. Il dépendra de la
qualité des mécanismes d'accueil, d'évaluation et de
relance des situations inscrits dans la loi que les droits de l'enfant soient
reconnus et développés comme tels au Québec. A cet
égard, l'analyse de l'avant-projet nous force à conclure à
son insuffisance. Le projet porte la marque des réticences de
l'administration réfractaire à toute perte de pouvoir.
En ce qui concerne particulièrement la commission provinciale,
une approche globale du problème nécessite, d'après nous,
que les ministères de la Justice et des Affaires sociales acceptent
franchement de se départir de certaines de leurs prérogatives
traditionnelles pour les confier à un organisme indépendant.
Nous sommes en face d'une législation qui doit reposer sur la
conjugaison de l'intervention sociale et de la protection judiciaire. Une chose
est de nous donner des moyens d'enquête, de poursuite et de protection au
plan du "due process", une autre est de prévenir la
détérioration des milieux de vie de l'enfant, d'aider les
familles et de mettre en oeuvre les ressources nécessaires à la
protection sociale de la jeunesse. Les deux choses doivent se faire, pourtant,
en étroite collaboration. . .
Les motifs pour la création d une commission indépendante
tiennent aux fonctions urgentes et spécifiques qui doivent être
exercées par une administration de la protection de la jeunesse. Ce sont
notamment les fonctions suivantes: L'élaboration d'une philosophie
sociale et juridique de la protection de la jeunesse; les programmes de
prévention et de traitement; l'aide à la famille; l'organisation
locale des services communautaires appropriés; la coordination entre les
Affaires sociales, la Justice, l'Education et le Travail; la coordination entre
les professions et les fonctions multidisciplinaires; le service des
enquêtes; le rôle et le fonctionnement de la cour; l'administration
de la loi de la protection de la jeunesse et de la loi des jeunes
délinquants; la coordination des milieux d'hébergement temporaire
et prolongé hors de la famille; les services d'information et de
recherche.
A ces fonctions, il faut ajouter d'autres pôles à moyen
terme. Par exemple, l'importance de l'attention à la jeunesse dans notre
société; les répercussions du système de protection
de la jeunesse sur la criminalité et la délinquance au
Québec; l'utilisation des ressources communautaires et locales;
l'attention sociale qu'il faut accorder aux milieux
défavorisés.
Enfin, toutes ces raisons fondaient la recommandation que nous faisions
au gouvernement, au sujet du projet de loi 65. Nous demandions, en 1972, une
législation d'ensemble, visant particulièrement à mettre
sur pied une commission provinciale de la protection de la jeunesse, groupant
des personnes identifiées aux Affaires sociales, à
l'administration de la Justice, à l'Education et au Travail, et
reliées au gouvernement d'une manière semblable à celle du
bureau du Protecteur du citoyen.
Nous retrouvons un bon écho de cette recommandation dans
l'avant-projet de loi. Cependant, la commission, dans sa forme projetée,
est trop dépendante des ministères.
D'autres mémoires développeront sans doute les
modalités par lesquelles la commission provinciale acquerrait les
pouvoirs nécessaires pour devenir le véritable maître
d'oeuvre de la protection de la jeunesse.
Nous tenons, pour notre part, à signaler qu'il est essentiel
d'associer le ministère de l'Education à cette tâche.
Nous nous sommes intéressés également au rôle
du comité local d'orientation. Le projet de loi prévoit un
mécanisme qui a pour fonction d'évaluer les cas aux fins de
déterminer l'opportunité qu'ils soient ou non portés
à la cour. C'est l'une de ses fonctions majeures, d'ailleurs.
Si, dans les cas de protection, la juridiction du comité local
d'orientation semble complète, en matière de délinquance,
sa juridiction est considérablement réduite. Nous estimons qu'en
pratique elle sera inexistante.
La véritable déjudiciarisation doit s'effectuer autant
dans les cas dits de délinquance que dans les autres cas, et c'est
pourquoi nous suggérons d'attribuer au CLO l'autorité
complète de déterminer les cas qui seront éventuellement
traduits en justice.
Ceci n'implique pas que les citoyens insatisfaits des mesures
suggérées par le CLO ne pourront s'adresser à la cour.
Ceci implique cependant que le procureur général ou son substitut
soumette à l'autorité du CLO l'exercice du pouvoir d'entamer des
procédures.
Nous proposons aussi en remplacement de l'article 59 le texte suivant
que je cite: "Aucune dénonciation ne peut être portée sans
l'autorisation du procureur général ou de son substitut contre un
enfant. "Avant d'autoriser le dépôt d'une dénonciation, le
procureur général ou son substitut doit demander l'avis du
comité local d'orientation. "Si le comité local d'orientation
décide de ne pas suggérer le dépôt de la
dénonciation, le procureur général n'autorise pas ce
dépôt."
Nous invoquons plusieurs motifs à l'appui de cette proposition.
D'une part, la décision de poursuivre l'enfant ou non devant la cour ne
doit pas être évaluée uniquement en fonction du
critère d'intérêt public, mais également en tenant
compte de l'intérêt de l'enfant. Or, personne ne contestera que la
fonction du procureur général le destine à
considérer l'intérêt public uniquement.
D'autre part, nous sommes d'avis que des personnes ne possédant
qu'une formation juridique ne sont pas de soi qualifiées pour exercer
pleinement la discrétion qui a toujours été dévolue
au procureur général.
Une équipe multidisciplinaire nous apparaît plus apte
à tenir compte des intérêts en cause.
Et nous tenons aussi à souligner que les centres locaux
d'orientation doivent être intégrés au milieu de vie des
jeunes dont ils auront à s'occuper.
L'intervention de l'Etat dans le domaine de la protection de la jeunesse
doit passer par des structures d'accueil et d'intervention
intégrées au milieu qu'elles doivent servir et être
à même d'utiliser les ressources communautaires.
On peut ici se fonder sur l'expérience de plusieurs pays qui font
figure de précurseurs dans le domaine de la protection de la
jeunesse.
Ainsi, la Suède, qui institue un comité local de
protection de la jeunesse pour chacune des communes du territoire, au nombre
d'un peu plus de 1,000, dont certaines ne desservent qu'un bassin de population
de 1,000 habitants, et le Danemark qui, au chapitre premier de sa loi de 1964,
associe les associations volontaires et les garderies à la protection et
à l'aide à la jeunesse, en leur garantissant le support de
l'Etat.
Enfin, nous entendons traiter d'une question primordiale, à
savoir, l'ouverture des tribunaux pour enfants au public.
Nous croyons être particulièrement bien placés pour
réclamer qu'enfin on ouvre la Cour de bien-être social aux yeux du
public pour que lumière soit faite sur les injustices criantes que
d'autres avant nous ont décrites, injustices que la consigne du silence
continue de couvrir. Nous sommes convaincus que la situation n'aurait jamais
dégénéré à ce point si les media
d'information avaient été présents.
L'administration de la justice doit être publique. Des
siècles d'histoire ont largement démontré que le
caractère public du procès était la garantie du droit
fondamental à une justice impartiale.
En raison de sa connaissance du domaine des droits de l'homme, en raison
de son expérience aussi de l'administration de la justice, la Ligue des
droits de l'homme s'oppose fermement à ce que l'on inverse cette
règle fondamentale à la sauvegarde des droits de la personne.
Il nous faut rappeler que, lorsque la règle du huis clos est
venue s'imposer aux cours pour jeunes, c'était dans le but
d'empêcher l'exploitation indue des affaires judiciaires dans lesquelles
les jeunes pouvaient être impliqués, et non pas pour
empêcher le public de savoir que justice était rendue dans les
tribunaux pour enfants.
En conséquence, nous proposons de modifier les articles 83 et 84
de l'avant-projet de loi et nous proposons en remplacement le nouvel article 83
que je vous lis:
Les procédures sont publiques. Lorsque le juge estime qu'il est
dans le meilleur intérêt de l'enfant dont le cas fait l'objet
des
procédures ou d'un enfant qui s'y présente comme
témoin, il peut exclure le public ou toute personne dont il estime que
la présence pourrait nuire à la conduite des procédures,
sauf a)le procureur général ou son substitut; b) l'enfant et son
procureur, ses père et mère et toute autre personne qui en tienne
lieu; c)un membre de la commission. Troisième alinéa. Le juge
doit exclure le public à la demande de l'enfant, de ses parents ou de
ceux qui en tiennent lieu.
Lorsque le public est exclu en vertu des présentes dispositions,
le tribunal en fait consigner les raisons par écrit.
Nul ne peut, sans l'autorisation de la cour, rendre public quoi que ce
soit qui révèle le nom d'un enfant dont le cas est
étudié par la cour ou qui est susceptible de l'être ou qui
est cité comme témoin dans des procédures, ou le nom de
ses parents, ni aucune information permettant de les identifier.
Nous croyons que l'article 83 de l'avant-projet de loi est
inadéquat et à certains égards inopérant. En effet,
même si en vertu du troisième alinéa, des journalistes ou
d'autres personnes pouvaient être admis devant le tribunal, leur
présence serait à toutes fins pratiques inutile puisque, au
premier alinéa, il est stipulé que l'enquête a lieu "sans
publicité". C'est consacrer une pratique trop longtemps
tolérée au Québec et qui a cours bien que nos lois
actuelles, loin de prohiber l'accès des journalistes, se limitent
à interdire que soit révélée l'identité des
mineurs délinquants et de leur famille. L'expérience a largement
démontré que loin de protéger l'enfant, cette pratique a
pour effet de soustraire à la vigilance du public et de la presse un
secteur de l'administration de la justice dont les déficiences appellent
au contraire la plus grande vigilance.
D'autre part, nous sommes en accord avec la première partie du
troisième alinéa de l'article 83 qui permet l'admission à
l'audition de tout membre de la commission qui en fait la demande. Cependant,
nous croyons que le fait, pour des journalistes, d'aller requérir une
autorisation de la commission pour assister aux séances du tribunal,
aurait pour conséquence de soumettre le tribunal à la commission
et, à la limite, de soumettre la presse et l'information du public
à la commission.
En effet, contrairement à l'intention même du
législateur, il serait possible que la commission établisse, si
elle le désire, une politique de non-accès systématique
à la cour.
Troisièmement, nous sommes en accord avec l'esprit de l'article
84, mais nous désirons en étendre la portée. Dans sa
rédaction projetée, l'article protège l'enfant dont le cas
est étudié par la cour. Il oublie cependant de protéger
l'enfant pendant le laps de temps qui précède l'étude de
son cas par le tribunal. Nous voulons éviter, par exemple, que soient
publiées des informations pouvant révéler le nom d'un
enfant, victime d'un acte criminel ou soupçonné d'en être
inculpé, en tout temps, que la cour ait été ou non saisie
du cas.
Nous croyons cependant qu'il y a des cas où il va de
l'intérêt public ou de l'intérêt de l'enfant que le
nom soit publié de même que toute information permettant de
l'identifier. Le législateur doit laisser à la cour le soin
d'évaluer ces cas. C'est le sens qu'il faut donner au dernier
alinéa de l'article que nous proposons en remplacement de l'article
83.
Enfin, parmi les lacunes importantes de l'avant-projet de loi, nous ne
pouvons ignorer que ce dernier propose, à l'article 55 b), de
perpétuer une situation qu'il nous faut dénoncer et dont nous
avons pu mesurer toutes les conséquences en termes de droit, à
savoir la détention des jeunes dans des établissements de
détention pour adultes. Pareille solution ne peut, en aucun cas, assurer
à l'enfant les soins, l'aide et le traitement auxquels il a droit. Qu'il
ait "commis ou qu'il soit soupçonné d'avoir commis un crime qui,
s'il avait été commis par un adulte, aurait pu entraîner
trois années de détention ou plus", ne modifie en rien son droit
à recevoir un traitement approprié à son âge et
l'aide et la protection d'un milieu apte à répondre à ses
besoins spécifiques. Au contraire.
Confier des jeunes à des institutions de détention pour
adultes, c'est permettre que les jeunes soient en contact avec un personnel non
habilité à s'occuper d'eux, c'est permettre qu'ils soient
privés d'activités propres à leur âge, c'est ouvrir
la porte à tous les abus qui découlent de ce que ces institutions
n'ont pas été conçues pour s'occuper de jeunes et
d'enfants. Notre expérience sur ce point est très pertinente.
Il faut rappeler que, lors de la mise en tutelle de Berthelet l'hiver
dernier, la Ligue des droits de l'homme institua un comité d'urgence
pour venir en aide aux jeunes qui avaient été placés en
milieu de détention adulte. Quarante-cinq jeunes pensionnaires furent
alors visités par des représentants de la ligue dans sept prisons
du Québec. Nous croyons utile de reproduire ici le texte que, il y a un
an, nous communiquions sur cette expérience: "La visite des 45 jeunes
qui se trouvaient dans les prisons durant la fin de semaine du 1er
décembre a démontré une fois de plus que ces institutions
ne sont pas équipées pour recevoir, encore moins pour aider, les
jeunes en difficulté. Il est vrai que ces jeunes sont isolés des
détenus ou prévenus adultes. Cependant, le personnel et les
locaux disponibles ne sont pas équipés pour organiser toute
activité permettant la réinsertion sociale. "Les jeunes de
Berthelet ont vécu ces conditions carcérales pendant plus de deux
semaines. Au moment où le comité les a visités, les jeunes
ont témoigné d'une vive insécurité. Certains
affirmaient ne pas savoir pourquoi ils étaient là et ignorer tout
du sort qu'on leur réservait. A l'occasion de ces visites, le
comité a rencontré, parmi ces jeunes, des individus qui
étaient détenus en institution en vertu d'un article de
"protection" de la cour. Le comité a d'ailleurs été
étonné du nombre d'autres mineurs que ceux provenant de Berthelet
qui se trouvaient en prison à la suite d'un jugement de la Cour de
bien-être social".
Les institutions ne possédaient même pas les dossiers des
enfants dont ils avaient la garde. Ceci se passe de commentaire.
Considérant que la qua-
lité du traitement des enfants en milieu adulte est loin
d'être en voie de s'améliorer, au contraire, nous croyons que
seule une interdiction absolue d'incarcérer un enfant dans un lieu
tombant sous la juridiction de la loi sur la probation et les
établissements de détention est de nature à provoquer un
règlement satisfaisant de la situation.
En conclusion, je me contenterai de vous référer à
la description que nous faisions de l'état du dossier de la protection
de la jeunesse il y a trois ans, en 1972. Nous croyons que cette situation,
après trois ans, est toujours à peu près la
même.
Par exemple, je vous réfère à la page trois de
notre mémoire de 1972. "La protection de la jeunesse au Québec
est dans un état pitoyable en soi et par comparaison à
l'évolution qui s'est produite dans de nombreux pays au cours des
dernières années. Des enfants, par centaines, sont battus au
point d'avoir des membres brisés. Un plus grand nombre encore vivent
dans des conditions familiales qui détruisent chaque jour leur
santé et leur sécurité affective et mentale. D'autres sont
victimes de procédures administratives discriminatoires de toutes
sortes, comme le fait pour un enfant qui récidive de se retrouver un
mois ou plus en détention, parce que le juge qui lui est assigné
est en vacances. "Plusieurs sont traduits devant la cour inutilement. La
situation que vivent les jeunes quand ils se retrouvent dans les postes de
police est souvent lamentable. D'autres sont retirés de leur famille
pour être soi-disant protégés, alors qu'en fait, ils sont
placés dans des conditions d'hébergement obligatoire plus
dégradantes encore. "Les familles ne reçoivent pas l'aide
qu'elles devraient recevoir pour exercer leurs droits et leurs obligations et
respecter ceux des jeunes. La prévention et les traitements demeurent
presque ignorés. Nos écoles de protection et nos milieux
d'hébergement obligatoire sont dépourvus des ressources qui leur
permettraient de fonctionner normalement. Ils ne sont pas soumis au minimum de
contrôle qu'on devrait en attendre. Soulignons en particulier la
situation des enfants placés en foyer nourricier qui, dans de nombreux
cas, s'avère pire que la situation familiale d'origine. "On sait surtout
qu'on retrouve au Québec près de la moitié des enfants qui
sont placés en foyer nourricier pour tout le Canada. La cour, enfin,
n'est pas située dans son véritable contexte et demeure par trop
inadaptée à la réalité qu'elle doit servir. "Dans
la plupart des secteurs, l'insuffisance des ressources est chronique. Il
n'existe pas de coordination appropriée au plan provincial des
différents services et institutions."
Nous sommes à votre disposition pour répondre à
toutes les questions que vous voudrez bien nous poser.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre
des Affaires sociales.
M. Forget: Merci. J'aimerais remercier le groupe qui vient de
s'exprimer pour son mémoire fort détaillé et très
intéressant. J'aimerais prendre quelques instants pour tenter de
préciser certaines notions qu'on retrouve dans ce mémoire, sans
prétendre être complet, encore une fois, puisque le mémoire
touche plusieurs aspects soit de la situation actuelle, soit de l'avant-projet
de loi.
Malgré tout, dans sa première partie, le mémoire
base sa préoccupation, d'ailleurs bien connue, pour les droits
fondamentaux de l'enfant en particulier, sur des recommandations qui auraient
pour effet de faire inscrire dans un projet de loi, dans une loi de la
protection de la jeunesse, des protections qui feraient défaut à
l'heure actuelle.
Je crois qu'il serait très approprié d'essayer de
préciser quels sont ces droits puisque le projet dont il est question
s'insère dans un ensemble de mesures législatives. Il ne peut
évidemment pas être considéré dans un vide, dans un
désert législatif, mais, au contraire, prend tout son sens dans
le contexte que lui fournit en particulier la charte des droits et des
libertés fondamentales de la personne et, d'autre part, le Code
civil.
Je sais que, sur le plan du Code civil, on parle aussi d'un projet, du
moins, je m'en réfère aux recommandations formulées par
l'Office de révision du Code civil. Mais déjà,
malgré tout, dans la charte, on retrouve un certain nombre
d'énoncés de nature très générale qui,
à première vue du moins, semblent de nature à rassurer un
groupe tel que la Ligue des droits de l'homme.
A l'article 39, par exemple, on dit: "Tout enfant a droit à la
protection, à la sécurité et à l'attention que
doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu".
A l'article 40, on consacre le droit à une éducation
publique gratuite et, dans les articles subséquents, on précise
ces notions. Aux articles 29 à 34, il y a un certain nombre de droits
qui sont spécifiés relativement à l'arrestation, l'habeas
corpus, le droit à être représenté par un avocat
devant les cours de justice. Enfin, à l'article 51, on retrouve une
stipulation d'interprétation qui nous permet de donner tous leurs sens
à tous les autres articles de la loi, à défaut d'une
stipulation contraire expresse, dans une autre loi.
On retrouve, en plus, dans I'avant-projet un certain nombre de droits
plus spécifiques reliés à la protection de la jeunesse;
des droits qui sont mis en oeuvre à l'occasion d'une intervention,
puisqu'il y a des situations d'exception. On prend soin de préciser le
sens des droits fondamentaux dans des circonstances exceptionnelles comme
celles-là.
Je me pose la question: Est-ce que, à la lumière de tout
cela, il n'apparaît pas que cette préoccupation, d'ailleurs tout
à fait légitime, trouve des réponses appropriées
dans tous ces textes? J'ai mentionné, en passant, des recommandations de
l'Office de révision du Code civil, mais je crois que ceux qui sont
familiers avec ces travaux je ne doute pas que la ligue le soit
savent combien l'Office de révision a suggéré qu'on mette
de l'importance, qu'on place de l'importance sur certains énoncés
de droits fondamentaux relativement au chapitre sur le droit des personnes.
Ma question est: De quelle façon précise
suggérez-vous que cet ensemble d'affirmations de droits fondamentaux
soit complété?
Mme Gobeil: Je peux commencer à vous répondre et
mes collaborateurs pourront compléter. Nous faisons
référence, dans ce mémoire, à l'avant-projet de loi
fédéral concernant les enfants qui ont des
démêlés avec la justice. De la même façon que
la déclaration canadienne des droits, à ce que je sache,
s'applique à tous les citoyens canadiens, quel que soit leur âge,
le législateur fédéral a quand même cru bon
d'inclure dans son projet de loi une disposition précisant clairement
que les enfants avaient des droits fondamentaux égaux à ceux des
adultes. C'est en préambule de l'avant-projet de loi
fédéral.
On peut supposer qu'on n'a pas mis cette disposition pour rien, qu'il y
avait quand même des motifs assez précis. Pour ce qui est des
références que vous faisiez, nous pouvons dire que nos motifs
pour introduire cette disposition sont doubles.
D'une part, nous y voyons bien sûr nous avons eu l'occasion
devant d'autres commissions parlementaires d'expliciter longuement sur cet
aspect des perspectives pédagogiques intéressantes. Je
pense qu'il peut être intéressant qu'une disposition comme
celle-là soit inscrite vraiment pour des motifs d'ordre
pédagogique; mais, par ailleurs, nous voyons aussi d'autres motifs.
C'est que nous constatons nous l'avons fait largement dans notre
mémoire que ces droits qui sont pourtant garantis à la
personne par la Loi sur les droits et libertés de la personne et qui
sont garantis d'ailleurs en vertu bien souvent des principes même de
notre droit, du droit criminel et de tout l'héritage que nous avons eu
depuis des siècles, ces droits ne sont pas respectés dans les
faits lorsqu'il s'agit des enfants. Je pense qu'il s'agit là d'un fait
que le législateur doit vraiment prendre en considération.
Deuxièmement, pour ce qui est de la charte des droits et
libertés de la personne, à l'article 10, cette charte dit bien
que toute personne a droit à l'exercice complet des libertés et
droits énoncés dans la charte et même des droits qui
existaient et qui ne sont peut-être pas énumérés
dans cette charte, mais qui existaient au moment de l'entrée en vigueur
de la charte, sans distinction fondée sur la race, le sexe, etc., mais
l'âge n'est pas mentionné comme un des motifs de distinction,
préférence ou exclusion prohibée.
Aussi, on peut prétendre que les enfants, même s'ils sont
en tant que personnes, normalement assujettis et couverts par la Loi sur les
droits et les libertés de la personne, ne sont pas, par ailleurs, aussi
protégés que le sont les Noirs, les femmes ou tout autre groupes
auxquels la loi 50 fait directement référence à l'article
10.
Vous mentionnez ce droit à l'éducation qui est reconnu
dans la charte des droits et libertés de la personne. Vous savez qu'il
est reconnu ailleurs également. Dans la Loi du ministère de
l'Education, en préambule, on le mentionne. Nous le citons ici: "Tout
enfant a droit de bénéficier d'un système
d'éducation qui puisse favoriser le plein épanouissement de sa
personnalité." Je cite dans le texte. Par ailleurs, on sait aussi que
dans les faits, dans nos institutions au Québec, ce droit à
l'éducation n'est pas protégé. Ce qu'il arrive, c'est
qu'on applique ce droit, bien sûr, à un enfant qui est
placé dans une situation normale, dans sa famille normale et lorsqu'il a
accès au réseau d'institutions. A partir du moment où il
est placé en institution, on se trouve à limiter et à lui
nier carrément ce droit à l'éducation qui est pourtant
garanti comme principe. Comme il s'agit ici d'une loi de protection, on ne doit
pas oublier qu'il s'agit d'abord d'une loi de protection, nous croyons qu'il
est essentiel que l'on mette fin à ce déni de droit vraiment,
pour ce qui est des enfants placés en institution, que ce soient des cas
de protection ou que ce soient des cas de délinquance.
M. Forget: Je vous remercie. Je suis porté à
être d'accord avec vous qu'il faut faire une grande distinction entre le
droit et les faits, et que l'affirmation de tous ces droits que l'on retrouve
déjà d'ailleurs dans certains textes, comme vous l'avez soutenu,
n'est pas une garantie, si elle ne s'accompagne pas d'autres mesures qui seront
respectées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le fait que ces
droits ne sont pas toujours respectés, n'est pas en soi un argument pour
les répéter une deuxième ou une troisième fois
s'ils le sont déjà dans d'autres textes. Je suis, malgré
tout, sensible à la notion qu'il faut qu'un enfant soit traité au
moins aussi favorablement qu'un adulte.
Pour ce qui est d'une autre recommandation, relative aux communications,
nous avons déjà eu ce matin, comme vous le savez sans doute, des
représentations à cet égard. Je soupçonne qu'il y a
là un sujet sur lequel plusieurs groupes vont s'exprimer. Vous faites
une recommandation extrêmement large voulant que tout enfant doit
utiliser en toute confidentialité les moyens de communications. Ainsi
exprimé, cela suppose que vous êtes en désaccord sur la
distinction qui est faite dans le texte, à l'effet de privilégier
les communications de l'enfant vers d'autres personnes, de préserver ce
droit on nous a suggéré ce matin même des exceptions
à ce droit mais d'aller au-delà de cela et de traiter sur
le même pied les communications reçues par l'enfant venant
d'autres personnes, le courrier qu'il reçoit, en termes très
concrets, et pas seulement le courrier qu'il expédie lui-même
à d'autres.
Est-ce que vous avez considéré les objections qui sont
formulées parfois par des personnes qui s'occupent de ces enfants,
enfants qui sont retirés de leur milieu familial
présumément parfois, au moins, pour des raisons valables? Je
pense qu'il faut considérer l'hypothèse où les raisons
sont valables. Si les raisons ne sont pas valables, ce n'est pas une question
de courrier ou de communication, c'est une question de mauvais placement, de
mauvaise décision. Si ce placement est justifiable, si
l'éloignement de l'enfant de son milieu de vie familiale est
justifié, c'est peut-être, entre autres
raisons, parce qu'il est là sujet à des influences qui
l'affectent, le troublent profondément et qu'il est, a priori,
impossible de qualifier la confidentialité du courrier. On ne peut pas
dire qu'un enfant peut recevoir du courrier de n'importe qui, sauf de certaines
personnes, puisqu'il est impossible de savoir d'où vient le courrier,
à moins de l'ouvrir, donc de briser la règle
générale. A ce moment, j'aimerais savoir pourquoi vous faites une
recommandation aussi générale et si vous rejetez
catégoriquement ce type d'objection.
Mme Gobeil: On est conscient qu'il y a évidemment des cas
spéciaux, mais j'aimerais tout de suite faire référence au
projet de loi lui-même qui dit que les dispositions doivent être
interprétées dans le meilleur intérêt de l'enfant.
Alors, il nous semble que si un cas vraiment très spécifique ou
très particulier se pose, il soit possible à ce moment
d'interpréter cette disposition en raison du meilleur
intérêt de l'enfant. Maintenant, j'aimerais peut-être
laisser la parole à Jean-François Boulais qui pourrait
compléter.
M. Boulais (Jean-François): Là-dessus, je pense que
la suggestion qui a été faite ce matin par le conseil
supérieur des affaires sociales, à l'effet que le tribunal
pouvait retirer ce droit de communications à l'enfant me semble
pertinente, à condition qu'elle ne soit peut-être pas incluse dans
la même disposition.
Je pense que l'article 9 est un article curatif. C'est plutôt un
article de protection, qui fait une protection absolue de la communication avec
certaines personnes, dans les faits. Nous avons profité de l'article 9
pour inclure un droit général à la communication, quitte
à ce que, dans des cas particuliers, comme le faisait remarquer
l'interlocuteur précédent, le tribunal puisse retirer l'exercice
de ce droit.
M. Forget: Je crois que vous avez clarifié assez bien
votre position, et je pense que nous sommes fondamentalement devant un accord
sur le fond. Ce qui est peut-être plus délicat, c'est que,
lorsqu'on parle d'un droit et d'un droit qui est proclamé sans
qualification, il n'est pas question de l'interpréter et, si on
interprète trop, on se retrouvera devant le problème qui vous
préoccupe. C'est que le droit est proclamé en théorie et
qu'en réalité, il est honoré dans l'exception plutôt
que dans l'observance.
Je pense que, si une exception est reconnue comme étant valable,
ce n'est plus tellement un droit qu'une possibilité d'un jugement
discrétionnaire qui doit être, lui-même,
interprété en faveur de l'enfant. Mais c'est sensiblement
différent au niveau de l'expression juridique.
A tout événement, je crois que votre position est assez
claire à ce sujet.
Un autre sujet qui a également été
mentionné, au moins incidemment dans d'autres mémoires
nous aurons l'occasion, je pense, d'y revenir c'est le statut de cette
Commission de la protection de la jeunesse que le projet de loi propose et que
vous voudriez voir renforcé de façon très
considérable.
Je comprends mal la nature ou le statut d'une telle commission si elle
prend les dimensions que vous voulez lui donner. Il me semble que le sens de
vos propositions est d'en faire un organisme presque judiciaire,
c'est-à-dire un organisme qui se situe en dehors, constitutionnellement
parlant, du pouvoir exécutif, qui relève plutôt du pouvoir
judiciaire, c'est-à-dire qui est indépendant du processus
politique, qui agit sans que des ministres aient à répondre de
ses agissements devant l'Assemblée nationale, qui dépose tout
simplement un rapport annuel, un peu comme le Protecteur du citoyen le fait, ou
comme pourrait le faire un organisme totalement autonome.
Est-ce que c'est bien là que vous mènent vos
recommandations ou est-ce que vous les voyez autrement?
M. Boulais: Si vous avez remarqué, M. le ministre, la
Ligue des droits de l'homme n'a pas cru opportun pour elle, comme organisme
d'intervention n'ayant pas d'expérience de type administratif, n'a pas
cru bon d'énumérer une série de pouvoirs que la commission
devrait exercer.
Nous nous sommes contentés, à cet égard, de
définir un champ, c'est-à-dire un champ d'activité, le
champ d'activité concernant la protection de la jeunesse, et nous
l'avons décrit de la façon la plus globale possible.
Comment, en pratique, ce champ d'activité va-t-il être
exploré, va-t-il être organisé? Est-ce que c'est par la
biais d'une commission qui exercerait tous les pouvoirs que nous avons
énumérés ou toutes les fonctions que nous avons
énumérées dans ce champ, ou si ce n'est pas plutôt
par le fait qu'une commission pourrait orienter certains développements
ou certains organismes?
A cet effet, je pense que d'autres organismes pourront donner des
réponses plus précises. La seule chose que nous voulons
souligner, c'est qu'il existe un champ d'activité concernant la
protection de la jeunesse. Actuellement, ce champ d'activité est
morcelé dans une série d'organismes. Il manque évidemment
de cohésion, d'où la volonté du gouvernement de former une
commission ou de tenter une sorte de cohésion à cet effet.
Nous avons simplement essayé, aux pages 13 14, 15 et 16, de
cerner ce champ et, évidemment, on ne peut faire autrement qu'être
tenté de voir là certains pouvoirs à attribuer à
une commission. Je pense que c'est une conclusion que vous tirez, et ce n'est
pas un voeu clair que nous formulons, celui de voir une commission exercer tous
ces pouvoirs.
Nous avons également indiqué une tendance vers l'autonomie
de cette commission. Nous n'allons pas définir et ne définirons
pas la marge d'autonomie ni non plus la limite des pouvoirs que le gouvernement
voudra bien accorder à la commission.
M. Forget: En d'autres termes, si vous me permettez
d'interpréter ou de vous suggérer une
interprétation possible de ce que vous dites, c'est que vous vous
intéressez à ce qu'il y ait effectivement une coordination. Pour
ce qui est des moyens, les suggestions et les interprétations qu'on peut
lire entre les lignes dans votre mémoire ne sont que des
hypothèses et ne sont pas des recommandations que vous désirez
défendre à la lettre.
M. Boulais: La commission est un pas dans la bonne voie.
M. Forget: Mais, précisément, je pense qu'il est
important de savoir dans quelle voie. S'il s'agit de coordination d'organismes
dont on reconnaît les orientations et les penchants propres, penchants et
orientations qui vont demeurer puisqu'ils sont présumément
liés à la façon de voir les problèmes, à la
formation professionnelle, aux responsabilités différentes des
différents agents, s'il s'agit de coordonner tout cela qui est
différent par essence, c'est un problème de coordination que nous
avons. Ce n'est pas nécessairement un problème de supprimer ou de
forcer une harmonie qui n'existe pas à la base.
En d'autres termes, que ce soit une commission ou une autre, croyez-vous
que la commission devrait, si la cour, par hypothèse, dépend
d'elle, administrativement, donner des directives aux juges pour qu'ils se
conforment à la philosophie sociale que cette commission serait
chargée d'élaborer puisque la commission, une fois
créée, devra bien résoudre le problème de faire le
pont entre deux façons d'aborder le problème. Ceci est le
problème de fond. Le problème n'est pas un problème
institutionnel. Le problème n'est pas un problème administratif,
et si vous ne faites qu'attirer notre attention sur la nécessité
d'établir un pont, je crois qu'il n'y a aucune difficulté et
c'est évidemment le problème auquel nous nous attachons tous avec
des moyens différents.
Mais si votre suggestion va au-delà de ça et recommande un
moyen particulier tel qu'une commission administrative qui, parce qu'elle a une
responsabilité sur tous les aspects, va en quelque sorte supprimer les
divergences d'opinions par l'autorité hiérarchique dont elle
disposerait sur tous les agents, sur tous les intervenants, alors, c'est une
autre chose, et je crois qu'il est important qu'on saisisse
précisément ce que vous voyez. Est-ce simplement une coordination
ou est-ce une unité administrative qui va produire l'harmonie, à
défaut de la trouver spontanément?
Mme Guay: Je voudrais ajouter, là-dessus, que la Ligue des
droits de l'homme demande peut-être plus qu'un pont. Elle en demande
peut-être deux dans le sens qu'en plus du ministère des Affaires
sociales et du ministère de la Justice, on dit aussi qu'au niveau de
cette commission, il doit y avoir un représentant du ministère de
l'Education qui touche la presque totalité des jeunes au Québec
et du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre parce que, si la Loi
de la protection de la jeunesse touche les jeunes de 0 à 18 ans, il y a
beaucoup de jeunes qui sont déjà sur le marché du travail
avant 18 ans.
Alors, il est bien sûr qu'on n'a pas donné de
réponse administrative, mais on a défini le champ que cette
commission devrait avoir et je pense que c'est au niveau des
négociations après cela que les ministères pourront en
arriver a une entente mais on vous demande même deux ponts. J'aimerais
bien que vous le...
M. Forget: J'aimerais...
Mme Gobeil: M. le ministre, rapidement, je pense que nous avons
dit, dans l'introduction de notre mémoire, que nous nous
intéressions d'abord à voir garantir les droits fondamentaux des
jeunes et voir à ce que les mécanismes soient établis pour
permettre un réel exercice de ces droits dans les faits. Nous estimons
que le rôle de la ligue, c'est d'abord de s'attaquer et de s'attacher
à la définition et à la reconnaissance des droits de
l'enfant et dans certains cas, nous pouvons laisser à d'autres le soin
de choisir entre tel ou tel mécanisme susceptible de mieux respecter les
droits de l'enfant; c'est pourquoi nous ne nous sommes pas engagés dans
des recommandations de type administratif, laissant à d'autres le soin
de les discuter et de les définir.
M. Forget: Je vous remercie. J'ai encore, peut-être,
seulement, avec la patience du président, une ou deux autres questions.
Au passage, j'aimerais signaler qu'une des recommandations où on exprime
le voeu que soit énoncé le droit de l'enfant à recevoir
une explication des décisions prises à son sujet trouve en partie
déjà une réponse mais je ne sais pas si on juge que
c'est une réponse complète à l'article 85, au
deuxième alinéa où on dit que "lorsqu'un enfant est
âgé de quatorze ans ou plus, le juge doit, dans la mesure du
possible, s'efforcer d'obtenir son adhésion aux mesures
envisagées." Cela suppose au moins qu'il soit informé et, donc,
cela dépasse peut-être même un peu la pensée d'une
simple information. Est-ce que c'est la circonstance que l'on visait ou si l'on
parle d'information dans un sens plus large?
Mme Gobeil: Je pense que c'est plus large. Dans le cas de
l'article 85, il s'agit du cas où un juge prend une décision en
ce qui concerne un enfant. La Loi de protection de la jeunesse n'assume pas
seulement la protection judiciaire, mais également la protection
sociale. Nous estimons qu'un enfant doit être informé des
décisions qui le concernent, que ces décisions soient sociales ou
qu'elles soient judiciaires et nous estimons également qu'il doit
recevoir une explication de ces décisions. Nous pouvons
référer le législateur, d'ailleurs, au rapport volumineux
de la commission Berger de la Colombie-Britannique qui recommande la
reconnaissance de ce droit parmi toute une série de droits reconnus.
M. Forget: Je pense que dans ce contexte, on
me le souligne, il y a l'article 60 qui, dans l'autre contexte des
mesures volontaires, envisage également qu'il y a une discussion entre
l'enfant et le directeur ou la personne qu'il délègue qui assume
la prise en charge de ce cas. Mais, ceci n'est qu'en passant. Je ne veux pas
insister plus longuement sur la "déjudiciarisation" que vous
prétendez inexistante dans le projet. Vous apposez cette affirmation
avec une analyse de la distinction entre les crimes graves et les "crimes", les
crimes moins graves, qui est contenu dans l'avant-projet et vous
établissez une distinction marquée entre ces règles qui
sont contenues dans la loi et les autres qui sont suggérées dans
le projet de loi fédéral sur les jeunes en difficulté avec
la justice. Vous souhaitez qu'il n'y ait rien dans la loi qui établisse
une démarcation très claire entre les crimes graves et les crimes
moins graves, mais que la discrétion soit en tout temps celle du
comité local, quant à l'inculpation.
M. Boulais: C'est exact. En fait, M. le ministre, il s'agit,
comme vous l'avez sans doute remarqué, d'une paraphrase de l'article 9
de l'avant-projet de loi sur les jeunes ayant des démêlés
avec la justice fédérale, en particulier les paragraphes quatre
et cinq.
M. Forget: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président,
du moins pour l'instant.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
la ligue pour son mémoire. Il y a déjà plusieurs
années que je suis à votre gauche, M. le Président, et
j'ai pris un peu comme habitude de recevoir des projets de loi litigieux ou
j'ai participé avec d'autres collègues à des
mémoires de la Ligue des droits de l'homme qui ont toujours
été d'une excellente qualité. Je dois dire que celui-ci ne
fait pas exception. Il apporte sur ce sujet un certain nombre de
précisions que, je pense, sans sous-estimer à l'avance d'autres
mémoires, il sera seul à apporter, encore une fois étant
donné l'attention particulière et l'angle particulier que la
ligue prend pour aborder l'ensemble des problèmes sociaux qui lui sont
soumis.
M. le Président, je reviendrai à l'occasion, à la
fin de mon intervention, sur certaines questions posées par le ministre
lui-même pour compléter l'information déjà
donnée mais j'aimerais attirerr l'attention des membres de la commission
et, bien sûr, de la ligue sur l'originalité du mémoire de
la Ligue des droits de l'homme puisqu'il est le deuxième seulement que
nous entendons et le premier à souligner cet aspect particulier.
En conclusion, comme tout au long du mémoire, on veut rappeler
que le jeune dont nous traitons, quelles que soient les structures dans
lesquelles nous tâcherons d'encadrer ses droits, quels que soient les
structures et les droits mêmes que nous reconnaîtrons, ils peuvent
être d'une longue nomenclature comme ils peuvent être rac- courcis,
le jeune, dis-je, se trouve dans cette situation, celui dont nous parlons
aujourd'hui, essentiellement comme le résultat d'une situation sociale
dont il n'est, à l'origine, aucunement responsable.
Je pense que le fait que la ligue insiste sur cet aspect, cette
statistique effarante que je donnais ce matin mais qui, à elle seule,
devrait conduire la réflexion des membres de la commission, je dis bien
à elle seule, le fait que la plupart des jeunes présentement
détenus dans des centres d'hébergement ou dans des prisons pour
enfants, puisqu'il faut faire la distinction à l'occasion, proviennent
essentiellement du même milieu social, des mêmes quartiers, des
mêmes régions et des mêmes conditions
socio-économiques. Ce n'est pas qu'une coïncidence statistique que
nous déposerions à la table de cette commission de la même
manière que nous pourrions dire de quel âge ils sont ou de la
gravité du crime ou le taux de récidivisme qui peut se trouver
à l'occasion. C'est la statistique, si je puis la réduire encore
à cet aspect, fondamentale et qui est à l'origine de la position
que j'ai décrite ce matin comme étant la nôtre, celle
d'aborder ce problème de la manière sociale, ce qui nous faisait
réclamer et ce qui nous fera réclamer jusqu'à la fin, je
crois, de l'étude de ce projet de loi, que ce soit le titulaire des
Affaires sociales du Québec qui en ait la principale
responsabilité. La ligue le souligne à l'intérieur, les
conditions socio-économiques conduisant à la délinquance
ne sont pas celles que le jeune a choisies. Il en est le fruit, pour ne pas
dire la victime, à l'occasion.
Il faut bien se mettre dans la tète qu'un jeune de 14 ans
à 18 ans ou même de 12 et 13 ans comme j'en ai vu à
Berthelet n'est pas responsable des conditions qui l'ont conduit à faire
un délit ou, qui plus est, un crime, puisque 30% des jeunes
détenus à Berthelet actuellement sont des meurtriers. C'est
d'abord et avant tout par cette simple constatation qui peut, à
l'occasion, être effarante, M. le Président, que nous devons
aborder tout ce problème, y compris la discussion que nous allons mener
sur les structures les plus adéquates possibles pour leur garantir des
droits et, surtout, leur garantir une réhabilitation, car ils sont des
victimes de circonstances qu'ils n'ont pas choisies et dont, à
l'occasion, le crime ou le délit peut être un moyen à leurs
yeux de sortir de ces conditions socio-économiques. Cela aussi, il faut
bien se le rappeler.
Ils ne sont pas et ne peuvent pas être, à l'âge
où ils font ce délit ou ce crime, des criminels d'habitude. Ils
le font parce que, très souvent, ils voient plus vite que bien d'autres
le cercle vicieux de pauvreté, le cercle vicieux
d'infériorité dans lequel le niveau familial, la structure de
leur famille, qui encore une fois ils n'ont pas choisie, les condamnent
à demeurer perpétuellement.
Plusieurs éducateurs que j'ai rencontrés, M. le
Président, au cours de cette tournée des institutions, centres
d'accueil, foyers d'hébergement pour jeunes, me signalaient être
en présence de jeunes d'une intelligence remarquable, d'une intel-
ligence supérieure. Les autorités de certains de ces
foyers m'ont permis de dialoguer avec certains des jeunes de ces maisons. J'ai
pu le constater de moi-même.
Nous devons donc considérer cette intelligence qui a choisi le
moyen du délit ou le moyen du crime parce qu'elle est supérieure
à l'occasion, parce que le raisonnement et la découverte de la
société qui l'entoure peuvent se faire, chez ces individus, a
quinze, à seize ou à dix-sept ans. Je n'ai pas besoin de vous
dire, M. le Président, qu'il y a des citoyens du Québec de 50 et
55 ans qui n'ont même pas encore découvert la
réalité québécoise comme ces jeunes-là
peuvent l'avoir perçue, et, de loin, devinée. Presque par
instinct, ils ont deviné que, dans le système dans lequel nous
vivons, telle ou telle condition sociale économique peut finalement
vouloir dire: Condition à perpétuité. Ne trouvant, dans ce
régime, d'autres outils pour s'en sortir que celui du délit ou
celui du crime, c'est celui-ci qu'ils ont choisi.
Le Québec ne peut pas se priver de ces intelligences, parce
qu'elles sont supérieures. Il doit travailler à les
réhabiliter au travail et à la confection d'une
société qui soit non seulement pour eux, mais pour tous,
meilleure, plus juste et plus équitable.
Parce que nous n'avons rien à reprocher, parce que nous n'avons
rien à condamner chez ces jeunes autre qu'une vigilance, autre qu'une
clairvoyance à l'occasion, enviable à l'occasion, nous devons
plutôt que de les réprimer, les soumettre à une cour qui,
à quelques exceptions près, se conduit comme toutes les autres
cours du monde; de les soumettre à des juges qui, à quelques
exceptions près, se conduisent comme tous les juges du monde; de les
remettre aux mains de policiers qui, à quelques exceptions près,
se conduisent comme tous les policiers du monde...
C'est parce que nous avons ce choix clair et parce que, comme le
rappelle la ligue dans son mémoire, là repose l'origine du fait
qu'un jeune X, Y ou Z de douze, quatorze ou dix-sept ans se retrouve demain,
devant un centre local ou devant la cour pour être jugé et un tant
soit peu, rééduqué, réhabilité, tout cela
repose d'abord dans des conditions socio-économiques.
Je voulais clarifier cette intervention, car elle est à la base
de l'approche. Vous me verrez, au cours de ce débat, questionner nos
invités, ceux qui veulent bien nous apporter le fruit de leur
expérience.
Mais je le dis d'avance, c'est à partir de cette conception que
nous allons travailler. Ce n'est pas possible qu'à quatorze, quinze ou
dix-sept ans, un jeune ne soit pas réhabilitable. Ce n'est pas possible
qu'il soit perdu. S'il est perdu temporairement, c'est dû à des
causes dont il n'est que la victime, et personne ne doit lui en tenir
grief.
Ce n'est pas normal qu'à Berthelet, des jeunes de treize ou
quatorze ans soient dans des cellules de six pieds par huit pieds; ce n'est pas
normal. C'est injuste à leur endroit. C'est à partir de cette
vision que nous devons fonctionner.
C'est pour cela que j'enchaîne, après cette af- firmation,
pour inviter la ligue à recommenter à nouveau, peut-être
moins longuement qu'elle ne l'a fait, parce qu'il y avait beaucoup de
clarté dans la réponse qu'elle a fournie au ministre. Cette
nécessité de clarifier les droits de ces jeunes, au-delà
de tout ce qui peut être répandu à travers le Code civil,
à travers la charte des droits et des libertés fondamentales de
la personne que cette assemblée a adoptée il y a moins d'un an,
au cours de cette même session, de préciser, parce qu'il s'agit de
gens particuliers, l'application de droits fondamentaux...
Je veux demander aux représentants de la ligue: Lorsqu'ils nous
demandent, à la page 10 de leur mémoire, d'introduire dans le
texte de loi le paragraphe que l'on lit dans le carré, estiment-ils que
cette addition au texte de loi affecterait et devrait affecter les
décisions éventuelles prises par toute la structure que la loi
édifie par la suite, allant de la commission, des comités de
surveillance, des comités locaux et, j'espère, jusqu'aux maisons
même d'hébergement de ces jeunes?
Autrement dit, quelle que soit la garantie que vous a donnée le
ministre selon laquelle tout cela pouvait se retrouver, d'une façon ou
d'une autre, dans d'autres textes de lois, auxquels évidemment ils sont
soumis comme tous les citoyens du Québec, croyez-vous que la
précision que vous réclamez obligerait à une meilleure
transformation que celle où le texte serait absent?
Mme Guy: J'aimerais, en répondant à cela, vous dire
justement que le point important qu'on veut apporter, c'est que, si on a une
mentalité ou une attitude, face aux jeunes, en les reconnaissant comme
des personnes avec des droits égaux, lorsqu'on établira une
structure pour répondre à leurs besoins, on n'établira
pas, à ce moment, une structure qui fait que les jeunes sont à la
merci de décisions de tous les praticiens qui sont dans ce champ et on
sera alors soucieux de trouver les mécanismes qu'il faut et les
méthodes de thérapie et de réhabilitation aussi qui vont
vraiment correspondre et s'appliquer aux droits des jeunes.
Si on continue à croire que le jeune est un mini-adulte sans
droit, lorsque le thérapeute, que ce soit le travailleur social, le
médecin, le psychologue, le psychiatre, le juge, l'avocat, tous les
intervenants possibles voient l'enfant comme un sujet avec des droits, ils ne
feront pas les mêmes plans d'intervention envers lui que s'ils pensent
que c'est eux, que c'est eux qui sont les seuls maîtres et juges au
niveau décisionnel face à cet enfant.
Je rejoins la préoccupation du ministre des Affaires sociales, ce
matin, lorsqu'il disait qu'il ne faut pas non plus se noyer dans un
débat de structures. Il est certain que cela prend une structure pour
arriver à cela, mais il faut aussi y arriver au niveau des attitudes et
des attitudes de tous les professionnels qui sont impliqués dans ce
champ de travail qui s'appelle la protection de la jeunesse et des attitudes
aussi du gouvernement et des ministères qui ont à voter des
fonds, à donner de l'argent pour faire fonctionner ces services et
qui
ont la responsabilité légale ou judiciaire, enfin,
publique, si on peut dire, de tous les services qui sont en place à
l'heure actuelle au niveau des besoins des jeunes.
Je pense que c'est dans cet esprit. C'est pour cela qu'on dit, à
la page 7, qu'on veut que cela devienne le moteur de la loi de la protection de
la jeunesse, qu'on reconnaisse les enfants comme étant des personnes et
des sujets de droit. Je pense que c'est vraiment clair pour nous.
M. Charron: D'accord. C'est clair pour moi aussi. J'espère
que cela le sera pour le ministre des Affaires sociales qui aura à
rédiger le projet de loi par la suite.
Mme Guy: Je ne le sais pas.
M. Charron: Je pense que la rupture principale de la ligue avec
l'avant-projet de loi que nous étudions se situe au niveau de la
fonction du comité local d'orientation. Le projet de loi actuel,
l'article 59, le ministre l'a souligné lui-même, fait une
distinction entre différents délits appelons-les de cette
façon qui feraient que, dans l'hypothèse où ces
délits X, c'est-à-dire ceux qui, selon le code, pourraient
entraîner à un adulte une peine de trois ans ou plus, se
présenteraient, l'autonomie du centre local d'orientation serait,
à toutes fins pratiques, disparue. Il n'a plus le choix. L'engrenage
judiciaire doit débuter. Il n'a comme responsabilité que de
présenter, de remettre le jeune à la cour. Nous pourrons discuter
par la suite des droits du jeune devant la cour, s'il sera défendu, si
ce sera à huis clos. Tout cela est secondaire, je dirais, pour les fins
de la discussion actuelle.
Je suis près de votre idée au départ, mais je me
fais l'avocat du diable. Un jeune qui peut être soupçonné
d'avoir commis un meurtre, selon votre proposition, si le centre local gardait
son autonomie comme pour un délit mineur, comme un crime mineur,
pourrait, si c'est le choix des membres du centre local, être uniquement
placé, sans procès, en évitant tout le fardeau de la cour,
par exemple, dans un foyer d'hébergement, de réhabilitation pour
un traitement qui, selon les voeux mêmes de la maison, pourrait durer. Si
le traitement est volontaire, il devrait durer de six mois en six mois avec
renouvellement possible, puisque ce serait le cas. Est-ce que cela vous
apparaît juste à l'égard de citoyens qui, de 18 ans et
plus, soupçonnés d'un délit de cette gravité, ne
peuvent, à l'occasion, même pas bénéficier de
cautionnement, doivent donc rester à l'ombre jusqu'à ce qu'ils
soient soumis devant la cour ordinaire, et parfois condamnés à
des sentences beaucoup plus longues et beaucoup plus sévères que
le fait de rester dans un foyer d'hébergement quel qu'il soit?
M. Boulais: Je vais vous répondre, M. le
député, par une autre question. A l'heure actuelle, le procureur
général a le droit constitutionnel de ne pas poursuivre une
personne qui est soupçonnée. Constitutionnellement, il a ce
droit. Il doit répon- dre évidemment devant l'Assemblée
nationale de l'exercice de ce droit. Il est évident qu'il s'agit
là d'une discrétion, à ma connaissance, qui n'a jamais
été exercée. De toute façon, un citoyen peut
dénoncer un meurtre devant un juge de paix. Ultimement, le procureur
général possède théoriquement ce droit. On ne se
pose pas la question, à savoir s'il va l'exercer ce droit de ne pas
poursuivre. Chez nous, on ne connaît pas de cas où, ayant des
motifs raisonnables probables de croire qu'un meurtre a été
commis, un citoyen n'est pas poursuivi devant les tribunaux.
Il faut s'attendre, je pense, à ce que ce type de
discrétion soit exercé par un comité local
d'orientation.
M. Charron: Si vous me permettez, n'est-ce pas un déni de
justice pour ceux qui, plus vieux...
M. Boulais: Un déni de justice pour un autre
citoyen...
M. Charron: Pour ceux qui, à peine plus vieux, à
l'occasion...
M. Boulais: M. Charron, ce qu'on propose globalement et
très simplement, c'est ceci: C'est que l'exercice du pouvoir
discrétionnaire du procureur général de porter une
dénonciation de poursuivre, cet exercice, pas son droit, mais l'exercice
de son droit, il ne l'exerce plus seul. Il l'exerce en communauté ou
avec deux autres personnes qui sont les membres du comité local
d'orientation. C'est cela qu'on propose. On ne propose pas qu'il s'en
départisse de son droit. On propose que... Historiquement, M. Charron,
le droit de poursuite a toujours été laissé entre les
mains, il faut bien le dire, des avocats. Ce sont toujours eux qui ont
exercé le droit de poursuite, en pratique. L'argumentation que nous
avons pour demander au procureur général de partager avec
d'autres personnes cet exercice de droit de poursuite, c'est l'argumentation
qui est contenue aux pages 16 et 17 du mémoire. Actuellement, le
procureur général l'a ce droit. On lui demande de le partager.
Actuellement, on juge que l'avocat ou que la personne qui représente le
procureur général comme avocat, a plutôt tendance à
regarder l'intérêt public. Il serait bon que d'autres personnes
qu'un avocat partagent ce droit.
M. Charron: Donc, vous estimez qu'à l'occasion, on
pourrait, si on devait adopter la structure de décision et d'exercice de
décision que vous nous proposez, c'est-à-dire le procureur
général, conjointement avec le CLO, pourrait, dans le cas
précis d'un jeune qui aurait commis un meurtre, par exemple... Prenons
un crime d'une gravité moindre, mais qui est quand même
visé par l'article 59, donc qui pourrait avoir une peine de trois ans et
plus, un vol à main armée, par exemple, avec violence et
effraction, prenons le cas précis d'un jeune qui, à cause des
raisons socio-économiques, y compris psychologiques qui auraient pu le
conduire à ce délit, estimerait qu'il n'a pas à être
présenté à la cour.
M. Boulais: C'est justement cela, la "déjudi-cialisation".
La "déjudicialisation", c'est l'exercice, par le procureur
général, de son droit de ne pas poursuivre devant le tribunal
pour une infraction criminelle, parce que selon l'opinion du procureur
général ou de son substitut, un autre moyen que la poursuite
devant un tribunal s'avère aussi, sinon plus efficace pour traiter le
cas du jeune, pour l'intérêt de l'enfant, pour
l'intérêt de la société, pour toutes sortes de
motifs.
On me fait remarquer que le procureur général a
également le pouvoir de déposer un nolle prosequi dans des
procédures criminelles de très grande gravité parfois. Il
exerce parfois ce pouvoir. Il l'a déjà exercé et il n'est
pas exclu qu'il ne l'exerce pas de nouveau.
C'est un cas extrême que vous nous donnez que le cas du meurtre,
c'est évident. Si vous me posez la question comme cela, c'est bien
sûr que le CLO, j'imagine aurait peut-être théoriquement, le
droit de ne pas poursuivre, mais il aurait aussi à supporter les
conséquences sociales et politiques de sa décision.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Sur le même
sujet, l'honorable député d'Outremont.
M. Choquette: M. le Président, je pense que la discussion,
si intéressante soit-elle, sur le processus de la
"déjudicialisation", n'a peut-être pas tout à fait sa place
dans le cadre d'une Loi de la protection de la jeunesse. Car, de quoi s'agit-il
fondamentalement, lorsqu'on parle de la protection de la jeunesse? Il ne s'agit
pas d'enfants qui ont commis des crimes. Il ne s'agit pas d'enfants qui ont
posé des actes délictueux et qui sont contraires au Code
criminel. Il s'agit d'enfants qui sont en état de danger physique et
moral et à l'égard desquels il faut prendre des mesures pour leur
propre protection. Il s'agit donc, au départ, justement d'enfants qui
n'ont pas commis de crimes.
La compétence provinciale dans ce domaine est claire. La province
a compétence de légiférer pour assurer des
mécanismes qui font qu'à un moment donné, on peut retirer
un enfant de son milieu familial ou de son milieu social, parce qu'il est en
état de danger physique ou moral, et c'est ce que le projet de loi tente
de réaliser, à travers certaines instructions, entre autres le
processus social qui y est inscrit par le moyen de la protection sociale ou, au
cas où il n'y a pas de collaboration de la part des parents ou du milieu
concerné ou de l'enfant dont il s'agit, d'assurer sa protection par un
moyen judiciaire. C'est à ce moment que les juges de la Cour de
bien-être social ou le système judiciaire spécialisé
dans les cas de l'enfance entrera en jeu.
Mais, lorsque nous parlons aujourd'hui de "déjudicialisation" en
matière d'enfants ou d'adolescents qui ont commis des crimes, je vous
soumets que la province n'a pas compétence et qu'il faudrait
plutôt faire ces représentations à une commission
équivalente au niveau fédéral, qui pourrait inscrire des
principes à discuter, évidemment, dans la future loi des jeunes
contrevenants.
En somme, j'ai beaucoup de difficulté à trouver que le
cadre choisi pour déterminer dans quelles conditions le procureur
général exercera ses responsabilités, c'est le cadre
actuel qui soit le bon.
Mais, ceci étant dit, si on doit aborder cette discussion,
simplement au niveau académique, à ce moment, je crois qu'il faut
prendre en considération l'intérêt public, sans aucun
doute, qui veut que les crimes soient poursuivis devant les tribunaux, d'une
part, et, d'autre part, la situation très spécifique et
particulière de l'enfant à l'égard duquel il y a lieu de
prendre des mesures qui font que toute la force de la loi ne s'exerce pas
à son égard, à cause de sa responsabilité
pénale atténuée.
Je pense que tout le monde peut se rallier autour de l'idée que
la responsabilité pénale de l'enfant n'est pas la même que
la responsabilité de l'adulte. L'exercice de sa liberté ne se
fait pas dans les mêmes conditions que celle de l'adulte. Il peut y avoir
une foule de facteurs. On a mentionné des facteurs psychologiques, mais
il arrive qu'il s'agisse simplement du fait que l'enfant n'est pas
arrivé à son plein développement qui explique qu'on puisse
conclure à une responsabilité pénale
atténuée.
Je pense que, dans le livre blanc, La Justice contemporaine, nous avions
proposé un critère qui pouvait peut-être satisfaire les
tenants de la "déjudicialisation" et, d'autre part, ceux qui sont d'avis
que la loi doit quand même s'exercer et qu'il y a des crimes comme le
meurtre et des crimes graves au sujet desquels on ne peut faire semblant qu'ils
n'ont pas été commis et cela se lisait comme suit: "Que l'on
retienne le critère à l'effet que l'enfant et l'adolescent ne
doivent être traduits devant le tribunal que lorsque cela est souhaitable
et bénéfique pour l'enfant et la société, que
l'intervention judiciaire soit obligatoire dans les cas où il s'agit
d'un crime grave et que, dans ce dernier cas, l'opinion du représentant
du ministère de la Justice soit prépondérante."
C'était une façon de faire en sorte que des crimes de
moindre importance, qui pourraient être traités dans des
conditions qu'on pourrait qualifier, entre guillemets, de protection judiciaire
ou sociale, puissent se faire, mais qu'on ne pourrait pas, décemment, ne
pas poursuivre lorsqu'il s'agirait de crimes graves.
Je pense que c'est à peu près dans ce genre de philosophie
qu'il faut s'inscrire, mais je reviens à ce que je disais au
départ. Il me semble que le cadre de la Loi de la protection de la
jeunesse n'est peut-être pas le cadre où l'on peut justement
astreindre le procureur général à certaines obligations,
alors que cela serait beaucoup plus dans le Code criminel ainsi que dans la Loi
des jeunes contrevenants qu'on devrait trouver des dispositions analogues,
semblables ou différentes de celles que vous avez proposées.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Sur le même
sujet, le ministre des Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, je ne suis pas
d'accord avec mon ex-collègue, le député
d'Outremont, sur ce dernier point qu'il a soulevé, qu'il ne serait pas
dans l'ordre que cette commission débatte de cette question. Pourquoi?
Parce que, tout simplement, la version qui est suggérée par le
gouvernement fédéral, à la suite de consultations
auxquelles d'ailleurs toutes les provinces ont participé, donne
précisément ouverture à ce type de discussion dans le
cadre de la Loi de protection de la jeunesse et permet
précisément, sur ce point, d'assujettir la discrétion du
procureur général d'une province à des avis reçus,
qu'il n'est pas tenu de suivre, mais dont il doit cependant s'inspirer, s'il
doit fonctionner dans le cadre de l'esprit de cette nouvelle législation
lorsqu'il est question d'une mise en accusation, quelle que soit la
gravité de l'offense. La question se pose donc de savoir si, en
légiférant sur la protection de la jeunesse, le Québec va
se prévaloir d'une intention déclarée de l'autorité
fédérale, dont relève effectivement le droit criminel, de
donner ouverture à cette possibilité. Ce que l'on retrouve dans
l'avant-projet, c'est une réponse affirmative à la question
qu'effectivement il devrait y avoir des distinctions. Ce que la ligue propose,
c'est que cette distinction, au lieu d'être inscrite de façon
stricte dans la loi, soit laissée à l'appréciation, et
cela même est prévu, est permis dans le contexte de la
législation fédérale annoncée, pas celle qui
s'applique actuellement. D'autres provinces ont déjà, même
avec la législation actuelle sur les jeunes délinquants,
prévu, dans leur loi de protection de la jeunesse, un cadre
général dans lequel s'intègre l'administration de la
justice pour les jeunes. C'est ce que l'article 78 de l'avant-projet permet de
faire en enrobant en quelque sorte dans une loi provinciale, cet avant-projet,
l'application de la loi fédérale sur les jeunes ayant des
démêlés avec la justice. Je pense qu'il y a de nombreux
avantages pour les jeunes, comme pour l'administration des services de
protection judiciaire ou sociale, de procéder de cette façon,
mais je ne veux pas entrer ici dans les motifs de tout cela. Je veux tout
simplement souligner que ce n'est pas irrégulier de notre part d'en
discuter et d'entendre des représentations. C'est un des points qui
devra être tranché puisque, la porte étant ouverte, il
faudra choisir de la fermer, mais on ne pourra tout simplement pas
prétendre ne pas l'avoir vue. La porte est là, elle est ouverte,
on peut l'ouvrir, on peut la fermer, mais il va falloir faire quelque chose
avec, on ne peut pas la laisser de côté.
M. Choquette: Si j'avais prétendu que la discussion
était irrégulière, j'aurais peut-être soulevé
une question de règlement, ce que je n'ai pas fait. Tout ce que j'ai
voulu indiquer, c'est que la législation fédérale actuelle
ne permettrait peut-être pas qu'on aille jusqu'au point où on
semblait l'indiquer, mais que, par ailleurs, moi-même je m'étais
penché sur le problème et j'avais tenté de trouver un
équilibre pour faire la part entre les crimes d'une très grande
gravité, qui ne peuvent pas être passés sous silence,
à mon sens, et les crimes de moindre importance, là où il
est possible de trou- ver un moyen, en somme de donner un traitement social ou
judiciaire à la commission une infraction de moindre importance.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: Oui, je voudrais aborder... à moins que vous
ne vouliez ajouter quelque chose, al lez-y.
M. Boulais: J'allais peut-être parler de la
responsabilité provinciale en vertu de l'article 92 ou 95 qui est de la
responsabilité de l'administration de la justice et du droit de
poursuivre, peut-être pas tellement à l'intérieur du cadre
de cette loi, mais tout de même, comme M. le ministre Forget l'indiquait,
la porte a été ouverte par le fédéral
lui-même lorsqu'il permet au procureur général de passer
par le comité local d'orientation...
Maintenant, à l'intérieur du comité local
d'orientation, il n'est pas exact qu'il y a un représentant du ministre
de la Justice, de sorte que ce représentant du ministre de la Justice,
qui peut être un procureur de la couronne, pourrait éventuellement
donner un avis favorable de poursuite ou un avis défavorable de
poursuite qui pourra n'être pas suivi par le CLO si notre recommandation
est acceptée.
Dans l'état actuel des choses, le représentant du
procureur général est quand même à
l'intérieur du CLO. Qu'est-ce qui arrive dans le cas où,
obligatoirement, l'affaire va devant la cour? Est-ce que le procureur
général ne garde pas son droit de ne pas poursuivre, de
déposer un nolle prosequi. Actuellement, c'est le problème devant
lequel on est placé. Si, dans les crimes de plus de trois ans,
punissables par plus de trois ans, le cas va automatiquement devant un juge, on
se trouve à enlever le droit du procureur général de
refuser de poursuivre. Il doit absolument déposer une
dénonciation, qu'il y ait ou non de la preuve.
M. Choquette: Mais le pouvoir de déposer un nolle prosequi
est un pouvoir qui est de nature quasi judiciaire. Cela n'est pas un pouvoir
qui puisse s'exercer d'une façon discrétionnaire sans qu'on s'en
rapporte à des raisons ou des motifs qui sont reconnus par la tradition,
la coutume même la jurisprudence pour arrêter des procédures
criminelles, de telle sorte qu'on ne peut pas affirmer que le pouvoir du
procureur général d'arrêter des procédures
criminelles est un pouvoir dont il peut faire usage, en somme, d'une certaine
façon, gratuitement. Il faut qu'il ait des raisons d'agir de la sorte.
Il faut que ces raisons puissent être défendues et puissent
être justifiées.
Mme Gobeil: Nous ne proposons pas que ce pouvoir, cette
discrétion s'exerce non plus de façon gratuite. Nous proposons
qu'elle s'exerce dans le meilleur intérêt de l'enfant, comme il
est stipulé dans l'avant-projet de loi.
Dans le fond, on a deux hypothèses: Ou bien le procureur
général ou son substitut garde une
entière discrétion de commencer des procédures ou
non; ou encore le procureur général ou son substitut, à
l'intérieur de la loi, exerce ce pouvoir avec la collaboration des
membres du CLO dont il fait partie, d'ailleurs.
Les hypothèses ne sont pas nombreuses et nous croyons que le
meilleur intérêt de l'enfant justifie que le procureur
général soumette l'exercice de son droit et non pas son
droit comme tel l'exercice de son droit à la volonté
collective du CLO dont il fait partie, où il peut faire valoir tous les
motifs qu'il croit bon de faire valoir en raison de ses responsabilités
propres.
On peut ajouter que, quelle que soit la gravité du crime commis
par un jeune, on peut soutenir et on peut défendre que ce jeune a quand
même droit à un traitement et à des mesures
appropriées à son âge. On doit quand même faire la
différence entre un adulte ou un jeune de 18 ans qui commet une
infraction ou un crime donné et le même jeune qui, à 12
ans, par exemple, commet une infraction.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, j'ai une dernière
question à poser à la Ligue des droits de l'homme avant
l'ajournement. Je voudrais revenir momentanément sur le débat qui
a fait intervenir le ministre, pour répliquer au député
d'Outremont.
Effectivement, indépendamment de l'intention
fédérale annoncée dans le livre bleu qui est là, la
loi actuelle, la loi des jeunes délinquants du fédéral,
permet aux provinces de recourir et de procéder devant les tribunaux
soit en vertu de la loi des jeunes délinquants, ce qui les amène
à la Cour de bien-être social, soit en vertu du Code criminel.
Ici, au Québec, malheureusement, on a toujours choisi d'agir en
vertu du Code criminel. On avait cette liberté d'application, mais cette
manie d'aborder toujours la question comme si c'étaient des criminels
d'habitude a fait que...
C'est le rapport Prévost qui le dit. Cela date, vous me direz,
mais quand même. Le rapport Prévost rapporte comme statistiques
que, dans le seul district judiciaire de Terrebonne, aucune poursuite autre que
celles en vertu du Code criminel n'a été faite. C'était
presque la règle que d'y aller en vertu du Code criminel.
Ce qui faisait qu'un jeune de quinze ou seize ans qui, à un
moment donné, arrivait chez lui, dans une famille alcoolique ou quel que
soit le milieu familial, se querellait, décidait, à un moment
donné, d'assassiner son père. Il pouvait avoir toutes les
motivations de refoulement psychologique qui pouvaient dater de sa plus tendre
enfance. Tout cela, le procureur général en faisait absolument
abstraction. On le traînait, en vertu du Code criminel, à faire
défense en vertu du Code criminel comme s'il avait été un
assassin de 40 ou 50 ans qui est un criminel d'habitude et qui recourt au
meurtre parce que la pratique y a conduit tout à fait
nécessairement. On l'a déjà en vertu de nos lois
actuelles. En fait, il n'y a aucune acquisition, mais c'est la maudite habitude
québécoise d'aborder la question des jeunes exactement comme...
C'est cela qu'on veut briser.
La suggestion de la Ligue des droits de l'homme nous permettrait au
moins de tenter de la briser, parce que, comme le dit Mme Gobeil, le procureur
général pourra toujours, à l'intérieur du
comité, plaider sur sa façon de voir et sur sa façon
d'amener le sujet. Mais là où le Québec devrait enfin
arriver, c'est que ceux qui ont une autre vision que la vision bête d'une
police aient l'occasion de s'exprimer, à un moment donné, de
participer au débat et d'invoquer les causes psychologiques auxquelles
s'est référé lui-même le député
d'Outremont ou des causes socio-économiques qui, par le fait qu'elles
sont cumulatives, finissent par dérégler le raisonnement et
élargissement d'un jeune qui ne doit pourtant pas connaître ce
genre de débat. En tout cas, M. le Président, tout cela pour
dire, comme l'a dit le ministre des Affaires sociales, que le débat
était très justifié de se tenir à ce moment, parce
que c'est la question fondamentale que nous avons à discuter autour de
cet avant-projet de loi.
Est-ce que nous continuons à diriger les affaires des jeunes et
à nous occuper des affaires des jeunes comme le Québec l'a
toujours fait, c'est-à-dire en police ou si nous commençons
à introduire une nouvelle façon de voir non seulement dans
l'esprit je crois bien que les esprits ont évolué
mais également dans les textes de loi?
M. le Président, je voudrais aborder la question litigieuse qui
le demeurera jusqu'à la fin de l'étude de cet avant-projet de
loi, celle du huis clos de la Cour de bien-être social. J'ai bien
compris, parce qu'il est clair, le texte de l'article 83 que vous nous
proposez. Vous avez entendu, ce matin, le ministre expliquer son article 83,
enfin je veux parler de l'article qui est dans l'avant-projet de loi de ce
matin, qui n'est pas la disparition du huis clos, mais qui le rend, je dirais,
occasionnellement, brisable, enfin toutes ces...
Devant ce choix que vous nous proposez, sans expressément entrer
dans l'article nouveau que vous nous proposez, qu'est-ce que vous trouvez
d'insuffisant dans l'actuel article 83 qui fait que vous préférez
nous en proposer un nouveau? Parce que le ministre considère, si j'ai
bien compris son explication de ce matin, qu'il s'agit d'une modification
importante au huis clos.
M. Boulais: M. Charron, à la page 20 de notre
mémoire, sont énumérées quatre des raisons pour
lesquelles nous considérons que l'article proposé par
l'avant-projet de loi nous semble insuffisant. Les journalistes ou d'autres
personnes, en vertu du troisième paragraphe, pourraient être admis
à l'audition. Il est bien spécifié, dès le premier
alinéa, que l'enquête a lieu sans publicité. Alors,
où voulez-vous qu'un journaliste puisse rapporter ce qui s'est
passé, s'il est dit, au premier alinéa, que l'enquête a
lieu sans publicité. Cela veut dire que le journaliste est là.
S'il constate des illégalités, il peut les garder et il peut
dire: Voici, il y a des illégalités qui se produisent à la
Cour de bien-être social. Cela arrête là.
M. Charron: Mais s'il a...
M. Boulais: Je pense que les tribunaux d'appel à
Montréal et à Québec, à ce que je sache, sont
constamment envahis par des procédures alléguant qu'il y ait des
illégalités devant la Cour de bien-être social. A ma
connaissance, les journaux en font plus ou moins état de ces
procédures.
M. Charron: Croyez-vous que les mots "sans publicité"
veulent dire que non seulement le journaliste ne pourrait pas mentionner, ce
avec quoi je conviendrai, le nom et l'identification des personnes, mais
même la narration de l'événement du délit ou du
crime qui est présentement à l'étude devant la cour?
Est-ce ce que cela voudrait dire?
M. Boulais: C'est bien difficile, mais il s'agit là des
mêmes mots utilisés par la loi actuelle sur les jeunes
délinquants. Malgré des avis qui, peut-être sont
minoritaires mais contraires, à l'effet que cela permettrait à
des journalistes de rapporter, malgré le huis clos, ce qu'il s'est dit
à la cour, il n'y en a pas eu beaucoup, dans le passé, de
rapports journalistiques sur le type d'enquêtes, sur le type de
procédures qui avaient lieu dans les chambres des juges, soit dans les
salles réservées aux juges à la Cour de bien-être
social de Montréal et de Québec, partout au Québec, de
toute façon. Alors, on croit que la volonté du ministère,
la volonté du projet de loi, c'est d'ouvrir la Gourde bien-être
social. Il me semble que c'est clair, permettre à une personne, à
un membre de la commission, même obliger un membre de la commission,
obliger la courà la recevoir. Il me semble que c'est clair. Tout reste
une question de moyens à partir de ce moment.
Concernant le deuxième alinéa, on dit: Toutefois, le juge
peut admettre à l'audition des personnes qui, à son avis, ont un
intérêt dans l'affaire.
Il me semble que c'est l'expression normale de la règle audi
alteram partem. Toute personne intéressée dans une cour a droit
d'être présente, et je pense que si on l'exclut, on brime à
ce moment son droit d'être entendue.
Donc, le deuxième alinéa, quant à nous, est plus ou
moins utile. Sur le troisième alinéa, évidemment, nous
sommes d'accord, mais voici comment on peut être d'accord sans
nécessairement l'approuver. D'abord, la commission, si on lui donne le
pouvoir d'autoriser des gens à être présents, peut dire: Je
n'autoriserai jamais personne à être présent. En
conséquence, la commission va conditionner la présence des gens
au tribunal. A ce moment, nous prétendons que c'est mettre le tribunal
sous la juridiction de la commission. Parce que, si elle a le pouvoir
d'autoriser, elle peut établir comme règle interne qu'elle
n'autorisera jamais, et même le ministre des Affaires sociales ne pourra
faire intervenir personne.
En somme, la technique que nous avons proposée, c'est la
technique de la cour ouverte, avec les garanties de la fermer lorsque la chose
s'avérerait nécessaire, y compris à la demande de
l'enfant, de sorte que jamais la cour ne serait à la merci d'une
autorisation de la commission, et ja- mais un journaliste ne devrait demander
la permission pour être admis à la cour et, de cette façon,
on éviterait toutes les ambiguïtés du mot "sans
publicité" du premier alinéa.
Mme Gobeil: On peut ajouter à cela, aussi, que nous
croyons que, dans une loi comme celle-là, on doit plutôt poser, en
premier alinéa, un principe d'ouverture, quitte à faire suivre ce
principe des restrictions nécessaires à la défense des
droits de l'enfant ou de ses parents, et on pourrait vous tenir ici les
mêmes discussions qu'on a déjà eues l'occasion de tenir
lors du dépôt du projet de loi no 50. C'est dans le même
sens que nous croyons que la publicité de l'enquête, la
publicité du procès a toujours été, dans le domaine
des droits de l'homme, une garantie de l'impartialité de l'enquête
ou du procès. Nous croyons que nous devons poser cette règle
comme étant une norme, mais l'assortir évidemment des
restrictions qui s'imposent, compte tenu du domaine qui est celui de la
protection de la jeunesse, restrictions, d'ailleurs, que nous proposons de
façon assez élaborée dans notre recommandation.
M. Charron: II est 6 heures, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, comme il est 6 h
3... Y a-t-il d'autres questions? On voudrait libérer les
représentants de la Ligue des droits de l'homme.
M. Charron: Je n'ai pas d'autre question, et je les remercie
encore, M. le Président.
M. Choquette: J'aurais quelques questions, si vous me permettez
deux observations, rapidement.
Le Président (M. Houde, Limoilou): D'accord, si elles sont
courtes.
M. Choquette: Sur la question du huis clos, évidemment, je
partage l'avis de la Ligue des droits de l'homme que le fait que la justice
soit administrée ouvertement est une garantie traditionnelle et reconnue
que cette justice sera impartiale et qu'une justice administrée
secrètement ouvre la porte à des abus et peut-être à
un certain paternalisme tel qu'exprimé, à l'occasion, à la
Cour de bien-être social.
Mais je demande à la Ligue des droits de l'homme si on est
vraiment convaincu que, du côté des enfants et des familles,
compte tenu des situations qui peuvent se produire, sa suggestion
refléterait une espèce de volonté générale
de la part de ses justiciables de voir le public assister à ces
causes.
En somme, même animé par les meilleures intentions du monde
et toujours en gardant en mémoire le principe que la justice devrait
s'efforcer d'être administrée ouvertement, lorsqu'on arrive dans
ces cas d'enfants et de familles aux prises avec le genre de problème
qu'on a en matière de protection de la jeunesse, ne va-t-on pas loin
dans
les principes, tout en écartant cette espèce de pudeur que
l'on constate comme généralement le cas lorsqu'il s'agit
d'apprécier ce genre de situation?
Mme Guy: Nous recommandons que le juge soit tenu d'exclure le
public à la demande de l'enfant, de ses parents ou de ceux qui en
tiennent lieu.
M. Choquette: Mais si personne ne fait la demande, chaque fois,
le juge dira-t-il: Vous avez le droit de demander l'exclusion du public?
M. Boulais: Absolument. Depuis quelques années, vous
n'êtes pas sans savoir que le doute plane dans le public sur la
qualité de la justice qui est rendue dans les cours de bien-être
social. Au moins, on peut être certain d'une chose, il y a un doute
généralisé. Les gens se demandent quelle sorte de justice
est rendue en privé dans les cours de bien-être social.
On a toujours voulu protéger l'enfant malgré lui, de la
publicité. Mais je pense et en connaissance de cause nous
pouvons dire, que, loin de protéger l'enfant parfois, l'absence de
publicité protège le tribunal.
M. Choquette: Mais aujourd'hui...
M. Boulais: Des choses se produisent à la cour de
bien-être social qui ne se produiraient jamais... Il y a des choses qui
se disent à la Cour de bien-être social, il y a eu des brefs de
prohibition pris contre des juges de la Cour de bien-être social qui
allèguent des choses abominables, des choses qui ne se seraient jamais
produites si un seul journaliste avait pu mettre les pieds à la cour au
moment où cela s'est passé. C'est pour cela que la règle
qui a été établie il y a 25 ans, 30 ans ou même en
1927 par le Parlement canadien, la Loi des jeunes délinquants, cette
règle du huis clos, doit être renversée aujourd'hui.
M. Choquette: Je sais qu'il y a eu des cas certainement
critiquables, d'ailleurs quand j'étais ministre de la Justice, il en est
venu à mon attention, mais maintenant que l'aide juridique agit d'une
façon très répandue dans les cours, est-ce que le fait
que, dans beaucoup de cas, sinon la plupart des cas, sinon la totalité
des cas, les enfants sont représentés par des avocats, ceci n'a
pas modifié la situation déplorable que vous avez
décrite?
M. Boulais: II n'y a rien comme la publicité, il n'y a
rien comme la peur salutaire d'être rapporté pour guérir un
certain nombre de pratiques qui ont lieu. Le simple fait d'avoir peur que cela
se sache... On a cité les paroles de M. Bentham qui sont: "la
sécurité des sécurités est la publicité".
"The security of security is publicity". C'est la plus grande
sécurité de l'impartialité du tribunal et je pense qu'on
doit retourner, au moment présent, au fondement même de la raison
pour laquelle le procès est public, à cause des abus et à
cause du doute. C'est essentiellement une question de doute. Le doute plane
dans le public. Réglons le problème, ouvrons les cours et de
cette façon il n'y aura plus de doute.
Mme Gobeil: D'autant plus que nous assortis-sons, comme nous
l'avons déjà mentionné, ce principe d'un certain nombre de
garanties qui devraient éviter les aspects que vous soulignez.
M. Choquette: Très bien.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, merci aux
représentants de la Ligue des droits de l'homme et la commission suspend
ses travaux jusqu'à 20 h 15.
M. Boulais: M. le ministre, on a vraiment oublié de
mentionner la question du retrait de l'autorité parentale. Nous ne
voulons pas que le fait de ne pas en avoir parlé nous fasse cautionner
cette possibilité de retrait et nous nous réservons le droit de
vous écrire à cet effet de façon plus
élaborée un peu plus tard.
M. Forget: Est-ce que vous me permettez une question, avec la
permission de la commission, parce que c'est tout de même un point qui
arrive à la dernière minute et qui me paraît très
important.
Ce que vous dites, c'est que vous n'êtes pas favorable à la
possibilité que le tribunal prononce le retrait de l'autorité
parentale.
M. Boulais: Pour une raison extrêmement simple. C'est
qu'actuellement, la commission de réforme du droit civil n'a pas remis
son rapport concernant l'extension de ce que constitue l'autorité
parentale. Nous ne savons pas ce qu'est l'autorité parentale; certains
prétendent que c'est le droit de garde, d'autres prétendent que
c'est le droit de garde physique seulement, d'autres prétendent que
c'est le droit aux aliments ou l'obligation alimentaire; enfin, c'est un
fouillis. Les auteurs français en font une description, d'autres auteurs
en font une autre.
Vous proposez la possibilité de l'enlever, cette autorité
parentale. Dans le fond, vous proposez d'enlever quelque chose dont vous ne
connaissez pas l'extension globale. Je pense qu'enlever quelque chose qu'on ne
connaît pas, c'est grave, c'est très sérieux. A cet effet,
nous avions possiblement l'intention de vous suggérer de la suspendre,
mais non pas de l'enlever, pour le moment en tout cas, jusqu'à ce que la
commission de réforme ait produit un rapport assez complet sur le
sujet.
M. Forget: Merci.
Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses
travaux jusqu'à 20 h 15.
(Suspension de la séance à 18 h 14)
Reprise de la séance à 20 h 28
M. Houde, Limoilou (président de la commission conjointe des
affaires sociales et de la justice): A l'ordre, messieurs!
Association des centres de services sociaux du
Québec
Le Président (M. Houde, Limoilou): J'inviterais
immédiatement l'Association des centres de services sociaux du
Québec. Auriez-vous l'obligeance de vous présenter et de
présenter ceux qui vous accompagnent s'il vous plaît?
M. Rioux (Jean): M. le Président, MM. les honorables
ministres, MM. les députés, distingués membres de cette
commission, permettez-moi d'abord de me présenter. Je me nomme Jean
Rioux, je suis de Hauterive, membre bénévole un des rares
du conseil d'administration d'un centre de services sociaux et
président de l'Association des centres de services sociaux du
Québec, qui vous présente ce soir son mémoire relatif
à l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse.
Le sujet de cette législation, M. le Président,
répond à une des préoccupations premières et
majeures de notre association et de nos membres, soit les quatorze centres de
services sociaux du Québec, puisqu'elle touche une partie importante de
leur clientèle, l'enfance ou la jeunesse, dont plus de 30,000 sont
placés en institution ou en famille d'accueil.
Aussi, n'est-il pas étonnant que, dès le
dépôt à l'Assemblée nationale de l'avant-projet de
loi sur la protection de la jeunesse, en juin 1975, l'Association des centres
de services sociaux du Québec ait mobilisé ses membres afin de
faire une étude la plus complète possible de cet avant-projet de
loi.
Voici, brièvement, la démarche adoptée par
l'association lors de cette étude:
Mise sur pied d'un comité provincial qui présente aux
membres des centres de services sociaux un premier document de travail sur
l'avant-projet de loi.
Etude de l'avant-projet de loi à l'intérieur de chaque
centre de services sociaux du Québec.
Révision par chaque centre de services sociaux du document de
travail présenté par le comité provincial.
Consultation provinciale permettant à chaque centre de services
sociaux d'exprimer ses commentaires et ses recommandations sur l'avant-projet
de loi.
Enfin, rédaction finale du mémoire par le comité
provincial et présentation de ce mémoire au conseil
d'administration de l'association qui l'a adopté unanimement à sa
dernière réunion.
Là-dessus, M. le Président, je désirerais souligner
la présence, dans l'assistance, d'un bon nombre de membres du conseil
d'administration de l'association, de même que celle de son directeur
général, M. Richard Sarrasin. Vous trouverez en annexe II la
liste des membres du conseil d'administration.
Je souligne également la présence de direc- teurs
généraux d'établissements, de cadres supérieurs et
même de représentants du personnel-clinique de plusieurs des
quatorze centres de services sociaux du Québec, dont liste a
été également établie en annexe I du
mémoire.
M. le Président, je m'en voudrais de ne pas souligner que c'est
au nom des 30,000 jeunes placés soit en institutions, soit en familles
d'accueil que nous sommes ici aujourd'hui. Nous leur prêtons volontiers
notre voix à eux qui n'en ont pas.
Il me fait plaisir de vous présenter les membres de la
délégation qui m'accompagnent et qui sont d'ailleurs tous membres
du comité provincial qui a rédigé le mémoire:
à ma droite, notre porte-parole, Me Oscar d'Amours qui allie les deux
formations en droit et en service social, qui est responsable du contentieux au
CSS Montréal métropolitain et procureur ad hoc de l'association;
à la suite, M. Michel Lippé, criminologue, travailleur social,
directeur général au CSS Laurentides-Lanaudière et
secrétaire du conseil d'administration de l'association; M. Jean-Guy
Myre, conseiller du programme de la protection de la jeunesse au CSS
Laurentides-Lanaudière; à ma gauche, M. Florian Gaudreault,
travailleur social et directeur de la gestion des programmes au CSS Richelieu
et M. Jacques Perreault, travailleur social et responsable des services
à l'enfance-jeunesse au CSS Montréal métropolitain.
Je vais maintenant laisser la parole à notre porte-parole, Me
d'Amours qui va vous livrer l'essence du mémoire et de ses
recommandations.
M. d'Amours (Oscar): M. le Président, MM. les ministres,
MM. les députés, les temps changent mais l'histoire se
répète. Pour la deuxième fois en trois ans, le
gouvernement du Québec présente un projet de loi afin d'assurer
la protection de la jeunesse.
D'aucuns se souviendront du projet de loi 65, déposé en
1972 et, par la suite, retiré. D'autres n'ont pas oublié qu'en
1944 le gouvernement avait fait l'étude d'une loi et,
subséquemment, adopté, en 1950 l'actuelle loi de la
protection.
L'avant-projet de loi de la protection connu depuis juin 1975 fera-t-il
exception à la règle des années cinquante? Tel n'est pas
notre souhait. L'Association des centres de services sociaux du Québec
appuie l'avant-projet de loi, mais elle préconise certaines
modifications qui nous apparaissent nécessaires afin d'assurer une
réelle protection aux enfants et de minimiser les conflits qui
pourraient exister relativement à son application. Nous voulons aussi
vous exposer le concept de la protection de la jeunesse et inclure les
éléments touchant les droits des enfants, le droit des parents,
les droits et devoirs de l'Etat.
Concrètement, l'association souhaite que cette loi puisse
s'insérer d'une façon harmonieuse dans l'ensemble de la
législation en vigueur et, de ce fait, éviter la création
de structures additionnelles non essentielles. Une organisation harmonieuse
d'un tout ayant comme objectif la protection de la jeunesse doit être le
but envisagé dans les nouvelles créations.
Enfin, nous voulons apporter une contribution par des recommandations
précises afin que le législateur, dans des textes précis,
puisse définir les rôles respectifs dévolus à chacun
des partenaires. Dans notre mémoire, vous verrez une étude de la
loi, article par article. Une rétrospective des lois nous a
démontré que le législateur fut souvent guidé dans
le domaine de la protection de la jeunesse par le concept de pater familias. Le
droit des parents était inaliénable, mais ce respect
intégral doit, en raison de nouvelles philosophies, tenir compte aussi
des droits que l'enfant peut avoir dans certaines situations. Le concept de
protection nous paraît devoir être bien identifié et
distingué.
Premièrement, les parents et les enfants ont droit
d'accéder librement et volontairement aux services de santé et
aux services sociaux dispensés en vertu de la loi
générale. Deuxièmement, toutefois, quand un enfant est
exposé à des dangers physiques ou moraux, l'Etat peut intervenir
pour proposer aux parents des mesures volontaires non libres, et à
l'enfant le cas échéant, afin d'assurer la protection.
Troisièmement, enfin, il peut y avoir des situations où il soit
nécessaire d'user de contrainte pour faire respecter le droit des
enfants et, dans ce cadre, l'Etat est justifié d'intervenir par le
pouvoir judiciaire, lequel doit agir dans le plus grand respect des individus
impliqués, tout en assurant la préséance du droit des
enfants. En conséquence, la protection sociale doit avoir
préséance sur celle de nature judiciaire.
Sous cet aspect, l'avant-projet présente un progrès
significatif, par rapport à la législation actuelle et à
celle proposée en 1972. Afin de bien préciser et circonscrire le
concept de protection qu'il veut véhiculer, le législateur doit
bien reconnaître que les parents et les enfants peuvent, volontairement
et librement, avoir recours aux services de santé et services sociaux
dispensés à l'ensemble de la population.
La liberté totale des individus et leur droit de faire appel
à ces services doivent être respectés. Toutefois, quand un
enfant est exposé à des dangers physiques ou moraux, la Loi sur
la protection de la jeunesse devrait recevoir application. De ce fait, nous
éviterions que la Loi sur la protection de la jeunesse en étant
une d'exception, devienne la loi relative à tous les enfants recevant
des services sociaux.
Au moment de l'application de la Loi de la protection de la jeunesse, il
est important que la préséance de la protection sociale soit
aussi respectée, et nous apportons notre appui sur la recherche de
l'application de mesures volontaires, non libres, avant de présenter le
cas à une cour qui aura juridiction pour imposer des limites aux droits
des parents, en prenant en considération le droit des enfants.
Les enfants, les parents et l'Etat ont des droits et des devoirs.
L'enfant: Selon l'association, nous considérons que
l'avant-projet de loi devrait contenir une énumération
articulée des droits de l'enfant. Ce dernier devrait être reconnu
comme sujet de droit, afin de lui permettre d'assumer ses devoirs. En
conséquence, il semble important que le législateur le
reconnaisse explicitement, nonobstant toute loi générale ou
spéciale.
Il devrait adopter une charte des droits de l'enfant, ayant
préséance sur toute loi, ou, à défaut, qu'il
insère dans la nouvelle loi sur la protection, une déclaration
des droits fondamentaux de l'enfant et de la famille.
Les parents: Le projet de loi reconnaît certains droits aux
parents, mais toutefois, on n'y retrouve aucunement affirmés les droits
et devoirs fondamentaux des parents relativement à l'enfant.
L'association considère que l'avant-projet de loi devrait
contenir l'énumération articulée des droits des parents et
de la famille: L'avantage d'une telle énumération permettrait de
mieux saisir la notion de protection.
L'Etat, par ailleurs, a des droits et des devoirs. Devoir d'aider les
familles, les parents à assumer leur rôle, en mettant à
leur disposition des services de support, devoir d'intervenir afin d'assurer la
protection des droits de l'enfant lorsque ce dernier est en besoin de
protection, devoir d'offrir les moyens nécessaires pour permettre aux
organismes qui auront à assumer l'application de la loi, les ressources
nécessaires pour mener à bonne fin le rôle subsidiaire de
parens patriae.
L'Etat, en raison de son droit d'intervenir, doit offrir une garantie de
fond relativement au processus à suivre et assurer un juste
équilibre entre les droits et obligations de l'ensemble des parties.
Enfin, pour qu'il n'y ait pas d'intervention injustifiée, le
législateur doit préciser les limites à l'intérieur
desquelles il veut intervenir dans l'exercice des droits des parties en
cause.
Quant aux mesures de protection, nous sommes conscients que certains
comportements de jeunes puissent exiger une détention sécuritaire
à court terme.
Toutefois, nous croyons, d'une part, qu'il faut réduire au
minimum ces mesures et, d'autre part, qu'elles doivent faire l'objet d'une
surveillance toute particulière de la part de la commission de la
protection de la jeunesse.
Nous pensons, cependant, que rien ne peut justifier la détention
de jeunes dans des cellules, prisons, ou lieux de détention
réservés aux adultes.
Enfin, nous recommandons que le directeur de la protection de la
jeunesse puisse, dans des situations d'urgence, où
l'intérêt de l'enfant l'exige, obliger un centre hospitalier, tout
comme il peut le faire au niveau des centres d'accueil, à fournir des
services essentiels.
Relativement aux structures, l'association pense que pour assurer une
protection appropriée aux jeunes en difficulté, l'Etat doit se
donner des structures fonctionnelles suffisamment bien articulées entre
elles.
Considérant que le principe de neutralité doit exister
afin d'assurer un maximum de protection, l'association croit nécessaire
l'existence du comité local d'orientation et de la commission de la
protection de la jeunesse.
Cette dernière, en raison du principe de
l'antériorité de la protection sociale, devrait être
rattachée au ministère des Affaires sociales.
Le conseil de surveillance, tel que défini dans le projet de loi,
ne semble pas un organisme susceptible d'assurer une meilleure protection,
mais, au contraire, ne vient qu'offrir indûment des recours en cas de
plainte et contribuer à la création d'un climat non propice
à une coordination.
Les fonctions dévolues au conseil de surveillance pourraient
avantageusement être accordées soit à la commission, soit
à des structures déjà existantes.
Pour les centres de services sociaux, nous croyons que la
responsabilité de la protection de la jeunesse dans une région
doit être confiée par la loi à l'établissement
désigné sous le nom de centre de services sociaux à charge
par ce dernier d'une part d'insérer dans son réseau de
distribution une direction de la protection, d'autre part de désigner
une personne qui devrait devenir le directeur de la protection. Quant au
conseil de la protection de la jeunesse, nous croyons qu'il pourrait devenir un
comité permanent du conseil consultatif du personnel clinique.
Quant à la cour, l'association est d'avis que l'application
efficace de la Loi sur la protection de la jeunesse en matière de
mesures non volontaires et non libres dépendra en bonne partie de la
qualité des services fournis par la cour. A cette fin, nous recommandons
fortement que, d'une part, toutes les matières prévues dans
l'avant-projet de loi soient de juridiction exclusive de la Cour de
bien-être social et que, d'autre part, la Cour supérieure ne soit
qu'un tribunal d'appel. Nous recommandons aussi que les juges de la cour
jouissent à la fois d'une formation juridique et d'une formation des
sciences du comportement en raison de la problématique
rencontrée. Il n'y a pas lieu que la Cour de bien-être social,
comme les autres services, ne soit pas accessible en permanence.
En terminant, nous voulons attirer l'attention de cette assemblée
sur différents points particuliers. Le droit de l'enfant et de ses
parents à la confidentialité des informations recueillies
à leur sujet doit être respecté. Nous pensons par ailleurs
que la notion de confidentialité est une notion relative et qu'elle peut
se concilier avec un partage limité d'informations relatives à un
enfant dans la mesure où ce partage peut être nécessaire
à sa protection. En conséquence, le législateur devrait
clarifier, en tenant compte de l'intérêt de chacune des personnes
impliquées, l'ambiguïté du projet de loi relativement aux
principes de la confidentialité et de la diffusion exigées par la
loi. Nous attirons aussi l'attention du législateur sur la
confidentialité du fichier central, lequel, à notre opinion,
devrait, quant à sa nature et à son accessibilité,
être le plus restrictif possible.
Nos observations sur la confidentialité devraient aussi
s'appliquer aux dossiers du tribunal et des centres de services sociaux. Nous
croyons que toutes les dispositions touchant les ressources devraient se
retrouver à l'intérieur du chapi- tre 48 modifié. Tenant
compte aussi du fait que la Loi sur la protection de la jeunesse est du ressort
exclusif en première instance de la Cour de bien-être social, nous
croyons important que la Loi de la protection de la santé publique soit
modifiée. Enfin, nous croyons que la commission parlementaire ne devrait
pas ignorer que cette loi de protection pourrait permettre avantageusement la
création des tribunaux familiaux.
Enfin, si vous étiez usagers et qu'un de vos enfants devait
être soumis à cette loi, est-ce que vous croyez que votre enfant
aurait toute la protection de droit à laquelle vous vous attendriez? Et
est-ce que, comme parents, cette loi vous permettrait de faire respecter
l'ensemble des droits? Si vous pouvez répondre oui à ces deux
questions, à la lumière des observations contenues dans le
mémoire, nous croyons que nous pourrons avoir atteint certains
objectifs. Sinon, quels sont les points qui pourraient être
clarifiés? Nous donnerons suite aux questions que vous auriez à
nous poser. Merci.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
l'Association des centres de services sociaux pour un mémoire dont ses
représentants n'ont brossé qu'une vue à vol d'oiseau dans
cette présentation, qui est extrêmement détaillé.
Plutôt que de reprendre des points qui sont exprimés dans ce
mémoire et que l'on retrouve dans d'autres mémoires, qui ont
d'ailleurs déjà été discutés aujourd'hui,
j'aimerais peut-être essayer de concentrer quelques questions sur les
aspects qui sont spécifiques à cette présentation que nous
venons d'entendre et, en particulier, sur cette insistance qui est
placée sur la nécessité de situer cette loi dans le cadre
plus général qui est défini par la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. Si je comprends bien, votre proposition
vise à considérer la Loi sur la protection de la jeunesse comme
une mesure d'exception qui ne serait invoquée que dans les occasions
où une intervention des services publics, si l'on peut dire, est
nécessaire, mais qui ne se substituerait pas au droit commun dans tous
les cas où une intervention purement volontaire, purement facultative
est faite par une famille de recourir, par exemple, aux services des centres de
services sociaux.
Vous dégagez aussi de cela d'autres implications. J'aimerais...
Bien sûr, c'est là le sens de vos remarques relativement à
cette question de la législation sociale, considérée dans
son ensemble.
M. d'Amours: M. le Président, je pense qu'il faut bien
situer la Loi de la protection de la jeunesse. Nous croyons que la
société doit offrir à l'ensemble de ses citoyens des
services pour permettre aux citoyens d'assumer les fonctions et
responsabilités qui leur sont dévolues, soit à
l'égard de leurs enfants, droits et devoirs des parents à
l'égard des enfants.
Nous nous disons ceci: Si un citoyen, se sentant en difficulté,
fait volontairement et librement
une démarche auprès d'un service existant, nous croyons
que sa liberté doit être respectée, puisqu'il fait cette
démarche volontairement. Le droit qui devrait être applicable
à ce moment-là, c'est le droit en général, le Code
civil et tout cela.
Nous croyons que l'Etat intervient au niveau de la protection à
un autre niveau, lorsque l'enfant est en danger, lorsque l'enfant voit son
développement mis en péril. A ce moment-là, l'Etat
intervient par le truchement de la Loi de la protection de la jeunesse.
Ceci permet de faire une nette clarification au niveau du droit des
parents lorsque, volontairement et librement, il fait appel à des
services. Mais lorsque nous intervenons, lorsque la société
intervient par la Loi de la protection de la jeunesse, à ce
moment-là, ou intervient pour la protection des droits de l'enfant.
Là, la Loi de la protection de la jeunesse a son application.
M. Choquette: Merci...
M. d'Amours: Je pense qu'il faut que ce soit clair parce que la
loi de la protection prévoit des mécanismes, on fait abstraction
de la confidentialité et tous ces points qui sont prévus dans une
autre loi. Mais au moment où nous intervenons avec la loi de la
protection, encore là, il y a la préséance de la
protection sociale sur la protection judiciaire.
Je me demande si vous avez ces documents. Oui, vous les avez. Vous avez
un document en main qui s'intitule "Fondements organisationnels et
légaux de la protection de la jeunesse". On parle de la situation A, B
et C. J'étais à expliquer la case B. Si les parents,
volontairement, acceptent les mesures de protection, ils ne sont pas libres,
parce qu'il y a un intervenant qui a dit, au niveau du conseil local
d'orientation: Votre enfant est en danger, ne le qualifions pas pour le moment
et nous croyons que vous devriez rencontrer une personne pour vous aider.
Ils n'ont pas fait la démarche librement, mais volontairement,
ils vont accepter les mesures. Mais s'ils n'acceptent pas les mesures et que
l'intérêt de l'enfant l'exige, parce qu'il doit avoir des droits
au bonheur, des droits à l'éducation, on pourrait en
énumérer...
On touche des droits d'individus. Je pense que la protection judiciaire
doit intervenir. On touche des droits. C'est dans ce contexte que nous avons
fait ce tableau. Peut-être que M. Lippé aurait...
M. Lippé (Michel): Notre souci de considérer la Loi
sur la protection de la jeunesse comme une loi résiduaire va dans le
sens du respect intégral du principe qui veut que les parents soient les
premiers éducateurs de l'enfant et que les parents soient libres
d'accepter ou de refuser des services de santé et des services sociaux
dans toutes les situations sauf celles où ils exposent leur enfant
à des dangers physiques ou moraux.
Lorsqu'ils exposent les enfants à des dangers physiques et
moraux, il appartient à un méca- nisme, qui est le comité
local d'orientation, de juger si effectivement c'est le cas et, si c'est le
cas, de demander une intervention. Mais, en aucune façon, l'Association
des centres de services sociaux se voit mandatée pour aller
s'ingérer dans le libre exercice des droits des parents d'éduquer
leurs enfants comme ils le veulent.
Si les enfants sont exposés à des dangers physiques et
moraux, il appartient au comité local d'en tenir compte et de juger, si
effectivement c'est le cas, qu'une intervention est nécessaire.
L'intervention peut être libre et volontaire ou, encore, si elle ne peut
pas l'être, il s'agit que le pouvoir judiciaire prenne les moyens d'user
de contraintes pour que l'intervention se fasse auprès de l'enfant en
désaccord avec ses parents, si c'est là son bien.
M. Forget: M. le Président, je ne veux pas passer trop de
temps sur ce point, mais il me semble qu'il y a peut-être des
implications assez significatives, encore une fois, sous toutes
réserves, puisque nous avons entendu, ce matin ou cet après-midi,
une proposition qui peut être interprétée comme à
l'opposé de celle-là je n'en suis pas absolument certain
nous demandant de considérer la Loi sur la protection de la
jeunesse comme créant un cadre d'ensemble, un cadre
général et où, en somme, tous les droits et les devoirs
des parties en présence dans ce cas, les parents et les enfants
trouvent leur définition. Je pense qu'on pourrait
interpréter la position du groupe qui est devant nous comme prenant une
attitude opposée disant que seuls les droits qui sont invoqués ou
dont l'utilisation est en question dans une intervention de protection doivent
apparaître dans un tel projet.
Il ne s'agit pas de faire un cadre absolument général pour
régir, déterminer et préciser les relations à
l'intérieur des familles. Ceci relève plutôt du droit civil
et d'une charte générale des droits de l'homme, etc. Est-ce que
c'est bien dans ce sens que le groupe que vous représentez comprend
cette conclusion?
M. d'Amours: M. le Président, je pense que le tableau ou
les éléments qui sont contenus dans le mémoire veulent que
l'on clarifie très bien l'impact de la loi de protection. Je pense qu'il
n'y a aucune contradiction avec ce qui a déjà été
exposé. Les gens qui nous ont précédés ont
parlé des cases b) et c). A ce niveau, nous appuyons les exposés
qui ont été faits, mais nous ne croyons pas que la loi de
protection en soi devrait s'appliquer pour une personne qui, voyant son enfant
malade, ayant une grippe, se présente chez le médecin, ou
plutôt je pense que la position des personnes qui nous ont
précédés était vraiment dans le cadre de b) et c),
mais nous parlons aussi de l'ensemble des citoyens. Si je donne l'exemple d'un
centre hospitalier ou d'un centre de services sociaux, c'est que ce n'est pas
parce qu'il y a la loi de la protection que les autres services ne seront pas
donnés. Les autres services vont être donnés d'une
façon libre et volontaire, mais lorsqu'il s'agira de la loi de pro-
tection, elle aura son entière application avec l'enfant sujet de
droits, l'enfant qui a des droits à faire valoir. On a organisé
une société, mais il y a des gens, à un moment
donné, qui n'exercent pas dans le sens d'une compréhension de
l'intérêt de l'enfant les obligations qui leur sont
dévolues. A ce moment, l'enfant a des droits à faire valoir et la
loi de protection intervient.
M. Lippé: Je pourrais peut-être donner un exemple
qui clarifie les choses. Supposons la situation d'une famille comprenant le
père, la mère et deux enfants, et où, par un accident
d'automobile, la mère décède. Le père a toujours
été un bon éducateur pour ses enfants, mais il se voit
dépourvu, n'ayant pas de mère à la maison. Est-ce que,
pour avoir les services d'une famille d'accueil, il devrait passer par le
mécanisme de la loi de protection ou s'il peut s'adresser volontairement
et librement à un centre de services sociaux et demander que ses enfants
soient placés en famille d'accueil? Si on regarde la loi de protection
comme une loi globale et non d'exception, il faudrait à ce moment que ce
père soit jugé quelque peu indigne pour que le mécanisme
de la loi se mette à fonctionner, puisqu'on dit qu'il y a danger
physique ou moral.
M. Forget: Est-ce que vous seriez disposé à
souscrire je me réfère à votre recommandation no 7
à ce que nous a dit sur le même sujet l'organisme
précédent, la Ligue des droits de l'homme, relativement à
l'utilisation du pouvoir de décision du procureur général?
Est-ce que vous étiez présent cet après-midi?
M. Lippé: Oui.
M. Forget: Ce qui a été dit par cet organisme
puisque vous l'exprimez, mais vous l'exprimez de façon un peu
plus générale dans votre recommandation est-ce que c'est
fondamentalement la même position?
M. Lippé: Oui, exactement. On considère que, dans
un domaine comme celui-là, où on fait appel surtout aux valeurs
des individus, l'équilibre entre le représentant de la justice,
des sciences du comportement et le citoyen est la meilleure garantie qu'on ne
s'ingérera pas d'une façon indue dans l'exercice des droits des
parents.
M. Myre (Jean-Guy): M. le Président, nous sommes d'accord
avec ce que la Ligue des droits de l'homme a soutenu, par rapport à
l'article 59, peut-être pour d'autres raisons. Nous, c'est en fonction du
principe qui nous semble être reconnu dans l'avant-projet de loi, celui
de l'antériorité de la protection sociale sur la protection
judiciaire. Il nous semble que l'intervention judiciaire devrait être le
dernier recours dans le cas d'enfants qui sont en danger. La plupart du temps,
il semblerait que la présence, la comparution de jeunes en cour est
inutile et souvent même néfaste. C'est pourquoi il nous semble que
nous devrions toujours utiliser tous les autres moyens avant d'aller à
la cour. Ceci devrait s'appliquer même aux enfants de quatorze ans et
plus. Pourquoi accepte-t-on ce principe de l'antériorité de la
protection sociale dans le cas des enfants de treize ans et moins qui
pourraient avoir commis un délit grave? Pourquoi, à quatorze ans,
de façon arbitraire... A ce moment, ce n'est plus l'intérêt
de l'enfant qui devient premier, c'est l'intérêt de la
société.
Nous pensons, en vertu même de l'article je ne me souviens
pas de quel article dans le projet de loi, où on dit que c'est
l'intérêt de l'enfant qui doit être premier, que cela
devrait s'appliquer même pour les enfants qui ont quatorze ans et plus
qui ont commis des crimes.
Evidemment, nous présumons que le comité local
d'orientation, devant un délit qui serait grave, va l'envoyer à
la cour, en cas de récidive, par exemple.
C'est pourquoi nous sommes tout à fait d'accord avec la position
de la Ligue des droits de l'homme, peut-être pour d'autres motifs.
M. Forget: Relativement à la déchéance de la
puissance paternelle, un autre sujet qui a été très
brièvement abordé cet après-midi, vous affirmez la
juridiction exclusive de la Cour de bien-être social, mais, sur le fond
du problème, c'est le pouvoir de retirer, ou de proclamer, ou de
déclarer la déchéance. Avez-vous une position
définie sur cette question?
M. d'Amours: M. le Président, nous croyons que la
déchéance de l'autorité parentale est une mesure grave.
Nous avons mentionné que la limite dans laquelle le législateur
doit intervenir à ce niveau doit être très
circonscrite.
Nous croyons que la déchéance de l'autorité
parentale pourrait exister, mais pas de n'importe quelle façon, et pas
dans une situation où on règle cela dans cinq minutes. C'est
grave. C'est grave, mais il faut aussi clarifier des situations.
Vous me permettrez, M. le Président, de donner un exemple. Je
vais chevaucher sur un ensemble de législations et je considère
que l'on doit clarifier ce problème.
Nous prenons la loi de l'adoption. Différents auteurs ont
écrit et ont dit: La déchéance de l'autorité
parentale existe dans notre législation. Un enfant est confié, en
vertu de l'article 15, à une famille d'accueil ou, à la suite
d'une recommandation au ministre... Quand je cite l'article 15, je cite la Loi
sur la protection de la jeunesse, chapitre 220 des lois du Québec,
1964.
Je prends cette loi de 1950 et je prends la Loi d'adoption de 1969. Si
vous me permettez, je vais citer un article de la loi.
A l'article 6 b), on dit ceci: "Lorsque ni le père, ni la
mère, ni un ascendant de l'enfant n'en a assumé de fait le soin,
l'entretien ou l'éducation, pendant au moins six mois avant qu'il ait
été placé en vue de son adoption, l'enfant mineur naturel
pourrait être adopté".
Quel est l'effet d'un jugement d'adoption? Nous disons à
l'article 38: "A compter de la date
du jugement prononçant l'adoption, l'adopté devient,
à tous égards et à l'égard de tous, l'enfant
légitime de l'adoptant et celui de son conjoint, si ce dernier s'est
porté partie à la requête d'adoption".
Si ce n'est pas de la déchéance de l'autorité
parentale, au niveau des parents naturels, au niveau des parents
légitimes, je me demande ce que c'est.
Et présentement, il y a des enfants qui attendent pour être
adoptés. On dit: Le tribunal a-t-il ou non juridiction en vertu de la
Loi sur la protection de la jeunesse pour un placement en vue d'adoption? On
dit d'autre part que la société d'adoption ici, on a des
termes qui chevauchent... On dit ceci: "Toute société d'adoption
reconnue peut, sous l'autorité du ministre, prendre charge des enfants
abandonnés et placer en vue de leur adoption, les enfants qui peuvent
être adoptés en vertu de la présente loi".
On pourrait tirer la conclusion suivante de ces deux aspects: La Loi de
protection de 1950 a été une loi qui a été
créée pour admettre des enfants dans des centres d'accueil.
En 1951, le juge disait: Cela n'a pas d'allure. On n'a pas juridiction
pour les enfants de 0 à 6 ans parce qu'ils ne vont pas à
l'école. Alors, on a modifié la Loi sur la protection de la
jeunesse. On l'a élargie. On a rajouté ceci et cela. On en a
rajouté en 1950 et en 1973.
Est-il clair que le juge peut confier l'enfant en vue de son placement?
La jurisprudence n'est pas claire là-dessus; mais ce qui est clair,
c'est qu'une société d'adoption peut placer cet enfant en vue de
l'adoption.
Et je préfère que ce problème soit clarifié,
non pas parce que les centres de services sociaux ou les sociétés
d'adoption qui ont à placer ces enfants se sentent dans
l'insécurité à ce niveau je pense qu'il y a les
dispositions de la loi mais, nous voulons un respect de l'ensemble des
parties en cause. Nous voulons que, devant un tribunal, cela soit
clarifié. Y a-t-il lieu de déclarer la déchéance de
l'autorité parentale ou n'y a-t-il pas lieu?
Il ne faudrait pas que les motifs soient de vagues motifs. C'est pour
cela que nous attirons l'attention du législateur sur la question de la
déchéance de l'autorité parentale.
Je prends les exemples que j'ai donnés à partir d'une loi.
Ce n'est pas de la loi qu'on discute aujourd'hui, mais cela constitue quand
même certaines implications et au niveau des adoptants aussi, je pense
qu'on ne doit pas penser faire adopter des enfants à 18, à 19 ans
ou à 14 ans. Il est préférable de leur offrir une
stabilité le plus tôt possible.
Alors, au niveau de la déchéance de l'autorité
parentale, nous sommes d'accord parce que si nous le faisons, nous allons
clarifier une situation, car nous ne voulons pas qu'elle soit faite de
n'importe quelle façon.
M. Forget: Je vous remercie. Une autre de vos recommandations qui
est un peu surprenante, vise à la suppression de toute la partie de
l'avant-projet de loi relatif au conseil de surveillance. Quelles que soient
les réserves qu'on puisse avoir sur la dénomination de ces
conseils, je me demande si vous avez considéré la
possibilité, même la nécessité, à mon avis,
d'impliquer le public, les personnes intéressées qui ne sont pas
des professionnels, ni des services judiciaires, ni des services sociaux, des
personnes intéressées de la collectivité qui,
déjà, effectivement sont actives dans beaucoup de régions
de la province et qui s'intéressent au problème de l'enfance. Le
conseil de surveillance n'est qu'une étiquette que l'on colle à
une collection de pareils individus dont on n'exige qu'une seule chose, c'est
qu'ils soient au moins assez nombreux pour qu'on en parle comme d'une
collectivité plutôt que comme d'un simple individu. Est-ce que
c'est aux pouvoirs malgré tout assez minces de ce conseil de
surveillance que vous en avez? Est-ce que c'est à son nom? Ou est-ce que
c'est au principe même que des gens qui sont des laïcs, si vous
voulez, ou des non-experts dans le domaine de la protection de l'enfance,
interviennent dans ce processus de la façon qu'on le prévoit?
M. Perreault (Jacques): Sur cette question, M. le
Président, face à la dernière interrogation, si nous
remettons en question le principe de participation des "laïcs", je pense
qu'il n'en est aucunement question. Ce n'est pas ce principe qu'on remet en
cause. D'ailleurs, dans la composition de la commission de la protection, on
parle d'une composition représentative des diverses régions du
Québec et de différentes parties de la population. On y voit un
rôle qui pourrait être une déconcentration, par exemple, de
la commission, en vue d'amener une concertation dans chacune des
régions.
Ce qu'on veut éviter, c'est que le conseil de surveillance, tel
qu'il est défini dans le projet de loi, aux articles 37 et 38, devienne
un autre organisme parallèle, susceptible de recevoir des plaintes, avec
droit d'enquête, etc. Je crois qu'on veut essayer d'utiliser au maximum
les structures prévues actuellement à ce niveau, avec ces
fonctions, dans le chapitre 48, qu'on pense à certains pouvoirs des CSS
dans le domaine des plaintes, qu'on pense aux CRSSS, d'essayer de rendre plus
opérationnelles ces structures, de leur faire jouer leur rôle en
leur donnant les moyens, mais de ne pas créer un organisme
parallèle pour faire en sorte que les gens qui auraient des plaintes
à porter pourraient le faire à différentes instances, que
ce soient celles mentionnées au conseil de surveillance, à la
commission des affaires sociales et autres organismes.
On dit que le conseil de surveillance, avec des fonctions pour
étudier les plaintes, etc., ce sont des rôles que l'on voit
rapatrier dans le réseau actuel. D'autre part, on veut aussi faciliter
la concertation des différents publics touchés ou des
différentes instances touchées par la protection de l'enfance en
changeant et en suggérant des modes de représentation au niveau
de la commission qui pourraient se déconcentrer dans certaines de ses
fonctions, au niveau de chacune des régions.
M. Forget: Malgré tout, il reste que la commission est un
organisme, une entité juridique, une corporation qui a un conseil
d'administration qui se réunit fréquemment j'imagine, même
s'il se réunit régulièrement. Comment la commission
peut-elle être présente partout et véritablement favoriser
la participation si cette participation est limitée à faire
partie d'un conseil d'administration? Cela me semble une porte très
étroitement ouverte à la participation que de ne prévoir
que quelques membres du public au conseil d'administration d'un organisme
provincial. Je crois que les citoyens qui sont intéressés et qui
peuvent intervenir de façon concrète veulent le faire de
façon beaucoup plus immédiate au contact des problèmes
vécus dans leur quartier, dans leur région, dans leur ville
plutôt qu'au niveau provincial.
Est-ce que vous avez à l'esprit une autre formule de
participation que celle qui est suggérée ici, encore une fois,
quelles que soient les réserves qu'on puisse avoir sur l'appellation qui
lui est donnée?
M. Perreault (Jacques): D'une part, il y a une participation des
citoyens au niveau des comités locaux d'orientation. Je veux dire qu'on
ne parle pas d'un comité local par région. On pense aux
différentes régions, aux comités locaux d'orientation et
on voit également, dans les attributions de la commission, qu'elle a
pour fonctions, à l'article 22 c) et d), de favoriser la protection des
enfants soumis à des mauvais traitements et de promouvoir le
développement de programmes d'information destinés à
renseigner la population en général. Je pense qu'il n'est
peut-être pas nécessaire de créer une structure, comme le
conseil de surveillance, mais qui puisse déléguer à
certains comités régionaux, qui seraient
représentés au niveau de la commission par une personne, ses
fonctions d'information, de sensibilisation, de concertation dont on a
parlé sans nécessairement, comme je le disais, créer de
toutes pièces un organisme qui risque finalement de ne pas atteindre les
objectifs pour lesquels on le crée, si on regarde les articles 37 et
38.
M. Lippé: Evidemment, le rôle important, comme on le
soulignait... C'est bien évident que, dans les régions
socio-sanitaires, il va y avoir au moins un, sinon plusieurs comités
locaux, selon la nature de la région. Dans ce domaine, s'il y a une
chose importante, c'est de pouvoir se parler entre les juges, entre les
citoyens, entre les gens impliqués et d'avoir une table comme
celle-là qui pourrait être une extension de la commission par une
forme de comité. Ce serait peut-être l'outil
privilégié, dans le sens d'obliger tout le monde, par un
mécanisme, à devoir décider d'un certain nombre de
règles et de pratiques à l'intérieur d'une région,
de discuter des cas marginaux à l'intérieur de la région.
Pour nous, ce serait vraiment une meilleure utilisation d'un organisme comme
celui-là. Parce qu'au niveau de la surveillance du réseau, il est
surveillé par beaucoup de monde. Le citoyen qui a une plainte à
porter a des canaux qui lui permettent de la porter. C'est vraiment de pouvoir
permettre à tous les gens impliqués, les juges, les greffiers de
cour et autres de se parler; ce serait un mécanisme très
intéressant.
M. Perreault (Jacques): Cette recommandation s'inscrit
également dans une préoccupation qui a été
mentionnée par Me d'Amours, qui est de concordance avec la loi de
protection qu'on voit vous l'avez mentionné, et votre
interprétation était juste comme une loi d'exception
jusqu'à un certain point qui vient compléter un réseau de
distribution de services et est encadrée par le chapitre 48.
M. Forget: Sur le plan de la confidentialité de
l'information, j'aimerais que vous développiez un peu un certain nombre
de recommandations que vous avez exprimées quant à la
nécessité ou à la possibilité de dénoncer
les cas de négligence dont sont victimes les enfants et relativement au
fichier qui doit être maintenu par la commission.
M. d'Amours: M. le Président, nous nous en reportons
à l'article 46. Je crois qu'il est important, au niveau d'un article de
cette nature, relativement à la dénonciation des cas... C'est
que, si l'enfant est physiquement maltraité, on dit qu'il existe une
obligation de dénoncer. Si l'enfant, dans son développement
psychologique, au niveau de l'éducation et tout ça, est en
danger, tout citoyen peut dénoncer la situation au comité local
d'orientation. Nous croyons qu'il est important de garder la distinction, d'une
part, parce que la première partie de l'article constitue une infraction
pour celui qui ne le fait pas. D'un autre côté, il y a la
deuxième partie, qui regarde le développement d'un enfant.
D'après le professionnel, cet aspect peut être vu avec plus
ou moins d'acuité.
Je donnerais l'exemple d'un psychologue qui reçoit un enfant ou
reçoit des parents et commence un traitement avec ces gens-là.
Ces gens sont décidés d'aller le rencontrer pour essayer de
régler leurs problèmes personnels.
Que va faire le professionnel si on l'oblige à dénoncer
ces cas spécifiques? Quel est le type de relation? Quel est le type de
résultat? Il ne pourra pas y avoir de traitement possible parce que la
relation professionnelle est basée sur une confiance.
Je pense qu'on ne pourrait pas changer le terme "peut" pour celui de
"doit". Au niveau de celui qui est maltraité physiquement, je pense
qu'il est important, il y a des intérêts supérieurs,
l'intérêt de l'enfant, qui sont en jeu.
Par ailleurs, si la personne vient librement faire traiter son enfant,
quelle est l'obligation du professionnel? Doit-il immédiatement le
faire? Ou doit-il commencer le traitement? Mais s'il ne peut pas se rendre
à terme, n'aurait-il pas l'obligation, à ce moment-là, de
le dénoncer?
M. Forget: C'est l'ambiguïté que vous soulignez dans
votre mémoire.
M. d'Amours: C'est cela, d'une part.
M. Forget: Sur les autres aspects de confidentialité, le
registre et également la question qui a été
débattue cet après-midi, relativement au caractère de huis
clos ou de publicité de l'audition devant le tribunal, devant la
cour.
M. d'Amours: M. le Président, j'aurais deux observations.
Je pense qu'il est important qu'il y ait quelqu'un qui puisse assister aux
enquêtes et auditions. Maintenant, sommes-nous devant une loi de
protection pour protéger le droit des enfants ou informer le public?
Personnellement, j'ai déjà assisté à des
procès tant en Cour supérieure, en matière de garde
d'enfants qu'en Cour de bien-être, pour protection et délinquance.
Je pense qu'il est important qu'il existe des personnes; mais je crois que le
principe devrait être le huis clos, que les membres de la commission
puissent y assister et que la commission puisse aussi en accréditer.
Nous croyons que la commission est le pivot de la loi de protection et
nous faisons confiance à la commission. Je pense que c'est elle qui doit
accréditer les gens pour y assister.
Quand vous voyez des enfants traumatisés par le seul fait d'avoir
à se présenter à la cour, si les salles sont pleines,
est-ce qu'on va lui rendre service? Mais il y a une différence entre un
huis clos absolu et un huis clos où on assurera la présence
d'individus.
Si les parents, à un moment-donné, disent: Nous, nous ne
demandons pas au juge si on prend la première position où
le public y est admis de faire sortir les gens ou s'ils le demandent,
quelle garantie a-t-on de plus? Il n'y a plus personne.
Je pense qu'il est important d'assurer un mécanisme où il
y aura quelqu'un à la cour, mais que le huis clos soit le principe. Au
niveau de la charte des libertés et droits des personnes, on dit que,
dans les cas de séparations, de divorce, de questions familiales, on
pourra tenir les séances à huis clos.
Je fais l'analogie au niveau de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Le principe, c'est le huis-clos. La commission devrait avoir le pouvoir
d'accréditer des gens. Quant à la diffusion du contenu, je pense
qu'il est nécessaire qu'à un moment donné on puisse
divulguer non pas le nom des gens, mais dénoncer certaines
situations.
Par ailleurs, n'oublions pas, M. le Président, que la
législation est faite pour l'ensemble de la province. Si vous êtes
à New Carlisle, Matane, Rimouski ou Rivière-du-Loup, qu'est-ce
qui va arriver? Les gens sont au courant de la cause. Qui va être le plus
perdant là-dedans?
A Montréal, je conviens que la situation est anonyme, mais, dans
l'ensemble de la province, cela voudrait dire qu'on obligerait un enfant
à avoir deux procès, un procès à l'intérieur
et un procès au niveau du public. Je serais réticent à
souscrire au fait que le huis-clos n'est pas le principe, mais je souscrirais
à une modalité qui assure la présence d'individus
accrédités au niveau du tribunal.
Sur ce point, je fais confiance à la commission; parce que si on
ne lui fait pas confiance à ce niveau, il ne nous reste pas grand-chose.
Je lui fais confiance et je pense que les gens qui seront à la
commission sont des gens qui auront comme principale préoccupation
l'intérêt de la protection et l'intérêt de la
défense des droits des enfants.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je veux remercier aussi
l'Association des centres de services sociaux pour la qualité du
mémoire présenté, l'analyse exhaustive, article par
article, qui nous sera certes d'utilité. Je ne lui en fais pas reproche,
au contraire, mais le ministre des Affaires sociales a souligné les
points marquants, non seulement que nous aurons à poser à chaque
délégation que nous recevrons, mais également
ceux-là même qu'avait isolés l'association dans son
mémoire.
Vous me permettrez de m'en tenir à quelques questions de soutien
à ce qu'a déjà avancé le ministre des Affaires
sociales et d'élargir un tant soit peu le débat, puisque nous
avons la chance n'est pas fréquente des gens des centres
de services sociaux avec nous, ce soir, sur un aspect tout aussi important.
Mais, tenons-nous-en à l'aspect de la loi. Je voulais vous poser une
question sur le huis-clos. Vous venez d'y répondre.
Vous faites mention, à propos des centres locaux d'orientation,
à un moment donné, que vous vous inquiétez je pense
que c'est comme CSS que vous le faites; uniquement vous pouvez le faire sur
cette question du partage du territoire, de l'organisation des CLO dans
le territoire du Québec. Tantôt vous évoquiez la
possibilité qu'un conseil de surveillance, s'il devait être
maintenu, contrairement à votre opinion, pourrait avoir plusieurs
centres locaux d'orientation à surveiller, à d'autres occasions,
non... Pouvez-vous préciser, administrativement je dirais, votre avis
là-dessus, comme administrateur de centres de services sociaux
cela nous serait important les interrogations et les difficultés
que vous prévoyez là-dedans?
M. Gaudreault: M. le Président, dans
l'opéra-tionnalisation des comités locaux d'orientation, on peut
prévoir un certain nombre d'écueils si des mesures ne sont pas
prises. On pourrait se demander, par exemple, combien y en aurait-il dans le
territoire du Québec? A combien d'endroits, par exemple, un juge de la
Cour de bien-être social ou les juges des Cours de bien-être social
siègent au Québec? Cinquante, soixante, cent? Le nombre serait
probablement trouvable à quelque endroit, ce qui veut dire qu'à
chaque endroit, je pense, où un juge de Cour de bien-être social
siège, il devrait y avoir une porte d'entrée quelconque pour
recevoir des cas à l'occasion.
Egalement, le comité local d'orientation doit être
disponible 24 heures par jour et sept jour par
semaine, ce qui n'est pas également sans compliquer les choses.
Alors, il y a du côté de l'opéra-tionnalisation, des
questions à se poser et des problèmes à voir, que les
centres de services sociaux auront sûrement à discuter avec la
commission qui est chargée de nommer quelqu'un au comité local,
un avocat, soit avec le conseil de surveillance, s'il est maintenu, ou, selon
notre proposition, avec le conseil régional de la santé et des
services sociaux qui pourrait indiquer des bénévoles du milieu
pouvant participer à ce comité.
M. Charron: Envisagez-vous, si le conseil de surveillance devait
être maintenu, qu'il peut effectivement y avoir plusieurs comités
locaux sous sa responsabilité?
M. Gaudreault: Cela pourrait être pensable. Les
modalités dans l'avant-projet de loi ne sont pas prévues. Si
c'était maintenu, un conseil de surveillance dans une région
pourrait regrouper un certain nombre de comités locaux, en raison de la
participation des citoyens qui s'y trouvent. On pourrait penser peut-être
aussi, et c'est peut-être là l'intérêt d'avoir une
diversification possible des conseils de surveillance, dans des milieux un peu
plus populeux, dans les quartiers, par exemple, où on aurait un conseil
de surveillance, qu'il pourrait faire une action davantage orientée vers
la protection et la prévention de la délinquance. Je pense que
les formules de ce côté, si elles étaient maintenues,
pourraient être multiples et variées en fonction de conditions
propres à un milieu.
M. Charron: Je vous ai écouté tout à l'heure
répondre à la question du ministre quant à votre
suggestion pour l'abolition des conseils de surveillance. J'estime, je ne sais
pas si c'est l'opinion du ministre, que vous avez répondu en partie
seulement à l'objection que formulait le ministre à votre
objection au conseil de surveillance. Il m'a semblé, je vous le dis en
toute bonne foi, qu'il y avait beaucoup d'un plaidoyer pro domo dans ce que
vous nous avez fait à rencontre des conseils de surveillance, en ce sens
que nous sentions que les CSS se sentaient en voie de perdre une partie de leur
juridiction et en réclamaient la totalité. Tel que les CSS
fonctionnent actuellement, on peut peut-être extrapoler pour le
développement futur, j'en conviens, mais tenons-nous-en au
présent, si les centres de services sociaux que vous représentez
peuvent actuellement accomplir leur tâche aussi efficacement.
Devraient-ils pour cela s'ouvrir et inclure la population pour remplir le
critère de participation démocratique maintenu au conseil de
surveillance? Est-ce qu'ils sont en état de le faire ou s'il faut
ajouter cette structure? J'ai des doutes sur la responsabilité, la
surcharge de responsabilité que les centres de services sociaux
pourraient se donner à l'occasion. Je prends l'argument du ministre, non
pas parce que je veux me faire le porte-parole de la loi, mais parce que j'ai
toujours l'argument important, et c'est vous-même qui l'avez
souligné, vous dites: La commission vous apparaît le pivot de ce
projet de loi. Je ne partage pas votre opinion là-dessus, mais puisque
vous avez dit que le principal acquis peut-être de ce projet de loi est
la commission elle-même, logiquement, j'embarque avec vous. C'est
à la commission d'organiser elle-même son propre système de
surveillance et non pas au CSS. Je voudrais, autrement dit, que vous ajoutiez
peut-être à l'argumentation de tout à l'heure,
peut-être pour la clarifier.
M. Perreault: Je ne sais pas si c'est ajouter ou rectifier ce
qu'on a dit tantôt. Je ne pense pas qu'on ait parlé de
rapatriement aux CSS des conseils de surveillance. Comme vous avez si bien dit,
les CSS ont leur surcharge de responsabilité. Je ne pense pas qu'on soit
en lutte pour en avoir d'autre. D'accord?
Ce que j'ai dit, c'est qu'il existait, actuellement, dans le
réseau des Affaires sociales, des organismes dont une des fonctions est
de recevoir des plaintes: Les CRSSS, où on peut se plaindre; la
commission des affaires sociales et les CSS qui, à l'intérieur de
leur structure, on un service de plaintes sur le type de services qui sont
rendus. Tout ce que j'ai voulu dire tantôt je crois que j'ai
été mal compris c'est laisser à chacun de ces
organismes ses responsabilités, pas en ajouter. Mais ce que je disais,
c'est qu'en ajoutant un conseil de surveillance, on vient au niveau de la
population et des enfants, parce que je pense que c'est là que se
situent nos préoccupations, et non au niveau des structures. A ce
niveau, on vient de créer un autre organisme, une autre structure qui va
aussi recevoir des plaintes. On se place dans la peau de la personne qui veut
se plaindre, à Montréal. Elle va avoir bien des places où
se plaindre. On dit: II y en a déjà assez. Si elles ne sont pas
organisées, si elles ne sont pas efficaces, rendons celles-là
efficaces, mais n'en créons pas une autre à côté.
C'est ce que j'ai voulu dire.
M. Charron: S'il n'y avait pas de conseil de surveillance, pour
un citoyen de Saint-Jacques, par exemple, qui veut se plaindre du travail du
comité local d'orientation qui, vraisemblablement, serait chez nous...
Actuellement, vous dites qu'il y a déjà suffisamment de portes
à cet effet. Il pourrait s'adresser au CSSMM et porter plainte
là-dessus. Mais quels seraient les moyens d'action du CSSMM,
actuellement, si le CLO relève de la commission et que vous reconnaissez
à celle-ci le pouvoir d'appliquer la loi telle qu'elle sera
adoptée?
M. Perreault (Jacques): Quand vous dites: Quel est le pouvoir du
CSSMM dans une telle situation, je vous reprends tout de suite en disant: Selon
le type de plaintes, il y a d'autres organismes que le CSS pour les recevoir.
D'accord? Le CSSMM a la responsabilité de rendre des services de
qualité et le type de plaintes qui viennent au CSS, ce sont des plaintes
qui peuvent toucher la qualité des services qui sont rendus. A ce
moment, quel pouvoir a-t-on? On a des pouvoirs d'adminis-
trateurs face aux gens dont on est responsable et de qui on se plaint,
face au type de services qu'ils ont rendus. Si des services ne sont pas rendus,
je pense qu'il peut y avoir le CRSSS ou...
M. Charron: Posons la question autrement. Croyez-vous que les CSS
actuellement sur le territoire pourraient remplir les fonctions, les pouvoirs
et les devoirs mentionnés pour le comité de surveillance, article
37. On dit que le conseil de surveillance a pour fonction de surveiller
l'application générale de la présente loi dans la
région pour laquelle il est formé, d'informer la population sur
les dispositions de la présente loi, de recevoir et d'étudier les
plaintes du public et d'effectuer toutes autres tâches qui peuvent lui
être confiées par la commission ou le ministre.
Si je transposais cet objectif de la loi aux CSS actuellement, vous
devriez donc remplir toutes ces tâches. Quel pouvoir d'intervention
avez-vous, par la suite, auprès du comité local d'orientation,
d'où est parvenue la plainte, si le comité local d'orientation
n'est pas intégré au CSS, mais est sous la responsabilité
de la commission quasi autonome?
M. Myre: M. le Président, l'opération a
été justement faite dans la colonne à côté.
Nous l'avons faite, cette opération. Nous avons essayé de
partager les responsabilités entre les organismes existants actuellement
en nous disant: Pourquoi en créer un autre? Essayons d'améliorer
les structures existantes.
Quant aux responsabilités concernant les plaintes, elles seraient
assumées de la façon suivante: Les plaintes pour services non
fournis, c'est déjà prévu dans le chapitre 48. C'est le
CRSSS qui s'occupe de cela. Les plaintes relatives aux services rendus. A
l'intérieur des CSS, il y a une direction des services professionnels
qui doit assurer cette chose. Quant aux plaintes relatives aux actes
professionnels posés, il y a le Code des professions, s'il y a lieu;
sinon, les plaintes seraient traitées par le CSS; et pour les plaintes
relatives au fonctionnement du comité local, je pense que c'est la
question qui est posée, il y a la Commission de la protection de la
jeunesse qui pourra y voir.
M. Charron: Vous seriez simplement une courroie de transmission
dans tous ces cas.
M. Myre: C'est-à-dire, par exemple, s'il y a des services
qui ne sont pas rendus dans une région, ce n'est pas au CSS à
servir de courroie de transmission. Les gens s'adresseront directement au CRSSS
de la région.
M. Gaudreault: Je pense qu'il vaudrait la peine de mentionner
qu'il y a une différence entre le centre de services sociaux et le
conseil régional de la santé des services sociaux qui est
régional, le centre de services sociaux, ici, étant
régional.
C'est dans ce sens qu'on explique qu'il y a des mécanismes qui
sont déjà prévus dans différentes lois et qui, en
plus, pour le comité local, en ce qui a trait à son
fonctionnement, par exemple, en ce qui a trait à une insatisfaction
relative à un employé qui s'y trouverait, le citoyen pourrait
s'adresser directement à la commission et se plaindre.
M. Charron: Je partage en partie l'objection que vous avez
à la création d'une autre structure. S'il y a un réseau
chargé de structures, c'est bien celui-là dans lequel vous
oeuvrez et dont nous parlons ce soir. Ce n'est pas en ajouter ou non...
Mais quand je vois un citoyen aux prises avec les différentes
possibilités que vous mentionnez dans votre article 37, cela ne
m'apparaît pas non plus comme la solution idéale.
Je me mets à la place d'un citoyen du comté de
Saint-Jacques où il y aura vraisemblablement un centre local
d'orientation insatisfait. S'il n'y a pas actuellement de conseil de
surveillance selon les catégories qu'il y a là, qui les
connaît? Qui va savoir que pour tel cas, au CRSSS qu'il doit s'adresser?
Et que, pour tel autre cas, il doit le faire au CSS et que, pour tel autre cas,
à la commission même de la protection de la jeunesse? Je ne pense
pas qu'on facilite le chemin du citoyen là-dedans, non plus.
M. Myre: Je pense que ce n'est vraiment pas, pour les CSS, la
peur d'être surveillés. Je pense que, dans le domaine de la
protection de la jeunesse, il faut vraiment avoir tous les mécanismes de
surveillance nécessaires et, si l'existence des conseils de surveillance
est nécessaire pour le faire, je pense qu'on accepterait qu'ils soient
là.
Mais ce que nous voulons éviter est qu'on multiplie
indéfiniment des organismes. Par exemple, si l'an prochain, le
législateur décide d'adopter une loi pour protéger les
personnes âgées, on va créer une autre structure et les
citoyens seront encore beaucoup plus mêlés. On va créer un
conseil de surveillance pour cette clientèle.
Il faudrait peut-être décider d'avoir un seul canal pour
faire passer les plaintes. On serait d'accord, je pense bien, avec cela.
M. Charron: Voulez-vous que je vous dise ce qui va arriver? Si un
citoyen, par exemple, du comté de Saint-Jacques n'est pas satisfait
d'une décision qu'aurait rendue le centre local d'orientation,
c'est-à-dire les personnes membres du centre local concernant son propre
enfant... Une incitation à une mesure volontaire qu'il n'aurait pas
prisée, qu'il n'aurait pas été en mesure d'estimer
convenablement... C'est chez le député qu'il va rebondir. Il va
dire: Vous ne savez pas ce qu'ils ont fait avec mon gars? Ils m'ont
enlevé mon gars. J'avais ma fille qui était revenue, qui
était sortie du centre, je l'avais chez nous, ils me l'ont
enlevée et ils l'ont ramenée. Faites quelque chose. C'est moi qui
va être poigné dans les CRSSS et dans les CSSMM et dans toutes ces
affaires pour essayer de retrouver à quelle place je peux
rétablir le droit du citoyen, parce qu'il n'ira pas.
M. Giasson: S'il n'est pas satisfait de la déci-
sion du conseil de surveillance, après le député,
où le bonhomme va-t-il se ramasser?
M. Charron: S'il n'est pas satisfait du...?
M. Giasson: Supposons qu'il y aurait un conseil de surveillance
qui revise le dossier, qui examine la décision du...
M. Charron: A la commission. Je prendrais...
M. Giasson: Cela va à la Commission des affaires
sociales.
M. Charron: C'est pour cela que, si on devait retirer ce
n'est pas une position finale; je pense que nous sommes dans une séance
de travail bien plus que dans des prises de position cette structure qui
peut-être, comme on le dit, surajoute à un endroit
déjà encombré, mais que les plaintes s'adressent
directement à la commission elle-même, que la commission
plutôt que d'avoir des comités de surveillance, dans toutes les
régions, développe, dans tout le Québec un service dont le
travail serait essentiellement d'accumuler les plaintes provenant de certaines
décisions des CLO sur le territoire du Québec...
Je préférerais cette formule à celle d'une
multiplication de comités de surveillance. Je pense qu'il y a des
bien-fondés à craindre une multiplication de cela ou encore
à une disproportion selon que les services ont été fournis
ou non rendus, etc, qui aboutissent à l'impasse la plupart du temps. Je
pense que le député d'Outremont voulait ajouter quelque chose,
mais je n'ai pas fini là-dessus.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
d'Outremont.
M. Choquette: Seulement pour dire que je rejoins l'Association
des centres de services sociaux du Québec sur la nécessité
de ne pas ajouter à des structures déjà complexes et
lourdes qui font qu'un citoyen pourrait avoir beaucoup de difficultés
à se retrouver dans tout cela. Mais je pense qu'il faut quand même
tenir en considération, quand on examine la question ou les questions
posées par cet avant-projet de loi, que protection sociale et protection
judiciaire ne sont pas nécessairement des notions opposées et
antinomiques. J'ai compris, suivant l'exposé qui nous a
été fait ce soir par l'association, qu'on voulait poser au
départ le principe de l'antériorité de la protection
sociale à l'encontre de la protection judiciaire. A ce point de vue, je
serais parfaitement d'accord avec nos interlocuteurs voulant que si des mesures
de protection sociale peuvent régler un problème pratiquement,
bravo, applaudissons, tant mieux si le problème est réglé
de façon satisfaisante. Mais il faut quand même, ainsi que la
discussion nous y a amenés, par l'intervention du ministre des Affaires
sociales, et par le député de Saint-Jacques, se poser les
hypothèses qui surgissent de situations où des mesures de
protection sociale ne sont pas acceptées "volontairement et librement".
J'emploie votre vocabulaire de votre... A ce moment-là, je pense qu'il
faut aller à une autorité supérieure, et, naturellement,
je crois que dans ces conditions on est amené tout naturellement vers le
tribunal, le tribunal étant la Cour de bien-être social. A qui
peut-on faire plus confiance, sinon à un juge impartial? (On a
critiqué parfois la justice administrée au niveau de la cour. Il
n'est pas dit qu'elle ne peut pas s'améliorer). Mais, en fait, la
meilleure garantie d'une décision qui tienne compte à la fois des
intérêts de l'enfant, des intérêts des parents ou des
gardiens, je crois qu'on l'admettra facilement, en principe, c'est quand
même la cour, quitte à ce qu'on ajoute à cette cour des
services qui complètent son action pour tenir compte des dimensions
humaines qui existent.
Mais de tout cela, sans avoir la prétention de résoudre
des problèmes extrêmement difficiles de réconciliation
entre la protection sociale et la protection judiciaire, je pense qu'il
faudrait prendre garde de poser en opposition les mesures de protection sociale
à l'égard des mesures de protection judiciaire, parce que les
unes complètent les autres et les unes peuvent être
nécessaires quand les autres ont échoué, les unes peuvent
être nécessaires quand les premières n'ont pas
réussi à être acceptées par les parties
impliquées.
Donc, même si on doit, intellectuellement, faire la distinction
entre des mesures qui ont un caractère administratif et des mesures qui
ont un caractère judiciaire, il faudrait prendre garde, je pense, de
s'égarer dans des oppositions qui sont assez stériles sur le plan
de la réussite de la protection, tout court, pour les enfants.
Il y a aussi un autre aspect de la discussion qui a eu lieu ce soir, qui
m'a impressionné, c'est que, évidemment, les centres de services
sociaux ont une fonction importante à jouer dans l'ensemble des mesures
qui sont mises en oeuvre. Quelles doivent être les responsabilités
des centres de services sociaux devant des problèmes de protection de la
jeunesse? Sans aucun doute on peut reconnaître que dans la section a) de
votre schéma, les centres de services sociaux, comme la police
d'ailleurs... parce que vous savez, les policiers jouent, à l'occasion,
le rôle de travailleurs sociaux, de psychologues, même de
minijuges, peut-on dire. J'admets que je fais rire certains membres, mais
j'ai...
M. Charron: Grimacer, non pas rire.
M. Choquette: Non, ça n'est pas tout à fait exact,
parce que j'ai connu de nombreuses circonstances où des policiers,
enfin, qui travaillent dans des milieux où ils sont parfaitement bien
identifiés, réussissent à résoudre des
problèmes des mineurs, de conflits familiaux. Le père
amène son enfant au poste de police pour lui faire une petite
leçon, pour lui apprendre ce que c'est que l'autorité, ce que
sont, en fait, comment pourrais-je dire, les notions de société.
Tout cela existe, mais ça peut exister et je pense que ça existe
à un
autre niveau dans le domaine des CSS, du moins je l'espère. Parce
que si les CSS sont devenus des tours d'ivoire que les citoyens ne
réussissent pas à gravir, à ce moment-là, je pense
qu'ils ne remplissent même pas une fonction sociale utile.
M. Charron: Ce ne sont pas des SS, se sont des CSS.
M. Choquette: Oui, le député de Saint-Jacques peut
rigoler, mais je suis allé, à un moment donné, en
Angleterre, où il y a le "warning" de la police anglaise,
c'est-à-dire que, devant une infraction commise par un enfant, on donne
un avertissement et ceci est consacré par la législation. Ce qui
démontre qu'il faut, avant tout, je pense, être pratique dans ce
domaine. Il n'y a personne, pas plus les CSS que la police, que d'autres
personnes qui ont une certaine autorité dans la société,
qui ne puisse agir socialement. Tout le monde a un rôle, tout le monde a
une fonction et il peut très bien se produire à n'importe quel
moment qu'on puisse être appelé, dans une qualité qu'on a,
à remplir une fonction qui n'est pas nécessairement
d'autorité mais une fonction qui règle des problèmes
familiaux ou sociaux bénins.
Donc, à ce point de vue, je pense qu'il ne peut pas y avoir de
discussion, mais quand on arrive aux cas qui représentent des situations
de crise, quand on arrive à des situations où il y a vraiment des
oppositions, je pense qu'on est en plein dans le centre de la loi, telle
qu'elle nous est présentée, on est dans des problèmes en
somme familiaux qui peuvent se poser. C'est à ce moment qu'il faut voir
quels sont les mécanismes de solution de ces problèmes. Donc,
évitons de nous perdre en notions un peu diffuses, parce qu'il y a
beaucoup de gens qui peuvent intervenir pour régler les problèmes
familiaux, que ce soit au niveau des CSS, au niveau de la police ou à
d'autres niveaux.
Quand on arrive au niveau de la Loi sur la protection de la jeunesse,
j'aimerais savoir de nos interlocuteurs comment ils voient leur rôle en
tant que dirigeants-membres de CSS, comment ils envisagent leurs fonctions en
regard des problèmes qui peuvent leur être causés. Est-ce
que, d'après eux, ils peuvent jouer un rôle consultatif, comme je
l'ai mentionné tout à l'heure, ou est-ce que, devant une
situation de crise, ils verraient que ce problème doit être
référé au comité local appelé à
statuer en première instance? Si ce comité local n'a pas
réussi à statuer en première instance par des mesures
appelées volontaires et non libres, est-ce que le problème ne
doit pas alors être amené, comme je l'entrevois tout
naturellement, à la Cour de bien-être social?
C'est le canal, en somme, à mon sens, tout naturel que la loi a
prévu et je voudrais savoir si ceux qui représentent les CSS
voient le schéma comme je le vois.
M. Lippé: Je vais essayer une première tentative
pour répondre, disons en ce qui regarde le premier contact de l'enfant
avec l'appareil, qui se fait souvent par les postes de police. On est en train
de développer une accessibilité à des services sociaux 24
heures par jour, sept jours par semaine. C'est fait dans certaines
régions de la province, on est à expérimenter ça.
Le projet de loi nous oblige maintenant à avoir des services
disponibles. Cela veut donc dire que la première intervention qui se
fera auprès de l'enfant se fera peut-être par le policier mais
nous agirons auprès du policier comme conseillers par nos services
permanents. Il restera ensuite des cas où le comité local sera
saisi, soit par le biais de la police, soit par le biais de notre intervention,
et il y aura une décision du comité local à savoir s'il y
a matière ou non à protection.
S'il y a matière à protection, on fera appel, par la
direction de la protection de la jeunesse, qui est dans le CSS, à des
mesures volontaires après une évaluation psycho-sociale et un
diagnostic bien posé, et si cela ne s'avère pas possible
d'utiliser des mesures volontaires et que la situation est telle que l'enfant
est exposé à des dangers, on aboutira à la cour. Mais la
cour sera résiduaire dans ce système-là.
M. Choquette: Oui, elle est résiduaire. Je suis
parfaitement de votre avis que si on peut régler le problème au
départ, à la racine, vaut mieux le régler dans ces
conditions-là.
Mais à un moment donné il faut appeler l'autorité
à la rescousse, lorsque cela ne fonctionne pas, ce genre de mesure. Tout
naturellement, le recours, ce n'est pas à la commission, si importante
soit-elle dans le projet, c'est à la Cour de bien-être et au juge
qui, lui, peut prendre une décision si l'enfant et ses parents n'ont pas
réussi à s'entendre ou s'il y a des...
M. Lippé: Après le comité local.
M. Choquette: Oui, toujours après le comité local.
Mais le comité local joue un rôle, en somme de "intake", d'analyse
du cas et prend en considération les services que vous pouvez lui donner
soit sur le plan de l'information, de dossiers, d'analyses psychologiques ou
enfin, à tous autres facteurs. C'est tout à fait normal.
Les CSS sont appelés à donner la matière
première, le comité local le décide, dans la mesure
où il peut et si cela doit aller plus loin, cela va à la Cour de
bien-être. Je pense que ceci est peut-être le centre de cette
loi.
M. Lippé: Au niveau de la matière première,
il faudrait peut-être faire des distinctions. On n'entend pas jouer le
rôle de policier qui va aller recueillir des données factuelles.
Ce n'est pas le rôle d'un centre de services sociaux. Je pense que le
comité local va devoir être alimenté par des gens qui
auront pour mission d'aller chercher des données factuelles. Cela
n'appartiendra pas, à notre avis aux centres de services sociaux d'aller
faire enquête dans un domicile. Je prends un exemple. Il serait possible
dans la situation, de recevoir un appel disant que M. Choquette ne nourrit pas
ses enfants. A partir de cela le comité local devra juger
si c'est pertinent ou non. Donc, pour juger si c'est pertinent ou non,
il va devoir faire une certaine enquête.
M. Choquette: Je pensais plutôt que les CSS donneraient les
services de soutien au point de vue analyse du cas.
M. Lippé: Sur le plan clinique oui, mais sur le plan de
l'enquête, quant à vérifier si effectivement l'appel est
fondé, il y a une nuance importante.
M. Choquette: Je pense que le comité local pourrait
peut-être demander au CSS de faire enquête sur tel cas, pour lui
donner des renseignements, s'il n'est pas fixé. Vous avez donné
le cas d'enfants qui ne seraient pas alimentés suffisamment, le
comité local reçoit le cas, l'a examiné et il peut
peut-être utiliser vos services pour obtenir les renseignements
pertinents.
M. Lippé: C'est possible, mais il reste à nuancer
cela. Car s'il faut entrer chez vous de force pour aller voir, il y a des
nuances.
M. Choquette: A ce moment-là, la force publique, la police
peut-être s'impose. Si les CSS ont un rôle à jouer, ce n'est
pas strictement un rôle de canalisation des plaintes. Il me semble
que...
M. Lippé: Au niveau de l'évaluation de la
problématique de l'enfant, c'est vraiment notre rôle. Mais d'aller
vérifier si effectivement les enfants sont nourris ou non, cela nous
apparaît un peu...
M. Choquette: Mais les travailleurs sociaux qui sont à
votre service, est-ce que ce n'est justement pas leur fonction de visiter les
familles, de voir dans quelles conditions les enfants vivent, de faire un
rapport sur les conditions matérielles ou autres qui
prévalent?
M. Lippé: Dans la situation relativement normale, soit par
nos services sociaux en milieux scolaires, on peut être informé de
la situation. Mais si on prend un exemple extrême où on est dans
le domaine de la vérification de faits qui pourraient amener par la
suite une action à caractère judiciaire, on est fort
réticent à s'embarquer là-dedans.
M. Choquette: Oui, mais là, je pense qu'on touche un
problème d'un peu près. C'est peut-être cette
réticence que vous manifestez au nom de je ne sais pas quelle
prévention. Il va falloir à un moment donné que quelqu'un
se plonge dans le cas. Il va falloir que quelqu'un prenne les
responsabilités. Ce n'est pas tout d'être travailleur social,
psychologue ou d'avoir un autre titre honorable comme ceux-là, il faut
que quelqu'un s'intéresse à des cas particuliers pour apporter la
matière au comité local qui, lui, tranchera. Car, le
comité local joue une fonction non pas d'enquête en soi, il joue
plutôt une fonction à caractère quasi judiciaire.
Je pensais, quand je me suis intéressé à la
rédaction de ce projet de loi, que, si opposés, en fait, soient
les impératifs judiciaires, d'une part, les impératifs sociaux,
d'autre part... Parce qu'on sait que enfin c'est une des grandes
données du problème il fallait réussir à
faire la réunion, la conjonction des efforts et à les situer dans
un ensemble qui soit cohérent. Mais, cela n'empêche pas qu'il faut
qu'il y ait des agents, qu'il y ait des personnes qui aillent se renseigner sur
les cas. Tout le monde ne peut pas se tenir en retrait et se dire: Moi, je joue
un rôle d'analyste, un rôle quasi judiciaire. Il faut qu'il y ait
des gens qui aillent recueillir les renseignements.
M. Lippé: J'avais choisi mon exemple spécialement
pour cela. Un problème de sous-alimentation, c'est d'abord un
problème de santé. Est-ce que, dans votre raisonnement, les
médecins devraient aller faire enquête chez vous pour
vérifier si votre enfant est sous-alimenté? Ce n'est pas un
problème psychosocial.
M. Choquette: Les médecins, non, parce qu'en fait, ce
n'est pas leur fonction principale, mais je penserais que c'est la fonction des
travailleurs sociaux au service des CSS de faire les enquêtes de nature
sociale qui s'imposent dans les cas.
Vous ne pouvez pas comparer le médecin à un travailleur
social. Je pense que votre travailleur social, c'est justement sa fonction
d'aller chercher les renseignements, à moins que vous me disiez que vous
préférez que ce soit la police. Mais là... Je sais bien
qu'il y a des sections police-jeunesse qui font un excellent travail.
Même là, je ne crois pas que c'est... C'est bien plus la fonction
d'un travailleur social d'aller chercher ce genre de renseignement que la
fonction des policiers.
M. Myre: M. le Président, l'article 51 de la
rédaction actuelle du projet de loi spécifie très bien que
c'est le comité local d'orientation, lorsqu'il est saisi d'un cas.
Evidemment, si c'est un cas qui est actif dans un CSS et si c'est nous qui, par
exemple, signalons la situation au comité local, on va lui fournir les
données réelles; mais si c'est un citoyen qui fait une plainte
auprès du comité local d'orientation, l'article 51 dit: "Le
comité local effectue sans délai une évaluation de la
situation." C'est au comité local à vérifier la
matérialité des faits s'il y a une situation qui nécessite
la protection oui ou non.
M. Choquette: A mon sens, vu que vous posez la question je
pense qu'elle est très pertinente le comité local n'aurait
pas les moyens et les services d'enquête à sa disposition pour le
faire. Je pense que, à ce moment, saisi d'une telle plainte, il se
référerait tout naturellement à vos services pour vous
demander d'aller obtenir les renseignements. Parce qu'on n'est pas pour
créer des services d'enquête à l'infinité, un au
niveau des CSS, un au niveau des centres locaux je ne me souviens plus
du terme; maintenant, on s'y
perd, tellement il y a d'organismes; ce qui prouve qu'il faut simplifier
des centres locaux qui vont analyser les cas.
Je pense que c'était justement l'objectif de la loi que d'aller
faire la jonction des services que vous avez à votre disposition avec
d'autres services qui sont pertinents à la solution favorable.
M. Myre: M. le Président, si on se réfère
à l'article 30, on dit très bien: "Parmi le personnel d'un
comité local d'orientation, la commission autorise par écrit les
personnes qu'elle désigne à s'enquérir des choses dont
l'investigation leur a été déférée. Ces
personnes jouissent de tous les pouvoirs d'un agent de la paix. Elles peuvent
pénétrer, en tout temps convenable, dans tous lieux dans lesquels
se trouve..." Il s'agit vraiment du personnel du comité local
d'orientation.
M. Choquette: Oui, mais...
M. Charron: Qu'est-ce que cela veut dire, le personnel du
comité local d'orientation?
M. Myre: II faudrait peut-être le spécifier.
M. Charron: II faudrait peut-être aussi lui donner de
l'argent pour travailler.
M. Myre: Sûrement.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais intervenir pour
faire peut-être deux ou trois mises au point, parce que j'ai l'impression
que le débat s'élargit avec beaucoup d'intérêt, mais
qu'on risque de manquer la cible.
Premièrement, le député d'Outremont a fait une
distinction. Comme elle est au procès-verbal, je crois qu'elle
mérite tout de suite une mise au point.
Il semble suggérer une distinction facile entre des cas
difficiles et des cas faciles, au nom du réalisme et du pragmatisme, des
solutions qu'il faut apporter. Superficiellement, je pense que cette invocation
à l'esprit pratique est très attrayante, mais elle est trop
facile, parce qu'elle ignore le fait que ce qui est facile pour un individu est
difficile pour un autre individu. Des cas faciles ou difficiles n'existent que
par rapport à un entraînement donné ou à une
expertise donnée. Je peux donner un exemple peut-être caricatural,
mais, personnellement, si j'ai un appareil de télévision qui se
brise, pour moi cela a toujours l'air d'un cas difficile, parce que je n'y
comprends strictement rien. Pour quelqu'un qui sait comment réparer les
appareils de télévision, c'est parfois très facile de le
faire, alors que celui qui répare ces appareils serait probablement fort
perplexe devant un certain nombre des problèmes que je peux
régler très facilement. Donnez des explications
supplémentaires au député de Saint-Jacques.
M. Charron: Donnez des exemples.
M. Choquette: Ce que vous dites nous en dit long sur le
ministère des Affaires sociales, parce qu'on y voit pourquoi c'est si
compliqué.
M. Forget: Oui, on n'a pas beaucoup de télévision.
Il reste qu'il est essentiel qu'on ne simplifie pas outre mesure le
problème en disant: II y a des cas faciles, et ce sont les services
sociaux qui s'en occupent. Il y a les cas difficiles, ce sont ceux qui sont
référés à la cour. Il y a des cas difficiles pour
la cour qui pourront être facilement résolus dans une approche de
développement, d'aide à la famille et qui seront absolument
insolubles dans un contexte judiciaire, et l'inverse est vrai. Il s'agit de
trouver de façon concrète, dans tous les cas, les ressources
spécialisées, soit les juges, soit d'autres types de
professionnels qui peuvent apporter des solutions. On s'illusionne en faisant
des distinctions entre ce qui est facile de façon générale
et ce qui est difficile de façon générale. Ce n'est pas
une distinction pratique. Ceci pour la première mise au point. Pour la
deuxième mise au point, il me semble que cette discussion sur les
plaintes, parce que nous avons commencé par une discussion sur les
plaintes du conseil de surveillance, nous a un peu éloignés de
l'objectif que l'on poursuit ou que l'on peut poursuivre par un conseil de
surveillance. Tout le monde dit: On ne veut pas compliquer davantage un
réseau déjà compliqué. J'en suis absolument, si on
ne veut pas de conseil de surveillance, je n'en veux pas plus que cela.
Il reste une chose, c'est que l'on s'accorde aussi, et c'est assez
étrange, sur l'idée qu'il faut trouver un moyen
d'intéresser des personnes qui ne sont pas à l'emploi de tous ces
organismes officiels au sort des enfants qui ont des problèmes et au
sort des familles chez qui se trouvent de tels enfants. On a tous le sentiment
que les enfants qui ont des problèmes ne sont pas seulement les enfants
de leurs parents, mais un peu les enfants de la collectivité, de la
communauté, et que c'est cette communauté qui doit nous aider a
trouver les solutions aux problèmes de prédélinquance, aux
problèmes de délinquance, aux problèmes d'abandon, etc.
D'ailleurs, c'est au nom de ce principe qu'on proclame qu'il faut
dénoncer, que la collectivité, que chacun d'entre nous doit
dénoncer des abus soupçonnés ou des mauvais
traitements.
Comment intégrer cette préoccupation à des
organismes officiels, etc.? Toute suggestion est bonne, mais il ne s'agira pas
seulement de dire d'une part qu'il faut intégrer les gens dans le
fonctionnement de tous ces organismes, qu'il faut intégrer le public,
et, d'autre part, dès qu'on suggère une solution qui,
évidemment, va prendre l'aspect d'une structure, je ne sais pas quel
autre aspect on peut lui donner, on dit: Ah non! il ne faut pas de structure.
Il va falloir faire un choix à un moment ou l'autre entre pas de
structure et pas de participation, parce qu'on ne peut pas participer comme
cela par un jeu pieux.
Encore une fois, si cette formule n'est pas acceptable, je n'y tiens pas
plus qu'il ne faut, mais il va falloir à un moment ou l'autre que les
membres de cette commission, et peut-être que les groupes
qui trouvent à redire à cette formulation, nous
suggèrent une meilleure idée, parce qu'il doit bien y avoir une
meilleure idée. Je crois que c'était la deuxième mise au
point qu'il m'apparaissait nécessaire de faire à ce moment.
La question des plaintes est secondaire. Oublions-la. Les autres
fonctions du conseil de surveillance, qui est d'informer la population et la
faire collaborer au travail de la protection de la jeunesse, comment lui
donne-t-on un contenu concret? Là-dessus, je suis prêt à
accepter, même d'avance, toute suggestion vraisemblable qui pourrait
être faite.
M. Choquette: Mais...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Excusez! Actuellement,
il est 10 h 7. Il y a encore deux organismes qui attendent afin d'être
entendus. Je demanderais aux membres de la commission s'il y aurait
possibilité de faire diligence pour ne pas trop retarder les...
M. Choquette: Seulement une observation à la suite de
l'intervention du ministre. La participation est assurée au sein des
comités locaux d'orientation, et on n'a pas besoin de l'assurer
doublement par des conseils de surveillance...
M. Forget: D'une personne.
M. Choquette: Bien non, ce n'est pas une personne. Ce sont
plusieurs personnes au sein des comités locaux d'orientation. Ce sont
justement les citoyens qui s'intègrent à un noyau
constitué par un représentant du ministère des Affaires
sociales, un représentant du ministère de la Justice. Ce n'est
pas une personne, mais c'est le palier additionnel de surveillance de ces
comités locaux, alors que la commission peut très bien jouer le
rôle de surveillante des comités locaux.
Il n'est pas dit qu'il n'y a pas de surveillance. Donc, je pense que, si
le ministre tente de nous lancer sur une voie qui ignore la participation ou
qui fait que la participation doive avoir lieu à tous les niveaux, il ne
faut quand même pas multiplier les niveaux pour assurer la
participation.
Je pense que la participation a une valeur en soi, et au niveau des
centres d'orientation locaux. On n'en a pas besoin au niveau des conseils de
surveillance.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable...
M. Choquette: Quant à sa première observation, je
pense, M. le Président, que cela se passe de tout commentaire. Il n'y a
rien à répondre à ce que le ministre a dit lorsqu'il a dit
qu'il y a des cas banals ou des cas difficiles et graves. Je sais très
bien qu'il y a des cas qui peuvent aller très loin, même si, au
départ, ils peuvent paraître assez peu importants et assez
modestes. Mais je sais que, dans la vie de tous les jours, on ne peut pas
régler les choses par des structures et des officiers de justice, ou
même des officiers du ministère des Affaires sociales pour
régler tous les cas qui peuvent se produire, et que les conflits doivent
trouver une manière de se régler, en somme, qui soit tout
à fait naturelle. C'est tout simplement sur cet aspect que je voulais
insister, au départ, quand je faisais état du rôle de la
police dans certaines circonstances, du rôle de travailleurs sociaux,
enfin, du rôle d'un certain nombre de personnes qui ont une fonction, qui
sont amenées à donner des conseils, à orienter les gens,
à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, sans soulever une question de
règlement qui n'aurait pas affaire ici, je voudrais quand même
vous signaler que nous n'aurons probablement pas le temps d'entendre les deux
autres groupes qui restent, et je pense que personne ne nous en tiendra grief,
même si nous devons quand même nous excuser. L'importance du sujet
fait qu'a ces personnes, que nous devrons peut-être voir à une
autre occasion, nous accorderons également la même attention et
nous discuterons aussi sérieusement, je pense, que nous l'avons fait
avec ceux qui sont venus, depuis le début de la matinée, nous
rencontrer. Je pense qu'il leur sera préférable, quitte à
refaire un voyage à Québec, si cela a été
occasionné pour eux, d'avoir l'occasion de voir leur mémoire
sérieusement étudié par la commission, plutôt que de
le bâcler en quinze minutes, ce qui anéantirait beaucoup d'efforts
qu'ils ont faits. Je pense qu'ils ne nous porteront pas grief parce que les
députés étudient attentivement et discutent avec des gens
que nous n'avons pas souvent l'occasion de rencontrer, qui oeuvrent dans les
milieux qui nous sont je pense que la preuve en a été
faite, aujourd'hui, par la teneur des discussions très à
coeur, et de profiter de leur passage pour nous informer également sur
ce qu'ils vivent et ce qu'ils ont à nous donner, pour que nous fassions
la meilleure loi possible ensemble.
Ceci dit, M. le Président, ayant justement l'Association des CSS
avec nous, il y a un aspect, que j'ai mentionné ce matin, que je veux
aborder avec eux, avant que nous nous quittions.
L'article 66 de l'avant-projet de loi fait directement mention d'un
rôle que les CSS auront à remplir dans l'hypothèse
où l'avant-projet de loi deviendrait une loi du Québec.
Sur les mesures volontaires qui seraient acceptées selon les
volontés précédemment décrites dans les articles
précédents, on dit qu'advenant entente sur une mesure volontaire,
le centre de services sociaux doit prendre les mesures appropriées pour
faciliter la réalisation des conditions inhérentes aux mesures
volontaires et pour faciliter l'accès à toute personne ou
établissement pouvant en faciliter l'exécution.
Cela a l'air de rien, ce paragraphe de l'article 66, mais c'est le jus
du problème, à mon avis.
Effectivement, actuellement, les centres de services sociaux et
c'est pour cela que je relie
autant leur expérience du présent que les
responsabilités futures qui leur incomberaient à partir de la loi
sont responsables, sur les différents territoires que la loi 65
ou la réglementation inhérente leur a définis, des
admissions dans les centres d'accueil.
Ce n'est pas une mince question. Je ne veux pas parler des foyers
d'hébergement pour personnes âgées, parce que la discussion
s'allongerait, mais je veux uniquement, m'en tenir aux centres d'accueil pour
ces jeunes, ceux que nous avons mentionnés ce matin.
Quand je dis que je suis dans le jus du problème, je m'explique
en une minute. Toute cela, tout ce qui est à l'avant, tout
l'échafaudage de garanties, d'affirmations de droits et de conceptions
de la jeunesse et du jeune en état de délit ou en état de
démêlé avec la justice, aboutit par une loi qui veut
être libérale, ouverte, nettement améliorée sur des
projets précédents à ce sujet d'achoppement. Car, quelles
que soient les dispositions que les députés mettent pour faire
que le traitement soit le plus intégral possible à la
personnalité du jeune, donc aux droits de l'enfant que nous nous serons
appliqués dans des articles précédents à
définir et aux droits des parents et aux droits de la
société inhérente, il restera toujours que le jeune en
état de délit ou en état de conflit avec la
société, avec sa famille ou, à l'occasion, avec
lui-même et avec son propre développement, devra, à un
certain moment, s'il signe ou s'il accepte une mesure volontaire
précédemment nommée, voir son sort et tout le cheminement
qui l'aura conduit jusque-là, aux mains d'un CSS. Car, du cheminement de
mesures volontaires qu'il aura fait, de l'endroit où il aura
accepté volontairement un traitement à partir du CLO et par les
tâches que le directeur se voit affecter dans la loi même, on aura
convaincu le jeune d'accepter ce genre de traitement pour lui éviter le
plus possible tout le procédé judiciaire.
Il reste que ce sera au CSS de lui trouver une place, à
faciliter, dit-on, la réalisation des conditions inhérentes aux
mesures volontaires et pour faciliter l'accès à toute personne ou
établissement pouvant en faciliter l'exécution, ce qui remet tout
le problème des centres d'accueil sur le tapis.
Quel que soit notre intérêt à faire que ces mesures
soient le plus volontaires possible, il reste à nous demander si les CSS
de Montréal, de l'Estrie, du Nord-Ouest québécois, de la
Gaspésie, des Iles-de-la-Madeleine, ceux qui sont les cosignataires de
ce mémoire, peuvent informer les membres de la commission aujourd'hui
que, dans le contexte actuel du partage des pouvoirs tels qu'ils les ont en
vertu de la loi 65, chapitre 48, auquel vous vous êtes vous-mêmes
référé peuvent accomplir ce mandat que la loi leur
demandera d'accomplir dans l'intérêt des enfants.
Est-ce possible, aujourd'hui, à un CSS? Prenons celui de
Montréal puisqu'on y a largement fait allusion depuis le début de
la matinée. Je n'ai aucune objection à l'étendre à
une autre région de la province. Au contraire. Je pense que la
discussion l'exigera.
Mais est-ce que le CSSMM est en mesure de répondre à cet
objectif aujourd'hui, dans le réseau des institutions, centres d'accueil
pour jeunes, sur le territoire de Montréal, incluant toute la
région 6 et toutes les ressources sur ce terrain?
Est-ce qu'il y a des maisons adaptées à chacun des besoins
que le directeur sera en mesure de préparer dans le cheminement qu'il
mènera avec l'enfant et au besoin avec les parents, tel que la loi le
stipule dans les articles précédents? Un jeune, perturbé,
venant de commettre peut-être un délit mineur, mais où
visiblement certains troubles psychologiques majeurs ont marqué sa
tendre enfance, pour employer l'expression classique, ou le début de son
adolescence... Un autre cas, une famille d'alcooliques, divisée, une
famille de criminels d'où on pense le retirer. Tous ces cas, tous ces
êtres humains apportant chacun un problème particulier et
nécessitant en même temps une solution particulière, est-ce
que le réseau des institutions d'affaires sociales, tel qu'il est
établi pour les jeunes dans le territoire de Montréal est
suffisant, adéquat, ouvert? Est-ce qu'on a, dans les centres d'accueil,
le personnel compétent, qualifié, suffisant pour faire que tout
ce long cheminement qui vous aboutira dans les mains à un moment ou
à un autre, connaîtra une suite qui ce sera le voeu de
toute l'Assemblée lorsqu'elle votera cette loi assurera aux
jeunes une réhabilitation la plus rapide possible et la plus profonde
possible? C'est cela la question.
Je disais, ce matin, que si nous faisons tout ce projet de loi qui
conduit les jeunes jusqu'à la porte du centre d'accueil sans que cette
commission se pose des questions sur ce qui va leur arriver dans le centre
d'accueil, nous aurons été, à l'égard de la
population en général, mais à l'égard des jeunes en
particulier, de ceux dont on parle, d'une culpabilité
dégoûtante. Nous ne pouvons pas faire que le processus qui y
conduit soit le plus souple, le plus démocratique possible, si à
l'intérieur, comme j'en ai vu à Berthelet, des enfants de douze
et treize ans sont enfermés à clef dans des cellules de six pieds
sur huit pieds et ce, pas construit au moyen âge, construit en 1972, sous
le régime libéral actuel. Si tout cela est fait pour qu'on vous
remette à vous, les CSS du Montréal métropolitain, le
devoir de prendre un jeune de cet âge, quel que soit son cas particulier,
et de le remettre dans une prison pour enfant ou de le remettre au monde, ou de
la remettre, si c'est le cas d'une jeune fille, à Notre-Dame-de-Laval
dans les conditions que l'on sait et qui ont été connues, est-ce
que nous avons vraiment fait l'oeuvre, à ce moment-là? Ma
question est donc la suivante, M. le Président. Est-ce que les CSS sont
capables, dans l'état actuel du réseau, de répondre
à cette obligation du deuxième paragraphe de l'article 66?
M. Perreault (Jacques): M. le Président, la question est
précise tout en étant globale. J'aimerais que cette question soit
également posée à l'Association des centres d'accueil
lorsqu'elle viendra à cette commission.
M. Charron: Ne vous inquiétez pas.
M. Choquette: C'est plutôt au ministre des Affaires
sociales...
M. Charron: Elle sera posée au ministre des Affaires
sociales aussi.
M. Choquette:... c'est lui qui a la responsabilité de
donner toutes ces instructions dont vous parlez.
M. Perreault (Jacques): Ceci dit, d'après le chapitre 48,
vous avez raison quand vous dites qu'il y a une liaison formelle qui doit se
faire entre les centres d'accueil d'une région et les centres de
services sociaux, à savoir que le centre de service social d'une
région doit être une plaque tournante en termes, d'une part, de
connaissance des ressources et de coordination des ressources. D'accord? Si
vous me demandez... Il y a quelques questions dans votre question. Est-ce que,
actuellement, les centres de services sociaux ont pu atteindre cet objectif? Je
vais vous répondre: Pas encore. Je vais vous rappeler que les centres de
services sociaux ont quand même une existence relativement courte. Ils
ont été créés légalement il y a deux ans ou
deux ans et demi.
Fonctionnellement, ça fait à peine un an que ces
problèmes, et principalement dans une région comme celle de
Montréal, sont abordés, dans un système de "partnership"
où le CSS pourrait contrôler si vous me permettez deux mots
l'entrée dans les centres d'accueil et contrôler
également les sorties dans les centres d'accueil, avoir une connaissance
quotidienne. Je vais vous répondre qu'on ne l'a pas encore
complètement. Il y a des réseaux de centres d'accueil dans
lesquels on n'est pas entrés encore, et je pense que c'est explicable
historiquement. Pour les réseaux de centres d'accueil auxquels vous
faites allusion, quand vous parlez de Berthelet et de Saint-Vallier, le centre
de service social du Montréal métropolitain, puisque que c'est de
celui-là que vous parlez, commence à entrer dans ces centres,
parce que le placement dans ces centres n'était pas assumé par
lui jusqu'à maintenant.
M. Charron: II était assumé par qui?
M. Perreault (Jacques): II était assumé par les
services de probation et, comme on le sait, les services de probation, qui sont
une partie des services à la cour, vont être
intégrés aux centres de services sociaux le 1er avril. C'est donc
dire que, pour la première fois, il va y avoir un organisme qui va
pouvoir coordonner l'ensemble des services à la cour.
M. Choquette: Est-ce que vous voulez dire, messieurs
excusez-moi de vous interrompre que Berthelet dépend des services
de probation?
M. Perreault (Jacques): Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Choquette: C'est ce que j'ai compris, cela me paraît
assez inexact.
M. Perreault (Jacques): Je vais reprendre si c'est ce que vous
avez compris. J'ai dit que le placement dans ce type de centre était
assumé et l'est encore jusqu'au 1er avril par les services de probation
et les juges de la Cour de bien-être, directement. Ce que je dis, c'est
que...
M. Choquette: L'institution dépend de qui? Pas qui envoie
qui quelque part; le centre lui-même appartient à qui?
M. Perreault (Jacques): II est régi par un conseil
d'administration selon le chapitre 48.
M. Choquette: Qui est responsable.
M. Perreault (Jacques): Le conseil d'administration du
centre.
M. Choquette: II répond à qui, ce conseil
d'administration?
M. Perreault (Jacques): D'une part, à la population et,
d'autre part, au ministre des Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais interrompre les
questions du député d'Outremont. Il est clair que le
député d'Outremont veut impliquer, par ses questions, que
l'admission dans les centres d'accueil, en particulier ceux qu'il mentionne,
est une responsabilité du ministre des Affaires sociales. Je pense que
c'est...
M. Choquette: Je n'ai jamais voulu impliquer une telle chose.
M. Forget: ... au moins ce que j'ai cru comprendre et ce
qui...
M. Choquette: Non.
M. Forget: ... peut-être se dégageait. Je suis
heureux...
M. Choquette: Pas du tout!
M. Forget: ... qu'il le mentionne, qu'il le nie, puisque ce n'est
pas strictement la situation, comme il le sait. Ce n'est pas plus vrai,
même si les hôpitaux, pour employer une analogie, sont sous la
même responsabilité, que l'admission d'un malade est
décidée par le ministre ou par un agent du ministre. Il y a des
procédures d'admission qui sont sous le contrôle, très
décentralisé dans ces cas-ci, qui résultent
essentiellement de décisions prises largement dans le cadre du
fonctionnement de la Cour de bien-être social.
M. Choquette: M. le Président, je trouve que ce genre de
discussions est absolument scandaleux parce que ça indique une
mentalité générale d'éviter les
responsabilités là où elles doivent être.
Le centre est un centre qui est nettement et clairement sous la
responsabilité du ministre des Affaires sociales et ne cherchez pas
à éviter vos responsabilités. Je n'ai pas dit que
l'admission ne dépendait pas d'autres groupements, que ce soit la Cour
de bien-être social ou que ce soit d'autres organismes qui aient le
pouvoir d'aller faire héberger des enfants à cet endroit. Il est
évident que ça prend des endroits pour les envoyer. Mais tout ce
que je voulais déterminer avec précision, à la suite des
questions posées par le député de Saint-Jacques, c'est qui
se compte responsable de ce centre qui n'arrête pas de faire parler de
lui et que le député de Saint-Jacques nous a décrit. C'est
ça la question: Qui est responsable? Et on n'arrive pas, dans votre
dialogue, dans votre discussion, dans votre façon d'aborder les
problèmes, à déterminer qui va porter les
responsabilités pour le genre de traitements qu'on y donne. C'est tout
simplement ça que je voulais souligner.
M. Forget: Si vous n'obtenez pas de réponse claire, c'est
que vos questions sont ambiguës, parce que la responsabilité dont
vous me parlez est clairement celle du ministre. C'est une
responsabilité de financer adéquatement et d'organiser
adéquatement ces services.
Parmi les responsabilités figure justement celle de
déterminer par quelle procédure et qui décidera des
admissions. La raison pour laquelle nous avons préparé un
avant-projet de loi, c'est pour changer cette procédure et la faire
fonctionner de façon plus satisfaisante.
Donc, cette responsabilité n'est pas niée, mais elle
s'exerce par un canal bien déterminé que nous voulons
changer.
M. Choquette: Mais il faudra toujours qu'il y ait des
institutions de ce genre. Je ne dis pas de cette catégorie au point de
vue de la qualité, mais je veux dire de ce genre-là. Ce sera
toujours nécessaire dans toute société. Il y aura toujours
quelqu'un qui sera responsable de ce genre d'institution.
Tout ce qu'on voulait savoir et ce que le député de
Saint-Jacques voulait savoir est: Qui était responsable? Est-ce que
c'est le CSS de Montréal ou est-ce que c'est le ministre des Affaires
sociales? C'est aussi simple que cela. Il n'est pas besoin de chercher de midi
à quatroze heures, qui détermine comment cette institution est
dirigée, comment elle accueille les enfants? C'est aussi simple que
cela. Cela fait assez longtemps qu'on joue à cache-cache autour de cette
affaire, du centre Ber-thelet, des autres centres et des enfants qui s'en vont
dans les prisons, que la justice est obligée d'accueillir parce qu'il ne
reste plus de place dans les institutions des affaires sociales. C'est aussi
simple que cela.
Les juges sont obligés de prendre les cas qui leur arrivent et,
s'il y a des cas de garçons de seize ou dix-sept ans qui ont commis des
hold up, ils ne sont pas pour les lâcher en circulation automatiquement.
Cela ne veut pas dire que les juges n'ont pas leur responsabilité dans
leur genre, mais les institutions elles-mêmes, il faudrait qu'un jour on
s'en occupe.
Je pense que le député de Saint-Jacques a tout à
fait raison de souligner avec énormément de force ce soir que,
quels que soient les beaux principes qu'on adopte dans ces lois, quels que
soient les ménagements qu'on se donne de part et d'autre et cette
discussion à un niveau extrêmement élevé où
la protection sociale ne le cède qu'à la protection judiciaire
quand elle lui cède, le député de Saint-Jacques a tout
à fait raison de dire: II est temps qu'on s'occupe des institutions et
que quelqu'un se compte comme responsable de ces institutions.
M. Forget: En novembre 1974, nous avons mis en tutelle le centre
Berthelet. En mai de cette année, nous avons, comme gouvernement,
autorisé des déboursés de $3 millions pour mettre fin
précisément aux conditions de détention inacceptables et
permettre la réorganisation d'unités de vie qui puissent
faciliter la réhabilitation et la rééducation des jeunes.
Ces responsabilités ont déjà été
exercées. Sur le plan du contenu des services, un comité
d'étude va nous remettre bientôt des recommandations.
J'attirerais l'attention de mes honorables collègues sur les
décisions qui vont découler dans les semaines qui vont suivre le
dépôt de ce rapport sur l'organisation des services et des
établissements. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: Non, ce n'est pas de cela et c'est de cela qu'il
s'agit aujourd'hui. Nous n'avons pas, aujourd'hui, bien sûr, à
discuter les décisions que vous aurez à prendre à la suite
du rapport du comité Batshaw. Vous avez suffisamment attendu et ce n'est
pas l'Opposition qui va vous faire grief si vous faites excès de
diligence au moment où vous avez le rapport en main et que vous
appliquez des mesures qui, depuis longtemps, auraient dû être
appliquées.
Vous savez très bien que, depuis que vous occupez le fauteuil de
ministre des Affaires sociales, ce n'est pas le dossier qui a occupé la
priorité de votre attention, c'est le moins que l'on puisse dire.
Deuxièmement, c'est aussi le cas d'en discuter ce soir,
effectivement. Berthelet attend encore le renouveau depuis novembre 1974. J'ai
visité, dans Berthelet, des débris qui durent encore depuis
novembre 1974. L'autorisation du ministère des Affaires sociales n'est
même pas encore parvenue. On est venu déposer, il y a deux
semaines, des soumissions ici; On n'a même pas encore eu de
réponse. On n'a même pas encore la garantie qu'au début de
l'année 1976, les travaux de réfection se feront.
Je ne veux pas faire ce débat uniquement sur le cas de Berthelet.
Je veux, au contraire Berthelet, on en reparlera bien
particulièrement quand il se présentera à la table
où sont actuelle-
ment nos invités le maintenir étendu à
l'ensemble des centres d'accueil, tel que j'avais au départ
formulé ma question.
Ma question, je la reprécise et je commençais à
avoir une réponse précise avant les interruptions que nous avons
eues. La question est celle-ci:Est-ce qu'il y a, à Montréal, des
ressources adéquates pour répondre au mandat extrêmement
important et capital qui va reposer entre les mains des différents CSS
dont celui de Montréal, à l'article 66, deuxième
paragraphe?
M. Perreault (Jacques): Vous commenciez à avoir une partie
des réponses. Je vais essayer de poursuivre en disant que, d'une part,
actuellement, à Montréal, à partir de ce que je vous ai
mentionné tantôt, on identifie certaines lacunes des ressources,
que ce soit en centre d'accueil ou pour d'autres types de ressources
alternatives. Il n'y a pas seulement les centres d'accueil et les familles
d'accueil. D'accord? Je pense que c'est...
M. Charron: Vous voulez dire le travail en milieu ouvert?
M. Perreault (Jacques): Des foyers de groupes, des foyers
d'accueil, des foyers de dépannage, etc. Je pense qu'il y a d'autres
types de ressources qui pourraient exister autant pour les enfants pris comme
individus que des services de support à la famille.
M. Charron: Si je vous soutenais que ces autres moyens n'existent
en fait qu'en théorie et qu'en hypothèse, dans la tête des
technocrates du ministère des Affaires sociales ou dans la tête
des dirigeants de CSS... A Montréal, vous en comptez combien qui sont
capables aujourd'hui d'accueillir demain des jeunes en foyers de groupes?
Combien de travailleurs sociaux comptez-vous oeuvrant en milieu ouvert sur le
territoire de Montréal, actuellement?
M. Perreault (Jacques): Je reviens à la question, M. le
Président. Est-ce qu'actuellement, avec les données que vous avez
ou que vous commencez à avoir, vous identifiez un certain manque de
ressources? Je pense que j'ai répondu "oui" à cette question. Je
voudrais poursuivre en vous disant qu'identifier un manque de ressources, c'est
une part. Je pense qu'il y a une lacune fondamentale qui a été
notée depuis de multiples années. Cette lacune a
été de ne pas avoir des services d'évaluation au point de
départ pour pouvoir orienter les jeunes là où ils doivent
aller.
Au moment où on se parle des CSS vous posez votre question
pour le CSS du Montréal métropolitain celui-ci est en
train de mettre sur pied un service d'évaluation des cas qui agirait
dès la première comparution du jeune et, si possible, avant sa
première comparution, pour en arriver à une orientation qui va
peut-être faire en sorte qu'un bon nombre n'iront pas dans des milieux
sécuritaires de détention ou dans des prisons.
Deuxièmement, les centres de services so- ciaux je pense
que, dans ce sens, on est en avant de cette loi, pour une fois
développent actuellement des services de 24 heures. A Montréal,
depuis le 4 mai, il existe des services de 24 heures dont la
clientèle-cible no 1, sont les enfants en attente de comparution. Cela
veut dire de 5 heures du soir à 9 heures du matin et cela veut dire les
fins de semaine. Pour que ce service rende des services valables, il faut qu'on
lui donne les informations.
L'expérience démontre, jusqu'à maintenant, je parle
depuis le mois de mai, que nos services continus existent, que les informations
sur les enfants détenus en prison, durant les fins de semaine, on ne les
avait pas tout le temps. Il semble qu'il y a une quarantaine d'enfants qui
passent par les cellules du quartier-général à
Montréal et les cas qui nous étaient
référés, ce n'étaient pas tous les cas. Je ne dis
pas qu'on aurait pu trouver une solution miracle dans tous les cas. Il y avait
quand même certaines ressources à notre disposition pour
éviter... Et on l'a fait.
Une fin de semaine, il y a quinze jours, il y avait vingt jeunes
emprisonnés au quartier-général. On s'est entendu pour
déplacer nos services continus et les mettre sur place. Sur ces vingt,
quatorze nous ont été référés et huit sont
retournés dans leur famille ou ont été envoyés dans
des centres non sécuritaires. Les six autres, on ne les a jamais
vus.
Dans ce sens, je pense qu'il y a des pas qui se font. Comme je vous le
dis, on existe depuis un an et il y a des pas qui se font, les pas les plus
importants, je pense. Il y a du développement des ressources à
venir. On pousse fort. On va continuer à pousser fort. Mais, il y a
également, je pense, le fait qu'il faut prendre le problème
à la base. C'est de l'évaluation et de l'orientation 24 heures
par jour qu'il faut faire. Pour cela, il faut avoir la collaboration d'autres
instances.
Je voulais répondre à votre question en disant que,
d'après les données qu'on a, il manque des ressources pour
certains types d'enfants. Les dossiers montent rapidement à ce sujet,
parce que les données viennent plus vite qu'il y a trois, quatre, cinq,
ou dix ans. Les services d'évaluation, à la cour, ne montent pas
aussi vite qu'on le voudrait, mais il faut penser que cela fait quinze ans que
les gens disent que les cas devraient être évalués à
la cour. Ces cas étaient évalués par bien des personnes et
étaient des fois sous-évalués.
Je pense que ce qu'on est en train de faire, c'est de coordonner ces
services d'évaluation, les amplifier pour qu'il y ait une orientation au
point de départ. Quand je dis point de départ, je le
répète, cela peut être à la première
comparution ou avant la première comparution.
M. Charron: Quelle que soit l'évaluation que fera le CSS
lorsqu'il se sera doté d'un service efficace auprès des jeunes
qui viennent d'être arrêtés ou qui sont en état
d'être référés à un centre, il reste qu'il
n'y aura toujours entre les mains, à la suite de son évaluation,
que ce que le ministère des Affaires sociales lui offrira bien comme
ré-
seau. Autrement dit, quelle que soit l'évaluation la plus
précise que vous fassiez du jeune X, Y ou Z, vous n'aurez toujours
devant vous que Berthelet, ou Boscoville, ou le Mont, ou Saint-Vallier, ou un
foyer de groupe, ou la maison Saint-Jacques, ou autre... Vous ne créez
rien, d'autres resssources. Le CSS du Montréal métropolitain ne
créera pas d'autres ressources que ce que le ministère fera, si
le ministère, pendant ce temps, travaille à niveler les centres,
à retirer l'originalité d'un centre par rapport à un autre
et à faire que tous les jeunes puissent être placés dans un
centre à peu près sans différence, que ce soit dans un
endroit ou un autre, pour le traitement qu'on lui aura fait.
Quelles seront les conséquences du service d'évaluation du
CSSMM?
M. Perreault (Jacques): Ce que vous mentionnez, ce sont les
différents moyens qu'on peut avoir. C'est fort possible qu'après
un an... A ce moment, comme je vous l'ai mentionné et je le
répète, on a identifié des lacunes. C'est fort possible
qu'après un an de fonctionnement d'un service d'évaluation et de
services continus, permanents, on constate qu'il y a d'autres lacunes. Je ne
suis pas certain que ce sont des lacunes dans le type d'établissement
que vous mentionnez. Ce sont peut-être d'autres types de choses qu'il
faut développer. Je le pense.
M. Charron: Pourquoi?
M. Perreault (Jacques): Je vous l'ai mentionné
tantôt.
M. Charron: Des foyers de groupe?
M. Perreault (Jacques): Je dis, d'une part, la première
chose... Je pense qu'on le dit dans cela, c'est une loi d'exception. On dit, en
même temps, qu'il faut mieux articuler nos moyens d'aider la famille pour
que l'enfant puisse rester dans son milieu. Après cela, on parle de
foyers de groupe ou de foyers d'accueil ou de dépannage ou de
certains... Il y a certains centres d'accueil dont les critères de
mission pourraient être modifiés. Il y a des cas de
mésadaptés sociaux affectifs à Montréal qui ne
passent pas par la cour. S'il y a trop de centres d'accueil d'un
côté, on peut peut-être réserver d'autres places pour
d'autres catégories d'enfants où il y a des lacunes
identifiées, en plus d'en développer de nouvelles. C'est dans ce
sens que je répondais.
M. Charron: Est-ce que vous croyez que Montréal, pour s'en
tenir à ce cas uniquement, compte le personnel suffisant pour
développer le genre de ressources que vous dites vouloir voir
développer sur le territoire de Montréal? Est-ce que nous
comptons suffisamment d'éducateurs, de psycho-éducateurs, de gens
spécialisés dans la réhabilitation pour s'en aller sur ce
terrain aventureux dans le domaine de la réhabilitation des jeunes qui
est celui d'oeuvrer en milieu ouvert, en foyer de groupe? Est-ce que nous avons
l'habi- tude, la pratique? Est-ce que nous avons les techniciens parce
qu'il va falloir les appeler par leur nom pour oeuvrer dans ce genre de
travail?
M. Perreault (Jacques): Je pense que vous soulevez un
problème qu'on a cité dans le mémoire également,
quand on a parlé de collaboration entre le ministère des Affaires
sociales, entre autres, et le ministère de l'Education, dans le sens de
développer ce personnel.
Je pense que c'est identifiable que le domaine de l'enfance où,
particulièrement, la problématique des enfants qui passent devant
la cour, c'est une problématique difficile, et le recrutement du
personnel... Est-ce qu'on l'a en potentiel? Je pense que je pourrais
difficilement répondre à cela. Mais d'une façon
réaliste et concrète, c'est difficile de recruter, autant dans
les CSS, et de garder du personnel pour travailler à l'intérieur
de cette problématique, que dans les centres d'accueil. Je pense que
vous pourrez poser cette question aux centres d'accueil aussi. Il y a
probablement certains centres d'accueil qui n'ont aucune difficulté
à avoir du personnel qualifié, et les centres d'accueil qui ont
à travailler dans des zones plus difficiles rencontrent ce
problème de personnel qui manque de formation, qui est jeune ou qui...
Nous avons aussi ce problème, et on essaie de faire du perfectionnement
en cours d'emploi. Je pense qu'on a commencé des choses dans les CSS
à ce sujet. Pour les centres d'accueil aussi, il y a eu plusieurs
recommandations de faites.
Vous parliez de Laval, tantôt. Vous parliez de Berthelet,
où une insistance très forte est mise. Je pense qu'il y a une
réalité c'est du personnel aux premières
années d'expérience qui est prise en main, actuellement,
par les centres d'accueil et les CSS, à savoir qu'on va mettre le paquet
sur la formation de ce personnel. Mais est-ce qu'en potentiel, il sort assez de
criminologues, de travailleurs sociaux, de conseillers sociaux, de
psychoéducateurs, etc.? Je ne suis pas en mesure de vous donner des
statistiques là-dessus. Mais avec les responsabilités qui s'en
viennent, on a justement demandé qu'on se penche sur ce problème
de personnel. S'il y a lieu de faire une relation avec le ministère de
l'Education... Pas s'il y a lieu. Il y a lieu d'en faire, pour savoir quel type
de personnel on veut et le développer en conséquence.
M. Charron: II y a aussi l'autre question, qui peut
paraître anodine dans le débat, c'est la question du traitement de
ces employés. Il est très difficile, à un centre
d'accueil, de maintenir... Ceux que j'ai vus avaient un personnel roulant
incroyable, une moyenne de six mois de stage par chaque employé. Une des
raisons, c'est que les salaires sont minables pour la tâche essentielle
et grave que les employés ont à accomplir, ce qui fait que cela
peut paraître, à l'occasion, fort tentant pour un employé
de quitter le centre pour aller se trouver un travail plus avantageux. A
Berthelet, on travaille, en moyenne, à $7,200, $7,500 par année.
Je n'ai pas besoin de vous dire que ce n'est rien qui attire à faire des
carrières et des professions. Mais...
M. Perreault (Jacques): C'est une cause, mais je pense qu'on
pourrait identifier une série de causes qui font...
M. Charron: Est-ce que je peux demander aux représentants
de l'association, ceux qui parlent au nom de l'Association des CSS s'ils
estiment que les CSS, à la grandeur du Québec les quatorze
CSS regroupés ont les ressources adéquates pour remplir
l'objectif du paragraphe 2 de l'article 66?
M. Lippé: Pour tenter une première réponse,
je pense qu'il faut se rappeler qu'au Québec, il y a plus de la
moitié de tous les enfants placés au Canada. On a 30,000 enfants
placés en familles d'accueil ou en centres d'accueil, dont 70% le sont
à la suite d'une décision de la Gourde bien-être
social.
Les centres de services sociaux, actuellement, en ont plein les bras
avec le pain et le beurre, c'est-à-dire d'assurer à ces enfants
un toit, un gîte, des services décents.
Si, par le biais de la loi, de nouvelles responsabilités nous
sont confiées, il faudra faire un équilibre entre ce que cela
apportera aux enfants qu'on a déjà sous notre
responsabilité et les nouveaux cas; mais ce qu'on espère, est
qu'on puisse en arriver, dans le temps, à trouver un certain
équilibre par rapport aux autres provinces du Canada. C'est une question
à laquelle on n'a jamais apporté de réponse.
Pourquoi y a-t-il tant d'enfants de placés au Québec?
Est-ce un trait culturel? Est-ce à cause d'une dégradation de la
situation? Pourquoi? C'est la question globale qu'il faut se poser; mais nous
avons, actuellement, cette responsabilité de 30,000 enfants.
M. Charron: Cela sera tôt ou tard une question
budgétaire. Remplir ce mandat impliquera, tôt ou tard, un
à-côté budgétaire indéniable. Les ressources
actuelles et le développement de ressources de type nouveau, j'en
conviens...
M. Lippé: Et il y a la réorientation de
l'utilisation des ressources actuelles.
M. Charron: C'est-à-dire que pour les ressources de type
nouveau comme celles que vous mentionniez deviennent séduisantes pour
les honorables juges de la Cour de bien-être social, à commencer
par l'honorable juge en chef lui-même, il y a beaucoup de chemin à
faire, parce que c'est à peine si vous pouvez convaincre l'honorable
juge en chef qu'il ne faut pas placer les jeunes à Bordeaux, ce qui fait
qu'avant que vous le convainquiez qu'on peut les placer en milieux ouverts...
C'est lui qui réclamait dans une lettre que le député
d'Outremont a sans doute lu avec beaucoup d'émotion...
M. Choquette: A l'époque.
M. Charron: ... à l'époque. Je ne vous cite pas
cela parce que...
M. Choquette: Je la connais.
M. Charron: Cela fait dur.
M. Lippé: Notre compréhension de la nouvelle loi va
faire en sorte qu'aboutiront à la Cour de bien-être social
beaucoup moins de cas qu'actuellement. Avant que les cas n'arrivent à la
Cour de bien-être social, il y aura des processus d'intervention et c'est
là-dessus...
M. Choquette: Oui, mais ce n'est pas cela qui va réduire
le nombre de cas. Je pense que je dois faire une mise au point, quelle que soit
la nature des lettres écrites par le juge Lavallée, dans le
passé, sur lesquelles le député de Saint-Jacques
revient.
Ce ne sont quand même pas les juges qui fabriquent des cas qui
méritent d'être hébergés. C'est parce qu'il y a une
situation sociale qu'il faut regarder froidement et prendre en
considération.
Je pense qu'il n'y a rien qui fasse plaisir à des juges de la
Cour de bien-être social que d'envoyer les enfants, soit dans des
prisons, soit dans des foyers d'hébergement. Il ne faudrait quand
même pas commencer à faire de la rigolade, même s'il
commence à être assez tard.
Il faut déplorer une situation. Je comprends que c'est
compliqué pourtout le monde de s'en occuper et que cela impose un
fardeau très lourd, autant à ceux qui nous parlent ce soir qu'aux
juges de la cour.
Vous avez abordé des moyens peut-être d'éviter
l'hébergement ou l'incarcération par une analyse quelque peu plus
scientifique, précise des cas. Je veux bien, mais il faut bien regarder
la réalité en face.
Si nous avons plus de cas qu'ailleurs, c'est parce qu'il y a un
problème qui est à la base de tout cela et qui est là et
qui produit un plus grand nombre de ces cas. Remarquez que je ne dis pas cela
pour tempérer ou diminuer les efforts que vous pouvez faire dans cette
direction au point de vue de perfectionnement sur le plan scientifique et sur
le plan humain, mais le nombre de cas demeurera toujours.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faudra pas éviter, quand on le
pourra, d'envoyer des enfants dans des milieux carcéraux ou des milieux
d'hébergement.
Je pense bien que tout le monde s'entend sur cela, mais il y a, pour la
société, un fardeau à soutenir et à transporter qui
est lourd.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, on tient des
discussions sur un très haut palier et qui sont très
intéressantes d'ailleurs, mais, à titre de député,
on fait du service social d'une façon continue et on est toujours un peu
surpris du peu de coopération ou du peu d'efficacité dans les
services qu'on peut rendre. J'aimerais, pour soutenir mon point, vous donner un
exemple d'un cas qui me vient à l'idée, un cas bien
particulier.
C'est un type que j'ai toujours connu, à La-chine, qui a une
grosse famille, qui est malade, qui n'est pas trop brillant. C'est un bon gars.
Il a des enfants sous sa responsabilité. C'est un assisté
social. Voilà que son fils qui est marié divorce et vient
lui confier ses deux jeunes enfants de quatre ou cinq ans. Le bureau
d'allocation social apprend la chose et, comme le père avait promis au
grand-père de lui verser une somme mensuelle pour la garde des enfants,
on a diminué l'allocation sociale d'autant, selon les règlements
établis. Mais voilà que le fils n'a jamais versé un cent
au père. Alors, le grand-père se trouve avec la garde de deux
enfants et une allocation sociale diminuée d'autant.
Il arrive à un point où il n'a plus d'argent et il n'a
plus de nourriture. Il m'appelle: M. Saint-Germain, il n'y a rien à
manger dans la maison. On n'a rien à manger. Il reste quelques
croûtes de pain, il reste un peu de beurre de "peanut", mais demain nous
n'aurons plus rien. J'appelle l'aide à la famille, chez moi, dans mon
comté, j'explique la situation, mais cela ne se fait pas facilement.
Parce qu'atteindre la personne responsable, ce n'est pas facile. Mais enfin, je
suis venu à bout de l'atteindre. Je lui ai demandé d'aller faire
enquête. On ne pouvait pas y aller la journée même.On y est
allé le lendemain. Faites-moi rapport. Elle rappelle pour me faire
rapport. J'ai dit: Est-ce qu'il y avait de la nourriture? Elle me dit: Je ne
sais pas. J'ai dit: Vous n'avez pas regardé dans le
réfrigérateur? Elle dit: Ce n'est pas ma "job" de regarder dans
le réfrigérateur pour savoir s'il y avait de la nourriture.
Alors, on a fait un très beau rapport. Cela a pris au-delà d'une
semaine.
J'ai dû solutionner le problème autrement, parce que c'est
un fait qu'il n'y avait pas de nourriture dans la maison. On aurait pu obliger
le père à remplir ses obligations, mais on n'avait pas son
adresse, et c'est là que la travailleuse sociale me demande de trouver
l'adresse du père. J'ai dit: C'est la fin. Si je vous dis tout
ça, c'est que, dans mon comté, on dépense une fortune en
aide sociale, bien que ce soit un comté relativement
privilégié. Or, il ne semble y avoir aucune coopération
entre les divers services et il semble n'y avoir personne pour faire la cuisine
et donner une aide efficace et prompte, même à des jeunes enfants.
On ne peut pas rester une semaine dans le temps des Fêtes sans nourriture
dans la maison.
Si j'apporte cet exemple, c'est que, tout à l'heure, on a
parlé longuement des gens qui feraient les enquêtes; or, ces
messieurs n'ont pas semblé très intéressés à
entrer dans les maisons, à s'enquérir des faits et à faire
rapport au comité local pour prendre une décision.
Mais si le service social, à mon avis, est aussi terre à
terre que ça, avec cette nouvelle loi, est-ce que vous allez au moins
solutionner un problème semblable? Croyez-moi, pour le solutionner, j'ai
appelé le sous-ministre qui, d'autorité, a demandé au
bureau local d'assistance sociale de verser une somme supplémentaire et
j'ai bien l'impression qu'il l'a fait d'autorité mais à
l'encontre des règlements, sinon à rencontre de la loi. Je trouve
que ce sont des situations pénibles. Cette loi va coûter encore
une certaine somme d'argent. Est-ce une loi qui va pouvoir centraliser la
protection, tous les responsables de la protection de l'enfance? Car l'enfance
doit être protégée non pas simplement après
délit ou non pas simplement si l'enfance met en jeu les
intérêts ou les droits de la communauté. Il y a des enfants
de quatre, cinq ou six ans qui sont sans défense. Ce ne sont pas des
enfants dangereux, mais ils ont besoin d'une protection, il faut que quelqu'un
s'en occupe.
M. Choquette: II y a des enfants de 16 ans ou 17 ans qui sont
dangereux pour la société; les deux cas existent.
M. Saint-Germain: Oui, mais ce n'est pas le même
problème, c'est un autre problème. Si je dis tout ça,
c'est que c'est bien beau d'avoir des gens compétents, c'est bien beau
de donner à des travailleurs sociaux ou à des employés du
gouvernement des responsabilités bien limitées.
Cela leur permet, bien souvent, la bonne délimitation de ces
responsabilités, d'éviter toute autre responsabilité et
bien souvent, chez moi en particulier, je ne veux pas
généraliser, les travailleurs sociaux, lorsqu'ils ont fait un
très beau rapport et qu'ils peuvent défendre adéquatement
qu'ils ont pris leurs responsabilités, tout le monde est heureux,
même si tout ce travail et ces énergies dépensées
restent sur papier.
Mon appel a certainement coûté de l'argent aux
contribuables. Cela a pris du temps à faire ce rapport. On a fait un
excellent rapport. Qu'est-ce que cela a donné? Rien. Absolument rien.
Cela est resté un beau rapport sur papier.
Je peux vous garantir que celle qui a fait ce rapport, qui n'a pas
été voir dans le réfrigérateur, n'a jamais
été inquiète d'être en méchante position pour
expliquer son comportement à ses supérieurs. Son rapport
était bien fait, elle a agi selon la loi et selon les
règlements.
Vous savez, on se pose des questions. Je ne veux pas me
répéter, mais je dis que dans toutes ces choses-là, il
faut que quelqu'un fasse la cuisine. Si vous formez des comités locaux
pour protéger la jeunesse et si tout le monde veut discuter de principes
et de grandes choses sur un très haut palier et si personne ne veut
jamais faire de façon humaine, avec amour, la cuisine, cela va encore
tourner à rien et on ne trouvera jamais qui va être responsable
d'une situation donnée.
J'ai fait des appels et j'ai mis au moins une couple d'heures pour
protéger ces deux enfants-là. Cela n'a pas été
fait, ou cela a été fait par des voies tout à fait
irrégulières, puisque c'est le sous-ministre qui a pris sur lui
de solutionner la situation; il ne peut pas faire cela à la grandeur de
la province, mais localement, chez moi, je ne peux pas accuser personne. Tout
le monde a fait son devoir. Tout le monde a fait son possible.
M. Choquette: Personne n'est responsable.
M. Saint-Germain: Personne n'est responsable.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre
des Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, c'est un commentaire beaucoup
plus qu'une question, mais étant donné son caractère, je
pense qu'on ne peut et je ne veux pas le laisser simplement sans une
réaction.
La réaction que je désire exprimer vis-à-vis des
propos qui viennent d'être tenus et qui font écho, quoique de
façon plus concrète à des préoccupations qui sont
présentes dans tous les esprits et qui, je suis sûr, sont
présentes aussi dans l'esprit du groupe qui est devant nous, c'est une
préoccupation essentielle.
Il est évident que le premier objectif qu'on doit avoir, c'est
que des solutions soient apportées à des problèmes
vécus, que des services personnels continus de qualité... Enfin,
tout cela, c'est dans les lois. Comment se fait-il que nous n'obtenions pas
constamment, et même pas régulièrement dans certains cas,
des réponses satisfaisantes?
Est-ce qu'il s'agit d'adopter des lois? Sans aucun doute, cela ne sera
pas suffisant. C'est pourtant, ici, dans cette enceinte, la seule
possibilité d'action que nous ayons. Dans quelle mesure les lois
peuvent-elles nous aider à développer ce sens des
responsabilités, à faciliter l'exercice de ces
responsabilités?
Il est clair que la conscience individuelle, la conscience
professionnelle, si elle n'existe pas, on ne pourra pas la créer par des
textes de loi. On perd notre temps si on croit qu'elle n'existe pas. Je suis
persuadé, pour ma part, qu'il y a une conscience professionnelle, il y a
un amour de leur métier par les gens qui l'exercent qui n'est pas
toujours efficace, parce que personne d'entre nous est toujours efficace, mais
aussi parce qu'il y a, dans les situations telles qu'elles existent dans nos
lois, des empêchements à une meilleure efficacité. Au
moins, c'est une avenue qu'il faut poursuivre. Nous serions sans excuse de
laisser persister des situations où, les responsabilités
étant mal définies, des obstacles trop nombreux nuisant à
leur exercice, elles ne sont effectivement pas assumées.
Dans le texte qui est devant cette commission, il y a des dispositions
qui visent... C'est l'article dont le député de Saint-Jacques a
fait état lorsqu'il a souligné que tout le coeur est dans cet
article. Peut-être que c'est un peu exagéré, mais je suis
d'accord avec lui pour dire que c'est important. Cet article dit que le centre
de services sociaux doit assurer ces services, doit prendre les moyens, donc
doit avoir les pouvoirs pour assurer que les observations, l'orientation
décidée par le comité local d'orientation, on va y donner
suite... Donc, il faut lui donner des pouvoirs, comme organisme. S'il n'a pas
les pouvoirs, il pourra constamment et éternellement dire que, n'ayant
pas les pouvoirs, cela ne s'est pas fait. C'est la situation dans laquelle ces
organismes se trouvent actuellement. Ils n'ont effectivement pas les pouvoirs
de faire un tas de choses qu'ils devraient faire pour assumer pleinement leurs
responsabilités.
Il y a donc ces éléments dans le projet. On pourra en
discuter. Ils sont peut-être imparfaitement définis, mais ils sont
là.
Il y a, d'autre part, un autre principe qui, à mon avis, est
très important et qui n'est pas ressorti peut-être suffisamment
à ce moment-ci. C'est l'imputation assez personnelle de
responsabilités, et même très personnelle de
responsabilités que l'on retrouve dans le projet, puisque l'on parle
et ceci même a été soulevé dans le
mémoire, si cela n'a pas été fait verbalement devant la
commission c'est la responsabilité qui est attribuée au
directeur de la protection de la jeunesse. L'intention est claire de
personnaliser cette responsabilité. Je sais que cela pose des
difficultés de caractère peut-être juridique, mais je pense
qu'il est important de personnaliser les responsabilités que la loi
attribue au centre de services sociaux, parce que ce n'est pas seulement le
directeur qui les assume, c'est également toutes les personnes à
qui il délègue à la fois ses pouvoirs et ses
responsabilités face à un cas particulier.
C'est un mécanisme qui, je pense, a certains mérites, a un
certain potentiel pour permettre à l'individu d'avoir
véritablement le sentiment que légalement il a une
responsabilité vis-à-vis d'un client particulier, qu'il doit
s'assurer que ce cas qui lui est soumis reçoit une solution et qu'il
doit suivre l'évolution de ce cas jusqu'à ce qu'il puisse dire:
Le dossier est fermé, le problème est réglé. Je
pense que c'est un mécanisme qui mérite une attention
sérieuse parce qu'il est indubitable que les problèmes ne peuvent
être résolus qu'à condition que quelqu'un s'en sente
responsable. La responsabilité existe à plusieurs niveaux. Elle
existe au niveau du ministre. Notre collègue nous l'a rappelé
avec beaucoup de force et avec raison, d'ailleurs, mais cette
responsabilité n'est qu'une responsabilité immanente,
générale qui ne peut s'exercer dans des cas particuliers, on le
sent bien. Il faut qu'elle se traduise par une responsabilité au niveau
du praticien, de celui qui s'occupe d'un cas, qui ira voir au besoin si c'est
le seul moyen de trouver une solution, si effectivement le
réfrigérateur est vide ou s'il est plein.
Je pense que cela devra aller jusque-là, le faire lui-même
ou s'assurer que c'est fait. Cette prise en charge personnelle est un
élément, à mon avis, qui est destiné à
répondre aux préoccupations que nous partageons tous, je pense,
d'un système qui ne doit pas être bureaucratique. Ce n'est pas
à un organisme de régler les problèmes d'un enfant, ce
doit être essentiellement à un individu qui a, parce qu'il est
partie à cet organisme, des instruments à sa disposition, mais
c'est d'abord le problème d'un individu qui est résolu par un
autre individu, c'est-à-dire le problème d'une personne en
difficulté qui va trouver un professionnel, un praticien et qui lui dit:
Aidez-moi. Si nous pouvons articuler cette responsabilité, je pense que
nous pourrons peut-être arriver à résoudre les
problèmes d'inefficacité réelle je pense qu'on ne
peut les nier qui existent actuellement dans ce réseau.
M. Saint-Germain: ... être obligé de vérifier
dans le réfrigérateur s'il y a de la nourriture ou s'il n'y en a
pas.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Je remercie les
représentants du...
M. Perreault (Jacques): Un dernier commentaire. Je souscris
à ce que le ministre des Affaires sociales vient de dire. Mais je pense
que, dans notre mémoire, on se montre d'accord sur ce type de mesures.
On dit, et de façon répétitive, que l'avant-projet donne
des pouvoirs et des responsabilités aux CSS, mais on dit: L'Etat a aussi
la... Je pense que le ministre des Affaires sociales et l'Assemblée
nationale ont aussi la responsabilité de décréter des
priorités dans ce domaine et de fournir aux CSS, aux centres d'accueil
et à tout le réseau les ressources humaines, les ressources pour
les jeunes et les ressources budgétaires, pour qu'on puisse assumer ces
pouvoirs.
Je pense qu'au nom des CSS, je peux dire que si on a les moyens, on va
remplir nos responsabilités.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Je remercie les
représentants de l'Association des centres de services sociaux du
Québec et je m'excuse auprès des deux autres organismes. Disons
qu'une commission parlementaire va siéger le 4 décembre. A ce
moment, vous serez convoqués pour présenter votre
mémoire.
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 8)