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Commission conjointe des affaires sociales et de la
justice
Avant-projet de loi sur la protection de la
jeunesse
Séance du jeudi 4 décembre 1975
(Dix heures treize minutes)
M. Houde, Limoilou (président de la commission conjointe des
affaires sociales et de la justice): A l'ordre, messieurs!
Commission conjointe des affaires sociales et de la justice,
deuxième séance. Les membres de la commission sont les
suivants:
MM. Bédard (Chicoutimi); Bellemare (Johnson); M. Bellemare
(Rosemont); M. Bienvenue (Crémazie); Bonnier (Taschereau); Boudreault
(Bourget); Burns (Maisonneuve); Charron (Saint-Jacques); Choquette (Outremont);
Ciaccia (Mont-Royal); Desjardins (Louis-Hébert); Forget (Saint-Laurent);
Fortier (Gaspé); Giasson (Montmagny-L'Islet); Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys); Lecours (Frontenac); Levesque (Bonaventure);
Malépart (Sainte-Marie); Massicotte (Lotbinière); Pagé
(Portneuf); Perreault (L'Assomption); Saint-Germain (Jacques-Cartier); Samson
(Rouyn-Noranda); Springate (Sainte-Anne); Sylvain (Beauce-Nord); Tardif
(Anjou).
Alors ce matin nous entendrons immédiatement le Centre
international de criminologie comparée, représenté par Mme
Alice Parizeau.
Mme Parizeau, s'il vous plat!
Centre international de criminologie
comparée
Mme Parizeau (Alice): M. le Président, messieurs les
ministres, messieurs les députés. Le Centre international de
criminologie comparée est un organisme non gouvernemental,
universitaire. C'est un organisme de recherche. En ce qui me concerne, j'ai une
expérience théorique, mais également une expérience
pratique sur le terrain. Nous avons présenté un mémoire
que nous avons envoyé et qui a été, j'imagine,
distribué. Aujourd'hui je voudrais juste présenter un commentaire
sur le mémoire soumis. Notre commentaire comprend trois parties. Dans la
première, nous allons parler des droits des enfants. Dans la
deuxième, des structures des services sociaux. Dans la troisième,
des engagements des autorités responsables et, en conclusion, je
tenterai de soulever les problèmes actuels et les possibilités de
leurs solutions.
La première partie, les droits des enfants. Il y a la charte des
droits des enfants de l'ONU, de l'UNESCO; les deux chartes sont d'autant plus
vagues et imprécises qu'il s'agit de créer des normes
internationales, ce qui est singulièrement difficile puisque les
problèmes des enfants, comme d'ailleurs ceux des adultes, mais plus
particulièrement des enfants, varient selon les contextes nationaux,
socio-économiques. Une charte comme celle-là ne peut
évidemment pas avoir de portée opérationnelle.
En ce qui a trait au droit des enfants de façon concrète,
nous allons donc distinguer ici cinq catégories de droits fondamentaux
qui ne se retrouvent absolument pas avec la charte mais qui se retrouvent avec
certains articles de lavant-projet de loi sur la protection de la jeunesse qui
est actuellement en discussion.
Dans ces cinq catégories, la première est le droit
d'être protégé par la société. Nous croyons
que le médecin qui autorise la mère à quitter
l'hôpital avec son bébé et qui sait qu'elle n'est pas en
mesure d'en prendre soin, pour des raisons physiques ou psychiatriques, doit
assumer la responsabilité de signaler le cas aux services sociaux et de
vérifier qu'ils ont pu fournir à la famille et à l'enfant
l'aide adéquate.
A cet égard, un exemple concret observé sur le terrain.
Une malade mentale a accouché trois fois dans le même
hôpital. C'est un grand hôpital de Montréal. Elle
était, de toute évidence, incapable de prendre soin de l'enfant
et connue du milieu médical. Elle est rentrée quand même
chez elle trois fois trois accouchements successifs en trois ans
et n'a reçu qu'une fois l'assistance d'une aide-visiteuse, et cela
pendant une période d'une semaine.
Deuxième volet de la même section droit d'être
protégé par la société nous croyons que
l'enseignant qui constate qu'un de ses élèves est "mal
traité" je devise à dessein le mot en deux parties
parce que mal vêtu, mal alimenté ou victime de coups ou encore
qu'il s'absente de l'école sans raison valable doit communiquer avec les
parents et signaler le cas aux services sociaux. A charge pour lui
j'insiste là-dessus de s'informer si on a donné suite
à ses recommandations.
Evidemment, nous savons tous que le contrôle des
fréquentations scolaires existe au Québec. Comme nous savons,
tous ceux qui ont travaillé sur le terrain, que ce contrôle se
fait à retardement et fait des victimes parce que tous les enfants ont
une caractéristique commune: ils grandissent et ils évoluent.
Donc, un retard de trois mois ou de deux mois dans le système scolaire
se solde par la perte de l'année, l'échec et le retard
scolaire.
En conséquence de quoi sur cette partie l'article
46 de l'avant-projet de loi devrait nous le soumettons respectueusement
être reformulé de façon que le terme "peut" soit
remplacé par "doit". Cette recommandation rejoint celle
déjà formulée par le juge Du-ranleau sur le banc et dans
les déclarations officielles. Le juge Duranleau défendait en
droit le point de vue qu'il s'agit d'assimiler l'article 46, l'article
concernant la protection des enfants, à celui qui figure dans le Code
criminel sur le refus de porter secours à une personne en danger.
Des précédents existent à cet égard dans la
législation des autres provinces; donc, il ne s'agira même pas
d'innover, cela existe, je crois, en Alberta, je m'excuse, mais je n'ai pas eu
le temps de
vérifier et le juge Duranleau de l'assistance publique le
mentionne.
Deuxième point en ce qui concerne les droits des enfants; droit
à une irresponsabilité totale jusqu'à l'âge de
quatorze ans. Nous avons suivi, déjà, cette approche quand
l'avant-projet de loi de protection a été discuté il y a
trois ans; à ce moment-là c'était une approche qui
était considérée, par les ministres responsables, comme
inconstitutionnelle; il s'agissait des responsabilités totales des
enfants de moins de quatorze ans et compte tenu du Code criminel, la Loi sur
les jeunes délinquants, l'établissement d'une telle
irresponsabilité par une législature provinciale semblait en
droit impossible.
Actuellement, étant donné que le projet de la nouvelle loi
fédérale sur les jeunes qui ont des démêlés
avec la justice précise dans ses recommandations 6 et 7 en page 21 de la
version française, que l'âge minimum des responsabilités
criminelles, en vertu de la nouvelle loi et dans le Code criminel soit
fixé à quatorze ans. Etant donné qu'il y a de fortes
chances que cet article soit adopté, il nous semble indispensable, dans
le projet de loi de protection provincial, d'établir et de
définir une dichotomie entre les enfants, c'est-à-dire tous ceux
qui sont âgés de moins de quatorze ans, quatorze ans et moins, si
vous voulez, et les mineurs ou adolescents, le terme importe peu,
c'est-à-dire tous ceux qui sont âgés de 14 à 18
ans.
En conséquence de quoi, nous soumettons que les articles 59, 96,
90 et 108 de l'avant-projet de loi de protection devraient, si on adopte cette
approche, être amendés en conséquence.
Troisième section sur le droit de l'enfant; droit à un
traitement aussi équitable que celui des criminels adultes en ce qui a
trait aux relations avec la police et en norme de la garde à vue. En ce
qui concerne la police, l'avant projet de la loi sur la protection de la
jeunesse ne précise pas les modalités de l'intervention des
services sociaux auprès des forces policières ni des liens qui
pourraient ou devraient, selon le législateur, exister entre eux.
L'avant-projet de la loi ne traite pas non plus, ni en termes de
décision ni en termes de suggestion, de la nécessité de
disposer des forces policières spécialisées. Or,
étant donné ce qui existe actuellement à Montréal,
où les services d'aide jeunesse, SAJ services policiers
créés avec beaucoup de difficultés d'ailleurs et qui ont
opéré jusqu'à présent avec énormément
de succès auprès des jeunes et qui ont fait leurs preuves
sont en pleine réorganisation.
On se demande quand une décision sera prise. Par ailleurs, la SAJ
n'existait qu'à Montréal, dans sa forme précise telle
qu'on l'avait à Montréal. Il y a des unités similaires
à Trois-Rivières, à ma connaissance, mais il y a lieu de
se demander si le projet de loi ne devrait pas élargir le cadre de la
SAJ à l'ensemble du Québec en disant qu'on doit avoir des
services policiers de ce type avec un commandement unifié, parce que, si
j'ai bien compris, la grande discussion porte justement sur le problème
du commandement unifié.
Au départ, SAJ avait un commandement unifié mais
là, les hommes sont répartis dans les postes et relèvent
des commandants d'unités de poste, ce qui permet de les envoyer sur
n'importe quel appel au chef du poste quand il a besoin d'hommes. Donc, avoir
un commandement unifié et avoir un lien avec les services sociaux qui
seraient évidemment définis.
En ce qui concerne la garde à vue, l'article 55 b) de
l'avant-projet de loi, nous nous permettons de soumettre respectueusement qu'il
est injuste, inacceptable et qu'il devrait être supprimé. D'une
part, cet article entre en contradiction avec et c'est assez curieux
les recommandations du livre blanc du ministère de la Justice du
Québec, chapitre 3, qui dénoncent la garde à vue en termes
très précis et très clairs. Deuxièmement, il entre
en contradiction avec les recommandations du projet de la législation
fédérale sur les jeunes qui ont des démêlés
avec la justice et spécifiquement avec la recommandation 10, page 23, de
la version française.
Quatrièmement, section des droits des enfants: Droit pour les
enfants et les adolescents à une justice aussi respectueuse de leur
liberté que celle des adultes. A cet égard, il s'agit de droits
fondamentaux: 1. Droit d'être libéré par le juge de
l'autorité parentale déficiente ou criminogène. Le projet
de loi sur la protection de la jeunesse prévoit cette mesure. 2. Droit
d'être représenté par un avocat de l'assistance judiciaire
en tant que personne et non pas à travers les parents. Ceci n'est pas
tout à fait clair et précis dans la législation
proposée. 3. Droit à ce que les audiences à la Cour du
bien-être social puissent être entendues par les
représentants des media d'information et singulièrement que les
sentences prononcées par les juges puissent être publiées
comme c'est le cas pour les adultes, à discrétion du juge de
décider s'il veut ou non publier sa sentence, mais que cela devienne
quand même une possibilité à laquelle notre magistrature
ferait appel plus fréquemment que cela ne se fait
présentement.
Il est évident pour nous que les media d'information n'auraient
pas le droit de mentionner ni le nom du mineur ni de la famille
concernée.
Soulevant à cet égard un seul point, actuellement, en
étudiant les dossiers de la Cour du bien-être social, il est
possible de retracer, à travers les sentences successives de sine die de
certains jeunes, la progression constante de leurs activités
délinquantes et leur gravité de plus en plus accentuée et,
d'autre part, les lacunes de notre structure de placement et de traitement
d'enfants chroni-quement débordée. On voit dans les dossiers
à travers les sentences des juges, singulièrement les sentences
sine die, que tout simplement, puisqu'il n'y a pas de moyen de placement, le
juge envoie l'affaire sine die et que ça ne correspond absolument pas ni
à l'acte de l'enfant ni à la situation de la famille.
Cinquièmement, droit pour les enfants à ne pas être
plus stigmatisés que les adultes. Le texte de l'avant-projet de loi de
protection ne stipule pas que les évaluations des enfants portées
au dossier doi-
vent s'accompagner de recommandations relatives au traitement, sous
peine d'être irrecevables en fait et en droit.
En effet, dans l'état actuel des choses, ces évaluations
stigmatisent uniquement les enfants concernés, sans avoir aucune
portée réelle. A cet égard, un exemple: on retrouve des
dossiers où vous avez des mentions comme verbomoteur, psychomoteur,
dépressif, perturbé grave. Evidemment, l'enfant est
examiné; après avoir passé, par exemple, un interrogatoire
à la police ou ailleurs, le spécialiste l'a examiné, il a
indiqué psychomoteur, verbomoteur, dépressif, tout ce que vous
voulez. Comme on n'indique pas en face les solutions concrètes qu'on
propose en termes de traitement, ces enfants restent avec ce dossier et ce
dossier, qu'on le veuille ou non, ou l'extrait de ce dossier circule. Il
circule dans le milieu scolaire, il circule ailleurs.
L'enfant ou l'adolescent est estampillé, il est
stigmatisé. Dans le cas des adultes, malades mentaux et
apparentés, ce n'est pas possible. Il faut des opinions plus
motivées, plus claires pour qu'elles soient recevables au dossier. Ceci,
sur les droits des enfants.
Deuxième partie de mon exposé, des structures des services
sociaux. Il semble, à la lecture de l'avant-projet de loi, que les
structures, les obligations et les pouvoirs des services sociaux tels que
proposés devraient, nous le soumettons comme suggestion, être
mieux précisés en ce qui a trait surtout au, primo, rôle et
responsabilité des divers services et les définitions qui sont
dans la loi de ces responsabilités et de ce rôle,
particulièrement aux articles 24, 25, 29, 42, 43, 44, 45, 73 et 90 du
projet de loi.
Deuxièmement, il n'y a pas de précision en ce qui concerne
la formation professionnelle des directeurs.
Troisièmement, la formation professionnelle et cela est
singulièrement plus grave du président et du
vice-président de la Commission de la protection de la jeunesse qui, en
somme, doivent coiffer, si j'ai bien compris, toute la structure, n'est pas
précisée. A titre d'exemple, nous pouvons mentionner la
législation française. Evidemment, il ne s'agit pas de l'imiter,
loin de moi cette suggestion, mais il me semble qu'il faudrait le mentionner.
On précise que le directeur doit avoir les directeurs
régionaux des services sociaux tels qu'ils existent en France un
diplôme de médecin, d'avocat ou d'enseignant du niveau secondaire.
Cette précaution a été prise par le législateur
français pour donner le maximum de libertés professionnelles, de
mobilité professionnelle au directeur, de protéger son statut,
parce que par définition il est non syndiqué et non syn-dicable,
d'éviter, également, les changements trop fréquents de
directeurs et de leur donner un statut professionnel d'interlocuteur valable
face aux autorités hospitalières, scolaires et judiciaires.
Etant donné qu'on est en train de créer un système
social parallète c'est ce qui est le plus intéressant dans
la philosophie de l'avant-projet de loi et non pas soumis au
système judiciaire comme cela existe actuellement, il me semble urgent
de reconnaître que le président et le vice-président de la
Commission de la protection de la jeunesse doivent avoir des
caractéristiques définies par la loi et une permanence
définie par la loi. Par exemple, dans les caractéristiques, leurs
origines et traditions québécoises et francophones, ceci parce
qu'il n'est pratiquement selon les théoriciens du moins
pas possible de comprendre une sous-culture des jeunes ou une anticulture des
jeunes si on n'est pas issu de la même culture qu'eux.
Deuxièmement, leur connaissance du droit; troisièmement, leurs
connaissances dans le domaine de l'enseignement.
Là, je voudrais ouvrir une parenthèse. L'enfant, par
définition tous ceux qui ont moins de 14 ans, si cette
définition devait être acceptée vit dans deux
milieux, c'est ainsi depuis que nous avons l'enseignement scolaire obligatoire,
familial et scolaire.
Qu'on le veuille ou non, c'est l'enseignant qui le voit toute la
journée. C'est l'enseignant qui est capable de l'évaluer, tout
simplement à travers la fréquentation quotidienne de deux
êtres, même si les classes sont surchargées. Il me semble
que le lien entre les services scolaires et les services sociaux et toute la
procédure ne sont pas établis dans l'avant-projet de loi, ce que
prouve singulièrement l'article 116 qui dit que "lorsqu'une
période d'hébergement obligatoire se termine en cours
d'année scolaire, le centre d'accueil doit continuer à
héberger l'enfant jusqu'à la fin de l'année scolaire, si
l'enfant y consent..."
Il y a des enfants qui sont plus heureux dans un centre
d'hébergement je veux bien l'admettre ou dans un centre
d'accueil, mais d'une manière générale, pour beaucoup
d'enfants, cette mesure est perçue comme une mesure privative de
liberté, même si leur famille est inadéquate.
Il me semble qu'en tant qu'adultes nous ne pouvons quand même pas
demander à l'enfant d'accepter une mesure qui, pour lui, est ressentie
comme une peine privative de liberté, sous prétexte que, pour son
bien, il doit continuer son enseignement scolaire. Parce que,
psychologiquement, c'est le dégoûter de l'école, une fois
pour toutes, et humainement, cela ne paraît pas tout à fait
logique. Il paraîtrait plus logique, bien que, je l'admets, beaucoup plus
difficile, d'établir un lien scolaire, un lien entre les services
scolaires proprement dits, le centre d'accueil et les autres centres
d'hébergement des jeunes.
Troisième partie: De l'absence d'engagement des autorités
responsables. A travers l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse,
le ministère des Affaires sociales s'engage à créer ou
à compléter des services sociaux. Mais il n'y a là aucun
engagement en ce qui a trait aux problèmes qui sont actuellement, et
depuis plusieurs années déjà, cruciaux: création de
services d'accueil et d'hébergement, droit à l'enseignement plein
et complet et l'organisation d'une collaboration systématique
étroite des services sociaux avec le service d'enseignement, dont je
parlais tout à l'heure.
En ce qui concerne le ministère de la Justice,
on retrouve le seul engagement précis dans son livre blanc
c'est assez curieux au chapitre 3 où le ministère de la
Justice promet la création de petits centres sécuritaires pour
les enfants dont le traitement l'exige.
Pour conclure, nous signalons que nos remarques s'inspirent à la
fois des études comparatives théoriques et des expériences
concrètes et qu'il nous semble qu'il n'y a aucune raison que la
Législature provinciale québécoise ne puisse innover dans
le domaine de la protection de l'enfance.
Singulièrement, ne serait-ce que parce que, pour nous, en tant
que collectivité, c'est un problème crucial. Tout le monde sait
que le taux démographique baisse. Tout le monde sait que lorsque nous
avions des familles de douze enfants, on pouvait se permettre d'en
détériorer 10 ou 11, si on en sauvait un.
Evidemment, ce n'était pas la meilleure solution. Mais sur le
plan strictement démographique, notre progression continue. Compte tenu
de la diminution du taux de natalité, compte tenu que ce taux de
natalité ne se maintient, on augmente peu dans les milieux qui ont le
plus de problèmes dans l'éducation de leurs enfants parce qu'ils
sont désavantagés. Et parce qu'ils ont des difficultés
socio-économiques et culturelles, ils sont inadaptés
culturellement aussi.
J'imagine que dans nos politiques provinciales, le problème des
enfants est particulièrement important, beaucoup plus important
probablement que dans d'autres contextes socio-économiques.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je remercie madame
Parizeau. C'est un exposé très détaillé et je
profite de l'occasion pour prendre note de vos remarques relativement à
l'opportunité d'une meilleure concordance avec la législation
fédérale nouvelle.
J'ai fort peu de questions à vous poser, sauf peut-être
relativement à un ou deux articles où vous avez, après
d'autres groupes, exprimé le soin après d'autres groupes,
mais qui ne se sont pas tous exprimés de la même façon sur
le sujet, en particulier relativement à l'article 46 de voir au
premier alinéa, le mot "peut" remplacé par le mot "doit". C'est
cette obligation de dénonciation sur laquelle plusieurs groupes se sont
prononcés, soit pour, soit contre. Je suppose que de la suggestion que
vous faites, il s'agisse d'une obligation, comme vous l'avez dit, qui repose
sur la notion des mauvais traitements d'ordre moral qui sont aussi importants,
aussi dommageables pour l'enfant que ceux d'ordre physique et je suis
porté à être d'accord avec vous sur la question
précise.
Il demeure qu'il existe un risque d'une appréciation subjective
de ces facteurs. C'est un risque que certains groupes ont souligné en
faisant paraître le spectre d'une dénonciation
généralisée pour des motifs futiles, mais ce n'est pas
l'aspect sous lequel j'aimerais que vous fassiez des commentaires.
A supposer que nous ayons une obligation dans la loi, comment
pourrions-nous être sûrs que la loi n'est pas respectée dans
des cas particuliers? Autrement dit, ne serait-il pas très facile de
poser une défense à cette obligation si nous avions des
indications qu'il y a eu une négligence et un non-respect de la loi dans
un cas particulier? Ne serait-il pas toujours très facile de poser la
défense que, selon la conception que la personne incriminée se
fait des bons traitements d'ordre moral ou psychologique, il n'y avait pas
là de quoi fouetter un chat? Je pense qu'un tribunal serait dans une
position assez difficile d'avoir à définir dans tous les cas ce
genre de comportement qui repose sur des valeurs, sur des conceptions
forcément différentes.
Mme Parizeau: M. le ministre, il y a deux aspects à
l'article 46. Un aspect que vous êtes en train de soulever, la chasse aux
sorcières. Evidemment, ce sont des théories très
théoriques, professionnelles. La collectivité
québécoise n'est pas du tout une collectivité
portée sur la chasse aux sorcières, sur le plan strictement des
analyses théoriques. Sur le plan des expériences pratiques, il y
a le comité de protection des enfants maltraités qui a
été créé par le ministère de la Justice, qui
fonctionne depuis deux mois et qui ne relève pas de cas de chasse aux
sorcières. Les rapports qu'ils ont eu jusqu'à maintenant ne sont
pas des rapports de chasse aux sorcières.
Deuxièmement, nous avons créé, moi-même avec
deux autres administrateurs, un organisme bénévole de protection
de l'enfance, la Société québécoise de la
protection de l'enfance et de la jeunesse, SOPEJ. Nous avons fonctionné
pendant un an, à partir de novembre 1974, sans aucune subvention, avec
un service de 24 heures par jour. Nous n'avons pas du tout dans nos
relevés, que nous pouvons vous soumettre, de dénonciation dans le
sens de chasse aux sorcières, ceci en ce qui a trait aux
expériences pratiques. Elles sont un peu courtes, je vous l'accorde. Un
an, ce n'est pas suffisant, et les deux mois du comité non plus. Il n'en
reste pas moins que, si vous craignez la chasse aux sorcières, on
pourrait fort bien prévoir, dans l'article 46, deux catégories et
impliquer directement, dans le sens "doit", les professionnels,
concrètement les médecins et les enseignants, mais
singulièrement les médecins.
Actuellement, toutes les femmes du Québec sauf exceptions,
accouchent dans les hôpitaux. Les médecins constatent que ces
personnes sont incapables d'assurer les soins adéquats à leurs
enfants. Vous vous souvenez du fameux drame d'un enfant enfermé dans une
garde-robe. Cela s'est passé l'année dernière. Cela a
été rapporté par les media d'information. Ce que le juge
ne voulait plus dire et ce que les media d'information ne voulaient plus
rapporter, parce que c'était trop sinistre, c'est que c'était le
troisième enfant dans la même famille. Ces trois enfants ont
été mis au
monde dans le même hôpital. Le médecin connaissait
fort bien la mère et savait fort bien que cette personne n'est pas
psychologiquement capable d'assumer certaines responsabilités.
En ce qui concerne les cas concrets, il y a le cas que je vous ai
cité tantôt, le cas de la mère qui a eu trois enfants,
malade mentale qui, pendant les rares moments de lucidité, appelait
à l'aide tous les services sociaux possibles et impossibles de
Montréal. Elle, également, a eu ses trois enfants dans un milieu
hospitalier. Le médecin qui l'a sortie de là, qui l'a
aidée à accoucher, a bien constaté qu'elle était
malade mentale.
Alors il faudrait bien que dans notre société, si on parle
de la protection de l'enfance, vraiment, et des droits des enfants à
être protégés, les protecteurs naturels, les
médecins qui procèdent à l'accouchement, prennent leurs
responsabilités. C'est dans ce sens. Si vous craignez une chasse aux
sorcières, on peut fort bien avoir deux catégories. Pour les
professionnels, "doit", une loi assimilée à celle du refus de
porter secours à une personne en danger, comme le disait le juge
Duranleau, et pour les voisins, les amis, les gens, pour éviter, comme
vous le disiez, les conflits des valeurs qui peuvent exister, on peut fort bien
laisser le terme "peut".
M. Forget: Je vois. Je suis content que vous mentionniez ce cas
qui a attiré beaucoup d'attention l'an dernier; je crois qu'il est
approprié de mentionner, dans ce contexte-ci, que ce même cas a
entraîné l'action des comités de discipline des deux
corporations professionnelles impliquées et qu'à ma grande
surprise les deux comités de discipline ont jugé que l'action des
professionnels impliqués était au-dessus d'un reproche.
J'ai eu l'occasion de discuter de cette décision avec un certain
nombre de groupes, parce qu'elle m'inquiète. Elle m'inquiétait
encore davantage il y a quelque temps, parce que je ne voyais vraiment pas les
raisons de cette indulgence. On a cependant attiré mon attention sur le
fait que, tant et aussi longtemps qu'un professionnel s'occupe d'une personne,
qu'il a le sentiment qu'il peut aider cette personne, il peut être
excusable de ne pas faire intervenir un processus de dénonciation, un
processus judiciaire dans son traitement. C'est peut-être un argument
valable, je ne suis pas sûr qu'il soit entièrement valable dans
tous les cas et dans les cas d'une telle gravité.
Il demeure que certains groupes ont suggéré qu'il soit
concevable qu'un professionnel soit soumis à une obligation de
dénonciation, dans un cas comme celui-là, seulement dans les
circonstances et au moment où il perd contact avec la famille ou avec
l'enfant, c'est-à-dire, pour une raison ou pour une autre, soit que la
famille décide de ne plus avoir recours à ses services, qu'il
perd contact avec eux, soit qu'ils déménagent et qu'à ce
moment-là intervienne pour lui une obligation, si le problème,
à son avis, n'a pas été réglé et que les
manifestations de ces comportements sont susceptibles de se produire encore,
qu'à ce moment-là, au moment où il ferme son dossier, en
quelque sorte, que l'obligation s'applique à partir de cet instant. Je
ne dis pas quel commentaire vous feriez à cette suggestion.
Mme Parizeau: M. le ministre, les professionnels, si on veut bien
désigner les travailleurs sociaux qui étaient impliqués
dans le champ, ne sont pas responsables de la situation. Je suis tout à
fait d'accord avec ce qui a été décidé. Le
responsable de la situation c'est le médecin qui a accouché la
personne en question, sachant qu'elle est malade et qui aurait dû, tout
de suite, recommander aux services sociaux le problème d'un placement
d'une surveillance au foyer ou d'une aide au foyer.
Deuxième élément de la même question; si on
décidait, dans la loi de protection de l'enfance
québécoise, les responsabilités totales de tous les
enfants de moins de quatorze ans, c'est un modèle suédois qu'on
est pas obligé de prendre tel quel, on pourra l'adopter à nos
besoins, de toute façon transmettre les modèles théoriques
ne donne jamais de résultats très valables. Il n'y a pas de
raison qu'un cas comme cela aille à la cour, parce que si tous les
enfants de moins de quatorze ans sont considérés en droit comme
totalement irresponsables, ils sont traités uniquement dans le cas de
protection des services sociaux et dans ce cas-là votre
président, le président de la commission, et son
vice-président, avec un quorum adéquat, décident de la
mesure à prendre. Cela c'est le complément à l'aide
judiciaire.
Alors, pour prendre l'exemple concret de ces trois enfants, dès
l'accouchement du premier, le professionnel le médecin, j'entends
en vertu de l'article 46 aurait été obligé de
rapporter la chose au président de la commission, de la signaler, le
président de la commission aurait fait les vérifications d'usage
à travers les services sociaux et décidé qu'on ne peut pas
confier un enfant à une personne déséquilibrée.
Cela n'exclut pas tous les traitements très humains des parents
anonymes qui sont un modèle que nous avons adapté des Etats-Unis
mais enfin, humainement, est-ce qu'on peut concevoir des thérapies de
groupe de parents anonymes? Il ne s'agit pas là d'alcooliques, il ne
s'agit pas des AA; il s'agit d'adultes auxquels vous confiez des mineurs
absolument incapables de se défendre. Alors, avoir des thérapies
de groupe tous les soirs tous les soirs, cela se fait une fois la
semaine, une fois par mois, mais supposons que cela se fait tous les soirs
suppose que la personne qui a été soumise à la
thérapie de groupe retourne chez elle et, en tant que
spécialiste, vous n'avez aucune garantie que, deux heures plus tard,
elle ne va pas battre à mort l'enfant en question. Vous savez, comme
moi, que dans le domaine strictement de la science, ce sont des
impondérables totaux. Ce n'est pas une appendicite qu'on opère;
ce n'est pas non plus un bras cassé qu'on met dans le plâtre.
Par conséquent, il serait normal, dans un cas comme cela et en
dehors de tout contexte judiciaire et répressif, strictement dans la
structure des services sociaux, à partir de la décision prise
par le président, le vice-président et un quorum
adéquat, de décider que ces enfants c'est bien regrettable
doivent être éloignés de leur milieu jusqu'à
ce que le traitement soit assez avancé pour que le médecin puisse
faire un certificat disant: En mon âme et conscience, j'atteste que
madame et monsieur sont parfaitement normaux et capables de prendre soin des
enfants en question. C'est le deuxième volet de tout le problème
du traitement de l'enfance.
Cela, évidemment, en maintenant et protégeant les droits
individuels, en laissant aux parents en question le droit d'appel devant la
Cour du bien-être social, bien sûr, et à l'enfant aussi s'il
a plus de 14 ans. Vous pouvez aller plus loin. Vous pouvez même avoir un
modèle selon lequel les gens auraient le choix d'être soumis
à une décision des services sociaux ou de demander d'être
traités à travers le système judiciaire tel que nous
l'avons aujourd'hui, en disant: Nous ne voulons pas que ce soit une
décision prise par le comité de protection, nous voulons que ce
soit la décision prise par le juge et référer tout de
suite l'affaire à la Cour du bien-être social. Il n'y a pas
d'objection à ce que nous maintenions pendant quelque temps, un
système parallèle comme cela. Mais pour tous les enfants de moins
de 14 ans, il faudrait d'abord établir un principe
d'irresponsabilité totale, ce qui est d'autant plus facile que, du point
de vue législatif, on ne peut plus nous reprocher que c'est
anticonstitutionnel. Le projet de loi fédéral sur les enfants qui
ont des démêlés avec la justice, qui est d'ailleurs une
copie du "Children in Trouble" de la loi britannique donc
déjà éprouvé puisqu'il est appliqué en
Grande-Bretagne depuis trois ans; on ne peut pas dire que nous sommes en avance
nous dit qu'ils acceptent les responsabilités totales pour les
enfants de moins de 14 ans en ce qui concerne tous les délits
prévus par le Code criminel et que de 14 à 18 ans, seule la loi
s'appliquera dans le cas de ces délits.
Donc, du point de vue législatif, qu'est-ce qui vous reste? La
législation provinciale et les règlements municipaux. Est-ce
qu'on a vraiment besoin d'une loi draconienne pour la législation
provinciale et les règlements municipaux dont une partie d'ailleurs,
dans la législation provinciale, fait parfois double emploi avec le code
criminel? Exemple: le vagabondage.
C'est que, dans les deux lois, vous choisissez celle qui vous convient.
Votre principe des responsabilités totales des enfants de moins de 14
ans qui ne pourraient jamais être dommageables à la
société et représenter un risque de victimisation ou de
dangerosité justifierait qu'on ne l'accepte pas.
M. Forget: Pour l'instant je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, en remerciant Mme Parizeau de
la présentation de ce mémoire, je vais enchaîner avec la
première question du ministre, j'en ai d'autres aussi: la modification
que vous proposez à l'article 46, celui de changer le mot "peut" parle
mot "doit". Dans votre exposé de présentation, vous avez
donné l'exemple du médecin, que vous avez repris dans la
réponse au ministre. Vous avez aussi étendu l'exemple à
celui d'un enseignant qui constaterait un maltraitement de l'enfant, mal
vêtu, mal nourri, et on peut l'étendre aux catégories
psychologiques du maltraitement.
Vous ne craignez pas, si on étend cela ainsi que, par exemple,
plusieurs enseignants, oeuvrant dans des quartiers populaires de
Montréal, comme celui que je représente ici à
l'Assemblée, auraient, à plusieurs occasions, devant les enfants
d'assistés sociaux ou des enfants de couples séparés, dans
le cas de familles uniparentales, monoparentales, l'occasion effectivement de
prononcer un jugement de maltraitement, dans le sens que l'enfant est mal
nourri, qu'il n'a pas une nourriture suffisamment adéquate pour la
période de croissance qu'il est en train de traverser, et qu'en ce sens,
le signaler au centre de services sociaux serait presque engager la boucle
à se boucler elle-même? Les centres de services sociaux feraient
rapport qu'il ne s'agit, au fond de tout, que d'une mauvaise administration
budgétaire, à cause d'un budget trop réduit, qu'il n'y a
pas intention criminelle ou même négligence de la part des parents
qui puisse être autrement identifiable que dans le fait qu'avec ce qu'ils
reçoivent selon la Loi de l'aide sociale, mensuellement, et à
cause d'un endettement, par exemple, antérieur à cette situation
et qui oblige à gruger une partie du budget déjà fort
restreint de l'aide sociale, on ne peut pas, que voulez-vous, acheter de la
nourriture plus convenable. On ne peut pas, que voulez-vous, lorsqu'on est
rendu à cinq, six ou sept enfants et que le montant de l'aide sociale
est plafonné depuis le troisième, assurer qu'ils soient tous bien
vêtus, tous bien nourris, qu'ils aient tout ce que les enfants ont
sainement besoin de loisirs, de distractions et, disons-le, de cadeaux à
l'occasion. Tout cela fait ensemble la situation psychologique de l'enfant.
Vous pourriez prendre une classe d'une polyvalente, que le député
de Sainte-Marie connaît aussi bien que moi, et facilement identifier une
vingtaine d'enfants sur 25 qui pourraient être clas-sifiables dans cette
catégorie.
La crainte qu'avait le ministre, en tout cas telle que je l'ai comprise
et qu'il a formulée, est qu'un enseignant se sentirait l'obligation de
le dénoncer, et il y aurait des écoles complètes du bas de
la ville Montréal, comme il y aurait des écoles complètes
dans d'autres régions du Québec aussi qui seraient
déclarées zones sinistrées.
Mme Parizeau: Sur le plan théorique, c'est très
difficile à discuter. Si on prend cela sur le plan concret de cas,
actuellement on ne peut que se baser sur les expériences qu'on a et qui
existent entièrement dans le milieu: les enseignants dénoncent
des situations qui, pour eux, sont inacceptables. Ils rencontrent les parents
et discutent ces
situations. Ils essayent de communiquer avec les services sociaux, ils
demandent l'aide et ils ne l'obtiennent pas toujours pour des raisons variables
qui sont liées autant par la surcharge des cas des travailleurs sociaux
que dans d'autres.
Le problème c'est que l'enseignant n'a pas le temps, face
à une classe de 35, de 40, de s'occuper de chaque cas. En mettant, dans
votre article 46, "doit", pas "peut", vous leur en faites une obligation,
c'est-à-dire que vous les aidez dans leur travail. Qu'est-ce que cela va
donner à long terme? Eh bien, les enseignants, au lieu de
téléphoner dans les divers services sociaux et supplier, faites
donc quelque chose ou intervenez, organisez des présentations de
groupes, ils vont obtenir des choses aussi simples, par exemple, que les repas
du midi gratuits des quartiers désavantagés.
C'est cela que ça va donner à long terme. Deuxième
élément de la même question: Les enfants mal vêtus,
maltraités à tout point de vue ne proviennent pas
nécessairement comme vous l'avez dit d'ailleurs vous-mêmes
très bien des milieux désavantagés qui ont une
allocation insuffisante pour vivre. Ils proviennent des familles
séparées, des familles désunies et des familles
problèmes, et les familles problèmes ne sont pas forcément
des familles qui ne reçoivent pas assez pour survivre, mais qui
utilisent l'argent qu'elles gagnent en termes de consommation immédiate
des biens dont elles n'ont aucun besoin. L'alcoolisme n'est un secret pour
personne, l'abus de la bière Molson ou de la O'Keefe, si vous
préférez, n'est un secret pour personne. L'endettement excessif
de certains milieux, qui les précipite vraiment dans des conditions
insurmontables, n'est un secret pour personne. Ce sont les problèmes des
adultes, mais en bas il y a les enfants.
Nous sommes des sociétés qui, en principe, veulent les
protéger, c'est pour cela qu'on a une Loi de la protection de la
jeunesse, sinon la Loi des jeunes délinquants suffirait. Si l'on veut
protéger les enfants, il faut les protéger à travers ces
défenseurs naturels. On ne peut pas rêver que les enseignants
veulent tous des... Il va enseigner dans une classe de 40 et, en même
temps, il doit avoir le temps d'appeler la mère ou le père dix
fois avant de les rejoindre, ensuite il doit appeler les services sociaux; les
heures de classe ne correspondent pas avec les heures de travail des services
sociaux, forcément. Le soir, l'enseignant veut faire autre chose.
Qu'est-ce que vous voulez? Il y a 151 bonnes raisons.
Quand il s'agit de cas individuels, si l'enseignant s'attache à
un enfant, il arrive à le sortir de là, mais il ne peut pas
s'attacher aux 45. Du moment que vous mettez, dans la loi 46, "doit", les cas
individuels se regroupent beaucoup plus facilement. Que les enseignants aient
envie de les regrouper, il y a à cela des preuves très nettes. Il
y a le rapport Poly qui a été fait; je ne sais pas si vous l'avez
lu. Il y a d'autres rapports qui ont été faits, qui ont
été suscités, créés, organisés par
les milieux des enseignants. S'il y a un groupe qui est très conscient
des besoins de protection de l'en- fance, du côté scolaire, c'est
bien celui-là. Ils sont conscients que cette protection doit s'exercer
non seulement en termes économiques, mais également en termes
d'aide spécifique à des enfants qui ont des retards scolaires
absolument épouvantables qu'ils ne peuvent plus rattraper dans la
classe, en termes, par exemple, du comité de protection des enseignants
à l'intérieur de l'école, pourquoi pas?
M. Charron: D'accord. Cela précise.
Mme Parizeau, dans le mémoire vous l'avez mentionné
aussi vous faites directement allusion au fameux article 59 de
l'avant-projet de loi qui a retenu l'attention de la commission la semaine
dernière, à sa dernière séance...
Mme Parizeau: Oui.
M. Charron: ... et qui est peut-être un article-clef parce
qu'il est celui qui ouvrira ou fermera la porte de l'initiative la meilleure,
je pense, de ce projet de loi, c'est-à-dire la création de
centres locaux d'orientation. L'article 59 est effectivement, tel que
rédigé actuellement et tel qu'il sera rédigé dans
une loi, extrêmement restrictif, nous ont dit des groupes. Vous
étiez ici la semaine dernière, vous les avez entendus. Il est
extrêmement restrictif quant à la volonté de
déjudiciariser tout le système. Du moment où un jeune
je vais citer la loi pour être plus précis "peut
être soupçonné d'avoir commis un crime qui, s'il avait
été commis par un adulte, aurait pu entraîner trois ans de
détention ou plus". A partir de ce moment, tout le pouvoir
d'intervention du CLO, dans tout ce qu'il peut y avoir d'approches
différentes et nouvelles de la situation du jeune, disparaît
automatiquement. On reprend automatiquement le chemin de la cour, donc le
chemin judiciaire tel que cela se passe aujourd'hui.
Autrement dit, aussi approuvable que soit l'initiative de créer
des CLO, si on ne leur laisse pas suffisamment de terrain pour agir
au-delà de cette frontière, leurs responsabilités
paraîtront plus théoriques que pratiques. Cela a
déjà été défendu et j'aimerais que vous
exprimiez votre opinion aussi là-dessus. Dans votre mémoire, vous
nous dites et cela n'a pas été signalé la semaine
dernière que non seulement cela peut-il paraître restrictif
quant au pouvoir de l'intervention du comité local d'orientation, mais
qu'aussi c'est contraire à ce que le projet bleu, le livre
fédéral et le livre blanc du ministère de la Justice,
déposé il y a déjà quelque temps, affirmaient.
Pouvez-vous établir pour la commission peut-être pas
à la page et au paragraphe précis dans quel esprit vous
affirmez que cet article 59, tel que rédigé, est contraire
à de précédentes recommandations du fédéral
ou du ministère de la Justice lui-même?
Mme Parizeau: L'article 59, paragraphe a): Lorsqu'un enfant
âgé de quatorze ans ou plus a commis ou peut être
soupçonné d'avoir commis un crime qui, s'il avait
été commis par un adulte,
aurait pu entraîner trois années de détention ou
plus ou, b), a déjà été trouvé coupable par
la cour à plusieurs reprises antérieurement pour infraction
à une loi ou un règlement. Le a) et le b) sont tout simplement
inconstitutionnels. C'est simple, en droit c'est indéfendable puisque la
loi sur les jeunes qui ont des démêlés avec la justice,
projet fédéral qui doit devenir une partie du Code criminel, va
s'appliquer puisque le Code criminel est unique pour l'ensemble du Canada et ne
tolère aucune exception. Toute la législation criminelle
canadienne, par opposition à la législation américaine,
variable selon les Etats, est unifiée pour l'ensemble du Canada,
d'accord? Et cet article ici nous dit: Irresponsabilité totale des
enfants de moins de quatorze ans. L'article 59, paragraphe a), est
inconstitutionnel. Parce qu'on dit: A déjà été
trouvé coupable à plusieurs reprises. Or, il ne peut pas
être trouvé coupable à plusieurs reprises
antérieurement, puisqu'il est irresponsable jusqu'à l'âge
de quatorze ans; alors quoi? Est-il responsable ou irresponsable? C'est
déjà anticonstitutionnel en droit.
Deuxièmement...
M. Charron: ... soupçonné d'avoir commis un
crime.
Mme Parizeau: Nous devons, parce que jusqu'à quatorze ans
il est irresponsable des crimes d'après la Loi sur les jeunes
délinquants.
M. Charron: Mais l'article 59 dit: De quatorze ans ou plus. Un
policier...
Mme Parizeau: Non, il dit à b): A déjà
été trouvé coupable par la cour à plusieurs
reprises antérieurement. Antérieurement à quoi? A quatorze
ans?
M. Forget: S'il a 17 ans? M. Charron: S'il a 17 ans?
Mme Parizeau: A 17 ans, je veux bien, mais un enfant
âgé de quatorze ans ou plus. Du moment que vous mentionnez 14 ans,
votre article b), en droit, peut s'appliquer, antérieurement, à
moins de 14 ans.
M. Forget: II ne s'applique pas à ce moment. Mme
Parizeau: II peut, antérieurement.
M. Forget: Parce que c'est une question de fait qu'il a
été condamné ou pas. S'il ne peut pas être
condamné, donc il n'aura pas été condamné à
quatorze ans. Je pense que c'est un article qui dit bien "ou", n'est-ce pas? Le
"ou" indique que c'est une condition qui peut ne pas se trouver.
Mme Parizeau: M. le ministre, ce n'est pas précis tel que
c'est. Ensuite: ... aurait pu entraîner trois années de
détention. Vous savez, en ce qui concerne les mineurs, c'est bien
spécial.
Finalement, vous dites que le comité local d'orientation ou le
directeur doit, sans délai, en informer la cour. Je ne vois pas pourquoi
il doit. Est-ce que ce ne serait pas plus logique de dire qu'il peut? Le livre
blanc dit: Les institutions pour la jeunesse, la question du tribunal de la
famille, la protection de la jeunesse. Le livre blanc du ministère de la
Justice est beaucoup moins draconien et définitif sur le sujet. On
pourrait fort bien dire: Le comité local d'orientation ou le directeur
et d'ailleurs là, je pense qu'il faudrait donner le pouvoir clair
à quelqu'un, le directeur, par exemple peut, sans délai,
en informer la cour. Le directeur peut choisir, même dans le cas d'un
enfant qui a commis un délit et qui a plus de quatorze ans, de continuer
à le protéger. Si l'enfant ne présente pas de danger
à l'égard de la société, il n'y a pas d'obligation
formelle que cet enfant soit déféré à la cour.
M. Charron: Je ne sais pas si on peut fixer un pourcentage aussi
abstraitement que cela, mais quand même, dans l'expérience
pratique, dans tous les cas qui arrivent, combien de cas échapperaient,
si l'article 59 devait s'appliquer automatiquement, à la
discrétion du directeur du CLO? Combien de cas dans l'espèce de
photographie qu'on peut faire des cas, habituellement, de délits?
Mme Parizeau: Considérez les cas juste entre 14 et 18 ans,
qui est la période où la délinquance devient la plus
grave, singulièrement 15 et 18 ans, c'est ce que démontrent les
statistiques des Cours de bien-être social. Si vous dites: Le directeur
doit, le directeur peut fort bien référer 50% ou 60% des cas
à la cour, vous savez, c'est à sa discrétion.
C'est un article qui est dangereux parce que dans tous les cas
difficiles, et c'est humain en ce qui concerne les enfants, tous les cas
sont difficiles; il n'y a pas de cas faciles, parce que lorsqu'ils sont
faciles, on ne les connaît pas, c'est aussi simple que cela dans
tous les cas difficiles, dis-je, la tentation première et normale d'un
service social sera de dire: Que la justice se débrouille. Et c'est
comme cela dans le monde entier, sauf en Suède parce qu'il y a cette
irresponsabilité totale jusqu'à 14 ans et que cela relève
uniquement du comité de protection de la commission des jeunes et
mineurs.
Les enfants servent de ballons, c'est très simple. Le service
social s'en occupe à un moment donné. Il n'y a pas
nécessairement conflit entre les parents et le service social. Il y a
difficulté de contrôler l'enfant. Il fait des vols avec effraction
de plus en plus fréquents. La police le ramène de plus en plus
souvent. Le service social ne sait plus quoi faire. Il dit: M. le juge,
voulez-vous me donner l'article 15 et de préférence l'article 20,
parce qu'avec l'article 20 vous voulez savoir comment cela se passe sur
le champ, monsieur le député, bien, c'est comme cela il y
a plus de chances qu'il soit reçu dans une des institutions d'accueil
qui, elles, relèvent du ministère des Affaires sociales et qui
sont complètement indépendantes du
système judiciaire. C'est-à-dire que la sentence du juge,
à la Cour du bien-être social, contrairement à la sentence
de tout autre juge, n'est pas exécutoire. Le juge dit: II faudrait le
placer. Les travailleurs sociaux disent: II faut le placer. Ils n'arrivent pas
à trouver un endroit où le placer. Ils se retournent et disent:
M. le juge, faites quelque chose. En droit, ce sera "conflit entre les parents
et les services sociaux", mais ce n'est pas vrai. C'est qu'ils n'arrivent pas
à le placer et vont voir le juge: Donnez donc une sentence. Le juge dit:
Je vais vous donner l'article 15. Cela vous va-t-il? Ils disent: Donnez
plutôt l'article 20, parce qu'avec cet article, il y a plus de chance
qu'il rentre.
Quand on arrive avec des problèmes comme cela, comment
voulez-vous qu'on en discute en termes de dangerosité de l'enfant face
à la société ou de dangerosité de l'adolescent? Si
vous avez la curiosité de consulter les dossiers de la cour du
bien-être, sans avoir les noms, tous les dossiers, vous verrez les
renvois sine die. Ce sont des enfants que les travailleurs sociaux ont
référé au juge, non parce qu'ils pensaient qu'ils
étaient dangereux, mais parce qu'ils n'arrivaient pas à se
débrouiller.
M. Charron: J'ai remarqué...
Mme Parizeau: Le service de réception et le juge sur le
banc, qui essayaient de les placer, voyaient qu'il n'y avait pas non plus de
centres d'hébergement ou d'accueil. Alors, ils donnaient le sine die, et
vous voyez les sine die qui s'accumulent. Je peux vous citer le cas d'un
garçon qui, à seize ans, a à son actif 25 sentences de
sine die et dont, entre l'un et l'autre des actes commis parlons des
actes, trois années de détention ou plus pour un adulte le
cas s'aggrave de plus en plus. Cela commence avec les vols à
l'étalage et cela continue avec les vols avec effraction, puis les vols
avec effraction à main armée et ainsi de suite.
On n'arrive toujours pas à placer le jeune parce que personne ne
veut le prendre. Il est toujours renvoyé sine die. C'est pourquoi je
pense que cet article est dangereux, parce que le directeur... D'abord, il me
semble que "le comité local d'orientation ou le directeur", c'est un peu
trop. Il faudrait dire: II y a quelqu'un qui tranche: Le directeur, le
comité d'orientation, mais enfin, quelqu'un. "Doit sans délai",
cela me paraît un peu draconien. Il faudrait d'abord avoir des
délais qui lui paraissent raisonnables. Après tout, il faut quand
même faire confiance aux gens; les structures sont ce qu'elles sont, mais
enfin, les structures dépendent des gens qui sont dans ces structures;
autrement, il n'y a pas de structures qui marcheraient, ni aucun organigramme.
Deuxièmement, il faudrait limiter cette possibilité pour les
services sociaux de retourner tous les cas graves à la cour, parce qu'il
y a des cas de moins de 14 ans où vous pouvez très bien, en
droit, dire: Oui, trois années de détention peuvent s'appliquer.
Un bon vol avec effraction à main armée peut s'appliquer selon le
Code criminel, mais cela ne prouve pas que cela devrait, dans son cas
s'appliquer, quand on parle de déjudicialisation pour les adultes.
M. Charron: On m'a expliqué, à la Cour du
bien-être social, que devant la grande liste de cas renvoyés sine
die, il y avait aussi une autre explication possible. C'est que des avocats
plaidant à l'occasion pour des enfants, s'entendent avec leurs clients
sur un plaidoyer de culpabilité, dans l'hypothèse que
c'était le meilleur moyen, en plaidant coupable, d'assurer le placement
des enfants, mais qu'à cause du manque de ressources adéquates,
sur le territoire du Montréal métropolitain en tout cas, il est
impossible d'assurer le placement de tous ceux qui devraient être
placés.
Les juges en étant conscients, et sachant qu'en acceptant le
plaidoyer de culpabilité c'est à peu près tout ce qui leur
reste à faire, préfèrent ne pas accepter le plaidoyer de
culpabilité, renvoyer la cause sine die et ainsi, à l'occasion,
renvoyer le jeune dans une prison commune s'il est accusé et s'il est
prêt à plaider coupable sur un délit grave parce qu'ils ne
peuvent pas le remettre en circulation et le remettre en liberté.
Je pense que ce que nous avons identifié, au début de la
séance, la semaine dernière, comme étant le tableau de
fond de toute cette loi, de toute la portée de cette loi,
c'est-à-dire l'absence de ressources adéquates et de ressources
suffisantes pour assurer une réhabilitation du jeune pris en flagrant
délit, est à l'origine du succès ou du non-succès
de cette loi et de cette portée. Si, demain matin, quel que soit le cas,
quelle que soit l'obligation que le comité local d'orientation puisse
avoir d'amener sans délai, même si on devait s'en tenir à
ce projet, à la cour un jeune qui vient d'être arrêté
parce qu'il est peut-être soupçonné d'avoir commis un crime
qui, s'il était adulte, retirerait trois ans ou plus et que,
visiblement, le plaidoyer est évident, c'est un plaidoyer de
culpabilité que l'on s'entend pour rendre, que le directeur s'entend
pour rendre, il n'aura rien réglé parce qu'à la cour, cela
peut s'arrêter par un sine die. Qu'est-ce qu'on fait avec le jeune qu'on
consent à placer parce qu'effectivement il a commis un crime qui peut
lui entraîner trois ans ou plus, et qu'il n'est pas dans
l'intérêt public j'emploie le même vocabulaire qui ne
m'est pas familier que cet enfant retrouve sa liberté parce
qu'effectivement il a commis un crime grave?
J'ai l'impression que l'article 59, c'est se donner bonne conscience: Si
le crime est grave, on ne lésine pas. On amène cela à la
justice. Mais cela ne règle rien parce qu'à la justice, il va se
faire mettre le sine die sur le front. Ou bien: On n'a pas les ressources
adéquates, les unités sécuritaires adéquates pour
le faire. Les maisons refusent, à l'occasion, d'avoir des unités
sécuritaires à l'intérieur de leurs murs.
Mme Parizeau: Je ne vois pas, d'ailleurs, pourquoi on ferait
assumer à nos juges l'odieux de l'incarcération d'enfants.
Déjà, maintenant, les juges des Cours du bien-être social
hésitent. Vous voyez que les cas déférés à
une Cour des esssions sont relativement limités.
Sur ce que vous disiez, M. le député, tout à
l'heure, au sujet de la détention, je m'excuse, je cherche toujours la
citation dans le livre blanc du ministère de la Justice et je ne la
trouve pas. Je peux vous la citer de mémoire. Il ne s'agit pas seulement
de détention en vertu d'une sentence parce que, comme nous le disions
vous l'avez mentionné tantôt les juges essaient
d'éviter la prison aux jeunes parce qu'ils savent très bien ce
que cela donne à long terme. C'est le pénitencier au bout, on le
sait. Le livre blanc le dit très clairement. C'est la meilleure
façon de détériorer complètement un jeune, tout le
monde le sait. Mais les jeunes sont détenus dans les prisons de
façon préventive. Quand je disais, tout à l'heure, dans le
droit des enfants à une justice au moins aussi équitable que les
adultes et les criminels adultes, c'est à cela que je me
référais. Un criminel adulte qui a commis un délit qui
vaut bien plus que trois années de détention, d'après le
code criminel, peut fort bien être libéré avant sentence
sur parole, sur cautionnement. Cela se fait beaucoup. Un mineur ne peut pas
l'être sur parole ou sur cautionnement. C'est beaucoup plus difficile. On
le met tout simplement en détention préventive. La police
amène l'enfant à Saint-Vallier. S'il n'y a pas de place à
Saint-Vallier, il l'amène en prison.
Le livre blanc du ministère de la Justice le dit en toutes
lettres. C'est assez intéressant comme phénomène, si vous
voulez, quand on discute des relations qui existent au niveau des
autorités. Il est dit en toutes lettres: Nous ne voulons plus recevoir
d'enfants dans les prisons communes. Ce n'est pas notre rôle, ce n'est
pas leur place. Cela nous crée des problèmes sans nom. Je pense
que dans les statistiques, on cite 1,300 qui ont été reçus
cette année en disant: Ce n'est pas possible pour toute la province.
Cela crée des problèmes sans nom. De quel droit, si vous voulez,
humainement, on détiendrait préventivement un mineur dans une
prison pour adulte, même si ce sont des cellules
séparées?
Préventive, c'est-à-dire que dans la détention
préventive, vous avez aussi bien des cas de protection de l'enfance
l'article 15 des enfants qui ne savent pas où aller et qui
n'ont même pas reçu cet article 15 encore. Les jeunes qui ont
commis un délit. A part cela, c'est un arbitraire total des forces
policières, un arbitraire que les forces policières
elles-mêmes n'ont pas envie d'assumer.
Lorsque la police arrête le jeune et l'emmène dans un
centre, présumément, pour qu'il soit entendu par un juge, comme
il n'y a pas de place au centre, la police exerce son pouvoir arbitrairement,
parce qu'elle ne peut pas faire autre chose que de l'amener en prison. Les
prisons ne peuvent pas ne pas recevoir les cas qui leur sont
référés, parce que pour un directeur de prison c'est un
mépris de cour, c'est le règlement interne. Tandis que tous les
centres d'hébergement peuvent refuser, sans qu'ils aient aucune
responsabilité. Qui est responsable? C'est la question clé qui se
pose. Qui est vraiment responsable des problèmes de l'enfance dans notre
société?
Vous avez toute la dichotomie entre Justice et Affaires sociales; on
pourrait fort bien dire: Tout cela devrait relever du ministère de
l'Education, pourquoi pas? Est-ce que ce n'est pas le défenseur naturel
de l'enfance avec la famille? Pourquoi pas?
Alors, évidemment, c'est toujours plus facile de dire, ne
serait-ce que sur les noms, cela c'est bon, cela c'est mauvais, mais ce n'est
pas une question de ministères, ni des autorités, ni des
gouvernements, le problème est clair; il n'y a pas de centres où
amener les enfants. Les centres qui sont là ne fonctionnent pas
au-delà d'une certaine limite; quand on leur impose des normes
supérieures, ils ferment. C'est cela? En disant: On ne peut rien
faire.
Donc, soit qu'il faut ouvrir d'autres centres, soit qu'il faut repenser
les centres, soit qu'il faut créer des groupes, mais il faut bien en
faire quelque chose, sinon, c'est un traitement plus sévère qu'on
appliquerait en adultes. L'idée de continuer à forcer les
services sociaux, parce qu'enfin on leur ouvre les portes, à
référer toujours un cas difficile et je me permets de
soutenir que les cas difficiles, tous les cas sont difficiles; il n'y a pas de
cas faciles; quand ils sont faciles, ils ne sont pas dans nos documents, dans
nos statistiques et nous ne les connaissons pas de référer
systématiquement tous les cas difficiles à la justice pour
conclure que le juge s'arrange avec les problèmes et assume l'odieux;
c'est la meilleure façon de ne jamais régler le
problème.
Il faut que quelqu'un assume la responsabilité, ne serait-ce que
jusqu'à l'âge de quatorze ans. Donc, à cet égard, il
faut établir l'irresponsabilité totale jusqu'à quatorze
ans, délit pas délit, ce que vous voudrez, responsabilité
totale et complète des services sociaux jusqu'à quatorze ans et
entre quatorze et dix-huit ans, là on réfère à la
cour, avec possibilité, pour le juge des enfants, s'il le décide,
même s'il y a délit, même s'il y a trois ans peut-être
applicables dans le cas d'un adulte pour le même délit, de pouvoir
le renvoyer aux services sociaux en disant: Pour moi, sur le banc, traitement
social uniquement.
M. Charron: M. le Président, je ne veux pas allonger, plus
qu'on le doit, la discussion, mais on me paraît vraiment au fond du
problème, actuellement, et j'aime autant y rester encore quelques
minutes, abandonnant d'autres questions, peut-être, de
détails.
Vous avez fait allusion à l'article 55 de l'avant-projet de loi,
Mme Parizeau, qui dit que, en fait, "Lorsque de l'avis du comité, des
mesures provisoires s'imposent, de façon urgente, le comité peut,
en attendant que des mesures plus permanentes puissent être prises
à l'égard de l'enfant, le laisser à la garde de toute
personne ou institution". On dit plus bas, c'est pour cela que je vous cite
l'article 55, que cela c'est s'il se trouve dans un cas visé à
l'article 59, dont on vient de parler. S'il ne se trouve pas dans un cas
visé à l'ar-
tide 59, qu'est-ce que le comité, qu'est-ce que le centre local
d'orientation va faire quand le jeune arrivera devant lui? Il se peut que
même s'il ne se trouve pas dans un cas visé à l'article 59,
il devienne important tant de le laisser à la garde d'une personne ou
d'une institution ou à tout le moins de le retirer d'où il se
trouve actuellement. Il n'a peut-être pas du tout commis un délit
grave; il a peut-être simplement essayé de quitter un milieu
familial devenu proprement invivable et cela arrive, des milieux familiaux
invivables pour un enfant. Il y a des jeunes intelligences très vives,
à 15 ou 16 ans, qui ne peuvent plus continuer à vivre dans une
famille telle qu'elle a été structurée; je ne parle pas
simplement des familles d'alcooliques, je peux parler d'une famille bourgeoise
extrêmement réactionnaire, par exemple, ou archi-disciplinaire qui
va faire que n'importe quel humain, avec une once de liberté, n'est pas
capable de vivre dans ce milieu-là.
Quelle est la responsabilité du centre local d'orientation?
Qu'est-ce qu'il fera avec le jeune qui lui arrive sur les bras? J'étends
ma question, même dans le cas d'un jeune visé par l'article
59.
Si le Centre Saint-Vallier à Montréal, par exemple, qui
est un institut de transition comme on aime bien expliquer, continue dans le
trou infect qu'il est actuellement à ne pouvoir accueillir que de 30
à 35 jeunes, qu'est-ce qu'on va faire avec le 36e? Où va-t-on le
placer?
Mme Parizeau: M. le député de Saint-Jacques,
premièrement, en ce qui concerne votre remarque sur des familles, c'est
un phénomène à la fois dramatique et très
rassurant. Il est à prévoir qu'on s'occupera de plus en plus
d'enfants, disons, incontrôlables ou qui ne s'entendent pas avec leur
famille, dans le milieu professionnel. Donc, la situation des autres enfants va
probablement s'améliorer parce que c'est la première fois que le
milieu professionnel parental voit ce que veut dire une détention d'un
mineur ou un traitement d'un mineur.
Deuxièmement, pour revenir à l'article 55 b), dès
que vous dites "ou dans un lieu de détention", vous ouvrez la porte
à tous les abus, la preuve est faite. La loi fédérale des
jeunes délinquants avait un petit paragraphe qui se lisait comme suit:
"Ou si...". Alors, l'enfant doit toujours être placé dans un lieu
autre que le lieu de détention d'après le Code criminel. Dans la
loi des jeunes délinquants actuellement encore en vigueur, il y avait un
petit sous-paragraphe: "Ou si aucune autre solution n'est possible dans un lieu
de détention pour adulte". Avec ce petit paragraphe, on emprisonnait des
enfants autant comme autant et pas seulement au Québec; c'est un
phénomène général et en Ontario c'est pire parce
que de toute façon à partir de 16 ans ils sont
considérés comme adultes devant la loi. Donc, statistiquement, il
y en a beaucoup plus qui vont en prison. Donc, nous ne sommes pas une exception
sur la carte du Canada; au contraire, la législation provinciale
québécoise est encore meilleure puisqu'au moins on
reconnaît jusqu'à 18 ans.
Mais du moment où vous dites "ou", compte tenu de
l'expérience acquise du petit paragraphe du code criminel actuellement
en vigueur, les enfants vont toujours se retrouver en prison, non pas parce que
les gens sont des brutes ou des assassins mais tout simplement parce que le
directeur n'aura pas d'autre solution, quand il n'y aura pas de place au Centre
Saint-Vallier, comme vous l'avez mentionné tantôt, ou au Centre
Berthelet. Celui-ci, en fait et cela, c'est absolument incroyable, il a
été construit en 1963, ce n'est pas si vieux, et a
été amélioré en 1971 est une prison. Ce
n'est pas un centre de traitement des jeunes, c'est une prison construite comme
telle, avec des barreaux partout et, fait surprenant, en 1962, M. le ministre.
Vous n'étiez pas ministre mais il n'en reste pas moins que c'est le
ministère des Affaires sociales qui a accepté cette construction,
ces plans d'un architecte qui ne comprenait pas ce qu'il construisait, je
présume.
Si on se limite à avoir toujours, à Montréal,
Berthelet, Saint-Valier, Boscoville, du côté anglais Boys' Farm,
sans parler de l'institution pour les filles où le problème est
beaucoup moins grave parce qu'il y a beaucoup moins de problèmes de
filles de ce type, tous les enfants iront en prison comme ils y vont
maintenant, à moins que le ministère de la Justice décide
d'avoir un règlement formel et draconien et qu'il libère ces
directeurs de la responsabilité de mépris de cour et qu'il dise:
A partir d'aujourd'hui, on ne les recevra plus.
La seule chose qu'on trouve comme engagement concret et formel des
autorités, c'est le livre blanc qui dit "petit centre
sécuritaire". Il faudrait encore avoir la définition de ce qu'on
entend par petit centre sécuritaire. Si le ministère de la
Justice a l'intention de construire des monuments à la gloire de notre
permissivité à l'égard de l'enfance du genre de Berthelet,
cela ne résoudra pas le problème non plus. Quand on parle de
stigmatisation, de sensibilisation, de frustration et de stress de l'enfance,
si vous mettez des barreaux partout et si vous créez des ailes
cellulaires, que ce soit Berthelet ou que cela s'appelle petit centre
sécuritaire du ministère de la Justice, cela va être la
même chose.
Donc, M. le député de Saint-Jacques, il y a deux
problèmes qui se posent. Premier problème: Qu'est-ce qu'on va
avoir comme institution? Et, deuxième problème: De quel type? Non
pas de qui elle va relever ni par qui elle va être financée mais
qu'est-ce qu'on va avoir et de quel type? Deuxième question qui se pose,
c'est...
M. Charron: ... à travailler là-dedans.
Mme Parizeau:... les foyers de groupe. Est-ce qu'on peut
concevoir des foyers de groupe? Cela existe, par exemple, en Grande-Bretagne;
cela marche tant bien que mal, mais cela existe. Cela existe en Suède,
cela marche tant bien que mal. Peut-être que nous allons réussir
mieux que les autres. Dans les foyers de groupe, sur engagement sur parole, le
jeune est placé par le directeur avec l'aide adéquate d'un
travailleur social, ce qu'il est possible de dire.
M. Charron: Mme Parizeau, je vous remercie.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
député de Johnson.
M. Bellemare (Johnson): Mme Parizeau, vous
avez signalé tout à l'heure avec beaucoup de justesse que
l'enfant, appartenant à la famille, n'appartenant pas à l'Etat,
devrait probablement recevoir, dans une institution qu'on appelle
l'école, étant dans le domaine de l'éducation, une
formation meilleure et que probablement cela devrait revenir au système
éducationnel.
Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait intensifier davantage ces
méthodes d'éducation quand l'enfant est jeune, même si dans
des milieux défavorisés, l'enfant n'a pas tout ce qu'il faut, au
point de vue physique, au point de vue matériel, au point de vue de la
croissance? Est-ce que vous ne croyez pas, madame, que dans le domaine de
l'éducation, il y aurait un travail immense à faire? Parce que
l'école, c'est un peu la continuation de la famille et si, à
l'école, on peut s'apercevoir que l'enfant est débile, que
l'enfant est malade physiquement, n'a pas réellement les moyens d'avoir
une santé meilleure ou vit dans un milieu qui serait inadéquat,
est-ce que vous ne croyez pas, madame, que l'éducation, notre
système éducationnel à nous ne devrait pas intensifier,
plus que jamais, cette formation des jeunes, dans un esprit légal pour
lui enseigner la loi et les dangers qu'il y a, je pense, d'aller dans ce champ
vaste des crimes, ou bien...?
J'ai chez nous, par exemple, un jeune de treize ans, imaginez-vous, qui
a commis, comme vous le disiez tout à l'heure, onze attentats à
main armée. Il est allé se ramasser devant le juge de la Cour du
bien-être social et on a rendu une sentence qui l'a marqué pour le
restant de ses jours: sine die. Il y a, je pense, un manque fondamental dans
tout notre système, au point de vue éducationnel. C'est quand
l'enfant est jeune qu'on doit lui enseigner le respect de la
propriété de l'autre, le respect d'abord, je pense, de ce qui
appartient à tout le monde mais qui n'appartient à personne,
c'est-à-dire les institutions de l'Etat. Il y a, dans la jeunesse, une
cire molle dans laquelle peut s'imprégner bien des bons principes.
Au lieu probablement de lui enseigner la révolte contre
l'autorité constituée et d'en faire, demain, des victimes faciles
du crime organisé, je pense que c'est dès le départ qu'on
devrait enseigner dans nos écoles, plus que jamais, à nos enfants
ces principes de l'ordre et du respect de la liberté. Mme Parizeau, vous
m'avez véritablement intéressé tout à l'heure et je
voudrais que vous développiez peut-être un petit peu plus votre
pensée. Quand vous avez dit, en regardant le ministre, que cela devrait
appartenir à l'éducation, je vous ai vue un peu
inquiète.
Mme Parizeau: M. le député, premièrement,
dans votre question il y a deux problèmes. D'abord, la définition
de l'enfance. Je ne crois pas que l'enfant, dans notre société,
soit la propriété des parents. Je pense que l'enfant est la
propriété de lui-même. Les parents sont dépositaires
d'une responsabilité de protection...
M. Bellemare (Johnson): D'accord. D'accord.
Mme Parizeau: Ce que je voudrais soulever, c'est que la
protection de l'enfance ne relève pas seulement des parents. Nous nous
sommes dit pendant des siècles, nous nous sommes
répété soigneusement que les parents sont des bons
parents, par définition, parce qu'ils ont fabriqué un enfant.
Excusez-moi, ce n'est pas une garantie. On nous a inculpé cela parce que
cela protégeait la société; plutôt parce que cela la
débarrassait de ses responsabilités, mais je crois que la
protection de l'enfance est l'affaire de la société. C'est notre
obligation morale. Ceci, sur le fond.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'éducation, vous avez
parfaitement raison; l'école est un autre foyer de vie de l'enfant. Un
foyer de vie, c'est la famille; l'autre foyer de vie, c'est l'école. Il
y a des sociologues tel Illitch, qui prétendent que l'école
devrait être supprimée parce que c'est antidémocratique. Je
regrette, je ne partage pas ses opinions.
Je pense que l'école est le plus fort agent de nivellement des
classes sociales et c'est pour cela que c'est très important. C'est
même le seul agent au niveau de l'enfance qui nivelle les classes
sociales. Seulement telle qu'elle est conçue, l'école n'arrive
pas à les niveler, parce que l'enfant qui arrive en première
année de l'école, arrive avec le handicap d'un passé et
d'un vide culturel qui dure déjà depuis sept ans. Les travaux de
plusieurs psychologues et spécialistes de l'enfance, aussi bien
européens qu'américains, démontrent que le
développement de l'enfant est crucial entre deux ans et six ans.
Donc, logiquement, si on veut poursuivre dans l'esprit cartésien
dans lequel nous avons tous été élevés, il faut
absolument des préscolaires qui vont devenir des agents de nivellement
des classes sociales et qui permettront aux enfants qui, dans leur milieu
naturel, n'ont pas reçu la transmission des valeurs culturelles
élémentaires, de ne pas accuser de retard par rapport aux
autres.
En effet, ce n'est pas nouveau, c'était dans la commission sur
l'enseignement au Québec, la commission Parent. Il y a plusieurs
chapitres sur l'enseignement préscolaire. Il était fortement
question... Le ministère de l'Education a commencé des travaux
dans ce sens, le ministère des Affaires sociales a collaboré. Le
problème était un problème de budget. Etant donné
que le ministère de l'Education conserve la plus grosse partie du budget
de la province de Québec, il a été pratiquement impossible
de faire en même temps un secondaire gratuit jusqu'au D E C. On
introduisait brutalement le secondaire gratuit, qui existait dans d'autres pays
depuis 1900, nous l'introduisions à toute vapeur à partir de
1960, ce qui est un coût prohibitif pour une collectivité quelle
qu'elle soit. Il n'était pas possible, en même temps, de
créer le préscolaire et, à plus forte raison, de le
transmettre comme valeur importante dans la collectivité
québécoise parce qu'il faut quand même que les gens
s'habituent de créer des préscolaires uniquement dans les
comtés désavantagés dont parlait le député
de Saint-Jacques. Je ne suis pas d'accord parce que vous créez des
ghettos, des pauvres, forcément.
Vous êtes obligés, si vous voulez vraiment niveler les
classes sociales en termes d'acquis culturel des enfants, d'éliminer
cette perte de potentiel de l'enfant. Il arrive à l'école
primaire et il est en retard face à ses collègues qui ont
déjà une formation culturelle, sinon qu'ils savent lire et
écrire, ce qui arrive souvent. Il nous faut des préscolaires
à l'échelle de l'ensemble du pays en étant bien sûrs
que vous allez mélanger vos groupes à l'intérieur de vos
préscolaires. Autrement, vous avez des ghettos de pauvres qui sont
absolument injustifiables. Evi-
demment, c'est le rôle... La prévention de la
délinquance juvénile commence là puisque tous les
problèmes que vous avez soulevés tout à l'heure
crise d'autorité, difficultés, etc ne relèvent pas
généralement de la méconnaissance du droit, ils
relèvent d'une profonde sensation d'infériorisation
systématique que la collectivité impose à l'enfant et qui
est liée au retard scolaire, non seulement aux difficultés
économiques des parents, mais singulièrement au retard
scolaire.
Evidemment, si on ne compense pas, on ne peut pas s'imaginer expliquer
à un enfant: Tu ne voleras point, parce que c'est un acte
illégal. Si c'est arrivé à un enfant de huit ans, si vous
le mettez dans la rue en hiver, il va voler parce qu'il fait froid chez lui et
il va faire des vols avec effraction dans les magasins à rayons. S'il
passe toute la journée dans un magasin à rayons, il va voler dans
le magasin à rayons. C'est presque une équation à laquelle
on ne peut pas échapper. Les enfants qui ont des problèmes
familiaux et des problèmes scolaires finissent toujours par être
quelque part, et le quelque part étant la rue, ils vont voler. J'imagine
que beaucoup de gens qui ont fait des carrières fort honorables, s'ils
avaient été à leur place, ils auraient fait exactement la
même chose parce qu'il n'y a pas moyen d'y échapper.
On ne peut laisser de côté, pour terminer ma réponse
à votre question, M. le député, les statistiques
policières d'arrestation. C'est juste pour vous dire que ce n'est pas
une question morale. C'est pour Montréal, avec l'aide de la police de
Montréal, pour les statistiques d'arrestation des mineurs, de tout
jeunes de moins de 18 ans dans la ville de Montréal. On a essayé
d'évaluer les horaires dans la journée, les jours dans la
semaine, les semaines dans le mois et les mois dans l'année où il
y aie plus d'arrestations. On a trouvé une constante; c'est entre
l'heure de la sortie de l'école et l'heure d'entrée à la
maison. C'est-à-dire que l'enfant, qui sort de l'école et n'a pas
de receveur chez lui, traîne dans la rue, comment un délit et se
fait arrêter par la police. C'est aussi excusez l'expression
bête que cela.
M. Bellemare (Johnson): Mme Parizeau, vous avez été
fort habile, vous m'avez donné de très bonnes explications, mais
la question principale était surtout sur l'éducation par la
prévention. Si on dépense, par exemple, pour prévenir les
accidents du travail, si on fait une prévention en dépensant des
milliers de dollars pour inciter les travailleurs à la
précaution, à la prudence, à l'attention qu'on doit
apporter à son travail, cela a déjà un effet
préventif.
Mais, est-ce que vous ne croyez pas que ce travail de prévention,
tout en étant pré-école de deux ans à six ans, tel
que vous l'expliquez, est-ce que vous ne prétendez pas qu'à
l'école même, si on y mettait... Je comprends que vous m'avez
donné un exemple assez extraordinaire quand vous avez dit: En 1960 on a
basculé tout le système, l'enfant s'est trouvé un peu
désorienté alors cela a fait un impact au point de vue stress, au
point de vue développement de sa personnalité, il est
tombé dans un nouveau moule qui n'avait pas été
préparé à recevoir, parce que du jour au lendemain on
avait fait un académicien. A partir de là, l'enfant ne se
retrouvait jamais. Moi, je prétends, je ne sais pas, je suis bien
heureux de vivre de votre expérience, est-ce qu'il n'y aurait pas un
moyen quelconque, dans le système éducationnel, d'établir
des mesures préventives? Je ne sais pas lesquelles, je ne m'y suis pas
arrêté, mais fort de votre expérience, je pense qu'à
l'école, il y aurait peut-être moyen d'instaurer un système
de prévention contre ces... parce que c'est bien rare qu'on vient au
monde criminel. On l'est par l'entraînement, ou bien par les
fréquentations, ou bien par les incidences de la vie, famille, amis ou
d'autres circonstances particulières qui font qu'on devient, du jour au
lendemain, même appartenant à d'excellentes familles, des fois, un
criminel.
Je pense que si, dès le jeune âge, il y avait une section
de prévention particulière établie dans le système
de l'éducation, ou même aux Affaires sociales, si ce n'est pas
possible à l'Education. Je comprends qu'aux Affaires sociales, ils n'ont
pas beaucoup d'ouvrage, mais peut-être que s'ils avaient du temps, ils
pourraient peut-être regarder ce système. Parce que le
système préventif, ce n'est pas moi qui ai inventé que la
peur c'est le commencement de la sagesse. Cela, ce n'est pas moi qui ai
inventé cela. Dans certains pays totalitaires, ce n'est que la peur qui
empêche les gens de peut-être devenir de plus grands ciminels.
Une chose certaine, c'est que je pense que si on s'occupe de la
formation de son intelligence, de sa volonté, de ses pouvoirs de
décision, je pense que, là aussi dans ce domaine particulier
où l'enfant commence à prendre, peut-être à cause
des fréquentations, à cause de l'ambiance scolaire, certains
défauts, certains à-côté de la vie normale. C'est
simplement cela, Madame, que je voudrais vous faire expliquer.
Mme Parizeau: M. le député, en ce qui concerne les
systèmes autoritaires, et vous les citez à très bon
escient, justement, là-bas on a la peur, le Code criminel, les mesures
draconiennes et les statistiques qui sont faussées. Or, d'après
tout ce qu'on peut conclure, la délinquance juvénile augmente
dans toutes les dictatures, aussi bien de gauche que de droite. Vous avez un
système de peur, un système draconien. Je crois que, justement,
le projet de loi...
M. Bellemare (Johnson): Ce qu'on appelle "l'order in law".
Mme Parizeau: C'est cela. Alors je crois justement que...
M. Bellemare (Johnson): Puis vous prétendez que "l'order
in law" produit encore plus de criminels!
Mme Parizeau: Evidemment. Je pourrais vous dire aussi que
l'expérience sur le terrain démontre que les jeunes qui ont fait
de la prison sont très fiers de pouvoir le raconter à leurs
copains et ils deviennent les leaders. C'est d'ailleurs pour cela que c'est si
malsain; et ils sont ravis parce qu'en cellule on peut fumer tant qu'on veut et
faire beaucoup de bêtises qu'on ne peut pas faire dans les centres
d'accueil. Alors "l'order in law", l'imposition de l'autorité, cela ne
réussit pas tellement de nos jours. Ce qu'il y a d'intéressant
dans l'avant-projet de loi sur la protection, c'est la philosophie qui est
développée là-dedans par le ministère des Affaires
sociales qui dit: On va les traiter dans le cadre social, mais traitons les
dans le cadre social jusqu'à l'âge de 14 ans, au moins,
complètement sans les référer aux cours. Parce
que le problème de leur faire peur ou de leur imposer
l'autorité je regrette de ne pas pouvoir vous offrir de preuves
formelles, je pense qu'elles n'existent pas cela ne marche pas. Au
contraire, vous obtenez les réactions opposées. Tenez, vous avez
un exemple concret, on a essayé d'avoir des unités de SAJ,
section aide jeunesse, préspécialisées dans les
écoles qui faisaient des exposés aux enfants expliquant ce qu'est
la loi, comment il faut se comporter, quelles précautions il faut
prendre, ce qu'il ne faut pas faire, ce qui est moral ou amoral, ce qui ne
devrait pas se faire ou ce qui devrait se faire. Cela n'a pas été
un succès. Ce que les enfants en ont retiré pratiquement c'est
l'envie, un jour, de porter un uniforme. On a enlevé aux SAJ les
uniformes, on les a envoyés en civil et ils ont même
été dotés de cheveux longs pour la circonstance. Cela n'a
pas marché plus, cela a donné l'envie aux enfants de discuter
quand ils pourront porter une arme.
Je crois que la meilleure façon de lutter contre la
délinquance, et peut-être la seule, c'est de faire l'impossible
pour que l'enfant, en tant qu'être humain, se sente bien dans sa peau et,
pour qu'il se sente bien dans sa peau, il y a deux problèmes.
Premièrement, l'attention que lui accorde les parents, riches ou
pauvres, et, deuxièmement, sa progression dans le cadre scolaire. S'il
se sent perdant au départ, s'il est toujours malvenu, mal reçu,
considéré comme quelqu'un qui dérange la classe,
probablement il va devenir un jeune délinquant; il y a 99% des chances
qu'il va le devenir. Même si vous lui inculquez des principes moraux,
s'il ne se sent pas bien dans sa peau, il va le faire tôt ou tard. Comme
je vous dis, pour savoir dans quelle mesure on peut définir quelque
chose d'aussi peu défini que de se sentir bien dans sa peau, on n'a que
deux normes: attention affective des parents, d'une part, et, autre pôle
d'attraction, réussite scolaire, au moins au niveau de la moyenne. Je ne
parle pas des grandes réussites exceptionnelles, mais juste au niveau de
la moyenne.
Vous n'avez pas de précédents de jeunes délinquants
et cela est non seulement pour le Québec, mais pour le Canada,
pour la France, pour l'Angleterre, pour le Danemark, pour la Suède,
où j'ai vérifié pour la commission Prévost quand
j'étais analyste qui auraient un cycle scolaire secondaire
terminé normalement, c'est quand même une constante significative,
il n'y en a pas. Tout ce que vous avez comme jeunes délinquants, connus
de la police, connus des cours, connus des institutions, connus des services
sociaux en Suède, si on peut référer aux cours, tous ont
eu des difficultés scolaires graves, des retards scolaires d'un an, deux
ans, trois ans.
Vous n'avez pas de cas. J'ai trouvé un seul cas en France d'un
jeune délinquant bachelier qui, aidé par son oncle, a vidé
un magasin de fourrures. Il en a fait un vol d'un million et demi de dollars ou
quelque chose comme cela. C'est un cas tout à fait exceptionnel. Vous
pouvez vérifier également à travers les dossiers de
Saint-Vincent-de-Paul, des dossiers de Bordeaux, des dossiers de mineurs.
N'importe lequel que vous prendrez, il n'y a pas de précédents
des gens qui ont fini leur secondaire ou qui n'ont pas eu de problèmes
graves et qui deviennent délinquants.
Tous les jeunes délinquants ont des problèmes d'ordre
scolaire.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable ministre
des Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, je suis heureux d'entendre Mme
Parizeau parler de ces problèmes de difficultés scolaires parce
que je crois qu'il est important que ressorte, des travaux de cette commission,
cette constatation absolument générale et extrêmement
frappante qui est confirmée également aussi par des études
que j'ai eu l'occasion de voir et qui seront bientôt rendues publiques.
Effectivement les enfants problèmes, les enfants qui ont des
difficultés avec la loi, les enfants délinquants, comme on disait
on le dit encore probablement, très généralement
sont des enfants qui ont des difficultés d'apprentissage, des
difficultés au niveau scolaire, et il est important de saisir que le
lien de causalité est bien celui qu'indique Mme Parizeau. Ce n'est pas
parce qu'ils sont délinquants qu'ils se désintéressent de
l'école et qu'ils ont des insuccès scolaires, mais il est
constaté que c'est dans l'ordre inverse. C'est parce qu'ils ont des
échecs scolaires qu'ils sont dévalorisés, qu'ils sont
perdants dans la société et qu'ils imaginent aisément
qu'ils le seront toujours, qu'ils deviennent délinquants.
Je crois que la véritable prévention se fera
essentiellement dans le milieu scolaire par des ressources appropriées
pour surmonter ces handicaps d'apprentissage qui est un phénomène
que l'on connaît mal encore, mais qu'il est possible de surmonter par une
attention particulière. Je n'ai rien d'autre à ajouter à
ce que Mme Parizeau a dit là-dessus, sauf peut-être pour qualifier
un peu ses remarques relativement à l'enseignement préscolaire
parce que je crois que nous n'avons pas, vis-à-vis de l'enseignement
préscolaire ou des ressources préscolaires, de signes absolument
non équivoques de leur impact ou de leur efficacité.
L'expérience la plus longue peut-être ou la plus
significative pour des gens comme nous qui vivent en Amérique du Nord
est celle du programme aux Etats-Unis, qui n'a pas été un
succès sans limites ou sans réserves.
Il y a une certaine égalité de la capacité des
enfants de s'adapter au système scolaire, mais il est également
vrai de dire que les enfants favorisés au départ sont ceux qui,
malgré tout, bénéficient le plus des programmes
préscolaires, et cela ne contribue pas beaucoup à diminuer les
écarts. Même ces effets s'estompent au bout de quelques
années.
Donc, ce n'est peut-être pas tellement au niveau du
préscolaire qu'au niveau du scolaire proprement dit que des efforts
doivent être faits. J'insiste sur ce point parce qu'un peu plus
tôt, dans ces échanges, on a parlé des centres d'accueil et
on a fait allusion à des pénuries que l'on prétend
exister de ce côté. J'aimerais demander à Mme
Parizeau sur quoi elle se base pour parler de pénurie de places dans les
centres d'accueil.
Je pense que nous avons, au Québec, un assez grand nombre de
places dans les centres d'accueil. Mais sur quelle évaluation
précise pouvez-vous vous baser pour affirmer qu'il manque des
ressources?
Mme Parizeau: M. le ministre, sur les réactions aussi bien
des cours que, comme je vous le disais, du livre blanc du ministère de
la Justice où on vous donne des statistiques de jeunes reçus dans
les prisons. Parce qu'il est impossible d'évaluer, statistiquement et
mathématiquement, si on a assez de places ou non.
Je vais prendre des exemples concrets. Ber-thelet est construit en 1963
avec un rôle défini. On dit: Berthelet devra recevoir des jeunes
de 14 à 18 ans c'est dans le premier statut de Berthelet
ayant commis des méfaits graves. Donc, seulement les jeunes
délinquants, le statut le précise, et pour de courtes
périodes, trois mois d'observation.
Si vous avez, d'une part, une politique du centre définie et,
d'autre part, le nombre de places prévues, il est possible de calculer
cela par rapport à la clientèle des cours dans l'état
actuel des choses. Mais comme par la suite on a dit qu'il n'y avait pas de
place, qu'est-ce que cela veut dire: "II n'y a pas de place"? Cela veut dire
qu'il y a des centres qui refusent de recevoir des enfants. Il n'y avait pas de
place, donc Berthelet a reçu le tout-venant. Berthelet devait servir
également d'unité-ressource pour les jeunes qui ne fonctionnent
pas dans les écoles de protection pour des courtes périodes de
temps, trois mois. Cela non plus, n'a pas marché, parce qu'on nous a
toujours répondu: Manque de place.
Boscoville. Boscoville est prévu pour 100 places. Les
éducateurs de Boscoville prétendent qu'ils ne peuvent pas, compte
tenu du personnel qu'ils ont, en caser plus de 30. On augmente le nombre des
jeunes à Boscoville et les éducateurs disent: Nous ne sommes pas
capables de fonctionner. C'est public.
Pour savoir exactement si les centres actuels peuvent suffire à
la clientèle ou pas, il faudrait d'abord savoir combien de jeunes ils
peuvent ou doivent recevoir parce que la capacité stricte des locaux n'a
pas de signification compte tenu du fait qu'on répond: Nous ne sommes
pas capables de fonctionner.
Le nombre de places prévu à Saint-Vallier est de 100 ou
120 en ce moment. Cela a beaucoup changé, cela a évolué.
Il y a eu énormément de changements au cours des dernières
trois années. Saint-Vallier en reçoit 30.
Ce qu'on peut dire, dans l'état actuel des choses, des
statistiques et des rapports tels qu'ils existent et sont publics, c'est que
les jeunes vont également pour des périodes préventives,
dites préventives, en prison et qu'il est absolument anormal qu'un jeune
de 15 ans, de 14 ans ou de 11 ans, qui est un enfant qui doit être
protégé par la société, se retrouve en prison. Le
ministère de la Justice a sorti des statistiques claires sur les mineurs
reçus dans ces prisons en détention préventive. C'est tout
ce qu'on peut dire. On peut dire: Ces jeunes sont là pourquoi? Parce
qu'il n'y a pas de place.
M. Forget: Puisque vous avez essentiellement répondu
à mes questions en citant d'autrs personnes, c'est-à-dire en
disant: On ne peut pas évaluer combien il devrait y avoir de places,
mais des gens disent qu'il devrait y en avoir davantage, en particulier les
juges, qui souhaitent envoyer dans des centres d'accueil, les jeunes,
voudraient qu'il y en davantage.
Je ne nie pas que cela puisse être un fait, mais il demeure que ce
n'est qu'un élément du problème. Est-ce qu'il ne serait
pas approprié de s'interroger, d'abord sur les motifs du placement? Sur
la durée des placements qui sont faits? Et, de façon plus
importante, sur l'efficacité de ces placements pour, effectivement,
retourner l'enfant à sa famille et produire, une fois ce retour
effectué, une situation où l'enfant ne sera pas de nouveau devant
le juge, quelques mois plus tard? Autrement dit, l'efficacité de ce
placement pour, effectivement, réhabiliter ou rééduquer le
jeune en question.
C'est seulement à la lumière de ces
évaluations-là qu'il est possible de savoir s'il y a trop de
places ou trop peu de places. Il est clair que l'enfant n'aura pas de
difficultés vis-à-vis la justice tant qu'il est en centre
d'accueil. Mais ce n'est pas une raison pour garder tous les jeunes, de
façon préventive, comme vous l'avez indiqué,
jusqu'à 18 ans, en centre d'accueil. Il est important que le centre
d'accueil apporte une solution au problème, puisque c'est censé
être à son avantage, par rapport à la simple
détention.
Pour ce qui est de la question des enfants placés dans des
prisons pour adultes, il y a une conjonction de circonstances. Il est
évident que si toutes les places sont occupées, qu'aucune place
n'est disponible, quelle que soit la justification des placements, le surplus
ira en prison. Si l'on tient absolument à faire de la détention,
cela c'est une des variables qu'il faut évaluer.
En fait, il n'y a pas de nécessité, à l'heure
actuelle, de retrouver en prison pour adultes, des jeunes, puisque, par
exemple, à la date de vendredi dernier, nous avions 18 places libres,
non occupées, en centre d'accueil, pour détention
sécuritaire en centre d'accueil. Et nous n'avions, dans les prisons
communes, aucun jeune qui relevait de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Il y avait donc 18 places libres. Il n'y avait aucun jeune en prison, sauf dix
cas de personnes de moins de 18 ans, qui étaient en prison pour adultes
en vertu de l'article 13.4; alors, à ce moment-là, le placement
en prison pour adultes est mandatoire. Il n'est pas, même, permis de
placer en centre d'accueil.
Encore une fois, vous avez fait une autre affirmation qui nous permettra
d'évaluer l'utilisation qui est faite des centres d'accueil, pour des
fins
sécuritaires. Vous avez dit qu'il était difficile ou
presque impossible d'obtenir, actuellement, le même traitement pour les
jeunes que pour les adultes, et qu'en particulier, le cautionnement ou la
libération provisoire, en attendant la comparution, ne se pratiquait pas
pour les jeunes. Pourriez-vous expliquer pourquoi elle ne se pratique pas?
Est-ce qu'il s'agit d'une disposition de la loi actuelle, ou simplement d'une
non-disponibilité ou d'une non-utilisation des possibilités qui
existent, malgré tout, théoriquement?
Mme Parizeau: M. le ministre, d'abord je m'excuse, je me suis mal
exprimée. Je ne voulais pas dire que les gens disent, je pourrais aussi
bien dire les statistiques le prouvent. Je me référais aux
statistiques qui sont sorties, en ce qui concerne la détention
préventive des jeunes, où vraiment c'est clair qu'ils ne devaient
pas être là.
Deuxième élément, libération conditionnelle
ou sur parole. Un adulte, si vous avez pris les précautions d'usage en
tant que juge, peut toujours être libéré, sur cautionnement
ou sur parole. Un mineur, non, parce qu'il n'y a pas de receveur. A un adulte,
on peut fort bien dire: Vous vous présenterez à votre
procès et, en attendant, débrouillez-vous! Avec un enfant c'est
impossible; parce qu'un enfant n'est pas une unité dans notre
société qui peut tenir toute seule. Un cas concret, un couple qui
est divorcé, la mère est partie en Europe, le père est
resté à Montréal, l'enfant a été
gardé par une gardienne, l'enfant avait dix ans, il s'est sauvé
de chez lui parce qu'il n'aimait pas la gardienne. Il ne voulait pas aller avec
la mère, il voulait aller avec le père et s'imaginait qu'en se
sauvant il avait plus de chance.
Il s'est fait ramasser par la police à onze heures du soir,
à Montréal; il a passé trois semaines à
Saint-Vallier parce qu'il ne voulait pas dire comment s'appelaient ses parents.
Ce n'est pas parce qu'on voulait le garder à Saint-Vallier, c'est parce
qu'il n'y avait pas d'autre solution en termes strictement humains. On ne peut
pas dire à un enfant, c'était encore un jeune: Vous vous
présenterez, ou tu te présenteras, quand nous serons prêts
à procéder. Ces trois semaines à Saint-Vallier, finalement
il a admis, enfin il a donné les renseignements indispensables pour
qu'on puisse retracer la famille. Il a été traité par un
psychiatre pendant un an et demi.
M. Forget: Le cas que vous me citez n'est quand même pas
représentatif...
Mme Parizeau: A la suite d'un choc... M. Forget: ... de
l'ensemble...
Mme Parizeau: ... traumatisme reçu à Saint-Vallier
il y a un an et demi. Ce que je voulais dire, M. le ministre, c'est que
contrairement aux adultes, l'enfant a toujours besoin d'un receveur. C'est cela
le problème des centres, qu'ils soient sécuritaires, centres
d'accueil, centres d'hébergement. Quand on dit hébergement et
quand on y insiste tellement, c'est parce que pour un enfant comme pour des
jeunes adolescents, même jusqu'à l'âge de 17 ans, c'est
indispensable parce que vous ne pouvez pas, dans le concret, le libérer
sur parole et lui dire: Tu vas te présenter. Si vous n'avez pas de
receveur, vous êtes obligés de le loger quelque part.
M. Forget: Quand vous faites cette affirmation, vous
prétendez donc que l'immense majorité des enfants qui viennent en
conflit avec la loi n'ont pas de famille qui puisse effectivement s'en occuper,
que ce sont tous des cas d'abandon.
Mme Parizeau: Ils n'ont pas de famille ou ne veulent pas les
avoir. Il y a deux dimensions dans le problème.
M. Forget: Vous dites que c'est l'immense majorité des
cas, les familles ne sont pas une ressource qui peut être
utilisée, même provisoirement, pour la réadaptation de
l'enfant?
Mme Parizeau: II y a deux dimensions. La première, la
famille n'est pas une ressource et cela c'est pour les enfants de moins de 14
ans qui sont laissés à eux-mêmes chez eux pendant des
journées et des semaines entières, en raison de l'absence de
l'unité parentale, monoparentale. L'autre dimension, les adolescents qui
ne peuvent pas rester chez eux parce que le milieu est nettement
criminogène et que les juges, comme les travailleurs sociaux, qui
connaissent le milieu et singulièrement les travailleurs sociaux parce
qu'ils vont dans le foyer, savent fort bien que retourner l'adolescent dans ce
milieu signifie le retrouver une semaine plus tard avec un crime, si vous
voulez, habituellement un délit beaucoup plus grave que le
précédent. C'est cela le problème.
M. Forget: Si la situation est celle-là, M. le
Président, effectivement toutes les dispositions de lavant-projet de loi
où l'on affirme qu'il faut autant que possible miser sur la ressource
que constitue la famille, à votre point de vue, donc, c'est un peu une
illusion, que cette ressource n'est pas disponible, n'est pas de nature
à apporter quelque aide que ce soit?
Mme Parizeau: C'est très théorique. Les bruits qui
ont couru à un moment donné que les travailleurs sociaux
arrachaient les enfants à leur milieu familial, dans la pratique c'est
parfaitement faux, M. le ministre. Je connais très peu de travailleurs
sociaux, compte tenu des difficultés qu'ils ont de trouver un foyer de
substitution, parce que ce sont les travailleurs sociaux qui sont
obligés de le trouver, ou de trouver un placement qui arracherait les
enfants à la famille. Il y a évidemment toujours des
protestations, mais dans la pratique, quand un travailleur social décide
qu'il faut absolument enlever l'enfant à la famille ou quand un juge
décide, c'est parce qu'ils estiment, en leur âme et conscience
il faut quand même leur faire confiance qu'il n'y a pas
d'autre solution parce que le milieu est trop criminogène ou parce que
le
milieu est déficient, inexistant, absent. C'est cela le
problème.
M. Bellemare (Johnson): Me permettez-vous M. le ministre, c'est
dans le même ordre d'idées...
M. Forget: Je vous en prie.
M. Bellemare (Johnson): ... quant à la protection de la
famille. Dans une statistique qui a été publiée en avril
1975 aux Etats-Unis, il y a 600,000 jeunes qui ont été
arrêtés. Sur cela, il y en a le tiers, 85,000, et je pense
que c'est une statistique qui vous est bien connue on faisait là
une différence énorme dans la condamnation ou dans le jugement
rendu, qu'il devait y avoir deux volets bien distincts appliqués
premièrement par la protection sociale, qui est ni plus ni moins la
famille, comme disait le ministre, et deuxièmement la protection
judiciaire.
Après enquête on s'est aperçu que, dans cette vaste
exploration qu'on a faite en avril 1975 aux Etats-Unis, 80% des délits
de la jeunesse étaient simplement des résistances, des
rébellions, des résistances à la police, etc., etc., mais
des délits graves, on en trouvait très peu. Alors, moi je me dis,
comme le ministre le dit, et je pense qu'il y a quelque chose de fondé,
que la loi devrait se diriger plutôt vers la protection sociale, qui est
d'abord la famille et l'environnement, plus que vers les jugements judiciaires
qui peuvent être rendus, si on veut véritablement faire un pas
d'avant.
Alors deux choses, deux caractères bien distincts, la protection
sociale qu'on doit accorder à cet enfant plus que la protection
judiciaire. Je ne sais pas si je fais erreur, mais il semble que cela devrait
être l'orientation, à cause de ce qu'on vient de nous relater dans
des statistiques officielles du mois d'avril 1975 aux Etats-Unis.
Mme Parizeau: M. le député, il y a des
problèmes avec les statistiques américaines. Il y a un
problème fondamental, je voulais le mentionner en marge, c'est le
problème racial aux Etats-Unis qui...
M. Bellemare (Johnson): Oui, racial.
Mme Parizeau: ... gonfle les statistiques et que nous n'avons pas
ici. Mais ce que je voulais dire, la dichotomie entre la protection sociale et
la protection judiciaire est strictement théorique. La protection
sociale, c'est une protection qui consiste, je m'excuse de me
répéter, à protéger l'enfant. D'accord? Mais
protéger l'enfant cela ne veut pas dire, en termes sociaux, strictement
sociaux, que cela signifie uniquement le maintenir dans son milieu naturel de
vie qui est inadéquat. La protection sociale signifie protéger
l'enfant et le placer au besoin.
C'est seulement nous qui nous sommes dit qu'en droit on ne peut pas
faire confiance aux travailleurs sociaux, ce qui est très mauvais, parce
que c'est la meilleure façon de ne jamais créer un corps fier,
indépendant et professionnellement engagé. C'est nous qui avons
décidé cela, en vertu de principes du législateur, de
protéger les droits individuels, et de qui? je voudrais bien savoir, de
la famille, de la famille déficiente, inadéquate,
indifférente, cruelle, mettons-en. Nous protégeons ces droits en
disant: II faut un juge qui décide, parce qu'autrement les travailleurs
sociaux pourraient exercer leur protection de l'enfance au mépris des
droits des parents.
Il suffit de mettre un droit d'appel des parents et de dire aux
travailleurs sociaux: Vous êtes libres de protéger leurs enfants
jusqu'à l'âge de 14 ans, aussi bien en termes de placement, et
cela se fait maintenant. Du moment qu'il y a de l'accord entre les travailleurs
sociaux et les parents, ils les placent.
M. Bellemare (Johnson): Seriez-vous d'accord pour établir
un tribunal de la famille?
Mme Parizeau: Le tribunal de la famille, vous restez encore dans
le cadre judiciaire, pourquoi pas la commission telle que proposée par
le ministère des Affaires sociales dans l'avant-projet et accepté
par le ministère de la Justice? Pourquoi pas tout simplement la
commission de protection de l'enfance, qui est un tribunal administratif en
droit, si vous voulez, et qui est en fait un service social aux gens? L'unique
problème qui reste en droit, que vous avez soulevé, M. le
Président, c'est le cas de placement quand il y a mésentente
entre la décision du travailleur social et la décision de la
famille, parce que nous disons, en vertu de traditions romaines:
Préservons le droit de la famille et, dans ce cas, qu'il y ait une
tierce personne, le juge qui tranche.
Donc, les travailleurs sociaux doivent demander au juge l'article 15,
protection. Nous pourrions fort bien dire: Pourquoi est-ce que nous n'assurons
pas cette protection des droits à travers le droit d'appel, en disant
aux gens: Vous n'aimez pas la décision du travailleur social, allez en
appel, l'appel est gratuit devant une cour, ou demandez un traitement
judiciaire? Mais toute la dichotomie en traitement judiciaire et social, elle
est absolument artificielle, nous l'avons créée parce que nous
l'avons voulu telle.
Maintenant, pourquoi certains parents ne sont pas d'accord avec le
placement? Je reviens à la question, à ce que disait tout
à l'heure M. le ministre des Affaires sociales. Si vous voulez, dans
certains cas, il y a des parents qui ne sont pas d'accord avec le placement de
l'enfant, non pas en vertu de l'amour parental, ou de l'amour des parents
naturels, mais tout simplement parce qu'ils ne veulent pas perdre l'allocation
familiale. Tous les travailleurs sociaux le savent qui travaillent sur le
champ, le juge aussi.
On peut expliquer cela en termes de pauvreté, on peut expliquer
cela en termes d'égoïsme, on peut expliquer cela en
différents termes, selon les cas. D'ailleurs c'est très difficile
de généraliser, mais on sait que cela existe et il n'y a pas de
raison pour laquelle le travailleur social ne pourrait pas trancher.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Les membres de la
commission ont-ils d'autres questions?
Alors, merci bien, Mme Parizeau. J'invite immédiatement le
représentant de l'Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur.
M. Charron: De Québec, M. le Président.
Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur de
Jésus
Mme Dauphinais: Nous représentons, le Dr Serge
Côté, psychiatre, et moi-même, travailleuse sociale...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Votre nom, madame?
Mme Dauphinais: ... les membres du Conseil consultatif du
personnel clinique de l'Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur, qui comprend
272 cliniciens.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Un instant, madame.
Votre nom, s'il vous plaît?
Mme Dauphinais: Lyse Dauphinais, travailleuse sociale.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci.
Mme Dauphinais: L'étude que nous avons faite est partie
d'une préoccupation pratique. Nous trouvions au travail que nous avions
à faire, dans les cas de placement d'enfants, de protection de la
jeunesse et d'enfants maltraités, une lourdeur administrative. C'est un
rapport un peu subjectif, dirais-je.
Le but de l'étude était de proposer une politique de
relations avec le CSS et les cours dans le cas de placement d'enfants, de
protection de la jeunesse et d'enfants maltraités. Les travaux du
comité ont eu comme base les droits et responsabilités des
bénéficiaires, d'une part, et, d'autre part, les
responsabilités des établissements concernés. Ces
responsabilités sont définies dans la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, dans la Loi de la protection de la
jeunesse et dans la Loi concernant la protection des enfants soumis à
des mauvais traitements.
A partir des expériences cliniques des membres et des praticiens
du milieu, le comité a d'abord tenté de définir la
problématique actuelle, considérant l'organisation des services
à l'enfance dans la région 03, c'est-à-dire la
région immédiate de Québec. Au cours de ces travaux, le
comité a appris qu'une nouvelle loi sur la protection de la jeunesse
était actuellement à l'étude. Nous avons pris connaissance
de l'avant-projet de loi et il nous a semblé que ce document ne pouvait
être que le seul valable pouvant préciser une politique de
relations interétablissements dans les services à l'enfance. Nous
avons donc formulé des recommandations et commentaires sur cet
avant-projet de loi en tenant compte de la problématique actuelle et des
solutions à apporter. En ce sens, no- tre étude de l'avant-projet
de loi sur la protection de la jeunesse est sûrement incomplète,
car elle avait comme limite l'étude des relations
interétablissements dans le cas de placement d'enfants et de protection
de la jeunesse.
La problématique. Actuellement, tous les cas de demandes et de
recommandations de placement d'enfants, de la part des spécialistes
doivent passer par le CSS à la zone ou filiale d'origine de l'enfant
pour évaluation de la demande par un praticien social. Par la suite,
cette demande, si elle est jugée recevable, est soumise au comité
d'admission de l'institution choisie par le praticien. C'est le comité
d'admission de l'institution qui, selon la Loi sur les services de santé
et les services sociaux, décide si l'enfant sera admis ou non, le tout
dépendant de ses critères d'admission lorsqu'il en a. C'est une
optique décentralisée et, dans cette optique, nous nous heurtons
à des problèmes de communications.
Nous constatons une lenteur du processus qui peut amener un
dédoublement des examens et il y a des décisions contraires aux
recommandation des consultants. L'admission d'un enfant, par exemple, dans un
centre d'accueil, dépend souvent de la personne qui fait la
présentation des cas. On constate aussi une absence d'autorité du
CSS sur les institutions alors qu'il est mandaté pour protéger et
héberger l'enfant. Les critères d'admission dans les institutions
sont, dans bien des cas, absents ou trop sélectifs. Il existe
également une fausse compétition des praticiens entre eux, ce qui
les amène à remettre parfois en question les recommandations de
placement venant des spécialistes. On constate également, en
pratique, de mauvaises orientations des enfants, soit à cause d'une
évaluation incomplète ou de l'absence de critères
d'admission.
Les praticiens se plaignent d'un manque d'information à jour sur
les ressources à l'enfant, interservices, interzones, interservices,
interzones, interétablissements, d'où les parents et l'enfant ne
peuvent être informés adéquatement. On constate
également une tendance à prendre l'hôpital comme un centre
de dépanage. Une ambiguïté aussi sur la prise en charge et
le "follow-up" de l'enfant dans les cas où l'hôpital est
impliqué amène un problème, lorsqu'il y a une
décision à prendre pour l'intérêt de l'enfant.
Alors, tous ces éléments de la problématique, ces
problèmes de communications nous semblent donc se situer au niveau de
l'orientation et de l'admission d'un enfant à des services. Egalement,
dans la détermination de l'autorité et des responsabilités
des parties en cause. Egalement, au niveau de l'information à jour des
praticiens sur les ressources à l'enfance. Trois grands problèmes
qui nous amènent beaucoup de lourdeur et de problèmes.
En ce qui concerne le partage de l'autorité et des
responsabilités, la Loi sur les services de santé et services
sociaux, chapitre 48, confie la responsabilité d'évaluation et de
traitements médicaux psycho-sociale aux centres des services sociaux et
aux centres hospitaliers. L'avant-projet
de loi sur la protection de la jeunesse prévoit la
création d'un organisme québécois, la Commission de la
protection de la jeunesse, qui établira, dans chaque région
administrative et district judiciaire, un comité local d'orientation,
CLO, qui évaluera chaque cas d'enfant qui lui est soumis
requérant une intervention, articles 47, 48 et 51. Lorsqu'il aura
évalué une situation, le comité décidera si la
santé, la sécurité et le développement de l'enfant
sont en danger et s'il doit être pris en charge, ou bien suggérer
des mesures volontaires, article 52. Si le comité décide qu'il
doit être pris en charge, il confie le cas à un directeur de la
protection de la jeunesse, au CSS, avec instruction de mettre en application
des mesures de protection suggérées par le comité ou de
déférer le cas à la cour.
La Loi sur la protection de la jeunesse crée aussi une direction
de la protection de la jeunesse multidisciplinaire aux CSS, article 42. Alors,
le directeur de la protection de la jeunesse devra effectuer des analyses
périodiques sur chaque cas d'un enfant qui lui est confié. Il a
également la responsabilité de l'hébergement d'un enfant
qui lui est confié, volontaire ou involontaire. Il doit surveiller
l'application de mesures volontaires. Parallèlement, la loi crée
des conseils de surveillance. D'abord, au comité local d'orientation et
un autre au CSS qui est responsable vis-à-vis du conseil
d'administration du contrôle et de l'appréciation des actes
posés par les personnes oeuvrant au sein de la direction de la
protection de la jeunesse.
Dans cette optique, le centre local d'orientation a un rôle
d'évaluation, à savoir si l'enfant se trouve dans une situation
qui mette en danger sa sécurité, son développement ou sa
santé, et d'orientation de l'enfant pour sa prise en charge. Le CSS lui,
direction de la protection de la jeunesse, a un rôle au niveau de la
prise en charge et du "follow-up," soit de l'hébergement volontaire ou
involontaire, et de l'application de mesures volontaires, évaluation et
traitements psychosociaux, etc.
Les centres hospitaliers, eux, continuent à jouer un rôle
d'évaluation et de traitements médicaux psychosociaux. Et dans ce
rôle, ils pourront être en relation avec le CLO, la direction de la
protection de la jeunesse et la cour, à titre consultatif dans
l'application de cette loi.
Cette nouvelle loi tente donc de faire respecter les droits de l'enfant
par les parents et par les établissements publics, plutôt que le
confier aux institutions judiciaires, et favorise le maintien de l'enfant dans
son milieu familial et social et le milieu social de l'enfant
généralement, c'est l'école ou un milieu s'y
rapprochant le plus, autant que possible.
Alors, se basant sur cette compréhension du partage des
responsabilités en regard de la protection de la jeunesse, nous avons
formulé des recommandations.
Nos recommandations: Nous croyons que seule une législation
pourrait résoudre ce problème de l'orientation et de l'admission
des enfants aux centres d'accueil ou autres et du partage de l'autorité
et des responsabilités et de l'information sur les ressources à
l'enfance.
Après avoir pris connaissance de l'avant-projet de loi sur la
protection de la jeunesse , nous ne pouvons que souhaiter, premièrement,
une législation globale relative à la protection de la
jeunesse.
Dans cette optique d'une législation unique, nous ne croyons pas
qu'il soit opportun d'appliquer la loi concernant la protection des enfants
soumis à des mauvais traitements puisque ces objectifs sont inclus dans
le nouveau projet de loi sur la protection de la jeunesse. Par ailleurs, ce
nouveau projet de loi prévoit des services pour les enfants tombant sous
cette loi, par exemple, des évaluations et une orientation. Il faudrait
que les mêmes services soient offerts pour les cas de placement
volontaire d'enfants et que les placements .d'enfants soient tous
centralisés à la direction de la protection de la jeunesse, au
centre des services sociaux pour orientation et admission.
Deuxième recommandation qui concerne l'orientation et l'admission
des enfants en centres d'accueil et dans les familles d'accueil. Notre
comité déplore que les plans à l'étude, lois et
plans de développement tendent à suggérer trop facilement
que les centres d'accueil sont une formule dépassée. Il ne
faudrait pas oublier que le placement d'un enfant en centre d'accueil est
parfois préférable. Par exemple, pour les enfants qui ont subi
plusieurs placements en familles d'accueil, également pour les troubles
de comportement sévères. Par exemple, il est inadmissible que
nous acceptions des comportements d'auto-destruction et des comportements de
destruction. Je pense que ce sont des troubles de comportement
sévères et peut-être que les centres d'accueil sont des
formules préférables aux familles d'accueil ou au milieu naturel,
dans certains cas.
Pour assurer une complémentarité totale vis-à-vis
la clientèle qui a besoin de protection et d'hébergement, il nous
paraît essentiel que soient révisées les procédures
d'orientation et d'admission, particulièrement pour les centres
d'accueil pour enfants, et que le contrôle de l'admission soit le plus
près possible de celui qui a la responsabilité de la protection
de la jeunesse, au centre des services sociaux. En ce sens, nous recommandons
que l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse soit modifié,
ainsi que la loi sur les services de santé et les services sociaux, de
façon à prévoir la centralisation des admissions en
centres d'accueil et en familles d'accueil, au centre des services sociaux.
A cette fin, un comité d'admission et de séjour dans
chaque centre de services sociaux devrait être institué par la
direction de la protection de la jeunesse. Un tel comité aurait pour
fonction de proposer des critères d'admission et de durée de
séjour des bénéficiaires dans les centres d'accueil et de
recevoir les demandes d'admission et les orienter à l'endroit le plus
approprié pour la protection de l'enfant, de promouvoir la
création des ressources à l'enfance. Ce comité pourrait
être composé des personnes suivantes: du directeur
de la protection de la jeunesse, des membres du centre local
d'orientation selon l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse, des
directeurs des centres d'accueil de la région, du directeur des services
professionnels du centre des services sociaux, du directeur
général du centre des services sociaux et d'un
représentant de la commission de la protection de la jeunesse. Une
troisième recommandation qui touche l'administration financière
du placement; nous recommandons de donner la responsabilité de
l'administration financière du placement au centre d'accueil. Par
exemple, pour l'évaluation et la perception de la contribution
financière des parents ou autres, après que seront
déterminées l'admissibilité et l'orientation de l'enfant
dans un centre d'accueil, parce qu'actuellement l'évaluation
financière se fait avant de déterminer si un enfant va être
admis dans un centre d'accueil. Il nous semble que ceci
accélérera le processus et permettra à chaque
établissement de remplir sa mission réelle.
M. Côté (Serge): Quelques commentaires à
ajouter là-dessus. Au fond quand on demande que la loi puisse obliger
les centres d'accueil à prendre tel ou tel enfant ou adolescent, on
suppose en même temps le corollaire suivant: Que ces centres d'accueil
ont la possibilité administrative d'engager du personnel nouveau ou
d'offrir les locaux adéquats. C'est facile de placer des gens
d'ailleurs cela a été dit tantôt dans des centres
d'accueil, de faire des institutions type poubelle, mais au fond on pourra
nuire, à ce moment, au traitement prévu. On peut en rentrer des
gens.
J'ai vu à la télévision, la semaine dernière
le garçon de dix-sept ans qui avait fait plusieurs vols, mais on peut le
placer dans un centre d'accueil, mais allons-nous aider aux autres à ce
moment?
Chez nous, aussi, il y avait une inquiétude au sujet des
dédoublements possibles. Disons qu'un enfant est suivi à
l'hôpital et que le DPJ le voit à son tour; on se demande ce qui
va se passer à ce moment-là.
Tantôt, on a parlé des enfants qui sont maltraités
psychologiquement. C'est sûr qu'on serait tenté de les sortir des
familles, ces enfants. J'ai justement un cas en traitement actuellement
où l'enfant est vraiment le bouc émissaire de la famille. Cet
enfant n'a pas envie de sortir de chez lui. C'est dangereux, je pense, avec la
loi, si on se fie à la loi, de sortir des enfants qui, même s'ils
sont maltraités, n'ont pas envie de sortir de chez eux. Je pense que
c'est une chose à laquelle la loi devra faire attention au niveau de son
application.
Mme Dauphinais: Aussi, j'ai eu l'occasion de travailler, pendant
cinq ans et demi, avec des parents et des familles et je pense en tout
cas en ce qui me concerne c'est arrivé très rarement que,
lorsqu'on fait un travail auprès de la famille, c'est rare qu'ils n'en
arrivent pas à collaborer. Je crois très fortement que les
familles pourraient bénéficier d'une aide soit d'un travailleur
social, d'un psychiatre ou d'un psychologue au niveau familial et que c'est
très profitable pour l'enfant et pour les parents comme individus. Je
pense qu'on peut éviter beaucoup de choses en travaillant avec les
familles.
M. Côté (Serge): En même temps, il y a un
autre point dont on se sert, actuellement, très souvent. Face à
différents délits, on cherche à trouver des causes.
Souvent, les gens nous appellent. On dit que c'est un problème qui est
psychiatrique. Pour moi, cela ne veut pas dire grand-chose. On enlève le
danger. Je suis complètement d'accord qu'on doit aider à la
protection de l'enfant mais il demeure toujours une réalité qui
est importante; l'enfant ou l'adolescent qui pose des actes, à moins
vraiment de maladies qui sont spécifiques, a quand même une
responsabilité par rapport à ses actes. A travers tout cela, on
ne doit jamais oublier l'esprit de réalité.
C'est un commentaire, tantôt, de M. Charron, qui m'a fait penser
qu'il fallait que je l'ajoute. Souvent, on parlait de délits qui
pourraient amener le jeune à la prison si, chez l'adulte, cela
entraîne une peine minimale de trois ans. Je suis pleinement d'accord
là-dessus qu'il y a des jeunes qui vont présenter des
délits dits importants dont la solution, souvent et malheureusement,
n'est pas la justice à ce moment-là. Par contre, il y a quand
même l'autre solution inverse où chez certains jeunes l'esprit de
la réalité de la loi, d'une certaine justice sociale, c'est
important; quand même, il faut pour certains qu'on puisse faire
intervenir la justice antérieurement.
J'ai quelques cas en traitement où, face à des petits
vols, j'ai fait une plainte moi-même pour que le jeune passe devant le
juge pour impliquer une certaine réalité. Tantôt, on a dit
que la peur est le début de la sagesse. Ce n'est pas dans le sens qu'il
faut amener les jeunes à avoir peur mais, pour certains, même si
on les avait en thérapie, qu'on pourrait travailler avec eux leur
comportement, cela n'a aucune signification réelle. C'est l'intervention
qui peut intervenir face au juge dans le sens qu'il y a un représentant,
il y a une structure qui rencontre le jeune et qui lui permet d'acquérir
une certaine réalité. C'est dans ce sens que la loi devrait
permettre une certaine souplesse.
Enfin, un dernier point. C'est juste un commentaire. Tantôt on a
parlé de la délinquance et des difficultés scolaires. Je
pense qu'on peut avoir des jeunes qui vont très bien à
l'école et qui ont de la délinquance. Je pense que c'est un
problème complexe parce que, pour aller à l'école, il faut
se sentir bien dans sa peau et souvent les difficultés qui vont
commencer à l'école sont dues en grande partie à des
conflits intérieurs qui se recoupent dans la famille. Malheureusement,
souvent, on intervient chez l'adolescent. J'en ai deux, actuellement, qui ont
17 ans, qui sont en pension à l'extérieur et dont les parents ne
veulent pas. On a beau travailler avec l'enfant ou l'adolescent, il y a des
fois il faut être réaliste qu'il y a des parents
avec lesquels on ne peut pas travailler. Il faut à ce moment-là
qu'on puisse offrir aux enfants et adolescents une structure
intermédiaire.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
ministre.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais apporter une
précision parce qu'il y a dans ce dernier mé-
moire presque une interrogation qui est peut-être attribuable soit
à la complexité de la mesure envisagée, de l'avant-projet
de loi, ou tout simplement à une lecture trop rapide de certains
articles. C'est relatif au rôle du directeur de protection de la jeunesse
vis-à-vis des centres d'accueil.
On nous fait une recommandation, dans ce mémoire, de modifier
l'avant-projet pour donner au directeur de la protection de la jeunesse un
rôle de placement, la responsabilité de décider du
placement. Or, si l'on se reporte aux articles 53 et 111 en particulier, du
projet, on verra que c'est déjà inscrit dans le texte de
l'avant-projet, puisque nous avons là le pouvoir du directeur de la
protection de la jeunesse d'appliquer c'est à l'article 111
d'autorité la décision du tribunal de faire un placement,
mais de l'appliquer dans des circonstances particulières. On indique, en
particulier, que "lorsque la cour ordonne l'hébergement obligatoire d'un
enfant, elle charge le directeur de la protection de la jeunesse du centre de
services sociaux qu'elle identifie" qu'il identifie, il y a une erreur
ici dans le texte, je crois "du centre de services sociaux qu'elle
identifie exactement de désigner un centre d'accueil
où une famille d'accueil..." Donc, elle charge le directeur de
désigner le centre d'accueil. Et, au deuxième paragraphe: "Tout
centre d'accueil désigné par un directeur conformément
à cet article est tenu de recevoir l'enfant..." Donc, il y a une...
M. Côté (Serge): Pour quelle période? Il n'y
a pas une période de 48 heures seulement?
M. Forget: Non, non, il s'agit là de mesures
permanentes...
M. Côté (Serge): Permanentes?
M. Forget: ... et c'est le directeur qui a la
responsabilité, à tous les six mois, de réévaluer
l'opportunité de maintenir le placement et de faire les recommandations
appropriées au juge, s'il s'agit d'un placement obligatoire. Donc il a
la responsabilité à la fois du placement et du congé.
Mme Dauphinais: C'est vrai, M. le ministre, que... Nous avons
fait une lecture rapide de la loi. Maintenant, l'esprit de la recommandation
que nous avons faite de modifier la Loi sur les services de santé et les
services sociaux, c'était de confier l'admission, pour les placements,
au centre de services sociaux plutôt qu'à chaque centre d'accueil.
Parce qu'actuellement, dans la loi, si je ne me trompe pas, dans la Loi sur les
services de santé et les services sociaux, il est prévu des
comités d'admission pour chaque institution.
Or, notre recommandation vise à ne faire qu'un seul comité
d'admission qui serait centralisé à la direction de la protection
de la jeunesse au centre de services sociaux. C'est l'esprit que nous avions,
lorsque nous avons...
M. Forget: Je comprends votre remarque, mais j'aime mieux
souligner tout de suite qu'étant donné ces dispositions de
l'avant-projet, s'il devient une loi, sans des modifications, elles ont pour
effet de rendre immédiatement inapplicable cette partie des
règlements qui devrait donc être retirée. Tous les effets
que vous souhaitez se retrouvent déjà dans les textes, y compris
l'amendement implicite à la réglementation de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux.
M. Charron: Vous voulez dire je vais vous le demander tout
de suite, parce que cela va préciser beaucoup que, si l'article
que vous venez de lire était appliqué comme tel dans la loi, les
comités d'admission au niveau de chacun des centres d'accueil n'auraient
rien d'autre à faire que d'accepter ce que décide le directeur de
la protection de la jeunesse du CSS en cause, soit le renvoi parfois sur ordre
de la cour, parfois sur ordre d'un CLO.
M. Forget: Effectivement.
Mme Dauphinais: Si vous permettez un commentaire, nous
suggérons qu'il y ait un comité d'admission et de séjour
au CSS; feraient partie de ce comité, dans notre recommandation, les
directeurs des centres d'accueil. Donc, ils pourraient dire leur mot; il
pourrait y avoir une certaine entente entre les différents centres
d'accueil sur le genre de clients qu'ils peuvent accepter ou ne pas accepter.
La décision pourrait se prendre évidemment, ce ne serait
pas tous les cas qui pourraient passer par le comité d'admission, parce
qu'on n'en finirait pas pour les cas litigieux après une entente
entre les différents directeurs des centres d'accueil à savoir
qui va admettre ou non un enfant. En ce sens, ils conserveraient une certaine
autonomie; je suis d'accord pour qu'ils conservent une certaine autonomie,
mais...
M. Charron: Je crois que lorsque nous entendrons les
représentants des centres d'accueil, qui doivent venir à un
moment ou à un autre, ils vont certainement nous faire valoir qu'ils
voient dans la loi actuelle une perte de cette autonomie, puisqu'ils
n'auront... Lorsque, si j'ai bien compris la réponse du ministre, le
directeur de la protection de la jeunesse décidera que tel jeune x,
c'est dans telle institution qu'il doit aller, l'institution n'a qu'à
l'accepter.
M. Forget: Effectivement et je pense que, comme on vient de le
souligner, il ne répugne pas à ce régime-là que,
dans l'exécution de cette responsabilité, le directeur de la
protection de la jeunesse soit éclairé, dans son jugement, par un
comité consultatif pour établir avec lui des critères
d'admission à différents centres d'accueil.
Il reste que ce projet effectue un transfert de responsabilités
très marqué.
Ceci me pousse à vous poser une question, puisque vous parlez au
nom de l'équipe professionnelle d'un centre hospitalier de
pédopsychiatrie, c'est-à-dire de psychiatrie pour l'enfance, qui
découle naturellement de votre souci d'éviter le
dédoublement des services. Dans le texte, on voit, non pas
explicitement mais implicitement, le rôle d'un service
d'évaluation de pédopsychiatrie: intervenir à titre
d'expert au moment de l'évaluation, au moment de la comparution en cour.
Il est clair qu'à ce moment-là un expert peut être non
seulement souhaitable mais même nécessaire dans certains cas. Il
reste qu'en plus de fournir des évaluations expertes sur l'aspect
psychologique ou psychiatrique de certains enfants ou certains parents, il y a
aussi un autre rôle qui est rempli par un centre hospitalier comme le
vôtre, qui est de recevoir des enfants un peu comme un centre
d'accueil.
Est-ce que ce souci d'éviter le dédoublement ne suppose
pas que le rôle de la direction, du directeur de la protection de la
jeunesse, quant aux admissions en centres d'accueil, pourrait se poser
également quant aux admissions dans une unité je ne parle
pas des services externes de séjour de
pédopsychiatrie?
Mme Dauphinais: Je ne crois pas que notre centre hospitalier soit
reconnu comme un centre d'accueil, en ce qui concerne le service de psychiatrie
infantile et juvénile; je crois plutôt que les jeunes qui sont
là sont hospitalisés, reçoivent des soins médicaux
et reçoivent également des services sociaux ou psychologiques. Je
ne crois pas que nous soyons reconnus comme centre d'accueil.
M. Forget: Non, je ne prétends pas que vous soyez reconnus
comme centre d'accueil mais, indépendamment du titre de
l'établissement ou de la désignation de sa catégorie, vous
recevrez des jeunes qui sont pour une part des jeunes qui peuvent
bénéficier de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Relativement à ces admissions, de manière à éviter
toute espèce de duplication, de conflit et de lenteur dans les
décisions que vous avez décrites relativement à des
centres d'accueil, n'y a-t-il pas le même argument qui peut jouer
vis-à-vis des admissions pour cette partie de vos services?
M. Côté (Serge): J'aimerais répondre à
cela dans le sens que j'ai mentionné tantôt. Où on a des
demandes, c'est dans les cas dits psychiatriques avec lesquels les centres
d'accueil ont toujours beaucoup de difficulté. Je pense à
certains cas où il y a un mélange de problèmes affectifs
et de problèmes caractériels. D'ailleurs, un cas m'a
été soumis hier, un jeune garçon de 14 ans qui a
tué un autre enfant. La réalité, et c'est là une
difficulté importante, quand on a des structures à
l'hôpital qui sont, comme on a chez nous actuellement, un centre de jour
et une unité interne qui va ouvrir bientôt, le travail au niveau
de cette unité est surtout pour des problèmes franchement
psychotiques et des problèmes prépsychotiques. La
difficulté vient lorsque nous avons affaire à des jeunes qui ont
des problèmes affectifs et qui ont aussi des problèmes
caractériels importants de passage à l'acte. On n'est pas capable
de répondre adéquatement pour le jeune dans le milieu. Et si on
l'a amené, c'est au détriment des autres jeunes qui sont dans le
milieu, à qui on va nuire.
Cela vaut pour l'hôpital, cela vaut pour les autres centres
d'accueil. Je peux citer une expérience qu'on a eue, il y a deux ans,
alors qu'on avait un mélange de psychotiques et de problèmes
caractériels; à chaque semaine, il y avait des délits, des
assauts agressifs et des difficultés semblables. C'est en ce sens qu'on
a quand même une inquiétude dans le milieu. On se demande comment
cela va être manipulé et quelles sont les ressources qu'on va
donner à ces gens. Souvent, dans les centres d'accueil qui existent
actuellement, on ne répond pas; il y a Pinel actuellement, seulement, et
il n'y a que quinze lits, qui répond à ce genre de
problème. Il n'y en a pas d'autres à part cela dans la
région de Québec. Je pense à certains cas
particuliers.
M. Forget: Vous avez raison de vous inquiéter des
problèmes que peuvent causer les enfants qui souffrent de
problèmes de comportement sérieux, disons les
caractériels, selon l'expression consacrée, et qui, en plus de
cela, ont des troubles de nature psychiatrique. Il reste que les
difficultés d'admission dans des centres hospitaliers pour ces jeunes
sont très réels.
Je les ai constatés personnellement. Il y a des délais
très considérables et je veux bien croire que cela cause des
problèmes que de recevoir ces enfants caractériels, mais il
demeure que c'est quand même le centre de pédopsychiatrie qui est
le mieux équipé, toute comparaison faite, pour s'occuper de ces
enfants plutôt que des centres d'accueil qui ont déjà du
mal à s'occuper d'un enfant caractériel, mais qui sont encore
plus désavantagés lorsque s'ajoute à cela des
problèmes psychiatriques ou des problèmes beaucoup plus graves
que simplement des problèmes de comportement. C'est un peu un conseil de
désespoir que de ne pas admettre ces enfants puisqu'autrement ils vont
rester dans des centres d'accueil. J'ai vu personnellement des dossiers qui
sont extrêmement douloureux d'enfants dans des centres d'accueil et
c'était, dans certains cas, ces enfants qui étaient dans des
unités d'isolement, parce qu'ils avaient des tendances autodestructives
ou des tendances agressives très marquées et on devait les
isoler, alors qu'ils auraient peut-être été mieux
traités, toute chose égale, pas sans difficulté sans
doute, dans une unité de pédopsychiatrie.
M. Côté (Serge): II faudrait que vous veniez sur les
départements pour voir exactement comment un psychotique, écoutez
vous parlez justement de problèmes caractériels, d'agir. On va
définir au niveau du caractériel dans le sens de passage à
l'acte, d'actions agressives, d'accord, avec des gens qui ne sont pas
franchement psychotiques, donc nécessairement qui n'ont pas besoin, je
veux dire, le problème est souvent confus au niveau de la
présentation globale et dans les unités comme il en existe
actuellement, vous viendrez les voir les deux unités qu'on a chez nous
à Sacré-Coeur pour adolescents, il y a vraiment du
danger pour les autres enfants et adolescents psychotiques du milieu
face à ces choses.
Souvent même, dans les institutions, dans les centres d'accueil,
c'est par rapport à l'agir, alors que théoriquement souvent ces
institutions sont conçues par rapport surtout à des jeunes qui
ont de la difficulté au niveau de l'agir. Alors que quand même
plus à l'hôpital, en tout cas, chez nous, au niveau de la
pédopsychiatrie, on a affaire plus à des jeunes au niveau
introverti, où le conflit est beaucoup plus à l'intérieur
d'eux-mêmes, où nécessairement la difficulté
justement des jeunes qu'on a là d'agir lors de difficultés.
Or, si on rajoute même rien qu'un adolescent qui a un
problème au niveau de l'agir par rapport aux autres qui sont là,
vous devriez voir les autres, comment ils deviennent après. Le personnel
réussit toujours à travailler à ce niveau, mais les autres
enfants et adolescents qui sont là, c'est bien de valeur, on leur
nuit.
M. Charron: Alors, pour enchaîner sur la question du
ministre, qu'est-ce qu'on ferait avec ce jeune qui est dans cette situation?
Ecoutez, vous êtes venu nous demander, presque mot à mot, de
supprimer l'autonomie des centres d'accueil quant à l'admission,
à cause des différents critères, etc. Vous proposez un
comité au niveau du CSS où des directeurs de centres d'accueil y
seraient. Il y a des représentants de centres d'accueil ici qui vont
plaider que chez eux aussi, je n'ai qu'à penser à Boscoville, ils
ont une thérapie organisée de réhabilitation. Il est
très important que le groupe apprenne à fonctionner ensemble, un
groupe de huit ou de douze, et que, je suis allé à Boscoville il
y a encore deux semaines, la seule initiative qu'a dû prendre le ministre
de force pour retirer des enfants de la prison commune de Bonsecours à
Montréal a bousculé Boscoville dans son fonctionnement normal, a
obligé à défaire des unités et plusieurs
éducateurs se sont sentis reculés dans le cheminement qu'ils
avaient effectivement entrepris.
Tout cela, vous le savez, ne vous a pas empêché de demander
que les critères d'admission propres à chaque
établissement puissent à l'occasion être
élevés au niveau du CSS. J'admets encore, et vous avez beaucoup
plus de compétence que moi là-dessus, sur le plan psychiatrique,
ce que peut produire de mauvais effets, le fait d'amener un cas nouveau
à un endroit, mais ils existent ces cas nouveaux et, comme nous dit le
ministre, actuellement, très souvent, ils croupissent dans des centres
d'accueil où ils sont les plus à l'écart, parce que par
mesure de sécurité, à l'occasion, on doit les tenir
à l'écart et souvent les autorités des centres d'accueil
le font à regret.
On a souvent représenté les autorités de centres
d'accueil comme étant des maniaques SS. Ce n'est pas le cas. Ils le font
très souvent à regret, mais ils doivent le faire. Les
hôpitaux se disent incapables de les accueillir, alors que ce sont des
malades, il faut bien l'admettre.
Ce ne sont pas simplement des enfants qui ont un comportement
perturbé à cause de pro- blèmes familiaux, de
problèmes sociaux, ils sont malades. La place, en vertu de la loi 48,
pour les soins médicaux, ce sont les centres hospitaliers.
M. Côté (Serge): Je suis pleinement d'accord avec ce
que vous dites. Je vais dans des institutions où il y a des
difficultés semblables. Je peux parler d'une, entre autres, où je
vais, le Mont-Saint-Aubert, et où, malheureusement, nous avons des
psychotiques chroniques, donc des psychotiques qu'on a eus en traitement
à l'hôpital, en traitement actif. A un moment donné, il y a
une chro-nicisation du processus psychotique; donc, à un moment
donné, ils sont bien dans leur peau, ils ne dérangent plus, mais
il demeurent psychotiques.
Je suis pleinement d'accord pour dire qu'à l'hôpital on
pourrait peut-être les prendre, mais à ce moment-là qu'on
nous donne le loisir de les traiter adéquatement. Il y a l'institution
Pinel que je trouve excellente; c'est le Dr Marquette qui est là. Il
faut qu'on ait une unité capable de les traiter. Je suis bien d'accord
pour qu'on ne détruise pas les centres d'accueil. D'ailleurs, je l'ai
rajouté dans mon corollaire tantôt. Je suis pleinement d'accord
qu'on ne l'impose pas. On l'a dit. Je ne suis pas d'accord qu'on l'impose aux
centres d'accueil sans leur donner les ressources adéquates, mais qu'on
ne vienne pas non plus à l'hôpital en disant: Cela, c'est un cas
difficile, prenez-le. Détruisez aussi le traitement que vous faites avec
les psychotiques. Ces gens ont autant le droit que les autres d'avoir un
traitement adéquat, d'être traités très bien, autant
que les gens en centres d'accueil.
M. Charron: Je voudrais vous dire, Dr Côté, que pour
vous rendre à la suggestion du ministre il faudrait que le ministre, du
même souffle, accorde à l'Hôtel-Dieu-du-Sacré-Coeur
de Québec des ressources nouvelles pour qu'une unité, propre
à accueillir ces jeunes malades, d'un type particulier, sans
déranger le traitement auquel d'autres jeunes malades sont actuellement
soumis, puisse exister.
M. Côté (Serge): Je suis pleinement d'accord avec
vous.
M. Charron: Bon.
M. Côté (Serge): C'est dans ce sens.
M. Charron: Ce qui nous ramène, encore une fois, à
la question des ressources disponibles. Le rendement de cette loi dépend
beaucoup de ce qu'il y a comme effectif et comme disponibilités en
ressources humaines et en ressources financières au bout.
M. Côté (Serge): Ce n'est pas du nombre de places
que j'ai un mot à dire, c'est à la qualité des places.
M. Charron: C'est cela.
M. Côté (Serge): On peut faire des
institutions-poubelles où on met n'import quoi.
M. Charron: C'est cela.
M. Côté (Serge): Ou des hôpitaux-poubelles,
où on met toutes sortes de pathologies ensemble. Mais est-ce que
vraiment, au fond de tout cela, on leur rend service? Le personnel qui est
là, sur le plancher... C'est facile pour moi, ce n'est pas moi qui vit
sur le plancher avec les jeunes, c'est le personnel, qui est là, ce sont
les infirmiers, ce sont les éducateurs. Ce sont eux qui ont à
subir cela tous les jours. Franchement, c'est une tâche difficile. Ce
n'est pas humain, pour eux autres, de leur demander de faire un travail
semblable si on mêle toutes sortes de pathologies et de
difficultés ensemble. C'est beau de dire que c'est l'hôpital qui
doit les prendre, mais organisons-nous pour le faire adéquatement.
M. Charron: D'accord.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
ministre.
M. Forget: Comme il est question de ressources, il serait
peut-être intéressant d'entendre, de ceux qui sont devant nous,
une description de la manière dont sont organisées les
unités de pédopsychiatrie. Je crois qu'on a très
brièvement, en présentant le mémoire, fait allusion
à l'équipe qui est là. J'aimerais peut-être qu'on
nous donne plus de détails sur cette équipe, en somme, les
ressources disponibles et la manière dont elles sont utilisées
dans le moment.
M. Côté (Serge): Bon. Actuellement, il y a un centre
de jour pour adolescents, pour dix adolescents. Si le nombre est de dix c'est
qu'on a vu par expérience que, si on place un trop grand nombre de
jeunes asolescents, qui sont quand même en évolution, ensemble sur
une unité, il y a vraiment beaucoup de difficultés. Le centre de
jour est pour des jeunes de 14 à 18 ans qui ne fréquentent pas
l'école et qui ont des difficultés affectives variées.
Le centre de jour qu'on a actuellement n'accepte pas simplement les
psychotiques ou d'autres jeunes avec de gros troubles du comportement. On prend
des caractériels légers, c'est-à-dire des jeunes qui
peuvent passer à l'acte mais dont, nécessairement, le rapport
avec les autres est possible.
L'unité interne qui va rouvrir qui a été
fermée pour différentes raisons, en mars dernier va
accepter en traitement, à court et moyen termes, des adolescents avec
des problèmes de genre psychose ou de légers troubles du
comportement avec des réactions dépressives ou
nécessairement, même, des déficients légers,
même d'autres types qui présentent une réaction aiguë.
Nécessairement, devrait être éliminé, parce que
c'est une unité petite, un département qui est petit, tout
adolescent qui présente des troubles graves du comportement, en ce sens
qu'on s'est aperçu, dans le passé, qu'on n'aidait pas aux autres,
à ce moment, par celui qui arrivait et qui perturbait vraiment tous les
jeunes qui étaient dans le département, et, en même temps,
nécessairement, l'équipe soignante indirectement.
M. Forget: II y en a combien dans cette unité? M.
Côté (Serge): Huit. M. Forget: Huit.
M. Côté (Serge): En même temps, il y a deux
unités pour enfants à l'hôpital, de la naissance à
treize ans, de quinze lits chacune, ce qui fait 30 lits, où, en partie,
il y en a qui viennent en centre de jour. La plupart des enfants qui sont
là le sont soit pour des problèmes d'allure psychotique, des
troubles du comportement, des problèmes de carence effective ou autres.
Nécessairement, un enfant agressif de six ans, ce n'est pas un
problème. Il ne peut pas frapper le personnel comme tel, on peut
réussir à le contrôler physiquement. L'adolescent agressif
physiquement, on peut le calmer avec des pilules, on peut l'assommer, rien de
plus facile que cela, mais on ne le soigne pas, par exemple. C'est facile. Si
on veut en calmer un, si on en a un, c'est facile de le calmer. On a des
camisoles de force chimiques vraiment fameuses, mais ce n'est pas du
traitement. Ce n'est pas cela, du traitement.
M. Forget: Pouvez-vous nous décrire un peu les ressources
professionnelles qui sont affectées à chaque unité?
M. Côté (Serge): A chaque unité, il y a un
médecin qui est responsable de l'unité, il y a des
infirmières et des éducateurs sur le plancher. S'ajoute à
cela une psychologue...
M. Forget: Combien d'infirmières, enfin j'aimerais...
M. Côté (Serge): Au centre du jour, c'est cinq: deux
infirmières et deux éducateurs, plus une infirmière chef.
A l'unité interne de jour, on aura quatre personnes et le soir trois
personnes, infirmières et éducateurs. A cette équipe
s'ajoutent des psychiatres pour les thérapies individuelles ainsi qu'une
psychologue et des travailleurs sociaux pour le traitement parental. S'ajoutent
aussi, comme consultants, une conseillère en orientation et aussi des
psychopédagogues au niveau des troubles de l'apprentissage s'il y en
a.
Mme Dauphinais: Je voudrais ajouter que le travail du travailleur
social à l'Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur consiste surtout
à faire du traitement familial, du traitement parental, quelle que soit
l'unité où il est affecté.
M. Forget: Au total, donc, c'est une équipe
professionnelle d'une soixantaine de personnes?
M. Côté (Serge): Ce n'est pas tant que cela. Au
niveau du centre de jour, cela fait cinq personnes sur le plancher. Avec moi,
cela fait six et avec
le psychologue et le travailleur social directement impliqués, on
est huit au niveau du centre de jour. Au niveau de l'unité interne, il y
en a quatre le jour, trois le soir, deux la nuit. Cela fait neuf et, avec le
reste de l'équipe, cela fait 17. On serait environ 30 en tout, mais
souvent ce sont les mêmes personnes, parce que le médecin pour
l'interne et le centre de jour, c'est moi. Ce sont les mêmes personnes
aux deux places.
M. Forget: Est-ce qu'il existe dans la région de
Québec une ressource mieux équipée qui pourrait s'occuper
des cas analogues ou des cas plus graves? Parce que l'exposé que vous
nous avez fait je comprends qu'il n'y a rien qui soit jamais
parfait c'est quand même un exposé qui montre que vous avez
une équipe de huit professionnels au centre de jour pour s'occuper de
dix enfants.
En plus de cela, je pense que s'ajoutent des consultants. Et vous avez
pour les autres qui sont des alités internes où il n'est pas
question de troubles graves, selon votre expression, pas de troubles graves de
comportement...
M. Côté (Serge): Grave...
M. Forget: Vous avez aussi une équipe d'environ huit
personnes pour huit enfants. J'admets tout votre raisonnement jusqu'ici. Mais
comme vous avez vous-même soulevé le problème des
ressources et que vous avez adopté dans votre admission une attitude,
dans le fond un peu sélective, en disant: Quand ce sont des troubles
très graves, du "acting out", du passage à l'acte, il faut faire
bien attention. Il faudrait donc supposer que, pour la région de
Québec, il y a quelqu'un d'autre qui va s'en occuper, parce qu'il y a
quand même des cas graves. Et où vont ces cas?
M. Côté (Serge): Les quelques jeunes que j'ai eus
qui représentaient des problèmes très graves sont
actuellement à Pinel.
M. Forget: Alors tous les cas qui sont trop graves sont
envoyés à Pinel.
M. Côté (Serge): A ce jour, c'est ce qui s'est
passé.
M. Forget: Je vois. Et il n'y a pas eu de refus de ce
côté? Ils ont été acceptés?
M. Côté (Serge): A ce jour, ils ont
été acceptés. Quand je parle de problèmes graves,
il y a des désorganisations, il y en a chez nous qui frappent, il y en a
qui grimpent en l'air, il y en a qui cassent des vitres, d'autres frappent le
personnel. Je ne dis pas qu'il ne se passe rien de cela. Mais je veux dire
qu'il y a une limite et c'est là qu'il faut faire une distinction. Et
à un moment donné, il y a quand même une limite qu'on ne
peut pas dépasser, que je ne peux pas expliquer en mots exactement.
Quand je parle de troubles graves, il y a vraiment un état, disons une
zone grise, où vraiment cela dépasse ce qui est acceptable.
On a quand même eu des jeunes qui frappaient, qui se
désorganisaient, qui frappaient les autres adolescents, cela se passe.
Ces choses sont acceptables. Mais à un moment donné, il y a
vraiment des structures où l'agir et la structure psychiatrique est
tellement forte et inatteigna-ble c'est dans notre milieu en
raison des autres qui sont là, qu'on est obligé de demander un
transfert à ces endroits.
M. Forget: Je l'admets sans peine. J'aimerais savoir s'il y a des
cas qui vous ont été envoyés par des centres d'accueil et
que vous avez refusés comme étant trop difficiles ou trop
lourds?
Mme Dauphinais: II y a une tendance de la part des centres
d'accueil à communiquer avec nous quand ils ont un cas spécial
d'agressivité.
M. Forget: Alors cela s'est passé.
Mme Dauphinais: Comme on l'a précisé dans notre
rapport, dans leur esprit, la seule ressource qu'ils considèrent, c'est
qu'on est un centre de dépannage pour ces cas, alors qu'on n'a pas
toujours tout l'équipement nécessaire pour répondre
immédiatement à leurs demandes. L'admission est faite.
Généralement ce sont les psychiatres qui font l'acceptation ou
non de l'admission à l'hôpital, mais les centres d'accueil ou les
centres de services sociaux demandent souvent qu'on admette des cas.
Maintenant, il y a aussi le centre d'accueil Jeunesse de Tilly qui
reçoit ces cas, quand il n'y a pas possibilité de les mettre
ailleurs.
M. Forget: Je vois. Donc, il y a effectivement des refus que vous
avez opposés à des demandes d'aide. Et vous nous dites, d'un
autre côté, que lorsque les cas sont véritablement trop
graves, même pour que vous puissiez vous en occuper, vous avez pu les
référer avec succès, sans refus, à Pinel.
M. Côté (Serge): Actuellement...
M. Forget: Dans le fond, ce que vous me dites n'est-ce pas
essentiellement ce que disent certains centres d'accueil quand ils appliquent
leurs critères d'admission? Ils jugent également qu'ils ont une
certaine limite à ne pas dépasser et ils en sont les seuls juges,
un peu comme vous êtes les seuls juges de vos admissions. Mais
n'avez-vous pas la même attitude que vous reprochez chez certains centres
d'accueil; de ne pas jouer leur rôle pleinement?
Bien sûr, vous pouvez dire qu'il n'y a pas suffisamment de
ressources, mais je crois qu'il faudrait que ce soit démontré
aussi. Il est clair qu'il y a toujours possibilité d'avoir plus de
ressources, mais il n'est pas évident, à sa face même, que
les ressources soient si disproportionnées à ce qui vous est
demandé et, de toute manière, tout le monde peut dire cela, tout
le temps. Il y a toujours des améliorations possibles.
Mais, à un moment donné, ou on protège la
jeunesse, ou on ne la protège pas avec ce qu'on a. Il est
important, à mon avis, que chacun joue un rôle approprié.
Vous me semblez plus qualifié pour vous occuper de certains cas
difficiles que la plupart des centres d'accueil.
Pour revenir au point de départ, la question que je vous posais,
ces problèmes d'admission dont vous vous faites les seuls juges, est-ce
que dans le contexte ils ne se posent pas de la même façon
vis-à-vis de vous que vis-à-vis des centres d'accueil?
M. Côté (Serge): Je suis pleinement d'accord sur ce
point à la même condition que j'ai posée pour les centres
d'accueil tantôt et, si on vient à nous obliger à prendre
certains cas, qu'on nous donne la possibilité de les traiter
adéquatement.
Mme Dauphlnais: Cela s'impose, disons, une réunion de tous
les centres d'accueil y compris le centre de pédopsychiatrie pour
déterminer les critères d'admission.
M. Forget: Ces réunions ont lieu depuis deux ans, comme
vous le savez, à travers le Québec et n'ont pas donné
lieu, dans un grand nombre de cas, à des conclusions très
concrètes parce qu'il y a énormément de réticence
à en venir à s'occuper des cas sérieux et des cas
difficiles. C'est toujours ce que l'on veut laisser aux autres.
Je pense qu'on touche là du doigt le problème fondamental.
Par ces comités, on réussit peut-être à
définir le problème, mais on ne réussit pas toujours
à lui trouver une solution satisfaisante, c'est-à-dire de
s'occuper en priorité des cas les plus difficiles. Les cas relativement
légers, il y a une concurrence forcenée pour les avoir, mais pour
les cas difficiles c'est l'attitude inverse. Je pense que c'est ce qui nous
amène à proposer dans ce projet de loi un pouvoir de direction et
d'orientation qui ne se situe pas au niveau des centres d'accueil.
Ma question, encore une fois, est toujours aussi pressante: Est-ce que
le même problème ne se pose pas pour les autres ressources
à l'enfance?
M. Côté (Serge): Regardez, par rapport à
cela, on ne s'en sort pas. Regardez Pinel. Je ne dis pas que cela ne doit pas
être chez nous. Je ne sais pas comment le faire au niveau de la
bâtisse. Ce ne sont pas mes préoccupations primaires, comment doit
être organisé l'intérieur d'un hôpital. Mais
regardons ce qui se passe à Pinel par rapport à ces
difficultés, le type d'adolescents là-bas, l'équipe qu'ils
ont pour ces problèmes. Ils ont vraiment une grosse équipe
à Pinel et cela est nécessaire pour ce type de
problèmes.
Je me dis, si dans la région de Québec on veut être
capable de s'occuper de ces gens-là, à ce moment-là,
créons, occupons-nous d'un même type de département.
M. Forget: Les cas qui peuvent, avec avantages pour eux,
être déférés à Pinel, étant
donné le caractère extrêmement spécialisé et
très particulier de Pinel, je ne propose pas qu'il y en ait dans toutes
les régions. Mais, ce qui m'inquiète surtout, ce sont les
demandes que vous avouez recevoir des centres de services sociaux et des
centres d'accueil, pour lesquelles, dans l'opinion des gens qui vous font ces
références, il y a un problème, peut-être à
tort, mais peut-être est-il réel aussi; il y a un problème
psychiatrique, un problème qui va au-delà de simplement un
adolescent qui est difficile à contrôler. Il y a vraiment quelque
chose que l'on soupçonne aller plus loin que cela.
Vous me dites qu'on a dû dire non et, quand on dit non, parfois
c'est à un centre d'accueil qu'il est référé. On
peut s'imaginer que dans ces centres d'accueil ils n'ont pas les conseillers en
orientation, les psychologues et les psychopédagogues, les travailleurs
sociaux, les psychiatres dans le même nombre que vous les avez
vous-mêmes. Ces refus-là, je pense que c'est peut-être le
diagnostic qu'on peut poser sur la difficulté qu'il y a de vivre avec
les règles du jeu actuelles.
A tout événement, je pense que vous avez fait un effort
loyal pour répondre à ma question; je ne veux pas poursuivre plus
longtemps, je vous remercie.
M. Charron: Laissez faire l'autre question.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Alors, nous avons deux
autres organismes à entendre; nous entendrons ces deux organismes cet
après-midi. Il y a le Bureau de consultation jeunesse et le Barreau du
Québec.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 16 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
Reprise de la séance à 16 h 35
Bureau de consultation-jeunesse
M. Houde, Limoilou (président de la commission conjointe des
affaires sociales et de la justice): A l'ordre, messieurs!
J'invite immédiatement le Bureau de consultation-jeunesse
à présenter ses membres.
M. Matteau: Fernand Matteau, travailleur de milieu, Laval.
M. Boivin: Denis Boivin.
M. Jost: Raymond Jost.
M. Petit: Daniel Petit.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Allez-y.
M. Jost (Raymond): On vient ici non pas uniquement au titre du
Bureau de consultation-jeunesse, mais on est un des rares organismes qui
subsistent dans le secteur privé, à but non lucratif,
évidemment, et nous avons différents programmes d'action de type
communautaire qui touchent la jeunesse, essentiellement, mais pas uniquement,
et nous sommes, à Montréal, dans la région
montréalaise, dans deux communautés, si l'on peut dire, l'une est
le quartier centre-sud et l'autre, c'est Laval.
Nous avons différentes fonctions, entre autres une fonction
d'information. Nous avons cru bon, en ce qui concerne cet avant-projet de loi,
d'avoir un certain rôle d'information de ces dites communautés
dans le cadre desquelles nous avons organisé différentes
réunions. Nous venons ici livrer certaines réflexions qui, nous
espérons, tourneront autant au niveau de l'aspect très technique
de ce que peut renfermer un avant-projet de loi, mais surtout et
essentiellement, essayer de décrire la réalité
concrète, quotidienne d'un travail du type communautaire.
C'est dans ce sens que, de toute évidence, en ce qui nous
concerne et ce qui concerne ce groupe, sur le plan des principes fondamentaux,
sur le plan des droits de l'enfant, nous trouvons que ce projet de loi est
relativement bien fait. Nous croyons qu'il y a une série d'autres
groupes qui touchent ces points et qui vont beaucoup plus loin que nous dans la
critique; mais, globalement, si l'on considère l'ancienne loi, c'est
évidemment un pas en avant dans cette tentative de
déjudicia-risation.
Vous avez certainement eu l'occasion de feuilleter les cinq pages de
notre réflexion sur cet avant-projet de loi. Nous sommes prêts
à passer à des réponses ou, si vous
préférez, à essayer de tenter de décrire ce qu'on a
fait et toutes les interrogations que nous pose cet avant-projet de loi. De
toute évidence, dans une des premières réflexions, nous
voyons très difficilement comment les sources et les ressources
inhérentes à une communauté, en ce qui concerne tout
l'aspect de la protection de la jeunesse, pas nécessairement tel que
contenues dans la loi, mais au sens large, peuvent venir contribuer à
l'amélioration des services pour cette jeunesse. Cela nous paraît
d'une absence criante, le fait que je viens de mentionner, ceci, autant si l'on
considère la composition, par exemple, des CLO.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: Merci, M. le Président, je vais d'abord
souhaiter la bienvenue et remercier les membres du Bureau de
consultation-jeunesse pour leur contribution aux travaux de cette commission.
J'aimerais accepter leur invitation de poser des questions. Pour le faire, en
prenant comme guide un certain nombre de conclusions ou de constatations qu'ils
font dans leur mémoire. Le premier point qui se trouve
développé dans ce mémoire, c'est le suivant, à
savoir que l'ensemble des organismes chargés d'intervenir constitue un
ensemble de structures mal définies.
J'aimerais qu'il précise un peu en quoi il pourrait
suggérer d'améliorer ces descriptions en se limitant
peut-être aux éléments les plus significatifs,
c'est-à-dire le comité local d'orientation, la commission
elle-même et le directeur de la direction de Protection de la jeunesse,
en quoi des précisions additionnelles pourraient être
apportées.
M. Jost: En ce qui concerne le CLO, tel que défini
actuellement dans l'avant-projet de loi, on ne retrouve aucun
représentant de la communauté, à quelque titre que ce
soit. Enfin, je n'ai pas besoin de répéter, tout le monde le
sait, à ce premier niveau qu'est le CLO et qui, pour nous, est
assurément la cheville ouvrière de l'application de cet
avant-projet de loi, on ne retrouve aucun participant de ce qu'on peut appeler
une énergie dite communautaire et qui, pour nous, est un rôle,
enfin, qu'un projet de loi doit venir actualiser. On ne trouve donc, dans la
formation des comités locaux d'orientation, aucune donnée
à ce sujet, c'est-à-dire qu'on ne retrouve pas de
représentant de ladite communauté.
M. Forget: Sur ce point, j'aimerais que vous précisiez
votre pensée, puisqu'au contraire, les CLO ne sont-ils pas
constitués, d'après cet avant-projet, de trois personnes, l'une
étant désignée par le directeur de la protection de la
jeunesse, sur le territoire en question, l'autre par le ministère de la
Justice, et la troisième personne étant précisément
un citoyen intéressé, mais qui n'est pas un professionnel, ni des
services sociaux, ni de l'appareil judiciaire, si vous voulez?
Alors, je comprends mal... Voulez-vous dire que ses qualifications ne
sont pas précisées ou en quoi cette troisième personne,
n'est-elle pas justement un représentant de la communauté?
M. Jost: Oui. Je pars du texte que j'ai devant moi.
J'espère qu'on a le même texte...
M. Forget: Oui. Je cite l'article 25...
M. Jost: Oui.
M. Forget: ... n'est-ce pas? L'article 25 définit la
composition des comités locaux et on dit: Chacun de ces comités
est composé de trois personnes, dont un avocat désigné par
le ministre de la Justice, une personne déléguée par le
centre de services sociaux ayant juridiction sur le territoire. Nous avons
là deux professionnels et...
M. Jost: Parmi...
M. Forget: ... une troisième personne parmi les personnes
oeuvrant... Un autre membre du conseil de surveillance de la région,
constitué en vertu de l'article 33. Or, l'article 33... Je ne veux pas
faire intervenir ici toute la discussion du comité de surveillance, sur
lequel nous pourrons revenir. Mais le conseil de surveillance est formé
d'un nombre de personnes désignées parmi des personnes qui
résident dans la région et qui n'ont aucune espèce de
titre professionnel dans les structures officielles. C'est l'article 35 qui
décrit la façon dont cette troisième personne, dans le
fond, est choisie, à même un ensemble, un collège informel
de tous citoyens intéressés à la protection de la
jeunesse. Mais peut-être est-ce un aspect que vous n'avez pas...
M. Jost: Non, c'était un des éléments que
nous avons relevés. C'est vrai qu'avec l'interrela-tion que vous venez
de faire, il peut effectivement se trouver un citoyen et un représentant
de la communauté. Mais on va probablement revenir sur le conseil de
surveillance tantôt, parce que nous, en ce qui nous concerne, je pense,
au conseil de surveillance nous le disons, d'ailleurs, à
côté de l'ensemble des conseils de surveillance, enfin, des
organismes ayant déjà une fonction de conseil de surveillance
cela nous paraît extrêmement lourd de recréer un autre
conseil de surveillance.
Alors, dans notre optique, évidemment, au niveau de cette
interrelation, nous pensons que cette fonction de conseil de surveillance
pourrait relever d'un organisme déjà existant. A ce moment,
disparaissant, cette interrelation ne tient plus.
M. Forget: Sur ce point, je suis d'accord que c'est un aspect que
plusieurs groupes ont soulevé devant nous. On trouve que c'est un
organisme de trop. Je pense qu'il y a peut-être sept ou huit
mémoires qui disent que c'est un organisme de trop, mais j'aimerais
attirer votre attention sur le fait que presque sa seule utilité est de
constituer, dans le fond, un rassemblement d'individus qui constituent,
précisément, les résidents de la région qui
démontrent un intérêt à la protection de la
jeunesse, de constituer, si vous voulez me passer l'expression, un "pool" de
personnes-ressources pour siéger, à l'occasion, aux
comités locaux d'orientation. Un article prévoit même que,
lorsqu'ils le feront et ceci par exemption aux règles
générales dans des modes de participation des citoyens ces
personnes peuvent même être rémunérées pour
leur participation aux comités locaux d'orientation.
Donc, il y a ce mécanisme de représentation du public, du
citoyen intéressé et on peut même, en négligeant
complètement les conseils de surveillance, retenir ce rôle qui,
à mon avis, est un rôle important.
M. Jost: L'autre élément du pourquoi de cette
question est le nombre de CLO. Là aussi, nous qui sommes sensibles au
travail dit communautaire nous existons depuis quatre ou cinq ans
on a remarqué qu'à un certain moment, la notion de
communauté est une population de 10,000 habitants. Dans certains autres
cas, cela peut être de 20,000 ou de 30,000 et, dans d'autres cas, cela
peut être tout simplement un îlot qui peut varier de 1,500
personnes à 2,000 personnes.
Alors, comment peut-on tenir compte de cette notion dynamique de la
communauté dans une loi qui veut impliquer la communauté dans la
recherche d'alternatives. C'était un autre aspect qui était
peut-être mal formulé en disant: II n'y a personne de la
communauté et c'est un autre élément que nous voulions
soulever par rapport au CLO.
M. Forget: Je ne fais que préciser parce que je pense que
cela peut aider a la compréhension. L'article 24 répond
implicitement à cette question en disant: "La commission de la
protection de la jeunesse crée essentiellement autant de CLO qu'il en
est besoin". Si c'est un jugement de fait, à savoir s'il en faut
plusieurs ou un seul auprès de chaque cour, il n'y a rien qui
empêche la commission d'en créer le nombre qui apparaît
approprié.
Peut-être suggérez-vous que la loi soit contraignante
à cet égard, je ne sais pas, mais l'hypothèse de base,
c'est que la commission qui est constituée de personnes
intéressées à la protection de la jeunesse prendra les
décisions à la lumière des circonstances variables que
vous soulignez.
M. Jost: L'autre élément est par rapport aux CLO et
d'ailleurs un peu par rapport à l'ensemble de ce qui se dégage de
la loi et des structures. De toute évidence, pour nous, et on le
mentionne, on dit: Dans un cas sur deux, le jeune qui a affaire à une
structure actuelle du réseau n'y comprend rien, est ballotté, est
disséqué en première ligne, en deuxième ligne, en
troisième ligne, et c'est le minimum, parce qu'à
l'intérieur de ces lignes, il y a encore des dissections, on y
dissèque encore.
Donc, ce que je voulais mentionner, c'est que l'ensemble de cet
avant-projet de loi nous semble amener une espèce de structure qui
s'inspire de principes dont on a mentionné tantôt qu'ils sont
très intéressants, mais qui viennent brouiller déjà
une situation extrêmement difficile, au fond, par le fait que les centres
de décision sont assez mal identifiés. Si nous prenons le CLO, il
n'a finalement qu'un pouvoir de référence. Donc, les centres de
décision sont mal identifiés. On craint fortement que
l'application de cet avant-projet de loi
vienne encore accélérer cette rotation et cette situation
de référence, au fond, et de non-engagement responsable de la
part du réseau. Là, je parle autant de cette situation non
responsable du réseau qui, finalement, dans bien des cas, a comme seul
souci de référer le cas et de se débarrasser dudit cas.
C'est dit peut-être un peu crûment, mais j'aimerais passer la
parole à mes collègues pour illustrer très
concrètement avec des cas ce que je viens d'énoncer. Je parle du
CLO, mais cette réflexion s'applique également un peu à ce
qui se dégage de cette loi. J'aimerais illustrer, à titre
d'exemple, ce que nous faisons.
M. Petit (Daniel): Dans l'ensemble des structures qu'on retrouve
au niveau de l'implantation dans le caractère global de la loi, je situe
très mal au niveau d'un contexte terrain, où il faut trouver la
ressource dite spécialisée en fonction des cas qu'on rencontre
quotidiennement, si je perçois la loi comme un caractère qui va
innover pour simplifier, je le retrouve nullement. J'ai plutôt
l'impression que dans le quotidien, avec un cas que l'on rencontre dans la
communauté, le dédale des services et des
références va être encore optimalisé; les
adolescents auront encore deux fois plus de mal à s'y retrouver, et les
interventionnistes dans la communauté pour faire appel à une
structure spécialisée, vont avoir encore plus de portes à
trouver pour savoir vers quelle structure spécialisée il faut
aller.
M. Forget: Je voudrais savoir qu'elle suggestion vous faites pour
améliorer la situation.
M. Jost: Je pense que de donner certains pouvoirs de
décision "on the spot", immédiatement dans ce qui probablement
pourra être fait dans 60% des cas aux CLO, de telle sorte... c'est cela,
je pense, un de nos postulats de base, la déjudiciarisation n'est
possible qu'à condition qu'on relève le taux de tolérance
d'une population. En dehors de cela, lorsqu'il s'agit de la jeunesse, pour
nous, cela ne peut être que des mots, cela ne peut être que des
velléités, cela ne peut être qu'un rêve à
atteindre, dans la situation actuelle, dans l'état actuel du
réseau des affaires sociales qui au fond se relève d'un lendemain
centralisateur sur le plan structurel, je ne parle pas des individus, je ne
parle pas des professionnels en tant que tels, mais qui se relève d'un
lendemain qui a été nécessaire à un certain moment,
nous en convenons, une des alternatives réalistes d'amener un processus
de déjudiciarisation, c'est de ramener au sein de la communauté
ce que je mentionnais tantôt, une occasion de se mêler de la
protection de la jeunesse au sens large. Dans ce sens, comment voulez-vous
qu'une communauté sur des bases bénévoles... les
communautés, c'est illimité comme potentiel
bénévole, nous le voyons tous les jours, nous avons affaire
à des jeunes que des professionnels que nous sommes, enfin entre
parenthèses je veux dire au BCJ, et dans les endroits où nous
travaillons... Il y a certains professionnels qui acceptent le risque de vivre
de six mois en six mois, que certains professionnels étiqueteraient de
toutes les catégories que la science humaine peut nous décrire...
nous arrivons par le fait d'amener la communauté, par exemple, au niveau
de l'hébergement, c'est un problème aux Affaires sociales,
l'hébergement, on voit encore le problème Saint-Vallier qui est
un problème qui dure depuis dix ans. C'est un réel
problème l'hébergement, on a essayé toutes sortes de
stratégies, on a tenté toutes sortes de pressions, mais cela
reste un problème, l'hébergement. Dans une optique du travail
communautaire, bien souvent et sur une base bénévole et à
condition que les professionnels soient identifiés à cette
communauté, qu'ils connaissent les valeurs de cette communauté,
qu'ils connaissent les modes de communication, nous n'avons pas de
problème d'hébergement, ou très peu, et nous arriverons
à caser les jeunes qui, comme je le dis, peuvent être
étiquetés délinquants, psychotiques, qui ont eu des
problèmes, même les jeunes qui s'évadent de nos
institutions thérapeutiques, très bien structurées, nous
arrivons, évidemment pas dans tous les cas, nos actions ont des limites,
nous le reconnaissons très bien, mais dans certains cas, nous
réglons les problèmes d'hébergement, et cela à
condition, parce que nous avons un pouvoir réel, pas
nécessairement en vertu de telle loi ou telle loi, mais dans les
faits.
Dans ce sens, nous pensons que le CLO doit vraiment devenir la cheville
ouvrière de l'application d'un tel avant-projet de loi.
M. Charron: Peut-être me permettez-vous, puisque le sujet a
été abordé, de glisser immédiatement
là-dessus. Vous avez affirmé que cela vous apparaissait comme une
multiplication des portes. D'autres nous ont exprimé un avis non
contraire, mais différent de celui-là. Il y a peut-être
multiplication de portes, mais les portes ne sont plus une à
côté de l'autre, elles apparaissent une après l'autre. Pour
les passer, le chemin semble assez clair.
La première porte, je suis bien d'accord avec vous pour dire que
c'est la cheville ouvrière de la loi et que les députés
devront travailler à améliorer encore plus son fonctionnement.
C'est le centre local d'orientation. C'est la première porte, celle qui
se présente et, si j'ai bien compris l'esprit du projet de loi, à
peu près tout doit d'abord et avant tout y aboutir, avant même la
cour, avant même Saint-Vallier, avant même Bonsecours. C'est la
première porte. C'est là qu'est le dilemme, c'est là que
l'on peut différer d'opinion.
La liberté de choix du CLO peut être plus grande ou moins
grande et les députés auront éventuellement à
travailler là-dessus. Nous estimons, pour notre part, qu'elle n'est pas
assez grande, cette liberté d'action actuellement, parce que l'article
59 de la loi l'oblige en quelque sorte, aussitôt que le jeune qui lui est
présenté, s'il était adulte, deviendrait susceptible
d'encourir une peine de trois ans, la liberté de choix, tout l'esprit
communautaire que vous avez amplement raison de revendiquer fussent-ils
élargis à la base, n'existent plus; c'est la cour. Autrement dit,
vous avez
raison de le dire, le CLO devient uniquement un centre de
référence.
Là où le CLO a une possibilité d'intervention,
c'est dans les mesures volontaires qu'il peut, à l'occasion, susciter
chez le jeune qui se présente. Pas besoin de l'envoyer à la cour,
nous allons essayer de trouver, avec les parents ou avec le jeune
lui-même, s'il a quatorze ans ou plus, ce qu'on estime pouvoir être
un milieu de traitement. La question qui reste à poser est: Quelles sont
les ressources disponibles maintenant? Evidemment, quelle que soit
l'évaluation que vous fassiez du traitement, si vous n'avez pas la
source disponible par la suite, vous l'avez fait pour rien. J'admets que c'est
aussi un autre problème à régler.
Il y a aussi la possibilité de s'adresser au directeur
général de la division de la protection de la jeunesse, au CSS de
la région, et lui, en vertu de l'article 66 de la même loi, doit
s'occuper de placer le jeune pour le traitement dont le CLO a fait
littéralement application ou recommandation.
M. Petit: J'aurais une question pour M. Forget. Combien, au CSS
de Montréal, y a-t-il de listes d'attente de jeunes pour les foyers
nourriciers?
M. Forget: Vous posez là un problème qui est, dans
le fond, sous-jacent. Quels que soient les lois, le problème des
placements dont on parle, dont on a parlé ce matin et dont on parle
à d'autres occasions, il reste qu'indépendamment des listes
d'attente pour les placements, que ce soit en centre d'accueil ou dans des
familles d'accueil, il apparaît essentiel de ne pas tout mettre nos oeufs
dans le panier du placement. Comme vous le savez, nous avons
énormément d'enfants à placer, ici au Québec, et
nous avons le sentiment que ces placements se font faute de mieux, y compris
les placements en familles d'accueil. C'est plutôt de l'aide aux familles
qu'il faut développer, à l'occasion peut-être des centres
de jour, mais de l'aide aux familles pour surmonter les problèmes dont
elles ne viennent pas à bout sans aide.
Il est évident que, tant que ces moyens ne seront pas pleinement
développés, nous aurons une pression sur des ressources de
placement. Ce n'est pas la loi qui va changer les habitudes de
référence de ceux qui s'occupent de la jeunesse. Ce n'est pas la
loi comme telle, en fait, ce sont les lois des crédits, mais ce n'est
pas cette loi qui peut donner des ressources pour développer des
services de consultation. Cependant, vous savez que le CSS a un programme qui
est sur pied depuis un an ou un an et demi pour développer des
ressources d'abord d'évaluation et, dans un deuxième temps, des
ressources de consultation.
Il est absolument essentiel que ces ressources se développent.
C'est vers ces ressources que les références vont devoir se
faire. Pas seulement sur le placement.
M. Petit: II y a deux choses à considérer dans
votre réforme. Vous admettez qu'il faut faire le lien entre le
problème de l'adolescent et le problème familial, chose qu'on ne
retrouve pas dans la loi, et par expérience...
M. Forget: On le retrouve dans la loi, puisque...
M. Petit: A quel niveau?
M. Forget: On le retrouve dans le préambule; on le
retrouve dans la façon dont toute la première partie de la loi
est exprimée. On retrouve à plusieurs moments l'indication que
c'est l'intérêt de l'enfant qui doit guider la décision sur
les mesures, que ces mesures elles-mêmes doivent être
orientées vers le retour ou le maintien, le cas échéant,
de l'enfant dans son milieu familial. Ceci doit être lu
simultanément avec les autres dispositions de la loi. Il est clair que
c'est là une orientation qui se retrouve dans le texte, mais, encore une
fois, le texte, à lui seul, ne changera pas les habitudes. Il faut en
être bien conscient.
Le texte indique une orientation et permet un mécanisme qui n'est
pas seulement un mécanisme de référence à des
ressources de placement, mais à des ressources beaucoup plus largement
définies. Vous avez d'ailleurs un peu plus loin toute une
énumération des mesures volontaires qui peuvent devenir, le cas
échéant, si on y résiste, des mesures obligatoires sur une
requête faite à la cour. Il n'y a qu'une mesure sur une douzaine,
je crois, qui consiste dans un hébergement obligatoire. Toutes les
autres sont des mesures d'assistance à la famille.
M. Petit: M. Forget, je suis un travailleur de milieu, un
travailleur de rue. Ma fonction consiste à être présent
dans la communauté avec des jeunes en situation de crise, au lieu
même où cela se produit.
Je suis souvent appelé par des juges à la Cour du
bien-être social, pour être une ressource au niveau d'un placement
en foyer nourricier. Je m'explique mal cette situation, parce qu'il est
déjà prévu, et vous l'avez dit vous-même, qu'il y a
des gens qui doivent travailler pour trouver une ressource de foyer nourricier.
Dans la situation quotidienne qu'on rencontre, sans faire appel à ces
ressources, on devient des personnes-ressources pour trouver un foyer
nourricier, dans le corps d'un travail en communauté. C'est une
situation quotidienne.
M. Forget: Cela n'a rien de surprenant qu'on vous demande d'aider
à trouver des foyers nourriciers si, généralement, et en
dehors du milieu que vous constituez, parce que vous intervenez directement
auprès de la jeunesse, si, d'habitude, et traditionnellement, la seule
réponse qu'on ait jamais fournie aux problèmes de la jeunesse,
c'était le placement.
Il est évident que les juges de la cour, traditionnellement et
par habitude, soit portés à vous demander de les aider pour cette
mesure, puisque c'est cette mesure qui est connue et appliquée de
façon traditionnelle depuis des dizaines et des dizaines
d'années. Il va donc falloir faire un effort de persuasion et un effort
de démonstration de l'efficacité des autres mesures. Mais c'est
à ceux qui appliquent les autres mesures de démontrer qu'el-
les sont pratiques, qu'elles sont réalistes et qu'elles
obtiennent les mêmes résultats.
Il ne s'agit pas de convaincre les membres de cette commission, parce
que nous avons eu l'occasion, au cours d'une autre séance et au cours de
cette séance-ci, d'affirmer tous, les uns après les autres que
ces mesures doivent être utilisées, mais il ne s'agit pas de
l'affirmer seulement, il va falloir les utiliser et, pour les utiliser,
démontrer à l'occasion, à la cour, si c'est à la
cour qu'on doit faire la démonstration, dans les cas qui viennent devant
elle, que ces autres mesures existent également, qu'elles peuvent
apporter des solutions aux problèmes et qu'elles ont une
efficacité comparable et même supérieure, je crois, au
simple placement. L'efficacité du placement n'a pas été
démontrée, comme vous le savez, en termes de réadaptation
et de capacité de résoudre le problème à long
terme. Elle résout le problème à court terme,
évidemment, mais on traite le symptôme beaucoup plus que la
maladie.
M. Jost: Je pense qu'on touche là un des points vraiment
cruciaux de cet avant-projet de loi, de l'esprit et de son modèle
d'application. Ce sont justement toutes ces conditions innovatrices
nécessaires qui vont soutenir tout cet esprit de loi au niveau de son
application et des ressources à l'autre bout. C'est là où,
par notre message c'est un des messages que nous voulons passer
il ne faut surtout pas se leurrer. Quand on prend la réalité, tel
que notre collègue vient de le démontrer, ce n'est pas vrai.
Quand il s'agit d'un hébergement, nous fonctionnons dans le
modèle traditionnel des structures, des anciennes agences sociales
centralisées qui se perdent, qui se cherchent, et on se demande comment
on va faire pour pouvoir simplement répondre aux cas dans le
système.
Maintenant, prenons les cas qui ne sont pas le système et qui ont
autant droit à une plus grande justice sociale, que fait-on de
ceux-là qui ne sont pas dans le système?
Premièrement, les conditions innovatrices, les modèles
alternatifs qui sont nécessairement les supports de l'application de
cette loi, c'est quoi, c'est comment? Vous me direz: Ce n'est pas l'objet de la
commission, ce n'est pas l'objet de l'avant-projet de loi.
Nous venons apporter ce témoignage, parce que nous sommes dans un
secteur on vous l'a dit au début privé, qu'on
identifie en général au bénévolat, aux petits
faiseurs... aux petits pauvres.
Par année nous subissons au moins trois contrecoups dans le sens
d'une intégration, dans le sens d'un rachat. Venez rejoindre nos
structures, venez rejoindre notre permanence, nous avons tout ce qu'il faut.
Les CSS ont des postes inoccupés, cela ne trouve personne. Mais,
pourquoi cette situation? Pourquoi le ministère des Affaires sociales,
qui est conscient de cette réalité, n'émettrait-il pas des
directives du type administratif, de meilleures redistributions de ressources;
elles existent, en grande partie mais elles sont mal distribuées, et
l'esprit qui y prévaut, à l'intérieur, va à
rencontre même de ce projet de loi qui a des longueurs d'avance, d'un
certain point de vue, mais qui va se heurter, dans son application, à
l'état actuel de l'organisation administrative du réseau. C'est
le fond de notre message.
Dans ce sens, créons un programme au sens PPBS du terme, au sens
de rationalisation de choix budgétaire, pour permettre de créer
une espèce de force contrebalançante à l'ensemble du
réseau existant qui se débat pour sa survie, qui ne se
débat plus pour les véritables problèmes et qui ne
répond plus aux véritables besoins. La plupart des structures du
réseau tournent sur elles-mêmes et se justifient par rapport
à elles-mêmes mais pas par rapport aux besoins.
Prenons n'importe quelle situation. Là, en termes d'illustration
et d'exemples, c'est criant. Alors, arrêtons de nous plaindre que le
fédéral s'ingère par ses programmes d'initiatives locales,
PJ, etc., mais c'est notre seul moyen, à nous, de maintenir un tant soit
peu cette énergie créatrice qui va faire avancer tout processus
de déjudiciari-sation.
Dans ce sens-là, nous venons dire ici que c'est grave. Dans la
région métropolitaine de Montréal et nous ne
voulons pas généraliser non seulement les quelques groupes
qui travaillent dans ces secteurs, BCJ, il y a trois mois, on devait passer
entièrement au ministère, vous devez être au courant du
dossier, M. le ministre; on devait carrément passer au ministère.
Pourquoi? Pour nous intégrer au CSS? Dans l'état actuel des
choses? Certainement au niveau d'une sécurité d'emploi.
Certainement en fonction d'une spécialisation, d'une
surspécialisation, d'accord. Mais nous sommes, essentiellement, un
groupe qui rejoignons les personnes dans leur dimension communautaire, qui
pensons, qui croyons à cet avant-projet de loi, qui croyons à
l'esprit, mais qui disons: II ne faut quand même pas se leurrer. Dans la
réalité, à l'autre bout, ce n'est pas cela du tout.
M. Forget: Je n'ai qu'un bref commentaire et, après, je
n'ai plus d'autres questions. C'est un témoignage très
significatif que nous venons d'entendre de la part d'un organisme qui est dans
le secteur privé, tel qu'on l'a dit, c'est-à-dire qu'il n'est pas
intégré aux centres de services sociaux. Il a effectivement
été question de son intégration.
On nous dit: II y a des changements à effectuer pour assurer que
ce réseau d'établissements publics que sont les centres de
services sociaux jouent vraiment leur rôle. On nous indique
également qu'il faudra définir mieux les responsabilités
de manière qu'elles soient effectivement assumées. Je suis fort
heureux que l'on souligne ce besoin, puisque c'est un des aspects que l'on veut
toucher dans cette loi, mais c'est également un des aspects d'autres
types de décision, comme on le souligne, relativement à
l'utilisation des ressources qui devront accompagner l'application de ce projet
de loi et nous y reviendrons.
D'autre part, j'aimerais souligner qu'on vient de nous faire aussi le
plaidoyer qu'il y a trop de
portes différentes et qu'il y a trop de confusion, même
à l'heure actuelle et en dépit des efforts de centralisation,
comme on les a qualifiés, je pense, à juste titre, puisqu'il y
avait une multiplicité d'agences sociales qui sont devenues maintenant
un seul centre de services sociaux. Il va falloir concilier et je crois
que cela ne peut se faire que par la loi qui détermine quelles sont ces
structures et comment se répartissent leur responsabilité
il va falloir établir un équilibre entre cette
préoccupation d'assurer une clarté, une limpidité des
responsabilités de pouvoir informer chaque personne où elle
s'adresse dans chaque circonstance et, d'un autre côté, ces
préoccupations que manifeste le Bureau de consultation-jeunesse à
l'effet qu'il ne faut peut-être pas tout centraliser. Il y a là un
équilibre qui est difficile à atteindre et que l'on cherche
peut-être à atteindre en partie par cette loi qui détermine
des responsabilités de référence et aussi de
décision vis-à-vis d'autres organismes qui, eux, ne perdent pas
leur identité. Sur ce, je termine parce que je crois que c'est un sujet
qui nous occupera sans aucun doute au cours de l'étude du projet de loi
véritable, mais j'attire l'attention des membres de la commission sur
l'équilibre à maintenir entre les deux.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: Je pense que la contribution la plus importante que
peut faire le BCJ et ceux qui l'accompagnent aux travaux de la commission, est
celle qu'ils ont choisie de nous présenter à partir de leur
expérience pratique. Je ne vous poserai pas de question sur la situation
actuelle, quoique vous pourrez peut-être me répondre en y faisant
allusion, mais notre devoir à nous est de voir ce qui arriverait,
croyons-nous, si la loi devait être appliquée comme cela. A quelle
pierre pourrait se heurter l'application de la loi, même si on
choisissait de la faire théoriquement la plus belle possible? Que
pensez-vous, avec l'expérience concrète que vous avez
auprès des jeunes, de l'article 59 qui oblige le CLO à
référer immédiatement à la cour les cas dont je
vous ai parlé tantôt ceux qui, au code criminel,
mériteraient trois ans et plus à un adulte si cela devait
être appliqué comme tel, indépendamment du jugement que
vous allez porter là-dessus, qu'arrivera-t-il à la cour?
Assistera-t-on encore à l'engorgement dont on a parlé ce matin,
les ajournements sine die, les motions déférées? Est-ce
que l'esprit de la cour parce que de cela aussi vous avez une
expérience concrète - pourra être modifié du
fait qu'une nouvelle loi est venue l'encadrer, la situer?
M. Boivin: J'aimerais répondre partiellement et faire
compléter par quelqu'un d'autre. Je reviens peut-être sur le
débat que vous souleviez par rapport au CLO et il me semble que le CLO
on le voit beaucoup plus puissant, beaucoup plus autonome, beaucoup plus comme
une charnière qu'il n'est actuellement, avec une possibilité
d'avoir recours, d'un côté, à des services
spécialisés qui sont peut-être les services du CSSMM, si on
parle de la direction de la protection de la jeunesse, mais qui ne sont pas
toujours nécessaires. C'est-à-dire qu'en travaillant dans la
communauté, on se rend compte qu'il y a des jeunes qui ont besoin d'une
évaluation psychiatrique ou qui ont besoin d'une thérapie
particulière ou qui ont besoin d'une enquête communautaire faite
selon les normes qui les régissent et cela demande le service d'un
professionnel dûment mandaté. Par contre, il me semble que le CLO
pourrait aussi avoir comme ressources et ces ressources ne sont pas du
tout mentionnées des ressources communautaires je
chambarde la loi, je m'en rends compte qui existent actuellement, mais
qui ne sont pas reconnues comme étant capables de régler un
paquet de choses dans une communauté. Je veux dire, le petit bonhomme,
pour qui on demande de la protection, n'est pas nécessairement un
bonhomme qui souffre d'un problème grave au dernier degré, mais
une intervention correcte de la part de quelqu'un qui travaille dans un
organisme communautaire, qui connaît le milieu de vie du petit bonhomme
qu'il s'agisse de centre-sud, qu'il s'agisse de Laval, qu'il s'agisse
d'Ahuntsic je pense que la situation est très
différente.
Il y a beaucoup de problèmes qui peuvent être
réglés à ce niveau, à condition que les organismes,
qui travaillent au niveau communautaire, agissent aussi comme ressource pour le
CLO et qu'on ne réfère pas automatiquement, simplement aux
services spécialisés que sont les CSS et aux services de la cour
qui sont aussi très spécialisés dans ce domaine. Pour
illustrer par rapport à l'article 59, je pense peut-être que
d'autres personnes...
M. Petit: Souvent dans l'action tu rencontres des jeunes qui ne
sont pas des délinquants, mais qui le deviennent par la force des choses
pour avoir des services spécialisés. On ne retrouve pas dans la
loi une situation de crise, qui n'en est pas une de délinquance, mais de
crise quand même au niveau personnel. Je ne vois pas un changement
à ce niveau, parce que, pour avoir des services, il faut qu'il soit
étiqueté. Plus ton étiquetage est chargé, plus tu
as des chances d'avoir des services spécialisés.
M. Charron: C'est ce qui te faisait dire ce matin, avec un autre
groupe, qu'il est arrivé que des avocats aient conseillé à
un jeune client de plaider coupable pour ainsi s'assurer que le juge n'aurait
pas d'autres choix que de le placer là où il pouvait recevoir des
services. Autrement, s'il plaide non coupable, s'il gagne sa
non-culpabilité, il doit revenir dans un milieu exactement le même
que celui qui l'a initié au délit pour lequel on l'avait
traîné en cour, sans aucune ressource d'intervention, sans que
personne n'aille le retrouver dans son foyer, dans sa maison, dans sa vie
communautaire.
M. Petit: C'est sûr que, lorsque tu procèdes de
cette façon, c'est monnaie courante.
Lorsque tu isoles un adolescent de sa communauté, tu l'isoles
temporairement, il y retourne toujours. Si c'est un milieu criminogène,
il y a beaucoup de chances de récidive. Il n'y a pas de structures de
"follow up" en son niveau familial, tangibles actuellement, et je n'en vois pas
dans la loi qui ont sapé le problème à la base avec une
équipe d'interventionnistes qui reflètent l'esprit communautaire.
Des situations comme celles-là, j'en ai vécues plusieurs, je
trouve cela dommage. Dans le secteur où je travaille, il y a une forme
d'intoxication qui existe, qui s'appelle la colle, qui est très peu
connue. Nous travaillons avec 50 jeunes qui sont intoxiqués à la
colle qui amène un grand nombre de problèmes secondaires au
niveau de la santé, psychologique etc.. Dans l'esprit de la nouvelle
loi, je me demande qui va détecter cette nouvelle forme de
problème social? Qui peut faire une expérimentation? Où
est la marge de tenter d'expérimenter quelque chose? C'est un des
problèmes de ma communauté, et il y en a plusieurs.
Actuellement, on ne peut pas trouver des ressources
spécialisées qui peuvent s'occuper de ces jeunes. On doit pour
leur trouver une ressource, contourner le problème, attendre qu'il y ait
un délit. Quand il y a délit, il faut préparer la
structure qu'on juge la plus apte à accueillir ce jeune, parce qu'il
n'est pas dans les normes d'admissibilités courantes. En plus de
contourner, il faut contourner la difficulté de la ressource
spécialisée qui n'est pas là dans les dédales des
services sociaux pour répondre explicitement à ce
problème.
M. Charron: Objet de discussion latent à ce projet de loi,
les ressources sont donc quasi inexistantes, je dirais, avant d'arriver au CLO.
Dans le domaine de la prévention du domaine public, vous êtes des
organismes privés. Qu'est-ce que publiquement on compte au Québec
actuellement, vous devez le connaître si cela existe, puisque vous devez
travailler conjointement à l'occasion? Au moins être conscient de
leurs actions. Qu'est-ce qui existe je reprends mon image en
avant du CLO, dans ce genre de prévention de détection des
problèmes sociaux qui, si on les laisse sur place et si on y laisse les
jeunes vivre à l'intérieur, vont les conduire
éventuellement comme criminels, comme des personnes ayant des
démêlés avec la justice devant le CLO?
M. Petit: II existe un réseau informel de ressources, mais
très informel. Tu peux trouver à l'intérieur d'un service
spécialisé qui soit du CSS ou du centre d'accueil, une personne
qui va être apte à dépasser son mandat pour travailler avec
le jeune que tu lui réfères pour voir si tu peux essayer de lui
éviter tout le processus.
C'est cela qui existe, mais ce réseau informel vient de multiples
contacts d'interventionnistes, de multiples centres d'intérêt, de
multiples discussions en dehors du cadre précis des problèmes que
tu rencontres.
En illustrant par un cas, tu peux voir comment c'est informel tout en
étant compliqué, c'est bien évident. Qu'est-ce que tu sens
aussi? Tu ne sens pas la structure qui va te détecter, qui va aller en
avant des coups. Tu ne le sens nullement dans un projet de loi qui se veut pour
les enfants, les adolescents. Je trouve cela réellement grave qu'il y
ait une mauvaise connaissance de problèmes sociaux inhérents
à une communauté, et encore plus qu'on nous dise qu'il est
prévu que... Dans le réel, qu'est-ce que cela amène?
M. Charron: Ce matin, un député, membre de la
commission, qui n'est pas ici cet après-midi, a soulevé la
question de la prévention étendue en milieu scolaire. Est-ce que,
par exemple, dans les quartiers que vous représentez, ceux de la
banlieue nord de Montréal et le centre sud, chez nous, il existe de la
prévention en milieu scolaire et de l'action publique menée
à partir des fonds publics de prévention et quelle valeur
a-t-elle à vos yeux?
M. Petit: Je vais te répondre qu'un de nos programmes
comme "strict worker" s'appelle la recherche d'emploi. Il y a un conseiller
spécial de la main-d'oeuvre qui nous est détaché une
matinée par semaine pour recevoir nos cas spéciaux. Cette
semaine, en trois entrevues, il y avait un jeune de quatorze ans en recherche
d'emploi qui ne savait ni lire ni écrire, qui était en secondaire
III dans une polyvalente du secteur; il venait en recherche d'emploi à
quatorze ans et, légalement, l'école en question a fait signer
aux parents une décharge.
Quelle aspiration puis-je donner à ce jeune qui ne sait ni lire
ni écrire en secondaire III et qui est en recherche d'emploi? C'est
grave. Un permis est possible à quinze ans. Sur les neuf clients qu'on a
reçus cette matinée-là, il y avait trois jeunes dont un de
seize ans et un autre de dix-sept ans qui ont quitté en septembre ou en
novembre l'école en question en secondaire III et qui n'étaient
pas capables de remplir le formulaire d'inscription au centre de la
main-d'oeuvre.
Face à cela, je me demande: Cela est-il sérieux? Des
écoles, d'accord, mais je me demande aussi comment, à
l'intérieur de cette nouvelle loi, on va contrer ces états de
choses qu'on retrouve. Je ne le vois pas; avec toutes les bonnes intentions de
M. le ministre, qui essaie de m'expliquer que le reflet de la communauté
est évident, moi, je ne le vois pas. La réalité qu'on
essaie d'expliquer, c'est une réalité comme celle-là.
M. Charron: Qu'est-ce qui existe comme ressources autres que les
foyers d'hébergement et les centres d'hébergement, les centres
d'accueil?
M. Petit: Les hôtels miteux de mon secteur.
M. Charron: Les expériences ne sont pas très
favorisées au niveau de la Cour du bien-être social, cela, il ne
faut pas se le cacher, mais les références du jeune en milieu
ouvert auprès des organismes comme le vôtre, par exemple,
sont-elles uniquement exceptionnelles, est-ce par mauvaise foi de la cour que
cela se présente ou uniquement
parce qu'il n'y a absolument pas de ressources disponibles dans ce genre
de solution et que la cour doit donc se résigner, parce qu'elle se voit
obligée à prescrire une thérapie quelconque à un
jeune qui s'est rendu jusque devant elle, à ce qui est disponible,
c'est-à-dire la liste d'attente des foyers d'hébergement ou
Berthelet Beach?
M. Jost: Je pense que c'est là une autre question un peu
de fond de l'application de cet avant-projet de loi qui, vraiment, est dans
cette zone qu'on peut appeler préventive de recherche d'alternatives,
d'autres mesures que l'institution ou les mesures traditionnelles, etc.
Dans l'état actuel des choses, ce que l'on constate, c'est, je
pense, qu'il existe quasiment rien en termes de faits. Je ne parle pas des
intentions des professionnels et de l'ensemble des structures. Plus ça
monte dans la hiérarchie des structures, plus les intentions sont
grandes, évidemment, d'aller vers la prévention.
Peut-être que ce qu'on oublie et ce qu'on a du mal à voir,
parce qu'on n'a peut-être pas eu la chance d'avoir un certain
passé au niveau de la recherche d'options sérieuses avec un
minimum de mise de fonds on a des projets de six mois en six mois et on
se demande chaque fois par qui on sera payé avec tout le
sérieux au niveau de la recherche, au niveau de l'évaluation, au
niveau des conditions nécessaires, à peut-être un
ministère pour institutionaliser, entre guillemets, ces programmes. Il
n'existe quasiment rien dans les faits. C'est dans ce sens qu'on dit qu'on a la
chance, par ce projet de loi, de faire un pas dans ce sens. Mais, faire un pas
dans ce sens, ce n'est pas nécessairement uniquement avec des
déclarations de principe ou des envies de faire de la prévention.
Pour nous, la prévention n'est pas un mot miracle. C'est une
qualité organisationnelle d'un réseau où on retrouve
autant des ressources dites formelles, spécialisées que des
ressources dites informelles, mais aussi spécialisées.
Il ne faudrait pas penser que le travail communautaire est un travail de
première zone, donc de moindre qualité et de moindre exigence.
Bien au contraire. Mais, pour amener des professionnels qui ont
été formés on en forme 35 actuellement, et on les
appelle les "lologues", on forme des "lologues", c'est la mode pour
amener ces gens sur le terrain, cela prend des conditions matérielles
minimales. C'est dans ce sens qu'il y a un trou énorme, en ce qui nous
concerne, dans cette zone de milieu ouvert, appelons-la préventive,
appelons-la recherche alternative, etc. C'est là que nous faisons un
message très pressant au ministère des Affaires sociales et je
pense que M. le ministre en est très conscient.
Ces options n'existent pas. La résistance que toute politique va
trouver, au niveau de ces structures intermédiaires, au niveau des
professionnels, sera réelle. Nous pensons qu'il y a un modèle
administratif à promouvoir pour encourager ces structures à
sortir de leur chasse gardée, de leur sécurité
institutionnelle. Nous ne parlons pas seulement des institutions, mais nous
demandons d'encourager, par une politique administrative plus souple, où
le contrôle n'est peut-être pas la première exigence, tout
en sachant qu'il faut du contrôle. C'est là qu'un projet de loi
comme celui-là peut faire faire un pas de plus dans la recherche
d'options. Mais cela se fait avec des faits.
M. Charron: Cela se fait avec de l'argent aussi!
M. Jost: Nous comprenons évidemment que les faits, c'est,
dans ce sens, l'argent.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Taschereau.
M. Bonnier: Je veux seulement faire préciser. On parle
depuis tout à l'heure de mesures préventives, j'ai l'impression
qu'on tourne un peu autour du pot, pouvez-vous nous donner des exemples
très précis? Par exemple, si vous nous donniez une explication
plus détaillée de votre travail communautaire, parce que vous
faites du travail communautaire, qu'est-ce que ce serait? Selon vous, d'une
façon globale, pour qu'une loi comme celle-là fonctionne
vraiment, est-ce qu'il nous manquerait un certain nombre de structures de
fonctionnement, à un moment donné, d'organismes auxquels soit les
parents, soit les jeunes puissent facilement se relier avant que la machine
elle-même puisse être mise en marche? Est-ce cela que vous voulez
dire?
M. Jost: Oui, je pense qu'on peut citer une série
d'exemples et devenir très concret. D'abord, au préalable, on a
souvent eu l'expérience de travailler comme l'école, par exemple.
On est presque prêt à affirmer il y a des recherches
actuellement en cours au BCJ, il y a des travaux sérieux qui se font
qu'une politique et des activités dites préventives sont
quasiment impossibles à mener dans un milieu même structuré
qui s'occupe de la jeunesse d'une façon spéciale; par exemple, le
secteur scolaire ou le secteur des loisirs automatiquement repoussent vers
l'extérieur de ces structures une catégorie de jeunes qui ont
besoin de mesures d'ordre préventif autres que celles que dispense cette
ressource.
M. Bonnier: ...
M. Jost: C'est cela. D'une part, et, d'autre part, toute
tentative de ces structures d'élargir leurs possibilités est
quasiment vouée à l'échec, parce que, d'un point de vue du
jeune, l'école, c'est l'école, et les adultes dans
l'école, ce sont des enseignants qui sont identifiés avec leur
fonction première d'enseignants.
Pour rejoindre ces jeunes et c'est là qu'on parle de
structures et qu'on entre dans notre travail concret c'est le travail de
milieu. Qu'est-ce que veut dire le travail de milieu? D'abord, cela veut dire
accepter de travailler en dehors des heures dites normales. Tout de suite, vous
sélectionnez 75% de professionnels. Qu'est-ce que cela
veut dire? Cela veut dire être capable de comprendre, de saisir
des réalités simples d'une communauté, sans toutefois
s'identifer à cette communauté ou se faire le complice de cette
communauté dans certains de ces dits fonctionnements, ce que arrive,
évidemment. Qu'est-ce que cela veut donc dire? Cela veut dire être
présent les soirs, les fins de semaine, cela veut dire avoir une
possibilité d'organiser une série d'activités de loisirs
qui vont des activités d'ordre de coups de main au niveau de
l'apprentissage à l'ordre de sorties à l'extérieur du
milieu. C'est un élément concret de notre travail. Qu'est-ce que
c'est encore? C'est, dans certains cas, être assez
spécialisé pour traiter dans le milieu même, en relation
avec la famille, en relation avec son entourage quand celui-ci est sain, avoir
donc une capacité de travailler au niveau des activités dites
thérapeutiques.
Ce sont des exemples concrets de programmes dits d'ordre alternatif et
dits d'ordre préventif. C'est essentiellement d'être à
côté des structures sans toutefois être marginal, quoique
nous ayons vu des thérapies qui peuvent être appliquées
dans un cas de marginalité, mais c'est d'être à
côté des structures et d'avoir et c'est le grand point
une possibilité de partager son travail, d'avoir la
possibilité de se sentir appartenant à et là, je
suis bien obligé d'employer le mot structure mais une structure
qui, elle, dans bien des cas, permet l'accessibilité au monde de la
justice, permet l'accessibilité aux services spécialisés,
permet la crédibilité. C'est un des grands problèmes du
travail d'ordre préventif et d'ordre alternatif. Les gens se
brûlent. Au bout de six mois, au bout d'un an, au bout de deux ans, les
gens sont vidés. Pourquoi sont-ils vidés? Parce que, dans bien
des cas, ils n'ont travaillé qu'avec leurs tripes et, chaque fois qu'ils
étaient mûrs et prêts, par leurs qualités, à
entrer en relation avec tout l'appareil judiciaire ou l'appareil social, il y
avait une une espèce de blocage. C'est la reconnaissance de cette forme
de travail et de ces formes d'activités qui, je pense, vont amener un
caractère préventif aux interventions que j'ai mentionnées
tantôt.
M. Bonnier: Si je saisis bien, si vous me permettez, est-ce que
ce serait un certain nombre de types de bénévolat un peu
spontané dont l'existence a été un peu amoindrie avec
l'établissement si on veut porter un jugement de valeur un
peu trop systématique peut-être de tout l'appareil. Est-ce cela
que vous voulez dire?
M. Jost: C'est évident que si on analyse la carte actuelle
des services, et si l'on pense que le bénévolat est un
élément d'un service bien important, c'est sûr
qu'actuellement le bénévolat est en régression. C'est
sûr que les mesures d'ordre préventif doivent intégrer et
intégreront nécessairement et valoriseront même le
bénévolat actuellement de plus en plus en régression.
Loin de moi d'imaginer et de penser que tout le travail préventif
et tout le travail du type communautaire sont alternatifs aux mesures
actuellement existantes peuvent se faire sur une base de
bénévolat. De toute évidence, si on n'attire pas des
spécialistes; quand je dis spécialistes, je considère
même que nous avons certaines expériences où le psychiatre,
le psychologue, le juge... Nous avons des expériences concrètes
de juges qui viennent dispenser un service d'ordre qu'on peut qualifier
préventif dans une communauté. Cela veut dire qu'ils viennent,
cela veut dire qu'ils acceptent et qu'ils ont une toute autre forme d'approche
que celle de recevoir quelqu'un, derrière son bureau.
Le travail communautaire, je ne veux surtout pas l'identifier au
bénévolat parce que ce serait...
M. Bonnier: C'est ce que j'entends, c'est une structure
bénévole comparativement à l'autre qui est plus...
M. Jost: C'est cela.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, il y a eu une allusion, je
dois l'appeler comme cela, dans le mémoire présenté par le
BCJ à la structure du CLSC. Je ne sais pas si cela vient de
l'expérience de perspective Z avec le CLSC centre sud, mais on souhaite
en fin de compte un rattachement du CLSC, avec le CLSC, de quelque façon
parce que c'est en soi, l'a-t-on voulu ainsi, un organisme communautaire. Quand
nous avons étudié la loi 65, le Parti québécois
avait présenté, à ce moment, un amendement qui visait
à permettre aux CLSC de fonctionner par contrat avec des organismes
autonomes, c'est-à-dire ne pas récupérer des organismes et
en faire des fonctionnaires du CLSC, mais là où un organisme
privé fonctionne et aux yeux du CLSC remplit la fonction adéquate
sur le territoire du CLSC, pas besoin de l'intégrer, il suffit au
contraire d'établir un réseau, un contrat par lequel on s'engage
avec une disposition à ce que ces services soient maintenus. Cet
amendement a été défait par le gouvernement. Cela a
déjà causé un problème ici pour un CLSC de la
basse-ville de Québec, cette question qui est réglée.
M. Bonnier: C'est réglé.
M. Charron: C'est une question de contrat avec les avocats
populaires, puisqu'ils ont été intégrés.
Est-ce que cette particularité de permettre à un CLSC de
fonctionner par contrat ferait que les caractères préventifs sur
lesquels nous venons de discuter, d'organismes oeuvrant littéralement au
niveau de la rue, au niveau du quartier pourraient être
accélérés ou amplifiés, puisque nous avons fait
état du peu de ressources dans ce domaine.
M. Petit: ... un court historique du comité-jeunesse du
CLSC centre sud qui date depuis le mois de mai. Ce sont des interventionnistes
qui
oeuvraient dans des organismes à caractère-jeunesse qui se
sont réunis autour d'une table pour considérer l'état des
services-jeunesse du secteur centre sud. Ils étaient huit organismes
à caractères marginaux ou pas dans les structures. Le
comité-jeunesse s'est créé par une proposition qui a
été faite au CA du CLSC et il fonctionne depuis sept ans.
En l'espace de trois mois, nous avons eu à se sensibiliser sur ce
qu'on faisait mutuellement. On s'est donné des mécanismes avec le
bureau consultation-jeunesse de faire une fois pour toutes une recherche
quantitative et qualitative des services-jeunesse, pour bien identifier notre
population au niveau de la communauté. A partir d'autres points
d'intérêts, nous nous sommes rendu compte que, sur les huit
organismes, qui participaient au comité jeunesse, il n'en reste que
deux. Tous les autres sont disparus pour manque de fonds. Quand tu parles de
sous-contrat, il est bien évident que le comité-jeunesse parle
plutôt de reprise par le CLSC, devant l'urgence de la situation qui n'est
pas idéale pour nous de continuer les actions que le CLSC a
considérées valables parce que les organismes, en plus de rendre
un service, sont appelés à siéger sur le comité et
disparaissent. Ils ont à se battre pour leur survie.
De plus, le comité-jeunesse s'est adjoint des structures
consultatives dont la police, section aide à la jeunesse, ce qui nous a
permis, au niveau de l'action, de voir un nouveau concept d'intervention. Au
comité-jeunesse, les gens vont dire qu'un policier de la SAJ,
maintenant, est un interventionniste comme nous autres, qui est là en
situation de crise avec des adolescents et l'échange de services qui
s'est établi, dans notre secteur, donne des résultats qui
évitent souvent des comparutions à la cour, parce qu'il y a un
meilleur dépistage. Mais devant l'urgence de la situation, le
comité suggère aux CLSC de reprendre nos actions avec l'aide des
organismes qui pourront survivre, mais qu'eux subventionnent d'après le
résultat de la recherche et des services les plus prioritaires qui ont
fait le consensus, en s'adjoignant des spécialistes du CSS au niveau de
cas très précis, parce qu'on n'a pas retrouvé, dans nos
négociations avec le CSS, ce souci de la communauté.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Autres questions des
membres de la commission?
M. Saint-Germain: Vous avez mentionné, il y a quelques
minutes, que vous alliez nous donner des exemples pratiques du genre de travail
que vous accomplissez dans votre communauté et, dans la discussion, cela
s'est perdu. Si vous voulez bien, M. le Président, on pourrait revenir
là-dessus.
M. Jost: Oui. D'accord.
M. Petit: Pour reprendre ce que l'on appelle une approche
préventive. Par notre présence dans le secteur, dans certaines
salles de billard souvent ce sont les endroits où les adolescents
se tiennent par le fait des valeurs véhiculées par les
animateurs terrains, qui ne sont pas des valeurs complices avec le milieu, au
niveau de comportement délinquant, il nous est arrivé souvent
seulement par notre présence d'avoir rencontré des
jeunes, qui sont venus nous voir pour nous dire: Demain je fais un vol, j'ai
mon révolver et puis je donne la "claque". C'est sûr que le jeune
qui vient nous voir n'est pas décidé à faire son vol, si
on veut, mais il ne veut pas se faire faire la morale non plus. Par notre
connaissance du milieu, la sublimation du milieu criminogène des gars
qui marchent avec des révolvers, on se doit d'allier le
côté interventionniste en respectant les valeurs culturelles et
essayer de l'empêcher, pour le moment, de faire son vol et de le
reprendre et lui donner autre chose comme centre d'intérêt et
qu'il se revalorise au niveau de son groupe. Cela, c'est une action que l'on
fait et que je considère comme préventive.
Un autre genre d'action qu'on fait aussi, c'est que souvent des juges
nous appellent parce qu'ils ont à porter un jugement comme article de
protection ou ce sont des articles vains, mais qui n'ont pas besoin de faire un
stage dans certaines institutions, ils nous demandent de prendre conscience du
jeune, mais dans le milieu, pour élaborer une structure de recherche
d'emploi, de retour en classe, avec lui, mais sans les pressions de la cour.
C'est un autre genre de référence que l'on a. On fait notre
propre référence par notre présence et on a celle des
organismes à caractère permanent. Des exemples...
M. Matteau (Fernand): On peut parfois servir
d'intermédiaire entre des parents qui, face à des structures, se
sentent paralysés, ont littéralement peur et ont une
mentalité très négative. Très fréquemment,
on est appelé à servir d'intermédiaire entre ces gens
parce que nous autres, nous ne sommes pas à l'intérieur de ces
structures, nous sommes complètement en dehors de cela. Nous pouvons
faire un travail qui, normalement, si on se fie à cet avant-projet de
loi, aurait abouti à la cour parce que ces parents sont négatifs,
ils ne veulent rien savoir. Notre rôle là-dedans permet de servir
d'intermédiaire; c'est un autre aspect.
M. Boivin: Je pense aussi que ce qui est important chez nous, en
tant qu'organisme non traditionnel hors réseau, c'est d'être
capable, face à une demande, de pouvoir réagir de façon
très directe. C'est-à-dire que, si un jeune appelle chez nous ce
soir parce qu'il a besoin d'hébergement, la réponse sera ce soir,
l'hébergement. Ce ne sera pas reporté au prochain rendez-vous, la
semaine prochaine, avec, à ce moment, une exploration du réseau,
avec une série d'entrevues sur l'évaluation du type,
c'est-à-dire qu'il va se faire une évaluation assez proche et
souvent, le type qui va s'adresser chez nous, par la forme de travail, va
être un type qui est connu par le projet. Je pense qu'il y a eu une
question de M. Bonnier tout à l'heure. Je pense que, pour avoir une
action dans une communauté, il faut d'abord être présent
auprès
des jeunes de cette communauté, être sur place; il faut
être présent auprès des organismes pour être en
mesure de prendre le téléphone et d'appeler à un service
social et être capable de décrocher la personne qui, elle, bouge
à l'intérieur de cette boutique. Il faut aussi avoir
nous-mêmes notre propre petit réseau de ressources qui ne sont pas
les centres d'accueil traditionnels parce qu'il faut qu'on y entre par la cour,
qui sont habituellement des services qui survivent de peine et de misère
alors que le réseau est extrêmement riche et devrait
répondre à tous ces besoins. Mais les délais qui sont
demandés ou les formalités qui sont à remplir font que le
jeune est là en attente pendant X temps. Je ne donne pas de noms, mais
disons que cet exemple vient d'une demande précise d'un homme qui nous
appelle: Voici mon besoin.
M. Jost: Vous savez qu'il y a un autre problème, c'est de
ne pas trop se faire connaître. Parce qu'on en a assez sans se faire
connaître; on fonctionne. On ne parle pas d'horaire chez nous, on ne
parle pas de relations syndicales, on ne parle pas de tout cela, mais on
travaille, cinquante, soixante, soixante-dix heures par semaine sans se faire
connaître. Parce que, si on faisait un tout petit peu de
publicité, on serait envahi par, souvent, ce que l'on perçoit
être des spectateurs, qui sont dans des structures en place. S'ils
tombent par hasard sur notre connaissance, ils nous envahissent tellement en
termes de demandes que... Il y a deux solutions. En général, c'en
est une. On meurt souvent à la tâche parce qu'on ne fournit plus,
et bien souvent, quand on commence à se dire et à se demander,
quand on a une petite connaissance... Souvent, des réseaux nous
demandent de rendre des services, alors qu'eux sont équipés. Je
vous cite un exemple. Je pense ne pas me tromper quand je dis qu'une structure
comme le CSS Montréal métropolitain a, je pense, entre 50 ou 100
postes inoccupés.
Le message que l'on veut transmettre, c'est que ion pense que
l'application d'un projet de loi basé sur ces principes doit venir d'une
façon ou d'une autre d'une reconnaissance institutionnelle. Je suis bien
obligé d'employer ce terme parce qu'on a besoin de cette reconnaissance
institutionnelle pour continuer à travailler dans la recherche d'options
qui sont pour nous la seule issue possible; elles sont en tout cas, dans les
trois ou quatre prochaines années, la condition actuelle au
Québec, dans un sens de déjudiciarisation.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Y a-t-il d'autres
questions?
M. Matteau: Je répète, la question que M. Charron a
soulevée tantôt. A cause de la discussion on n'a pas
répondu au sujet de l'article 59. Il est bien évident que
l'article 59, d'après nous, est peut-être celui qui fait qu'on va
manquer le bateau pour de bon. Je pense que tout le monde en est convaincu,
parce qu'un délit qui, selon le Code criminel, entraîne trois
années de détention, c'est par exemple seulement voler $50 et
casser une vitrine. Cela va plus loin encore, parce qu'on n'a même plus
besoin de prouver le délit. Cela, c'est grave, quand on pense à
l'article 133, qui laisse un choix qui peut être des plus abusifs; quand
un agent de la paix, à un moment donné, apprend qu'une voiture a
été volée, il n'a qu'à soupçonner le petit
untel. Il n'a même plus à le prouver, parce que s'il
l'appréhende en vertu de l'article 20, il va falloir qu'il le prouve,
surtout avec la nouvelle loi des jeunes qui ont des démêlés
avec la justice. Il va devoir le prouver. Il y a tout un mécanisme
d'appel. Alors, il n'aura qu'à recourir à l'article 59, il n'a
qu'à le soupçonner. Même plus, je ne sais pas si c'est une
erreur d'imprimerie, mais, dans le texte, c'est écrit: "A commis ou peut
être soupçonné d'avoir commis". Il n'est même pas
obligé de le soupçonner; il peut être
soupçonné d'avoir commis. Trois années de détention
au Code criminel, je le disais tantôt, c'est $50, ce n'est pas
grand-chose. Sans compter que la cour, à plusieurs reprises,
antérieurement à des infractions à la loi ou à un
règlement... Si on veut aller au bout, extrapoler un peu, cela veut dire
que le petit jeune qui se promène à bicyclette dans un parc, s'il
y a un règlement qui l'interdit et qu'il se fait prendre six fois, se
retrouve devant le juge. A quoi cela sert-il alors de faire des structures?
Le Président (M. Houde, Limoilou): Je partage bien votre
avis. Merci, messieurs. Les représentants du Barreau sont-ils
présents? Etant donné l'heure, auriez-vous objection à ce
que l'on suspende la séance à 8 h 15, vous passeriez
immédiatement?
M. Charron: Ou préférez-vous revenir une autre
fois?
M. Beaupré: On en discutait justement. On se demandait si
on reviendrait à Québec lors du carnaval ou si...
M. Charron: Vous savez, ici, le carnaval est permanent, vous
passez quand vous voulez.
M. Beaupré: Cela ne presse pas! Me donnez-vous 30
secondes?
M. Charron: Oui, messieurs, bien sûr.
M. Beaupré: Est-ce qu'on nous donne le choix de
procéder maintenant?
M. Charron: Pas maintenant, mais à 20 h 15 ou une
prochaine fois, en janvier.
M. Beaupré: Maintenant que nous y sommes, je suppose qu'on
est aussi bien de rester.
Le Président (M. Houde, Limoilou): La commission suspend
ses travaux à 20 h 15.
Reprise de la séance à 20 h 30
Barreau du Québec
Le Président (M. Houde, Limoilou): Je prie les
représentants du Barreau du Québec de discuter de leur
mémoire et je les inviterais également à se
présenter.
Mme Audette-Filion (Micheline): M. le Président, M. le
ministre, messieurs les membres de la commission parlementaire, mon nom est
Micheline Audette-Filion, directeur du service de recherche au Barreau du
Québec. Il me fait plaisir de vous présenter les
représentants du Barreau ce soir. A ma gauche, Me Gemma Carle, de
Québec, attachée au service Jeunesse de l'aide juridique de
Québec. A mon extrême-droite, Me Pierre-O. Valois, de la Cour du
bien-être social à Montréal et, à ma droite
immédiate, Me Gérard Beaupré, de Montréal, qui a
présidé notre comité et qui a également agi
à titre de président de notre comité en 1973 sur le projet
de loi de la protection de la jeunesse et également au comité qui
a étudié la question des enfants maltraités.
Le dossier de la jeunesse n'est pas nouveau au Barreau. Pour ne pas
parler des représentations que nous avons faites au cours des
années sur la question des tribunaux de la famille et sur les questions
matrimoniales, on peut mentionner plusieurs 'représentations que nous
avons faites dernièrement. En 1972, au gouvernement
fédéral, un mémoire sur le projet de loi C-192 concernant
les jeunes délinquants et abrogeant l'ancienne loi sur les jeunes
délinquants. L'année suivante, au gouvernement provincial, le
mémoire sur la réorganisation des tribunaux. Par la suite,
évidemment, le mémoire dont je parlais tantôt sur la
protection de la jeunesse, le projet de loi 65, et ensuite aux deux ministres
de la Justice et des Affaires sociales, le mémoire sur la question de la
protection des enfants maltraités. Nous pouvons même dire qu'au
sujet du projet de loi 65, la protection de la jeunesse, nous avons non
seulement transmis nos commentaires et nos recommandations, mais nous avons
présenté un projet de loi complètement remanié et
rerédigé au complet. C'est dire que le Barreau est très
intéressé à ce domaine malgré le fait que ce n'est
peut-être pas la majorité des avocats qui travaille dans ce
domaine.
C'est aussi pourquoi nous avons toujours cherché, au sein des
comités que je viens d'énumérer, à l'occasion des
mémoires dont j'ai parlé, à réunir dans ces
comités des avocats particulièrement intéressés
à ce domaine, tant du côté de l'aide juridique que du
côté de la pratique privée que du côté de la
défense que du côté de la Cour du bien-être social et
même à l'occasion des professeurs. Nous n'avons pas craint d'aller
chercher aussi et de faire siéger a nos comités d'autres
catégories de professionnels qui sont aussi intéressés
à cette question. En particulier sur la question des enfants
maltraités, nous avions des médecins, des pédiatres, des
travailleurs sociaux qui ont siégé avec nous à ce
comité. Dans le cas de l'avant-projet de loi sur la protection de la
jeunesse que nous étudions aujourd'hui, nous avons obtenu la
collaboration de représentants de l'Office de révision du code
civil et des centres de services sociaux.
Maintenant, je pense qu'il y a une chose qui vaut la peine d'être
dite aujourd'hui, c'est que de sensibles améliorations se soient
manifestées depuis quelques années et que les mentalités
à ce sujet aient bien évolué, dernièrement, disons
dans les cinq dernières années. Il faut bien dire que les avocats
n'étaient pas persona grata à la Cour de bien-être social.
Ils se sont sentis bien des fois empêcheurs de tourner en rond dans cette
cour où, malgré de bonnes volontés évidentes, sous
prétexte de décider en équité, les droits des
enfants étaient souvent méconnus.
Dans ce domaine si profondément humain, où le social et le
judiciaire sont si intimement mêlés, la collaboration entre les
deux ministères entre les avocats, les juges, les travailleurs sociaux,
les criminologues, les officiers de profession est essentielle, mais n'a pas
toujours été de soi, je pense qu'il faut bien le dire aussi. Les
difficultés, les lourdeurs administratives et le manque de ressources
ont souvent empêché, découragé les meilleurs. Il est
temps, et le projet de loi semble envisager cet esprit, que les divers types de
professionnels travaillent ensemble pour en arriver à une protection de
nos jeunes qui sont la responsabilité de plus en plus grande de notre
société.
Sur ce, je passe la parole à mon confrère, Me
Beaupré qui va vous résumer non pas le mémoire au complet,
mais les principaux éléments de ce mémoire. Nous
répondrons ensuite à vos questions avec plaisir.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Me Beaupré.
M. Beaupré: M. le Président, à cette
heure-ci, c'est bien évident que dans mon cas, je vais tenter de
résumer le plus possible, sachant fort bien que les membres de la
commission ont tous lu et étudié le mémoire que le Barreau
a présenté. C'est toujours un plaisir pour le Barreau du
Québec de participer à l'élaboration de
législations, surtout et malgré le fait que dans le cas
présent, on a tendance à vouloir éloigner de l'objectif de
la présente loi, les cours de justice et, par conséquent aussi,
les avocats qui oeuvrent devant ces cours de justice.
Il reste que le présent avant-projet de loi, comme l'a dit Me
Filion en est un qui étudie ou qui cherche à réglementer
un sujet qui nous a toujours tenu à coeur et depuis de nombreuses
années. On a tenté, au Barreau, de former des comités de
personnes dont la compétence pouvait aider à élaborer des
solutions adéquates au problème que vise à régler
la présente loi. J'ai, comme vous, entendu d'autres organismes venir
vous faire des représentations et j'ai entendu souvent le vocable que
j'ai de la misère à articuler, savoir la déjudiciarisation
des lois. Je ne suis peut-être pas le seul à avoir de la
misère à le pro-
noncer, celui-là. C'est un mot, nouveau pour moi, parce
qu'à mon sens, les lois ont toujours été le domaine des
cours avant les cours, du législateur et des avocats. Mais
apparemment, dans ce cas-ci, on tente, peut-être avec raison, de
déjudi-ciariser la Loi de la protection de la jeunesse.
Je reviendrai là-dessus tantôt. Je veux seulement vous
dire, M. le Président, que dans l'ensemble, cet avant-projet de loi
suscite beaucoup de satisfaction au sein du Barreau du Québec, chez les
avocats, pour la bonne raison que le mémoire qu'on a produit devant
vous, il y a quelque deux ans ou un an et demi, contenait une foule de
recommandations et de suggestions dont la plupart sont retenues dans le
présent avant-projet de loi, sauf une, mais j'y reviendrai un peu plus
tard.
Je voudrais peut-être, très brièvement,
résumer ces recommandations du Barreau qui reçoivent écho
dans le présent avant-projet de loi, plus particulièrement la
décentralisation des services de protection de la jeunesse,
l'accès plus facile au service de la Cour de bien-être social,
surtout le droit d'appel, qu'enfin le présent avant-projet de loi
reconnaît aux intéressés, la question de la
dénonciation obligatoire que vous avez discutée avec d'autres
organismes plus tôt aujourd'hui; la déchéance de
l'autorité parentale et la tutelle.
Ce sont là les grandes lignes du précédent
mémoire que le Barreau du Québec vous avait
présenté et qui reçoivent écho dans cet
avant-projet. C'est pourquoi je vous dis que le Barreau du Québec est
satisfait de l'esprit et des principes de base qui sont sous-jacents à
cet avant-projet.
J'ai remarqué aussi une similitude entre certaines
recommandations que le Barreau du Québec vous fait et que d'autres
organismes vous ont faites également, en particulier l'Association des
centres de services sociaux du Québec dont les recommandations nous
semblent être conformes à celles que nous vous faisons, tout
particulièrement quant à l'article 7, les mesures disciplinaires
et une multiplication inutile des organismes de protection que votre
avant-projet qualifie d'organes de protection. Il y a également des
suggestions en regard de l'article 30, de l'article 33.
De sorte qu'il semble que le Barreau du Québec, dans ses
recommandations, ne s'est pas penché uniquement sur des questions de pur
légalisme. Les recommandations, dont certaines sont très
importantes, que le Barreau vous a faites, sont également
partagées par des organismes relevant d'autres disciplines.
Cela dit, et aussi brièvement qu'un avocat puisse le faire,
j'aimerais rappeler à cette commission les principales recommandations
du Barreau en commençant par le chapitre 2 qui traite des droits de
l'enfant.
Dans notre mémoire, relativement à ce chapitre des droits
de l'enfant, le premier article sur lequel je veux attirer votre attention est
l'article 4 qui paraît être inoffensif, qui paraît même
être indiscutable, sauf que, dans sa rédaction actuelle, j'estime
qu'il offrirait bien plus une défense quasiment systématique aux
parents plutôt que de pourvoir l'enfant d'un droit à
l'information.
L'article se lit comme suit: "Les enfants et leurs parents ont le droit
d'être informés le mieux possible des droits que leur
confère la présente loi". De sorte que si des poursuites
étaient intentées contre les parents ou, enfin, des mesures
étaient demandées et que l'on veuille, à rencontre des
parents, prendre certaines sanctions ou imposer certaines mesures plus ou moins
volontaires, sinon obligatoires, les parents pourraient toujours dire: Je n'ai
pas reçu l'information que la loi m'accorde à titre de droits.
Cet article nous paraît d'ailleurs d'autant plus inutile que, un peu plus
loin dans la loi, l'on fait un devoir à la commission d'informer les
gens des droits que la loi accorde au titre de la protection des jeunes.
Evidemment, je vais vous exposer des questions purement techniques.
Malheureusement, on ne peut lire la loi que du point de vue légal. Cet
article, pour ma part, nous semble quelque peu dangereux si on veut s'assurer
véritablement que les mécanismes mis en place par la loi soient
appliqués de façon facile et sans trop d'embûches.
Les articles 6 et 7 de la loi parlent de mesures disciplinaires qui
devront être déterminées par réglementation. Cela
nous semble, d'une part, faire une duplication avec la Loi sur les services de
santé. Ensuite, cela me paraît un peu extraordinaire que, d'une
part, on veuille que les enfants qui ont besoin de protection soient
traités comme dans un milieu familial normal et que, d'autre part, quand
les enfants sont placés dans des centres d'accueil ou dans des familles
d'accueil, le père ou la mère en charge de la famille d'accueil
doive lire les règlements du ministère ou du
lieutenant-gouverneur en conseil pour savoir s'il peut appliquer telle mesure
disciplinaire.
Je pense que, dans un milieu familial normal, le père n'a pas
à consulter de grands livres pour savoir s'il peut appliquer la giffle
sur la joue droite ou sur la joue gauche de son enfant. Nous soumettons que ces
deux articles nous semblent superflus, sinon inutiles.
L'article 10 parle de règles d'interprétation. On y ajoute
une nouvelle. Notre soumission là-dessus, à l'article 10, est que
les règles d'interprétation, qui sont établies tant par
les lois que par jurisprudence, sont suffisamment claires et en ajouter une
spéciale pour une loi particulière ne ferait qu'embrouiller les
cartes.
Toujours au même chapitre des droits de l'enfant, je comprends que
le droit à l'éducation, comme le projet de loi le prévoit,
le droit à un milieu familial normal, tout cela, bien sûr, que
cela va de soi, mais ne croyez-vous pas que l'un des droits fondamentaux des
enfants est avant tout, d'être informés de leurs droits. Ne
croyez-vous pas que, dans ce chapitre II, devrait être inclus un article
qui dit que l'enfant a automatiquement droit d'avoir recours à l'avis
d'un conseiller juridique pour qu'il lui dise quels sont ses droits, en vertu
même de la présente loi, et ce sans que l'enfant ait besoin de le
demander? Il me semble que cela devrait être automatique. Si on veut
vraiment protéger les enfants et si on veut reconnaître leurs
droits, le premier droit est celui d'être avisé de ses
droits. Là-dessus, votre projet de loi me paraît absolument
silencieux, sauf à l'article 81, quand on le poursuit.
M. Forget: Et à l'article 4, non?
M. Beaupré: Je ne vois pas cela. Article 4: "Les enfants
ont été informés. Qui va les informer, M. le ministre? Le
directeur, les travailleurs sociaux, les juges? On n'est pas encore rendu
là. Je pense que, dès le départ, si on fait vraiment
on va dire que je prêche pour ma paroisse, mais c'est possible
si on veut faire vraiment une déclaration des droits de l'enfant,
la première déclaration, c'est que l'enfant a le droit de savoir
quels sont ses droits. Jusqu'à maintenant, il me semble que ce sont
encore les conseillers juridiques qui sont les mieux placés pour aviser
les enfants de leurs droits, comme ce sont les gens les mieux placés
pour aviser les adultes de leurs droits.
Au chapitre suivant, on parle des structures de la protection de la
jeunesse. Là, je ne veux pas répéter ce que vous avez
entendu aujourd'hui à maintes et maintes reprises. C'est, pour le moins,
des structures étonnantes. Tout d'abord, tout comme l'enfant a besoin de
deux parents pour venir au monde, il semble que cela prenne deux ministres pour
assurer sa protection. Il faut peut-être se demander lequel des deux va
jouer le rôle de mère ou le rôle de père. On part
avec deux ministres. On continue avec la cour. Il y a la commission. Il y a les
CLO. J'appelle cela des CLO, une déformation professionnelle. Il y a des
conseils de surveillance qui semblent se surveiller eux-mêmes, parce que
ce sont les mêmes gars qui sont des deux côtés. Il y a la
direction de la protection de la jeunesse. Il y a les enquêteurs. Il y a
les agents de la paix. Il y a le centre de services sociaux et de conseils de
protection de la jeunesse. Cela fait bien du monde.
Quant à ce sujet, je rejoins en plus de ce que d'autres vous ont
dit aujourd'hui, il y a au moins les conseils de surveillance qui semblent
superflus, parce qu'ils nous donnent bien l'impression d'être
composés de personnes qui sont toujours les mêmes qu'on trouve un
peu partout, et qui vont finalement se surveiller. C'est l'impression du
Barreau que cette loi, comme d'autres peut-être mais ce n'est
peut-être pas l'objet du débat ce soir semble souffrir de
ce qu'on appelle la "structurite". Des fois, abondance de biens ne nuit pas,
mais, dans le cas présent, j'ai l'impression qu'il y a des tonnes de
structures, de superstructures et d'infrastructures. D'ailleurs, je pense que
les conseils de surveillance avaient été proposés sous la
loi de l'aide de l'accès à la justice, l'aide juridique.
Finalement, l'Assemblée avait refusé. Cela semblait inutile dans
ce cas. A mon avis, c'était inutile dans un cas, cela l'est aussi dans
l'autre.
Je passe maintenant au chapitre 4, la protection sociale. A
l'égard de ce chapitre 4, je peux vous dire que c'est un exemple
enfin, aux yeux du Barreau, aux yeux d'un avocat frappant d'une
rédaction de loi qui est absolument incom- préhensible. Il y a
certains chapitres qui sont plus clairs que d'autres, mais celui-ci illustre,
à mon sens, ce que les avocats entendent par une espèce de
bouillie législative. On ne s'y comprend pas. Il faut sauter d'un
article à l'autre. On parle de mesures volontaires d'un
côté avec des mesures provisoires, des mesures permanentes et des
mesures un peu plus permanentes, volontaires, obligatoires. Finalement, vous
avouerez que les praticiens ne sont pas près de s'y retrouver.
Peut-être que les enfants, qui sont plus... Je ne sais pas si les enfants
vont s'y comprendre.
Je pense que ce chapitre devrait être réédité
à peu près au complet. C'est peut-être le seul chapitre sur
lequel le Barreau du Québec a des recommandations sur tous et chacun des
articles, peut-être à l'exception de un ou deux. Il n'y a pas
d'erreur que ce chapitre ne pêche pas par excès de
clarté.
En rapport avec ce chapitre IV de la protection sociale, ce qu'on a
convenu d'appeler la protection sociale, nous réfère aux pages 15
à 25 de notre mémoire, où on formule des recommandations
à peu près sur tous les articles.
Je n'ai pas envie de revoir chacune de ces recommandations et de ces
suggestions. On pourrait peut-être en mentionner quelques-unes,
cependant, surtout après les représentations que l'on vous a
faites plus tôt, aujourd'hui, et en particulier sur l'article 46,
à savoir le devoir de dénonciation.
L'article 46 prévoit deux cas, le cas d'un enfant qui a besoin
d'une protection purement morale, et l'autre alinéa, qui parle d'un
enfant qui est en danger de mauvais traitements physiques Le Barreau est
parfaitement d'accord avec l'obligation que le projet de loi fait quant au
deuxième alinéa. Le Barreau n'est pas d'accord du tout que le
premier alinéa, cependant, fasse une obligation à quiconque de
formuler une plainte, ou enfin, de soumettre à la cour ou au directeur
de la protection de la jeunesse, le cas d'un enfant qui, à son point de
vue, serait moralement en danger. Il nous semble que ce serait là
favoriser des abus, des délations ou des vengeances.
Ce que l'on souhaite, c'est de permettre, à l'article 47: "Tout
enfant peut signaler une situation relative à lui-même ou à
ses frères et soeurs" pourquoi pas son cousin ou sa cousine?
d'élargir la famille, des frères et soeurs.
La deuxième recommandation a trait à l'article 48,
où je pense qu'il faudrait clarifier la définition de l'enfant
dont la sécurité, le développement ou la santé est
en danger, de façon aussi que les abus puissent être
évités.
A l'article 48, nous avons repris, dans notre mémoire, les
suggestions que l'on avait faites dans le mémoire de 1973. Je pense que
la rédaction que l'on soumettait était plus claire, et
était peut-être moins superflue. Dans l'actuel article 48, il y a
des paragraphes qui se retrouvent dans les autres. Par exemple, le paragraphe
a) peut facilement entrer dans le paragraphe d) et le b) peut se retrouver
à f).
Je tiens à vous signaler qu'à la page 15 de no-
tre mémoire, il y a une petite erreur de frappe. A l'article 48,
le sous-paragraphe commence par d), je pense. Ce devrait être a), et les
autres sous-paragraphes renumérotés en conséquence.
Notre recommandation suivante a trait aux articles 51 et 52. On a soumis
à cette commission une nouvelle rédaction des articles 51 et 52,
de façon à obliger les CLO à prendre, dans les meilleurs
délais possibles, les décisions qu'il convient de prendre, parce
que l'actuel projet de loi ne prévoit pas de délai.
C'est bien beau de faire des CLO, mais si la loi ne les oblige pas
à travailler dans un temps limite, cela semblerait être des
chevilles ouvrières plus ou moins efficaces, d'une part.
D'autre part, cela nous a paru inutile d'obliger le CLO qui est
convaincu qu'un enfant doit aboutir à la cour de passer par le centre de
services sociaux ou par d'autres organismes. Il n'y a peut-être pas trop
de portes, mais toutes les portes ne sont pas nécessaires. Je pense que,
dans certains cas, ce comité local d'orientation devrait pouvoir aller
directement à la cour.
Il y a enfin, les amendements qu'on suggère. On vise aussi
à fournir aux parents de l'enfant concerné un avis de la
décision que le comité local d'orientation a pris à
l'égard de cet enfant.
On rejoint, par ailleurs, à l'égard de l'article 55, les
recommandations d'autres organismes quant à la détention de
jeunes dans des institutions faites pour détention d'adultes. C'est
clair que le Barreau n'a jamais été favorable à cela et ne
l'est toujours pas plus aujourd'hui, ce qui m'amène à l'article
59, dont on a beaucoup parlé aujourd'hui.
Notre position est claire. L'article 59 nous semble absolument
inacceptable et cela me surprend de voir un tel article dans une loi qu'on
intitule Loi sur la protection de la jeunesse.
Je n'ai jamais vu un adulte pouvant être légalement
arrêté et traduit en cour sur un simple soupçon. Le projet
de loi proclame partout que les enfants devraient avoir des droits au moins
égaux à ceux des adultes et vous permettez ici à n'importe
quel policier ou à n'importe quel enquêteur ou à n'importe
qui, somme toute, d'amener à la cour un enfant sur un simple
soupçon.
Au moins, le droit criminel prévoit que cela prend des motifs
raisonnables et probables de croire que monsieur Untel a commis un tel crime.
Mais, pour les enfants, c'est trop. Un petit soupçon de rien et on
l'amène devant le juge et même pas de soupçon. Si on sait
qu'il a déjà commis des crimes ou des infractions, on va l'amener
à la cour. C'est le principe, à mon sens, le plus
indéfendable. Il n'y a pas un adulte qui accepterait de se le voir
appliquer, et on se prépare à l'appliquer aux enfants dans une
loi qui s'intitule précisément Loi sur la protection de la
jeunesse.
Le Barreau estime que c'est absolument indéfendable et l'article
59 est à biffer complètement.
On en arrive au chapitre qui s'intitule je ne mentionne que les
principaux de notre mémoire la protection judiciaire. Dans le
fond, notre mémoire ne vise qu'une seule chose, d'assurer que les jeunes
ont au moins les mêmes droits que la loi reconnaît aux adultes.
En particulier, on vise à mieux définir la juridiction de
la cour en matière de protection de la jeunesse, soit à l'article
78. Notre suggestion rejoint celle déjà faite par l'Association
des centres de services sociaux.
D'autre part, il nous semble que certains articles soient hautement
discutables du point de vue technique, du point de vue strictement
constitutionnel, l'article 92, en particulier, au sujet duquel on joint un
commentaire de l'Association des services sociaux. Je ne vois pas pourquoi la
Cour de bien-être social serait privée de sa juridiction parce que
les parents font des requêtes en divorce ou des requêtes ou des
actions en séparation de corps. Si vraiment la santé ou si
vraiment le bien-être, le développement d'un enfant est en danger,
que les parents se chicanent devant la Cour supérieure ou pour les
motifs que l'on connaît qui sont, la plupart du temps, assez banals, je
pense que cela ne devrait pas empêcher la Cour de bien-être social
de jouer son rôle en matière de protection des jeunes.
Le droit d'appel, à l'article 98, je pense que c'est un noble
effort par rapport au précédent projet de loi, mais je pense
qu'il est limité et nous ne voyons pas pourquoi le droit d'appel
prévu par le projet de loi, à l'article 98, serait limité.
Qu'on donne donc un droit d'appel pur et simple, clair et net. Ce n'est pas
nécessaire de dire qu'on a un droit d'appel dans certains cas, si, par
exemple, la décision n'a pas été rendue avec
impartialité. Quand quelqu'un perd, il n'a pas l'impression que le juge
a été partial. Il me semble que le droit d'appel pur et simple
devrait être accordé. Pourquoi le limiter à trois cas
particuliers? Si les motifs de fait ou de droit invoqués au soutien de
la décision sont manifestement erronés supposons que ce
n'est pas tout à fait manifestement erroné est-ce qu'on va
contester le droit d'appel de l'enfant ou des parents? On vous suggère
que le droit d'appel accordé par la loi soit un droit d'appel clair et
net, comme les droits d'appel accordés aux adultes en droit commun.
Au chapitre 6, les mesures d'intervention, il s'agit, bien sûr,
d'une mesure exceptionnelle. D'ailleurs, quand le Barreau l'avait
proposée il y a deux ans, on la proposait dans des cas extrêmes.
On la proposait surtout en regard des enfants maltraités. Parce qu'il ne
faut pas oublier que la déchéance permanente des droits des
parents entraîne forcément pour eux la perte de leurs enfants,
parce que cela mène à l'adoption. Il faut que ce droit à
la tutelle permanente du directeur ou du ministre et cette perte de
l'autorité parentale ne puisse être envisagée par le juge
que dans des cas extrêmes. Le mémoire du Barreau parlait de cas de
récidive en matière de mauvais traitements physiques d'enfants.
Je pense que l'avant-projet actuel est beaucoup plus large que cela. Je vous
réfère au mémoire qui vous est déjà parvenu,
aux pages 5 et 6 de ce mémoire du mois d'avril 1974, de façon que
cette mesure extrême soit limitée à des cas
extrêmes.
Je vous ai dit au début que nous sommes satisfaits de cet
avant-projet parce que toutes les recommandations que le Barreau a faites dans
ses précédents mémoires recevaient écho dans le
présent projet de loi. Je dis aussi qu'il y en avait une qui n'avait pas
été retenue dans le présent avant-projet. Si vous
permettez, je vais vous reporter à notre précédent
mémoire concernant le projet de loi 65 de janvier 1973 et je me
permettrai de vous lire trois lignes aux pages 5 et 6. Je vais vous faire une
lecture très brève. "Bien que soucieux de contribuer à
l'élaboration de mesures législatives visant une meilleure
protection de la jeunesse, le Barreau est conscient que de telles mesures ne
peuvent, à elles seules, constituer une solution complète de ce
problème. L'expérience acquise non seulement par certains
avocats, mais aussi par d'autres professionnels oeuvrant dans ce domaine
essentiel a largement démontré que même un texte
législatif cohérent ce n'est pas tout à fait le cas
aujourd'hui et adéquat demeure, en pratique, inefficace si les
institutions dispensant cette protection sont en nombre, qualité et
diversité insuffisantes pour répondre aux besoins des
jeunes."
On complétait en disant "qu'un éventail plus complet
d'institutions et de plus grandes disponibilités sont nécessaires
pour assurer, en pratique, la protection que la loi crée en
théorie." A ce que je sache, du moins pour Montréal, les choses
ne se sont pas améliorées.
C'est un secret de polichinelle qu'à Bosco-ville, ça va
mal, les journaux en étaient remplis, hier; à Saint-Vallier,
ça démissionne, apparemment et à Berthelet, c'est à
peu près en tutelle. Mon impression, c'est plutôt que de
s'améliorer, dans les faits ça semble se
détériorer. Je répète que même ayant des
textes législatifs adéquats qui correspondent vraiment aux
exigences de la vie moderne, sans des disponibilités financières
et sans les mesures pratiques nécessaires, des textes de loi, si beaux
soient-ils, ne corrigeront absolument rien à la situation.
M. le ministre citait ce matin 18 cas de places libres. On m'a
informé qu'à Montréal de façon
régulière, il y avait entre 40 et 100 enfants qui sont dans des
institutions pour adultes. Je sais également que les juges sont
obligés de les envoyer dans des maisons de détention parce que
les centres ne veulent pas les recevoir, parce qu'ils ne sont pas
équipés pour les recevoir ou parce qu'ils n'ont pas de place pour
les recevoir. Il faut peut-être se demander maintenant lequel a les
bonnes statistiques et lequel a les bonnes données pratiques. Mais les
avocats qui pratiquent dans le district judiciaire de Montréal et qui
sont aux prises quotidiennement avec ces problèmes savent bien que c'est
une tâche très difficile d'obtenir, pour des enfants, une place
dans un centre qui soit convenable pour cet enfant. Apparemment, à
Bos-coville, ça prend six mois pour y entrer. Ce n'est pas
nécessaire d'insister là-dessus, il y a là un besoin tout
aussi urgent que de rédiger des textes de loi. Je comprends que les deux
vont de pair et je suis certain que le ministère envisage le
problème sur ces deux facettes. Il va bien falloir qu'en pratique, les
gens aient non seulement les outils théoriques, mais finalement aussi
les outils pratiques pour aboutir à solutionner ce problème.
C'est la fin de mes remarques, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci. Le ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: Merci. J'aimerais remercier les représentants
du Barreau pour un mémoire très fouillé qui sera, sans
aucun doute, d'une très grande utilité pour une rédaction
plus fignolée, plus détaillée des différentes
dispositions de la loi sur lesquelles ils se sont arrêtés.
J'aimerais leur poser quelques questions qui se dégagent, soit de
leurs remarques ou de remarques précédemment entendues par la
commission.
La Ligue des droits de l'homme et l'Association des centres de services
sociaux que nous avons entendues les premiers jours ont suggéré
très fortement que nous assurions, par une disposition qu'ils n'ont pas
décrite en détail, dans ce projet de loi, que l'enfant soit un
sujet de droits au même titre que l'adulte.
Sans préciser davantage cette notion et tenant compte du fait que
le projet de loi no 50 a été adopté en juin dernier,
comment le Barreau réagit-il ou quelles suggestions pourriez-vous nous
formuler dans cet esprit?
M. Beaupré: Que l'enfant soit sujet de droits, cela va de
soi. Le Code civil le dit, il s'applique à tout le monde. Je pense que
tous les êtres humains ont, en regard de la loi, des droits qui
dépendent de leur âge ou qui dépendent de leurs
capacités. Il me semble que c'est un principe qui va de soi, que de
l'insérer dans une loi, ce serait pour le moins superflu.
C'est ma position personnelle; vous me posez une question, M. le
ministre. C'est bien sûr qu'un enfant est un sujet de droits; personne
n'a jamais contesté cela d'ailleurs.
M. Forget: Mais je crois que cela a été fait dans
l'esprit selon lequel, même si personne ne le conteste en théorie,
parce que ce n'est pas contestable, en pratique, la façon dont les
droits des enfants sont exercés fait qu'ils n'ont effectivement pas la
jouissance au même degré, particulièrement lorsqu'ils
viennent en contact avec l'appareil judiciaire ou des organismes publics qui
interviennent dans leur existence, qu'ils n'ont effectivement pas la même
jouissance de droits que théoriquement, ils partagent avec tous.
Est-ce qu'il serait utile de préciser que l'intention du
législateur est bien qu'il jouisse dans toute la mesure du possible des
mêmes droits ou si c'est déjà fait par d'autres
mesures?
M. Beaupré: Je pense que c'est suffisamment fait, à
une exception près, M. le ministre, celle que je signalais plus
tôt. L'enfant devrait aussi, de façon spécifique, avoir
droit, de façon automatique, aux conseils d'un homme de loi.
M. Forget: La charte des droits et des libertés
fondamentales, à l'article 29, prévoit déjà que
c'est le cas pour l'enfant, s'il vient en contact avec l'appareil judiciaire,
d'une façon ou d'une autre.
J'aimerais que vous commentiez aussi les discussions qui se sont
déroulées devant la commission relativement au huis clos. Je
pense que, parmi les droits d'un enfant, c'est le droit à une justice
comparable à une justice qui est administrée aux adultes et que,
dans le cas des adultes, évidemment, le caractère public des
audiences devant un tribunal fait partie des droits fondamentaux du citoyen. Je
ne vous ferai pas l'historique de ce problème dans le domaine de
l'enfance. Voyez-vous la même règle s'appliquer au tribunal, tout
en réservant, bien sûr, comme !e texte le fait, que le nom des
enfants ne doit jamais être publié?
M. Beaupré: Je n'ai pas vu, dans les mémoires que
j'ai lus, qu'un organisme ait véritablement demandé...
M. Forget: Oui.
M. Beaupré: Sauf les journalistes, peut-être?
M. Forget: Non, ils ne sont pas encore venus devant nous, mais je
crois que c'est la Ligue des droits de l'homme.
M. Beaupré: Oui, mais si vous me permettez, M. le
ministre. Si vous lisez leur mémoire, c'est public. Mais il y a
tellement de conditions pour que ce soit public que c'est finalement
privé. Tout le monde peut demander que ce soit...
Les procédures sont publiques, suivant la Ligue des droits de
l'homme. Au deuxième paragraphe: "Lorsque le juge estime qu'il est dans
le meilleur intérêt de l'enfant dans le cas qui fait l'objet de
procédures ou d'un enfant qui se présente comme témoin, il
peut exclure le public".
Troisièmement: "Le juge doit exclure le public à la
demande de l'enfant, de ses parents". Mais quand les parents vont-ils vouloir
discuter de leurs affaires de famille devant le public? Ils vont toujours
demander au juge d'exclure le public.
Il me semble bien que ce texte ne vous demande pas le huis clos. Si
c'est la seule association qui vous le demande, je vous dirai qu'il n'y a
personne qui vous le demande, parce que je ne voudrais pas discuter du cas de
ma fille devant un journaliste, si gentil soit-il.
M. Forget: Vous pensez qu'il n'y a aucune différence, en
fait, entre dire...
M. Beaupré: D'ailleurs...
M. Forget: ... qu'il y a le huis clos et que, par exception, on
peut le lever pour certains individus et dire qu'il y a une règle de
publicité, sauf qu'on peut demander le huis clos, pourvu qu'on en fasse
la demande.
M. Beaupré: D'ailleurs, votre texte, si vous me permettez,
M. le ministre, à l'article 83, est parfait, je trouve. Tous les textes
ne sont pas comme cela, mais celui-ci est bon.
M. Forget: Merci!
M. Beaupré: Oui. "L'enquête a lieu à huis
clos et sans publicité". Ce qui est bien normal. "Toutefois, le juge
peut admettre à l'audition des personnes qui, à son avis, ont un
intérêt dans l'affaire. Il doit, en outre, admettre à
l'audition tout membre de la commission qui en fait la demande" cela
peut comprendre n'importe qui "et toute personne que la commission
autorise par écrit..." S'il y a des gens qui pensent que leur
présence est nécessaire pour assurer que justice soit faite, ils
vont aller voir la commission et la commission va leur donner un écrit
et ils vont y aller. A mon sens, le texte est parfaitement suffisant.
M. Forget: Sur la question de la dénonciation je
pense ici non pas au deuxième paragraphe, mais au premier paragraphe de
l'article 46 c'est-à-dire les cas de dénonciation dans les
cas des mauvais traitements d'ordre moral, si l'on veut, nous avons entendu
plusieurs groupes intervenir dans des sens contraires relativement à
cette obligation ou à l'absence d'obligation. Je comprends que vous vous
opposez à ce qu'il y ait une obligation générale.
Ceci étant dit, est-ce que vous ne pouvez pas concevoir que,
même dans les cas de sévices d'ordre moral, si vous voulez, si
l'on peut employer le terme sévices, à ce moment, ou de
négligence équivalent à sévices, il y ait parfois
des occasions qui fassent que cette possibilité, cette protection, dans
le fond, pour celui qui dénonce devienne une obligation?
On a cité, ce matin, des circonstances où cela pouvait...
Par exemple, le gynécologue ou l'obstétricien qui fait un
accouchement, qui sait que la mère est une déficiente mentale
grave et qui se soucie évidemment du sort de cet enfant. Bien sûr,
s'il peut... Vous me direz que c'est une question de conscience
professionnelle. Mais, sur le plan de la société dans son
ensemble, est-ce qu'on ne doit pas soutenir cette conscience professionnelle au
cas où elle serait parfois défaillante? Est-ce qu'il ne faut pas,
à ce moment, peut-être c'est un exemple en faire une
obligation? Ce serait limité.
M. Beaupré: M. le ministre, je vais répondre pour
moi. Peut-être que mes collègues auront d'autres réponses
ou d'autres exemples, mais, d'après ce que j'ai entendu ce matin du cas
de ce médecin, je pense que c'était la femme qui accouchait et
ensuite les enfants étaient cachés dans une garde-robe. On est
loin du moral, je pense qu'on est dans le physique. Il n'y a pas d'erreur. Dans
ce cas...
M. Forget: Non, ce n'est pas l'exemple, c'est un autre cas. Ce
n'est pas l'exemple que je vous ai donné. C'est le cas de
l'obstétricien qui fait un ac-
couchement et qui sait que la mère est une débile mentale
profonde, qu'elle est peut-être mère célibataire, c'est un
foyer monoparental, et qui a des raisons sérieuses de douter que cet
enfant va être élevé de manière normale et qu'il va
recevoir les soins appropriés, ne serait-ce que pour son bien physique.
Il n'y a pas de sévices. L'enfant est encore à l'hôpital.
Est-ce qu'il n'a pas là un devoir de dénoncer, enfin,
dénoncer, c'est un grand mot, mais un devoir, malgré tout, de
souligner au directeur de la protection de la jeunesse que ce cas ne peut pas
tout simplement être laissé de côté jusqu'à ce
qu'il y ait un problème?
M. Beaupré: Je pense que là... Encore une fois, il
y a peut-être de mes collègues qui vont vouloir vons donner
d'autres réponses, d'autres sons de cloche, mais, dans l'exemple que
vous citez, M. le ministre, je pense que le texte qui est proposé couvre
parfaitement bien ce cas. Si vous avez un obstétricien qui doute des
capacités mentales de sa patiente, je pense qu'il aurait toutes les
raisons de croire que l'enfant peut être sujet à de mauvais
traitements physiques.
Par conséquent, c'est une obligation pour lui de le
dénoncer. Ce que le Barreau veut éviter, c'est la
possibilité pour les voisins de se mêler des affaires des autres.
Parce qu'il n'y a plus de degré, il n'y a pas de poids, ni de
mesure.
C'est sûr qu'on peut toujours critiquer la façon dont son
voisin élève ses enfants. Je pense que cela ne peut pas
être sanctionné par une loi, enfin d'en faire une obligation aux
gens. Ils vont être trop contents de le faire: obliger les gens à
dénoncer la façon dont le voisin élève son enfant.
Je pense, encore une fois, M. le ministre, qu'on est loin de l'exemple que vous
donnez. Je crois que, dans le cas que vous citez, l'avant-projet le couvre
très bien.
M. Forget: Relativement à l'article 48, vous
suggérez une rédaction plus courte. Considérant votre
préoccupation vis-à-vis de l'ensemble de ce chapitre qui vise la
protection sociale où vous souhaitez voir plus de rigueur ou une
rédaction plus précise désir auquel je souscris,
évidemment je crois qu'il faut faire tous les efforts possibles
pour avoir une rédaction qui soit au-delà de toute
ambiguïté. N'est-il pas crucial que cet article 48 qui
définit les circonstances dans lesquelles on intervient dans les
affaires d'une famille soit rédigé de telle manière
qu'il n'y ait aucune espèce d'ambiguïté et qu'il y ait le
moins de place possible à des interprétations subjectives, des
motifs qui peuvent être à la base d'une intervention dans les
affaires d'une famille?
Sous prétexte qu'un mot en inclut un autre, si on
l'interprète correctement, plus on veut être concis, plus on veut
tout ramasser le texte en quelques paragraphes, plus on ouvre large la porte
à des interprétations qui vont, nécessairement, varier.
Bien sûr, la jurisprudence pourra venir, avec les années, corriger
les abus. Mais n'est-il pas mieux de prévenir ces abus en ayant une
rédaction qui soit exhaustive et limitative à la fois, puisque
c'est une loi un peu d'exception, si vous voulez, dans un certain sens? On dit:
En général, ce sont les familles qui s'occupent des enfants, mais
on intervient et on peut intervenir d'autorité dans des cas que
précise la loi. C'est le but de l'article 48. C'est la raison pour
laquelle il y a de si nombreux paragraphes. On a essayé de distinguer
les choses, quitte à compléter si on a été
incomplet. Ne vous semble-t-il pas que ce souci d'être le plus
précis possible doit particulièrement se retrouver dans cet
article qui, vraiment, est celui qui ouvre la porte à une intervention
dans les affaires des familles?
Mme Audette-Filion: C'est la raison pour laquelle on a
pensé rayer le paragraphe a) et le paragraphe b), justement parce que
ces deux paragraphes laissaient place à toutes sortes
d'interprétations et étaient très dangereux, justement
pour les raisons que vous venez d'élaborer. Ces deux paragraphes peuvent
ouvrir la porte à toutes sortes d'interprétations subjectives.
C'est pour cela qu'on a pensé qu'on allait beaucoup trop loin. Quant au
paragraphe c), je pense bien qu'un enfant soit attaché, on peut entrer
cela nécessairement dans des mauvais traitements ou dans l'abandon.
M. Forget: Oui, on peut tout entrer dans un paragraphe qui dirait
que dès qu'un enfant n'est pas traité convenablement, il faut
intervenir. Je pense que tout le monde réalise à ce moment
si on pousse le raisonnement à l'extrême que tout devient
affaire d'interprétation. Si on croit qu'il y a un danger, ne vaut-il
pas mieux tenter de redéfinir ces motifs d'intervention, de
manière à éliminer les dangers qu'on imagine?
M. Charron: M. le Président, si le ministre me le permet
sur cette question, cela a été effectivement soulevé
aujourd'hui. Personnellement, je n'en fais pas une adoption globale, mais je
préférerais les suggestions que le Barreau nous fait à cet
article. On a soulevé ce matin je le rappelle au ministre
que le paragraphe a), si vous le prenez à la lettre, vous pouvez
à peu près englober le comté de Saint-Jacques.
M. Beaupré: ... Notre-Dame-de-Grâces, parce que,
vous savez, suivant les conditions matérielles d'existence
appropriées à ses besoins et proportionnelles aux ressources de
sa famille, les enfants Bronfman vont pouvoir demander beaucoup de leurs
parents. Vous englobez n'importe qui avec cela.
M. Charron: Ecoutez, je ne nie pas qu'on ait besoin, plus que ne
le fait le Barreau, de préciser et je partage le but que vous voulez
donner à l'article 48. Il faut que ce soit précis, parce que
c'est à partir de là que tout se déclenche. Ce que vous
visez, au paragraphe a), je pense que ce sont les conditions matérielles
de vie de l'enfant et cela devrait être un motif suffisant. Tel qu'il est
rédigé, ce sont les conditions matérielles
partagées par
tellement de jeunes Québécois, au fond, que je ne pense
pas que cela vise exactement le genre qu'on veut.
Il faudrait peut-être dire, dans la rédaction de
l'alinéa d), que, par volonté ou négligence des parents,
il ne reçoit pas la condition matérielle d'existence, du genre
nourriture, par exemple, appropriés à ses besoins, par
volonté ou par négligence. Mais il y a des tas de parents qui ne
peuvent pas donner ce qu'ils voudraient donner à leurs enfants.
N'importe quel médecin dira que la nourriture qu'un enfant de la rue
Panet, par exemple, va manger, du dimanche au samedi, est insuffisante à
son statut normal et à sa croissance. A l'alinéa b), c'est la
même chose: Privation d'affection. Je vous assure qu'on est rendu dans un
délit très intime. Lorsqu'on craignait, tantôt, de dire
qu'on va se mêler de la vie des voisins, c'est ça.
Mme Audette-Filion: De toute façon, on avait pensé
à ajouter, en fait, ce qui était dans le projet de loi
précédent "pour toute autre cause suffisante", ce qui veut dire
que cela devient à la discrétion de la cour, à ce
moment.
M. Forget: Non, non. Il y a une méprise sur le but de
l'article 48. Ce n'est pas pour la cour que cet article existe. La cour va
juger en fonction des lois s'il y a des infractions à des lois. C'est
pour permettre une intervention auprès du comité local
d'orientation, et donc, enclencher un mécanisme même
d'intervention sociale.
Je trouve même presque paradoxal que ce soit le Barreau qui nous
suggère une rédaction aussi large que de dire: A peu près
n'importe quelle cause...
M. Beaupré: M. le ministre, avec...
M. Forget: ... peut justifier une intervention d'un travailleur
social dans une famille, qui va aller jusqu'à recommander le retrait de
l'enfant de la famille.
M. Beaupré: Non, mais, M. le ministre, je dois dire que le
dernier sous-paragraphe de l'article 48 que l'on propose a été
inclus par erreur. "Pour toute autre cause suffisante" ne devrait pas
être là. Il y a une bonne raison, vous savez, c'est parce qu'au
préambule, on dit: Notamment.
Mme Audette-Filion: C'est ça. On avait le choix, à
un moment donné, entre les deux.
M. Forget: Quand même...
Mme Audette-Filion: Mais c'est qu'on dit la même chose,
finalement.
M. Charron: Mais si le texte du Barreau pèche aussi
à d'autres endroits, là où vous corrigez celui du
ministre, vous ouvrez une autre porte, parce que l'alinéa f), que vous
présentez à cet article 48, "le milieu dans lequel l'enfant
évolue peut le rendre sujet à la délinquance", ce n'est
pas très pré- cis. Encore une fois, si on se base seulement sur
les statistiques des lieux d'émanation des jeunes détenus
à Berthelet, par exemple, ou dans les autres centres, vous allez trouver
une région de Montréal à peu près circonscrite
à 80%, en tout cas, m'a-t-on dit, à cet endroit.
Il y a effectivement des milieux socio-économiques, des
quartiers, dans les grandes villes, dans lesquels l'enfant évolue,
où il peut être plus porté à la délinquance
qu'à vivre ailleurs.
M. Beaupré: On a seulement tenté... M. Charron:
Vous ouvrez trop large...
M. Beaupré: ... d'améliorer le texte. On ne dit pas
que le nôtre est parfait.
M. Charron: Non, vous nous aidez. C'est comme cela que je le
prends aussi. Vous nous faites des suggestions...
M. Beaupré: Oui.
M. Charron: ... et les critiques qu'on fait sont parce qu'on veut
travailler sur le texte aussi.
M. Beaupré: A moins que je ne m'abuse, M. le
député, c'est que ce texte de "milieu sujet à rendre
l'enfant délinquant", c'est un texte qu'on retrouve dans la
législation fédérale. Je comprends qu'on peut
également améliorer la législation fédérale.
Cela ne ferait pas de mal que ce soit la province de Québec qui le
fasse, mais on l'a emprunté là, celui-là.
Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable
ministre.
M. Forget: J'essaierai d'être bref, M. le Président.
Il y a encore une ou deux questions.
Vous avez parlé de l'article 59, comme, je pense, tous les
groupes qui ont précédé le vôtre. Si vous me
permettez, je prends note, évidemment, de vos remarques à ce
propos. Il est clair que la rédaction ne veut pas vraiment dire les
intentions que vous prêtez aux rédacteurs de ce projet,
relativement à un traitement très différent pour les
enfants par rapport à celui d'un adulte. Il reste que, pour les adultes,
il y a possibilité d'enquête préliminaire, et la
comparution, si on peut appeler cela une comparution, devant le CLO, devrait
tenir lieu d'une espèce d'enquête préliminaire et donc
permettre d'évaluer .s'il y a des raisons raisonnables et probables de
croire qu'ils devraient être référés à la
cour. Mais ceci est une question de détail, relativement à la
question que je veux vous poser, et dont vous n'avez pas traité, je
crois, dans vos propos. Il s'agit de savoir si, mettant de côté la
rédaction actuelle de l'article 59, vous êtes d'avis que le
pouvoir du procureur général de faire une mise en accusation, en
vertu du Code criminel, ou en vertu de la Loi sur les jeunes
délinquants, devrait être assujetti, quant à son exercice,
selon une distinction qu'on a faite, qui est très savante, de-
vant nous, la première journée de ces audiences, devrait
être assujetti quant à son exercice à une consultation du
CLO.
C'est-à-dire, que le comité local donnerait un avis
à savoir si le procureur général devrait faire la mise en
accusation ou non et que s'il disait qu'il ne devrait pas être mis en
accusation, qu'il ne le serait pas et que s'il disait qu'il devrait être
mis en accusation, que la discrétion demeurait, malgré tout, chez
le procureur général, de ne pas accepter cette recommandation
puisque le projet de loi fédéral qui est actuellement
discuté prévoit que les provinces peuvent ouvrir cette porte si
elles le désirent.
Etes-vous en faveur de l'ouverture de cette porte ou
préférez-vous qu'on se borne à améliorer la
rédaction actuelle de l'article 59 qui oblige de faire une mise en
accusation dans certains cas?
M. Beaupré: M. le ministre, je vous ai dit, tantôt,
ce que le Barreau pensait de l'article 59 et n'importe quelle autre solution
est préférable à cette solution proposée à
l'article 59.
Encore une fois, on ne peut admettre, comme principe valable, que des
soupçons ou que le passé d'une personne, que la personne ait 10
ans ou 70 ans... qu'un simple soupçon ou que son passé puisse
justifier l'intervention de l'appareil judiciaire.
Quant à la question de savoir si les principes qui
président à l'enquête préliminaire ne justifieraient
pas un peu cet article, je vous dirais que même pour faire une
enquête préliminaire, il faut que le dénonciateur ait plus
que des soupçons ou plus que l'historique du prévenu pour
commander une enquête préliminaire. Il faut qu'il ait les motifs
raisonnables et probables de croire que l'individu a commis un acte
criminel.
M. Forget: Je suis d'accord avec vous, mais je pense que ma
question a été mal comprise. Admettant tout cela et admettant que
votre rédaction soit celle qui se retrouve dans un texte, il demeure que
ce n'est qu'une amélioration à une position qui est inscrite dans
ce texte qui est une position parmi d'autres possibles. L'alternative qui vous
a été suggérée est que l'article 59 soit
remplacé en totalité par une autre disposition qui permet au CLO,
quelle que soit la gravité de l'offense, de faire une recommandation au
procureur général de ne pas poursuivre.
Dans le moment, tel que rédigé je crois qu'on ne le
constate peut-être pas, mais c'est quand même l'effet de cette
rédaction certaines offenses pour lesquelles il n'y a aucune
discrétion, pour lesquelles il doit y avoir une poursuite, mais qui ne
sont pas du degré de gravité que vise l'article 59,
deviendraient, par la rédaction de l'article 59, même
amélioré, l'objet d'un pouvoir discrétionnaire du CLO.
Autrement dit. le CLO pourrait recommander ou ne pas
référer à la cour une offense criminelle qui est passible
d'une peine de moins de trois ans. Cette discrétion n'existe pas dans le
moment. Il doit y avoir une mise en accusation.
On nous a suggéré d'aller au-delà de cela et de
dire que quelle que soit la gravité de l'offense, le CLO puisse ou non,
à sa discrétion, référer le cas à la cour.
Etes-vous favorable à cette libéralisation plus large de la
loi?
Vous avez dit tantôt: Toute espèce de possibilité
est meilleure que celle-là. Cela doit-il comprendre même ce
développement?
M. Valois (Pierre): Si vous me permettez. D'abord, dans le
moment, il se produit de la déju-diciarisation et il n'a pas fallu
attendre un texte de loi pour le faire. Tous les cas, ou à peu
près, je pourrais même dire tous les cas je parle pour
Montréal parce que c'est là que je travaille d'enfants de
moins de quatorze ans ne passent pas sous accusation, mais bien sous
protection. C'est un premier pas. De plus, il y a beaucoup de cas de
délits mineurs, d'enfants de plus de quatorze ans qui ne passent pas non
plus sous accusation, mais bien sous protection. Dans le moment, la
déjudi-ciarisation se fait.
Deuxièmement, je pense qu'il faut voir l'article 59 avec
l'article 78. L'article 78 dit une chose qui me paraît, personnellement,
une absurdité dans la lettre. Je sais bien que l'avant-projet de loi dit
bien, à un article que j'ai cherché tout à l'heure, aux
alentours de 100, que la Loi sur les jeunes délinquants existe toujours
et devra toujours pouvoir s'appliquer. Alors, on voit bien que le projet de
loi, de toute façon, prévoit qu'on ne met pas de
côté la Loi sur les jeunes délinquants. Il reste que
l'article 78 dit bien que: Nonobstant toute disposition inconciliable de toute
autre loi, la cour ne peut être saisie du cas d'un enfant en vertu de la
présente loi ou toute autre loi du Québec ou de la Loi sur les
jeunes délinquants. Cela exclut la Loi sur les jeunes
délinquants, sauf alors j'essaie de vous expliquer comment il me
semble... Enfin, on a étudié cela et je ne vois pas d'autre
alternative les cas visés à l'article 59, etc. Comme je
pense que cela doit se comprendre, si j'interprète le texte
français qu'on a là, avec les règles de français
qu'on connaît, il n'y a aucune possibilité de procéder
selon la Loi sur les jeunes délinquants, à moins que ce soit
selon l'article 59. L'article 59 dit: On procède, dans ces cas, en
demandant la protection de l'enfant. En demandant des mesures de protection. Si
on met cela ensemble, donc 59 et 78, cela veut dire que désormais la
police n'a plus le choix, quand il y aura un cas de meurtre, d'un jeune de 17
ans qui aura tué quelqu'un, il devra aller voir le CLO. D'abord,
d'après moi c'est inconstitutionnel et, deuxièmement, je pense
que de toute façon, socialement, c'est inacceptable, à mon avis
personnel. Je pense que c'est le rapport du Barreau aussi qui dit que c'est
inconstitutionnel et que cela ne doit pas pouvoir s'appliquer comme cela.
Je vous soumets que le projet de loi fédéral dit bien que
le procureur général peut transmettre un cas qu'il juge traitable
par le CLO il ne dit pas le CLO, mais par la façon sociale de
traiter le cas donc il peut le déférer, il peut envoyer le
cas là et selon ce qu'on décidera, ou bien on traitera
socialement le cas ou bien on le remettra au procureur
général qui alors pourra décider de procéder en
cour ou d'oublier le cas. Je pense que c'est l'esprit du projet de loi
fédéral. Si on applique ce projet de loi, cela veut dire, si je
veux essayer d'être clair, que cela ne va pas du tout à l'encontre
de l'article 59, mais l'article 59 devient inutile, à savoir que, s'il y
a une accusation, premièrement, le procureur général
décide si on l'envoie pour un traitement social ou au judiciaire. S'il
décide le judiciaire, c'est parce qu'il y aura gravité,
l'âge, etc. Je pense qu'à ce moment-là, on va se fier
à ce qu'il va décider et donc il y aura procédure
judiciaire. S'il décide de l'envoyer du côté social, on n'a
pas besoin de l'article 59, c'est déjà tout prévu au
projet de loi et il l'envoie pour traitement social. Si le traitement social
est impossible, on le renverra au procureur général qui alors
décidera de faire ce qui en est.
Alors, je pense qu'à ce moment-là, il faut bien voir que
l'article 59 est non seulement inutile, mais, quand on le lit, il devient, je
pense, vraiment à saveur déplaisante où là il y a
toute la question de soupçons et d'histoires incroyables, encore une
fois, sous le titre de protection de la jeunesse, l'article 59 devient
complètement inutile et l'article 78 doit être amendé pour
permettre qu'on procède suivant la Loi sur les jeunes
délinquants.
M. Forget: Si vous me permettez, je crois que vous avez
répété, en d'autres mots, ma question, plutôt que
vraiment y répondre, parce que je ne nie pas qu'effectivement, si l'on
suit les suggestions contenues dans la loi fédérale
proposée, l'article 59 est inutile et effectivement c'est tout à
fait vrai, mais cette discrétion qui existe dans le projet de loi
fédéral, qui est celle du procureur général, est
exercée sur avis et sur recommandation d'un organisme provincial
créé par une loi provinciale qui a toutes les apparences du CLO.
Donc c'était la nature de ma question je comprends l'objet
du projet de loi fédéral. Est-ce qu'au-delà de simplement
l'expression de cette situation, le Barreau est favorable à ce que le
Québec, parmi les autres provinces, adopte une loi provinciale pour
donner effet à cette suggestion qui se retrouve dans le projet de loi
fédéral?
M. Beaupré: C'est sûr que, comme tel, le Barreau ne
peut pas avoir d'objection à ce que le procureur général
agisse sur recommandation d'un organisme. Le danger qu'on peut y voir c'est que
le procureur général de la province, qui est chargé de
l'administration de la justice dans la province, ait les deux mains
liées par un texte trop rigide peut-être. Il y a peut-être
possibilité de trouver un texte, une rédaction qui remplisse
mieux les voeux ou les objectifs poursuivis, devrais-je dire, que l'article
59.
M. Forget: Qu'il disparaisse de toute manière, c'est une
alternative.
M. Beaupré: Oui. Je pense que le Barreau ne peut pas
avoir, théoriquement, d'objection à ce que le procureur
général s'éclaire par certains organismes qu'il
crée et qui ont trait précisément à assurer une
meilleure protection aux jeunes. C'est sûr que le Barreau ne peut pas
avoir d'objection à ça.
Mme Audette-Filion: Je pense que, de la façon dont vous
avez formulé votre question, de la façon que je la comprends,
c'est que, finalement, le pouvoir de recommandation du CLO dont vous parlez
serait plus qu'un pouvoir de recommandation; autrement dit, ce serait
l'équivalent d'un avis au procureur général en vertu
duquel le procureur général serait lié. Si le CLO
recommandait de ne pas poursuivre dans certains cas, pour telle et telle
raison, le procureur général n'aurait pas de discrétion et
serait lié par ça. J'ai l'impression que c'est aller trop loin.
Je pense que la valeur...
M. Forget: Vous seriez prête à reprendre les
termes...
Mme Audette-Filion:... de la recommandation du CLO est
sûrement très importante et je ne voudrais pas que ce soit le CLO
qui décide en dernier ressort. Je pense qu'il faut laisser ça aux
tribunaux à ce moment-ci, ce qui ne veut pas dire que le juge qui sera
saisi de l'affaire ne pourra pas appliquer des mesures de protection. Il fera
la part des choses.
M. Charron: II y a deux questions là-dedans. Il y a la
question de savoir si le CLO aura un pouvoir de décision quant à
l'orientation de l'enfant ou vers le judiciaire ou vers le social ou un simple
pouvoir de recommandation auprès du procureur général.
Mais, comme on l'a dit dans les formules, à cause de la loi sur les
jeunes délinquants d'Ottawa, ce pouvoir lui est expressément
reconnu. Il peut s'éclairer, il peut aviser, il peut consulter. Il peut
d'ailleurs le faire actuellement. C'est pourquoi la pratique veut que, dans
certains cas, déjà, l'enfant ne se rende même pas à
la cour. C'est illégal actuellement. Mais déjà il
s'éclaire, il a évolué un tant soit peu, je ne parle pas
du juge en chef, mais d'autres ont évolué et peuvent, à
l'occasion, aller chercher des comportements un peu plus humains.
La question du ministre ne vise pas simplement à savoir: Est-ce
qu'on donne au CLO, comme vous l'appelez déjà, un pouvoir de
décision ou un simple pouvoir de recommandation? Je pense que la
question n'est pas là. S'il respecte la loi des jeunes
délinquants d'Ottawa, le CLO n'a qu'un pouvoir de recommandation.
Est-ce que le CLO a un pouvoir de recommandation sur tout ou s'il a un
pouvoir de recommandation seulement sur les causes qui ne peuvent pas attirer
plus que trois ans? Autrement dit, après avoir réduit son pouvoir
de décision à celui de recommandation, est-ce qu'il peut
recommander, même dans un cas de délit qui, à sa face
même, à un adulte, mériterait trois ans et plus, selon le
Code criminel, est-ce qu'il peut recommander quand même au procureur
général de faire,
dans ce cas, abstraction du Code criminel à cause de ceci ou de
cela, que le travailleur social ou quelqu'un d'autre aura découvert dans
le passé du jeune prévenu, et ainsi recommander d'être plus
large?
Le procureur général pourra toujours dire: Je regrette, la
gravité du cas me semble l'emporter, je procède au judiciaire.
Actuellement, 59, qui ne fait que statuer sur le pouvoir de recommandation du
procureur général reconnu à 78, c'est le lien entre les
deux; son pouvoir de recommandation à 59, non seulement ce n'est que de
la recommandation, mais il est limité aux délits mineurs. Le CLO
ne peut même pas se prononcer sur un cas assez grave. Dans les cas assez
graves, je ne parle pas de meurtre. Vous connaissez le Code criminel mieux que
moi. Les cas qui peuvent mériter trois ans et plus pour un adulte sont
nombreux. Ils peuvent partir d'un vol qualifié, s'il s'agit de
récidive, et peuvent aller au meurtre, bien sûr, et à tout
ce que vous voudrez.
Donc, en fait, si on l'adoptait comme ça, le CLO pourrait
recommander au procureur général que, sur des délits
très minces, comme, par exemple, le refus d'aller à
l'école... Ce n'est pas un exemple à se tirer en l'air; il y a
des jeunes enfermés à Berthelet à cause de ça,
actuellement, refus d'aller à l'école.
Mme Audette-Filion: Ce n'est pas un délit.
M. Charron: Ce n'est même pas un délit, ce n'est
même pas grave; donc, le CLO peut se prononcer sur ces choses. Mais,
aussitôt que ça commence à atteindre une certaine
importance qui peut affecter sérieusement la vie de l'enfant, même
le pouvoir de recommandation du CLO disparaît, si on prend 59 comme tel.
C'est le procureur général, encore une fois, tout seul, qui
exerce sa discrétion. J'admets, comme le dit le ministre, que,
techniquement parlant, même le texte actuel de 59, en enlevant le cas
immonde du soupçon je pense qu'on devrait avoir déjà
gagné ça.
Même dans sa rédaction actuelle, l'article 59 est un acquis
nouveau par rapport au texte de loi précédent, mais pas à
la pratique, j'en conviens, pas à la pratique, parce que,
déjà, le procureur général va chercher des
recommandations, va s'éclairer. C'est au moins le progrès des
dernières années. Et cela, on ne le doit aucunement à
l'ancien ministre de la Justice.
M. Beaupré: Si je peux rejoindre un peu la question du
ministre des Affaires sociales, dans le fond, il s'agit de savoir si l'enfant
qui a commis un acte criminel a droit lui aussi à la protection que la
loi prévoit, quelle que soit la gravité de son acte.
Je pense qu'encore une fois, théoriquement, il ne me semble pas
possible de contester le bien-fondé d'une directive donnée par le
CLO, même au procureur général. Il s'agit toujours des
mêmes enfants qu'il faut protéger, surtout peut-être dans
ces cas-là.
Pour répondre de façon plus directe à la question
que M. le ministre posait tantôt, il me semble- rait parfaitement logique
que le CLO soit appelé à jouer un rôle important, surtout
dans ces cas-là.
M. Forget: Merci. Un dernier point qui couvre deux aspects de
votre mémoire en même temps. Vous avez fait des commentaires sur
le droit d'appel, déplorant qu'il soit limité. C'est un fait
qu'il est limité dans le texte de l'avant-projet. D'autre part, vous
avez fait des commentaires sur la déchéance de l'autorité
parentale en nous rappelant que c'était, bien sûr, un geste
très grave, puisque cela ouvre la porte à l'adoption, donc
à une rupture complète.
Dans les deux cas, cependant, est-ce qu'on n'est pas en face de mesures
où l'objectif principal de la loi, qui est la protection de la jeunesse,
est essentiellement celui qui doit nous guider? C'est que le droit d'appel,
quand il est exercé pour des adultes, pour défendre leurs droits
d'adultes, résulte de décisions qu'ils prennent eux-mêmes
mais qui entraînent, comme on le sait, des délais et des
délais parfois importants. Un adulte est en mesure de trancher entre les
inconvénients, mais parfois les avantages que lui procurent ces
délais et la possibilité, par l'appel, de voir une situation qui
lui est défavorable, lui être favorable.
Pour l'enfant, on se demande un peu s'il est en mesure de peser de la
même manière ce genre de décision qui sera peut-être
prise par ses conseillers, peut-être par son avocat, d'aller en appel sur
à peu près n'importe quoi, parce que les délais, il les
ressentira de façon peut-être beaucoup plus sévère
que ne le ferait un adulte. Il ne s'agit pas de droits économiques, qui
peuvent attendre très souvent, mais il s'agit essentiellement de sa vie,
et cela peut l'atteindre très gravement, un droit d'appel, puisque,
durant l'appel, j'imagine, la décision est suspendue, l'application de
la décision est suspendue.
N'est-il pas nécessaire, à ce moment-là, de
s'assurer que les motifs d'appel ne peuvent pas être frivoles, en quelque
sorte? Mais peut-être que ce n'est pas le bon moyen.
D'autre part, la même chose vaut pour la déchéance.
On nous rappelle, et plusieurs groupes l'ont fait non pas plusieurs
groupes, mais quelques groupes l'ont fait que la déchéance
est une chose extrêmement sérieuse, puisque cela conduira à
l'adoption.
Il demeure que, dans le doute, quant à l'opportunité de la
déchéance, il faut s'interroger à savoir si ce doute ne
doit pas être interprété en faveur de l'enfant. Et quand un
doute assez sérieux existe et que peut-être la
déchéance est appropriée, cela veut dire que l'enfant a
sûrement des parents qui ne sont pas exemplaires et qu'il sera
sûrement placé en attendant que le doute soit tranché. Il
sera peut-être placé pendant des années dans des foyers
nourriciers, il sera peut-être déplacé d'un foyer à
un autre pendant des années, en attendant qu'on tranche ce doute.
Etant donné que l'alternative est l'adoption, encore une fois,
est-ce qu'on ne doit pas mesurer l'intérêt relatif de l'enfant qui
pourrait trouver là la sécurité, nouer des liens affectifs
nouveaux avec
une famille qui le veut, contre le droit de la famillle à garder
son enfant, alors que, dans ces cas où ce doute existe, elle ne semble
pas manifester un très grand désir d'assumer ses
responsabilités?
Dans le cas de l'appel, comme dans le cas de la déchéance,
sans aucun doute, ce sont des choses très graves, mais le but est de
protéger la jeunesse. Ce n'est pas nécessairement d'aller au bout
des procédures dans un cas, ni de défendre à tout prix le
droit presque patrimonial des parents vis-à-vis de leur
progéniture. C'est au moins la question que je vous pose. Il me semble
qu'il y a des limites à ne pas franchir, même au nom de la
parité de droits des enfants avec les adultes.
M. Charron: Permettez-moi d'ajouter à cela que je soutiens
un bon nombre des propos que vient de tenir le ministre des Affaires sociales.
La seule inquiétude que j'ai, si j'ai bien, encore une fois, compris son
objectif, c'est que le texte tel qu'inscrit à l'article 98 ne facilite
peut-être pas l'atteinte de ces objectifs. Qu'il y ait en quelque sorte
restriction je pense que c'est comme cela que le Barreau l'a
appelée tout à l'heure du droit d'appel, il est assez
facile d'en convenir pour un certain nombre de raisons et même d'autres
qu'on pourrait invoquer et ajouter à celle qu'a données le
ministre.
Mais, est-ce que par les paragraphes a), b), et c) de l'article 98, on
l'atteint? j'ai l'impression qu'ils donnent lieu enfin, je n'en suis
même pas certain mais je craindrais que ces paragraphes tel que
libellé donnent lieu à un appel, non seulement sur le fond d'une
décision rendue, mais à tout un débat de forme, parce que
les conditions auxquelles on s'en tient et qu'on a voulu réduire, c'est
qu'il y ait eu partialité, par exemple, que la procédure ait
été irrégulière et que les motifs de fait ou de
droit invoqués au soutien de la décision sont erronés.
C'est tout un débat de droit que l'on force à avoir qui n'est
peut-être même pas du tout écarté.
C'est-à-dire qu'arrivera-t-il à l'enfant exactement si
plutôt que de voir son propre cas et sa propre sentence portés en
appel c'est la façon dont son procès s'est
déroulé qui devient l'excuse pour porter en appel tout cela? La
situation où vous disiez que cela pouvait affecter la vie même de
l'enfant, la décision sera en appel sur une question de droit, ce qui
est même plus désavantageux pour l'enfant que la question de fond
ou le jugement même rendu.
Si c'est uniquement sur une question de droit, la cause est en appel et
la sentence ne peut être appliquée tant que la cause est en
appel.
M. Forget: Si je peux me permettre, avant que nos invités
n'enchaînent, il s'agit de trois motifs qui sont assez coutumiers dans la
détermination de droits d'appel restreints, puisque ce sont des
règles de base de toute justice. C'est même une des raisons et une
des seules raisons: lorsqu'un tribunal administratif rend des décisions
sans appel, on peut les faire réviser s'il y a manifestement un
déni de justice, si on n'a pas entendu les parties, si on s'est
basé sur des considérations telle- ment étrangères
au litige que, manifestement, on s'est trompé. C'est dans ce sens.
Evidemment, tout appel entraîne je suis d'accord avec le
député de Saint-Jacques là-dessus
nécessairement des débats et de la procédure.
Mais peut-être que nos invités peuvent répondre
aussi.
M. Beaupré: Je veux simplement dire un mot, parce que je
sais que d'autres de mes collègues voudraient aussi dire quelque chose
là-dessus. Je ne suis pas d'accord avec le ministre quand il dit que les
motifs des paragraphes a), b) et c) sont les motifs de droit commun justifiant
les appels.
M. Forget: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Beaupré: Et des motifs courants que l'on rencontre.
M. Forget: En droit administratif, par exemple, dans toutes les
circonstances où on veut restreindre l'appel à des situations
véritablement équivalentes à des dénis de
justice.
M. Beaupré: Oui, mais on n'est pas en droit administratif,
M. le ministre.
M. Forget: Non.
M. Beaupré: Tantôt, vous avez dit: On va permettre
l'appel de n'importe quoi. Ce n'est pas l'appel de n'importe quoi. C'est
l'appel d'une décision de la Cour de bien-être social qui est
créée en vertu des droits de cette province. C'est un appel d'un
jugement d'une cour, ce n'est pas n'importe quoi. Normalement, le
législateur ne spécifie pas les motifs d'appel qui doivent
exister pour qu'on puisse en appeler. C'est précisément dans les
cas d'exception, dans les cas de tribunaux administratifs où il y a des
conditions, des restrictions quant aux droits d'appel. Normalement,
j'espère, quant aux droits des enfants et la protection des enfants,
qu'il s'agit là d'une matière de la plus haute importance
comparé à des questions purement administratives. C'est pourquoi,
il me semble que si, dès qu'une cause atteint une valeur de $3,000, on a
droit d'en appeler automatiquement, lorsqu'il s'agit de la protection des
enfants, cela vaut au moins $3,000.
M. Valois: Ce que je pourrais peut-être offrir, c'est une
espèce de conciliation entre les deux points de vue ici, à savoir
que l'article 102 dit que quand il y a un appel, cela suspend automatiquement
l'exécution du jugement. Est-ce que cela ne pourrait pas être tout
simplement inversé? C'est-à-dire que l'exécution reste
là, à moins que cela demande une audition devant la Cour
d'appel ou la Cour supérieure on demande au juge s'il y aura ou
non suspension. Peut-être que si le juge en appel voit les deux
côtés de la médaille, il sera assez éclairé
pour décider que dans le cas présent, vu qu'il semble que c'est
peut-être futile
comme appel, il doit garder l'exécution du jugement en attendant
la décision finale, ce qui réglerait, de toute façon, ce
problème.
Je parlerai ici du droit d'appel, on n'en a pas parlé, même
si c'est dans le mémoire, mais je pense que ce sujet est important. Il
ne doit pas y avoir, malgré ce qu'on propose au projet de loi, un
procès de novo, c'est-à-dire un procès à nouveau,
où on entend tous les témoins, etc. On dit bien dans notre projet
que c'est une procédure bien trop lourde. On ne doit pas faire venir des
enfants en cour, en appel, déclarer à nouveau que leurs parents
boivent, les ont assaillis sexuellement, etc. On ne doit pas les forcer
à venir nous dire à nouveau, en appel, donc dans un palais de
justice différent, devant des juges que, effectivement, ils ont commis
des actes de telle ou telle nature, etc.
Je pense qu'on devrait laisser au juge, comme il arrive dans beaucoup
d'autres cas d'appel, en appel, de décider s'il veut entendre à
nouveau un témoin ou d'en entendre d'autres supplémentaires. On
ne doit surtout pas forcer comme cela, directement par l'article 101, tel que
c'est proposé, que tout recommence devant un juge, en appel, qui peut
bien être justement futile, où par la force des circonstances, les
enfants seront traumatisés, une deuxième fois, et encore plus,
devant une autre cour qui n'est pas habituée de les entendre.
On n'a pas d'autres questions, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, j'en ai glissé
passablement parmi celles du ministre des Affaires sociales parce
qu'effectivement, je pense que c'est la meilleure façon de
procéder quand même plutôt que de revenir sur un sujet
continuellement. Il est vrai que, comme nos invités, nous nous attachons
aussi particulièrement à certains points du projet de loi. Les
remarques viennent à peu près partout.
Je n'ai qu'une ou deux observations supplémentaires à
faire. J'aimerais que vous repreniez l'explication, M. Beaupré, que vous
avez donnée en suggérant de biffer les articles 91 et 92. Ce
n'est pas parce que je ne l'ai pas comprise, mais je pense que si vous la
redonnez, je reprendrai, car l'objection que j'avais disparaît.
M. Beaupré: Je vais tenter de le faire, M. le
député.
M. Charron: Délibéré intégral.
M. Beaupré: Oui. Délibérer sur une chose
jugée. Ecoutez, l'article 91, si vous voulez, on peut le relire: Si la
cour est incertaine quant à l'opportunité de redonner
l'application d'une mesure à l'égard d'un enfant ou de ses
parents, elle peut suspendre sa décision. A la fin de la période,
la cour peut faire une nouvelle enquête sur tout fait nouveau. Si elle
est encore incertaine à la suite des faits nouveaux, elle va
resuspendre, elle va attendre d'autres faits nouveaux. S'il y en a d'autres
dont elle va être saisie, si elle est encore incer- taine, elle va encore
suspendre. Et là, on n'en finit plus. Ou l'enfant est devant la cour,
parce qu'il y a quelque chose, ou bien, vraiment, il n'y a pas de preuve, il
n'y a rien. A ce moment, il faut que la cour dispose des causes.
Dans le fond, c'est le même principe devant toutes les cours et
à l'occasion de n'importe quel genre de litige. Les juges sont là
pour décider. Ils sont payés pour cela. Ils entendent la
preuve...
M. Charron: Et que ça passe le plus rapidement
possible...
M. Beaupré: Bien...
M. Charron: ... surtout si c'est un enfant, surtout si c'est
un...
M. Beaupré: Bien oui! Une des premières
qualités de la justice, c'est qu'elle soit expéditive. Un juge
incertain... Je n'ai pas l'impression qu'il va rendre justice.
M. Charron: Ce qui m'étonne entre les articles 91 et 92...
Vous me permettrez de poser ma question au ministre des Affaires sociales.
J'admets que c'est un élément qui m'avait échappé
jusqu'ici.
Dans les cas prévus aux articles 91 et 92, où le juge
suspend l'exécution ou même le prononcé d'une
décision...
Mme Audette-Filion: ... 91... prononcé...
M. Charron: Suspendre sa décision ou l'application de
certaines mesures... Il faudrait qu'il détermine. A l'article 92, on
précise le cas où il s'agit d'un jugement de divorce devant la
Cour supérieure. Qu'est-ce qui arrive avec l'enfant pendant ce
temps?
M. Beaupré: A l'article 92, on suggère...
M. Charron: A qui... Non, mais je demande au ministre...
M. Beaupré: Excusez-moi!
M. Charron: ... tel quel, actuellement. Vous avez raison de le
signaler à la commission. Supposons que le juge, effectivement, a
décidé de suspendre, pour une raison ou pour une autre, de quelle
autorité, à qui sera remis l'enfant, et qu'est-ce qu'on pourra en
faire?
M. Forget: Cette disposition de l'article 91 est inspirée
du droit comparé en matière de la protection de la jeunesse,
puisque l'on retrouve cette disposition dans certaines législations.
Cela s'inspire un peu du fait que le tribunal des jeunes n'est pas, on l'a dit
tantôt, un organisme administratif. Son seul rôle n'est pas
seulement d'officialiser des décisions affectant les droits des parties.
Il a un rôle positif à jouer on nous l'a souligné,
je pense, au cours de ces audiences dans le pro-
cessus de rééducation ou de réadaptation de
l'enfant.
Dans certains cas, il est jugé souhaitable que l'enfant soit
présenté en cour. Dans d'autres cas, c'est jugé
défavorablement, mais il est des cas où il est souhaitable que le
certain formalisme qui accompagne cette démarche puisse aider à
replacer l'enfant dans une optique de réalité. Enfin, c'est le
terme qui a été utilisé par un groupe, ce matin. On
retrouve donc, dans les législations de certaines provinces canadiennes
en particulier, ce pouvoir de suspendre la décision. Evidemment, la
façon dont c'est exprimé peut être modifiée. Ce
n'est pas que le tribunal est incapable de se décider, mais qu'il
décide effectivement, ayant entendu la cause, ayant parlé
à l'enfant et l'ayant entendu, ayant fait la même chose
vis-à-vis des parents, de dire: Pour le moment, nous nous arrêtons
là. Mais d'ici six mois, si tout va bien... tout est fini. S'il y a des
complications nouvelles, on reprend tout simplement le cours de la
procédure. C'est une mesure qui peut aider dans certaines circonstances,
qui est utilisée dans des endroits où la législation de la
protection de la jeunesse est dans un état de développement
peut-être plus grand que ce que nous avons connu jusqu'ici.
Donc, c'est une mesure qui serait, ici, relativement nouvelle. Elle ne
résulte pas de l'indécision ou de l'incapacité du juge de
se prononcer. C'est un moyen de plus qui lui est donné pour
s'intéresser et participer à l'évolution d'une cause, sans
nécessairement être obligé de la trancher tout de suite, en
laissant le temps faire son oeuvre. C'est le seul sens qu'il faut attacher
à l'article 91.
Pour ce qui est de l'article 92, alors, on soulève un
problème tout à fait différent, et qui est un
problème de conflit de juridiction. On nous dit, ici, que ce conflit
n'existe pas. Bon! J'accepte cette expression d'opinion. Il reste que d'autres
sources dans le monde juridique nous affirment qu'il existe, et que les deux
tribunaux en question se prononcent de façon contradictoire parfois,
relativement à la garde du même enfant. Il y a, d'ailleurs, dans
nos universités, des thèses de maîtrise en droit qui sont
écrites sur le sujet, soulevant le problème et suggérant
qu'il soit tranché d'une façon à peu près analogue
à celle qui est suggérée ici.
Mais encore une fois, c'est une opinion d'experts, pour laquelle il y a
probablement des avis divergents. Il semble que, dans le concret, il y a eu des
enfants qui ont été l'objet, successivement, de deux
décisions différentes par deux tribunaux différents. On
voulait avoir une règle qui nous permette de trancher ce conflit.
Si on nous dit, après analyse, que le conflit est imaginaire, ce
n'est qu'une solution à un problème qu'on estimait réel.
Si on nous dit que le problème n'existe pas, on n'a donc pas besoin de
la solution.
M. Beaupré: Non, le problème, M. le ministre, n'est
pas imaginaire. C'est certain qu'il y a deux facettes à la garde d'un
enfant.
Il y a la garde juridique de l'enfant, qui est le domaine de la Cour
supérieure, et il y a la garde aussi, dont la Cour de bien-être
social peut décider pour des motifs d'ordre public, comme ceux de la
santé de l'enfant ou comme ceux du développement normal de
l'enfant.
Les décisions de la Cour supérieure, du moins en
jurisprudence, n'ont jamais fait obstacle à ce que la Cour de
bien-être social décide, malgré que la Cour
supérieure ait dit qu'entre les deux époux, le mari est le plus
fin ou la femme la plus fine, cela n'a jamais empêché les juges de
la Cour de bien-être social de dire: Ni l'un, ni l'autre ne sont, en
pratique, capables d'assurer à cet enfant un développement normal
et j'ordonne qu'il soit placé chez madame X. Il s'agit de deux notions
juridiques différentes.
Quant à nous, nous pensons que si, de fait, des jugements
apparaissent à leur face même contradictoires, légalement
parlant, il n'en est rien, et les motifs qui justifient la Cour de
bien-être social d'intervenir dans des questions de garde soit des motifs
spécifiquement mentionnés par le législateur dans une loi
publique et d'intérêt public, alors que les parties qui se
présentent devant la Cour supérieure font face à des
règles de droit totalement différentes.
Quant à l'article 91, il n'y a pas de doute que c'est commode que
la cour puisse remettre sa décision à plus tard, mais c'est
inhérent à tout pouvoir judiciaire. C'est normal que la cour
prenne le temps de réfléchir sur la preuve qui est faite pour
adopter finalement la décision la plus appropriée.
Le texte, ici, me paraît ouvrir la porte à des abus et il
n'est pas besoin quant à nous d'un pareil article pour permettre au juge
Dieu sait que cela se fait maintenant et l'article n'existe pas
de remettre à plus tard sa décision; mais qu'il prenne une
décision sur une plainte ou sur une déclaration donnée,
à l'aide de faits futurs, je pense qu'en droit, c'est un principe qui se
défend mal.
M. Valois: Puis-je ajouter ici, quant à l'article 92,
qu'il y a deux ou trois petits points qu'il me semble important de noter.
Par exemple, on dit que la Cour de bien-être social ne peut
statuer sur ladite garde de la Cour supérieure c'est bien cela
que ça veut dire et je pense que c'est vraiment non
constitutionnel. La Cour de bien-être social ne peut jamais, de toute
façon, statuer sur la garde de la Cour supérieure, à moins
que... Vous voyez... "La cour ne peut statuer sur ladite garde à
moins..." Elle ne peut jamais statuer sur ladite garde parce que ce n'est
vraiment pas de son pouvoir de décider de la garde juridique de
l'enfant.
Deuxièmement, je pense que vous avez la jurisprudence et
particulièrement en Cour suprême, l'arrêt Credall, qui est
une jurisprudence précieuse, qui détermine exactement où
la Cour de bien-être social peut aller et où la Cour
supérieure peut aller. C'est justement où se trouve la
différence entre le choix de deux parents qui peuvent
bien être ni l'un ni l'autre bons pour garder les enfants
où se trouve aussi le pouvoir de la Cour de bien-être social
d'intervenir. Cette jurisprudence est très précieuse; si on
acceptait un tel texte, elle serait rayée, et je pense que c'est une
perte à ce moment.
Le troisième point que je voulais soulever, c'est que, pendant
que la requête en divorce ou en séparation ou que l'action en
séparation est pendante, vous savez qu'actuellement il y a souvent des
causes, par exemple, de séparation, qui durent deux ans ou trois ans,
cela veut dire que si l'enfant est maltraité, supposons, physiquement...
Disons que l'enfant est gardé par le père qui est
séparé et le père bat son enfant, martyrise son enfant
prenons le pire cas pour bien l'illustrer cela voudrait dire que
parce qu'ils ont une chicane en Cour supérieure qui est remise parce
qu'on a accordé des délais et tout ce que vous voudrez, parce que
la chicane est bien prise, la Cour de bien-être social n'aurait pas un
droit d'intervenir. Cet enfant est maltraité et je le sors de là
parce que ni le père, ni la mère ne se comportent bien.
Je pense que l'article, du commencement à la fin, est non
constitutionnel et dangereux; il prive la Cour de bien-être social du
pouvoir d'intervenir quand il le faut et, enfin, il rejette une jurisprudence
qui est très précieuse.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Y a-t-il d'autres
questions?
M. Charron: J'ai terminé.
M. Valois: Me serait-il permis d'intervenir, seulement quelques
minutes, pour ajouter quelques détails...
Le Président (M. Houde, Limoilou): Oui.
M. Valois: ... qu'il me semble tout particulièrement
important de mentionner. Cela pourrait être bien long, mais je vais
essayer d'être court.
Je pense, sans engager le Barreau, que, finalement ce n'est
peut-être pas la place pour le dire si on mettait autant de
travail à offrir des ressources adéquates qu'on en met à
préparer des textes de loi, dans le moment, la loi sur la protection de
la jeunesse serait suffisante et on pourrait y ajouter quelques amendements. Je
pense que cinq articles seraient suffisants, un permettant l'appel, un
permettant... des points bien précis, et la loi actuelle serait
suffisante. Tout cela pour dire qu'actuellement, si on regarde dans la pratique
ce qui se passe, vous avez je pense que M. Charron a un peu
touché au problème ce matin des cas incroyables où
des juges sont obligés de dire au jeune: Je n'accepte pas ton plaidoyer,
pour le placer en institution adulte parce qu'il n'y a aucune ressource pour
les mineurs. Evidemment, ce n'est pas de la protection judiciaire, c'est de la
délinquance.
Donc, suivant la loi chez les jeunes délinquants... Cela montre
bien qu'il y a une pénurie effroyable de ressources pour venir en aide
aux enfants. Effroyable au point que les juges s'en font des problèmes
de conscience et les avocats ne savent plus quoi dire aux juges. Les avocats
sont obligés de dire: M. le juge, je demande un
référé pour que le jeune c'est une
technicité puisse être gardé dans un centre autre
que mineur, puisqu'il n'y a pas de centres mineurs; au point qu'on doit dire au
juge, à un moment donné... Nous avons fait des recherches, nous
avons fini par trouver des technicités. On a trouvé les articles
3, 4 et 7 des règlements de la loi de la santé et des services
sociaux pour réussir à envoyer à Montréal, à
Place Dupuis, au 10e étage, au centre-ville, des enfants à 4
heures, 5 heures parce que personne ne voulait les accepter, ni Berthelet, ni
Saint-Vallier ni personne et cela, avec l'aide des travailleurs sociaux de la
clinique et de toutes les personnes qui essayaient de trouver une solution.
C'était impossible.
On les envoyait donc avec cette technicité en disant: Voulez-vous
prendre ces enfants et leur trouver une place? Ils se cherchent une place. Les
enfants... Je ne vous raconte pas des histoires; c'est bien exact et je peux
même vous dire des noms. Je veux dire que c'est très
précis.
Vous avez donc des enfants qui ont dû passer des nuits on ne sait
trop où, des travailleurs sociaux qui ont cherché, qui ont
passé des nuits à chercher, sans dormir, qui ont fini par trouver
finalement et qui ont réussi à entrer le jeune à
Saint-Vallier ou à Berthelet alors que le juge avait tenté et
avait eu une fin de non-recevoir. Le lendemain, on a réussi à l'y
entrer et il s'en est évadé quelques heures plus tard. Là,
je vous brosse bien brièvement une situation intenable actuellement,
dans les faits, et je pense que, malgré les beaux textes de loi, il
faudra changer dans les faits, dans la réalité. Autrement,
malgré les beaux textes de loi, on n'aura rien changé.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, je n'avais pas l'intention de
discuter, mais comme, peut-être, selon une déformation
professionnelle, au moins un de nos invités, après avoir
terminé sa preuve, a cru bon de faire un plaidoyer... Je crois qu'il est
nécessaire de faire quelques mises au point parce que... Je pense
qu'avant de le faire, il est peut-être réconfortant, sur un ton
plus léger, de voir que les avocats se lancent à la
défense de leurs collègues des services sociaux et je suis
sûr que mon collègue, le ministre de la Justice, sera ravi de voir
que j'ai reçu un encouragement de la part du Barreau pour que nos
budgets soient augmentés.
M. Charron: Les Finances aussi.
M. Forget: II demeure qu'on a fait certaines affirmations qui, je
me dois de le dire, sont erronées. On a, en particulier, parlé
d'une cinquantaine d'enfants qui seraient actuellement dans des prisons pour
adultes. Il n'en est rien. Il y a eu, bien sûr, dans le passé,
pendant très longtemps, des
enfants dans les prisons pour adultes. Il y a au moins une chose qu'il
faut savoir sur le Québec et sur le fonctionnement de nos institutions
judiciaires au Québec pour apprécier correctement cette
réalité. On parle et il y a un invité qui l'a dit
aujourd'hui parfois de ce que l'on voit ailleurs sur ce plan, soit aux
Etats-Unis, par exemple au Massachusetts, soit en Ontario, pour dire que nous
avons là une situation exceptionnelle.
Ce qui est révélateur, dans cet Etat et dans cette
province canadienne que l'on cite souvent en exemple sur ce plan, c'est que
l'âge auquel les jeunes sont considérés comme des adultes
est de 16 ans, alors qu'il est de 18 ans au Québec. Ce qui veut dire que
dans les prisons pour adultes de ces deux endroits, qui sont, encore une fois
souvent cités en exemple, on trouve un nombre bien plus
considérable de jeunes de 16 à 17 ans qu'on en trouve au
Québec. Effectivement, une proportion très importante de la
population détenue dans les établissements de détention
pour adultes dans ces deux endroits est constituée de personnes qui sont
considérées comme des adolescents ici. Je pense que c'est un
élément de contexte puisque lorsqu'on parle de 40 ou 50, on peut
parler de plusieurs centaines en Ontario et parce qu'on a défini
différemment les limites d'âge, on a un problème à
un endroit et une situation qui n'est pas considérée comme un
problème ailleurs.
Ceci n'est pas une justification pour la présence d'adolescents
dans les prisons pour adultes, mais ce fait nous permet de mieux mesurer notre
situation vis-à-vis de la situation d'autres Etats. Il est clair que la
plupart des enfants problèmes, de ces enfants qui se retrouvent
éventuellement dans les prisons pour adultes ici, alors que nous
voudrions les voir dans les centres d'accueil, sont à partir de cette
catérogie d'âge qui est très difficile pour les centres
d'accueil et ils sont parfois impliqués dans des situations
délictuelles extrêmement sérieuses.
Cela étant dit, il y a des possibilités d'y
remédier et ces possibilités sont multiples. On a cité le
besoin de ressources additionnelles et on l'a fait encore une fois ce matin, un
autre groupe l'a fait ce matin, je ne sais pas si les membres du Barreau y
étaient, mais il est évident que des ressources additionnelles
peuvent tout régler. A la limite, on peut construire, comme on l'a
prouvé à une exposition universelle, avec beaucoup de millions,
et on est en train de prouver qu'on peut construire aussi un stade olympique
avec beaucoup de millions. Il n'y a rien d'impossible avec de l'argent. On
parle un peu aussi comme si, au Québec, on ne dépensait rien pour
la protection de la jeunesse sans se rendre compte qu'on y consacre bon an mal
an au-delà de $100 millions par année. C'est une somme qui
devrait commencer à nous apporter des solutions, mais qui ne nous les
apportera jamais. Si on cherche à régler tous les
problèmes en faisant faire du temps aux enfants dans des
établissements, cela a été malheureusement la solution par
excellence, la solution qui est encore celle qui est vue comme la
panacée, souvent par les autorités judiciaires. Mais je ne leur
en fais pas reproche, de façon générale, parce qu'il faut
faire des distinctions dans ce monde comme dans n'importe quel autre milieu,
souvent aussi dans les services sociaux, il faut changer ces habitudes, il est
clair qu'il faudra prendre des actions qui sont d'ailleurs déjà
amorcées pour changer ces habitudes.
Encore une fois, même avec des changements, il faut bien
délimiter les responsabilités, c'est le but de ce projet de loi.
Des changements dans les services sociaux seront sans effet et ces $100
millions que nous dépensons seront sans profit, si les structures
actuelles ne sont pas mieux définies, si le pouvoir de tous ceux qui
interviennent n'est pas précisé et redéfini. Je crois que
l'on penche un peu du côté facile de dire que: il faut d'autres
ressources, c'est la solution facile, quoiqu'on en pense, parce qu'encore une
fois il n'y a rien que l'on peut résoudre avec un autre montant de $100
millions. Ce n'est pas une solution responsable, parce que nous avons
déjà au Québec la moitié des enfants placés
dans l'ensemble du Canada, cela a été dit souvent, mais cela ne
semble jamais faire grande impression sur ceux qui s'occupent de certains
aspects de ces problèmes.
Je ne crois pas que nous ayons une population d'adolescents plus
perturbée et plus, criminelle qu'ailleurs au Canada. Ce n'est pas vrai.
Nous avons beaucoup trop cependant, la tentation d'utiliser la détention
pour régler les problèmes. Pendant que la détention se
fait, il est évident que les délits ne se commettent pas. Ce
n'est pas une preuve de l'efficacité de l'ensemble du processus et ce ne
sont pas des ressources additionnelles pour faire faire du temps plus long
à plus de monde qui va régler le problème de la protection
de la jeunesse.
S'il faut d'autres ressources, ce n'est pas seulement en quantité
mais aussi en qualité. C'est un problème qui, bien sûr, est
très important, c'est un problème pour la solution duquel il va
falloir consacrer des énergies considérables et faire des
changements importants. Parmi les changements qu'il faut faire pour en arriver
là, il y a certains changements de structures, d'organisation, dans la
distribution des pouvoirs sur ce qui arrive à ces enfants et comment on
s'en occupe. C'est le sens de ce projet de loi. Ce n'est pas toute la solution,
mais ce n'est pas non plus du côté d'un accroissement des
ressources qu'on va la trouver.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, le débat qui marque la
fin des travaux de la commission aujourd'hui, en étant permanent, il
marquera vraisemblablement tout l'étude de ce projet de loi et je sais
que tous les groupes ont, à un moment ou un autre si ce
n'était à partir de leur mémoire directement voulu,
avant de nous quitter, tous ceux qui sont proche de ce milieu, nous signaler
que la commission manquerait largement à son devoir si elle s'en tenait
uniquement au texte de loi et oubliait le problème des ressources. A
chaque occasion, le ministre a cru bon d'intervenir parfois
même de façon de plus en plus précise, pour
réfuter les objections selon lesquelles les ressources sur le territoire
du Montréal métropolitain parce que je pense que c'est de
cet endroit en particulier que nous parlons n'étaient pas
adéquates.
Il précise le chiffre de $100 millions et je reprendrai son
exemple pour son allusion aux $600 millions investis dans le déficit des
Jeux olympiques de Montréal. Il est vrai, M. le Président, que
les Montréalais auront bientôt un stade olympique qu'ils auront
construit avec beaucoup de millions. Il n'aura pas plus de toit, par contre,
que le petit stade du parc Jarry actuellement. Pour les conditions des
sportifs, rien n'aura véritablement changé sinon le prix des
billets et du fait qu'ils seront plus éloignés du terrain de jeux
qu'ils ne l'étaient dans un parc beaucoup plus agréable. Il fera
toujours froid. Ce qui veut dire qu'on peut faire beaucoup de choses avec de
l'argent, on peut en mettre beaucoup et manquer complètement notre coup
et c'est de tous les temps.
Ce que nous vous demandons, ce n'est pas de porter de $100 millions
à $200 millions la somme que vous investissez dans le système de
détention que vous venez de dénoncer. Nous n'aurions rien
réglé. Nous ne demandons pas trois Berthelet, un est
déjà de trop. Nous ne demandons pas cinq Saint-Vallier, celui qui
est là est déjà infect. Nous ne demandons pas de
multiplier les ressources telles qu'elles sont, nous croyons qu'avec le budget
actuel majoré, parce qu'effectivement un certain nombre de besoins n'ont
pas été couverts. C'est une question de priorité que le
gouvernement se donne à un moment donné. Un stade $300 millions
sans toit, une politique efficace à l'égard de la jeunesse.
Nous ne demandons pas de les mettre là, nous pouvons même
considérer que cette somme, aussi gigantesque qu'elle soit, pourrait
être supérieure, disposée aux mêmes endroits, aux
mêmes conditions et dans le même fonctionnement qu'actuellement;
vous avez raison, vous n'avez pas d'affaire à y ajouter un cent. Le
ministre des Finances n'a pas d'affaire à vous en donner encore plus.
Cela n'a jamais rien donné actuellement de concret.
Là où il faudrait peut-être investir plus, c'est
à un endroit. C'est peut-être, par exemple, dans le salaire des
employés de ces centres d'accueil. Il est vrai, M. le Président
que les offres salariales actuellement déposées dans le cas de
ces travailleurs sociaux...
Le Président (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous
plaît, je pense qu'on sort du sujet.
M. Charron: Non, M. le Président. Les ressources sont des
ressources humaines. Un centre de détention aussi beau qu'il soit, il y
a des gens dedans qui vont faire que le jeune qui va y aller va en sortir
différent, pas plus en maudit contre la société, pas plus
avec le goût de commettre, cette fois-ci, non pas un petit vol avec
effraction mais un bon hold-up qui va régler sa vie une fois pour
toutes.
Le taux de récidive à la sortie de ces maisons, M. le
Président, est un phénomène fondamental pour la protection
de la jeunesse dont on parle actuellement.
Quand on offre comme salaire à des employés, dont le
pseudo-éducateur, dans certains de ces centres, un salaire allant de
$7,400 à $7,800 par année, c'est bien évident, M. le
Président, qu'on n'attire pas dans ces maisons des gens dotés
d'un diplôme en psycho-éducation ou des gens équipés
pour participer à des techniques de rééducation et de
réhabilitation des jeunes. On attire très souvent des "bouncers"
à $7,400 et $7,500, et tant que le gouvernement fait cela, c'est
ça. A Saint-Vallier, il n'y a pas de rééducation. A
Berthelet, il n'y a pas de rééducation. Il a bien quelques
psychologues et quelques travailleurs sociaux qui vont à l'occasion
calmer les conflits. Les enfants n'apprennent même plus à lire et
à écrire à Berthelet. Toute éducation est
stoppée. Ils sont détenus dans des geôles.
Que vous le disiez, que vous mettiez $50 millions dans Berthelet, si
c'est pour en faire encore ce que votre propre gouvernement a fait en 1972,
ajouter une aile pénitentiaire et ajouter des "bouncers" à $7,000
par année pour calmer les enfants, je vous dis: N'en mettez pas. Les
ressources sont adéquates, et vous avez raison.
Mais que ce soit pour mettre de l'argent pour inciter au
développement de travaux en milieu ouvert, pour aider des groupes comme
ceux qui travaillent "on the street" comme ceux qui sont passés cet
après-midi, au lieu qu'ils aient à quêter leur subsistance
de six mois en six mois, au lieu qu'ils aient littéralement à se
battre pour continuer à travailler auprès des jeunes dans le
domaine de la prévention. Si, au lieu de se battre et d'aller
téter des projets d'initiative locale ou n'importe quelle subvention de
l'OPTAT ou quoi encore, de six mois en six mois, ces groupes recevaient une
seule partie de vos $100 millions, je suis bien convaincu que les centres
d'accueil auraient probablement à ce moment le taux de vacance normale
qu'on peut espérer à l'intérieur de ce centre. Le taux de
récidive y serait peut-être moins fort, le taux de
criminalité aussi. Les cours ne seraient peut-être pas aussi
chargées qu'elles le sont actuellement.
Il y a mettre de l'argent et le mettre quelque part aussi qui est
à discuter. Je ne conteste pas vos $100 millions, mais je dis que, tel
que vous les mettez, vous les mettez sur des édifices, vous mettez plus
d'argent à faire des serrures et des barreaux à
l'intérieur de Berthelet que vous n'en mettez à doter
convenablement ce centre éducatif. Je ne dis pas que ceux qui sont
là ne font pas d'efforts, mais ils sont effectivement il faut y
aller M. le Président pour le voir en pleine crise de
problèmes syndicaux actuellement. Peut-on leur défendre, peut-on
leur reprocher actuellement, de vouloir comme travailleurs, gagner un nouveau
but supérieur à celui qui leur est donné? Mais il est
évident que, quand ils sont mobilisés dans des affaires
syndicales de cette envergure, c'est l'enfant dans le centre qui en souffre.
Tous en
conviendront, et les administrateurs de ces centres doivent demeurer les
bras croisés. Ils disent: Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? Je ne
peux pas reprocher à mes employés de vouloir faire la
grève lorsqu'ils viennent de se voir offrir des offres salariales de
cette envergure. Je ne peux pas leur demander plus de dévouement et de
consacrer plus de temps que les qualifications que j'ai. Tant que j'offrirai
des salaires de cette envergure, il est bien certain que je n'aurai pas de
personnel plus qualifié que celui que j'ai.
Le directeur de Berthelet me disait: Donnez-moi cinq ou six
employés nouveaux et je peux ouvrir demain une unité tout
à fait différente. Donnez-moi un édifice nouveau où
je pourrai non pas enfermer des enfants dans des cellules de six pieds par huit
pieds mais travailler à leur rééducation avec un personnel
compétent et qualifié, et, je vous assure que le taux de
récidive effrayant de Berthelet va baisser. Effectivement, prenons le
taux de récidive des enfants issus de Boscoville, il est incomparable
à celui de Berthelet, mais toute la philosophie de la maison est
différente, toute l'approche est différente. Il n'y a pas qu'une
question d'argent, il y a une question d'orientation d'argent, où on
place l'argent, il y a à décider qui est prioritaire. Rien ne se
fait à partir de fonds publics dans le domaine de la prévention,
rien actuellement. Il y a le milieu scolaire qui, dans des polyvalentes de
2,000 à 3,000 enfants, essaie de retenir les enfants ensemble, parce que
n'importe quel esprit normal veut s'en libérer. Cela s'appelle la
prévention de la criminalité.
Nos témoins d'aujourd'hui nous disaient qu'il suffit qu'ils
soient identifiés à l'école pour qu'immédiatement
ils deviennent persona non grata auprès de ces enfants. C'est bien
normal. Ils ont l'air d'être tout simplement des
récupérateurs du sys- tème, payés par le
système pour les tenir dans le système.
Or, quand le système nous oppresse, ce n'est certainement pas le
travailleur social, qui a sous sa responsabilité 450 enfants, qui va
être le lien qui va te garder à l'intérieur de ce
système et qui va t'empêcher de commettre des délits pour
t'en échapper. Et chaque fois que la question des ressources sera
soulevée, je pense qu'on n'aura même pas besoin de faire
l'invitation, on n'a qu'à avoir à cette table des gens qui
oeuvrent dans ce milieu pour que, spontanément, cette question des
ressources nous soit signalée et qu'à chaque fois, le ministre
nous rappelle statistiquement ce qu'il peut investir à partir du budget
de $2.8 milliards qui est le sien, dans ce domaine à proprement parler,
ceci ne réglera pas la question.
Je ne lui demande pas d'en donner $150 ou $200 millions, je dis de
l'utiliser d'une façon différente. Et là, on aura
peut-être moins. Il n'est peut-être pas aussi important de
bâtir une unité sécuritaire à l'Etape à
Val-d'Or, comme il serait peut-être important de donner aux gens qui y
travaillent des salaires convenables. Peut-être qu'on ferait plus,
à la longue, pour l'enfant, pour le jeune. Ce débat sera
éventuellement repris, M. le Président.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Avez-vous quelque chose
à ajouter?
M. Forget: Eventuellement, comme le dit notre collègue.
Etant donné l'heure, je crois que je vous fais grâce de mes
remarques additionnelles.
Le Président (M. Houde, Limoilou): Je remercie les
représentants du Barreau du Québec et la commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 37)