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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mercredi 22 mai 2013 - Vol. 43 N° 26

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 27, Loi sur l’économie sociale


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Table des matières

Auditions (suite)

M. Claude Béland

La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec (FCSDSQ)

Coalition des entreprises d'économie sociale en aide domestique (Coalition des EESAD)

Centre d'entrepreneuriat en économie sociale du Québec (CEESQ)

Association des centres locaux de développement du Québec (ACLDQ)

Document déposé

Autres intervenants

Mme Julie Boulet, vice-présidente

M. Daniel Breton, président suppléant

M. Sylvain Gaudreault

Mme Kathleen Weil

M. André Spénard

Mme Françoise David

M. Jean Rousselle

*          M. Robert Brouillard, FCSDSQ

*          Mme Renelle Valade, idem

*          M. J. Benoit Caron, idem et Coalition des EESAD

*          Mme Marie-Claude Gasse, Coalition des EESAD

*          M. André Richard, idem

*          Mme Maricarmen Merino, CEESQ

*          M. Jacques Fiset, ACLDQ

*          Mme Suzie Loubier, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-huit minutes)

La Présidente (Mme Boulet) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission... Je ne voulais pas vous interrompre, M. le ministre, là. Je déclare la séance de la Commission del'aménagement du territoire ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 27, Loi sur l'économie sociale.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Carrière (Chapleau) sera remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, ce matin, nous recevons M. Claude Béland, suivi de La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec. Nous entendrons, cet après-midi, la Coalition des entreprises d'économie sociale en aide domestique, le Centre d'entrepreneuriat en économie sociale du Québec et nous terminerons avec l'Association des centres locaux de développement du Québec. Nous ajournerons donc, tel que prévu, les travaux à 18 heures.

Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins d'enregistrement, M. Béland, je sais que vous êtes seul, là, mais ça serait bien aimable de vouloir vous présenter. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, M. Béland, bienvenue. et la parole est à vous.

M. Claude Béland

M. Béland (Claude) : Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je suis très heureux d'être avec vous. Je sens le besoin de justifier un peu ma présence. J'ai pensé qu'une carrière d'une soixantaine d'années dans le monde de l'économie sociale me permettait peut-être de venir partager avec vous quelques-unes de mes expériences et j'ai pensé que ça pouvait être utile. Vous savez, moi, j'ai finalement passé toute ma carrière avec des gens qui croient vraiment à une économie du bien-être collectif, en opposition avec une économie du bien-être individuel.

(11 h 30)

Dans l'histoire, je dirais, de l'humanité… Je ne veux pas faire une grande histoire, mais je pense que ce dilemme-là entre une économie qui mise sur les individus… On a vu des périodes très fortes là-dessus, Thatcher, Reagan, hein, «there is no such thing as society», on est juste des individus, et, de l'autre côté, une économie vraiment qui est basée sur le bien-être collectif. Et je pense, moi, l'expérience que j'ai vécue dans ces 60 ans là, autant comme président du Mouvement des caisses Desjardins mais aussi avec les chances que j'ai eues, grâce à l'État, de participer à peu près à tous les grands événements depuis les années 70, là, dans tous les grands événements qui ont marqué l'histoire du Québec, j'ai compris qu'au Québec les valeurs fondamentales, les valeurs qui sont vraiment les nôtres sont les valeurs d'une économie du bien-être collectif. Notre fierté, on la tient de la réussite ensemble.

Quand je dis que j'ai participé à des grands événements, le premier, ça a été... j'ai été membre d'un comité du Conseil des affaires sociales qui a publié finalement trois livres : Deux Québec dans un, en 1989; Agir ensemble, en 1990; et Un Québec solidaire, en 1992. Alors, ce n'est pas d'hier, hein, qu'on parle d'un Québec égalitaire, dans le fond, un Québec qui travaille ensemble puis un Québec qui se veut solidaire. Et ça, ces valeurs-là, je les ai retrouvées dans tous les autres grands événements auxquels j'ai participé. J'ai participé à la commission, la fameuse Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, j'ai été même nommé membre de son comité directeur. J'ai présidé le Forum pour l'emploi des années 1990, 1998, autant de démarches en vue d'une social-démocratie, je dirais. J'ai présidé le fameux Sommet de l'économie et de l'emploi et j'ai présidé les états généraux sur les institutions démocratiques du Québec de 2002‑2003.

Mais, parmi tous ces événements, celui qui, à mon avis, a le plus d'impact et qui a eu le plus de résultats positifs, ce fut le Sommet de l'économie et de l'emploi de 1996, qui avait été convoqué par M. Lucien Bouchard et que j'ai eu le privilège de présider. Et le document de réflexion qu'on remettait aux gens, le titre, c'était Pour un Québec économiquement solide et socialement solidaire. Vous voyez que ces valeurs-là, au Québec, elles reviennent constamment.

Et ce qu'on a appelé à l'époque le Chantier de l'économie et de l'emploi a adopté différents principes directeurs dont l'un d'eux est le suivant, et je vous le lis : «Le Chantier de l'économie et de l'emploi est d'avis que cette spécificité québécoise, soit celle d'une société évoluant dans un régime économique pluraliste, doit être réaffirmée et recommande que le gouvernement du Québec, dans sa législation, sa réglementation, ses structures gouvernementales et ses politiques, en tienne compte et agisse en conséquence.»

Alors, vous devinez qu'à ce sommet-là c'est là qu'a été créé le Chantier de l'économie sociale. Et le chantier avait décidé que ce serait pour deux ans. Mais, après deux ans, les résultats du développement de l'économie sociale avaient été tellement positifs que le gouvernement a décidé finalement : Bien, on va rendre ça permanent. On confirmait une fois de plus cette économie pluraliste du Québec et où on a les entreprises à capital-actions, les entreprises de l'économie sociale et les entreprises d'État.

En conséquence, l'annonce de ce projet de loi dont on discute ce matin, vous devinez que, pour moi, ça a été une excellente nouvelle. Je pense qu'il était temps qu'on confirme l'importance de l'économie sociale au Québec. Alors, cette loi, d'après moi, s'impose pour deux raisons. D'abord, je regarde le titre et je pense qu'il y a une incompréhension... que c'est le titre parfait. Je vois, dans certains mémoires qu'on aimerait mieux, dans le titre, nommer les coopératives, les mutuelles, etc. Mais une loi-cadre, c'est la loi où on met tous ceux qui partagent les mêmes valeurs, le même ADN. Et, si, moi, je décide un jour de former une nouvelle structure, une nouvelle forme d'entreprise qui s'appellerait, je ne sais pas, La Fraternelle, je ne pourrais pas le faire ou je serais obligé de demander de changer le titre de la loi. Ça prend un terme générique. La loi sur l'économie sociale, quant à moi, ça dit exactement ce que ça veut. Ça campe le fait qu'au Québec on a une économie qui s'intéresse au bien-être collectif. On ne nie pas qu'il y en a qui travaillent pour le bien-être individuel puis qui pensent que c'est comme ça qu'on peut bâtir le Québec, mais nous, quand je regarde l'histoire que je vous ai racontée, où j'ai participé à ces grands événements, on a toujours parlé d'une économie qui assurait le bien-être collectif.

Alors, oui, il faut reconnaître par une loi l'importante contribution historique. Ça, ça m'apparaît essentiel. C'est ce que vous proposez par cette loi-là. Je pense que, quand je dis... Parce que c'est un événement historique. Je dis «historique» parce que la... Il ne faut pas oublier que l'économie sociale, elle est née au Québec il y a très longtemps. Moi, quand je suis rentré chez Desjardins, évidemment je ne savais pas que je rentrais dans une économie sociale parce que ça n'existait pas, le terme, dans le temps. Mais, avec le temps, on a réalisé qu'il y avait deux façons de bâtir les sociétés : il y en a une où l'économie est au service de la société et il y en a une autre où la société est au service de l'économie, ce qui est le choix... notre choix à nous, c'est le premier choix.

Alors, je pense que ça, c'est très important de rappeler qu'Alphonse Desjardins, en 1900, il a réussi à réunir des Québécois. Et j'aime beaucoup cette phrase que j'ai répétée maintes et maintes fois, afin de «créer un rempart [économique] fort et solide pour nous protéger contre nos adversaires et nos rivaux». C'est un projet de société, en fait. Les adversaires puis les rivaux, il ne disait pas qui c'était, mais je devine que c'est ceux qui ne voyaient pas l'avenir du Québec de la même façon que nous.

Et, deuxièmement, une contribution historique des coopératives agricoles, c'est bien sûr. En 1900, 1905, c'est les coopératives, finalement, qui ont mis fin ou qui ont ralenti l'exode des agriculteurs vers les États-Unis. Alors, oui, il faut le reconnaître dans une loi, il faut que le monde sache que l'économie sociale, au Québec, ça occupe une place importante.

La deuxième raison, c'est que, dès que fut annoncé le triomphe du néolibéralisme… Je l'ai vécu, ça, comme président du mouvement, dans les années 80, début des années 80, où j'ai assisté à un basculement des valeurs chez les individus parce que la promotion qui était faite, c'était que, si on voulait faire face aux défis de la mondialisation, il fallait nécessairement une économie basée sur le bien-être individuel. Avec Milton Friedman... vous connaissez tous ces grands économistes qui nous ont mis dans la tête que c'était ça, le nouveau système. Et ça a eu beaucoup d'impact parce que les universités américaines se sont mises à enseigner ça et nos universités québécoises aussi. Il a fallu qu'Alfred Rouleau se choque en disant : Bien, il faudrait bien que vous enseigniez un petit peu la coopération; on vit de ça au Québec. Mais le vent était tellement fort que, depuis ce temps-là — vous le savez, je viens d'écrire un livre sur le sujet — depuis que ce basculement du monde est arrivé, aujourd'hui, le monde est en feu. Les populations sont indignées et tout le monde cherche une alternative.

À mon avis, il faut que le Québec confirme son choix d'une économie du bien-être collectif. Moi, je pense que nous sommes un grand peuple, nous, les Québécois, je n'en doute pas, mais on n'est pas nombreux. On n'a pas le choix de l'individualisme. La seule économie du bien-être individuel ne convient pas à notre collectivité, c'est évident.

La Présidente (Mme Boulet) : Je vais juste vous demander de conclure, parce que les 10 minutes sont passées, malgré…

• (11 h 40) •

M. Béland (Claude) : Je conclus comme ça. Oui, c'est ça. Et, la dernière chose, qui est très, très importante, il faudrait que la loi-cadre soit une espèce de gardien des valeurs de la coopération, qu'elle identifie ce qu'est une entreprise d'économie sociale. J'ai ici le projet de loi qui va être adopté bientôt, là… qui va être mis en vigueur — il est déjà adopté — du gouvernement fédéral. On est en train de changer les lois coopératives canadiennes pour les rendre applicables partout au Canada. Et, dans ces lois-là, on renie la caractéristique des propriétaires-usagers, on ne peut être investisseur dans une coopérative sans être membre et on crée une case d'actions où les investisseurs votent selon le capital investi. Moi, je crains que, même au Québec, pour les coopératives de services financiers dans l'Ouest de Montréal, il y a bien des caisses qui vont être bien tentées de passer sous juridiction fédérale. Et ça, ça serait mon dernier cri du coeur. Et c'est ce que 60 ans d'économie sociale m'ont enseigné, c'est la force de l'économie sociale. Merci.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci, M. Béland. Je vais maintenant passer la parole à M. le ministre. Alors, vous pouvez y aller, M. le ministre.

M. Gaudreault : Merci, Mme la Présidente. Merci. Je vous avoue que ça me fait extrêmement plaisir de vous recevoir ici aujourd'hui, parce que j'ai l'honneur, j'ai la chance d'être le ministre porteur du projet de loi-cadre sur l'économie sociale, parrain, je le dis humblement, parce qu'il appartient, ce projet de loi, à l'Assemblée nationale puis, quand il sera adopté, je le souhaite, il appartiendra au peuple du Québec via sa voix parlementaire qu'est l'Assemblée nationale. Mais la première ministre m'a confié le mandat de présenter cette loi-cadre.

Et, vous savez, pour moi, c'est un moment important de vous recevoir ici aujourd'hui alors que je suis le parrain de ce projet de loi, parce que, quand j'étais étudiant, vous étiez président du Mouvement Desjardins, là, aujourd'hui, par un retour de l'histoire, je me retrouve ministre, et vous venez ici un peu comme sage — et je le dis avec beaucoup de respect — pour nous faire part de vos impressions, de vos commentaires qui sont bien reçus. Alors, pour moi, je prends ça avec beaucoup d'honneur, de respect, de reconnaissance pour le travail que vous faites et beaucoup d'humilité parce que vous avez beaucoup à nous apprendre, et je tenais à vous le dire aujourd'hui.

Puis j'entends vos propos puis je me dis : Malgré qu'on est dans une société où tout va vite — c'est un peu un cliché de le dire, mais ça demeure une réalité — personne n'est issu d'une génération spontanée, ni les projets de société comme la loi-cadre, le projet de loi-cadre sur l'économie sociale. Tout ça résulte d'un long processus et qui réellement a marqué l'histoire du Québec. Vous nous avez cité Alfred Rouleau, mais vous nous avez cité surtout Alphonse Desjardins. Et je pense qu'effectivement si on est ici aujourd'hui, c'est parce qu'on est tous un peu les héritiers de cette tradition québécoise qui se démarque au niveau international.

Alors, je pense que ça permet... Votre présentation, votre mémoire nous permet de prendre un peu de distance, de faire lever un peu l'hélicoptère, là, pour avoir une vue d'ensemble. Parce que souvent, dans le quotidien de notre travail, que ce soit au ministère ou dans notre travail parlementaire, on est dans notre bulle et souvent collés, là, sur l'arbre, ce qui ne nous permet pas de voir la forêt. Alors, vraiment, je veux vous remercier pour cela.

J'aurais évidemment plusieurs, plusieurs questions à vous poser. Sûrement que mes collègues vont également aller dans le même sens que moi, parce que, je vais vous dire très franchement, depuis le début de ces travaux, on n'est pas en forme d'opposition, on est plutôt en forme complémentarité d'un côté et de l'autre de cette table, et je souhaite que ça demeure dans cet esprit-là jusqu'à l'adoption du projet de loi n° 27.

J'aimerais ça que vous nous disiez, selon vous, quelles différences concrètes va apporter la loi-cadre sur l'économie sociale par rapport à la situation actuelle. Hier, on a posé la question, entre autres, aux gens, aux représentants du Chantier de l'économie sociale. Vous savez, on est souvent questionnés. On en parlait tout à l'heure librement, vous et moi, là, de l'importance et du pouvoir des médias qui nous posent la question : Oui, ça apporte quoi, ça? Et nous, on le sait puis on sait pourquoi on travaille. Mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Quelle différence vous y voyez avec une loi-cadre sur l'économie sociale par rapport à la situation actuelle?

M. Béland (Claude) : On sait que d'abord elle n'existait pas. Et souvent on considère l'économie sociale globalement et même parfois les coopératives. Parce que, vous savez, quand on dit le mot «coopérative» au Québec, tout le monde parle de Desjardins puis de la fédérée, mais le mouvement coopératif, celui avec lequel je travaille, je collabore depuis 13 ans, là, depuis que j'ai pris ma retraite, mais même au temps où j'étais président...

Je me souviens, à un moment donné, où je suis allé à une des premières réunions du Conseil de la coopération dans le temps. Moi, j'avais préparé un immense discours en disant : Là, je vais arriver devant une salle, il va y avoir des centaines de personnes. Puis je me suis retrouvé dans une chambre d'hôtel où on était à peu près 15, et j'ai laissé mon discours là en disant : Mais ça n'a pas de bon sens, il faut tenir des états généraux sur la coopération. Ça ne se peut pas que ça soit ça, la coopération au Québec. Moi qui oeuvrait là-dedans depuis toujours, mon père l'a fait, puis je connaissais ce que la coopération a apporté au Québec…

Mais je réalisais que, dans le public en général, chez les hommes d'affaires, dans les chambres de commerce, même dans les universités, la coopération, c'était les coopératives, c'était... À part Desjardins, qui était devenu fort, puis la fédérée, puis Agropur, les autres, c'étaient des incubateurs pour devenir un jour des entreprises comme tout le monde, alors que moi, j'ai toujours compris ça, puis les gens avec qui je travaillais ont toujours travaillé dans le sens d'un projet de société. Puis c'en est un, l'économie sociale. Et les entreprises d'économie sociale, ce sont des entreprises, des mutuelles, des organismes à but non lucratif, des fraternelles, etc., qui ont le même ADN. On partage tous les mêmes valeurs, on est supposés partager tous les mêmes valeurs.

Mais c'est pour ça que j'aurais souhaité que, dans la loi-cadre, comme on le fait dans la Loi des coopératives, hein, on se dit : Il faut que les usagers soient... les propriétaires sont des usagers, les réserves ne sont pas partageables parce que ça a été accumulé, ça, par les gens qui ont renoncé à leur ristourne, on n'a pas le droit de liquider puis empocher cet argent-là, ce n'est pas à vous autres, ça appartient à la collectivité… il y a des principes, l'intérêt limité sur le capital, etc. Ces principes-là qui sont dans la Loi des coopératives, j'aurais aimé ça les voir inscrits dans la loi-cadre sur l'économie sociale.

Quand les gens nous disent : C'est quoi, ça, une économie sociale? Dire, c'est des gens... Moi, j'ai toujours mes quatre P, c'est : la propriété est collective, la participation est universelle... Si je suis actionnaire de la Banque Nationale, je peux aller aux assemblées, mais, si je suis client de la Banque Nationale, je ne peux pas aller aux assemblées. Si vous êtes usager de la coopérative, vous pouvez aller aux assemblées générales. Malheureusement, on dirait que la participation diminue là aussi, mais ça existe. Le troisième P, c'est le partage, mais par la ristourne, pas par un intérêt monstre ou des... sur le capital. Ce n'est pas le capital qui domine. Et le quatrième, le plus important à mon point de vue, c'est le patrimoine parce que des entreprises d'économie sociale, c'est inaliénable, ce n'est pas opéable, comme disent les Français. Il n'y a pas d'OPA possible sur Desjardins. Dieu merci! S'il y avait fallu qu'il y ait une OPA sur Desjardins il n'y a pas tellement longtemps, je pense qu'on aurait vu disparaître Desjardins en des mains étrangères.

Les entreprises d'économie sociale sont des noyaux durs dans l'économie québécoise. Ce n'est pas rien. Essayez d'imaginer le Québec d'aujourd'hui sans notre économie pluraliste, là, sans Desjardins, Agropur, Natrel — bien, je pourrais en nommer toute une série — ensuite, les entreprises d'État, la Caisse de dépôt, Hydro-Québec. Essayez d'imaginer le Québec avec sa petite population devant d'immenses capitaux étrangers qui seraient capables d'avaler tout ça, et on n'aurait pas le Québec qu'on a aujourd'hui.

Alors, c'est pour ça, pour répondre à votre question, je dis oui à l'économie sociale, mais une loi, mais en autant qu'on puisse savoir, par cette loi-là, que l'économie sociale, c'est l'économie d'une... c'est les entreprises d'une économie du bien-être collectif. Nous, notre fierté, puis je l'ai vu souvent, ça, quand on donnait des prix chez Desjardins, des prix pour l'emploi, puis la fierté d'un village, la fierté d'une collectivité, c'est-à-dire : tout notre monde travaille. On avait des objectifs collectifs. On ne célébrait pas… on n'était pas fiers parce qu'on avait créé une minorité de riches alors qu'on avait une majorité de pauvres. On n'était pas fiers de ça. Je pense que les Québécois sont des gens qui sont des promoteurs de l'égalité, de la solidarité. Agir ensemble, Québec solidaire, ça disait tout dans ces rapports qui ont jalonné toute l'histoire du Québec. Quant à la loi, moi, ce que j'aurais aimé voir au moins qu'on ait une piste en quelque part, qu'on puisse dire aux gens : Non, toi, là, tu t'appelles une coopérative, mais tu ne l'es plus. Une appellation contrôlée, on fait ça pour le vin, on pourrait faire ça pour les entreprises.

• (11 h 50) •

La Présidente (Mme Boulet) : M. Béland, je vais passer la parole à M. le ministre, parce que, d'après moi, vous allez prendre tout le temps de M. le ministre aussi.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gaudreault : Oui, puis j'ai... Évidemment, j'ai beaucoup de questions. On va avoir d'autres occasions pour se revoir, mais il va y avoir mon collègue aussi de Sainte-Marie—Saint-Jacques à qui je veux laisser quelques minutes, certainement.

Je vous entendais, puis ça m'a fait penser à votre dernier paragraphe de la page 4 de votre mémoire, où vous vous placez un peu en gardien de l'orthodoxie de l'économie sociale en disant : «Je souhaite que cette loi-cadre soit aussi le rempart qui assure l'orthodoxie des valeurs et des pratiques qui sont exclusives aux entreprises de l'économie sociale.» Et plus loin vous dites : «Faire des compromis pour inviter des partisans du "chacun pour soi" à devenir des prétendus coopérateurs ou mutualistes, c'est de faire entrer des loups dans la bergerie.»

Alors, vous êtes un peu sévère. Mais est-ce que vous entretenez une crainte que la loi-cadre sur l'économie sociale ouvre la porte à reconnaître d'autres groupes qui ne sont pas vraiment de l'économie sociale, mais qui se prétendent faire de l'économie sociale?

M. Béland (Claude) : Ah! Ça, j'avais pris ça...

M. Gaudreault : Et quel rempart ou quel filtre devons-nous nous garder là-dessus?

M. Béland (Claude) : Mais j'avais pris pour acquis que la Loi sur l'économie sociale, évidemment, référerait uniquement à des entreprises de l'économie sociale. Mais il faut la définir en quelque part. Quand j'ai écrit ça, je pense plutôt au fédéral puis je pense plutôt à certaines coopératives qui sont plus proches de nous, où finalement on se pose la question en disant : Est-ce que c'est encore des coopératives?

Quand je dis «faire entrer le loup dans la bergerie», quand vous permettez à quelqu'un d'acheter des actions pour être capable d'élire, parce qu'il est investisseur — il n'est pas usager, il est investisseur — on lui donne le droit d'élire 20 % des administrateurs, le jour que la coopérative va dire : Bien là, j'aurais besoin encore d'autres capitaux, l'autre, il va dire : Bien là, tu vas me donner 30 % pour l'élection des administrateurs. C'est le loup qui rentre dans la bergerie. La force de la cupidité, on connaît ça.

La Présidente (Mme Boulet) : M. Béland, ce n'est pas parce que c'est intéressant, c'est grandement intéressant, mais il y a un collègue qui voudrait poser une question puis il ne restera pas beaucoup de temps pour la partie ministérielle. Je vais le laisser... Il reste deux minutes.

M. Breton : Deux minutes?

La Présidente (Mme Boulet) : Oui.

M. Breton : Oh, my God!

La Présidente (Mme Boulet) : Mais on va laisser le temps à M. Béland, s'il est bref, de nous répondre.

M. Breton : Bien, écoutez, M. Béland, on se connaît bien. Je dois dire que je suis honoré de vous voir ici et d'être ici moi-même pour vous poser des questions. Pour la petite histoire, écoutez, moi, quand j'ai mis sur pied le groupe Maîtres chez nous — 21e siècle, j'avais eu l'appui de nul autre que la Caisse d'économie solidaire et de M. Claude Béland. Et nous, on s'inspirait du fameux modèle de Lesage et de Lévesque, on parlait d'être maîtres chez soi, maîtres chez nous en 1962. Et puis ce modèle-là, justement, c'était un modèle étatique, c'est-à-dire c'était Hydro-Québec, pour faire en sorte justement qu'on prenne le contrôle de notre énergie et de nos ressources. Moi, je me rappelle, le 3 mars 2011, d'une déclaration qui a été signée par nul autre que mon collègue, et par M. Béland, et par Mme David, Mme la députée de Gouin, justement sur le fait qu'on est en train de perdre le contrôle de notre énergie et de nos ressources naturelles.

Moi, j'aimerais ça vous poser une question, puis là j'espère que vous pourrez répondre, mais moi, je... Vous savez que maintenant je suis responsable de l'électrification des transports, et je me demande : En quoi une loi sur l'économie solidaire pourrait aider à faire en sorte que l'électrification des transports se fasse pour le bien-être collectif des Québécois? Et est-ce que ça pourrait avoir un lien aussi avec le fait que vous avez dit que les entreprises d'économie solidaire, c'est des entreprises inaliénables, c'est aussi indélocalisable? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Boulet) : Une minute, monsieur.

M. Béland (Claude) : Oui. J'espérais que le temps soit écoulé. Non. Toute formule... Moi, ce qui m'intéresse plus, ce n'est pas le type de coopérative, de mutuelle, c'est : Est-ce qu'on se donne les structures et la volonté de respecter ces valeurs-là? Est-ce que c'est important d'assurer la pérennité de certaines de nos forces ici, au Québec? On l'a fait avec Hydro-Québec. Que ce soit une coopérative, une entreprise d'État ou une mutuelle, pour moi, ça n'a pas d'importance. Ce qui est important, c'est de se donner les éléments d'une économie basée sur le bien-être collectif.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci beaucoup, M. Béland. Vous êtes très sage. Alors, je vais passer la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

Mme Weil : Oui, bon, merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Béland. C'est un grand plaisir. En lisant votre texte, évidemment je pense qu'on se sentait tous privilégiés parce qu'on aurait quelqu'un qui va nous raconter l'histoire de ce mouvement, mais ce qui transpire beaucoup, c'est votre passion, c'est votre passion pour cette vision de solidarité que vous avez vu croître. Et évidemment nous, on va être appelés à faire... légiférer, et donc, forcément, il va falloir qu'on arrive sur des aspects techniques. Et donc comment faire en sorte que les éléments de votre vision… Ça va beaucoup dans le sens du ministre aussi. Comment on fait en sorte pour amener cette vision?

On ne pourra pas aller jusqu'aux… je ne pense pas, jusqu'aux frontières où vous voulez nous amener, parce qu'il y a quand même une économie qui existe sous sa forme actuelle, mais je pense que ce projet de loi-cadre, c'était pour faire une avancée, poser d'autres jalons dans ce mouvement. Évidemment, avec le temps et l'évolution, on verra bien où la société québécoise nous amènera.

Et j'arrive sur le titre, parce que, là, aujourd'hui, dans le... Moi, j'avais posé une question hier sur la question du titre, parce que la Caisse d'économie solidaire Desjardins a fait une proposition. D'ailleurs, on ne pourra pas les entendre, ils ne viendront pas, mais on a leur mémoire. Et eux, ils recommandent qu'on change le titre pour Loi sur l'économie sociale soutenant l'entrepreneuriat coopératif, associatif et mutualiste. Et quelques groupes auxquels j'ai posé cette question voulaient plus un titre plus général, garder ça plus général, c'est plus inclusif.

Et là aujourd'hui je vois dans Le Devoir... moi, je n'avais pas vu le mémoire, je pense...

M. Gaudreault : ...belle photo.

Mme Weil : Oui, avec le vent. On voit le ministre avec le vent dans les cheveux. Oui, belle photo, j'ai remarqué ça. Et donc il y a toute une discussion sur le titre. Évidemment, le titre de la loi, on peut considérer que c'est quand même important, hein? C'est un message qu'on lance quand on... avec ce titre. Et ça, c'est un des interlocuteurs, évidemment, privilégiés dans la loi, c'est le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. On va les entendre, je pense que c'est vraiment vers la fin, donc on ne pourra pas poser beaucoup de questions. Alors, il faut bien lire leur point de vue maintenant pour pouvoir poser des questions à tous ceux qui vont venir devant nous.

Alors, eux, le titre qu'ils proposent... Excusez-moi, je l'avais. J'ai tout souligné ce matin mais je n'ai pas pu le revoir. En tout cas, ils veulent un titre — on va essayer de la trouver — un titre qui va beaucoup plus précisément, un peu dans le même sens...

M. Gaudreault : On l'a ici.

Mme Weil : Vous l'avez?

M. Gaudreault : La Loi sur l'économie sociale, coopérative et mutualiste. C'est ça?

Mme Weil : Oui, c'est ça. Donc, peut-être vous réentendre sur ça, parce qu'évidemment votre point de vue va être très important, je crois bien.

La Présidente (Mme Boulet) : M. Béland, on vous écoute.

• (12 heures) •

M. Béland (Claude) : Oui. Je pense que ça démontre qu'on est encore un petit peu dans cette période où on est en concurrence. Et une loi qui porterait ce titre-là, ça fait une loi très corporative. Où est-ce qu'ils sont, les membres, là? Les coopératives, c'est pour les membres, ça. Si des membres décident de se créer une coopérative et d'être affiliés à une fédération, une nouvelle fédération, ils veulent changer de nom : On va s'appeler, comme je disais tantôt, des fraternels ou nous, on a quelques petites différences, on a le même ADN, on a les mêmes valeurs fondamentales, mais on a des différences… On ferme toute possibilité de dire : On va innover dans l'économie sociale.

Je ne comprends pas. Ça fait une loi très corporative. Alors, qu'on ne fasse pas une loi-cadre, qu'on fasse une loi de la mutualité. On n'en a pas au Québec. On aura une loi des coopératives, une loi de la mutualité puis on a la troisième partie de la loi des compagnies qui traite des organismes sans but lucratif. Mais là qu'est-ce que vient faire la loi-cadre si on répète tout ça, là? On dit : Ça, c'est la loi pour les corporations. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la démocratie puis laisser les gens innover un peu, ne pas être obligés de passer par le Conseil de la coopération si on veut entrer dans l'économie sociale par la coopérative. Là, je ne comprendrais vraiment pas, là. Il faut réfléchir à ça très sérieusement, parce que je sens derrière ça qu'il y a beaucoup de corporatisme. Les gens défendent : Aïe! ça fait 100 ans qu'on fait ça, c'est nous autres qui... Oui, ça fait 100 ans, mais on veut que ça fasse 1 000 ans puis on veut qu'il y ait d'autres innovations.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Je ne sais pas si vous avez vu l'article, mais c'est un peu ce que j'ai senti. J'ai senti : Woups! là, on va avoir un débat peut-être un peu déchirant puis la... Donc, vous, vous êtes à l'aise avec le titre tel qu'il est actuellement, vaste et large : Loi sur l'économie sociale.

M. Béland (Claude) : Non seulement à l'aise, mais très content.

Mme Weil : Très content. Bon. Très bien. C'est important. Donc, votre arrivée aujourd'hui est quand même très intéressante, à la lumière de cette question qu'on n'a pas vraiment débattue à fond. Mais là, donc, lorsqu'on arrive dans la loi, puis il y a une table de consultation qui sera créée… On a beaucoup parlé de la composition de cette table, le mandat de cette table, il y a différents points de vue, des recommandations qui nous viennent, il y a aussi ces acteurs privilégiés.

Donc, dans l'article 5 de la loi, on dit que «le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité — qui, justement, recommandent un titre beaucoup plus spécifique que ce qui est actuellement prévu — sont les interlocuteurs privilégiés du gouvernement en matière d'économie sociale».

Ce que vous dites, c'est que le fait qu'il y ait peut-être une division de points de vue, on... Déjà on le voit, là, déjà on le voit, puis je pense que c'est ça qui sort de cet article. Il va falloir qu'on fasse attention, je crois, ou regarder bien la loi, la vision qui sous-tend la loi. Je ne sais pas si vous l'avez analysée, la définition de l'économie sociale, mais, si vous avez peut-être des commentaires généraux pour faire en sorte qu'on ne glisse pas, justement, dans ce qui pourrait être une division, un clash de visions… Mais ce que j'entends, ce que vous dites, c'est de permettre toujours une évolution, une flexibilité, une créativité qui vient par la nature même de cette économie sociale qu'on connaît, et que l'avenir de ce mouvement et de cette vision, il n'y a personne qui est capable de nous dire ce qu'elle sera, mais elle sera basée sur les valeurs que vous avez... C'est beaucoup les valeurs, là, si je comprends bien, qui sont importantes. Je ne sais pas si vous avez des commentaires un peu généraux dans ce sens-là, pour les mises en garde, peut-être.

La Présidente (Mme Boulet) : M. Béland.

M. Béland (Claude) : Oui. Je pense que la table qui est suggérée, la table de coordination, la table des partenaires, est une excellente suggestion parce qu'il y a des cicatrices à guérir, là. Et je pense que la table des partenaires peut être un bon endroit pour commencer à échanger et je... Moi, j'ai vu comment elle était constituée. Je pense que c'est très bien comme ça. Je ne la diminuerais pas, mais je ne l'augmenterais pas non plus. Autrement, ça va perdre sa force. Mais je pense qu'il peut se faire là du travail au moins qui va être fait par les gens qui sont intéressés à l'économie sociale sur le plan des valeurs.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui, merci, Mme la Présidente. Vous parlez de division. Évidemment, moi, je ne suis pas une experte du tout dans ce domaine. J'étais dans le réseau de la santé, où j'ai vu, dans les années 90, évidemment, la croissance de ce mouvement. Pourriez-vous nous parler un peu de ce dont vous parlez quand vous parlez de division? Qu'est-ce...

La Présidente (Mme Boulet) : M. Béland.

Mme Weil : À quoi vous faites allusion?

M. Béland (Claude) : Je n'ai pas compris la fin.

Mme Weil : …les divisions. J'ai compris que vous avez parlé de... qu'il va falloir que les gens s'assoient, dans un premier temps, à la table, pour essayer d'aplanir ces divisions.

M. Béland (Claude) : Oui. Non, mais évidemment ce qui serait souhaitable, c'est que la base souhaite, finalement, d'avoir un organisme, hein, qui serait l'économie sociale et dans lequel il y aurait... c'est une famille dans laquelle il y a des gros, des petits, des noirs, des jaunes, il y a toutes sortes d'enfants, mais c'est la famille qui décide qu'est-ce qu'ils veulent faire ensemble, et non pas l'inverse, et non pas une loi, surtout, qui leur empêche... Parce que, quand on dit «qu'est-ce que va devenir l'économie sociale?», elle va grandir si on lui donne de l'espace, si on lui donne... et l'espace, pas nécessairement par les gestionnaires, mais l'espace par ceux qui profitent, dans le bon sens du terme, des services des coopératives. C'est à eux à décider. Et je ne voudrais pas qu'une loi rétrécisse ça en disant : Finalement, c'est du corporatisme, là, hein? Ça, ça serait étouffant.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci, M. Béland. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Bien, dans ce sens-là, peut-être que ce serait utile d'avoir votre opinion sur le mandat de la table des partenaires. Parce qu'il y a le Chantier de l'économie sociale qui propose un mandat qui est quand même assez détaillé. Je vais vous lire ce mandat pour que vous puissiez... On a quelques minutes qui restent?

La Présidente (Mme Boulet) : Il vous reste trois minutes.

Mme Weil : Excellent. Je vais le faire vite. Je veux voir si c'est trop détaillé ou si c'est très correct comme ça. Bon. Premièrement : «Conseiller le gouvernement du Québec dans la mise en oeuvre de la loi-cadre et de son plan d'action en économie sociale.

«Assurer une synergie dans les actions menées par les différents partenaires sur le plan…» Et là on va dans toutes sortes d'éléments, dont le transfert et la relève d'entreprises. Moi, je n'ai pas le temps de vous poser la question, quelqu'un d'autre pourrait peut-être vous la poser. On a beaucoup parlé de ça, si on devrait prioriser le transfert des entreprises lorsque la famille n'est... il n'y a pas d'héritier qui veut prendre l'entreprise, est-ce qu'on devrait prioriser les travailleurs. Ce serait intéressant de vous entendre là-dessus.

Et ensuite il y a une série d'éléments. Ensuite, on parle de «procéder à l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi-cadre et de son plan d'action. [Et] voir à l'application de la loi-cadre dans le temps.» On parle de développement d'emplois de qualité, développement de la main-d'oeuvre, il y a beaucoup d'éléments. Donc, c'est un mandat qui est quand même assez étoffé. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne direction?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Béland.

M. Béland (Claude) : Bien, ça prendrait beaucoup de temps à expliquer ça. Je vais vous écrire.

Mme Weil : Très bien.

M. Béland (Claude) : Il y aurait tant de choses à dire là-dessus.

Mme Weil : Est-ce qu'il reste 30 secondes?

La Présidente (Mme Boulet) : Il reste 1 min 30 s, à peu près.

Mme Weil : Ah bon! 1 min 30 s. Bon, le transfert des entreprises, on en a beaucoup parlé hier surtout. Est-ce que ça pourrait être intéressant? C'est le Chantier de l'économie sociale qui propose peut-être de prioriser... surtout, on parlait dans les régions, pour qu'il n'y ait pas une autre entreprise, peut-être étrangère, qui vienne acheter l'entreprise puis vendre l'entreprise, puis là il ne reste plus rien de cette entreprise qui est dans une région du Québec. Est-ce qu'on devrait prioriser les travailleurs, que les travailleurs puissent acquérir, donc, cette entreprise, via un modèle? Et ça, ça vient de...

La Présidente (Mme Boulet) : M. Béland.

M. Béland (Claude) : Moi, j'ai toujours été un partisan des coopératives de travail. Je pense que c'est l'avenir. Dans le livre que je viens de publier là-dessus, je vois deux pistes, moi, qui sont extrêmement intéressantes. C'est les coopératives de santé, les citoyens qui savent que le gouvernement en a plein les bras de la dispensation des services de santé, et les citoyens disent : On est prêts à vous aider, nous. Et on a une cinquantaine de coopératives de santé actuellement, et ça, on est dans l'économie sociale pure, là.

Et, de l'autre côté, les coopératives de travail, vous allez en voir de plus en plus. Il y a déjà deux St-Hubert Bar-B-Q qui se sont transformés en coopérative de travail. Ils appartiennent à leurs employés, et ça, là, c'est la garantie d'emploi, hein? Je pense, le plus bel exemple au Québec, c'est Boisaco. Boisaco, 300 familles, à Sacré-Coeur, qui ont traversé toutes les crises dans le domaine du bois juste grâce au fait qu'ils sont des entreprises de l'économie sociale. On ne congédie pas un patron. On peut baisser son salaire, puis, comme ils sont beaucoup de patrons, ils baissent tous leur salaire quand ils ont des problèmes, mais ils ne congédient pas 5 % du personnel, là. Je pense qu'on pourrait parler beaucoup, là-dessus.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, on vous remercie beaucoup, M. Béland. Ça met fin au bloc de l'opposition officielle. Je vais passer la parole au député de Beauce-Nord. Vous disposez d'un gros 3 min 30 s.

• (12 h 10) •

M. Spénard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, M. Béland. Je veux vous féliciter non pas pour le rapport D'Amours, là, j'étais... mais pour le livre blanc et la charte des municipalités que j'ai fait miens depuis longtemps. Et d'ailleurs, vous en parlez et vous revenez, et ça, je tiens à le rappeler à tout le monde, là, que le local est le lieu privilégié pour la pratique d'une démocratie à laquelle les populations peuvent croire. Autrement dit : Laissez ça sur le plancher, arrêtez de mettre ça dans les airs, et puis ça va peut-être mieux passer.

On n'a pas beaucoup de temps. Évidemment, quand on regarde les voeux pieux, en 1996, lors du sommet sur l'économie sociale, tu sais, ça n'a pas apporté grand-chose parce qu'il n'y a pas eu de loi, là. 17 ans après, on fait une loi. J'espère que ça va marcher. Mais vous avez dit quelque chose tantôt, M. Béland, si je peux me permettre, vous avez dit que vous aimeriez que la propriété collective — ou une affaire du genre — soit inscrite dans la loi. Vous avez parlé de ça tout à l'heure.

M. Béland (Claude) : Mais, c'est-à-dire, on n'a pas besoin de l'inscrire comme tel. Mais, quand on dit que, dans une coopérative, c'est sous contrôle démocratique, une personne, un vote, ça fait une propriété collective parce que la coopérative, elle appartient à tous les membres. Tu sais, je n'ai pas besoin de dire simplement… J'aime mieux la définir que dire : C'est une propriété collective. Elle n'appartient pas à M. Untel parce qu'il détient 60 % des capitaux. La différence entre l'économie libérale, c'est que c'est une piastre, un vote. Tandis que dans les coopératives, c'est une personne, un vote.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Bien, j'ai de la misère... C'est ça, mais vous dites qu'il y a des coopératives qui ont peut-être 40 % ou 50 % de... pas des actions comme telles, mais des parts comme telles pourraient être exercées par un seul individu.

M. Béland (Claude) : C'est-à-dire que l'amendement qui est fait pour les coopératives fédérales — et c'est comme ça qu'ils les appellent, là — pour les coopératives fédérales... D'abord, elles vont être régies par la loi des banques. D'après moi, les coopératives de services financiers, elles n'ont pas d'affaire à être sous la loi des banques. Mais eux... N'importe quelle coopérative de services financiers actuellement ici, au Québec, quand la loi va être mise en vigueur, pourrait remplir un formulaire… faire une assemblée générale, si c'est positif, remplir un formulaire, devenir sous juridiction fédérale et profiter de la nouvelle loi des coopératives fédérales qui permet de créer une section où quelqu'un n'a pas besoin d'être un usager, un client, mais il est un investisseur, et, pour ça, on lui donne des actions. Et cette catégorie-là d'investisseurs ont un pouvoir d'élire 20 % des administrateurs.

Dans ça, il y a deux péchés coopératifs. Il faut être propriétaire-usager dans une coopérative. Ce n'est pas vrai qu'il y a des propriétaires-investisseurs. Ça, c'est un gros péché. Je ne sais pas si l'Alliance coopérative internationale va s'en occuper, j'en doute, mais c'est contraire à la loi, à l'ADN des coopératives. Et, deuxièmement, dans les coopératives, ce n'est pas le capital qui vote. Ça, c'est fondamental. C'est un contrôle démocratique. Et là tu essaies de faire rentrer dans la même entreprise un contrôle démocratique pour 80 % des membres du conseil puis un contrôle capitaliste pour 20 %. Mais, quand tu auras besoin de capitaux de plus, qu'est-ce qui va se passer? Là, tu viens de faire rentrer le loup dans la bergerie, la cupidité va jouer puis... et là on est dans une pente dangereuse.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci, M. Béland. On a déjà dépassé le temps qui était alloué. Alors, c'est regrettable, M. le député de Beauce-Nord, mais vous... Je vais passer la parole à Mme la députée de Québec solidaire.

Mme David : Merci, Mme la Présidente. M. Béland, je n'épiloguerai pas longtemps sur toute l'admiration que vous savez que je vous porte de toute façon. Mais votre dernière intervention me préoccupe vivement. Moi, j'ignorais tout de cette volonté fédérale d'agir ainsi dans le monde coopératif. J'imagine qu'on aura l'occasion de s'en reparler. C'est franchement extrêmement inquiétant.

Ça fait que je vais vous poser une seule question. Le ministre vous l'a posée tout à l'heure, mais je pense que vous avez manqué de temps pour, je dirais, peaufiner votre pensée. Pour vous, là, une loi-cadre sur l'économie sociale — je vais faire comme avec les examens qu'on fait passer aux enfants — elle trouvera un sens, si petit point, petit point, petit point… Vous voudriez quoi? Je sais que vous trouvez déjà que c'est un grand pas en avant, mais, pour vous, elle va avoir tout son sens, elle va avoir une véritable portée, elle va apporter de véritables changements si...

M. Béland (Claude) : Bien, si elle est connue. C'est déjà beaucoup. Quand vous allez l'adopter, elle va être connue, donc c'est déjà un geste de reconnaissance. Son contenu, j'aimerais ça qu'on puisse y référer. On le fait déjà, mais peut-être qu'on pourrait le faire plus clairement, référer à cette loi-là pour dire : Oui, ça, c'est une entreprise d'économie sociale, et ça, ce ne l'est pas. Parce qu'aujourd'hui, là, si on laisse aller ces espèces de mariages bizarres, on ne reconnaîtra plus si c'est vraiment une coopérative ou si ce ne l'est pas, ou une mutuelle. Ça, ça m'apparaît très, très important. Ou bien, si on ne veut pas faire ça… On le fait dans la Loi des coopératives, hein? On dit : Les réserves, dans une coopérative, ne sont pas partageables. Alors, faisons une loi de la mutualité. On n'aura pas besoin d'une loi-cadre. Mais, moi, ce que je trouvais la bonne nouvelle, c'est qu'on prend toute cette famille-là puis on dit : Vous allez avoir une loi-cadre, une même loi qui s'applique à vous tous. Et ça, c'est encourageant.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme la députée de Gouin, il vous reste 30 secondes, mais peut-être un mot de la conclusion, là, parce que ça sera la dernière intervention.

Mme David : Alors, je vais transmettre, dans le fond, ce 30 secondes à M. Béland. Si vous aviez un mot de la fin, ce serait lequel pour ce matin?

M. Béland (Claude) : Bien, je suis bien content que vous vous penchiez sur cette importante question. Je répète, quand j'ai appris qu'il y avait cette loi-là, je me suis dit : Bien, il faut que j'aille partager avec eux les expériences que j'ai vécues de 60 ans de vie dans l'économie sociale. Et ça, pour moi, ça a été une vie extraordinaire parce qu'on travaille avec des gens qui sont des bâtisseurs de société, et ça, c'est très intéressant.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, merci beaucoup, M. Béland. Alors, nous vous remercions de votre participation, de votre collaboration.

Et je vais suspendre les travaux quelques instants. Et j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 12 h 19)

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vais demander aux invités s'ils veulent bien prendre place. Ce n'est pas parce que je veux vous bousculer, mais parce que le temps nous est compté. Alors, je voudrais que vous ayez le maximum de temps pour vous entretenir avec nos parlementaires.

Alors, évidemment, je souhaite la bienvenue à nos invités. Il s'agit de La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

La Fédération des coopératives de services à
domicile et de santé du Québec (FCSDSQ)

M. Brouillard (Robert) : Mon nom est Robert Brouillard, et je suis président de La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec. Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs mesdames les députés, merci de nous donner l'occasion de présenter ce mémoire cet après-midi. J'aimerais vous présenter, à mon extrême droite, Mme Renelle Valade, vice-présidente, secteur Services à domicile et directrice générale de la coopérative de services à domicile...

Mme Valade (Renelle) : Orléans.

• (12 h 20) •

M. Brouillard (Robert) : ...Orléans, excusez. À ma gauche, c'est M. Pierre Beaulieu, vice-président, secteur Santé, et président de la coopérative de santé Pointe-du-Lac, et M. J. Benoit Caron, directeur général de la fédération, que nous avons mandaté pour vous présenter notre mémoire et répondre à vos questions.

Fondée en 1996, La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec regroupe 38 coopératives et 18 OBNL de services à domicile, soit 56 entreprises d'économie sociale en aide à domicile ainsi que 35 coopératives de santé, étant tous membres ou membres auxiliaires de la fédération.

Les coopératives et OBNL de services à domicile de la fédération comptent environ 40 000 usagers et 3 000 employés. Pour leur part, les coopératives de santé affiliées à la fédération comptent 178 000 patients, dont 60 000 membres. Les coopératives de santé initient également des activités en prévention de la maladie et en promotion de la santé.

Outre sa fonction de représentation, la fédération offre à ses membres divers services-conseils et de la formation, des publications, des services d'information et de communication, des regroupements d'achats, différents outils de gestion ainsi que des activités de réseautage et de partage d'expertises. La fédération est aussi membre du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Je cède maintenant la parole à M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Mme la Présidente, M. le ministre, je suis très heureux d'avoir le privilège de m'adresser à vous aujourd'hui. Cependant, certains me connaissent, je suis quelqu'un de très bavard. Donc, pour respecter le 10 minutes, je vais m'en tenir au texte que j'ai sous les yeux, et ensuite on aura 50 minutes, j'espère, de discussion.

Peut-être préciser qu'en tant qu'individu je faisais de l'économie sociale avant que ça s'appelle de l'économie sociale et je fais de la coopération depuis à peu près 20 ans.

Alors, La Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec souscrit aux objectifs généraux du projet de loi sur l'économie sociale qui reconnaît la part de la troisième voie dans le développement socioéconomique du Québec. On ne doit toutefois pas perdre de vue que les entreprises d'économie sociale, coopératives et mutualistes ont fort bien réussi jusqu'à maintenant. Le projet de loi devrait donc préserver les traits distinctifs et les attributs propres aux divers types d'entreprises que forme cette troisième voie et surtout travailler à éliminer les contraintes à leur développement et ainsi leur permettre d'offrir des services sur un pied d'égalité avec les autres modes d'entreprises. Le projet de loi sur l'économie sociale comporte plusieurs dispositifs exprimés en termes très généraux et, par conséquent, sujets à interprétation. Il nous apparaît opportun et nécessaire de modifier des éléments du projet de loi afin de mieux baliser sa mise en application.

On a travaillé le projet de mémoire sous trois angles : la reconnaissance de la diversité, la mise en oeuvre de l'action gouvernementale et aussi la concertation entre les acteurs.

Au niveau de la reconnaissance de la diversité, le projet de loi évacue à plusieurs égards toute référence à la diversité des modèles d'entreprises collectives, regroupant et confondant alors les coopératives, les mutuelles et les organismes à but non lucratif sous le vocable unique d'économie sociale. Bien que les coopératives de services à domicile et de santé soient des entreprises d'économie sociale, elles se reconnaissent d'abord et surtout en fonction de leur appartenance première, c'est-à-dire la coopération. Alors, c'est un citoyen qui est membre d'une coopérative, une coopérative qui est membre d'une fédération, une fédération qui est membre du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.

Dans l'ensemble, dans le projet de loi, les expressions «économie sociale» et «entreprise d'économie sociale» devraient, à notre avis, être remplacées par les expressions «économie sociale, coopérative et mutualiste» et «entreprise d'économie sociale, coopérative et mutualiste».

Il pourrait s'avérer néfaste que, par souci de cohérence, le gouvernement uniformise systématiquement ses interventions visant à favoriser le... De plus, il pourrait s'avérer néfaste que, par souci de cohérence, le gouvernement uniformise systématiquement ses interventions visant à favoriser le développement des différentes formes d'entreprises collectives. Le projet de loi ne doit pas faire obstacle au maintien et au développement d'outils spécifiquement destinés à l'une ou l'autre des formes d'entreprises, que ce soient les organismes à but non lucratif, les coopératives ou les mutuelles. Chacune de ces formules-là ont des caractéristiques, des outils, des accompagnateurs, ont des caractéristiques qui les distinguent et font en sorte qu'elles réussissent, ces organisations-là.

L'utilisation du concept d'économie sociale engendre une confusion malheureuse en ce qui a trait aux organismes de représentation que sont le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité et le Chantier de l'économie sociale. On ne peut prétendre, en effet, que le Chantier de l'économie sociale coiffe ou chapeaute l'ensemble des entreprises collectives, coopératives, mutuelles et OBNL. Comme il y a, dans le projet de loi, le Chantier de l'économie sociale et le Conseil de la coopération et de la mutualité, pourquoi pas une loi qui reconnaît les trois dans un même nom?

Les coopératives québécoises ont choisi de se regrouper au sein de structures démocratiques, telles les fédérations et les confédérations sectorielles, de même qu'au sein du Conseil québécois de la coopération. Je vous l'ai dit tantôt, il y a un citoyen qui devient membre d'une coopérative, cette coopérative-là est membre de sa fédération et la fédération est membre du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Alors, comme démocratie, je pense qu'on est assez solides.

De plus, la fédération, par son travail de représentation, a été, jusqu'à maintenant, un interlocuteur important auprès du gouvernement du Québec en ce qui concerne les entreprises de services à domicile ou les coopératives de santé. Les coopératives de services à domicile et de santé ainsi que leurs membres reconnaissent ces organisations qu'ils financent et contrôlent démocratiquement comme les seules qui sont habilitées à les représenter auprès des gouvernements. Ce n'est pas un choix d'organisation, ce n'est pas la fédération qui décide de représenter les coopératives de services à domicile et les coopératives de santé. Ce sont les membres de ces coopératives-là qui, au sein de structures démocratiques, nous donnent des mandats.

Alors, l'article 5 du projet de loi devrait préciser que le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité sont les interlocuteurs privilégiés du gouvernement en matière d'économie sociale, coopérative et mutualiste en tenant compte de leurs domaines de représentation respectifs. Le projet de loi devrait spécifier que le statut d'interlocuteur privilégié conféré au conseil et au chantier ne préjudicie en rien au pouvoir des regroupements sectoriels de représenter leurs membres auprès des ministères et des organismes gouvernementaux intervenant dans leurs domaines d'activité respectifs.

Nous, à la fédération, on travaille beaucoup avec le ministère des Affaires municipales, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux et, bien entendu, beaucoup aussi avec le ministère des Finances et de l'Économie. Dans «économie sociale», je vous rappelle qu'il y a «économie» et il y a «sociale», et le ministère des Finances et de l'Économie est très important pour nous. Cependant, on travaille directement avec ces ministères-là. Il ne faudrait pas que le projet de loi, que ce soit par l'entremise des deux acteurs importants nationaux qui sont reconnus ou autrement… qu'on perde ce lien-là important avec nos partenaires gouvernementaux.

Au niveau de la mise en oeuvre de l'action gouvernementale, le plan d'action en économie sociale constituerait un élément structurant clé de l'intervention gouvernementale en matière d'économie sociale, à notre avis. Le ministre des Finances et de l'Économie devrait donc être mentionné expressément à l'article 8 en tant que partenaire conjoint avec le ministère des Affaires municipales pour l'élaboration du plan d'action.

Le projet de loi dispose, à l'article 8, que le plan d'action devrait être adopté au plus tard le 1er avril 2014. Alors, on trouve que c'est peut-être un peu rapide. On croit que la précipitation dans l'élaboration du plan d'action en économie sociale, en raison d'un échéancier trop serré, pourrait vicier le processus, miner la concertation avec les intervenants et éventuellement réduire considérablement l'efficacité et la portée du plan d'action en économie sociale. Le projet de loi devrait prévoir aussi une date plus éloignée, par exemple le 1er septembre 2014 — et ce matin on disait même peut-être le 1er décembre 2014 — comme échéance pour l'adoption du plan d'action en économie sociale.

La Présidente (Mme Boulet) : Il vous reste une minute, M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : L'article 9 du projet de loi devrait prévoir la participation du ministère des Finances et de l'Économie… je vous expliquerai tantôt, j'espère que quelqu'un posera une question, mais il devrait impliquer le ministère des Finances et de l'Économie de façon plus importante.

Il y a plusieurs commentaires qu'on a dans notre mémoire sur les délais, aussi bien pour le plan d'action que pour la révision, le rapport qui doit être produit sur la loi, et je serai heureux tantôt de vous en reparler.

L'idée d'une table de concertation réunissant les principaux intervenants en matière d'économie sociale pourrait favoriser la cohérence, selon nous, des interventions gouvernementales. Le mandat de la table des partenaires en économie sociale ne doit cependant pas chevaucher ou se confondre avec le rôle des interlocuteurs privilégiés. Le projet de loi devrait banaliser, à notre avis, la composition de la table des partenaires et également identifier de façon plus claire ces partenaires-là. Nous croyons aussi que la participation éventuelle de représentants de d'autres organismes devrait être approuvée par les ministères et les organisations représentant l'économie sociale.

La Présidente (Mme Boulet) : Ça va faire le tour, M. Caron. Est-ce que...

M. Caron (J. Benoit) : J'ai terminé.

La Présidente (Mme Boulet) : Vous êtes bien aimable. C'est gentil. Alors, je vais laisser la parole à M. le ministre. On va procéder rapidement aux échanges, si vous permettez.

• (12 h 30) •

M. Gaudreault : Alors, merci beaucoup de votre présentation. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Sachez que j'ai beaucoup d'estime et de reconnaissance pour le travail des coopératives de services à domicile, que je connais bien, entre autres dans ma région, alors… étant moi-même un utilisateur personnel — alors je dévoile mon conflit d'intérêts — et je suis très, très, très satisfait.

Maintenant, j'aimerais pouvoir aller un petit peu plus loin dans vos propos et avec votre présentation, et vous me direz si c'est moi qui comprends mal, ou peut-être que ça va nous permettre de mieux se comprendre, là, par rapport à votre perception sur la loi, mais on dirait que j'ai l'impression que, pour vous, la loi vient comme créer des distinctions entre différents acteurs du vaste milieu de l'économie sociale. J'ai l'impression que vous avez la crainte d'une forme de hiérarchisation chez les différents partenaires que sont, entre autres, le Chantier de l'économie sociale et, bien sûr, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, alors que — je veux tout de suite vous rassurer, là — l'objectif de la loi est vraiment d'être inclusive, et vraiment d'être ouverte, et tout sauf du mur-à-mur. Et je veux que cet objectif ou cette intention soit bien comprise.

Et je veux juste vous ramener aux considérants, le quatrième et le cinquième considérant avant le début comme tel, des articles de la loi, là, quand on dit, par exemple, au quatrième considérant, que «ces entreprises sont fondées sur des valeurs collectives qui se traduisent de manières variées dans leur structure et leur mode de fonctionnement et qu'elles permettent une forme d'économie solidaire et durable». Le considérant suivant dit que «la plupart de ces entreprises se sont regroupées au sein de deux grandes organisations, à savoir le Chantier [...] et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, lesquelles sont appuyées par des réseaux sectoriels et régionaux».

Vous savez, c'est extrêmement rare d'avoir des lois qui sont adoptées ici avec des considérants. En tout cas, moi, de mon expérience parlementaire, je pense que c'est la première que j'ai à étudier avec des considérants, ce qui dénote une volonté d'avoir un statut. C'est pour ça qu'on parle d'une loi-cadre. Ce n'est pas une charte, là, mais, avec les considérants, c'est un genre de manifeste, d'une certaine manière, qui est légalisé par le cadre d'une loi-cadre, c'est le cas de le dire.

Alors, j'aimerais savoir si ces considérants-là, vous les acceptez, s'ils vous rejoignent, surtout sachant que, dans le cadre d'une loi, les considérants vont servir d'outil d'interprétation. Jamais quelqu'un ne pourra ignorer les considérants dans l'interprétation, ou dans le travail, ou dans le plan d'action, même, qui va suivre la loi. Forcément, le plan d'action — puis on en reparlera tout à l'heure — devra s'inspirer de la loi, sinon il serait illégal ou illégitime. Il devra tenir compte de la loi. Et les considérants seront comme l'épine dorsale, si on veut, de la loi. Alors, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus parce qu'on dirait que ça m'envoie un drôle de signal, votre mémoire.

M. Caron (J. Benoit) : Je ne voulais pas vous envoyer de drôle de signal, M. le ministre. Je vous rappellerai cependant que le mémoire qu'on dépose aujourd'hui a, naturellement, cheminé depuis quelques semaines déjà par un comité de travail, un conseil d'administration représentatif, là, des deux secteurs qu'on représente à la fédération. Effectivement, les considérants sont rassurants. Par moments, quand on va plus loin dans le projet de loi, cependant, avouons que c'est très général.

Alors, oui, au niveau des considérants, je pense qu'on reconnaît des éléments importants que j'ai mentionnés tantôt. Cependant, quand on arrive et qu'on étudie le projet de loi, on constate qu'il y a beaucoup d'endroits où on tombe dans des aspects beaucoup plus généraux qui, pour celui qui l'interprétera dans cinq ans… pourrait l'interpréter peut-être avec une différence de celle qu'on aura aujourd'hui. Alors, c'est sûr qu'aujourd'hui quand on en parle, quand on réfléchit au projet de loi dans le contexte dans lequel on est, on peut être un peu moins insécurisés. Cependant, si on voit à plus long terme, on peut... Selon nous, les recommandations qu'on fait dans notre mémoire sont des moyens de solidifier tout ça et de faire en sorte que l'interprétation en soit plus facile.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Bien, autrement dit... Parce que j'ai surtout remarqué, dans votre mémoire... Je suis très heureux de lire, à la page 5 : «…d'entrée de jeu [...] la [fédération] souscrit aux objectifs généraux du projet de loi sur l'économie sociale.» Alors, je comprends que vous êtes d'accord avec le principe, vous êtes favorables à l'adoption d'une telle loi.

Mais plus loin, à la page 7, je vous avoue que je vous trouve sévères quand vous dites, en caractères gras, là, à peu près dans le milieu de la page : «Une uniformisation à outrance ou une approche "mur à mur" aurait pour effet d'altérer les traits distinctifs qui font la force des différentes formes d'entreprises collectives, dont les coopératives.» Alors, c'est justement pour éviter ce mur-à-mur et cette uniformisation, ce risque d'uniformisation, je dirais, que nous nous sommes assurés, justement, d'avoir des considérants qui, à notre sens, rassemblent la plus grande diversité possible des types d'organisations couvertes par la loi.

Mais aussi je veux être très clair, que les deux partenaires privilégiés, pour nous, ont le même statut, là, que ça soit le chantier ou le CQCM. Et ça, c'est l'autre chose. Tantôt, je vous disais qu'il est rare qu'une loi comporte des considérants. Et je vous avoue qu'on a eu à batailler, là, pour un deuxième aspect, parce qu'il est rare qu'une loi reconnaisse des interlocuteurs privilégiés nommément dans son texte de loi. Ça, on a eu une bataille — bien, une bataille… — on a eu à le démontrer, puis à le justifier, puis je pense que c'est correct. Puis, je veux dire, moi, je ne pars pas avec des ornières au point de départ, là. Et, pour moi, ça, ça m'apparaissait important de le faire parce que je crois que, dans son principe même, il faut aussi que les différents acteurs soient assis autour de la même table et soient capables de travailler ensemble. Alors, c'est pour ça, à la page 7, là, je trouvais sévère votre propos. Comment vous réagissez à ça?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Merci, Mme la Présidente. Avec le même confort qu'à mon arrivée, M. le ministre — je vous explique — parce qu'il est évident que, dans le projet de loi qui est sur la table actuellement, de par son nom ou de par son approche générale, on veut, puis des gens qui sont passés avant moi l'ont affirmé clairement, éviter la division, hein? On veut uniformiser, on veut mettre sous un même parapluie tout ce beau monde, aussi bon soit-il. À faire ça, il y a un danger. Nous, on demeure persuadés qu'en confondant les caractéristiques des uns et des autres on perd peut-être un peu de la force et de la richesse de chacun.

Je vous l'ai dit tantôt, j'ai fait de l'économie sociale avant que ça s'appelle de l'économie sociale, et de la coopération depuis 20 ans ou à peu près. Alors, que ce soit l'association, l'organisme à but non lucratif, que ce soit la coopérative ou la mutuelle… Les coopératives et mutuelles, depuis un peu plus de 150 ans, on est tous des coopérateurs au Québec, hein, parce qu'on est tous membres d'une coopérative et même quelques fois de deux ou trois coopératives, que ce soit financière ou autre. On connaît la force et la richesse de la coopération.

De façon éloquente et exceptionnelle peut-être, depuis 1996, suite au Sommet sur l'économie et l'emploi, on doit saluer et applaudir le travail qui a été fait par le Chantier de l'économie sociale et le travail qui a été fait dans plusieurs secteurs, notamment au niveau des services d'aide à domicile, etc. Et j'ai fait des coopératives dans tous les secteurs, dans une autre vie, dans les coopératives de développement régional ou à la Confédération québécoise des coopératives d'habitation. Chaque secteur, chaque formule a sa richesse et fait en sorte qu'au Québec l'économie sociale est si florissante et dénote autant de réussites et de succès.

Je vous donne l'exemple. Au niveau du développement coopératif, un peu plus tôt aujourd'hui, on parlait du développement... du rachat, du transfert d'entreprise par l'acquisition de l'entreprise par l'entremise d'une coop de travail, une coop de travailleurs actionnaires. Bien, à ce niveau-là, il y a des programmes qui sont spécifiques, il y a des mesures fiscales, notamment le Régime d'investissement coopératif. Si on regarde au niveau du développement coopératif au Québec, avec le ministère des Finances et de l'Économie, on a l'Entente de partenariat relative au développement des coopératives. C'est ce qui contribue à faire en sorte qu'au Québec on crée 100 ou 150 coopératives par année. Alors, en voulant tout mettre sous un même chapeau, on va, par la force des choses, uniformiser, essayer de niveler, et on croit qu'il y a un danger à perdre les caractéristiques qui se traduisent par des bénéfices.

• (12 h 40) •

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron, on va laisser la parole au ministre parce que le temps file, alors… D'accord.

M. Gaudreault : Oui. Évidemment, j'aurais beaucoup à vous dire et à vous demander. Puis les collègues vont sûrement aller aussi plus loin. Mais c'est sûr qu'on a un défi, là — moi, j'aime mieux le voir comme la beauté de la chose, là — c'est de s'assurer d'incarner, à travers la loi, la force de la diversité du vaste milieu. Alors, méchant défi pour des législateurs comme nous. Et nous croyons que la table des partenaires, d'une part, et la reconnaissance de deuxpartenaires privilégiés sont cette voie de passage. Et moi, je veux vous assurer, vous rassurer, vous confirmer qu'il est dans notre intention de ne pas uniformiser, de ne pas hiérarchiser — puis là je suis enregistré, ici, là, puis c'est l'intention du législateur — ce n'est vraiment pas notre objectif. Voilà.

Alors, est-ce que vous croyez que la table des partenaires… Puis peut-être en un oui ou en un non parce que je sais que le temps file, là. Est-ce que la table des partenaires… Puis on pourrait discuter de sa composition. Mais la table des partenaires et la reconnaissance de deux partenaires privilégiés, est-ce que, pour vous, ce n'est pas une belle voie de passage pour relever ce défi?

M. Caron (J. Benoit) : Je vous en remercie. Nous vous en remercions. Effectivement, la table et l'identification des deux partenaires que sont le chantier et le conseil québécois, pour une première fois, je dirais, aussi ouvertement et aussi solidement, c'est un gain, c'est un gain important. Puis on le reçoit positivement, avec certaines réserves sur certains aspects, mais on le reçoit très positivement.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci, M. Caron. Je vais passer la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce, si vous me permettez.

Mme Weil : Oui. Merci. Alors, nous sommes... Oui, M. Brouillard, M. Caron, M. Beaulieu et Mme Valade, moi, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire très détaillé. D'ailleurs, vous touchez à beaucoup d'enjeux qu'on discute depuis le début de la consultation, surtout quand on arrivera… mandat, composition de la table et définition. Le ministre a déjà posé les questions sur le titre même, mais évidemment là on a des points de vue différents, mais je pense que l'idée, c'est d'avoir une approche inclusive. Alors, je ne vais pas retourner là-dessus parce qu'il y a tellement d'autres questions à vous poser sur le reste. Mais je retiens tout ce que vous avez dit et je pense que ce que vous voulez vous assurer, c'est que la diversité de ce milieu-là soit bien reconnue puis comment est-ce qu'on peut s'assurer de faire ça dans les libellés.

Alors, on va aller sur votre deuxième recommandation, c'est page 7 de votre mémoire. Vous dites : «C'est pourquoi nous proposons d'inclure dans le libellé de l'article 2 — ce serait un autre paragraphe que vous rajouteriez — un énoncé clair à l'effet que cette disposition n'aura pas pour effet de faire obstacle au maintien et au développement d'outils spécifiquement destinés à l'une ou l'autre forme d'entreprises collectives.» Pourriez-vous juste m'expliquer comment vous voyez ça dans l'article 2?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Merci, Mme la Présidente. Ce serait un ajout, simplement. Parce que, l'article 2, on parle de promotion, de soutien et de favoriser le développement de l'économie sociale au Québec, alors naturellement on est en accord avec l'article 2. Cependant, toujours avec la même préoccupation d'uniformisation et de la perte des caractéristiques ou des réalités… Parce que, bon, on parle d'économie sociale plus souvent et plus ardemment depuis 1996, mais, au niveau de la coopération, ça fait quand même quelques dizaines de décennies qu'on en parle et qu'on a installé aussi... Tantôt, je parlais du Régime d'investissement coopératif, je parlais de l'Entente de partenariat relative au développement des coopératives, au REER autogéré, etc. La préoccupation qu'on avait, c'est que, dans l'article 2, tout ce qui y est dit se fasse en respectant ce qui existe déjà.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Donc, c'est à la lumière de... Si le titre est modifié pour inclure, est-ce que c'est... Quand vous dites «cette disposition», vous référez à quoi? «...n'aura pas pour effet de...»

M. Caron (J. Benoit) : ...disposition de l'article 2, c'est-à-dire la promotion...

Mme Weil : Parce que — excusez-moi, Mme la Présidente — l'article 2, c'est : «La présente loi a pour objectif…» Donc, là, on est en train d'énoncer les différents objectifs. Et vous parlez de «cette disposition n'aura pas pour effet».

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Je ne sais pas exactement ce qui est écrit, je ne relis pas tout le texte. Tout ce que je vous dis, c'est qu'il y a trois articles dans l'article... il y a trois alinéas dans l'article 2 : un sur la promotion, un sur le soutien et un sur favoriser le développement de l'économie sociale au Québec. Nous, ce qu'on dit dans notre deuxièmerecommandation, c'est de faire en sorte que tout ça se fasse en respectant les caractéristiques, encore une fois, et les réalités de chacune des formes d'entreprise. Il y a des programmes de développement… si vous me permettez, il y a des programmesde développement où il y a des accompagnateurs, des développeurs dans un qui ne sont pas dans l'autre, et vice versa. Alors, c'est de composer avec la réalité actuelle des choses, simplement, et ne pas l'altérer.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, Mme la députée.

Mme Weil : Merci. Là, on va aller à l'article 5, sur les interlocuteurs privilégiés. Juste par curiosité, comment vous avez perçu ou comment vous... Comment définir l'interlocuteur privilégié? Comment vous voyez le rôle? Là, on en a deux. Vous, vous avez une recommandation qui va dans le sens... «en matière […] en tenant compte de leur [demande]». Bon.

Vous faites une proposition : «[Nous proposons] que l'article 5 du projet de loi soit modifié de manière à préciser que le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité sont les interlocuteurs privilégiés du gouvernement en matière d'économie sociale — mais là vous, vous avez votre définition — coopérative et mutualiste — qui sera, oui ou non, retenue — en tenant compte de leur domaine de représentation respectif.»

Il va juste... Moi, ce que je retiens de ce que vous dites, c'est qu'il faut toujours faire attention que, dans ce qu'on dit, ce soit très inclusif. Je ne sais pas comment éventuellement, dans la loi, ce sera reflété, mais je pense que c'est votre message, là. Mais...

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron. Ah! Ça va, Mme la députée? Excusez-moi, j'ai...

Mme Weil : Oui. Mais est-ce que vous êtes d'accord, donc, que ces deux grands organismes, le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, soient des interlocuteurs privilégiés?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron, la parole est à vous.

M. Caron (J. Benoit) : Brièvement, oui. De façon un peu plus élaborée, on a vécu... Vous savez, le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, au cours... depuis 1996, il y a une réalité terrain, il y a un historique, il y a une expérience terrain. Et, quand on arrive avec ces recommandations-là, avec ces précisions-là, ça tient compte de cette expérience depuis 1996. Donc, c'est quand même un peu plus de 15 ans, là. Et, ce qu'on a constaté depuis 1996, c'est... J'ai applaudi, tantôt, le travail du Chantier de l'économie sociale, comme j'applaudis à tous les jours le travail du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Cependant, stratégiquement, il faut faire en sorte que ces deux interlocuteurs privilégiés, ces deux organisations nationales qui jouent un rôle si important l'une et l'autre, qu'on améliore la façon de travailler ensemble.

Et ça a été de belles réussites depuis 15 ans, mais je suis persuadé, avec les deux, qu'on peut faire encore beaucoup mieux. Cependant, il faut reconnaître à chacun ce qu'il est. Il faut aussi reconnaître les compositions qui composent ces deux organisations-là. Il y a des entreprises, des membres, coops, qui sont au chantier, qui sont au conseil, effectivement. Mais il demeure quand même qu'il y a des institutions démocratiques qui se sont... que les membres des coopératives, par exemple, se sont donnés — je ne vous répéterai pas ce que je vous ai dit tantôt du citoyen qui devient membre, qui devient membre de sa coop, etc. — et ça, il faut absolument protéger ça et le reconnaître de façon... comme le fait la loi. En reconnaissant les deux interlocuteurs privilégiés, à mon avis, pour une rare fois, on joue un rôle égal, que ce soit le chantier ou que ce soit le conseil, et ce, même si, quand on analyse les deux organisations, il y a des historiques qui sont différents, il y a également un membership, il y a des partenariats qui sont différents. Il faut exploiter les deux de la meilleure façon possible.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci, M. Caron. Mme la députée.

Mme Weil : Il reste cinq minutes?

La Présidente (Mme Boulet) : Il vous reste à peu près cinq minutes, oui.

Mme Valade (Renelle) :

La Présidente (Mme Boulet) : Oui, Mme Valade, vous voulez compléter la réponse? Alors, on…

• (12 h 50) •

Mme Valade (Renelle) : Oui. Ce que je dirais, c'est : On a innové, dans les 15 dernières années, de par nos structures. Si vous voulez nous donner la chance, O.K., au niveau du terrain, de continuer à se courtiser entre l'économie sociale, le Chantier de l'économie sociale puis nos structures coopératives… Il faut innover. On a commencé à le faire. Notre fédération, on a trouvé des façons d'inclure des membres auxiliaires pour qu'on travaille ensemble, mais c'est en reconnaissant qui on est qu'on est capables d'aller de l'avant, puis de se parler, puis de travailler ensemble. Puis on a des gros défis à relever. Parce que ce n'est pas si vrai que ça que c'est indéniable, le mouvement coopératif. C'est fort, c'est puissant en autant qu'on travaille ensemble puis qu'on applique la démocratie. Ça fait que je vous remercie vraiment des considérants que vous avez mis, je les ai bien entendus, puis on va les faire valoir auprès de nos membres.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, merci, Mme Valade. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : J'aimerais arriver sur la table, la composition de la table. Puis il y a peu de temps. Donc, je retiens tout simplement toutes vos recommandations sur les échéanciers, c'est intéressant. Le plan d'action, c'est vraiment bien expliqué. Je pense que nous, on pourra regarder ça et de voir s'il y a des améliorations à appeler, à amener.

Là, j'aimerais vous amener sur le mandat de la table. Je ne sais pas si vous avez suivi, donc, les recommandations pour le mandat de la table qui est recommandé par le Chantier de l'économie sociale, si vous êtes d'accord avec la description du mandat tel qu'ils l'ont… Et vous entendre sur la composition de la table aussi, et s'il faudrait avoir, donc, des critères de composition.

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Notre position au niveau de la table des partenaires… Bien entendu, il y a les deuxinterlocuteurs importants. Le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire est, bien entendu, là. On croit qu'au niveau du ministère des Finances et de l'Économie, il devrait y être aussi. Et la crainte qu'on peut avoir… ou, en tout cas, le commentaire qu'on avait, c'est peut-être qu'il ne faut pas que cette table-là vienne qu'à remplacer un ou l'autre des deux interlocuteurs privilégiés, un ou l'autre des deux ministères qui, pour nous, sont très concernés. Il ne faudrait pas non plus qu'à cette table-là on ferme la porte. Vous m'avez rassuré, puis M. Gaudreault l'a fait abondamment tantôt, là : c'est très inclusif, tout ça.

Moi, je travaille, comme directeur général de la fédération, avec le ministère de la Santé depuis cinq ans intensivement, et il n'y a pas personne d'autre qui va faire notre job à notre place, c'est nous qui y allons. Alors, il ne faut pas que cette table-là fasse en sorte que, quand on parlera, par exemple, de coops de santé, de coopératives de santé, ce soient d'autres interlocuteurs qui parlent à notre place. Donc, par moments et selon les circonstances et les besoins, on croit qu'à cette table-là, en plus des deux organismes nationaux, des deux ministères, doivent s'ajouter aussi des regroupements sectoriels.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci, M. Caron. Il reste moins de deux minutes, Mme la députée.

Mme Weil : Bien, peut-être, puisque j'ai un peu de temps, peut-être qu'on pourrait... vous pourriez peut-être vous exprimer sur le plan et les échéanciers, les recommandations que vous faites, là, sur le trois... les cinq ans — attendez, il faudrait que je le retrouve, là — premièrement, à quel échéancier… Donc, vous proposez «que le projet de loi indique une date ultérieure«, premièrement,» au 1er avril 2014, par exemple le 1er septembre». Ça, peut-être que le ministre va apprécier, dans un sens, de repousser parce que c'est vrai que c'est un travail complexe. Ça, je veux dire, je pense que c'est beaucoup au ministre de voir à ça.

Ensuite : «Il nous paraît que le délai de cinq ans prévu à l'article 9 — je pense que vous parliez de l'article 10, en fait — pour la révision du plan d'action est nettement trop long. [Et qu'il] devrait être ramené à trois ans.» Il y a un autre groupe aussi… deux autres peut-être, qui ont fait cette recommandation. Je ne sais pas s'il y a d'autres choses que vous voulez mentionner à ce point de vue. Et que… Oui. Écoutez, moi, j'ai...

Une voix :

Mme Weil : Oui. Est-ce que vous êtes pour inclure le mandat, donc, dans la loi?

La Présidente (Mme Boulet) : En moins d'une minute, M. Caron, je vous laisse la conclusion.

M. Caron (J. Benoit) : Le mandat?

Mme Weil : De la table.

M. Caron (J. Benoit) : Oui.

La Présidente (Mme Boulet) : Ça va, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce?

Mme Weil : Oui, c'est excellent. Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Boulet) : D'accord. Alors, on va passer la parole au député de Beauce-Nord. Vous disposez de 3 min 30 s.

M. Spénard : Alors, merci. Merci, Mme la Présidente. C'est le pendant d'être la deuxième opposition officielle, on aurait autant de questions, mais on ne peut pas avoir autant de réponses. Alors, Mme Valade, MM. Beaulieu, Caron, Brouillard, alors, bienvenue.

Vous semblez avoir beaucoup de questionnements en ce qui concerne la représentativité de votre fédération par rapport aux différentes interventions que vous pouvez faire aux ministères, les deux principaux ministères, le ministère des Finances et le MAMROT. Alors, pourquoi? Parce qu'après l'adoption de la loi vous n'aurez plus... vous n'avez pas l'impression que vous allez quand même pouvoir accéder aux ministères en question?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : On n'a pas l'impression qu'on ne pourra plus, on veut juste s'assurer de continuer à pouvoir. Alors, c'est sûr que le développement de l'économie sociale au Québec, au cours des 15, 16 dernières années, s'est fait d'une façon… avec les structures qui sont en place, les programmes, les soutiens, etc., et les représentations qu'on a faites. Et, que ce soit le chantier ou que ce soit le conseil, c'étaient nos deux regroupements nationaux avec qui on travaille, dépendamment des occasions; dans notre cas, plus souvent avec le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Et il y a une façon de faire qui fait en sorte que, quand on tombe dans le spécifique, dans le sectoriel... J'ai donné l'exemple des coops de santé tantôt. Quand on veut parler avec le ministère de la Santé des coopératives de santé, le conseil ne parle pas à notre place, il va parler avec nous, mais ne parle pas à notre place. Alors, on veut simplement la continuité de ces pratiques-là et que le projet de loi n° 27 ou encore la table des partenaires, ça n'ajoute pas des intervenants et qu'ils viennent peut-être briser ce lien direct qu'on a, qu'on est privilégiés d'avoir avec des représentants gouvernementaux.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci. M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Par contre, vous vivez bien avec la table des partenaires qui est là, mais vous aimeriez aussi que, quand c'est question de coops de santé, vous soyez présents pour défendre votre point de vue.

M. Caron (J. Benoit) : Absolument.

M. Spénard : O.K., c'est ça. C'est ça que je comprends. La mise en oeuvre de la loi, vous trouvez ça vite, vous, le... votre organisme, là, et vous proposez de reporter ça au 1er septembre 2014 pour le plan parce que...

Une voix : ...

M. Spénard : Pardon?

Une voix : ...

M. Spénard : Oui, le plan d'action.

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : On est quotidiennement, comme vous, dans les opérations sur le terrain en concertation avec des partenaires, avec des secteurs aussi, avec nos secteurs. Dans une année, il y a de longues périodes où on est un peu moins efficaces au niveau des activités, que ce soit l'été, que ce soit la période des fêtes, etc. On pense que la force du plan d'action viendra de l'adhésion qu'il suscitera, ce plan d'action là. Pour avoir une adhésion, il faut mobiliser les gens, il faut les concerter autour d'un projet commun. Ça demande un petit peu de temps.

Dans un monde idéal, on n'a rien contre le 1er avril 2014, ça peut même être le 1er décembre 2013, aucun problème. La seule chose, c'est qu'on veut s'assurer d'atteindre la cible et de faire le plus grand succès possible de ce plan d'action là. Pour ce faire, on croit que c'est peut-être serré un peu, 1er avril 2014.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Beauce-Nord, là, juste le mot de la fin. Il vous reste quelques secondes.

M. Spénard : Ah bien! Le mot de la fin... Bien, j'aimerais les remercier, mais un petit mot de la fin que je vais vous laisser… Est-ce que ce projet de loi n° 27 là vous aide?

M. Caron (J. Benoit) : J'espère que le projet de loi n° 27 changera les choses. Je l'ai dit tantôt, depuis 15 ou 16 ans, on l'a vécu sur le terrain, on était tous là. Et, dans le quotidien, c'est extraordinaire, ce qui s'est fait, c'est extraordinaire, ce que fait le chantier, c'est extraordinaire, ce que fait le conseil, mais ça pourrait être encore beaucoup plus extraordinaire si le projet de loi pourrait avoir pour effet de reconnaître chacun, de les respecter et de faire en sorte de tirer le meilleur, le plus opportunistement, de chacun de ces regroupements-là et de leurs secteurs.

La Présidente (Mme Boulet) : On reçoit bien votre message, M. Caron. On remercie la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec. Alors, M. Brouillard, M. Caron, M. Beaulieu et Mme Valade, merci de votre présentation.

Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 10)

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités. Je vais répéter ce que je vous ai dit ce matin. Pour les fins d'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons, comme d'habitude, à la période d'échange avec les membres de la commission parlementaire. Alors, la parole est à vous.

Coalition des entreprises d'économie sociale
en aide domestique (Coalition des EESAD)

Mme Gasse (Marie-Claude) : Donc, bonjour. Mon nom, c'est Marie-Claude Gasse, je suis la présidente de la Coalition des entreprises d'économie sociale en aide à domicile, que l'on nomme EESAD. Je suis également la directrice générale de l'entreprise appelée Coup de main à domicile, qui est située à Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent. Je suis accompagnée d'André Richard, qui est le porte-parole de l'aile rurale, et de Benoit Caron, qui est le directeur général de la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec. Donc, il y a trois réseaux qui représentent les EESAD au Québec, et ce sont nos trois réseaux. Je laisserai ces messieurs se présenter plus en détail tout à l'heure.

Donc, tout simplement pour vous remercier de nous recevoir. Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de secteurs d'activité qui ont l'occasion de venir présenter l'impact qu'ils ont sur le terrain. Donc, on l'apprécie beaucoup aujourd'hui. De manière générale, nos organisations sont d'accord avec les objectifs du projet de loi sur l'économie sociale ainsi qu'avec les principales orientations qu'il met de l'avant afin d'assurer le développement de l'économie sociale et des entreprises collectives qui en sont le moteur. Donc, plusieurs organisations intéressées pas l'économie sociale sont venues ou viendront vous présenter leurs observations, commentaires, suggestions, recommandations sur différents aspects techniques rattachés au projet de loi qui est présentement sous étude.

Nous, de notre côté, nous avons délibérément choisi d'apporter une contribution originale aux travaux de la commission et du ministre en illustrant de façon concrète l'apport pour l'économie et la société québécoise, la vision et les préoccupations d'entreprises qui, selon nous, sont très représentatives de l'économie sociale au Québec, donc les EESAD. On a un défi important aujourd'hui. On est trois personnes qui sommes passionnées par notre champ d'activité. Donc, le défi, c'est d'arriver à ramener tout ça en dedans de 10 minutes

Donc, je pense qu'il y a eu beaucoup de discussions ce matin. Il y a 101 entreprises au Québec. On a eu un problème il y a quelques années. On s'est rendu compte qu'il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui étaient réseautées. Donc la coalition a décidé de se former pour permettre aux entreprises d'avoir un autre moyen pour se réseauter. Donc, à partir de ce moment-là, ça fait déjà cinq ans que nos trois réseaux travaillent en étroite collaboration. On s'entend sur la majorité des points. Et, que ce soient des coopératives ou des organismes à but non lucratif, je pense qu'on est le meilleur exemple pour prouver qu'on est capables de travailler harmonieusement tous ensemble en économie sociale. Donc, je vais laisser M. Richard présenter l'aile rurale.

M. Richard (André) : Donc, bonjour. Donc, comme Marie-Claude l'a dit, André Richard. Dans une autre vie, autre que porte-parole de l'aile rurale, je suis aussi directeur d'une entreprise d'économie sociale en aide à domicile dans La Côte-de-Gaspé. L'aile rurale est venue au monde pour défendre les droits des entreprises d'économie sociale en aide à domicile qui oeuvrent en milieu rural et qui se démarquent aussi par une intensité des services sur le terrain. On a comme principale fonction de représenter les entreprises auprès des instances gouvernementales pour faire reconnaître les particularités dans l'organisation des services dans les milieux ruraux sur des grands territoires où les services de proximité sont peu ou pas existants et avec une clientèle dispersée. Voilà. Je laisserais Benoit y aller.

M. Caron (J. Benoit) : Parfait. Alors, pour certains, vous me reconnaissez. Benoit Caron, je suis directeur général de la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec. Je vais sauver du temps sur la présentation de la fédération. Simplement vous rappeler… — parce que je vous l'ai mentionné ce matin — vous rappeler qu'on regroupe des coops et des organismes à but non lucratif de services à domicile, 56 entreprises, en fait, 56 EESAD, 35 coopératives de santé. Et on est une fédération assez conventionnelle, c'est-à-dire par l'offre de services spécialisés aux secteurs qui sont membres de cette fédération-là. On travaille à cette table-là avec les deux autres regroupements, un peu comme le précisait Mme Gasse il y a un instant, de façon harmonieuse et constructive depuis cinq ans.

On m'a aussi demandé de vous... pour introduire le sujet, parce que je suis pas mal sûr qu'on a déjà trois minutes de passées...

Une voix : Quatre.

M. Caron (J. Benoit) : Quatre, même? Alors, je vais faire très rapidement. Le Sommet sur l'économie et l'emploi, M. Béland vous en a abondamment parlé ce matin, le Sommet sur l'économie et l'emploi de 1996, un grand chantier s'entreprend, notamment au niveau de l'aide à domicile, une volonté de répondre à des besoins d'usagers, de personnes en perte d'autonomie ou présentant une déficience, une volonté aussi de créer des jobs, créer des emplois, donc de répondre à un besoin de création d'emplois, et également, ce qu'on a oublié avec le temps, de contrer le travail au noir. Alors, c'étaient les trois objectifs qui étaient là.

C'est un chantier ou c'est un projet qui a réussi admirablement, à mon avis et de l'avis de plusieurs. 101 entreprises sont créées de ce chantier-là. On couvre les 17 régions administratives du Québec, alors on est partout. On livre, simplement dans le Programme d'exonération financière, programme qui permet à l'usager d'obtenir une aide financière pour avoir accès aux services, alors, simplement dans le cadre de ce programme-là… Parce qu'on offre aussi... on vend des heures à des usagers dans d'autres volets d'activité. Mais, simplement dans le PEFSAD, c'est 5,6 millions d'heures de service qui sont livrées par 6 800 préposés d'aide à domicile à 84 000 usagers au Québec. On se concentre au niveau des activités de service, au niveau des activités de la vie domestique, bien entendu, mais de plus en plus aussi au niveau des activités de la vie quotidienne, c'est-à-dire prendre soin de la personne dans son intégrité, et tout ça. C'est un chiffre d'affaires d'un peu plus de 125 millions, c'est peut-être même, si on considère les autres services, au-delà de 130 millions. C'est le secteur que nous représentons cet après-midi. Et, comme vous l'a dit Mme Gasse, contrairement à d'autres présentations, on va se concentrer sur notre réalité à nous et avec une approche plus sectorielle.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Donc, on trouve que le terme «économie sociale», dans notre secteur d'activité, est quand même très représentatif parce qu'on a des impacts tant au niveau social qu'au niveau économique. On a d'ailleurs réalisé, il y a très peu de temps, en collaboration avec le MAMROT, une étude, une analyse d'étude d'impact économique de la contribution des EESAD sur la société québécoise. Donc, on est des entreprises de service, on est au service des individus et des familles, que ce soient les coopératives ou les organismes à but non lucratif, on est tous exploités à but non lucratif et, dans notre étude qu'on a réalisée, on nous prouve qu'on est des entreprises rentables pour le Québec.

On donne beaucoup de... On donne du lest financier et humain à la famille et aux proches de par les services qu'on donne. On favorise le maintien prolongé à domicile, c'est prouvé, on contribue également à la baisse des coûts d'hospitalisation et on génère des économies considérables pour la société. On est des entreprises qui sommes aussi créateurs d'emplois. Au-delà des services qu'on donne aux individus, on a quand même 6 800 employés dans notre secteur. Et on a un défi important à relever dans les prochaines années, qui est le vieillissement de la population. Donc, on a 6 800 travailleurs... travailleuses, je devrais dire, parce qu'à 95 % ce sont des femmes, mais on a encore de la place pour créer beaucoup d'emplois supplémentaires.

On est aussi des entreprises qui sont créateurs de richesse collective, toujours avec la même étude dont je citais tout à l'heure. Les activités des EESAD, en 2011‑2012, ont produit un avantage social net de 333 millions de dollars. Donc, ce n'est quand même pas négligeable. Et on dit que, globalement, pour chaque dollar investi dans le programme du PEFSAD, la valeur totale des avantages quantifiables générés par notre secteur d'activité pour l'économie du Québec s'élève à 5,27 $.

On a évidemment beaucoup de préoccupations quant au projet de loi dont on parle et quant à sa mise en oeuvre. Il faut vraiment que le gouvernement comprenne que, quand on investit dans l'économie sociale, c'est bien un investissement et non pas une dépense, donc, pour les deux volets qu'on vient de citer. On a une problématique particulière dans notre secteur, c'est que l'économie sociale relève du MAMROT, mais on est aussi avec nos travailleurs au ministère du Travail, tu as le ministère de la Santé pour les usagers, et c'est important d'avoir une belle transversalité, là, dans les différents ministères. Donc, je vais laisser M. Richard suivre tout de suite avec les recommandations.

M. Richard (André) : Donc, j'y vais tout de suite avec les six recommandations, les trois regroupements. Donc, la première recommandation : Que le gouvernement du Québec adopte une politique permettant de faire appel prioritairement aux entreprises de l'économie sociale plutôt qu'à l'entreprise privée dans la livraison de services aux personnes et aux communautés.

Deuxième recommandation : Que le gouvernement du Québec adopte des mesures favorisant le maintien à domicile des personnes âgées et soutienne financièrement ces services.

La troisième : Que le gouvernement du Québec soutienne les initiatives d'entrepreneuriat collectif afin d'en favoriser le développement et la consolidation.

La quatrième : Que le gouvernement du Québec adopte une politique pour favoriser l'utilisation des ressources et services produits par les entreprises de l'économie sociale, par les ministères et les organismes publics.

La cinquième : Que le gouvernement du Québec adopte des mesures et politiques visant à favoriser la création et le maintien d'emplois en région.

Et la dernière : Que le gouvernement du Québec assure un financement adéquat de l'économie sociale, notamment en matière de services à domicile, afin d'assurer le maintien de services de qualité en réponse aux besoins croissants des personnes et des communautés.

• (15 h 20) •

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, bravo! 10 minutes pile. Alors bravo, Mme Gasse, M. Richard, M. Caron. Alors, je vais laisser tout de suite la parole au ministre pour procéder à la période d'échange.

M. Gaudreault : Oui, alors, merci beaucoup, Mme Gasse, M. Richard, M. Caron, pour votre présentation et aussi pour le temps que vous avez consacré à la rédaction de ce mémoire qui correspond à votre réalité.

Il est vrai que vous êtes... vos organisations sont à cheval sur plusieurs ministères, je dirais, ministère des Affaires municipales pour l'économie sociale, tout le volet occupation du territoire aussi — parce que je vois que vous avez une préoccupation très importante pour les milieux ruraux, on pourra y revenir tout à l'heure — mais aussi évidemment avec le ministère de la Santé, sur lequel, aujourd'hui, évidemment, je n'aurai pas nécessairement des réponses à toutes les questions, puis je ne pense pas que ce soit l'objectif. Mais je comprends, par exemple, avec votre recommandation 6 sur le financement en matière de services à domicile, le maintien de services de qualité, etc., bon, vous savez que notre gouvernement est extrêmement préoccupé par ça. Mon collègue à la Santé déposera bientôt un livre blanc ou une politique, là, sur une assurance autonomie, et sûrement que j'aurai l'occasion de lui transmettre vos préoccupations, particulièrement sur ce volet-là.

Mais, si on regarde plus précisément la loi-cadre sur l'économie sociale que nous proposons aujourd'hui et que nous étudions aujourd'hui, je comprends que, de façon générale, vous êtes favorables à l'adoption d'une telle loi et, pour vous... Bien, j'aimerais ça vous entendre un peu plus, là, sur ce qu'elle peut apporter de concret, ou de nouveau, ou de différent par rapport à la situation actuelle, avec une telle loi.

Mme Gasse (Marie-Claude) : J'y vais?

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Oui. Donc, comme on l'a nommé tout à l'heure, une des problématiques qu'on a, c'est qu'on relève vraiment de pleins de ministères. Outre le ministère du Travail, le MAMROT, le ministère de la Santé, on a aussi le ministère de l'Emploi et Solidarité sociale, ministère des Finances parce que beaucoup de nos travailleuses sont ce qu'on appelait des sans-chèque, on les a intégrées ou réintégrées sur le marché du travail, ou c'étaient des travailleurs qui étaient éloignés du marché du travail. Et, depuis quelques années qu'on travaille avec le MAMROT, la coordination entre ces différents ministères là a été très facilitante. Toutefois, on s'aperçoit que l'économie sociale, des fois, n'est pas le secteur qui est privilégié par tous les ministères. Donc, au-delà de la loi, au-delà de camper l'économie sociale, ça va être important d'assurer une vigie face à ça et de peut-être mettre les moyens en place pour que vous puissiez avoir l'autorité nécessaire pour réagir si jamais on passait outre ça.

Vous avez nommé, tout à l'heure, le livre blanc du ministre Hébert. C'est sûr qu'on a les grandes lignes qui nous ont été citées. On pense que le ministre va nous faire une grande place, mais on a aussi un enjeu majeur quand on parle du réseau privé, où on ne sait pas exactement quel genre de réseau peut arriver, peut se créer pour être capable d'avoir accès à ces services-là. Et, vous le nommiez aussi en introduction, la qualité des services, pour nous, est très importante. Donc, notre réseau est déjà étendu à la grandeur du Québec, ça fait 17 ans qu'on existe, ça fait 17 ans qu'on travaille à améliorer les emplois, à améliorer les compétences de nos travailleurs, à améliorer les services qu'on donne sur le terrain. Donc, c'est certain que, si le MAMROT est capable, avec cette loi-là, d'assurer cette coordination-là intergouvernementale, ce serait facilitant pour notre secteur d'activité.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Il y a plusieurs éléments que vous avez mentionnés et qui nous permettent d'aller plus loin, de faire du pouce. Vous parlez de vigie, l'importance d'avoir une vigie, une fois que la loi sera adoptée, pour s'assurer, entre guillemets, je dirais, là, que ce ne soit pas une loi qui soit tablettée ou juste un... que ça demeure un voeu pieux puis qu'il n'y ait pas de conséquences directes. Est-ce que, pour vous, la désignation dans la loi de deux partenaires privilégiés que sont le CQCM et le Chantier sur l'économie sociale et aussi la création, via l'article 11 et l'article 12 — en fait, le chapitre V du projet de loi — d'une table des partenaires en économie sociale, est-ce que, pour vous, ça fait partie de ce qui pourrait contribuer à faire une vigie, à la fois les deux partenaires privilégiés mais aussi la table? Alors, j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur ces deux éléments-là.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Oui. Merci. C'est sûr qu'on pense que cette table-là peut être facilitante. C'est important que les deux organisations, et le Chantier de l'économie sociale et le CQCM, puissent y siéger. Mais, outre le fait d'y siéger et d'arriver à détecter si cette loi-là est respectée, souvent on se fait dire que le MAMROT a la responsabilité de coordination, mais qu'il n'a pas de pouvoir nécessairement sur d'autres ministères. Donc, il faut vraiment que cette table-là ait l'autorité nécessaire pour réagir.

Et, si je vous amène dans le un petit peu plus pointu, sur le terrain, ce qu'on vit, dans notre secteur, c'est beaucoup des agences de placement sur le terrain, où il y a une réalité qui est très difficile, que les CLSC, les centres de santé doivent faire toujours avec des budgets restreints et ils veulent desservir le plus grand nombre de personnes possible. Donc, au lieu de dire : On va payer le prix que ça coûte, ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont passer par des agences de placement pour engager des travailleurs au noir ou des travailleurs autonomes, entre autres, en se disant : Ça coûte moins cher, on est capables de servir plus de monde qu'en payant vraiment le prix que ça coûte. Donc, ça, dans notre secteur, c'est un enjeu qui est très important. Et, si le MAMROT ou la table des partenaires n'a pas l'autorité nécessaire pour réagir, bien ça pourrait compliquer.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Êtes-vous d'accord avec le titre Loi sur l'économie sociale?

Mme Gasse (Marie-Claude) : Oui.

M. Caron (J. Benoit) : Évidemment, vous comprendrez que je n'interviendrai pas sur ce sujet.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Oui. C'est sûr qu'on est d'accord. Je l'ai dit en introduction. En tout cas, pour notre secteur d'activité, l'économie sociale, ça fait partie du titre de nos entreprises, c'est les entreprises d'économie sociale en aide à domicile, et les impacts qu'on a sont aux deux niveaux. Et notre réseau regroupe autant de coopératives que d'organismes à but non lucratif ou presque. Et, comme j'ai nommé tout à l'heure, malgré tout, on arrive à travailler de manière harmonieuse tous ensemble.

M. Caron (J. Benoit) : En évitant les sujets qui peuvent nous diviser. Merci, M. le ministre.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Richard (André) : Nous, de l'aile rurale, on est d'accord aussi avec «économie sociale» parce que, sur le terrain, nous aussi, c'est ce qui nous représente. On est des entreprises d'économie sociale, peu importe le statut juridique.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Alors, à votre recommandation 1 et votre recommandation 4... Je les mets ensemble, parce que la première dit que vous souhaitez que le gouvernement «adopte une politique [qui permet] de faire appel prioritairement aux entreprises d'économie sociale plutôt qu'à l'entreprise privée pour la livraison de services aux personnes et aux communautés» et, au point... à la recommandation 4, vous dites… vous souhaitez que le gouvernement «adopte une politique pour favoriser l'utilisation des ressources et services produits par les entreprises de l'économie sociale, par les ministères et organismes publics».

Alors, pour moi, c'est, en gros, dans le même volet, là. C'est une politique pour faire appel prioritairement soit aux entreprises d'économie sociale ou en tout cas favoriser l'utilisation des ressources et services produits par les entreprises d'économie sociale. J'aimerais ça que vous m'en disiez un petit peu plus là-dessus. Qu'est-ce qui bloque, à l'heure actuelle? Quels sont les problèmes concrets que vous vivez et qui vous poussent à faire ces deux recommandations-là particulièrement?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : La question, M. le ministre, est très intéressante. Puis effectivement, dans nos six recommandations, plusieurs recommandations s'entrecoupent et ont une interrelation entre elles.

La politique de développement de l'économie sociale, bon, on l'applaudit, c'est merveilleux, extraordinaire. Maintenant, cependant puis, après demain, lorsqu'elle sera adoptée, il faudra l'opérationnaliser. Dans l'opérationnalisation de cette politique-là, ça devrait se traduire par des gestes concrets pour le gouvernement, mais également pour les entreprises d'économie sociale, pour nos deux regroupements nationaux. Et c'est quotidiennement qu'on devrait la vivre, cette politique-là.

On devrait la vivre aussi par l'entremise de l'ensemble des ministères. On a travaillé, nous, les trois regroupements, avec 10 ministères grâce à un comité interministériel, qui avait été mis sur place par le ministère des Affaires municipales, régionales et de l'occupation du territoire, sur nos entreprises. Force est de constater cependant qu'on n'a pas suscité l'intérêt de plus de deux ou trois ministères, alors qu'on arrivait avec des propositions, avec des solutions, avec... On ne demandait pas, là. On arrivait avec des solutions qui répondaient à des besoins qu'on pouvait retrouver dans certains ministères. Malheureusement, il n'y a pas eu d'action concrète par la suite. C'est-à-dire, si la politique, on veut qu'elle réussisse, qu'elle soit un succès, il faut que, du côté de l'appareil gouvernemental, dans les ministères, on préconise et qu'on favorise, qu'on fasse la promotion de l'économie sociale et qu'on la traite peut-être distinctement.

• (15 h 30) •

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur le suivi sur la loi et sur le plan d'action. Vous en parlez dans votre mémoire, là. Dans la loi, nous parlons d'un suivi... Dans le projet de loi, c'est-à-dire, nous parlons d'un suivi aux sept ans pour la loi et on parle ensuite d'une... «[Adopter], au plus tard le 1er avril 2014, un plan d'action». Je voulais savoir c'est quoi, votre perception de cela, autant sur...

Là, on dit que le plan d'action, par exemple, doit être révisé tous les cinq ans. «Il peut toutefois reporter, pour une période d'au plus de deux ans, un exercice de révision.» Ça, c'est l'article 10. Alors, on réviserait le plan d'action aux cinq ans et on aurait une révision de la loi sur sept ans. Qu'est-ce que vous dites de ça?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Évidemment, c'est un délai, dans notre cas, qui est extrêmement long. Quand on parle... J'ai dit tout à l'heure qu'on avait un défi principal dans les prochaines années, qui est le vieillissement de la population. Je ne sais pas si vous avez regardé, dans les sept prochaines années, quel est le nombre de personnes âgées actuellement et quel sera ce nombre-là dans sept ans. Ça avance à une vitesse faramineuse. Et, avec encore — j'ose encore nommer parce que ça nous rejoint beaucoup — les travaux du ministre Hébert, on nous a déjà annoncé, pour le 1er avril 2014, qu'il y aurait des modifications au niveau du panier de services du PEFSAD, qui est la principale... C'est ce qu'on offre finalement dans nos entreprises. Donc, il y a beaucoup d'entreprises qui ont déjà développé les soins à la personne, mais il y en a qui ne sont pas rendues là encore. Donc, pour nous, le 1er avril, ça arrive très rapidement, et on va avoir besoin d'une coordination beaucoup plus intense. Donc, la révision de cette loi-là dans sept ans, c'est aux antipodes, il faudrait que ça soit fait beaucoup plus rapidement que ça. Je pense que M. Caron parlait, ce matin, de… Cinq ans?

M. Caron (J. Benoit) : Trois et cinq ans.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Trois et cinq ans. Même là, c'est déjà long, mais il faudrait au minimum qu'il y ait un suivi qui soit fait après ce délai-là.

M. Caron (J. Benoit) : Peut-être juste ajouter que, dans le quotidien, quand… Si on regarde tout le parcours de l'économie sociale au cours des 17 dernières années, il s'est construit énormément, je l'ai dit ce matin… on a eu une croissance incroyable, que ce soit, nous, les ESSAD ou que ce soient d'autres secteurs de l'économie sociale. Bien entendu, ça s'est fait parce qu'on était dans l'action. On était dans l'action, que ce soient les deux regroupements nationaux, que ce soit nous, les entreprises, les développeurs, les CLD, les CDR, tout ce monde-là était dans l'action quotidiennement. Et ce n'était pas... on ne se posait pas la question «trois ans ou cinq ans plus tard?», on remettait en question annuellement, tout au moins, ce qui se passait pour pouvoir s'ajuster.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Mais je veux qu'on distingue bien les choses. Là, on parle d'une loi-cadre avec les considérants, et tout. Plusieurs intervenants ici avant vous nous ont dit : C'est un pas très important qui est posé, c'est une reconnaissance envers le milieu de l'économie sociale au sens large.

On ne la veut pas trop contraignante non plus, c'est pour ça qu'on nomme les institutions qu'elle crée, comme la table des partenaires, les partenaires privilégiés également, mais tout en gardant une souplesse pour l'adapter puis faire une nomination. On n'a pas voulu tomber dans une description précise des mandats de cette table-là parce que, justement, c'est une loi-cadre. Alors, une loi-cadre, bon, par définition, c'est une loi. Alors, est-ce qu'il faut enfermer, je dirais, les gouvernements qui se suivent dans des révisions annuelles ou aux cinq ans? Si je prends l'exemple de la Loi sur l'équité salariale, qui a été quand même un jalon important, qui a été adoptée en 1997, la révision de la Loi sur l'équité salariale, c'est 10 ans. On l'a fait — j'étais sur la commission à ce moment-là — en 2007.

Et, par ailleurs, en plus de la loi, bon, on a le plan d'action. Ça, le plan d'action, ça le dit, c'est un plan d'action, alors il peut être révisé plus régulièrement. Alors, je veux être sûr, là, qu'on parle de la même chose quand on parle d'une durée à plus long terme, être capables de se projeter un peu plus dans le futur puis sur le long terme avec la loi-cadre, quitte à avoir un plan d'action adaptable ou révisable plus régulièrement, là.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Bien, je vous dirais qu'on l'a nommé tout à l'heure. Puis vous venez de dire : La table des partenaires, les mandats ne sont pas nécessairement très bien définis. Donc, je pense qu'effectivement, dans l'opérationnalisation, quand ces mandats-là seront mis en place, ça serait peut-être d'une importance capitale d'assurer le suivi de la loi et, s'il y a des choses qui ne fonctionnent pas bien, de ne pas attendre aussi longtemps pour pouvoir apporter les correctifs. Donc, dépendamment des mandats qui seront donnés à cette table-là, bien ça pourrait convenir.

M. Gaudreault : O.K. Donc, si je comprends bien, vous dites : On peut avoir la loi-cadre, justement, qui est encadrante, qui est large, mais, tout dépendant des mandats qui sont confiés à la table, il pourrait y avoir des mandats de vigie — je pense que c'est vous, tout à l'heure, qui disiez ça, là, des mandats de vigie — mais qui ne remettent pas nécessairement en cause l'économie au complet de la Loi sur l'économie sociale. Alors, c'est ce que je comprends?

M. Caron (J. Benoit) : Peut-être juste préciser. En tout cas, je comprends, M. Gaudreault. Cependant, les objectifs de la loi, il y a trois choses : la promotion, le soutien et favoriser. On est dans... Les trois objectifs de la loi sont des objectifs d'action. Alors, oui, la loi-cadre, il y a le plan… Si tout ça s'articule et s'opérationnalise dans le meilleur des mondes et au plus grand intérêt de la société québécoise, bravo. Cependant, on ne... En fait, ce qu'on ne veut pas, c'est être obligés d'attendre cinq ans ou sept ans pour dire : Woups! il y a des choses qui accrochent, qui ne fonctionnent pas. Et, si on veut atteindre nos objectifs de promotion, de soutien et de favorisation, il faut qu'on puisse changer les choses plus rapidement.

La Présidente (Mme Boulet) : Il reste trois minutes.

M. Gaudreault : Bien, écoutez, je pense qu'au fond on parle à peu près le même langage, là, dans le sens que moi, à mon sens, là, les partenaires privilégiés puis la table des partenaires seront là pour ça, pour s'assurer d'une adaptation puis d'une forme de vigie, là, sans nécessairement remettre en question l'esprit et la lettre de la loi.

Mais, avec le temps qu'il me reste, je ne peux pas faire autrement que de questionner M. Richard pour le volet rural parce qu'il y a des groupes qui sont passés avant vous, qui nous ont questionnés entre autres sur la composition de la fameuse table des partenaires. Je pense que c'est hier qu'on a reçu les conférences régionales des élus, qui veulent être là. On a eu des représentations aussi pour que les pôles en économie sociale soient représentés pour avoir vraiment une vue de… un point de vue, je dirais, de la diversité des régions, des milieux ruraux.

Alors, vous, vous voyez ça comment? Et je veux juste vous dire, en passant, là, que moi, je crois fondamentalement au fait que, quand on parle d'occupation du territoire, la dimension aide à domicile pour les personnes âgées ou en perte d'autonomie, c'est fondamental parce qu'elles appartiennent, elles ont vécu depuis longtemps, elles ont une appartenance à un territoire, puis c'est important de les soutenir. C'est pour ça d'ailleurs que, sous mon autre chapeau des Transports, là, je travaille beaucoup pour le transport collectif en milieu rural. En tout cas, bon, je dérape, là, mais je veux surtout vous entendre sur la représentativité des régions, sur la question des partenaires, la table des partenaires.

M. Richard (André) : Bien, comme vous disiez, c'est sûr que c'est important, les services d'aide à domicile en région, en milieu rural, c'est primordial. Quand on sait — je dis toujours la même chose, et souvent ça fait rire bien du monde — que, dans certains villages, il n'y a même pas d'épicerie, rien du tout, donc il y a des déplacements qui sont obligatoires, et tout ça, donc l'organisation de services est très différente. Pour nous, et ça, ça n'engage pas la coalition et la fédération, mais, pour l'aile rurale, oui, ce serait important, à la table des partenaires, d'avoir une représentation urbaine et rurale, donc que les deux soient là et très bien représentés aussi parce que c'est important d'avoir les deux côtés.

Pour nous, l'aile rurale, on est nés suite à des décisions gouvernementales qui ne faisaient pas notre affaire, il faut le dire. Donc, il y avait eu abolition d'une certaine prime qui a amené des... une prime à la ruralité, entre autres, qui a amené des problèmes dans les entreprises, et c'est là qu'on est nés. Et on essaie de défendre justement ces particularités rurales. Et ce serait important d'avoir les deux représentations et avoir une représentation aussi de secteurs, car un secteur comme l'aide à domicile serait un secteur important. On a quand même 17 ans d'expertise dans le milieu, en économie sociale, dans un secteur qui va se développer encore plus, tel que Mme Gasse le disait tantôt. Donc, oui, représentation secteurs et, oui, représentation rurale et urbaine.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, merci, M. Richard. Ça met fin au bloc qui était attribué à la partie ministérielle. Je vais maintenant passer la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

• (15 h 40) •

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme Gasse, M. Richard, et rebonjour, M. Caron. Il y a beaucoup des questions qui ont été posées par le ministre. J'allais revenir sur le titre, mais je pense qu'on a eu la réponse. Mais je n'ai pas posé la question, ce matin, tantôt, mais quand même, votre mémoire indiquait bien dans quel… pas camp, je ne voudrais pas dire dans quel camp vous êtes, mais, par rapport à votre intervention, ce matin… Alors, ça va.

Donc, un titre… J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que c'est important parce qu'on aura différents points de vue. Il y a deux points de vue là-dessus : soit que le titre rajoute les autres modes de… formes d'économie sociale ou bien, la loi, le titre est large, et «large» voulant dire inclusif, le moins de mots possible, et l'économie sociale comprend tout ça. Peut-être vous entendre expliciter un peu plus sur ça, parce qu'il va falloir prendre des décisions éventuellement.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Vous comprendrez que, de par nos origines, on n'a pas nécessairement le même point de vue là-dessus. Je vous dirais que souvent il y a bien des noms qu'on essaie de nous donner. Outre les coopératives, les OBNL, quand on arrive dans nos régions, on se fait dire les organismes communautaires, on se fait dire... On peut nous donner plein d'appellations. On nous dit qu'on travaille en santé, on nous dit que, non, finalement c'est municipal. Donc, je pense qu'on est un bon mélange de tout ça.

Je vous dirais que nous, quand on est venus au monde, ce qui était important, c'était d'avoir une représentativité dans chaque région, et, comme M. Richard le disait ce matin, peu importe le statut juridique, quand on parle d'économie sociale, ça nous rassemble tous. Donc, je l'ai nommé, je ne veux pas répéter ce que j'ai nommé tout à l'heure, mais on est des entreprises d'économie sociale en aide à domicile, ça fait partie de notre nom, et on a des impacts autant d'un côté comme de l'autre. Donc, je ne pourrais pas dire que je suis une association. Dans mon cas, je suis un organisme à but non lucratif. Donc, c'est sûr que l'appellation «coopérative» ne m'interpelle pas. Mais je répète qu'évidemment, de par nos origines, on a des visions différentes là-dessus.

M. Richard (André) : Est-ce que je peux rajouter aussi, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Boulet) : Oui, M. Richard, vous pouvez commenter si vous voulez, avec plaisir.

M. Richard (André) : Juste dire aussi, parce que je porte aussi un autre chapeau, donc, étant porte-parole du pôle régional économie sociale Gaspésie—Les Îles, et, chez nous, on doit se battre et faire la promotion de l'économie sociale et on a pris la décision de le faire au-delà d'un statut juridique. Pour nous, ce n'est pas important, le statut juridique. On a déjà... On disait, bon, coopérative, organisme à but non lucratif, comme Marie-Claude disait, les organismes communautaires, et tout ça. Pas d'importance. Nous, entreprise d'économie sociale, et on retient «économie sociale», et c'est ça qu'on veut faire reconnaître dans notre région.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, Mme la députée.

Mme Weil : Oui. D'entrée de jeu, écoutez, je voulais d'abord vous remercier puis je suis désolée de ne pas... J'étais tellement excitée de rentrer dans le vif du sujet que j'ai oublié de vous remercier de votre participation aujourd'hui et aussi de vous dire à quel point j'ai du respect pour le travail que vous faites. Et, si j'y pense, là, alors que vous faisiez votre présentation, c'est vraiment dans le domaine de l'aide à domicile que moi, à l'époque où j'étais très, très impliquée dans le réseau de la santé et des services sociaux, à la régie, ce qu'on appelait à l'époque la régie régionale de Montréal-Centre, hein… On a changé les noms depuis. C'était dans les années 90 et c'était vraiment là l'émergence de ce concept, et on le visualisait beaucoup, puis ça nous permettait de bien comprendre la valeur ajoutée, vraiment la valeur ajoutée de ce que vous faisiez. Parce que, même si on en parle encore aujourd'hui, on sait que les réformes en santé, c'est quelque chose qui est de longue haleine. Mais l'importance du maintien à domicile, c'était vraiment l'enjeu central de la réforme de tout le réseau de la santé. Montréal, à ce moment-là, avait trop de lits de courte durée, puis évidemment les gens voulaient rester chez eux. Donc, je trouve ça intéressant de vous entendre et de vous voir ici, puis juste parce que je pense que c'est important de vous dire à quel point le travail que vous faites est important.

Peut-être, avant d'aller dans le mandat et tout ça, je vais commencer par l'argent. À la toute fin de votre mémoire, vous parlez de l'importance d'un financement adéquat du gouvernement. Dans le programme Vieillir et vivre ensemble, les chiffres que moi, j'ai, il y avait 2,7 milliards sur cinq ans puis il y avait un 20 millions d'ici 2015‑2016, donc : un 5 millions, 2012‑2013; et 5 millions, 2013‑2014; 2014‑2015 un autre 5; et 2015‑2016, un autre 5. Est-ce que, ça, ça tient toujours?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Merci, Mme la Présidente. Le départ de notre alliance à tous les trois, ça a été justement ce dossier-là. Alors, en 2008, on a débuté les travaux avec le ministère de la Santé et des Services sociaux parce qu'on constatait que nos usagers n'avaient plus la capacité de se payer les services. Alors, pendant des années, on a travaillé avec le ministère de façon à ce que l'aide qui va à l'usager suive un peu l'indexation au coût de la vie et, en tout cas, permette l'accessibilité.

Alors, on a obtenu un premier 5 millions après deux ou trois ans de travail. On a obtenu récemment — il va s'opérationnaliser le 26 mai — un second 5 millions. Et, dans la politique Vieillir et vivre ensemble, il y avait effectivement deux autres 5 millions qui devaient arriver en 2014‑2015 et 2015‑2016. Cependant, il n'y a rien qui dit qu'on va les avoir, là, hein, il n'y a rien, parce que le dernier 5 millions, à cause de ce qui s'est passé chez vous, les élections, un nouveau gouvernement, ça a fait en sorte que, de septembre à tout récemment, on n'avait pas la confirmation de ce 5 millions là.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Est-ce que, donc, votre message à la fin, la toute fin, là, votre point 6, à la dernière page, c'est dans ce sens-là, de maintenir ce financement à ce niveau-là?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron… ou Mme Gasse. Excusez-moi.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Oui. En fait, on a nommé rapidement les origines des EESAD tout à l'heure. On se souviendra que, suite à la marche, bon, Du pain et des roses, la marche des femmes qui a eu lieu en 1996 a porté au Sommet de l'économie et de l'emploi, et il y avait déjà, à l'époque, différents objectifs de différents ministères. Oui, il y avait le maintien à domicile, mais il y avait aussi la création d'emplois, il y avait aussi la lutte contre le travail au noir. Ces ministères-là investissaient tous dans les EESAD à l'époque, et, en cours de route, il y a des programmes qui se sont terminés. Et aujourd'hui, à l'heure où on se parle, le seul ministère qui injecte encore de l'argent dans les EESAD, c'est le ministère de la Santé dans le PEFSAD. Et le PEFSAD est un programme qui est là pour l'usager, pour lui permettre de s'acheter des services. Donc, ce n'est pas du financement qui vient pour l'entreprise.

Donc, ce qu'on dit... Déjà, en 2008, on disait : Il n'y avait pas eu d'indexation des aides financières aux clients depuis les tout débuts du programme en 1997, et c'est les premiers 5 millions qui descendent. Donc, juste l'indexation de cette aide financière là, à 20 millions rendus en 2017, on est loin du compte. Donc, si on n'est pas capables de consolider les emplois qu'on a, on ne sera jamais capables de conserver une qualité de services, de conserver une qualité d'emplois pour bien répondre aux défis du vieillissement de la population.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : L'argent, c'est toujours le nerf de la guerre, hein? C'est toujours ça. On va revenir... Vous avez... À la page 7, vous parlez de l'importance que la loi d'une part et le plan d'action qui en découle «prévoient des mécanismes ou mesures visant à assurer concrètement la cohérence, la cohésion et la coordination des actions et mesures de l'ensemble des ministères du gouvernement». Est-ce que vous avez des recommandations précises par rapport à la loi, comment le traduire ou, tout simplement, c'est une recommandation qu'on aille un peu dans le détail de...

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron? Alors, d'accord.

M. Caron (J. Benoit) : Oui. Un peu comme on l'a mentionné tout à l'heure, la politique, c'est une chose. On a une expérience. Nous, on travaille avec 10 ministères, Mme Gasse vient de le préciser. En cours de route, au cours des 17 dernières années, plusieurs ministères étaient là. Aujourd'hui, seulement que quelques-uns, pour ne pas dire un est toujours présent.

Alors, si la politique veut faire la promotion, le soutien et favoriser l'économie sociale, il faut absolument qu'au-delà de la politique ça se passe dans l'appareil gouvernemental. Il faut que les mesures soient là, il faut qu'on favorise l'économie sociale et de façon à ce que tout ça soit cohérent, c'est-à-dire la politique, le plan d'action et les opérations, tout ça doit être cohérent et se compléter.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme la députée.

• (15 h 50) •

Mme Weil : Oui. Le projet de loi prévoit, à l'article 11, que «la table des partenaires en économie sociale conseille le ministre sur toute question qu'il lui soumet en matière d'économie sociale». Au fur et à mesure des groupes qui sont venus devant nous, moi, j'ai posé la question par rapport à la recommandation du Chantier de l'économie sociale, qui a une recommandation… Je vais la lire. Parce que ça serait intéressant parce que, eux, leur proposition va dans le sens que la table devrait conseiller le gouvernement. Donc, c'est beaucoup plus vaste que d'être une table que le ministre va, de temps en temps, à son initiative, consulter. C'est vraiment, je pense, beaucoup dans la transversalité aussi du projet de loi cadre et une relation avec plus que le ministre des Affaires municipales, mais avec le gouvernement.

Alors, je vais vous lire, voir si vous êtes d'accord avec leurs recommandations. Donc : «À notre avis, le mandat de la table des partenaires devrait être de :

«Conseiller le gouvernement du Québec dans la mise en oeuvre de la loi-cadre et de son plan d'action en économie sociale.

«Assurer une synergie dans les actions menées par les différents partenaires sur le plan :

«De la consolidation et du développement de l'économie sociale, notamment en clarifiant les conditions et modalités des partenariats entre les entreprises d'économie sociale et les différentes instances gouvernementales…»

Moi, je vois là beaucoup des éléments que vous mentionnez déjà, là. C'est pour ça que je vous le lis, parce que je pense que peut-être ça répond à votre recommandation.

«Du transfert et de la relève d'entreprises,

«De l'accessibilité aux marchés publics, notamment dans le cadre d'ententes de gré à gré,

«De la reconnaissance transversale de l'économie sociale au sein des stratégies et institutions gouvernementales,

«D'un partenariat accru avec des municipalités pour un développement territorial,

«D'un accompagnement et d'un plus grand soutien à l'économie sociale — je pense qu'on vous a entendu là-dessus,

«De la connaissance statistique de l'économie sociale…» Ça, c'est un point qui n'a pas été soulevé par vous, mais beaucoup l'ont soulevé, l'importance d'avoir des connaissances, des données pour aller plus loin éventuellement.

«D'une promotion et d'une meilleure visibilité de l'économie sociale, notamment en se dotant d'un plan de communication à cet égard,

«De la formation relative à l'économie sociale,

«Du développement d'emplois de qualité,

«Du développement de la main-d'oeuvre.» Donc, là, il y a comme trois recommandations qui touchent beaucoup la main-d'oeuvre, pénurie de main-d'oeuvre qui s'en vient aussi.

«Procéder à l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi-cadre et de son plan d'action.

«[Et] voir à l'application de la loi-cadre dans le temps.»

Donc là, on voit que la table… Parce qu'on a eu beaucoup de discussions sur le mandat et la composition, puis finalement les questions allaient beaucoup dans le sens : Bon, on va s'entendre sur le mandat, après ça ce sera plus facile de voir quels seraient les critères de composition de cette table. Les groupes, au fur et à mesure, ont rajouté des éléments. Donc, voir si vous êtes confortables avec ce mandat et, si oui, qu'on l'inscrive dans la loi.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, c'est M. Richard.

M. Richard (André) : Donc, je dois dire que cette recommandation-là, en ce qui nous concerne, moi et Mme Gasse, nous étions déjà au courant, car tous les deux nous siégeons au conseil d'administration du Chantier de l'économie sociale; donc, moi, représentant d'un pôle régional et Mme Gasse pour la coalition, le secteur de l'aide domestique. Donc, oui, pour les deux, nous sommes en accord avec cette recommandation.

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron a quelque chose à rajouter.

M. Caron (J. Benoit) : Peut-être, pour ne pas rester en plan, je préciserais que moi, je siège, je suis administrateur au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, que vous aurez le plaisir d'entendre le 28 mai prochain. Mais pour être... pour ne pas blaguer, là, je pense qu'on ne peut pas être en désaccord avec la majorité de ce que madame a précisé. Par rapport à la table, moi, je veux juste...

Par moments, je nous entends aujourd'hui puis je me dis : Il faut faire attention. Il y a deux interlocuteurs privilégiés. Ça, leur rôle est super important, et ça, on va tous s'entendre sur le rôle qu'ils doivent jouer, l'importance qu'ils ont. Ensuite, il y a la table. La table, à mon avis, devrait être consultative parce que sinon, comment faire la différence entre les deux interlocuteurs privilégiés et la table? C'est-à-dire que les deux doivent se compléter. À mon avis, comme il y aura beaucoup de monde autour de la table ou comme, à l'occasion, il y en aura beaucoup, elle devrait être consultative. Mais c'est mon opinion.

La Présidente (Mme Boulet) : Merci, M. Caron. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Je vais céder la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, M. le député...

M. Rousselle : De Vimont.

La Présidente (Mme Boulet) : De Vimont. Excusez-moi.

M. Rousselle : Oui, pas de problème. Oui, bien, premièrement, merci d'être ici. On apprécie beaucoup parce que ça nous éclaire aussi, n'étant pas familier, même si, jeune âge… j'ai toujours fait du bénévolat, mais c'est des milieux, des fois, que je ne connais pas tout, là.

Vous apportez, au niveau du projet de la loi, là, vous parlez… puis vous en avez parlé aussi, de l'article 10 et de l'article 16, concernant le suivi. Il y a d'autres organismes qui sont venus avant puis ont parlé que ça pourrait être correct, avoir un suivi aux trois ans et le rapport fait dans la quatrième année. Vous, cette optique-là, ça serait-u bon pour vous, ça? Ça serait-u acceptable ou... Parce que je sais que vous avez parlé tantôt, à l'année... C'est vous, vous avez parlé à l'année. Des fois, c'est mieux de regarder ça et de régler ça au fur et à mesure, puis je peux comprendre, mais dans la faisabilité, là, si on repousse ça un petit peu à deux ou trois ans… Comme je vous disais, là, il y a des associations qui ont parlé de trois ans.

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron. Il reste deux minutes.

M. Caron (J. Benoit) : Ah! Ça sera très rapide. En fait, ce qu'on veut, c'est que ce soit efficace. Ce qu'on veut, c'est que ce soit productif. Si ce qui est dans le projet de loi actuellement démontre son efficacité, bien, bravo, ce sera ça. Par contre, comme on a un plan… on aura un plan d'action, comme c'est une politique qui veut promouvoir, soutenir et favoriser, on sera dans l'opérationnel. Et il faut que ça puisse évoluer pour atteindre les objectifs. Donc, le délai, on peut en apporter plusieurs, c'est difficile à dire aujourd'hui, mais, par contre, la vigilance qu'on devrait avoir, c'est de s'assurer qu'on atteindra nos objectifs.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Vimont, il reste une demi-minute... 50 secondes.

M. Rousselle : Oui. Donc, vous dites, à ce moment-là, un suivi plus régulier ou plus rigoureux, ce serait l'idéal.

M. Caron (J. Benoit) : Afin d'évaluer si les délais qu'on déterminera sont... nous permettent d'être productifs, là.

La Présidente (Mme Boulet) : O.K. Alors, ceci met fin au bloc de l'opposition officielle. Je vais passer la parole maintenant au député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous resouhaiter la bienvenue, M. Caron, et de saluer Mme Gasse et M. Richard. Alors, j'ai lu attentivement… Et moi, je vais avoir des questions peut-être un peu plus terre à terre, dont la première… Parce que je fais affaire avec la coop de services à domicile dans ma région, puis, sur la facture, c'est tout le temps, mettons, 17,60 $ moins 3 $ de je ne sais pas trop quoi, de subvention, ou 4 $, une affaire comme ça, puis, là, plus les taxes, puis en tout cas, etc., là. Ça, vous avez dit tantôt que cet argent-là ne venait pas à vous. C'était juste une réduction de la facture ou quoi?

M. Caron (J. Benoit) : En fait, l'argent...

La Présidente (Mme Boulet) : M. Caron.

M. Caron (J. Benoit) : Oui. Brièvement, puis peut-être Mme Gasse voudra intervenir. L'argent… on vend des services. L'entreprise vend ses services pour être rentable et couvrir son coût de revient. Bon, dans la Beauce, c'est peut-être... vous êtes chanceux, soit dit en passant, parce qu'ailleurs au Québec, c'est généralement un peu plus cher. Mais, en supposant que vous vendez... que l'entreprise doive vendre, pour couvrir ses frais, 18 $, il y a les aides financières, qui, dans votre cas… je vous avise, là, vous n'aurez pas plus que 4 $. Pour quelqu'un qui est en perte d'autonomie, une personne âgée de 65 ans et plus, par exemple, elle va avoir une autre aide financière qui va s'ajouter aux 4 $. Ces aides financières là sont à la personne et servent à payer le coût des services. Donc, c'est sûr qu'au bout du compte le taux horaire arrive à l'entreprise, là, mais c'est le client, c'est l'usager qui en paie moins parce que le programme vient en payer une partie.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député…

M. Spénard : Quel est votre pourcentage d'autofinancement en moyenne?

La Présidente (Mme Boulet) : Il n'a tellement pas de temps.

M. Spénard : Ah! Excusez-moi, madame.

La Présidente (Mme Boulet) : C'est correct. Vous n'avez pas beaucoup de temps. Je comprends…

M. Spénard : Bien, je n'ai pas beaucoup de temps, là, tu sais, vu que...

La Présidente (Mme Boulet) : Je comprends ça. Allez-y.

M. Spénard : Quel est votre pourcentage d'autofinancement, en moyenne?

La Présidente (Mme Boulet) : M. Richard ou Mme Gasse?

Mme Gasse (Marie-Claude) : Ça va être moi. On nous mélange, hein? On se complète d'habitude. En fait, ça dépend des entreprises, ça dépend des réalités régionales. C'est sûr que, si on prend une entreprise, par exemple, en Minganie, la réalité et les coûts sont différents d'une entreprise qui va être située à Montréal, par exemple. Moi, dans mon entreprise, qui est à Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, je vous dirais que le PEFSAD couvre environ 55 % du chiffre d'affaires, et la contribution de l'usager va avoisiner 30 %, 35 %, et l'agence de santé va venir compléter par des achats de services.

Donc, en fait, le PEFSAD est composé de deux aides financières : une aide financière à l'usager, donc la réduction que vous avez sur votre facture pour l'aider à se payer des services, et la deuxième, c'est ce qu'on appelle des mesures compensatoires pour compenser les frais d'administration et de déplacement — parce qu'on s'en va dans toutes les maisons à la grandeur du territoire — pour compenser les frais que ça occasionne aux entreprises, ces déplacements-là. Et ce sont bien des mesures compensatoires, donc ça ne suffit pas à payer la facture, ça fait simplement la compenser.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Beauce-Nord, il vous reste 1 min 30 s.

M. Spénard : Une minute, O.K. Une petite dernière question, quasiment une question qui tue. Vous dites, dans vos recommandations : «Que le gouvernement du Québec adopte des mesures et politiques visant à favoriser la création et le maintien d'emplois de qualité dans la région.». Pour moi, un emploi de qualité qui est à 10,90 $ de l'heure… Je vais vous dire que la première qualité d'un emploi, pour moi… O.K., c'est le fun d'occuper un emploi, là, mais, par contre, il y a un certain salaire qu'il faut qui vienne avec ça. Et c'est à peine au-dessus du salaire minimum. Alors, c'est quoi, un emploi de qualité pour vous?

La Présidente (Mme Boulet) : Qui a l'honneur de répondre? C'est M. Caron?

M. Caron (J. Benoit) : Très brièvement. Mais, monsieur, un emploi de qualité, là, premièrement, c'est un emploi, hein, mais c'est aussi d'avoir, oui, un salaire convenable, mais, comme on fonctionne comme on vient de vous l'expliquer, les entreprises sont directement dépendantes de la capacité de payer des usagers, les usagers sont dépendants de leur réalité financière, et vous contribuez à leur réalité financière en indexant le programme. Je vous rappellerai qu'entre 1997 et 2008, pendant 11 ans de temps, Mme Tremblay a toujours eu la même aide financière sans un dollar d'augmentation.

Alors, nous, oui, on veut offrir des emplois de qualité; par contre, on a aussi, d'un côté, les usagers qu'on veut vraiment aider, on est des entreprises d'économie sociale et on veut vraiment permettre l'accès aux services aux usagers. Pour ce faire, il faut maintenir les tarifs le plus bas en essayant de faire la gymnastique d'offrir les meilleures conditions de travail possibles. Je ne vous cacherai pas que c'est vraiment très difficile.

• (16 heures) •

La Présidente (Mme Boulet) : Merci, M. Caron. Ça met fin au bloc de la deuxième opposition. Je vais laisser la parole à Mme la députée de Gouin.

Mme David : Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est franchement intéressant, parce que j'allais à peu près dans le même sens. Bonjour. Écoutez, entre la marche Du pain et des roses et aujourd'hui, c'est sûr qu'il y a eu un développement tout à fait extraordinaire d'économie sociale et en particulier des entreprises d'aide domestique, de tout le travail d'aide à domicile. Mais il est vrai qu'on est devant un paradoxe tout aussi extraordinaire. On est pour l'économie sociale, on est pour ces services que moi, je qualifierais d'essentiels, que vous donnez essentiellement à des femmes. J'ai lu votre mémoire, ce sont des femmes qui donnent ces services. En fait, et je le dis en sachant quelle est notre responsabilité de parlementaires là-dedans, on a créé, en quelque sorte, un ghetto d'emplois féminins sous-payés. Ce n'est pas de votre faute. C'est clair, ça. J'ai très bien entendu la dernière intervention.

Donc, je regarde tout ça et je me dis : Vous avez raison dans toutes vos recommandations. Il faut absolument que, par exemple dans le futur programme d'assurance autonomie, les services d'aide à domicile... moi, je serais même allée plus loin que vous, j'aurais dit : Soient donnés exclusivement par des entreprises d'économie sociale. Mais enfin, ça, on en débattra entre parlementaires. Mais qu'est-ce que vous diriez qu'on amende légèrement votre recommandation 6 pour dire : Assurer un financement adéquat de l'économie sociale, notamment en matière de services à domicile, non seulement pour assurer le maintien de services de qualité et accessibles à tout le monde, mais aussi des conditions de travail et des salaires décents à toutes ces travailleuses qui donnent des services que je qualifie vraiment d'essentiels? Êtes-vous d'accord avec ce genre d'amendement?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Gasse.

Mme Gasse (Marie-Claude) : Est-ce qu'on doit vous dire qu'on achète ça haut la main?

Des voix : C'est unanime. C'est unanime.

Mme Gasse (Marie-Claude) : On a un défi important de par toutes les… depuis les années qu'on est là. Et, les trois, on est assis ici, ce n'est pas pour rien qu'on travaille ensemble depuis maintenant cinq ans, on travaille en étroite collaboration. Et, là-dessus, on est d'accord. On a dû, dans les dernières années, essayer de trouver un juste équilibre entre le volet… — qu'on parle d'économie sociale — entre le volet économique et le volet social. Malheureusement, dans les dernières années, quand on oeuvre dans ce genre d'entreprises là, on a l'humain très, très à coeur et on a favorisé le client au détriment de l'employé. Donc, à toutes les fois qu'on devait augmenter la tarification de nos services, on remarquait qu'il y avait des clients qui disaient : Aïe! non, moi, je ne suis plus capable de payer, je ne suis plus capable de payer même si j'ai besoin. Il y en a qui se privent de nourriture, il y en a qui se privent de médicaments pour payer leurs services, et ça, on nous dit ça à chaque jour. Donc, on faisait des choix de toujours garder la tarification le plus bas possible.

En cours de route, on n'a pas eu le choix de constater qu'à ce niveau-là on a peut-être été des mauvais employeurs, et c'est ça qu'on tente de redresser. Outre le salaire, le salaire minimum nous met énormément de pression. Mais, vous avez raison, on veut donner des bonnes conditions. On demande une responsabilité importante. On ne demande pas d'aller classer des boîtes sur une tablette à l'épicerie, on demande d'aller s'occuper d'une personne dans son domicile. Ça prend une sécurité, ça prend une qualité et ça doit se payer. Outre par le salaire, on essaie de travailler dans l'encadrement de tout ça, donc le support qu'on peut donner, le développement des compétences, l'écoute. À toutes les fois...

C'est des travailleurs qui sont quand même isolés. Ils sont dans un domicile, ils sont seuls avec le client, avec la famille. Donc, quand ils rencontrent un problème, c'est quoi, le support de l'entreprise qu'ils peuvent recevoir? Donc, quand on parle à nos travailleurs aujourd'hui, oui, le salaire, on doit travailler dessus, les conditions de travail aussi, puis c'est ce qu'on tente de faire depuis cinq ans, mais on a développé une humanisation de ces emplois-là, depuis les dernières années, pour tenter de compenser.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Gasse, on voit toute votre passion qui vous anime. Malheureusement, le temps est écoulé. Alors, on vous remercie pour votre présence, votre participation. Ce fut fort agréable. Merci.

Alors, je vais lever la séance pour permettre...

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 7)

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je vais demander...

Des voix :

La Présidente (Mme Boulet) : Je m'excuse, mais on va continuer les travaux pour être...

Alors, je souhaite la bienvenue à Mme Merino, qui est la présidente du Centre d'entrepreneuriat en économie sociale du Québec. Alors, pour les fins de l'enregistrement, Mme Merino, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous, ma chère dame.

Centre d'entrepreneuriat en économie
sociale du Québec (CEESQ)

Mme Merino (Maricarmen) : Merci beaucoup. Mon nom, c'est Maricarmen Merino, je suis la présidente du Centre d'entrepreneuriat en économie sociale du Québec. Je vous remercie beaucoup de l'invitation à présenter le centre aujourd'hui, aussi de parler sur la Loi sur l'économie sociale. Comme nous sommes un centre assez jeune, ça fait deux ans et demi, trois ans bientôt que nous sommes en opération, je tiens un peu à parler un peu de nos activités pour mettre un peu le contexte.

Le Centre d'entrepreneuriat en économie sociale du Québec est une coopérative de travail qui a pour mission d'offrir des services de formation et de soutien divers aux entrepreneurs collectifs. Notre objectif est de créer un parcours de soutien liant formation, suivi, activité de jumelage et de réseautage. Nous visons à long terme de développer peut-être un incubateur pour favoriser la réussite des entrepreneurs collectifs.

Nous avons développé cette offre de services pour répondre aux besoins exprimés par le milieu, car il existe peu de programmes de formation structurelle en économie sociale. En effet, il y a des programmes de formation en entrepreneuriat, mais, la plupart du temps, ils sont vraiment dédiés à des entreprises traditionnelles. Il n'y en a pas beaucoup en termes de… vraiment dès l'idéation du projet jusqu'à la rédaction d'un plan d'affaires.

Lors de notre démarrage et afin de valider notre démarche d'offre de services, nous avons consulté le Chantier de l'économie sociale, le Comité sectoriel de la main-d'oeuvre de l'économie sociale et action communautaire, la CDR de Montréal-Laval, le Réseau de la coopération du travail du Québec, la Chaire de recherche du Canada en économie sociale, entre autres secteurs, et aussi certains CDEC, CLD.

Et, bien que la majeure partie de nos services soient basés sur la formation en lancement d'une entreprise, nous avons aussi développé un service de jumelage qu'on appelle Innove à 3. Il s'agit, grosso modo, d'un service de rencontre. On s'est rendu compte, auprès... avec les gens qui viennent nous voir, que les personnes qui ont des projets d'économie sociale, qui sont entrepreneurs collectifs, ont certaines... pas nécessairement déjà l'équipe entrepreneuriale. Donc, ils ont un projet d'économie sociale, mais ils sont encore tout seuls dans la démarche. Alors, on s'est rendu compte aussi de personnes qui étaient intéressées à s'incorporer dans l'équipe entrepreneuriale en économie sociale, mais qui n'avaient pas de projet. Alors, on a développé des services dans ce sens pour jumeler et essayer de créer des équipes entrepreneuriales.

• (16 h 10) •

Depuis le début de nos opérations, à l'automne 2010, plus d'une dizaine d'entreprises d'économie sociale ont vu le jour, que ce soient des organismes à but non lucratif ou coopératives, et aussi d'autres entrepreneurs ont créé des fondations et des organismes communautaires ou des entreprises traditionnelles, parce que, pour nous, ce qui est important, c'est que les gens puissent vraiment être en mesure de savoir s'ils sont faits ou non pour l'économie sociale. Donc, parfois dans la démarche, ils se rendent compte que l'économie sociale, ce n'est pas pour eux. Donc, pour nous, c'est très correct.

Donc, le Centre d'entrepreneuriat en économie sociale du Québec épouse, bien sûr, la vision exprimée par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, qui tient compte de la diversité des secteurs et de la reconnaissance de leur apport au développement économique, social et communautaire du Québec. Nous ne pouvons que nous réjouir déjà de l'impact que cette loi et le plan d'action qui en découlera auront sur l'essor de l'économie plus solidaire et inclusive au Québec.

Un des objectifs de la Loi sur l'économie sociale est de favoriser l'accès aux mesures et aux programmes de l'administration sur les entreprises d'économie sociale. Notre humble recommandation en lien avec cet objectif, ça serait de veiller à ce que les mesures de soutien retenues ne restent pas prises dans ces structures afin qu'elles touchent davantage les entreprises d'économie sociale qui sont actives sur le terrain et les entrepreneurs en devenir, les entrepreneurs collectifs en devenir.

Nous recommandons aussi peut-être, dans une des mesures, de créer soit une mesure semblable à STA, soutien au travail autonome, ou de rendre cette mesure-là accessible aux entrepreneurs collectifs, parce que, sauf pour les cas des coopératives de travail, la plupart des entrepreneurs qui désirent démarrer des entreprises d'économie sociale, organismes à but non lucratif ou coopératives n'ont pas accès à ces mesures-là, et c'est vraiment comme la base pour le développement et le démarrage d'une entreprise. Donc, ils sont un peu discriminés — vous me permettez un peu les mots — par rapport à cette aide qui existe déjà.

Donc, ça serait un peu nos deux seules recommandations. On n'a pas la prétention d'en donner plus. En fait, c'est vraiment de s'assurer, dans l'application des mesures d'accès et de soutien pour les entreprises collectives, que l'argent descende sur le terrain et ne reste pas pris dans les structures… qu'il y en a beaucoup au Québec.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, ça fait le tour de votre présentation, Mme Merino?

Mme Merino (Maricarmen) : Oui.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, nous allons procéder dès cet instant aux échanges avec les parlementaires. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Gaudreault : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup d'être ici, Mme Merino. Merci de la préparation que vous avez... le temps de préparation que vous avez consacré à votre présentation. Sachez que vos commentaires sont très appréciés, très écoutés, et on y retourne souvent. Les gens qui viennent témoigner, que ce soit dans la préparation de l'étude article par article ou ainsi de suite, on y puise beaucoup d'informations.

Je veux vous entendre, évidemment, plus sur ce qui fait le coeur de votre travail au Centre d'entrepreneuriat en économie sociale. Pouvez-vous m'indiquer davantage quels sont les besoins en formation et en accompagnement pour les promoteurs de projets d'entreprises en économie sociale? Quels sont les besoins précisément en formation et en accompagnement? C'est où que ça achoppe, là? C'est où que ça bloque pour... Quels sont les besoins principaux des promoteurs?

Mme Merino (Maricarmen) : Je pense qu'un des premiers besoins, c'est de la flexibilité. Nous avons choisi... En fait, la coopérative ne reçoit aucune subvention, on a financé de notre propre argent la mise en oeuvre et les services qu'on offre. On a bien sûr des contrats avec le ministère de l'Éducation. Et une des choses pour laquelle on a fait ce choix-là, c'est parce qu'on pense que l'entrepreneuriat ne peut pas se développer complètement, ne peut pas être vraiment créatif quand il est trop encadré.

Quand je dis ça, ça veut dire, je pense, que les entrepreneurs ont besoin d'expérimenter, de s'informer et de faire leurs études de marché eux-mêmes plutôt que se faire dire : Tel projet ne fonctionne pas dans tel territoire ou tel projet n'est pas admissible. Je pense que ça va un peu à l'encontre de ce qu'on appelle l'entrepreneuriat. Donc, l'entrepreneur a besoin d'aller lui-même tester sur le terrain cette démarche-là. Donc, le besoin, c'est de pouvoir lui-même faire lesdémarches, se rendre compte si son projet, son idée d'affaires a ou non un avenir. Et l'accompagnement, aussi, à la phase, je dirais, de l'idéation… Parce qu'il existe déjà de l'accompagnement. Les CDR, les CDEC, CLD offrent l'accompagnement, mais une fois que l'entrepreneuriat… en fait, le groupe entrepreneurial arrive avec son plan d'affaires. Mais, avant ça, il faut qu'il fasse lui-même cette démarche-là.

Donc, nous, on est là, on est vraiment dans la partie idéation. Et les gens arrivent, n'ont pas une idée de quoi faire comme étude de marché, c'est quoi, un plan d'affaires. Et, parfois, ils savent qu'ils veulent faire une entreprise d'économie sociale, en fait, au moins ils savent qu'ils ne veulent pas faire une entreprise traditionnelle parce qu'ils ont des valeurs, ils veulent le cheminer vers l'économie sociale, mais ils ne connaissent rien de l'économie sociale, ils ne connaissent rien sur les OBNL et les coopératives. Donc, il y a ce besoin-là de sensibilisation en même temps qu'ils font la démarche entrepreneuriale.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure aussi — c'est pour ça que je mentionne un peu la mesure STA — c'est que, pendant cette période-là de recherche, on va dire, des montages du projet, il n'y en a pas, de soutien financier. Donc, la personne a le choix de travailler puis de faire... monter le projet à temps partiel ou de se mettre sur le chômage — maintenant, ce n'est pas très intéressant, avec tout ce qui arrive à ce niveau-là — donc de se mettre sur le chômage pour travailler temps plein sur son projet. Donc, la mesure STA, qui est bien intéressante pour les personnes qui démarrent une entreprise, ne leur est pas accessible pour x, y raison — je ne connais pas tout à fait les raisons. Mais quelqu'un qui veut développer une entreprise d'économie sociale, organisme à but non lucratif ou coopérative autre que travail n'a pas accès à cette mesure-là. Donc, ce soutien de base dès le début de la démarche n'est pas là.

Un autre service ou un autre besoin aussi, c'est de créer des lieux où les gens peuvent se rencontrer entre entrepreneurs, entre entrepreneurs qui ont des projets ou des personnes qui sont plus entrepreneurs mais qui voudraient s'associer à un projet entrepreneurial… faire un peu l'essaimage de la personne de qui peut être entrepreneur collectif.

M. Gaudreault : Donc, je comprends...

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Merci. Je comprends que les besoins que vous identifiez... en tout cas, à votre niveau, sont beaucoup en ce qui concerne le prédémarrage.

Mme Merino (Maricarmen) : Je dirais préprédémarrage.

M. Gaudreault : Préprédémarrage et prédémarrage. Donc, vraiment, comme vous dites, à l'idéation, la planification. Et vous plaidez beaucoup pour de la flexibilité. Est-ce que vous trouvez que, dans le projet de loi n° 27, ces dimensions-là n'apparaissent pas suffisamment ou vous souhaitez les faire ressortir davantage dans le plan d'action qui suivra? Parce que, pour moi, ce que vous nous dites relève davantage de l'action gouvernementale. Alors, est-ce qu'on doit nécessairement modifier le projet de loi n° 27 pour répondre à cela ou c'est plus un appel pour le plan d'action que vous nous lancez?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

Mme Merino (Maricarmen) : C'est sûr que, dans l'ensemble, les trois objectifs englobent... on peut se voir, on peut se projeter là-dedans, mais c'est sûr que ça va être plus, j'imagine... ça devrait être traduit beaucoup plus concrètement dans un plan d'action, effectivement, parce que les objectifs sont quand même assez larges, assez vastes, donc ça peut porter toutes sortes de directions. Donc, si on tient compte de la réalité sur le terrain des entrepreneurs qui débutent, qui démarrent leur entreprise et particulièrement — je sais que le chantier a déjà beaucoup travaillé sur ça, mais aussi, le mentionner ça donne quand même un autre point — sur des entrepreneurs collectifs d'origine immigrante qui ont un double défi : personnellement s'adapter au contexte québécois, mais aussi de tisser leur réseau, hein? Une des choses qu'on demande à un entrepreneur collectif, c'est nous démontrer l'ancrage dans la communauté. Donc, quand on arrive en ville, comme on dit, c'est un peu difficile de connaître tout le monde. Donc, il y a aussi cette particularité-là spécifique principalement pour tout ce qui est entrepreneuriat immigrant. Ce n'est pas parce que je suis immigrante, là, mais, bon, je prêche pour ma paroisse.

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui, je comprends. Je comprends très bien ce que vous voulez dire. Quand on regarde l'article 2, qui énonce les objectifs du projet de loi, le troisième paragraphe dit : «…favoriser l'accès aux mesures et aux programmes de l'Administration pour les entreprises d'économie sociale.» Donc, dans cet esprit de favoriser l'accès aux mesures et aux programmes, on peut sous-entendre qu'effectivement la flexibilité est importante.

Mme Merino (Maricarmen) : Oui, et, je le mentionnais dans ma présentation, faire un effort pour que ces mesures-là, ce soutien-là, je le répète, ne restent pas tout pris dans l'engrenage de ces structures qui vraiment arrosent le terrain fertile pour l'entrepreneuriat collectif.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Vous plaidez aussi... En tout cas, je comprends de vos propos que vous souhaitez qu'il y ait une plus grande intégration des dimensions de l'emploi et de la formation de la main-d'oeuvre dans la loi. Est-ce que c'est une préoccupation que vous croyez qui doit apparaître, par exemple, à la table des partenaires ou ailleurs? Comment vous pensez que nous devons répondre davantage à la formation puis à l'intégration de la main-d'oeuvre dans la loi?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

Mme Merino (Maricarmen) : Oui. Bien, je pense que, déjà au niveau du Comité sectoriel de la main-d'oeuvre, il y a beaucoup de travail et d'efforts de sensibilisation qui ont été faits. Donc, oui, continuer à favoriser cette sensibilisation auprès de la population en général, parce que, malgré tout, malgré les grandes avances en économie sociale que le Québec a eues depuis les derniers 20 ans, dans... la plupart de la population n'en entend pas trop parler, d'économie sociale, et parfois l'image n'est pas tellement belle aussi. Donc, oui, je pense qu'il faudrait faire beaucoup plus d'efforts pour l'intégration. Moi, je parle plus entrepreneuriat, c'est mon dada. Mais, côté emploi aussi, je pense que c'est un avenir, une possibilité aussi pour les personnes immigrantes de s'incorporer à la société québécoise, parce que l'intégration passe surtout par le volet économique. Même si on veut s'intégrer, si on a des problèmes économiques, c'est un peu plus difficile. Donc, oui, je pense que ça serait intéressant et puis important de continuer ces démarches-là.

Et je sors un peu du volet — je m'excuse — du volet main-d'oeuvre, mais une autre chose que j'ai oubliée de mentionner dans ma présentation, c'est aussi de vous dire qu'après 35 ans la vie continue. Je veux dire comme ça… Oui, merci, hein? Je veux dire par ça… parce que la plupart des mesures de relève entrepreneuriale sont adressées aux moins de 35 ans. Dans notre vécu quotidien, la moyenne d'âge, c'est 40 ans. Donc, la plupart des gens qui viennent, qui commencent à s'investir dans l'entrepreneuriat collectif, bien, ils sont des gens passés... trop tard pour eux, les mesures possibles d'aide en entrepreneuriat, donc. Parce que, qu'on parle de diversité, qu'on parle de rendre le plus accessible à tout le monde, c'est qu'il s'agit quand même d'essayer d'encadrer les gens dans des cases où parfois elles sont trop restreintes pour certains. Les cas…

Je pense que vous le savez aussi, la plupart des femmes sont dans l'économie sociale, les personnes qui démarrent des entreprises en économie sociale. Et aussi, bon, quand on démarre une entreprise, la plupart du temps, c'est toujours après avoir eu des enfants, ils sont à l'école, etc. Donc, on est à 36, 37, 40 ans quand on commence à démarrer des entreprises d'économie sociale, et c'est un peu ces cas-là. Donc, la relève, oui, c'est bien, la relève, mais on est quand même aussi dans une société vieillissante, donc il faut peut-être tenir compte de tout ce monde-là.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Bien, justement, vous parlez de la relève, la relève entrepreneuriale, la relève de la main-d'oeuvre aussi dans les entreprises d'économie sociale. Qu'est-ce que vous pensez de cette idée du rachat d'entreprise par des formules d'économie sociale, soit coopérative ou autre, par des employés? Bon, des fois, on pense souvent à l'entreprise familiale, mais ça peut être d'autres types d'entreprises aussi. Il y a des modèles — et on en a parlé, je pense que c'est hier — entre autres en Argentine, mais qui couvrent des entreprises, par exemple, qui ont fait faillite ou qui ont fermé. Alors, ce n'est peut-être pas le meilleur scénario, là, de favoriser le rachat de canards boiteux par des formules d'économie sociale. Mais globalement votre réflexion là-dessus, ça ressemble à quoi?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

Mme Merino (Maricarmen) : Bien... Merci. Je suis très d'accord avec ça, je pense que c'est une bonne option. Et, oui, effectivement, en Argentine, il y a des... en Espagne aussi, un peu partout en Amérique latine, des entreprises qui ont été rachetées par les travailleurs. Donc, c'est... Oui, je ne dirais pas que ce soit tout à fait un canard boiteux, puisque, pour les travailleurs, il y a un avantage, ils ont conservé leur emploi. Donc, je pense que le modèle, soit coopérative, organisme à but non lucratif, pour le rachat des entreprises qui vont éventuellement fermer à cause qu'il n'y a pas de relève, c'est une excellente bonne idée.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Et est-ce que vous croyez qu'on devrait en parler dans la loi, ou ça devrait faire plus l'objet d'une réflexion plus approfondie, ou dans le plan d'action?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

Mme Merino (Maricarmen) : Bien, je pense que ça devrait peut-être aller dans la loi. Déjà, je pense qu'il y a des... autant le chantier comme le CQCM qui travaillent là-dessus. Donc, je pense que ça va un peu de soi par rapport au travail qui est déjà fait sur le terrain par les organisations.

M. Gaudreault : Êtes-vous membres du CQCM, ou du chantier, ou des deux, ou d'aucun?

Mme Merino (Maricarmen) : Des deux.

M. Gaudreault : Vous êtes membres des deux?

Mme Merino (Maricarmen) : Oui.

M. Gaudreault : Alors, vous êtes favorables à la désignation comme partenaires privilégiés du CQCM et du Chantier de l'économie sociale?

Mme Merino (Maricarmen) : Tout à fait.

M. Gaudreault : Êtes-vous favorables au titre de la loi?

Mme Merino (Maricarmen) : Ah oui! Tout à fait. Bien, oui... Oui, mais, par contre, «économie sociale»... Mais il faudrait voir qu'est-ce que ça veut dire. Parce que, dans la description du chantier, «économie sociale», c'est quand même des organismes à but non lucratif qui ont un volet commercial. Donc, si on veut vraiment inclure l'action communautaire, peut-être il faudrait spécifier cette inclusion-là dans le titre d'«économie sociale» ou faire comme les Français, «économie sociale et solidaire».

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : O.K. Qu'est-ce que vous pensez de la table? Alors, ça, c'est la fameuse question, là.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

Mme Merino (Maricarmen) : En termes de si elle doit être consultative ou exécutive? En termes de...

M. Gaudreault : Bien, je vous dirais, il y a deux volets. Si vous allez voir l'article... — je ne sais jamais, là — le chapitre V, les articles 11 et 12, on parle d'une table des partenaires qui «conseille le ministre sur toute question qu'il lui soumet». Alors là, il y a un premier volet qui est... c'est le ministre qui demande à la table, donc c'est sur demande du ministre que la table doit donner des conseils. Et, le deuxième élément, à l'article 12, c'est le ministre qui détermine la composition de la table des partenaires.

Alors, si vous avez suivi un peu nos travaux depuis hier, évidemment plusieurs groupes réclament un siège à cette table, là, alors, ce qui me fait dire que ça ne pourrait pas être une table bistro, là, ça va être trop petit. Ça va prendre une table de réfectoire ou je ne sais pas quoi, là, parce que... ou une table comme ici, là, parce qu'il va y avoir beaucoup de monde, mais… Donc, quel genre de table vous pensez que ça nous prend?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

Mme Merino (Maricarmen) : Bonne question.

M. Gaudreault : C'est pour ça que je vous la pose.

Mme Merino (Maricarmen) : Bien, c'est sûr que l'idée, c'est d'avoir au sein de cette table-là le plus de représentants et de diversité possible. Donc, c'est sûr que c'est un beau casse-tête. Je n'ai pas vraiment de suggestion.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le ministre.

M. Gaudreault : C'est ça, vous laissez ça dans notre cour. Bon. Alors, par ailleurs, parce que je devine que vous avez quand même une vigie ou vous suivez ce qui se fait ailleurs dans le monde, je pense que le Québec se distingue sur la scène internationale par un modèle d'économie sociale assez important historiquement. Qu'est-ce que vous croyez que notre façon de faire au Québec, en économie sociale, qu'est-ce que… comment vous pensez que ça pourrait bénéficier ou soutenir d'autres modèles à travers le monde ou bénéficier à d'autres pays? Est-ce que vous croyez qu'on peut développer un champ d'expertise, voire d'exportation d'un modèle d'économie sociale à travers le monde?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

• (16 h 30) •

Mme Merino (Maricarmen) : Oui. Oui, oui. Je pense que oui, en termes d'action, je dirais. On est beaucoup sur l'action en termes… du Québec. Donc, ça, c'est une belle expertise en ce sens-là. On ne s'arrête pas uniquement à légiférer, mais aussi à mettre en action, en application ces travaux-là.

Et je pense qu'au niveau du terrain, au niveau du succès des entreprises, autant des OBNL comme des coopératives, on a intérêt, bien sûr, à exporter un peu l'expertise, à favoriser d'autres... Ça existe déjà un peu. Puis je pense qu'au niveau de l'Espagne, par exemple, ils sont en train vraiment de faire des alliances, et des formations, puis des rencontres avec d'autres pays de l'Amérique latine. Donc, je pense que le Québec devrait en faire autant au niveau de la Francophonie puis même ailleurs aussi, pas seulement au niveau de la Francophonie, mais aussi exporter un peu le modèle, les façons de faire, la... comment je dirais, cette facilité, je dirais, de passer des idées à l'action. Parce que, dans d'autres pays, on parle beaucoup d'idées, on rêve de la loi, mais concrètement, sur le terrain, il n'y a pas beaucoup d'actions qui se font. Donc, ça, c'est quelque chose qui devrait être exportable.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, merci, Mme Merino. Ça met fin… Il reste juste quelques secondes, là, je pense que ça va être correct pour le côté ministériel. Nous allons procéder avec les échanges du parti de l'opposition. Donc, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous. Il restait 40 secondes.

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous remercier, Mme Merino. Et honnêtement le ministre a posé beaucoup de questions, a fait pas mal le tour. Je n'aurai pas beaucoup de questions, mais je vois que vous êtes membre, d'une part, du Chantier de l'économie sociale, vous êtes aussi membre de ce qu'on appelle... l'acronyme... CEC... C «whatever»... C'est quoi déjà? CQCM, hein? Et là le ministre vous a posé la question sur le titre de la loi. Vous êtes quelque part entre les deux, mais peut-être plus du côté d'avoir un titre simple et inclusif, sans rentrer dans trop de description.

Je suis allé sur le site Web pour voir un peu ce que vous faites. Vous êtes vraiment au coeur de la promotion du... promotion et développement de l'entrepreneuriat via l'économie sociale, hein, parce que vous aidez dans le préprédémarrage, la formation, et tout ça. Donc, vos commentaires, vous avez quand même assez expliqué ça, là. Mais, selon vous, ce qu'il y a ici, on retrouve un peu cette... Parce que, c'est intéressant, notre gouvernement avait fait une consultation sur l'entrepreneuriat plus général. Je ne sais pas si vous avez participé à cette consultation. Évidemment, il y a différentes formes d'entrepreneuriat, mais, quoi qu'il en soit, le désir, pour les gens, les personnes… Il y en a qui ont cette mission un peu en eux.

Et, comme vous dites aussi, pour certains qui ont un certain âge, c'est un nouveau départ. On pense aux femmes — j'ai rencontré beaucoup de ces gens-là, surtout à titre de ministre de l'Immigration — les gens issus de l'immigration. Et de voir des gens comme vous, des organismes comme vous, qui les aident, justement, à structurer puis partir une entreprise, c'est vraiment intéressant. Le microcrédit, on a beaucoup parlé de ça, d'ailleurs, hier. Donc, vous, avec les considérants puis l'article… je pense que c'est l'article 3, qu'on avait parlé, de «promouvoir»... L'article 2 : «…promouvoir l'économie sociale comme levier de développement socioéconomique.» Vous l'avez lu, le projet de loi. Est-ce que vous vous retrouvez là-dedans? Il n'y a rien à rajouter pour ça, donc vous êtes inclus là-dedans.

On a parlé de la table. Le mandat, puisque vous faites partie de la table… le Chantier de l'économie sociale, il y a un mandat assez détaillé, vous serez d'accord avec ça pour le mettre aussi dans la loi. Il y a le plan d'action aussi. Bon, évidemment, vous avez déjà touché à cette question-là, l'évaluation du plan d'action.

Je ne sais pas si... On a vraiment couvert un peu toutes les questions que moi, j'avais, là, à moins que le ministre peut penser à d'autres questions qu'il n'aurait pas... On a fait le tour, parce que, là, on est rendus... on a les thèmes, puis, là, on voit où il y a peut-être des points de vue légèrement différents ou les organismes qui nous viennent avec des rajouts. Mais les organismes auxquels vous appartenez sont déjà venus faire leurs recommandations.

M. Gaudreault : Le mandat suggéré par le chantier.

Mme Weil : Pardon?

M. Gaudreault : Le mandat suggéré par le chantier.

Mme Weil : Bien, j'ai parlé de ça, justement, le mandat, puis que, quand je le lis, c'est long. Mais vous le connaissez, le mandat? Parce qu'elle est membre du chantier, elle est d'accord. Donc, publiquement, je le dis ici «for the record», que vous êtes d'accord à inscrire ce mandat-là dans la loi. Donc, vous faites partie de ces organismes. Il y en a quand même beaucoup, d'intervenants qui disent ça. L'idée d'avoir des intervenants privilégiés, évidemment, vous êtes très d'accord avec ça, et une table, mais j'ai vu que vous ne voulez pas nécessairement rentrer dans les critères des membres de cette table.

La Présidente (Mme Boulet) : ...Mme Merino.

Mme Weil : Ce sera le travail qu'on fera éventuellement quand on...

Une voix : ...

Mme Weil : C'est ça.

La Présidente (Mme Boulet) : La ministre, elle va dialoguer toute seule.

Une voix : Elle n'est pas la ministre.

La Présidente (Mme Boulet) : La députée de… Excusez-moi. Excusez-moi.

Mme Weil : Bon. Écoutez, donc, je ne sais pas si mes collègues ont des questions. Je voulais vraiment vous remercier, vous remercier aussi d'avoir pris le temps de venir ici puis le travail que vous faites, qui est extrêmement important parce que c'est vraiment la création de la richesse, mais de la richesse collective partagée par tous avec des valeurs fondamentales et importantes. Merci beaucoup, Mme Merino.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, ça met fin à… Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce? Alors, on a un beau cadeau pour le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci.

La Présidente (Mme Boulet) : Non? M. le député de Beauce-Nord, c'est parce que le temps qui n'a pas été pris ou utilisé par le groupe...

M. Spénard : Non, ça ne sera pas... Ça va être comme d'habitude, Mme la Présidente, ça ne sera pas très, très long.

La Présidente (Mme Boulet) : D'accord. C'est vous qui décidez.

M. Spénard : Merci.

La Présidente (Mme Boulet) : Alors, je vous cède la parole, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci beaucoup. Bienvenue, Mme Merino. Un peu mal informé, moi. Le Centre d'entrepreneuriat en économie sociale du Québec, c'est basé à Montréal, ça?

Mme Merino (Maricarmen) : Oui.

M. Spénard : Comment qu'il y en a, de... Est-ce que vous êtes uniquement à Montréal ou...

Mme Merino (Maricarmen) : Pour le moment, oui. Ça fait deux ans et demi qu'on est en opération.

M. Spénard : O.K. Donc, il y a juste un centre.

Mme Merino (Maricarmen) : Mais on a eu des personnes qui ont suivi des formations en Gaspésie, en Abitibi et au Lac-Saint-Jean. On fait de la formation à distance. Donc, les gens peuvent s'inscrire et suivre la formation puis avoir nos services.

M. Spénard : Et vous êtes issus d'où? Des CLD, des CDEC, des... ou c'est complètement autonome?

Mme Merino (Maricarmen) : Bien, on est autonomes, on a... Comme j'ai mentionné tout à l'heure, quand on a décidé de démarrer le centre, on a parlé avec le Chantier de l'économie sociale et plusieurs acteurs pour valider que l'offre de services qu'on était en train de développer n'existait pas. On avait déjà fait nous-mêmes notre étude de marché en termes d'une formation accréditée en économie sociale, vraiment adressée à l'économie sociale, puis ça n'existait pas àl'époque. Maintenant, oui, il y a déjà, au Centre-du-Québec, des CDEC, CLD, avec des commissions scolaires, qui ont développé une formation semblable. Donc, on est autonomes, oui.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, Mme la Présidente. J'ai bien compris que vous êtes en amont des projets, c'est-à-dire qu'avant le plan d'affaires, et tout, vous êtes en amont pour partir de l'idée de regarder si c'est possible de monter un plan d'affaires en économie sociale pour un produit quelconque. Maintenant, vous me dites que les mesures STA, qui est le soutien pour travailleurs autonomes, et le SAJE, qui arrête à 35 ans, ça ne s'applique pas à vous. Mesures de soutien au travail... soutien aux travailleurs autonomes, ce n'est pas accessible pour vous, ça, si je comprends bien?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

Mme Merino (Maricarmen) : Ce n'est pas pour nous, là. Nous, on n'applique pas. Mais ce n'est pas accessible pour les personnes qui veulent démarrer soit des organismes à but non lucratif ou des coopératives autres que de travail. Les seules personnes qui pourraient, bien, ça serait deux membres d'une équipe entrepreneuriale d'une coopérative de travail, mais les autres structures juridiques sont exclues de la mesure STA.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : La même affaire pour le Service d'aide aux jeunes entrepreneurs, qui est 35 ans en bas, le SAJE, qu'on appelle, là.

Mme Merino (Maricarmen) : Oui.

M. Spénard : Et vous, votre moyenne d'âge, c'est 40 ans.

Mme Merino (Maricarmen) : Oui.

M. Spénard : O.K. Moi, j'ai une autre question très terre à terre, là : Comment vous financez-vous?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino, c'est la question qui tue.

Mme Merino (Maricarmen) : Non, qui ne tue pas. Mais nous, on vend nos services aux commissions scolaires. Donc, on offre la formation en lancement d'une entreprise. On a financé de notre propre argent aussi, les membres ont investi à peu près 15 000 $ pour démarrer l'entreprise. Donc, on est financé comme ça. Puis les gens paient 350 $ pour la formation, qui dure 22 semaines plus un accompagnement sur un an, qui n'est vraiment rien.

M. Spénard : C'est quoi, la relation que vous avez avec les commissions scolaires? Vous donnez des cours en quoi? En...

Mme Merino (Maricarmen) : Lancement d'une entreprise.

M. Spénard : Oh! En lancement d'une entreprise.

Mme Merino (Maricarmen) : Oui.

M. Spénard : Collective ou non? Sociale ou non?

• (16 h 40) •

Mme Merino (Maricarmen) : On est... collective uniquement. Nous, on se spécialise uniquement dans les entreprises collectives, que ça soit OBNL ou coopératives.

M. Spénard : O.K., O.K.

Mme Merino (Maricarmen) : On ne... C'est ça. Les gens, quand ils viennent chez nous, ils savent que c'est parce qu'ils veulent démarrer une entreprise d'économie sociale. Puis certains ont déjà une idée de quelle structure juridique, d'autres n'ont pas encore choisi quelle structure juridique, mais c'est seulement économie sociale.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Depuis deux ans et demi, vous existez, c'est ça, j'ai bien... Deux ans et demi? Oui? Est-ce que vous avez parti des entreprises?

Mme Merino (Maricarmen) : Oui. On a même deux entreprises qui ont gagné le Concours — ils sont… national, présentement — Québécois en entrepreneuriat. Oui, on a démarré une dizaine d'entreprises. On a aidé trois, quatre organismes à but non lucratif qui ont développé des projets d'économie sociale. Donc, oui, concrètement, sur le terrain, je pense qu'on est quand même assez efficaces.

M. Spénard : Est-ce que...

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Beauce-Nord, vous pouvez y aller, vous avez du temps.

M. Spénard : Un coup que votre en travail en amont est fait, vous dirigez le futur entrepreneur ou la future entreprise vers les CLD puis les CDEC, j'imagine.

Mme Merino (Maricarmen) : Les CDEC, CLD, le Réseau d'investissement social du Québec, la Fiducie du chantier, dépendamment où ils sont rendus dans leur projet, oui, la Caisse d'économie solidaire aussi.

M. Spénard : O.K. Est-ce que vous les accompagnez durant la mise en place ou c'est maintenant devenu l'apanage du RISQ, ou du CLD, ou du CDEC, ou...

Mme Merino (Maricarmen) : Mais ce que nous, on fait, c'est qu'une fois que les personnes ont fini la formation ils ont un délai pour finir leur plan d'affaires, et nous, on organise ce qu'on appelle un comité d'experts, on invite des analystes des CDEC, CLD, du RISQ, de la caisse, etc., et, à partir de là, bien, c'est comme une activité pont, à partir de là, ils sont comme pris en main par les bailleurs de fonds potentiels pour continuer leurs démarches.

La Présidente (Mme Boulet) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Une dernière question : En quoi le projet de loi n° 27 vous aide-t-il?

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino.

Mme Merino (Maricarmen) : En tout. Nous, on croit dans l'économie sociale. On a démarré une entreprise d'économie sociale pour ça, pour aider d'autres entreprises à démarrer. Donc, pour nous, toutes les... la loi est géniale, autant pour la promotion, autant...

La Présidente (Mme Boulet) : …Mme Merino.

Des voix : Ha! Ha! Ha!

La Présidente (Mme Boulet) : On s'excuse, continuez.

M. Spénard : Remarquez, Mme Merino, qu'ici, là, lorsqu'on parle d'économie sociale, évidemment on n'est pas en opposition, on est en coopération. Vous comprendrez qu'on ne peut pas être en opposition ici, hein? Voilà.

Mme Merino (Maricarmen) : On mutualise les idées.

M. Spénard : C'est ça. O.K. Bien, moi, je n'ai pas d'autres questions. Je tiens à vous remercier. Parce que je ne connaissais pas ça du tout, moi. Je ne sais pas, ça manquait à ma culture. Mon CLD ne m'a jamais averti de ça, là. Ça doit être... Je parle pour Suzie, en arrière, là. Merci, Mme Merino.

La Présidente (Mme Boulet) : Mme Merino, merci de votre participation, de votre présence parmi nous.

Alors, je vais suspendre les travaux quelques instants. Et j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 43)

(Reprise à 16 h 47)

Le Président (M. Breton) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 27.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Pour les fins de l'enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Association des centres locaux de
développement du Québec (ACLDQ)

M. Fiset (Jacques) : Alors, bonjour, M. le Président. Mon nom est Jacques Fiset, je suis directeur général du Centre local de développement de Québec mais aussi membre du comité exécutif de l'Association des CLD, et c'est à ce titre-là que je suis ici, accompagné de Suzie Loubier, qui est la directrice générale de l'association.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, l'Association des CLD remercie la Commission de l'aménagement de donner l'opportunité de s'exprimer dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 27, et l'ACLDQ appuie le projet de loi n° 27 — vous n'allez pas être surpris — qui reconnaît la contribution de l'économie sociale au développement du Québec et de ses régions. Il s'agit d'une très bonne nouvelle pour nos milieux et pour les CLD, qui accompagnent les entreprises d'économie sociale aux quatre coins du Québec. D'ailleurs, j'insiste, je viens de dire «entreprises d'économie sociale». Évidemment, quand je parle d'économie sociale, en ce qui nous concerne, nous, les CLD, qui avons cette mission d'accompagner les entreprises, c'est des entreprises d'économie sociale dont on parle, l'économie sociale étant une nébuleuse plus grande.

Notre intervention d'aujourd'hui se divise en deux parties : la première présentera les trois grands principes soutenus par l'ACLDQ en réponse au préambule du projet de loi et la deuxième partie formulera quelques propositions en lien avec les articles de loi.

D'entrée de jeu, j'aimerais prendre quelques instants pour vous présenter le réseau des 120 CLD au Québec, dont d'aucuns ne s'appellent pas CLD, CDEC. Vous avez vu les CDEC précédemment, donc on est dans le même réseau, et l'association regroupe les 120, même celles qui sont des CDEC. Depuis leur création, en 1998, les centres locaux de développement exercent un mandat de développement local. Il s'agit d'une approche de mobilisation et de concertation qui met les acteurs locaux à contribution et qui concilie à la fois le développement territorial, le développement économique et le développement social.

Dans le cadre de son mandat en développement local, le CLD peut être appelé à intervenir dans de nombreux secteurs, ruralité, dans le cadre de la Politique nationale de la ruralité, tourisme, culture et bien d'autres, en fonction des caractéristiques particulières de chacun des territoires des MRC. Le CLD a également la responsabilité d'offrir l'ensemble des services de première ligne aux entreprises privées et collectives. Le soutien à l'entrepreneuriat est un outil de développement local.

• (16 h 50) •

Trois grands principes, donc, guident l'action de l'ACLDQ en matière d'économie sociale. Premier principe : l'économie sociale a toujours été une partie intégrante de l'économie du Québec. L'entreprise d'économie sociale, qu'elle soit coopérative, mutualiste ou associative, constitue un outil formidable de développement et de maintien de l'activité économique dans le territoire, autant rural qu'urbain, et on insiste sur le territoire local. Elle a un effet mobilisateur porteur de développement qui correspond au mandat quotidien des CLD.

Deuxième principe : il existe un lien étroit entre le développement local et l'économie sociale. Issue de la mobilisation des personnes, l'entreprise d'économie sociale contribue au bien-être de ses membres et de la collectivité. Née de la mobilisation et de la capacité de dynamiser les milieux, elle est un important levier de création de richesse collective. C'est pour ça qu'on le voit naître souvent encore plus dans des milieux dévitalisés qui se mobilisent et qui se reprennent en main. Ces dimensions sont en accord avec le mandat de développement local que les CLD expérimentent au quotidien. Les valeurs coopératives et les principes de l'économie sociale répondent aux impératifs de mobilisation et de concertation des CLD.

Troisième principe : le mandat des CLD en matière de soutien à l'entreprise d'économie sociale découle du lien étroit entre le développement local et l'économie sociale. L'entrepreneuriat collectif constitue un outil privilégié d'enracinement dans la communauté. En effet, une entreprise d'économie sociale, quelle que soit sa forme juridique, a l'avantage de ne pas se délocaliser facilement et s'appuie sur la prise en charge de la communauté et de ses membres par eux-mêmes. C'est pour cette raison que le CLD, de par son mandat de développement local, est au coeur du soutien des entreprises d'économie sociale.

Pour la deuxième partie de notre intervention, l'association souhaite porter à votre attention certaines remarques et faire part de certaines propositions en rapport avec des articles du projet. Ces propositions toucheront trois éléments : l'harmonisation des actions en matière de soutien à l'économie sociale; la définition de l'économie sociale et des entreprises d'économie sociale; et la table des partenaires en économie sociale. Vous voyez, je ne reprends pas tous les éléments du mémoire, vous allez voir d'autres détails là. J'y vais pour pointer du doigt les éléments les plus importants.

Parmi les objectifs du projet de loi énumérés à l'article 2, on note, avec justesse, l'importance «de soutenir le développement de l'économie sociale par l'élaboration ou l'adaptation d'outils d'intervention, dans une perspective de cohérence gouvernementale et de transparence; de favoriser l'accès aux mesures et aux programmes de l'Administration pour les entreprises d'économie sociale», ce avec quoi on est d'accord, évidemment. Mais l'ACLDQ croit que l'élaboration et l'adaptation des outils d'intervention doit se faire en tenant compte des organismes existants afin d'éviter tout dédoublement.

Donc, à l'heure actuelle, de nombreux organismes offrent du soutien financier aux entreprises d'économie sociale. Outre les CLD, qui le font de façon locale, notons : Investissement Québec, qui sera intégré à la banque et qui aura une part spécifique en économie sociale qu'on a déjà soulignée dans notre mémoire précédent, à l'autre commission; la Fiducie du chantier de l'économie sociale; le Réseau d'investissement social du Québec, le RISQ; les fonds de travailleurs... les fonds fiscalisés. Au niveau technique, les CLD et les coopératives de développement régional, les CDR, sont appelés à intervenir auprès des entreprises à but non lucratif ou coopératif. Donc, on pense que toute nouvelle intervention devrait tenir compte de ce qu'il y a déjà là, et le bonifier, et ne pas défaire... ne pas concurrencer ce qui fonctionne bien déjà.

L'élaboration et l'adaptation d'outils d'intervention de même que l'accès aux mesures et programmes gouvernementaux doivent s'inscrire en complémentarité de ce qui existe déjà. L'ACLDQ vous recommande donc que, dans le cadre du plan d'action sur l'économie sociale prévu à l'article 8, une recension et une analyse des outils d'intervention existants soient effectuées afin d'assurer la cohérence de l'action gouvernementale et de ses partenaires en matière d'économie sociale.

Il est important aussi de démystifier l'économie sociale auprès du public et de ses décideurs. Je pense qu'il y a eu plusieurs interventions devant la commission à cet effet-là, de bien faire comprendre que l'entreprise d'économie sociale est une entreprise, y compris auprès des organismes de développement et de soutien à l'entreprise d'économie sociale. On a besoin d'harmoniser cette compréhension-là.

D'énormes progrès ont été accomplis depuis le milieu des années 90, mais les efforts doivent se poursuivre. Nous constatons que la notion d'économie sociale a progressivement fait sa place dans l'esprit des gens. Trop souvent associé à l'action communautaire, le milieu dit de l'économie sociale a eu lui-même de la difficulté à intégrer dans son vocabulaire le concept d'entreprise d'économie sociale. Ça, il va falloir continuer à faire des efforts là-dessus.

Pour leur part, les CLD appuient le projet, qui comporte une démarche entrepreneuriale en s'appuyant sur trois principes, soit un financement diversifié, une tarification réaliste de leurs biens et services, et finalement un objectif d'autofinancement. L'ACLDQ croit important que l'article 2 du projet de loi intègre la définition de l'économie sociale, la volonté des entreprises d'économie sociale d'aspirer à une autonomie financière.

Par ailleurs, il est important... il est parfois difficile de différencier une entreprise d'économie sociale d'un organisme communautaire, même pour un CLD. Lorsque la proposition des activités de vente et d'échange de biens et de services n'est pas très grande et que le financement étatique est plus ou moins important, où débute l'économie sociale et où se termine l'accès au communautaire? Où débute l'entreprise et où se termine l'organisme d'action communautaire?

Au-delà de la définition de l'économie sociale dans la loi, il serait important que le Québec puisse se doter d'un cadre de référence en la matière. Il y a déjà une définition, mais, afin de faciliter la reconnaissance des entreprises d'économie sociale, l'ACLDQ recommande que le gouvernement mette en place un registre des entreprises d'économie sociale de type associatif selon le modèle du registre des coopératives déjà existant. Il n'y a pas de registre pour les entreprises d'économie sociale de type associatif.

Le projet de loi prévoit la création d'une table. Alors, pour cette table, l'ACLDQ recommande que la table des partenaires en matière... en économie sociale soit composée des membres suivants : le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, qui sont les interlocuteurs privilégiés identifiés dans le projet de loi, mais nous voulons y voir ajouter l'Association des centres locaux de développement du Québec, que représentent les CLD, qui couvre l'ensemble du Québec, organisme mandaté par la loi pour offrir l'ensemble des services de première ligne aux entreprises, et un représentant du réseau de la finance solidaire, qui sont tous regroupés actuellement dans un organisme qui s'appelle Cap Finance. Alors, les représentants de la Caisse d'économie solidaire, par exemple, la Fiducie du chantier, le RISQ, le réseau des CLD, on est tous... tous ceux qui font de la finance solidaire, donc soutiennent des entreprises d'économie sociale et solidaire, sont regroupés. Et on aimerait qu'un représentant du milieu financier solidaire, qui est très particulier, y soit représenté. C'est quand même quelques milliards de dollars dont il est question là. Les fonds fiscalisés entre autres en font partie.

Les grands axes du mandat de la table des partenaires de l'économie sociale pourraient être inspirés du mandat de l'actuel Comité des partenaires de la ruralité : conseiller le ministre, assurer une synergie entre les partenaires, promouvoir l'économie sociale et procéder à l'évaluation du plan d'action gouvernemental. Donc là, je ne le dis pas en détail. Vous l'avez en détail dans notre mémoire et vous pouvez voir qu'il y a une assez grande adéquation entre le mandat que propose le Chantier de l'économie sociale et que nous proposons, sauf que nous, on s'en est tenu, dans la synergie des partenaires, aux éléments qui touchent spécifiquement le développement local. Alors, les membres de la table pourront mettre à contribution leurs réseaux respectifs lorsque vient le temps d'évaluer la politique gouvernementale.

Enfin, afin de maximiser l'action de la table des partenaires en économie sociale, l'ACLDQ suggère qu'elle soit mise à contribution lors de l'élaboration de politiques pour favoriser le développement de l'économie sociale et lors de l'élaboration du plan d'action en économie sociale. Le projet de loi devrait refléter cette intention aux articles 6 et 8.

Voilà l'essentiel de nos observations et recommandations. Et je tiens à vous assurer que l'ACLDQ et ses membres seront des collaborateurs actifs à la mise en oeuvre de la Loi sur l'économie sociale et sur le plan d'action qui découlera de l'adoption de la loi.

Le Président (M. Breton) : Je vous remercie, M. Fiset. Vous n'étiez pas mal.

M. Fiset (Jacques) : C'est pour ça que je lisais mon texte, je n'ai pas l'habitude.

Le Président (M. Breton) : Vraiment, dans le temps, ça avait de l'allure. Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, la parole est à vous.

• (17 heures) •

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, je ne doute pas que vous serez des collaborateurs actifs de notre réflexion et de notre travail. Je veux d'abord vous saluer, Mme Loubier, M. Fiset. Merci d'être ici et de contribuer à nos travaux et à éclairer le législateur pour avoir la meilleure loi-cadre possible sur l'économie sociale.

Bon, évidemment, je vais avoir beaucoup, beaucoup de questions. Mais première question, et je pense que c'est vraiment au coeur de votre réalité : Vous plaidez, en toile de fond de votre mémoire — je pense que c'est ce qui se dégage — pour un meilleur arrimage entre les différents acteurs du milieu de l'économie sociale, en tout cas ceux qui sont en soutien à l'économie sociale, que ce soient les CDR et bien sûr vous, les CLD. Par ailleurs, comme vous le savez — et vous y avez sûrement contribué, là, lors de la commission parlementaire — le gouvernement est en train de créer la Banque de développement économique du Québec.

Et, dans votre recommandation 1, vous nous dites : «L'ACLDQ recommande que dans le cadre du plan d'action sur l'économie sociale […] une recension et une analyse des outils d'intervention existants soient effectuées afin d'assurer la cohérence de l'action gouvernementale et de ses partenaires en matière d'économie sociale».

Alors, «la cohérence de l'action gouvernementale et de ses partenaires en économie sociale», je voudrais vous entendre sur deux plans : Qu'est-ce qui fait que ce n'est pas cohérent? Si vous souhaitez une cohérence, c'est qu'il y a un problème, il y a une incohérence, selon vous. Et que devrait-on faire — et là vous semblez, en tout cas, plus interpeller l'éventuel plan d'action, là — pour assurer cette cohérence-là? Est-ce qu'on ne doit pas donner déjà des signaux via la loi ou on doit attendre, justement, l'élaboration du plan d'action? Et concrètement ça ressemblerait à quoi, cette cohérence que vous nous demandez dans les actions?

M. Fiset (Jacques) : Notre mémoire...

Le Président (M. Breton) : ...

M. Fiset (Jacques) : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Breton) : Allez-y, M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : Notre mémoire ne souligne pas qu'il y ait incohérence, on veut éviter qu'il en arrive. Parce qu'on signale dans le projet de loi la possibilité qu'on ajoute des nouveaux outils. Donc, quand on parle de faire un inventaire, ce n'est pas de simplement voir quels sont les outils existants, mais de voir, dans la chaîne de financement, quels sont les trous qui subsistent dans la capitalisation en particulier. Parce que vous savez que l'essentiel de la difficulté de l'entreprise d'économie sociale réside dans la capitalisation, ça a été souligné par plusieurs intervenants, et il y a effectivement... il manque des outils pour compléter cette chaîne de financement là.

Parce qu'actuellement il y a une cohérence qui existe dans les outils qu'on vous a nommés dans notre mémoire, en particulier, bon, avec le Chantier de l'économie sociale. L'association siège au chantier, et je représente l'association aussi au Conseil des fiduciaires pour l'association, donc on est présents là. Il y a une cohérence entre... dans les montages financiers. Et je vous dirais que, de tous les projets que j'ai vu passer à la Fiducie du chantier, je n'ai jamais vu un projet qui n'ait pas été soutenu localement par son CLD. Peut-être un ou deux sur les 50 projets que j'ai vus.

Donc, il y a un arrimage qui se fait entre le local et le national, mais il y a des éléments, des outils de financement dont il faut tenir compte. Chacun ayant sa particularité, l'inventaire qu'on voudrait voir se faire, c'est justement de préciser les particularités et l'espace que chacun des intervenants occupe dans la chaîne de valeurs du financement des entreprises d'économie sociale pour voir où sont les trous pour qu'on puisse, par l'action gouvernementale, finalement, venir les combler. C'est ça.

Donc, on ne dit pas qu'il y a actuellement incohérence. Je pense que tout le monde reconnaît qu'il y a des trous, mais il n'y a pas incohérence, mais on ne voudrait pas qu'il en arrive et on voudrait, au contraire, que l'action gouvernementale serve à bonifier ce qui est déjà existant.

Le Président (M. Breton) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Mais vous confieriez ce mandat-là à qui, concrètement, là, pour que ça puisse se faire, là, cette veille, je dirais, là, de... pour éviter que ça dérape vers l'incohérence ou vers les problèmes d'arrimage? Vous voyez un rôle joué par la table qu'on crée par la loi ou par les… interpeller les partenaires privilégiés, ou est-ce que la Banque de développement économique, comme guichet unique de développement dans les territoires, ne devrait pas recevoir ce mandat-là?

M. Fiset (Jacques) : M. le Président.

Le Président (M. Breton) : Allez-y, M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : Bien, effectivement, je ne sais pas à qui on pourrait confier le mandat, mais l'idée d'avoir la présence du regroupement des outils de financement solidaires qu'on a au Québec, qui sont regroupés dans Cap Finance, pour nous, c'était important sur la table parce qu'on pense que la table devrait être… disons accompagner ce mandat-là qui serait donné, de faire l'inventaire et d'analyser. C'est pour ça que je vous disais, c'est plus que l'inventaire, c'est d'analyser aussi la place que chacun des outils occupe dans le financement.

M. Gaudreault : Donc, vous voyez vraiment un rôle plus actif à la table que ce qui est dans la loi.

Le Président (M. Breton) : M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : Oui, effectivement. Bien, c'est pour ça que, dans la recommandation, quand on vous dit, dans le deuxième élément — il faut que je me retrouve dans tous mes papiers, excusez-moi — dans le deuxième élément du mandat que je vous résumais, «assurer une synergie entre les partenaires», c'est ça qu'on voudrait voir attribuer comme rôle à la table.

M. Gaudreault : Donc, c'est davantage un rôle actif qu'un rôle de conseil, là, parce qu'à l'article 11 présentement on dit : «La table des partenaires en économie sociale conseille le ministre sur toute question qu'il lui soumet en matière d'économie sociale.» Donc, vous, vous voulez plus un rôle actif qu'un rôle passif, autrement dit qui attend, là, les recommandations… ou les demandes, plutôt… pas les recommandations, mais les demandes du ministre.

Le Président (M. Breton) : M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : Oui. M. le Président, je pense qu'effectivement on y voyait l'idée qu'à partir du moment où, par exemple, le ministre confie un mandat dans le sens de l'inventaire dont on vient de parler, l'inventaire est déposé devant la table et le ministre évidemment, et ensemble ils peuvent générer des recommandations au ministre, plutôt que juste réagir à des demandes qui viendraient, mais, directement de la table, pouvoir travailler avec le ministre pour générer des recommandations.

M. Gaudreault : Vous êtes à l'aise avec la désignation des deux interlocuteurs privilégiés?

M. Fiset (Jacques) : Oui.

M. Gaudreault : O.K. Vous êtes à l'aise avec le nom de la loi… le titre, je veux dire, de la loi?

M. Fiset (Jacques) : Oui, oui.

M. Gaudreault : O.K. Vous faites une recommandation, la n° 2 : «…dans le dernier alinéa de l'article 2 [que] soit inscrit la volonté des entreprises d'économie sociale d'aspirer à l'autonomie financière.» Je pense que c'est la première fois qu'on le voit, ça. On en a reçu beaucoup, là, puis il y a beaucoup de contenu, là, depuis hier. Je trouve ça intéressant, cet aspect de quête d'autonomie financière des entreprises d'économie sociale. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Et vous le voyez où dans la loi? Est-ce que vous le voyez dans le préambule, comme un des considérants, ou vous le voyez dans la définition comme telle, à l'article 3? Je vous écoute.

M. Fiset (Jacques) : Bien, l'endroit précis, là, je vais demander à Suzie de peut-être me l'indiquer. Mais, en fait, ce qui obligerait à mieux définir l'entreprise d'économie sociale par rapport à une organisation d'action communautaire, d'où l'idée aussi, en même temps, qu'on propose un registre des entreprises d'économie sociale associatif, donc OBNL, comme il y a un registre pour les coopératives. N'importe qui ne devient pas une entreprise coopérative. Elle doit s'inscrire au registre des coopératives. Il y a des règles qui doivent être respectées pour être reconnu comme tel. Donc, on voudrait que l'entreprise d'économie sociale ait un registre pour l'entreprise d'économie sociale et que le club de hockey OBNL ne soit pas inscrit à ce registre-là, un registre des entreprises d'économie sociale OBNL, dans lequel il y aurait des règles pour s'y inscrire.

Et un des éléments, c'est effectivement que l'entreprise va tendre vers une autonomie financière. Mais, dans cette autonomie financière là, il faut bien la définir aussi, à savoir que, quand une entreprise... En fait, le service que l'entreprise livre va être payé par un client, mais peut-être aussi payé par l'État. Quand un entrepreneur en construction fait des routes, il est payé par l'État. Ce n'est pas une subvention qu'il reçoit, il est payé pour faire une route. Quand une entreprise livre un service — je pense service à domicile — il livre un service de service à domicile, il est payé en fonction du service livré. L'acheteur, c'est et le client et le gouvernement. Donc, il livre un service, il est en autonomie financière, vu sous cet angle-là.

Là où on parle de subvention, c'est quand une subvention s'adresse à la livraison d'une grande mission communautaire. Ça, c'est autre chose. Mais il y a livraison de service où, en partie, le client est payeur mais aussi l'État le soutient. Ça pourrait être différent, la subvention pourrait aller au client dans certaines circonstances, puis c'est le client qui paie tout à l'entreprise. Il serait en autonomie financière. On se comprend?

Donc, qu'est-ce que c'est que l'autonomie financière? Ça doit tenir compte de cet élément-là. Donc, ça va demander un petit peu de définition raffinée, mais le fait qu'on puisse le gérer à travers un registre national nous permettrait justement de travailler cet élément-là d'une façon un peu plus équivalente à travers le Québec. Actuellement, il faut que vous sachiez que c'est les CLD à qui on demande de définir si cette organisation-là est une entreprise d'économie sociale ou pas à travers le Québec. C'est dans la loi. Et un CLE, un centre local d'emploi, qui n'est pas sûr, il s'adresse à son CLD. On est 120 au Québec. Je peux-tu vous dire qu'on est 120 à avoir quelques nuances dans nos définitions? Et on ne comprend pas pourquoi c'est 120 organisations locales qui doivent mettre le... sur la définition d'une entreprise d'économie sociale plutôt que d'avoir un arbitre national qui le définit puis qui met le sceau sur. Alors, d'où l'idée du registre. Je l'ai défendue.

• (17 h 10) •

M. Gaudreault : Avec vigueur.

Le Président (M. Breton) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Avec vigueur. Mais mon côté décentralisateur va vous dire que… Puis il y a d'autres qui sont venus plaider ici pour qu'on évite le mur-à-mur, uniformiser, l'uniformisation des mesures, il faut tenir compte des réalités régionales et locales. Et justement j'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus. Parce que le territoire du Québec est différent d'une région à l'autre, d'une MRC à l'autre. Et, hier, on s'est fait interpeller par le réseau des CDEC, on s'est fait interpeller sur l'absence de fonds dédiés à l'économie sociale dans un certain nombre de CLD. Bon, il manque de fonds dédiés. Il y a certains territoires qui en ont, certains CDEC qui en ont, d'autres qui n'en ont pas, des CLD qui en ont, des CLD qui n'en ont pas. Alors, est-ce que c'est ce que vous constatez? Et que doit-on faire avec ça?

Le Président (M. Breton) : Oui, M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : M. le Président, je vais répondre à M. le ministre, mais je veux revenir juste sur la fin... le début de son intervention. Nous aussi, on est tout à fait d'accord avec le fait qu'il n'y ait pas de mur-à-mur dans l'intervention. Mais remarquez que toutes les autres formes d'entreprises coopératives, enregistrées, incorporées, à capital-actions, elles ont toutes une seule règle nationale. Pourquoi ce type d'entreprise là n'aurait pas aussi sa définition nationale? En tout cas, pour le reste, pour le traitement que localement on peut en faire, ça, qu'il n'y ait pas de mur-à-mur, je suis tout à fait à l'aise avec ça.

Quant à l'intervention, oui, qui avait été faite par les CDEC, en fait, il y avait beaucoup d'exagération dans leur... Oui, c'est vrai qu'il y a quelques CLD… Pour vous dire, là, j'ai fait relever, de 2003 à 2010, à partir de tous les rapports annuels qui sont faits par l'ensemble des CLD du Québec et dont l'association a toujours rapport deux ans plus tard, là… La moyenne des CLD qui ont une intervention en économie sociale, sur nos 120, pendant ces neuf années là, c'est 114 sur 120. Donc, c'est vrai que chaque année, il y a plus ou moins six CLD qui n'ont pas fait d'intervention en économie sociale avec leur Fonds de développement des entreprises d'économie sociale. Ça ne veut pas dire qu'ils n'ont pas de fonds, ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas intervenus dans une entreprise d'économie sociale, parce qu'ils ont pu intervenir avec le FLI.

Je donne l'exemple chez nous. Moi, j'ai une entreprise d'économie sociale qui est une auberge. On a fait un FLI. J'ai une entreprise d'économie sociale qui est une coopérative de travailleurs, brasserie, qui est une... ils font de la bière. On n'a pas fait une subvention, on a fait un FLI. Ils sont dans le marché. Alors donc, il y a beaucoup de projets d'entreprises d'économie... Ça, c'est juste le rapport sur les investissements faits à partir de fonds des entreprises d'économie sociale.

Donc, oui, c'est vrai, mais c'est un mythe de penser que c'est la majorité, là. C'est la très, très, très petite minorité. Et je vous dirais que la moyenne d'investissements annuels de l'ensemble des CLD du Québec en investissements dans ces entreprises-là, ça a été de 12,7 millions par année, 12,7 millions par année dans les entreprises d'économie sociale, et ça a généré des investissements annuels de 157,2 millions par année pendant toutes ces années-là. Donc, c'est... On ne parle pas de pinottes, là. Puis je trouve que c'est important que vous le sachiez, même s'il y a quelques exceptions, dans une année, où peut-être, à quelque part au Québec, il existe un CLD qui n'a plus de Fonds de développement des entreprises d'économie sociale, je suis prêt à l'admettre, mais c'est la très, très... puis c'est une exception très exceptionnelle.

M. Gaudreault : Accepteriez-vous de déposer votre document pour les bienfaits de la commission?

M. Fiset (Jacques) : Bien sûr.

Document déposé

Le Président (M. Breton) : Oui, s'il vous plaît, on va...

M. Fiset (Jacques) : Certainement.

Le Président (M. Breton) : Parfait. Est-ce que Mme Loubier voudrait intervenir sur le sujet?

Mme Loubier (Suzie) : Ah! Peut-être, peut-être.

Le Président (M. Breton) : Puisqu'on parlait de participation active tout à l'heure. Allez-y, Mme Loubier.

Mme Loubier (Suzie) : Merci, M. le Président. Alors, c'est ça. Juste en complément de la réponse de M. Fiset, c'est que les CLD, de par la loi n° 34, là, qui avait été adoptée en 2003, ne sont plus tenus d'avoir un fonds dédié à l'économie sociale. Sauf que tous les CLD ont un fonds de développement d'entreprises d'économie sociale. Il n'est pas tagué, et puis, nous, on est très à l'aise avec ça.

Je vais vous donner un exemple. Moi, j'ai siégé sur un conseil d'administration de CLD avant d'être à l'association, et le territoire… pendant deux ans, le fonds était tagué. C'est ça, on avait des surplus au niveau de notre Fonds de développement des entreprises d'économie sociale, sauf que, le fonds pour les jeunes entrepreneurs, les jeunes promoteurs était vide, puis on n'était pas en mesure de pouvoir aller piger, dans le fond, au niveau du fonds des entreprises d'économie sociale pour financer d'autres entreprises. Alors, c'est ça. Puis ce n'est pas par mauvaise volonté, c'est qu'on n'avait pas de projet. C'est un territoire qui était quand même bien nanti, puis il n'y avait pas de projet d'économie sociale. Ça fait que c'est pour cette raison qu'on n'est pas d'accord, dans le fond, à ce que de l'argent soit tagué, là, pour des interventions précises.

M. Gaudreault : Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Breton) : Il te reste à peu près 1 min 30 s.

M. Gaudreault : O.K. Alors, j'aimerais savoir comment vous voyez le rôle du MAMROT, considérant que c'est le ministère des Affaires municipales qui est porteur de la loi-cadre, qui est identifié également comme responsable de la loi-cadre. Est-ce que vous êtes à l'aise avec ça? Comment vous voyez les relations avec le ministère des Finances et de l'Économie? Parce que, quand même, les CLD sont attachés, là, au ministère des Finances et de l'Économie.

Le Président (M. Breton) : Mme Loubier.

Mme Loubier (Suzie) : Oui, merci.

Le Président (M. Breton) : Allez-y.

Mme Loubier (Suzie) : Merci, M. le Président. Nous, on est tout à fait à l'aise de travailler que ce soit... que l'économie sociale soit au niveau du ministère des Affaires municipales. Et puis, c'est ça, dans le fond, c'est en complémentarité avec le ministère des Finances. On pense qu'il y a une bonne synergie qu'il peut y avoir, pas...

Le Président (M. Breton) : Oui, M. Fiset, brièvement.

M. Fiset (Jacques) : Bien, M. le Président, je compléterais en vous disant que même, dans notre mémoire, pour la Loi sur la BDEQ, on recommandait justement que la dimension de développement local, qui est... la part de développement local dans la mission des CLD reste en lien avec nos municipalités locales et que le lien Soutien à l'entrepreneuriat, qui, lui, devient un outil pour ce développement-là, soit en lien direct avec la BDEQ. Donc, pour nous, on est à l'aise de travailler avec les deux.

Le Président (M. Breton) : Je vous remercie beaucoup. Merci, M. le ministre. Nous allons maintenant passer à l'opposition officielle. Je présume que la députée de Notre-Dame-de-Grâce va prendre la parole.

Mme Weil : C'est bien ça. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Loubier, M. Fiset. Je vais peut-être commencer avec cette... bien, la question de... C'est la première fois qu'on l'entend, en fait, cette notion, votre deuxième recommandation, d'autonomie financière. On a entendu parler de rentabilité. Est-ce que, vous, vous verriez ça qu'on mette dans la loi, c'est-à-dire dans la définition ou dans les objectifs, cette notion de... Puis quelle distinction vous faites entre les deux, rentabilité et autonomie financière? On a déjà parlé de rentabilité. Je pense que c'est le groupe, aujourd'hui...

Une voix : ...aide domestique.

Mme Weil : Aide domestique, oui, c'est ça. C'est le regroupement des organismes en aide domestique qui a parlé de rentabilité.

M. Fiset (Jacques) : M. le Président.

Le Président (M. Breton) : M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : Effectivement, je pense que c'est deux notions qui sont très, très proches l'une de l'autre, là. C'est une façon de l'exprimer. C'est sûr qu'une grande majorité des entreprises d'économie sociale, dans le volume financier que représente... l'actif financier que représente l'ensemble des entreprises d'économie sociale, la majorité sont autofinancées, s'autofinancent et sont rentables. Mais c'est sûr qu'on a mis beaucoup, beaucoup en lumière, depuis 1996, la présence d'un grand nombre d'entreprises d'économie sociale qui ont un volume d'interventions qui n'est pas soutenu financièrement par le client, ni par l'État. Il y a des bouts de mission, finalement, qui ne réussissent pas à s'autofinancer. Et c'est dans ce sens-là que nous, on considère que, oui, il peut y avoir une part de mission qui ne soit pas autofinancée, mais il faut qu'il y ait une tendance à un autofinancement si on veut maintenir la dimension entrepreneuriale de l'organisation.

• (17 h 20) •

Le Président (M. Breton) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Merci. Là, pour votre recommandation n° 3, vous en avez beaucoup parlé avec le ministre, Desjardins, dans leur mémoire… Ils ne viendront pas en commission, par exemple. La Caisse d'économie solidaire Desjardins avait fait une recommandation que la caisse proposera également que soit matériellement établi un dispositif unifié d'enregistrement des entreprises d'économie sociale selon leurs divers statuts, coopérative, association mutuelle, et que cette base matérielle serve à documenter l'évolution de l'économie sociale et à harmoniser les pratiques étatiques. Donc, ça, c'est un objectif, là.

Vous, il semblait qu'il y avait un autre objectif aussi, c'est-à-dire, pour faire partie de ce registre, il y a certains critères minimaux, non? Il y avait un peu cette notion-là aussi. Ici, c'est un peu dans le sens d'un observatoire, ils ont parlé de créer un observatoire. C'est une reconnaissance, essentiellement. Donc, est-ce que, pour vous, c'est deux objectifs légèrement différents quand vous parlez d'un registre, mais que les deux sont valables?

Le Président (M. Breton) : M. Fiset, allez-y.

M. Fiset (Jacques) : Bien, pour nous, c'était dans l'objectif. Je pense qu'on est très proches de leur... Mais ils ajoutent aussi une dimension observatoire. Ça, je suis d'accord que nous, on ne l'avait pas mis dans notre mémoire. Mais ce qui nous préoccupe, nous, il faut qu'en quelque part les CLD... que la définition de ce qu'est une entreprise d'économie sociale OBNL ne repose plus sur le CLD local. Ce n'est pas le CLD local qui définit si le statut de cette entreprise-là est à capital-actions, ou enregistré, ou incorporé. Ce n'est pas le CLD local qui définit si ça, c'est une coopérative ou si ça n'en est pas une. Pourquoi, dans le cas des OBNL, il faut que ce soit le CLD? C'est là qu'est notre préoccupation première.

La deuxième, évidemment, ça va forcer une définition, de tirer une ligne à un moment donné parce que, tout le monde le reconnaît, il y a un flou artistique, pour ne pas dire ontologique, là, entre ce qu'est un organisme d'action communautaire et une véritable entreprise d'économie sociale. Il va falloir, à un moment donné, qu'on la tire en quelque part, cette ligne-là. Qu'on le fasse en partenariat avec tout le milieu et toute la nébuleuse de l'économie sociale, j'en suis, mais il faut faire un pas en avant.

Parce qu'actuellement je vais vous dire, moi, je suis questionné… Bon, on est reconnu, comme CLD… étant un CLD qui fait dans l'économie sociale. Ça représente 40 % de nos dossiers à Québec, dans notre CLD, notre temps de travail en économie sociale, 40 % par rapport à l'entreprise privée ou à capital-actions, et on nous reconnaît. Ça fait que des collègues de d'autres CLD me demandent : Peux-tu me donner un avis écrit parce que, là, il faudrait que je convainque mon préfet. Je ne veux pas me mettre en guerre avec mon préfet. Lui, il dit que c'est une entreprise d'économie sociale; moi, je dis que non. Ça fait que peux-tu m'écrire quelque chose comme un expert, là, pour me permettre de me défendre. Tu sais, je suis tanné de ça.

Alors, je trouve que ça n'a pas de sens qu'on soit dans cette situation-là. Parce qu'il faut dire aussi que la structure OBNL est souvent utilisée, et on fait de fausses entreprises d'économie sociale pour des motifs moins avouables, et là le CLD est un peu coincé parce que son... il est mandataire de sa MRC. Sa MRC décide de se faire une régie municipale de quelque chose, puis ça, c'est une entreprise d'économie sociale. Je m'excuse, non. Mais là le préfet, il dit : C'est une entreprise d'économie sociale, tu vas la subventionner. Le directeur général, le conseil d'administration est coincé, et ça, ce n'est pas acceptable.

Le Président (M. Breton) : Mme la députée.

Mme Weil : Donc, si je comprends bien, ça prend des définitions quand même claires, et c'est vraiment l'occasion de le faire...

M. Fiset (Jacques) : De le faire.

Mme Weil : ...avec ce projet de loi cadre, le plan d'action qui va suivre aussi.

Dans la recommandation n° 5, bon, vous faites un peu une comparaison avec le mandat de la table des partenaires qui est proposé par le chantier. Une différence quand même importante, c'est que vous, vous parlez de conseiller le ministre. Et d'ailleurs, dans le projet de loi, c'est la table des partenaires en économie sociale qui conseille le ministre. Dans la proposition du chantier, c'est conseiller le gouvernement du Québec, donc c'est plus vaste, plus large. On a posé la question à beaucoup d'organismes qui sont d'accord avec le plus vaste : conseiller le gouvernement du Québec. Je ne sais pas si vous avez... Est-ce que c'était... Parce que, pour le reste, c'est très semblable, ce que vous avez mis, là, dans les grandes lignes. Est-ce que c'est délibéré, là, que vous avez mis «ministre» ou vous n'avez pas vraiment porté attention à ça?

M. Fiset (Jacques) : Non, on n'a pas porté attention.

Mme Weil : D'accord. O.K., je comprends. Oui, pour... Et donc, là, selon vous, ce serait dans la loi, on mettrait le mandat dans la loi. Est-ce que vous êtes d'accord à ce que ce soit dans la loi, le mandat?

Le Président (M. Breton) : Allez-y, M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : Bien, M. le Président, je voulais juste dire que, dans le fond, on a fait surtout, puis c'est un peu pour ça que je le soulignais dans mon intervention de tantôt… on est sur la table des partenaires de la PNR, la Politique nationale de la ruralité, puis on a fait un copier-coller, finalement, parce qu'on trouve que ça travaille bien. En fait, les deux partenaires majeurs, c'est les deux unions municipales, puis nous, on est le troisième acteur qui va agir sur le terrain.

Donc, on se disait : Les deux partenaires majeurs, c'est CQCM et chantier, et nous, on vient pour agir sur le terrain puis on ajoute les financiers. Donc, c'était un peu sur cette base-là. À partir de là, on a pris le texte du mandat de l'autre table, là, puis on a fait une espèce de copier-coller. Mais on n'a pas porté attention à l'idée : Est-ce qu'on conseille le ministre ou le gouvernement? J'avais l'impression qu'on faisait les deux en même temps, là.

Le Président (M. Breton) : Mme la députée.

Mme Weil : Oui, merci, M. le Président. Par rapport au transfert et la relève d'entreprise, parce que vous l'avez inclus ici, j'aimerais vous entendre parce que vous avez sûrement un point de vue, de l'expérience sur cette question importante. Le chantier a élaboré quand même assez... de façon intéressante. Donc, dans leurs recommandations, dans leur mémoire, ils parlent de : «À l'instar de la loi-cadre en préparation en France, celle du Québec devrait formaliser un droit prioritaire de rachat d'entreprises par les travailleurs et travailleuses ou encore par les collectivités dans le cadre de cessions ou de fermetures d'entreprise et mettre en place des mesures et des programmes pour assurer l'exercice réel de ce droit.»

Lorsqu'ils ont fait la recommandation, on a eu l'occasion de poser la question à d'autres acteurs, notamment M. Béland, ce matin, qui était très enthousiaste par rapport à cette idée. Pour lui, ça semblait tout à fait naturel qu'on aille dans ce sens-là. Et je dirais que beaucoup de gens ont évoqué — peut-être beaucoup en région — que ça pourrait être intéressant de privilégier, donc, les travailleurs sous forme d'entreprises d'économie sociale.

Est-ce que vous avez réfléchi à cette question? Est-ce que, dans votre pratique, dans votre expérience, vous avez vu des situations semblables où un transfert de ce genre aurait pu être fait pour sauver, hein… L'idée, c'est... il y a le propriétaire de l'entreprise, il n'y a pas de successeur, il n'y a personne. Et, actuellement, c'est un enjeu super important partout en Amérique du Nord actuellement à cause du vieillissement de la population, et ça va devenir de plus en plus aigu.

Lorsqu'on a fait... notre gouvernement a fait la consultation sur l'entrepreneuriat, c'était quelque chose qui était évoqué. Alors, il y a toutes sortes d'idées. Moi, parce que j'ai été ministre de l'Immigration, je sais qu'il y a un programme sur les immigrants investisseurs et entrepreneurs, puis on essaie de voir s'il n'y a pas des personnes moyennement fortunées, pas nécessairement très fortunées, qui pourraient prendre la relève. Mais il y a aussi ce modèle-là. Mais la question est plus précisément : Est-ce que ce serait quelque chose à prioriser?

Le Président (M. Breton) : M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : On a réfléchi à la question et on a décidé de ne pas mettre d'opinion dans notre mémoire parce que, pour le moment... Je vous dirais que moi, j'ai vécu une tentative sur mon territoire, dans un cas qui est assez connu, White Birch. Et donc il y a des effets pervers à l'idée d'offrir un droit de premier refus. Parce que c'est comme ça qu'on l'exprime, là, pour le moment. Moi, je pense qu'il va falloir penser autre chose parce qu'il y a des effets pervers à l'idée de ce droit de premier refus qui ne nous plaît pas. Et les expériences qui ont été faites de lois en ce sens, en particulier en Amérique du Sud, en Argentine, n'ont pas été... En fait, c'est comme si on se sert de la coopérative, puis en particulier de la coopérative de travailleurs actionnaires, comme d'une béquille. Et ça, moi, je pense qu'il faudrait... Il faut repenser le tout en même temps. On ne peut pas juste faire... poser ce geste-là, là. Il y a beaucoup de conséquences à ça. Et nous, on n'était pas prêts à appuyer tout de suite, là, parce que je pense qu'il va falloir creuser un peu plus la question. Et ce que j'ai vu à Québec, là, ce n'était rien de jojo.

Le Président (M. Breton) : Mme la députée.

• (17 h 30) •

Mme Weil : Je suis vraiment contente de vous avoir posé la question parce que je n'avais pas... Au début, moi, j'avais comme une certaine... C'est la première fois que je la voyais, donc, la recommandation. Puis, de par mon expérience, surtout au ministère de l'Immigration, on réfléchissait à cette question-là, mais pas avec les mêmes lunettes que vous. Mais là votre mise en garde, c'est quand même intéressant, parce qu'il y a eu plusieurs... on a posé la question à plusieurs qui vont dans le sens de donner une priorité. Donc, je pense que ça nous permet de... ça va alimenter notre réflexion, votre mise en garde.

Le Président (M. Breton) : M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : M. le Président, je voulais juste rajouter qu'on n'a pas non plus d'objection à ce qu'à quelque part on réussisse à faire que, d'une façon ou de l'autre… Mais la méthode... C'est parce que juste la méthode proposée, là… Le principe nous plaît qu'à un moment donné une place prioritaire soit donnée aux employés de pouvoir prendre en main leur entreprise pour sauver leur emploi. Mais comment le faire? C'est dans le comment, qu'on se questionne. Et on ne voudrait pas que ça ait d'effets pervers sur le développement des régions en particulier. Et c'est dans ce sens-là, là, que... Pour le moment, on n'est pas en défaveur de trouver une façon de favoriser les travailleurs, ça, pas du tout, parce qu'on est là pour le développement local, création d'emplois, tout ça, maintien des emplois, mais la façon de faire, on ne s'est pas arrêtés encore à...

Le Président (M. Breton) : Mme la députée.

Mme Weil : Oui, si je comprends. Donc, ça pourrait être d'en faire la promotion ou de faire des analyses de cas pour voir si ce modèle-là serait le meilleur modèle dans la situation et qu'il y ait des expertises qui seraient disponibles pour en faire l'analyse, mais ne pas en faire une... c'est-à-dire, comme vous dites, un droit de premier refus, là, pas aussi contraignant. C'est surtout ça, votre mise en garde.

Le Président (M. Breton) : Qui veut prendre la parole? Mme Loubier.

Mme Loubier (Suzie) : Oui. Bien, juste en complément, c'est certain qu'en région, là, le nerf de la guerre, c'est la relève d'entreprises. On parle beaucoup, oui, le démarrage d'entreprises, mais le maintien des entreprises existantes est fort important. Et tout le volet reprise, relève d'entreprise sous la forme coopérative ou OBNL est fort important parce que, comme on l'a mentionné dans notre intervention, c'est l'ancrage dans le milieu, et c'est important. Alors, on voit beaucoup d'entrepreneurs, dans le fond, d'employés qui reprennent la relève d'une entreprise, et c'est fort important, et on en fait beaucoup la promotion dans notre réseau.

Le Président (M. Breton) : Merci. Mme la députée.

Mme Weil : Très intéressant. C'est dans le mandat, mais j'imagine que, dans les plans d'action aussi, la table sera sensible à ça par région, dépendant de la situation des différentes régions. Mais vous avez vraiment mis en lumière l'importance de... Comme je vous dis, on en a déjà discuté, mais c'est vrai que c'est une problématique importante pour la vitalité des régions. Tout le monde est très inquiet par rapport à ça, puis on risque de perdre une richesse dans les régions, et donc, pour donner tout son sens à l'occupation du territoire puis la préservation du dynamisme des régions, c'est un enjeu important.

On a parlé de la composition de la table, je crois bien. Moi, je pense que le plan d'action, moi, ça complète mes questions. Alors, je vous remercie beaucoup de votre présentation. Merci.

Le Président (M. Breton) : Merci, Mme la députée. Nous allons maintenant passer... Est-ce que les autres intervenants... Non? O.K. Donc, M. le député de Beauce-Sud... de Beauce-Nord, c'est-à-dire. Beauce-Nord.

M. Spénard : Ce n'est pas parce que je suis assis ici, M. le Président, qu'il faut me comparer à Beauce-Sud.

Le Président (M. Breton) : Allez-y, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Alors, M. le Président... Alors, M. Fiset, Mme Loubier, je vous souhaite la bienvenue. Évidemment, pour ceux-là qui ne le savaient pas, j'ai travaillé avec Jacques Fiset des années de temps à l'Association des centres locaux de développement. Mme Loubier, je n'ai pas travaillé avec toi, mais c'est une fille de la Beauce, ça, donc, écoutez, c'est une très bonne fille, c'est une fille de Beauce-Nord, en plus, de Beauceville, alors...

Moi, j'ai bien aimé votre rapport parce que je suis à peu près... J'ai été à peu près le seul à poser ici des questions sur l'autofinancement des entreprises d'économie sociale, comment qu'on peut déterminer ça. Parce que j'ai tout le temps dit qu'il fallait faire une différence entre l'action communautaire, comme vous le faites, M. Fiset, et l'entreprise d'économie sociale. Et, comme vous, je constate que, dans tous les CLD du Québec, ça peut être différent. Parce qu'il y en a plusieurs qui viennent au CLD puis qui disent : Bien, j'aurais le droit au Fonds de développement en économie sociale, ou au FLI, ou au prêt en économie sociale. Oui, mais fais-nous un plan d'affaires puis, dans cinq ans, tu vas être rendu où. Mais où est la mesure? Est-ce que vous l'avez? Si vous faites des références pour d'autres CLD, M. le directeur du CLD de Québec, j'imagine que vous avez une mesure.

Le Président (M. Breton) : Monsieur...

M. Spénard : Est-ce que ça marche par champ d'activité ou vous avez une mesure?

Le Président (M. Breton) : M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : Alors, M. le Président, on n'a pas de mesure parce que, dans le fond, ce qui souvent est confus dans l'exemple que j'ai donné tantôt par rapport à la MRC, c'est la différence qu'il y a entre une entreprise d'économie sociale qui est autonome d'un pouvoir public et une entreprise publique qui, elle, est une espèce de société paramunicipale. On n'est pas dans... Je parlais d'une régie, par exemple. Une régie municipale, ce n'est pas une entreprise d'économie sociale, c'est une régie, elle est dans un mandat, elle est donc une entreprise parapublique. C'est souvent ces distinctions-là qu'on me demande de faire.

Pour ce qui est de savoir si c'est une entreprise ou un organisme, effectivement, je n'ai pas de règle. Dans nos politiques locales, à Québec, on s'en est donné une qu'on trouve correspondante à notre territoire. Et ça, ça fait partie des choses qui ne devraient pas être mises mur à mur non plus. Mais c'est pour ça que, dans notre recommandation, on ne dit pas de déterminer un pourcentage, mais de dire qu'il doit y avoir tendance. Donc, ça doit être clair. On doit le voir évoluer vers. Et, qu'on parte de 10 % ou qu'on parte de 80 %, il faut qu'il y ait une évolution. La définition selon les besoins qu'un territoire spécifique a, bien ça, c'est chaque territoire qui aura à le définir, mais on aura défini ce qu'est une entreprise d'économie sociale, avec ses règles, en amont.

Le Président (M. Breton) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : C'est pour ça que je veux revenir, parce que, si on fait des critères pour créer un registre des entreprises d'économie sociale, les critères, à un moment donné, vont être mathématiques. Il va y avoir des critères mathématiques pour être reconnu comme entreprise d'économie sociale. S'il y en a pour les coopératives, il y en a pour les entreprises, c'est la partie I de la Loi des compagnies, il y en a pour la partie III de la Loi des compagnies aussi, il y a des critères financiers. Alors, pour créer un registre des entreprises d'économie sociale, c'est quels critères?

Le Président (M. Breton) : M. Fiset.

M. Fiset (Jacques) : M. le Président, on peut effectivement commencer à réfléchir à des critères, mais il n'y aura pas de... comme dans les coopératives. Pourquoi, par exemple… Je reviens aux EESAD. Il y a des coopératives puis des OBNL là-dedans. Et, dans un cas comme dans l'autre, ils ont des difficultés de compléter leur autofinancement, je pense qu'ils vous l'ont souligné assez bien. C'est aussi vrai pour les coopératives. Il n'y a pas de règles à ce titre-là dans la définition des coopératives. Mais une coopérative doit obligatoirement tendre à la rentabilité, donc à s'autofinancer. C'est vrai pour les coopératives, ça devra l'être aussi pour les OBNL. Mais, à quelque part, ils peuvent vivre un certain temps puis peut-être continuellement tant et aussi longtemps qu'il y a un programme spécifique pour les soutenir pour la partie non financée.

On pense, par exemple, ce que vous connaissez particulièrement, M. Spénard : les entreprises qui travaillent avec des employés qui n'ont pas 100 % d'efficacité. Vous avez une partie de l'efficacité de cet employé-là qui est comblée par une subvention de l'État. Donc, c'est un autre type de rentabilité, mais c'est une rentabilité quand même. Et on peut le retrouver en coopérative, on peut le retrouver en OBNL. Donc, moi, je pense qu'on va être dans le même mode d'analyse financier pour les coopératives et pour les OBNL à partir de là, sauf qu'il y a des particularités en termes de capitalisation pour les coopératives que n'ont pas les OBNL et un mode de gestion qui est différent dans les OBNL et les coopératives. Mais, une fois que ça, c'est défini en amont, la dimension financière, quant à moi, c'est les mêmes objectifs.

Le Président (M. Breton) : Merci, M. Fiset, merci, Mme Loubier. À moins que vous ne vouliez continuer?

M. Spénard : Oui, j'aurais une dernière question.

Le Président (M. Breton) : Allez-y.

M. Spénard : O.K. Très courte. Donc, pour créer un registre des entreprises d'économie sociale avec toutes les statistiques qui s'y rapporteraient, il faudrait axer l'étude sur la mission. Parce qu'un club de hockey peut bien être un OBNL, mais il ne ferait pas partie du registre. Donc, ça serait à partir de la mission de l'entreprise?

M. Fiset (Jacques) : À partir de la définition de ce qu'est une entreprise.

Le Président (M. Breton) : Est-ce que ça répond à votre question, M. le député de Beauce-Nord?

M. Spénard : Oui, oui. La définition n'est pas faite, là.

Le Président (M. Breton) : O.K. Bon, bien…

M. Fiset (Jacques) : On en a déjà une.

Le Président (M. Breton) : Oui, on vous remercie.

M. Spénard : Oui, c'est correct. Merci beaucoup.

Le Président (M. Breton) : Merci. Compte tenu de l'heure, je lève la séance de la commission, et elle ajourne ses travaux au jeudi 23 mai 2013, après les affaires courantes.

Bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 40)

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