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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 28 mai 2013 - Vol. 43 N° 28

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 27, Loi sur l’économie sociale


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Table des matières

Auditions (suite)

Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM)

Groupe d'économie solidaire du Québec (GESQ)

Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. (SFPQ)

Coalition des tables régionales d'organismes communautaires (CTROC)

Réseau des pôles de l'économie sociale

Mémoires déposés

Remarques finales

Mme Françoise David

M. André Spénard

Mme Kathleen Weil

M. Sylvain Gaudreault

Autres intervenants

Mme Noëlla Champagne, présidente

M. Jean Rousselle

*          M. Gaston Bédard, CQCM

*          M. Michel Gauthier, idem

*          M. Ghislain Cloutier, idem

*          M. Yvan-Pierre Grimard, idem

*          M. René Lachapelle, GESQ

*          M. Gérald Larose, idem

*          M. Louis Favreau, idem

*          M. Paul Ouellet, idem

*          M. Paul de Bellefeuille, SFPQ

*          Mme Nadia Lévesque, idem

*          Mme Catherine Charron, idem

*          Mme Claudelle Cyr, CTROC

*          M. Pierre-Philippe Lefebvre, idem

*          Mme  Lynn O'Cain, réseau des pôles de l'économie sociale

*          M. Éric Tétreault, idem

*          Mme Julie Lemire, idem

*          M. Patrick Piché, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'aménagement du territoire ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Et je vous rappelle que la commission est réunie ce matin afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 27, Loi sur l'économie sociale.

Alors, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Carrière (Chapleau) est remplacé par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Champagne) : Merci. Alors, ce matin, nous recevons le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, suivi du Groupe d'économie solidaire du Québec. Ça, c'est pour cet avant-midi. Et, cet après-midi, je vous rappelle que nous allons entendre le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires et le réseau des pôles régionaux de l'économie sociale. Et tout cela se terminera par des remarques finales. Donc, on devrait terminer autour de 18 h 15 si Dieu nous prête vie. Voilà. Je ne sais pas pourquoi, mais ça me passe comme ça dans la tête, hein? Bon. Alors, écoutez, un petit peu d'humour quand même, nous commençons la semaine avec bonheur.

Des voix :

La Présidente (Mme Champagne) : C'est épeurant. Alors, mon ministre est inquiet de ma remarque.

Alors, je vais donc inviter notre premier groupe, notre premier groupe invité, qui est le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, à vous identifier, à bien vous identifier. Et je vous rappelle que la discipline est nécessaire pour permettre à l'enregistrement de bien vous capter… donc, me permettre de vous donner la parole afin qu'on puisse enregistrer correctement vos propos et que les propos aillent à la bonne personne. Alors, Monsieur, je pense, Bédard, au départ, va donner son titre et présenter ses invités.

Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM)

M. Bédard (Gaston) : Merci, Mme la Présidente. Je comprends, juste avant d'introduire, vous n'avez pas l'intention de nous garder jusqu'à 18 h 15, ce soir.

La Présidente (Mme Champagne) : Non, non, non. Je vais vous accorder l'heure prévue.

M. Bédard (Gaston) : Merci beaucoup. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, mon nom est Gaston Bédard, comme on vous l'a mentionné, je représente le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité à titre de directeur général. Je suis accompagné par deux élus au conseil, trois personnes également, que je vais vous présenter.

À ma droite, M. Ghislain Cloutier, qui est membre de l'exécutif du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Il est aussi premier vice-président de La Coop fédérée et qui, il faut se le rappeler, est le cinquième employeur le plus important au Québec. M. Cloutier est également président du conseil d'administration de SOCODEVI, c'est une de nos organisations internationales. Au Québec, on sait qu'on aide beaucoup sur le plan international dans le domaine de la coopération et de la mutualité. M. Cloutier préside déjà depuis plusieurs années SOCODEVI, le conseil international de développement coopératif en provenance du Québec.

À ma gauche, M. Michel Cloutier...

Une voix : Gauthier.

M. Bédard (Gaston) : Gauthier. Cloutier! Excusez-moi. M. Gauthier. M. Gauthier est premier vice-président au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Tout à l'heure, je vais parler du CQCM, là, pour que ce soit plus rapide. Il est également président d'une CDR, une coopérative de développement régional. Et M. Gauthier représente officiellement, au conseil, Promutuel, qui, je vous le rappelle, est la plus vieille mutuelle au Québec. Elle a, je crois, 161 ans, est très en vie encore aujourd'hui. Donc, on m'a dit : Pas la plus vieille, mais celle qui a le plus d'existence.

Et aussi, à mon extrême gauche, M. Yvan-Pierre Grimard, qui représente aussi un de nos membres au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, le Mouvement Desjardins, qui est — je sais que vous le savez déjà — l'employeur privé le plus important en termes d'emplois ici, au Québec.

• (10 h 10) •

Je vais rentrer, si vous me permettez, rapidement dans le sujet, parce qu'habituellement on a une dizaine de minutes maximum pour faire une courte présentation des éléments qu'on veut faire ressortir de notre mémoire et, par la suite, procéder à une période de questions. À la demande de mes confrères, on m'a demandé de vous faire la brève présentation de quelques minutes et, par la suite, bien, on pourra ensemble répondre à vos questions, si questions il y a, bien sûr.

Juste vous dire en entrée de jeu que, pour nous, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, je le rappelle, on l'a déjà mentionné dans le passé, on reçoit bien, positivement, ce projet de loi qui met en valeur les entreprises d'économie sociale, pour nous, les entreprises coopératives mutualistes et aussi les associations à activité marchande. Donc, c'est certainement un plus pour l'économie du Québec de mettre en valeur ces organisations.

Nous sommes d'ailleurs très présents dans le paysage du Québec. De plus, je l'ai mentionné tantôt avec la présentation de... la présentation de M. Gauthier au niveau de la mutuelle, près de 160 ans que nous sommes présents dans le paysage québécois. Ce n'est pas nouveau, l'économie sociale au Québec, ça fait 160 ans. On en parle de façon beaucoup plus intense, plus soutenue depuis quelques années.

Je pense qu'on a des enjeux importants comme société. On s'est dit : Peut-être que les entreprises d'économie sociale — de façon, pour nous, plus particulière, les coopératives, les mutuelles — sont une réponse. Sûrement. Elles l'ont été dans le passé et sont sûrement une réponse à des nouveaux enjeux de société. On parle du vieillissement de la population, mais on parle aussi du partage de la richesse, qui est de plus en plus important et préoccupant partout, et aussi s'assurer que les régions restent bien peuplées, bien dynamiques, bien vivantes. Et les coops sont installées un peu partout et les mutuelles, en région comme en ville, dans les 17 régions du Québec, très vivantes. Elles font preuve aussi de beaucoup d'innovation en mettant en place de nouvelles formes d'entreprises dans le modèle coopératif et mutualiste.

Juste se rappeler, au Québec, puis je suis sûr que vous connaissez les chiffres, mais actuellement, les actifs du monde coopératif, c'est autour de 250 milliards. C'est près de 100 000 emplois, 92 000 qu'on recense, un peu plus... emplois au Québec. C'est 3 300 coopératives dans tous les secteurs d'activité, une quarantaine de secteurs d'activité. Et le rôle du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, qui existe depuis 1940, c'est un rôle de concertation, de représentation, d'unir nos forces ensemble sur des actions en matière de développement socioéconomique.

Vous le savez sûrement, mais je le répète à nouveau, les entreprises coopératives, dans le temps, elles ont deux fois plus de succès en termes de viabilité, elles durent dans le temps par rapport à l'entreprise traditionnelle. Elles durent... On va prendre des exemples ici. J'ai 62 %, après cinq ans, des entreprises qui sont encore très vivantes dans le mode coopératif, ce qui est le double des entreprises traditionnelles. Et, après 10 ans, les chiffres sont semblables aussi, le double de l'entreprise traditionnelle. C'est encore très vivant.

Maintenant, je vais arriver directement, si vous me permettez, au projet de loi. On l'a mentionné déjà, ce projet de loi représente pour nous, le monde coopératif et mutualiste comme l'ensemble des acteurs de l'économiesociale, une reconnaissance de l'importance dans l'environnement socioéconomique du Québec d'aujourd'hui… d'hier, bien sûr — ça a été dit, redit — d'aujourd'hui et aussi pour relever les défis de demain.

Au Québec, nous, on est fiers — puis juste un petit mot là-dessus — de parler d'une économie plurielle. Vous avez souvent entendu ce terme, privé, public et aussi cette troisième voie de l'économie plurielle qui sont les entreprises d'économie sociale. Et on croit à cette forme. On ne pense pas qu'on doit aller d'un extrême ou à un autre, on pense juste qu'il faut qu'il y ait un heureux partage de l'ensemble de ces organisations à la fois publiques, à la fois privées puis à la fois aussi d'économie sociale, coops et mutuelles. Ils s'interinfluencent. Si on a une bonne dose de chacun dans l'économie, ils peuvent s'interinfluencer. Ainsi, on a un monde meilleur, où chacun s'influence sur leur gouvernance et leur finalité.

Il faut se rappeler que le monde coopératif, ce sont des entreprises à activité économique dans un marché où il y a de la libre concurrence, où on doit performer, mais avec cette différence fondamentale, cette différence que c'est à finalité sociale, l'ensemble des coopératives au Québec. Nous, on apprécie, dans le projet de loi, que le MFE soit aussi conjointement responsable dans l'administration de cette loi. Nous, ça nous rassure aussi parce qu'on a toujours, à ma connaissance, relevé du ministère des Finances et de l'Économie par nos finalités, par nos structures, par nos modèles d'organisation, par nos programmes aussi, on en a relevé de… Donc, qu'il y ait une administration conjointe, ça, c'est apprécié.

Je veux vous rappelais, tout à l'heure, je vous ai parlé qu'on était dans plusieurs secteurs d'activité, une quarantaine de secteurs d'activité. Dans le mémoire, sûrement que vous l'avez remarqué, on est aussi dans l'ensemble des régions du Québec et dans plusieurs secteurs… dans l'ensemble des 17 régions du Québec. Souvent, on se pose la question par rapport aux territoires : Est-ce que les coops sont là? Oui, effectivement, elles sont très présentes dans l'ensemble des territoires puis assurent, comme ça a été le cas depuis longtemps, assurent une bonne présence, un bon ancrage, une bonne vitalité de nos territoires.

Maintenant, je vais revenir sur quelques préoccupations. Malgré que, pour nous, c'est un projet qui est très intéressant, qui permet — ce qu'on en a compris — pour les différents ministères, pour le gouvernement, de travailler à ce qu'il soit davantage intégré au niveau des différents programmes, davantage adapté, avec des redditions de compte… ça, ça nous plaît. Là-dessus, au lieu de travailler avec un ministère qui a de la misère à nous comprendre sur des programmes qu'il essaie de mettre en place ou avec un autre, il va y avoir comme un lieu où on va pouvoir partager ça, surtout qu'on apprécie… Puis je vais y revenir, sur la table des partenaires, où c'est un lieu d'influence ou, tout au moins, un lieu consultatif.

Mais, au niveau du titre de la loi, on en a parlé à plusieurs reprises, pour nous, encore ce matin, ça nous fait problème. Je vais essayer de l'expliquer en quelques mots, puis, après ça, on répondra à des questions. Seulement, le titre qui est libellé, la loi, qu'on retrouve un peu partout, une tendance… puis on n'a pas de besoin qu'on nous le rappelle, on le sait, une tendance internationale... Le titre de la loi sur l'économie sociale, quand qu'on pose la question à nos membres, qu'on pose la question à nos populations, ce que les gens nous disent encore : On a l'impression que ce n'est pas des entreprises économiques à finalité sociale, on a l'impression que c'est d'autres formes d'entreprises, davantage des entreprises qui vivent plus comme des fondations, du communautaire, des entreprises importantes pour notre société, mais ce n'est pas des entreprises d'économie sociale au sens où on veut leur donner. Et de un.

Je l'ai rappelé tout à l'heure, nous, on est des entreprises, le monde coop et mutuel, économiques à finalité sociale. Puis je ne veux pas être confondu dans nos propos. C'est clair au conseil d'administration, quand on en parle entre nous, notre finalité, c'est social. Notre finalité, ce n'est pas l'optimisation du capital. La rentabilité, c'est strictement pour assurer notre développement, pour assurer qu'on reste encore en vie dans le temps puis qu'on puisse continuer à compétitionner. Puis l'argent ou les réserves qui sont accumulées, elles deviennent, comme les milliards de réserve qui sont accumulés actuellement dans le monde coopératif et mutualiste, la propriété collective des Québécois et des Québécoises. Pour nous, ça, c'est très, très important, c'est inaliénable. On espère qu'il n'y aura jamais rien dans le temps qui va changer cet aspect des choses de nos entreprises coopératives et mutualistes.

Je reviens également au niveau du nom. C'est qu'en fait il y a aussi, et je le dis respectueusement, une autre organisation où, quand qu'on parle d'économie sociale, on réfère au Chantier de l'économie sociale, et ça crée de la confusion. Et on a une loi sur l'économie sociale, des coops qu'on veut ramener puis on a aussi un deuxième représentant, que vous citez bien, puis qu'on apprécie, quand vous parlez du CQCM, qu'on apprécie… un deuxième représentant qui est le chantier, et le conseil, et une loi d'économie sociale. On va avoir de la misère à se retrouver. Ça crée de la confusion au départ, Ça aussi, on veut vous le soumettre respectueusement.

Ça fait que, ça, on dit, que, dans le nom, pour les différentes raisons qu'on vous a mentionnées et aussi pour garder notre monde coopératif et mutualiste bien mobilisé, mobilisé à ce qu'on fait actuellement et ce que vous attendez du monde coopératif, à continuer à développer, à s'inscrire dans les enjeux régionaux, il faut les garder mobilisés, il y a un nom qui irait davantage les chercher, les garderait assurément mobilisés. On pourra tantôt répondre, avec l'aide, bien sûr, de mes confrères, à des questions.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, merci, M. Bédard. À moins que vous ayez encore un peu de temps et que le ministre soit d'accord… C'est que le temps qui vous est alloué est terminé. M. le ministre.

M. Gaudreault : Bien, c'est parce que ça va couper sur nos temps d'échange. Mais je pense que ça va permettre... de toute façon, les questions vont permettre aux invités...

La Présidente (Mme Champagne) : Oui. Alors, on va procéder à la période d'échange. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

• (10 h 20) •

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci, merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, je tiens à saluer les collègues qui sont présents ici aujourd'hui. Alors, on est de retour en cette commission. Je pense que c'est la dernière journée de nos travaux, Mme la Présidente, et des travaux extrêmement enrichissants. Je sais que vous les avez suivis avec attention. Je tiens à vous saluer aussi, MM. Bédard, Gauthier, Cloutier, Grimard. Merci beaucoup d'être ici. On s'est déjà rencontrés, entre autres pour la préparation, justement, du projet de loi ou dans d'autres contextes également. Je veux vous remercier pour vos commentaires toujours constructifs et le sérieux qu'on vous connaît mais que vous avez encore une fois fait refléter dans votre mémoire que vous nous avez déposé.

Et je veux surtout vous dire que j'apprécie beaucoup votre appui au projet de loi, sur le fond du projet de loi. Je comprends que vos commentaires, et vos recommandations, vos suggestions sont davantage sur la mécanique, puis je ne veux pas le dire en étant... en minimisant cela, parce que souvent c'est par les accessoires qu'on réussit à faire quelque chose, à faire atterrir quelque chose de bien et de très bien. Mais je comprends que, sur le fond... sur leprincipe — on va dire ça comme ça — du projet de loi, vous êtes entièrement en accord, et je veux vous remercier pour ça, puis je veux également le saluer et le dire publiquement.

Vous me permettrez de revenir sur le titre du projet de loi, parce que ce n'est pas la première fois qu'on en entend parler ici, il y en a d'autres qui sont intervenus. Et vous avez suivi les travaux, vous avez vu les réponses des différents groupes là-dessus. De l'externe, pour le public en général, il pourrait paraître futile de s'interroger autant sur le titre d'un projet de loi, mais je comprends qu'il y a des préoccupations à l'interne. Et, quand je dis «à l'interne», c'est autant chez vous que chez d'autres partenaires, qu'à l'intérieur du ministère, qu'ici, en commission. Le titre donne quand même une orientation, le titre donne quand même une façon de voir les choses, mais le titre n'est pas non plus désincarné du contenu de la loi comme tel. Je veux dire, il y a le titre puis il y a le reste de la loi, et les deux sont interreliés.

Alors, moi, j'aimerais que vous me disiez, quand on regarde les considérants de la Loi sur l'économie sociale, particulièrement le quatrième et le cinquième, quand on dit, par exemple, que «ces entreprises sont fondées sur des valeurs collectives qui se traduisent de manières variées dans leur structure et leur mode de fonctionnement», quand on dit également que «la plupart de ces entreprises sont regroupées au sein de deux grandes organisations», le chantier et le CQCM... Et, en passant, je dois dire qu'il est rare qu'une loi inclue des considérants à l'intérieur même de son texte, ce qui dénote déjà le caractère spécial, le côté cadre de la loi. Quand on parle d'une loi-cadre, là, ça s'exprime, entre autres, par le fait qu'il y a des considérants qui apparaissent, donc il y a déjà là un signal.

Et l'autre élément, au-delà des considérants, c'est aussi l'article 3, la définition d'«économie sociale». On a eu plusieurs représentations, là, pour le modifier un peu, puis on pourra y revenir. Mais globalement, dans la définition qui est là, entre autres, le dernier alinéa, c'est : «…une entreprise d'économie sociale, [c'est] une entreprise dont les activités consistent notamment en la vente ou l'échange de biens ou de services et qui est exploitée, conformément aux principes énoncés au premier alinéa, par une coopérative, une mutuelle ou un organisme à but non lucratif.» Moi, je veux savoir, là, au-delà du titre, est-ce que vous vous reconnaissez dans ce que je viens de vous dire, les considérants, dans cette définition-là, qui sont, au fond, beaucoup plus l'épine dorsale, qui sont beaucoup plus conséquents que le titre? Je voudrais savoir si vous vous reconnaissez là-dedans.

La Présidente (Mme Champagne) : M. Bédard.

M. Bédard (Gaston) : Oui. Je peux débuter la réponse. Ma réponse, ça va être oui au départ. Ça, c'est d'emblée, puis je l'ai dit en entrée de jeu, je pense qu'on a apprécié les considérants, je pense, c'est suite à des échanges ou autres. Ça, c'est clair, dans la définition, on s'y retrouve.

La seule modification qu'on demande à la définition, c'est d'ajouter un élément qui touche, vous l'avez un peu dit, sans... ajouter cet aspect, pour que ce soit plus clair, de viabilité, de recherche de viabilité économique à long terme, ce qui n'empêche pas d'avoir des supports, comme c'est le cas pour les entreprises traditionnelles. Je pense qu'il faut... Là-dessus, on est aussi confortables s'il y avait cet ajout-là. C'est dans le titre… Puis je reviens, sur le fond, c'est sûr qu'on est confortables.

Sur le titre, j'y reviens, c'est qu'il y a de la confusion actuellement dans le marché versus ce que nous-mêmes, au Québec, on a créé, ce que, dans d'autres pays, ils n'ont pas. Puis, comme vous le dites vous-mêmes, à la fin de l'article 3, puis c'est très bien énoncé, on parle de coops, de mutuelles, d'associations à activité marchande. À ce moment-là, pourquoi qu'on n'appelle pas... Puis on pourrait innover au travers le monde. Pourquoi qu'on n'appelle pas un projet de loi qui nous représente davantage par rapport à ce qu'on énonce même dans la loi?

C'étaient nos préoccupations. Puis je reviens sur l'aspect aussi de confusion qu'on a au Québec par rapport à différentes organisations qu'on a mises en place, qui est le chantier versus le CQCM. Ça, ça apporte de la confusion qui va demeurer. Vous savez, jusqu'à maintenant, M. le ministre, quand on parle d'économie sociale au Québec, on parle... puis qu'on demande des gens qui représentent l'économie sociale au Québec, puis que, dans vos propres programmes… on parle du chantier.

Puis, si vous me permettez, je vais juste donner un exemple concret. Un des programmes en économie sociale qui est important, c'est le programme... le PIEC, un beau programme, le Programme d'infrastructures en entrepreneuriat collectif, qui est normalement un programme pour l'ensemble des acteurs de l'économie sociale, dans des balises bien définies, pour ne pas qu'il soit utilisé tous azimuts, ça, on le comprend. Le monde coop a plus ou moins accès à ce programme-là. Il a accès, on pourra me dire, moyennant certaines modalités. Il faut avoir un accord des représentants des pôles, qui sont les représentants locaux du chantier. Il faut aussi un peu se dénaturer, c'est-à-dire qu'il ne faut plus que ce soient des vraies coops, il ne faut plus ristourner. Là, il y en a d'autres exemples comme ça.

Ça fait que je pense que, la loi, on l'a dit depuis le début puis on le redit, au nom du conseil, on est très favorables sur le fond, c'est une intention extraordinaire, mais il faut, pour nous, pour rester mobilisés là-dedans, peut-être corriger certaines choses. Puis je reviens sur le nom qui doit vous irriter sûrement, même si vous ne le démontrez pas physiquement, parce qu'on y revient souvent, mais ça dépasse juste de la sémantique. Je vous le redis puis je ne suis pas le seul à en parler. M. Cloutier ou M. Gauthier?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Gauthier et M. Cloutier. Alors, on va commencer par M. Gauthier et, suite à ça, M. Cloutier.

M. Gauthier (Michel) : Alors, moi, vous savez, le titre, pour moi, c'est important parce qu'on définit souvent l'ensemble d'une chose par le titre. Si on a le titre d'une chanson d'amour, bien, immédiatement, dans mon titre, je m'imagine un petit peu que ce qu'il y a dedans reflète, qu'on va parler d'amour, il n'y a pas de haine et... Donc, le titre, pour moi, il est immédiatement... il crée déjà un cadre à l'intérieur de moi. Et ça, pour moi, quel que soit le titre, c'est ce que je regarde en premier. Souvent, ce qui va nous intéresser dans la lecture d'un journal ou dans n'importe quoi, c'est le titre. Donc, le titre prend une importance extrêmement grande.

La deuxième partie, je trouve ça important, dans ce titre, qu'on soit reconnus parce que je pense que l'ensemble des partenaires du CQCM représentent tout près de 80 % de l'ensemble de l'économie sociale. Donc, je trouve ça frustrant comme mutuelle, j'imagine que d'autres sont comme ça, de se voir un peu... pas ignorés, parce que, vous avez raison, dans des considérants, on est là, mais, dans le premier titre, qui intéresse les gens, c'est un petit peu comme si on était mis un petit peu de côté lorsqu'on représente l'ensemble, je crois, des porteurs très importants à tous les niveaux du CQCM, et de la coopération, et de la mutualité, et de l'économie sociale.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Gauthier. Puis il y a M. Cloutier, je pense, qui voulait renchérir là-dessus.

• (10 h 30) •

M. Cloutier (Ghislain) : Je pense que ce qui est important dans une loi qui se veut, dans ses considérants et dans sa façon d'être, inclusive, de l'être également dans son titre. Et, pour nous, on a l'impression qu'on n'est pas inclus dans la loi juste par le titre, et ça va nous obliger à être prudents sur toutes les facettes d'application de cette loi parce qu'on ne se sent pas inclus au départ. Et je pense que c'est là important pour une économie qui représente quand même une très grande économie pour le Québec, le mouvement coopératif du Québec, et de se sentir inclus dans une loi-cadre, quand même pas une loi quelconque, c'est une loi-cadre qui se veut définir un principe important pour la société québécoise, l'économie sociale coopérative et mutualiste, ça semble si facile pour moi. Merci.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre, est-ce que c'est facile pour vous?

M. Gaudreault : Oui. Oui, oui, c'est facile pour moi. Puis effectivement je ne suis pas le genre à manifester physiquement mes inconforts, soyez rassuré là-dessus. Je fais très bien la part des choses.

Mais je veux quand même insister un peu là-dessus. On a fait un tour un peu d'horizon, là, de ce qui se fait à l'intérieur... je veux dire, ce qui se fait ailleurs dans le monde, là, puis on constate, que ce soit, par exemple, en Espagne, en France, au Luxembourg, en Wallonie, au Mexique, au Brésil, en Argentine, au Portugal — beaucoup de pays d'origine latine, là — on parle de la Loi sur l'économie sociale. Je comprends que vous, vous plaidez pour qu'on marque notre différence au Québec, mais, en même temps, en même temps c'est un mouvement international, ça, vers l'économie sociale, vers une reconnaissance de ce troisième secteur de l'économie, après l'économie publique, l'économie marchande, puis un secteur, en plus, au niveau international — puis on en a parlé lors du sommet sur les coopératives au mois d'octobre, là — qui a plus résisté aux effets néfastes de la crise mondiale. Bon, bien, c'est mondial, alors le Québec doit s'inscrire aussi dans cette mouvance.

Puis, deuxièmement, est-ce que, a contrario de ce que vous dites, d'ajouter, par exemple, «coopérative et mutualiste» dans le titre, alors que vous plaidez pour plus de clarté, moins de confusion, est-ce qu'au contraire, justement, ça ne serait pas encore plus de confusion parce qu'on maintiendrait cette espèce de flou artistique entre l'économie sociale, le monde coopérativiste, le monde mutualiste? Est-ce qu'on ne doit pas, à un moment donné, faire un pas et dire : Bien, on s'assume puis on va au bout de l'idée et, dans le fond, ce qui compte, c'est le contenu et les programmes?

Puis, vous savez, sur la question, par exemple, de l'adaptation du PIEC aux coopératives, aux mutuelles, vous n'êtes pas les premiers à nous lever ce feu orange… ou ce feu jaune, là, et moi, je ne suis pas fermé du tout, là — puis d'ailleurs on va reparler tout à l'heure du plan d'action — moi, je ne suis pas fermé du tout à… Au contraire, là, je suis très ouvert à regarder une meilleure bonification de ces programmes-là pour que toutes les entreprises coopératives et mutuelles y soient accessibles aussi, là. Alors, ça, pour moi, c'est autre chose. Donc, jusqu'à quel point la question du titre est, pour vous, un frein à embarquer dans le projet d'une loi-cadre?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Bédard.

M. Bédard (Gaston) : Je vais introduire, si vous me permettez, Mme la Présidente. Peut-être M. Grimard voudrait ajouter, à votre convenance, par la suite. Écoutez, je vais juste vous rappeler que, dans le... Parce que j'ai fait... on a fait un balisage aussi, puis je suis loin de vous contredire, bien au contraire. Vous êtes bien informé de ce qui se passe sur la planète. Et on a fait un petit peu de recherche, et effectivement il y a comme une grande tendance, qu'on reconnaît bien, sur l'économie sociale. Sauf que, pour avoir encore jasé avec des gens, hier, de l'étranger, où leur projet de loi n'est pas passé, ils ont d'autres enjeux, mais ils n'ont pas cet enjeu de nous, de confusion, où en quelque part on a — puis je vous le rappelle — un chantier de l'économie sociale qui, à tort ou à raison, représente… ils sont appelés pour représenter l'économie sociale et l'enjeu où le monde coopératif et mutualiste, qui, à quelques fois, ont aussi été appelés pour représenter l'économie sociale, mais plus souvent pour parler des coopératives et des mutuelles.

Je ne veux pas aller plus loin juste dans ma réponse, mais c'est vrai qu'il existe une tendance. Mais il y a aussi des titres qui ne sont pas tous les mêmes partout, là, même s'il y a un grand mouvement. Puis, dans les acteurs de l'économie sociale, il y a aussi des questionnements. Je pense que, nous, ici, au Québec, puis ça, c'est une valeur noble et qu'on apprécie beaucoup de votre projet de loi, on a mieux circonscrit les entreprises visées par cette loi. Ça, pour nous, on le reconnaît.

Dans le titre, je pense, autant M. Gauthier l'a dit tout à l'heure que M. Cloutier, c'est que, pour nous, ça ne nous interpelle pas pour l'instant à cause de cette confusion-là également. Si, demain matin, il n'y avait pas… S'il n'y avait pas eu cette confusion, où on serait? Écoutez, peut-être qu'on aurait à revoir, à se requestionner. Pour l'instant, on ne le voit pas. Ça a créé cette division qu'on souhaite tranquillement refaire.

La Présidente (Mme Champagne) : …que M. Grimard voulait s'exprimer, si je ne me trompe pas?

M. Grimard (Yvan-Pierre) : Peut-être rajouter un petit... Mme la Présidente, merci beaucoup. Peut-être pour ajouter à ce que M. Bédard vient de dire. Bien, effectivement, lorsqu'on regarde le contenu du projet de loi n° 27, alors, à plusieurs endroits, on remarque, là, la distinction entre les organismes à but non lucratif, les coopératives et les mutuelles. Alors, notre proposition, on pense que... ferait en sorte d'harmoniser le titre de la loi avec son contenu d'une part, et ça permettrait aussi probablement de réduire la confusion que M. Bédard... sur laquelle M. Bédard vous entretenait un peu plus tôt, dans la mesure où on aurait l'économie publique, comme M. le ministre l'a dit tout à l'heure, l'économie marchande, que nous connaissons, et, au Québec, la troisième voie, bien, ça serait l'économie sociale, coopérative et mutualiste. Effectivement, ça serait peut-être un peu original, on se démarquerait peut-être un peuavec ça, mais pourquoi pas? À partir du moment où on se comprend mieux, c'est les résultats qui comptent en bout de piste.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Alors...

La Présidente (Mme Champagne) : En une minute, M. le ministre.

M. Gaudreault : C'est tout ce qu'il me reste?

La Présidente (Mme Champagne) : Absolument!

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Champagne) : Ça passe tellement vite, ça n'a pas de sens!

M. Gaudreault : Écoutez, je… Oui, j'en perds mes mots. Parce que j'aurais eu encore pour... j'en aurais jusqu'à six heures, ce soir...

La Présidente (Mme Champagne) : Ah! Vous avez le droit de les réinviter.

M. Gaudreault : ...à vous questionner. Mais, de toute façon, on va se reparler. Écoutez, j'aurais... En une minute, aller où? La table. Vous nous parlez de la... À votre annexe 3, là, vous essayez de... bien, pas «vous essayez», vous illustrez ce qui est pour vous la proposition de représentation à la table des partenaires, et on dirait qu'il manque une barre. Je ne sais pas si c'était votre logiciel. Mais je suis un peu déçu de ne pas voir... Parce que je comprends le lien que vous avez avec le ministère des Finances et de l'Économie, qui est maintenu, puis on le reconnaît, puis je suis... là-dessus, il n'y a pas de problème. La Loi sur les coopératives relève du ministère des Finances et de l'Économie; aucun problème avec ça. Mais j'ai l'impression que c'est comme trois silos. Il ne devrait pas y avoir un lien, au moins ici, là, entre les deux ministères, MAMROT et Économie, et, ici, avec le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, un lien transversal comme ça ou comme ça? Parce que j'ai l'impression que ce n'est pas assez intégré.

La Présidente (Mme Champagne) : La question est bonne. Est-ce qu'en 30 secondes, M. Bédard, vous êtes capable de répondre?

M. Bédard (Gaston) : Oui. Surtout, retenez le concept. Le concept qu'on a essayé d'élaborer là-dedans… Parce que ça, ça peut être revu, comme vous le dites, puis on est très confortables à inclure ou à intégrer les ministères que vous avez parlé en amont. Le concept qu'on a voulu présenter là-dedans, c'est surtout la représentation. Si, demain matin, vous souhaitez que c'est une table consultative — ça, on apprécie le mot «consultatif» — qui représente le CQCM, des millions de membres, des milliers d'entreprises, il faut juste que ça soit représentatif pour que vous puissiez entendre leurspréoccupations, leur confort, ou leur inconfort, ou le... C'est surtout ça qu'on a voulu faire ressortir dans ce concept-là, puis c'est pour ça qu'on a ajouté quelques éléments de définition. Donc, des modifications qui vont dans le sens de ce qu'on vient de vous parler en termes de concept, on serait très confortables, M. le ministre.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Bédard, Alors, malheureusement, c'est tout le temps que nous avions avec la partie ministérielle. Alors, nous allons passer au deuxième groupe, l'opposition officielle, avec la députée de Notre-Dame-de-Grâce, pour un peu plus de 20 minutes... 16 à 17 minutes, là. On va vous donner le même temps que... dans une répartition équitable.

• (10 h 40) •

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. À mon tour de saluer le ministre et les députés, tous mes collègues députés et aussi vous saluer, M. Bédard, M. Gauthier, M. Cloutier, M. Grimard, très heureuse de vous recevoir aujourd'hui. Étant donné que vous êtes un des deux interlocuteurs privilégiés, c'est important de vous poser des questions.

Je vais revenir brièvement sur les questions du ministre sur le titre, parce qu'on a vraiment eu deux points de vue, hein, deux points de vue, évidemment le Chantier d'économie sociale, mais, au-delà du Chantier de l'économie sociale, il y avait M. Claude Béland, il y avait aussi... c'est Mme Marie Bouchard, qui est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie sociale, et beaucoup d'autres, lorsqu'on leur a posé cette question... Et on comprend très bien. Vous n'êtes pas les seuls non plus à vouloir un titre que, vous, vous appelez «inclusif», évidemment, parce que vous êtes nommés, et l'importance que vos membres se reconnaissent. Parce que le titre d'une loi est important. C'est évidemment… C'est évident que c'est important, ça doit évoquer un peu l'esprit de la loi.

Mais l'argument des autres, c'était que l'économie sociale et les acteurs de l'économie sociale, c'est un peu en mutation. Et c'était l'argument un peu de Claude Béland, c'est qu'on va voir d'autres formes peut-être éventuellement émerger et que c'était important d'avoir une loi quand même qui allait favoriser peut-être aussi, avec une vision et des valeurs bien, bien clarifiées dans l'avant-projet ou dans ce projet de loi-cadre… mais que c'était, donc, un mouvement qui était peut-être appelé à se muter un peu avec le temps. Donc, lui prônait donc, en réponse à la question que je lui avais posée, un titre qui permettait, donc, ce mouvement.

Et vous, vous dites, je pense que je l'ai vu un peu dans votre mémoire… vous faites partie de l'économie sociale, vous le dites, vous vous reconnaissez. Est-ce qu'il n'y aurait pas un risque, si on commence à nommer... Parce que, de la manière que vous le proposez dans votre recommandation, c'est finalement un titre comme les autres : loi sur l'économie sociale, coopérative et mutualiste. C'est comme si vous ne faites pas partie de l'économie sociale, si on le dit comme ça. Ça prendrait un «notamment» ou quelque chose, parce que, dite comme ça, c'est comme si c'est l'économie coopérative, l'économie mutualiste et que ça ne fait pas partie de l'économie sociale.

Et donc, quant à cette question, ce qu'on a dit, un peu comme le ministre, est-ce que, juste le fait d'avoir dans les considérants et une bonne définition, avec le temps vos membres vont se reconnaître avec l'usage, avec... Bon. Alors, je vous demanderais de revenir… Mais on va y aller brièvement, donc. Et l'inclusivité, vous, vous l'avez mentionnée comme : si on vous nomme, le projet de loi est plus inclusif. D'autres ont dit que d'avoir un titre qui est plus large est plus inclusif… Parce que ça pourrait aussi inclure tous ceux qui, selon la définition qu'il y aura dans l'avant-projet de loi et les considérants, vont se reconnaître dans l'économie sociale.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Bédard.

Mme Weil : Oh! Excusez-moi.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui.

Mme Weil : Je pourrais ajouter aussi... Pardon, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, allez-y.

Mme Weil : Il y a le projet de loi de l'Espagne. Je pense que le ministre a évoqué aussi d'autres lois. Il y a la France qui parle de l'économie sociale et solidaire. Mais, en Espagne, on parle de l'économie sociale, mais aussi, là aussi, c'est tous les mouvements. Je comprends votre argument par rapport au Chantier de l'économie sociale puis que c'est un peu à cause de ça que certains se sentent exclus. Mais, une dernière fois...

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Bédard.

M. Bédard (Gaston) : Si vous permettez, Mme la Présidente, je vais introduire très brièvement… La réponse, ça va être non à votre question.

Une voix : ...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Bédard (Gaston) : ...si on ne se sentirait pas exclus par le fait qu'on ait un nom qui est un peu plus long? J'y réponds : Non, désolé. Mais je vais expliquer en quelques mots. C'est que, tant qu'on aura cette confusion qu'on a des acteurs qui représentent l'économie sociale comme on l'a installée au Québec, ça va rester confus, et nos membres ne progresseront pas nécessairement vers ça parce qu'il y a déjà d'autres organisations qui existent, qui représentent ce volet-là. Ça, c'est la première partie à votre question.

Vous avez cité M. Béland et d'autres personnes. Je fais juste vous rappeler... Je ne veux pas reprendre les propos de M. Béland. Bien sûr, j'ai suivi la commission avec beaucoup d'intérêt… et des opinions variées et intéressantes. Mais c'est juste se rappeler également qu'aujourd'hui le monde de l'économie sociale, c'est un monde qui ne répond pas juste à des besoins physiologiques de premier niveau où, en quelque part, s'il n'y a pas d'assurance, il y a une mutuelle qui s'est installée voilà 160 ans, il faut lui répondre. Aujourd'hui, aussi on essaie de faire quelque chose de plus collectif qui appartient à l'ensemble des gens collectivement. Ça fait que juste dire qu'on a aussi évolué comme mouvement social, entreprise sociale, comme mouvement coopératif mutualiste.

Je reviens sur une petite chose, si vous me permettez, Mme la Présidente, suite aux propos de Mme Weil. Le titre, M. le ministre, c'est une suggestion. C'est le concept, encore là qu'on tient, de mieux voir l'aspect du monde coopératif et mutualiste. On a déjà échangé avec différentes personnes sur des appellations qui peuvent se promener puis qui respectent ce que vous dites. Exemple, je l'avance, même s'il n'est pas dans notre mémoire : une loi en économie sociale reconnaissant l'entrepreneuriat coopératif, collectif... pas collectif, excusez, mutualiste et associatif. On sait que ça fait quelque chose qui est trop complexe, peut-être trop long. Juste vous dire qu'il faut penser à mieux inclure cet aspect coopératif et mutualiste, surtout dans le contexte québécois actuel.

Mme Weil : S'il vous plaît?

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Les titres longs, c'est... Honnêtement, j'ai fait beaucoup de projets de loi avec des titres longs pour les mêmes raisons, pour les mêmes raisons, parce qu'on veut que ça décrive quelque chose pour les gens, que les gens se reconnaissent là-dedans. Pouvez-vous juste le répéter, le titre qui flotte dans votre milieu?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Bédard.

M. Bédard (Gaston) : Loi sur l'économie... Bien, écoutez, on ne l'a pas mis dans notre projet de loi...

Mme Weil : Non, mais...

M. Bédard (Gaston) : Ce n'est pas partagé à notre conseil d'administration parfaitement, c'est des échanges informels qu'on a eus : une loi sur l'économie sociale soutenant l'entrepreneuriat coopératif, mutualiste et associatif. Déjà, on décrit.

Mme Weil : Très bien, merci. On va aller sur la recommandation 2. Donc, vous, vous parlez d'autonomie économique — d'autres ont parlé de rentabilité, autonomie financière, viabilité — et vous parlez de prospérité durable. Juste… parce qu'on n'a pas eu l'occasion de beaucoup en parler, juste dire un mot sur l'importance de ces concepts pour vous, les deux. Et vous n'êtes pas les seuls. Je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup d'organismes qui ont... pas nécessairement la prospérité durable, ça, c'est un peu nouveau, mais l'autonomie, ou la rentabilité, ou l'autonomie financière.

La Présidente (Mme Champagne) : M. Bédard.

M. Bédard (Gaston) : Oui. Ça a été soulevé brièvement tout à l'heure, c'est que, pour nous, au fil des années, on s'est aperçu, si on veut vraiment prendre une véritable place, passer au travers des crises, de ne pas dépendre du monde, gouvernemental ou autre, il faut concourir à cette autonomie financière. Tout comme les autres entreprises… Je ne veux pas créer de confusion, comme toutes les autres entreprises traditionnelles, on a besoin de support, on a besoin d'éléments qui nous motivent, des éléments qui prennent une part de risque pour partir, pour innover, mais il faut tendre vers cette autonomie dans le temps. Puis c'est ce qui fait que les grandes organisations coopératives et mutualistes actuellement, au Québec, sont encore très… très vivantes.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Merci, Mme la Présidente. On va revenir sur la table des partenaires. Donc, vous, vous proposez, donc, une table nationale, mais aussi une table régionale. Peut-être vous entendre là-dessus. Vous parlez d'une représentation juste de la table? «Juste», c'est-à-dire équitable, dans ce sens-là?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Bédard.

M. Bédard (Gaston) : Représentatif. Je vais… plutôt, si vous me permettez, sans reprendre votre propos, plus «représentatif». Je l'ai un peu dit tout à l'heure. Nous, on aime beaucoup l'idée d'une table de… une table de partenaires, comme vous l'avez appelée, M. le ministre. On aime beaucoup l'idée de cette table-là. Une table consultative, on aime ça, on dit qu'on va aller chercher l'idée des gens, aller les sentir. Mais qu'elle soit représentative du monde qu'on représente, ça, c'est important.

Vous savez qu'on n'est pas en égalité, on est en équité, puis ça, c'est un concept différent, chez nous. Égalité, c'est un membre, un vote. Quand qu'on est au premier niveau, ça, c'est un concept important. Par contre, quand qu'on représente du monde, on est en équité. Ça fait que, là, si le mouvement coopératif et mutualiste représente des milliers d'entreprises et des millions et des millions de membres, à ce moment-là il faut qu'il y ait une certaine équité en termes de représentation, sinon on ne pourra pas faire valoir valablement notre opinion. Donc, cette table-là, qui doit être restreinte, qui n'empêche pas les tables régionales, qui doivent être limitées, mais représentatives… Et, comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse au ministre, elle peut varier par rapport à notre annexe. C'est l'esprit dans lequel on souhaite que la table soit installée qui va venir dans une prochaine étape.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Bédard. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Weil : Oui. Je vais revenir sur le mandat de la table. Donc, la loi propose que le mandat de la table, c'est : conseille, avise le ministre. Vous, je pense que la manière que vous le mettez, c'est de conseiller le gouvernement. Est-ce que j'ai bien compris? Donc, je pense que tous les intervenants sont d'accord que cette table conseille le gouvernement. Et vous, vous avez donné un mandat, vous l'avez mis sous trois rubriques, c'est très intéressant : «Réunir, concerter, développer; planifier, évaluer et rendre compte; créer les conditions pour innover et pour éduquer.»

Et la table régionale... Et est-ce que vous êtes d'accord pour mettre le mandat de la table dans la loi?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Bédard.

• (10 h 50) •

M. Bédard (Gaston) : Je vais y aller. Non, c'est pour ça que, Mme Weil… C'est pour ça, Mme la Présidente, c'est pour ça qu'on l'a mis en annexe, on a dit : Non, on voulait juste donner une tendance. On fait confiance à ce que les choses vont arriver par après. Il ne faut pas que ce soit nécessairement enchâssé dans la table…. dans la loi, excusez. Quand qu'on a dit, par contre : Recommander ou donner des avis au gouvernement, c'est sûr que, nous, on a pris pour acquis que c'était une loi qui était très transversale, et donc c'est un représentant plus global de l'appareil gouvernemental, ça fait que c'est dans cet esprit-là qu'on l'a mis également.

J'attire votre attention. Dans une des annexes par exemple, une chose fondamentale pour nous, c'est des indicateurs de performance. On parle d'un plan d'action, on parle des programmes puis avec des indicateurs de performance, de suivi. Il est important, puis c'est un leitmotiv chez nous, il est important que, quand qu'on a des supports, on a des comptes à rendre. On crée de la richesse, on crée de l'emploi, on assure des emplois, de la pérennité dans nos emplois, dans nos entreprises, donc c'est bien inscrit. On ne veut pas que ça soit enchâssé dans la loi, mais déjà on avise de nos intentions si on a la chance de participer à cette table.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Bédard. Mme la députée.

Mme Weil : Juste pour revenir… Parce que c'est quand même important. Bon, avant de parler d'une table régionale, la loi dit... ou le projet de loi : «La Table des partenaires en économie sociale conseille le ministre sur toute question qu'il lui soumet en matière d'économie sociale.» Le Chantier de l'économie sociale et d'autres ont suggéré que le mandat au moins soit détaillé ou vaste, mais qu'on ait les grandes lignes, notamment conseiller le gouvernement du Québec dans la mise en oeuvre de la loi-cadre et de son plan d'action en économie sociale. Seriez-vous d'accord avec ce minimum?

Parce que, normalement, si on crée une table, une loi devrait prévoir un mandat quelconque. Mais là, tel que le projet de loi l'inscrit, c'est quand même assez... c'est différent, parce que c'était de conseiller le ministre sur toutes sortes de questions que le ministre pourrait poser, mais là, si c'est pour conseiller le gouvernement… Si vous seriez d'accord avec un mandat qui parlerait de conseiller le gouvernement tel que proposé par le chantier et d'autres dans la mise en oeuvre… D'autres ont voulu d'autres éléments aussi, assurer une synergie. Mais je comprends ce que vous dites. Globalement, vous, vous êtes à l'aise avec quelque chose de très flexible, très ouvert.

M. Bédard (Gaston) : Nous, on ne veut pas se substituer à l'appareil gouvernemental. On ne veut pas se substituer à l'État. Déjà, on apprécie — puis on l'a mentionné, je ne sais pas, c'était peut-être dans les premiers desseins — la table des partenaires, sauf qu'on apprécie que ce soit dans le projet de loi où il y a un lieu où le ministre peut valider. Et, j'imagine, quand qu'on valide, on va lui conseiller : C'est bon, ce n'est pas bon, ça doit être ajouté. Puis c'est dans cet esprit-là qu'on a mis nos propos.

Est-ce qu'on doit le libeller autrement? Il ne faudrait pas le libeller de façon à ce que ça devienne une contrainte, non plus, puis qu'on empêche l'appareil... l'État — je vais me permettre d'appeler l'État — qui devient comme... pas coincé, mais qui devient pris dans un système qui fait que ça ne lui permet pas d'avancer des choses. C'est dans cet esprit-là qu'on a été prudents. On a vu les mémoires des autres. Ce n'est pas qu'on est contre, on fait juste y mettre une prudence.

J'ai vu d'autres projets de loi dans d'autres pays à l'étranger puis je faisais des commentaires à des gens… Parce qu'on échange des choses, ils nous apportent des choses. Bien, des fois, on leur donne aussi nos commentaires. On trouve que, des fois, il y a des projets de loi qui... c'est tellement complexe que, finalement, on se ramasse qu'on n'avance pas avec. Là, on aime sa simplicité, mais on souhaite quand même... Ce n'est pas simple. On dit : Sa simplicité, son ouverture.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée, deux minutes.

Mme Weil : Une question qui est un peu complexe. On a la Fédération des chambres de commerce — qui a déposé son mémoire mais qui ne vient pas — qui parle de concurrence déloyale de l'économie sociale, et on a des syndicats qui sont venus jeudi dernier, d'autres qui vont venir cet après-midi, c'est le même concept un peu, c'est cette inquiétude des acteurs de l'économie sociale qui vont venir empiéter, si on veut… ou dérober les services publics. Qu'est-ce que vous répondez à l'un et à l'autre? En une minute?

La Présidente (Mme Champagne) : En une minute.

M. Bédard (Gaston) : M. Gauthier.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Gauthier.

M. Gauthier (Michel) : Si vous permettez, Mme la Présidente. Ce que je veux bien être certain... Au conseil de la coopération et comme entreprise, que ce soient les grandes entreprises comme Promutuel ou les autres qui... le but, c'est ne pas de venir nuire au chantier ou des choses comme ça, le but, c'est que, tout à l'heure, on va avoir à construire un Québec ensemble, en partenariat ensemble avec le gouvernement. Nous, on est des entreprises qui vont être, tout à l'heure, des gens avec qui on va créer des… je dirais, des liens, autant de financement que... Il y a des entreprises coopératives et mutualistes qui ont réussi. Et je pense que les entreprises d'économie sociale vont avoir besoin de cette table-là où on sera bien représentés. Il faut que nos partenaires soient à l'aise de travailler pour pouvoir, lorsque le ministre qui sera là dans les temps, quels que soient les gouvernements… feront en sorte de pouvoir parler avec les gens et d'amener… M. le ministre, il n'y avait aucune allusion, vous…

M. Gaudreault : …réagi.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gaudreault :

M. Gauthier (Michel) : C'est très apolitique, ce que je veux dire. Mais, de toute façon, je pense que tous les gens sont d'accord pour dire que l'économie est difficile et qu'on aura besoin des entreprises un peu plus prospères à l'intérieur pour aider ceux qui en ont le plus besoin et créer un climat… qui va nous appartenir, en plus. Parce que, lorsqu'on est dans une coopérative, on ne vend pas ça à l'extérieur, ça demeure chez nous. Donc, l'idée, c'est de faire en sorte, comme, nous, voilà 160 ans, on était une petite entreprise qui a grandi, c'est maintenant d'aider les autres. Et le but, lorsque le CQCM s'assoira à cette table-là, c'est de faire profiter les gens de ça, avec le gouvernement, qu'on fasse une équipe ensemble pour construire le Québec, c'est important.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, merci beaucoup, M. Bédard... M. Gauthier. Ça met fin au temps qui était accordé à l'opposition officielle. Nous allons aller vers le deuxième groupe d'opposition, mon cher monsieur, mon cher député, pour quatre grosses minutes.

M. Spénard : Alors, vous me permettrez de vous saluer très brièvement, compte tenu du temps que j'ai, alors, MM. Bédard, Gauthier, Cloutier et Grimard. Alors, moi, j'aimerais revenir sur deux choses. Ma collègue députée du premier parti d'opposition vient de parler de la Fédération des chambres de commerce. Et on comprend… moi, j'ai toujours compris que, pour une industrie privée, la finalité est économique et le moyen, social, alors que, pour l'entreprise d'économie sociale, la finalité est sociale, mais le moyen pour y parvenir est économique. Alors, je ne sais pas si ça vous rejoint. En tout cas, moi, ça a toujours été ma définition.

Moi, j'aimerais revenir… Le titre, ça, je vais... Moi, j'aime ça un titre plus inclusif. Mais par contre j'apprécierais beaucoup que vous me définissiez l'autonomie économique dans un développement durable. C'est quoi, pour vous, une entreprise versus... Ça, on sait qu'un organisme communautaire, ça, c'est correct, là. Mais la rentabilité économique des entreprises d'économie sociale, ça va jusqu'où pour que ce soit reconnu comme entreprise d'économie sociale? Avez-vous des barèmes de faits? Je ne le sais pas.

La Présidente (Mme Champagne) : M. Bédard.

M. Bédard (Gaston) : En premier, permettez-moi juste de revenir. Vous avez fait allusion à la chambre de commerce, c'est important de préciser que, jusqu'à maintenant, c'étaient les entreprises d'économie sociale, les coops et les mutuelles qui étaient défavorisées par rapport à eux. On n'avait même pas accès par rapport à la loi n° 1, qui a été revue, qui nous donne accès. Ça fait qu'on est loin de croire qu'on va être en concurrence déloyale. Bien au contraire, on fait juste tenter de se placer au même niveau pour compétitionner dans le même marché avec cette finalité que vous avez mentionnée, cette finalité sociale. C'est-à-dire que, quand on parle d'autonomie, tout comme l'entreprise traditionnelle… je ne parlerais pas de l'entreprise d'État parce que je ne suis pas connaissant dans le domaine, mais, au niveau de l'entreprise traditionnelle, ce qu'on cherche, c'est une rentabilité qui nous permet de faire plaisir aux actionnaires, ça nous permet d'avoir suffisamment d'argent pour se développer, ça nous permet d'avoir aussi cumulé des réserves pour assurer notre avenir.

L'entreprise coopérative et mutuelle a ces mêmes enjeux. La seule différence, puis c'est fondamental, c'est qu'elle doit s'assurer d'une rentabilité qui lui assure son développement. Prenez la Coop fédérée, qui a été obligée de se retourner de bord par rapport à son yogourt, ça fait que c'est… Elle avait la capacité de le faire puis de rester dans le marché. C'est une propriété collective. Ça fait que l'enjeu, c'est juste ça. Puis rappelez-vous, je l'ai dit tantôt, que notre finalité, ce n'est pas de l'optimisation du capital, c'est bien sûr plus une finalité sociale. Donc, ces argents-là accumulés, aujourd'hui on va avoir des niveaux, demain il va y avoir d'autres niveaux si on a d'autres normes internationales, ça fait qu'ils peuvent varier dans le temps, mais suffisamment pour prendre soin de notre monde, puis rester en vie longtemps, puis rester compétitifs dans le marché.

M. Spénard : C'est ça. Mais ça, tu sais, c'est parce que… «Qui aspirent à l'autonomie économique dans une perspective de prospérité durable». C'est l'aspiration, moi, à l'autonomie économique, là, que j'aimerais... Je ne sais pas, y a-tu une description de ça en quelque part? C'est…

La Présidente (Mme Champagne) : En une minute, M. Bédard.

M. Bédard (Gaston) : En fait, c'est qu'il faut s'assurer, avec le temps, que, si on a des subventions pour partir un projet, qu'il faut, dans le temps, le projet devient… qu'il vive par lui-même, qu'il est suffisamment viable économiquement pour qu'il vive par lui-même. C'est ça qui est souhaité quand qu'on parle de viabilité économique à long terme. Tout comme Desjardins, en 1900, c'était plus difficile puis aujourd'hui il avance avec ce qu'il a accumulé au fil des années. C'est ça qu'on parle d'«aspirer». Puis, quand on parle de prospérité durable, pensez toujours, puis vous le savez plus que moi, qu'on parle du long terme.

• (11 heures) •

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Bédard. Alors, ça termine pour le deuxième... le deuxième groupe d'opposition… le troisième groupe — ça va bien — et nous passons justement à l'équipe du deuxième groupe... le groupe indépendant. Ça va bien, mon affaire ce matin. On va finir tard. Alors, oui. Alors, la parole est à vous, Mme la députée. Mme la députée de Gouin.

Mme David : Et j'ai combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Champagne) : Vous avez un énorme deux minutes.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Champagne) : Si c'est bien utilisé, ça peut être très bon.

Mme David : Donc, je vous fais rapidement mes salutations. Moi, je voudrais revenir aussi sur le titre. Et, honnêtement, il y a des questions que je ne peux pas m'empêcher de vous poser. Mais, vous allez voir, ça revient tout à la question du titre.

Vous dites que le titre sème de la confusion. Mon sentiment à moi, c'est que la confusion vient peut-être des critères que vous donnez ou que vous attribuez à ce qui devrait être des entreprises coopératives, d'économie sociale, etc. Par exemple, justement, quand vous parlez d'autonomie économique, vous savez très bien qu'une entreprise d'aide domestique ne sera jamais complètement indépendante des subventions de l'État. Est-ce que ça en fait pour autant une entreprise qui n'est pas de l'économie sociale?

Deuxièmement, dans votre mémoire, vous faites allusion au fait que, lors du sommet de 1996, auquel j'ai eu le bonheur de participer et de partir un peu avant la fin, le Chantier sur l'économie sociale a été mis sur pied. C'est vrai qu'il y avait un aspect, vous le rappelez, de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, mais je pense que maintenant, en 2013, on n'en est plus à une économie de pauvre; l'économie sociale, c'est devenu bien autre chose que ça.

Et, troisième question, c'est toujours en rapport avec le titre : Est-ce qu'au fond vous craignez de voir minimisé votre apport, qui est un apport considérable, j'en conviens, à l'économie du Québec? Alors, au fond, ce que je me dis, c'est : Est-ce que vous ne créez pas vous-même une certaine confusion en voulant distinguer les entreprises les unes des autres alors qu'au fond, si on regarde la définition d'une entreprise d'économie sociale, à mon avis, vous en faites intimement partie?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Bédard, vous avez une belle grosse minute pour répondre à ça, à cette belle question, en tout cas, grande.

M. Bédard (Gaston) : En fait, je vais essayer de répondre une seule fois par rapport à vos trois questions. Je rappelle juste ce qu'on a dit au début. Il y a actuellement, au Québec, une confusion entre une organisation qui s'appelle le Chantier de l'économie sociale et les coops puis les mutuelles. Et, tant que ça, ça va être là, je comprends... Au départ... il y a d'autres considérants, mais, au départ, ça crée de la confusion. Et, si, demain matin… Puis je l'ai dit, d'ailleurs, à la sous-ministre, à l'époque, la première fois que je l'ai rencontrée : Si vous avez une loi en économie sociale — on enlève le mot «cadre» dans le nom — vous avez un Chantier de l'économie sociale qui représente l'économie sociale puis vous avez les coops puis les mutuelles, à quelque part vous avez l'impression que les coops puis les mutuelles disparaissent. C'est comme, dans une maison, vous dites : Elle s'appelle Bédard, puis vous y incluez les Langlois et les autres, mais on ne les appelle pas, on les oublie puis on va juste les appeler les Bédard; à ce moment-là, ça se peut qu'il y ait des gens qui se sentent exclus. Actuellement, c'est le contexte dans lequel on évolue au Québec. Ça fait un peu rapide comme explication. Je vous dis, il y a de la confusion. Puis, dans notre monde à nous — on représente un monde quand même assez important — de façon très majoritaire, ça crée cette confusion, il y a cette confusion qui existe.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Bédard, MM. Cloutier, Gauthier et Grimard. Malheureusement, ça met fin à tout, mais ça ne vous empêche pas d'en rediscuter sur d'autres forums.

Alors, je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps d'accueillir le groupe suivant, alors quelques minutes seulement.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

(Reprise à 11 h 7)

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, nous allons reprendre les travaux. Quelques secondes... J'ai perdu mon ministre.

Alors, nous accueillons donc, comme deuxième groupe, ce matin...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Champagne) : Il fait pourtant beau, il ne devrait pas y avoir d'indiscipline, hein?

M. Gaudreault : Les gens sont contents.

La Présidente (Mme Champagne) : Ah! C'est bien, ça. Alors, M. le ministre, je comprends.

Alors, nous allons accueillir le Groupe d'économie solidaire du Québec. Et je vais demander aux personnes présentes de se présenter avec leur titre et de procéder pour un 10 minutes d'intervention suivi d'un temps d'échange avec les parlementaires de chaque côté de la table. Alors, je pense que j'ai M. Lachapelle?

Groupe d'économie solidaire du Québec (GESQ)

M. Lachapelle (René) : Oui, madame.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Lachapelle, la parole est à vous. Je vais vous demander de vous présenter, avec votre titre, et les gens qui vous accompagnent.

M. Lachapelle (René) : Merci, Mme la Présidente. René Lachapelle, président du Groupe d'économie solidaire du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Louis Favreau, qui est vice-président du Groupe d'économie solidaire du Québec, et, à ma gauche, de Gérald Larose, qui est président de la Caisse d'économie solidaire du Québec, et Paul Ouellet, qui est directeur émérite de la Caisse d'économie solidaire du Québec. Nous avons convenu, Mme la Présidente, si vous nous le permettez, de partager notre période de 10 minutes en deux périodes de cinq minutes. Je ferai le premier cinq minutes, et Gérald Larose fera le deuxième cinq minutes.

Alors, tout d'abord, on veut vous remercier, vous saluer, M. le ministre, saluer Mmes et MM. les députés à l'Assemblée nationale. Alors, on vous remercie de nous accueillir et d'entendre nos représentations sur le projet de loi. On est... pour nous définir un petit peu, qui nous sommes, le Groupe d'économie solidaire du Québec, depuis une quinzaine d'années, travaille en coopération Nord-Sud dans le domaine de l'économie sociale et solidaire et dans une perspective d'amener une mondialisation qui soit différente de celle qu'on connaît actuellement.

On travaille beaucoup à partir d'une expertise québécoise qui est extrêmement importante, qui est portée notamment par la Société québécoise de coopération en développement international, SOCODEVI, qui relève du Conseil de la coopération dans les municipalités du Québec; Développement international Desjardins, qui est relié au Mouvement Desjardins; l'Union des producteurs agricoles Développement international, qui développe des projets qui ont une renommée internationale. Et, dans toute... Puis on pourrait continuer l'énumération, là.

Nous regroupons un peu l'ensemble des ces personnes qui interviennent en économie sociale dans une perspective Nord-Sud pour développer des nouvelles coopérations internationales, promouvoir des initiatives concrètes d'économie sociale et solidaire qui permettent de développer des alternatives économiques, et aussi on travaille beaucoup pour que les travaux de recherche, les chercheurs québécois soient contributifs dans ces démarches-là.

Alors, notre intérêt pour le projet de loi vient d'abord du fait que le projet reconnaît la biodiversité de l'économie sociale et s'inscrit dans une perspective d'une forme d'économie solidaire et durable. Ce sont des questions qui nous préoccupent beaucoup et sur lesquelles nous souhaitons insister.

• (11 h 10) •

La proposition que nous faisons, je vous la présente assez rapidement, c'est que le projet de loi — on va proposer des façons concrètes de le faire — inclue la dimension de la solidarité Nord-Sud dans la définition québécoise de l'économie sociale et solidaire en reconnaissance du fait qu'au Québec l'entrepreneuriat collectif constitue un actif extrêmement important et que, dans l'ensemble canadien, le Québec se distingue — puis, à l'échelle internationale, c'est reconnu — comme ayant une expertise tout à fait particulière dans ce domaine-là de la solidarité sur le terrain de l'économie sociale et solidaire. Alors, il y a une expérience qui est assez riche.

La semaine dernière, nous recevions Mme Nora Ourabah Haddad, de la Food and Agricultural Organization des Nations unies, qui nous disait qu'elle aime venir au Québec parce que c'est ici qu'elle vient se ressourcer, c'est ici qu'elle trouve des initiatives innovantes qui lui permettent d'avancer. Et je pense que c'est un signe que le Québec doit soutenir cette expertise-là qui est actuellement assez menacée par les changements à l'aide publique internationale au niveau canadien.

Ça nous amène à proposer des petits amendements au projet de loi puisque nous sommes fondamentalement d'accord sur le fond du projet de loi, sur sa façon d'être organisé. Alors, on souhaiterait, au fond, d'ajouter un considérant qui se libellerait comme suit : «Considérant que bon nombre d'initiatives de l'économie sociale accordent de l'importance à la solidarité internationale du Québec à l'égard de communautés du Sud.» On propose aussi de modifier l'article 7 du projet de loi en affirmant... en ajoutant à cet article, après «de plus, lorsqu'il le considère opportun, il met en valeur les initiatives réalisées en matière d'économie sociale sur le territoire du Québec», d'ajouter «et celles d'organismes québécois d'économie sociale engagés dans une solidarité internationale Nord-Sud».

Et finalement, un troisième amendement ou une proposition, en fait, nouvelle, c'est : «Que soit encouragée la mise sur pied d'un fonds dédié permettant un soutien à de petites et moyennes entreprises de type coopératif, associatif et mutualiste et autres initiatives d'économie sociale dans le cadre de la coopération Nord-Sud.»

Alors, cette position-là, d'ajouter la dimension d'une solidarité Nord-Sud, nous l'avons partagée avec d'autres organismes. Il y a une dizaine de groupes qui nous ont exprimé leur appui dans ce sens-là. Nous souhaitons que ça puisse être entendu et que ça puisse permettre d'améliorer, dans le fond, un projet de loi que nous considérons extrêmement intéressant. Merci, Mme la Présidente. Je passe la parole à M. Gérald Larose.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Larose, alors vous avez effectivement cinq minutes tapant.

M. Larose (Gérald) : Très bien. Alors, la Caisse d'économie solidaire a une longue pratique internationale. On accompagne présentement le développement de deux grands réseaux de caisses d'économie au Brésil et on connaît très bien, je dirais, les termes du débat, les tensions qui habitent toutes les familles de l'économie sociale au Brésil, mais aussi on est très liés aux gestes et à d'autres organisations de pratique internationale. Ce n'est pas des débats qui sont unilatéraux. Donc, je dirais que ce qu'on vient de débattre n'est pas unique au Québec.

D'entrée de jeu, on va dire que la base du projet de loi, pour nous, c'est efficace. Il y a trois zones d'ombre qu'on voudrait éclairer. Le terme «entrepreneuriat» n'existe pas dans le projet de loi. On pense qu'il y a là une lacune importante, on voudrait l'introduire dans le deuxième considérant. On parle de «mobilisation de personnes» qui conduisent une entreprise, ce n'est pas vrai. La mobilisation conduit à la revendication, ce qui n'est pas mauvais, mais, pour conduire à une entreprise, il faut un savoir-faire entrepreneurial. Donc, on voudrait corriger le deuxième considérant.

Dans l'article 3, on parle d'entreprises «à des fins sociales» plutôt qu'«à finalité sociale». Je vous soumets qu'«à des fins sociales», on revient à des univers caritatifs et, «à finalité sociale», on est plus dans des objectifs à atteindre. Donc, il y a un glissement, là, qui nous... qu'on pourrait corriger. Ça, c'est à l'article 3.

Dans le projet de loi, il n'est aucunement mention de l'économie plurielle, comme si l'économie sociale existait comme un ovni. On est dans une société d'économie plurielle : il y a l'économie privée, il y a l'économie publique, il y a l'économie sociale. Je pense que, si on voulait véritablement situer l'économie sociale comme économie, il faudrait la situer dans son ensemble. Parce que l'économie sociale, ce n'est pas une cinquième roue de carrosse, ce n'est pas un tiers secteur, c'est une vraie économie et, au Québec, une économie qui est absolument costaude, menée par des vraies organisations, dans toutes les régions et tous les secteurs, avec des statuts juridiques diversifiés. Donc, on pense qu'il faudrait parler véritablement d'une économie entrepreneuriale dans un contexte d'économie plurielle.

Sur le titre, je ne veux pas en faire très, très long. Nous, notre proposition, c'est de parler d'économie sociale, mais d'identifier qu'est-ce qu'il y a dans l'économie sociale et d'en parler en termes de soutenir l'entrepreneuriat. Ce n'est pas une loi de reconnaissance, c'est une loi de soutien au développement économique de l'économie sociale qui se fait sous trois statuts : coopérative, association et mutuelle. Alors, à mon avis, là, on ramasse à peu près... on ramasse tout. Et puis, je dirais, ceux qui ne veulent pas en être parce qu'ils n'en sont pas, ils ne se sentent pas menacés; ceux qui trouvent que l'économie sociale, ça fait bien-être, eh bien, disons... on dit : Non, non, ce n'est pas du bien-être, c'est une véritable économie. On pense que ça clarifierait passablement le débat.

Le CIRIEC s'est présenté devant vous, a amené pas mal de propositions intéressantes qu'on fait nôtres quant à la définition de l'entreprise sociale, l'entreprise d'économie sociale, parce qu'effectivement le texte de loi ne tient pas compte de la complexité et de la diversité des statuts.

Mon dernier point, c'est pour parler des mécanismes. Alors, l'objectif de la loi étant de soutenir l'économie sociale, nous, ce qu'on propose, c'est véritablement une table des partenaires, dont on a changé le nom — pour nous, c'est un conseil national de l'économie sociale — mais une table des partenaires faite des décideurs. C'est-à-dire, on pense qu'une loi-cadre, ça vise à interpeller toutes les responsabilités de l'État dans les différents secteurs. Donc, il faut avoir une table qui pôle, pour prendre un anglicisme, mais qui tire l'ensemble de la concertation autour du développement, et, pour nous, il doit y avoir un mandat précis, effectivement, qui est un mandat d'observation, de coconstruction, de suivi et de valorisation.

On parle aussi qu'il devrait y avoir un observatoire et un registre unique. On ne pense pas que ce doit être intégré dans la loi, mais ça devrait certainement venir dans le plan d'action. C'est un mécanisme de base si on veut véritablement construire, continuer à construire et développer tout le secteur de l'économie sociale.

Bref, et je pense que mon cinq minutes se termine, il y a là un enjeu important que cette loi-cadre. Je pense que ça vient à une étape importante du développement de cette véritable économie qui occupe un grand espace au Québec. Il faudrait effectivement s'organiser pour que tout le monde soit impliqué dans ce développement-là.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Lachapelle et M. Larose. Vous êtes tout à fait dans les temps. Alors, M. le ministre, la parole est à vous pour 18 minutes.

M. Gaudreault : Oui, alors merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous saluer, M. Lachapelle, M. Favreau, M. Ouellet, M. Larose, pour votre présence et votre travail. Je comprends que vous présentez, au fond, deux mémoires, d'une certaine manière. Alors, je suis très, très satisfait de cela. On va essayer d'aller à l'essentiel avec le temps qui nous est imparti. Je veux également saluer les gens qui vous accompagnent. Je sais que vous avez des membres de vos organisations qui sont derrière vous, dont des gens de mon comté. Vous me permettrez d'être un peu chauvin, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Champagne) : On a senti ça tantôt.

M. Gaudreault : ...parce que c'est le plus beau comté du Québec, évidemment. Alors, je ne peux pas faire autrement que de le souligner, surtout qu'on a eu l'occasion de procéder à une belle annonce en fin de semaine dans le cadre du PIEC, justement, pour une coopérative de solidarité de Lac Kéno, alors, qui est un bel exemple de... bel exemple d'économie sociale en action sur le terrain.

Maintenant, ce que je trouve particulièrement intéressant de votre présentation et de votre mémoire, et autant la caisse que le groupe, c'est l'aspect international. Je vous avoue que... Et vous avez probablement suivi un peu nos travaux, c'est malheureusement un sujet dont on n'a pas suffisamment parlé ici, autour de la table. Alors, vous me permettrez de prendre un petit peu plus de temps sur ce volet-là international.

J'aimerais que vous alliez un petit peu plus loin sur la manière dont nous pourrions faire atterrir, je dirais, dans le projet de loi toute cette notion d'économie sociale internationale et que vous m'expliquiez un peu plus… bien que je le sache en partie, mais que vous expliquiez ici, pour les fins de la commission, en quoi l'action du Québec sur la scène internationale se distingue en matière d'économie sociale sur le terrain dans les pays du Sud.

• (11 h 20) •

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Lachapelle.

M. Lachapelle (René) : Oui. Alors, bien, c'est intéressant que vous souleviez la question. Vous avez mentionné tantôt que les considérants donnent à la loi un caractère un peu de loi-cadre, c'est pour ça que notre suggestion, c'est d'inclure la dimension internationale de solidarité Nord-Sud au niveau des considérants et, ensuite de ça, de donner les moyens pour pouvoir le concrétiser. Je passerai la parole tantôt à mon collègue, mais, pour...

Quand vous demandez comment l'économie sociale se distingue à l'échelle internationale, je pense que, d'abord au Québec, on a une longue histoire — le Conseil de la coopération l'a mentionné tantôt — on a une longue histoire d'initiative pour un peuple qui devrait se prendre en main pour essayer de réussir à faire sa place dans une économie où il n'avait pas nécessairement la maîtrise. Et je pense que l'économie sociale a été, là-dessus, une avenue privilégiée. Et ça, cette expérience collective qu'on a comme nation, je pense que c'est quelque chose qui est connu, qui est reconnu à l'extérieur.

On a, dans les entreprises québécoises de coopération et de solidarité internationale, la dimension d'une économie sociale. Ça fait partie des approches. Il y a quelques années, on a travaillé avec… par exemple, dans le cadre du programme Uniterra pour créer des liens entre des organisateurs communautaires de CLSC au Québec et des gens qui, au Mali, travaillent à développer des cliniques communautaires de santé dans une perspective de mutualité puisqu'ils sont capables, dans un pays aussi peu… dépourvu que le Mali, de créer 1 000 centres de santé communautaire soutenus par la population. Alors, on trouvait qu'on avait un partage d'expertises qui était possible là-dedans. C'est un petit exemple.

Quand SOCODEVI, par exemple, permet à des coopérateurs québécois d'aller travailler dans des coopératives en Amérique centrale… — ils sont présents dans beaucoup de pays — d'aller travailler dans des coopératives, par exemple des coopérateurs forestiers qui vont travailler à la mise sur pied d'une coopérative forestière au Honduras, bien on a un partage direct de savoirs. Quand l'Union des producteurs agricoles permet à des producteurs québécois d'aller travailler avec des producteurs du Mali sur la mise en marché de leurs grains, bien ils partagent une expertise québécoise. Ils ne vont pas leur montrer comment faire, ils vont, avec eux autres, rechercher comment on peut atteindre, au Mali, le même type d'efficacité qu'on peut avoir au Québec quand on essaie de mettre en marché les produits agricoles dans le cadre de la gestion de l'offre.

C'est un exemple. Et cette façon-là de coopérer québécoise, elle n'est probablement pas unique au Québec, là, mais elle est reconnue à l'extérieur. Et, comme je vous le disais tantôt, on a été... moi, j'ai été le premier surpris, en tout cas, d'entendre Mme Haddad nous dire, à partir de son siège à Rome, qu'elle vient au Québec pour se ressourcer sur les innovations en économie sociale. Peut-être, Louis, tu pourrais ajouter…

La Présidente (Mme Champagne) : M. Chevreau… Favreau.

M. Favreau (Louis) : Oui. Bon. D'abord vous dire qu'on a bien compris que le projet de loi s'adressait à l'ensemble des ministères et donc que l'international avait sa place avec un interlocuteur privilégié qui serait le MRI. C'est dans ce contexte-là aussi que les choses se piloteraient pour introduire la dimension internationale et particulièrement la dimension Nord-Sud. La contribution particulière de l'économie sociale québécoise dans les pays du Sud, je pense que René a bien avancé la mise de ce côté-là, c'est que l'expérience des mouvements, du mouvement coopératif, du mouvement des agriculteurs québécois, du mouvement syndical québécois, a donné lieu à la mise sur pied d'entreprises collectives au Québec, bon, les coopératives agricoles, les caisses d'épargne et de crédit, l'organisation des producteurs agricoles, qu'on appelle ailleurs des paysans, le mouvement des femmes aussi d'ailleurs.

Bon, alors, de ce côté-là, ce que, moi, j'ai pu observer, ce qu'à l'intérieur du geste qu'on a pu observer quand on était dans d'autres pays, c'est la contribution... la mise à contribution de cette expérience-là qui fait que, quand il s'agit de partir une coopérative où on est coopérant puis qu'on part une coopérative, l'erreur à éviter, c'est de le travailler en silo, de façon isolée dans un village, et de ne pas greffer cette coopérative-là à une fédération de coopératives agricoles et forestières de telle sorte que la mise en marché du produit de cette coopérative-là débouche.

Bon, c'est toute une série de choses comme ça qu'on peut voir dans des coopératives agricoles boliviennes, péruviennes, dans des regroupements paysans comme on a beaucoup en Afrique de l'Ouest. L'UPA Développement international travaille beaucoup avec des regroupements paysans. Et c'est la mise en marché qui est la clé, la mise en marché collective qui est la clé de notre expérience et que les regroupements paysans en Afrique de l'Ouest disent : Ah! effectivement, c'est là que le bât blesse en ce qui nous concerne, on n'arrive pas à écouler nos marchés, nos produits, on n'arrive pas non plus à pouvoir les conserver dans des périodes où il y a des surplus. Bon. Alors, ça, c'est un peu l'idée.

L'autre chose peut-être qui est à mentionner, c'est que, quand on s'adresse au MRI, on constate que, dans la dimension de coopération Nord-Sud, d'abord, il y a seulement 6 millions au MRI qui va à la coopération Nord-Sud sur un budget global de 69 milliards pour le Québec ou à peu près, ce qui n'est pas beaucoup vraiment. Alors, de ce... Mais il y a aussi la manière de dépenser ce 6 millions là. Jusqu'ici, ça a été dépensé sur la formule don du public et don par financement public du MRI ou de l'ACDI pour ce qui est du Canada.

Là, ce qu'on dit, c'est... Et il ne s'agit pas de rejeter ça, au contraire, mais il s'agit de voir qu'il y a un complément qui est l'entrée par l'économie sociale et qui permettrait d'avoir une politique de prêt et de garantie de prêt à des petites et moyennes entreprises coopératives, mutualistes et associatives dans les pays du Sud. Ça, ça serait neuf pour nous, mais ce n'est pas neuf en coopération internationale quand on regarde l'expérience européenne, notamment celle des Français et celle qu'on... auquel on réfère, la SIDI, en France, la société internationale pour le développement et l'investissement, qui a une expérience d'un peu moins de 30 ans et qui démontre que, par prêt et garantie de prêt, on soutient toute une série d'entreprises depuis près de 30 ans dans des pays du Sud.

C'est possible. C'est possible, dans la mesure où, à un moment donné, si on se met dans le contexte aussi d'un MRI qui, comme le gouvernement l'a mentionné jusqu'à maintenant… un projet d'agence québécoise de solidarité internationale, dans ce contexte-là, d'examiner la faisabilité. On n'est pas... on ne dit pas : C'est attaché, tout ça. On dit : Il faut examiner dans le plan d'action la faisabilité d'un fonds de ce type-là qui mettrait à contribution le gouvernement, mais aussi les acteurs concernés de la coopération internationale qui viennent de l'économie sociale, d'autant qu'il y a une expertise assez forte de ce côté-là.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, merci, M. Favreau. Alors, si on veut d'autres questions, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Oui. Alors, vous faites une belle démonstration que la personnalité internationale du Québec s'exerce non pas de façon impérialiste ou néo-coloniale, mais bien par des actions de solidarité, d'économie solidaire, de partage, ce qui est en soit, pour moi, un argument en faveur de la souveraineté du Québec. Mais ça, c'est un autre débat, et nous pourrons en parler sur d'autres tribunes. Mais, en ce sens, je vais vous dire que je suis très ouvert à voir, dans l'étude du projet de loi, là, article par article, des amendements pour faire ressortir cet aspect absolument essentiel de la personnalité internationale du Québec — j'appelle ça comme ça — au niveau solidaire et de l'économie sociale active sur le terrain de nos amis du Sud.

Maintenant, peut-être que c'est plus une question pour les représentants de la Caisse d'économie solidaire, vous proposez de retirer «fins sociales» pour le remplacer — puis là j'essaie de trouver votre… — par «des activités économiques dont la finalité n'est pas principalement centrée sur le profit, mais sur les services aux membres ou à la collectivité». Est-ce que «fins sociales» ne dit pas ça, au fond?

• (11 h 30) •

La Présidente (Mme Champagne) : M. Larose.

M. Larose (Gérald) : Moi, je suis président d'une entreprise d'insertion de jeunes, Insertech. Notre chiffre d'affaires, c'est 2,8 millions, il y a 21 salariés, une véritable entreprise. On a un contrat, on n'a pas des subventions, nous, on a un contrat avec Emploi-Québec pour à peu près 30 % de nos activités. Et puis, ça aussi, il va falloir qu'on se débarrasse de certains langages, comme la contribution de l'État dans le cadre de programmes. Ça serait des subventions. À ce moment-là, le secteur privé a pour 4 milliards de subventions par année, tu sais? Moi, je pense qu'il faut qu'on parle des vraies affaires. Nous, on a un contrat avec Emploi-Québec pour une finalité sociale qui est l'insertion des jeunes. Je ne suis pas là pour faire la charité, moi. Je suis là dans un rapport social avec l'État qui estime que c'est la responsabilitéde l'État, qui est une responsabilité de toute la société, de participer à l'intégration. L'aide domestique, c'est du même ordre. Ce n'est pas la charité. L'aide domestique, c'est un contrat que les entreprises ont avec l'État. Alors, dans ce sens-là, «fins sociales», ça fait généreux, je n'ai rien contre, là, puis, dans l'économie sociale, il y a bien plus de générosité que partout ailleurs, mais ce n'est pas ça, de l'économie. O.K.? Alors, dans ce sens-là, je trouve que le projet de loi, il glisse en termes de terminologie.

Je reviens sur «entrepreneuriat». Je m'excuse, mais, y compris en solidarité internationale, les gens viennent voir le Québec pas parce qu'on a des belles valeurs — on en a, tu sais — mais ils sont capables d'en développer autant que nous, ils viennent voir le know-how, hein — c'est un terme anglais qui est sérieux — ils viennent voir le savoir-faire, l'expertise. Alors, ils le font pour l'insertion, ils le font pour les caisses d'économie, ils le font pour l'agriculture. On a un petit modèle, nous, qui veut que les communautés se mobilisent, se développent un savoir, développent des alliances et même des contrats, y compris avec l'entreprise privée et avec l'État. Donc, on est dans un rapport social et non pas du coeur, même s'il y a beaucoup de coeur là-dedans. Là, je ne veux pas du tout mépriser ça.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Toujours du côté de la caisse, vous parlez de la création d'un conseil national de l'économie sociale plutôt que de la table et vous parlez également d'un observatoire, dans votre mémoire. Écoutez, si vous avez écouté nos travaux, là, depuis la semaine dernière, vous avez vu que la liste est longue, là, de gens qui veulent être assis autour de la table, là, de sorte que ce soit une table de réfectoire plus qu'une table de…

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gaudreault : … — vous comprenez ce que je veux dire — plus qu'une table de bistro, là. Alors, ça va être... il va y avoir beaucoup de monde. Alors là, je me demande si… «conseil national», est-ce qu'on ne vient pas alourdir le système? Moi, en tout cas, je suis très préoccupé par une certaine souplesse. Je veux aussi qu'on se garde une marge de manoeuvre pour agir — c'est un pléonasme, là — via le plan d'action, donc préparer un peu plus le concret, là, qui va suivre la loi-cadre. «Conseil national», il me semble que l'enjeu de souplesse, là, est plus difficile.

Parce que la table, moi, de la manière dont je la vois, c'est aussi… comme le dit l'article — je pense, c'est l'article 11 de la loi, là — «la Table des partenaires [...] conseille le ministre sur toute question qu'il lui soumet». Donc, c'est à partir de mon initiative comme ministre que je soumets des questions à la table. Alors, ça pourrait être une table variable, là, je dirais, au sens où, si, par exemple, j'ai des questions en matière de santé, j'ai besoin d'avis en matière de coopératives en matière de santé, woups! je pourrais aller chercher un avis. Si c'est en matière internationale, là on identifie un certain nombre de partenaires. Expliquez-moi un peu plus votre vision du conseil national.

La Présidente (Mme Champagne) : En deux minutes, M. Larose.

M. Larose (Gérald) : Oui. Je vous règle rapidement l'observatoire, là. Le modèle, c'est celui de la culture, c'est un tout petit dispositif rattaché à l'Institut de la statistique du Québec. Alors, ça, on peut régler ça rapidement.

Le modèle qu'on propose, nous, justement, c'est d'avoir une petite table, qui serait le conseil, où on a des organismes opérateurs : le conseil, le chantier, deux ministères, on pense que les CLD doivent être là, et un représentant des financeurs. Donc, nous, là, il y a cinq, six ou huit personnes autour de la table, mais c'est un moteur. Ce qu'on vous propose… je ne l'ai pas développé dans le cinq minutes, mais on vous propose, puis ça devrait venir dans le plan d'action, que se créent des petites tables. Vos tables de bistro, là, elles devraient se créer dans les différents ministères, là où il y a de l'appétit pour développer les affaires.

On n'est pas obligés de tout étaler ça dans les premiers six mois. Mais il y a des vis-à-vis déjà qui existent. Exemple, les entreprises d'insertion, on est déjà en vis-à-vis avec le ministère de la Solidarité sociale. On pourrait-u structurer ça au lieu qu'on se voie rien quand il y a une crise pour pouvoir planifier les affaires? Du côté des CPE, c'est à peu près la même chose. Du côté, disons, de l'agriculture, il y a d'autres choses. Autrement dit, que toutes les dimensions des responsabilités étatiques soient interpellées et qu'il y ait des tables sectorielles qui soient mises en place. Puis, je dirais, on peut prendre, là, quelques années pour le faire. Mais il faut que l'économie sociale soit prise en compte par l'ensemble des activités de l'État. C'est un peu le modèle qu'on propose.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci beaucoup, M. Larose. Alors, ça met fin au temps qui était accordé au parti ministériel. Alors, nous allons passer à la deuxième... à l'opposition officielle, c'est-à-dire, pour un 16 minutes. Alors, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous.

Mme Weil : Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, M. Lachapelle, M. Favreau, M. Larose et M. Ouellet. Je vais commencer peut-être sur l'international, parce que vous êtes le premier et peut-être le seul groupe qui vraiment en parle, puis ensuite, avec M. Larose, des questions plus pointues, parce que vous amenez du très concret qui pourrait amener des amendements. Alors, je veux bien comprendre les amendements.

Sur l'international, je pense à Haïti, j'étais beaucoup dans le dossier à titre de ministre de l'Immigration. On a créé ce programme spécial, humanitaire, mais aussi on travaillait avec le MRI pour essayer de trouver du financement pour différents projets. Et c'est vrai que c'est très difficile, il n'y a pas beaucoup d'argent dans ce ministère. Et, si je comprends la formule de ce fonds, le fonctionnement de ce fonds... Je veux bien comprendre comment vous le voyez. Est-ce qu'il y a une rentabilité... Premièrement, est-ce qu'il y a des organismes d'économie sociale en Haïti? Parce que c'était… de notre expérience récente, c'est vraiment cette catastrophe qui a appelé... J'ai rencontré tellement de gens et d'organismes qui sont sur le terrain en Haïti, et c'est phénoménal, phénoménal, et on voit qu'il y a un enrichissement mutuel, ils reviennent ici puis... Je me demandais s'il y a des organismes d'économie sociale qui sont impliqués dans cette aide humanitaire. Mais, comme dit M. Larose, c'est bien plus que la charité, c'est autre chose, là, l'économie sociale.

M. Lachapelle (René) : Bien, pour répondre à votre question sur Haïti… Puis, après ça, je passerai la parole à Louis pour les détails sur la question du fonds dédié. Mais, sur Haïti, bien, la semaine dernière, à l'Université d'été du GESQ, on a accueilli M. Alfred Étienne, qui est le coordonnateur du FODES, un fonds de développement de l'économie sociale dans le secteur de la brousse en Haïti. Et c'en est un organisme qui est partenaire avec l'Union des producteurs agricoles Développement international, et ils sont engagés dans des projets d'économie sociale en Haïti. On a aussi des liens avec un organisme qui s'appelle le GADRU, c'est le groupe d'aide au développement agricole et rural en Haïti. Et on a présenté un projet au MRI pour développer un partenariat entre le FODES et l'UPA Développement international, avec un volet d'intervention du GESQ dans ce...

Donc, je ne prétends pas vous présenter toute la situation de l'économie sociale en Haïti, mais ce que je peux vous dire, c'est que les personnes avec qui on travaille, des Haïtiens notamment qui sont au Québec depuis très longtemps, qui connaissent très, très bien la situation et qui connaissent très bien l'économie sociale aussi… Franklin Midi, par exemple, qui nous dit : Dans le fond, le projet dans lequel on travaille, c'est que les gens qui se sentent en dehors de la société haïtienne deviennent en dedans de la société haïtienne, deviennent des citoyens haïtiens. C'est ça, la perspective de développement en économie sociale. Et c'est là-dedans qu'on trouve qu'on devrait mettre en valeur l'expertise québécoise, parce qu'effectivement c'est reconnu que c'est efficace pour produire des résultats en Haïti.

Mme Weil : Donc, le fonds... Excusez-moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée.

Mme Weil : Comment fonctionnerait ce fonds, donc, avec des prêts et des garanties de prêt? Avez-vous une idée du montant que ça prendrait pour ce fonds...

La Présidente (Mme Champagne) : M. Favreau.

M. Favreau (Louis) : Bon, pour ce qui est du montant, écoutez, c'est assez difficile à penser, au moment où on se parle, mais c'est sûr qu'on n'est pas dans le 50, 75, 80 millions, ce n'est pas ça, d'autant plus qu'il faut mettre trois acteurs dans le décor, c'est-à-dire des fonds publics, l'épargne de retraite de gens et le placement qui viendrait d'organisations syndicales, coopératives, et autres. Donc, c'est l'ensemble de ça qui permettrait d'avoir cinq, 10 millions. On parle de quelque chose aussi, comme fonds, qui se travaillerait dans la durée, hein? La SIDI a commencé il y a 30 ans, ils n'ont pas commencé avec 60 millions d'euros comme ils ont présentement, bon. Alors, il y a un processus dans la durée, de ce côté-là.

Ce qu'il est important de voir, sur la base de cette expérience-là entre autres mais sur la base de nos fonds de travailleurs, il s'agit bien de prêts et de garanties de prêt, et ça veut dire qu'en bout de ligne il y a des remboursements. Et là je vous dirais que, particulièrement dans deux secteurs au plan de la coopération internationale, ça fonctionne bien dans la microfinance et dans l'agriculture.

Dans l'agriculture, il y a des regroupements paysans qui forment des jeunes leaders qui, au lieu de se mettre en exode de leur village vers la grande ville, vont être maintenus dans leur village parce qu'ils s'intéressent à développer la terre de leurs parents, mais ils ne savent pas comment. Il y a donc une formation qui leur est donnée par une organisation paysanne qui, elle-même, au bout du processus de formation, leur dit : Vous avez 500 $ pour bâtir votre plan d'affaires, lequel est un prêt qu'on vous donne sur trois ans. J'ai l'expérience du regroupement paysan de la région de Thiès, au Sénégal, le taux de remboursement, il est de 100 %. Et ça, on peut voir ça à de multiples exemplaires.

Ce que ça veut dire, par exemple, c'est qu'il y a des conditions à mettre en place pour que les taux deremboursement, les prêts et les garanties de prêt, ça fonctionne. Première condition : une organisation paysanne locale qui prend en charge la chose. Deuxième condition : une organisation de coopération internationale d'ici, comme UPA DI, qui est en coopération avec cette organisation paysanne là et qui peut capitaliser sur le fonds qu'on développerait. Ça, ça serait la dynamique de la chose.

• (11 h 40) •

M. Lachapelle (René) : …même, il y a des expériences concrètes que la Caisse d'économie solidaire mène actuellement, au Brésil, depuis plusieurs années...

M. Larose (Gérald) : Oui, au Brésil. Mais, disons, pour prolonger un peu ce que Louis dit, nous, on a développé, avec la Fondation One Drop et Oxfam-Québec, un fonds de microcrédit, Azula, et on a mis en place… disons, on a développé sur cinq ans une nouvelle approche en coopération internationale, disons, à travers l'accès à l'eau. Alors, les gens, d'abord, ça représente des questions de santé qui sont réglées, aussi de cultures, les gens… les familles peuvent développer leurs propres cultures, mais aussi en font plus pour développer un commerce. C'est véritablement ledéveloppement local qui se génère. Et l'approche ne se fait pas d'une manière didactique par des livres puis des enseignements, c'est par les arts de la rue. Donc, il y a toute une approche différente qu'on est en train de développer. Et nous, la caisse, bien, c'est notre mission, on est une caisse, alors on alimente le fonds de microcrédit, et le taux de remboursement est du même ordre que ce que Louis a dit. Il n'y a aucune perte là-dedans. Surtout, c'est qu'on n'envoie personne travailler sur le terrain, on travaille avec les gens qui sont déjà sur le terrain. Donc, on est une force de concertation qui fait en sorte que tous les acteurs poursuivent un même objectif là-dedans.

Mme Weil : Très intéressant, merci. Alors là, je vais revenir sur des modifications, M. Larose, surtout que vous avez proposées. On va commencer avec l'article 3…

Le titre. Vous avez évoqué un peu, vous aviez suivi le débat sur un titre que certains voient comme inclusif, avec moins de description dans le titre, et d'autres qui voient ça comme exclusif parce qu'on n'inclut pas les mutuelles, les associations, donc, et les coopératives. Vous, vous vous positionnez comment là-dedans?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Larose.

M. Larose (Gérald) : Pour être très simple, disons, nous, on met dans le titre la dimension entrepreneuriale, hein?

Mme Weil : Oui, c'est ça. C'est ça qui est...

M. Larose (Gérald) : Donc, soutien à l'entrepreneuriat. On pense que, là, on vient de délimiter la patinoire. Ceux qui ne veulent pas être de l'économie sociale parce qu'ils n'en font pas, disons, c'est clair, là, ils n'en sont pas. Il y a quand même, je dirais, dans l'économie sociale, des organisations qui, quand on dit «économie sociale», ils pensent que c'est de l'économie subventionnée, c'est de l'aide sociale, etc., tu sais? Alors, quand on précise «économie sociale»...

Moi, je suis pour qu'on précise l'économie sociale, hein? Dans ce sens-là, on va dans le courant international. Mais pour, je dirais, le contexte québécois, nommons les affaires. Il vaut mieux que ce soit dit plutôt que non dit. Alors, il y a trois statuts. Ce n'est pas compliqué, là. Il n'y en a pas 20, il y en a trois : il y a les coopératives, il y a les mutuelles puis il y a les associations. Alors, on pourra... Là, là... alors, c'est absolument inclusif, il n'y a personne qui est sorti de la patinoire, puis on pense que ça devrait normalement, là, à moins qu'il y ait d'autres games qui se jouent, là, normalement, si on est sur la base rationnelle et raisonnable, ça devrait normalement satisfaire tout le monde.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée.

Mme Weil : Merci. Par rapport à l'article 3, votre suggestion d'inclure le mot «finalité». Donc, c'est Marie Bouchard, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie sociale, la CIRIEC aussi… ou le CIRIEC, ont proposé… Puis je vous le lis, je pense que ça va dans le même sens que vous : «On entend par "économie sociale" l'ensemble des activités économiques dont la finalité n'est pas centrée sur le profit mais sur le service aux membres ou à la collectivité, réalisées dans le cadre d'entreprises exploitées conformément aux principes suivants.» Donc, vous, vous êtes partie prenante de cette définition. Il y avait aussi les travailleurs, coop des travailleurs, qui allaient un peu dans ce sens-là, sans avoir proposé cette définition, parce qu'ils se sentaient un peu exclus, parce que, pour eux, il y a cette notion de services aux membres qui était très importante. Donc, on semblait les rejoindre avec une définition dans ce sens-là.

M. Larose (Gérald) : Oui. Au lieu d'élaborer, je dirais, une proposition qui aurait pu recouvrer l'ensemble des questions qu'on portait, pour simplifier la vie de tout le monde, on trouvait que les propositions du CIRIEC à ce chapitre-là sont plutôt intéressantes parce qu'elles tiennent compte de la diversité des statuts — parce qu'il y a des statuts divers — et en même temps, je dirais, les particularités, disons, dans les rapports aux membres, dans le rapport au capital, etc. Donc, là-dessus, nous, on a pris intégralement ce que le CIRIEC a proposé.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée.

Mme Weil : Il y avait une divergence — oui, Mme la Présidente — entre le CIRIEC et la chaire sur... Est-ce qu'on mentionne, dans la… les régions ou on parle de tout le Québec? Je ne sais pas si vous avez un point de vue. On a beaucoup parlé des régions. Lorsqu'on parle de l'économie sociale, ça revient constamment. La chaire, donc... Mme Bouchard disait : Bien, finalement, tout le Québec, on comprend que c'est autant la région métropolitaine que les grands centres urbains, que toutes les régions. Est-ce que vous avez un point de vue là-dessus?

M. Larose (Gérald) : Alors là, peut-être que Louis va diverger. Moi, je parle des territoires. Alors, qu'ils soient urbains, ruraux, semi-ruraux, si on parle des territoires... Puis parfois c'est des divisions administratives, parfois c'est des grandes régions. Mais l'économie sociale est très liée au développement local, d'où une table — alors, je vous le dis, M. le ministre — une table particulière, là, de bistro qu'on pourrait avoir sur le développement local et régional. Ça serait peut-être un gros bistro dans ce cas-là, là, mais, je pense, ça serait efficace.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Larose. Mme la députée.

Mme Weil : Et la table... Il nous a été proposé par plusieurs que la table devrait conseiller le gouvernement, pas nécessairement le ministre.

M. Larose (Gérald) : Alors là, nous, dans notre proposition, on va un petit peu plus loin que ça. D'abord, pour la fonction conseil du ministre, on dit : Il faudrait que cette table-là soit quand même équipée, d'où le registre unique puis l'observatoire, là. Mais on pense que la table doit être mise à contribution pour développer les plans de développement… alors, ça fait un pléonasme, là, mais pour construire les plans de développement sectoriels et régionaux. Mais on ne veut pas avoir... — en tout cas, on ne veut pas avoir! — on ne pense pas que ce serait opportun d'avoir tout le monde à la table, là, tu sais, mais il faut... Disons, exemple, le chantier : le chantier, il représente du monde, normalement il va parler pour le monde, le CQCM aussi. Chacun va mettre au travail son propre monde, mais pour travailler au plan sectoriel, dans les tables sectorielles.

La Présidente (Mme Champagne) : En trois minutes, Mme la députée.

Mme Weil : Est-ce que vous voyez qu'il serait important de mettre le mandat — et on pourra avoir votre point de vue sur le contenu de ce mandat, est-ce que c'est comme vaste et large ou plus pointu, comme le chantier propose — dans la loi, qu'on parle de la table ou d'un conseil, et aussi, avec des éléments du mandat?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Larose.

M. Larose (Gérald) : Bien, nous, on propose que le point 4° de l'article 3 soit amendé et puis... Attendez, j'espère que je suis... Non, non, non, ce n'est pas ça. Il faut que je retrouve mon... Alors, il y a une proposition précise là-dessus.

Une voix :

M. Larose (Gérald) :  O.K. C'est à la page 7. Où est-ce qu'est ma page 7? Ah, elle est ici, voilà. Alors, onpropose qu'à l'article 11... Non, ça, c'est la composition. C'est plutôt : Que l'article 12... Alors, on dit : «Le mandat du Conseil national de l'économie sociale en est un d'observation des évolutions, de valorisation des contributions, de coconstruction et de suivi des plans d'action en économie sociale.» On pense que ça devrait être dans la loi.

Mme Weil : Le troisième point, c'était?

M. Larose (Gérald) : Le troisième, c'est, bon, de co-construction et de suivi des plans d'action en économie sociale. Et les plans peuvent être sectoriels, c'est-à-dire, on peut avoir à envoyer une table sectorielle travailler. Mais il faudrait que ce conseil-là, là, stimule puis fasse un suivi. Paul?

M. Ouellet (Paul) : J'ajouterais un…

• (11 h 50) •

La Présidente (Mme Champagne) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Paul) : Oui. J'ajouterais un élément. C'est que, sur ce conseil-là ou cette table-là, pour nous, il est excessivement important d'avoir les deux ministères parce que finalement, quand on regarde l'économie sociale au Québec, il y a des dimensions qui relèvent du ministère des Finances ou du Développement économique puis, comme l'économie sociale est basée sur une rentabilité économique mais aussi sur une fidélité fidélité sociale qui se traduit souvent par un ancrage territorial, l'économie sociale, globalement, qu'elle soit… tous ses statuts, associatif, coopératif ou mutuel, sont nécessairement liés souvent aux municipalités, aux territoires. Alors là, de qui devrait dépendre la loi : Est-ce que c'est du ministère qui s'occupe des territoires ou du ministère qui s'occupe de l'économie? La beauté de la chose en économie sociale, c'est que ça prendrait un ministère unifié. Donc, il faut minimalement qu'il y ait une table...

Une voix : ...

M. Ouellet (Paul) : Il y en a assez comme ça? Oui, O.K. Mais c'était juste pour pousser l'exemplarisation de ça. Il faut absolument qu'il y ait une table où les deux ministères se retrouvent là.

Je vous ai déjà entendu parler, par exemple, de comment pourrait fonctionner le registre. Le registre, il devrait relever du ministère qui accrédite les coops, les mutuelles, etc. Ils ont une expertise, ils ont des équipes, ça fait 50 ans qu'ils font ça, ils n'auront pas de problème à faire le reste.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, merci, M. Ouellet. Alors, cela met fin... Il reste 10 secondes. Alors...

Mme Weil : 10 secondes pour vous remercier...

La Présidente (Mme Champagne) : Bon. Voilà.

Mme Weil : ...parce que c'était vraiment intéressant, puis d'avoir fait le voyage dans le Sud aussi avec vous.

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, merci infiniment. Merci, Mme la députée. Donc, nous allons passer à la deuxième opposition, pour un quatre minutes, suivi, bien évidemment, du parti indépendant, pour un deux minutes. Alors, la parole est à vous, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous saluer, MM. Lachapelle, Favreau, M. Larose ainsi que M. Ouellet. Un peu chauvin, aussi. M. Ouellet a des racines beauceronnes, alors je pense… le plus beau comté au Québec, évidemment.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Spénard : Alors, je ne parlerai pas... étant donné que j'ai seulement quatre minutes, mais je pourrais en parler longtemps, surtout de la Bolivie parce que je suis allé en mission économique en Bolivie pour faire... D'ailleurs, vous regardez, le développement économique des municipalités en Bolivie est calqué sur le développement économique local avec l'avènement des CLD, en 1998, qui s'est passé au Québec. Ils sont venus ici trois fois, les Boliviens, pour apprendre ça.

Alors, moi, je reviens toujours… Parce que j'ai passé ma vie dans les entreprises adaptées du Québec, M. Larose doit sûrement connaître. Le terme «entrepreneuriat». Moi, j'adore le terme «entreprise d'économie sociale», le terme «entrepreneuriat» parce qu'il faut séparer, autrement dit, les organismes purement communautaires ou les organismes publics d'une entreprise d'économie sociale. Et est-ce que vous avez, quand vous parlez d'entrepreneuriat… Tout à l'heure, le groupe avant vous parlait d'une certaine autonomie financière à long terme. Est-ce que vous avez une définition plus précise d'«entreprise d'économie sociale» comme telle?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, monsieur Ouellet.

M. Ouellet (Paul) : Là-dessus, il faut... Parce que j'ai suivi les travaux de la commission. Il ne faut pas qu'il y ait de confusion entre la rentabilité puis l'autonomie financière. Toute entreprise se doit d'être rentable pour assurer son fonds de roulement, pour assurer son développement futur, pour assurer sa capitalisation. Quel est le statut d'association, de coopérative ou de mutuelle? C'est un incontournable.

Quand on parle d'autonomie financière, c'est qu'est née une confusion, c'est que l'économie sociale, au cours des 15 dernières années, s'est développée beaucoup en contractant avec l'État, et certains ont créé de la confusion autour de ça en disant : Voilà des entreprises subventionnées. À ce titre-là, les plus subventionnées sont probablement les entreprises d'asphalte.

Une voix : ...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Ouellet (Paul) : Non, je ne veux rien… Mais ce qu'il faut voir, c'est : il y a une différence entre être subventionné puis avoir un contrat avec l'État pour fournir des services domestiques. Moi, j'ai été président d'une coopérative de services domestiques pendant six ans. On a eu, au début, un statut d'OBNL parce que c'étaient des projets pilotes puis on a droit à quelques subventions. On s'est transformés en coopérative de solidarité. L'autonomie financière, je vous l'explique à partir de cet exemple-là.

Oui, on avait un contrat avec l'État en aide domestique, mais ça ne nous a pas empêchés, comme étant autonomes, de... Il fallait déterminer le prix au marché, combien on allait charger aux clients. Il fallait déterminer le salaire qu'on allait donner. Il fallait déterminer si on voulait faire des surplus à la fin, à quelles fins on allait les utiliser, est-ce qu'on restait locataires, est-ce qu'on allait acheter un édifice, est-ce qu'on allait se fusionner avec une autre entreprise d'économie sociale. Toutes ces questions-là se sont posées, au fil des années, pour arriver à l'autonomie financière la plus grande possible. Aujourd'hui, il y a deux coopératives de fusionnées maintenant, il y a 150 employés et, par les choix autonomes qui ont été faits, cette entreprise est propriétaire maintenant. Cette entreprise a fait des choix… C'est ça, l'autonomie financière d'une entreprise collective, la rentabilité incontournable.

M. Spénard : O.K. Je vous arrête parce que je n'ai pas beaucoup de temps. J'aimerais…

La Présidente (Mme Champagne) : M. le député, il vous reste une grosse minute.

M. Spénard : Une grosse minute? Vous parliez de la table des partenaires, et, M. Larose, je crois que vous avez parlé d'une table de décideurs. Puis, en passant, j'aimerais ça avoir une copie de votre papier, là, de votre mémoire.

M. Larose (Gérald) : Parfait.

M. Spénard : Parce que, nous autres, on n'en a pas eu. Je ne sais pas si vous en avez eu, vous autres?

La Présidente (Mme Champagne) : Je pense qu'ici... Ils sont ici, les mémoires, oui.

M. Spénard : Ah! Ils sont là, là, parce que ça ne nous a pas été distribué, là, on ne savait même pas. O.K. Mais une «table des décideurs» au lieu de «table des partenaires»... Ah! Merci. J'aurais apprécié l'avoir avant, mais, en tout cas.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Larose, une courte réponse : la différence entre les deux.

M. Larose (Gérald) : C'est vrai que ce n'est pas un comité consultatif. Une table de décideurs, si on a une loi-cadre… À mon avis, ce n'est pas une loi toute particulière, là. Une loi-cadre, c'est pour encadrer, disons, un engagement de l'État à soutenir le développement de l'économie sociale parce qu'il estime que, dans le développement général du Québec, c'est important. Alors, dans une approche comme celle-là, il faut que tous les acteurs soient mis à contribution. Et donc c'est très exigeant pour les acteurs, c'est-à-dire, ça les engage à avoir un rapport à l'État qui est d'atteindre des objectifs de développement de l'économie sociale. Alors, c'est pour ça qu'on propose, nous, que les financeurs soient là, là. Et puis il y a déjà un CAP finance, hein, de tous les financeurs de l'économie sociale, ça existe. Bien, ils se brasseront le coco pour savoir qui est-ce qui va aller travailler au niveau de ce conseil national. Mais, autrement dit, c'est de coconstruire avec l'État des plans qui, vraisemblablement, vont d'abord mijoter dans les différents ministères, mais... puis qu'on suive ça, c'est-à-dire il faut qu'il y ait un suivi du développement de l'économie sociale. Dans ce sens-là, c'est des tables de décideurs, les ministres... deux ministres au moins doivent être à la table... enfin, deux ministères doivent être à la table : Finances et territoire. Pour moi, c'est…

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. Larose. Alors, nous allons passer maintenant avec la députée de Gouin pour le célèbre deux minutes.

Mme David : Oui. Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bonjour. Je fais les présentations toujours très vite, moi, parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Moi, je ne parlerai pas d'international parce que vous n'avez tellement pas besoin de me convaincre, c'est acquis. Donc, bravo, oui, c'est merveilleux.

Mais ce dont je voudrais vous parler, j'aimerais ça avoir votre réaction là-dessus, c'est … Je vis comme un petit malaise, mettons. Vous vous appelez le Groupe d'économie solidaire, vous pouvez imaginer que j'adore le nom de votre groupe. Je trouve que c'est un beau mot, il dit ce qu'il veut dire. Je suis un peu étonnée de ne pas le retrouver dans votre proposition de titre pour le projet de loi. Donc, j'aimerais ça comprendre.

Par ailleurs, votre titre, on sent qu'il cherche à rallier, hein? Loi sur l'économie sociale, mais, là on n'oublie personne. Vous avez ajouté le mot «syndical»... Bien, en tout cas, moi, j'ai ça dans le texte, peut-être pas le vôtre, peut-être le vôtre. Bon, alors, oui ou non, vous le mettez? Non. O.K. Remarquez, moi, je n'ai pas d'objection.

Mais, lorsque vous parlez de la question des finalités sociales, vous vous inscrivez en faux contre cette idée que, bon, dans la définition, là, il y a l'idée des finalités sociales, parce que, M. Larose, vous dites : Bien, ça fait trop penser à la charité. Bien, je m'excuse, mais moi, je pense que «sociales», ce n'est pas la charité. «Sociales», ça réfère aux engagements que nous prenons les uns et les unes envers les autres dans une société. Je ne vois absolument pas le rapport avec la charité. Je pense donc qu'on doit garder l'idée de finalités sociales et, s'il le faut, réhabiliter le mot «sociales».

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. Larose.

M. Larose (Gérald) : Là, bien, on ne se chicane pas sur «sociales», on se chicane sur «fins sociales» ou «finalités sociales». Nous, on dit «finalités sociales», la loi parle de «fins sociales»...

Mme David : O.K.!

M. Larose (Gérald) : Donc, c'est ça. On propose...

Mme David : On est subtils.

M. Larose (Gérald) : ...que ce soit «finalités», plutôt que «fins». Et, bon, si on avait le temps de faire un peu de philosophie, je vous dirais que l'économie plurielle devrait avoir des fins sociales globalement. Mais là on est sur un registre plutôt philosophique. Mais, dans la loi, c'est «finalités sociales» qu'on devrait retrouver plutôt que «fins sociales».

La Présidente (Mme Champagne) : Alors...

Mme David : Et pourquoi... Est-ce qu'il me reste...

La Présidente (Mme Champagne) : Une dernière, petite, petite, petite dernière, et ça va être la conclusion.

Mme David : O.K. Pourquoi n'avez-vous pas… Puisque vous êtes le groupe sur l'économie solidaire, pourquoi n'avez-vous pas inclus le mot «solidaire»?

M. Larose (Gérald) : ...je vais vous dire, effectivement, quand on a vu aller le débat, là, on n'a pas voulu charger la brouette plus…

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Champagne) : Charger la brouette.

M. Larose (Gérald) : …c'est un débat intéressant qui existe surtout en Amérique latine et en France. Disons, moi, je me suis… (panne de son) …là-dessus. Mais on va commencer par accréditer «économie sociale» en disant que tout le monde est concerné, là. Quand on aura fait ça, c'est déjà intéressant. Puis ensuite on pourra voir si on ajoute.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, merci beaucoup. Alors, MM. Lachapelle, Favreau, Larose, Ouellet, merci infiniment.

Et, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures cet après-midi, même endroit, je crois.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 15 h 26)

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Excusez mon retard. J'ai été retenue par le ministre le plus important du Parlement, à part le mien. Je fais attention, moi aussi, à ce que je dis.

Alors, la commission reprend ses travaux avec beaucoup de bonheur. Alors, je vous rappelle que la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 27, la Loi sur l'économie sociale. Et nous en sommes à nos derniers groupes dans les auditions, M. le ministre, je voulais vous le rappeler, et ce ne sont pas les moindres. Voilà.

Alors, je vais inviter le premier groupe, qui est le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, à se présenter, à s'identifier avec le titre qu'il possède et à présenter également les invités. Et vous avez droit à un 10 minutes pour votre exposé et, suite à ça, un échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous, M. Paul de Bellefeuille, je crois?

Syndicat de la fonction publique et
parapublique du Québec inc. (SFPQ)

M. de Bellefeuille (Paul) : C'est ça.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. de Bellefeuille, vous allez vous présenter et vos invités.

M. de Bellefeuille (Paul) : Alors donc, Paul de Bellefeuille, vice-président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. Je suis accompagné de deux personnes qui sont à l'emploi du SFPQ et toutes deux conseillères à la recherche, donc, à ma gauche, Mme Catherine Charron, et, à ma droite, Mme Nadia Lévesque.

Donc, au nom du SFPQ, il me fait plaisir de vous présenter le mémoire de notre organisation sur le projet de loi n° 27 portant sur l'économie sociale. Le SFPQ appuie l'économie sociale, car elle partage, avec le mouvement syndical, les valeurs de solidarité, de justice sociale et de démocratie. En ce sens, la reconnaissance et le soutien de l'État à celles-ci sont importants.

Toutefois, certains aspects du projet de loi nous préoccupent. Nous nous questionnons sur la définition de l'économie sociale ainsi que des critères qui la définissent. Nous souhaitons voir inscrit dans le texte du projet de loi que les emplois de ce secteur économique soient stables, durables et bien rémunérés. Nous sommes préoccupés par une possible instrumentalisation des groupes communautaires et par le risque d'une édification d'une fonction publique parallèle. La reconnaissance institutionnelle de l'économie sociale implique, selon nous, que des règles claires d'imputabilité et de transparence soient établies. En conséquence, nous croyons important que certains acteurs clés de l'État aient un droit de regard sur l'économie sociale. Ainsi, le Commissaire au lobbyisme, le Vérificateur général et le Protecteur du citoyen devraient avoir leur mandat élargi à ce secteur.

L'économie sociale, au sein d'une économie plurielle, doit donc s'appuyer aussi sur un secteur public fort. Les années 80 se caractérisent par l'apparition d'un désengagement de l'État et d'un questionnement sur ce qu'il est convenu d'appeler l'État-providence ou l'État social. En corollaire, nous observons la montée du néolibéralisme; apparaissent alors des coupures dans les services publics, mais aussi leur privatisation. Entre autres conséquences, de plus en plus d'organismes communautaires sont appelés en renfort pour pallier en partie au retrait de l'État.

Les années 90 se caractérisent donc par un accroissement de la sous-traitance sous différentes formes, y compris entre le secteur public et les organismes sans but lucratif. À titre d'exemple, dans le secteur des services sociaux, les organismes communautaires sont mis à contribution par des ententes de service avec certains ministères et organismes.

• (15 h 30) •

Au début des années 2000, la vision utilitariste de l'État face aux groupes communautaires s'accentue. Les rapports entre l'État et le secteur communautaire deviennent de plus en plus tutélaires. La politique de reconnaissance et de soutien à l'action communautaire est un bon exemple des conséquences possibles d'une définition floue et d'un manque de balises pour encadrer les rapports contractuels entre les groupes et les ministères et organismes. L'autonomie des groupes communautaires en est, bien entendu, affectée. Se dégage donc de ce phénomène une opposition entre la rentabilité économique et la rentabilité sociale. La rentabilité économique prend les devants dans une perspective d'institutionnalisationde l'économie sociale, contrairement au mouvement des femmes, par exemple, qui revendique des infrastructures sociales.

À l'opposé, pour le MAMROT — le ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire — l'économie sociale se distingue par sa forme entrepreneuriale. Sa principale qualité, du point de vue gouvernemental, est sa capacité de créer des emplois. Il faut reconnaître que l'économie sociale est importante dans le tissu économique québécois. Elle représenterait 8 % du produit intérieur brut et emploierait 125 000 personnes.

Toutefois, l'économie sociale n'est pas un secteur en soi, différentes entreprises dans différents secteurs y sont répertoriées. Pensons aux secteurs de la santé, de l'employabilité, de la production agricole et des services financiers. Il y a donc une grande variété de réalités tout à fait impressionnante. En effet, quels sont les points en commun entre le Mouvement Desjardins et les entreprises d'économie sociale en aide domestique si ce n'est la propriété collective? Ce qui nous fait dire qu'il n'y a pas de portrait exhaustif de l'économie sociale au Québec. De plus, ce secteur, sauf exception, offre des conditions de travail peu enviables et où la précarité de l'emploi est la règle. Le SFPQ recommande que le projet de loi précise que les entreprises d'économie sociale doivent favoriser la création d'emplois stables, durables et bien rémunérés.

Je reviens sur la définition de l'économie sociale, qui nous apparaît difficile à établir, de même que les critères qui la définissent. Quelles sont les entreprises qui peuvent être identifiées comme faisant partie de l'économie sociale? Le projet de loi, à ce chapitre, n'apporte pas de réponse satisfaisante. Le processus de gestion démocratique est certainement au centre de cette définition, mais cela varie d'un secteur à l'autre. Les petites entreprises ont un mode de fonctionnement démocratique qualifié d'horizontal et d'innovateur; par contre, les grandes entreprises identifiées à l'économie sociale ont une gestion plus traditionnelle et hiérarchisée. Il nous apparaît essentiel de réfléchir à une réforme du droit associatif afin de prendre en compte les particularités du monde associatif, notamment en matière des pratiques démocratiques au sein de ce groupe.

Le flou constaté dans la définition de l'économie sociale est renforcé par le dernier considérant du projet de loi. En effet, on y parle de l'existence des entreprises d'économie sociale et d'autres organisations qui seront en soutien. De quel type de soutien parle-t-on? Et quelles sont ces organisations? Il y aurait lieu d'apporter des précisions à ce chapitre.

Les partenariats entre le gouvernement et les organismes d'emploi ne datent pas d'hier. Toutefois, en 1998, la création de l'agence Emploi-Québec a institutionnalisé les ententes de services entre le ministère et les ressources externes, établissant un rapport de dépendance avec celles-ci. Les ressources externes telles que les CJE — carrefours jeunesse-emploi — les entreprises d'insertion en emploi, etc., ne sont plus issues du milieu, mais ont été créées pour répondre à la demande du ministère et donc signifier le développement d'une fonction publique parallèle.

Le secteur de l'agriculture est aussi un exemple de cette dérive. Des services-conseils qui, autrefois, étaient offerts par des conseillers du ministère sont dorénavant confiés à une multitude d'intervenants externes. Il en est ainsi de l'entente du MAPAQ et de l'UPA, par la mise en place de 14 réseaux-conseils. Cet autre exemple illustre clairement le développement d'une fonction publique parallèle.

Selon le SFPQ, le développement du tiers secteur — l'économie sociale ou communautaire — doit se faire dans un rapport non concurrentiel, mais plutôt complémentaire avec le secteur public. Ainsi, il serait essentiel de préserver les missions fondamentales de l'État au sein de la fonction publique. Le SFPQ recommande, en conséquence, que le projet de loi stipule que les services offerts dans les entreprises d'économie sociale ne doivent pas se substituer aux services publics ni favoriser le développement d'une fonction publique parallèle.

Nous souhaitons aussi attirer votre attention sur la question de l'imputabilité et de l'intégrité. Le gouvernement veut donner un plus grand accès aux marchés publics; il s'agit d'ailleurs d'une revendication du Chantier de l'économie sociale. Le SFPQ y est favorable, toutefois nous croyons à l'importance d'établir des balises claires afin d'assurer l'application des principes d'imputabilité et d'intégrité au sein des rapports entre l'État et le secteur de l'économie sociale… les activités qui relèvent exclusivement ou quasi exclusivement du financement public soient soumises au regard du Vérificateur général et du Protecteur du citoyen.

Nous croyons aussi qu'il faut réfléchir à ce que la loi sur la transparence et le lobbyisme s'applique entièrement aux OSBL, au même titre qu'elle s'applique aux entreprises et aux syndicats. Le Commissaire au lobbyisme avait d'ailleurs souligné dans un récent rapport : «En soustrayant certains OBNL de l'obligation d'inscrire leurs activités de lobbyisme au registre, on laisse dans l'ombre une partie importante de la réalité du lobbyisme au Québec.» Le SFPQ recommande que la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme soit étendue à l'ensemble des organismes sans but lucratif et que les mandats du Vérificateur général et du Protecteur du citoyen s'appliquent aux entreprises d'économie sociale dont les activités reposent sur du financement public.

L'acteur public au Québec est un facteur important de la qualité de vie des citoyennes et des citoyens. L'État, par le travail de ses fonctionnaires, dispense des services universels garantis pour tous les citoyens et toutes les citoyennes. La complémentarité entre les groupes communautaires, qui par définition sont au service de leur communauté, ne doit pas se confondre avec l'État, qui est au service de la société. La complémentarité doit être établie entre ces deux secteurs sans toucher aux missions fondamentales de l'État, un champ d'intervention qui relève de la fonction publique et dont les frontières doivent être solidement défendues. Le SFPQ recommande qu'un énoncé reconnaissant l'importance d'un secteur public fort dans le modèle québécois soit intégré au préambule du projet de loi.

Je tiens donc, en terminant, à vous remercier de votre attention à notre présentation, qui est, bien entendu, une synthèse, là, du mémoire, qui va beaucoup plus dans les détails. Merci.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. de Bellefeuille. Alors, vous êtes tout à fait dans les temps, merveilleux. Alors, nous allons passer au côté ministériel, avec M. le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire. Alors, la parole est à vous pour environ 15 minutes.

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci beaucoup, Mmes Charron et Lévesque et M. de Bellefeuille, pour votre présentation documentée et quand même avec plusieurs suggestions. Je remarque que, sur le fond, vous êtes favorables à un projet de loi cadre sur l'économie sociale. Vous saluez l'initiative du gouvernement à cet égard, mais ce que je comprends également, c'est que vous levez ici et là quelques feux jaunes pour que nous puissions bonifier certains éléments du projet de loi évidemment dans l'esprit que vous nous recommandez.

Et un de ces éléments qui semble vous préoccuper énormément... plus que «qui semble», là, qui vous préoccupe énormément, c'est la question de la substitution d'emploi et le risque d'instrumentalisation du personnel de l'économie... du secteur de l'économie sociale par le gouvernement. Je vous avoue qu'en entendant cela, «instrumentalisation», j'ai un peu sursauté, parce que je comprends ce que vous voulez dire, mais je trouvais ça un peu sévère.

Donc, première question, j'aimerais que vous me précisiez par des exemples ce que vous entendez par«instrumentalisation» ou «risque d'instrumentalisation» du secteur de l'économie sociale par le gouvernement ou par les gouvernements. Alors, j'aimerais que vous me disiez ce qui vous fait dire ça par des exemples.

Deuxièmement, j'aimerais avoir votre opinion concernant le rôle du gouvernement, tel que précisé... chapitre III du projet de loi, article 7, où on dit que le gouvernement doit «reconnaître l'économie sociale comme partie intégrante de la structure socioéconomique du Québec, en prenant en considération l'économie sociale dans les mesures et les programmes existants», mettre «en valeur les initiatives réalisées en matière d'économie sociale». Il me semble que c'est tout le contraire de l'instrumentalisation. Il y a comme un rempart, par l'article 7, qui par ailleurs inquiète beaucoup, par exemple, la Fédération des chambres de commerce, alors que... Je me dis : Peut-être que, de votre côté, cet article, par exemple, devrait plutôt être vu comme un... un outil, justement, pour éviter les risques d'instrumentalisation.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. de Bellefeuille.

• (15 h 40) •

M. de Bellefeuille (Paul) : Oui. Bien, je vais débuter, mais je vais nécessairement faire compléter par mes consoeurs, là, qui ont fouillé le dossier beaucoup plus que moi, là.

En tout cas, au fil du temps, le Syndicat de la fonction publique et — maintenant — parapublique du Québec a pu constater concrètement que, dans les faits, entre, par exemple, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale et le milieu, donc, dit de l'économie sociale et particulièrement des groupes communautaires, il n'y avait pas seulement une complémentarité, mais ça allait beaucoup plus loin que la complémentarité et que, dans les faits, il y avait des emplois qui étaient véritablement substitués aux emplois des fonctionnaires, à tel point qu'ils nous disaient : Bien, nous, finalement, ce qu'il nous reste à faire, c'est du «rubber stamp» pour accepter les projets de l'économie sociale et du milieu de l'employabilité. Ça, c'est l'expérience qu'on a vécue. Je pourrais laisser compléter par Mme Lévesque.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, oui, Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Nadia) : Oui. Alors, on a étudié, depuis plusieurs années, plusieurs ministères où on remarque... je vais appeler ça la formule de financement par entente de service, et c'est cette formule-là qu'on qualifie d'instrumentalisation des groupes communautaires, où on voit, par exemple, des initiatives qui étaient vraiment issues d'un besoin d'une communauté.

À cet effet-là, je vous nommerai probablement le plus célèbre, qui est les carrefours jeunesse-emploi, où, dans l'Outaouais, on avait un organisme communautaire qui était particulièrement approprié à son milieu, qui avait de beaux succès et qui a fait l'objet d'attention à la fois des médias, de politiciens, et, tranquillement pas vite, on a décidé d'en faire un réseau provincial, d'en instaurer un dans chaque région du Québec, avec les mêmes politiques, mur à mur, et la même formule, et les mêmes services, sans se demander si, en Outaouais, le service était aussi approprié à Sept-Îles. C'est une forme.

Mais on a également des formes, je vous dirais, plus proches du contractuel, où, par exemple, le retrait de l'État au ministère du MAPAQ… Ce n'est pas banal de voir un service de conseils agricoles qui était gratuit et offert par des conseillers au MAPAQ à des agriculteurs en région être transformé en réseau… qui part d'une bonne volonté, là. Les coopératives fédérées avaient des regroupements d'agriculteurs qui se mettaient ensemble pour acquérir certains conseils complémentaires qui n'étaient pas offerts. On a pris cette formule-là puis on lui a transféré des responsabilités qui étaient auparavant ministérielles, que ce soit en environnement on en conseils plus agricoles, là — je ne suis pas une agronome, donc je vous le qualifie comme ça.

On a ensuite vu, au ministère de l'Immigration également, des pratiques, par certains groupes, notamment sur l'île de Montréal, où il y avait des approches de francisation puis d'intégration — on appelle ça des sessions de groupes — où on expliquait aux nouveaux arrivants leurs obligations, les outils qu'on offre aux nouveaux arrivants pour s'établir, bien c'était donné par des fonctionnaires de l'État jusqu'à l'été dernier. L'été dernier, il y a eu quelques centaines d'ententes de signées pour plusieurs millions de dollars, et c'est dorénavant des organismes du secteur communautaire qui se voient obligés de se conformer aux besoins qui sont identifiés par le ministère. C'est dans ce sens-là qu'on parle d'instrumentalisation.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. le ministre.

Une voix :

La Présidente (Mme Champagne) : Ah oui! Je pense qu'il y a Mme Charron.

Mme Charron (Catherine) : Oui, je rajouterai juste un petit élément. Ce que ma collègue vient de dire… Quand on parle d'instrumentalisation, évidemment on n'est pas en train de prêter des intentions aux législateurs. On est très conscients que ce n'est pas du tout la volonté du ministre de vouloir instrumentaliser les groupes. Ce qu'on craint davantage, c'est des dérives, des dérives qu'on a observées depuis quelques années, depuis plusieurs années puis qui sont souvent liées à des coupures, des coupures dans la fonction publique.

Alors, on n'est pas les seuls à le dire. Dans le milieu aussi des organismes, par exemple, en employabilité, on fait le lien entre les coupures d'effectifs, par exemple, dans les centres locaux d'emploi et, disons, le surplus de clientèle qui tombe dans le champ, si on veut, de l'économie sociale à travers ces organismes-là. On pourrait aussi donner l'exemple de la Régie du logement. Il y a une commission itinérante qui vient de relever certains problèmes relativement à la question du logement, puis les organismes, en ce sens-là, sont débordés puis ont de la misère à faire face à ce surplus-là de demandes. Alors, c'est plutôt en ce sens-là qu'on parle d'instrumentalisation.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, Mme Charron.    M. De Bellefeuille.

M. de Bellefeuille (Paul) : Je donnerais un dernier exemple, celui de la Société d'assurance auto, et là on ne parle vraiment pas de complémentarité. Ils ont mis en place pendant des années un réseau de mandataires en permis et immatriculation qui sont dirigés par… je pense, en tout cas, ça reste à définir, mais par des groupes communautaires, des chambres de commerce, qui se définissent comme des groupes particuliers et qui… c'est vraiment du copier-coller, là, qu'un citoyen qui connaît peu la chose va dire : Bien, je suis à la Société d'assurance auto, et pourtant c'est géré par différents groupes pouvant être identifiés à l'économie sociale, mais avec les conditions de travail aussi qui diffèrent de façon très, très grande entre les conditions de travail des fonctionnaires et les conditions de travail des gens... des travailleurs de ce milieu-là; certains sont syndiqués, mais pas beaucoup.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Je comprends bien votre propos, mais je veux vraiment apporter une clarification, là, parce qu'il y a comme deux choses dans ce que vous dites. Qu'il y ait une dérive vers une sous-traitance, vers une déresponsabilisation du gouvernement ou des gouvernements successifs, qu'il y ait un délestage des responsabilités de l'État, c'est une chose — je ne vous dis pas que je partage nécessairement votre analyse, nous pourrions en parler amplement — ça, c'est une chose. Mais qu'il y ait une loi-cadre sur l'économie sociale qui vise à reconnaître les organismes existants, qui vise à faire en sorte que les organismes d'économie sociale, quels qu'ils soient — coopératives, mutuelles, OSBL — soient reconnus comme d'autres entreprises, par exemple, de l'économie marchande dans les programmes ou dans les appels d'offres du gouvernement, c'est une autre chose.

Et je ne crois pas que notre objectif est de régler la dérive vers une sous-traitance des services de l'État par une loi-cadre sur l'économie sociale. Je veux juste bien faire la part des choses puis en même temps bien reconnaître qu'il existe depuis plusieurs années — puis d'autres groupes avant vous sont venus le démontrer ici, entre autres le CQCM ce matin — un secteur qu'on appelle depuis quelques années économie sociale, mais un secteur de ce genre existe depuis des centaines d'années au Québec, et je pense que c'est heureux qu'il se développe dans chacune de nos communautés, que ce soit en santé, en finances, en environnement, dans toutes sortes de domaines. Alors, je veux juste faire cette précision-là parce que notre objectif n'est pas, par la porte d'en d'arrière, de soutenir une déresponsabilisation de l'État ou une dérive vers la sous-traitance extrême, je dirais, ou quoi que ce soit, mais c'est vraiment de reconnaître d'abord et avant tout un secteur qui existe depuis longtemps au Québec et de lui donner le meilleur soutien possible.

D'ailleurs, là-dessus, lorsque vous avez fait référence, M. de Bellefeuille, entre autres, à des exemples comme les mandataires de la Société d'assurance auto ou d'autres types d'organismes qui pourraient se réclamer de l'économie sociale… Et une de vos recommandations, dans votre mémoire, touche le dernier considérant dans le préambule du projet de loi, lorsque nous disons dans le projet de loi : «…en plus des entreprises d'économie sociale, diverses organisations interviennent en soutien à ce domaine, afin d'offrir de l'expertise, des ressources ou des services variés.» Alors, je comprends que, pour vous, cette allusion à des organisations diverses est floue, mériterait d'être précisée. Alors, j'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus.

La Présidente (Mme Champagne) : M. de Bellefeuille.

M. de Bellefeuille (Paul) : Oui. Bien, c'est ça. À la lecture même, donc, du considérant, on s'est posé la question : Mais qu'est-ce que ça signifie? Est-ce qu'éventuellement ce sera mieux défini? Est-ce qu'on aura des exemples d'organisations qui viendront en soutien à ce secteur-là de l'économie sociale? En tout cas, nous, on n'a rien vu dans le projet de loi qui nous aidait à répondre à cette question-là, mais peut-être que vous avez une idée un peu plus précise et que vous pouvez nous donner des détails là-dessus.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre.

• (15 h 50) •

M. Gaudreault : Oui. Bien, on... Non, mais, en fait, je reçois votre recommandation ou votre mise en garde quant à la précision sur ce considérant. Mais, au-delà du préambule du projet de loi, je pense que la matière réellement substantive du projet de loi est davantage dans la définition des entreprises d'économie sociale, à l'article 3, qui, dans le fond, vient définir ce qu'est un organisme d'économie sociale, et sur laquelle, d'ailleurs, on a déjà reçu des suggestions de modification par d'autres groupes qui sont passés devant vous et que nous allons analyser très attentivement.

Par ailleurs, vous plaidez pour… Justement, à l'article 3, vu qu'on y est, au troisième picot, là, que «les règles applicables à l'entreprise prévoient un processus de prise de décision démocratique», vous, vous nous dites que ça devrait être évalué par rapport aux pratiques sur le terrain et non pas seulement aux règles de l'entreprise. «Aux règles de l'entreprise», j'imagine que vous voulez dire «un membre, un vote», par exemple. En tout cas, je voudrais vous entendre un peu plus là-dessus. C'est quoi, ça, les règles de pratique sur... c'est-à-dire, la réalité pratique, là, sur le terrain? À quoi vous faites référence et comment on peut quantifier… ou qualifier ça, plutôt, dans une loi?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, en deux minutes, M. de Bellefeuille.

M. Gaudreault : C'est tout ce qu'il reste?

La Présidente (Mme Champagne) : C'est tout ce qu'il reste comme temps. Je mange le temps. Mme Charron.

Mme Charron (Catherine) : Merci. Notre intention sur cet aspect-là, ce n'était évidemment pas de faire des suggestions législatives pour préciser cet aspect-là de la démocratie à l'intérieur des organismes. Vous avez rencontré, au cours des consultations, des gens qui sont beaucoup plus experts en cette matière-là que nous. Je pense à la Chaire en économie sociale, entre autres, qui vous ont certainement fait des suggestions très précises pour cet article-là du projet de loi.

En fait, nous, notre intention, c'était plutôt de dire qu'il existe une marge entre les principes et les pratiques sur le terrain puis c'était pour illustrer le fait que l'économie sociale, le monde de l'économie sociale est un secteur — si on emploie le terme — extrêmement diversifié où on retrouve un petit peu de tout, à la fois des pratiques extrêmement innovantes, extrêmement progressistes sur le plan notamment de la démocratie participative des membres, mais qu'on peut retrouver aussi des pratiques qui sont... qui mériteraient peut-être, justement, d'être évaluées, disons, à l'aune de ces principes-là. Alors, c'était simplement une illustration pour montrer que la définition telle qu'on la comprend, nous, de ce projet de loi là permettrait, finalement, à de nombreux organismes de se qualifier au titre d'économie sociale sans nécessairement pour autant que les pratiques sur le terrain soient à la hauteur des ambitions, disons, de l'économie sociale.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, Mme Charron. Alors, il reste 30 secondes.

M. Gaudreault : Ah, oui? O.K.

La Présidente (Mme Champagne) : Qu'est-ce qu'on peut faire en 30 secondes?

M. Gaudreault : Bien, écoutez, on peut faire beaucoup de choses en 30 secondes, entre autres répondre à ma question sur le rôle du Protecteur du citoyen et du Vérificateur général dans les entreprises d'économie sociale. Vous ne trouvez pas ça un peu trop lourd pour des entreprises d'économie sociale, qui sont parfois... qui ont peu de moyens en termes de reddition de comptes?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, en 15 secondes, M. de Bellefeuille.

M. de Bellefeuille (Paul) : Oui. Bien, je pense que les budgets alloués, ou qui seront alloués, qui sont déjà alloués et qui seront alloués à ce secteur-là, au-delà de la grosseur d'une entreprise ou d'une autre, méritent certainement que l'État ait son mot à dire et vérifie. Puis c'est peut-être le contexte actuel qui nous amène à être plus prudents et de dire que, dans le fond, si on dépense des centaines de millions — et c'est les impôts que nous tous payons tous les jours — je pense que ça mérite que ce soit surveillé.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, M. de Bellefeuille. Alors, nous allons passer à l'opposition officielle. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous pour 14 minutes.

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous souhaite la bienvenue, M. de Bellefeuille, Mme Charron et Mme Lévesque. Juste un mot avant de commencer. Parce que j'étais ministre de l'Immigration et, je veux vous dire un peu, quand on a ces discussions-là avec les fonctionnaires et des changements… Il faut dire que la modification qui a été apportée... Parce que, la francisation, il y avait déjà les cégeps, les écoles et les organismes communautaires qui faisaient de la francisation. Là, ce qui a été rajouté, c'était l'accueil, et il y avait un débat là-dessus. Mais je vous dirais que ce n'était pas du tout dans une optique de désengagement, c'était beaucoup le modèle un peu canadien aussi.

Et d'ailleurs la TCRI, que vous connaissez bien sûrement, c'est la table des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, qui sont le grand partenaire, si vous voulez, du ministère de l'Immigration, parlait beaucoup de ce modèle-là parce que les organismes communautaires sur le terrain font déjà l'intégration, à à peu près 95 %, c'est eux qui le font depuis des années. Donc, le bout qui manquait, c'était l'accueil. Puis il y avait des discussions sur : si l'État devait quand même toujours rester, à quelque part, visible dans l'accueil. On était là.

Mais, je vous dirais, je comprends la crainte. On en a parlé la semaine dernière aussi avec un syndicat, puis ça va venir après, avec vous. C'est de s'assurer d'une qualité de services et de services responsables, publics responsables, surtout, j'imagine, dans des dossiers particulièrement sensibles comme la santé, les services sociaux, le respect du caractère privé des services, bon, évidemment, la santé des personnes, il n'y a rien de plus important. Donc, bien sensible à ça.

Mais des fois, cette frontière du communautaire, il y a des fois aussi une énergie ou un dynamisme, surtout quand il y a une proximité avec la clientèle… Je pense beaucoup à l'immigration, où ces organismes communautaires faisaient déjà de toute façon — certains qui reçoivent même des dons — faisaient déjà… ou font déjà du travail. C'est très communautaire. Alors, je voulais juste clarifier cet élément-là, que ce n'était pas dans une optique de réduction… disons, une optique où… des économies, c'était plus de compléter, si on veut, le service donné déjà par ces organismes communautaires. C'était vraiment à la marge pour ce qui était de l'accueil.

Donc là, là ce que je comprends — parce que j'ai posé la question un peu ce matin — c'est que, jusqu'à la semaine dernière, je vous dirais, la plupart des groupes, c'est très, très, très positif par rapport au projet de loi, je peux le dire, là. Les gens sont très enthousiastes par rapport... Il y a des commentaires, il y a des recommandations. Bon. Tout ça, on verra. Mais les craintes viennent des syndicats, un peu comme vous le dites, de faire attention, et aussi juste un regroupement, c'est la Fédération des chambres de commerce, qui voit aussi un peu une concurrence déloyale. C'est comme ça que ça a été... Ils ne viendront pas présenter, par exemple. Mais donc on a le privé, on a le public, et, entre deux… beaucoup de choses entre les deux, hein, les organismes communautaires, l'économie sociale, et tout.

Dans vos recommandations, est-ce que... Et on sent, tout le long de votre mémoire, qu'il y a une inquiétude et comment faire attention qu'il n'y ait pas de dérapage, si je comprends bien le sens de vos propos. Vos recommandations à la fin, vous en avez quatre, mais précisément dans quels articles, vous n'allez pas trop là-dedans, c'est juste les grands principes que vous voudriez qu'on instaure, comme législateurs, dans la loi. Vous n'avez pas de commentaires précis sur le titre de la loi, sur les tables, sur le mandat de la table, la composition de la table. Est-ce que vous avez des commentaires sur ces aspects-là plus techniques du projet de loi?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. de Bellefeuille.

M. de Bellefeuille (Paul) : Oui. Bien, d'abord, je reviendrai sur la seconde question et… Par rapport àl'immigration, je pense que ce qui est important quand une personne arrive ici et s'établit, s'installe… et puis ce n'est quand même pas un processus, non plus, facile, mais je pense qu'on doit s'assurer que le message soit clair et uniforme. Et je pense qu'en concédant ce qui restait, peut-être, là, aux groupes chargés de soutenir ces personnes-là, je pense qu'on enlève à l'État un rôle important. Et je pense qu'on... Et au-delà de : Est-ce que ce sont nos emplois, pas nos emplois?, ce n'est pas ça, là. La question, c'est : On doit bien clairement dire c'est quoi, l'État québécois, la société québécoise, la communauté québécoise, dans quelle langue elle vit, quelle est sa culture, et je pense que c'est important que ce soit dit par des fonctionnaires de l'État. Bon.

Alors, ceci dit, concernant l'autre question, on n'est pas allés, effectivement, de façon très, très précise. Mais nous, dès le départ, quand on a regardé le projet de loi, on s'est dit : C'est un projet de loi de grands principes. Et c'est peut-être pour ça qu'on est restés aussi sur les grands principes. Et je pense que, de là, bien, d'abord, aussi, il va y avoir, je crois, éventuellement, un plan d'action et, dans lequel plan d'action, on va probablement définir un peu plus précisément, et certainement que, si on peut y collaborer et y participer, on le fera.

Oui, on a des craintes, c'est vrai. Mais, ceci dit, on est n'est pas contre l'économie sociale, bien au contraire. Je pense qu'à partir du moment où ce sont des besoins qui émergent véritablement de la base et qui correspondent à besoins-là, l'économie sociale, c'est vraiment un secteur intéressant.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, oui, Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Nadia) : Juste en complémentaire. Je comprends, Mme Weil, que vous n'aimez pas notre mot «instrumentalisation» sur la réforme au MIC, je le comprends très bien. Par contre, quand on regarde à l'intérieur de la boîte, la notion, dans le vocabulaire, entre accueil et intégration peut peut-être sembler un peu sémantique, mais, dans la réalité, quand on dit que l'accueil est fait dorénavant dans les groupes communautaires, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun représentant de l'État qui parle à un immigrant sur les règles et le comment obtenir la reconnaissance de sa scolarité, par exemple. Et une erreur dans le début du processus de reconnaissance d'un diplôme à l'étranger peut occasionner jusqu'à trois ans de retard pour que cette personne-là ait sa reconnaissance. Ce n'est pas des erreurs, somme toute, banales. Et on a vu des groupes démarcher auprès des immigrants pour faire la promotion, par exemple, de formation dite reconnue par Emploi-Québec et pour que... les gens avaient investi, des immigrants, des sommes assez importantes et pour se faire dire que, finalement, non, cette formation-là n'était pas reconnue. Chez nous, on appelle ça le cas Canadair, là. C'est assez vieux, mais c'est quand même un cas qui a eu lieu, où les immigrants ont dû rembourser des milliers de dollars. Vous savez probablement... Ce n'est pas moi qui vous apprendras qu'un immigrant n'a pas généralement ces sommes-là à disposition lors de son arrivée. Ça fait que c'est en ce sens-là qu'on utilise le mot «instrumentalisation» et «substitution d'emploi» pour votre plus grand déplaisir, je l'imagine très bien. Voilà.

• (16 heures) •

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, Mme la députée.

Mme Weil : Oui, je pense que... C'est fascinant quand même, hein, comme discussion, parce que, quand on parle d'intégration des immigrants, il y a aussi toutes les technologies de l'information qui font qu'on peut donner beaucoup plus d'information avant que la personne arrive, donc des programmes de francisation en ligne, le lien qui se fait directement avec les ordres professionnels. Et d'ailleurs, peut-être, dans cette optique-là, je pense qu'on va voir, dans les années à venir, beaucoup, à cause des technologies de l'information, beaucoup de transformations, beaucoup, beaucoup. Je l'ai vu, juste les quelques années où j'étais là, au ministère de l'Immigration, parce qu'avant j'étais à la Justice, puis, je vous dirais, c'est très différent, la Justice. Mais, l'Immigration, on est vraiment en lien direct avec une clientèle qui a besoin de services.

Donc, j'imagine, dans ce contexte-là, peut-être, de mutation, de transformation, de... qui vont aller plus vite qu'on peut imaginer, je retiens votre mise en garde, mise en garde sur... Je pense que le message que je retiens, c'est beaucoup la qualité des services, de s'assurer que l'État, les services publics... les services publics, c'est quelque chose en soi, que les services publics gardent leur caractère tout spécial, évidemment.

Donc, je pense que c'était... Je n'ai pas beaucoup de questions parce que, vraiment, on rentre généralement, dans les questions qu'on pose, dans des recommandations très précises. Je retiens ce que vous dites, mais je retiens aussi que vous êtes plus favorables que ce que j'aurais pensé en le lisant la première fois, n'est-ce pas? Non, mais c'est important quand même, parce qu'on veut savoir un peu où les gens se positionnent.

Et, je vous dirais, généralement, c'est beaucoup plus très, très technique. Bon, dans le nom, même, le nom de la loi, ça, c'est tout un débat là-dessus : qui se sent exclu ou inclus, bon, qui veut siéger à la table ou aux tables régionales, tables nationales. J'imagine que, de temps en temps, vous allez peut-être vouloir être là aussi. Bon.

Mais je n'ai pas de question précise, sauf pour vous dire un commentaire que je retiens, que, quand même, vous voyez qu'une loi-cadre pour l'économie sociale, pour avancer l'économie sociale, avec ses valeurs ou finalités sociales, peut-être, c'est important qu'une économie plurielle, comme souvent... beaucoup le disent, c'est important, tout en sachant qu'il y a quand même un secteur public et qui, en soi, doit préserver son intégrité aussi, hein, son intégrité puis sa mission qui est légèrement différente, évidemment, très différente de la mission de l'économie sociale. C'est deux missions différentes.

Alors, moi, ça complète mes questions. Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Champagne) : Il ne reste pas tout à fait quatre minutes. Alors, je pense que M. le député de Vimont aurait une question.

M. Rousselle : Oui.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, je vais laisser aller M. le député de Vimont pour la question, qui ne devrait pas durer, avec la réponse, plus de quatre minutes.

M. Rousselle : On va se forcer, madame...

La Présidente (Mme Champagne) : 3 min 30 s, si possible.

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Premièrement, merci d'être ici, Mme Lévesque, Charron et M. de Bellefeuille, merci d'être ici.

Juste vous entendre, je n'ai pas eu de... à moins que j'aie manqué, là. Mais le titre de la loi, Loi sur l'économie sociale, est-ce que vous vous êtes penchés sur le titre, sur le nom? Parce qu'on a eu d'autres personnes qui sont venues ici avant, sûrement que vous les avez entendues, comme le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, qui ont amené une suggestion là-dessus. Est-ce que vous avez...

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, en deux minutes, M. de Bellefeuille, deux minutes.

M. de Bellefeuille (Paul) : Ah! Deux minutes, vous savez, c'est...

La Présidente (Mme Champagne) : Hé que vous êtes chanceux! Deux minutes.

M. de Bellefeuille (Paul) : On peut créer de grandes choses en deux minutes. Alors, bien, je pense qu'on l'a dit, en quelque sorte, que le terme «économie sociale», sa définition, bon, si on précise le titre, peut-être que ça aidera à mieux comprendre de quoi on parle quand on parle d'économie sociale. Mais, au-delà du titre, je pense qu'il y a un travail quand même un peu plus important à faire pour qu'on sache de quoi on parle quand on parle de l'économie sociale. À partir du moment où, l'État, il y a une institutionnalisation d'un secteur particulier de l'économie dite économie sociale, bien il faut savoir de quoi on parle, et, jusque-là, moi, en tout cas, j'ai des réserves. Oui.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Nadia) : Dans le fond, on a eu toute une discussion, en préparant notre passage, sur : Est-ce que l'existence d'un conseil d'administration est suffisante pour se qualifier d'économie sociale? Quand on le ramène aussi à la base, il y a des discussions ou des tenants de dire : Dès qu'une gouvernance est administrée par un conseil d'administration, ça peut se qualifier d'économie sociale. Et là ça ouvre un pan à toutes sortes d'organisations qui, à notre sens, ne peuvent pas se réclamer de l'économie sociale. J'imagine, c'est plus clair.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, Mme Charron.

Mme Charron (Catherine) : Je vais rajouter un petit peu pour compléter. En fait, la raison pour laquelle peut-être on ne se positionne pas sur le titre en tant que tel, c'est qu'en regardant la liste des gens que vous avez reçus en commission parlementaire vous avez... en fait, vous avez entendu beaucoup de gens qui venaient du monde de l'économie sociale, et nous disons qu'on porte un regard plutôt extérieur sur cette réalité-là, étant donné qu'on représente la fonction publique. Donc, ce qui nous intéresse spécifiquement, ce n'est peut-être pas tant la mécanique intérieure de l'économie sociale, mais c'est l'interface entre la fonction publique puis l'économie sociale, l'endroit où se rencontrent ces deux secteurs-là de l'économie qui sont fondamentaux, là, si on essaie de concevoir une économie vraiment plurielle. Voilà.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, Mme Charron. Alors, il reste 30 secondes.

M. Rousselle : Bien, merci d'avoir venu. Je pense que le regard que vous apportez, même s'il vient de l'extérieur, il est très important, parce que c'est... Je pense qu'il faut regarder ça dans son ensemble, puis la part que vous amenez, bien, c'est bien important. En tout cas, merci d'avoir venu.

M. de Bellefeuille (Paul) : Juste en 10 secondes.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui. Alors, monsieur...

M. de Bellefeuille (Paul) : Sur la question des technologies, il faut faire attention parce que nous, on constate, dans plusieurs secteurs, de la déshumanisation. La technologie, ça ne remplace pas la communication, c'est une forme de communication. Mais une vraie communication, c'est véritablement entre deux personnes.

La Présidente (Mme Champagne) : M. de Bellefeuille, merci. Alors, nous en sommes au deuxième groupe d'opposition pour un gros 3 min 30 s. On est tous un peu coupés pour la bonne raison qu'on a manqué de temps au départ. Alors, on va... excepté Mme la députée de Gouin qui conserve son 2 minutes parce que je ne peux pas aller en bas de ça. Et vous, bien, vous allez devoir souffrir en silence, M. le député de...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Spénard : Mme la Présidente, plus on avance dans la journée, plus je suis coupé. Alors, je dois vous dire, tu sais, moi, à six heures à soir, je ne suis plus ici, là, ça ne sert à rien.

La Présidente (Mme Champagne) : O.K., allez-y, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Alors, bienvenue. À mon tour de vous souhaiter la bienvenue, M. de Bellefeuille, Mme Charron et Mme Lévesque. Alors, ça me fait plaisir.

Je tiens à préciser d'entrée de jeu que, dans votre première... dans l'introduction, là, votre premier critère, là, où vous dites qu'«il est nécessaire de préciser la définition de l'économie sociale ainsi que les critères permettant d'identifier les entreprises qui en font partie», je pense que le noeud du problème est là. Parce que vous êtes un syndicat, je comprends que vous défendez les emplois stables, durables, bien payés. C'est vrai que l'économie sociale, en grande partie — on ne parle pas des coopératives ou des mutualistes — l'économie sociale, en grande partie, c'est des emplois qui sont très peu payés, avec un taux de scolarisation qui est très élevé; ça, j'en conviens.

Mais, même vous, vous semblez mêler les organismes communautaires avec les entreprises d'économie sociale. Tantôt, vous nous parliez des CJE. CJE, pour moi, c'est un organisme parapublic, ce n'est pas une entreprise d'économie sociale, même si ça a un conseil d'administration, là. Et ça, enlevez-vous de l'idée que tous les organismes sans but lucratif qui ont un conseil d'administration vont faire partie de l'entreprise d'économie sociale; je ne croirais pas. En tout cas, ça va avoir de la misère à passer la rampe de... la rampe politique, ça. Alors, moi, est-ce que, vous, vous vous êtes attardés sur la définition d'une entreprise d'économie sociale à l'intérieur de vos réflexions sur ça, sur ce projet de loi là?

La Présidente (Mme Champagne) : M. de Bellefeuille.

M. de Bellefeuille (Paul) : Oui, puis après je donnerai la parole à Catherine. Les CJE, bon, je peux admettre qu'effectivement ce n'est pas de l'économie sociale, mais ils sont quand même au Chantier de l'économie sociale et reconnus par le Chantier de l'économie sociale.

M. Spénard : Oui, mais tous les organismes reconnus… Excusez-moi, M. de Bellefeuille, mais tous les organismes reconnus par le Chantier de l'économie sociale ne feront pas nécessairement partie de l'économie sociale tout le temps.

M. de Bellefeuille (Paul) : Non. Eh bien, ça ajoute à la confusion, donc.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. de Bellefeuille, c'est la réponse?

M. Spénard : Mais vous, vous n'avez pas de définition, hein?

M. de Bellefeuille (Paul) : Bien, juste... oui.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, Mme Charron.

• (16 h 10) •

Mme Charron (Catherine) : Bien, c'est-à-dire que la frontière n'est pas étanche entre le milieu communautaire puis l'économie sociale. Les intervenants du milieu communautaire sont les premiers à le dire puis les premiers à réclamer que soit spécifié qu'est-ce qui relève de l'économie sociale puis qu'est-ce qui ne relève pas de l'économie sociale. Je vais vous renvoyer à la page 15 du mémoire, où j'apporte une citation qui va exactement dans ce sens-là.

Puis je vous ramènerai peut-être très rapidement à un exemple qui nous a été donné plus tôt, durant les consultations, par des confrères syndicaux, des confrères et consoeurs syndicaux qui vous ont amené l'exemple de l'aide domestique, des entreprises d'économie sociale en aide domestique. Alors, je pense que c'est un bon exemple, là, où le communautaire et l'économie sociale se rencontrent. Je pense que le secteur public, les ministères nouent des ententes avec le secteur communautaire, nouent des ententes avec des entreprises d'économie sociale aussi, des ententes de services. Alors, je pense qu'il y a lieu d'apporter des précisions, que, pour l'instant, la frontière entre les deux n'est pas nécessairement si étanche et si claire que ça.

La Présidente (Mme Champagne) : Une petite dernière, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : O.K. Ce matin, j'ai vu... En tout cas, M. Larose m'a apporté, en tout cas, un éclaircissement, je pense, qu'il est bon de préciser. Est-ce que vous faites une différence entre un organisme subventionné et un organisme qui passe des contrats avec différents ministères?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. de Bellefeuille, en 30 secondes.

M. de Bellefeuille (Paul) : Tu... oui? Vas-y, oui.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Nadia) : Il est évident que, même dans le cadre de la loi, il y a une différence. Les OBNL ne sont pas considérés comme des fournisseurs au regard de la loi sur les contrats publics, donc ils ne sont pas gérés de la même façon, puis on ne les traite pas de la même façon.

Je vous donnerai un seul exemple. Les ententes de services en employabilité prévoient le plein paiement de l'entente, et ce, peu importe, je dirais, la finalité quantitative qui était prévue à l'entente. C'est-à-dire que, s'il y avait 50 personnes à être rencontrées cette année et que, pour toutes sortes de considérations, ils en ont rencontré 32, on ne leur coupe pas la subvention, à la fin, en disant : Bien, vos résultats ne sont pas probants, comme on pourrait le faire, disons, dans des milieux plus traditionnels d'affaires où, bien, vous n'avez pas livré toute la marchandise, on ajuste le contrat en conséquence. Dans le secteur social, il y a une nécessaire, je dirais, flexibilité qu'on reconnaît, bien que quelquefois on se demande pourquoi les ententes peuvent être reconduites avec toujours les mêmes clauses qui ne seront pas rencontrées. Mais ça, c'est un tout autre débat, là.

La Présidente (Mme Champagne) : Grande question, Mme Lévesque. Alors, nous avons terminé. Merci, M. le député de Beauce-Nord, pour votre excellente discipline. Nous allons maintenant passer à Mme la députée de Gouin pour le toujours célèbre deux minutes…

Mme David : Ah! Mais on peut faire...

La Présidente (Mme Champagne) : …et fidèle deux minutes.

Mme David : ...beaucoup de choses en deux minutes. Bonjour. Moi, je vais passer vite sur les présentations parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Écoutez, c'est évident que vous posez des questions pertinentes. À mes yeux à moi, elles ne sont pas vraiment nouvelles parce que je pense que c'est un débat qui dure depuis, ouf, dans les 15 ans à peu près, mais elles n'en sont pas moins très légitimes.

Tout le débat sur la sous-traitance. Évidemment, vous observez que, dans le milieu de l'économie sociale, on est très peu syndiqués, c'est un fait. Et évidemment, oui, je suis contente que vous rappeliez que ce n'est pas dans tous les secteurs de l'économie sociale — il faut faire attention — mais que, dans un certain nombre de secteurs, on parle de ghettos d'emplois féminins sous-payés. Soyons clairs, c'est de ça qu'il s'agit. Donc, c'est une vraie question.

En même temps, je ne peux pas m'empêcher de vous dire que, pour avoir quand même pas mal travaillé dans ma vie sur le terrain, je crois beaucoup à la mobilisation des communautés, que ce soit en région, que ce soit Montréal, ailleurs — Montréal étant une région aussi — pour se donner des services, pour créer des projets. Je le vois beaucoup dans le monde culturel, par exemple, il y a énormément d'économie sociale dans ce monde-là. Et je me dis : Il faut que, dans l'économie québécoise qui est plurielle, il faut qu'il y ait de la place pour une fonction publique forte, bien sûr, pour des services publics, pour une économie privée avec laquelle il faudrait se dire pas mal de choses et une économie sociale qui vient du désir des communautés de s'organiser à la fois au plan social et économique. Ça n'empêche pas que vos questions soient importantes. Mais ça, je tenais à affirmer que ma position là-dessus, elle est claire.

Mais ma question est la suivante, et ce n'est pas tellement sur ça. Je suis assez surprise de voir votre recommandation qui propose que la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme soit étendue aux organismes sans but lucratif. Est-ce que vous voulez dire vraiment par là que chaque organisme sans but lucratif au Québec qui veut voir un ministre, discuter avec un sous-ministre, etc., devrait s'enregistrer au Registre des lobbyistes... du lobbyisme?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. de Bellefeuille ou Mme Lévesque? M. de Bellefeuille.

M. de Bellefeuille (Paul) : On pourra compléter. Moi, pour l'avoir vécu, là, quand, tout d'un coup, j'ai reçu un coup de téléphone d'un représentant du Commissaire au lobbyisme pour me dire : Bien, votre syndicat doit s'inscrire comme tous les autres syndicats…. Et le lobbyisme, c'est tenter d'influencer, bien entendu, le politique dans le sens de ses intérêts et des intérêts des membres qu'on représente. Et, dans ce sens-là, moi, je pense que toute personne ou organisme qui tente d'influencer, ce serait normal que la population sache qu'il y a un organisme qui tente d'influencer le gouvernement, quel qu'il soit, privé, public, ou d'économie sociale, ou de syndicat, parce que les syndicats, évidemment, y sont assujettis, et on le fait de bonne foi aussi. Alors, dans ce sens-là, c'est le principe général qu'on vise, que des personnes ou des organismes qui tentent d'influencer le gouvernement dans une direction ou dans une autre devraient être connus et reconnus.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. de Bellefeuille, merci beaucoup, Mmes Lévesque et Charron, pour votre présentation.

Alors, je vais suspendre quelques instants les travaux. Et j'invite le prochain groupe à se présenter à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 19)

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre les travaux pour accueillir nos deuxièmes invités cet après-midi, la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires. Alors, je vais inviter nos invités à se présenter, avec leur titre, et vous rappeler que vous avez 10 minutes pour votre présentation, suivi de l'échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Coalition des tables régionales d'organismes
communautaires (CTROC)

Mme Cyr (Claudelle) : Alors, bonjour. Claudelle Cyr, agente d'analyse et de recherche au Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal, représentante, pour aujourd'hui, pour la CTROC.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Oui. Pierre-Philippe Lefebvre, je travaille au Regroupement des organismes communautaires de l'Estrie, un ROC qui est membre de la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires, et, sur le C.A., je suis président dans les documents au MESS. Voilà.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, la parole est à vous.

• (16 h 20) •

Mme Cyr (Claudelle) : Alors, merci. Donc, la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires réunit 15 regroupements d'organismes communautaires régionaux et représente 3 000 groupes, soit environ aussi plus de 20 000 emplois. On voudrait rappeler que le secteur de la santé et services sociaux, notre secteur dans le milieu communautaire, représente aussi, en nombre absolu, près du trois quarts du mouvement communautaire au Québec.

La CTROC a donc comme mission d'analyser l'organisation du réseau public de la santé et des services sociaux et ses impacts sur la population et sur les organismes. Elle permet aux organismes communautaires en santé et en services sociaux, tous secteurs confondus, d'avoir une instance nationale qui fait la promotion de leurs intérêts et de ceux de la population auprès desquels ils interviennent. On parle de maisons de jeunes, banques alimentaires, groupes en toxico, personnes âgées, etc. La CTROC est reconnue comme une interlocutrice importante auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux, comme l'a dit mon collègue.

Alors, d'abord, nous tenons à dire qu'on reconnaît l'importance de la contribution des entreprises d'économie sociale dans de nombreux secteurs d'activité et on croit que ce type d'économie là a un rôle important à jouer dans le développement d'une économie plus solidaire au Québec et dans le monde. Cependant, on exprime de sérieuses craintes face à la tendance que semblent prendre les différents gouvernements depuis plusieurs années sur la question du développement des entreprises d'économie sociale de services dans le domaine de la santé et des services sociaux — vous comprendrez que, nous, on est dans le domaine de la santé et des services sociaux, donc on va intervenir essentiellement sur ce volet-là. Nous y voyons une tentative de les inclure dans la privatisation des services.

Mais surtout ce qui nous inquiète le plus, puis c'est vraiment aussi beaucoup pour ça qu'on est ici aujourd'hui, c'est que le présent projet de loi nous laisse perplexes quant au statut des organismes communautaires. Les critères définissant l'économie sociale dans le présent projet de loi s'apparentent dangereusement, à notre sens, à ce que l'on retrouve dans la politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome. Nous craignons donc qu'il y ait une confusion entre le statut des organismes communautaires et celui des entreprises d'économie sociale ou que cette ambiguïté favorise le développement d'organismes hybrides aux finalités pouvant être contradictoires. On va y revenir tantôt.

Donc, sur la question de la privatisation, ce qu'on voudrait souligner, c'est que l'article 1 du projet de loi sur l'économie sociale, qui détermine son application, veut reconnaître la contribution particulière de l'économie dans tous les secteurs d'activité. Or, nous, on ne peut pas souscrire à ça puisqu'avec un tel libellé, dans la santé et les services sociaux, on voit que la porte est désormais grande ouverte — elle l'est déjà — à ce que des soins de services de santé soient donnés par des EESAD, en fait, des entreprises d'économie sociale en aide domestique, qu'elles soient sous forme OSBL ou coopérative.

On constate de plus en plus qu'il y a de la pression qui est mise pour permettre aux EESAD d'offrir de l'aide directe aux personnes. Puis d'ailleurs, selon le profil d'économie sociale en aide domestique qui découle du plan gouvernemental de 2012, on voit déjà que 32 % de ces entreprises-là offrent des services d'aide à la personne, donc l'aide directe pas juste de l'aide ménager, et, 47 %, des services d'accompagnement ou de répit à leur clientèle. Et ces services-là sont offerts en dehors du cadre régissant le PEFSAD, c'est-à-dire le Programme d'exonération financière pour les services domestiques.

Plus récemment, le ministre de la Santé et des Services sociaux mentionnait devant l'Association québécoise de gérontologie, dans le cadre de sa présentation sur l'assurance autonomie, que l'allocation qui sera versée pour les services pourrait l'être via des ententes de services, et on a nommé spécifiquement justement les entreprises d'économie sociale, et que leur mandat allait être élargi. Donc, pour nous, à moins d'intégrer ces entreprises-là, qui offrent aide et assistance directe à la personne dans le réseau public, et à moins que ces dernières ne relèvent directement du MSSS, nous nous retrouvons en face d'une brèche importante, soit l'avènement d'une nouvelle forme de privatisation du réseau de la santé et des services sociaux.

Encore une fois, on envoie dans la cour d'organismes bon marché la responsabilité d'une offre de services qui devrait relever de l'État, mais aussi être dispensée par ce dernier. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une limite au désengagement de l'État. On sait que les entreprises d'économie sociale en santé et services sociaux offrent déjà des services. On sait que le ministre en Santé mise énormément sur ces dernières pour offrir l'aide à domicile pour les personnes en perte d'autonomie, mais nous nous questionnons à savoir jusqu'où l'État va aller dans son ouverture au secteur de l'économie sociale pour ouvrir des services qui relèvent de sa responsabilité. Au nom d'une crise des finances publiques, jusqu'où l'État peut-il déréglementé les systèmes de soins de santé et services sociaux? Le législateur ne parle jamais pour ne rien dire, hein? Ça, on l'apprend, c'est le b.a.-ba. Donc, pour nous, c'est important de, dès maintenant, clarifier les rôles à chacun.

Maintenant, sur la question des organismes communautaires, je pense que c'est cette section-là qui, pour nous, nous apparaissait aussi la plus fondamentale. La définition de l'économie sociale, à l'article 3, suppose que les organismes communautaires pourraient se voir conférer un statut d'entreprise d'économie sociale ou, dans un scénario qui, pour nous, serait peut-être moins pessimiste mais quand même, cette définition amène à tout le moins une énorme confusion des rôles, comme le démontre le tableau à la fin de notre mémoire. Là, on a fait des petites flèches, là, on pourra y revenir tantôt, en période de questions.

Donc, la définition large proposée dans le projet de loi introduit la notion de vente ou d'échange de besoins ou de biens ou services qui vient brouiller la frontière entre les deux types d'OBNL, alors qu'elle avait été bien établie au sommet de 1996, là, le sommet sur l'emploi. Bien que les organismes communautaires et certaines entreprises d'économie sociale soient constitués en vertu de la même forme légale, c'est-à-dire la partie III de la Loi des compagnies, elles ont des finalités qui se doivent de demeurer distinctes.

La principale distinction entre l'économie sociale et nous, c'est que la vocation économique impliquant la vente de biens ou de services, c'est l'apanage des entreprises d'économie sociale. Nous, les organismes communautaires, on a une finalité sociale principalement financée par les subventions qui nous permettent de réaliser notre mission, telle que reconnu, justement, par la politique de reconnaissance de l'action communautaire. Le recours à la tarification est largement exclu dans notre milieu, fondé sur des principes d'accessibilité universelle et de gratuité. On ne verrait pas qu'on se mettrait à charge l'entrée dans des maisons de jeunes, par exemple.

Donc, les entreprises d'économie sociale doivent, elles, devenir, éventuellement, du moins, rentables économiquement puis se financer à partir de la vente de leurs services. La définition large pourrait faire en sorte de favoriser la mixité de pratiques au sein du même OSBL, ce qui entraîne aussi des contradictions importantes. Donc, on pourrait voir un organisme communautaire qui développe un volet d'économie sociale tarifé, ce qui minerait l'accès gratuit et l'accessibilité universelle, ou l'inverse, une entreprise d'économie sociale qui aurait un double statut, qui serait un statut aussi d'organisme communautaire, et qui recevrait, à ce moment-là, en plus, un financement à sa mission.

Nous invitons donc le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire à la plus grande prudence. Les organismes communautaires autonomes ont réussi, après des années de travail, à obtenir une politique de reconnaissance et de soutien à l'action communautaire autonome en 2001, et, par cette politique, le gouvernement venait reconnaître notre caractère spécifique, et ce, peu importe au sein de quel secteur ils oeuvrent et à quel ministère ils sont reliés — parce qu'on peut être relié au ministère de la Santé, mais il y a aussi les organismes reliés au ministère de la Famille, de l'Emploi, etc. Le présent projet de loi nous porte à croire qu'il y a danger de glissement à plus long terme. Demandera-t-on à certains organismes de devenir des entreprises d'économie sociale?

Compte tenu des travaux réalisés depuis 1996, et étant donné que la question des organismes communautaires refait régulièrement surface dans les documents sur les entreprises d'économie sociale et sur la... Beaucoup de regroupementsqui sont venus, là, depuis le début de la commission, aussi parler au nom des entreprises d'économie sociale en mêlant eux-mêmes l'ensemble, là, les organismes communautaires et les entreprises d'économie sociale, je pense qu'on est en droit d'avoir de vives inquiétudes. Et juste rappeler que, dans notre Programme de soutien aux organismes communautaires, le PSOC, on dit que notre «intervention se propage bien au-delà de la simple satisfaction des besoins sociaux et des besoins de santé de la population». Ce que ça veut dire, c'est qu'on n'est pas, au départ, des organismes de services, ce n'est pas pour ça qu'on a été financés non plus et reconnus par le gouvernement.

Donc, peut-être, pour finir, bien que nous ne souscrivons nullement aux mesures d'austérité mises en place depuis une décennie par les gouvernements successifs, nous n'avons d'autre choix que de constater que nous nageons dans une période de compressions budgétaires qui vient grandement affecter la capacité du gouvernement à offrir des services publics. Mais, dans ce contexte, donc, est-ce que les organismes communautaires font trop souvent les frais de ces coupes? Et nous nous retrouvons, au bout de la chaîne, avec des responsabilités qui ne nous reviennent pas, et plusieurs n'ont pas les ressources pour les assumer correctement.

Si le gouvernement ne semble pas avoir de difficulté à reconnaître l'apport essentiel des organismes communautaires et leur rôle original au sein de la société québécoise, on pourrait dire même peut-être au niveau international… Un mouvement communautaire comme au Québec, là, allez voir ailleurs, dans d'autres pays, c'est très... ça n'existe pas de cette façon-là, les OBNL.

On doit aussi, donc, respecter notre autonomie dans la détermination de nos orientations et nous permettre d'exercer notre mission dans le respect des pratiques démocratiques propres à notre milieu. Donc, la définition proposée à l'article 3 du projet de loi ne permet pas ces garanties, puis c'est pour ça que, dans nos recommandations, on recommande de mentionner vraiment spécifiquement que les organismes d'action communautaire, tels que définis dans la politique de reconnaissance de l'action communautaire, sont exclus de ce projet de loi là, parce que, pour l'instant, le projet de loi, il n'y a aucune indication qui nous permet de croire le contraire. Voilà.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci beaucoup, Mme Cyr, M. Lefebvre. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

• (16 h 30) •

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Lefebvre, Mme Cyr, à l'Assemblée nationale, merci pour votre présentation et pour les recommandations que vous nous faites dans votre mémoire. Moi, je connais bien les TROC, pour... Évidemment, comme député, on est souvent interpellé et on travaille souvent en collaboration avec les TROC dans toutes les régions.

Vous dites, dans votre présentation, que la Coalition des tables régionales d'organismes communautaires réunit 15 regroupements régionaux d'organismes communautaires et représente des milliers d'organismes qui oeuvrent majoritairement en santé et services sociaux. Alors, je comprends que, dans vos membres, dans ces milliers d'organismes qui oeuvrent en santé et services sociaux, vous avez comme membres sûrement des entreprises d'économie sociale d'aide à domicile, par exemple.

Mme Cyr (Claudelle) : Non.

M. Gaudreault : Non?

Mme Cyr (Claudelle) : Notre membership, c'est les organismes communautaires... d'action communautaire. Tu peux...

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Oui, des organismes qui ont... Essentiellement, ils sont sous le programme PSOC, le programme de soutien à la mission des organismes communautaires. Puis j'en profite tout de suite, là, pour saisir cette opportunité-là, une mission, c'est quelque chose de très, très spécifique et d'unique. Essentiellement, c'est sociopolitique à la base, et puis après, une fois qu'on l'applique, ça peut accessoirement passer par des services. Souvent, ça se manifeste… Puis, la population, dans l'imaginaire, on pense que c'est des services. C'est souvent ça, le premier accès. Mais essentiellement c'est sociopolitique, comme je vous dis, puis ça passe aussi par une vie associative et ça passe par un ensemble d'éléments qui va faire en sorte que c'est des lieux citoyens, où l'exercice de la citoyenneté, en fait, se retrouve là. On répond à des besoins de manière novatrice, hein? C'est un financement souple, qui permet d'être affecté de la manière que la communauté est rassemblée autour d'une mission, un problème social qui a été identifié, hein, se mobilise et tente de trouver réponse à ça.

Donc, l'aspect économique, on peut générer et on en génère, des retombées économiques, c'est certain, mais ce n'est pas la première raison pour laquelle nos membres se rassemblent autour d'une mission. Tandis que...

Une voix :

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Donc, on n'a pas d'entreprise d'économie sociale, parce que les entreprises d'économie sociale, de leur côté — c'est là où on se distingue, hein — elles ont une vocation économique en premier, ça repose sur un plan d'affaires qui se veut profitable, et nous, on n'est pas là. Il peut certainement y avoir un volet, à un moment donné, qui est développé, mais ce n'est pas ça, notre objectif premier, ce n'est pas ça, notre finalité. Et c'est pour ça que nous, on voit un risque immédiat dans le fait d'être sous le même chapeau.

Et, on le sait, le Chantier de l'économie sociale veut sans cesse nous inclure, et nous, on ne veut pas être inclus parce qu'on ne loge pas à la même enseigne. Ça ne veut pas dire que ce qu'ils font n'est pas bon, mais nous, on s'en distingue parce qu'on est différents. Et ça, ça a été reconnu dans le passé dans la Politique gouvernementale de l'actioncommunautaire : une contribution essentielle à l'exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec, puis on veut réaffirmer notre attachement à ce document-là qui devrait structurer, on pense, une partie des travaux aujourd'hui.

M. Gaudreault : Donc, si je vous comprends bien, dans votre membership des TROC, vous n'avez pas d'entreprise d'économie sociale d'aide à domicile, mais vous avez néanmoins des organismes communautaires qui ont des activités d'économie sociale.

La Présidente (Mme Champagne) : M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : C'est des activités qui peuvent s'apparenter à un volet. Un organisme peut développer une friperie qui va s'avérer être rentable, mais généralement, c'est après des années et des années. Sauf qu'il y a énormément de services qui vont être offerts, si je prends une logique marchande, là, qui vont être offerts à perte. Mais nous, on ne s'inscrit pas... On ne prend pas le terme «clientèle», nous aussi, de notre côté. Pour nous, c'est la population qui est là. Donc, ça peut développer... Il peut y avoir des retombées, et là ça peut être intéressant pour un groupe. Mais, a priori, ce n'est pas ce qu'on fait, mais ça peut arriver qu'on le fasse et qu'il y ait ce volet-là qui soit développé. Puis il y a des groupes qui se perdent là-dedans aussi. Et on pense que le projet libellé comme tel va contribuer au fait que des organismes pourraient avoir tendance à se perdre ou perdre leur mission.

M. Gaudreault : Mais vous avez, par exemple, des épiceries communautaires qui sont membres des TROC. Et, par la mission d'épicerie communautaire, c'est une entreprise... fait de l'économie sociale.

Mme Cyr (Claudelle) : Ce n'est pas des épiceries. On parlait des banques alimentaires, tout à l'heure. Donc, les banques alimentaires, c'est quoi? C'est du dépannage. C'est la personne qui arrive...

M. Gaudreault : Mais moi, je vous parle des épiceries communautaires.

Mme Cyr (Claudelle) : On n'a pas ça dans notre membership.

M. Gaudreault : Dans aucune TROC.

Mme Cyr (Claudelle) : Bien, pas à ma connaissance.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Pas à ma connaissance.

Mme Cyr (Claudelle) : Non. Puis, au niveau de l'aide à domicile, on sait qu'on a certains groupes, personnes âgées, entre autres, les groupes qui travaillent au niveau accès bénévolat, des choses comme ça, qui sont en train d'accepter certaines ententes. Cela dit, ce n'est pas reconnu comme des EESAD. Ils sont encore des organismes communautaires financés par le Programme de soutien aux organismes communautaires.

M. Gaudreault : O.K. Vous soulevez le risque de désengagement de l'État qui va mettre de la pression, je dirais, sur les entreprises d'économie sociale d'aide à domicile. C'est ce que je comprends, entre autres, de vos remarques.

On a reçu ici, la semaine passée, deux groupes. On a reçu un mémoire conjoint, là, présenté par la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec, la Coalition des entreprises d'économie sociale en aide domestique et L'Aile rurale des entreprises d'économie sociale en soutien et aides à domicile du Québec, qui nous ont dit que leurs organisations sont d'accord avec les objectifs du projet de loi sur l'économie sociale. Puis là ils développent sur un certain nombre de volets.

Et on a eu également la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec qui nous disent aussi qu'ils sont d'accord avec les objectifs spécifiques énoncés à l'article 2 du projet de loi, là, notamment sur la question des objectifs, justement, de la loi.

Alors, comment vous expliquez que ces associations-là ou ces fédérations d'entreprises en aide à domicile sont favorables avec le projet de loi n° 27?

Mme Cyr (Claudelle) : Parce que, eux, c'est leur mission. Eux, je veux dire, il faut... Vous le savez, dans votre projet de loi, il est écrit qu'une entreprise génère des services et doit les vendre. Les entreprises d'économie sociale qui sont des EESAD, c'est certain que, si elles augmentent leur panier de services, elles vont pouvoir vendre plus de services. Ça fait qu'on comprend leur position. On n'est pas d'accord avec leur position cependant, mais on la comprend.

Nous, ce qu'on dit, c'est : Attention, on est en train de donner des services sociaux à des entreprises qui ne sont pas du système public puis qui sont des entreprises. En plus, on reconviendra qu'on va engager, au lieu d'une auxiliaire familiale, on va engager une femme philippine à 15 $ de l'heure aussi. Donc, pour nous... Nous, on n'est pas d'accord avec la position des EESAD, mais on comprend leur position, cela dit, c'est-à-dire qu'eux, ils doivent vendre les services, ils vont les vendre, là, ça fait partie de...

Ça fait des années, là, depuis 1996, qu'on s'obstine, le milieu communautaire et les entreprises d'économie sociale, pour dire : Arrêtez de nous inclure. Il y a de la récupération qui est faite. Quand on a parlé de la marche Du pain et des roses comme étant le moteur de la mise en place des entreprises d'économie sociale, ce n'est pas ça que les femmes disaient. Les femmes disaient : Sortons-nous de la pauvreté. Une économie solidaire ne veut pas dire juste de l'économie sociale. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on n'est pas d'accord avec leur position. Cela dit, c'est leur secteur, ils font leurs représentations. Nous, on va continuer à dire que les services sociaux doivent rester dans le service public.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Et vous suggérez très clairement, vous l'avez dit dans votre présentation, et c'est noir sur blanc dans votre mémoire, là, d'ajouter à l'alinéa un de l'article 1… d'exclure nommément de l'offre de services qui relèvent de la responsabilité de l'État les entreprises d'économie sociale, tels que les soins de santé et les services sociaux ainsi que l'éducation. C'est quand même un gros morceau. Il y a beaucoup d'entreprises d'économie sociale qui sont dans ces secteurs-là. J'aurais l'impression, si j'allais de l'avant avec votre recommandation, comme de retirer le principal volet des entreprises d'économie sociale, si on veut. Alors, je veux juste bien comprendre votre proposition à cet égard-là.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme Cyr? Ah! M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Oui. Une petite nuance sur... Dans tout ça, on demeure ouverts. Cependant, ça a été souligné à un moment, sous la LSSSS, il y a la possibilité que des ententes de services qui soient passées entre les CSSS, là, et les organismes qui pourraient donner des services, et ces ententes-là sont quand même encadrées par une législation complète qui protège la population, si on veut, et puis encadre les services. Ça se fait déjà, ça existe déjà, c'est déjà là, sur le terrain, et ça semble déjà être une formule que le réseau utilise abondamment. Alors là, nous, on avait une inquiétude au niveau de cette espèce de...

On le sent, là, l'économie sociale, c'est la saveur du mois, là. Bon. Fort bien. Et puis là on se lance, puis tout le monde veut se positionner de manière avantageuse à travers ça. Nous, on cherche plus à préserver des acquis. Ma collègue va bonifier, là, par rapport à la portée de l'article, là.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme Cyr.

Mme Cyr (Claudelle) : Oui. En fait, quand on parle de l'offre de services, on convient que les EESAD offrent déjà, par exemple, les ménages ou des choses comme ça. Ça, c'est tout à fait correct, là, on n'a pas de problème avec l'aide à domicile par rapport à ce qu'ils offrent déjà. Ce qu'on a… des difficultés, c'est quand on arrive avec des actes... Là, pour le moment, on a déjà ouvert beaucoup, hein? Donner un bain, là, ce n'est pas un acte réservé non plus aux auxiliaires familiales. Mettre les bas de contention, si on a une formation donnée par une infirmière et qu'on le fait une fois devant elle, par la suite, on a le droit. Je comprends que ça a aussi été fait pour les aidants et les aidantes naturelles, cela dit, mais, en même temps, à un moment donné, on assiste à une érosion. On a un système de santé qui a été mis en place, c'est une courtepointe, on n'a jamais fini de la coudre puis on est déjà en train de la découdre. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est : Arrêtons, là. Que les responsabilités demeurent dans le service public.

• (16 h 40) •

M. Gaudreault : Parce que vous savez qu'évidemment il y a beaucoup d'organismes en économie sociale au sens large, que ce soient des OBNL, des coopératives, des... il y a différentes formes, là, d'entreprises qui souhaitent et qui sont heureuses de compter sur des ententes de service et qui travaillent fortement dans ce sens-là, pour le renouvellement d'ententes de service, par exemple. Il y a une grosse part... On a calculé tout à l'heure que le 32 % du budget qui est versé aux organismes communautaires va en ententes de service. Ça, c'est les chiffres du SACAIS qui nous disent ça.

Alors, je comprends plus de vos propos que vous souhaitez encadrer les ententes de service pour ne pas qu'il y ait dérapage, d'une certaine manière. Mais c'est sûr qu'on est toujours comme sur une ligne mince. Parce qu'il y a des organismes communautaires qui ont des activités accessoires d'économie sociale, qui ont des ententes de service, mais je ne crois pas que vous souhaitiez exclure toutes ces organisations-là de la loi. Mais ce que vous nous dites, c'est : Assurez-vous qu'il y ait du... qu'il n'y ait pas, par la porte d'en arrière, de la déresponsabilisation de l'État ou qu'on puisse faire du «cheap labor» par la porte d'en arrière. Je pense que c'est plus ça, votre message. Est-ce que ça ne devrait pas plus passer, cela, par le plan d'action, par exemple?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Oui. Bien, je vais commencer là-dessus. C'est une bonne question. C'est ça, on ne veut pas exclure ces organismes communautaires là, bien sûr, de nos rangs. Ça, c'est très clair. Par ailleurs, ce qui est dangereux aujourd'hui, je crois, c'est que, par une loi comme ça, ça devient poreux légalement puis la définition devient encore plus floue. On a toujours l'impression de refaire les mêmes luttes dans le communautaire. Vous allez me dire : C'est le lot de tout bon militant, là. Mais, à un moment donné...

On a une politique gouvernementale qui est passée par le Parti québécois; au début mai, on a eu une résolution à l'unanimité comme quoi les groupes en santé et services sociaux doivent être mieux soutenus; puis, à la fin du mois, on se retrouve à être obligés de réexpliquer ce qu'on fait puis pourquoi on est différents de l'économie sociale. À un moment donné, il y a un bout où tu arrives à travers tout ça puis tu dis : Si on est compris, soutenus puis on a été reconnus...

On est reconnus comme distincts dans ce document-là. C'est très clair qu'on ne fait pas de l'économie sociale. Maintenant, un groupe libre et consentant peut aller vers une entente de service et peut développer des volets qu'il souhaite. Mais ce qui... c'est important que les missions d'organismes communautaires sociopolitiques soient soulignées, préservées et renforcées. Ça, c'est important qu'on soit très clair là-dessus. Donc, on ne veut pas exclure personne de nos propres rangs, mais on veut rappeler l'importance de la mission des organismes communautaires et on veut se distinguer du Chantier en économie sociale.

La Présidente (Mme Champagne) : Il reste deux minutes, M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Je comprends très bien ce que vous voulez dire. Vous nous efforcez à très bien clarifier les statuts des organisations, mais, en même temps, ce n'est pas simple, là, tout ça, là. Si vous avez suivi nos travaux depuis la semaine passée, vous avez vu que ce n'est pas simple, parce que souvent, c'est... Une des caractéristiques des entreprises qui font de l'économie sociale, c'est justement la diversité des modèles. Puis je pense qu'il faut éviter des fois de trop faire du mur-à-mur. C'est vous-mêmes... En tout cas, il y a un groupe tout à l'heure qui parlait de mur-à-mur, faire attention au mur-à-mur pour garder une certaine souplesse sans trop bureaucratiser les choses.

Je voudrais juste terminer, Mme la Présidente… J'aimerais savoir comment vous trouvez les institutions qu'on crée, là, que ce soit, par exemple, de cibler deux partenaires privilégiés, le chantier et le CQCM, ensuite de créer une table, là, des partenaires. On ne sait plus s'il faut une table bistro ou une table de réfectoire, là, parce qu'il y a vraiment... C'est un ou l'autre, là, on est comme un peu schizophrène, là, dans notre choix, là. Alors, comment vous voyez ça, vous, ces institutions-là?

La Présidente (Mme Champagne) : Mme Cyr.

Mme Cyr (Claudelle) : Par rapport à... Dans les tables qui sont créées à partir du projet de loi, là, vous parlez? Bien, écoutez, on s'est plus ou moins penchés là-dessus, d'une part parce qu'on ne veut pas faire partie de ces tables-là. On vous le dit, on n'est pas des entreprises d'économie sociale.

Par contre, je vais prendre la balle au bond pour dire que... Vous avez dit tantôt qu'il y a des... la ligne est mince. Vous avez raison, mais la ligne est mince aussi parce qu'il y a des acteurs qui décident de parler au nom de d'autres acteurs. Ce n'est pas... On est très contents d'être ici aujourd'hui pour ça. On est le trois quarts du mouvement communautaire au Québec. Sur l'ensemble des organismes, on est 3 000 groupes, et il y a plein de monde — j'en ai lu plein, de mémoires — qui sont venus parler en notre nom, alors qu'on n'a jamais été consultés. Cela dit, pour ce qui est des tables, nous, on ne s'est pas prononcés là-dessus.

Je voudrais juste rajouter que, ce matin, la Table des regroupements provinciaux des organismes communautaires et bénévoles a envoyé une lettre à la commission disant qu'elle appuyait aussi les recommandations de la Coalition des TROC. Donc, juste terminer là-dessus, là, dire qu'on n'est pas... Au-delà juste de la CTROC, les regroupements provinciaux aussi.

La Présidente (Mme Champagne) : Un petit 30 secondes. Qui prend la balle au bond?

M. Gaudreault : Moi.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. le ministre, allez-y donc.

M. Gaudreault : Le titre, qu'est-ce que vous en pensez, la Loi sur l'économie sociale?

Mme Cyr (Claudelle) : On ne s'est pas plus penchés là-dessus. Comme je vous dis, nous, on est là pour s'assurer, là, que le gouvernement, là, quand il va faire, là, l'étude article par article, il tienne compte de notre distinction puis qu'il se rappelle que, comme le dit mon collègue, il y a eu une motion votée à l'unanimité il n'y a pas longtemps, là, qui nous reconnaissait pour ce qu'on était. On aimerait ça que ça paraisse dans le projet de loi.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Pour ma part, c'est un slogan. C'est un slogan.

La Présidente (Mme Champagne) : Parfait. Alors, M. Lefebvre, Mme Cyr, merci, là, pour votre échange avec le groupe parlementaire. On va aller maintenant avec l'opposition officielle pour le même nombre de minutes que tantôt, là, plus ou moins. Alors, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous.

Mme Weil : Oui. Alors, bonjour, Mme Cyr, M. Lefebvre. Je vais essayer de vraiment bien comprendre, de bien saisir. Parce que je pense qu'essentiellement, votre titre le dit, c'est que l'économie sociale préoccupe depuis longtemps le milieu communautaire, hein, et vous êtes venus pour nous dire ça et pour nous dire pourquoi ça vous préoccupe. Je vous dirais que, là, c'est sûr que les syndicats, on pensait qu'ils étaient très critiques, mais, quand même, ils sont favorables à l'économie sociale. Donc, on a conclu qu'ils sont favorables, mais avec des mises en garde. Ils veulent préserver des services publics… — comment dire? — la qualité, des services publics intègres, mais qu'il y ait des rajouts par l'économie sociale. Bon, c'est à voir lorsqu'on va analyser le projet de loi. Mais vous… Alors donc, vous avez l'impression, de toute façon, que le... On va avancer comme parlementaires avec une loi-cadre. Donc, vous dites : Bon, à tout le moins, faites ceci, faites cela.

Mais, avant d'arriver avec vos recommandations, donc, peut-être si vous pouvez retourner sur cette préoccupation. Parce que ce n'est pas facile pour nous de comprendre. Parce que l'économie sociale existe depuis si longtemps, on a beaucoup entendu ça, hein, plus de 100 ans d'économie sociale, que c'est déjà là, de toute façon, dans l'activité économique, avec une finalité sociale, c'est déjà là, et que, dans le milieu québécois, autant dans les régions que dans les villes, il y a plusieurs acteurs, toujours évidemment les services publics, mais on a les organismes communautaires qui existent depuis très, très longtemps, des organismes philanthropiques.

Et d'ailleurs la titulaire de la chaire est venue nous parler, justement — Marie Bouchard — qu'en fait on peut même penser... puis elle essaie d'expliquer que les organismes communautaires en font partie en partie, comme vous le mentionnez. Donc, il y en a d'autres qui déjà — et c'est des chercheurs — vous mettent dans l'économie sociale. Et là j'imagine que vous, vous allez dire : Attention! Êtes-vous dedans, ou n'êtes-vous pas dedans, ou vous l'êtes à moitié, ou parfois, dépendant des activités, une portion de vos activités lorsqu'il y a une partie qui est basée sur la rentabilité avec des services? Mais ce n'est pas vos membres, mais, si on parle… Hein, c'est ce que vous avez dit, vos membres ne font pas partie de l'économie sociale.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, Mme Cyr.

Mme Cyr (Claudelle) : Nos membres, non. Et, d'autre part, si des organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux font certaines fois des mandats qui s'apparentent à l'économie sociale, c'est parce qu'on a un problème. Et, vous le savez, vous avez déposé une pétition, on a un problème de financement à la mission. Et on n'a pas le choix, à un moment donné, si on veut accueillir les gens puis offrir ce qu'on a à offrir, d'aller chercher des formes de financement, et ça fait partie du système D de certains organismes communautaires. Et ça ne veut pas dire que, parce que parfois on travestit notre mission, on n'y croit plus. Alors, pour nous, ça, c'est une chose.

L'autre chose, oui, les centrales syndicales se sont prononcées favorablement; c'est correct. Elles sont aussi sur les C.A., hein, de ces affaires-là. Les centrales syndicales sont sur le C.A. du Chantier de l'économie sociale, etc., puis ça va. On n'a rien contre l'économie sociale. Nous, ce qu'on dit, là, c'est : Attention, nous, là, on existe. On est 20 000 employés, quand même, on représente 3 000 organismes. 20 000, c'est quand même un gros... Il y a des régions au Québec où est-ce que les organismes communautaires en santé et services sociaux sont le deuxième employeur, là. Ça fait qu'on a l'air petits comme ça parce qu'on n'est pas des gens d'affaires. Cela dit, on est... au niveau économique, on prend quand même une place. Alors, on veut maintenir cette distinction-là, et donc, pour nous, c'est juste... c'est ça qu'on voulait surtout dire aujourd'hui. Je ne sais pas si tu as quelque chose à ajouter.

La Présidente (Mme Champagne) : M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Oui. Bien, j'ajouterais simplement, puis je vais le répéter parce que je crois que c'est la clé, là : L'économie sociale, c'est intéressant, O.K.?, c'est novateur à plusieurs égards, ça repose sur un plan d'affaires profitable en toutes choses, tout le temps. Nous, on accueille et on travaille avec les personnes, pas sur leurs problèmes, avec les personnes, quitte à ce que ça prenne du temps. Les choses les plus importantes dans la vie ne se quantifient pas. Ce qu'on crée, c'est des rapports de confiance avec la population. Ça prend du temps, ça se fait de manière différente, puis, des fois, nos pratiques sont même réintégrées par le réseau parce qu'on les inspire, mais à la base, ce ne sont pas des activités qui sont profitables ou pérennes économiquement.

• (16 h 50) •

Mme Weil : Qu'est-ce que...

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée, oui.

Mme Weil : Oui, merci, Mme la Présidente. Vous avez entendu le Syndicat de la fonction publique juste avant vous?

Une voix : Un peu, oui.

Mme Weil : On a parlé un peu de cette relation avec des organismes communautaires, puis eux, ils avaient une mise en garde, hein, vers... pas la déresponsabilisation, mais un peu ça, là. Je ne me rappelle plus l'expression qu'ils ont utilisée. Ce n'était pas un désengagement, c'était...

Des voix : ...

Mme Weil : C'était pire que ça, les mots, là...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Weil : Instrumentalisation! «Instrumentalisation», c'était le mot. Ils ont senti que j'étais un peu sensible à ça parce que j'ai beaucoup été dans le milieu communautaire, surtout dans le financement des organismes communautaires, surtout par la voix philanthropique, etc. J'étais aussi dans le réseau de la santé, présidente de la régie régionale — à l'époque, c'était la régie — donc bien sensible à l'importance du financement des organismes communautaires.

Mais c'est intéressant parce qu'aujourd'hui on a différents points de vue, vraiment la première journée avecvraiment différents points de vue, et beaucoup de mises en garde, de respecter les rôles, si je comprends bien, le rôle de tous et chacun et qu'on ne vient pas créer une certaine érosion des rôles de tous et chacun. Vous, est-ce que vous vous voyez comme complémentaires dans le réseau de la santé et des services sociaux surtout et l'éducation, complémentaires au réseau public?

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Oui. Bien, la perception, à l'origine... On peut s'inscrire en complémentarité, comme je vous dis, sur une base volontaire. Par moments, on est complémentaires, dans certains programmes, de manière très, très précise. Essentiellement, on est additionnels. C'est de la manière qu'on a tendance à se définir, additionnels. Puis le réseau nous compte dans l'atteinte de cibles, mais on se définit autrement, comme je vous dis. C'est pour ça que comprendre exactement, de manière précise, avec une reddition de comptes pointue, ce qu'on fait, c'est toujours assez difficile. Comme je vous dis, des liens de confiance, c'est long à créer. De l'impact, quand on parle de la prise en charge, faire en sorte que quelqu'un prenne conscience d'un problème qu'il vit, se prenne en charge et trouve les moyens pour adresser ce problème-là, c'est assez long.

Donc, c'est des services additionnels, alternatifs, différents qui sont là, dans la communauté, qui se donnent par la communauté et pour elle. Ça fait que, par moments, on peut être inscrits de manière... Par moments, on peut ressembler au réseau, hein? Ça arrive. Mais d'autres fois, on s'en distingue très, très, très clairement. Mais essentiellement nos visées ne sont pas les mêmes, mais ça arrive qu'on se ressemble.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée.

Mme Weil : On va regarder, donc, vos recommandations. Parce que, de toute façon, le réseau communautaire va toujours exister, toujours. Parce qu'il existe depuis toujours dans une forme ou dans une autre. Je pense que c'est un peu la vitalité des communautés qui fait en sorte… c'est cette notion d'entraide qui est là, de vouloir renforcer une communauté. Puis les acteurs, ils créent des organismes pour répondre à ces besoins, mais dans un esprit très dynamique. C'est ce que j'ai toujours vu.

Et donc, là, vous recommandez néanmoins... vous faites des recommandations pour préserver l'intégrité de l'offre de services. Alors, vous ciblez en particulier qu'il faudrait retirer l'alinéa un de l'article 1. Vous dites : «La présente loi a pour objet de reconnaître la contribution particulière de l'économie sociale au développement socioéconomique du Québec, dans tous les secteurs d'activité, à l'exception de l'offre de services qui relève de la responsabilité de l'État, tels que les soins de santé…» Est-ce que c'est un peu comme un «"notamment" les soins de santé et les services sociaux, ainsi que l'éducation»? Est-ce qu'il y a d'autres secteurs aussi importants? En emploi, intégration en emploi, on a parlé de ça. Est-ce qu'il y a d'autres secteurs que vous considérez aussi importants.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme Cyr.

Mme Cyr (Claudelle) : Bien, oui. Puis, comme on le disait d'entrée de jeu, notre champ d'expertise, nous, c'est la santé et les services sociaux, donc on voulait plutôt intervenir sur ça. On a nommé l'éducation, on aurait pu effectivement nommer d'autres secteurs. Le «tels que», c'est... Dans le fond, l'idée de base à retenir, c'est que ce qui relève de la responsabilité de l'État... On peut comprendre que faire le ménage ne relèverait peut-être pas de la responsabilité de l'État, et c'est donné par une EESAD, là. Mais donc ce qui relève de la responsabilité de l'État, nous, on dit : Il nefaut pas donner ça à l'entreprise d'économie sociale. Est-ce qu'on va faire faire nos routes par les entreprises d'économie sociale?

Des voix : …

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée... M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Ça va. Je pensais à la commission, c'est pour ça.

La Présidente (Mme Champagne) : O.K. On est tous frappés par ça. Alors, Mme la députée.

Mme Weil : Et donc, l'article 3, votre recommandation va beaucoup dans le même sens : protection des renseignements personnels, justement, parce que c'est vraiment la responsabilité de l'État de protéger ça. Ça, on lecomprend bien. Et, finalement, une troisième recommandation, hein : «On entend par "économie sociale", l'ensemble des activités économiques réalisées à des fins sociales dans le cadre des entreprises qui ne sont pas des organismes d'action communautaire tel que défini par la Politique de reconnaissance…»

Donc, avec ces trois recommandations, pour vous, même si peut-être vos préoccupations sont plus vastes que ça, ça vous donne un certain niveau de confort.

Mme Cyr (Claudelle) : Bien, en fait, on avait une recommandation, là, qu'on martèle depuis tantôt, c'est la recommandation de nous exclure de cette... Parce que, la preuve, c'est qu'on est ici devant des gens qui... Je suis convaincue, là, de la bonne foi de tout le monde, puis je suis convaincue… Puis on a de la difficulté, même là, en vous expliquant puis en discutant, à comprendre c'est quoi, la différence entre les organismes communautaires et les entreprises d'économie sociale. C'est sans blâme, là, on comprend. C'est difficile à comprendre. Moi, ça fait 15 ans que je suis dans le milieu, ça fait que c'est sûr que je le saisis facilement.

Vous avez eu des intervenants qui sont venus aussi mêler les cartes en parlant au nom de nos deux réseaux, alors que ça n'aurait peut-être pas dû. Donc, pour nous, la recommandation à l'effet de nous exclure… Quand on parle d'organismes communautaires… d'action communautaire, on réfère à la politique d'action communautaire de 2001, là. C'est simple, si... lors de l'étude article par article, ressortez-la, c'est simple. Mais on comprend, là, que la difficulté est là de se comprendre, mais, pour nous, ça, c'est l'essentiel.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée.

Mme Weil : Donc, c'est vraiment la plus importante des recommandations.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Oui, absolument.

Mme Weil : Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, merci, Mme la députée. M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Il reste…

La Présidente (Mme Champagne) : Il vous reste trois minutes.

M. Rousselle : Oh! Merci. Merci, Mme Cyr, M. Lefebvre, d'être ici, j'apprécie beaucoup. De un, moi, je suis bénévole depuis fort longtemps dans un service d'entraide qui est à Laval. Bien souvent, les gens, ils pensent qu'il n'y a pas de pauvres ou il n'y a pas de personnes en besoin en Laval. Tout de suite, je peux vous dire que c'est faux, les gens qui pensent à ça, justement. D'ailleurs, l'organisme qu'on a, nous autres, on a été obligés d'avoir eu une friperie pour pouvoir justement rester en vie parce qu'on avait des difficultés là-dedans.

Je voudrais vous amener avec... Le Syndicat de la fonction publique a fait une recommandation, puis je voudrais juste avoir votre réaction là-dessus. Je m'attends un petit peu puis je connais... en tout cas, je m'attends un petit peu à votre réaction. Concernant la... Ils veulent amener une question de transparence en matière de lobbyisme, ils veulent vous inclure là-dedans. J'aimerais ça que vous réagissiez là-dessus.

La Présidente (Mme Champagne) : M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : J'essaie de ne pas bondir de mon siège. Quelle confusion atroce qui est là. En fait, si le SACAIS faisait son travail, il comprendrait qu'on est sous la politique de reconnaissance de l'action communautaire, qu'on est des groupes citoyens et puis qu'on ne devrait pas être inscrits de facto dans le Registre des lobbyistes par le Commissaire au lobbying. Tu sais, on comprend que cette affaire-là existe puis elle est là, mais, si le travail était bien fait et on était reconnus intégralement pour ce qu'on est et ce qu'on fait… Puis, si vous êtes bénévole dans un groupe, vous savez comment ça se passe, là. Disons que c'est une aberration outrancière qu'on soit inclus et puis qu'on ait à se battre puis se rejustifier une autre fois pour expliquer qu'on est citoyens mur à mur, en fait, pour arriver à se faire exclure après de longues heures d'explication où tout le monde finalement va perdre un temps précieux.

La Présidente (Mme Champagne) : Monsieur, oui... Madame, non, c'est beau? M. le député de Vimont, une petite, petite dernière?

M. Rousselle : Bien, une petite dernière. Bien, écoutez, effectivement, là, je m'attendais un petit peu à votre réaction, puis c'est pour ça que je voulais juste le soulever pour que ça soit bien clair, surtout que je sais que des fois c'est difficile de retenir même des employés dans ces endroits-là, dû au fait qu'ils sont sous-payés. Puis on les perd puis on perd notre expertise là-dedans. Moi, je le vis régulièrement. Donc, pour vous dire que je comprends la situation. Mais, en tout cas, juste pour vous dire merci d'être ici puis merci de vos éclaircissements.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, bravo. Merci infiniment. Nous allons donc passer au deuxième groupe d'opposition avec le temps connu, n'est-ce pas, à M. le député de Beauce-Nord? Allez-y.

M. Spénard : Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue, M. Lefebvre et Mme Cyr. J'ai trouvé... C'est rare qu'on reçoit un organisme qui dit : Nous autres, on veut être exclus de vos bébelles. Alors, c'est... Mais je trouve ça intéressant parce que vous nous apportez un autre point de vue. Une chance qu'il y avait deux parties à votre mémoire. La première partie, je pensais entendre un syndicat, mais, la deuxième partie, là, j'ai entendu le ROC, c'est-à-dire le regroupement des organismes communautaires. Vous mentionnez... Parce que, écoutez, les organismes communautaires, moi, je fais la différence, surtout en santé mentale, où ce sont tous des organismes communautaires qui s'occupent soit de la personne atteinte de santé mentale, pour après...

Moi, dans ma carrière d'avant député, j'ai oeuvré dans les entreprises adaptées, où est-ce qu'on faisait beaucoup affaires avec des organismes communautaires qui nous référaient des personnes pour l'emploi, etc. Est-ce qu'il existe une espèce de complémentarité… Pourrait-il exister une complémentarité plus aiguë entre les organismes communautaires et les entreprises d'économie sociale comme telles pour le recrutement de la main-d'oeuvre?

• (17 heures) •

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, monsieur... madame... M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Bien, certainement que, de proche en proche, on s'adresse aux mêmes tranches de population qui travaillent et qui oeuvrent dans les organismes, mais j'ai envie de dire : Souvent, on se retrouve devant le fait où on forme la main-d'oeuvre pour le réseau de la santé, nous, déjà dans nos rangs. Ça fait que j'ai l'impression que, oui, ça peut être une bonne chose ou pas, puis des fois on forme presque des députés. Mais, bref... Quasiment. On en rêve, il faudrait qu'il y en ait plus. Mais, bref, j'ai l'impression qu'il y a des rapprochements qui peuvent certainement être faits au niveau du recrutement de la main-d'oeuvre, puis tout ça. Mais, en fait, ça se fait déjà, j'ai l'impression, sur le terrain, ou c'est quelque chose que je sens qu'il y a déjà une proximité à ce niveau-là.

M. Spénard : O.K.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Vous pensez que le titre du projet comme tel, là, Loi sur l'économie sociale... Ça fait déjà passablement d'organismes qui viennent nous dire que ce n'est pas assez précis comme loi, c'est-à-dire que ça englobe pratiquement tout le monde. Écoutez, même le Syndicat de la fonction publique, tout à l'heure, donnait des exemples, était mêlé entre les organismes communautaires et les entreprises d'économie sociale. Vous, votre vision de ça, là, est-ce que le titre devrait être plus précis, plus restrictif en ce qui concerne les entreprises d'économie sociale comme telles?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Possiblement. En fait, ce qu'on sent à travers le projet, sur tout le respect, c'est que c'est... On a l'impression que c'est allé très vite et puis qu'à un moment donné… plein de bonnes intentions, mais qu'on aurait besoin sans doute de détails puis de nuances. Et puis, à ce titre-là, probablement que le titre pourrait être revu, c'est certain. Mais on n'a pas de recommandations, là. Je ne vous cacherai pas, on ne s'est pas assis autour d'une table à bistro non plus pour parler du titre.

La Présidente (Mme Champagne) : Une petite, petite dernière, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Oui. Le titre aussi… Je parlais du titre, mais, comme d'autres, est-ce que vous voyez... Parce que vous avez mentionné tantôt que le Chantier d'économie sociale regroupe beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde, dont des organismes communautaires, des entreprises d'économie sociale, etc. Est-ce que ça, ça ne porte pas à confusion?

La Présidente (Mme Champagne) : Madame... Monsieur ou madame?

M. Lefebvre (Pierre-Philippe) : Bien, en fait, ce qui porte... Oui, ça porte à confusion, vous avez raison. Mais, je vais en ajouter, c'est aussi l'acharnement sans cesse du Chantier de l'économie sociale à nous inclure dans leurs statistiques et dans leurs présentations. J'ai envie de dire : Souvent, ils dorent leur blason avec notre côté, qui est un peu plus la mission puis tout ça, ils ont tendance à se l'approprier des fois dans leur manière de se présenter. Pas qu'ils n'ont pas leurs valeurs, mais, en se présentant sans cesse comme étant une seule et grande famille, pas étonnant après qu'il y ait des confusions puis qu'il y a quelqu'un qui… que le législateur ait de la difficulté à démêler tout ça, en fait. Ça fait que c'est surtout là où nous, on veut se distinguer, en fait, pour rappeler qu'en santé et services sociaux l'action communautaire et l'action communautaire autonome, bref, la mission des organismes communautaires est différente des activités des groupes qui sont sous le chantier.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, merci beaucoup, M. Lefebvre. Nous allons passer maintenant au temps… à Mme la députée de Gouin.

Mme David : Merci, Mme la Présidente. Je pense être une députée qui a été assez bien formée par le communautaire et le mouvement des femmes. Donc, en fait, je n'ai pas beaucoup de questions à vous demander — ce qui tombe bien dans le temps que j'ai — parce que je pense que je comprends ce que vous dites. Mais, en même temps, ce qui n'est pas simple, c'est que, lors de la marche Du pain et des roses, ce qu'on réclamait, en fait, c'était un programme d'infrastructures sociales — c'est comme ça qu'on l'appelait — et je me rappelle très bien qu'on incluait là-dedans des organismes comme les centres de femmes, qu'on considérait organismes communautaires et féministes mais aussi participants à l'économie globale du Québec.

C'est sûr qu'entre ce moment-là et aujourd'hui il s'est passé beaucoup de choses et que, donc, je comprends très bien que vous ressentiez aujourd'hui le besoin de dire : Attention, c'est trop dangereux, finalement, d'inclure le mouvement communautaire — puis j'en dirais autant du mouvement des femmes — dans l'économie sociale, même si, au départ, je le rappelle, ce n'était pas comme ça qu'on voyait ça. Mais les choses sont ainsi faites — on pourrait s'en parler longtemps — que moi, je souscris à votre demande que, dans le projet de loi, sous une forme ou sous une autre, je ne suis pas tout à fait certaine des libellés, on soit très au clair tous ensemble que les organismes communautaires ne soient pas, en quelque part, obligés de faire partie d'une loi dont ils sentent que ça ne les concerne pas. Alors, moi, c'est clair, je vais vous appuyer là-dedans.

Par ailleurs, j'aimerais vous entendre un petit peu plus, toujours dans le temps qu'on a. Pour dire : Bien là, il ne faut absolument pas que... Bon, qu'il n'y ait pas de sous-traitance, et tout, ça, je comprends. Mais il ne faut pas qu'on offre, dans l'économie sociale, des services relevant de l'État, en santé, services sociaux, éducation et peut-être d'autres. Où est-ce que vous tracez la ligne?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, Mme Cyr.

Mme Cyr (Claudelle) : Mais actuellement il y a des actes préservés qui ne le sont plus. On les a ouvertes, les lignes, donc on dit : Préservons celles qui sont présentement déjà là en place. On a de la difficulté, surtout aux services sociaux, on a de la difficulté à avoir des services sociaux, il n'y a plus d'intervenants beaucoup dans les CSSS, etc. On a de la misère au niveau des soins à domicile. Là, on a ouvert. Je sais que les bains, on peut les faire donner. Je sais que les bas de contention peuvent être mis. Mais est-ce que, demain, on va pouvoir faire des prélèvements sanguins? Donc, l'idée, c'est : préservons ce qui est déjà là, là. Bon, on aimerait ça retourner en arrière; il est trop tard, on va... Mais ce qu'on demande, c'est, présentement, les actes qui sont réservés aux professionnels, qu'on ne les ouvre pas puis qu'on préserve ceux qui sont déjà préservés.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme Lefebvre... Mme Cyr, M. Lefebvre… Je suis en train de vous confondre et de vous marier, là, attention. Alors, ceci met fin aux échanges avec les parlementaires. Alors, merci à vous deux.

Nous allons suspendre quelques instants et accueillir le dernier groupe de l'après-midi.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 10)

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, nous allons reprendre nos travaux pour accueillir le dernier groupe de la journée, le réseau des pôles régionaux de l'économie sociale. Alors, je vais vous demander de vous identifier, avec vos titres, et vous aurez droit à 10 minutes de présentation, suivies d'un échange avec les parlementaires. Alors, on y va avec madame, monsieur…

Réseau des pôles de l'économie sociale

Mme O'Cain (Lynn) : C'est madame. Bonjour. Lynn O'Cain, directrice générale du Pôle régional d'économie sociale de la Mauricie.

M. Tétreault (Éric) : Bonjour. Je suis Éric Tétreault, je suis directeur général à la station de radio FM 103,3 à Longueuil, mais aujourd'hui je suis président du Pôle d'économie sociale à Longueuil.

Mme Lemire (Julie) : Bonjour. Julie Lemire, coordonnatrice au Pôle d'économie sociale en Abitibi-Témiscamingue.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, vous avez un beau 10 minutes qui vous attend. Allez-y.

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, d'abord, merci de nous accueillir. Mes salutations à M. le ministre, Mme la Présidente et aux autres membres de la commission. Je vais commencer la présentation, ensuite c'est Éric et Julie qui vont poursuivre avec les enjeux et les recommandations de notre mémoire.

À titre personnel, je suis assez énervée, je vous dirais, et fébrile d'être ici aujourd'hui parce que ça fait près de 20 ans que je suis impliquée et travailleuse engagée en économie sociale, et donc j'ai vu ce grand mouvement-là vraiment évoluer avec le temps, et de se retrouver en commission parlementaire pour une loi-cadre, c'est quand même un moment historique dans ma petite vie.

La Présidente (Mme Champagne) : Ça nous fait plaisir de vous accueillir, parce qu'en Mauricie vous êtes connue, Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : Oui. Tant mieux. En bien, j'espère. Donc, d'abord, on vous mentionne que les pôles régionaux sont grandement réjouis de cette initiative du gouvernement du Québec de mettre de l'avant cette loi-cadre en économie sociale. On doit aussi souligner que la définition que le gouvernement a retenue est à la satisfaction des pôles parce qu'elle est large et inclusive et elle ressemble… elle représente la vision également des pôles.

Sur la question du titre, parce qu'il en a été largement question à la commission, on est aussi tout à fait à l'aise avec le titre de la loi qui porte le nom d'économie sociale parce que, comme pour la définition, c'est quelque chose qui représente, pour nous, l'ensemble des initiatives en entrepreneuriat collectif, peu importe le modèle juridique.

Et historiquement, depuis 1995, les pôles régionaux, qu'on appelait d'abord les conseils régionaux d'économie sociale à la suite de la marche Du pain et des roses, on a été vraiment les premiers lieux de concertation régionale, et même que notre mandat, au départ, était d'émettre des recommandations auprès des conseils régionaux de développement en ce qui concerne, entre autres, la définition et les critères qui définissaient une entreprise d'économie sociale. Donc, cette volonté de se concerter et de promouvoir l'économie sociale, elle existe sur les bases régionales depuis plus de 15 ans maintenant et elle illustre aussi très bien le fait que l'économie sociale, c'est d'abord et avant tout un outil de développement des territoires.

Aujourd'hui, on compte 22 pôles régionaux, dont trois représentent des communautés autochtones. La composition des pôles est tout à fait à l'image de la diversité des territoires également. Toutefois, on a tous en commun de travailler en étroite collaboration avec l'ensemble des organismes de développement socioéconomique de notre région, de nos régions. Donc, les centres locaux de développement, les corporations de développement économique communautaire, les conseils régionaux, les coopératives de développement régional, par exemple, les SADC, le mouvement du crédit communautaire et les conférences régionales des élus sont tous assis autour de nos tables.

On crée également des alliances, des partenariats en lien avec l'économie sociale avec chacun de ces organismes-là, et c'est de cette façon-là qu'on favorise la consolidation et la croissance des entreprises. Donc, les actions qu'on mène, on insiste beaucoup là-dessus, elles sont concertées et reflètent le besoin aussi et la mission... le besoin des entreprises et la mission de chacun et de chacune de nos partenaires. On s'adresse à l'ensemble des entreprises, sans égard à leur statut ou à leur secteur d'activité, et, je crois, avec les années, je peux en témoigner, c'est ce qui fait le succès des pôles.

L'expertise qu'on a développée fait qu'on est aussi, sans hésiter, devenu une référence régionale aujourd'hui, qui fait en sorte qu'on peut témoigner de la réalité des entreprises de nos régions et de faciliter les liens entre le local, le régional et même le national. On est, en quelque sorte, je vous dirais, la porte d'entrée qui va ouvrir sur le mouvement de l'économie sociale dans chacune de nos régions.

Qu'est-ce que ça fait, un pôle? C'est multiple. Dans ces actions concertées là, on donne quelques exemples. Plus de la moitié des pôles régionaux ont dressé des portraits socioéconomiques des entreprises d'économie sociale de leur territoire. On a créé des outils d'analyse et d'accompagnement en entrepreneuriat collectif. Il y a différentes activités de promotion qui se font, entre autres autour de semaines ou de mois de l'économie sociale. On met à jour le répertoire de chacun de nos territoires qui regroupent l'ensemble des entreprises d'économie sociale. Il y a des offres de formation adaptée. On soutient la mise en marché. La veille stratégique et des avis sectoriels sont émis. On fait la promotion de l'économie sociale auprès des jeunes. Et on a aussi été impliqués dans de la recherche partenariale au cours des dernières années et on s'en va vers des projets de transferts de connaissances et d'expertise prochainement.

Donc, toutes ces réalisations-là, c'est carrément le fruit d'un travail d'équipe avec l'ensemble des acteurs et des actrices de l'économie sociale dans nos régions. Puis, on tient à le rappeler, la force des pôles, c'est vraiment cette concertation avec l'ensemble des organisations. Si les pôles existent et qu'il y en… certains n'ont jamais cessé d'exister dans les 15 dernières années, c'est parce que les entreprises et les partenaires de l'économie sociale l'ont désiré. Donc, ce sont ces personnes-là et ces organisations-là qui guident l'ensemble de nos actions.

Le travail accompli par les pôles au cours des dernières années est assez impressionnant, puis les ententes spécifiques qui ont été signées dans les dernières années ont vraiment permis de faire progresser l'économie sociale. Mais l'évolution de l'économie sociale, ça amène aussi certains enjeux. Puis c'est Éric qui va pouvoir vous parler un peu des enjeux actuels qui amènent nos recommandations.

M. Tétreault (Éric) : Merci, Lynn.

La Présidente (Mme Champagne) : M. Tétreault.

M. Tétreault (Éric) : Merci. Tout comme ma collègue, je compte près de 20 années dans l'économie sociale, donc, comme entrepreneur social. Donc, pour moi aussi, c'est un plaisir.

Donc, au fil des années, les pôles d'économie sociale régionaux, constitués à la base d'entrepreneurs représentant toutes les formes juridiques reconnues en économie sociale, ont réalisé des projets structurants pour développer localement l'économie sociale dans tous les territoires du Québec. Chacun à notre façon et selon nos régions et réalités respectives, nous avons innové afin de faire évoluer l'économie sociale en collaboration avec des partenaires locaux. Des avancées importantes ont été créées par les pôles en réalisant des partenariats avec les chambres de commerce, les organismes publics et les municipalités afin d'accroître l'achat public auprès des entreprises collectives dans le cadre d'un programme gouvernemental, L'économie sociale : j'achète!

Nous, à Longueuil, on a réalisé un rendez-vous de l'économie sociale pour l'agglomération de Longueuil le 15 mars dernier. On a réussi à attirer près de 150 personnes. Le grand défi, ça a été nécessairement d'aller chercher des partenaires. On a pu mettre ensemble, pour nécessairement cet événement-là, l'Université de Sherbrooke, la ville de Longueuil et la chambre de commerce. Ça fait que, pour nous, ça a été… juste ça, ça a été notre succès. Et ça a été un rayonnement quand même très, très bien pour le pôle économie sociale. C'est nécessairement le pôle qui a été l'instigateur et qui a été le porteur de projets pour cet événement-là.

Donc, cette synergie avec les partenaires du développement local a permis d'établir, nous le reconnaissons, des entreprises d'économie sociale et d'initier des relations d'affaires durables permettant la réalisation de projets de grande envergure pour le développement de notre secteur d'activité. Les initiatives issues de ces espaces de concertation, les pôles… que sont les pôles régionaux d'économie sociale ont permis de concrétiser de grandes réalisations bien tangibles.

Les enjeux pour le futur de l'économie sociale demeurent tout aussi concrets. Les projets d'affaires des entreprises d'économie sociale se développent et se structurent au Québec. Un changement d'échelon s'opère dans la taille des projets qui prennent forme. Les programmes et les mesures financières doivent être adaptés et accessibles aux différentes entreprises d'économie sociale.

Les entreprises de l'économie sociale font partie de l'économie plurielle, elles doivent composer avec les réalités du monde des affaires. Le développement de nouvelles alliances avec le milieu des affaires, les élus municipaux et les organismes publics s'impose. La commercialisation des produits et des services de l'économie sociale doit être valorisée et supportée par un partenariat public collectif fort, structuré et solidaire afin de permettre les marchés institutionnels et le grand public... afin de permettre de pénétrer les marchés institutionnels et grand public.

Les enjeux pour l'économie sociale sont multiples et variés. Peu importe d'où on vient, dans un marché urbain ou rural, l'économie sociale et transversale touche tous les secteurs d'activité de l'économie, et son bénéfice social rayonne sur l'ensemble de notre collectivité. C'est pourquoi le mémoire des pôles régionaux qui vous a été déposé propose trois grandes recommandations afin de poursuivre le travail amorcé par les pôles d'économie sociale du Québec à titre d'espace de concertation privilégié pour le développement de l'économie sociale dans toutes les régions du Québec. Je passe le micro à Lynn…

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, Mme Lemire.

• (17 h 20) •

Mme Lemire (Julie) : Merci. Alors, comme mes collègues l'ont expliqué, les pôles oeuvrent à la promotion des entreprises d'économie sociale et favorisent la concertation entre les différents intervenants touchés par l'économie sociale. Nous harmonisons également les interventions qui sont liées aux entreprises d'économie sociale pour maximiser leur effet, et ce, tout en étant une courroie de transmission d'information de l'économie sociale en région. C'est pourquoi nous souhaitons que la loi-cadre reconnaisse les pôles régionaux d'économie sociale comme espace de concertation et que, bien entendu, nos actions soient partie prenante du futur plan d'action qui accompagnera la loi-cadre.

Étant donné que les pôles regroupent l'ensemble des partenaires de l'économie sociale, que nous sommes liés à des ententes respectant les missions de chacun, nous croyons bien représenter les réalités territoriales et sectorielles de l'économie sociale. Ceci fait de nous la référence régionale en économie sociale, et c'est pourquoi nous souhaitons que les pôles soient représentés à la table des partenaires en économie sociale.

Enfin, pour poursuivre les ententes de partenariat, la consolidation et le développement de l'économie sociale dans nos régions, nous vous recommandons que le plan d'action gouvernemental soit assorti de moyens et d'outils financiers, ceci afin de prolonger l'effet structurant des ententes spécifiques conclues depuis plusieurs années et garantir ainsi une pérennité des pôles régionaux d'économie sociale.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci beaucoup. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Gaudreault : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais vous saluer, Mme O'Cain, M. Tétreault, Mme Lemire. Merci beaucoup d'être ici. Je vois que vous vous êtes déplacés de loin dans certains cas. Alors, bienvenue à l'Assemblée nationale.

J'ai plusieurs questions, mais je veux d'abord vous dire que vous venez clore nos travaux en auditions sur le projet de loi n° 27, mais vous représentez certainement ceux et celles qui connaissent, comme on dit, la réalité de terrain dans chacune des régions parce qu'on se réfère souvent aux pôles… Moi, comme ministre, quand je vois passer les projets qui sont déposés dans le cadre du PIEC, évidemment les pôles sont au coeur des recommandations, au coeur du travail, au coeur des analyses. Je pense que vous êtes certainement très branchés et très au fait de ce qui se passe dans chacune des régions du Québec. Alors, vos lumières et vos éclairages sont effectivement très, très, très importants. Et je constate qu'évidemment vous êtes favorables à une loi-cadre sur l'économie sociale enfin pour reconnaître certainement ce secteur-là et aller plus loin.

Évidemment, si vous avez suivi nos travaux depuis la semaine passée, vous avez vu tous les débats que nous avons sur qui doit être reconnu, qui est autour de la table, les partenaires privilégiés qui sont identifiés… les interlocuteurs privilégiés, plutôt, dans le projet de loi n° 27. Alors, c'est toujours un peu délicat tout cela. Et moi, je suis assez sensible évidemment à votre réalité régionale que vous êtes capables de transmettre dans chacun des projets qui sont analysés et des sommes qui sont investies par le gouvernement via les programmes en économie sociale. Mais je voudrais comprendre un peu plus quelle place vous revendiquez au juste dans la loi comme pôles. Puis, encore là, comment gérer ça considérant que… c'est quoi? Il doit y avoir 17 pôles à...

Une voix : 21.

M. Gaudreault : ...21, oui, en fonction des CRE, 21, 22, oui, avec les régions du Nord, et tout, 22 pôles à travers le Québec. Alors, est-ce qu'on doit passer par le réseau des pôles? Est-ce qu'on doit tenir compte des 22 pôles? Alors, ce n'est pas évident, là. J'aimerais ça que vous nous aidiez un peu plus sur la reconnaissance ou sur la place que vous pouvez jouer à travers la loi, là.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme O'Cain, M. Tétreault ou Mme Lemire?

Mme O'Cain (Lynn) : Ça va être moi.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, en fait, c'est sûr qu'on croit qu'on est devenus, avec les années, l'interlocuteur privilégié pour avoir accès aux entreprises et aux partenaires dans les régions. Donc, c'est sûr qu'une reconnaissance à ce titre-là dans la loi, dans le plan d'action éventuellement, c'est d'avoir les ressources financières pour poursuivre ce travail-là de concertation, je dirais même d'animation des milieux.

La place qu'on souhaiterait avoir à la table, je vous dirais qu'on n'en a pas parlé si longuement que ça au niveau du réseau des pôles régionaux, qui est quand même une organisation informelle, là. On se rassemble autour d'un espace qu'on provoque, là, mais on n'est pas une organisation formelle. En tout cas, je ne crois pas me tromper en disant que le souhait de se retrouver à cette table-là, entre autres, ce n'est pas de le faire au détriment de d'autres organisations, parce que nous, on travaille avec tout le monde, sans égard, là, de leur provenance ou de leur intérêt. On travaille au développement de nos régions par le biais d'un outil qui est l'économie sociale. Alors, c'est sûr qu'on souhaiterait se retrouver là parce que, vous l'avez mentionné, on croit qu'avec les années on a une lecture et une compréhension assez juste de la réalité des régions et on pense aussi que c'est de cette façon-là que le Québec se développe dans une diversification et de la dynamique des territoires, mais on ne souhaiterait pas que ça soit fait au détriment de d'autres.

Mais c'est surtout dans le plan d'action qu'on souhaite avoir les mesures nécessaires pour poursuivre le travail qu'on fait. Il y a beaucoup d'idées. Vous n'avez pas idée de tout ce qu'on souhaiterait faire, de tout ce qui émerge des rencontres qu'on a, de l'inspiration qu'on a, les 22 pôles régionaux, l'un envers l'autre. Mais ça prend des moyens et des ressources pour le faire, évidemment.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Mme Lemire, là.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, Mme Lemire.

Mme Lemire (Julie) : J'avais juste peut-être un complément. C'est vrai qu'on n'en a pas parlé non plus en rencontre des pôles pour le fonctionnement de qui pourrait être désigné à cette table-là, mais, quand vous avez nommé le fait qu'on est 22 pôles, c'est sûr qu'on ne voudrait pas tous s'y retrouver, là. Donc, il y aurait un représentant. Mais, c'est ça, ça serait... C'est juste le petit bémol que je voulais ajouter, là.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Autrement dit, le défi qu'on a à travers l'économie de la loi, c'est de faire ressortir la dimension régionale et l'expertise que vous avez tout en étant quand même souples et flexibles, là — alors, en tout cas, je réfléchis en même temps que je parle, là, mais… — et inclusifs. Mais, c'est ça, on... Il va falloir en tout cas qu'on définisse clairement cela. Mais, comme vous dites, ça peut passer aussi par le plan d'action. Puis je comprends qu'au-delà de la représentativité sur la table ou via les partenaires... les interlocuteurs privilégiés, vous dites : La vraie reconnaissance de notre travail passe par un financement stable et renouvelé.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : C'est sûr qu'on est conscients qu'une loi-cadre on ne peut pas tout mettre là-dedans, là. Si on avait... On s'est entendus, au niveau du mémoire qu'on vous a déposé, sur ce qu'étaient les dénominateurs communs à l'ensemble des pôles. Il y aurait eu plein d'autres recommandations. Il y en a même qui l'ont fait sur leur propre base aussi dans d'autres réseaux. Mais c'est évident qu'on croit que c'est... On est dans l'action, hein, nous. Alors, c'est logique qu'on soit, dans le plan d'action, je dirais, une mesure, en quelque sorte, pour le déploiement, la promotion et le développement de l'économie sociale.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, Mme O'Cain. M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Je comprends aussi que, dans chacune de vos régions, mais de façon inégale d'une région à l'autre, vous travailliez forcément en collaboration avec les conférences régionales des élus. Le réseau des CRE a demandé évidemment de faire partie de la table des partenaires. Alors, vous, comment, globalement, vous voyez les relations avec les conférences régionales des élus, et comment on a à tenir compte de cela dans la loi?

La Présidente (Mme Champagne) : Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, en fait, si on existe, c'est parce qu'il y a des alliances avec la conférence régionale des élus de chacun de nos territoires. Donc, on n'est pas en désaccord avec le fait que le réseau des CRE souhaite être présent. Je vous dirais, peut-être la distinction qu'on pourrait faire ou, en tout cas, la lumière qu'on pourrait mettre sur cet aspect-là, c'est que les conférences régionales des élus ont un mandat, mais ils ne sont pas des experts en économie sociale. C'est pour nous... Puis Julie a fait allusion à une courroie de transmission tantôt. C'en est une, ça, une courroie de transmission pour nous, les conférences régionales des élus. Mais on ne voit pas de problématique... C'est sûr qu'il y a des particularités, parce qu'il y a des pôles qui sont autonomes, dans le sens qu'ils sont incorporés, donc ils ont un conseil d'administration indépendant, d'autres sont sous le chapeau de la conférence régionale des élus. Mais, dans l'ensemble, je vous dirais, en tout cas, à l'écho qu'on a dans les rencontres des pôles, ça ne cause pas problème. Parce que, pour qu'un pôle existe, il doit y avoir eu une entente avec sa conférence régionale des élus.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre.

• (17 h 30) •

M. Gaudreault : Oui. J'aimerais vous entendre maintenant sur un tout autre sujet. Je pense que vous allez vraiment avoir un éclairage pertinent sur les révisions. On dit, à l'article 10 du projet de loi, que le gouvernement est tenu de réviser le plan d'action en économie sociale tous les cinq ans, mais il peut le reporter pour une période d'au plus deux ans.

Et pour la loi, à l'article 16, on dit : Le ministre doit la réviser la première fois après sept ans de la sanction et, par la suite, tous les 10 ans.

Alors, vous, vous voyez ça comment, les délais de révision et du plan d'action et de la loi?

La Présidente (Mme Champagne) : Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, sur la question du délai de cinq ans, on n'en a pas vraiment discuté, mais je vous dirais que c'est sûr que c'est un horizon qui est, pour nous, raisonnable parce qu'on a été, par le passé, plutôt habitués à des délais de trois ans, donc ce qui est relativement court. Parce que souvent, bon, la reddition de comptes qu'on doit émettre fait en sorte qu'il y a des délais aussi.

Sur la question de réviser la loi, sur le délai de sept ans, 10 ans, on n'en a pas vraiment parlé, je vous dirais. Je ne suis pas très familière avec les procédures à ce niveau-là, de qu'est-ce qui se fait au niveau de d'autres lois-cadres parce que ça va être la première, en fait. Alors, c'est quoi, le délai raisonnable? Ça, je ne pourrais pas vous dire. Mais, sur la question du cinq ans, je ne sais si, pour Éric, pour Julie, ils ont le même pouls que moi, mais on trouve que ce délai-là, il est, pour nous, très réaliste et très raisonnable, là.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. le ministre, il reste un cinq minutes.

M. Gaudreault : Oui. Vous dites, dans votre mémoire, que vous remettez en question l'utilisation du terme «échange» dans la loi, à l'article... je pense que c'est à l'article 3 — oui, c'est ça — au premier paragraphe, quand on dit : «…les activités consistent notamment en la vente ou l'échange de biens ou de services…» J'aimerais ça vous entendre un peu plus à cet égard parce qu'il y a, dans certaines entreprises d'économie sociale… — puis je pense que c'est ici on a entendu parler des accorderies — alors il y a la notion d'échange de biens et de services. Alors, pourquoi vous insistez particulièrement là-dessus?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, oui, M. Tétreault.

M. Tétreault (Éric) : Bien, moi, un peu dans le concret, pour l'entrepreneur, la partie échange, c'est surtout développer des partenariats; puis la partie des transactions d'affaires, bien là il y a plus un échange d'argent dans le concret, c'est principalement avec ça, nécessairement, que les entreprises peuvent vivre. Mais, moi, c'est la différence que je vois. L'échange, c'est plus une forme de partenariat, ça fait qu'il n'y a pas l'aspect de revenus autonomes là-dedans. Parce qu'à quelque part la base, un peu, le volet, dans les entreprises en économie sociale, c'est qu'il y a des transactions d'affaires qui sont faites pour aller chercher comme des revenus autonomes. Par rapport à la partie échange, c'est ça que j'en pense.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : En fait, la particularité que je pourrais apporter, c'est que, dans le cadre des pôles régionaux en économie sociale, on s'articule autour de ce qu'on appelle l'économie sociale marchande, donc c'est surtout avec ces entreprises-là que nous, on collabore, et ces entreprises-là dont on fait la promotion, c'est celles qui ont vraiment une activité marchande. Donc, c'est pour cette raison-là que, quand on a consulté l'ensemble des pôles, on était plus à l'aise avec ce terme-là, qui nous représentait plus, que celui d'un échange. Mais on comprend, là, qu'il y a d'autres réseaux qui peuvent avoir une interprétation ou une vision différente. Mais, si vous voulez le pouls des pôles régionaux et des entreprises avec lesquelles on travaille, c'est l'explication qu'Éric vous a donnée, qu'on est plus dans une transaction d'affaires, là.

M. Tétreault (Éric) : Comme dans notre définition également, nous, on parle de transactions marchandes, où est-ce qu'il y a un échange d'argent et pas juste une base d'échange.

La Présidente (Mme Champagne) : M. le ministre.

M. Gaudreault : Oui. Dans le temps qu'il me reste… bon. On s'est questionné beaucoup, lors de nos travaux, entre autres avec M. Béland, qui se présentait un peu comme le gardien de l'orthodoxie des organismes en économie sociale de toute nature, là… Il plaidait pour qu'on fasse attention de ne pas reconnaître des organismes en économie sociale qui n'en sont pas vraiment. Alors, vous, vous êtes vraiment sur le terrain, vous travaillez avec les organisations. C'est vous, en bout de ligne, qui faites des recommandations pour le PIEC. Vous avez à reconnaître, à dire : Bon, bien, ça, c'en est un, organisme d'économie sociale, et l'autre n'en est pas un. Alors, est-ce que la définition, justement, à l'article 3, correspond bien à cela? Quelles mises en garde, ou non, vous avez à nous faire concernant la définition et ce qu'est un organisme d'économie sociale? Êtes-vous des tenants aussi de l'orthodoxie à la Béland?

La Présidente (Mme Champagne) : Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : Je vous dirais que l'ensemble des pôles, on travaille avec la définition qui se retrouve dans le projet de loi, qui est aussi celle qui est issue du Sommet sur l'économie et l'emploi de 1996. La problématique, je vous dirais, ce n'est pas la définition, c'est l'interprétation que les gens en font. Et ça, où est-ce qu'il y a de l'humain, il y a de l'humainerie, là, ce qui fait qu'on a beau se doter de certains cadres, de soutenir le mieux possible nos organisations de développement, si une organisation ne veut pas reconnaître une entreprise d'économie sociale, elle va trouver le moyen d'interpréter ce qu'il y a là-dedans.

Donc, on n'a pas vraiment émis de commentaires ou de recommandations sur cette définition-là parce que je vous dirais qu'avec les années on arrive relativement bien à travailler avec. On s'est dotés, dans certains cas, de guides d'accompagnement pour pouvoir permettre, là, ce travail-là de reconnaissance ou d'analyse. Et, même avec ça, effectivement il y a des gens qui arrivent à détourner les choses, mais c'est quand même assez marginal, ce n'est pas quelque chose qui est fréquent. C'est malheureux quand ça arrive, mais ce n'est pas fréquent. On arrive à bien s'organiser avec cette définition-là.

Parce qu'en même temps la particularité, c'est vraiment qu'on essaie... L'économie sociale a cet atout-là, c'est de se rapprocher le plus possible des individus et de répondre à leurs besoins. Alors, d'une localité à l'autre dans un même territoire, les besoins vont être différents, et la façon d'y répondre peut l'être aussi, et l'économie sociale, ça permet ça. Donc, d'avoir un cadre trop rigide, on n'a jamais été en faveur de ça parce que ça viendrait carrément dénaturer ce qu'est l'économie sociale. Je ne sais pas si je réponds à votre question, si c'est assez clair, là.

M. Gaudreault : Oh! C'est très clair.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, c'est déjà terminé, M. le ministre.

M. Gaudreault : Le temps est cruel, oui.

La Présidente (Mme Champagne) : C'est déjà terminé pour l'échange avec la partie ministérielle. Alors, nous allons passer à l'opposition officielle. Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, la parole est à vous.

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Je vous souhaite la bienvenue, Mme O'Cain, M. Piché et Mme Lemire. Alors, vous êtes le dernier groupe qu'on va entendre, et on termine sur une note positive. C'est intéressant parce qu'on a eu quand même pas mal de critiques aujourd'hui, les gens qui sont inquiets, mais très, très inquiets; certains qui veulent carrément ne pas être inclus dans... et on le comprend. Les organismes communautaires inclus qui disent : Faites attention aux définitions, et tout. Alors, je vais vous poser peut-être, d'entrée de jeu, une question générale. Parce que la Fédération des chambres de commerce... Parce que vous parlez d'un fonds — puis on y viendra — vous proposez un fonds pour accompagner l'économie sociale, le développement de l'économie sociale dans votre mémoire.

Mme O'Cain (Lynn) : Ce n'est pas vraiment un fonds, c'est plus les mesures...

M. Piché (Patrick) : Des mesures adaptées à...

Mme Weil : Ce n'est pas un fonds, mais...

Mme O'Cain (Lynn) : Des outils.

Mme Weil : ...un financement... ressources financières, hein, des ressources financières pour appuyer des entreprises. Donc, je vais peut-être vous demander d'expliquer un peu ce que vous voyez là, les montants, comment vous voyez ça. Et la Fédération des chambres de commerce a déposé leur mémoire aujourd'hui, mais ils ne viennent pas en commission parlementaire, donc on ne pourra pas leur poser des questions. Mais, parce que vous êtes un des groupes, aujourd'hui, qui sont très actifs en économie sociale, donc vous comprenez bien l'objectif de l'économie sociale, etc. Bien qu'ils se disent généralement en faveur, ils évoquent une notion de concurrence déloyale. Je ne sais pas si vous avez vu leur communiqué de presse. Ils s'inquiètent, justement, que, dans certaines régions, c'est beaucoup plus difficile pour le secteur privé de compétitionner avec des organismes de l'économie sociale qui reçoivent des subventions, selon eux, du gouvernement et qui reçoivent, selon eux, d'importantes mises de fonds publics.

Et, parce que vous parliez d'avoir des ressources financières et parce qu'on ne pourra pas leur poser des questions, je pensais peut-être intéressant d'entendre votre point de vue sur cette notion de concurrence déloyale et peut-être l'équilibre dans une économie plurielle. Comment vous voyez ça, ce que vous vivez en région?

On a beaucoup de discussions aussi sur le transfert et la vente d'une entreprise lorsque l'entrepreneur quitte ou veut vendre, n'est plus en mesure de faire fonctionner son entreprise. On a parlé des coops de travail. Et vous, parce que vous êtes très actifs en région... D'ailleurs, ça a été soulevé comme un enjeu assez important en région puis qu'il faudrait peut-être prévoir une mesure dans ce projet de loi cadre pour encourager ces coops de travail. En tout cas, donc, c'est...

Je commencerais un peu avec, première question, les ressources financières, que vous évoquez. Quels types de ressources financières? À quelle hauteur? Comment vous voyez ça, cette notion de concurrence déloyale et l'économie sociale en région plus d'un point de vue de succession des entreprises?

• (17 h 40) •

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, en fait, sur la question de financement, je ne prendrai pas beaucoup de temps parce qu'on ne s'est pas attardés à des chiffres, je vous dirais, pour quantifier les besoins. C'est sûr qu'il existe déjà des mesures et il existe déjà des programmes, alors on espère ne pas aller en bas de ce qui est déjà sur la table. Mais c'est sûr que parfois les ambitions sont grandes, mais on n'y attache pas tout le temps les ressources financières nécessaires. Alors, c'est sûr que ça va être ça, notre souhait. Mais on ne peut pas vous le quantifier parce qu'on n'a pas fait l'exercice, là, d'évaluer, en termes de besoins, à quoi ça pourrait ressembler.

La Présidente (Mme Champagne) : M. Tétreault.

M. Tétreault (Éric) : Pour ce qui est de la concurrence déloyale, moi, je trouve que c'est positif, ça veut dire que les entreprises d'économie sociale sont concurrentielles sur le marché. Avec toutes les années, bon, depuis 1996, avec l'évolution qu'on a eue, c'est un point très positif. Tant mieux. Moi, même dans mon secteur, dans le secteur de la radio, à Longueuil, je peux vous dire, la concurrence, je connais ça, hein? Il y a 32 stations de radio autour, il y a 11 hebdos, puis nous, on réussit à aller chercher notre part de marché là-dedans. La seule raison qu'on réussit, c'est parce qu'on a un produit de qualité. Ça fait que, justement, on n'a plus l'étiquette que c'est communautaire, et ci, et ça. Non, nous sommes une entreprise d'économie sociale avec un rendement, et tout ça, c'est très positif. Cependant, l'aspect de la concurrence fait partie de notre réalité — on parle d'économie sociale — ça fait qu'aujourd'hui on n'a pas le choix, nécessairement, d'être outillés pour faire face à ça.

L'aspect des subventions… Dans mon cas, on s'autofinance à près de 90 %. Je peux vous dire que, dans le privé, il y en a plus que moi qui sont subventionnés. Ça fait que, ça aussi, ça ne me dérange pas bien, bien parce qu'on peut relancer la balle également là-dessus. Et il y a plusieurs autres secteurs comme ça. Moi, je pense que l'aspect positif de ça, c'est que l'économie sociale, elle est concurrentielle aujourd'hui, et il faut amener ça à un autre niveau. Ça fait que tant mieux. Puis, au contraire, il faut travailler avec les chambres de commerce parce que nous sommes des futurs membres pour eux, une clientèle potentielle, puis justement peut-être d'adapter leurs services ou leurs produits à notre réalité aussi.

La Présidente (Mme Champagne) : Mme la députée.

Mme Weil : Oui, merci, merci pour ça, c'est intéressant. On va aller, donc... Vous, vous voudriez donc que les pôles soient inclus dans la table, donc... Bien, on va commencer peut-être avec l'article 3, définition. Bon, vous l'avez évoqué, donc, échange... «Soulignons néanmoins que nous nous questionnons sur l'utilisation du terme "échange" dans la définition de l'économie sociale proposée par le projet de loi. Historiquement, c'est plus la notion "d'activitésmarchandes"…» Donc, vous avez déjà répondu à cette question. Ça, c'est une de vos recommandations. Reconnaissance des pôles régionaux, donc, comme interlocuteurs nationaux, donc, vous le verriez où dans la loi?

Mme O'Cain (Lynn) : La reconnaissance des pôles?

Mme Weil : Comme interlocuteurs régionaux…

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, comme on l'a mentionné...

Mme Weil : … comme membres de la table.

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, éventuellement, oui, c'est un espace qu'on pense qu'on pourrait occuper de par notre expertise.

Mme Weil : Est-ce que vous voyez une table nationale et des tables régionales? Certains l'ont proposé.

Mme O'Cain (Lynn) : Moi, je vous dirais qu'on considère qu'on est déjà une table régionale. Dans notre cas, on rassemble, en moyenne, entre 20 et 25 partenaires. Donc, je vous dirais, tout le monde est assis autour de la table dans chacune des régions. Donc, je crois qu'on répond déjà à cette demande-là qu'il pourrait y avoir, là.

Mme Weil : On a posé la question à plusieurs groupes. C'est le Chantier de l'économie sociale qui a proposé un mandat, premièrement un mandat qui serait de conseiller le gouvernement, ça, c'est le premier élément du mandat, contrairement... bien, contrairement… pas exactement ce qu'on dit dans la loi. La loi parle d'aviser le ministre au besoin quand le ministre aura des questions à poser. Eux, c'est vraiment carrément de conseiller le gouvernement. Donc, ma question, c'est : Comment vous voyez le mandat de cette table, cette table nationale? D'aviser ou de conseiller le gouvernement?

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, ça encore, je vous dirais, on ne s'est pas penchés… Parce que c'était un défi de consulter 22 pôles à travers le Québec, qui avaient chacun 23 partenaires à consulter et à faire valider. Alors, on s'est vraiment plus attardés sur le fait qu'on souhaitait être là.

Pour ce qui est du mandat, on ne jugeait pas que c'était nécessaire d'aller plus loin à ce niveau-là, on faisait confiance au gouvernement. Est-ce que ça doit faire partie de la loi ou pas, ou conseiller le ministre ou le gouvernement? Je vous dirais, là encore, on n'a pas réfléchi, on ne voit pas d'enjeu majeur à ce titre-là... à ce niveau-là, en tout cas, pour le moment, pour nous, là.

Mme Weil : Moi, ça va pour mes questions, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, M. le député de Vimont?

M. Rousselle : Oui, merci. Merci, mesdames messieurs...

La Présidente (Mme Champagne) : ...calculer, M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Et ça donne combien de temps?

La Présidente (Mme Champagne) : Vous, ça va vous donner environ cinq minutes. C'est bon, hein?

M. Rousselle : Bon, bien, merci. En tout cas... Bien, merci d'être ici. Je vais vous poser une question. C'est sûr qu'on a rencontré beaucoup de gens, vous le savez, vous avez sûrement suivi notre processus. Et puis, dû au fait que vous êtes régionaux... Vous, dans votre mandat, est-ce que vous avez l'accompagnement ou l'assistance à des compagnies qui ferment puis que les salariés veulent reprendre la compagnie au niveau social? Est-ce que vous le faites, ce côté-là?

Mme O'Cain (Lynn) : En fait, il n'y a aucune aide directe aux entreprises qu'on fait autre que, je vous dirais, de la formation parce que, dans nos mandats, on a des ententes avec Emploi-Québec, entre autres, qui nous permettent d'offrir certaines formations aux entreprises et au niveau de la promotion, mais, au niveau de l'aide technique, de l'accompagnement, on ne le fait pas directement auprès des entreprises. On va le faire en collaboration avec les centres locaux de développement ou les coopératives de développement régional, à leur demande, mais c'est vraiment eux qui ont le mandat. Et ça, c'est quelque chose qui est très important pour nous, de respecter la mission et le rôle de chacune des organisations. On peut le faire, mais si c'est à la demande des organisations et avec eux qu'on va le faire.

M. Rousselle : O.K. Moi, j'y allais plus... C'est ça, effectivement, c'est une compagnie, sauf que c'est une compagnie... Vous savez, bien souvent, c'est des choses... des compagnies familiales... Puis, dans les régions, vous avez sûrement ce problème-là aussi, des fois la relève n'est pas là. Donc, à ce moment-là on cherche et puis... C'est les employés, les salariés eux autres mêmes qui veulent se prendre en main puis ils veulent garder, tout simplement, leur travail. Donc, vous ne faites pas ce...

Mme O'Cain (Lynn) : Non. Si on était, je vous dirais, informés ou qu'on voyait une opportunité, le rôle qu'on aurait à jouer, c'est de les mettre en lien avec le CLD ou la coopérative de développement régional, et même parfois les deux parce qu'on peut envisager de le faire sous la forme de la coopération ou sous la forme de l'association. Donc, notre travail, je vous dirais, c'est peut-être plus un chien renifleur, de saisir ces occasions-là puis de mettre les gens en relation avec les partenaires qui vont faire ce travail plus technique là, ou d'information auprès des travailleurs qui voudraient reprendre l'entreprise pour laquelle ils travaillent.

M. Rousselle : C'est tout. Merci de m'avoir...

La Présidente (Mme Champagne) : M. le député de Vimont, c'est terminé?

M. Rousselle : Oui.

La Présidente (Mme Champagne) : Parfait, merci. Alors, nous allons donc passer — voyons, elle est partie — au député de Beauce-Nord, et vous allez avoir la chance d'avoir six minutes, M. le député. Est-ce que je vous fais plaisir?

M. Spénard : Mme la Présidente, c'est trop, c'est trop, c'est trop.

La Présidente (Mme Champagne) : C'est trop, hein? On ne s'en remettra pas.

M. Spénard : Ah! À mon tour de souhaiter...

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, vous allez prendre, donc, le temps que l'opposition officielle n'a pas pris. Alors, ça vous donne 3 min 30 s plus 2 min 30 s, ça fait exactement six minutes. Alors, allez-y.

M. Spénard : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue, Mmes O'Cain, Lemire et M. Tétreault. Vous avez dit quelque chose tout à l'heure qui m'est resté — parce que j'ai de la misère à vous saisir : pour que vous existiez, les pôles régionaux, il faut que vous ayez une entente avec la CRE de votre région. C'est ça?

M. Tétreault (Éric) : Entente spécifique signée avec les CRE.

M. Spénard : Entente spécifique avec la CRE?

M. Tétreault (Éric) : Oui.

M. Spénard : O.K. Est-ce que les dernières coupures budgétaires à la CRE... dans toutes les CRE du Québec vous ont affectés?

M. Tétreault (Éric) : En tout cas, à Longueuil, on n'a pas eu de secousse de ça, là, mais...

Mme O'Cain (Lynn) : Pour le moment, non, parce que nos ententes sont signées jusqu'en mars 2014. Donc, je vous dirais que c'est dans le renouvellement de ces ententes-là que, oui, peut-être qu'il pourrait y avoir un effet, effectivement. Et c'est la raison pour laquelle on souhaitait souligner, dans notre mémoire, qu'il y ait des ressources financières qui soient maintenues, parce que, dans la vie des pôles régionaux, au moment où on s'appelait conseils régionaux d'économie sociale, il y a toujours eu, dans certaines régions, un travail de concertation et d'animation, et parfois avec très peu de moyens. Mais là on ne souhaite plus revenir en arrière parce que tout le monde a goûté à cette bonne soupe-là, où là il y a des ressources permanentes et on peut faire un travail terrain. Donc, pour le moment, on n'est pas touchés par cette coupure-là parce que les ententes sont déjà conclues.

• (17 h 50) •

M. Spénard : O.K. Parce que moi, j'ai déjà siégé sur la TRESCA dans une autre vie, là, et puis il n'y avait pas... il n'y avait pas d'entente spécifique avec la CRE, en tout cas, dans ma région, là, en ce qui concerne la Table régionale d'économie sociale Chaudière-Appalaches.

Si je comprends bien, vous n'êtes pas une organisation formelle, là. Vous êtes juste un regroupement de ça. En ce qui concerne la table des partenaires, vous souhaiteriez avoir un espace à la table des partenaires, mais vos patrons nous ont demandé la même affaire, les CRE nous ont demandé la même affaire, je pense, les conférences régionales des élus. Alors, comment vous vous situez par rapport à ça, là? Est-ce qu'on va... Je ne sais pas, là, ça ferait peut-être un peu trop de conférences régionales des élus et de... Il me semble que... Non?

La Présidente (Mme Champagne) : M. Tétreault.

M. Tétreault (Éric) : Bien, dans notre cas, à Longueuil, bon, oui, nous sommes un comité issu de la CRE, mais la CRE ne siège pas au pôle. Nous sommes 11 entrepreneurs autour de la table qui échangent, ce qui fait que, nécessairement, on évolue. Mais la CRE ne siège pas, ça fait que, pour être terrain, pour avoir la réalité terrain, il faut des gens issus des pôles, sinon vous n'avez pas la réalité terrain, et c'est pour ça qu'on travaille avant tout. Ça fait que c'est pour ça que c'est important d'avoir cette voix-là à la table, qui est fondamentale.

M. Spénard : O.K., vous parlez...

La Présidente (Mme Champagne) : M. le député de Beauce-Nord, oui, allez-y.

M. Spénard : Merci. Merci, madame. Vous me parlez de la réalité terrain. Moi, la réalité terrain, je la vois un peu plus sur le terrain que les CLD puis ces affaires-là, là. Est-ce que le terrain n'est pas à un niveau trop supérieur pour représenter… Je ne le sais pas, là. Parce que, écoutez, l'ACLDQ, dans son mémoire qu'ils ne sont pas venus déposer, a demandé aussi de siéger à la table des partenaires. Le terrain des CRE… je comprends à Longueuil, mais une CRE en Abitibi, ce n'est pas du tout la même affaire qu'une CRE à Longueuil puis une CRE dans Chaudière-Appalaches, qui part de Saint-Jean-Port-Joli puis qui s'en va jusqu'à Saint-Georges-de-Beauce, là. Je vais vous dire une affaire que ce n'est pas les mêmes demandes d'économie sociale. Il y en a un qui est très, très culturel, très touristique sur le bord du fleuve, l'autre lutte contre la pauvreté, etc. Alors, tu sais, ce n'est pas... Moi, je me demande... Tu sais, la réalité de terrain, je ne sais pas... La réalité terrain, moi, c'est terrain, tu sais? Puis j'ai siégé longtemps à la CRE en tant que maire, dans une autre vie, là, à la CRE de Chaudière-Appalaches, là, puis ils ne sont pas tellement sur le terrain, là. Je peux vous dire ça, là, en passant, là. Je ne sais pas, là, si le terrain, vous, vous ne le voyez pas trop loin, là...

M. Tétreault (Éric) : Au contraire, le terrain, monsieur, on est bien proches.

M. Spénard : À Longueuil?

M. Tétreault (Éric) : C'est là qu'on peut répondre à la réalité, nécessairement, à qu'est-ce qui se passe. Et, à quelque part, bien, oui, il y a différentes régions, mais, au centre, c'est tout la même chose, hein, c'est les mêmes valeurs qui sont là par rapport à l'économie sociale. Puis souvent, les projets, on peut faire des rapprochements quand même assez intéressants. Ça fait que moi, je trouve que c'est...

Puis nécessairement, comme on a discuté, d'avoir les pôles à cette table-là, c'est pas mal incontournable, parce que vous avez accès à beaucoup d'information avec ça. On le voit, nous, il y a différents comités de la CRE, tout ça, là, puis le fait d'être branchés direct, d'habitude ça permet de sauver du temps. On parle encore d'entreprises d'économie sociale. Le temps, c'est important pour nous aussi.

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, Mme Lemire, je pense que vous voulez intervenir? Non?

Mme Lemire (Julie) : Oui, oui, oui. Bien, en fait, je voulais juste ajouter au fait qu'on travaille en concertation aussi avec le local. Donc, les CLD, pour prendre l'exemple de l'Abitibi-Témiscamingue — bien je crois que cette concertation-là a lieu partout en région, à différents... de différentes façons — les CLD, on les consulte, nous, par l'entremise d'un comité technique où on les rassemble et on discute des technicalités à propos des entreprises d'économie sociale. Mais il y a aussi des représentants de ce comité technique là qui proviennent des CLD… du comité local d'économie sociale, je devrais dire. Donc, ils siègent sur notre conseil d'administration. Donc, il y a trois représentants qui proviennent des territoires, en plus des entreprises d'économie sociale qui sont aussi dans chacune des MRC.

Et il faut spécifier aussi que notre travail... Oui, on travaille au niveau régional, mais, pour avoir des répercussions et un sens, on se doit d'être rattachés à qu'est-ce qui se passe au niveau local également. Donc, c'est sûr que cette lecture-là, on se doit de l'avoir pour pouvoir avoir du sens au niveau régional. Donc, quand on dit qu'on est terrain, c'est qu'on s'associe également au local pour pouvoir amener des préoccupations au niveau régional. Donc, on a ces...

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, cela met malheureusement fin, là, à l'échange avec la deuxième opposition. Le six minutes est passé, on en est même à 6 min 11 s. Alors, Mme la députée de Gouin, la finale est à vous.

Une voix :

La Présidente (Mme Champagne) : Vous avez toujours deux minutes. C'est comme statutaire, notre affaire. Allez-y.

Mme David : Oui. Bien, écoutez, moi, dans le fond, je n'aurai qu'une seule question. J'aimerais ça revenir sur la question de l'utilisation du terme «échange» dans la définition de l'économie sociale. Je sais que le ministre vous l'a posée, mais allons un peu plus loin, là. Les organismes communautaires qui étaient là juste avant vous, dans le fond, nous ont dit, eux aussi, qu'ils souhaitaient que ce terme-là soit retiré parce qu'ils considèrent que l'une des missions propres, dans le fond, des organismes communautaires, c'est justement d'être assis sur cette notion d'échange. Et là je laisse de côté la question des partenariats, qui souvent, dans la bouche du communautaire, a tout un autre sens, alors on va rester juste sur la notion d'échange.

Et donc ils disent... ils disent aussi d'autres choses, mais ils disent, entre autres : Si on enlevait ce mot-là de la définition, ça éliminerait cette espèce de confusion qu'ils disent voir entre l'économie sociale — qui, à leurs yeux, au fond, fait partie de l'économie marchande, pour eux, la question, elle ne se pose même pas — et les organismes communautaires, qui ne s'inscrivent pas forcément dans une... bien, en fait, qui ne s'inscrivent pas dans une logique d'économie marchande.

Alors, moi, j'aimerais ça, savoir... Vous, vous avez dit : Bon, on se demande pourquoi vous utilisez le mot «échange», à notre avis, il faudrait parler davantage d'activités marchandes. Mais ne pensez-vous pas que de retirer le mot «échange», effectivement, clarifie cette possible confusion qu'il peut y avoir entre «organisme communautaire» et «entreprise d'économie sociale»?

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, Mme O'Cain.

Mme O'Cain (Lynn) : Bien, oui, c'est une des raisons pour lesquelles on souhaitait cette distinction-là, parce que ça fait partie de notre quotidien, je vous dirais, d'avoir à parfois distinguer qu'est-ce qui est un organisme communautaire et une entreprise d'économie sociale. Parce que, pour certaines entreprises, la mission sociale est plus apparente que la mission économique, alors il peut y avoir... sans vouloir dire qu'il n'y a pas de mission économique, mais parfois c'est plus la mission sociale qui est apparente. Donc, sans... On travaille étroitement avec les organismes communautaires. La plupart des tables... en tout cas, à ma connaissance, la majorité des tables, si ce n'est pas la totalité, ont un représentant issu du milieu communautaire. Nous, c'est plus avec les corporations de développement communautaire qu'on a eu des liens, mais ça n'exclut pas qu'on travaille parfois avec les autres organismes en santé et services sociaux. Et ça facilite probablement cette compréhension-là — et c'est plus juste, comme Éric le dit aussi — de notre réalité entrepreneuriale. Je vous dirais, dans les dernières années, c'est peut-être sur cet aspect-là qu'on veut tabler davantage pour essayer de rééquilibrer un peu dans le modèle pluriel.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, Mme O'Cain, merci, Mme Lemire, merci, M. Tétreault. Merci à vous tous. Cela met fin à nos échanges.

Je vais suspendre quelques secondes, et on revient pour les remarques finales qui devraient durer au maximum 15 minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 18 heures)

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, nous allons reprendre les travaux.

Mémoires déposés

Mais, avant de passer aux remarques finales, si vous permettez, je vais déposer les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus en consultation, ce qui donne peut-être une dizaine de mémoires. Alors, je les dépose au secrétaire de la commission.

Et, avant de passer aux remarques finales, j'ai une demande de la députée de Gouin qui aimerait avoir quelques minutes pour faire ses remarques finales, parce qu'elle n'est pas prévue dans mon document. Alors, est-ce que vous allez...

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, il y a consentement.

Des voix :

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, M. le ministre est d'accord. Est-ce que Mme la députée de... dans sa grande...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, c'est ça. Est-ce que Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce est d'accord également?

Mme Weil : Oui, oui, absolument.

La Présidente (Mme Champagne) : Bon. Alors, je pense qu'on va accorder au moins... on va lui faire une petite faveur, elle a toujours rien que deux minutes… Trois minutes, Mme la députée de Gouin.

Mme David : Vous allez voir ce qu'on peut faire en trois minutes, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Champagne) : Alors, allons-y.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Champagne) : ...vous avez droit à six minutes, de même que le ministre, six minutes.

Une voix : On va parler des plus beaux côtés.

Remarques finales

La Présidente (Mme Champagne) : Oui, c'est ça. Alors, Mme la députée de Gouin, la parole est à vous.

Mme David : Oups! O.K.

La Présidente (Mme Champagne) : On commence avec vous.

Mme Françoise David

Mme David : Oui, oui. Excusez-moi, je ne connaissais pas encore tout à fait bien la procédure.

Bon. Alors, bien, d'abord, je voudrais dire que je suis très heureuse d'être parmi vous, très heureuse de discuter d'une question qui me tient à coeur depuis très longtemps. Je ne veux pas passer trop de temps là-dessus parce que j'ai juste trois minutes, mais le rappel, à quelques reprises, qu'au fond on a commencé à parler beaucoup d'économie sociale au Québec — même si ça se faisait depuis des dizaines et des dizaines d'années — suite à la marche Du pain et des roses, bien ça fait toujours plaisir. Et donc toute la question de l'économie sociale, je suis restée assez proche de cette question-là pendant toutes les années, là, depuis 1996. Et je pense, comme, bien, à peu près tous les intervenants, je pense, qui sont venus dans cette salle, que le dépôt du projet de loi est une excellente chose. Donc, M. le ministre, c'est clair que vous avez mon appui sur… je ne veux pas utiliser des mots procéduraux parce que j'ai peur de me mêler, là, mais, je veux dire, sur le fondement même du projet de loi, c'est très clair.

Maintenant, après avoir entendu tout le monde, je pense qu'on va avoir quelques heures de plaisir à clarifier des choses, donc, par exemple : beaucoup de débats autour du titre; qui fait partie de l'économie sociale; quels doivent être les interlocuteurs à cette fameuse table des partenaires. Et toute la question de la diversité régionale m'apparaît être un enjeu important, puis, bien sûr, le mandat de la table versus le mandat des deux principaux groupes interlocuteurs. Tout ça demande clarification, et il y a peut-être plus d'enjeux derrière tout ça que ce que j'aurais pensé au point de départ.

Deuxièmement, et ça, c'est plus la journée d'aujourd'hui qui est venue nous le dire, on va devoir répondre aux craintes exprimées par le mouvement communautaire et par plusieurs syndicats, craintes que je partage, mais je suis certaine qu'il y a moyen de trouver des façons de faire qui vont dissiper ces craintes.

Troisièmement, il y a peut-être un lien qui sera à faire avec... je pense, par exemple, à la Politique de souveraineté alimentaire et toute autre politique visant à acheter local. Bien, on peut acheter local, on peut acheter aussi de l'économie sociale pas seulement dans le domaine agricole, mais dans bien des domaines. Il y a peut-être des façons de faire, le chantier nous en propose. J'aimerais ça qu'on reste attentif à ça.

Et finalement je suis aussi très heureuse de voir cette proposition qui est venue du chantier et qui a été reprise aussi par d'autres, sur toute la question des reprises d'entreprise. Et je pense que ça a intéressé plusieurs représentants, ici, et représentantes, là, des partis politiques. Y a-t-il un rôle particulier à jouer dans l'économie sociale devant les faillites, devant le problème de relève dans la PME, etc.?

Donc, je vais être très heureuse de participer avec vous à l'étude article par article. Et mon souhait le plus cher — je termine en disant cela — c'est que nous le fassions tous et toutes dans un esprit de collaboration pour améliorer ce qui doit l'être, il y a toujours place à amélioration, mais vraiment avec l'esprit de répondre aux attentes des groupes qui sont venus nous dire : Nous sommes heureux d'avoir un projet de loi. Et moi, j'aimerais ça que ce projet de loi devienne une loi de l'Assemblée nationale.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, Mme la députée de Gouin. Alors, nous allons y aller avec le député de Beauce-Nord pour à peu près le même temps, évidemment.

M. André Spénard

M. Spénard : Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour. Évidemment, moi, j'ai passé ma vie professionnelle dans l'économie sociale — alors, pour la députée de Gouin, là — 34 ans comme directeur général dans l'entreprise... de plusieurs entreprises adaptées. Alors, c'est pour ça que... Évidemment, la coalition appuiera ce projet de loi, ça, il va sans dire. Je pense qu'on ne peut pas être contre la vertu, là. Mais je pense que ce projet de loi là est sensiblement plus vertueux que les autres parce qu'il ne répond pas à... Comme le dernier que nous avons fait avec le ministre ensemble sur le financement municipal, c'était suite à la Loi sur l'intégrité, etc. C'était ça, le dernier qu'on a fait ensemble, je pense.

Une voix : Oui.

M. Spénard : Oui. Et celui-là, bien, c'est un projet que, pour moi, il est porteur d'avenir. Alors, c'est différent que les autres, où est-ce qu'on était en réaction avec la commission Charbonneau, puis l'intégrité des élus, et puis etc. Évidemment, ce projet de loi là, je le pensais très simple au départ. Je l'avais lu vitement, mais, à force de lire et d'écouter les différents intervenants en commission parlementaire, je me suis aperçu qu'il n'est pas si simple que ça, dans le sens qu'il va falloir, et finalement, amener une définition beaucoup plus précise que ça en ce qui concerne l'économie sociale. On s'est aperçu que... J'ai vu plusieurs groupes qui étaient eux-mêmes mêlés, puis qui sont dans l'économie sociale, puis ils sont eux-mêmes mêlés sur la définition de l'économie sociale. Je pense qu'on a un peu d'ouvrage à faire là. Et, je ne le sais pas, moi, je vais sûrement consulter du monde extérieur pour savoir comment qu'ils voient ça, là.

Il y a aussi une chose, un autre groupe, qui a apporté aussi beaucoup d'éclaircissement en ce qui concerne tout le mouvement coopératif et mutualiste. C'est vrai que ce n'est pas la même affaire, une entreprise sur la partie III des compagnies qui dépend d'un ministère et tout le système coopératif qui dépend du ministère des Finances, qui n'est pas du tout la même... Et pourtant c'est deux entreprises qu'on veut inclure dans l'économie sociale, qui sont des entreprises d'économie sociale, mais par contre ils sont totalement différents, puis les buts sont totalement différents aussi. C'est une partie intégrante de la structure socioéconomique du Québec, une partie intéressante, mais je pense qu'il va falloir définir et l'économie sociale...

Et il y a un groupe qui m'a aussi éclairé en ce qui concerne la notion d'entrepreneuriat à l'intérieur des différentes entreprises d'économie sociale. Je pense que ça... Je ne le sais pas, comment qu'on va le mettre en avant. Je ne sais pas comment qu'on va faire le fer de lance là-dessus pour essayer de définir, pour essayer qu'on ne soit pas tous dans la même vague, là. Tu sais, les organismes communautaires sont venus défendre leur point de vue. Je les respecteénormément. Il y a beaucoup... J'ai déjà eu beaucoup d'affinités avec les organismes communautaires, moi, dans mon travail dans une entreprise d'économie sociale parce qu'ils s'occupent de des affaires que, les économies sociales, on ne pouvait pas s'occuper comme tel parce que nos critères financiers étaient trop élevés, à l'époque, pour pouvoir passer plus de temps avec la santé mentale, et tout.

Alors, je le sais, que j'achève. Alors, c'est ça. Alors, on est prêts à travailler, mais ça ne sera pas si simple que ça en a l'air, je pense.

La Présidente (Mme Champagne) : Mais ça va être agréable.

M. Spénard : On s'est acheté de l'ouvrage.

La Présidente (Mme Champagne) : Voilà. Merci beaucoup, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci.

La Présidente (Mme Champagne) : Maintenant, nous allons aller avec Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce qui est la porte-parole dans ces dossiers. Alors, Mme la députée, la parole est à vous pour un six minutes.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Alors, nous voilà à la fin de ces consultations sur le projet de loi n° 27. Beaucoup, beaucoup de groupes que nous avons entendus sur quatre jours, hein, quatre jours de consultation, 22 groupes, et 35 mémoires qu'il faudra lire attentivement, qui vont peut-être nous éclairer encore.

Une voix : ...

Mme Weil : 37? 37. Deux autres qui sont rentrés ces dernières minutes.

Une voix : ...

• (18 h 10) •

Mme Weil : Bon, ça... Et donc les avis qui ont été exprimés, évidemment très, très intéressants. On a entendu beaucoup, beaucoup de différents de groupes de ce milieu, coopératives, tous les acteurs de l'économie sociale, les mutuelles, le milieu syndical, communautaire, des chercheurs aussi. Et ça, j'ai trouvé ça très intéressant d'avoir l'éclairage des chercheurs, parce que c'est un peu leur fonction, de regarder les définitions de façon... le mettre dans un contexte historique. Et je pense qu'ils… leur mémoire, ça va être très utile de revisiter leurs recommandations, je pense que ça... Moi, je les trouvais très aidants.

Je ne veux pas vraiment aller dans tout le détail de ce qu'on entendu, mais simplement pour remercier tous les groupes qui sont venus et aussi tous les collègues ici. Je pense qu'on a eu beaucoup de plaisir ces quatre jours. C'est toujours le travail le… Je pense, le travail peut-être le plus intéressant ou, en tout cas, très intéressant de ce qu'on fait comme élus, c'est le travail de législation. Et, même si... en tout cas, moi, je n'ai pas travaillé dans le milieu de l'économie sociale, j'ai côtoyé, mais je ne peux pas me dire experte, mais j'ai beaucoup appris aussi. Je veux dire, on a un certain bagage, mais j'ai beaucoup appris. Parfois, j'ai besoin... je sens encore le besoin d'éclairage. Donc, on va vraiment se pencher là-dessus. C'est sûr qu'on a du pain sur la planche. Je pense qu'on a du pain sur la planche, mais on sait qu'on a un... On a quand même un solide ministère aussi pour... hein, et...

Une voix : ...et ministère.

Mme Weil : Et ministère. On a des fonctionnaires du ministère et le ministre aussi pour nous aider lorsqu'arrivera le temps de faire l'article par article. Donc, j'ai bien hâte à cette prochaine étape. Je pense qu'on aura du plaisir comme on en a eu pendant ces quatre dernières journées.

Et je vous remercie aussi, Mme la Présidente, parce que vous êtes venue présider, je pense que les deux ou... les deux dernières journées, ça a été fort agréable de vous avoir à appuyer nos travaux.

Alors, c'est ça, ça conclut mes commentaires. Et on aura, évidemment, de longs discours à faire en Chambre, je crois bien, l'occasion d'aller plus en détail sur les différents commentaires et recommandations qu'on a eus. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Champagne) : Merci, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce. Et maintenant nous terminons avec M. le ministre pour ses commentaires, ses remarques finales.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, effectivement, on termine ces quatre jours de consultation quand même sur un projet de loi marquant. Quand on dit «une loi-cadre sur l'économie sociale»... Vous savez, on dit souvent que les bonnes nouvelles ne font pas les manchettes, moi, j'aurais beaucoup apprécié que ce soit beaucoup plus couvert par les médias parce que je pense qu'on a parlé réellement, ici, de choses importantes, de projets concrets dans le milieu. Je pense qu'on a parlé d'emplois, d'un modèle tout à fait différent au Québec en termes d'appropriation du développement économique dans nos régions, dans nos territoires. Mais c'est le lot de notre vie politique. Mais, vous savez, dans le fond, on ne travaille pas pour l'immédiateté, nous travaillons pour le long terme, pour les générations qui vont nous suivre. Et moi, je suis convaincu que le travail que l'on fait ici va justement servir à marquer le Québec puis à marquer évidemment tout le développement de ce secteur essentiel de l'économie qu'est l'économie sociale.

Ce que j'ai constaté également, c'est que le projet de loi cadre reçoit un appui unanime, en tout cas, des gens qui sont venus ici. Bien, on a eu un désistement, mais je pense que, de façon générale, de façon très générale, c'est un projet de loi très, très, très consensuel, puis je le constate aussi à travers les partis qui sont représentés à l'Assemblée nationale, que ce soit la deuxième opposition, Québec solidaire, l'opposition officielle et évidemment nous, nous sommes très favorables à faire ce geste important, comme législateurs, de reconnaissance de l'économie sociale.

Par ailleurs, je diviserais nos travaux en trois volets. Il y a ce que j'appelle la colonne des consensus, la colonne des propositions et la colonne de ce que j'appellerais les chantiers ouverts, qui vont nous rester à travailler.

Dans la colonne des consensus, je remarque qu'il y a un consensus sur la définition large qu'on doit accorder à l'économie sociale; consensus également sur la responsabilité du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire comme porteur du projet de loi, comme porteur de la loi-cadre sur l'économie sociale; consensus sur la présence de deux interlocuteurs privilégiés. Et je vous avoue, là-dessus, bien humblement — on va en profiter pendant qu'il n'y a pas de journaliste — que c'était un peu un saut en parachute sans savoir trop où est-ce qu'on va atterrir parce que, de nommer deux interlocuteurs privilégiés dans une loi, c'est assez innovateur, c'est du droit nouveau. Et ce que j'ai remarqué dans nos échanges, c'est que c'est bien reçu, le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.

Autre consensus autour de la création d'une table des partenaires; il y a la composition de la table sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Pérennisation du plan d'action, on n'en a pas parlé beaucoup, mais, de mettre l'obligation dans une loi de faire un plan d'action qu'on renouvellera, c'est quand même important. Puis je mets aussi dans la colonne des consensus la politique d'achats publics.

Dans la colonne des propositions nouvelles, qui n'ont peut-être pas été nommées par tous les intervenants mais qui ont été quand même nommées et que moi personnellement et comme ministère nous trouvons intéressantes et que je soumets à la discussion de mes collègues pour l'étude article par article, dans la colonne des propositions, de bonifier la définition d'économie sociale pour préciser la recherche de l'autonomie financière, je pense que ça, c'est un élément important.

Sur la question d'encourager le transfert des entreprises aux travailleurs, il faut qu'on fasse une réflexion là-dessus. Il y a des propositions importantes, mais évidemment ça pose une série de questions. Et je soumets — ça n'a pas sorti beaucoup, mais je le soumets aux collègues — d'inclure toute la question du volet international. Pour moi, ça, le modèle québécois qui s'exporte et qui intervient, dans les pays du Sud en particulier, en termes d'économie sociale, pour moi, ça m'apparaît être très important. Puis on a eu les représentations ce matin.

Dans la colonne des chantiers ouverts, que j'appelle, bon, ah, là, évidemment, vous ne serez pas surpris qu'on ait encore à magasiner notre table entre la table bistro ou la table de réfectoire. La composition de la table des partenaires, il va falloir qu'on fasse une réflexion sérieuse sur sa composition, mais aussi sur son rôle. Puis je pense qu'il faudra d'abord définir son rôle précisément, et la composition en découlera. Dans le fond, c'est peut-être ça. L'autre chose, c'est aussi le mandat, justement, de la table.

Dans les dossiers ouverts ou dans les mandats encore, les chantiers en cours : la question du titre, qui n'a pas fait l'unanimité. On ne peut pas dire que c'est quelque chose qui a fait consensus, mais cependant je n'ai pas senti de dogmatisme de la part des groupes qu'on a reçus. Il n'y a personne qui nous a dit ici : Si on n'a pas le titre qu'on veut, on se retire puis on déchire notre chemise. Personne ne nous a dit ça.

Moi, je pense qu'on a un pas à faire comme société pour affirmer que l'économie sociale est inclusive, pour arrêter d'entretenir cette confusion-là et de l'affirmer — c'est un genre de coming-out de l'économie sociale — et de le dire dans le titre de la loi. Moi, je pense qu'il faut faire ce pas-là. Et, pour moi, la définition d'«économie sociale», à cause de notre préambule mais aussi de l'article 3, est loin d'exclure. Au contraire, les coops, les mutuelles, que ce soit par le préambule ou par l'article 3… Et ça, il faut le dire, et le redire, et le répéter, et s'affirmer enfin comme économie sociale, comme le reste de la planète, d'ailleurs, et on en a déjà parlé, en Espagne, en France, au Portugal, Luxembourg, en Belgique, au Mexique, etc.

Je termine vraiment, Mme la Présidente, en remerciant les collègues de leur ouverture, du climat qu'on a eu également ici des deux partis… en fait, des trois partis de l'opposition. Je veux remercier mes collègues du gouvernement : député de Berthier, député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la députée de Masson qui a été présente avec nous longtemps. Je veux également remercier les équipes de nos cabinets respectifs, recherchistes de l'autre côté, mais aussi les membres du cabinet qui m'accompagnent. Mais un très gros merci à vous aussi, Mme la Présidente, et votre collègue aussi députée de Laviolette qui a présidé longuement nos travaux. Les gens de la commission, bienvenus aussi à l'Assemblée nationale, alors, vraiment très apprécié. Le maître du temps aussi derrière, les pages.

Et un gros merci aux membres du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, Mme Ouellet en particulier, qui travaille très, très fort en économie sociale, toutes les autres personnes que je vois aussi du ministère. Vraiment, sans leur présence, sans leur professionnalisme et leurs connaissances fines, Mme la Présidente, je tiens à en témoigner ici… Vous savez, on a toutes sortes de stéréotypes sur les employés de la fonction publique, et je me fais un devoir toujours de combattre cela. On a des gens très branchés sur le milieu, qui connaissent très bien les programmes, et on en a une belle preuve ici avec Mme Ouellet, qui travaille étroitement avec moi pour ce projet de loi qui n'aurait pas pu voir le jour sans ce travail.

Alors, je tiens à remercier toutes ces personnes pour leur travail. Et je suis sûr qu'on va se retrouver très bientôt pour adopter cette loi que je souhaite évidemment, et, je pense, ce sera une réalité, à l'unanimité. Alors, merci.

La Présidente (Mme Champagne) : Bien, merci beaucoup pour votre discipline exemplaire. Nous allons nous souhaiter la même chose à l'étude détaillée article par article. Et nous aurons du temps puisque nous allons nous retrouver en... pas en commission parlementaire, mais en travaux parlementaires en session intensive. Alors, du temps, nous allons en avoir beaucoup. Nous allons être ensemble à peu près tous les jours.

Alors, compte tenu de l'heure, je lève la séance, et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 20)

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