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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le vendredi 27 mars 1992 - Vol. 32 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation : L'industrie de l'assurance au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Audet): À l'ordre! La commission du budget et de l'administration débute ses travaux. La commission est réunie ce matin afin de procéder à l'interpellation du député de Gouin au ministre des Finances sur le sujet suivant: L'évolution des transferts fiscaux fédéraux. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Camden (Lotbinière) sera remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) et M. Chagnon (Saint-Louis) sera remplacé par M. Bradet (Charlevoix).

Le Président (M. Audet): Merci. Vous soulevez le fait que ce n'est pas le bon sujet? C'est ça, vous avez raison, monsieur, parce que la fiche que j'ai ici, c'est concernant le député de Labelle. Au feuilleton, on a: «Interpellation du député de Gouin à la ministre déléguée aux Finances sur le sujet suivant: L'industrie de l'assurance au Québec.» Alors, je m'excuse, il y avait une erreur ici, à l'ordre du jour. D'accord.

Je vous rappelle brièvement les règles de l'interpellation. Le débat dure au plus deux heures, soit jusqu'à midi. La discussion est divisée en trois étapes. Avant de débuter, un peu plus tard, une fois que j'aurai rappelé les règles de procédure, j'aurai besoin de votre consentement, étant donné que nous avons débuté en retard, pour dépasser midi.

Alors, le premier débat de 20 minutes commence par l'intervention du député qui a donné l'avis d'interpellation, soit le député de Gouin. Il exercera un premier droit de parole de 10 minutes. La ministre interpellée, soit la ministre déléguée aux Finances, aura ensuite un droit de réplique de 10 minutes. Après ces deux interventions, nous procéderons à l'interpellation proprement dite, au cours de laquelle chaque intervenant pourra s'exprimer pendant cinq minutes. Il y aura alternance dans les interventions, selon la séquence suivante: un député de l'Opposition, la ministre, un député ministériel, et ainsi de suite, selon la même séquence. Si un membre utilise moins de cinq minutes, le temps non utilisé est perdu et la parole sera donnée à l'intervenant qui suit, selon la séquence que j'ai indiquée; 20 minutes avant la fin de la séance, la ministre aura droit à un dernier temps de parole de 10 minutes, et le député de Gouin aura ensuite un droit de réplique de 10 minutes, ce qui mettra fin au débat.

Avant de débuter comme tel, est-ce qu'il y a consentement pour que nous puissons terminer nos travaux à 12 h 7? Consentement. M. le député de Gouin, vous avez la parole.

Exposé du sujet M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. C'est la deuxième fois que l'Opposition officielle interpelle la ministre déléguée aux Finances sur des sujets de sa responsabilité. Vous vous souviendrez, M. le Président, qu'au mois de mai dernier, j'avais l'occasion de questionner la ministre déléguée sur la réglementation du marché des valeurs mobilières. Aujourd'hui, c'est un tout autre sujet qui nous intéressera, à savoir l'industrie de l'assurance au Québec. C'est à dessein que l'Opposition a préféré pas préciser davantage le sujet de l'interpellation. En effet, nous voulions laisser toute la marge de manoeuvre nécessaire à la ministre pour qu'elle puisse nous faire part de ses opinions quant aux priorités et objectifs qui l'animent et de sa vision quant à l'avenir de cette industrie, qui joue un rôle fondamental dans l'allocation de l'épargne dans notre économie. Nos règles de procédure étant ce qu'elles sont, je voulais être bien sûr qu'une discussion franche et ouverte puisse s'opérer sans qu'on ait constamment à se soucier de la règle de la pertinence, ce qui, vous en conviendrez sûrement, aurait certainement limité le cadre de nos débats.

Ceci étant dit, permettez-moi immédiatement de préciser qu'il est aujourd'hui de notre intention d'aborder le volet particulier de l'industrie de l'assurance de personnes, de sa fonction dans notre économie, de la liquidation des Coopérants, du mandat de l'Inspecteur général et de la possibilité de la création d'une régie d'indemnisation des compagnies d'assurances de personnes. Voilà les sujets qui, ce matin, M. le Président, feront l'objet de discussions.

M. le Président, pour certains qui nous écoutent, il peut paraître étrange que l'Opposition officielle manifeste autant d'intérêt à l'égard des institutions financières. Après tout, on pourrait penser que, dans notre système parlementaire, l'Opposition n'a guère de pouvoir d'initiative et plutôt dire que c'est la seule action du gouvernement qui est déterminante. Je ne partage pas cette opinion; ma présence ici en témoigne. Si, aujourd'hui, nous nous retrouvons ici, c'est que j'ai la profonde conviction qu'il faut publiquement faire le point sur des débats qui ont cours et qui risquent d'influencer pour toujours le contexte dans lequel les compagnies d'assurances de personnes, particulièrement, évoluent. À cet égard, je ne peux que blâmer

sévèrement la ministre déléguée aux Finances qui se montre incapable d'indiquer une quelconque initiative, ou même un leadership quelconque, alors que les enjeux, eux, se font de plus en plus nombreux.

Devant le malheureux naufrage des Coopérants, la ministre reste silencieuse et prisonnière de son mutisme. Pas une déclaration, M. le Président, pour rassurer les Québécois; pas une déclaration pour contrer les propos de l'éditeur du Canadian Journal of Life Insurance, qui affirmait dans le Globe and Mail, qui n'est certes pas le dernier venu des quotidiens dans le monde des affaires, que la liquidation des Coopérants aurait pu être évitée si l'entreprise était restée de juridiction fédérale. Pas un mot, M. le Président, devant les propos déplacés de la SIAP qui interpellait, et de façon fort malhabile, le gouvernement du Québec sur ses responsabilités.

Je peux concevoir cependant qu'il puisse être difficile pour la ministre de dire quoi que ce soit, elle qui, le 12 mars dernier, affirmait, et je cite: «II convient de souligner, et de façon très claire, qu'il n'existe actuellement ni difficulté réelle ni problème de sous-capitalisation de nos compagnies mutuelles d'assurances de personnes québécoises. Elles sont, en effet, toutes des institutions solides», nous disait-elle le 12 mars dernier. Pourtant, à ce moment, l'Inspecteur général des institutions financières préparait un plan de redressement pour sortir Les Coopérants d'une situation financière qui les a menés là où vous le savez. C'est donc dire, M. le Président, la crédibilité qu'il faut accorder aux propos de la ministre déléguée aux Finances.

M. le Président, le temps est venu de parler haut et fort et de mettre fin aux propos démagogiques que nos partenaires canadiens de l'industrie de l'assurance tiennent à l'égard des compagnies du Québec. Il faut mettre fin à ces accusations par association et à ces rumeurs que nos concurrents font circuler dans le marché. Il faut exercer nos responsabilités et dire les choses comme elles sont. Opérer des changements, si nécessaire, soit! mais surtout affirmer notre confiance à l'égard de ces agents économiques. Si on ne le fait pas, c'est laisser sous-entendre que les choses vont mal. C'est le signal que la ministre, par son mutisme complet, contribue à renforcer. Pas étonnant, d'ailleurs, qu'un sondage Léger & Léger produit pour le compte du Journal économique de Québec nous indique que 48,6 % des Québécois et Québécoises auraient perdu confiance dans l'administration des compagnies d'assurances.

M. le Président, ces compagnies d'assurances sont plus que de simples compagnies. Elles sont, bien sûr, des agents économiques. En 1990, celles à charte québécoise allouent 30 % de leurs actifs aux obligations, 35 % aux prêts hypothécaires. Près de 70 % de leurs actifs, évalués à plus de 10 500 000 000 $, servent à des fins de placements. Elles détiennent des obligations de nos municipalités, de nos commissions scolaires, du gouvernement du Québec. Elles jouent, bien sûr, un rôle déterminant dans le marché hypothécaire, résidentiel comme commercial, au Québec.

Par le biais d'un cadre législatif qui assure la souplesse et le pouvoir d'innovation, elles peuvent répondre aux forces du marché. Le décloisonnement, d'ailleurs initié par le gouvernement du Parti québécois, nous a permis de développer une véritable industrie particulière de l'assurance au Québec, et il ne saurait aujourd'hui être question de remettre ces acquis en question. Il faut plutôt consolider cette avance dans ce marché des assureurs sous juridiction québécoise. Il est donc fondamental de continuer d'imprimer un caractère de stabilité à la structure de l'actif des compagnies d'assurances. Cette dernière doit pouvoir répondre aux besoins de financement des agents économiques québécois. C'est pourquoi, d'ailleurs, l'Opposition s'est inquiétée devant les dispositions introduites dans la loi 112, qui restreignent le pouvoir de placement dans les filiales commerciales. (10 h 10)

La protection de l'épargne est assurée par les exigences faites aux compagnies d'assurances de constituer des réserves actuarielles, de respecter des normes de capitalisation, de posséder un niveau d'actifs en relation avec les quantités de réserves nécessaires. C'est cette question que le gouvernement a trop longtemps négligée sur laquelle il faut maintenant se pencher. Même si l'équilibre reste à établir entre les pouvoirs de prêts et de placements, d'une part, et les autres moyens de protection de l'épargne, d'autre part - il est, bien sûr, difficile d'établir cet équilibre - nous avons la profonde conviction que la protection de l'épargne doit, le moins possible, reposer sur la nature des prêts et placements admissibles.

Depuis maintenant près de deux ans que l'on discute du contenu de la norme de capital, elle doit coller, bien sûr, à notre réalité, mais elle doit d'abord et avant tout exister. À l'heure actuelle, même si certaines normes administratives sont, de fait, appliquées, il n'existe aucune norme réglementaire pour les assurances de personnes, pas plus d'ailleurs que dans les autres juridictions canadiennes. Nous devons, chez nous, continuer à donner de l'envergure au modèle québécois et, avec notre régie d'indemnisation des compagnies d'assurances, assurer une véritable protection des assurés. À cet égard, permettez-moi de rappeler que malgré un discours généreux sur l'internationalisation, il n'existe aucune norme fédérale de capital aux États-Unis. Il s'agit encore d'une responsabilité qui appartient à chacun des États.

Cette question, M. le Président, des normes de capitalisation doit être aussi discutée dans son contexte. Il faut en effet comprendre que les enjeux concernant le financement des com-

pagnies mutuelles d'assurances de personnes sont étroitement liés à ceux des normes de capitalisation et que leur sévérité, bien sûr, influencera directement les besoins de financement. Il y a déjà plusieurs années que l'industrie interpelle le gouvernement sur cette question mais, une fois de plus, la ministre laisse aller les choses. Le 15 mai 1990, elle mandatait un groupe de travail afin de lui formuler les propositions appropriées en vue de doter les mutuelles d'assurances de personnes d'un mécanisme de développement efficace. Le 19 octobre de la même année, M. Raymond Garneau, président du groupe de travail, remettait son rapport. Depuis, malgré sa volonté affirmée de fournir aux compagnies mutuelles d'assurances de personnes les moyens de poursuivre leur croissance et leur développement, la ministre n'a rien fait de concret. Tout récemment, on apprenait cependant la création d'un autre comité, au mandat nébuleux, qui, possiblement, pourrait se pencher sur la question. Vous comprenez, M. le Président, que les discussions à huis clos ne sont guère d'augure à rassurer les Québécois et les Québécoises.

Nous ne pouvons non plus mettre de côté la question du financement des compagnies mutuelles d'assurances de personnes à charte québécoise. La ministre, le 12 mars, le reconnaissait, tout comme l'Opposition. La viabilité du mutualisme tarde à répondre aux interrogations des mutualistes qui ne peuvent échapper à certaines réalités financières. On aura beau reconnaître les limites structurelles de ces entreprises, il faudra, rapidement, faire preuve d'imagination et proposer des initiatives.

Bien sûr, et je conclus là-dessus, M. le Président, plusieurs des mutuelles québécoises se sont prévalues des dispositions adoptées par l'entremise des projets de loi privés. Mais jamais, compte tenu d'une conjoncture économique difficile, elles n'ont eu accès, à ce jour, à des capitaux externes. Ce sont ces sujets que nous désirons discuter cet avant-midi. J'espère que nos discussions seront fructueuses. Nous profitons de l'occasion pour réitérer notre confiance à l'endroit des compagnies d'assurances de personnes, mais nous espérons surtout que ce débat fournira à la ministre déléguée aux Finances l'occasion de sortir de sa torpeur et de poser les gestes nécessaires afin de réaffirmer la confiance des Québécois et des Québécoises, ébranlée par le naufrage des Coopérants.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Gouin. Je reconnais maintenant Mme la ministre. Vous avez 10 minutes.

Réponse de la ministre Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. Le 28 septembre 1991, l'hebdomadaire Les Affaires titrait en première page: «Les Québécois ont souscrit 9 400 000 $ en assurances en 1990». Dans ce même article, on pouvait lire qu'il s'agissait là d'une hausse de 8 % par rapport au montant versé l'année précédente, où 433 assureurs avaient été autorisés à exercer au Québec. Ainsi, les Québécois consacrent 8,8 % de leur revenu disponible à des contrats d'assurance avec des assureurs privés. En proportion du produit intérieur brut, le marché de l'assurance privée est en croissance, se rapprochant de près de 6 % de ce même PIB. Ces chiffres sont éloquents et montrent, hors de tout doute, la très grande importance de l'industrie de l'assurance pour l'économie du Québec.

En 1990, on dégageait le portrait suivant: 249 assureurs généraux ont encaissé 3 500 000 000 $; 174 assureurs de personnes ont, pour leur part, récolté 5 900 000 000 $. L'industrie de l'assurance, comme le démontrent éloquemment les statistiques comparées de 1984 à 1990, connaît une croissance constante et remarquable, à la fois des actifs et des primes perçues. Fait à noter, durant cette même période, les institutions à charte québécoise ont augmenté leur part de marché. Cette progression s'est faite dans un climat économique caractérisé par des taux d'intérêt élevés, de fortes variations du taux d'inflation, deux récessions au cours des derniers 10 ans et un cadre normatif en redéfinition.

M. le Président, nous aborderons aujourd'hui plusieurs aspects touchant le thème de cette interpellation, soit l'Industrie de l'assurance au Québec. Ainsi, nous entendons profiter de cette tribune afin de faire le point sur différents axes de développement qui ont caractérisé ce secteur, qui a su faire preuve d'un leadership indéniable. Depuis près de 10 ans, grâce aux actions concertées de l'industrie, du public et du gouvernement, nous avons assisté à de profondes mutations qui ont débouché sur un accroissement important des actifs de nos assureurs et sur une meilleure protection du public.

Inutile de dire, M. le Président, que nous apprécions à sa juste valeur l'initiative de l'Opposition, qui va nous permettre de situer dans leur réel contexte les différentes étapes et les différents événements qui caractérisent l'industrie de l'assurance au Québec.

M. le Président, il va sans dire que nous souhaitons ardemment que l'exercice d'aujourd'hui nous permette d'aborder ce secteur névralgique de l'économie québécoise de façon très positive et constructive et qu'on nous fera grâce de certaines démonstrations qui relèvent plutôt de l'État-spectacle, un art dans lequel, je dois l'admettre, mon distingué collègue de l'Opposition a développé un certain talent, pour ne pas dire un talent certain. Mais j'aimerais lui rappeler, M. le Président, que certains efforts de prouesses en vue de créer un effet à court terme ont surtout l'effet de créer des dommages à moyen et à long

terme en minant la crédibilité de notre propre industrie et en sapant la confiance du public.

Il est bien sûr de bonne guerre de se servir de la ministre comme bouc émissaire en la rendant responsable de tous les problèmes de l'heure, même des problèmes de gestion d'une compagnie, mais ne travaillez pas contre le Québec, M. le député de Gouin, en attaquant la crédibilité de l'institution qui voit à la surveillance et au développement de l'industrie et, surtout, en attaquant l'industrie elle-même.

M. le Président, regardons maintenant plus en détail le portrait de l'industrie de l'assurance au Québec. Les actifs totaux des assureurs à charte au Québec ont connu, depuis 1984, une croissance annuelle de 22,3 %. La croissance en assurance de personnes est de 25 %, la croissance en assurance de dommages est de 11,2 %. Les actifs des assureurs à charte du Québec comptent pour 5,9 % de l'ensemble des actifs des sociétés actives au Québec. Les assureurs de personnes à charte du Québec accaparent 86,3 % des actifs totaux des assureurs sous juridiction québécoise. Souvenez-vous de ces chiffres, M. le député de Gouin, quand vous dilapidez le patrimoine québécois en rabaissant l'industrie et les institutions qui l'encadrent. (10 h 20) les primes perçues par les assureurs à charte québécoise ont connu une croissance annuelle moyenne de 18,9 % depuis 1984, alors que l'ensemble des primes perçues a crû de 9,8 % sur la même période. en assurance de personnes, les primes perçues ont connu une croissance annuelle moyenne de 22 % depuis 1984, et en assurance de dommages, les primes ont connu une croissance annuelle moyenne de 15 %. depuis cette date, les assureurs à charte du québec n'ont cessé d'accroître leur part du marché, sort de 20 % à 33,3 %. en assurance de personnes, les assureurs à charte du québec détiennent 34,6 % du marché contre 19 % en 1984. il y a une constante croissance. en assurance de dommages, les assureurs à charte du québec détiennent 31,2 % du marché contre 22 % en 1984.

Depuis 1986, les sociétés d'assurances ont fait des gains sur le marché du crédit à la consommation. Elles occupent présentement 3,5 % du marché devant les sociétés de fiducie et les sociétés de prêts hypothécaires. Elles ont d'ailleurs aussi fait des gains sur le marché du crédit hypothécaire, où elles occupent 15,1 % du marché. Ces résultats positifs et prometteurs sont d'autant plus significatifs qu'ils se sont réalisés dans un contexte difficile alliant une conjoncture économique défavorable et un environnement des plus complexes.

M. le Président, les nouvelles conditions de concurrence qui mettent en compétition divers types d'institutions favorisent celles dont le cycle d'activité est essentiellement à court terme, ce qui n'est pas le cas à l'industrie de l'assurance. Celle-ci doit donc s'adapter, car le marché québécois de l'assurance appartiendra aux institutions qui se constitueront une solide base financière et qui se donneront ainsi les moyens d'innover. m. le président, permettez-moi ici d'ouvrir une parenthèse sur les récents événements qui défraient les chroniques financières depuis quelques mois. la ministre n'a pas l'intention de se dérober à son devoir de faire toute la lumière sur ce dossier, mais je n'ai surtout pas l'intention de faire d'un cas d'espèce une règle pour une industrie qui, comme on vient de le voir, connaît, même en des temps difficiles, une croissance fantastique.

Le domaine des assurances a été le fer de lance du décloisonnement au Québec. Les gains de marché qu'a réalisés cette industrie depuis 1984 démontrent bien la justesse des politiques mises de l'avant par le Québec. Ces résultats sont garants de l'avenir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de Gouin pour cinq minutes.

Argumentation M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, nous entrons donc dans le vif du sujet, après ces quelques remarques d'introduction, et puisque c'est l'Opposition qui a le privilège d'interpeller la ministre, je crois qu'il est important de camper immédiatement un certain nombre de sujets et, d'une part, de parler particulièrement de l'environnement économique dans lequel évoluent nos compagnies d'assurances, particulièrement celles de l'assurance de personnes.

Donc, dans les minutes qui viennent, et afin d'entreprendre le débat sur une base solide, revenons à quelques notions de base afin d'élaborer sur le contexte dans lequel évoluent, justement, ces compagnies d'assurances. Le projet de loi 75, adopté en 1984, confère à l'industrie de l'assurance un caractère aussi unique qu'avant-gardiste comparativement aux autres législations en Amérique du Nord. C'est en permettant aux assureurs d'investir dans des filiales commerciales ou financières que le projet de loi innovait de façon toute particulière, les objectifs avoués étant de permettre aux institutions financières du Québec de jouer un rôle d'élément moteur du développement économique tout en assurant une présence optimale des institutions à charte québécoise au sein des milieux financiers nationaux et internationaux. Les enjeux du décloisonnement sont toujours importants pour le développement de marchés financiers, mais ils représentent aussi des défis importants pour le gouvernement, pour assurer, bien sûr, la protection du public. C'est d'ailleurs cette préoccupation qui

guida la création du poste d'Inspecteur général des institutions financières en 1983.

Si l'importance relative des assureurs était autrefois beaucoup plus grande sur le marché financier, elle continue de refléter une présence de tout premier ordre puisque les assureurs constituent le deuxième groupe financier après celui des institutions de dépôt. En octobre 1987, c'est l'ex-ministre Fortier qui y allait de son livre gris. Déjà, il soulignait l'importance d'apporter des amendements à la Loi sur les assurances dans le but, entre autres, de maintenir l'avantage consenti aux compagnies d'assurances du Québec et d'harmoniser les pouvoirs et mesures de contrôle et de surveillance de l'Inspecteur général des institutions financières à ceux proposés par le gouvernement fédéral. Aujourd'hui, au même moment où s'est intensifiée la concurrence, à la fois sur le plan national et international, et où, par voie de conséquence, se sont rétrécies les marges bénéficiaires des institutions financières, ces dernières se sont vues forcées, bien sûr, à cause du développement technologique, à consentir à des investissements importants.

L'effet combiné de ces deux éléments constituera certainement une puissante incitation à une restructuration de l'industrie des services financiers. On parle maintenant d'un système à deux piliers constitué, d'une part, par les banques qui se prolongent maintenant et qui prolongent leur action dans des opérations de courtage de valeurs mobilières et, d'autre part, un second, moins clair certainement, mais où les assureurs de personnes joueront un rôle déterminant. Il est clair, avec l'intention avouée du gouvernement fédéral d'aborder le décloisonnement à sens unique - contrairement au Québec -sans permettre la constitution de liens avec les sociétés d'assurances et les institutions de dépôt, que, possiblement dans un certain nombre d'années, la totalité des activités financières au Canada et au Québec ne sera assurée que par des méga-institutions qui auraient, à ce moment, absorbé toutes les autres.

Cette question se pose avec d'autant plus d'acuité qu'une évolution récente a permis aux banques d'acquérir, à toutes fins pratiques, la totalité des entreprises consacrées à la souscription et au courtage des valeurs mobilières. À un moment où, bientôt, nous reverrons la Loi sur les sociétés de fiducie, je crois qu'il est nécessaire de se pencher sur ces questions et de développer une certaine vision de ce que sera notre système financier dans 5 ou dans 10 ans, de ce que sera notre industrie de l'assurance dans 5 ou 10 ans. Aurons-nous un système financier à un ou à deux piliers?

Donc, M. le Président, si Pierre Fortier, exministre délégué aux Finances du gouvernement libéral, a eu le courage de déposer un livre gris afin de répondre à ces questions, nous remarquons que l'absence de projets, de politique, l'absence de vision de la ministre risque de miner considérablement les efforts entrepris depuis près de 10 ans. quelles orientations ont guidé le gouvernement du québec dans ses interventions auprès du gouvernement fédéral? quelle vision de l'avenir la ministre défend-elle et quel rôle les compagnies d'assurances y joueront-elles? voilà, m. le président, les véritables questions. et, sans leur réponse, je crois qu'il serait illusoire de discuter des autres. l'industrie de l'assurance attend un message clair du gouvernement. la ministre ne doit pas les décevoir et, rapidement, elle doit nous livrer les intentions de son gouvernement à cet égard. sans cette réflexion, il nous apparaît impossible de sortir de la période, déjà trop longue, d'hésitation quant aux réformes nécessaires sans s'inspirer de ce que devra être notre système financier dans 5 ou dans 10 ans. c'est donc de façon très large que nous abordons le débat, et j'espère que la ministre, m. le président, pourra faire autre chose que nous lire ses notes et qu'elle répondra véritablement aux sujets que l'opposition présente. j'espère aussi qu'on pourra véritablement maintenir le vrai cadre de l'interpellation.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre, en guise de réplique.

Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. Dans le rapport quinquennal sur l'application de la Loi sur les assurances que je présentais à l'Assemblée nationale en juin 1990, j'indiquais que la législation québécoise régissant les activités du secteur des assurances a continuellement fait l'objet de modifications, depuis le début des années 1980, dans le but de l'adapter à la réalité d'un secteur financier québécois en évolution.

Les diverses mises à jour à la loi et, en particulier, le réexamen qui est à l'origine des amendements de 1984 lui ont conféré, sous plusieurs aspects, un caractère aussi unique qu'avant-gardiste comparativement aux législations des autres juridictions d'Amérique du Nord. Ce fut là l'expression, sur le plan des assurances, d'une détermination profonde du Québec d'accentuer la présence de ses institutions dans le secteur financier canadien et de disposer de leviers économiques puissants, solides et capables de favoriser efficacement son développement. Le Québec s'est, par ailleurs, constamment soucié de protéger le fragile équilibre inhérent à la poursuite d'un triple objectif: protéger adéquatement le public investisseur ou bénéficiaire de produits et de services financiers, permettre aux institutions financières du Québec de jouer encore davantage le rôle d'élément moteur du développement économique et assurer

une présence optimale des institutions à charte québécoise au sein des milieux financiers nationaux et internationaux.

Avant l'entrée en vigueur du projet de loi 75, les activités des institutions financières constituant les quatre grands piliers de l'industrie financière québécoise étaient cloisonnées. Les activités de fiducie étaient restreintes aux sociétés de fiducie; les seuls courtiers en valeurs mobilières pouvaient être actifs dans le commerce des valeurs mobilières et les assureurs et caisses d'épargne étaient aussi limités dans leurs activités. C'est en permettant aux assureurs d'investir dans des filiales commerciales et des filiales financières réglementées que le projet de loi 75 innovait de façon particulière. C'est ce qu'on a subséquemment appelé le décloisonnement, c'est-à-dire la diversification des quatre piliers dans des secteurs voisins. En permettant ainsi le décloisonnement des activités des assureurs, le législateur se trouvait à favoriser l'émergence de conglomérats de grande dimension, permettant ainsi aux institutions financières québécoises de soutenir la concurrence dans le contexte de l'internationalisation des marchés. (10 h 30)

II est intéressant de noter qu'à certaines reprises le député de Gouin a cité des articles dont un des objets était de condamner le décloisonnement des institutions financières. Le député de Gouin va-t-il enfin dire publiquement s'il appuie le décloisonnement des institutions financières. Oui ou non?

En octobre 1987, le gouvernement publiait ses orientations politiques en matière d'institutions financières. Toute cette politique était basée sur les principes directeurs suivants: décloisonnement des filiales tout en conservant le caractère distinct des institutions reliées à l'exercice d'une activité principale; contrôler les transferts de propriété, mais pas de restriction à la propriété des institutions financières par des groupes financiers ayant des liens commerciaux; préconiser l'autoréglementation; permettre le développement de réseaux de distribution de services financiers. Ce modèle innovateur quant aux autres juridictions canadiennes venait confirmer en grande partie le modèle existant au Québec, et je cite quelques exemples: Desjardins et La Laurentienne, qui se composaient déjà de plusieurs types d'institutions financières.

Cette politique donnant un souffle nouveau à certains fit émerger certains groupes tels le groupe L'Industrielle-Alliance et le groupe MFQ. Cette dimension est très présente dans la dynamique des compagnies d'assurances du Québec et a contribué à instaurer le leadership qui caractérise notre industrie.

M. le Président, je vous inviterais à bien vouloir donner la parole à mon collègue, le député de Montmagny-L'Islet, qui complétera ce tableau en traitant du décloisonnement des intermédiaires. Je vous remercie.

Le Président (M. Audet:) Merci, Mme la ministre. Alors, je vais maintenant reconnaître le député de Montmagny-L'Islet. M. le député, vous avez la parole.

M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci. M. le Président, j'aimerais prendre le temps qui m'est imparti afin de vous entretenir des intermédiaires de marché oeuvrant dans le milieu de l'assurance. Comme vous le savez sans doute, le décloisonnement des institutions financières, amorcé il y a presque sept ans par une réforme de la Loi sur les assurances, n'avait pas encore permis aux intermédiaires de marché eux-mêmes, aux consommateurs et aux institutions financières de profiter pleinement de tous les bénéfices découlant de ce décloisonnement.

Le but recherché à court terme était de mettre en place des mécanismes d'encadrement issus du milieu de l'industrie de l'assurance et de protéger davantage les consommateurs. Notre gouvernement a rempli sa mission puisque la loi permet aux consommateurs d'obtenir de leur intermédiaire une offre globale de services et de conseils financiers par le biais de cumuls de divers permis ou dans le cadre d'équipes multi-disciplinaires. Il est pertinent de souligner que les relations consommateur-intermédiaire ont toujours été privilégiées. La protection du consommateur, préoccupation tangible de cette loi et de ses règlements, peut être reconnue à plusieurs égards. On a juste à penser notamment à la constitution d'un fonds d'indemnisation devant compenser le client d'un intermédiaire en raison d'opération malhonnête. On a obligé les intermédiaires à prendre une garantie pouvant être une police d'assurance de la responsabilité civile. On a interdi les ventes forcées; on a rehaussé la formation minimale; on a obligé la divulgation de la nature de la rémunération de l'intermédiaire. Il est Impératif pour notre gouvernement d'adapter le cadre réglementaire des intermédiaires de marché à cette nouvelle réalité. Nous avons donc jugé opportun de confier le contrôle et la surveillance des intermédiaires de marché à des organismes d'autoréglementation.

Deux conseils furent créés ainsi que deux associations professionnelles. La mission des conseils est d'assurer la protection du public par la surveillance et le contrôle des activités exercées par les intermédiaires et leur cabinet. Ils ont été formés de représentants de l'industrie qu'ils régissent. Ils ont, eux, à élaborer les normes relatives à la formation minimale, à l'émission et à la suspension des certificats, sans oublier la discipline, les règles de pratique et appliqueront ces dernières par le biais des règlements inhérents à l'encadrement du secteur des assurances.

Les associations ont, quant à elles, le rôle de s'occuper de la déontologie, des titres profes-

sionnels, de la formation permanente de l'inspection professionnelle de leurs membres. Les décisions prises par notre gouvernement dans ce nouvel encadrement auront en plus d'importants impacts à court terme, un ascendant marquant dans le rehaussement des normes de pratique et d'encadrement des intermédiaires. A moyen terme, elles signifient que les consommateurs pourront obtenir leurs produits et services dans un environnement plus concurrentiel et mieux adapté aux nouvelles exigences du public.

M. le Président, les intermédiaires de marché en assurance ont d'immenses possibilités à découvrir et à exploiter. Nous croyons qu'ils ont maintenant tous les outils et les moyens pour servir leur clientèle de façon plus adéquate et plus complète et pour participer activement à la croissance de l'industrie. L'avenir sera à la mesure de ce qu'ils feront collectivement de ces outils et, à ce sujet, nous avons toutes les raisons d'être optimistes. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Gouin. Vous avez cinq minutes.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Alors, M. le Président, allons encore un peu plus loin sur le sujet en espérant qu'on n'assiste pas à un dialogue de sourds comme ça semble être le cas et que, rapidement, on pourra répondre aux questions qui sont soulevées par l'Opposition, et discutons plus particulièrement de l'industrie de l'assurance-vie.

La situation de l'assurance-vie au Québec donne des signes qui soulèvent certaines Inquiétudes. Si la situation de l'industrie de l'assurance-vie n'est pas dramatique, elle n'en demeure pas moins préoccupante. Ainsi, à partir des informations contenues dans les rapports annuels sur les assurances de l'Inspecteur général des institutions financières du Québec, il est possible d'établir certaines tendances quant à leur rendement. Par exemple, en 1984, on pouvait calculer le bénéfice net sur l'avoir moyen. On donnait un ratio de 11,4 alors qu'en 1990, il était de 4,5. Sans élaborer beaucoup sur l'évolution du taux de rendement, il nous faut souligner que cette détérioration n'est pas de nature à attirer des investisseurs et, par conséquent, les capitaux dont l'industrie a besoin.

Par ailleurs, en ce qui a trait à l'évaluation du ratio avoir sur le passif, on doit constater que depuis quatre ans, au cours de ces années, la croissance importante des actifs a été financée par des titres de créances, que, par conséquent, la protection offerte aux créanciers a diminué, que, somme toute, l'industrie québécoise de l'assurance-vie est aujourd'hui plus vulnérable qu'en 1986. Nos données remontent à 1984. Ce choix n'est pas dû au hasard, puisque c'est l'année où la loi 75 a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Si l'on veut, c'est l'année qui marque le début de l'aventure du décloisonnement. (10 h 40)

Ces chiffres, bien qu'ils ne soient pas dramatiques, sont préoccupants parce que le décloisonnement visait non seulement à moderniser notre industrie, mais aussi à accroître la sécurité de l'épargne confiée aux sociétés d'assurance-vie à charte québécoise. Or, l'évaluation du ratio avoir sur le passif indique, au contraire, que nos compagnies ont du mal à trouver les capitaux nécessaires pour assurer leur croissance, pour assurer leurs ambitions. Par ailleurs, je ne voudrais pas laisser l'impression qu'il n'y a qu'au Québec où cela est difficile. Lorsque l'on regarde l'évolution du rendement des compagnies à charte fédérale et qui n'ont pas bénéficié du décloisonnement comme au Québec, on constate qu'elles aussi éprouvent certaines difficultés, bien qu'honnêtement on doive souligner que c'est à un degré moindre.

Il faut aussi parler de la conjoncture internationale. Aux États-Unis, on indique que l'industrie de l'assurance de personnes ne peut plus se considérer comme autofinancée. Elle ne peut plus dépendre, pour son développement, uniquement sur ses capitaux internes. Autant en Europe qu'au Japon, la situation internationale démontre que le problème du financement nécessaire à la croissance n'est pas uniquement applicable aux mutuelles d'assurances de personnes à charte québécoise.

Ce besoin, M. le Président, n'est pas nouveau. Déjà, en 1982, un groupe de travail formé des membres de l'industrie réclamait le droit d'emprunter à long terme. Mandaté par la ministre actuelle, le groupe de travail, présidé par M. Raymond Garneau, présentait, au mois d'octobre 1990, des recommandations à cet égard. Aujourd'hui tablette, ce rapport n'a rien donné si ce n'est la création d'un autre comité qui, lui, aura sans doute la responsabilité de se pencher sur les questions de capitalisation pour toutes les compagnies d'assurances de personnes. Mais compte tenu de la corrélation qui existe entre le financement des mutuelles sur le marché externe et le développement des normes de capital pour les compagnies d'assurances de personnes, il est loisible de croire que les conclusions devraient, elles aussi, aboutir sur la nécessité d'une orientation économique.

Malgré la détérioration du contexte concurrentiel et des marges de profit, les assureurs québécois ont tous acquis, à compter de 1984, des pouvoirs plus larges et se sont vu attribuer une mission plus ambitieuse que leurs concurrents à charte fédérale. Il est toujours clair pour l'Opposition que le capital des assureurs-vie peut être un instrument de développement collectif pour le Québec. Il serait pour nous erroné de considérer l'élargissement des pouvoirs des

compagnies d'assurances comme l'une des causes de leurs problèmes de capitalisation. Cet élargissement doit plutôt, s'il est bien interprété, faire partie de la solution. Il est cependant certain que cet élargissement ne doit pas servir d'excuse aux assureurs pour une performance de faible qualité dans leur activité primaire qui est l'assurance de personnes au Québec. La diversification n'est pas un luxe pour les assureurs québécois, mais bien une nécessité.

Comme le rappelaient des intervenants à l'occasion d'une commission parlementaire, à l'heure des grappes industrielles, il faut aussi souligner l'hypothèse des fusions ou alliances stratégiques entre assureurs québécois, selon que leurs activités sont concurrentes ou complémentaires. Afin de satisfaire les besoins de diversification géographique et mesurer l'impact des marges de solvabilité, on peut considérer l'intérêt qu'il pourra y avoir à un contrôle sur une société d'assurances opérant une certaine opération qui pourrait être partagée par des institutions financières concurrentes ou non.

Donc, en conclusion, M. le Président, il faut avoir une idée de l'évolution de la structure de l'industrie de l'assurance de personnes à charte québécoise. La ministre peut-elle donc nous faire part de sa vision des choses, des balises qu'elle a fixées à son comité qui étudie la question de la capitalisation, de son mandat exact? De quelle façon entend-elle orienter le débat? Ou va-t-elle une fois de plus, M. le Président, rester silencieuse?

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant Mme la ministre.

Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. Après avoir passé en revue le décloisonnement des institutions financières et celui des intermédiaires, je répondrai ici à plusieurs commentaires, dont certains du député de Gouin, en resituant le rôle d'une autre structure qui a vu le jour lors des dernières années, la SIAP, Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes.

La SIAP a été formée le 16 décembre 1988. Elle est le fruit d'une collaboration entre lés assureurs de personnes et les responsables de la réglementation ou du contrôle, en matière d'assurances, des gouvernements provinciaux et fédéral. La SIAP a été constituée pour donner suite à une demande formulée en 1983 par les ministres provinciaux et canadien responsables des institutions financières. Ceux-ci, ayant constaté un vide dans le secteur de l'assurance en matière d'indemnisation des assurés advenant la faillite d'un assureur, demandèrent aux organismes de surveillance et de contrôle et à l'industrie d'établir des plans de compensation.

M. le Président, l'objet premier de la SIAP est de verser des indemnités aux titulaires ainsi qu'aux ayant droit de polices d'assurance émises par des assureurs de personnes qui deviennent insolvables et dont les réclamations ne sont pas acquittées par le cours normal des affaires. En ce qui a trait à son fonctionnement, on prévoyait la possibilité, pour les différentes juridictions canadiennes, d'adhérer officiellement au plan. Le Québec a rendu obligatoire l'adhésion à la SIAP comme condition préalable aux activités d'assurances au Québec, au moyen d'une modification aux règlements sur les assurances qui a pris effet le 13 juin 1990. Ce faisant, le Québec protégeait ainsi l'ensemble des assurés dont il était responsable et conserva entièrement, via l'Inspecteur général des institutions financières, sa juridiction quant au droit de pratique des assureurs sur son territoire.

Essentiellement, la SIAP est un fonds d'indemnisation privé subventionné par les compagnies d'assurances de personnes canadiennes qui en sont membres. Différents types de cotisations sont perçus par elles auprès des assureurs membres, soit des cotisations générales prélevées pour pourvoir aux frais administratifs de la Société, des cotisations qui peuvent être prélevées auprès de tous les membres pour pourvoir aux frais résultant de l'insolvabilité d'institutions membres, ce genre de cotisation étant prélevé lorsqu'un assureur devient solvable, comme nous l'avons vécu dans le cas des Coopérants.

Toutefois, un plafond annuel a été fixé pour cette catégorie de cotisations à un demi de 1 % de la moyenne des revenus primes de chaque membre. Dans le dossier des Coopérants, M. le Président, suite aux représentants de l'IGIF, il a été convenu de passer outre aux limites de couverture et d'indemniser les détenteurs de polices à 100 %. Ainsi, les limites maximales de couverture sont abolies et, par le fait même, on indemnise à 100 % dans le cas des Coopérants.

Cette donnée est très importante et il importe de la répéter, car le député de Gouin a, à plusieurs reprises, ici même dans cette Chambre, tenté de discréditer ce fait en laissant entendre peut-être que certains types de détenteurs, dont les détenteurs de REER, ne seraient pas indemnisés. Cette attitude est désastreuse à plus d'un titre. Elle insécurise l'épargnant, en particulier les personnes âgées, et elle mine la confiance du public envers les compagnies du Québec. Encore une fois, le député de Gouin, lors de sa dernière intervention en cette Chambre, a erré et a créé une panique en se basant sur des rumeurs, comme il en a l'habitude, d'ailleurs, en déclarant que les REER ne seraient pas couverts. Encore une fois, je répète l'engagement de la SIAP obtenu par l'Inspecteur général à l'effet de couvrir ses épargnes à 100 %. Quant au mode de répartition entre assureurs de la facture afférente au sauvetage des Coopérants et ce, en se basant sur des

interprétations des règlements qui la régissent et les protocoles d'entente intervenus avec ses assureurs membres, la SIAP a statué en décembre dernier.

M. le Président, dans le cas de la SIAP, il est également de la responsabilité de la ministre d'en évaluer le fonctionnement. L'ACCAP s'affaire actuellement à en faire l'analyse, tout comme l'IGIF, le ministère des Finances et l'industrie elle-même. J'annoncerai les mesures que nous envisageons dans ce dossier et, M. le Président, je vous invite maintenant à donner la parole à mon collègue le député de Charlevoix, qui fera le portrait des assurances de personnes.

Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. M. le député de Charlevoix, est-ce que vous êtes prêt à répondre à l'invitation de Mme la ministre?

M. Daniel Bradet

M. Bradet: Oui, M. le Président. Je vous remercie. J'aimerais prendre quelques minutes afin de vous dresser un portrait sommaire de l'assurance de personnes au Québec. J'aborderai également la démutualisation et les perspectives d'avenir s'offrant à l'assurance de personnes. Au 31 décembre 1990, 184 assureurs détenaient un permis pour exercer des affaires en assurance de personnes au Québec. De ce nombre, 36 assureurs détenaient une charte du Québec répartie de la façon suivante: 19 compagnies d'assurances, 11 sociétés de secours mutuel et 6 compagnies d'assurances funéraires.

L'actif de l'ensemble des assureurs de personnes ayant un permis d'exercer au Québec était de 181 500 000 000 $ en 1991. Avec un passif de 162 000 000 000 $, les capitaux propres atteignaient 19 300 000 000 $ représentant 12 % de l'actif. Ces mêmes assureurs ont souscrit au Canada pour 36 000 000 000 $ en primes. Le bénéfice net de l'ensemble des assureurs se situait à 3 000 000 000 $. Malgré une légère baisse des principaux indicateurs de solvabilité, la majorité des assureurs exerçant au Québec rencontraient les normes de prévention utilisées par l'Inspecteur général des institutions financières. (10 h 50) au cours des dernières années, on a pu constater que plusieurs compagnies mutuelles d'assurances recherchaient une modification corporative à leur structure opérationnelle dans le but de réaliser des objectifs de croissance et de capitalisation qu'elles ne pouvaient autrement atteindre. cette tendance notamment remarquée aux états-unis est susceptible de s'accentuer dans l'avenir due, en grande partie, à des modifications majeures du marché des assurances découlant d'une nouvelle philosophie d'ensemble, elle-même liée à une nouvelle approche dans le fonctionnement global des institutions finan- cières. à cet égard, m. le président, le québec est sûrement un milieu actif et dynamique dans l'application d'un programme de décloisonnement des institutions financières. des changements importants et complexes qui découlent de ce nouvel environnement demandent beaucoup de souplesse dans la solution des problèmes. dans ce contexte, le québec a adopté une approche basée sur la reconnaissance des besoins de l'industrie de l'assurance.

M. le Président, cette orientation a permis d'accueillir favorablement un nouveau modèle de démutualisation n'impliquant aucun déboursé de capital et assurant la continuité du droit de propriété des mutualistes via une corporation mutuelle de gestion. Ce type de transformation, initialement présentée par La Laurentienne, mutuelle d'assurances, puis repris par les Services de santé du Québec et la Mutuelle des fonctionnaires du Québec, a été accepté après la démonstration que les droits et expectatives des membres mutualistes dans ce processus de modification structurelle de leur compagnie étaient préservés. À cet égard, un groupe de travail de l'institut canadien des actuaires a reconnu dans son rapport qu'une telle forme de démutualisation était possible au même titre que la démutualisation classique avec compensation pour l'abandon du droit de propriété, comme ce fut le cas notamment pour l'Assurance-vie Desjardins.

M. le Président, l'approche flexible retenue par le Québec permet donc de reconnaître le caractère particulier de chaque projet soumis tout en assurant la protection des mutualistes et en favorisant le développement et la croissance des compagnies par un meilleur accès aux sources de capitaux. Les effets de la récession sont encore très présents, et la reprise économique tarde à se manifester. Les assureurs qui ont été plus actifs et agressifs dans les prêts hypothécaires et les investissements en biens-fonds risquent davantage d'être affectés par cette situation. Il en est de même des compagnies qui ont des placements substantiels dans des corporations contrôlées et satellites et qui n'auront pas adopté, si ce n'était déjà fait, des principes adéquats de consolidation et de rationalisation pour l'ensemble de leurs groupes. Les assureurs devront procéder à une planification stratégique rigoureuse de leurs opérations et au contrôle serré de l'atteinte des résultats. Des compagnies devront notamment songer à se départir de placements qui ne correspondraient plus aux orientations stratégiques. Nous assisterons également fort probablement à des regroupements ou réorganisations d'entreprises. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Charlevoix. M. le député de Gouin, vous avez la parole.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui. Peut-être, M. le Président, immédiatement vous informer que je ne sais pas si la ministre s'est fourvoyée dans ses notes, mais ce n'est pas immédiatement qu'on avait l'intention d'aborder la questions de la SIAP; c'est lors d'une intervention qui va suivre. Pour le moment, on voulait se limiter au dossier de l'industrie en général, et nous aborderons maintenant la question des Coopérants, et c'est tout à l'heure... Je ne sais pas si la ministre répétera ses notes et les mêmes propos qu'elle a tenus, mais ce n'est pas immédiatement qu'on les abordera.

Le Président (M. Audet): Allez-y, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Pour le moment, pour Les Coopérants, M. le Président, je crois qu'il est important de souligner que l'industrie de l'assurance de personnes a connu des soubresauts importants récemment avec la liquidation des Coopérants. Elle met fin à plus d'un siècle de présence de cette entreprise. C'est aussi la perte de la quatrième plus importante société d'assurances de personnes à charte du Québec, mais c'est aussi près de 800 personnes qui se trouvent sans emploi et c'est aussi la perte de confiance dans nos institutions financières, particulièrement dans le secteur collectif, ce qui se traduira par une perte de marché en faveur des compagnies canadiennes très coûteuse à long terme.

M. le Président, si le ministre de l'Industrie et du Commerce a sauvé Laval in, la ministre déléguée aux institutions financières a regardé le dossier des Coopérants s'enliser. Cette société a transféré le 1er janvier 1988 au Québec pour adopter une charte bien de chez nous. Dès 1989, l'Inspecteur général est intervenu par suite d'une diminution substantielle des bénéfices de la compagnie, même si l'avoir était encore à 79 000 000 $. Par ailleurs, lors de la présentation des états financiers en 1990, ceux de 1989 étaient révisés d'un bénéfice de 3 500 000 $. La compagnie montrait un déficit de 385 000 $. De plus, les états financiers de 1990 montraient une perte de 30 000 000 $, ramenant ainsi le capital de la compagnie à 40 000 000 $.

Un rapport d'évaluation d'experts de juin 1991 avait accordé une valeur de 102 000 000 $ à 117 000 000 $ pour les droits de propriété des mutualistes. Cette valeur était basée sur certaines hypothèses qui ne se sont pas vérifiées dans le futur. C'est donc l'intervention d'un partenaire investisseur qui fut souhaitée pour écouler normalement le portefeuille des Coopérants en garantissant pleinement des obligations de la compagnie envers ses assurés.

Une entente de principe est intervenue entre la SIAP, L'Industrielle-Alliance et Les Coopérants sur le modèle «good co, bad co».

L'Industrielle mettait 70 000 000 $, la SIAP y allait avec 140 000 000 $, ce qui aurait permis la continuation des affaires.

Cependant, dès le 19 décembre 1991, alors que L'Industrielle et Les Coopérants se sont présentés à une séance de préclôture, la SIAP, malgré ce qui avait été convenu, ne s'est pas présentée et a indiqué son intention de se retirer dès le 19 décembre, sans que la ministre fasse quoi que ce soit. À la veille du Jour de l'an, la SIAP s'est retirée et, pour ce faire, a invoqué la découverte d'engagements hors bilan plus élevés que ceux prévus. Cette analyse ne tient pas, et la ministre le sait.

N'est-il pas vrai, M. le Président, que le principal engagement hors bilan des Coopérants était le bail de la maison des Coopérants et que ce passif éventuel était connu de la SIAP dès le mois d'octobre? N'est-il pas vrai également que dans la semaine précédant Noël, il y avait une entente avec les propriétaires à l'effet de résilier le bail pour une somme de 18 000 000 $, soit une somme inférieure à l'estimé établi par RCMP en novembre? N'est-il pas vrai aussi, M. le Président, qu'une opinion du cabinet-conseil Langlois, Robert a été présentée à l'effet que l'Inspecteur général aurait pu forcer, je dis bien forcer, la SIAP à conclure cette entente ou tout au moins utiliser les recours légaux pertinents?

N'est-il pas aussi vrai que l'Inspecteur général aurait pu intervenir beaucoup plus tôt, soit dès le début de 1990, suite au départ de l'ex-président Shooner et suite au dépôt au conseil d'administration des Coopérants d'un rapport détaillé sur la situation financière de l'entreprise, lequel avait été préparé par un consultant externe? Or, jamais à cette époque, l'Inspecteur n'a manifesté le désir de prendre connaissance de ce rapport.

De plus, les résultats de 1989 indiquant une baisse de l'avoir des assurés de plus de 17 000 000 $ n'auraient-il pas dû inciter l'Inspecteur général à effectuer certaines vérifications aux livres? N'est-il pas aussi vrai que les pertes d'opération des Coopérants n'étaient pas de 4 700 000 $, comme il a été déclaré par l'Inspecteur dans la requête en liquidation, mais plutôt de 1 500 000 $ par mois? Les seules opérations d'assurance-vie n'étaient-elles pas d'ailleurs rentables? N'est-il pas aussi vrai que les représentants de la SIAP, soit la firme McCarthy-Tétrault, sont aussi concouramment utilisés par le liquidateur provisoire, ce qui constitue un cas flagrant de conflit d'intérêts? Ces intérêts de la SIAP ne sont-ils pas très opposés aux intérêts des créanciers québécois ou même des assureurs québécois?

Le liquidateur ne devrait-il pas garder ses distances vis-à-vis des créanciers éventuels de la mutelle et même protéger tous les recours contre la SIAP, qui est quand même la partie qui a fait avorter...

Le Président (M. Audet):...

M. Bofsclair: ...la transaction espérée. M. le Président, n'est-il surtout pas vrai que le coût final de la liquidation sera d'au moins 100 000 000 $ plus élevé, que les frais de liquidation seront de 50 000 000 $, ce qui dépasse toute commune mesure? Bref, cette affaire, M. le Président, est une sale affaire. Les conflits d'intérêts côtoient le silence irresponsable de la ministre déléguée aux Finances.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Gouin. En droit de réplique, Mme la ministre.

Mme Louise Robic

Mme Robic: M. le Président, Les Coopérants étaient une compagnie mutuelle d'assurances de personnes qui, jusqu'au 31 décembre 1987, relevait de la juridiction fédérale. Dès mai 1987, l'assureur signifiait son intention d'obtenir une charte québécoise. L'assureur rencontrait alors les tests de solvabilité et de rentabilité du fédérai et la formule de surplus minimum de l'ACCAP. D'un autre côté, l'Inspecteur général constatait, après inspection, que Les Coopérants présentaient des ratios de prévention se situant dans l'ensemble des échelles acceptables.

En novembre 1989, le groupe Coopérants faisait parvenir à l'IGIF un plan de réorganisation prévoyant notamment une rationalisation des activités par la restructuration et la vente de filiales, le tout devant se terminer avant 1991. Le plan prévoyait également la recherche d'un partenaire financier pour le holding en aval. Lors de la réception des états financiers statutaires au 31 décembre 1989, en mars 1990, ceux-ci démontraient une baisse importante de la profitabilité de l'entreprise. Le bénéfice net se situait à 3 000 000 $, comparativement à 7 000 000 $ en 1988. Les Coopérants rencontraient encore les principaux ratios de prévention en vigueur chez l'Inspecteur, cependant. (11 heures)

Néanmoins, l'Inspecteur a alors rencontré les dirigeants de l'entreprise pour demander des explications sur cette baisse de rentabilité. Il apparaissait alors évident que Les Coopérants devaient se départir de certaines filiales. Un plan d'action a été exigé, lequel devait prévoir des marchés rapides sans pour autant se rendre jusqu'à une vente de feu. En septembre 1990, il y avait eu une entente de principe entre la société financière Prenor et le groupe Coopérants prévoyant une prise de contrôle du portefeuille Investissements Guardcor inc. par La Financière Prenor. On apprenait, malheureusement, en mars 1991, que la vente était annulée. Entre-temps, en décembre 1990, un protocole d'accord était conclu entre le groupe Caisse nationale de Prévoyance, le Groupe Coopérants inc. et Les

Coopérants, afin de créer un partenariat financier. Un projet de restructuration de Les Coopérants était donc présenté en janvier 1991.

Lors de la réception des états financiers au 31 décembre 1990 en mars 1991, la Direction du contrôle des assurances de personnes a immédiatement noté un redressement aux exercices antérieurs et une perte importante pour l'exercice 1990. Les bénéfices, tels que mentionnés par le député de Gouin, de 3 000 000 $ en 1989 étaient redressés pour montrer une perte de 300 000 $. De plus, Les Coopérants enregistrait une perte de 30 900 000 $ pour 1990. En l'espace d'un an, le portrait de la rentabilité avait varié de 40 000 000 $.

L'intervention de l'Inspecteur général des institutions financières a été immédiate. Un examen sur place a eu lieu au début d'avril 1991. Par la suite, lors d'une réunion avec la haute direction de Les Coopérants le 23 avril 1991, l'Inspecteur général a exigé, entre autres, que soit mis en place, dans les 30 prochains jours, un plan de redressement administratif et financier. Le 1er mai 1991, l'Inspecteur général rencontrait les administrateurs de Les Coopérants afin de leur transmettre un plan de redressement qu'ils devaient entériner sur-le-champ. En juin 1991, et malgré le fait que l'Inspecteur général soit personnellement intervenu, on apprenait, malheureusement, que la Caisse nationale de Prévoyance n'était plus intéressée à investir dans Les Coopérants. En juin 1991 également, le projet de loi 287, un bill privé prévoyant la transformation de Les Coopérants en une compagnie d'assurances à capital-actions et en une corporation mutuelle de gestion regroupant les propriétaires des contrats d'assurance afin de contrôler en tout temps la compagnie d'assurances à capital-actions résultant de la transformation, était adopté. Le 1er juillet 1991, l'Inspecteur général décida de renouveler le permis de la compagnie sur une base temporaire, jusqu'au 31 octobre 1991, afin de permettre la réalisation du plan de redressement.

Le 31 octobre 1991, l'Inspecteur général et la SIAP s'engageaient à protéger tout détenteur de police de Les Coopérants contre toute perte. Le même jour, l'Inspecteur général annonçait le prolongement du permis pour permettre la poursuite des négociations en cours avec des acheteurs éventuels. Le 11 novembre 1991, une entente a été conclue entre la SIAP, L'Industrielle-Alliance et Les Coopérants. Le 30 décembre 1991, l'Inspecteur général rencontrait la SIAP pour apprendre qu'elle ne pouvait donner suite à son entente, avec, comme conséquence, que le marché ne tenait plus. Pour la protection des assurés - M. le Président, j'achève - l'Inspecteur général n'a pas eu d'autre choix que de prendre possession de l'entreprise et de la mettre en liquidation, ce qui a été fait le 3 janvier 1992. On connaît la suite des événements, M. le Président.

L'industrie, l'Inspecteur général des institutions financières et le ministère des Finances contribuent actuellement à la réflexion afin de dégager clairement les éléments à retenir pour éviter la répétition d'un tel événement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. J'aimerais vous rappeler, M. le Président, que ma collègue, Mme la ministre, le député de Charlevoix et moi-même, nous répondons carrément aux questions du député de Gouin qui a choisi comme thème, pour cette interpellation, l'industrie de l'assurance au Québec. Il faisait tantôt allusion à un dialogue de sourds, et j'aimerais lui rappeler directement que nous répondons carrément à l'invitation qui nous a été faite de traiter de ce sujet.

M. le Président, mon collègue vous a entretenu il y a quelques instants de l'assurance de personnes. J'aimerais, à mon tour, vous exposer un portrait sommaire des assureurs de dommages au Québec et de leur perspective. La plupart des gens ne pensent à l'assurance que lorsque vient le moment d'acquitter leur prime d'habitation ou automobile, ou peut-être lorsqu'ils se font cambrioler ou qu'ils ont un accident de voiture. Et, lorsqu'ils y pensent, ils ne font souvent pas la différence entre les assurances de dommages et les assurances sur la vie.

On distingue trois grands éléments dans les activités d'assurance de dommages. Le premier est le partage de risques; les assurés paient une somme prédéterminée pour se protéger contre des pertes potentielles énormes. Le second, c'est les placements en attendant de payer les sinistres; les assureurs placent les sommes à leur disposition ainsi que leurs fonds propres qui garantissent la sécurité des assurés; ces placements favorisent le développement économique et produisent un rendement permettant de maintenir les primes au niveau le plus bas possible. Le troisième élément réside dans la réduction et la prévention des sinistres. Cette fonction est la moins connue mais est, elle aussi, importante.

Les connaissances acquises au cours des siècles ont appris aux assureurs à identifier les risques potentiels. Ils allient leurs efforts à ceux des assurés et des pouvoirs publics pour réduire ces risques, pour prévenir les sinistres et minimiser le coût de ceux qui se produiront quand même. Une étude sommaire des affaires au Canada, au 30 juin 1991, de tous les assureurs de dommages, sauf ceux limités à la réassurance, titulaires d'un permis pour opérer au Québec, fait ressortir que l'actif de l'ensemble des assureurs a augmenté de 7,6 % pour se situer à 27 100 000 000 $, le passif, de 7 %, et les capitaux propres, de 9,1 %, pour se situer à 8 300 000 000 $. Les quelque 219 assureurs titulaires d'un permis du Québec ont souscrit au Canada, au premier semestre de 1991, pour 6 700 000 000 $ de primes directes, soit 5 100 000 000 $ de plus qu'en 1990, tandis que leurs primes nettes ont augmenté un peu moins, soit de 4,8 %, ceci étant dû à ce que les assureurs ont assuré moins en 1991. Une hausse de 40,4 % a été inscrite pour l'ensemble des assureurs à titre de bénéfices nets, soit 525 000 000 $. Il est à noter que les assureurs ont le même niveau de solvabilité qu'au 30 juin 1990, et ces derniers respectent largement les normes établies.

Somme toute, la solvabilité globale des assureurs en dommages demeure plus que satisfaisante. L'ensemble des assureurs à charte du Québec ont souscrit pour 591 000 000 $ de primes directes, soit une augmentation de 10,1 %. Le constat général que nous pouvons tirer de tous ces chiffres, c'est que la situation financière de l'ensemble des assureurs à charte du Québec est demeurée plus que satisfaisante et peut leur permettre d'être plus agressifs sur le marché et de souscrire davantage.

Je ne voudrais pas passer sous silence la situation des sociétés mutuelles d'assurances générales. L'actif total des 39 sociétés mutuelles d'assurances générales a augmenté de 12,5 % pour se situer à 148 000 000 $, le passif, de 16,6 %, et les capitaux, de 9,3 %. Dans l'ensemble, elles ont souscrit pour 62 600 000 $ de primes directes, soit une augmentation de 11 500 000 $. Leur situation financière est demeurée, elle aussi, très satisfaisante, ce qui leur a permis de souscrire davantage en 1991. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci. M. le député de Montmagny-L'Islet. Je reconnais maintenant M. le député de Gouin.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, est-ce qu'on peut s'asseoir à la table? Est-ce qu'on peut avoir des réponses à nos questions? Est-ce que la ministre et ses collègues peuvent faire autre chose que nous lire des notes? J'ai adressé à la ministre, tout à l'heure, 11 questions très claires sur la liquidation des Coopérants. D'aucune façon, elle n'a voulu y répondre; d'aucune façon. Elle a même soulevé un moindre intérêt quant à ces questions. Ces questions que l'Opposition adresse sont les mêmes qu'adressent les assurés des Coopérants, les gens qui suivent cette industrie, les partenaires de l'industrie. L'heure est grave, M. le Président, et lorsqu'on constate que, dans un contexte aussi important que celui que nous avons à l'heure actuelle, la ministre, d'aucune façon, n'est capable de répondre à ces

interrogations, je dois vous dire que je vais quitter cette interpellation encore plus inquiet que quand j'y suis arrivé. J'invite la ministre à prendre un bout de papier et un crayon et à noter les questions. Je la mets au défi de répondre à ces questions comme je mets au défi le député de Montmagny-L'Islet et le député de Charlevoix de répondre à ces questions. (11 h 10)

N'est-il pas vrai, premièrement, que dès le 19 décembre on savait l'intention de la SIAP de se retirer du dossier, parce que la SIAP ne s'était pas présentée à la séance de signature? N'est-il pas vrai aussi que l'argument de la SIAP pour des engagements hors bilan ne tient pas et que l'engagement hors bilan le plus important était le bail de la maison des Coopérants et qu'il y avait eu une entente pour régler pour 18 000 000 $? N'est-il pas vrai qu'il y a eu un avis juridique de Langlois Robert à l'effet que l'Inspecteur général aurait pu prendre des dispositions nécessaires pour forcer la transaction avec la SIAP? N'est-il pas vrai que l'Inspecteur aurait pu agir et intervenir plus tôt dans le dossier, après le départ de Pierre Shooner, lorsque le rapport commandé par le conseil d'administration a été déposé au conseil, et qui faisait état de la situation financière des Coopérants? N'est-il pas vrai, M. le Président, que les pertes d'opérations n'étaient pas celles que l'Inspecteur a annoncées dans sa requête en liquidation, mais qu'elles étaient plutôt de 1 500 000 $ par mois et non pas de 4 700 000 $, comme lui l'entendait? N'est-il pas vrai aussi que les conseillers, les avocats McCarthy Tétrault sont couramment utilisés par le liquidateur, ce qui les met en flagrant conflit d'intérêts avec le liquidateur et avec les assurés? N'est-il pas vrai aussi, M. le Président, que le coût de la liquidation sera de 100 000 000 $ supplémentaires à l'entente initialement prévue entre la SIAP et L'Industrielle-Alliance? N'est-il pas vrai qu'il y aura des frais de liquidation de 50 000 000 $, M. le Président, pour assumer la liquidation des Coopérants?

Qui est intéressé par cette question, M. le Président? Les assureurs, ceux qui paient des primes, les partenaires de l'industrie. Déjà, aujourd'hui, l'Assurance-vie Desjardins a été obligée de retrancher plus de 1 000 000 $ de ses profits pour faire face à ses obligations dans le naufrage des Coopérants.

Voici, M. le Président, les questions, et je mets au défi la ministre d'y répondre parce que son silence, son jeu qui consiste, finalement, à lire ses notes et à faire semblant que ce débat et ces discussions n'existent pas ne nous mènera nulle part. Les questions sont nombreuses, M. le Président, et si la ministre avait le moindrement le courage d'y répondre, si elle pouvait au moins nous dire que nous avons tort et nous faire la démonstration que nous avons tort, peut-être pourrions-nous ressortir de cet exercice grandis.

Mais, M. le Président, ce dialogue de sourds ne nous mènera nulle part, et ce n'est certes pas ce dialogue qui va nous permettre de rétablir la confiance des assurés québécois qu'un sondage - ce n'est pas des chiffres de l'Opposition officielle, là, M. le Président, ce n'est pas des chiffres non plus du gouvernement - indique que 48,6 % des Québécois et Québécoises auraient perdu confiance en l'administration des compagnies d'assurances.

Vous savez comme moi, M. le Président, et encore mieux que la ministre, j'en suis convaincu, que la confiance est l'élément le plus important dans ces marchés; les capitaux sont volatiles, mais on ne peut pas jouer à l'autruche, M. le Président. Les demi-vérités font encore plus mal que les rumeurs, et la ministre doit assurer un certain leadership, doit sortir ce matin de ses textes, doit sortir de ses formules toutes faites et nous dire vraiment si les allégations qui circulent, si les rumeurs dans le marché sont fondées. Et si elles ne le sont pas, qu'elle le dise. Mais son silence ne fait que confirmer ces rumeurs.

M. le Président, il est inacceptable de voir que notre gouvernement, que le gouvernement du Québec, qui a mis autant de temps et d'énergie à bâtir un modèle financier correct qui donne des avantages concurrentiels importants à nos compagnies à charte québécoise, de voir qu'aujourd'hui II n'y a plus personne qui en fait la défense. On pourra parler de statistiques, on pourra parler de chiffres, mais la réalité est là et, aujourd'hui, nous devons porter les frais du naufrage des Coopérants. J'espère que la ministre, au nom de l'industrie, pour l'industrie, sera capable de répondre à ces allégations. Je lui ai fait une liste de 11 questions et je lui demande d'y répondre, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre, votre droit de réplique.

Mme Louise Robic

Mme Robic: M. le Président, l'interpellation d'aujourd'hui s'appelle «L'industrie de l'assurance au Québec», et je n'ai surtout pas l'intention ici, ce matin, de faire le post mortem des Coopérants. Si vous m'avez amenée ici pour faire ça, M. le député de Gouin, vous l'avez fait d'une façon détournée, et je ne l'accepte pas. M. le Président...

M. Boisclair: Question de règlement.

Mme Robic: M. le Président, c'est mes cinq minutes.

Le Président (M. Audet): Un instant! Un instant! Question de règlement, M. le député de Gouin.

M. Bolsclair: Est-ce que toutes les questions et interrogations que j'ai soulevées ce matin sont conformes au-règlement?

Le Président (M. Audet): Vous avez soulevé des interrogations... Vous pouvez soulever des interrogations, mais vous ne pouvez pas obliger la ministre à répondre à vos questions...

M. Boisclair: Non, mais est-ce qu'elles sont conformes, M. le Président?

Le Président (M. Audet): C'est un échange. Elles sont conformes, oui, mais...

M. Boisclair: Merci. C'est ce que je...

Le Président (M. Audet): ...les souhaits que vous avez exprimés ne sont pas conformes au règlement.

M. Boisclair: C'est ce que je voulais entendre.

M. Gauvin: Sur la question de règlement.

Le Président (M. Audet): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Est-ce qu'on pourrait permettre à Mme la ministre de réagir pendant les cinq minutes qui lui sont allouées et, si le député de Gouin a un questionnement sur la conformité de son questionnement, il pourrait vous revenir entre-temps. Merci.

Le Président (m. audet): c'est ce que j'allais faire, m. le député de montmagny-l'islet. merci. alors, mme la ministre, vous pouvez continuer.

Mme Robic: Merci, M. le Président. J'aimerais, M. le Président, profiter de cette réplique pour aborder deux autres sujets qui, j'en suis sûre, intéressent mon collègue de l'Opposition au plus haut point. D'abord, comment le Québec se positionne-t-il dans le secteur des assurances dans le cadre de la réforme fédérale? M. le Président, je vous rappellerai que le gouvernement fédéral a fait adopter, en décembre dernier, sa nouvelle Loi sur les assurances. Essentiellement, cette loi, en plus d'apporter des correctifs d'ordre technique, rejoint les objectifs poursuivis par la réforme du Québec en 1983 - M. le député de Gouin, si vous êtes intéressé, vous devriez rester pour écouter - à savoir, M. le Président, le décloisonnement. Les compagnies d'assurances fédérales, comme c'est le cas au Québec, conservent intacte la nature Intrinsèque de leurs opérations, mais ont la possibilité de se diversifier dans la vente de produits par l'entremise de filiales. De plus, tout comme ce fut le cas pour le Québec en 1983, les compagnies d'assu- rances fédérales ont vu leur pouvoir de placement modifié. Les critères quantitatifs ont remplacé les critères qualitatifs.

Les principes à la base de cette loi font donc que les administrateurs se voient chargés de la responsabilité première de surveillance et de contrôle puisque, dans leurs décisions, ils doivent agir selon les critères d'une personne compétente, prudente et sage. La Loi sur les assurances du Québec n'est donc pas en reste avec la récente législation fédérale puisque, avec les récentes modifications apportées avec la loi 112, des normes très sévères ont été édictées en matière de conflit d'intérêts. De plus, des restrictions ont été apportées à la loi du Québec concernant les liens commerciaux et la détention des holdings en aval. La loi du Québec se compare avantageusement à celle du fédéral en ce qui concerne la propriété étrangère. En effet, la loi du Québec a aboli la règle du 10 %-25 % pour la remplacer par la règle du 30 %, avec possibilité pour la ministre de hausser ce pourcentage au-delà même du pourcentage de contrôle de la compagnie selon des critères très précis définis dans la loi.

Une étude objective et comparative des législations fait donc ressortir qu'en matière de législation, celle du Québec est encore à l'avant-garde de ce qui existe au Canada. Certes, dépendant de l'évolution du milieu et du contexte économique, des modifications sont encore possibles. En réalité, il faut dire que, si le Québec veut maintenir son leadership, des modifications devront être apportées. C'est la tâche à laquelle nous accordons actuellement notre priorité.

Dans un autre ordre d'idées, la question des normes de solvabilité intéresse sûrement autant le député de Gouin, que je vois revenir en Chambre. Pour le moment, M. le Président, notre position finale n'est pas arrêtée relativement aux nouvelles normes...

M. Boisclair: Question de règlement.

Mme Robic: ...que nous aurons à mettre en place au Québec.

M. Boisclair: Question de règlement.

Le Président (M. Audet): Un instant. Question de règlement, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: M. le Président, vous savez comme moi qu'on n'a pas le droit d'invoquer ni l'absence ni la présence d'un membre en cette Chambre. Je suis allé consulter mes conseillers pour préparer ma prochaine intervention.

Le Président (M. Audet): Vous avez entièrement raison. En vertu du règlement, on ne peut souligner l'absence d'un député en Chambre. Mme la ministre, si vous voulez poursuivre.

Mme Robic: Pour le moment, M. le Président, notre position finale n'est pas arrêtée relativement aux nouvelles normes que nous aurons à mettre en place au Québec, et je parle de normes de solvabilité. Il existe actuellement des normes administratives que l'Inspecteur général des institutions financières a développées, et ces normes administratives procurent à la population une protection de base en attendant de pouvoir nous fixer plus précisément sur une proposition de normes que nous pourrons recommander à la considération du gouvernement.

Cette situation nous permet de surveiller l'évolution des exercices normatifs similaires actuellement en cours au niveau des juridictions où nos assureurs ont des intérêts, notamment au niveau du gouvernement fédéral, de la Communauté européenne et des États-Unis. Nous pourrons ainsi nous tenir au diapason international pour ne pénaliser ni les compagnies ni les consommateurs. Il faut cependant préciser que le Québec est représenté au sein d'un comité consultatif créé pour aviser mon homologue fédéral sur la question des normes de solvabilité pour les assureurs canadiens.

Ces discussions seront donc capitales dans le contexte que je dépeignais dans mon rapport quinquennal et dans lequel je situe toujours ma réflexion, à savoir le souci du Québec de veiller à ce que ses assureurs ne connaissent pas de difficultés dans leurs opérations extérieures en raison de normes incompatibles et la volonté du Québec de ne pas alimenter une perception erronée de la solidité financière de ses institutions face à la concurrence. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Charlevoix.

M. Daniel Bradet

M. Bradet: M. le Président, il m'apparaît opportun d'intervenir à ce stade-ci de cet exercice parlementaire afin de vous entretenir sur le rapport quinquennal sur l'application de la Loi sur les assurances ainsi que sur la loi 112, Loi modifiant la Loi sur les assurances. (11 h 20)

Conformément à l'article 425.1 de cette dernière, la ministre déléguée aux Finances déposait, en juin 1990, le premier rapport quinquennal sur l'application de la Loi sur les assurances. Ce rapport, rédigé à partir de consultations intensives menées auprès des assureurs et d'autres groupes intéressés, proposait des orientations et des énoncés de politique visant à permettre à notre industrie de l'assurance de tirer son épingle du jeu dans le contexte de changements et de bouleversements sans précédent. Notre industrie pouvait donc mieux, se positionner sur l'échiquier des marchés nationaux et internationaux sans mettre de côté notre responsabilité commune à l'égard de la protection du public. Nous visions donc à permettre aux assureurs québécois d'être en position de force pour participer à des marchés de plus en plus concurrentiels.

M. le Président, il m'apparaît important de prendre quelques minutes afin d'élaborer sur les propositions que contiennent les énoncés de politique formulés au rapport. L'établissement d'une approche formelle en matière de capitalisation fut abordé afin d'éviter que les assureurs à charte québécoise connaissent des difficultés dans la poursuite de leurs activités à l'extérieur du Québec, et ce, en raison de normes incompatibles avec les normes des autres juridictions. Les politiques concernant les liens de propriété des institutions financières, les transactions intéressées et l'harmonisation des législations furent redéfinies. La ministre déléguée aux Finances a privilégié, dans ce rapport, l'application d'intérêts financiers et commerciaux en amont et a proposé de limiter les filiales commerciales à celles qui sont connexes ou accessoires aux commerces d'assurances pour faire en sorte que la détention de filiales en aval ne crée pas de tension inutile sur le capital. De plus, notre gouvernement n'a pas voulu bannir toutes les transactions intéressées puisque cela aurait été à l'encontre de notre position de favoriser la formation de groupes de financiers importants et de permettre à leurs composantes de fonctionner en synergie. La ministre a cependant proposé des mesures pour assurer que de telles transactions s'effectuent selon des modalités et à des conditions comparables à celles dont sont assorties les transactions conclues à distance sur le marché.

Notre gouvernement indiquait clairement son objectif de participer activement aux travaux d'harmonisation des lois et règlements canadiens concernant le secteur des assurances. Ce dossier d'une grande complexité chemine trop lentement au goût de certains, mais notre gouvernement continue de penser que les impératifs internationaux de concurrence et de contrôle obligent à rechercher une plus grande harmonisation de nos lois avec celles du Canada et des autres provinces qui ont un secteur financier significatif.

Il a été également proposé dans ce rapport de moderniser l'encadrement corporatif et opérationnel des assureurs du Québec tout en améliorant leur régime de surveillance et de contrôle, c'est-à-dire en accroissant les responsabilités des administrateurs et des vérificateurs des compagnies d'assurances et en remaniant les règles de divulgation des renseignements financiers aux actionnaires et aux membres. Toutes ces propositions ont été transposées dans la loi 112 adoptée en décembre 1990 par les membres de cette Assemblée. La loi 112 est un exemple de la volonté de notre gouvernement de tenir à jour sa législation sur les institutions financières.

Même si certains avaient décrié fortement certaines mesures du rapport quinquennal, allant même à s'opposer à la loi 112, les événements se sont chargés de leur démontrer que notre gouvernement avait vu juste. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Charlevoix. Nous allons maintenant poursuivre avec M. le député de Gouin.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, vous remarquerez, comme moi, qu'il n'y a eu aucune réponse aux 11 questions qui ont été soulevées.

J'aborderai maintenant un sujet qui nous semble intéressant, mais la ministre y a déjà répondu, a déjà soulevé le sujet, et j'espère qu'elle saura y revenir plus en détail, à savoir la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes, et permettez-moi aussi de souligner que la réponse de la ministre, tout à l'heure, aux questions se référait à la deuxième question que je posais tout à l'heure, au début de l'interpellation. Alors, je ne sais pas si la ministre est confuse dans ses notes, avec son armada de conseillers...

Le Président (M. Audet): M. le député, en vertu du règlement, vous n'avez pas - vous le savez très bien d'ailleurs - à suggérer quoi que ce soit. Alors, je vous invite à faire votre intervention.

M. Boisclair: D'aucune façon, je n'ai invoqué le règlement, mais je constate que j'ai posé des questions et que je n'ai pas de réponse, et les réponses qu'on m'a fournies font référence au début de l'interpellation.

Mais ceci étant dit, je veux revenir sur la SIAP. Je ne sais pas si la ministre va nous relire ses notes de tout à l'heure, mais une chose est claire, M. le Président. Depuis le début de l'interpellation, j'ai identifié des caractéristiques de la démarche québécoise en matière d'institutions financières. Le Québec a emprunté une voie originale, qui est celle du décloisonnement par filiale. Nous avons fait école, et le fédéral s'apprête à suivre le Québec. Comme je l'ai dit plus tôt, l'élargissement des pouvoirs accordés aux compagnies d'assurances devrait s'accompagner, à mon avis, de deux éléments: une surveillance accrue des autorités gouvernementales dans le cas qui nous préoccupe; on parle, bien sûr, de l'Inspecteur général des institutions financières et on voit, aujourd'hui, que l'Inspecteur réclame des pouvoirs accrus et des pouvoirs plus mordants au gouvernement. On réclame aussi un filet de sécurité à l'image de l'assurance-dépôts pour les compagnies d'assurances.

Dans ce dernier cas, le filet est apparu au début des années quatre-vingt-dix lorsque l'in- dustrie canadienne de l'assurance de personnes a annoncé la création de la Société d'indemnisation pour les assurances de personnes, que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de la SIAP. La ministre déléguée aux Finances s'est montrée enthousiaste par l'initiative de l'industrie. Dès l'été, elle concluait une entente avec la SIAP, laquelle entendait rendre obligatoire l'adhésion de toutes les compagnies d'assurance-vie désirant faire affaire au Québec. Cet engagement pour forcer l'adhésion à cet organisme canadien étonne de la part du gouvernement du Québec, d'autant qu'à l'image de son prédécesseur il ait défendu, jusque-là, l'autonomie du Québec. À quelque part, au ministère des Finances, quelqu'un s'est laissé éblouir par le mythe qu'il valait mieux s'associer à un grand ensemble. Ces gens doivent aujourd'hui déchanter. En effet, le dossier de la faillite des Coopérants a clairement montré l'inutilité pour le Québec d'adhérer à la SIAP. Alors que l'on pensait que notre participation allait réduire nos risques, puisque ceux-ci seraient partagés par tous les assureurs oeuvrant au Canada, on s'est rendu compte qu'il n'en était rien.

Ainsi, selon les règles de fonctionnement de la SIAP et qui ont été approuvées par la ministre déléguée aux Finances, la contribution des compagnies de chaque province au coût que représente la protection des assurés offerte par la SIAP est déterminée en fonction du pourcentage d'affaires que réalisait la société en faillite dans chaque province. Dans le cas des Coopérants, comme cette entreprise réalisait 95 % de ses affaires au Québec, 95 % des coûts encourus par la SIAP devront être déboursés par les compagnies oeuvrant au Québec. En somme, si nous avions possédé notre propre régie à nous, pas sur le modèle de la SIAP, mais bien une régie d'État, il n'en aurait pas coûté un sou de plus à nos compagnies. Mais il y a encore plus que ça, M. le Président.

À l'automne dernier, l'Inspecteur général, la SIAP, L'Industrielle-Alliance concluaient une entente qui permettait la poursuite des activités d'assurances des Coopérants. Selon tous les renseignements dont nous disposons et dont la plupart proviennent du ministère des Finances et de l'Inspecteur général, il s'agissait - de loin -de la solution la plus économique. Or, le 30 décembre 1991, la SIAP se retirait unilatéralement. La liquidation des Coopérants était alors retenue. Selon nos informations - et je le disais tout à l'heure - cette solution coûtera aux compagnies québécoises plus de 100 000 000 $. Ce sont nos compagnies qui font affaire au Québec qui devront, seules, supporter ce coût imposé par la SIAP. Là, notre participation à l'organisme pancanadien est non seulement inutile, elle est coûteuse et va contre nos intérêts.

Les conséquences de cette situation sont considérables. Les équilibres financiers des compagnies oeuvrant au Québec seront affectés.

Ceci affectera aussi vraisemblablement les primes exigées par ces compagnies aux assurés québécois. Cela affectera, bien sûr, la compétitivité de nos compagnies. À la lumière de ces faits, l'Opposition officielle réclame la création d'une régie d'indemnisation des assureurs de personnes entièrement québécoise. En effet, nous souscrivons à un principe d'une telle protection pour les assurés, mais, à la différence de la SIAP, cette régie serait entièrement contrôlée par le gouvernement. Nos intérêts, seront donc «priori-sés» contrairement à ce que nous voyons aujourd'hui.

M. le Président, je tiens à souligner que nous ne sommes pas les seuls à opter pour cette solution. Le milieu de l'assurance-vie. Pierre Fortier, président de La Financière, le disait et le rappelait. L'Inspecteur général aussi en arrive bientôt à ces conclusions-là. Il faut comprendre que cette solution serait sans doute bien meilleure pour l'industrie québécoise. En effet, même l'Inspecteur déclarait qu'il n'écartait pas - et la ministre aussi - l'idée de la création d'une SIAP québécoise.

M. le Président, demandons donc à la . ministre - et j'espère qu'elle ne reprendra pas ses notes, qu'elle pourra répondre aux questions - si l'Inspecteur général lui a fait des recommandations au sujet d'une régie québécoise d'indemnisation. Si oui, est-ce qu'elle peut nous indiquer la nature de ces recommandations et peut-elle nous informer du coût estimatif qu'auront à supporter les assureurs québécois qui font affaire au Québec?

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député. Mme la ministre, en guise dé réplique.

Mme Louise Robic

Mme Robic: M. le Président, le député de Gouin admet que je réponds à ses questions et n'admet pas que je les devance, cependant. Je traite ici de l'industrie de l'assurance au Québec. Si le député de Gouin m'a amenée ici sous une fausse représentation, pour faire le post mortem des Coopérants, c'est son affaire. Mais je vais traiter ici de l'industrie de l'assurance au Québec en général. Et vous n'avez, M. le député de Gouin, qu'à réorganiser vos notes suivant mes présentations.

M. le Président, la publication...

M. Boisclair: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Audet):...

M. Boisclair: Qui interpelle? Si la ministre veut venir dans l'Opposition, qu'on déclenche des élections. Mais, à ce que sache, c'est moi qui interpelle et c'est la ministre qui répond aux questions. Si elle veut m'interpeller, il faudrait qu'elle soit dans l'Opposition. C'est moi qui pose les questions et c'est elle qui y répond.

Le Président (M. Audet): M. le député, je demanderais, de part et d'autre, à être prudent là-dedans. En vertu du règlement, je vous ai dit que, j'ai souligné ça tantôt, on ne peut pas... Vous pouvez poser des questions. Les députés ou le ministre ont entière liberté d'y répondre ou de ne pas y répondre. En vertu de l'interpellation, vous avez entièrement raison. C'est vous qui avez demandé l'interpellation.

M. Boisclair: Merci.

Le Président (M. Audet): Alors, vous avez toute la latitude et le droit de poser les questions que vous voulez.

M. Boisclair: C'est ça, elle ne répond pas. (11 h 30)

Le Président (M. Audet): ...mais ça n'oblige pas qui que ce soit de l'autre côté à répondre, dans la mesure où vous le souhaitez, à vos questions.

M. Boisclair: Elle ne répond pas.

Le Président (M. Audet): Mme le ministre, vous pouvez poursuivre votre intervention.

Mme Robic: Merci, M. le Président. La publication, ce matin, d'un cahier spécial sur les assurances dans Le Devoir apporte une contribution additionnelle et appréciée sur cette industrie fondamentale pour l'économie du Québec. Force est de constater le sérieux de l'analyse qui sous-tend cette question malgré des divergences de points de vue qui apportent un éclairage additionnel aux réflexions en cours, qui déboucheront sans aucun doute sur des lignes de force nouvelles qui consolideront le leadership de l'industrie de l'assurance au Québec.

Parmi ces outils de réflexion, j'ai mis sur pied récemment un groupe de travail sur le financement des compagnies d'assurance-vie en collaboration avec le ministère des Finances. Il s'agit là d'une démarche volontaire, bénévole et enthousiaste de leaders dans leurs sphères respectives du domaine de l'assurance de personnes.

La seule ombre au tableau? Un communiqué méprisant de la part du critique de l'Opposition qui n'a manifestement pas un grand respect pour cette participation active de forces vives de l'industrie à la recherche de pistes positives et de solutions concrètes. Le député de Gouin préfère alimenter son mélodrame en prétendant faussement, à plus d'une reprise, que les assurés, dans le cas des Coopérants, ne seraient pas couverts à 100 %, encore récemment, en prétendant que les REER ne sont pas couverts.

Voilà la meilleure façon d'inquiéter des clientèles captives et de faire la promotion contre l'industrie de l'assurance au Québec. Je le répète, les assurés sont protégés à 100 %. Son absence, d'ailleurs fort remarquée, dans le cahier du Devoir de ce matin témoigne de son peu d'intérêt pour les discussions sérieuses. Il n'y avait, en effet, pas de section «spectacle» dans ce cahier.

M. le Président, les différents exercices de réflexion qui se font actuellement dans l'industrie, chez l'Inspecteur général des institutions financières, au ministère des Finances et dans le public consommateur seront porteurs de fruits qui, comme on le mentionnait dans le discours inaugural, permettront au gouvernement de prendre toutes les mesures pour maintenir le leadership dans le développement des institutions financières en donnant priorité à la sécurité des épargnes du public. Mettant à profit le bilan des dernières années, le gouvernement soumettra à l'Assemblée nationale un document majeur qui amorcera le début d'un nouveau cycle de développement de l'industrie des services financiers.

M. le Président, je terminerai en vous demandant de bien vouloir donner la parole à mon collègue, le député de Montmagny-L'Islet, qui fera un exposé sur le rôle, justement, de l'Inspecteur général des institutions financières.

Le Président (M. Audet): M. le député de Montmagny-L'Islet, vous avez la parole.

M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Comme le mentionnait ma collègue, nous allons aborder maintenant le rôle de l'Inspecteur général des institutions financières. Évidemment, de ce côté-ci, les réponses sont surtout en vue d'informer la population et non de traiter à partir de rumeurs. Évidemment, nos réponses ne sont pas nécessairement coordonnées avec les notes du député de Gouin qui, comme il le mentionnait, avait le rôle de questionner Mme la ministre.

Comme vous le savez, depuis 1983, l'IGIF est un organisme chargé de la surveillance et du contrôle des institutions financières exerçant au Québec et des intermédiaires de marché. En vertu de sa loi constituante, l'IGIF a le devoir de protéger les épargnes du public et de favoriser le développement harmonieux de nos institutions financières. Pour ce faire, il surveille et contrôle les intermédiaires de marché et financiers et conseille le gouvernement en matière législative réglementaire. Les pouvoirs et les devoirs de l'IGIF ont été, depuis sa création, considérablement augmentés par le biais des lois sectorielles.

M. le Président, j'aimerais faire remarquer aux membres de cette Assemblée que plus de 40 lois font appel aux compétences de l'IGIF. Le phénomène du décloisonnement des institutions financières, que le Québec a été le premier à vivre au Canada, est venu accorder encore plus d'importance à son rôle de surveillance. De nouvelles législations ont permis aux compagnies d'assurances, aux sociétés de fiducie, aux sociétés d'épargne, aux caisses d'épargne et dé crédit ainsi qu'aux intermédiaires de marché de moderniser le cadre d'exploitation et d'élargir leur champ d'activité. Le rôle de l'IGIF a donc été adapté à cet effet.

L'IGIF est également chargé du rôle de conseil auprès de la ministre déléguée aux Finances, puisqu'il doit donner son avis concernant les lois dont l'administration lui est confiée ou en vertu desquelles des fonctions ou pouvoirs lui sont attribués. Cette fonction-conseil fait donc appel à son expertise et s'inscrit dans le cadre d'une politique préventive de protection de l'épargne. Afin de l'assister dans son travail, l'IGIF s'est entouré de surintendants, un pour le secteur des assurances, un pour le secteur des institutions de dépôt et un pour le secteur des intermédiaires de marché.

Ce sont eux qui contrôlent et surveillent leurs clientèles spécifiques. Le Surintendant des assurances, qui a près de 70 employés sous sa direction, émet les permis, reçoit les états financiers des assureurs, effectue annuellement une analyse financière sommaire pour tous les titulaires de permis exerçant au Québec, sans oublier les inspections sur place effectuées périodiquement auprès des institutions à charte québécoise.

Le Surintendant des intermédiaires de marché a pour mandat d'assurer la surveillance des intermédiaires, mais aussi celle des organismes d'autoréglementation créés par la loi 134, c'est-à-dire le Conseil des assurances de dommages, le Conseil des assurances de personnes, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec et l'Institut québécois de planification financière. Un service de plaintes et renseignements concernant toute question reliée aux assurances est opérationnelle sous sa direction. L'émission des certificats, la surveillance des cabinets multidisciplinaires et des planificateurs font partie du quotidien du personnel de ce Surintendant.

L'IGIF, faut-il le rappeler, est chargé de la surveillance de tous les secteurs financiers au Québec, sauf les banques qui relèvent du gouvernement fédéral. Aussi, aucune institution financière ne peut exercer ses activités au Québec sans un permis émis par l'IGIF. Outre les 1400 permis en vigueur au Québec pour les institutions de dépôt, l'IGIF a délivré quelque 435 permis d'assureur et plus de 6100 certificats d'intermédiaire de marché, principalement des agents d'assurances de dommages et des experts en sinistres.

Plusieurs publications annuelles émanant de l'IGIF permettent d'informer le plus adéquate-

ment possible, et dans un délai relativement restreint, les divers intervenants du milieu des assurances et les citoyens sur l'état des affaires de tous les assureurs et sur les tendances générales du marché.

Conclusion, M. le Président. Avec des responsabilités de près de 65 000 000 000 $ d'actif, une action couvrant le domaine des assurances, des intermédiaires de marché, des institutions de dépôt des entreprises, on peut constater qu'il a un rôle majeur au sein des institutions financières. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Montmagny. Alors, M. le député de Gouin, vous avez cinq minutes.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. J'aimerais, pour cette dernière intervention de cinq minutes, avant la conclusion - puisque, encore une fois, nous restons sur notre appétit, non pas qu'on ait voulu cacher des choses ou mettre de côté un certain nombre de sujets, mais bien plutôt parce qu'on voulait faire d'une façon très ouverte et poser un certain nombre de questions - revenir sur la SIAP.

La ministre nous annonçait un certain nombre de choses tout à l'heure, mais n'est jamais revenue sur la pertinence de créer chez nous, au Québec, une régie québécoise d'indemnisation des compagnies d'assurances de personnes sur le modèle de l'assurance-dépôts et certainement pas pour reprendre cette même formule qu'a préconisée la SIAP.

La ministre a souvent fait référence aux REER, tout à l'heure. Je conçois, tout à fait comme elle, que tous les détenteurs de REER seront protégés. Nous le répétons, nous nous entendons là-dessus, et on s'entend depuis longtemps. Cependant, M. le Président, il n'y a personne qui va m'empêcher de poser des questions. Effectivement, en cette Chambre, j'ai demandé à la ministre si elle pouvait nous donner l'assurance que tous les détenteurs de REER allaient être protégés. Elle m'a répondu que oui. Tant mieux si c'est le cas, et c'est dans le meilleur intérêt des Québécois et Québécoises.

Cependant, là où la ministre reste toujours muette - et j'aimerais, M. le Président, revenir à un document de base, qui est le dépliant que fournit la SIAP à ceux et celles qui veulent avoir plus d'information sur cette société. On nous dit de façon très claire que les régimes collectifs de rentes des employeurs, des syndicats ou des associations ne sont pas couverts. On nous dit aussi, plus loin, dans ce même dépliant, que de nombreux autres contrats collectifs de rentes n'engagent l'assureur qu'envers l'employeur, le syndicat ou l'association pour l'administration du régime ou le placement de fonds.

Ces contrats ne sont pas couverts par la SIAP.

Je ne cite pas des propos de l'Opposition. Je cite le dépliant que la SIAP remet aux consommateurs qui veulent s'enquérir des pouvoirs et responsabilités de cette société. On sait qu'à l'heure actuelle, aux Coopérants, M. le Président, il y a environ 12 contrats d'administration de dépôts faits dans des caisses de retraite qui représentent des sommes - environ -de l'ordre de 18 000 000 $. La ministre ne nous a toujours pas donné d'indication, l'heure juste sur la façon dont ces contrats d'administration de dépôts allaient être traités dans la liquidation. On parle d'une somme, M. le Président, de l'ordre de 18 000 000 $, ce qui n'est certes pas négligeable. La ministre doit profiter de cette occasion pour donner une réponse à cette question. (11 h 40)

De façon plus générale, M. le Président, si on revient à la SIAP, la prétention de l'Opposition est à l'effet que si nous avions eu notre propre régie québécoise d'indemnisation des compagnies d'assurances de personnes, jamais, au grand jamais, la liquidation des Coopérants ne serait arrivée parce que, rapidement, elle aurait pu, de la même façon que la SIAP l'a fait avec L'Industrielle-Alliance et avec Les Coopérants, prendre cette même responsabilité et devenir le troisième bailleur de fonds pour permettre aux Coopérants de faire une liquidation, peut-être ordonnée, mais non pas une liquidation au sens de la loi.

Les conséquences sont graves, M. le Président, pour l'industrie. On parle de coûts de liquidation supplémentaires de plus de 100 000 000 $. Pas un seul instant, la ministre ne nous a fait part des conséquences de ces frais supplémentaires pour l'industrie, des répercussions pour les assurés, de la façon dont ces coûts supplémentaires se traduiront dans les primes. M. le Président, il faut faire rapidement cette réflexion. L'industrie la réclame, cette régie québécoise d'indemnisation. Pierre Fortier s'en fait le grand défenseur, dans un article de journal qui a été porté à l'attention de la ministre. Tout le monde conclut à l'échec de cette régie d'indemnisation.

À quoi bon, M. le Président, faire partie d'un grand ensemble s'il n'est pas capable de répondre à nos propres besoins ici? C'était leurrer la population, M. le Président, que de croire qu'en laissant dans les mains de l'industrie cette responsabilité, la protection des assurés était bien garantie.

N'est-il par vrai, Mme la ministre, que le président de la SIAP, M. Morson, est un ancient président de compagnie d'assurances qui, aujourd'hui même, fait de la consultation auprès de ces compagnies. Comme consultant de ces compagnies, lui-même comme président de la SIAP, a dû envoyer des factures à l'ensemble des compagnies d'assurances de personnes, membres de la

SIAP. Voyez-vous le beau conflit d'intérêts dans lequel il se trouvait alors qu'à un moment où il conseillait, offrait ses services contre rémunération aux compagnies d'assurances, d'un autre côté il était obligé - parce qu'il est président de la SIAP - d'envoyer des factures à l'ensemble de ses clients? Vous aurez vite compris, M. le Président, le conflit d'intérêts dans lequel il se trouvait. Si la ministre veut vraiment parler haut et fort de la protection des assurés du Québec, elle aura le courage, comme son prédécesseur l'a fait, de proposer la création d'une régie québécoise d'indemnisation des assureurs de personnes.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Gouin. Alors, en conclusion, Mme la ministre, vous avez 10 minutes.

Conclusions Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. M. le Président, au cours des deux dernières décennies, le contexte économique et financier caractérisé par des taux d'inflation élevés et par des fortes variations des taux d'intérêt a été défavorable à l'industrie de l'assurance. La décennie actuelle semble beaucoup plus prometteuse pour ce secteur d'activité.

Au cours des années quatre-vingt-dix, la stabilisation à la baisse du taux d'inflation et l'essoufflement de l'État-providence devraient être favorables à l'industrie de l'assurance. M. le Président, l'industrie de l'assurance de personnes est une industrie dont l'action se situe à moyen et à long terme. Son but est la préservation du niveau de vie des Individus. Outre les accidents ou les maladies, les événements qui conditionnent son cycle d'activité sont le décès de ses détenteurs de police ou l'arrivée à l'âge de la retraite des détenteurs de contrats de rente. En corollaire, les actifs qui répondent de ces engagements favorisent les échéances à long terme. C'est donc une industrie qui recherche la stabilité. Or, on constate que l'inflation s'est stabilisée à la baisse. En fait, nous connaissons, en ce moment, le plus faible taux d'inflation depuis des décennies. Les taux d'intérêt ont suivi la même tendance, à la baisse, bien qu'en termes réels Ils demeurent encore relativement élevés compte tenu du faible niveau d'activité économique que nous connaissons, en ce moment, et compte tenu que le Canada a l'un des taux d'Inflation parmi les plus bas de tous les pays industrialisés. Il y a là réunies les conditions nécessaires à l'obtention de la stabilité recherchée par l'industrie de l'assurance, soit un faible taux d'inflation couplé à des taux d'intérêt stables. Déjà, nous voyons réapparaître des hypothèques dont l'échéance excède cinq ans. Nous avons également assisté à un raffermissement du marché des obligations. L'industrie de l'assurance devrait donc bénéficier de cette consolidation du marché à long terme et de la revalorisation du rôle des assureurs de personnes comme intermédiaires financiers.

Tel que le premier ministre l'a souligné dans le discours d'ouverture de cette deuxième session, dans le domaine des finances publiques comme dans le domaine de l'économie, nous vivons dans une autre époque. L'État-providence manque de souffle. Au cours des dernières décennies, l'implication de l'État dans le domaine de l'assurance-maladie, de l'assurance automobile, des rentes, des programmes d'aide sociale, de stabilisation des revenus dans le secteur agricole, d'indemnisation des victimes d'actes criminels ou d'accidents de travail, l'aide aussi que l'État apporte dans les cas de catastrophes naturelles et bien d'autres programmes, tout cela a nécessité des ajustements de la part des assureurs et a pu faire croire que l'assurance privée n'avait plus de rôle, n'avait plus sa place dans notre société. Il n'en est rien, et les années à venir devraient contribuer à modifier cette croyance.

Au cours de la prochaine décennie, l'initiative devrait venir du secteur privé. Les occasions de marché sont là. Déjà, nous voyons apparaître de nouvelles protections en matière de frais juridiques, par exemple. Des enjeux importants guettent toutefois les assureurs. Au Québec, nous n'avons pas et, pour cause, imposé un modèle unique de propriété pour nos institutions financières. Nous croyons à la libre entreprise et à l'initiative du secteur privé. Dans le secteur de l'assurance, nous retrouvons autant des mutuelles que des compagnies à capital-actions. Ces deux types d'entreprise n'ont pas un même accès au capital. Pour pallier cet état de fait, certaines mutuelles se sont scindées en deux entités juridiques, soit une compagnie à capital-actions détenue majoritairement par une corporation mutuelle de gestion, permettant ainsi la participation d'actionnaires minoritaires.

Nous sommes conscients qu'il reste des solutions à trouver et qu'il s'agit là d'un enjeu important pour la mutualité. Déjà, l'industrie et le gouvernement travaillent à sa résolution. Des efforts devront encore y être consacrés, et j'ai confiance que nous trouverons ensemble une solution satisfaisante pour tous. Nous retrouvons également, sur le marché, des compagnies d'assurances à la tête ou affiliées à des conglomérats financiers côtoyant des entreprises fonctionnant sur une base individuelle. Certains privilégient l'approche-réseau en réponse à des besoins de masse et, d'autres, une approche individuelle, axée sur la spécialisation, en réponse à des besoins spécifiques. Il n'y a pas de modèle unique, mais la règle penche davantage en faveur du regroupement, tant au niveau de la propriété que de l'offre de service. Les compagnies d'assurances sont fortement sollicitées par ce modèle de développement qui allie, entre autres, l'assurance à l'activité bancaire et qui

commence à être connu sous le vocable de la banque-assurance. les assureurs devront s'y faire une place de premier plan s'ils ne veulent pas se voir relégués au rang de sous-traitants. ce modèle de développement permet l'apparition d'économies d'échelle et de diversifications liées au phénomène de synergie. ce modèle pose aussi des enjeux particuliers en termes de risques. on fait face à un risque systémique. en l'absence de blocages adéquats permettant de circonscrire les déboires d'une société affiliée, l'ensemble du conglomérat devient vulnérable. c'est un problème qui questionne nos moyens de contrôle et de surveillance.

Nos institutions oeuvrent également dans un marché où les règles sont en mutation. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral vient d'adopter des législations qui ouvrent aux institutions financières fédérales, et particulièrement aux banques, de véritables possibilités de se décloisonner et de se structurer par voie d'acquisition ou de création de nouvelles entreprises en de vastes organisations susceptibles de concurrencer fortement nos institutions.

Au niveau international, M. le Président, les négociations commerciales multilatérales en cours, le possible libre-échange nord-américain tripartite, la constitution du marché unique européen et les exigences de réciprocité auxquelles devront se soumettre les adhérents étrangers - donc, nos institutions - et les répercussions que ces règles auront sur notre marché ne pourront conduire qu'à un marché global plus ouvert, plus concurrentiel.

Les expériences des dernières années vécues par les grandes compagnies multinationales d'assurances ont démontré qu'il n'est pas rentable d'essayer de pénétrer les marchés étrangers où elles ne jouissent pas d'avantages comparatifs pour concurrencer les compagnies locales au moindre coût d'opération. La tendance s'exprimera davantage par l'émergence d'alliances avec des entreprises étrangères, comme le font déjà plusieurs compagnies québécoises, avec des compagnies françaises notamment.

Les impératifs internationaux de concurrence et de contrôle nous obligent également à rechercher une plus grande harmonisation de nos lois avec celles de nos principaux concurrents dans ce vaste marché global de l'assurance. Des travaux sont en cours sur la capitalisation et l'harmonisation des normes avec le gouvernement fédéral, les provinces et l'industrie. C'est un dossier complexe, et nous devons rechercher la cohérence et la préservation de nos différends et de nos acquis. Au cours des huit dernières années, les assureurs à chatte du Québec n'ont cessé d'accroître leur part de marché, mais il y a encore de la place pour la croissance de nos institutions, et les gains de parts de marché exigeront innovation, savoir-faire et productivité. Ce sont des défis qui ont su être relevés par le passé et qui continueront à s'imposer à nos institutions.

M. le Président, il est généralement reconnu que plus un pays est industrialisé ou développé, plus le secteur de l'assurance représente un élément important de l'activité économique, cela se manifestant par la création d'emplois, la mise en place de nouveaux types de protection et le développement d'une expertise... que par la canalisation d'importants capitaux susceptibles de servir à l'expansion économique du milieu. (11 h 50)

Au Québec, l'industrie de l'assurance, c'est plus de 9 000 000 000 $, dont le tiers est souscrit par des assureurs à charte du Québec, lesquels concentrent une grande majorité de leurs investissements en prêts et placements au Québec. Ce sont aussi des sièges sociaux générateurs d'emplois spécialisés et bien rémunérés. C'est aussi une industrie qualifiée de structurante et un acteur important dans une politique de développement ou de relance économique axée sur la concertation.

M. le Président, le développement, la croissance et la maîtrise de leurs institutions financières sont toujours apparus comme des priorités pour les Québécois qui veulent assurer l'évolution harmonieuse de leur économie et de leur société en mettant les épargnes du public au service de la consommation et de l'investissement. Ce postulat ne nie pas la nécessité de protéger les épargnants cependant. Au contraire, la confiance de ces derniers en leurs institutions financières est le gage de réussite de celles-ci.

Le gouvernement du Québec s'est attelé à cette double tâche de développement des institutions et de protection des épargnants dont les objectifs sont beaucoup plus complémentaires que contradictoires. Le défi auquel est perpétuellement confronté le législateur est de poursuivre l'atteinte de ces objectifs dans la tourmente des transformations qui touchent le secteur de l'économie, tels la globalisation des marchés, l'avènement de nouvelles technologies, de nouveaux produits et les changements socio-économiques qui affectent la clientèle. Cet objectif, M. le Président, de développement de notre secteur financier a toujours été vu comme un des éléments d'une politique préventive en matière de protection de l'épargne. Cette politique de développement s'est par ailleurs toujours accompagnée de mesures de protection. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, Mme la ministre. M. le député de Gouin, en conclusion. Vous avez 10 minutes.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, comment conclure? Nous venons d'assister à un exercice certainement ridicule, ce matin, puisque, d'aucune façon, l'Opposition, sur quelque question que

nous ayons pu adresser, a une réponse. Je me mets à la place de ceux et celles qui nous ont écoutés, qui ont suivi attentivement nos débats et qui ont sans doute senti le même besoin que nous d'interpeller la ministre sur des questions, des enjeux qui, maintenant, concernent l'industrie; ils doivent bien se demander pourquoi ils ont écouté, pourquoi ils ont assisté à ce débat.

M. le Président, c'est de bonne foi - nous l'avons souligné parce que nous voulions avoir toute la marge de manoeuvre nécessaire - que nous avons choisi d'interpeller effectivement la ministre sur un thème large, qui était celui de l'industrie de l'assurance de personnes au Québec. Nous ne voulions pas que, justement, la ministre se réfugie derrière la règle de la pertinence pour ne pas répondre à nos questions. Nous voulions être bien sûrs que la ministre puisse, en toute conformité avec notre règlement, répondre aux questions de l'Opposition.

M. le Président, s'il faut que la ministre ait des notes pour répondre à nos questions, je me demande bien ce que ça a dû être pendant les négociations sur le dossier des Coopérants avec les différents partenaires. J'imagine la ministre incapable de répondre si quelqu'un ne lui présentait pas un petit bout de papier sur lequel la réponse était écrite.

Cette façon de faire doit cesser. C'est une insulte au processus parlementaire. C'est l'Opposition qui a cette responsabilité de poser des questions. C'est le seul pouvoir que nous ayons. Quelqu'un qui, comme la ministre, depuis plus longtemps que moi, siège dans cette Assemblée, devrait savoir et devrait, à tout le moins, respecter l'esprit du règlement et répondre de façon correcte aux questions qui ont été adressées.

Les questions, M. le Président, ce sont des questions que bien des gens se posent. D'aucune façon, je ne voudrais avoir la prétention de dire qu'on a abordé l'ensemble des enjeux qui, actuellement, interpellent l'industrie de l'assurance de personnes, mais, certainement, ce sont celles qui, aujourd'hui, sont criantes par leur actualité.

M. le Président, je voudrais rappeler les propos de la ministre qui, le 12 mars dernier, nous disait, et je cite: «II convient de souligner, et de façon très claire, qu'il n'existe actuellement ni difficulté réelle, ni problème de sous-capitalisation de nos compagnies mutuelles d'assurances de personnes québécoises. Elles sont, en effet, toutes des institutions solides», nous disait-elle, le 12 mars. Pourtant, à ce même moment, l'Inspecteur général préparait un plan de redressement pour sortir Les Coopérants d'une situation qui les a menés là où vous le savez. C'est donc dire, M. le Président, toute la crédibilité qu'il faut accorder aux propos de la ministre.

Notre objectif, aujourd'hui, était de voir clairement le problème, de l'identifier, de tenter d'y apporter des solutions, et de permettre à la ministre qui, sans doute, passe plus de temps dans son bureau, passe plus de temps entre quatre murs, lui donner l'occasion, peut-être, d'exprimer des idées, des opinions, une vision. Nous l'avons interpellée pourtant sur des sujets très larges, pas uniquement sur la question des Coopérants. Nous l'avons interpellée sur l'environnement économique, sur la concurrence internationale, sur les enjeux, bien sûr, qui confrontent notre industrie. Aucune réponse, M. le Président. Sur la situation de l'industrie de l'assurance-vie, ah! on a eu quelques réponses. C'est à peu près le seul thème qui a retenu l'attention de la ministre, sauf que les réponses sont venues lorsqu'on lui parlait de la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes. C'est quand même assez étrange. Avec son armada de conseillers, elle aurait bien pu, au moins, mettre ses réponses dans le bon ordre. Mais non, M. le Président. On l'a Interpellée aussi sur le problème des Coopérants qui, certainement, est un élément Important de la conjoncture actuelle, qui remet bien des choses en question. Nous l'avons interpellée sur la possibilité de la création d'une régie québécoise d'indemnisation des assureurs de personnes. Elle-même, sur le bout des lèvres, nous rapportait un article du Devoir, envisageait cette possibilité. Cependant, elle reste muette, M. le Président.

Je dois rappeler que si le ministre de l'Industrie et du Commerce a eu, lui, l'initiative d'assurer le sauvetage de Lavalin, la ministre déléguée aux Finances a, elle, regardé le train passer dans le dossier du naufrage de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le «naufrage des Coopérants». Avec un peu d'imagination, avec un peu de savoir-faire, nous aurions pu l'éviter. Une des clefs de la solution, c'était une régie québécoise d'indemnisation des assureurs de personnes. Dès le 19 décembre dernier, elle savait, elle savait que la SIAP n'avait pas l'intention de signer la transaction avec L'Industrielle-Alliance.

M. le Président, la formule de l'interpellation donne souvent lieu, mais dans une certaine mesure, à un dialogue de sourds. Aujourd'hui, dans cette forme et dans ce genre, nous avons certainement atteint un sommet inégalé. La formule de l'interpellation comporte, certes, quelques limites, mais la population - l'industrie aussi - est en droit de s'attendre à un certain échange entre l'Opposition et la ministre. La ministre a préféré lire ses notes comme si une question ne lui avait pas été posée, répétant parfois les propos que je venais de tenir, discutant à un autre moment de sujets qui ne faisaient même pas l'objet de questions.

M. le Président, la ministre a essentiellement choisi de regarder en arrière, de regarder dans le rétroviseur plutôt que de parler de l'avenir et du futur. Nous aurons beau réciter le bréviaire sur l'internationalisation des marchés,

sur la concurrence accrue. Oui, nous y sommes et, oui, effectivement, se sont des défis qui interpellent particulièrement notre industrie. Mais ça ne règle pas la situation de nos compagnies à l'heure actuelle. Ça ne règle pas le problème de financement des compagnies mutuelles d'assurances sur lequel ce gouvernement se penche depuis plus deux ans, sans apporter aucune proposition concrète.

Ça ne règle pas la question de la protection des assurés. Ça ne règle pas non plus la question de l'Inspecteur général qui voudrait avoir des pouvoirs accrus. Lui-même nous le dit. La ministre est restée siliencieuse sur tous ces sujets. Elle a donc choisi de regarder dans le rétroviseur. S'il est peut-être parfois intéressant de regarder dans le passé pour identifier certains problèmes, il faut aussi constater les succès et les erreurs, et tirer des conclusions. Il faut regarder de l'avant si on veut prendre le virage qui se présente.

M. le Président, l'Opposition ne vous surprendra certainement pas si elle vous dit qu'elle est inquiète devant l'attitude de la ministre, de ses collègues, devant le vide qui, pendant deux heures, a été étalé au grand public. Si l'Opposition est inquiète, je crois sincèrement que l'industrie doit aussi être très inquiète. Il s'agit de rencontrer les différents partenaires dans le privé pour voir ce qu'ils nous disent de la qualité des interventions de la ministre.

Suite au dépôt des crédits, c'est l'éditorialiste du journal Le Soleil, M. Giroux, qui demandait: Où est le leadership? Je peux lui répondre qu'il n'est certainement pas en face de moi. M. le Président, j'ai interpellé la ministre déléguée aux Finances, parce que après huit ans de décloisonnement, devant une baisse de confiance du public qui n'est pas étrangère à l'échec des Coopérants, devant la concurrence encore plus importante qui nous confronte, devant la concurrence internationale, devant la concurrence nationale, notre industrie doit être capable d'offrir des services qui vont lui permettre et qui vont surtout permettre à l'économie du Québec de prospérer. (12 heures)

M. le Président, cette restructuration, elle est nécessaire. Mais de quelle façon allons-nous l'opérer? Allons-nous nous fier à un système à deux piliers, comme certains voudraient le faire, où les banques joueront un rôle déterminant et, d'un autre côté, on aura peut-être les compagnies d'assurances de personnes qui, elles aussi, pourraient jouer un rôle déterminant ou, plutôt, sera-t-il un système à un pilier?

Quelle est la position de la ministre? C'est la première question qu'on lui demandait. Quelle est sa vision, dans 5 ou dans 10 ans, de l'industrie de l'assurance des personnes? La ministre n'a pas été capable de sortir de ses notes et de nous faire part du fond de sa pensée. C'est quand même assez déconcertant, M. le Président, qu'il faille des bouts de papier pour répondre à des questions.

M. le Président, le Québec doit rapidement consolider sa position, son leadership, consolider aussi la sécurité de l'épargne. Si, après huit ans de décloisonnement, il y a des rajustements à faire, qu'on le dise, mais ce n'est certes pas, M. le Président, en niant les problèmes criants qui, aujourd'hui, nous interpellent, qui, aujourd'hui, font que bien des gens se posent des questions, que, aujourd'hui, nos concurrents font de la démagogie à l'égard des compagnies d'assurances du Québec... Vous savez, comme moi, Mme la ministre, qu'il y a à peu près 1000 polices par semaine qui quittent Les Coopérants pour s'en aller ailleurs, dans d'autres compagnies. Ça, c'est 200 par soir, 200 polices par soir. La ministre aura bien beau me dire que c'est L'Industrielle-Alliance, mais ce n'est pas ça, M. le Président, que je voulais soulever. Le respect des règles de déontologie. L'Inspecteur général des institutions financières lui-même s'est senti dans le besoin d'écrire à l'ensemble des compagnies à charte québécoise pour leur rappeler les prescriptions de nos règlements quant au transfert de polices.

Or, M. le Président, je voulais soulever cette question particulière, mais elle est certainement déterminante et importante: 100 000 000 $ de plus, aussi, la liquidation des Coopérants. Ce ne sont pas des sommes négligeables. Ça interpelle une réponse quelconque, ça demande une réponse, M. le Président. Mais non. Comment va-t-on finalement réagir? Quelles sont les conséquences, à long terme, M. le Président, de cette restructuration de l'industrie?

M. le Président, qu'est-ce que vous voulez? Ce n'est pas moi qui peux répondre aux questions, c'est encore la ministre qui est au gouvernement et qui a cette responsabilité-là. Elle n'a certainement pas pris ses responsabilités, encore une fois, et je dois vous dire, M. le Président, que ce n'est certainement pas grandi que je sortirai de cet exercice. On avait fait exprès, on voulait un thème large pour pouvoir faire un débat de fond, mais la ministre a préféré s'en tenir à ses notes. J'imagine ce que ça doit être quand il s'agit de négocier l'avenir de nos compagnies québécoises, M. le Président.

Le Président (M. Audet): Merci, M. le député de Gouin. Ça termine nos travaux pour ce matin. La commission du budget et de l'administration a accompli son mandat, en vertu de l'interpellation que nous avions. Alors, je veux remercier les membres de la commission, Mme la ministre, M. le député de Gouin, MM. les députés de Montmagny-L'Islet et de Charlevoix.

Sur ce, je vous souhaite une agréable fin de semaine et j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 12 h 4)

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