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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 3 février 1993 - Vol. 32 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le financement des services publics au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! Auriez-vous l'amabilité de fermer la porte arrière. À l'ordre! Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir prendre place.

La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une consultation générale et des auditions publiques sur le financement des services publics.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lazure (La Prairie) est remplacé par M. Beaulne (Bertrand).

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que les membres de cette commission ont pris connaissance de l'ordre du jour? L'ordre du jour est adopté? Adopté. Merci.

Nous allons maintenant entendre le Conseil du patronat. J'aimerais vous informer que la durée de l'audition est d'une période d'une heure, dont 20 minutes seront consacrées à l'exposé de votre mémoire. Suivra une période de 40 minutes d'échanges avec les membres de la commission, et je demande au représentant de l'organisme - comme c'est le cas, ils ont pris place à la table des témoins - au porte-parole de l'organisme, s'il le veut, de bien vouloir s'identifier et d'identifier les membres qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Je vous présente donc mes collègues: à ma gauche, M. Marc Leduc, fiscaliste et président sortant du Bureau de commerce de Montréal; M. Guy Laflamme, président des Industries de la Rive Sud et président du conseil d'administration du Conseil du patronat; à ma toute droite, M. Jacques Garon, directeur de la recherche socio-économique au Conseil du patronat; et M. Denis Girard, fiscaliste chez Laliberté, Lanctôt, Coopers & Lybrand. Ghislain Dufour, président du Conseil.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous sommes prêts, M. Dufour, à vous écouter avec intérêt.

M. Dufour: M. le Président, le Conseil du patronat est heureux de répondre à l'invitation du gouvernement du Québec qui entreprend une analyse du coût des services publics au Québec et de leur financement. Les dépenses et les besoins financiers du gouvernement, la fiscalité, le déficit, la dette publique figurent non seulement parmi les principales préoccupations des entreprises québécoises, mais également parmi celles de la population en général. À cet égard, d'ailleurs, nous pensons que les particuliers et les entreprises sont porteurs d'un message identique. Le fardeau fiscal actuel est lourd à porter, et toute augmentation des impôts directs ou indirects serait très contraignante, compte tenu de l'essor de l'économie souterraine et de la contrebande, par exemple, de cigarettes et d'alcool, entre autres, symptomatiques d'une économie surtaxée.

Le Québec est donc à la croisée des chemins. Des choix difficiles doivent être faits maintenant pour permettre aux Québécois de vivre selon leurs moyens et de cesser d'hypothéquer davantage l'avenir des prochaines générations.

Nos commentaires, ce matin, suivront le schéma suggéré par la commission et non, malheureusement, le document de consultation gouvernementale qu'on a reçu le jour où on devait déposer nos mémoires. Donc, nos commentaires porteront successivement sur l'évolution des dépenses gouvernementales, sur la fiscalité et, finalement, sur le déficit et la dette publique.

Pour la période de 10 ans que avons étudiée au niveau des dépenses gouvernementales - une période qui va de 1985-1986... on n'est pas retourné sous l'ancien gouvernement, on a pris les projections du ministre des Finances pour 1994-1995 - on constate que la croissance des dépenses budgétaires aura été, dans l'ensemble, supérieure à l'inflation d'environ 1,4 %; pour l'année 1990-1991, ça avait été supérieur de 3,7 %. Or, cette croissance trop Importante dos dépenses, donc des déficits, particulièrement accentuée lors de récessions économiques, ne produit plus les effets attendus sur la croissance économique en général, d'où l'obligation pour le gouvernement de se donner comme grande priorité d'atteindre l'équilibre budgétaire à moyen terme et à court terme, de résorber le déficit des opérations courantes. Et, comme le gouvernement ne peut pas augmenter le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises sans répercussions sérieuses sur une économie déjà très fragile, il ne lui reste plus qu'à réduire ses dépenses de façon draconnienne et à instaurer des mécanismes de marché dans un certain nombre de programmes, tout en adoptant une politique d'universalité dorénavant partielle des programmes sociaux, et j'y reviendrai.

Le gouvernement devrait d'ailleurs se sentir à l'aise avec une telle orientation qui semble souhaitée par la population. C'est en effet ce que révèle un sondage CROP-CPQ effectué en

novembre 1992. Selon ce sondage fait dans la population en général, 84 % des répondants considèrent que les gouvernements devraient accorder plus d'importance au contrôle des dépenses publiques, alors que 81 % considèrent comme très importante la réduction du déficit provincial. Les résultats d'un sondage Le Soleil-CJRP, en novembre 1992, allaient à peu près dans le même sens. Donc, de façon générale, la population est favorable à la réduction des dépenses gouvernementales. (10 h 10)

Rappelons que les dépenses du gouvernement, pour l'année fiscale 1992-1993, seront d'environ 40 000 000 000 $. Selon les données du gouvernement, l'enseignement, la main-d'oeuvre, la sécurité du revenu, la formation professionnelle et la santé représentent environ 25 000 000 000 $ de dépenses sur ces 40 000 000 000 $. Jusqu'à maintenant, on a considéré ces dépenses comme incompressibles. À cela, il faut ajouter plus de 5 000 000 000 $ pour le service de la dette, ce qui constitue donc un total de 75 % des dépenses publiques, auxquelles on ne devrait pas toucher. Il ne reste donc que 10 000 000 000 $ de dépenses, mais, dans ces 10 000 000 000 $ là, se retrouve la masse salariale des fonctionnaires, qui est évaluée à 3 200 000 000 $.

Il est donc évident que si l'on se refuse à reconsidérer les programmes dans les domaines dits des acquis sociaux intouchables, on n'atteindra jamais l'équilibre budgétaire, même pas au titre des opérations courantes.

Outre le fait qu'il faudra bien un jour établir un lien direct entre la prestation d'un service public et son coût, et revoir l'universalité des programmes sociaux, des mesures draconniennes s'imposent immédiatement pour que le gouvernement diminue rapidement ses dépenses. D'où la proposition générale, M. le Président, que le CPQ a soutenue ces dernières années, à savoir: créer un comité d'analyse des dépenses gouvernementales relevant du bureau du premier ministre, et composé tant de représentants du gouvernement que de personnes indépendantes de l'État. Nous croyons que cette proposition, nonobstant cette commission parlementaire, est toujours valable et que le gouvernement devrait y donner suite.

Par ailleurs, malgré l'approche traditionnelle du Conseil à l'égard des coupures dans les dépenses gouvernementales, à l'effet de ne pas dire au gouvernement où couper parce que nous n'avons pas nécessairement l'information pour le faire, nous formulons aujourd'hui dans notre mémoire certaines pistes d'action qui nous ont été inspirées, tant par les travaux du comité du travail sur la rationalisation des dépenses publiques, le comité Poulin - nous exprimons d'ailleurs, en annexe à notre mémoire, notre accord avec 13 recommandations précises du comité Poulin - donc, tant par le rapport du comité Poulin que par le dernier rapport du Vérificateur général du Québec.

Au sujet de l'appareil gouvernemental, nous formulons trois recommandations.

Que le gouvernement limite réellement la croissance des effectifs de la fonction publique, chez les cadres notamment, et qu'il se fixe un objectif de rationalisation dans l'ensemble du personnel par l'attrition. Les gens nous disent: Vous ne pouvez pas les absorber dans le secteur privé, qu'est-ce que vous allez faire de ces gens-là? Alors, on dit bien par l'attrition, et je pense que le gouvernement parle d'attrition également.

Deuxième recommandation. Que le gouvernement impose partout la qualité totale comme philosophie de gestion, et augmente l'efficacité de l'appareil gouvernemental et paragouvernemen-tal.

Et trois. Que le gouvernement revoie chacune des recommandations formulées par le Vérificateur général ces dernières années.

Je répète qu'on est d'accord avec 13 recommandations du rapport Poulin, notamment celle qui veut que l'on regroupe certains ministères et organismes. On vous donne l'exemple suivant: Pourquoi pas un ministère de l'emploi? Pourquoi un ministère du travail? Pourquoi un ministère de la main-d'oeuvre? Pourquoi un ministère de la formation professionnelle? Pourquoi une Commission des normes du travail? Il y a énormément de travail à faire de ce côté-là. Recommandation, donc, que nous suggérons fortement de prendre en compte.

Deuxième volet. Au sujet de l'universalité des programmes. Malgré les diverses décisions que pourrait prendre le gouvernement à l'égard de l'appareil gouvernemental, les coupures possibles seront insuffisantes s'il ne remet pas en cause la gratuité des programmes sociaux, sans pour autant compromettre leur accessibilité. Nous recommandons au gouvernement de revoir le caractère gratuit de ses divers programmes sociaux et, en corollaire, qu'il instaure, dans tous les cas où c'est possible, des tickets modérateurs, en tenant compte de la capacité de payer des moins bien nantis. Je rappelle cependant que notre préférence, surtout dans le domaine de la santé, va à l'impôt-services beaucoup plus qu'à des tickets modérateurs ad hoc sur des services identifiés.

Finalement, toujours autour de l'appareil gouvernemental, un mot au sujet des programmes offerts aux entreprises. Il est difficile pour le CPQ de parler de la réduction des dépenses gouvernementales sans s'arrêter un instant aux divers programmes de l'État qui s'adressent plus particulièrement aux entreprises.

Disons, d'entrée de jeu, que pour aider les entreprises nous sommes beaucoup plus favorables aux crédits d'impôt qu'à toute forme de subvention. En fait, nous ne sommes d'accord avec les subventions que dans la mesure où elles viennent en aide aux entreprises qui font de la recherche

et du développement, à celles qui exportent ou, encore, à celles qui s'établiraient ailleurs faute d'un certain soutien de l'État.

À cet égard, le Québec ne vit pas sur une planète isolée. Il est en concurrence avec tous les gouvernements du monde entier, et il pourrait se priver d'investissements importants s'il feignait de l'ignorer. Je voudrais dire, M. le Président, que le CPQ est tout à fait disponible, si le gouvernement le souhaite, pour participer à tout groupe de travail qui réévaluerait l'efficacité et l'efficience de chacun des programmes d'aide aux entreprises, de même que l'opportunité de les maintenir.

Signalons finalement que les entreprises attendent moins de l'État qu'il leur offre des programmes de subsides qu'un environnement législatif, fiscal et réglementaire qui leur permette de fonctionner avec le moins de contraintes possible. Nous continuerons de suggérer à cet égard qu'on mette sur pied un groupe de travail qui aurait comme mandat de voir, d'identifier les principaux irritants au bon fonctionnement des entreprises, et de proposer des solutions pour leur permettre de fonctionner avec le moins de contraintes possible.

Parlons maintenant de fiscalité, deuxième volet de votre mandat. D'entrée de jeu, et contrairement à ce qu'ont affirmé certains groupes devant cette commission, hier, nous soutenons que les mieux nantis et les entreprises paient leur juste part d'impôt au Québec, ce que démontre clairement notre mémoire. Le problème au Québec ne tient pas à l'iniquité fiscale entre entreprises, entre pauvres, entre riches, mais bien au fait que le fardeau fiscal d'ensemble, supporté par les particuliers et par certaines entreprises, soit trop lourd. Comme nous l'avons précédemment souligné, c'est sur la taille de l'État et sur la boulimie gouvernementale qu'il faut se pencher, beaucoup plus que sur l'équité fiscale. Mais il est clair que, depuis quelques années, le fardeau fiscal des particuliers à revenus élevés s'est considérablement alourdi au bénéfice des moins nantis. (10 h 20)

Je voudrais reprendre simplement trois éléments de notre mémoire. Au Canada et au Québec, la baisse des taux d'impôt a favorisé les familles, le travailleur à faibles revenus. Je n'irai pas dans le débat d'hier, à savoir si ça a commencé en 1985 ou en 1984 ou en 1986. La réalité est qu'il y a eu une baisse très importante de l'impôt des familles à faibles revenus.

Deuxièmement, au Québec, une famille qui gagne un revenu inférieur à 26 428 $ ne paie aucun impôt. En 1985, elle commençait à payer de l'impôt à 10 015 $. Finalement, c'est à Montréal - et vous avez ça dans votre mémoire - c'est à Montréal que les personnes à revenus élevés paient le plus d'impôt comparativement à d'autres villes en Amérique du Nûrd. Là, vous allez voir qu'un bien nanti, ce n'est pas 100 000 $, c'est 25 000 $. Quand on arrive à 100 000 $, il y a une différence d'impôt de 5 700 $ entre Montréal et Calgary et de 5 100 $ avec Toronto. Donc, on peut difficilement parler du Québec comme d'un «paradis fiscal» pour les mieux nantis.

Au sujet de la fiscalité des entreprises, rapidement. L'étude comparative de la fiscalité des entreprises, effectuée par Price Waterhouse et reproduite dans le budget 1989-1990 du gouvernement, révèle que lorsqu'on considère l'ensemble des entreprises du secteur privé du Québec, celles-ci assumaient un fardeau fiscal légèrement plus élevé en 1989, compte tenu des charges parafiscales, que celles de la plupart des États américains. Cette étude révélait également qu'en faisant proportionnellement plus appel aux taxes sur la masse salariale et sur le capital, la fiscalité québécoise repose beaucoup moins sur l'impôt sur les bénéfices que ce n'est le cas, par exemple, pour certains États. On cite le Michigan, on cite l'État de New York. Il en résulte que la fiscalité québécoise est d'autant moins avantageuse que l'entreprise est jeune, qu'elle a des problèmes de capitalisation, qu'elle est à forte teneur de main-d'oeuvre et qu'elle présente des taux de rendement peu élevés. En fait, les taxes sur la masse salariale, taxes très régressives, au Québec sont très élevées et représentent, selon les estimations pour 1992, 8 300 000 000 $, soit deux fois plus que l'impôt des sociétés payé aux gouvernements du Québec et du Canada. Quant à nous, donc, le gouvernement devrait revoir ce dossier.

Un mot sur les taxes sur certains produits: l'alcool, l'essence, le tabac. Ces taxes ont atteint des niveaux tels qu'elles ont engendré, dans le cas du tabac et de l'alcool, un marché noir qui est devenu très florissant. Je vous donne simplement l'exemple d'une bouteille de gin de 1,14 litre, qui est vendue par nos distilleurs membres 4,77 $ à la SAQ, qui est revendue 28,70 $: 602 % de taxes. Nos distilleries n'opèrent actuellement qu'à 30 %. La question à se poser, c'est: Est-ce qu'on n'a pas tari la poule aux oeufs d'or? Quant à la TVQ de 4 % sur les services, elle alourdit grandement le fardeau administratif des entreprises qui gèrent déjà la taxe de 8 % sur les biens meubles. Recommandation, M. le Président: le taux actuel de 4 % de la TVQ ne devrait pas être modifié avant que l'économie n'ait véritablement redémarré.

Troisième volet, rapidement, le déficit et la dette. En dix ans, toujours selon la période qu'on a étudiée - 1985-1986 à 1994-1995, selon les prévisions du gouvernement - les déficits budgétaires accumulés auront été de plus de 29 000 000 000 $. Malgré les efforts réels du gouvernement - et on le souligne - pour limiter la croissance des dépenses, et tout en reconnaissant que la croissance des revenus est limitée par la récession, ce chiffre est très élevé et fort inquiétant. Nous reconnaissons que l'équilibre des

opérations courantes constitue un objectif louable du gouvernement à moyen terme. Cependant, cet équilibre qu'on a failli atteindre en 1988-1989 n'a jamais été réalisé au cours des 10 années étudiées, et le déficit cumulatif du solde des opérations courantes s'élève à 15 000 000 000 $, soit plus de la moitié des déficits budgétaires cumulatifs. Il a donc fallu emprunter tous les ans pour financer «l'épicerie», même durant les années de forte croissance économique. Il faut se rendre à l'évidence: le gouvernement vit au-dessus de ses moyens, et il est obligé, bon an mal an, d'emprunter pour maintenir l'ensemble des programmes gouvernementaux, alors que ces emprunts viennent gonfler la dette publique et constituent des impôts différés, d'où deux recommandations.

Que le gouvernement, lors de la présentation de son prochain budget, fixe un échéancier réaliste pour équilibrer le solde des opérations courantes. On parle de trois ans; le document parle de cinq ans. C'est peut-être négociable entre les deux.

Recommandation no 13 de notre mémoire. Que le gouvernement du Québec, une fois réalisé l'équilibre budgétaire, se contraigne par voie législative à présenter des budgets équilibrés, et à ne plus être en déficit, à moins d'en obtenir l'autorisation de l'Assemblée nationale, à des fins bien spécifiques.

Finalement, un mot sur la dette du secteur public québécois. Il y a plusieurs composantes à considérer lorsque l'on examine la dette totale du secteur public. En fait, on parle de 51 200 000 000 $ lorsqu'on parle de la dette directe du gouvernement, mais on peut rajouter au débat, et ajouter les autres dettes dont le gouvernement est indirectement responsable. Là, on parle d'une dette de plus ou moins 100 000 000 000 $. Quand on prend cette dette-là, selon nos estimations, la dette de chaque travailleur - nous, on utilise la référence au travailleur et non pas au citoyen, parce qu'un citoyen, ça ne paie pas de taxes; c'est un travailleur, de façon générale, qui paie des taxes - sa dette aura atteint, au 31 mars 1993, 36 667 $. Le seul service de la dette représentera pour chaque travailleur québécois, en moyenne, 3 360 $.

Mais il y a plus. Les déficits budgétaires et la dette publique forcent les gouvernements à concurrencer le secteur privé sur les marchés financiers pour obtenir l'épargne des citoyens et, ce faisant, ils poussent les taux d'intérêt à la hausse et réduisent la disponibilité du capital à des fins d'investissement. Nous recommandons à ce sujet-là quelques propositions, mais une plus particulière. Que le gouvernement, lors de la présentation de son prochain budget, inclue un état financier consolidé de la dette publique qui réponde à la demande du Vérificateur général du Canada, ce qui nous permettra de différencier entre les investissements et les dépenses couran- tes.

En conclusion, M. le Président, le rapport Gobeil de 1986 devait sonner le glas de l'État-providence. Or, malgré des efforts de rationalisation et de contrôle des dépenses, les effectifs de la fonction publique augmentent plus ou moins régulièrement. Il en est de même de la dette publique. Jusqu'à maintenant, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour s'attaquer aux causes structurelles de la croissance des dépenses gouvernementales. Il lui faudra cependant faire plus. La lutte au déficit structurel engendrée par les dépenses incontournables, qui se résume chaque année à une compression des dépenses par ci par là, ne suffit plus. Le gouvernement doit maintenant oublier les médecines douces et avoir le courage de se résoudre à la chirurgie, une chirurgie majeure. Il faut réduire la taille de l'État; il faut rationaliser le processus de production des services publics; il faut développer le faire-faire; il faut accroître le recours à la tarification. Dans cette entreprise difficile, M. le Président, de réduction des dépenses gouvernementales, qui est essentielle à une réduction éventuelle des déficits annuels de la dette nationale, des impôts et des taxes, le gouvernement aura le plein appui du Conseil du patronat.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Dufour.

M. le président du Conseil du trésor, la parole est à vous.

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président. Je souhaite la bienvenue, évidemment, à M. Dufour et aux gens qui l'accompagnent. Je dois dire d'entrée de jeu que la déception que j'ai exprimée hier s'estompe à grands pas. Je dois dire que ça a commencé à 21 h 15 hier soir, le regain d'intérêt pour l'ensemble des questions, lorsque la CSD est venue - oui - nous parler, comme l'Assemblée nationale l'a demandé, non seulement de fiscalité, comme l'ont fait tous ceux qui l'avaient précédée, mais également des dépenses publiques et du déficit. Ils se sont amenés avec des solutions concrètes du côté de l'organisation du travail, par exemple, au gouvernement afin de réduire nos coûts, d'être plus productifs. J'ai trouvé ça extrêmement intéressant; c'était ça, l'idée. Je vous remercie et vous félicite de l'avoir compris. Effectivement, il y a trois volets qui sont importants. On voit comment c'a a été amené ici, ce matin.

Je suis heureux de voir également que ce n'est pas tout le monde qui croit que nous allons vers l'État minimal. Je veux bien qu'on se rende compte que 40 000 000 000 $ de dépenses, dans une économie d'à peine 160 000 000 000 $, c'est 25 % de l'économie qui s'explique par les dépenses du gouvernement du Québec. On est loin de l'État minimal.

Vous parlez de l'État boulimique. C'est

possible qu'il y ait des excroissances et des poches de gras - c'est le moins qu'on puisse dire - dans certains endroits, soit de l'appareil public ou, alors, dans le panier de services. Une des choses, évidemment - et vous faites le lien - qui est importante, si on veut que l'État prenne sa juste place, c'est qu'il puisse avoir les moyens de rencontrer des services de base. Ça, ça se finance à même la fiscalité qui ne doit pas - c'est là que le lien se fait avec l'emploi - venir hypothéquer notre capacité de développement économique. (10 h 30)

Vous êtes très bien placés, disons-le, vous-même et tous vos membres, pour venir témoigner ici de l'importance que la fiscalité revêt au titre du développement économique, par les choix implicites que la fiscalité peut déterminer sur la localisation des entreprises. J'aimerais peut-être, ce matin, vous entendre davantage à cause de votre expérience, sur la foi de témoignages peut-être précis, sur l'importance que revêt la fiscalité, certains de ses volets, au titre de la localisation des entreprises. Qu'il s'agisse de la fiscalité des particuliers ou de celle des entreprises comme telles, certains des volets de la fiscalité québécoise sont dénoncés ici comme étant régressifs: la taxe sur le capital, sur la liste de paie. En parallèle, il y a évidemment les dépenses fiscales au titre de la recherche et du développement qui sont passablement intéressantes.

Comment voyez-vous qu'on pourrait atteindre cet équilibre-là, et comment établissez-vous le lien entre fiscalité et emploi dont on nous a parlé largement hier, mais dans d'autres termes tout à fait?

Le Président (M. Lemieux): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Je vais d'abord parler un peu de la fiscalité des entreprises, et je demanderais à un fiscaliste qui vit ça tous les matins dans son bureau de parler un peu de la fiscalité des individus.

La fiscalité des entreprises, c'est très important. Les capitaux sont très mobiles. Si c'est plus cher de faire des affaires ici que de les faire en Ontario ou de les faire ailleurs, on ira là où c'est, finalement, plus rentable. Il y a une chose qui est importante, et je pense qu'on le dit clairement dans notre mémoire. C'est vrai que, quand on considère juste la fiscalité directe, le Québec se positionne très bien. Les taux d'impôt, depuis cinq, six ans, sont généralement très bien, et pour les PME et pour les grandes entreprises. Notre problème au Québec, et on le dit tous les jours, M. le Président, pas tous les jours, mais on le dit régulièrement au ministre des Finances, c'est la parafiscalité qui est une taxe très régressive, notamment de 3,75 % sur les services de santé. Alors, quand on additionne tout ça, on dit: On paie deux fois plus en parafiscalité qu'on paie en fiscalité. Mais tout compte fait, on est pénalisés, au Québec.

Hier, nos amies, les centrales syndicales, sont venues nous dire que ce n'était pas vrai, en nous présentant un tableau qui est au mémoire des centrales, en nous disant qu'on se situait peut-être au 20e rang de 26 pays. Évidemment, le premier, le paradis fiscal, c'est la Turquie, pour les entreprises, mais on ne fait pas beaucoup d'affaires avec la Turquie, et, à l'autre coin, c'était la Suède, et on sait maintenant comment ça fonctionne en Suède. Donc, il faut se comparer avec nos principaux partenaires, c'est le Groupe des Sept, et surtout avec les États-Unis.

Alors, quand on regarde les tableaux qui sont produits dans leur rapport gouvernemental, et je n'ai pas de raison de dire que ce n'est pas correct, on constate que notre fardeau fiscal au niveau global, donc au niveau des entreprises, est plus élevé ici qu'aux États-Unis. Donc, il faut être très, très prudent, et pour l'instant on considère qu'il y aurait à améliorer la parafiscalité pour qu'on devienne vraiment concurrentiel au niveau des entreprises.

Au niveau des individus, bien, voilà ce qui se passe.

M. Girard (Denis): M. le Président, au niveau des individus également, nous devons être concurrentiels avec, d'une part, les autres provinces au Canada. Si nos taux d'impôt sont plus élevés, nos particuliers, nos individus auront tendance à aller travailler dans les autres provinces. Nous devons également être concurrentiels avec les États-Unis. On remarque que, dans le mémoire, on Indique des écarts de taux d'impôt entre le taux d'impôt marginal au Québec, fédéral et Québec, et le taux marginal aux États-Unis de 15 %. On vit actuellement dans notre pratique... En tout cas, ici, à notre bureau de Québec, il y a certains individus qui partent travailler aux États-Unis ou exploiter leur entreprise, exercer leur profession aux États-Unis à cause que les taux d'impôt sont plus bas aux États-Unis. Donc, nous devons, je pense, être concurrentiels avec notre environnement économique.

Ça peut également, d'autre part, avoir un effet sur les entreprises. Quand nos entreprises veulent engager du personnel de l'extérieur, si les taux d'impôt au Québec sont plus élevés, la rémunération qui devra être accordée à ces individus-là devra tenir compte de cet impôt supplémentaire là. Donc, ça a également un effet indirect sur nos entreprises au Québec.

M. Levesque: M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. Levesque.

M. Levesque: Simplement une question relativement à la fiscalité ou à la parafiscalité. Je comprends que, sur l'impôt des corporations,

on se classe le plus bas parmi les provinces canadiennes, mais, par contre, nous avons la parafiscalité. Ceci a été décidé il y a déjà plusieurs années, vers le début des années quatre-vingt, et nous avons gardé ce régime. Ceci, évidemment, constitue jusqu'à un certain point un impôt minimum pour les entreprises, et, à ce propos, ça répond à certaines inquiétudes qui ont été véhiculées il n'y a pas tellement longtemps. Mais, par contre, nous avons besoin de ces revenus, et, lorsqu'on fait les calculs, il faudrait que le taux aux petites entreprises passe de 5,75 % à 14,75 %. Il faudrait que le taux aux grandes entreprises passe de 8,9 % à 17,9 %, seulement si on enlevait ce que nous chargeons pour le financement des services de santé. Alors, imaginez-vous qu'un tel changement dans l'impôt corporatif ferait sûrement mal, sans oublier la taxe sur le capital.

Par contre, il faut aussi tenir compte des avantages que nous procurons par, disons, ce que nous avons décidé du côté fiscal dans la recherche et le développement, du côté de la formation de la main-d'oeuvre. Il faut tenir compte également des autres mesures qui ont été mises de l'avant, de sorte qu'on ne peut pas prendre un item en particulier pour dire: Voici, c'est trop cher, il y en a trop. Parce que, dans le fond, ce que nous faisons avec cette formule, nous aidons les entreprises les plus dynamiques qui peuvent, évidemment, concurrencer avec l'extérieur grâce à l'impôt sur les corporations, mais, par contre, nous avons cet impôt minimum, si vous voulez, qui assure le fait que toutes les entreprises sont appelées à payer leur part dans le fisc.

Le Président (M. Lemieux): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, avec tout le respect que je dois au ministre des Finances, je dois dire qu'il l'a bonifié drôlement, le pourcentage, depuis que le Parti québécois l'avait instauré. On est rendus à 3,75 %. Ça fait pas mal plus mal aujourd'hui que ça faisait mal à ce moment-là.

Deuxièmement, c'est une taxe qui est régressive parce qu'on va surtout là où il y a de la main-d'oeuvre. On va surtout dans le commerce, on va surtout dans les banques, on va surtout dans l'alimentation, alors que les grosses compagnies, celles qui ont des robots, il n'y a pas de taxes en masse salariale - puis ce n'est pas une suggestion que je vous fais - sur les robots. Alors, ça a un caractère un peu régressif. il ne s'agit pas pour nous de faire le budget ce matin, bien évidemment, sauf que je ne peux pas accepter que ça passerait de 5,75 % à 14,75 %, parce que la, ça voudrait dire que, de façon automatique, en enlevant un type de taxe, on le retranspose au même payeur, alors que, dans l'assiette fiscale, il y a beaucoup d'autres endroits où on peut aller le chercher. c'est évident que si on compensait par un type d'impôt comme celui-là, vous nous verriez à votre bureau réagir très négativement.

Alors, ne faites pas l'échange, on ne l'achètera pas plus, mais il y a d'autres façons, simplement, par exemple, la révision de l'effi-cicence de certains ministères, etc. Moi, je me rappellerai toujours de Marc-Yvan Côté, qui, en commission parlementaire, nous avait dit: Si on faisait un bon travail d'efficience dans les hôpitaux, par exemple, on pourrait sauver facilement 100 000 000 $. Et comme je connais bien le ministre Côté, s'il l'a dit, c'est parce qu'il avait des assises pour le dire. Alors, tout l'appareil gouvernemental doit être revu et permettrait justement de baisser ce genre de taxes là.

M. le Président, M. Levesque, vous le savez très bien que c'est une des taxes les plus difficiles à accepter pour les entreprises, parce que, même si elles ne font pas de profit, elles sont obligées de la payer. Alors, nous autres, on est ouverts aux taxes sur les profits.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Dufour.

M. Levesque, un bref commentaire, puisque vous avez terminé votre...

M. Levesque: Le temps est terminé? Le Président (M. Lemieux): Oui. M. Levesque: On reviendra.

Le Président (M. Lemieux): On reviendra. Alors, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais également souhaiter la bienvenue aux membres du Conseil du patronat. Je vais y aller rapidement avec quelques petites questions, histoire de mieux comprendre le mémoire et les propositions que vous nous suggérez.

Ce qui m'étonne un peu... Quand on parle d'équilibre des finances publiques, on parle de revenus et on parte de dépenses. Au titre des revenus, on sait qu'actuellement il y a un manque à gagner flagrant au niveau des finances publiques. Vous ne parlez que d'un petit paragraphe où vous dénoncez le marché au noir, à la page 16 de votre document, mais c'est à peine si vous voulez en parler. J'aimerais savoir, du point de vue du Conseil du patronat, vous qui êtes l'élite qui contrôlez et qui manoeuvrez un peu l'assiette fiscale de l'économie, comment vous voyez résorber ce problème et ce fléau social qui prend une ampleur dramatique, confirmée, d'ailleurs, par le ministre des Finances dans son dernier document, révisé au 31 décembre, des recettes budgétaires 1992-1993? Comment voyez-vous ça? (10 h 40)

M. Dufour (Ghislain): Je vais d'abord faire

une affirmation. Il faut d'abord travailler au niveau des dépenses avant de travailler sur les revenus. Nous autres, on dit que ce qu'il faut faire d'abord, c'est de réduire les dépenses et, après ça, on verra comment on les finance. C'est un principe. On pourrait en débattre, comment on le réalise, après.

Mais vous avez raison. On a la même préoccupation que vous sur la cigarette. N'oubliez jamais que les manufacturiers de tabac sont membres chez nous. Alors, ce problème-là se pose constamment. Vous avez l'Association des détaillants en alimentation qui a fait la conférence de presse qu'on sait. Il y a un problème très réel, mais moi, je pense que le gouvernement est sensibilisé à ce problème-là. En tout cas, il semble travailler.

Sur le travail au noir, c'est devenu un fléau épouvantable. On dit que 32 % des travaux de la construction se font au noir. Mais c'est le domaine de l'automobile, c'est le domaine du gardiennage. C'est une culture, maintenant, qui s'est implantée dans la société québécoise.

Je voudrais juste vous rappeler, M. le Président, M. Filion, une proposition qu'on a faite lors d'un des derniers mémoires à M. Levesque qui était que l'on donne des crédits d'impôt à un propriétaire qui ferait faire - un propriétaire de maison dans le domiciliaire - sa réparation par un vrai travailleur professionnel de la construction, par un vrai entrepreneur de la construction. S'il y avait cette incitation-là, on pense qu'on pourrait aller chercher beaucoup d'argent pour le fisc, qui serait beaucoup plus, en tout cas, que ce qu'il remettrait comme crédit d'impôt. On comprend que la formule n'est peut-être pas facile, mais maintenant tout le monde reprend cet argument-là. La CSN l'a repris d'ailleurs, et c'est sûrement un dossier sur lequel on devrait travailler. Si on trouvait une formule dans le secteur de la construction, on pourrait probablement aussi en trouver une, éventuellement, dans le domaine de l'automobile.

Par ailleurs, si vous me permettez un commentaire additionnel, hier, j'entendais un des organismes syndicaux dire que le problème de la fiscalité était toujours le problème des autres, le problème des biens nantis, le problème des entreprises. Ce n'est pas les entreprises comme telles qui font le travail au noir. Il y a beaucoup de travailleurs qui sont des syndiqués de ces centrales-là qui ne participent pas au fisc aussi. On accuse les 100 000 $ et plus de ne pas participer. Bien, il y a bon nombre de personnes qui paient leur carte de membre dans ces centrales-là qui ne participent pas au fisc aussi. Alors, je pense que l'examen de conscience doit être plus général que ce qu'on nous proposait hier.

M. Filion: Toujours dans la même optique de vouloir équilibrer nos finances publiques, moi, je m'attarde aux revenus parce que c'est impor- tant. Une entreprise sans revenus n'existe pas. Alors, je pense que... Pour moi, c'est une priorité. La fiscalité est la façon de percevoir ces deniers publics.

Et votre recommandation no 8 que vous soulevez... On dit que le gouvernement vise à réduire le fardeau fiscal des particuliers, notamment ceux à revenus plus élevés. Vous avez quand même reçu... Oublions tout l'ensemble de la réforme fiscale. Vous avez bénéficié d'une réduction de points d'impôt de 9 points, les mieux nantis, depuis 1985. Et là, vous en voulez davantage. Voud riez-vous m'expliquer pourquoi, et quelle est l'importance de vouloir réduire encore la fiscalité des mieux nantis? C'est quoi l'objectif que vous recherchez quand vous demandez une telle demande?

M. Dufour (Ghislain): Bien, je pourrais vous répondre sur une base politique, mais, de fiscaliste à fiscaliste, je vais vous passer Me Leduc.

M. Leduc (Marc): Disons que... Peut-être qu'on a répondu à cette question-là partiellement tout à l'heure, mais, présentement, on est dans un domaine, un monde de compétition globale. Disons que, principalement, c'est une compétition nord-américaine. Et puis, lorsqu'on essaie d'attirer un entrepreneur, par exemple, à se localiser au Québec, on veut qu'il réussisse et on veut qu'il veuille réussir. Et lorsqu'il fait le compte et qu'il se demande ce qui va lui arriver s'il réussit au Québec et qu'il s'aperçoit qu'il pourrait payer 5000 $, 10 000 $, 50 000 $ de plus en impôt s'il vit ici que s'il vit dans l'État de New York, qui est notre État voisin, il ne pourra pas faire autrement que de mettre dans la liste des plus et des moins la fiscalité comme un élément négatif à son arrivée Ici.

Alors, il faut qu'on soit compétitifs non seulement avec le reste du Canada, mais aussi avec les États-Unis. Si vous regardez la page 12 du mémoire, vous constaterez des différences remarquables, Québec avec toutes les autres localités. À tous les niveaux salariaux, les impôts sont plus élevés ici.

Alors, je crois qu'on ne peut pas... C'est incontournable. On ne peut pas se mettre dans une situation, me semble-t-il, où nos impôts personnels sont plus élevés qu'ailleurs, principalement les États-Unis et le reste du Canada.

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que je pourrais demander à M. Garon d'ajouter?

M. Garon (Jacques): M. le Président, en réponse à la question, juste un ajout.

Le ministère du Revenu vient de publier des statistiques comparatives sur l'apport de chaque groupe de contribuables au fisc entre 1979 et 1990. Si on fait la comparaison simplement des mieux nantis, en 1979 - et quand je parie des mieux nantis, on part à 50 000 $ et plus - il y

avait 1 % des contribuables qui gagnaient 50 000 $ et plus au québec et qui contribuaient pour 11,4 % de recettes gouvernementales. en 1990, ces contribuables, en nombres, sont passés à 7,9 % de tous les contribuables, mais ils contribuent maintenant à 35 % de toutes les recettes fiscales du gouvernement. alors, c'est un autre point pour dire que, s'il y a eu une progressivité du régime fiscal québécois, elle ne s'est certainement pas effectuée au niveau des plus nantis.

M. Filion: II y a la question d'actualisation des données aussi, où je pense que 1 $ en 1979 et 1 $ aujourd'hui... 50 000 $ que vous gagniez en 1979 et 50 000 $ que vous gagnez aujourd'hui, je pense que ça ne se compare pas tellement. En tout cas, ce n'est pas...

Une voix:...

M. Filion: Moi, je voudrais simplement continuer en essayant de comprendre davantage. On a réduit les taux - on est d'accord - de 9 points depuis 1985. Et la mobilité de la main-d'oeuvre des mieux nantis s'est maintenue. Alors, comment pouvez-vous expliquer que ça devient uniquement une question de réduction de taux d'imposition pour inciter les gens à venir chez nous? Parce que, depuis 1985, on a réduit de 9 points, et la mobilité de la qualité ou de la main-d'oeuvre ou de l'expertise de la main-d'oeuvre à revenu élevé s'est maintenue. D'ailleurs, c'est dans le document que vous avez reçu sûrement «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens». Et, à la page 40, on dit très bien que la mobilité de la main-d'oeuvre s'est maintenue. En 1985, elle était de 18,3 % et elle s'est maintenue à 18,8 %, même avec une réduction de taux de 9 points.

Alors, comment pouvez-vous projeter un incitatif autour uniquement, encore, d'une réduction d'impôt pour inciter des gens à venir investir? Les gens, quand ils viennent investir au Québec, pour étirer un salaire, ils vivent chez nous. On regarde aussi ce qu'on en reçoit au niveau des services publics, au niveau de la qualité de la main-d'oeuvre, au niveau de la qualité de vie également. Alors, comment est-ce que vous pouvez uniquement cerner l'incitation au niveau d'une réduction de taux d'imposition, puisque l'exemple que je vous donne est confirmé, ça n'a rien donné depuis 8 ans?

M. Leduc: Est-ce que c'a donné quelque chose? Peut-être que je ne peux pas répondre à cette question, mais je peux dire qu'il y a eu, ailleurs en Amérique, des réductions d'impôt personnel au cours des dernières années, notamment aux États-Unis, notamment dans les autres provinces. Alors, si le Québec a réduit, il y a eu des réductions ailleurs. Donc, il s'est passé des choses ailleurs qu'au Québec pendant la même période. L'écart demeure. Évidemment, l'écart n'est pas aussi grand qu'il était il y a 15 ans ou 20 ans, mais il est encore remarquable. Et si vous regardez la page 12 de notre mémoire, vous ne manquerez pas, je pense, d'être impressionné par cet écart aujourd'hui.

M. Filion: Mais je pense que l'écart n'est pas d'aujourd'hui. Il est de plusieurs années, de décennies même. Il y a toujours eu un écart important. Alors, même si on veut suivre la tendance, il y a d'autres facteurs qui jouent. Parce que, vous savez, on peut aider l'entreprise avec des subventions aussi. Hydro subventionne les entreprises dans différents secteurs. Alors, le taux d'imposition, en soi, pour moi, demeure. Et dans ce sens-là, j'essaie de comprendre votre positionnement. C'est un élément... (10 h 50)

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, je pense que, au niveau des individus, tout à l'heure, notre collègue a fait le point. Il gère ce dossier-là, et, tous les jours, il y a des gens qui veulent transférer à cause de la fiscalité. À la page 39 du document gouvernemental, en 1983, Québec combiné... Parce qu'on oublie toujours le fédéral Vous parlez toujours de 24 %. Ce n'est pas 24 %. Il faut ajouter le fédéral. Alors, ça nous fait un combiné, en 1983, de 60 %. Aux États-Unis, c'était 50 %. Aujourd'hui, en 1991, 51.1 % au Québec, mais il n'est que de 31 % aux États-Unis. Alors, il y a une marge. On peut ajouter 3 % ou 4 % pour certains États, selon les États où on ira, mais ça fait une marge très, très grande. Et moi, aussi, je peux témoigner - je ne suis pas dans un groupe fiscaliste - mais je peux témoigner de transferts que l'on a, de ressources - et pas purement dans le monde des affaires - dans le domaine scientifique, dans le domaine universitaire, de gens qui disent: Eh bien, la vie est meilleure, au plan fiscal.

M. Filion: Écoutez, vous... Une dernière question. Vous êtes sur une philosophie de vouloir réduire des taux qui s'appliquent à trois ou quatre millions de travailleurs au Québec pour une minime partie ou quelques personnes qui, pour des raisons x, décident d'aller gagner leur vie plus au sud. Mais est-ce que ça justifie un changement aussi fondamental comme vous l'exigez? Et c'est là que je me questionne.

M. Dufour (Ghislain): On demande une baisse d'impôt pour tout le monde, là. On ne demande pas ça juste pour les 100 000 $ et plus. On dit que la fiscalité est trop élevée au Québec. Tant mieux si les moins bien nantis, au lieu de 26 000 $, ça devient 35 000 $. On n'a aucune objection à ça, sauf qu'on dit: II faut baisser, donc il faut réduire les dépenses gouvernementales. Il faut aller chercher de l'argent neuf dans la tarification ou autrement, mais il ne faudrait

pas prendre que nous, là, on a un billet carrément pour les 100 000 $ et plus. Sauf qu'on vous dit, à la page 12, que l'argument, qui n'est pas nécessairement le vôtre, soit dit en passant, que les groupes sociaux avec qui on fait le débat - et vous l'avez vu hier - qui viennent nous dire: Tous les problèmes au Québec résultent parce que les 100 000 $ et plus ne paient pas d'impôt et les entreprises ne paient pas d'impôt, eh bien, vous allez nous permettre, nous autres aussi, de dire que cette affirmation-là est fausse, comme on l'exprime clairement ici. Mais tant mieux si tout le monde peut avoir une baisse des impôts, M. Filion.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon.

Mme Marols: Juste une question technique, là, pour qu'on s'entende bien et qu'on comprenne bien avec quel univers on fait affaire comme référence. Quand on identifie la contribution au Fonds des services de santé comme la contribution des employeurs à la CSST, qu'on additionne donc tout ce qui concerne la parafiscalité sur les entreprises et qu'on compare cela avec ce qui se passe aux États-Unis, parce que je pense que c'est là qu'il faut regarder, je suis d'accord avec ça, est-ce qu'on met de leur côté ce que ça coûte aux entreprises en assurance, en participation aux frais d'assurance pour leurs travailleurs et travailleuses? Est-ce qu'on met ce que ça leur coûte au régime des rentes lorsqu'il y a une contribution? Parce que, si on veut faire une véritable comparaison, il faut faire ça, sinon on passe à côté, ici, on le supporte collectivement, eux le supportent entreprise par entreprise.

Alors, je veux savoir si, dans vos données, on tient compte de cela. De la même façon qu'après, pour les taux marginaux maximums pour les revenus supérieurs, si on faisait la comparaison avec ce que cela coûte pour ces hauts revenus d'envoyer un jeune à l'université aux États-Unis, d'avoir à assumer ses frais de santé, est-ce que, toutes proportions gardées, on n'arriverait pas à des ponctions sur le revenu qui gardent un revenu disponible comparable d'un côté ou de l'autre de la frontière? Et là, je pose la question sur la base des données que vous avez utilisées. Est-ce que vous avez tenu compte de cela?

M. Dufour (Ghislain): Quand on compare, nous, le taux de la parafiscalité, et c'est ce que vous retrouvez dans notre mémoire, c'est une comparaison plutôt provinciale. C'est ce qu'on paie ici par rapport a l'Ontario, par rapport à ce qu'on paie dans les autres provinces, parce que notre premier schéma de référence, c'est de voir comment on situe la fiscalité directe et indirecte dans notre ensemble canadien. Alors, le tableau que vous retrouvez à la page 14 réfère à la parafiscalité canadienne et québécoise.

Quand vous arrivez à faire des comparaisons avec les États-Unis, ça devient excessivement difficile. C'est vrai, vous nous servez toujours l'argument des services de santé. Nous, on va vous servir l'argument qu'on paie plus ici au niveau municipal, qu'on paie plus au niveau scolaire. C'est difficile de faire des comparaisons au plan de la fiscalité, sauf que, dans une organisation comme la nôtre, on a beaucoup d'entreprises qui sont aux États-Unis, dont le siège est aux États-Unis, ou des gens comme mon collègue ici qui ont des entreprises aux États-Unis et qui peuvent donc comparer l'assiette fiscale globale, incluant ce qu'on va donner aux travailleurs. Parce que, en santé, on va lui payer une police d'assurance privée parce que le régime public ne l'inclut pas. Je peux vous dire sous réserve - on n'a pas d'étude pour l'appuyer, là - que, de façon générale, la fiscalité canadienne est supérieure à la fiscalité américaine.

Mme Marois: Cependant, dans les données que l'on a dans vos documents, ça n'en tient pas compte.

M. Dufour (Ghislain): De?

Mme Marois: De ces aspects-là, au plan technique, là, quand on regarde les chiffres, pour la comparaison canadienne, ça va de soi, c'est relativement plus facile, quoiqu'il y ait quand même des nuances importantes aussi. Parce qu'il y a des provinces qui versent directement certains services, d'autres, c'est leurs municipalités qui le font. Alors, je pense que là aussi il y a des nuances à apporter. Mais...

M. Dufour (Ghislain): On essaie, madame...

Mme Marois: ...ce que je veux dire, c'est que, dans les comparaisons, entre autres avec les États-Unis, on ne tient pas compte quand même de ce volet-là, dans les données que vous nous...

M. Dufour (Ghislain): Non.

Mme Marois: ...présentez. D'accord.

M. Dufour (Ghislain): Et c'est impossible. C'est impossible. On essaie de le faire à la CSST actuellement, et c'est impossible, parce que les bénéfices sont différents, tout est différent.

Mme Marois: Bon, d'accord, ça va.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, je voudrais revenir au Québec et vous poser une question sur l'analyse des dépenses que vous avez faite, des dépenses publiques, en quelque sorte. Je voudrais vous

rapporter au document «Vivre selon nos moyens», pages 48 et 64.

Ce qui est dit là-dedans, par exemple à la page 48, c'est que l'effort significatif pour augmenter les revenus de tarification depuis 1985... On dit que ces efforts totalisaient 3 300 000 000 $ en 1991-1992 - donc, c'est ça, le bloc - dont 1 500 000 000 $ en revenus perçus directement par les ministères et organismes, et 1 300 000 000 $ par les établissements des réseaux de santé, d'éducation et des services sociaux. Et ce qui est dit après est une note très importante: «Généralement, c'est seulement le premier de ces éléments qui est comptabilisé aux revenus, tandis que les autres apparaissent en déduction des dépenses.»

Ce que ça implique, c'est que finalement, à la page 64, en haut, le premier paragraphe au milieu: «II s'est agi, entre autres, du transfert de certaines responsabilités aux commissions scolaires, de l'augmentation des frais de scolarité au niveau universitaire, du gel des salaires [...] de mesures prises plus récemment dans le secteur de la santé», en particulier désassurance partielle, etc. Mais ce que cela veut dire c'est que, finalement, les dépenses qui ne sont plus faites par le gouvernement le sont au niveau des réseaux, dans les réseaux, mais que pour le public, c'est encore des institutions publiques ou parapubliques qui les assument. Mais, en termes d'analyses, il manque quelque 1 300 000 000 $ à la masse des dépenses budgétaires de 1991-1992. Est-ce que vous en avez tenu compte? En d'autres termes, on parle du pelletage, là, mais quand on en fait une déduction, une réduction des dépenses plutôt que de les comptabiliser au revenu, comme il se devrait normalement, si on veut faire une analyse qui se ressemble d'un bout à l'autre de la période, je pense qu'il y a comme un petit problème.

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que le gouvernement devrait faire la même chose pour le manque à gagner des transferts fédéraux?

M. Léonard: Ah, c'est vous qui en parlez; alors, on va en parler.

M. Dufour (Ghislain): Non, mais sur la première...

M. Léonard: Effectivement... Je sais que le Conseil du patronat s'intéresse beaucoup à la question fédérale, mais, effectivement, il y a des problèmes majeurs aussi qui se posent de ce côté-là. J'en étais à l'heure actuelle au parapu-blic ou péripublic.

M. Dufour (Ghislain): Oui.

M. Léonard: Parapublic plutôt.

M. Dufour (Ghislain): M. le député, vous vous rappelez la position qu'on a prise l'année passée lors du transfert des coûts aux municipalités. Nous sommes pour la décentralisation...

M. Léonard: Oui.

M. Dufour (Ghislain): ...nous l'avons affirmé souvent, mais à une condition: c'est que si on confie des responsabilités additionnelles aux cégeps, aux municipalités, aux commissions scolaires, qu'on transfère aussi de l'argent, parce que, si on ne réduit jamais la facture en haut et que les coûts sont assumés en bas, là, on va avoir un vrai problème de finances publiques.

Alors, sur le principe, on s'entend que l'argent devrait accompagner le transfert de responsabilités. Quant à la façon de l'inscrire dans le document du gouvernement, j'ai dit, d'entrée de jeu, que le document n'était pas là lorsqu'on a fait notre mémoire.

M. Léonard: Oui, je comprends que... Ça pose un problème de transparence, mais aussi de continuité dans l'analyse.

M. Dufour (Ghislain): On propose, si vous me permettez, M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): À une recommandation, je ne sais pas laquelle, on propose que, dans le prochain budget, le gouvernement tienne davantage compte de la proposition du Vérificateur général pour établir, justement, une meilleure distinction peut-être entre opérations courantes et investissements, revenus, dépenses, etc.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, très brièvement. (11 heures)

M. Filion: M. le Président, simplement une petite question rapide. On sait que le Conseil du patronat, sur la fiscalité, aime se comparer aux autres provinces. Vous savez que, dans les autres provinces, il y a seulement une déclaration d'impôt qui est produite. Seriez-vous d'accord, sur la base de l'entente fédérale-Québec pour la TPS-TVQ, qu'on ait également une déclaration d'impôt au Québec dans un but de rationaliser les dépenses publiques, bien sûr?

M. Dufour (Ghislain): Est-ce que vous suggérez qu'on fasse une seule déclaration au fédéral?

Une voix: Au Québec.

M. Filion: une seule déclaration d'impôt au québec. sur la base de la tps et de la tvq, on a une entente. on a déjà ce qu'on appelle quelque chose sur la table qui est fait, qui est

réalisé. Sur la même base, seriez-vous d'accord?

M. Dufour (Ghislain): Non. Je pense que je vous ai répondu. Je veux dire, c'est évident que nous autres...

M. Filion: Vous n'êtes pas pour la rationalisation des dépenses, comme ça.

M. Dufour (Ghislain): Non, non. Je veux dire, qu'on n'en ait qu'une, oui, mais où elle doit être faite, voilà la question que je vous retourne.

M. Filion: Mais sur la même base que la TVQ-TPS que je pose comme question, seriez-vous d'accord?

M. Dufour (Ghislain): Bien, TPS-TVQ, M. le député de Montmorency, M. le Président, je pense que, pour l'instant encore, ce n'est pas un modèle. Je veux dire, on va attendre que ça vive un peu.

M. Filion: Ah! Ce n'est pas un modèle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): On l'a dit, là...

Une voix: Bravo pour le ministre du Revenu qui est là.

M. Dufour (Ghislain): Non, non. On est d'accord avec le principe, comprenons-nous bien, mais il y a des difficultés énormes de gestion de ce dossier-là. D'ailleurs - je ne vous apprends rien - on le dit dans notre mémoire, c'est très lourd à supporter pour les PME. Ce n'est pas facile à gérer et ça aurait été la catastrophe si ça avait été deux gestions. Alors, on est mieux dans le système actuel, mais il pose encore énormément de problèmes.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Dufour.

M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président.

À mon tour, je veux vous souhaiter la plus cordiale bienvenue.

Dans votre rapport, en annexe, on trouve des recommandations du rapport Poulin. Je pense que les députés ici en seront très heureux parce que plusieurs collègues ont fait partie de ce comité-là, mais il y a une chose. Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup de la gestion des effectifs du gouvernement. Vous parlez aussi, vous citez des remarques du Vérificateur général sur la gestion des ressources humaines. Vous parlez de qualité totale. On dit: Le ministre de l'Industrie et du Commerce déclarait, lors de la semaine de la qualité totale, je crois, que plusieurs dollars sont perdus au gouvernement, puisqu'il n'y a pas application de la qualité totale. Si on avait... Bon!

Concrètement, qu'est-ce que ça signifie pour vous, l'application de la qualité totale dans l'appareil d'État? Et, ensuite, il y a un point... Parce que, dans les recommandations que vous avez retenues du rapport Poulin, une des recommandations, entre autres, portait sur l'imputabi-lité des fonctionnaires devant l'Assemblée nationale. D'ailleurs, il y a eu un rapport de produit. Le député de Vanier était l'auteur de ce rapport-là, avec le député de Laprairie, M. Lazure. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Dufour (Ghislain): Sur la question de l'imputabilité, nous, on est totalement d'accord et, si on comprend bien, le projet, la suggestion qui a émané du comité Poulin chemine à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Il y a eu un projet de loi. Il est en débat. Je pense qu'il y a une espèce de consensus là-dessus, à condition que ce soit vraiment sérieux, là, que la règle de l'imputabilité. Pour siéger sur certaines organisations para-gouvernementales, je peux vous confirmer que je suis tout à fait d'accord avec l'imputabilité.

Sur la question de la qualité totale, ce n'est pas différent, le concept, ici dans les ministères du gouvernement, que ça l'est à Hydro, ou que ça l'est dans l'entreprise privée. C'est la qualité totale, donc, le meilleur produit possible pour le meilleur service possible au meilleur coût. Vous parlez du juste à temps dans votre rapport, là où il y a des inventaires. Le concept traditionnel de la qualité totale peut s'appliquer autant dans certains ministères. Vous avez des ministères qui produisent drôlement des services. Alors, vous devriez appliquer la même conception qu'on applique dans le secteur privé.

M. Audet: Merci.

M. Dufour (Ghislain): Ce qui veut dire, notamment, rationalisation des objectifs.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, puisqu'il ne reste que quelques instants, je voudrais simplement rappeler... Parce qu'on a parlé tout à l'heure du travail au noir et on a dit: Peut-être que là, il y aurait une source de revenus qu'il faudrait examiner. Nous nous penchons depuis plusieurs mois en particulier sur cette question. On le fait au ministère du Revenu, on le fait chez nous, aux Finances, on le fait un peu partout dans le gouvernement, parce qu'on sait qu'il y a là un problème. Je sais aussi que le Conseil du patronat s'est penché là-dessus, l'APCHQ, le Forum pour l'emploi, les membres du comité Poulin. Autrement dit, il y a là un effort collectif pour essayer de diminuer l'impact

négatif de certaines pratiques qui n'existent pas seulement au Québec, par exemple.

Il faut bien comprendre que ça existe partout dans le monde, mais ça ne nous empêche pas de chercher des solutions de ce côté-là. L'une des suggestions qui avait été faite, c'était de rendre déductibles du revenu, aux fins de l'impôt sur le revenu, dans la construction, par exemple, les dépenses de rénovation domiciliaire. Alors, j'ai demandé à mes officiers, aux membres du personnel, des gens, des spécialistes du gouvernement, particulièrement au ministère des Finances, d'examiner cette question et de voir si cela était une solution, une piste intéressante. Et, bien qu'elle soit intéressante, elle est très difficile d'application, dans le sens suivant: c'est que, pour être véritablement efficace, le crédit d'impôt devrait être suffisamment élevé pour compenser évidemment le montant additionnel qu'il en coûte aux consommateurs pour faire réaliser ses travaux selon les lois et règlements en vigueur.

Au ministère des Finances, on a estimé à près de 40 % du salaire versé le taux d'un tel crédit pour espérer enrayer le travail au noir. Et, en tenant compte du travail actuellement déclaré, du travail actuellement au noir et de l'impact sur les transferts fédéraux, parce qu'il y aurait un impact également sur les transferts fédéraux, quand on fait le compte, il est estimé que l'instauration d'un tel crédit coûterait près d'un demi-milliard au gouvernement.

Alors, il faut tenir compte de cela, vous savez, lorsqu'on arrive avec des pistes de solution comme celle-là, mais nous allons continuer de tout explorer de ce côté-là et nous comptons évidemment sur la collaboration et la coopération de toutes les instances, incluant, si vous le voulez, l'Opposition.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

M. le président du Conseil du trésor, est-ce qu'il y a autre chose? Il vous reste encore du temps. Trois minutes.

M. Johnson: Quelques minutes à peine...

Le Président (M. Lemieux): Quelques minutes, oui.

M. Johnson: ...M. le Président.

Je remercie évidemment M. Dufour et les gens qui l'accompagnent d'avoir précisé comment la fiscalité peut être un facteur de localisation. J'ai été frappé de voir qu'on utilisait, de l'autre côté, le document que nous avons publié, notamment les pages 40 et 41, pour démontrer que la fiscalité n'est pas un facteur de mobilité de la main-d'oeuvre à hauts revenus. Je m'excuse, mais je vois plutôt là des tableaux extrêmement éclatants de vérité et de clarté qui démontrent précisément le contraire.

On a, au Québec, de moins en moins de gens à hauts revenus, compte tenu de la population qu'on représente, n'ayant pas maintenu, malgré les efforts que vous avez soulignés, mais qui, vous dites, ne sont pas suffisants, n'ayant pas fait des efforts réels du côté de la fiscalité afin de diminuer les écarts qui existent entre nous et tous nos voisins.

Mais, au-delà de la fiscalité, vous avez également parlé pas seulement de la parafiscalité, mais de l'environnement réglementaire fiscal. J'aimerais, évidemment, et c'a déjà été souligné, qu'on ait à l'esprit que les dépenses publiques au soutien de certaines activités, qu'il s'agisse de la santé, qu'il s'agisse de la sécurité sociale, qu'il s'agisse de l'environnement, qu'il s'agisse de ce qu'on peut consacrer aux espaces verts et bleus, sont autant d'investissements également dans la qualité de l'environnement qu'on peut déterminer.

Donc, on n'est pas en train de remettre en cause ici, je présume - nous, nous ne le faisons pas - des dépenses publiques qui sont importantes pour déterminer la qualité de notre environnement, entendu au sens large. Il y a, par ailleurs, des activités gouvernementales qui ont plutôt trait à la réglementation qu'on peut évaluer comme étant tatillonnes ou simplement de paperasses qui viennent ennuyer considérablement les entreprises. J'aimerais peut-être... Vous n'avez peut-être pas eu l'occasion de le faire, je vous la donne, l'occasion de vous écouter sur ce que ça représente comme fardeau véritable, ce fardeau non financier, non budgétaire que représente la réglementation, du point de vue de vos membres et de l'entreprise québécoise.

M. Dufour (Ghislain): Je suis content, M. le Président, qu'on me donne cette occasion-là. Ça fait partie, c'est une recommandation de notre mémoire où on dit que nous, on n'attend pas de subvention du gouvernement: crédits d'impôt. On n'attend pas, comme conception globale, d'ailleurs, que les emplois à créer soient créés par l'État. Ils vont être créés par l'entreprise privée.

Donc, il faut donner un cadre opérationnel, un environnement aux entreprises qui soit correct. Ça passe par la fiscalité, bien sûr, on l'a vu, et au niveau des individus et au niveau des entreprises, mais ça passe aussi par des politiques gouvernementales d'ensemble, par des lois, des règlements. Ça passe par des interrogations comme: la loi des décrets au Québec, par exemple, est-ce que ce n'est pas pénalisant pour les entreprises? Ça passe par la révision des politiques genre santé et sécurité du travail. Ça passe par toute une série d'irritants dont on a parlé maintes et maintes fois. Et je dois vous dire que, lorsqu'on a rencontré les caucus des députés libéraux et péquistes au mois de décembre, on avait abordé cette question-là. On avait reçu un accueil d'ailleurs très chaleureux du Parti québécois pour regarder ça. Tout le monde sait que les emplois vont être créés par les

entreprises privées. Donc, il faut leur donner un environnement, je répète, qui soit sain.

Du côté du Parti libéral, c'est plus exigeant de dire oui à ça parce que ça va supposer qu'on ne les identifie pas seulement, qu'un jour on donne aussi, qu'on prenne des corrections de tir, qu'on modifie des choses. Alors, c'est plus engageant. Moi, je pense que le message le plus important qu'un milieu comme le nôtre peut vous livrer, c'est: l'entreprise privée qui créera les emplois à venir, il faut lui donner un environnement sain, correct et il faudrait regarder tous ensemble les irritants, une fois identifiés, sur lesquels on peut agir. (11 h 10)

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Beauce-Nord. Écoutez, le temps est... Ça va?

Est-ce qu'il y aurait consentement pour une question d'ordre technique du député de Labelle? Il m'a certifié qu'elle serait très brève, et elle est strictement d'ordre technique. Ça va? Alors, d'ordre technique, allons-y.

M. Léonard: Oui, c'est une question d'ordre technique. À la page 18 de votre mémoire, vous utilisez, comme masse salariale 1991-1992, 96 235 000 000 $ pour le Québec, et c'est la base que vous utilisez pour calculer le taux des impôts sur la masse salariale par la suite. Or, dans les statistiques, statistique Québec, édition 1992, pour l'année 1990, nous avons 87 487 000 000 $ de masse salariale au Québec, et il serait étonnant que la masse salariale ait augmentée de 87 000 000 000 $ à 96 000 000 000 $ dans une année où la récession s'est fait sentir.

Est-ce que je pourrais avoir une explication sur les sources que vous utilisez ou la méthode de calcul que vous utilisez pour arriver à 96 000 000 000 $?

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Garon.

M. Garon (Jacques): Oui, M. le Président. En réponse à ça, il faut dire qu'au moment où on a fait ce tableau, on a fait des prévisions pour 1991-1992.

M. Léonard: Ah! C'est des prévisions?

M. Garon (Jacques): Maintenant, attention, ces prévisions, si on les réalise sur la base de ce que vous avez dit, un an en arrière, eh bien, l'écart n'est peut-être pas aussi grand qu'on pourrait le laisser paraître.

M. Léonard: Oui, mais est-ce qu'on peut être sûr qu'il ne s'agit que de salaires et qu'il n'y a pas d'autres éléments dedans?

M. Garon (Jacques): Strictement des salaires.

M. Dufour (Ghislain): Et, de toute façon, on a surestimé les profits. Alors, ça va...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. Oui, ça va.

Alors, je remercie les membres, je remercie ceux qui ont présenté ce mémoire au nom des membres de la commission parlementaire.

Je suspendrai environ deux minutes pour permettre à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec de bien vouloir prendre place. Nous suspendons environ deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

(Reprisée 11 h 16)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît. Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir fermer la porte arrière?

Nous allons maintenant procéder pour entendre la Confédération des Caisses populaires et d'économie Desjardins. Alors, vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Suivra un échange entre parlementaires pour une période de 40 minutes, divisée de la façon suivante: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition. J'aimerais demander à la personne qui aura à faire la lecture du mémoire de bien vouloir s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Confédération des Caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)

M. Béland (Claude): Alors, merci, M. le Président. Je suis Claude Béland, président du Mouvement Desjardins. À ma droite, Alban D'Amours, qui est premier vice-président et chef du développement et de la vérification; à sa droite, Raynald Corriveau, directeur de la fiscalité, et à la droite de M. Corriveau, Roger Champagne, qui est fiscaliste; à ma gauche, Yves Morency, directeur associé aux affaires stratégiques, et à sa gauche, Yves St-Maurice, qui est également économiste.

Alors, M. le Président, je dois vous dire que le Mouvement des caisses Desjardins apprécie l'occasion que votre commission lui fournit d'exprimer son point de vue sur les finances publiques du gouvernement du Québec. Nous regrettons toutefois le court délai qui nous a été accordé pour soumettre nos commentaires, et déplorons le fait que le document «Vivre selon nos moyens», qui sera sûrement central à vos travaux, a été rendu public le jour même de la date limite pour le dépôt des mémoires. Je pense qu'il aurait été utile de permettre aux intervenants de prendre connaissance et d'analyser ce document gouvernemental avant de finaliser leurs mémoires. Mais cependant, à sa

lecture, nous avons bien compris que la démarche de cette commission vise moins à entendre des solutions pratiques et concrètes - peut-être que je vais vous décevoir, M. le président du Conseil du trésor. On sait bien que le gouvernement doit disposer d'une longue liste de solutions, il doit toutes les connaître; j'imagine que les tablettes du Conseil doivent être pleines de ces solutions, sauf que le problème, c'est de savoir lesquelles, et quel consensus on peut faire pour les mettre en pratique.

Alors, on a compris qu'on cherchait plutôt à amener les partenaires socio-économiques à prendre conscience de la situation globale des finances publiques, de l'urgence d'agir et de la nécessité d'établir, à cet égard, un véritable consensus social. Il est vrai que, comme citoyens et citoyennes, nous avons la mauvaise habitude de voir la fiscalité à travers la lorgnette de nos intérêts particuliers. Cette démarche-ci a le grand mérite de nous inviter à prendre place devant le grand écran du projet global de notre société et de prendre conscience de la complexité des solutions. En somme, une démarche qui invite à une véritable concertation de tous les partenaires, non seulement à poser les gestes qui permettront de réaliser au mieux le projet de société, mais surtout, et j'insiste là-dessus, à modifier les façons de penser et les comportements. (11 h 20)

Les Québécois veulent tous et toutes une société prospère, juste et équitable, qui fait travailler tout son monde et qui prend soin de ses jeunes, de ses aînés, de ses malades; ça, c'est évident. Là-dessus, il y a un consensus, on sait ce qu'on veut. Mais là où on s'entend moins, c'est sur ce qu'on peut faire, à partir des évaluations de nos forces et de nos faiblesses. En somme, s'entendre sur nos moyens.

Je pense que le document le pose bien, «Vivre selon nos moyens». Déjà, quand on écoute certains mémoires, on se rend compte qu'on ne s'entend même pas là-dessus. En conséquence, quand on ne s'entend pas sur les moyens dont on dispose, on a beaucoup plus de difficultés à s'entendre sur ce qu'on doit faire et, évidemment, il y a des choix à faire.

Nous, nous sommes d'accord avec l'affirmation qu'il faut vivre selon nos moyens. À part les dépenses d'immobilisations et d'investissements qui profiteront aussi aux générations futures, nous pensons que nous n'avons pas le droit d'offrir aux générations d'aujourd'hui des services que devront payer ceux qui prendront la relève. Il me semble qu'on devrait convenir, au départ, de ce principe. Ce consensus suppose une révision en profondeur du système de financement de9 services publics. Or, tout requestionnement en profondeur des finances publiques exige, à mon sens, de s'interroger sur la mission et le rôle que la société québécoise désire confier à l'État. En d'autres termes, il faut s'entendre sur les services collectifs et communs qu'on considère essentiels, c'est-à-dire les services universels assumés obligatoirement par tous et par toutes et s'entendre également sur la façon la plus efficace de les dispenser.

Cette révision est nécessaire, car les paramètres de notre environnement ont manifestement changé comparativement à ceux qui prévalaient il y a 30, 20 ou même 10 ans. Dès lors, il faut ajuster le rôle de l'État au nouvel environnement. Au cours des 30 dernières années, le gouvernement est graduellement devenu, d'une part, un État pourvoyeur, d'abord à l'égard de certains services et, ensuite, à l'égard de plus en plus de services pour, finalement, devenir un État-providence. D'autre part, il est passé d'un État catalyseur, acteur de changements au moment de la Révolution tranquille, à un État régulateur de la vie des citoyens et des citoyennes et du développement des entreprises au point de devenir, en certaines circonstances, paralysant et source de démotivation.

Quant aux services publics essentiels, nous sommes d'accord que l'État québécois doive assurer l'universalité des services d'éducation, de santé et de sécurité du revenu et que ces coûts doivent être assumés par tous les citoyens et les citoyennes, en tenant compte de leur capacité de payer. Cependant, puisqu'ils doivent assumer les coûts, nous croyons que l'État ne devrait pas avoir seul la responsabilité et surtout l'autorité pour dispenser ces services. Il nous apparaît essentiel, pour assurer l'efficacité de ces programmes et être aptes à instaurer une véritable démarche de qualité, que l'État partage avec les contribuables la responsabilité de ces services.

À cet égard, nous sommes d'avis que le rôle principal de l'État doit être de faire en sorte que la société profite au maximum de toute l'énergie, la créativité, le dynamisme qu'on retrouve chez ces citoyens et citoyennes et de les mettre à contribution dans la gestion des services requis par la population. Ainsi, lorsque nous disons que l'État doit partager la responsabilité de ces services avec les contribuables, nous parlons moins d'un partage des coûts, de frais modérateurs ou de tarification à l'usage. Il en faut, je pense, pour empêcher certains abus ou pour faire certaines pondérations. Mais nous, on parle davantage d'une prise en charge par les citoyens et les citoyennes des services qu'ils veulent voir mettre en place.

Forts de l'expérience que connaît le Mouvement Desjardins depuis plus de 92 ans, nous pensons que les actions du gouvernement ne doivent pas être centralisatrices, mais que l'État doit être le catalyseur, celui qui propose le projet de société, qui en proclame les valeurs et établit les priorités, et qui procure aux citoyens et aux citoyennes tout l'oxygène nécessaire pour que chacun et chacune puissent mettre toutes ses énergies à réaliser ce projet. Plus il y aura

d'hommes et de femmes qui travailleront à réaliser le projet de société, plus ce projet se réalisera avec succès et dans l'harmonie. Malheureusement, la vision qui prédomine actuellement cherche plutôt à confier à quelques-uns cette responsabilité, suivant des nonnes et des procédés centralisés et nécessairement mal ajustés et contraignants pour les usagers de ces services.

Pourtant, il est essentiel de miser sur nos véritables forces, celles de nos ressources humaines, celles des citoyens et des citoyennes qui, eux, connaissaient bien leurs véritables besoins et ont l'intelligence et la capacité de se les donner. D'ailleurs, cette façon de rendre les gens responsables des services qu'ils veulent avoir a été expérimentée avec succès au Québec. C'est en responsabilisant les producteurs agricoles au début du siècle, à travers la coopération et à travers un syndicalisme professionnel vigilant, que nos producteurs ont repris le contrôle de leur marché. Ils l'ont fait eux-mêmes. C'est en responsabilisant les citoyens et les citoyennes à l'égard de la nécessité de se créer un rempart économique qu'ils se sont donné des institutions financières qui, aujourd'hui, regroupées, sont devenues une des forces économiques les plus importantes au Québec. C'est une réalité. Et Alphonse Desjardins était profondément convaincu que la meilleure façon de libérer le maximum d'énergies créatrices et productrices des gens consistait simplement à les responsabiliser, pas du bout des lèvres, mais dans l'action, à les associer en somme à des entreprises dont ils seraient propriétaires et usagers. Cette formule a réussi, et je me demande toujours pourquoi on cherche ailleurs des solutions qui, à mon avis, ne conviennent pas à notre société, ne conviennent pas à notre société particulière. On va toujours chercher des modèles très loin alors qu'on en a inventé, des modèles, qui ont performé. Pourquoi on résiste à puiser dans les expériences typiquement québécoises qui ont réussi?

Le document «Vivre selon nos moyens» préconise des avenues visant à transformer en profondeur l'intervention gouvernementale. Nous souhaitons de tels changements majeurs, mais nous doutons qu'ils se réalisent tant la culture interventionniste est forte, tant la présence de l'État est lourde et tant qu'il y a des mythes qu'il est difficile de modifier. Par exemple, on parle beaucoup de décentralisation au Québec comme moyen de maximiser l'efficacité. On parle de la nécessité de rapprocher la décision près des citoyens et des citoyennes. Dans le discours, on vante les mérites d'une telle formule, mais, dans la réalité, c'est la consultation qu'on décentralise. Mais l'État demeure omniprésent et le décideur ultime. Il est illusoire d'espérer rendre les services de façon plus efficace et d'exercer un contrôle plus serré si tous ces fournisseurs restent soumis à la bureaucratie gouvernementale, à ses procédés, à ses normes et imputables finalement à des gens qui, eux, ne sont pas dans le milieu et sont loin des usagers.

Une décentralisation ainsi emprisonnée ne peut produire tous ses effets bénéfiques. Et ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'en conséquence, comme on obtiendra des résultats très mitigés, on finira par dire que la décentralisation, ce n'est pas bon, alors que dans d'autres secteurs elle a fait ses preuves et que, dans bien de grandes entreprises aujourd'hui, elle apparaît comme la formule d'avenir. Il surfit de lire le livre «In Search of Excellence». Les Américains ont découvert ça il y a quelques années.

C'est évident qu'il faudra des transformations majeures, mais il faudra se contraindre à la cohérence. Au moment où le gouvernement parle de transformation majeure pour améliorer les finances publiques, au moment où des ministères proposent de devenir des accompagnateurs ou des catalyseurs - c'est des choses qu'on se fait proposer - et non plus être des pourvoyeurs, d'autres ministères songent à agir de façon tout à fait contraire et à devenir de véritables opérateurs, entrant en concurrence avec te secteur privé. Si le consensus doit porter sur la mission et le rôle de l'État, nous croyons fondamental que chacun des principaux intervenants convienne d'un consensus autour de leur rôle et leurs responsabilités respectives.

Ainsi, l'État devrait, pour sa part, mettre en place les conditions favorables à la création de la richesse par les citoyens et les citoyennes eux-mêmes tout en assurant une redistribution raisonnable de cette richesse, assurer la simplicité, l'équité, la neutralité de la compétitivité du régime fiscal québécois, disposer d'une fonction publique imputable et compétitive, soumise aux mêmes stimulants que les gestionnaires des entreprises non gouvernementales, se retirer de la production de biens et de services là où le secteur privé est plus efficient et efficace, et même ne pas craindre de faire des expériences à cet égard. Et lorsque les pourvoyeurs de services qui profitent aux générations actuelles suivent les mêmes règles de gestion que les entreprises privées, corriger les chevauchements interministériels et, évidemment, entre les paliers de gouvernement, on en a parlé souvent. Le secteur non gouvernemental, quant à lui, devrait être le principal agent de la création de la richesse en s'assurant que ses investissements, autant dans la ressource humaine que matérielle, accroissent sa compétitivité dans une économie en voie de mondialisation. (11 h 30)

Finalement, les citoyens et les citoyennes devraient se responsabiliser à l'égard de leur propre consommation de biens et de services publics et prendre conscience qu'ils ne sont pas gratuits.

En raison des nombreux défis que pose la situation des finances publiques, des actions

énergiques doivent être entreprises dans les meilleurs délais. Il serait irresponsable de prétendre que la reprise économique anticipée suffira à elle seule à redresser la précarité des finances publiques. La leçon des années 1983 à 1989 témoigne qu'en dépit d'une longue période de prospérité économique, le gouvernement fut dans l'impossibilité d'assainir suffisamment les finances publiques. Aucune marge de manoeuvre n'a pu être dégagée pour lui permettre d'atténuer les effets de la récession du début des années quatre-vingt-dix. Il ne faut donc pas répéter la même erreur et transférer indûment le fardeau fiscal de plus en plus lourd aux générations futures.

Nous sommes également de l'avis du ministère des Finances et du Conseil du trésor que d'adopter des mesures très restrictives afin de parvenir à l'équilibre des opérations courantes dès le prochain exercice financier ne serait pas de nature à stimuler la reprise qui s'amorce. Il importe cependant de s'attaquer résolument à cette problématique dans une perspective de moyen terme.

Nous accordons plus de mérite et plus de chance de succès à une approche graduelle et planifiée, d'autant plus qu'elle obtiendra plus facilement l'aval d'un large segment de la population et qu'elle s'appuiera sur une démarche de qualité. Celle-ci amènera le gouvernement à se pencher sur son rôle et ses responsabilités, à se rapprocher de ses clients et de leurs besoins, à revoir sa prestation de services et à apporter les correctifs qui s'imposent, non pas sur une base ponctuelle mais continue, pour que ces services soient de meilleure qualité et à coût moindre. Nous sommes en faveur d'une approche graduelle, mais nous la souhaitons un petit peu plus accélérée que celle proposée.

Je pense qu'on pourrait parler d'une fiscalité à deux vitesses. Il y a peut-être des sacrifices à faire au départ, quitte ensuite, après avoir donné l'oxygène nécessaire, à reprendre le bon chemin. Nous croyons que le gouvernement devrait devancer d'une année le rétablissement de l'équilibre des opérations courantes, tout en admettant qu'il serait acceptable de comptabiliser comme dépenses uniquement les frais d'amortissement des Investissements et des dépenses d'immobilisations qui profiteront aux générations futures.

Nous savons que cet objectif est exigeant, bien que réaliste, en autant qu'on réévalue en profondeur un à un tous les programmes gouvernementaux, qu'on en considère la pertinence et l'efficience, qu'on s'appuie, dans la recherche de solutions, sur une fonction publique dédiée et imputable et qu'on apporte des ajustements appropriés à la fiscalité québécoise pour en améliorer la neutralité, l'équité et la compétitivité. Mais il faut penser aussi aux revenus de l'État, de sorte que ces solutions se situent de plus dans un environnement économique exigeant où domine l'obligation de créer des emplois pour trouver une solution permanente au problème des finances publiques.

La mondialisation des économies et l'ouverture de l'économie québécoise sur le monde risquent de compliquer davantage les choses puisque la productivité et la compétitivité, tout en demeurant incontournables, ne signifient pas plus d'emplois à court terme. La création d'emplois passe par des investissements importants du secteur non gouvernemental dans la restructuration de l'économie et des exportations. Nos recommandations visent à faire bénéficier les entreprises québécoises que nous souhaitons, d'ailleurs, de plus en plus à propriété largement répartie, d'un environnement fiscal propice à l'investissement et favorisant l'épargne nécessaire pour assurer leur financement dans un contexte où les déficits gouvernementaux ne cessent de leur imposer des coûts non concurrentiels. Nous souhaitons vivement que les travaux de ce comité puissent donner lieu à un sérieux coup de barre qui nous permette à tous de reprendre le chemin de la prospérité.

Mes collègues et moi, M. le Président, sommes disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Béland.

M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président.

Je souhaite la bienvenue à M. Béland et à ses collaborateurs qui viennent de nous donner une présentation où on note un équilibre remarquable, un réalisme dont un plus grand nombre d'intervenants devraient s'inspirer, sans abandonner, comme on le fait d'ailleurs dans le document gouvernemental, sans abandonner la préoccupation de maintenir des services publics de qualité.

C'est ça qui est au centre de l'exercice. On se demande comment, comme citoyens, on doit confier certaines tâches pour l'ensemble de la collectivité à une institution, qui est notre gouvernement, par les institutions concrètes qu'on connaît, le tout dans un souci d'égalité, d'équité, de justice. Et ça, ça demande une oeuvre de réflexion qui doit toujours respecter un équilibre extrêmement fragile. D'autant plus fragile - c'est ce qu'on a exprimé, et vous le sentez - qu'il y a certaines dépenses publiques qui risquent, si elles ne sont pas mieux balisées, mieux équilibrées elles aussi, rendues et exécutées avec une plus grande qualité, donc une plus grande productivité, risquent de briser l'équilibre qui est observé entre les dépenses et les revenus.

Il serait intéressant de dire: II faut d'abord voir quelles sont nos priorités, regardons nos dépenses, et, après ça, on pourra parler des revenus, de sorte que cette dimension-là aussi sera prise comme telle, équilibrée, et que les

revenus doivent également démontrer que le gouvernement est soucieux de justice, d'équité, d'égalité entre les citoyens.

Ce qu'il y a de difficile aussi dans l'oeuvre qu'on entreprend, et vous l'avez réalisé, c'est de garder l'oeil sur l'horizon le plus lointain possible. Ça prend beaucoup de courage. Il n'y a pas beaucoup de gens, je me permets de le dire, à part le document gouvernemental, qui soulignent que la restructuration - vous allez le voir de façon très précise - de l'économie fait en sorte que si on doit investir massivement pour la moderniser, notre économie, afin de créer beaucoup d'emplois, ça exclut cette approche-là, ça exclut pratiquement... c'est-à-dire on crée des emplois tout de suite. C'est afin de créer des emplois, éventuellement, le plus rapidement possible, mais, éventuellement, pas demain, qu'on doit poser certains gestes. Et ça, vous le dites, et vous gardez cet équilibre-là.

Vous parlez d'investissement à long terme. Le problème, pour un politicien qui parle d'investissement à long terme, c'est que les effets bénéfiques de l'investissement n'arrivent qu'à long terme; il faut vivre avec ça. Il faut vivre avec ça. On ne peut pas faire d'investissement à long terme et espérer des résultats à court terme, et vous le souligniez avec raison.

Un des outils qu'on a pour réaliser ça, de notre côté, comme collectivité - on a la responsabilité de voir à ça de ce côté-ci - c'est de redresser graduellement là aussi le long terme, le fardeau que les dépenses publiques représentent sur l'économie, sur les citoyens, de le redresser graduellement par des gains de productivité qui ne seront pas disponibles demain, qui seront disponibles dans trois ou cinq ans. Vous parlez de trois ans, on parle de cinq ans. Vous parlez du «plus rapidement possible» dans certains autres cas; là aussi, c'est réaliste et bien équilibré. On doit - et c'était ça, l'idée de parler de fiscalité, de déficit et de dépenses - voir comment les orientations sur un horizon réaliste peuvent être prises afin de réaliser le redressement.

Nous avons privilégié dans certains de nos discours depuis quelque temps, du côté de cette équation, le côté des dépenses publiques. On ne peut pas y échapper. Vous l'abordez de deux façons: l'organisation des services publics, la productivité, responsabiliser les gestionnaires, les gens, les prestataires de services, nos employés. Vous avez des succès dont vous pouvez vous inspirer, dont vous pouvez témoigner dans le mouvement coopératif.

Il y a également le niveau de services, la façon dont le citoyen utilise ces services publics. Sait-il... Je le disais hier: Sait-on vraiment que les services publics ne sont pas gratuits? On s'imagine, peut-être par la mécanique des prestations de services, qu'ils sont gratuits de façon immédiate. Vous dites, et je suis d'accord avec ça, que le lien n'a pas vraiment été fait entre les citoyens et le coût des services. Ça n'a pas été signalé. (11 h 40)

Vous donnez un exemple, et je vais peut-être finir par une question. Je vais finir par une question à cet égard-là. À la page 14 de votre mémoire et dans votre présentation, vous avez parlé de responsabiliser les citoyens à l'égard de leur propre consommation de biens et services. On peut parler dans ce cas-là de toutes sortes de signaux - c'est là-dessus que je voudrais vous entendre - d'avoir un signal par la publicité. On a évoqué ça hier, à un moment donné, devant la Fédération des infirmières, je pense. On peut mener une campagne pour dire aux gens: Ça coûte quelque chose, les services publics. Pensez-y, quelles sont vos priorités pour qu'on puisse les connaître et les refléter?

On peut également vous le souligner, aviser les gens, par exemple, dans le domaine de la santé, qu'ils ont consommé pour tant de milliers ou de centaines de dollars, peu importe, dans l'année courante ou depuis deux ans. Vous serez heureux d'apprendre que nous sommes en voie de mettre sur pied un système - ça prend beaucoup d'informatique, vous le soupçonnez, pour suivre la prestation de services médicaux - qui va peut-être permettre d'aller préparer le terrain pour pouvoir faire ça éventuellement. C'a déjà été demandé, et on se penche là-dessus.

Mais j'ai également évoqué de façon plus concrète que le meilleur signal qu'on puisse donner, c'est quand ça coûte 1 $, au moins, et qu'il faut faire un geste concret à chaque fois. Ça, ça modifie le comportement, ça responsabilise, ça. Et, à la limite, peut-être qu'on ne sera plus obligé, avec le temps, de demander aux gens de payer. Si tout le monde modifie son comportement, on peut aussi moduler la façon dont on signale le coût du service public.

Alors, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là - vous en avez parlé - de l'universalité du signal qu'on doit donner à tout le monde que les services publics coûtent quelque chose et la nature des signaux qu'on peut envisager.

M. Béland: Le petit moyen qu'on soulignait, qui, évidemment, n'en est qu'un parmi tant d'autres, c'était celui de faire signer l'attestation du coût des services pour prendre connaissance... Je pense que les gens ne réalisent pas ce que peut représenter un séjour dans un cabinet de médecin ou un séjour dans un hôpital. On pourrait peut-être étendre ça à d'autres services. C'est peut-être dans les services de santé que c'est le plus spectaculaire. Qu'on ajoute à ça un ticket modérateur pour qu'on prenne conscience qu'il faut payer pour les services. Je pense qu'il faut un peu de tout, parce qu'il ne faudrait pas non plus que le ticket modérateur soit la bonne conscience des citoyens, en disant: Bien, j'ai payé mes 10 $ ou j'ai payé mes 5 $, donc, j'ai droit aux services. On sait très bien que ça

coûte beaucoup plus que ça. Je pense qu'il faut prendre conscience des gens... et peut-être mettre le système en place, comme vous dites, parce que peut-être qu'un jour on débouchera sur - comme on entendait tout à l'heure parler le Conseil du patronat - une forme d'impôt-services ou faire en sorte que ceux qui ont la capacité de payer paient davantage. Est-ce qu'on peut ajouter ça éventuellement, une partie, sur les revenus des citoyens, en disant: Voici ce que l'État a payé pour vous? Il y a toutes sortes de façons qu'on peut penser... Je n'ai pas les recettes, mais je dis qu'on est condamnés à être innovateurs, parce que, autrement, on ne s'en sortira jamais.

M. Johnson: Je crois comprendre, en deux mots, que vous n'excluez pas le ticket modérateur.

M. Béland: Non, pas du tout, c'est ce que nous disons dans notre mémoire, d'ailleurs, oui.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

D'abord, bienvenue aux représentants du Mouvement Desjardins, en particulier à son président. Je voudrais vous féliciter de la qualité de votre mémoire, tant dans ses perspectives, dans ses généralités, que dans les mesures qu'il propose plus en détail, plus particulières. Je pense qu'il est vraiment d'une très grande qualité.

Je voudrais faire quelques remarques. D'abord, vous avez traité beaucoup de l'État qui fournit des services à moindre coût. Vous venez d'en discuter avec le président du Conseil du trésor, mais je voudrais vous interroger surtout sur le rôle de l'État que vous voyez dans la relance de l'économie. Je sais qu'il y a toutes sortes de théories là-dessus, dans le passé aussi. Vous les connaissez, et puis quand on voit ce que vous dites dans votre mémoire, c'est sûr que vous y avez réfléchi.

Vous parlez de la fiscalité pour stimuler le développement, la reprise, et vous dites aussi que l'État a une fonction de créer un climat favorable à l'épargne, à l'investissement, et vous comparez les situations de 1982 où il y avait une épargne quand même Importante au sortir de la récession de l'ordre de 18,7 % ou de 17 %, que vous mentionnez à la page 15 de votre document, qui serait réduite, une épargne qui est beaucoup réduite maintenant à 10 %. Je m'interroge sur les conditions de la reprise et sur ce que le gouvernement pourrait faire tout en maintenant l'équilibre des finances publiques. Je pense qu'à moyen terme on n'en sortira pas, il faut absolument faire cela.

Voici des éléments. L'autre élément, c'est que, à mon sens, dans le Québec, il y a comme une désagrégation du tissu économique dans toutes ses régions. J'en ai parcouru quelques-unes au cours des dernières semaines et je crois que c'est un fait extraordinaire, triste, pénible à constater, mais c'est extraordinaire, et je me demande comment on va repartir la roue parce qu'au fond ce sera comme dans d'autres récessions, ça va d'abord repartir par la PME, par l'initiative et l'imagination des individus, des citoyens.

Vous, comme Mouvement Desjardins, à la tête d'un réseau de quelque 1500 caisses bien branchées sur le plan local, régional, et même local et même individuel, qu'est-ce que vous pensez que l'État peut faire dans ces circonstances au-delà de créer un climat favorable à l'épargne et à l'Investissement? Comment, lorsque vous parlez de l'emploi, dans les derniers bouts de votre exposé, où j'ai bien noté... Je vais relire le paragraphe parce que je le crois particulièrement important: «Mais il faut penser aussi aux revenus de l'État, de sorte que ces solutions se situent de plus dans un environnement économique exigeant où domine l'obligation de créer des emplois pour trouver une solution permanente au problème des finances publiques». Cela veut dire que c'est ça qui va, finalement, régler le problème des finances publiques. et puis vous dites que ça «passe par des investissements importants du secteur non gouvernemental dans la restructuration de l'économie et des exportations». dans la mesure où - et ce sera encore vrai dans l'avenir - 80, 90 % des emplois créés le seront par les petites et moyennes entreprises, comment voyez-vous le rôle de l'état?

M. Béland: Écoutez, si je regarde la situation, actuellement, on explique souvent l'obligation de restructurer l'économie par le fait qu'il y a trois éléments qui m'apparaissent extrêmement importants. Les déficits, évidemment, des organismes publics, des gouvernements à tous les niveaux sont un fardeau important. Donc, le gouvernement n'a plus de marge de manoeuvre, on le sait. On respecte ça. On dit: II faut jouer le jeu. Bon. Mais, parce que le gouvernement n'avait plus de marge de manoeuvre, c'a amené les entreprises, d'une façon générale, à rationaliser pour être capables de conserver leur compétitivité. On n'avait pas le choix, et toutes les entreprises l'on fait. Desjardins l'a fait et ça, c'est un peu nouveau chez nous, mais on est obligé de vivre les...

Je me souviens, quand j'ai été élu en 1987 - ça n'a rien à voir avec moi, mais c'est mon point de référence, ça fait tout de même cinq ans - on avait 27 000 employés chez Desjardins et, quatre ans plus tard, on en avait 38 000, au point où mes dirigeants me disaient: M. Béland, arrêtez de dire ça, on a l'air de mauvais gestionnaires. Comme si créer de l'em-

ploi c'était être de mauvais gestionnaires. Mais aujourd'hui, depuis deux ans, on n'est plus créateur d'emplois, on est en période de restructuration, nous aussi, parce qu'on veut maintenir notre compétitivité, et d'autant plus qu'elle s'ouvre sur le monde maintenant. On n'a pas à concurrencer les banques locales, on a à concurrencer le monde. C'est vrai dans le monde financier aussi, les capitaux sont excessivement mobiles.

Et troisième élément, le contribuable, lui non plus, n'a plus de marge de manoeuvre. Les taux d'épargne, vous avez raison, sont à 10 %. Mais quand on sait qu'il y a 8 % environ dans les REER, la marge de manoeuvre pour l'investissement ou des dépenses un peu plus importantes n'est pas très large.

Alors, le raisonnement qu'on se fait, finalement, c'est de dire: Puisqu'on a un instrument qui est la fiscalité, est-ce qu'on ne pourrait pas... Parce que ce n'est pas simplement en attendant que le gouvernement se redonne une marge de manoeuvre qu'on dit: Quand il l'aura, il va investir. On se dit: Est-ce que ce n'est pas préférable d'utiliser cet outil qu'est la fiscalité pour donner de l'oxygène à ceux qui sont créateurs d'emplois, les entreprises, les PME - vous le dites, c'est très créateur d'emplois - que les entreprises en général? Moi, je favorise évidemment les entreprises à propriété largement répartie parce qu'à mon sens ce sont celles qui sont les plus durables. Faisons ça et, en même temps qu'on aura mieux orienté notre fiscalité sur les objectifs qu'on poursuit, on donnera des revenus à nos gouvernements qui en ont grandement besoin. Et peut-être qu'on atteindra, finalement, les buts qu'on poursuit plus rapidement.

Je pense que si on prend l'autre chemin en disant: Eh bien, il n'y a que le gouvernement qui peut être investisseur. Mon Dieu! On va couper dans les services, les gens n'auront pas plus d'argent à dépenser, on va faire perdurer la récession, et je trouve que ce n'est pas très productif. Alors, c'est le raisonnement qu'on s'est fait. (11 h 50)

M. Léonard: Disons, pour prendre des raisonnements qu'on développe parfois ou qu'on entend, que je suis préoccupé par le fait que les jeunes, les personnes, les citoyens d'âge moyen qui devraient être en mesure d'investir ont des besoins financiers personnels très élevés qui les handicapent lorsqu'ils veulent créer des entreprises. Je m'explique un peu plus. Quand quelqu'un, un citoyen, a 25 ans, qu'il a des enfants - c'est l'âge où on les a généralement - qu'il s'achète une maison, donc il a une hypothèque à rencontrer. Actuellement, il n'a pas d'emploi stable.

M. Béland: Oui.

M. Léonard: Je pense que nous avons un problème, parce que ce n'est pas lui qui a de l'épargne, c'est lui qui en a besoin. Et nous trouvons les épargnes, disons, en ce qui vous concerne, dans les caisses pop. Et quand il y a une récession, il y a beaucoup d'épargne.

M. Béland: Bien, pas tant que ça.

M. Léonard: Dans les banques et les caisses, généralement, c'est la période où il y en a le plus. La jonction entre ceux qui ont besoin de fonds, ceux qui les ont et l'action du gouvernement, est-ce qu'il n'y a pas un domaine de réflexion considérable sur ce plan-là? Parce que je le situe à la base des problèmes de l'État.

Présentement, ce qui se passe, c'est que nos jeunes, un peu plus jeunes même, travaillent pour payer leurs études pendant qu'il y a un chômeur qui est sur le marché du travail, qui, lui, ne travaille pas et qui demande des prestations d'assurance-chômage ou d'assistance sociale. C'est la réalité présentement. Et c'est là, je trouve, qu'il y a un problème, une question majeure qui se pose dans notre société, parce que ce sont les gens les plus dynamiques, de 25 à 30 ans. Moi, je trouve qu'il y a un phénomène à examiner.

M. Béland: II reste dans tout ça que le taux d'endettement même des individus actuellement est plus élevé qu'il ne l'a jamais été. Alors, mettez tout ça dans le même paquet, et ça ajoute à la difficulté. Alors, il faut vraiment faire en sorte que la fiscalité, si on prend la colonne des revenus, favorise la création d'emplois pour que le gouvernement puisse retirer des revenus de ceux qui travaillent, parce qu'autrement on n'a que des mesures passives et les mesures passives, pour les assumer, les acquitter, il faut avoir des revenus. Alors, nous, on pense que la fiscalité devrait s'orienter...

M. Léonard: M. Béland, la fiscalité se situe en aval. Vous payez des impôts, vous payez des taxes et des impôts quand vous avez un travail...

M. Béland: C'est exact.

M. Léonard: ...quand vous avez un mininum de revenus.

M. Béland: Oui.

M. Léonard: C'est comment relancer l'économie à partir même de la petite et moyenne entreprise? Je pense que c'est d'ailleurs la base.

M. Béland: Je vais demander à M. D'Amours, ce qui va me permettre de prendre une gorgée d'eau.

M. Léonard: Oui.

M. D'Amours (Alban): Je pense que ce qu'il est important de reconnaître Ici, c'est que la situation économique du Québec n'est pas différente de celle d'ailleurs en Amérique du Nord. Il y a peut-être plus de problèmes ici qu'ailleurs, cependant. C'est une économie ouverte, et on est maintenant condamnés à assurer la croissance économique et la création d'emplois par, par exemple, nos exportations. Notre marché, tel qu'il est, il est ceinturé, et on ne peut pas déborder, finalement, cette ceinture. On ne peut pas surconsommer pour créer des emplois, sauf qu'on peut, je pense, accéder à des marchés extérieurs. Et la mondialisation, l'ouverture des marchés, la libéralisation des échanges internationaux nous amènent donc à opter pour cette avenue-là. Mais pour pouvoir exporter, il faut donc créer de nouvelles entreprises dans de nouveaux créneaux technologiques; il faut pouvoir concurrencer, il faut pouvoir, donc, être compétitifs, et l'entreprise d'ici n'a pas toutes les conditions favorables à cet effet-là.

On pense que la PME, qui, elle, génère des emplois dans la plus grande partie au Québec pourrait profiter d'un environnement fiscal peut-être plus incitatif à cet égard. On a parlé dans notre mémoire de la taxe sur le capital, par exemple. On sait fort bien que même si la fiscalité des entreprises au Québec est relativement favorable par rapport à celle des autres provinces, il n'en demeure pas moins que cette petite entreprise, si on ajoute la taxe sur le capital, elle a des freins. Avez-vous jamais pensé qu'une petite entreprise qui emprunte pour se capitaliser dans la technologie pour exporter va se faire taxer sur ses emprunts? On dit: Oup, oup, oup! Là, il y a quelque chose qui ne marche pas trop, trop. Si on veut être cohérents, il faut avoir une ligne de ce type-là.

M. Léonard: Est-ce que, à ce moment-là, si je pousse un peu plus, vous seriez d'accord pour qu'on diminue l'imposition sur le capital, les profits des entreprises, mais qu'on taxe davantage les dividendes?

M. Béland: On n'a aucune objection à ça. Il faut aller chercher les revenus à quelque part.

M. Léonard: Ce serait une orientation. M. Béland: Oui.

M. D'Amours: La taxe sur le capital, telle qu'elle a été conçue, c'est pour taxer, finalement, la richesse non distribuée dans l'entreprise. Alors, dans ce sens...

M. Léonard: Vous trouvez que c'est un frein considérable?

M. D'Amours: C'est un frein important.

M. Léonard: Très bien.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Vous seriez pour la réduire, la taxe sur le capital, non pour l'abolir?

M. D'Amours: Pour changer l'assiette fiscale et non pour l'abolir.

M. Filion: L'assiette, uniquement.

M. D'Amours: On l'a depuis des dizaines d'années.

M. Filion: Oui, parce que ça a toujours été vu un peu comme une taxe minimum. On sait la volatilité des profits qui se retrouvait à travers d'autres provinces uniquement sur des questions techniques. On taxait le profit ailleurs, on ne le taxait pas au Québec. Toute l'organisation de l'entreprise était au Québec, générait des profits au Québec, mais n'était pas taxée ici. Alors, cette forme-là de taxation qui a été implantée était dans un but d'assurer une forme d'impôt minimum. Maintenant, qu'elle soit revue, je pense que vous avez raison également.

Moi, pour continuer dans la foulée également, au niveau de l'idée...

D'ailleurs, je vous remercie. Je vous souhaite la bienvenue également à cet échange qui se veut très construct et où on va trouver ensemble des solutions, je l'espère.

Le président du Conseil du trésor, tout à l'heure, disait que vous aviez un mémoire très réaliste, et je partage cette opinion, effectivement. Il y a un point, moi, qui attire mon attention, c'est votre recommandation 14 où vous dites: «Que le gouvernement du Québec entreprenne avec le gouvernement du Canada des négociations pour obtenir l'administration exclusive, au même titre que la TPS, de l'impôt sur le revenu des particuliers et des corporations.»

Est-ce que, pour vous, ça se limite effectivement à une déclaration d'Impôt-Québec? J'aimerais que vous m'expliquiez un peu cette philosophie-là que vous prônez?

M. Béland: La réponse est oui. Puisqu'on plaide en faveur de la simplicité, puisqu'on plaide en faveur d'une gestion plus efficiente, il nous apparaît qu'un seul rapport d'impôt est suffisant. C'est plus facile de faire un chèque au fédéral que de faire des millions de rapports d'impôt.

M. Filion: Également, on retrouverait, bien entendu, des économies d'échelle très importantes et on aurait une saine gestion de nos finances publiques. Alors, vous, vous seriez d'accord qu'on enclenche le plus rapidement possible ce genre de négociation là?

M. Béland: Oui. Nous, on est d'accord avec ça.

M. Filion: Le plus rapidement possible?

M. Béland: Bien, le plus rapidement serait le mieux.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui. D'abord, je tiens à vous féliciter, parce que le mémoire que vous avez présenté offre une vision globale et, d'ailleurs, équilibrée, comme l'a souligné le président du Conseil du trésor.

Justement, dans ce contexte-là, si je prends la recommandation 6 que vous avez faites, impliquant «que le gouvernement réforme la comptabilité publique»... Vous faites allusion particulièrement aux dépenses en immobilisations, mais je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'ouvrir le concept de façon un peu plus large en faisant appel à ce que j'appellerais le concept de comptabilité sociale.

On entend souvent des experts de toutes sortes dire, par exemple, que lorsqu'une personne perd son emploi, ce n'est pas uniquement un manque à gagner sous forme d'impôt sur le revenu pour l'État, pour le gouvernement, mais c'est également une charge publique au niveau, d'abord, de l'assurance-chômage pour le gouvernement fédéral, ensuite, le bien-être social, s'il tombe sur le bien-être social, mais finalement, il y a toutes sortes d'autres charges publiques qui en découlent; par exemple, les soins médicaux, psychiatriques et ainsi de suite qui peuvent découler de cette situation-là.

Alors, ne pensez-vous pas que dans ce contexte de vision globale, d'abord, dans le but de conscientiser les gens aux véritables coûts des services publics, d'autre part, de former ce consensus au niveau du contrôle des dépenses, en introduisant le concept de comptabilité sociale, ça nous permettrait d'avoir une vision plus juste du coût réel à la société et au gouvernement de certaines situations et ça nous permettrait, du même coup, d'avoir des solutions plus précises et plus ciblées?

M. Béland: II est évident que nous sommes favorables à toute forme de transparence; c'est comme ça qu'on réussit à responsabiliser les citoyens et les citoyennes. (12 heures)

M. D'Amours ayant déjà été sous-ministre du Revenu, peut-être que vous pourriez, M. D'Amours, expliquer un peu mieux notre paragraphe de la comptabilité.

M. D'Amours: Oui. Il est clair que lorsqu'on fait les comptes publics et qu'on observe le compte d'investissements et d'immobilisations et le compte des opérations courantes, l'objectif du gouvernement, c'est d'équilibrer son budget au niveau des opérations courantes. Dans un premier temps, nous sommes d'accord avec ça. Nous considérons, cependant, que les immobilisations gouvernementales devraient être considérées comme les investissements privés et qui ont une durée de vie et que les dettes que nous devons payer, les dépenses qu'on doit absorber pour, annuellement, absorber ces dépenses d'amortissement devraient être incluses dans le coût des opérations courantes. Dans ce sens-là, ça nous prend une comptabilité qui nous permet de faire cette distinction-là.

On est tous Québécois, on voyage sur nos routes ici, on se rend compte que, d'année en année, on investit des millions de dollars dans nos routes et on est toujours étonnés, l'année suivante, que la route soit encore cahoteuse. Alors, on dit: Est-ce qu'on a fait une dépense ou on a fait un amortissement?

Une voix: Une immobilisation.

M. D'Amours: Et si on a fait un amortissement-Une voix: Un investissement.

M. D'Amours: ...ou un investissement... Excusez-moi, une immobilisation. Alors, on confond la dépense d'immobilisation et la dépense courante, l'opération courante. On se dit: Faisons le ménage dans cette comptabilité pour fins de transparence, d'une part, et, deuxièmement, pour introduire de la rigueur.

M. Béland: Et du long terme probablement.

M. D'Amours: Oui, parce qu'à ce moment-là la dépense d'amortissement des immobilisations va être assumée par les générations actuelles, et les générations futures porteront aussi le fardeau. Et c'est un des principes de base que nous avons dans notre mémoire: ne pas faire supporter par les générations futures les dépenses d'aujourd'hui.

M. Savoie: M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre du Revenu...

M. Savoie: Merci.

Le Président (M. Lemieux): ...et, après, M. le député de Saint-Louis, qui a demandé la parole aussi.

M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Oui, je veux tout simplement saluer M. Béland et, bien sûr et tout spéciale-

ment, M. D'Amours, de même que M. Corriveau qui siège sur notre comité consultatif sur la fiscalité, car il participe avec beaucoup de diligence.

J'ai lu avec intérêt le mémoire que vous avez présenté et j'ai plusieurs questions. Malheureusement, on doit se les partager. Mais j'aimerais ça vous entendre surtout au niveau des abris fiscaux, des incitatifs. Vous en avez fait mention, vous en avez discuté. J'aimerais peut-être en savoir un peu plus long sur l'avenir que vous voyez au niveau de ces abris fiscaux.

M. Béland: Nous, on a déjà fait connaître notre position là-dessus. On pense que si c'est nécessaire pour favoriser le développement d'un secteur, d'une industrie, particulièrement quand on pense au projet des grappes industrielles, pour développer des secteurs qui nous semblent créateurs d'emplois au Québec, je dis oui aux abris fiscaux, sauf qu'il faut les donner à tout le monde, pas simplement à quelques groupes ou à quelques individus. À ce moment-là, il faut vraiment qu'ils soient généralisés pour permettre, évidemment, que toutes les entreprises soient sur le même pied de compétitivité, ce qui n'est pas toujours le cas.

Si on doit conclure qu'il faut les enlever parce qu'on n'en a plus les moyens, je dis: II faut les enlever à tout le monde. Parce que nous, on se fait dire par rapport à certaines... Certains abris fiscaux qu'on avait, par exemple, sur nos parts permanentes, on nous dit maintenant: Le gouvernement n'a plus de moyens. Bien, s'il n'en a plus pour nous, il ne devrait plus en avoir, non plus, dans d'autres secteurs qui nous font concurrence. C'est aussi simple que ça.

M. Chagnon: J'ajouterai, M. le Président...

M. Savoie: Et...

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre du Revenu... M. le député de Saint-Louis, je m'excuse.

M. le ministre du Revenu, oui.

M. Savoie: M. D'Amours.

M. D'Amours: C'est qu'un abri fiscal, c'est une dépense fiscale et, dans notre mémoire, on dit: Le gouvernement devrait avoir l'attitude d'un investisseur; et chaque dollar dépensé fiscalement pour susciter ou inciter l'entreprise à créer des emplois doit avoir un retour. Vous devez avoir un retour sur l'investissement, et on doit pouvoir le calculer. Si ce retour est négatif, je pense qu'il faut abolir le tout. S'il est positif, ça a donc contribué à régler le problème de la fiscalité québécoise.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, le Mouvement Desjardins est sûrement un des mouvements, peut-être le mouvement au Québec le plus développé, et qui a ses racines partout dans le milieu à travers l'ensemble du territoire. Peut-être uniquement battu par le nombre d'écoles, le nombre de succursales du Mouvement. Ce qui fait que le président du Mouvement, et le Mouvement comme tel, a souventefois mentionné les aspects intéressants, novateurs et responsabilisants de la décentralisation de services et même de pouvoirs entre l'État, le Québec, et ses constituantes, que ce soient des municipalités, des commissions scolaires, ou probablement, éventuellement, le réseau de la santé et des services sociaux.

Dans votre mémoire, vous reprenez cette affirmation-là, mais vous ne l'explicitez pas. Vous dites tout simplement, comme, évidemment, on le conçoit et on le comprend bien: Si jamais vous ramenez des pouvoirs ou des responsabilités à des paliers de gouvernement autres que le vôtre, assurez-vous d'en avoir discuté et assurez-vous d'avoir une entente. Au-delà de cette affirmation de principe, y a-t-il, selon vous, selon l'expérience que vous avez et l'expérience du terrain que vous avez, des pouvoirs ou des responsabilités qu'il incomberait davantage de faire organiser, planifier, administrer par d'autres organismes que le gouvernement du Québec?

M. Béland: Je pense que l'expérience que nous vivons au Mouvement Desjardins est assez éloquente à ce point de vue là. J'oeuvre dans une véritable confédération où les pouvoirs sont à la base, et la base confie des pouvoirs jusqu'en haut. Nous, notre rôle, c'est de planifier, c'est de donner la direction, etc., mais le contrôle des budgets, les initiatives, ça se fait vraiment à la base, et je pense qu'on obtient quand même des résultats qui sont très satisfaisants. On a vécu d'autres expériences dans d'autres domaines qui démontrent la même chose.

Moi, ce que je dis, c'est: Pourquoi on ne tente pas certaines expériences? Évidemment, il ne faut pas jeter tout le système à terre et dire: On recommence à zéro. Mais on pourrait quand même faire des expériences. J'ai suggéré, par exemple, pour les 38 000 employés du Mouvement Desjardins... il y a des formules qui existent, des coopératives de santé. Je ne vois pas pourquoi... peut-être pas pour les 38 000, je l'ai déjà proposé, mais, évidemment, on m'a dit: Non, non, c'est un système... Mais si la gestion était confiée à des gens qui prennent en main leurs propres besoins, dans un village, dans une localité, leurs besoins de santé, c'est étonnant les résultats qu'on obtient.

M. Chagnon: Oui.

M. Béland: Parce que les économies qu'ils font, finalement, ils les font en se donnant des services meilleurs. Et tant mieux si c'est comme

ça. Je pense que la règle de dire: II faut des services égaux à tout le monde, c'est bien, c'est des services essentiels, mais mettre aussi les villes et les villages en concurrence comme les caisses ont fait. Quand la caisse populaire Saint-X devient plus performante que celle de Saint-Y, le village voisin, je vous assure que c'est une motivation incroyable même si on est dans le même domaine, une motivation incroyable pour dire: On est capables de faire mieux. Et ça amène tout le monde à faire mieux et ça ne ramène pas les gens à faire le dénominateur commun.

M. Chagnon: Si je partage votre sentiment concernant la responsabilisation des individus et de leurs institutions, j'aimerais savoir, vu du côté du Mouvement, s'il y a des services rendus actuellement par le gouvernement du Québec qui mériteraient d'être décentralisés, d'être ramenés à la base. Je comprends aussi que, dans un tas de domaines comme l'éducation, la santé, on a, comme gouvernement, comme État, comme ministères, une tendance à normaliser et à faire en sorte que le service soit organisé de la même façon de Blanc-Sablon à Valleyfield...

M. Béland: C'est exact.

M. Chagnon: ...et ça amène... Évidemment, ce n'est pas vraiment ce que je qualifierais d'habit sur mesure pour n'importe qui qui habite entre Blanc-Sablon et Valleyfield. Mais y a-t-il, selon votre expérience et votre vision de la responsabilisation locale, des éléments de ce qui se fait actuellement au gouvernement du Québec qui mériteraient d'être décentralisés?

M. Béland: Oui, sûrement. Prenez tout le domaine, ce qu'on appelle soit de l'assurance ou de l'assistance. Il y a des degrés dans ça. Si je pense à la SAAQ, la Société de l'assurance automobile, ça vise un groupe, des usagers d'automobile, ça vise une clientèle particulière, et cette clientèle-là a réussi à générer des profits importants. Quand on prend ces profits-là, évidemment, pour les utiliser à d'autres fins, je trouve que ça déresponsabilise beaucoup les gens à qui on a dit: Si vous n'avez pas d'accident, votre prime va diminuer.

Bon, c'est un exemple. Il y a tout le domaine des accidents de travail; on sait dans quel état ça se trouve aujourd'hui. Je ne dis pas qu'il faut confier ça à l'entreprise privée. Mais est-ce qu'il n'y a pas des créneaux de ce domaine-là qu'on pourrait tester avec l'entreprise privée pour voir si on obtient des résultats meilleurs? Et si ça ne va pas, un contrat, ça se termine. Mais des mandats, ça se donne. Je trouve qu'on a beaucoup de difficultés à donner des mandats. C'est des mandats mitigés, avec beaucoup de ficelles, beaucoup de normes gouvernementales qui sont même imposées aux sous- traitants et, ensuite, on dit aux sous-traitants: vous n'êtes pas performants. mais quand on vous a mis dans une camisole de force, c'est difficile de l'être.

M. Chagnon: II va falloir améliorer notre performance conjointe dans le programme SPRINT.

M. Béland: Je suis d'accord avec vous. Je suis d'accord avec vous, c'est déjà fait d'ailleurs. Mais on pourrait parler d'un autre programme qui est similaire, qui est PATA, le programme PATA qui va très bien et qui, aujourd'hui, fait que, grâce à cette collaboration, on dessert cinq provinces canadiennes, et je pense qu'il n'y a personne qui se plaint de ce service-là qui est très efficace.

Le Président (M. Lemieux): Ça va? M. Chagnon: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Saint-Louis.

Vous voulez ajouter quelque chose, M. le député de Labelle? Vous avez deux minutes. (12 h 10)

M. Léonard: Oui. J'ai une question sur la comptabilisation des investissements. Du point de vue des impôts, vous accepteriez que les entreprises déduisent 100 % de leur coût en capital pour les investissements, les immobilisations neuves?

M. D'Amours: Oui.

M. Léonard: Par ailleurs, vous dites ailleurs qu'il faudrait maintenant que le gouvernement amortisse ses immobilisations comme le secteur privé. Alors, c'est laquelle des deux? Du point de vue de l'impôt ou du point de vue de la comptabilité générale?

Une voix: C'est la même chose.

M. D'Amours: C'est la même chose. L'entreprise a un investissement dans du capital, puis elle a une période d'amortissement. Mais, pour les fins d'impôt, ce que l'on suggère, c'est qu'elle puisse l'amortir totalement dès la première année lorsque c'est réinvesti au Québec.

M. Léonard: Oui.

M. D'Amours: C'est une mesure incitative à la création d'emplois.

M. Léonard: Oui.

M. D'Amours: O.K.? Mais, pour la comptabilité de l'entreprise, forcément, il y a un amortissement, ça ne change rien.

M. Léonard: O.K. Avez-vous estimé combien ça coûterait au Trésor dans une année?

M. Béland: M. D'Amours, avez-vous compté ça?

M. D'Amours: Ce que ça coûterait...

M. Léonard: Disons, la première année, à tout le moins?

M. D'Amours: La première année, on a une idée, M. Corriveau?

M. Corriveau (Raynald): On n'a pas vraiment, finalement, pu établir les chiffres. Tout dépendrait, finalement, de quelle façon les entreprises adhéreraient à cette forme d'incitation fiscale. Le pourquoi de ça, dans le fond, c'est qu'on se dit: Si on veut avoir des revenus additionnels, créons des jobs et, si les entreprises investissent finalement, on devrait le faire.

M. Léonard: C'est parce que...

M. Corriveau: II est possible qu'on ait peut-être une partie qui serait plus...

M. Léonard: Ça devient, en quelque sorte, un crédit d'impôt qui serait amortissable pour le gouvernement sur les années suivantes.

M. Corriveau: Ah! peut-être. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Corriveau: On n'a pas été aussi loin que ça dans l'exercice.

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé. Parce que votre période de temps est terminée.

M. Léonard: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Alors, de ce côté-ci, il nous reste trois minutes.

M. Johnson: Toujours sur ce sujet-là, la comptabilité, l'amortissement des investissements publics. C'est une de vos recommandations précises. Évidemment, on sait que ça se fait ailleurs. Il y a l'Australie et la Nouvelle-Zélande, assez récemment, qui ont commencé à instaurer ça. Je le soulève parce que c'est une façon d'assurer la vérité des coûts, il me semble, purement et simplement. Ça permet, encore une fois, de prendre conscience de ce que les services publics peuvent coûter, ce que les infrastructures peuvent coûter, en reconnaissant - et ça a été soulevé hier, je pense, par le président de la CSN - qu'il y a des dépenses dites courantes qui ont qualité d'investissements: tout ce qui concerne l'éducation, à mon sens, la formation professionnelle, le développement de la main-d'oeuvre. Oui, on le dépense dans les crédits. On ne construit pas une route ou une école, là. On permet à des gens de réaliser leur potentiel. C'est absolument extraordinaire au point de vue de la société. Par ailleurs, au point de vue des investissements dans la brique, le mortier, l'asphalte, toutes ces choses-là, il y a là aussi une vérité des coûts qui est importante si on veut maintenir la qualité du stock de nos investissements. Effectivement, on a peut-être perdu de vue, en passant ça dans les dépenses ordinaires, qu'il y a un stock qui se détériore. J'avais été surpris, je dois dire, venant du privé, de constater que la période d'amortissement présumé dans les comptes publics de notre stock, par exemple, hospitalier, c'était 100 ans. Il me semble que c'était 1 % de l'amortissement présumé. Alors, vous me permettrez de croire que ça s'amortit plus vite que sur 100 ans, un édifice public.

Je dirais à ce sujet-là, simplement pour compléter la discussion là-dessus, depuis 1988 que l'Institut canadien des comptables agréés se penche là-dessus à l'échelle canadienne, parce qu'il faut quand même, pour qu'on puisse comparer, que tout le monde, toutes les provinces embarquent dans ce système-là, tous ensemble. Il n'y a pas de consensus encore qui s'est réalisé sur la façon technique de le faire, mais il ne serait pas mauvais qu'on tienne une comptabilité de cette nature-là à l'interne; peut-être pas pour la publier au même titre que nos états financiers officiels, on va être hors normes, on va vraiment être à part des autres, ce ne sera plus comparable, ça complique les études comparatives, à mon sens. Mais c'est une excellente suggestion qu'au moins on commence à regarder comment on peut le faire, au moins pour qu'on sache à l'interne, puis on peut le diffuser, comment se comporte notre stock d'investissements publics. C'est une très bonne suggestion.

M. D'Amours: Ça influencerait sûrement les devis qui sont préparés pour fins d'immobilisations.

Le Président (M. Lemieux): Ça va? Peut-être une petite question pour terminer. Vous avez dit au début, M. Béland, qu'on était condamnés à l'innovation. J'aurais peut-être le goût de vous dire qu'on est peut-être condamnés à l'excellence. Lorsque M. le président du Conseil du trésor nous dit: Bien, il faut vivre selon ses moyens, je vais vous donner tout simplement quelque chose d'imagé: l'intérêt sur le service de la dette.

Au moment où je vous parle, l'intérêt sur le service de la dette, par semaine, nous coûte - au moment où je vous parle, je viens de le faire

calculer - 94 000 000 $, par semaine. Si on ajoute nos subventions aux intérêts des réseaux, 121 000 000 $ par semaine. Dans un cas, 4 200 000 000 $ par année; dans l'autre cas, 6 000 000 000 $, ce qui représente environ, dans un cas, 13 200 000 $ par jour. Ce serait utile peut-être pour la formation de la main-d'oeuvre, et je pense qu'on aurait peut-être bien d'autres endroits ou placer cet argent-là. C'est lorsqu'on parle de restructurer l'administration publique, de la réenligner.

J'ai posé hier au président de la CSN, M. Larose, une question, à savoir: Comme philosophie de gestion, est-ce que notre approche ne devra pas être plutôt non pas simplement de privatiser nos sociétés d'État, mais davantage de les placer en situation de concurrence, de compétition avec l'entreprise privée? Et j'ai donné à titre d'exemple, et ce n'est peut-être pas le plus bel exemple à donner, il est peut-être tendancieux, les gens sont peut-être un petit peu plus susceptibles... J'ai donné la CSST comme exemple où, lorsqu'on fait une comparaison avec les États-Unis, on se rend compte que, dans plusieurs États américains, ils ont un système privé et mixte au niveau des réparations d'accidents du travail. D'autant plus que, lorsqu'on regarde la CSST, il se paie plus de cotisations à la CSST par nos employeurs au Québec qu'il se paie d'impôt sur le revenu. Ça devient un petit peu vraiment... un petit peu aberrant comme tel. Et, en ce sens-là, ma question est la suivante: En termes de philosophie de gestion, êtes-vous d'accord pour que certains secteurs de notre administration publique, certains secteurs d'activité soient davantage mis en compétition avec le secteur privé?

M. Béland: C'est ce qu'on a dit dans notre mémoire, et on est parfaitement d'accord. Écoutez, je vais vous donner cet exemple-là parce que je trouve qu'il est éloquent.

Chez Desjardins, on a 38 000 employés, c'est quand même beaucoup de monde; au niveau de la Confédération, 2000. L'objectif qu'on s'est donné, c'est de garder tout notre monde. Au moins, si on était en gel d'embauché, ne pas congédier de gens. Mais pour faire ça, nos gens ont accepté de travailler encore avec le budget de fin 1989. On est encore, en valeur, en dollars, on est encore avec le budget 1989, assumant à chaque année les augmentations de l'inflation - et, heureusement, ce n'est pas trop élevé; on est chanceux - mais assumant la TPS, assumant les nouvelles taxes sur la masse salariale, . assumant la croissance, parce qu'on a augmenté le nombre de nos transactions d'environ 40 %, qu'on me dit, depuis trois ans, et c'est énorme. Et nos gens, au nom de la productivité et grâce à des programmes de qualité, font qu'ils sont encore à l'emploi. Malheureusement, on n'en embauche pas d'autres pour le moment, mais ça viendra. Mais au moins on a gardé notre monde et on a réussi à être très productifs. On ne sent pas ça de l'appareil gouvernemental.

Le Président (M. Lemieux): Comme exfonctionnaire, M. D'Amours, vous n'avez pas quelque chose à ajouter là-dessus, vous? Comme ex-sous-ministre du Revenu? Vous avez vécu dans l'appareil administratif?

M. D'Amours: Oui, puis je pourrais vous donner de beaux exemples. Au ministère du Revenu, à l'époque où j'y étais, en 1982-1983, on a initié une démarche qualité. C'était innovateur ici, au gouvernement, et cette démarche qualité était fort simple. On disait à nos fonctionnaires: Vous allez régler le problème du contribuable au premier contact; n'attendez pas qu'on se mette à 15 ou à 20 pour régler le problème; réglons-le maintenant. Ça a été considérable comme bénéfice et comme productivité et ça a créé aussi, à l'intérieur, une solidarité. J'estime que c'est des expériences qui peuvent être vécues et qui sont très productives, même dans la fonction publique, parce que la fonction publique est au service du public, et la notion de qualité, c'est là qu'elle pourrait être la plus vivante parce qu'on est en contact quotidiennement avec le citoyen. Et si on ne peut pas pratiquer la notion de qualité avec le citoyen, je ne sais pas où on peut la pratiquer. L'entreprise est forcée de le faire, évidemment, pour survivre et pour concurrencer, mais il n'y a pas de secteur témoin pour la fonction publique, elle est seule à réfléchir, et c'est dans la motivation et dans l'orientation qu'on y arrive.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, et je vous remercie, au nom des membres, d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Nous allons suspendre deux minutes pour permettre au Forum pour l'emploi de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 23)

Le Président (M. Audet): La commission reçoit maintenant le Forum pour l'emploi. Messieurs, dames, encore une fois, bienvenue.

Je vous rappelle notre procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et, ensuite, suivront les échanges.

Je demande immédiatement le consentement des membres de la commission pour que nous , puissions déroger à notre ordre du jour, de sorte que nous puissions terminer nos travaux vers 13 h 25 approximativement. Alors, il y a consentement?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Audet): D'accord. Alors, les présentations, pour la plupart, sont peut-être inutiles. Mais, quand même, je pense qu'on a des nouveaux intervenants à la table. Alors, si vous voulez nous les présenter.

Forum pour l'emploi

M. Béland (Claude): Je suis ici, évidemment, à titre de président du comité de parrainage. Je suis Claude Béland. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Fernand Daoust, qui est le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; à sa gauche, M. Michel Payet-te, qui est le secrétaire général du Forum pour l'emploi; à ma droite, M. Ghislain Dufour, qui est le président du Conseil du patronat du Québec; à sa droite, M. Gérald Larose, président de la CSN; et, à sa droite, Mme Marie-Claude Martel, qui est la présidente du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail et représentante de la Fédération des femmes du Québec.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, on vous écoute.

M. Béland: Nous allons faire une présentation pour montrer qu'il y a vraiment consensus au Forum et que c'est un travail partagé; nous allons nous partager la présentation. Je voulais, pour ma part, simplement vous dire que tous les gens qui sont devant vous représentent des organismes qui ont présenté ou qui présenteront des mémoires a cette commission.

Nous nous retrouvons de nouveau devant vous, mais, cette fois, comme partenaires d'un organisme de concertation qu'on appelle le Forum pour l'emploi, un forum de concertation que je qualifierais d'exceptionnel, qui regroupe des représentants de tous les secteurs de la société: le milieu des affaires, syndical, de l'éducation et de la formation, le milieu municipal, le milieu coopératif et financier, le milieu socio-communautaire. Vous avez d'ailleurs, en annexe à notre mémoire, la liste de tous les partenaires. C'est un forum qui avait été constitué principalement pour organiser un grand forum national sur l'emploi en 1989. Mais je dirais que l'enthousiasme qui s'est créée autour de cette table a fait qu'après le forum nous avons voulu continuer cette concertation qui existe toujours.

D'ailleurs, «Vivre selon nos moyens» fait appel à la concertation. C'est ce que nous faisons depuis 1989 avec fidélité, mais il nous apparaît qu'il est essentiel de se concerter d'abord autour de certaines idées et de certains objectifs. Notre mission consiste à faire la concertation sur les grands enjeux d'une stratégie québécoise de développement de l'emploi: penser globalement, essayer de créer l'unité de penser, et, ensuite, à faire la promotion et le développement des initiatives de concertation et de partenariat pour l'emploi; donc, agir locale- ment et, en espérant, dans une certaine unité d'action.

Nous arrivons à nous concerter et avec un certain succès, puisque, aujourd'hui, le Forum vous soumet trois grands consensus auxquels les partenaires se sont ralliés relativement à la question du financement des services publics. Le premier, qui vous sera présenté par MM. Daoust et Larose, est le développement de l'emploi comme stratégie gagnante en matière de finances publiques et de lutte au déficit. Le deuxième, qui sera présenté par M. Dufour, réfère à une plus grande efficience dans l'utilisation des fonds publics. Le troisième, qui sera présenté par Mme Martel, décentraliser les décisions et responsabiliser les individus et la communauté. Alors, si vous permettez, je passe la parole à M. Larose.

M. Larose (Gérald): M. le Président, comme le disait M. Béland, s'il est un consensus sur lequel l'ensemble des partenaires a consenti, c'est qu'à moyen et à long terme la seule stratégie qui puisse être efficace, la stratégie gagnante pour régler nos finances publiques, lutter contre le déficit et sortir de l'impasse budgétaire, c'est effectivement une stratégie de développement de l'emploi. C'est le message principal qu'on voudrait vous apporter comme Forum pour l'emploi.

Une stratégie systématique du développement de l'emploi contribue à l'augmentation de tous les revenus comme ça contribue à diminuer l'ensemble des dépenses, plus particulièrement celles liées au soutien du revenu, à la santé, à la justice. C'est M. Mazankowski, du gouvernement fédéral, qui disait que, pour l'année 1991, si on avait connu un taux de chômage de 8,5 % plutôt que de 10,3 %, le déficit aurait été de 6 000 000 000 $ de moins. Depuis quelques années, le Forum réfléchit sur les conditions à mettre en place pour que cette stratégie puisse se développer.

Il y a des éléments de macroéconomie comme il y a des éléments de microéconomie; je m'en tiendrai à la macro, et le consensus se fait sur, notamment, la politique monétaire qui devrait être une politique monétaire moins restrictive. On sait qu'un point du taux d'intérêt en moins, ça produit, au plan canadien, 1 000 000 000 $ de moins au seul service de la dette. Quand on rajoute à ça les éléments de croissance économique, il est clair qu'il y a des gains importants au niveau de l'augmentation des revenus de l'État comme de la réduction du déficit.

Donc, une stratégie d'emploi ne peut pas se faire sans qu'il y ait une politique monétaire restrictive. On sait que ce n'est pas le palier provincial qui est le principal acteur là-dedans. Mais le Forum, pour lui-même, a fait plusieurs interventions. On souhaite que l'ensemble des éléments de la société puisse toujours aller dans ce sens-là. Et Fernand va présenter les autres

éléments.

M. Daoust (Fernand): Oui. Sur le plan microéconomique, là, nous avons un peu plus de prise, sans aucun doute. Sur le plan macroéconomique, c'est plus lointain, bien que nos vues soient connues. Mais, à l'égard des choses les plus concrètes dans les milieux que nous représentons, nous avons un minimum de possibilités. Il y a un bouillonnement à ce moment-ci, au Québec, à l'égard de toutes sortes de types d'interventions.

Le Forum, vous le savez, il suscite, il appuie, il préconise la formation de divers types de partenariat, maillage, alliance, et, notamment, on en fait état dans notre document, de cette stratégie des grappes industrielles qui nous ont été proposées l'année dernière ou à la fin de l'année précédente, peu importe, et qui ont suscité, dans divers milieux, beaucoup d'espoir. Nous souhaitons, quant à nous, que le gouvernement du Québec dépasse le simple énoncé de principe et, à cet égard, qu'il s'investisse davantage dans le déploiement actif et la mise en place concrète de cette stratégie. Nous aurons dans quelques semaines, nous dit-on, le bilan de ce qui a été accompli depuis la mise en oeuvre de cette politique-là et nous porterons, évidemment, un jugement, et nous souhaitons que des aspects positifs puissent en découler.

Il y a maintenant des enjeux prioritaires qu'il nous semble indispensable d'aborder: ceux de l'éducation, de la formation de la main-d'oeuvre - on en a parlé abondamment - de la recherche et du développement, de l'exploration de nouveaux marchés, de la qualité totale, de la réorganisation du travail, de l'information, de la mobilisation et de la participation des ressources humaines au développement de l'entreprise. Un peu plus loin dans le document, d'autres pourront •-"- peut-être l'aborder, mais il est question d'informer, responsabiliser, inciter et associer véritablement les ressources humaines à la réorganisation du travail; on dit dans le secteur public, mais ça vaut, évidemment, pour tous les secteurs. Mais faudrait-il encore - et je n'abuserai pas du temps qui m'est permis - que, dans le secteur public, ça serve de modèle et que ça puisse inspirer ces grandes orientations dans le secteur privé. (12 h 30)

À l'égard du développement local et régional, nous favorisons tout type d'«entrepreneur-ship» individuel et collectif et la prisé en charge du développement par les partenaires et les instances du milieu local et régional. Nous pensons, entre autres, à cette politique, des grandes politiques à l'égard du marché du travail et du fonctionnement de celui-ci par l'instauration d'un guichet unique. Je pense qu'il y a unanimité au sein de la société québécoise là-dessus, et on souhaiterait bien que les négociations avec le gouvernement fédéral puissent aboutir dans les plus brefs délais possible. Il y a tout un débat qui est amorcé au sein du Forum pour l'emploi que nous souhaitons - nous l'avons dit en d'autres lieux - se prolonger ailleurs ou nous accompagner; ce débat devrait nous accompagner sur l'incidence de la fiscalité sur l'emploi. Il y a beaucoup de questions qu'il nous faut explorer collectivement pour l'avenir.

Et je vais conclure en répétant un peu ce que M. Béland disait: L'unité dé pensée, c'est indispensable; ce n'est pas facile, c'est un immense défi, mais ça précède partout, inévitablement, l'unité d'action. Et on voudrait ne pas être les seuls; on n'est pas les seuls, mais on voudrait être les plus nombreux possible, et on voudrait bien que le gouvernement puisse nous accompagner dans ces propositions de changements de société qui nous semblent indispensables pour sortir des difficultés qui nous caractérisent.

Le Président (M. Audet): Merci.

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, le deuxième consensus pour une plus grande efficience dans l'utilisation des fonds publics. Ce que l'on dit, c'est qu'à moyen et à long terme, une stratégie gagnante à l'endroit de la fiscalité invite les administrations publiques à plus de rigueur et d'efficience dans la gestion des fonds publics.

Si on jette un regard sur l'évolution probable de la demande des services publics au cours de la prochaine décennie, on est obligé de dire qu'il y aura un impact certain dans le sens de l'accroissement de la demande. Non seulement les Québécois ont investi dans un ensemble de services publics modernes, dont ils sont généralement fiers, qu'ils souhaitent conserver, mais pour peu qu'on regarde en avant, force nous est de constater que nos besoins iront vraisemblablement en s'accroissant auprès des trois niveaux de gouvernement. Simplement trois tendances: le vieillissement de la population, donc l'accroissement des services de santé, notamment; nouvelles priorités environnementales; et, bien sûr, la mondialisation des marchés. De façon réaliste, donc, dans une perspective à moyen et à long terme, nous ne pouvons entrevoir qu'un accroissement de la demande en termes de services publics et, je répète, notamment en termes de services de santé.

Comment rencontrer ces nouveaux besoins dans le futur? De l'avis de certains, nous aurions déjà atteint un seuil d'imposition maximale, et notre fiscalité ne serait plus compétitive. D'autres soutiennent que nous ne serions pas trop taxés mais plutôt mal taxés. Pour plusieurs, l'accroissement du déficit semble aussi une avenue difficile à envisager. Je dois vous dire là-dessus que ie Forum n'a pas fait consensus. Mais, là où il y a eu consensus, c'est que la solution passe définitivement par une plus grande

efficacité des dépenses et investissements publics. Il faut en effet développer cette efficience afin de pouvoir investir les gains de productivité dans la prestation des nouveaux services publics qui seront nécessaires pour relever des défis d'avenir qu'on connaît tous.

Rappelons tout simplement que les partenaires privés évoluent dans un monde en rapide et constante mutation et, sur la pression du marché, demeurent constamment à l'affût de nouvelles initiatives pour accroître leur productivité. Les Québécois et les Québécoises ont droit à des gouvernements qui en font autant dans la gestion des fonds publics. Comme pour le secteur privé, il faut développer une approche qualité dans la prestation des services publics aux clientèles, visant la meilleure qualité au meilleur coût possible.

La possibilité d'un réaménagement de certaines dépenses publiques doit être considérée. D'importants gains de productivité peuvent en effet être réalisés en adoptant des objectifs mieux ciblés et des programmes répondant plus directement aux véritables besoins des clientèles. S'il est un exemple de réaménagement des dépenses publiques qui tient à coeur et qui a fait consensus au Forum - et M. Daoust et M. Larose y ont référé rapidement - c'est celui du passage des mesures passives aux mesures actives dans le domaine du marché du travail. Ainsi, plutôt que de seulement distribuer de l'argent pour assurer un revenu de subsistance aux personnes sans emploi, il faut davantage penser à l'utilisation de ces sommes en termes de programmes actifs visant notamment à protéger l'emploi, à favoriser l'adaptation de la main-d'oeuvre, à faciliter la réinsertion des personnes en chômage sur le marché du travail.

Finalement, une suggestion concrète: dans le but d'améliorer la gestion des fonds publics, l'idée d'adopter, à l'instar d'autres pays, un double système de comptabilité séparant les investissements publics des dépenses courantes semblerait aussi constituer, a priori, une piste intéressante pour faciliter une analyse plus claire de la rentabilité à court, moyen et long terme des différents types de dépenses et d'investissements publics.

Mme Martel (Marie-Claude): M. le Président, le troisième consensus: décentraliser les décisions, responsabiliser les individus et la communauté.

Le Forum pour l'emploi a toujours mis de l'avant et favorisé une approche globale dite de développement local, et les partenaires du Forum ont participé à plusieurs forums de discussion sur cette question. Dans le cadre de ces débats, les partenaires socio-économiques de toutes les régions du Québec se sont clairement prononcés en faveur d'une plus grande décentralisation des services publics à l'échelle locale et régionale. En effet, des économies importantes pourraient être réalisées dans certains secteurs en simplifiant et en rapprochant la prestation des services publics des véritables besoins du milieu. Si un consensus général existe en faveur du principe de décentralisation, plusieurs interrogations subsistent toutefois à l'égard de la façon dont pourrait se faire cette décentralisation. Il devra y avoir des discussions beaucoup plus approfondies sur le réaménagement de la fiscalité entre les différents paliers de gouvernement.

Enfin, tout comme il y a une manière de favoriser la prise en charge du développement par les partenaires des milieux local et régional, nous croyons aussi qu'il y a matière à sensibiliser et responsabiliser davantage les individus face aux enjeux des finances publiques par une plus grande information des citoyens et citoyennes concernant les coûts des services publics. Dans certains cas, on pourrait même songer à les informer individuellement des coûts de certains services publics qu'ils consomment personnellement.

M. Béland.

M. Béland: voilà, m. le président. vous nous convoquiez à la concertation. on voulait vous faire part, quand même, de l'unité de pensée qu'on a réussi à établir relativement à ces trois grands points.

Le Président (M. Audet): Merci beaucoup. Alors, je vais maintenant reconnaître M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui. Je souhaite la bienvenue et la re-bienvenue à certains d'entre vous et je prends acte que vous venez nous indiquer ici que le Forum sur l'emploi est un lieu de concertation dont on aurait tort de se passer. Quant aux sujets dont on pourrait discuter comme interlocuteurs, peut-être simplement pour donner l'exemple du genre de progrès qu'on peut faire lorsqu'on réalise des consensus, en partie, la commission se voulait un lieu où les gens, venant s'exprimer, nous permettaient, justement, de dégager un consensus. (12 h 40)

Vous êtes vous-mêmes, à l'intérieur de cet exercice-là, un consensus à vous tous, y compris le fait que vous avez fait consensus sur la nature de vos divergences. Dans un forum où certains d'entre vous ont exigé un forum sur la fiscalité, on voit que le Forum sur l'emploi est incapable de réaliser un consensus sur la fiscalité. C'est assez intéressant. Et ça indique, dans le fond, qu'il faut explorer d'autres pistes pour arriver à un consensus. Pas un consensus sur les moyens, parce que la fiscalité demeure un moyen de rencontrer les besoins de la population. C'est le gros moyen pour financer tout ça.

Est-ce qu'on ne peut pas réconcilier les divergences plutôt que d'essayer de faire consensus sur cet aspect-là? Réconcilier les divergences

en nous apercevant qu'on peut résumer notre préoccupation de gouvernants et de citoyens à la réalisation pleine de tout notre potentiel. Et ça veut dire, d'abord et avant tout, par l'emploi. C'est ça qui vous préoccupe lorsque vous dites: II faut agir sur certaines dimensions macroéconomiques, la politique monétaire, les taux d'intérêt; c'est parce que, vous dites, ça crée de l'emploi.

Aussi, vous dites: Soyons plus efficaces, plus efficients comme machine de prestation de services; dégageons ainsi des économies qui vont permettre de rencontrer des nouveaux besoins. Ça aurait été intéressant de voir pourquoi, nécessairement, on doit rencontrer des nouveaux besoins sans en remettre en cause d'anciens, quoique, la productivité, ça passe également par un nouveau rangement des priorités. Mais il n'en reste pas moins que, là où je trouve que la dimension importante des services publics était en cause, au-delà - je ne voudrais pas l'oublier - de l'importance qu'il y a de rapprocher des individus de la prestation des services par la décentralisation et sa conséquence qui est la responsabilisation des individus, il n'en reste pas moins que, pour une commission sur la fiscalité et les dépenses publiques et le déficit, je le répète, certains des participants voulaient vraiment une commission sur la fiscalité. On en entend moins parler que je ne l'aurais cru.

Et il faut, sinon réaliser un consensus sur la nature de la fiscalité, c'est-à-dire sa nature précise, ses éléments, comment elle doit se décomposer, sur qui elle doit porter, jusqu'à quel niveau tel, tel effort... Il me semble qu'on aurait pu tenter de réconcilier ces divergences-là et dire, à tout le moins, qu'on doit tenir compte de l'environnement concurrentiel, commercial, international, économique donc. Je n'ai pas saisi que vous vous étiez au moins arrêtés sur cette dimension-là. Dire: Si on veut parler de fiscalité, si on est incapable de se réconcilier, est-ce qu'on peut faire consensus sur le fait que ça dépend de ce qui se fait autour de nous? Est-ce que ça ne dépend pas, au moins, de la mobilité, soit des capitaux, soit des personnes, soit des biens dans certains cas, des usines? Est-ce que ça ne dépend pas de telle ou telle chose? Au moins réaliser consensus là-dessus et, au point de vue fiscal, ça nous permettrait ensuite de prendre des décisions à long terme, qui s'appuient sur une plus large compréhension de tous les acteurs autour des éléments constitutifs de la décision.

Je ne veux pas être trop long et trop théorique, mais c'est le problème pratique qu'on a quand même. Il est peut-être énoncé d'une façon qui a l'air théorique, mais, en pratique, ce qu'on a à faire comme gouvernement, c'est dire: Une fois qu'il y a eu un consensus sur les services publics... Et les pressions dont vous parlez - le vieillissement de la population, la conscience accrue que les gens ont qu'il faut investir davantage dans la protection de l'en- vironnement parce que c'est un investissement rentable qui vient améliorer, comme on le disait plus tôt, la qualité de «l'environnement, petit e», si je peux me permettre d'utiliser ça comme exemple - au-delà de tout ça, il y a des décisions concrètes que ces pressions-là, avec lesquelles on est d'accord, nous dictent. Qui taxe-t-on? Et à quel niveau les taxe-t-on, ces gens et ces entreprises?

Est-ce que vous avez songé - c'est ma question ou ma suggestion, tout à la fois - à vous pencher sur les déterminants de la fiscalité, non pas compte tenu des dépenses publiques mais compte tenu du rôle de la fiscalité qui peut être redistributeur mais qui est également, carrément, un outil de financement comme tel?

M. Béland: Je pense, M. le Président, que la question est bien posée, mais il faut comprendre un peu la dynamique du Forum. Nous ne sommes pas un organisme permanent. Nous sommes des gens qui avons été ébranlés il y a quelques années par toute la question du sous-emploi. Vous savez, ça a débouché sur le Forum national de l'emploi et, à ce forum-là, il y a des secteurs d'activité qui avaient été mieux ciblés que d'autres: la formation professionnelle, la question de l'environnement. On disait: Est-ce que l'environnement ne pourrait pas être une bonne source de création d'emplois? Il y avait toute la question de la macroéconomie. Ça a donné lieu à la formation de différents comités chez nous, au Forum, qui ont travaillé sur ces dossiers-là.

Je vous avoue que votre appel à cette réflexion sur l'assainissement des finances publiques a été un dossier nouveau au niveau du Forum, et on le dit bien dans notre mémoire. Il est certain que ça va donner lieu, au Forum... Il y a un désir très fort des partenaires du Forum de regarder cette question-là. Quand vous dites: On n'a pas réussi à faire un forum sur la fiscalité chez nous, ce n'est pas parce qu'on n'a pas le désir de le faire, c'est que vraiment on avait... On se réunit une fois à quelques semaines d'intervalle et... Évidemment, on a un secrétariat qui travaille, mais on ne peut pas leur en demander plus. On essaie de ne pas demander d'argent au gouvernement, pour être cohérent, et...

Une voix:...

M. Béland: Un petit peu. Un petit peu, oui. M. Dufour (Ghislain): Je pourrais... M. Béland: Oui, M. Dufour, oui.

M. Dufour (Ghislain): II reste quand même, M. le Président, que le mandat de cette commission est triple. Il y a dépenses gouvernementales, il y a fiscalité et il y a déficit. Oublions le déficit pour l'instant, parce que c'est une

conséquence des deux premiers volets. Et le mémoire est carrément du mandat, du premier mandat de la commission. Parce que la fiscalité, comment on va payer les dépenses, c'est une deuxième démarche, mais il faut d'abord savoir quelles dépenses on va faire. Et, dans ce sens-là, les trois volets retenus par le Forum, en tout cas, m'apparaissent prioritaires.

Que le monde syndical et le monde patronal s'entendent pour dire qu'on doit informer les citoyens des coûts des services publics qu'ils reçoivent, je trouve ça énorme, moi. On entend tellement l'idée que c'est gratuit parce que ça vient de l'État. Non, ce n'est pas gratuit, et on s'entend pour le dire. Ça aura une conséquence immédiate sur la fiscalité. Si les gens sont conscients, qu'ils en demandent moins, on aura moins d'impôts.

Même chose pour l'efficience du secteur public. Je pense qu'il y a un engagement des centrales syndicales là-dedans, qui est intéressant, important. Cette révision de l'appareil, et tout ça... Si on en arrive à réduire nos dépenses, bien, on chargera moins d'impôts sur les cigarettes, ou l'alcool, ou partout, ce qu'on dénonce actuellement.

Alors, dans ce sens-là, c'est vrai qu'on pourrait aller plus loin. D'ailleurs, moi, j'ai compris au Forum qu'on irait plus loin dans le sens... Par exemple, il y a un problème qui nous achale tous, c'est quel genre de fiscalité est le meilleur? Est-ce que c'est une fiscalité sur la consommation, par exemple, comme plaident d'aucuns? Pierre Fortin, à l'UQAM, il plaide, lui, qu'on pourrait avoir 22 %, 23 % de taxes à la consommation, pas de taxes sur les revenus, et on vient de régler le problème. Diane Bellemare, même université, dit: Bien non, c'est une approche qui ne nous conduira nulle part. Alors, le Forum a décidé, justement, de regarder ça et, dans ce sens-là, je trouve ça très heureux.

M. Béland: Et de les entendre tous les deux. M. Larose.

M. Larose: Pour prolonger ce que M. Dufour dit, effectivement, c'est le premier exercice qu'on a fait, et je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que les consensus qu'on a dégagés sur le volet fiscalité, on ne pourra pas aller plus loin. Au contraire, il y a un engagement entre nous de poursuivre ces études-là.

Le Président (M. Audet): D'accord. Merci. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Taillon.

M. Daoust: M. le Président...

Le Président (M. Audet): M...

(12 h 50)

M. Daoust: ...dès le moment où fut connue cette décision de convoquer cette commission parlementaire, le Forum s'est réuni, et on a abordé les sujets qui font l'objet de cette commission, mais ça ne fait pas fort longtemps, soit dit en passant. Je rappelle tout simplement des faits qui sont connus de tous. Il ne faudrait pas que le ministre tire profit du fait qu'on a un mémoire ici et qu'on n'a pas pu, dans certains cas, dégager une très, très grande unité de pensée pour dire: Cette réflexion en profondeur sur la fiscalité, vous, le Forum, qui êtes le lieu privilégié de la concertation au Québec, n'avez pas réussi à dégager un point de vue unanime. Donc, qu'est-ce que ça donnerait d'avoir ce lieu que vous souhaitez tellement? Le Forum ne s'est pas exprimé de la même façon, mais les centrales syndicales l'ont dit.

Et dans le mémoire qui vous est présenté, il en est question. Je vais relire, c'est important. À la page 5: «Par ailleurs, le débat sur l'incidence de la fiscalité sur l'emploi, c'est-à-dire la façon et les conditions selon lesquelles le système fiscal pourrait être utilisé, ou pas, pour favoriser le développement de l'emploi, laisse présager de nombreuses questions à explorer dans l'avenir. En effet, nous sommes conscients que le système fiscal est d'abord là pour assurer le financement des dépenses publiques et qu'il doit déjà concourir, à ce titre, à divers objectifs d'équité, d'efficacité et de simplicité. La question de son incidence sur l'emploi, dans ce contexte, devra donc faire l'objet d'une réflexion beaucoup plus approfondie, et à plus long terme, de la part des partenaires du Forum.»

On va la faire, cette réflexion-là. Mais M. Béland vous a décrit ce que nous sommes. Nous ne sommes pas le gouvernement; nous ne sommes pas appuyés, puis entourés par tous ces gens qui vous conseillent, à juste titre, d'ailleurs. Encore une fois, je ne parle pas au nom du Forum, mais, nous, avec les moyens du bord qu'on a, faibles moyens, soit dit en passant - puis là, on n'est pas ici pour frapper à votre porte, ce n'est pas l'endroit ni le moment - le Forum va s'imposer cette démarche-là qui nous semble fondamentale et indispensable.

Alors, je reviens à ce que vous disiez. Vous sembliez vous réjouir quelque peu qu'il n'y ait pas, un peu partout au Québec, cet appel à la pertinence d'un moment qui serait mieux défini pour discuter des problèmes de fond. Mais je crois qu'on ne peut pas escamoter la nécessité, en quelque lieu, d'un débat. Il y a une volonté. Mon Dieu! je ne veux pas insister trop, trop; M. Dufour est là pour manifester cette volonté. Il y a une volonté qu'on y voit clair, dans le fond, et qu'on puisse, de part et d'autre, départager les convergences et des divergences et, de là, bien, les décideurs politiques en disposeront.

Le Président (M. Audet): Merci. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président.

D'abord, je vous souhaite la bienvenue. Je vous trouve bien modeste, parce que, moi, je crois - et je suis persuadée que ça ne blessera personne, puisque vous représentez tout le monde qui est impliqué un peu dans les questions d'emploi - que vous êtes porteur d'un projet, que vous animez un projet, vous êtes un groupe qui est porteur de solutions à long terme.

Ça m'étonne un peu d'entendre le président du Conseil du trésor qui vous reproche de ne pas parler suffisamment de fiscalité alors que vous nous proposez, je pense, des pistes d'action sur les dépenses. Quand les gens proposent des choses sur les dépenses, il nous dit qu'ils ne parlent pas assez de fiscalité; quand ils parlent de fiscalité, il dit: Avez-vous pensé aux dépenses? Cela étant dit, je veux revenir sur le fond du projet que vous véhiculez.

On a fait consensus aussi autour de cette table; le président du Conseil du trésor aussi est d'accord avec cela: il faut, évidemment, augmenter le niveau d'emploi si on veut pouvoir réduire la pression sur les dépenses de l'État en termes de mesures sociales, de mesures de sécurité du revenu, et tout le reste. Il faut donc pouvoir augmenter le niveau d'emploi aussi pour permettre à des gens d'être des citoyens qui contribueront aux finances publiques par leur impôt, et donc contribueront au fait que l'on puisse par la suite se donner des services auxquels nous croyons et que les citoyens sont en droit de recevoir.

Dans votre mémoire, vous abordez toute la question des mesures actives reliées au marché de l'emploi. Moi, j'aimerais ça que vous précisiez davantage ce que vous voulez dire par le passage de mesures que vous identifiez comme passives actuellement versus les mesures actives auxquelles vous songez pour faire en sorte qu'on soit plus cohérents, au moins pour se donner les moyens de faire en sorte que nos gens soient mieux préparés à l'emploi et que nos entreprises aussi y trouvent leur compte chez les personnes qui viendront former leur main-d'oeuvre.

Une voix: Peut-être que Gérald voudrait répondre.

M. Larose: J'aurais envie de donner un exemple qui traduit très bien le pattern général dans lequel on a moulé l'ensemble de nos politiques sociales. C'est le problème des femmes chef de famille monoparentale par rapport aux pensions alimentaires.

Si un gars se fait imposer par le juge de payer une pension alimentaire et que, effectivement, il la paie, elle est soustraite à 100 % du bien-être social. Alors, il y a là un incitatif important pour le mari à ne pas payer parce que, quand il paie, elle n'en a pas plus. Je dirais que toutes nos politiques sociales sont bâties comme ça. Quand vous êtes sur l'assurance-chômage, ne vous avisez pas de travailler. Quand vous êtes sur le bien-être social, je pense qu'on va jusqu'à 50 $, mais ne vous avisez pas de... Bon. On a un régime d'exclusions, alors qu'il faut arriver à un régime d'inclusions pour être aspirés par l'emploi. Ça, c'est à l'étude au Forum.

Il faut arriver à faire en sorte que le travail soit gratifiant, c'est-à-dire que quelqu'un qui développe des habiletés, maintient des habiletés, etc, il faut qu'il soit récompensé ou gratifié - enfin, je ne sais pas l'expression à employer - avec des passerelles, de telle sorte que l'ensemble des énergies individuelles, comme des groupes et comme des collectivités, devrait être au sceau de l'emploi, pas rien que de l'employabilité. Et on pense qu'on pourrait, à terme, y compris rencontrer des nouveaux besoins, qui s'expriment notamment par le vieillissement de la population, et y avoir là des tâches ou des gens qui travailleraient à refaire le tissu social. Alors, c'est un peu ça qui nous habite, là. On n'a pas un modèle fini, mais c'est vers ça qu'on veut aller.

Mme Marois: Oui, M. Béland.

M. Béland: À titre de président du comité de parrainage, je reçois toute sorte de correspondance de gens qui disent: Oui, oui, je veux bien l'emploi, mais... Je vais vous donner juste un exemple, parce qu'il y a des fautes partout dans le système. Ce n'est pas simplement d'un côté. Il y en a du côté des entrepreneurs et des entreprises.

Plusieurs fois, j'ai reçu ce genre de lettre de diplômés d'université qui me disent: Je suis allé pour chercher de l'emploi, j'ai fait trois endroits, quatre endroits, et je me fais dire: Écoute, je vais t'embaucher, tu as toutes les qualifications, mais ce serait plus payant pour moi si tu t'en allais sur l'assurance-chômage. Quand tu auras fini toutes tes semaines, tu t'en iras au bien-être social et, ensuite, je vais pouvoir t'admettre sur le programme. Alors, finalement, on déjoue facilement le système.

Les jeunes qui m'écrivent, évidemment, me disent: Mais c'est quoi, l'histoire? Moi, j'étais prêt à travailler, ils sont prêts à me donner de l'emploi, mais il faut que je fasse payer le gouvernement à deux paliers avant d'accéder à l'emploi; et le gouvernement va payer pour ma première année de salaire. Il y a quelque chose qui ne va pas, hein.

Mme Marois: C'est intéressant... C'est-à-dire, c'est intéressant et triste en même temps, dans le sens où vous décrivez les effets pervers de systèmes qui sont bons au départ mais qui ne donnent absolument pas les effets escomptés à cause des règles, justement, d'exclusion.

M. Béland: On est plutôt dans des mesures passives, et il y a peut-être des mesures plus actives qui feraient qu'on corrige ces situations-là.

M. Daoust: Là-dessus, il faut...

Mme Marois: Bon, je vais pousser un petit peu plus loin... Oui, M. Daoust.

M. Daoust: II faut absolument innover et trouver un modèle québécois. Mais nous ne sommes pas les seuls dans ce domaine-là. Sur les mesures passives et les mesures actives, on a des données à l'échelle des grands pays industrialisés. Dans certains d'entre eux, c'est tout à fait le contraire de ce qui se passe au Canada et au Québec. Au Canada, on estime qu'environ 80 % de tous les fonds consacrés à la main-d'oeuvre en chômage servent à des mesures passives. Les gens reçoivent un chèque, des prestations d'assurance-chômage, et ils attendent qu'en quelque lieu se présente un emploi. Donc, 20 % servent à des mesures actives alors que, dans certains pays, c'est tout à fait le contraire: c'est 80 % de ces montants-là qui sont consacrés à des mesures actives et 20 % à des mesures passives. (13 heures)

Les mesures actives, il va falloir les imaginer, les penser et les mettre en oeuvre. Ce n'est pas simple non plus, mais il faut commencer. Je sais qu'aussi bien à l'intérieur du Forum pour l'emploi qu'à cette Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, de M. Bourbeau, il en est question aussi bien à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre où il va en être question. Mais c'est de trouver les moyens pour faire en sorte que les gens qui sont en chômage ou qui reçoivent des prestations du bien-être social puissent utiliser un temps éminemment précieux pour se réadapter, pour se former, pour suivre des cours et peut-être pour donner une certaine forme de travail. C'est des problèmes extrêmement difficiles, délicats et complexes. Ça va demander des changements profonds à une mentalité dans notre société, puisqu'on n'est pas habitués à ça depuis tellement d'années.

Soit dit en passant, ça demande un courage aussi de la part des intervenants - et je ne veux pas les qualifier - de vouloir s'imposer un tel changement dans notre société. On sent qu'il va y avoir des blocages dans certains milieux, mais il y a de grands appels à la solidarité qui sont indispensables. Formation de la main-d'oeuvre par toutes sortes de moyens: alternance, école, travail, formation professionnelle, réadaptation, une connaissance plus intime du fonctionnement du marché du travail, mais pour faire en sorte qu'enfin on se dégage des mesures passives - on n'a pas à les décrire, on les connaît, avec tous les maux qu'elles véhiculent - pour avoir des mesures actives.

Dans ce sens-là, je crois que le Forum pour l'emploi va jouer un rôle déterminant à cause de la présence de tous ceux que vous connaissez qui y participent. Mais on voudrait, encore une fois - là, je ne reviens pas, mais vous savez qu'on va revenir souvent, quant à nous; il faut trouver ces lieux. Il y en a quelques-uns - qu'il y ait des appuis qui soient manifestes de la part des pouvoirs publics.

Mme Marois: Dans votre mémoire, vous dites: Ces mesures actives devraient être mises en oeuvre par des intervenants qui se concertent sur une base décentralisée. Mais vous dites évidemment que, pour faire cela - enfin, je le comprends comme ça - il est nécessaire de faire en sorte qu'on ramasse tout ce qui concerne les politiques de main-d'oeuvre et, là, on fait référence, évidemment, à ce fameux contentieux entre Québec et Ottawa.

Moi, j'ai le goût de vous demander ceci. Vous avez relevé le défi de réunir ensemble les gens que vous êtes. Vous avez relevé le défi de l'ancienne campagne qui s'appelle Qualité-Québec et qui semble vouloir faire des petits. On verra ce que ça donnera, et tant mieux. J'ai l'impression que M. Bourbeau a besoin d'aide, actuellement. Je pense qu'il est d'accord, lui aussi, avec la proposition que vous faites. La preuve, c'est qu'il a défendu ce point de vue là, dernièrement, auprès de la table des ministres des provinces responsables de ce dossier-là. Évidemment, vous avez vu, bien sûr, comme nous, la «rebiffade» qu'il a reçue de la part du ministre fédéral. Si vous offriez à M. Bourbeau que la coalition que vous formez, à la base, ce Forum, cette table, mobilise le Québec tout entier, le Québec des régions, le Québec des institutions économiques, des institutions sociales, des représentants des travailleurs et des travailleuses, est-ce que vous n'avez pas l'impression qu'on réussirait à obtenir ce que, depuis des décennies... puis je ne charrie pas en disant ça... et quelques ministres plus tard, on n'a pas encore obtenu de la part d'Ottawa et qui nous permettrait, je crois, de s'engager dans une des pistes de solutions auxquelles nous convient le président du Conseil du trésor et le gouvernement?

M. Béland: Le Forum, quelques jours avant la réunion de MM. Bourbeau et Valcourt à Ottawa, le vendredi précédent, a tenu une conférence de presse où les participants qui sont ici, à cette table, étaient présents pour, justement, donner l'appui au ministre Bourbeau dans la démarche qu'il entreprenait. On voulait lui donner cet appui et lui dire que ça faisait l'unanimité au Québec.

Évidemment, devant les réponses pas tellement claires et pas tellement encourageantes du côté du gouvernement central, nous avons - à la Société de développement de la main-d'oeuvre - fait le même débat où là, maintenant, il y a question d'offrir au ministre Bourbeau l'appui de la Société. Au Forum, on n'en a pas encore discuté... Je sens que M. Dufour veut ajouter son mot, alors je vais lui laisser la parole.

M. Dufour (Ghislain): C'est pas mal difficile d'aller plus loin qu'on est allé, dans le fond. Vous vous rappelerez qu'il y a à peu près un an et demi, deux ans, on faisait une conférence de presse avec M. Bourbeau, tout le groupe. J'étais à la conférence de presse du vendredi à laquelle M. Béland fait référence. Je pense qu'en termes de groupe, ça a été fait. C'est maintenant un problème politique, dans le fond. On peut continuer, mais c'est vraiment un problème politique.

Moi, ce que je veux dire, c'est que, quand on parle de mesures actives et main-d'oeuvre... On parle de plus ou moins 400 millions pour le Québec, qui sont à l'intérieur de la caisse de l'assurance-chômage. On a toujours supporté ça et on va continuer à supporter ça. On ne parle pas de mesure passive, à ce moment-là, qui est la caisse comme telle où, là, on peut avoir des chicanes.

Si vous le permettez, M. le Président, Mme la députée, étant donné que j'ai la parole, je vais revenir à vos mesures actives. Une des mesures actives, c'est les stages en entreprise, notamment pour fins de formation professionnelle, où le Forum est très présent. Je voudrais juste rappeler, en termes de fiscalité, au président du Conseil du trésor, pour les fins de la préparation du prochain budget, que la CEQ et le Conseil du patronat vous ont fait une représentation conjointe, ce qui est très rare, mais elle est là, elle est présente, où on demande des crédits d'impôt pour les entreprises ^ qui accueillent des stagiaires ou des professeurs, parce que c'est évident qu'il y a des coûts. Les grandes entreprises peuvent le faire facilement, mais pas les PME. Or, l'emploi, il se développe dans les PME, actuellement. Alors, on disait cette semaine, les médias titraient que les entreprises n'étaient pas ouvertes aux stages. Ce n'est pas vrai dans le cas de Bell, ce n'est pas vrai dans le cas d'Alcan, ce n'est pas vrai, dans le fond, des grandes entreprises, mais c'est un peu vrai dans le cas des PME, mais elles ne peuvent pas le faire.

Alors, pour rejoindre les mesures actives, M. le Président, M. le président du Conseil du trésor, revoyez cette lettre conjointe CEQ-CPQ sur la fiscalité et les stages.

Une voix: Merci.

Mme Marois: On aurait plein d'autres questions, mais je trouve ça intéressant, quand même. Souvenez-vous S-31.

Le Président (M. Audet): Merci. Je reconnais M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. brièvement, pour laisser encore du temps à d'autres de mes collègues. je dois saluer ici, quand même, le fait un peu particu- lier que les principaux intervenants économiques et les intervenants politiques sont réunis pour se pencher sur la question de l'emploi qui reste, à mes yeux, ma première priorité pour l'année 1993.

Je ne reviendrai pas sur ce que vous avez suggéré. Je suis assez d'accord sur l'importance de la politique macroéconomique et sur l'importance du taux d'intérêt. On pourrait débattre jusqu'à quel point la dette a un effet direct sur le taux d'intérêt et l'importance de contrôler la dette dans ce cadre-là. Je ne reviendrai pas non plus sur les mesures pour développer l'employa-bilité, c'est-à-dire l'éducation, la formation professionnelle, les ressources humaines. On l'a touché moult fois. Je ne reviendrai pas là-dessus.

Il reste - et je voudrais vous entendre parler là-dessus - dans les gens qui ne sont pas employés, une couche de la population qui, souvent, est issue du secteur manufacturier traditionnel qui est actuellement en pleine mutation, c'est-à-dire qu'à cause des mutations de l'économie, les secteurs traditionnels sont en train de fermer, qui souvent sont relativement plus âgés que la moyenne de la population, qui sont peu formables parce qu'ils sont peu, après, à pouvoir entrer dans les programmes de formation. Pour ces travailleurs-là, qu'est-ce que vous avez à suggérer pour nous aider à, aussi, leur donner le choix et le droit à l'emploi?

M. Béland: Toutes les mesures que nous proposons ne sont pas exclusives aux employés syndiqués. Quand vous regardez la liste des organismes qui sont autour de notre table, on a les cégeps, on a les représentants des cégeps... Tous les gens se penchent sur l'universalité de l'emploi. Il ne s'agit pas de la cibler. Je ne sais pas si je comprends mal votre question.

M. Gautrin: Je me suis mal exprimé. Dans les gens, à l'heure actuelle, qui n'ont pas d'emploi, donc qui ont le problème de l'emploi, il y a une sous-couche - je n'ai pas parlé de syndiqués ou non - de gens qui sont laissés pour compte par la modernisation, à l'heure actuelle, de l'économie, qui souvent sont issus du secteur manufacturier traditionnel, textile, industrie sidérurgique, pour la plupart, qui sont peu formables parce qu'ils ont un certain âge, en général autour de la cinquantaine, peu à même de rentrer dans les programmes de «formabilité», qui, d'après moi, ont droit aussi à un emploi et auxquels beaucoup de nos solutions ne répondent pas. (13 h 10)

M. Béland: J'ai mieux compris. Nous avons développé, à ce point de vue là, notre dossier sur le recyclage. On pense que c'est la solution. Il faut...

M. Gautrin: Sauf qu'ils sont souvent peu adaptables aux programmes de formation, compte

tenu de leur âge.

M. Béland: Oui, mais on n'a pas trouvé de solution plus profonde que ça. Je pense que c'est par la formation professionnelle, en les recyclant dans les fonctions, dans les emplois qui sont disponibles qu'on peut leur donner un peu d'espoir.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

Moi, ma question est très simple. Quand je regarde la mission du Forum pour l'emploi, la première, on parle de la concertation sur les grands enjeux d'une stratégie québécoise de développement de l'emploi. Pour rejoindre ma collègue de Taillon, ma question est la suivante: Croyez-vous vraiment à une concertation sans vraiment unir l'énergie et les forces fédérales québécoises autour d'une orientation claire, nette et précise? Est-ce que vous croyez vraiment qu'on peut arriver à un travail efficace dans ce grand voeu que vous souhaitez réaliser?

M. Béland: On a déjà adopté une position claire à ce sujet-là, qu'il a fait connaître il y a déjà, mon Dieu, un an. On a même produit un mémoire à la commission Bélanger-Campeau. Cette position-là, on l'a répétée à la Conférence d'adaptation de la main-d'oeuvre; la Société de développement de la main-d'oeuvre en a pris connaissance. On n'a cessé de le répéter. Mais, comme disait M. Dufour, à un moment donné, on peut crier, on peut la faire connaître, cette position de l'unanimité des partenaires socio-économiques québécois quant à l'importance de rétablissement d'un guichet unique, parce qu'on pense qu'il y a là un gaspillage très malheureux. Dans ce sens-là, évidemment, on attend que les représentants politiques prennent position.

M. Filion: Mais, maintenant, vous savez que c'est essentiel pour qu'on puisse vraiment dynamiser et passer à des mesures proactives pour laisser les mesures passives.

M. Béland: Oui.

M. Filion: Est-ce que vous avez d'autres idées de pressions publiques, de pressions dans l'opinion publique pour forcer le gouvernement central à Ottawa à bouger, à réaliser le chaos économique qu'il crée?

M. Béland: Je pense que je peux dire que le Forum pour l'emploi n'est pas en soi un organisme de pression. Les constituantes, évidemment, peuvent le taire. Mais, au moins, on sensibilise l'ensemble de nos gens à cette problématique et, eux, quand ils retournent dans leur milieu, c'est là qu'ils peuvent poser leur action. Je pense que ça a très bien réussi parce que chaque partenaire représente quand même des organismes fort importants. Que le Forum, par-dessus tout cela, fasse des manifestations, je ne pense pas que ce soit utile. Je pense qu'on briserait... On n'a pas tous non plus les mêmes façons de faire connaître nos points de vue. Alors, je craindrais qu'on brise un peu la belle unanimité qu'on a.

Mme Marois: Vous pourriez emprunter, là.

M. Larose: On tombe d'accord pour dire que ce dossier est tout à fait révélateur du pays dans lequel nous sommes.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Audet): D'accord. M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, je voudrais remercier et féliciter ceux qui représentent le Forum pour l'emploi ici, son président en particulier, d'être venus ici. Même si tout le monde ne s'entend pas sur tous les sujets, je pense qu'il faut le souligner, il y a au moins des discussions qui se font, même entre, disons, des adversaires objectifs, mais ils le sont et ils se parlent. Je pense que c'est d'un intérêt certain.

Le président du Conseil du trésor a essayé, par quelques paroles que j'ai trouvées un peu sarcastiques, de dire qu'on ne parlait pas assez de fiscalité parce que les différends pourraient être trop profonds. Je voudrais le ramener un peu lui-même à ses devoirs. Effectivement, il propose le ticket modérateur pour informer les citoyens des coûts véritables des services publics. C'est bien, je pense qu'il veut les sensibiliser. Mais je lui rappelle qu'en termes de cohérence, lui-même inscrit une bonne partie des revenus de tarification non pas comme des revenus, mais comme une réduction des dépenses, avec le résultat que les revenus sont sous-évalués et que les dépenses sont aussi sous-évaluées. Il a faussé toute la réalité. Ce matin, tout à l'heure, je l'entendais dire qu'il trouve ça très intéressant de tenir une deuxième comptabilité, les intervenants qui sont venus avant, parce que ça tiendrait compte d'une forme d'amortissement pour mieux connaître les vrais coûts, mais qu'il vaudrait mieux ne pas la rendre publique. Alors, ça vous donne à penser qu'entre son discours sur la tarification et son discours sur une deuxième comptabilité publique, il y a quelque opposition. C'est pour ça que je souligne cela, quand il essaie de mettre en contradiction des intervenants qui ont le courage de venir ici, même s'ils ne s'entendent pas sur tous les sujets.

Je vais lui rappeler aussi qu'on se demande ce qu'il fuut ponsor do la pratique par laquelle lo gouvernement inscrit des dépenses qu'il paie par anticipation dans l'année où il les paie, autre

petit problème sur le plan de la transparence et de la cohérence. Le Vérificateur général l'a ramené à ses devoirs pour dire que tout cela nuisait à la comparabilité des états financiers, de sorte que le citoyen ne s'y retrouvait plus. Alors, je pense que son discours sur la tarification et la conscientisation des coûts vient d'en prendre pour son rhume.

Je pense, M. le Président, qu'on doit vous féliciter d'être venus ici pour traduire ce que vous pensez, nous faire part, disons, de l'état de vos travaux. Je crois que ce que vous faites actuellement, en ce qui concerne la création d'emplois, est fondamental pour le Québec. C'est une démarche, à mon sens, qui va produire ses fruits à court et moyen terme.

M. Béland: Je voulais vous dire merci, mais peut-être aussi ajouter que, moi, ce qui me renverse, c'est la fidélité quand même des membres du comité de parrainage, une trentaine de personnes, qui viennent régulièrement à nos réunions et qui ne délèguent pas, qui viennent. Les chefs des grandes centrales, le président du Conseil du patronat, les recteurs d'université sont quand même des gens qui assument des fonctions importantes, mais qui considèrent que l'emploi est peut-être la priorité, actuellement, dans notre société. Je profite de l'occasion pour leur rendre hommage. Je me suis souvent posé la question en disant: Mon Dieu, est-ce qu'on va être capable de tenir ce forum-là très longtemps? Mais, au contraire, à chaque fois qu'on a provoqué pour essayer de le fermer parce que les gens nous disaient: Écoutez, vous ne faites que penser. Comme si la pensée, ce n'était pas nécessaire! Mais je réalise aujourd'hui, et je pense que nous le réalisons tous, qu'il n'est pas possible de faire de concertation si on ne s'entend pas sur des valeurs communes. Si on veut se donner une identité québécoise, il faut qu'on connaisse nos valeurs et que nos actions soient en harmonie avec ces valeurs-là. C'est là qu'on peut se reconnaître. Autrement, on travaille sur des petits dossiers, à travers des petites lorgnettes, et on est souvent des joueurs qui tirent dans leur propre but.

Le Président (M. Audet): Merci. Je vais maintenant reconnaître M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Pour regretter que le député de Labelle étale nos divergences fort connues et de fort longue date devant nos invités. Ce n'est pas le genre de choses que... On ne fait pas ça dans un salon, quand même. L'Assemblée nationale est là pour ça largement, et c'est même télédiffusé là aussi.

M. Léonard: II ne faut pas se moquer des invités non plus.

M. Johnson: Quant aux questions que j'ai eues tout à l'heure, évidemment, elles ne visent qu'à rappeler... Pas pour chercher des failles dans ce que les gens viennent nous dire, mais, dans un forum comme celui-ci où on veut - parce que c'est un forum de consultations - être éclairé au maximum, moi, je me fais fort de rappeler à chaque fois que, si les gens viennent ici nous parler du déficit et de fiscalité, je vais leur demander de nous parler des dépenses; s'ils viennent nous parler des dépenses et du déficit, je vais leur demander de parler de fiscalité; et s'ils parlent de dépenses et de fiscalité, je vais leur demander de parler de déficit également. Juste pour qu'on complète parce que... Si on a vu un bon morceau, on a vu un autre bon morceau, mais ce serait Intéressant que tout le monde couvre le terrain, il me semble. C'est dans ce sens-là que je l'ai demandé. M. Daoust a fort bien répondu, d'ailleurs, à même une citation qui nous avait échappé dans une première ronde, qui venait de représentations.

Je suis extrêmement heureux de voir également ce que la concertation peut réaliser, ne serait-ce qu'au niveau du ton qu'on emprunte pour parler aujourd'hui des mêmes choses qu'hier entre certains d'entre nous. Est-ce que cette commission consultative permet d'acquérir ce même ton, avec les chances de succès que ça peut représenter entre intervenants? La qualité du ton dicte souvent la qualité des résultats et des solutions. (13 h 20)

Alors, je prends ces quelques derniers moments pour souhaiter que nos délibérations jusqu'au 18 et les rencontres qu'on pourrait avoir soit avec vous tous et avec vous, madame, ou que ce soit individuellement ou en groupe, individuellement et en groupe, avec les représentants de nos employés, très bientôt évidemment, qu'on maintienne ce ton-là.

On n'est pas en train juste de décider ce qui va se faire d'ici à trois mois ou à six mois. On est en train... C'est ça qu'on essaie de réaliser et de faire passer, franchement, comme mandat... On est en train de voir comment on peut prendre des décisions tout de suite pour redresser graduellement une courbe ou une droite, ou peu importe, qui nous apparaît une menace au maintien des services publics. C'est ça qui anime le gouvernement. Si on croyait qu'on avait suffisamment de marge fiscale pour taxer mieux ou davantage, si on croyait que les dépenses sont sous contrôle pour toujours, on ne serait pas ici en train d'en discuter, on serait en train de construire le Québec, d'investir davantage, d'investir dans l'emploi, dans les activités qui soutiennent le développement des gens. On n'en est pas là malheureusement. Il faut prendre tout de suite des décisions pour connaître des effets bénéfiques plus tard.

En terminant, je remercie nos interlocuteurs d'être venus nous indiquer quels efforts, eux, de

façon bénévole de toute évidence, ils font porter sur ces problèmes-là.

Le Président (M. Audet): Merci. Alors, ça termine nos travaux pour ce matin. Je remercie les gens du Forum pour l'emploi de leur présentation et je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 21)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux relativement à la consultation générale et aux auditions publiques sur le financement des services publics au Québec.

Nous allons maintenant entendre le Regroupement des payeurs de taxes du Québec. J'aimerais demander à ces personnes de bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît. Alors, vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Suivra un échange entre les deux formations politiques, les deux groupes parlementaires, pour une période totale de 40 minutes, chaque groupe parlementaire bénéficiant d'une période de questionnement, relativement à votre mémoire, de 20 minutes.

Alors, auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous identifier et, immédiatement après, commencer l'exposé de votre mémoire.

Regroupement des payeurs de taxes du Québec

M. Granger (Pierre): Mon nom est Pierre Granger. Je suis le président du Regroupement des payeurs de taxes du Québec.

M. Bérard (Jean-Jacques): Mon nom est

Jean-Jacques Bérard. Je suis le secrétaire du Regroupement.

Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts à vous entendre.

M. Granger: Tout d'abord, on tient à remercier les membres de la commission parlementaire pour l'opportunité qui nous est donnée d'émettre l'opinion du Regroupement sur une question assez sensible. Alors, si vous me le permettez, je vais passer à travers le mémoire parce que ça prend environ 16, 17 minutes. Ça a été fait de façon simple.

Alors, en ce qui a trait aux dépenses gouvernementales. Depuis plusieurs années, les différents rapports du Vérificateur général du Québec recommandent différentes mesures afin de rationaliser les dépenses gouvernementales. Plus récemment, le rapport du comité Poulin a aussi rorommnnd(S dos coupures dans les dépenses de l'État. Il y a eu, au cours des 15 dernières années, de nombreuses initiatives afin d'inciter le gouvernement à rationaliser ses dépenses. Malheureusement, l'ensemble de ces démarches n'a pas permis de résoudre le problème fondamental de l'équilibre entre les dépenses et les recettes. Nous pouvons donc conclure que l'Assemblée nationale, et en réalité le gouvernement, ne contrôle plus de façon efficace l'utilisation des deniers publics et semble même en avoir perdu le contrôle.

Dans les circonstances, le Regroupement des payeurs de taxes du Québec recommande que l'Assemblée nationale prenne les mesures qui s'imposent afin d'équilibrer les dépenses et les recettes du gouvernement, c'est-à-dire réduire le montant des dépenses d'un pourcentage adéquat pour permettre un équilibre budgétaire.

Évidemment, il existe de nombreuses façons de réduire des dépenses gouvernementales. Ce que vous allez trouver comme alternatives n'a pas été inventé; ce sont des choses simples, que tout le monde connaît. Nous aimerions vous en suggérer quelques-unes.

Alors, la façon la plus simple, évidemment, c'est de réduire le nombre d'employés. Selon les chiffres que nous avons, il semblerait que l'État québécois a 400 000 employés. Il semble assez facile de réduire le nombre d'employés.

Abolir l'impôt sur le revenu de l'État. Évidemment, quand on considère que l'État est employeur et percepteur en même temps, il s'agit du même argent qui est déduit, qui est administré, et qui revient par le réseau d'un autre système d'administration. Entre les deux, ce sont des dépenses, à notre sens, passablement inutiles, et qui ne donnent aucun service à la société.

Réduction des salaires. Évidemment, on se souviendra possiblement qu'à une certaine époque on avait décrété une réduction importante des salaires dans les milieux universitaires. L'autre bonne façon de réduire de 20 % les dépenses serait de réduire les salaires des cadres qui touchent 50 000 $ et plus par année.

Une autre façon assez simple, réduire le nombre de ministres. Évidemment, avec chaque ministère, on a toute la mécanique administrative qui s'ensuit. Dans un contexte économique où on a de la difficulté, c'est peut-être une façon qui peut être envisagée. Malheureusement, dans le contexte économique actuel, chaque partie de la collectivité doit faire sa part et, pour aider dans la réduction des dépenses de l'État, on peut aussi considérer une réduction des députés.

Pension à vie des ministres et députés. Pour les mêmes raisons mentionnées à l'item 5, nous croyons que la pension des ministres et des députés devrait être contribuée et versée selon les normes généralement appliquées à l'ensemble des citoyens. On pourrait faire des contributions selon le nombre d'années de service. Ça pourrait être différé à l'âge de la retraite, comme on retrouve à différents endroits

Dépenses électorales et référendaires. Nous

considérons que la Loi électorale du Québec devrait être modifiée afin de limiter les dépenses électorales ou référendaires à un montant maximum de 5 000 000 $ pour l'ensemble des partis.

Aide juridique. Nous proposons l'abolition de l'aide juridique dans sa forme actuelle. Les contribuables de la classe moyenne, en général, ne veulent plus payer pour des services qu'ils ne peuvent se payer eux-mêmes.

Alternative: abolir les subventions. Nous considérons qu'il est préférable d'abolir l'impôt sur le revenu et de réduire le niveau de taxes en général afin d'attirer des entreprises au Québec plutôt que d'imposer la collectivité québécoise pour subventionner des entreprises qui, généralement, font faillite dès qu'on arrête de les subventionner.

CSST. Nous pensons que le Québec n'a plus les moyens de se payer un programme aussi généreux, et nous avons de la difficulté à comprendre la nécessité d'avoir un système parallèle aux services déjà offerts soit par l'assurance-chômage, soit par le régime des rentes du Québec. Dans les circonstances, pour réduire les dépenses gouvernementales, deux avenues nous semblent intéressantes: soit l'intégration de la CSST au programme d'invalidité déjà existant; soit une réduction du montant de bénéfices offerts, qui est actuellement de 90 % du revenu, non imposable, par un montant maximum de 60 % du revenu, imposable. Ceci nous semble souhaitable et acceptable.

Le bien-être social. Dans le régime actuel, les bénéficiaires de l'aide sociale sont généralement mieux traités que les travailleurs à faibles revenus. En conséquence, nous aimerions suggérer une modification au régime actuel. Nous pourrions limiter la période de prestations à un maximum de deux ans. L'aide sociale se doit d'être une mesure temporaire pour aider des gens qui sont en difficulté.

Assurance-maladie. Nous n'avons plus les moyens de nous offrir le régime actuel, et les choix à faire pour rentabiliser le système sont douloureux, pénibles et exigent la collaboration de tous les intervenants du domaine de la santé. Comme première étape vers la rentabilisation du régime, nous pourrions envisager de verser un salaire aux médecins au lieu de les payer à l'acte. Si cette mesure n'est pas implantée, il faudrait peut-être privatiser certains secteurs de l'assurance-maladie.

Le ministère de la Justice. Il nous apparaît évident que ce système devrait être simplifié. Une façon assez simple de le faire, c'est d'augmenter le montant admissible pour une poursuite à la Cour des petites créances à 10 000 $.

Rapport du Vérificateur général du Québec. En terminant, nous aimerions attirer votre attention sur les faits suivants. Depuis plusieurs années, le Vérificateur général du Québec publie son rapport annuellement. Généralement, le Véri- ficateur divulgue un certain nombre de situations où il y a eu gaspillage de fonds publics. De plus, il note généralement que les recommandations de son rapport de l'année précédente n'ont pas été prises en considération. Le Vérificateur complète son rapport avec ses recommandations pour l'année en cours. La publication du rapport est suivie d'une diffusion dans les différents médias, dénonçant le gaspillage de fonds publics. À l'Assemblée nationale, traditionnellement, l'Opposition pose des questions embarrassantes, un jeu de gymnastique de virgules pendant quelques jours et, évidemment, nous sommes débarrassés du rapport du Vérificateur pour une autre année. Et le scénario recommence année après année.

En conséquence, les membres de l'Assemblée nationale ainsi que les hauts fonctionnaires du gouvernement ne semblent pas s'intéresser au contenu du rapport du Vérificateur général du Québec. En tant que contribuables, nous aimerions recommander que le budget du Vérificateur soit réduit de 13 000 000 $ à 3 000 000 $, ce qui aurait pour conséquence de nous garantir une réduction des dépenses de 10 000 000 $.

En ce qui a trait à la fiscalité, les Québécois sont les plus taxés au monde. Les Québécois paient en impôt, TPS, taxes indirectes, municipales et scolaires confondues, entre 20 % et 25 % de plus qu'en Europe; environ 15 % de plus qu'aux États-Unis; 5 % de plus qu'en Ontario. Le rêve de tout payeur de taxes du Québec serait d'être traité comme les Indiens inscrits comme citoyens canadiens, qui vivent dans des réserves et qui, en général, ne paient pas d'impôt sur le revenu, ne paient pas de taxe de vente provinciale, d'impôt foncier ou de taxe sur les produits et services, et ce, tout en bénéficiant des services suivants: éducation, services de santé, soins dentaires, aide sociale, logement, infrastructures communautaires, développement économique. Le deuxième rêve d'un contribuable québécois, c'est d'être traité comme les 640 contribuables bien nantis et près de 500 000 entreprises canadiennes qui n'ont pas payé d'impôt en 1988. (15 h 20)

Le Regroupement des payeurs de taxes du Québec est un organisme sans but lucratif, voué à l'abolition de l'impôt sur le revenu et à la réduction des taxes en général. Dans les circonstances, nous recommandons d'abolir le régime fiscal actuel, de remplacer ce système par une taxe à la consommation ayant un maximum de 20 %, ainsi que l'obligation d'obtenir l'assentiment de la population pour hausser ce maximum. En ce qui nous concerne, il s'agit d'une simplification du système actuel qui permet une gestion simple, efficace, acceptable a tous et d'une meilleure équité sociale que le système actuel. Avec plus d'argent dans nos poches, nous pourrions forcément dépenser et épargner davantage. L'épargne favorise l'investissement qui, à son tour, crée une croissance économique.

Puisque toute la «gamique» des abris fiscaux disparaît, les particuliers et les entreprises investiraient là où c'est rentable et productif pour l'économie, non pas où ils pourraient soutirer un quelconque avantage fiscal.

Plusieurs économistes croient que les entreprises trouveraient leur compte dans un système axé sur la consommation. Pourquoi pénaliser l'entreprise efficace qui, avec le même actif et les mêmes revenus, réussit à dégager plus de profits qu'une autre? On pourrait donc taxer le capital, les biens tangibles, les usines, l'équipement, les bâtisses, l'actif plutôt que le revenu. Du coup, le Québec verrait sa compétitivité internationale améliorée. Les étrangers venant travailler ici ne verraient pas leur salaire mangé par l'impôt. Les entreprises venant s'installer ici seraient assurées de ne pas être pénalisées parce qu'elles font plus de profits. L'allégement du fardeau fiscal des entreprises serait créateur d'emplois et générateur de croissance économique.

Pour illustrer l'équité sociale d'un système axé sur la consommation, nous vous soumettons un petit exemple simple. Supposons l'achat d'un véhicule. Alors, un bénéficiaire de l'aide sociale qui s'achète un véhicule modeste au prix de 500 $ contribue 100 $ à la cagnotte collective. Un travailleur de la classe moyenne qui s'achète un véhicule d'une valeur de 10 000 $ contribue 2000 $. Un bien nanti qui achète un véhicule à 50 000 $ contribue 10 000 $, et une compagnie qui acquiert un camion à remorque à 100 000 $ investit 20 000 $ dans la cagnotte collective. Évidemment, ce système nous apparaît comme étant plus équitable pour la société que le régime actuel. Nous terminons en mentionnant que l'idée d'une taxe à la consommation a séduit plusieurs membres du Congrès américain, plusieurs universitaires ainsi que l'économiste français Maurice Allais, qui a même remporté le prix Nobel d'économie en défendant cette thèse.

En ce qui a trait au déficit. La santé économique du Québec est une préoccupation immédiate pour les contribuables, car, pour nombre d'entre eux, la récession a été une expérience difficile, sinon dévastatrice. Nous traversons une phase de mutation collective, et tous les intervenants du système se doivent de faire des concessions pour permettre les changements nécessaires au redressement de la situation financière du gouvernement du Québec. Afin d'atteindre une stabilité économique, il faut que tous les partenaires socio-économiques, entreprises, salariés, gouvernements soient d'accord sur une route à suivre, qu'ils acceptent le fait que chacun a quelque chose à apporter et qu'ils coopèrent de manière constructive pour trouver et mettre en oeuvre de meilleures solutions.

Le Regroupement des payeurs de taxes du Québec considère que la seule façon de retrouver la prospérité, c'est de s'attaquer au coeur du problème et de corriger la structure de l'écono- mie. La réduction de l'endettement public se doit d'être un objectif tant pour les gouvernements que pour les consommateurs.

Présentement, la dette du Québec s'élève à plus de 100 000 000 000 $. J'étais un peu mêlé avec ce chiffre-là, au moment où on l'a publié. On avait pris les chiffres dans le rapport du Conseil du patronat. Il y a quelques jours, le gouvernement fédéral semblait penser que la dette québécoise était de 46 000 000 000 $. Dans le rapport qui a été publié par le gouvernement, c'est 55 000 000 000 $. C'est quelque part entre 46 000 000 000 $ et 100 000 000 000 $. Je ne sais pas c'est quoi!

On se réjouit que le déficit de cette année ne soit que de 4 600 000 000 $, une somme dépassant largement notre capacité de payer, et qui dénote une attitude profondément inquiétante. Il faut absolument que le gouvernement du Québec réduise ses dépenses, ce qui fera baisser le service de la dette. Le gouvernement du Québec doit laisser le champ libre aux entreprises et aux salariés pour que nous soyons plus compétitifs.

Dans les circonstances, nous aimerions recommander au gouvernement du Québec de privatiser toutes les entreprises gouvernementales dont il est propriétaire. Cette mutation pourrait s'effectuer à moyen terme, soit sur une période de cinq ans.

Conclusion. Nous considérons que le gouvernement du Québec devrait, à court terme, cibler une priorité qui, pour nous, devrait être l'équilibre budgétaire afin d'arrêter l'hémorragie au niveau de la dette. Afin de s'assurer que cette priorité sera considérée sérieusement, le Regroupement des payeurs de taxes du Québec entend déposer à l'Assemblée nationale un projet de loi obligeant le gouvernement du Québec à prévoir et à adopter un budget équilibré.

Je vous remercie de votre bonne attention.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre du Revenu.

M. Savoie: Oui. Merci, M. le Président.

Alors, tout d'abord, je voudrais vous remercier d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire et, évidemment, de vous déplacer...

M. Granger: Excusez-moi... M. Savoie: Ce n'est pas grave.

M. Granger: ...les lumières, là, je ne savais pas d'où ça venait. Excusez-moi.

M. Savoie: Je m'excuse. Alors, je suis Raymond Savoie, ministre du Revenu...

M. Granger: Je m'excuse.

M. Savoie: ...et je vous disais que je vous

remerciais d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire et, évidemment, le déplacement pour venir présenter ce mémoire et échanger avec nous.

On constate, à la lecture des moyens suggérés pour s'attaquer au problème du déficit, que c'était... Il y en a certains qu'on a rencontrés lors de la présentation d'autres mémoires et certains innovent d'une façon considérable. Même, certains nous paraissent gros.

On pourrait parler, par exemple, d'un élément que vous avez soulevé en ce qui concerne la réduction de 20 % des salaires des cadres, la réduction de fonctionnaires. Il y a, chez nous, une démarche qui a été annoncée, et qui est en voie d'exécution. Par exemple, on parle d'une réduction au niveau de la fonction publique, sur un espace de cinq ans, de l'ordre de 12 %, ce qui est quand même considérable. On parle, sur une période de trois ans, d'une réduction de 20 % du personnel d'encadrement. Il y a quand même là un effort considérable, et ça rejoint, peut-être, d'une autre façon, certaines de vos préoccupations. Ce n'est pas l'orientation que vous, vous souhaitez, mais on pense de cette façon-là arriver peut-être, d'une certaine façon, au même «bottom line», si vous me le permettez. (15 h 30)

Ce que je trouve curieux, c'est, par exemple, une réduction du budget du Vérificateur. Ça, il faut dire que c'est un peu gros parce que, finalement, le Vérificateur, c'est évidemment quelqu'un qui ne se rapporte pas au gouvernement. Il se rapporte à l'Assemblée nationale. C'est un mécanisme indépendant, qui est là justement pour jeter une lumière sur quelque chose qui est très complexe, très compliqué. Bien que, de temps à autre, il y ait, bien sûr, des critiques qui soient dirigées au Vérificateur général, d'une façon générale, je pense que le travail qu'il fait est grandement applaudi par l'ensemble de la population et même par nous-mêmes. On constate que cet exercice-là est des plus viable. Alors, ce qu'on trouve, c'est que, finalement, avec le budget d'opération qu'il a, 16 000 000 $, les services qu'il rend à l'État sont considérables. On se demande comment il se fait qu'une organisation ou un groupe ait une opinion comme celle que vous avez, là, au niveau du Vérificateur général. Pourquoi s'attaquer à cette institution-là qui, justement, donne une certaine transparence aux activités gouvernementales, assure une bonne gestion, préconise des correctifs? On doit dire que ça surprend un peu, comme recommandation, de réduire le budget.

M. Bérard: Évidemment, ça surprend, mais seulement que... Quand on regarde le rapport du Vérificateur général, d'année en année, on s'aperçoit qu'il y a certaines recommandations qui ne sont jamais appliquées. Il l'a dit encore dans son dernier rapport. Certaines recommanda- tions qui ont été faites, notamment à la Commission de la fonction publique, ça a été dit dans les années précédentes, et ça n'a pas bougé d'un iota. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Vérificateur. Alors, on se dit tout simplement que, si les ministres ne bougent pas là-dessus, qu'est-ce que ça vaut à ce moment-là de donner un budget de 13 000 000 $ au Vérificateur?

M. Savoie: Mais est-ce qu'à ce moment-là la recommandation ne devrait pas être, par exemple, d'établir un mécanisme de suivi plus approprié pour les recommandations du Vérificateur général, plutôt que l'abolition, finalement, de son efficacité ou de l'argent nécessaire à l'exécution de son mandat?

M. Granger: Remarquez bien que, moi, je serais pour augmenter son budget si ça donnait des résultats. Ce que vous mentionnez, si ma mémoire ne fait pas défaut, apparaît dans l'ensemble des rapports au cours des dernières années, là, qu'il devrait y avoir un suivi, qu'il devrait y avoir des mécanismes de simplification, qu'on devrait donner suite, qu'on devrait faire toutes sortes de choses. Ça nous revient. Quand on lit les derniers rapports, ce sont des recommandations qui se retrouvent à l'intérieur. Je souhaiterais, j'aimerais mieux lui donner 20 000 000 $ si ça donnait des résultats. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'on investisse des sommes d'argent, et il ne semble pas y avoir d'actions, de gestes posés suite à la publication du rapport. C'est dans cette optique-là que la recommandation a été faite. (15 h 30)

M. Savoie: Oui, c'est ça.

M. Granger: Pour, probablement, attirer l'attention des membres de l'Assemblée nationale, peut-être qu'il y aurait lieu de faire un effort pour qu'il se passe quelque chose avec ça, là.

M. Savoie: Mais, peut-être, à titre d'information. Ça fait quand même sept ou huit ans qu'on est au gouvernement, que, comme ministre, en tout cas, je constate que le rapport du Vérificateur général est très lu. On établit normalement, suite à ses recommandations, soit un processus d'échange pour éclaircir le problème qui a été soulevé, soit pour y donner suite lorsqu'on sent qu'effectivement il a raison et que, finalement, ses recommandations sont suivies de très près par les sous-ministres, les ministres, qu'il y a des interventions qui se font, directement basées sur ses recommandations, et qu'à ma connaissance c'a toujours été comme ça, même au gouvernement du Québec, certainement depuis les années soixante.

Eh oui, ici et là, on peut avoir une critique. Des fois, cette critique est gratuite, des fois, elle est facile, là, comme ça, elle se fait

sur le coin de la table. D'une façon générale, je peux vous assurer que ce que j'ai vu du fonctionnement, en tout cas, c'est que c'est lu, c'est pris au sérieux, il y a des recommandations qui suivent, il y a des rencontres qui se font pour donner suite à certaines des recommandations et des échanges qui se font à partir de ces recommandations.

Alors, peut-être, j'imagine donc que vous n'avez pas de difficulté à concevoir qu'il ne faudrait pas y voir une réduction du budget du Vérificateur, mais peut-être un renforcement, finalement, de son pouvoir de recommandation, le Vérificateur, plutôt qu'une réduction de son budget.

M. Granger: C'est probablement parce que du peuple, on est trop loin, puis on ne voit pas exactement ce qui se fait, là. Mais, de loin, je dois vous dire que la perception que vous nous donnez n'est pas la perception qu'on ressent.

M. Savoie: N'est pas à cet effet-là, oui. C'est pour ça que je... C'est ça.

M. Granger: Je la respecte, mais je la ressens de loin, là, parce qu'on est loin. Mais, évidemment...

M. Savoie: Ça, je comprends ça fort bien que, des fois, on peut avoir une perception, et la question au début portait là-dessus: Pourquoi avez-vous cette perception que, personnellement, ça ne joue pas son rôle? Il y a évidemment un autre élément de votre mémoire qui est intéressant, c'est-à-dire développer, finalement, une taxe à la consommation très élevée qui aurait pour effet de réduire l'impôt en maintenant les sources d'entrée principales pour le gouvernement comme étant ces taxes à la consommation. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait là un mécanisme pour protéger les gens à faibles revenus ou, disons, un revenu... Le contribuable moyen au Québec a un revenu de l'ordre de 23 000 $. Est-ce qu'il y a une préoccupation de votre côté de voir, justement, la défense de ces gens-là?

M. Granger: Je vais vous donner mon évaluation simpliste, parce que j'ai l'esprit simple. J'ai toujours été comme ça. Si on prend le document que le gouvernement a mis sur la table, à la page 37, si je prends taxe à la consommation, 8 152 000 000 $, disons 100 000 000 000 $ de consommation, 20 % au lieu de 8 %, c'est plus rentable pour l'État que 11 642 000 000 $ qu'on a de l'autre côté de la colonne. On n'a rien déplacé. On a changé une structure administrative.

Quand je prends un crayon, puis j'additionne les deux montants, c'est plus rentable une taxe à la consommation. Actuellement, les gens ne consomment plus parce que, depuis 1980, dans les années 1980, 1990, les gouvernements ont grugé 64 % des revenus de tout le monde. Les gens sont insécures; on a des conditions économiques très difficiles, affreuses. Quand on est dedans, on s'en aperçoit. Je pense que, si on avait un système comme celui-là, c'est simple, c'est clair pour les entreprises, c'est clair pour tout le monde, c'est plus rentable pour l'État. Et, si on a plus d'argent, bien, on va soit l'épargner, sort s'en servir pour s'acheter des biens. Si on achète des biens, bien, ça fait rouler l'économie.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. Savoie: D'accord.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lotbinière, avez-vous quelque chose à ajouter sur le temps de parole du parti ministériel?

M. Camden: Je vous remercie, M. le Président.

D'abord, évidemment, il me fait plaisir de saluer les représentants du Regroupement des payeurs de taxes du Québec. C'est là, je pense, la démonstration qu'il y a des gens qui s'intéressent au sujet et, bien souvent, on a parfois l'impression qu'on est les seuls. Ça arrive qu'on a ce questionnement. Je dois vous dire qu'on est heureux, évidemment, qu'il y ait des gens qui soient sensibles à ça et qui, également, s'en préoccupent. Cependant, j'ai un certain nombre de questions et, plus particulièrement, quelques commentaires, peut-être, préalablement.

Vous savez, l'appareil gouvernemental, c'est très lourd. C'est gros, c'est vaste. Il y a beaucoup de monde, comme vous l'indiquiez tout à l'heure, 400 000 personnes. Bref, au gouvernement du Québec, proprement au niveau des ministères, on parle de quelque 70 000 personnes. C'est beaucoup de gens. Lorsque vous indiquez réduction du nombre de ministres, nous, on veut bien, sauf que, je pense, il faut être réaliste. Il y a peut-être une limite à atteindre parce qu'il faut peut-être considérer un aspect, c'est celui d'exercer un contrôle plus efficace et efficient sur l'appareil et, souventefois, on a remarqué une chose, c'est qu'il y avait des cabinets ministériels, et on songeait à réduire le nombre de ce qu'on appelle les attachés politiques et de secrétariat. Ça m'apparaft souvent être moins de gens également pour exercer un contrôle plus efficace sur l'appareil et être en mesure de mieux identifier les choses.

Je pense un peu la même chose à l'égard des députés. Quand on est dans une circonscription rurale, le nombre de demandes est très élevé et de diverses natures. Quant à la révision du système de pension des députés et ministres, je dois vous indiquer qu'elle a été modifiée et que, maintenant, c'est à 60 ans. Fut une époque... Évidemment, j'ai été élu à 32 ans. Il y a une vingtaine d'années, si j'avais quitté à 40 ans,

8, 9 ans après, je dois vous dire que j'aurais eu un généreux, un très généreux... 8 ans après, au moment où il était le plus généreux probablement, autour de 56 % à 58 % du revenu jusqu'à ma mort. Remarquez que ça aurait été de fort agréables rétributions. Ça a été révisé d'une façon importante et, maintenant, évidemment, c'est 60 ans, et on tient compte du nombre d'années, effectivement, qu'il l'a été. Je vous rappellerai très brièvement seulement que les députés contribuent pour 10 % annuellement de leur salaire au fonds pendant la période où nous assumons les fonctions.

Si on passe proprement dit à votre contenu, concernant l'intégration de la CSST au programme d'invalidité, vous vous référez au fait de réduire les prestations à 60 % du revenu imposable et vous vous référez également à l'aide sociale qui devrait n'être qu'une mesure temporaire limitée à deux ans. Je voudrais que vous m'indiquiez ce qu'on fait avec les gens à la CSST. On les envoie à la Régie des rentes du Québec? Et qu'est-ce qu'on fait avec les gens à l'aide sociale, après deux ans?

M. Granger: D'accord. Vous avez deux questions, là?

M. Camden: Deux questions.

M. Granger: Ce qui est proposé à l'intérieur de ça... Actuellement, on a un régime qui offre aux bénéficiaires un montant de 90 % du revenu indexé, non imposable. Ça nous apparaît comme étant une incitation à demeurer dans le système. C'est difficile probablement, moralement, pour quelqu'un qui a subi un accident quelconque, lorsqu'il reçoit son premier chèque de la CSST, qu'il s'aperçoit que ses revenus ont augmenté de quelque 30 %, d'être motivé à faire un retour rapide sur le marché du travail, et il semblerait plus logique... Parce que, dans des régimes privés, c'est un peu...

Je vais donner un exemple de ma perception de ça. C'est que, si on permet à un propriétaire d'une maison de l'assurer pour trois fois sa valeur et qu'on paie les réclamations, possiblement qu'on aurait des problèmes de rentabilité au niveau du milieu de l'assurance. Possiblement. Hein! Ça nous apparaît comme un chiffre très élevé. Je comprends que quelqu'un qui est blessé... Je comprends. Moi, je travaille pour un employeur sérieux. Si je tombe malade, j'ai 66 % de mes revenus. Je paie la prime et je pense que je peux vivre avec ça. Ça ne fera pas baisser mon niveau de vie s'il m'arrivait une malchance. Puis, à 90 %, moi, ça me semble inciter les gens à abuser du système.

En ce qui a trait à la deuxième partie de votre question, le système actuel, lorsqu'on prend des gens... On fait le calcul comptable, on prend des gens à faibles revenus, et j'en connais d'ailleurs qui font un effort pour travailler, qui ont des revenus très faibles, et puis qui me disent: Pierre, moi, je serais bien mieux sur le BS. Je me fais traiter de niaiseux parce que ce n'est pas payant ce que je fais. Tu comprends? Et ça, je trouve ça difficile à accepter. Il y a des gens pour qui il y a un abus du système. (15 h 40)

Malheureusement, dans le contexte actuel, je pense que l'abus semble vouloir s'amplifier. Les gens qui sont bien mal pris, je conçois ça. Je ne suis pas sûr qu'on devrait considérer que les gens sont de profession sur l'aide sociale. Je ne suis pas sûr qu'on devrait considérer ça. Si une personne est réellement invalide, on a des systèmes pour ça. Il y a le régime des rentes incapacité qui couvre cette éventualité-là. Je dois vous dire que c'est frustrant.

Je peux vous conter un petit exemple qui m'est arrivé dernièrement chez mon optométriste. J'y suis allé avec ma fille, et puis, en attendant, bien, j'étais assis dans le portique, et on a eu un jeune homme qui s'est présenté. Il avait l'air en pleine santé, avec un oeil au beurre noir, et là, tout à coup, la demoiselle - malheureusement, j'ai écouté parce que j'étais à côté - lui dit: Monsieur, pour telle intervention, il y a des suppléments. Il répond: Je m'en fiche. Ce n'est pas moi qui paie. Pendant 15 minutes, il a continué à nous raconter que, quand il a reçu son chèque, il était dans un endroit à prendre un verre, puis il s'est fait écraser un oeil. Je ne suis pas sûr que c'est le genre de situation où on devrait entretenir un processus de soutien.

Moi, je pense qu'on devrait encourager ceux et celles qui veulent travailler, qui font un effort. J'aimerais mieux qu'on encourage celui qui est à faibles revenus, qui se débat dans l'eau bénite pour survivre, puis qui fait un effort réel. Je pense qu'on devrait être sensibilisé à ces gens-là.

Le Président (M. Lemieux): Ça va?

M. Camden: Ça va. Il nous reste du temps? Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, il y a un petit peu de temps.

M. Camden: Vous vous êtes référé également, dans votre mémoire, évidemment, à la taxe à la consommation, où vous souhaiteriez voir abolir le régime fiscal habituel et voir son remplacement par une taxe à la consommation équivalente à 20 %. J'ai fait sommairement un petit calcul rapide, là, et, si on s'inspire évidemment du document «Vivre selon nos moyens», à la page 37, on constate que les revenus en provenance de la taxe à la consommation représentent quelque 29,3 % des revenus autonomes du gouvernement. Et, à raison de 20 %, je ne crois pas que ce soit suffisant pour atteindre ça. On devrait peut-être se référer davantage à un

montant correspondant à près de 30 % de taxes à la consommation pour pouvoir obtenir les revenus équivalents, à moins de faire, évidemment, une saignée majeure dans l'ensemble des programmes.

Est-ce à l'intérieur également de cet élément de taxation à 20 % que vous souhaitiez élargir le champ de taxation? Est-ce que vous songez également à l'alimentation et au logement ou vous vous maintenez à l'intérieur du cadre qu'on a actuellement?

M. Granger: Si, comme payeur de taxes, vous voulez nous débarrasser de tout ce qu'il y a comme taxes directes et indirectes et me remplacer ça par une taxe de 20 % sur n'importe quoi, là, je suis ouvert à n'importe quelle discussion, moi. Je suis prêt à faire ma part pour la collectivité, 20 %. Ça me semble simple, raisonnable, et ça ne me dérange pas de payer 20 % sur n'importe quoi que je consomme.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lotbinière.

Il reste une minute. Simplement, peut-être, pour vous souligner ceci. Je me suis amusé, depuis une couple de semaines, à faire regarder par mes recherchistes les comptes publics du Québec, et une des belles choses qui pourraient peut-être exister pour les payeurs de taxes, c'est qu'on redonne naissance à la commission des comptes publics. C'est une suggestion que je vais faire à la sous-commission de la réforme parlementaire, à la Commission de l'Assemblée nationale.

Il est fort intéressant de voir comment parfois certaines personnes peuvent se servir de leur port d'attache, strictement ça, au niveau des coûts, et lorsqu'on les calcule - j'ai fait faire un échantillonnage d'environ 90 personnes - quand on regarde ça et qu'on calcule ça, c'est peut-être eu égard à leurs fonctions, mais il y a une foule de petites choses qu'on retrouve dans les comptes publics qui sont excessivement intéressantes et où une commission parlementaire, à mon avis, ne devrait faire que ça à temps complet.

Alors, c'est tout simplement une petite suggestion que le président de cette commission fait qui va revenir probablement en commission parlementaire ordinaire pour la faire à l'ensemble de la commission.

Sur ce, M. le député de Gouin, vous avez la parole.

M. Boisclair: Merci, M. le Président. M. Granger et ceux qui l'accompagnent, j'aimerais, au nom de notre formation politique, vous souhaiter la bienvenue à ces délibérations.

Je suis heureux du propos et des questions du député de Lotbinière, qui faisaient certainement contraste avec le ton bon enfant du ministre du Revenu. Je pense que nous devons affirmer d'entrée de jeu que, pour nous, l'expression, le débat qui se fait aujourd'hui et qui se fera pendant les jours à venir est bien plus qu'un simple débat de chiffres. Je pense que nous conviendrons tous que les discussions qui ont trait à la fiscalité, au déficit et aux dépenses gouvernementales sont l'expression et sont le reflet implicite d'un contrat social qui nous unit, non pas comme clients à l'égard de l'État, mais bien comme citoyens, en faisant bien comprendre et en se rappelant toujours que l'État n'est pas une entité qui existe comme ça au-delà des nuages, que c'est plutôt une prolongation de notre action et que l'État gère une série d'éléments. C'est quelque chose que, comme citoyens, de façon privée, nous ne pouvons gérer ou, si on les gérait, on ne les gérerait pas de façon efficace.

C'est pour ça que je dis... je pense que mes collègues seront solidaires de ce propos. Je pense que le principal défaut de votre mémoire est de mettre des groupes de citoyens en opposition. Bien au contraire, si nous voulons atteindre des objectifs qui sont ceux que bien des citoyens souhaitent, à l'heure actuelle, au Québec, parce que les mythes et certaines réalités, les mythes et réalités que vous colportez dans ce document sont effectivement, et vous le disiez vous-même, en réponse aux questions, vous disiez: Ce n'était pas là ma perception. On s'appuie souvent sur des perceptions pour faire des affirmations. Lorsqu'on va un peu plus loin dans les choses, bien, on s'aperçoit que la réalité est soit différente, soit beaucoup plus complexe qu'on ne le pensait. Je pense que ce serait leurrer la population que de lui faire croire qu'à des problèmes complexes il existe des solutions simples. Je pense que des problèmes complexes nous amènent bien plus que d'autre chose à revenir à des choses essentielles, revenir à l'expression même de ce que j'appelais tout à l'heure le pacte social.

Je pense que nous aurons d'autant plus de capacité et de facilité à rejoindre les objectifs que certains... qu'on partage dans la mesure où nous serons capables de véritablement mobiliser les gens derrière ces objectifs-là. Parce que tant et aussi longtemps que les gens se comporteront comme des clients à l'égard de l'État, bien, ça ne sert à rien. On le voit avec...

Mon collègue, député de Labelle, parlait de morale fiscale plus ou moins douteuse de plus en plus de contribuables. On voit les effets concrets sur les équilibres financiers en ce qui a trait à la taxe sur le tabac et sur bien d'autres exemples. Donc, je pense qu'il est important d'abord de souligner que l'exercice que l'on souhaite, c'est d'essayer de rassembler des gens et de créer des nouvelles solidarités plutôt que d'essayer d'opposer des gens les uns par rapport aux autres.

Cette première remarque étant faite, permettez-moi d'en faire une seconde et de m'élever haut et fort contre les affirmations et vos

propositions à l'égard de ce que je pourrais appeler la mission dite démocratique de l'État québécois. Je pense que si vous êtes ici, si vous avez l'occasion de venir vous exprimer à une commission parlementaire, si les concitoyens et concitoyennes qui nous écoutent peuvent le faire par l'entremise de la télévision, c'est parce qu'il y a des gens qui, riches sans doute d'une expérience de bien des siècles, ont cru que la démocratie était autre chose qu'un simple investissement aux quatre ans et que la démocratie, c'était un exercice et un état de droit qui nécessitent un certain nombre d'investissements. À cet égard, je pense que si nous souhaitons et si vous souhaitez revenir à l'arbitraire et revenir à une situation de droit certainement différente, à celle d'auparavant, à un moment où les chartes n'existaient pas, au moment où les injustices se multipliaient, et c'est l'arbitraire d'individus qui s'exerçait sur l'autre, je pense qu'il faudrait le dire clairement, et ce n'est certainement pas une vision des choses que nous posons.

Je pense, particulièrement, à votre chapitre sur la fiscalité, à la page 7, lorsque vous soulignez que le rêve de tout payeur de taxes du Québec, c'est d'être traité comme les Indiens. Je pense que ce genre d'affirmation mérite d'être dénoncée sans plus de commentaires, mais avec toute la simplicité nécessaire, avec tout le poids des mots. Je pense que l'objet de cette commission n'est pas de... Ce n'est pas en dénonçant ce que certains ont et en enlevant les droits aux uns qu'on va certainement être capables de bâtir les consensus dont je parlais tout à l'heure.

Ceci étant dit, je pense qu'il est important de soulever ce genre de question là. Je pense qu'il y a des missions encore plus fondamentales et au-delà des lignes de parti. J'étais surpris, tout à l'heure, de voir le ministre du Revenu qui partage, j'en suis convaincu, la grande majorité des propos que je viens de tenir, mais ne pas avoir le courage de les souligner.

Ceci étant dit, je dois vous dire, malgré tout ce que je viens d'affirmer, et je vais arriver à ma question pour vous permettre de vous exprimer. Lorsque j'ai entendu parler de la création d'un regroupement des payeurs de taxes, je me suis dit: Quelle belle initiative. Parce que c'est une initiative qui est riche et qui est porteuse d'avenir et qui suscite plusieurs débats, particulièrement aux États-Unis, où plusieurs associations de ce genre s'articulent, se font connaître sur la place publique, se font connaître dans les grands médias et sont certainement un lobby qui est de plus en plus puissant. (15 h 50)

Ce que je voudrais vous demander, c'est: Quelle est votre conception de votre action dans les mois à venir? Surtout, à partir de quel consensus vous avez l'intention de mobiliser de nombreux citoyens qui, comme vous, expriment ce ras-le-bol dont parlait le président du Conseil du trésor? Parce que ce ras-le-bol, comme citoyens, et nous, ici, comme députés de l'Assemblée nationale, avons l'occasion de le transformer en raz-de-marée, mais pas sur des politiques qui vont diviser les gens. Ma question est fort simple: Autour de quoi, comme association, vous avez l'intention de mobiliser les citoyens pour faire une contribution qui, on le souhaitera, sera positive au débat?

M. Granger: Je vous remercie infiniment. Je suis très heureux de constater que vous allez travailler activement à regrouper tous les intervenants. C'est un peu ce qu'on mentionne dans notre mémoire. Tout le support est bienvenu. Si vous me dites que c'est facile pour vous, je suis très heureux de l'entendre. J'espère que vous allez nous aider. On a énormément besoin d'aide parce que la conception...

M. Boisclair: ...principes-là. M. Granger: Excusez-moi, là!

M. Boisclair: Je vous aiderai, mais pas alentour de ces principes-là.

M. Granger: Ah, ah! O.K., O.K.

M. Boisclair: C'est ça, le fond des choses. Alentour de quels principes et sur quelles bases, comme association, vous avez le goût de prendre part au débat?

M. Granger: Alors, c'est assez simple. Nous avons une autre priorité, cette année. Elle apparaît à la fin du mémoire. Nous avons l'intention de déposer un projet de loi pour forcer le gouvernement du Québec à équilibrer son budget. Vous comprendrez que nous sommes du peuple, que nous sommes des bénévoles, et une priorité par année, ça nous suffit.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

J'aimerais également, bien sûr, remercier nos participants et leur souhaiter la bienvenue. Je pense que vous avez dit dans vos mots, à votre façon, ce que le peuple ressent. C'est évident, je pense, qu'on pourrait s'attarder aux chiffres et commencer à discuter toutes sortes de choses. Ce n'est pas ça, je pense, le but de l'exercice.

Vous avez dit à votre façon qu'on avait atteint un seuil au niveau taxation et qu'on devait changer le courant des choses. Il est évident que vous aimeriez avoir une taxe à la consommation plus importante. On devrait déplacer, enlever l'impôt sur le revenu, mais est-ce que vous croyez qu'on pourrait aller jusqu'à des taux de 30 %, 35 % à la consommation? C'est parce qu'on peut aller vers un changement, mais

de votre perception à vous, là, est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à 30 %, 35 % peut-être même 40 %, si on combinait le fédéral, parce que le fédéral perçoit également?

Vous savez qu'actuellement la population, elle est taxée à 15,56 %, le taux combiné TPS et TVQ, et les gens font heu! Est-ce que vous croyez que si... Parce que les fonds... on va chercher beaucoup d'argent, le double d'argent d'impôt sur le revenu, actuellement. On va chercher le double en impôt sur le revenu qu'on va chercher dans la taxe à la consommation. Alors, est-ce que la population serait prête, selon vous, à recevoir un taux de 30 %, 35 % de la consommation?

M. Granger: De la façon que vous me décrivez ça, il s'agit d'un allégement fiscal d'environ 22 %, si vous nous débarrassez de toutes les taxes directes et indirectes qui représentent 52 %, 53 % des revenus gagnés au Québec. Vous me proposez un allégement de 23 %, là. Est-ce que je comprends bien ce que vous me dites, là, ou si j'ai mal compris?

M. Filion: Non, pas vraiment, ce n'est pas ça, parce qu'il faut regarder comme on disait, ce matin, l'impôt sur le revenu... Vous savez, c'est compliqué, la taxation.

M. Granger: Oui, oui.

M. Filion: On parle des revenus familiaux jusqu'à 26 000 $ où on ne paie pas un sou d'impôt. On gagne 26 000 $, et on ne paie pas d'impôt à cause des crédits d'impôt, etc. Alors, il y a déjà une structure en place qui permet de gagner des revenus sans être taxé.

M. Granger: D'accord.

M. Filion: Là, si vous voulez vraiment changer tout le système, est-ce que vous iriez jusqu'à ce qu'il y ait des taux qui soient variables, des taux de 30 %, 35 %, 40 % et 45 % pour les plus riches? Comment vous percevez ça dans la population? C'est ça que je veux essayer de savoir de vous.

M. Granger: Moi, je vais vous donner mon opinion personnelle. Je ne peux pas parler pour la population, là. Moi, je suis convaincu que 20 % maximum, c'est suffisant. Ça nous confère un gouvernement suffisamment complexe, suffisamment important, puis moi, ça me suffit, 20 %.

Je vais terminer en ajoutant une petite chose qui me préoccupe un peu. J'ai fait des petits calculs. Alors, quand on prend l'État québécois: 400 000 employés; le fédéral, administration publique: 68 322 en moyenne; l'administration locale, en moyenne: 70 223; le fédéral, entreprises publiques au Québec, ça, là, pas au fédéral, moyenne: 34 391 employés. Total: 573 000, 572 000 et des «peanuts», là, 573 000. Un travailleur sur cinq travaille pour un État soit au niveau fédéral, provincial, local. Ça me stresse. Ça me stresse énormément.

Puis, quand je regarde les chiffres, moyenne de revenus au gouvernement québécois, masse salariale: 20 600 000 000 $, moyenne, 51 500 $; administration fédérale publique, moyenne: 40 367 $, 2 758 000 000 $; locale, moyenne: 32 000 $ OU 33 000 $, 2 317 000 000 $; le fédéral, entreprises privées: 37 000 $ en moyenne, 1 261 000 000 $, pour un chiffre épeurant, 27 000 000 000 $ que les contribuables québécois doivent payer. Là, on n'a pas payé les autres dépenses, là. On a payé les salaires. C'est beaucoup d'argent, ça! Beaucoup, beaucoup d'argent! Pour nous autres, en tout cas. Peut-être pas pour vous autres, mais, pour moi, c'est beaucoup d'argent!

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, voulez-vous continuer?

M. Filion: Oui, j'aimerais compléter mes remarques par une suggestion, si c'est possible.

Vous semblez avoir comme objectif de présenter un projet de loi cette année. J'aimerais vous suggérer également une autre possibilité d'intervention qui serait intéressante. Je crois que la population, en général, l'apprécierait énormément. Vous savez qu'on est la seule province au Canada à produire deux déclarations d'impôt. Je pense que la population verrait d'un bon oeil, dans une orientation de simplicité, dans une orientation où, effectivement, les gens pourraient envoyer un chèque, une déclaration, section fédérale, section Québec, qui serait perçue par le gouvernement du Québec, comme on le fait actuellement avec la TPS et la TVQ.

Je pense que c'est simple et, déjà là, on pourrait arriver avec des économies d'échelle importantes et intéressantes. C'est le genre de simplicité qu'on devrait rechercher également et, si la réflexion, vous en avez le coeur ou les gens autour de vous ont envie de faire avancer un dossier comme celui-là, je pense qu'il serait certainement bien perçu de la population.

M. Bérard: À condition, évidemment, que le contribuable paie moins, parce que changer quatre trente-sous pour une piastre, je ne pense pas que...

M. Filion: C'a été confirmé. D'ailleurs, le ministre du Revenu est ici pour le corroborer. Le fusionnement de la TPS, au niveau administratif, je parle, et de la TVQ au ministère du Revenu du Québec, c'est quelque chose comme 500 000 $ ou 600 000 $ même au niveau de la main-d'oeuvre. Il pourrait donner les chiffres exacts d'économie d'échelle, mais c'est des gros sous, et c'est le principe. Si on met tout le monde ensemble pour travailler au lieu de les mettre

dans des sections différentes et en même temps simplifier la vie des gens. Pourquoi deux déclarations? Bon, bien, je vais appeler à quel ministère. Est-ce que c'est Revenu Québec avec lequel j'ai un problème? Non, c'est le fédéral. Alors, on complique la vie des gens.

M. Bérard: Et on s'embarque sur un terrain glissant, parce que pourquoi faire deux ministères de la main-d'oeuvre? Pourquoi deux ministères des Communications? Pourquoi? Et ainsi de suite.

M. Filion: Écoutez, ça, je le comprends, mais moi, je vous parle... Vous me parlez de l'impôt sur le revenu. Vous parlez de l'abolir, l'impôt sur le revenu. Donc, vous cherchez de la simplification, à ce que je comprends bien. Vous cherchez à simplifier. Vous cherchez à abolir l'impôt sur le revenu. Moi, je vous dis, dans un geste de transition, dans un geste pratique, réaliste, vous pourriez en même temps épouser un dossier aussi simple que celui-là.

M. Granger: ...en mesure d'attirer votre attention sur la proposition que nous avons faite, qui est d'abolir l'impôt sur le revenu. Et ça, c'est de la simplification par excellence. Il n'y en a plus de papier, il n'y en a plus de formule, puis je n'ai même pas besoin d'essayer d'en comprendre une.

Le Président (M. Lemieux): Monsieur... M. le député...

M. Filion: Mais, dans un geste de transition, parce que vous y allez avec un dossier par année. Si vous voulez y aller avec celui-là, écoutez, vous allez pousser l'abolition de l'impôt sur le revenu. Peut-être qu'on sera rendu en l'an 2050, et vous n'aurez pas encore réussi.

M. Granger: Ah!

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Bertrand, vous voulez prendre la parole? Oui, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je comprends qu'à la lecture des propositions que vous faites, ça reflète effectivement une sorte de ras-le-bol, une sorte de saturation des contribuables à travers le Québec. C'est ce qui ressort, si vous voulez, de votre mémoire, et, à ce titre-là, je pense que vous visez une corde juste. (16 heures)

Permettez-moi, cependant... D'abord, je pense que, pour le bénéfice de mes collègues, ce serait intéressant de savoir qui vous représentez, qui représente votre association, combien de membres vous comptez, d'une part. Et, d'autre part, j'aimerais faire certains commentaires sur quelques-uns des points précis.

Bien sûr, on comprend et jusqu'à un certain point on sympathise même, comme payeurs de taxes nous-mêmes, avec le ras-le-bol auquel vous faites allusion. Au niveau de la recette de guérison, par contre, il y a des choses qui m'intriguent un peu. Par exemple, quand vous dites: réduction de 20 % des salaires des cadres touchant 50 000 $ et plus. Le ministre a déjà expliqué que le processus était déjà amorcé dans la fonction publique.

Mais je vous poserais la question suivante: Si vous recommandez des coupures de 20 % dans les revenus de la classe moyenne, parce que, que ce soit des fonctionnaires du gouvernement ou que ce soit des fonctionnaires d'entreprises ou des entrepreneurs autonomes, c'est la classe moyenne... Vous avez parié tout à l'heure que le pouvoir d'achat des individus avait été substantiellement réduit avec les taxes, les charges de toutes sortes. Eh bien, là, vous voulez les couper de 20 % davantage. Je ne vois pas comment ça va permettre d'accentuer l'économie, d'une part. Et la question que je vous poserais: Trouvez-vous normal que, d'une part, on coupe de 20 % les salaires des cadres de la fonction publique gagnant 50 000 $ et plus et que ce que j'appellerais les fonctionnaires des entreprises, surtout moyennes et grandes, se versent, se permettent, eux, des salaires de 200 000 $, 250 000 $ et, dans certains cas, de trois fois le salaire du premier ministre du Québec? Je pense que, là aussi, il y aurait une modération à appliquer, puisque ça se reflète au niveau des profits des entreprises, qui semblent vous tenir beaucoup à coeur.

D'autre part, vous mentionnez l'abolition des subventions sans préciser davantage. Je suis d'accord avec vous que, au fond, ce dont vous pariez un peu plus, c'est l'abolition, enfin, la révision des subventions à ce qu'on appellerait les canards boiteux. Je pense qu'on en convient tous, et, d'ailleurs, les déboires de certaines de nos entreprises subventionnées à même les fonds publics au cours de la dernière année ont remis en question toute cette approche. Mais j'aimerais quand même que vous précisiez. Quand vous pariez de l'abolition des subventions en tant que telles, est-ce que dans votre esprit ça se limite aux entreprises boiteuses ou si vous voulez éliminer ça complètement de la carte?

Et, finalement, quand vous pariez de la réduction du budget du Vérificateur général, le ministre du Revenu en a parié, mais moi, comme contribuable, comme contribuable, pas comme député, j'aimerais vous avancer le commentaire suivant. C'est que même si les recommandations du Vérificateur général ne sont pas toutes appliquées, comme payeur de taxes québécois, je préfère qu'il y ait une autorité indépendante et autonome qui surveille les activités du gouvernement plutôt que de donner un chèque en blanc au gouvernement. Parce que rendez-vous compte que si on réduit les capacités du Vérificateur général d'inspecter les finances publiques, au

fond, vous donnez une sorte de chèque en blanc au gouvernement, et, à mon avis, ça va complètement à l'inverse de la philosophie qui est sous-jacente à votre mémoire.

Alors, voilà, si vous voulez, les trois questions fondamentales: L'ampleur de votre organisation, ce que ça représente - vos commentaires sur les salaires dans le secteur privé par rapport aux réductions dans le secteur public; les subventions, si on abolit ça complètement; et puis le Vérificateur général.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Bertrand.

M. Granger: C'est un peu vite pour moi, là. Numéro un. Numéro deux.

Une voix: Subventions.

M. Granger: Subventions. Je pensais être obligé d'écrire un autre mémoire.

M. Beaulne: Très bref, là.

M. Granger: Oui, oui, ça va être très bref. J'ai un point que j'ai retenu qui est un peu à côté de ça, mais je vais répondre quand même. Vous voulez savoir qui nous sommes. Nous représentons 80 personnes de la classe moyenne. Nous sommes encore embryonnaires. Nous avons eu énormément de couverture l'an passé. On n'était pas capable de répondre au téléphone parce que, évidemment, on n'a pas les structures administratives. On a attendu cinq, six, sept mois que le référendum se passe. On a de plus en plus de support. Il y a des gens qui ne veulent pas s'identifier dans un mouvement comme ça. il y a des gens qui nous font des contributions corporatives. Moi, je travaille dans la vraie vie, avec du vrai monde. J'écoute les commentaires. Je pense que l'ensemble des gens semblent nous supporter. Si on n'avait pas cette impression-là, je ne serais pas ici, j'ai d'autre chose à faire que ça.

Quand vous mentionnez que, dans l'entreprise privée, les gens se paient des salaires faramineux, je dois vous dire que, dans l'entreprise privée, ce qui s'est passé au cours des deux, trois dernières années, ce sont des fermetures d'entreprises. Les cadres que vous décrivez, qui sont pas mal plus bas que ceux-là, sont sur le chômage ou peut-être qu'ils n'en n'ont plus, de chômage, parce qu'ils ont perdu leur emploi après 15, 20 ou 25 ans de service, et c'est ça, dans l'entreprise privée.

Actuellement, le seul secteur qui souffre, c'est le secteur privé. C'est malheureux, ce n'est pas facile de prendre des décisions pour réduire une machine, je comprends ça. Ça affecte des vies, ça affecte des pères de famille, mais dans la vraie vie, là, quand on compare ça à la vraie vie, c'est ça qui arrive au vrai monde. Ils perdent leur emploi, ils ne sont pas sûr qu'ils vont retrouver un emploi, ils sont découragés, et c'est ça, la vraie vie. Et il ne faut pas qu'il y ait un secteur d'activité qui soit écrasé et écrasé. Plus on a de mises à pied dans le secteur privé, si on ne contrebalance pas de l'autre côté, mon cher monsieur, ça me semble très, très dangereux. Je ne sais pas comment on va faire pour passer à travers de ça. Moralement, ce n'est pas tellement agréable pour les gens qui perdent leur emploi et qu'on leur explique que la machine n'est pas trop grosse, qu'elle n'est pas pire, 1 sur 5, et qu'on ne veut pas réduire les revenus parce que, nous autres, on fait partie de la machine, et que le père de famille, on lui réduit son salaire, et qu'on lui fait des pressions, et que s'il n'accepte pas ça peut-être qu'il n'aura plus de job pour faire vivre sa famille. Deux poids deux mesures. Et je pense que la vraie vie, c'est ça, là.

Moi, je suis dans le champ, dans la vraie vie, là. Où ça se passe, l'action, c'est comme ça. Et c'est très dangereux dans une atmosphère comme celle-ci parce que qu'on déconnecte de ce qui se passe dans la vraie vie. C'est facile de déconnecter, mais sur le plancher des vaches, là, ça ressemble pas mal à ce que je décris. Et le consensus qu'on a imprégné ici, ce sont des idées qu'on a ramassées de gens peut-être qui pensent que c'est trop puissant. Peut-être qu'ils pensent qu'ils ne peuvent rien faire, ils ne l'expriment peut-être pas avec des bonnes virgules, mais c'est ce qu'ils ressentent actuellement. C'est ça, le contexte; c'est ça, la vraie vie.

Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions, M. le député de Bertrand. Votre temps est malheureusement terminé.

Alors, nous vous remercions de votre collaboration à cette commission parlementaire.

J'inviterais maintenant l'Association des retraitées et retraités de l'enseignement du Québec à bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Alors, s'il y a des gens qui se déplacent, nous suspendons, mais pas plus qu'une minute, pas plus qu'une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 8)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, la commission du budget et de l'administration va reprendre ses travaux dans 15 secondes. Auriez-vous la gentillesse de fermer la porte arrière?

Alors, bonjour, mesdames... Bonjour. Vous avez, pour la présentation de votre mémoire, une période de 20 minutes qui vous est allouée. Suivra un échange entre les parlementaires pour une période de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le parti de

l'Opposition.

Auriez-vous la gentillesse de vous présenter, et, par après, nous serons à l'écoute de votre mémoire.

Association des retraitées et retraités de l'enseignement du Québec (AREQ)

M. Côté (Léo): Merci, M. le Président. Mon nom est Léo Côté et je suis le président de l'Association des retraitées et retraités de l'enseignement du Québec.

Mme Bérubé (Gisèle): Mon nom est Gisèle Bérubé, première vice-présidente, même association.

M. Fraser (Roger): Roger Fraser, retraité de l'enseignement après 35 ans de service et trésorier de l'Association. Vous comprendrez que c'est intéressant pour moi de pouvoir être observateur, surtout cet après-midi, à la suite de la présentation du mémoire.

Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts à écouter l'exposé de votre mémoire.

M. Côté (Léo): Je vous remercie, au nom de l'Association des retraités que je représente, de nous recevoir et surtout de nous écouter. Nous n'avons pas la prétention, et vous avez dû le constater, d'avoir présenté ce qu'on appelle communément un mémoire, puisque vous avez vu, par le volume de nos représentations, que ce que nous souhaitions, c'était surtout que vous l'ayez et que vous le conserviez en mémoire. Je ne vous ferai pas non plus l'injure de le lire. Je crois que, comme tous les gens qui sont autour de cette table, vous savez lire, que vous l'avez lu et que vous y reviendrez en certaines occasions. Nous nous contenterons donc d'en faire des commentaires, si vous le permettez, M. le Président.

L'essentiel dans toute stratégie et dans toute pratique d'intervention visant le bien-être de la personne âgée est de lui permettre de continuer à vivre et, autant qu'elle le désire et qu'il est possible de le faire, en continuité avec les choix qu'elle a faits et avec le mode de vie qu'elle a connu au cours de la majeure partie de son existence. Si les objectifs de l'AREQ sont de promouvoir et de défendre les intérêts de ses membres, nous nous sommes donné en plus une mission fondamentale, celle du droit de vieillir dans la sécurité et dans la dignité. Nous sommes d'accord, d'autre part, sur la nécessité d'un dialogue continu et soutenu entre les générations, de l'instauration de formes d'action politique et culturelle qui constituent le véritable carrefour intergénérationnel.

Toutefois, permettez-nous une certaine mise en garde, Mmes et MM. les députés ou ministres. L'accent mis ces dernières années sur le vieillis- sement de nos populations et sur les coûts sociaux que ce phénomène engendre suscite des inquiétudes et déclenche de l'incompréhension. Il nous rappelle beaucoup trop ce climat de mépris suscité par les gouvernements des années quatre-vingt envers la classe des enseignantes et enseignants dont nous sommes issus. Faut-il souligner les dommages irréparables dans la société actuelle de cette attitude et le climat irrespectueux de l'autorité auquel fait face la gent enseignante chaque jour. C'est Mme Bacon, vice-premier ministre, qui décrivait récemment la génération des baby-boomers comme celle qui, après avoir largement profité des largesses de l'État-providence, réclame maintenant l'effacement de leur propre dette et l'annulation de leurs obligations d'adultes à l'égard des autres.

La première vice-présidente de l'AREQ, si vous le permettez, M. le Président, Mme Bérubé, vous parlera tantôt, après moi, particulièrement des coûts de santé et de services sociaux dans l'univers féminin. Mais permettez-moi pour le moment de vous présenter l'ensemble.

Nous croyons toujours au financement public et collectif des services de santé et des services sociaux. Mais ce que nous ne tolérons plus, ce sont les retraits continus de l'État dans ces services. Comment se fait-il qu'en tant que citoyen j'ai l'impression d'être surchargé de taxes de toutes sortes, impôts, TPS ou TVQ, et qu'en retour les services auxquels je m'attends sont continuellement coupés ou diminués? Comment se fait-il que mes primes d'assurance-maladie collectives augmentent sans cesse alors que la carte-soleil devait nous assurer des services sociaux accessibles, universels et gratuits?

M. Michel Audet écrivait, dans le journal Le Soleil, l'autre jour: Avant de fermer des hôpitaux et des écoles, il faudrait cesser de maintenir artificiellement des entreprises non rentables par le biais de sociétés d'État. Les engagements de la SDI, dans les mandats gouvernementaux, devraient aussi être scrutés à la loupe.

Nous ne sommes pas des fiscalistes, et si vous vous attendez à ce qu'on vous parle de chiffres aujourd'hui, oubliez ça. Mais il est indéniable que le niveau effarent de sous-utilisation de nos ressources humaines accroît démesurément la charge fiscale des personnes dites actives. Or, le laxisme chronique de nos gouvernements face à la situation de l'emploi ne contribue guère à remplir la baignoire, comme aurait dit M. Drapeau. Nous estimons donc urgent que le gouvernement du Québec s'engage dans une stratégie de développement économique dont la priorité sera la relance de l'emploi. Une telle initiative aura pour effet de diminuer les tensions sur les finances publiques et permettra surtout à la génération du matin et à celle du midi de pourvoir aux besoins essentiels de la génération du soir, ne serait-ce que pour s'as-

surer que demain, ce sera leur tour.

Si vous le permettez, M. le Président, ce serait maintenant Mme la première vice-présidente de l'AREQ qui prendrait la parole à son tour.

Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez continuer, madame.

M. Côté (Léo): Merci.

Mme Bérubé: M. le Président, Mme et MM. de l'Assemblée nationale, le document du ministère des Finances, «Vivre selon nos moyens», soulève que l'un des facteurs qui contribuent à la croissance des coûts du domaine de la santé et des services sociaux, c'est le vieillissement de la population. Cette affirmation est un outil politique pour créer la perception que les jeunes et les vieux doivent se battre. Ils sont forcés de se battre pour obtenir des ressources limitées. Faut-il encourager cette lutte stérile de conflit entre les générations? Plutôt, est-ce qu'on ne devrait pas cibler sur ce qui peut conserver notre tissu social, s'inspirer des Chartres et encourager plutôt les relations, les bonnes relations entre les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes, avec les communautés culturelles, les diverses ethnies, les autochtones? Cette cible du vieillissement de la population est peut-être trompeuse. (16 h 20)

On a beaucoup parlé des changements démographiques qui ont cours présentement au Québec et qui indiquent que les personnes de plus de 65 ans formeront de 17 % à 20 % de la population totale d'ici 30 ans. Alors, le gouvernement en profite pour pointer un index accusateur vers les personnes âgées, et le gouvernement les blâme d'être responsables de l'augmentation des coûts de santé et de services sociaux, parce que, paraît-il, les aînés utilisent une part disproportionnée de soins.

Certains auteurs - je pourrais vous les citer - nous signalent que l'augmentation de la population âgée au cours des quatre prochaines décennies sera compensée par une diminution du nombre des enfants. En conséquence, la proportion de la population dépendante, au total, n'augmentera pas de façon substantielle. En tenant compte des coûts de l'éducation des enfants et de la jeunesse ainsi que des coûts de santé, ces coûts-là ne prendront pas une aussi grande part du revenu national. Ça sera plutôt un déplacement des coûts reliés à la dépendance. Les prévisions qui sont basées uniquement sur l'accroissement de la population âgée ou sur l'hypothèse que la consommation des soins de santé par les personnes âgées gardera le même profil qu'actuellement sont par conséquent trompeuses.

Maintenant, je voudrais vous parler d'un autre point, le consensus social. Les soins de santé et les services sociaux sont financés principalement par les impôts sur le revenu. Les citoyens, les citoyennes, y contribuent en fonction de leurs revenus. Les gens à revenus moyens, les plus nombreux, contribuent plus que les gens à bas revenus. Les plus démunis ne contribuent pas, et c'est bien ainsi, on l'accepte. Tout le monde, donc, contribue selon ses moyens, et chacun reçoit les soins de santé et les services sociaux dont il a besoin. Ces soins et services sont aussi, habituellement, plus utilisés par les plus démunis que par les bien nantis, et un consensus social s'est établi parmi nous sur ces principes. Mais le jour où les gens qui contribuent le plus devront ajouter une contribution spécifique pour les soins et services qu'ils consomment, ce jour-là, ce consensus social risque de s'effriter, parce que le gouvernement s'attaque au principe - vous me voyez venir, là - d'universalité et de gratuité.

Le document «Vivre selon nos moyens», c'est une tentative vers des mesures de tarification pour les soins et services requis. Le 2 $ par ordonnance pour les personnes âgées de 65 ans et plus, c'était le premier pas sournois de cette tentative. Ce précédent a produit un impact psychologique, puisqu'il a habitué les gens à débourser directement, en plus des impôts. Nous, les personnes âgées ou retraitées, nous nous souvenons de l'époque où il n'existait pas d'assurance-maladie. Nous ne voulons pas revenir à ce triste passé. Notre génération a financé les programmes de santé et de services sociaux. Nous ne voulons pas être les derniers à bénéficier de la sécurité et du bien-être qu'ils procurent. Nos enfants, nos petits-enfants y ont droit.

Il faut des mesures particulières pour protéger l'individu contre des situations de la vie que, comme individu, il ne peut pas contrôler. Par exemple, pensons à l'assurance-chômage, à l'assistance sociale - l'aide sociale - l'assurance-maladie, la sécurité au travail, la protection de l'environnement, la pension de retraite. Toutes ces mesures sont de la plus grande importance pour l'individu n'ayant aucun autre revenu. Toute attaque contre les soins de santé et les services sociaux doit être comprise pour ce qu'elle est. C'est une attaque contre le niveau de vie et de bien-être des pauvres, surtout des femmes pauvres. Les dépenses gouvernementales pour ces soins et services sont élevées, nous en convenons, mais elles sont tellement nécessaires pour ceux et celles dans le besoin. Nous réaffirmons le rôle fondamental de l'État pour favoriser la solidarité sociale et la responsabilité collective.

Dernière partie, des recommandations. En vue de permettre une prise de conscience des coûts des soins de santé et des services sociaux, nous proposons des dispositions qui rendraient transparents ces coûts. Par exemple, publiciser le coût des visites médicales, le coût des différents tests, le coût des interventions chirurgicales,

publiciser les revenus des médecins, la répartition détaillée du budget de la santé et des services sociaux, la part de nos impôts personnels consacrée aux soins et services.

Nous nous opposons aux 2 $ sur chaque ordonnance pour les personnes âgées de 65 ans et plus parce que nous la considérons comme une surtaxe à la vieillesse et à la maladie. Les mesures à prendre doivent viser une gestion plus efficace du prix des médicaments. Ne faudrait-il pas avoir l'oeil sur les compagnies pharmaceutiques qui dépensent des sommes étonnantes en publicité à l'intention des médecins pour que ceux-ci prescrivent leurs médicaments? Ces compagnies ont obtenu, on le sait, par la loi fédérale C-91, que leurs brevets soient maintenant protégés pendant 20 ans, et elles vont ainsi provoquer une hausse du prix des médicaments. Pourtant, on se presse d'attribuer la hausse des dépenses du programme médicaments à la surconsommation des personnes âgées. Une autre mesure à prendre serait une réorientation de la pratique médicale vers des alternatives à la médication. Bientôt, il y aura une commission parlementaire sur les médecines parallèles. Ça devrait être intéressant.

Nous exigeons que le gouvernement du Québec respecte les principes d'équité, d'accessibilité, d'universalité, de gratuite dans les programmes de santé et de services sociaux. Nous nous opposons à toute tarification assumée directement par les usagers. Nous nous opposons fermement au désir du gouvernement de faire amender la loi canadienne C-3 dans le sens d'une révision de la définition des services de base et des services complémentaires dans le but d'introduire une tarification sur ces services. Nous suggérons de mettre plus d'argent sur l'utilisation des services sociaux en incluant les soins à domicile comme partie du programme de soins préventifs. On pourrait sauver de l'argent en diminuant le nombre d'aînés dirigés vers les centres d'accueil ou d'hébergement. Bien entendu, cela exigerait qu'on aide davantage les CLSC et les groupes communautaires. Les coûts pour les soins préventifs seraient beaucoup moins grands que ceux des soins en établissement. Il y a peut-être plus d'argent à économiser avec une telle politique qu'il y en aurait à gagner par l'imposition des frais aux usagers. Ce serait également plus conforme aux objectifs de santé à poursuivre et protégerait les principes de la gratuité et de l'universalité.

Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Bérubé. C'est fort intéressant.

M. le député de Saint-Louis. (16 h 30)

M. Chagnon: Je vous remercie, M. le Président.

Au nom de notre formation parlementaire, je tiens à vous saluer et à vous souhaiter la bienvenue.

Je suis un peu... Je ne suis pas surpris d'entendre les propos que vous nous avez mentionnés, mais c'est un discours qu'on va entendre plusieurs fois parmi plusieurs groupes, chacun des groupes protégeant évidemment les intérêts propres à ce qu'il représente. Vous nous avez dit que vous ne vouliez pas parler d'argent, parler de chiffres. On va parler de principes.

Vous savez que l'État est endetté. Actuellement, une partie importante de la dette finance des services courants. Ça peut être du bien-être social, ça peut être toutes sortes de services courants: l'éducation, la santé, etc. Donc, on finance par voie d'endettement. C'est comme si vous... L'exemple classique qu'on prend, c'est dire: On finance l'épicerie en s'endettant. Ça implique qu'année après année des milliards, des milliards s'additionnent à d'autres milliards dans un service de la dette qui devra être financé par vos enfants, vos petits-enfants dont vous nous parliez. Eux n'auront plus la possibilité d'avoir les services que vous aurez eus parce que leur service de la dette, quand ils seront ici et qu'ils administreront l'État, occupera une place tellement importante dans l'ensemble des dépenses gouvernementales à ce moment-là qu'ils se devront de couper dans des services courants pour eux et leurs enfants. Est-ce que vous saisissez?

Je pense qu'il faut éviter de... Je ne voudrais pas vous accuser de paranoïa. Vous parliez de lutte intergénérationnelle. Je pense qu'il n'y a personne parmi les plus jeunes, parmi les baby-boomers... Je pourrais revenir là-dessus. Je n'ai pas vu beaucoup de baby-boomers en charge de notre organisation sociale depuis... Vous avez parlé de M. Drapeau, ce n'est pas exactement... Il ne fait pas partie des baby-boomers, et les administrateurs d'État au fédéral et au provincial, au Canada et au Québec, depuis les 25 dernières années n'ont pas été membres de ce qu'on peut qualifier des baby-boomers.

Ceci étant dit, si nous continuons, comme vous le souhaitez, à ne pas bouger quoi que ce soit, à ajuster et à ajouter de l'argent dans des programmes sociaux, comment voulez-vous éviter que les jeunes, ceux qui vont suivre, ne soient pas, eux, tenus de voir leurs propres services coupés, déchirés, tombés? Les filets de sécurité sociale qui vous tiennent à coeur et qui nous tiennent à coeur seront définitivement découpés parce qu'il n'y aura plus d'argent pour les financer. Première question.

M. Côté (Léo): Vous voulez qu'on y réponde?

M. Chagnon: J'espère.

M. Côté (Léo): D'accord.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: J'espère.

M. Côté (Léo): C'est bien évident, et nous sommes très conscients de ça, mais ce qui nous interroge, nous, c'est comment se fait-il? Il y a... Je vais parler d'autrefois. Hélas, c'est déjà loin!

Quand, moi, personnellement, je me donnais comme objectif dans la vie de mieux réussir socialement ou économiquement que mon père, j'avais la conception de réussir ma vie. Mais, dans l'esprit que vous dites, comment se fait-il que mes enfants - j'en ai cinq - disent: Papa, te rends-tu compte que nous, si ça continue comme ça à avoir des emplois temporaires, précaires, jamais de permanence, jamais nous ne serons capables d'avoir ne serait-ce que ce tu as actuellement? Et c'est ça qui nous inquiète. Et quand on parle de corporation... Évidemment, là, je veux enlever l'esprit, peut-être, que vous pourriez nous accuser de corporatistes, de vouloir défendre juste nos gens et juste l'intérêt de nos gens même si nous jugeons que peut-être, pour employer une parole qu'on emploie souvent, nous avons donné et nous considérons que dans toute notre vie nous avons donné assez pour que nous puissions aujourd'hui vivre une certaine paix sociale. Mais ce que nous reprochons actuellement au gouvernement, et ce n'est pas nous qui allons venir vous dire quoi faire... Évidemment, la sagesse, c'est de savoir quoi faire, l'habileté, c'est de choisir de le bien faire, mais la vertu, c'est de le faire. Or, il serait peut-être bon... Évidemment, si j'étais un vieux curé, je vous dirais: C'est la grâce que je vous souhaite. Mais il faut quand même être bien conscient que nos enfants n'ont pas d'emploi et, si nos enfants n'ont pas d'emploi, ils ne feront pas d'argent, puis s'ils ne font pas d'argent, ils ne pourront pas se construire un avenir qui a du bon sens.

Vous allez me dire: Eh bien, coupons! Coupons et continuons à couper. C'est un moyen. Rappelez-vous en 1980, nous, les enseignants et tous les fonctionnaires du coin, on nous a coupé de 20 %; 20 %, bonjour, dans le bassin. Puis ça n'a pas été fini, parce que, en tant que retraité, je me suis retrouvé aussi avec une pension désindexée. Et ça fait déjà 11 ans que ça dure: 1982-1993. La vie continue quand même à augmenter, mais pas ma pension. Je m'en vais probablement moi aussi vers une pauvreté lointaine ou rapprochée.

C'est quoi qui se passe? Je comprends que vous êtes tous ici puis que nous sommes tous ici ensemble pour essayer de trouver des solutions. Il serait peut-être bien, on pourrait peut-être bien s'appeler «la cour des miracles» parce qu'il semble qu'actuellement on s'en va vers ça. Il nous faudrait ça pour nous sortir du marasme dans lequel nous vivons. On n'en a pas, de solution, mais, quand nous élisons des gens pour nous représenter, nous pensons que ces gens-là, alimentés par tout cet ensemble de fonctionnaires, devraient, un jour ou l'autre, en apporter, des solutions; je ne dirais pas de ce plein emploi, ce serait évidemment la solution, mais, au moins, d'emplois satisfaisants pour que les gens puissent bien vivre et, surtout, se construire un peu d'avenir.

Le Président (M. Lemieux): Mme Bérubé, vous vouliez compléter.

M. Côté (Léo): Madame.

Mme Bérubé: Oui. Vous demandiez: Comment éviter de voir ce filet protecteur disparaître pour nos enfants et nos petits-enfants? Évidemment, il faut aller chercher l'argent quelque part. Cet argent-là provient des impôts. Actuellement, il y aurait possiblement une façon en mettant plus de paliers au niveau des impôts, parce qu'il y a un seul palier, par exemple, qui comprend quasiment toute la classe moyenne. Alors, il pourrait y avoir des paliers différents; il y aurait peut-être des possibilités là. Il y a aussi une possibilité, vous allez rire, mais, tout de même, il n'y a pas actuellement de taxes sur les héritages, comme il y en a dans certains pays. Comment se fait-il que, dans la société, on accepte que quelqu'un hérite de sommes d'argent? C'est pourtant de l'argent qui n'a pas été gagné par la personne qui hérite. On accepte ça comme normal, puis, quand une autre personne va accepter de la société de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage ou des pensions de retraite, là, on n'a pas la même attitude. Pourtant, là non plus ce n'est pas de l'argent gagné, mais c'est de l'argent qui est nécessaire. Alors, on pourrait regarder ça aussi. Il y a moyen, au niveau de la fiscalité, d'essayer de trouver de l'argent pour conserver nos acquis pour nos enfants et nos petits-enfants.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, madame, je vais passer à Mme la députée de... Ah bon, pardon, parce que vous m'aviez demandé la parole.

Alors, M. le député de Gouin - parce que nos 10 minutes sont expirées - et je vais revenir à M. le ministre par après. (16 h 40)

M. Boisclair: Je tiens d'abord à vous remercier bien sincèrement pour votre présentation. S'il y a une distinction qui frappe avec la présentation à laquelle on a assiste précédemment, c'est peut-être parce que c'est votre ancien métier d'enseignant qui vous a amenés à être sensibles à ce genre de réalité, mais il y a certainement une vision globale des choses et une préoccupation de l'héritage que vous allez laisser à vos enfants et vos petits-enfants. Et pour ça, pour ce courage, pour cette lucidité et pour cette absence de corporatisme qui est hélas beaucoup trop présent dans nos sociétés, je tiens

tout simplement à vous remercier. Il y a quelques années qui nous différencient, mais je suis heureux de voir que nous avons les mêmes préoccupations et, à cet égard, je sens que j'en ai peut-être beaucoup plus en commun avec des gens de votre génération que je peux en avoir avec d'autres générations qui se situent ailleurs sur le calendrier des généalogies. Je vous laisse le soin de déterminer où ils se situent.

Je pense qu'il y a quelque chose dans votre mémoire. Vous ne tombez pas non plus dans le piège d'essayer de répondre exclusivement à des considérations statistiques qui, bien sûr, peuvent facilement nous échapper.

La préoccupation que je soulevais à l'ouverture de cette commission est la suivante, et j'aimerais la soumettre à votre analyse pour voir de quelle façon on peut s'en tirer, parce qu'il serait beaucoup trop facile de tomber dans le piège des conflits de générations et d'opposer une génération à l'autre. C'est loin de ce que nous voulons faire.

En 1973, 7,4 % des 34 ans et plus se situaient sous le seuil de faibles revenus. En 1986, ils passent à 40 % puis aujourd'hui, ils seraient à 50 %. Le pourcentage des gens de 65 ans et plus qui se situaient sous le seuil de faibles revenus en 1973 était de 22,7 %. Il est passé à 10,2 % en 1986 et, aujourd'hui, il serait de 10 %. Alors qu'une personne âgée de plus de 65 ans sur 10 vit sous le seuil de faibles revenus, 5 jeunes sur 10 survivraient dans ces mêmes conditions.

La question est donc, par le biais de ce contrat social implicite, comme le disait M. Johnson, qui se traduit dans notre vision de la fiscalité du déficit et des dépenses gouvernementales, comment rendre le transfert entre les générations intéressant, parce que le problème, il est là. Si on ne veut pas tomber dans ce piège facile d'opposer les uns et les autres, si l'on veut vraiment reprendre la préoccupation que Mme Bérubé exprimait avec beaucoup de pertinence, qui est celle de la solidarité entre les générations, comment rendre ce transfert de richesses intéressant entre les générations? Est-ce que vous avez une réflexion là-dessus?

Mme Bérubé: c'est le terme que vous utilisez, «comment rendre intéressant?». qu'est-ce que vous voulez dire? intéressant, le transfert, dans quel sens?

M. Boisclair: Dans le sens que je pense que la question qu'on soulève aura, bien sûr, des conséquences sur l'organisation de l'État. Il y a bien des gens qui ont profité d'un État très centralisé, qui a certainement permis l'émancipation de bien des gens, qui a permis la réalisation aussi de grandes choses au Québec. Je commence à esquisser quelques réponses à ces questions. Ça passe, à mon avis, par une plus grande décentralisation, un soutien à l'entrepreneurship, l'accès à du capital de démarrage et une décentralisation de l'information stratégique et technique.

Mais il y a le rapport du Conseil des affaires sociales qui nous renseigne beaucoup sur ces questions-là, particulièrement dans sa dernière publication «Un Québec solidaire». Mais, devant la situation que je vous présente, qui est la réalité, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, elle est là, quel genre de solution doit-on esquisser?

Mme Bérubé: Quant au domaine de l'enseignement, par exemple, les enseignants et les enseignantes qui sont proches de leur retraite pourraient, si c'était organisé dans les contrats de travail, donner un coup de main aux jeunes qui commencent leur carrière dans l'enseignement parce que, bien souvent, plusieurs de ces jeunes-là arrivent dans les écoles et quittent parce qu'ils n'ont pas le support nécessaire pour les aider avec les nouveaux programmes et les élèves d'aujourd'hui qui sont différents de ceux qu'on a connus.

Je pense que, entre les générations, surtout la nôtre et celle des jeunes, il y aurait moyen de se tendre la main et de donner de l'aide. Ça, c'est pour nous. Maintenant, au niveau du gouvernement, alors là, ce seraient des mesures qu'il faudrait mettre en place pour favoriser le plein emploi chez ces jeunes-là. S'ils avaient des emplois, on n'aurait pas ces programmes-là, cette mesure-là. Nous, quand on a commencé à enseigner, on n'a pas eu de difficultés. Ils venaient nous chercher à l'École normale avant qu'on ait terminé nos études. Nos emplois nous attendaient. Aujourd'hui, ce n'est pas la même chose, mais il faudrait que l'État mette une priorité sur l'emploi pour la génération montante. Je ne vois pas d'autres façons. Si on les laisse errer, si on ne leur donne pas une sécurité, une carrière possible, on s'en va vers un désastre.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Moi, ça me fait plaisir de vous saluer à mon tour. L'une de vos sections est très active sur la rive sud de Montréal, à Longueuil, dans Taillon entre autres. J'ai l'occasion très fréquemment de travailler avec les gens de la région, et c'est toujours très intéressant.

Je pense que vos réflexions vont dans le sens un petit peu de tout ce qui est soulevé au sein de cette commission et qui est de se pencher sur le fait qu'on ne doit pas désolidariser cette société qui s'est donné un certain nombre d'outils, d'instruments, mais qu'on doit chercher quand même ensemble des solutions, parce que le problème reste réel, et il y a un problème en plus d'appauvrissement de notre société, auquel on doit, bien sûr, s'attaquer. Et le problème des finances publiques, il est

lié - parce qu'il y en a un, problème des finances publiques - au fait qu'il y a une pression énorme sur les coûts par les problèmes sociaux, par les problèmes de chômage, et il y a un revenu moins élevé, évidemment, par le fait qu'on a moins de gens en emploi.

Vous identifiez une mesure intéressante dans votre petit document et, dans votre présentation, vous avez élaboré un peu plus à ce sujet-là dans le sens de la responsabilisation des citoyens et des citoyennes. Dans un premier temps, c'est qu'au moins ceux-ci connaissent, par exempte, les coûts de santé et les coûts des services sociaux, de telle sorte que la connaissance amène, génère habituellement une forme d'action. Donc, plutôt que de passer à des tickets modérateurs, ce qu'on dit, c'est que d'informer les gens, déjà ça pourrait avoir un effet de responsabilisation quant à leur comportement par la suite.

Vous avez parlé d'une autre chose, et c'est une de vos dernières interventions, Mme Bérubé. Vous avez dit: Nous sommes prêts à contribuer, comme personnes qui ont de l'expérience, à donner certains conseils. Mais vous dites aussi: II pourrait y avoir des mesures de type fiscal comme, par exemple, la réintroduction de paliers d'impôt avec les taux marginaux qui pourraient être réintroduits, de telle sorte qu'on aurait une ponction fiscale un peu plus importante. Est-ce que vous êtes bien consciente quand même de ce que ça signifie? Je ne dis pas que je suis en désaccord, mais je dis que cette hypothèse-là, ce qu'elle signifie, c'est, jusqu'à un certain point, une hausse des impôts pour une certaine catégorie de population dont sans doute vous êtes, à cause, évidemment, des revenus qui ont été, pendant une certaine époque, je dirais, moyens et au-dessus de la moyenne par rapport à ce qu'on connaissait dans l'ensemble de la société québécoise. Et, même si vous avez 65 ans et plus, vous seriez amenés à être contributeurs.

Ce que vous nous dites que vous, vous seriez prêts à faire, est-ce que vous croyez qu'une meilleure connaissance de l'ensemble de notre réalité fiscale, en termes d'impôt, de besoins, etc., pourrait amener à vous permettre d'aller chercher l'adhésion, pensez-vous, de gens de votre groupe sur des propositions comme celles-là?

Mme Bérubé: Elle est difficile, celle-là.

Mme Marois: Ça fait partie aussi de la question de la solidarisation entre les générations. Vous me voyez venir un petit peu, là.

Mme Bérubé: Oui. Là, c'est rien qu'une hypothèse que j'émettrais, évidemment.

Mme Marois: Non, mais elle n'est pas inintéressante, là...

Mme Bérubé: Non.

Mme Marois: ...mais vous comprenez un petit peu.

Mme Bérubé: Oui, oui.

Mme Marois: Dans le fond, c'est qu'elle pose l'exigence de dire aux gens: Bien, écoutez, cela veut dire qu'il y aura, pour certaines tranches de mesures, au fur et à mesure où on monte, un taux qui va être plus important qu'il ne l'est maintenant, parce que, évidemment, en ramenant trois taux d'imposition, ça a eu un effet de ramener des taux qui étaient plus élevés à un taux moyen qui est plus bas maintenant. (16 h 50)

Mme Bérubé: On pourrait émettre une hypothèse que, oui, si on expliquait correctement aux gens les enjeux d'une augmentation de l'impôt, il ne faut pas se le cacher, mais qui serait en faveur d'aider à la création d'emplois pour les jeunes, il faudrait que ce soit assorti de conditions, ça serait peut-être possible. Mais il ne faut pas penser... Vous disiez que probablement que, nous, nous sommes dans cette catégorie de gens-là. Nous, à l'AREQ, on a, vous savez, beaucoup de femmes qui ont perdu beaucoup d'années de travail dans les écoles parce qu'elles travaillaient à la maison. Elles ont arrêté. Puis, nous, quand on se mariait, on perdait notre emploi. On n'avait aucun choix. Il fallait rester à la maison. Plus tard...

Mme Marois: Vous savez que je sais tout ça? Oui, je suis très consciente de ça.

Mme Bérubé: Regardez, on a 28 % de nos femmes qui ont des pensions en bas de 10 000 $. On ne peut pas dire que c'est la classe moyenne, ça. Ensuite, on aurait 21 % de nos femmes entre 10 000 $ et 15 000 $. On commence à friser la classe moyenne. Ça veut dire que quasiment la moitié de nos femmes sont en bas d'une pension de 15 000 $. On pourrait leur demander, mais elles vont nous dire: Nous autres, on a fait notre part. Alors, c'est entendu, au niveau des femmes, je pense que ce serait plus difficile à vendre, cette idée-là.

Mme Marois: Oui, mais c'est parce que j'essayais qu'on évalue ensemble, dans le fond, l'impact que ça peut avoir, mais je suis consciente que, pour un bon nombre d'ex-enseignantes, c'est la situation que vous décrivez à cause du contexte social et culturel que l'on connaissait à l'époque où une femme qui se mariait devait cesser d'enseigner si elle attendait un enfant, etc. Donc, je suis...

Mme Bérubé: Ah, même sans enfant, c'était dehors!

Mme Marois: Et même sans enfant, je sais cela aussi. Alors, je sais qu'il y a eu un certain nombre d'injustices qui, heureusement, se corrigent maintenant, et j'espère que jamais plus on ne revivra de telles situations.

Je pense que vous vouliez ajouter quelque chose, monsieur.

M. Fraser: J'aimerais peut-être attirer votre attention, puis peut-être même vous donner une certaine crainte à tous et à toutes. C'est que, dans le fond, moi, j'ai pris ma retraite assez jeune. Mais savez-vous que j'ai peur. Je prévois encore vivre une quarantaine d'années, et ma pension n'ira pas en montant, avec la désindexa-tion de 1982. Puis là, je me regarde aller, puis je me dis: Supposons que je vis ne serait-ce qu'encore une vingtaine d'années, savez-vous que je vais être sous le seuil de la pauvreté dans 20 ans d'ici, moi, avec la retraite que j'ai, qui est raisonnable au moment où on se parle?

Alors, quand on parle de participer dans les strates dont vous parliez tout à l'heure, je me dis: Oui, mais, je ne serai peut-être pas prêt à aller faire adhérer mon monde, à faire adhérer mon monde, parce qu'il va dire: Un instant! Nous autres, on est nerveux. On est nerveux, parce que, dans 10 ans ou 15 ans d'ici... Une chance qu'il faut vivre au jour le jour, dans le fond. Il faut vivre au jour le jour, parce que la peur nous prendrait, ceux qui ont pris leur retraite à 55, ou 58 ou 60 ans. Je ne sais pas si vous saisissez le sens...

Mme Marois: Oui, je le saisis très bien.

M. Fraser: ...mais, dans quelques années d'ici, ça va être terrible pour ceux qui ont pris leur retraite avec ce qu'on a là, puis une indexation à 1,8 % comme on a cette année et avec la désindexation de 1982 qui fait 10 ans. On est rendu à 11 ans, on le mentionnait tout à l'heure. Moi, je ne suis pas sûr que je serais capable d'aller convaincre mes 14 200 membres d'entrer dans une organisation comme celle-là.

Mme Marois: Remarquez que ce n'est pas moi qui l'ai proposée. Ha, ha, ha!

M. Fraser: Non, non! J'ai bien senti que Mme Bérubé a mentionné que c'était une hypothèse, mais...

Mme Marois: Non, mais je trouve ça intéressant, parce que, évidemment, c'est toutes espèces de pistes qu'il faut pouvoir regarder très froidement puis, après ça, se dire si on veut faire des choses avec ça ou pas. Ça va.

Je vous remercie, madame et messieurs.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la députée de Taillon.

M. le ministre du Revenu. Pardon, M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président.

Moi aussi, je veux saluer ces gens-là qui sont venus nous présenter un mémoire. Vous venez de soulever que vous êtes inquiet, monsieur, pour les prochaines années, à titre de retraité, puis vous n'avez pas tort non plus. Je comprends ça. Puis je l'ai compris aussi tantôt de la dame, lorsqu'elle l'a exprimé, et le monsieur qui est avec vous.

Mais vous me permettrez, moi aussi, à mon tour, d'être inquiet. Il me reste encore peut-être une trentaine d'années avant de pouvoir être retraité, et si je vis encore une vingtaine d'années ou 25 ans après, puisque nos techniques médicales s'améliorent constamment de sorte qu'on peut espérer vivre un peu plus longtemps, alors, je suis très inquiet. Et je suis aussi inquiet comme député d'un comté très rural où, quand je regarde, par exemple, la répartition des dépenses du gouvernement ou quand je regarde... Et je comprends votre inquiétude, et vous avez probablement raison aussi lorsque vous dites que vous souhaitez maintenir la gratuité, l'accessibilité, l'universalité aux soins de santé.

Quand on regarde la répartition des dépenses, par exemple, du gouvernement, on a 31,4 % des dépenses qui sont affectées à la santé et aux services sociaux. On a la sécurité du revenu, et c'est normal aussi qu'on aide les gens, je pense, qui sont dans le besoin, on y consacre 9,1 %. On veut maintenir aussi une certaine accessibilité à l'éducation pour nos jeunes, pour les former pour demain parce que c'est eux qui prendront le marché du travail et ils doivent, bon... surtout avec les défis qu'on aura à relever dans les prochaines années. Alors, on dépense 25,2 %. Et puisque, depuis quelques années déjà, on a décidé d'emprunter pour financer certains services, alors on doit remettre chaque année... Le service de la dette s'élève à 12,1 %. Alors il en reste 22,2 % pour s'occuper de tout le reste. Chez nous, moi, tout le reste, ça veut dire s'occuper de la voirie, des routes, du réseau routier et tout ça, l'environnement, ça veut dire s'occuper de notre forêt, on a besoin de s'en occuper, c'est important, notre agriculture, notre culture, nos industries, la recherche, le développement et tout ça.

Et quand je regarde, depuis quelques années que je suis député ici, la croissance des dépenses au niveau de la santé, par exemple, la sécurité du revenu, parce qu'on a une période économique plus difficile, lorsque le taux de croissance est plus élevé que l'ensemble des autres secteurs, par exemple, on va couper ça dans ces programmes-là que je viens de mentionner: la voirie, l'environnement, la forêt. Alors, ma région, moi, chez nous, quand j'ai moins d'argent pour m'occuper de l'agriculture, quand j'ai moins d'argent pour intervenir dans ma forêt, quand j'ai moins d'argent pour entretenir mon réseau et tout ça,

que j'en ai juste, je ne dirais pas trop, mais que j'en ai en masse pour soigner mes malades et tout ça, ma région s'appauvrit. Alors, s'il y a tant de demandes de soins de santé, c'est rattaché aussi à ce qu'il y a beaucoup d'offre, je pense, parce que l'offre est là au niveau de la santé. C'est gratuit, c'est accessible, c'est universel. Alors, si on veut contrôler la demande, je pense que, selon moi, pour essayer de me rassurer dans le futur, je pense qu'on devra, à court terme, prendre certaines mesures - je ne dis pas que c'est seulement celles-là - pour essayer de réduire cette demande-là.

Quand vous parliez tantôt des 2 $ pour les médicaments, 2 $, c'est une mesure qui avertit les gens qu'il y aura un coût à payer à ça. Et c'est plutôt symbolique, les 2 $. Et même les gens qui n'ont pas les moyens, qui retirent le supplément de revenu garanti, n'ont pas à le payer, les 2 $. Ceux qui retirent le maximum n'ont pas à les payer. Alors, on a conservé quand même une certaine accessibilité et universalité, d'une certaine façon. C'est sûr, la gratuité est menacée à cet égard-là. Mais, dans ce contexte-là, si on regarde plus loin, est-ce qu'il ne faudra pas, à un moment donné, couper dans la gratuité de certains services pour essayer de maintenir dans nos régions certains services? Parce que plus on va emprunter pour maintenir ces services-là, plus la pointe de la tarte qui sert à la dette du gouvernement va venir manger la partie, par exemple, dans la voirie, dans l'environnement. Alors, si la santé continue à ce rythme-là, la sécurité du revenu, on souhaite que c'est passager à cause du contexte économique, l'éducation, et que la dette augmente, alors la partie pour s'occuper de tout le reste diminue sans cesse. Alors, demain matin, nos régions où on a de grands besoins dans ces domaines-là, on ne crée pas d'emploi si on ne s'occupe plus de notre forêt, si on ne s'occupe plus de notre agriculture.

Et vous disiez tantôt: II y a quelques années, lorsque j'étais professeur, on venait nous chercher à l'École normale avant de finir nos cours. Dans mon comté, on ferme des écoles parce qu'on n'a plus d'étudiants. Alors, la pyramide d'âge est un peu en train de s'inverser. Avant ça, on avait les personnes plus âgées en haut et les jeunes en bas.

Je ne sais pas, moi, je voudrais connaître un peu votre opinion là-dessus parce que vous soulignez sur la première page, dans le dernier paragraphe, que toute modification au système irait à rencontre... bon, que ça ne serait pas toléré par vos membres. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Lemieux): Mme Bérubé. (17 heures)

Mme Bérubé: Évidemment, c'est un gros dilemme, cette tarte-là, comment est-ce que c'est qu'on la divise? Et si on prend pour acquis les grands principes que tout le monde a droit à des services de santé gratuits, il faut prendre l'argent quelque part. Cet argent-là, il vient, pour la plupart, des impôts. C'est difficile de demander d'augmenter les impôts. Comment est-ce qu'on fait pour que chacun ait sa part et qu'il n'y en ait pas qui soient plus enterrés par des besoins que d'autres? Évidemment, si on pense aux 2 $ ou si on pense à des futures tarifications, ça va amener une certaine bureaucratie, ça. Ça va amener des coûts aussi. J'imagine qu'on prévoit ça dans le budget. Alors, je ne sais pas si on a fait la comparaison entre ce que ça coûterait, cette nouvelle bureaucratie, pour s'occuper de toute cette paperasse, et puis si on permettait que l'accès aux soins et services soit gratuit.

Comme on le dit plus tard, en donnant plus d'information aux gens, en les avertissant: Quand vous allez voir un médecin, regardez ce que ça coûte. Quand vous demandez une intervention chirurgicale, ça coûte tant. Il me semble que les gens pourraient être mieux avertis, mieux informés, et ils pourraient comprendre que la pointe de tarte, là, elle diminue tout le temps et qu'il faut que les gens aussi prennent une part de responsabilité.

À part de ça, comment faire de l'argent? Il n'y a pas de recette, on ne peut pas en imprimer, de l'argent, surtout à ce temps-ci. On est vraiment pris, c'est vrai, on est pris dans un dilemme actuellement. D'un côté, il y a tous ces principes qu'on veut honorer, et, de l'autre côté, il y a des imprévisibles et il y a des urgences à combler. Je n'envie par votre sort, vous avez à décider.

Quand, dans notre famille, on a un budget à équilibrer, bien il y a des sacrifices à faire; on coupe ici et on coupe là. On travaille de plus longues heures ou on fait durer des choses plus longtemps, on étire la soupe. Il faut se comporter à peu près dans le même genre, même si on est au gouvernement, mais il faut encore que les enfants continuent, dans la famille, à être habillés et à bien manger.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, vous aviez quelques commentaires?

M. Savoie: Oui, simplement pour remercier l'Association des retraités d'avoir pris le temps de se présenter ici et de nous faire part de leurs réflexions, finalement, quant à la situation financière générale et les interventions et les orientations que pourrait prendre le gouvernement.

Je dois souligner à M. Côté et à Mme Bérubé également, et surtout à Mme Bérubé, je pense, qu'il n'y a pas d'index accusateur de la part du gouvernement. Il faudrait que ce soit très clair. On sent évidemment, on comprend un

peu peut-être la perception, on peut constater que d'une certaine façon on peut avoir l'impression, de temps à autre, qu'il peut y avoir un index, mais je peux vous assurer qu'il n'y en a pas. C'est tout à fait le contraire. Je pense que le gouvernement cherche toujours à s'assurer que les gens qui ont créé le Québec contemporain, qui ont participé à l'élaboration de ses programmes et a sa structure reçoivent tout ce que le gouvernement est capable de leur offrir, et ça avec, je vous l'assure, bon coeur.

Ceci étant dit, vous nous présentez une vision où on dit: II faut chercher quelque chose, mais il faut éviter toute tarification. C'est ce que vous nous avez présenté. Vous comprendrez que c'est difficile de prendre cette orientation-là. Je vais vous donner un exemple qui relève du ministère du Revenu, où on a introduit, par exemple, une tarification au niveau des oppositions. Vous savez que quelqu'un qui reçoit une cotisation peut s'opposer. Lorsqu'on va en opposition, évidemment, lors de la réception d'un état de compte, c'est une procédure qui est un peu plus lourde, un peu plus articulée: ça implique des professionnels, ça implique des accusés de réception, des dossiers autrement plus complexes et des professionnels autrement plus développés que dans le restant de la machine, puisqu'il s'agit d'opposition.

Nous avons une croissance considérable au niveau des oppositions depuis quelques années. Avec l'introduction d'un ticket modérateur de 20 $ et un élargissement de la plage au niveau du délai d'opposition, par ces deux éléments combinés, nous avons réduit de moitié l'opposition au ministère du Revenu; de moitié, ça a chuté de moitié! Nous attendons encore quelques mois pour être sûrs que l'évaluation est exacte, mais je peux vous dire qu'au moment où on se parle - ça fait déjà plusieurs mois, on parle déjà de sept ou huit mois - c'est de moitié que ça a baissé. Et les 20 $, évidemment, que vous gagniez en tout ou en partie, on vous rembourse les 20 $. Simplement d'introduire ces 20 $, simplement d'élargir également la plage de temps qui permet le délai pour introduire une opposition, l'impact a été immédiat. On le constate dans d'autres secteurs, que là aussi l'introduction d'une tarification, même sommaire, symbolique, a un impact de réduction sur quelque chose qui, auparavant, dans l'impression du public est gratuit.

Donc, on peut largement s'en servir. Et l'impact de la réduction est considérable, ça nous permet de continuer à offrir les services que vous, finalement, vous voulez recevoir de l'État parce que vous avez été là dans les années soixante, soixante-dix, lorsque ces programmes-là ont été créés. Vous avez voté, vous avez travaillé pour réaliser ces programmes-là, ce qui fait finalement du Québec, au niveau de l'ensemble des pays occidentaux, certainement un havre.

Alors, vous comprendrez qu'il est difficile pour nous, malgré le fait qu'on peut comprendre qu'effectivement, une tarification, ça peut affecter en quelque sorte la masse monétaire dont vous disposez pour traverser une année. Vous comprendrez aussi que pour l'État, lorsque nos services dépassent largement, maintenant, la capacité de payer de l'État, cela présente une avenue qui est certainement intéressante. Ça représente une orientation qui nous fait sourire un peu puisque, finalement, on continue d'offrir le service, mais les abus, là où il y a exagération, ça tombe, et on est capable, à travers tout cela, de maintenir un niveau de services des plus acceptables et de maintenir au moins le principe de l'accessibilité pour l'ensemble de la population.

Le gouvernement fait des efforts considérables. Je regardais tout simplement pour nos aînés, par exemple, au niveau du rapport d'impôt, les exemptions. En plus, évidemment, des exemptions de base, il existe des exemptions en raison... de base, 2200 $ par citoyen et citoyenne, qui nous coûtent 250 000 000 $. Il y a des exemptions, par exemple, sur le revenu de retraite, des choses qui nous coûtent très cher: 50 000 000 $, 75 000 000 $. Il y a une volonté, je pense, de vous offrir le plus possible et de l'offrir à l'ensemble de la population en même temps. Donc, lorsqu'on arrive avec, finalement, l'annulation de toute tarification, vous comprendrez qu'on a un peu de la difficulté à saisir. On se demande si on comprend comme il se doit l'orientation qu'on veut se donner.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Votre temps est malheureusement terminé.

Est-ce que vous avez des commentaires brièvement? Ça va? Oui, Mme Bérubé.

Mme Bérubé: Pour poursuivre ce que vous avez avancé, les tarifications nous font peur parce qu'il va y avoir des formulaires à remplir, et les gens âgés n'aiment pas remplir des formulaires. Regardez, rien que la TPS, il y a des gens qui ne reçoivent pas de retour de TPS parce qu'il faut qu'ils remplissent un formulaire d'impôt. Alors, si on arrive avec plusieurs sortes de tarifications pour des gens âgés, ça va être une charge supplémentaire d'avoir à les remplir et d'aller les chercher.

L'autre partie odieuse aussi, c'est que les tarifications sont toujours utilisées...

Une voix: Pour punir.

Mme Bérubé: Oui, comme punition parce qu'on est malade ou qu'on est mal pris. Ce n'est jamais les gens bien portants, habituellement, qui vont être victimes de tarification; ça va être les faibles, les fragiles. Alors, c'est contre ça qu'on voudrait se battre.

Le Président (m. lemieux): nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire. j'inviterais la fédération québécoise antipauvreté et mobilisation québécoise contre la misère à bien vouloir prendre place à la table des témoins. nous allons suspendre deux minutes, mais pas plus que deux minutes. merci.

(Suspension de la séance à 17 h 10)

(Reprisée 17 h 12)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter nos travaux dans 10 secondes. La commission du budget et de l'administration reprend donc ses travaux sur les finances publiques.

Nous allons maintenant entendre la Fédération québécoise anti-pauvreté et Mobilisation québécoise contre la misère. Alors, je vous souhaite bienvenue à cette commission parlementaire. J'aimerais vous indiquer que vous disposez de 20 minutes pour présenter votre mémoire; suivra un échange entre les parlementaires d'une durée maximale de 40 minutes: 20 minutes pour les ministériels et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition.

Alors, auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous identifier et, par la suite, nous présenter votre mémoire, s'il vous plaît.

Fédération québécoise anti-pauvreté et Mobilisation québécoise contre la misère

M. Le Clerc (Roger): Oui. Bonjour, je suis Roger Le Clerc, de Mobilisation québécoise contre la misère. Je vous présente, à ma gauche, Robert Tremblay, de la Fédération québécoise anti-pauvreté. Aux commentaires que M. Tremblay vous fera, vous comprendrez pourquoi il est à ma gauche.

Je dois d'abord commencer en déplorant d'avoir été invité dans une période où les ministres qui nous invitaient étaient absents. Je trouve un peu déplorable que pour d'autres raisons, pour d'autres activités parlementaires qui sont sûrement justifiables, les personnes qui nous invitent ne soient pas présentes au moment où on y est, et ceci a comme conséquence de faire en sorte que les médias, qui sont à l'affût, semble-t-il, d'idées nouvelles, ne seront pas présents lors de notre présentation, ou très peu, alors qu'ils étaient amplement présents quand les centrales syndicales ou d'autres intervenants déjà multicouverts par les médias, et qui apportent comme réflexion...

Le Président (M. Lemieux): J'aimerais peut-être vous souligner que c'est la commission parlementaire qui vous a invités, et que le groupe qui forme à la fois l'Opposition officielle et le groupe ministériel est ici présent. Je peux vous assurer d'une chose, que vous aurez toute l'attention nécessaire, et vos suggestions seront prises en considération tout autant que n'importe quel autre intervenant qui est passé devant cette commission.

M. Le Clerc: Je n'en doute pas, j'aurais apprécié que les ministres soient présents.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, on prend bonne note de votre commentaire.

M. Le Clerc: Je voudrais aussi rassurer le député qui est inquiet pour sa retraite. Il pourrait simplement venir vivre dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, notre espérance de vie est de sept ans plus courte comparativement à Outremont; donc, on angoisse moins sur notre retraite.

Le document que nous vous déposons aujourd'hui n'est pas neuf. C'est un document qui circule depuis quelques années et qui est, en fait, une étude de faisabilité sur différentes études qui ont été faites, qui a d'abord été publiée, «Blueprints for Basic Tax Reform», aux États-Unis, suite à une étude gouvernementale, en 1977. La même étude a été faite et produite, le «Meade Report», en 1978, au Royaume-Uni, et en 1985 par la commission Macdonald, une commission royale d'enquête canadienne, qui arrivait à des conclusions que nous vous présentons aujourd'hui et que nous avons tenté de quantifier.

Nous aurions pu, comme groupe représentant les gens démunis, aujourd'hui, vous parler des irritants, parce que les centrales syndicales, le Conseil du patronat, les entreprises viennent vous parler des irritants qu'ils éprouvent dans notre société versus la fiscalité. Nous aurions pu choisir de vous parler des irritants que les pauvres vivent aussi. Nous avons choisi de ne pas le faire et de plutôt essayer de vous présenter, encore une fois, une hypothèse de conception de la société qui pourrait faire en sorte que nous relancerions l'économie.

M. Claude Béland, qui est président du Mouvement Oesjardins, dans un petit texte qu'il publiait dernièrement, faisait plusieurs constats. Le premier constat qu'il faisait, il disait: Les changements qui ont cours présentement dans l'économie mondiale n'ont rien de superficiels. L'économie subit au contraire une transformation de fond, et nous pensons que les nouvelles mesures fiscales qui devraient être adoptées devraient tenir compte de cette modification profonde de notre structure de l'employabilité et de l'emploi et de la richesse collective. La question, pour nous, n'est plus de savoir si nous créerons des emplois, la question est beaucoup plus de savoir ce que nous ferons des personnes qui n'auront pas d'emploi.

L'industrialisation que nous connaissons... Le document que vous avez entre les mains a été produit par moi sur un ordinateur, dans un après-midi, imprimé par un imprimeur en exactement 18 minutes. Il y a 10 ans, j'aurais eu deux secrétaires, j'aurais travaillé une semaine à le rédiger à la main, j'aurais eu deux secrétaires qui l'auraient tapé, nous l'aurions corrigé et un imprimeur aurait sans doute passé une journée à le publier.

Le marché de l'emploi dans lequel nous allons ne créera pas d'emplois autres que des emplois de services. Il est donc faux de prétendre, comme tous les gouvernements le font à l'heure actuelle, que le soutien aux entreprises va créer de l'emploi. C'est non seulement faux, mais c'est à la limite presque malhonnête. Nous vivons une crise structurelle qui nous confronte à la situation selon laquelle une partie de notre population ne sera plus nécessaire pour produire des biens collectifs; une partie de notre population ne sera plus nécessaire pour produire la richesse collective. Et ceci est tellement vrai que, depuis les années quatre-vingt où nous avons vécu deux crises, le produit intérieur brut, la richesse collective québécoise a augmenté d'année en année, alors que le taux de chômage s'est multiplié. Cela signifie donc que nous avons continué à créer la même richesse; nous l'avons même augmentée collectivement avec de moins en moins de monde.

Donc, le constat de M. Béland était très vrai: l'économie mondiale subit des changements profonds, et nous pensons que la fiscalité doit subir les mêmes changements. M. Béland faisait un autre constat. Il disait: II m'apparaît donc tout à fait illusoire de penser que des entreprises peuvent s'attaquer aux marchés mondiaux quand elles n'ont pas d'abord l'appui de leurs marchés local et régional. C'est un constat qui nous apparaît à nous, après réflexion, tellement simple qu'on se demande comment plusieurs ne l'ont pas fait auparavant. À l'heure actuelle, 20 % de la population québécoise vit sous le seuil de la pauvreté. On s'apprête... Vous vous apprêtez à en réduire d'autres portions, d'autres parties. Les discussions que vous avez portent sur: qui choisirons-nous et comment le ferons-nous? Et on présente ces discussions sur la fiscalité comme étant des mesures qui doivent relancer l'économie. À ce que je sache, le seul moyen de relancer l'économie, c'est que les consommateurs aient de l'argent pour consommer. Le problème de la compagnie Hyundai, à Bro-mont, n'est pas sa capacité de production, c'est la capacité des acheteurs de se procurer une automobile Hyundai. (17 h 20)

Je ne voudrais en rien nier l'importance de la concurrence internationale, l'importance de la compétitivité, l'importance de scolariser la population du Québec pour faire en sorte qu'elle devienne une main-d'oeuvre qualifiée et com- pétente; tout ceci est gage d'entreprises qui pourront être concurrentielles, mais l'économie ne sera relancée qu'à la seule condition que les consommateurs aient de l'argent pour dépenser. C'est tout notre système économique qui est basé sur ma capacité d'acheter. Et on vit dans une société qui, depuis 20 ans, élimine de façon structurelle une partie de plus en plus importante de sa population en lui retirant un gain minimal, la dernière en date étant la coupure de 3 % à l'assurance-chômage. Quand est-ce qu'on va comprendre que de retirer ne serait-ce que 3 % du revenu d'une personne qui vit déjà au seuil de la pauvreté, on est loin de relancer l'économie, on encourage plutôt la récession.

Le projet que nous vous présentons est basé sur deux choses. D'abord, la disparition du système d'impôt et de toutes les évasions fiscales, quelles qu'elles soient, et la disparition également de toutes les mesures sociales, bien-être social, assurance-chômage, tous ces irritants qui créent tellement de remous quand un individu sur le bien-être social ose aller consommer une bière, comme si ça n'était permis qu'à ceux qui ont la dignité de travailler.

On vous propose donc de faire disparaître le financement de l'État par le système actuel qui est celui de l'imposition qui, par des évasions fiscales, permet à des comptables plus futés ou à des fiscalistes de trouver le meilleur moyen, lequel des abris fiscaux permettra de sauver le plus d'argent parmi les 600. Donc, on abolit tout ça et on le remplace pour financer l'État, parce qu'il faut le financer, par une taxe à la consommation.

Dans le document que nous vous présentons, nous avons fait une étude de faisabilité. Nous ne sommes pas des économistes, nous n'avons pas eu accès au budget du gouvernement dans sa totalité, nous avons fouillé ce que nous avons pu. Nous évaluons le besoin d'une taxe à la consommation générale, sans aucune exemption - eh oui, on va taxer la pinte de lait, on va taxer le pain - nous l'évaluons à 10 %. Mme Diane Bellemarre, dans un texte qu'elle publiait dernièrement, disait: Ce serait scandaleux, il faudrait qu'elle soit de 25 %. Oui, supposons qu'elle serait de 25 %. N'oublions pas que nous avons fait disparaître l'impôt sur le revenu. C'est donc un gain net. Même une taxe à la consommation de 25 %, c'est donc un gain net d'environ 10 % à 20 % selon la «bracket» d'impôt où nous nous situons, permettez-moi l'expression.

Donc, quand on vient me dire qu'une taxe à la consommation serait faramineuse au niveau du montant, je rétorque: Elle ne serait pas pire que le taux d'imposition que nous avons. Et je pense que les citoyens et citoyennes québécois, on est assez matures pour savoir que c'est nous, en bout de ligne, qui, de toute façon, allons financer le gouvernement. Qu'il vienne le chercher dans ma poche de droite, de gauche, d'arrière ou sans que je m'en rende compte, de toute façon,

vous existez parce que nous payons, et il n'y aura rien de neuf demain matin. alors, quand mme bellemarre dit que ce serait terrible 25 %, nous disons: oui. et puis? 25 %, c'est mieux que 40 % d'impôt plus 15,56 % sur certains produits à la consommation. mme bellemarre utilise aussi l'argument: mais ce serait inéquitable. 25 % d'un revenu de 10 000 $, c'est très peu, mais c'est tellement essentiel que ce serait inéquitable comparativement à celui qui aurait 100 000 $. oui. bien sûr. mais l'inéquité, c'est 20 % d'individus qui vivent sous le seuil de la pauvreté. le constat qu'on voit aujourd'hui de la part des gouvernements, c'est: oui, il y a un taux de chômage de 14 %, oui, ça va rester à 14 %, même si on nous annonce une reprise économique. dans les années 1984 à 1988, il y a eu, semble-t-il, une reprise économique. je ne sais pas où elle a été vécue; pas dans le quartier hochelaga-maisonneuve. le taux de chômage a doublé pendant cette période-là, le taux de pauvreté a augmenté.

Les coûts sociaux, dont je m'étais bien promis de ne pas parler, les coûts sociaux de telles pathologies sociales sont faramineux. On n'a pas les moyens de donner un revenu décent à une femme, chef de famille monoparentale, mais on aura les moyens de la mettre en prison si elle fraude, et là elle nous coûtera 65 000 $. Ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas d'argent; ce qui est vrai, c'est qu'on l'utilise mal.

Concurrentiellement à cette mesure qui propose l'abolition de l'impôt sur le revenu, nous vous proposons - et c'est peut-être là l'originalité de notre proposition - l'établissement d'un revenu adéquat garanti universel et indexé qui donnerait à tout citoyen et citoyenne du Québec, de sa naissance à sa mort, quel que soit son revenu, quelle que soit sa situation familiale, quelle que soit sa situation d'emploi, qui lui assurerait, comme citoyen et citoyenne du Québec, un minimum en bas duquel il ne descendrait pas; un minimum qui lui serait donné dans la dignité et sur lequel il pourrait élaborer des plans de vie; un minimum qui permettrait à l'étudiant de compléter des études sans être endetté, ce qui lui permettrait de voir la vie d'une façon différente; un minimum qui permettrait à nos assistés sociaux, à qui on reproche tellement la paresse, de gagner aussi de l'argent dans la dignité.

Les montants que nous proposons sont vraiment un minimum pour préserver un certain incitatif au travail. Mais pour travailler avec des gens démunis, nous avons réalisé depuis longtemps que, oui, parmi les gens démunis, il y a des gens qui sont paresseux. Oui, parmi les gens démunis, il y a des gens qui sont malhonnêtes: 10 %. Combien d'avocats sont malhonnêtes et incompétents? Combien de médecins? Combien de policiers? Combien de députés? Combien de n'importe qui?

La pauvreté ne vient pas automatiquement avec la paresse, et elle vient de moins en moins avec la paresse. Je travaille dans un milieu, à Montréal, auprès des itinérants. On voit arriver, à nos soupes populaires, des individus qui ont un bac, d'autres qui ont des maîtrises. Je peux dire: Oui, bien sûr, il est paresseux. S'il était bon, s'il était compétent... Bien sûr. Mais il reste que 20 % des gens vivent sous le seuil de la pauvreté. Ce n'est pas en diminuant les fonds de pension des députés qu'on va régler le problème, ce n'est pas en coupant les salaires, la masse salariale qu'on va régler le problème; c'est en acceptant qu'il faut revoir notre système de fiscalité, et le revoir non pas en essayant de faire payer les riches. Est-ce qu'il en reste encore? À la limite, je vous dirais: Je ne connais pas de personne pauvre qui ne rêve pas d'être riche. D'ailleurs, on achète tous des billets de loterie.

La pauvreté n'est pas une calamité, ce n'est pas héréditaire, mais ce qu'on réalise, c'est que ça se transmet. Ça se transmet beaucoup. À partir du moment où un pauvre a de l'argent, il n'est plus pauvre. Il est peut-être encore paresseux, il est peut-être encore malhonnête, s'il l'était, mais il n'est plus pauvre. Tout notre système est basé sur notre capacité d'acheter et, jusqu'à maintenant, depuis 15 ans, tous les gouvernements à travers le monde ont réduit la capacité de chacun de leurs citoyens, et on s'étonne qu'il y ait une récession. C'est assez surprenant que vous soyez surpris.

Quand on dit qu'on doit mieux gérer les finances de l'État, nous vous disons: Oui, bien sûr. Le scandale de Tioxide, qui a reçu 18 000 000 $ sans intérêt, en subvention, pour ouvrir une entreprise et qui nous annonce qu'elle n'ouvrira pas son entreprise, c'est un scandale! Ces 18 000 000 $ valent bien une centaine d'assistés sociaux qui auraient fraudé un chèque de 400 $ par mois, au moins. Qu'il faille mieux gérer, oui, bien sûr. Qu'il faille que l'appareil de l'État se resserre, qu'il devienne efficient, selon le nouveau vocabulaire, bien sûr. Nous sommes prêts à vous aider. Nous pouvons participer à n'importe quelle équipe de travail qui aurait comme responsabilité de revoir le fonctionnement d'un «bureau de la sécurité du revenu» pour essayer de vous expliquer comment, peut-être, il pourrait être plus efficace avec la masse d'employés et de salaire qu'il a. (17 h 30)

Nous sommes très ouverts à la discussion, mais cessons d'essayer de trouver qui sont les moins pauvres, chez qui on peut maintenant couper. Ayons le courage, tous ensemble, de réfléchir à comment nous pourrions augmenter les revenus de l'État de façon plus équitable, de façon plus simple.

La TPS est sans doute la façon la plus stupide qu'une TPS pouvait être appliquée. C'est celle qu'on a choisie au Canada. La taxe que nous proposons est applicable à tout produit,

sans aucune exception, nécessite très peu de main-d'oeuvre, très peu de main-d'oeuvre au niveau de la perception. C'est simple, facile, de même que la distribution de l'argent. À partir du moment où les gouvernements, quels qu'ils soient, pour quelque mesure que ce soit, ont essayé de combattre l'universalité à cause du grand principe que certaines personnes allaient en recevoir, qu'elles n'en avaient pas besoin, et qu'ils ont mis sur pied des mesures de contrôle, c'est à ce moment-là que les mesures ont coûté cher.

Que Pierre Elliot Trudeau reçoive l'allocation familiale, ça ne me fait aucun... je n'ai aucune difficulté de principe là-dessus, mais la nouvelle façon que le gouvernement canadien a maintenant de distribuer ses allocations familiales va coûter au moins 30 % de la masse totale en administration. Alors, si on veut parler de meilleure gestion, nous pensons qu'il faut se diriger dans ce sens-là. L'universalité n'est pas gage de gaspillage. Elle est, au contraire, gage d'utilisation efficace de l'argent qui est distribué.

On est prêt à recevoir vos questions.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre, est-ce que vous avez des questions?

M. Savoie: Oui, merci beaucoup, M. le Président.

Nous avons, je pense, tous et chacun, grandement apprécié votre intervention. Il y a des éléments, évidemment, qui ont fait l'objet d'interventions au cours des deux derniers jours, et il y a du nouveau. Il y a une approche, en quelque sorte, qui est intéressante. Je voudrais apporter quelques corrections, tout d'abord, si vous me le permettez, très rapidement.

L'objet de cette commission n'est pas, finalement, de voir comment on peut faire pour relancer l'économie. Ce n'est pas ce que nous visons à ce moment-ci. Ce que nous visons surtout, c'est comment on peut continuer à rendre au public les services auxquels ce public s'attend. C'est ça, la démarche. La démarche, c'est que, finalement, nous avons dépensé, et nous dépensons...

M. Le Clerc: Vous voulez me dire que vous ne voulez pas relancer l'économie. Ce n'est pas ça que je dois comprendre.

M. Savoie: C'est-à-dire que le but, ici, n'est pas de relancer l'économie. Le but, ici, c'est de trouver des mécanismes pour vivre selon nos moyens, ce qui va avoir un impact positif, bien sûr, sur l'économie québécoise. Ce que nous cherchons à faire surtout, c'est de rendre aux citoyens et citoyennes les services auxquels ils tiennent. Évidemment, ça change un peu le focus, en disant: Bon, bien, les services que nous avons nous coûtent très cher, les revenus sont à la baisse, et il faut donc s'ajuster. Le service de la dette se développe d'une façon considérable.

Il y a peut-être une autre petite considération avant de poser quelques questions. C'est qu'il faut bien comprendre qu'une taxe à la consommation, oui, c'est simple. Vous avez raison, et ça présente énormément d'avantages pour l'ensemble de la population, et je veux bien. Mais on peut vous démontrer, d'une façon très claire, qu'avec ce système, l'impact au niveau des gens à faibles revenus est insupportable pour ce groupe, insupportable.

L'impact direct et immédiat pour leur situation fera en sorte que l'appauvrissement serait énorme et que, finalement, la structure de l'impôt sur le revenu vise à équilibrer cette situation. On parle souvent de familles monoparentales - une femme, par exemple, avec deux enfants. Cette femme avec deux enfants, qui peut gagner un revenu de son travail, de sources diverses, ne paiera pas d'impôt. Elle ne paiera pas d'impôt, on dit, tant qu'elle n'aura pas gagné 22 000 $, 22 500 $, 23 000 $. Une famille avec deux adultes et deux enfants, c'est 26 000 $. Il y a là une intervention de l'État, justement, pour chercher à alléger cette situation difficile que peut connaître cette famille monoparentale ou cette famille traditionnelle.

Donc, la structure de l'impôt est justement là pour alléger... Et si on arrive et qu'on dit: «Bon, bien, c'est fini, l'impôt, et on n'a qu'une taxe à la consommation», les gens qui gagnent un salaire et qui n'ont pas ce mécanisme, justement, pour alléger, leur permettre... vont subir des conséquences.

M. Le Clerc: Est-ce que je peux répondre tout de suite?

M. Savoie: Oui, oui. J'arrive à ma question, par exemple.

M. Le Clerc: J'aimerais répondre à votre intervention avant que vous n'ayez une question, parce que je trouve que c'est déjà une question.

Quand vous dites: Vivre selon nos moyens. Moi, je veux bien. Je vous propose une façon de vivre selon nos moyens, sauf que la différence, c'est que vous dites que nous n'avons plus les moyens. Moi, je dis: C'est faux, nous avons les moyens. Nous avons les moyens d'endurer, de voir des gens se détériorer, devenir malades parce qu'on les a exclus du marché du travail. On a les moyens, à ce moment-là, de payer les frais d'hôpitaux, d'hospitalisation, de médication, etc. C'est assez phénoménal que, dans une société québécoise, canadienne... Le 125e, Canada 125 n'a pas arrêté de nous dire qu'on était le meilleur, le premier pays au monde. Le taux de maladie chez nos gens, la consommation de médicaments est assez inquiétante.

Alors, quand on dit: Vivre selon nos moyens, moi, je vous dis: Quand vous excluez un individu du marché du travail, vous le condamnez

non seulement à la pauvreté, à la perte d'image de lui, à la dépression, l'alcoolisme, la violence, etc. - et je m'étais promis qu'on ne ferait pas de long discours là-dessus - mais les pathologies sociales conséquentes à une augmentation d'un taux de chômage de 1 % sont de 17 000 000 000 $. C'est une étude qui a été faite aux États-Unis. Alors, quand vous me dites qu'il faut vivre selon nos moyens, moi, je vous dis: Oui, monsieur, mais on ne calcule pas de la même façon!

Quand vous me dites aussi que la taxe à la consommation a des effets directs très néfastes pour les pauvres, je vous dis: Bien sûr, ne venez pas me mettre, demain matin, sur un revenu de 200 $ brut par semaine, une taxe de 25 % en me disant: Voici, tu vas payer 25 %. C'est pour ça que le RAGUI comprend un revenu adéquat, garanti, universel et indexé pour chaque individu. Et selon nos calculs, si on instaurait le RAGUI demain matin, ça double - double - le revenu de tout individu au Québec. C'est l'injection de 50 000 000 000 $ par année directement dans les poches des individus qui n'en n'ont pas.

Imaginez! Pouvez-vous imaginer l'injection de 50 000 000 000 $, combien de frigidaires on va vendre cette semaine-là? Combien de chemises on va vendre cette semaine-là? Pouvez-vous imaginer l'impact sur l'emploi? Avez-vous une idée? C'est quatre Baie James par année. Le seul problème, c'est comment allons-nous le financer? Et selon nos calculs... Et si vous me dites que mes calculs sont faux, mais ça fait cinq ans qu'on se promène avec nos calculs et il n'y a jamais un économiste où qu'il soit qui nous a dit qu'ils étaient faux. Ils nous ont tous dit: Oui, c'est vrai, mais... J'attends les mais. Si vous nous dites que 10 % ce n'est pas suffisant, je vous dis: Parfait! Assoyons-nous... Vous êtes ministre du Revenu, assoyons-nous ensemble et faisons les calculs. Elle doit être quoi, la taxe, 18 %, 25 %? Selon nos calculs, elle peut être de 22 %. Et, à 22 %, il y aurait environ 10 % de la population actuelle qui connaîtrait une diminution de son revenu net. Alors, ne venez pas me dire qu'une taxe à la consommation...

Bien sûr, comme ça nous a été recommandé en début d'après-midi, une taxe à la consommation pure, point final, sans l'ajout d'un revenu adéquat garanti pour les individus, bien sûr que ça, c'est dramatique et que l'effet recherché de stimuler l'économie et de vivre selon nos moyens en redonnant aux gens la dignité et la capacité de devenir des créateurs, ce n'est... Le peuple québécois qui a défriché l'Abitibi n'est pas devenu un peuple de paresseux 25 ans plus tard. Ce n'est pas vrai. Nous voulons travailler, monsieur, mais il n'y en a pas d'emploi et ce n'est pas vrai que les mesures gouvernementales qui sont prises, quels que soient les gouvernements, vont être génératrices d'emplois. C'est faux! Les investissements industriels qui se font à l'heure actuelle sont générateurs de chômage.

Et c'est parfait comme ça. Je ne suis pas venu au monde pour travailler, je suis venu au monde pour vivre. Le seul problème, c'est: Qu'est-ce qu'on fait avec les gens qui ne travaillent pas et qui ne sont pas, selon la définition qu'on a à l'heure actuelle, productifs? Et ce que je vous dis quand vous me dites qu'il faut vivre selon nos moyens, je vous dis: Oui, moi aussi, j'ai hâte qu'on vive selon nos moyens. J'ai hâte que l'investissement qu'on a fait dans un jeune, qui a une maîtrise en sociologie, qui est itinérant à Montréal, et qui couche dans des dortoirs ou bien sous le pont Jacques-Cartier, j'ai hâte qu'on arrête de gaspiller ça. Je suis prêt pour votre question. (17 h 40)

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Savoie: On partage les mêmes préoccupations. Nous sommes à la recherche de solutions, et ce que je faisais, c'est tout simplement de souligner que la taxe à la consommation présente, à première vue, des avantages, mais ça nous préoccupe lorsqu'on pense, par exemple, à l'ensemble de la population qui, finalement, est à faibles revenus. On se demande si, effectivement, ils sont en mesure de continuer à offrir, par exemple aux enfants, à eux-mêmes, ce qu'ils offrent actuellement. On pense que, c'est le contraire. On pense que l'abolition de l'impôt sur le revenu et l'introduction d'une taxe à la consommation pure et simple aura un impact majeur.

Actuellement, la nature de votre intervention, l'incitation que vous voulez créer, finalement, au niveau de l'économie, vise en quelque sorte, rejoint les préoccupations que nous avons entendues au début de l'après-midi sur le plein emploi. Je pense que ça a fait l'objet de plusieurs interventions. Est-ce que, selon vous, le plein emploi, tel que nous l'avons connu ailleurs je pense par exemple...

M. Le Clerc: En Suède, en Norvège.

M. Savoie: Oui, la Suède et la Norvège, quoiqu'elles aient un taux de chômage, maintenant, qui nous dépasse, là.

M. Le Clerc: Oui

M. Savoie: Est-ce que vous pensez que c'est une espèce de panacée absolue qui va vous donner satisfaction, et mettre fin à la pauvreté?

M. Le Clerc: Je vais vous raconter une petite histoire. Robert, qui est à côté de moi, est un illuminé depuis 25 ans. Ça fait 25 ans qu'il prêche le revenu adéquat garanti; moi, je suis tardif dans la... comment on dit ça changer de religion, dans la...

M. Tremblay (Robert): Dans la conversion.

M. Le Clerc: C'est ça. J'étais un ardent défenseur d'une politique de plein emploi. Entre 1980 et 1983, j'ai parcouru le Québec entier à donner des conférences, et je dois avouer que j'étais assez bon à donner des conférences sur le plein emploi, parce que j'y croyais, et j'y crois toujours. Cependant, c'est faux, c'est faux de dire qu'on va avoir des politiques de plein emploi en soutenant la création d'emplois à l'intérieur d'entreprises. Il n'y a qu'une seule façon d'arriver à une politique de plein emploi, c'est de faire en sorte que la consommation soit suffisante pour que nos industries aient à produire. Je vous rappelle que le problème de Hyundai n'est pas sa capacité de production; le problème de Hyundai, c'est ma capacité d'acheter une Hyundai. Mais, moi, je suis prêt à acheter une Hyundai, demain matin. Donnez-moi 20 000 $, et j'en achète une, je vous le jure. Je ne les ai pas, les 20 000 $.

Alors, une politique de plein emploi, oui, mais comment allez-vous créer des emplois? Comment peut-on créer des emplois? En faisant la Baie James 2, 3 ou 4? Mais, c'est des emplois temporaires. Les emplois ne seront créés qu'à partir du moment où les produits créés, quels qu'ils soient, qu'ils soient des biens ou des services, seront achetés. J'ai été propriétaire de restaurant. Je l'ai fermé quand mes clients ne venaient plus acheter. J'aurais dû ouvrir à Outremont, j'ai ouvert dans Hochelaga-Maison-neuve. Mais le problème n'était pas ma capacité de produire 500 repas par jour; le problème était la capacité des clients de payer 5 $ pour un repas.

Tout notre système économique est basé sur ma capacité d'acheter. Alors, va-t-on financer l'achat et non pas la production? Va-t-on arrêter de subventionner Hyundai pour qu'ils viennent établir une usine qui est sous-utilisée, à 20 %, 40 % ou 80 % de sa capacité, parce que les gens n'ont pas les moyens d'acheter? Ça fait 10 ans, ça fait 15 ans qu'on fait ces erreurs-là. Vous n'êtes pas tannés? Arrêtez, ce n'est pas le bon moyen. Essayons-en un autre. Ça se peut que le nôtre ne soit pas le bon. Y en a-t-il d'autres? Mais, arrêtons de penser de la même façon. Ça ne marche pas!

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, ça va?

M. Savoie: Merci, ça répond à mes questions, et je trouve ça intéressant...

M. Le Clerc: Je suis disponible n'importe quand pour vous conseiller.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Moi, j'ai une petite question, aussi, effectivement. Je voudrais savoir si ça existe, un système comme ça sur notre planète...

M. Audet: Je voudrais juste...

Le Président (m. lemieux): o.k. allez-y, m. le député de beauce-nord. j'irai à une petite question après pour passer la parole ensuite à m. le député de bertrand.

M. Audet: C'est juste sur ce que vous venez de mentionner. Vous avez cité à quelques reprises le cas de Hyundai. Il n'y a pas que ça, je crois même si je pense que les Québécois avaient tous les moyens d'en acheter une, est-ce qu'ils en achèteraient une? On regarde, il y a beaucoup de voitures japonaises, des voitures américaines, bon.

M. Le Clerc: Ça n'a pas d'importance. Ça n'a pas d'importance, monsieur. De l'argent, ça sert à quoi? À acheter. Il n'y a pas d'autre finalité à ça. Tout mon système économique assez paradoxalement est basé sur ma capacité d'acheter. Qu'il achète une Hyundai, oui, je donne Hyundai parce qu'on l'a subventionnée tellement généreusement qu'ils devraient nous en donner chacun une. Mais je dis une Hyundai, ce sera Chrysler, «I do not care»; vous achèterez n'importe quelle, vous ferez n'importe quoi. D'ailleurs, quand je fais mes conférences sur le RAGUI, je fais faire le calcul aux gens pour qu'ils réalisent que leurs revenus doublent. Le revenu net hebdomadaire double pour toute ma vie, pas pour trois semaines.

Mais là, je fais l'exercice avec eux. Qu'est-ce que tu vas faire? Hein? Tu gagnais 300 $, là, ta famille vient d'en gagner 600 $. Qu'est-ce que tu vas faire? Là, je m'en vais en vacances, je ne fais rien. Parfait. Deux mois, six mois de vacances, je te les donne. Pas de problème. Puis, après, tu vas faire quoi? Là, je ne le sais pas, je vais m'acheter un frigidaire. Parfait. On s'achète tous un frigidaire. O.K., deux semaines. Dans deux semaines, le frigidaire est payé. Il coûte 600 $, j'en ai 300 $ de plus par semaine. Pour réaliser que c'est 50 000 000 000 $ dans l'économie. Vous achèterez n'importe quoi, monsieur, avec votre revenu doublé, ça ne me fait rien. Vous allez acheter un produit que quelqu'un va produire et, pour le produire, il va avoir besoin de main-d'oeuvre. C'est ça qu'on veut, non?

M. Audet: Ce ne sont pas tous des produits qui vont être produits ici.

M. Le Clerc: Ça ne me dérange pas pan-toute, non plus. Ça ne me dérange pas pantoute. Ils viendront du Japon, «I do not care». Il y a quelqu'un qui va les manutentionner, il y a quelqu'un qui va les véhiculer. Le Japon paiera des taxes dessus. Ça, ça reviendra au gouvernement. Mais si je réalise que tout le monde dans

mon quartier a les moyens de payer 5 $ pour venir dîner dans un restaurant, qu'est-ce que vous pensez que je vais faire? Je vais réouvrir mon restaurant. La libre circulation des biens et services, il me semble qu'on est en plein dedans. Le libre choix de la concurrence, il me semble qu'on est en plein dedans et, moi, j'achète ça à 100 %. Je suis très capitaliste.

Le Président (M. Lemieux): Une dernière, M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Juste pour conclure sur ce que vous dites. Je sais que ça existe dans d'autres pays, on l'a mentionné tantôt. Maintenant, il y a un vieux dicton qui dit: Pêche un poisson pour quelqu'un, tu le nourris pour un repas; montre-lui à pêcher, tu le nourris pour la vie. Ce matin, le Forum pour l'emploi, je crois que c'est M. Larose, d'ailleurs, qui a soulevé le fait qu'au Québec, présentement, notre système fait en sorte qu'on a un système d'exclusion. Tu es chômeur, tu es assisté social, bon. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'envisager quelque chose - je ne sais pas si c'est une alternative, peut-être - d'envisager quelque chose qui fait en sorte, par exemple, qu'un chômeur pourrait gagner un montant pour qu'il ne puisse pas complètement délaisser le marché du travail? Est-ce que c'est...

M. Le Clerc: Le problème, monsieur, ce n'est pas qu'un chômeur ne gagne pas assez, ce n'est pas une job. C'est ça, le problème fondamental. Et moi, j'achète votre idée que, donne-moi pas un poisson, l'État-providence, je ne veux plus en entendre parler. Je n'ai pas besoin de la Providence, je n'ai pas besoin d'une mère; je suis un grand garçon, je suis capable de prendre soin de moi. Mais j'ai besoin d'outils, O.K.? Ces outils pour gagner ma vie, c'est la scolarisation. On a un très bon système d'éducation. Parfait! C'est un système de santé qui va permettre de rester fort et en santé, et capable de travailler, je pense qu'on l'a. N'allons pas couper là-dedans, c'est un investissement à perte phénoménal.

Je ne veux pas donner un poisson à quelqu'un, et lui dire: Je te nourris, reviens demain, je vais t'en donner un autre. On lui donne au maximum 150 $ par semaine. Ce n'est pas assez pour vivre dignement, c'est assez pour arriver. Ça nous donne une certaine sécurité. Qu'est-ce qu'il va faire, le monde? Moi, je travaille avec des gens démunis. Je n'en connais pas qui ne sont pas actifs. Ce n'est pas vrai que tu restes devant ta télévision 40 heures par semaine à regarder «Les Tannants». Hein? À un moment donné, tu te tannes des «Tannants», tu fais autre chose.

Tu vas tricoter des pantoufles en phentex, tu vas gosser des couteaux. Tu vas faire n'importe quoi. Pafait! Tricotes-en, des pantoufles en phentex et, quand tu en auras donné à tous tes voisins, tes belles-soeurs, tes beaux-frères, je vais te les acheter, tes maudites pantoufles, et tu vas devenir une petite PME. C'est extraordinaire. Et plus tu vas en vendre, des pantoufles en phentex, moins tu vas me coûter cher. C'est extraordinaire. Je ne veux pas te donner un poisson, mais je veux te donner une bonne ligne à pêche, par exemple.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Beauce-Nord?

M. Audet: Ça va. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, je veux vous souligner, d'abord, dans un premier temps, que le président du Conseil du trésor était effectivement au Conseil des ministres. Alors, il avait des obligations ministérielles. Il est revenu parmi nous. (17 h 50)

J'avais envie de vous poser une petite question. Moi, je suis bien conscient... Si je regarde ça... Mais j'essaie d'être plutôt pragmatique, d'être assez pratique. Vous savez, pour qu'on puisse acheter des choses... et pour acheter des choses, il faut de l'argent. On s'entend là-dessus? Ma petite fille me disait récemment: L'argent... Je lui disais: Ça ne sort pas des arbres. Elle me répond: Non, ça sort des murs - parce que quand elle vient avec moi chez Desjardins... Alors, vous voyez que les choses ont changé. Il faut bien que ça sorte des murs, ça ne tombe plus des arbres. J'ai compris que les choses peuvent changer. Mais tout ce que vous nous demandez, c'est notre système de valeurs, complètement que vous voulez transformer. Vous êtes bien conscient de ça?

M. Le Clerc: Bien sûr, et j'espère.

Le Président (M. Lemieux): Et vous êtes bien conscient que c'est une génération que vous...

M. Le Clerc: Bien sûr, et j'espère.

Le Président (M. Lemieux): Autre chose que je veux vous demander: Ça existe-t-il quelque part sur notre planète?

M. Le Clerc: Non, monsieur. Si j'avais un tableau noir, je vous ferais un show extraordinaire parce que je suis très bon avec le tableau noir. L'invention de la roue... Avant qu'on invente la roue, il n'y en avait pas, de roue, et ça allait mal. Les roues étaient carrées, hein! Tout le monde disait: Ça va mal. Il y a une espèce d'illuminé, à un moment donné, qui a inventé une chose qui s'appelle la roue, et on a réalisé, maudit, que ça va bien.

Non, ça n'existe nulle part, monsieur. Il n'y

a pas un État au monde qui applique le RAGUI. Est-ce une raison pour ne pas l'inventer?

Le Président (M. Lemieux): Non, non. Écoutez, je ne porte pas de jugement.

M. Le Clerc: Je ne suis pas le génie qui l'a inventé.

Le Président (M. Lemieux): Non, non. Je suis bien conscient que vous ne sortez pas de la...

M. Le Clerc: Mais vous pouvez me donner le prix Nobel.

Le Président (M. Lemieux): Je suis conscient que vous ne sortez pas de la lampe d'Aladin.

M. Le Clerc: Non, effectivement.

Le Président (M. Lemieux): Ça, j'en suis bien conscient, de ça. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que, dans le système de valeurs dans lequel on vit, il faut de l'argent, il faut des emplois...

M. Le Clerc: Oui.

Le Président (M. Lemieux): ...et ainsi de suite, et il serait difficile pour nous d'en arriver à établir un tel système sans ne pas conserver certaines valeurs qui sont encore essentielles, à savoir celle du plein emploi.

M. Le Clerc: Bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): Vous êtes bien conscient aussi que ça n'enlèverait pas toute la pauvreté, que la pauvreté serait toujours là.

M. Le Clerc: Bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): Qu'on aurait encore des coûts fixes.

M. Le Clerc: Bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Le Clerc: Bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): O.K.

M. Le Clerc: Mais il y a une différence entre la pauvreté et la misère.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Le Clerc: Nous, ce qu'on vise, c'est de faire disparaître la misère. 150 $ par semaine, ça, c'est la pauvreté, et on se dit: C'est correct. T'en veux plus... C'est tout ce que je te donne.

Je te tiens dans la pauvreté. Je te garantis que tu ne seras plus dans la misère. Si tu en veux plus, fais des pantoufles en phentex. Pas de problème!

Le Président (M. Lemieux): Puis il faut les vendre, nos pantoufles en phentex.

M. Le Clerc: II y aura bien quelqu'un... J'ai de l'argent pour en acheter, et de l'argent, ça sert rien qu'à ça. C'est phénoménal de voir comment les pauvres, on dépense. Hein! C'est bien connu que, quand on reçoit notre chèque de BS, la dernière semaine, on n'a plus une cent parce qu'on l'a tout dépensé.

Le Président (M. Lemieux): C'est évident. Écoutez, je ne voudrais pas que vous pensiez que je veux ridiculiser votre raisonnement...

M. Le Clerc: Non, non, non, non.

Le Président (M. Lemieux): ...mais je me souviens d'une personne qui était créditiste à Ottawa, dans les années 1962...

M. Le Clerc: Oui, bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): ...et qui disait: La politique du plein emploi, il n'y a pas de problème. Pour creuser un trou, on va prendre 30 hommes au lieu de prendre une pelle mécanique.

M. Le Clerc: Bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): On vient de régler le problème du plein emploi.

M. Le Clerc: Non. Moi, je ne veux surtout pas. Moi, qu'un robot visse des boulons après la machine Hyundai, je trouve ça merveilleux. Je ne voudrais surtout pas être poigne pour les visser...

Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha!

M. Le Clerc: ...et je ne pense pas qu'il y ait un être humain qui rêve d'être visseur de boulons d'Hyundai.

Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Le Clerc: O.K. Mais on rêve tous de la même chose, on rêve d'avoir des moyens. Ce qu'on vous dit, c'est: Oui, c'est un changement. C'est un changement de société, bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): Vous en êtes conscient.

M. Le Clerc: On n'appelle plus ça un projet de société parce que ça fait peur au monde,

mais je suis bien conscient que vous le réalisez.

Le Président (M. Lemieux): Non, ça ne me fait pas peur.

Alors, M. le président du Conseil du trésor, il reste une minute et ^mie. Alors, M. le président du Conseil du trésor.

M. Le Clerc: Oui. Je m'excuse d'avoir été long.

Le Président (M. Lemieux): Non, non, c'est très intéressant.

M. Johnson: Merci, M. le Président. En m'excusant d'abord auprès de nos interlocuteurs de n'avoir pu être des vôtres une partie de l'après-midi. On ne peut pas être partout à la fois, évidemment. Alors, il ne faut pas interpréter ça comme un signe de manque d'intérêt, mais comme des conflits inévitables d'horaire.

J'ai pris connaissance quand même de votre document, et j'aurais un commentaire d'abord sur les notions de misère et de pauvreté. Moi, je crois comprendre de votre définition, enfin de votre discours, que la pauvreté, c'est une notion relative. On trace un seuil et on découvre au Canada - je lisais ça récemment parce que je m'intéresse à ces choses-là - que, lorsqu'on calcule le nombre de pauvres, on y compte un étudiant de 18 ans ou 19 ans qui habite chez ses parents, qui n'a pas de revenus, et qui va à l'université. Il est pauvre, lui, dans nos... Il est loin d'être pauvre dans les faits - on va se comprendre là-dessus - mais il n'a pas de revenus. Il est chez ses parents, et il va au cégep ou à l'université. On le dénombre dans les pauvres au Canada, peu importe le niveau familial, le revenu. C'est un petit peu extraordinaire.

Deuxièmement, c'est une notion relative, là aussi, parce que... Qu'est-ce que c'est, la pauvreté, dans notre pays par opposition à un autre pays? Sous toutes réserves que ma mémoire ait failli, 49 % des gens qui se disent pauvres, au Canada, ont au moins un appareil couleurs, une voiture à la porte et deux appareils ménagers à la maison. Alors, encore une fois, c'est une notion assez relative.

La misère n'est pas une notion relative; la misère, c'est que dans toute circonstance on court après les choses essentielles et nécessaires à la vie, compte tenu des circonstances. Dans notre climat, c'est un logement d'un certain standard, évidemment, c'est une certaine diète, également, c'est l'accès à des biens qui viennent donner un minimum de confort physique.

Ceci étant dit, il faut mettre les choses en perspective. Je comprends que vous voulez vous attaquer à la misère, c'est ce que je lis dans ce que je pourrais appeler votre résumé, d'ailleurs, s'attaquer à la misère, pas nécessairement à toute la pauvreté. La façon dont vous voulez le faire, cependant, m'apparaît très logique dans un système économique fermé, où on produirait au Québec tous les biens que nous consommons au Québec. Donc, qu'on n'importait pas et qu'on n'exportait pas non plus. Si, pour le financement, vous devez lever certains impôts, les distribuer différemment, notamment sur les entreprises, vous recommencez. C'est un discours qu'on a entendu, sous prétexte qu'une entreprise n'a pas payé d'impôt cette année, même si elle a fait des profits, il faut se souvenir que les règles fiscales font en sorte que les pertes sont reportables parce que, autrement, on taxe le profit l'année où c'est profitable, mais on ne remettrait pas de crédit d'impôt l'année où tu fais des pertes. Donc, au fil des ans, on taxe le capital de l'entreprise jusqu'à ce qu'il disparaisse.

Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas avec cette notion-là, parce qu'il y a des années qui sont bonnes et des années qui ne sont pas bonnes. Disons qu'on oublie tout ça, ce problème d'application très réel, la loi sur l'impôt, sur le revenu des entreprises. Il n'en reste pas moins que vous voulez augmenter les coûts de production de nos entreprises, mais vous ignorez par là qu'on exporte maintenant à peu près 50 % de notre produit intérieur brut. À peu près 50 %. et que, par ailleurs, on doit, si on veut être davantage concurrentiel, tenir compte de ce facteur-là, de l'ouverture des frontières, pour pouvoir maintenir notre capacité d'acheter 40 % de production, où on s'alimente à l'étranger.

Je dis bien: Dans les systèmes fermés, il n'y a pas de problème avec ça, on s'échange notre temps, en réalité. Mais dans un système ouvert, je ne vois pas comment, si l'ensemble du monde industrialisé ne souscrit pas à votre projet, comment il pourrait être applicable ici au Québec.

M. Le Clerc: Je vais essayer de vous répondre et de vous l'expliquer. D'abord, c'est vrai qu'on s'attaque à la misère et non à la pauvreté. La misère, c'est, à vue de nez, avoir la moitié du seuil de la pauvreté. Ça, ça commence à être la misère, et il y a trois façons d'évaluer le seuil de la pauvreté: les évêques canadiens, Statistique Canada, peu importe lequel, ils ne s'obstinent pas beaucoup entre eux. Pour nous, la misère, c'est la moitié de ça. Je vous ferai remarquer que sur les 1 500 000 individus qui vivent au Québec sous le seuil de la pauvreté, 60 % vivent avec moins de la moitié du seuil de la pauvreté. Alors, pour moi, c'est ça, la misère.

Ceci étant dit, vous avez tort de dire qu'on augmente les coûts de production en chargeant aux entreprises 1 % de leur chiffre d'affaires, parce que les études qu'on a faites - si mes chiffres ne sont pas bons, je pourrais m'asseoir avec vous autres pour les refaire, n'importe quand - démontrent que parce

qu'il y a plus d'assurance-chômage, parce qu'il y a plus de bien-être social, parce qu'il y a plus de charges d'employeurs, ça représente, net, une augmentation des profits pour chacune des entreprises. On a fait des études, bien sûr, aléatoires sur trois types d'entreprises: une très petite, une moyenne et une grosse. Alors, ce n'est pas vrai que ça augmente les coûts de production.

Par ailleurs, si mes employés recevaient chacun 150 $ par semaine chez eux, que leur femme en recevait autant, et que leurs enfants en recevaient 50 $, 75 $, ou 100 $, selon leur âge, sans doute que les négociations collectives seraient beaucoup plus faciles aussi, ce qui me permettrait d'avoir une masse salariale sans doute plus raisonnable, et de concurrencer parce que je deviendrais très productif, parce que la consommation interne serait très élevée, ce qui me permettrait sans doute de faire des chemises à relativement bon marché, à bon coût, et d'en exporter... et ce serait le miracle.

M. Johnson: Oui, effectivement. M. Le Clerc: Ce serait un miracle.

M. Johnson: Oui, il faut croire au miracle. (18 heures)

M. Le Clerc: C'est-à-dire que je ne vous demande pas de croire au miracle, M. le ministre, je vous demande simplement d'étudier cette hypothèse sérieusement. Je vous offre mes services - je ne peux pas être plus généreux que ça. Je ne vous vends pas mon idée, je vous la donne et je la donne à n'importe quel gouvernement. Je pense, j'ai la prétention de croire, et nous sommes deux et quelques milliers de nos membres, nous pensons que nous avons trouvé quelque chose de génial. Ça se peut qu'on se trompe. Ça se peut fort bien. Mais ça fait quatre ans qu'on se promène à travers le Québec, qu'on présente ce dossier-là à toutes sortes de monde, des économistes, des assistés sociaux, pas juste des pauvres. Bien sûr, quand je dis à un pauvre: Tu vas devenir riche, il me croit, bien sûr, et il m'achète. Ça, c'est facile. Mais on l'a présenté à toutes sortes de monde. Il n'y a jamais personne qui nous a dit que nos chiffres étaient faux. Peut-être qu'ils le sont. Dites-le-moi que je ferme ma boîte et que je fasse autre chose. Si j'ai tort, ayez la décence de me le dire, mais, s'il vous plaît, assoyons-nous ensemble et faisons les calculs ensemble. La commission Macdonald est arrivée à ces conclusions-là. Elle a coûté je ne sais pas combien de millions. Ça se peut qu'ils se soient trompés.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, allez-y. C'est intéressant.

M. Johnson: Évidemment, monsieur nous a rappelé très pertinemment que la source des revenus fiscaux, c'est 1 % du chiffre d'affaires. C'est ça?

M. Le Clerc: Oui.

M. Johnson: D'accord? 1 % des chiffres d'affaires de toutes les entreprises.

M. Le Clerc: Oui, oui.

M. Johnson: II ne faut pas oublier, c'est une notion assez simple pourtant, mais il faut la rappeler, il y a des entreprises qui font de l'argent, qui ont une certaine rentabilité sur leurs actifs ou leur capital en raison de la vitesse à laquelle elles font tourner l'inventaire. Le service de distribution alimentaire en est un.

M. Le Clerc: Oui.

M. Johnson: Ils ne font pas vraiment plus que 2 % de profits sur le chiffre d'affaires.

M. Le Clerc: Oui.

M. Johnson: Vous voulez leur charger 1 %, vous voulez leur charger 50 % d'impôt sur leurs profits.

M. Le Clerc: Non.

M. Johnson: Alors, ne venez pas me dire qu'il n'y a rien là...

M. Le Clerc: Non, non.

M. Johnson: ...et que ça va créer de l'emploi si on taxe 50 % des profits de certaines entreprises. une entreprise qui fait 4 % de profits sur son chiffre d'affaires - et ce n'est pas rare, là - et ça peut être très rentable, vous venez chercher 25 % d'impôt sur les profits de l'entreprise. non seulement ça, mais vous le prenez à chaque étape dans la chaîne de production, taxant de 1 % du chiffre d'affaires chaque transfert qui se fait, du producteur au grossiste, au distributeur, au détaillant. vous êtes en train de taxer jusqu'à les confisquer les profits du dernier vendeur. est-ce que je peux vous dire que les entreprises vont augmenter leurs prix si elles veulent du rendement sur leur capital? dans un système fermé, vous avez raison, je vous le répète mais dans un système où les biens, que ce soient des aliments, que ce soit quoi que ce soit, viennent de partout, ça ne peut pas marcher. on ne peut pas être en concurrence comme du monde avec des gens qui paient 15 % ou 20 % d'impôt sur le revenu d'une société, d'une corporation, et vous, vous leur annoncez qu'ils vont payer entre 25 % et 50 %. pensez-y pas! vous venez de couper en deux la rentabilité sur le capital investi; donc, les gens vont avoir intérêt non pas à investir dans une entreprise,

mais à mettre leur argent à la banque, dans un autre pays de préférence si je comprends bien, parce que, ici aussi, les services financiers vont être taxés sur leur chiffre d'affaires, et qui sont dans des marges infinitésimales sur un chiffre d'affaires.

M. Le Clerc: Si vous me permettez de répondre, M. le ministre, et je vous invite à relire le document, on dit que le 1 % du chiffre d'affaires... D'abord, c'est un exemple. Si on me dit que ce n'est pas 1 %, moi, je n'ai pas de problème. On dit aussi que ce 1 % est très malléable. Bien sûr, le petit épicier du coin qui a une marge de profit de 3 % sur ses produits, qu'on le taxe à 0,2 %, je n'ai pas d'objection. Et si on veut, par exemple, relancer un certain type d'entreprise, les scieries, on veut relancer les scieries québécoises, au lieu de les taxer à 1 %, on les taxera à 0,3 %, je n'ai pas d'objection. Le principe, si vous voulez qu'on discute des chiffres, moi, je suis prêt à le faire, n'importe quand.

Ce que je vous demande d'examiner, c'est le principe que de financer de cette façon le gouvernement pourrait être rentable. Si vous acceptez cette façon de regarder le problème... Le 1 %, je n'y tiens pas, hein? Mais acceptez-vous que ça pourrait marcher et êtes-vous prêt à faire les calculs? Êtez-vous prêt à me prêter un de vos fiscalistes pendant six mois pour qu'on fasse ensemble les calculs, M. le ministre?

M. Johnson: Ce que je remarque, c'est que vous êtes en train... Si vous ne vous mariez pas au 1 %, vous êtes disposé à avoir des taux qui varient selon les entreprises pour ne pas leur nuire... Je vous promets, je vous jure et je vous certifie que c'est ça que les gouvernements essaient de faire depuis des années et qu'on tient compte par les dépenses fiscales de la nature de l'entreprise, qu'on tient compte de sa localisation dans une région, qu'on tient compte du fait que c'est une région-ressource, ou la transformation d'une ressource, et, donc, tranquillement, à force de questions, je crois comprendre qu'on est en train de vous amener de notre côté plutôt que ce soit l'inverse...

M. Le Clerc: Absolument pas, parce que vous taxez...

M. Johnson: ...et que vous êtes en train d'adapter votre discours et votre structure fiscale aux circonstances un petit peu. c'est ça que je trouvais.

M. Le Clerc: Non. Ce que vous taxez à l'heure actuelle, c'est les profits des entreprises. Nous, on taxe les chiffres d'affaires. C'est très différent. Je suis prêt à tenir compte dans ma taxation, effectivement, s'ils sont à Rivière-du-Loup versus le quartier Hochelaga-Maisonneuve. mais ce n'est pas les profits. j'ai eu un commerce assez longtemps pour savoir que des profits, on n'en fait pas quand on est en affaires.

Le Président (M. Lemieux): II reste 30 secondes.

M. Johnson: Pour remercier monsieur de l'intérêt qu'il porte à la chose publique. C'est toujours ce qui me frappe. C'est que les gens saisissent des occasions de venir nous donner leur éclairage. Et de l'éclairage, c'est le contraire de ce qui se passe d'habitude, de l'éclairage peut jaillir une étincelle, à l'occasion. Peut-être que je n'ai pas été ici assez longtemps pour la saisir cette fois-ci, mais ça a été intéressant. Ça a été intéressant.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le président du Conseil du trésor. Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire.

Je dois ajourner les travaux à demain...

Une voix: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Pardon?

Une voix:...

Le Président (M. Lemieux): Ah! Je m'excuse. Je m'excuse. Je m'excuse. Je croyais que... Vous voulez intervenir, M. le député de Montmorency?

M. Filion: Bien, on avait, oui, des interventions...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le député de Montmorency. Je pensais que vous ne vouliez pas intervenir. Je m'excuse.

M. Filion: Oui, oui, oui. M. le député de Bertrand...

Une voix: Vous avez posé une question... Une voix: On vous a laissé aller. Une voix: ...on vous a laissé aller. Le Président (M. Lemieux): Ça va.

M. Filion: On vous avait demandé la permission pour...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, la parole est à vous.

Une voix: Non, c'est au député de...

M. Filion: M. le député de Bertrand, d'abord.

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le député de Bertrand. La parole est à vous, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

D'abord, je tiens à vous féliciter pour la façon éloquente dont vous avez transmis, en quelque sorte, le message de ceux qui se sentent de plus en plus marginalisés dans le système économique. Je ne puis m'empêcher de faire un certain rapprochement avec la présentation qui nous a été faite auparavant par le Regroupement des payeurs de taxes du Québec. De la même façon que le Regroupement des payeurs de taxes venait donner, en quelque sorte, une sorte de cri du coeur de ce que ressentent véritablement plusieurs contribuables québécois, avec les moyens du bord, puisque c'est une association tout à fait jeune et avec des moyens limités, de la même façon, vous, avec les moyens du bord, avec des moyens limités, je pense que vous avez livré un message très intéressant de la part de ces marginalisés de l'économie, mais qui refusent de se considérer, de se voir consignés à un rôle de pique-assiette de la société.

On peut diverger d'opinions sur les pistes de solution qui sont avancées, mais il y a quelque chose, il y a un objectif où vous vous rejoignez, les deux regroupements: c'est de faire en sorte que le citoyen québécois, la citoyenne québécoise ait un revenu disponible adéquat, à la fois pour avoir une qualité de vie décente et pour pouvoir contribuer de façon efficace à la vie économique du Québec.

Trois petites questions de précision très simples. Vous avez parlé, enfin, vous articulez votre présentation autour du concept d'un revenu minimum garanti. À quel niveau établiriez-vous ou de quel ordre de grandeur verriez-vous ce revenu minimum garanti, d'une part? Est-ce que ce revenu minimum garanti serait taxable, d'autre part? Je pense que, pour le bénéfice de ceux qui suivent les délibérations de la commission, ce serait intéressant de préciser comment vous voyez ce concept-là remplacer ou substituer, enfin, ce qui existe à l'heure actuelle, sous forme de bien-être social, et qui suscite pas mal de controverse dans la société? Finalement, si j'ai bien compris, vous acceptez le principe de la taxe à la consommation. Mais est-ce que vous la concevez avec un taux fixe, comme c'est le cas à l'heure actuelle, ou si vous envisagez plutôt une taxe modulée, comme ça se fait dans la plupart des pays européens qui ont recours à ce système de taxation? (18 h 10)

M. Le Clerc: O.K. Il y a plusieurs questions. D'abord, le niveau de revenu adéquat garanti, on parle de 50 $ à la naissance par semaine; c'est un revenu hebdomadaire qui est versé directement dans les comptes de banque par informatique. On a calculé, j'ai un de mes amis informaticien, ça prend exactement 4 h 58 min, je pense. Alors, 50 $ à la naissance, 75 $ à partir de 7 ans, 100 $ entre 14 et 18 ans et 150 $ pour 18 ans et plus jusqu'à la mort. Est-ce que c'est taxable? Bien sûr, puisque c'est la consommation qui est taxable. Si je dépense 100 $ dans une semaine, je vais payer 10 $ de taxes, c'est tout. Si j'en dépense 150 $, je vais payer 15 $. Si j'en dépense 10 000 $, je vais en payer 1000 $. Comment ça pourrait s'instaurer comparativement au bien-être social à l'heure actuelle? Bien, ça nous permettrait de congédier quelques boubous macoutes. Ça pourrait s'instaurer assez facilement.

Dans un de mes rêves - parce qu'il faut bien rêver; mais le rêve, ce n'est pas le RAGUI, ce serait son application - dans un de mes rêves, on décide ça un lundi matin, on envoie les chèques et, le vendredi après-midi, le gouvernement reçoit la taxe. C'est comme ça. Vous ne recevrez plus de bien-être social, un chèque mensuel. A tous les lundis matin, vous allez avoir de l'argent dans votre compte. Mais c'est tout, vous n'en aurez pas d'autre. On ne vous paiera plus vos lunettes, sauf pour des clientèles spécifiques, les personnes âgées, les handicapés, etc. Pour un individu en santé, au lieu de faire un programme, APTE, APPORT, savoir s'il est disponible ou non disponible, compétent ou pas compétent, formation exclue ou incluse, etc., on t'envoie de l'argent et tu t'en occupes.

La taxe modulée, bien sûr. Un des objectifs du RAGUI, c'est de faire en sorte que le gouvernement se finance et n'ait plus de déficit. Alors, bien sûr que cette taxe peut être modulée. Elle peut être de 10 % une année, de 12 % une autre année, de 9 %... Moi, je vous dis, les calculs que nous avons faits - ça se peut qu'ils soient faux - c'est à 22 % que ça commence à être... où, comme citoyen, j'ai une diminution de mes revenus. Alors, entre ça, en dessous de 22 %, bien sûr. L'objectif, c'est que le gouvernement n'ait plus de déficit. C'est un de nos objectifs.

Ce qu'il y a de merveilleux avec le RAGUI, c'est que c'est non seulement un revenu adéquat garanti universel et indexé pour les individus, mais aussi pour le gouvernement. M. le ministre parlait des coûts: Les gens vont augmenter le coût des produits qu'ils vont vendre. D'abord, il y a certaines mesures. Je me souviens d'un premier ministre canadien qui avait gelé les salaires. Si on a été capables de geler les salaires, on devrait être capables de geler les prix, à un moment donné, si le besoin est. Et, par ailleurs, plus les prix seront élevés, plus le gouvernement aura des revenus: 10 % d'une table à 100 $, ça donne 10 $; 10 % d'une table à 150 $, ça donne 15 $.

Le problème n'est pas le prix que vous vendez votre auto. Le problème est: Est-ce que j'ai les moyens de la payer? Si vous vendez votre auto 50 000 $ et qu'elle en vaut 20 000 $, et que je suis assez fou pour la payer 50 000 $, c'est mon problème. Et c'est dans ce sens-là que

l'État-provkJence ne doit pas intervenir. Mais si j'ai 50 000 $ et que je décide de l'acheter, je suis un grand garçon, je vais assumer mes responsabilités et je vais la payer 50 000 $. Le problème de notre société n'est pas ma volonté ou non de travailler ou de consommer, c'est ma capacité de consommer.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président.

D'abord, j'aimerais féliciter et remercier ces gens qui ont bien voulu présenter un mémoire qui vise et qui veut représenter les démunis de notre société, et qui, en même temps, cherchent des solutions pour qu'on puisse, tout le monde, avoir la possibilité d'évoluer et de pouvoir grandir dans notre société.

Je trouve que la solution apportée, le RAGUI, est une solution très innovatrice, une solution un peu unique, une solution qui, à toutes fins pratiques, comme vous le disiez tout à l'heure, n'a jamais fait l'objet d'implantation nulle part sur la planète. Il est évident que ce genre de solution qui a des aspects très intéressants, c'est bien sûr, où on oriente complètement la taxation vers la consommation, on oublie et on ne parle plus de taxation de l'impôt sur le revenu.

Mais il demeure quand même des éléments importants qui vont venir un peu, dès qu'on va commencer à étudier le système, le rendre difficile à appliquer, très difficile à appliquer, parce que, d'abord, comment voulez-vous considérer... L'entreprise de services en tant que telle, son chiffre d'affaires, c'est du tant. Le manufacturier, lui, c'est de manufacturer des produits, et il a un coût important. Alors, vous parlez d'un montant de 1 % du chiffre d'affaires. Immédiatement, vous allez rentrer dans des nuances d'application, vous allez rentrer dans des situations d'exception. Vous allez vous heurter à des problèmes vraiment distincts, d'une entreprise à l'autre.

Également - j'attire votre attention, en même temps ce sera une question - vous y allez carrément sur une taxe à la consommation, mais vous allez également créer des distorsions économiques, parce que - et le président du Conseil du trésor, tout à l'heure, le soulevait - dans un marché fermé, bon, ça peut fonctionner, mais, dans un marché ouvert où on est en relation étroite avec tout le continent américain au niveau des échanges et des transactions commerciales, on va se retrouver dans des problématiques évidentes d'application. Et je vous lance un exemple.

Regardez, actuellement, on a une problématique de contrebande du tabac. Pourquoi? Parce que notre taux de taxation, chez nous, est plus élevé que le taux de taxation américain. Et ce qui se produit, c'est qu'on rentre dans des distorsions de transactions économiques. Alors, comment voulez-vous... Vous allez vous retrouver avec quoi, une taxe à la consommation qui va ressembler à des taux d'impôt sur le revenu? Le tabac, ce sera 10 %; l'alimentation, ce sera 12 %, en général; la production, ce sera 22 %. Vous allez vous retrouver quelque part, si on ne réussit pas à mettre le continent américain, entre guillemets, appelons-le comme ça, dans un système où on l'applique tout le monde ensemble, vous allez vous retrouver quelque part à vouloir suivre toutes les exceptions du marché. Et pour suivre toutes les exceptions du marché, vous allez vous retrouver avec une taxe à la consommation qui, probablement, ressemblera à des taux ou à différents paliers de taxation au niveau de l'impôt sur le revenu. Et c'est un peu ma crainte. J'aimerais que vous commentiez un peu ce genre d'approche là.

M. Le Clerc: Avec plaisir. Vous dites que notre système n'est pas parfait. J'espère qu'il ne l'est pas. J'espère qu'on n'est pas assez brillant pour avoir réussi à inventer quelque chose. Mais c'est vrai que notre système a besoin d'être raffiné, peaufiné, d'être examiné, et on vous le soumet en vous demandant: Aidez-nous à l'examiner, s'il vous plaît! vous avez des ressources. Mais je vous ferai remarquer que notre système d'imposition tel qu'on le connaît est très différent d'il y a 40 ans. Il a été en modification perpétuelle depuis 40 ans, et vous vous apprêtez à y faire encore des modifications, et c'est tout à fait normal. Un système sclérosé qui ne bougerait pas craquerait, c'est bien évident.

En ce qui concerne la contrebande de cigarettes, je vous ferai remarquer que les cigarettes sont taxées à, je ne sais pas, 80 % de leur coût de production.

M. Filion: 70 % du prix vendant.

M. Le Clerc: Bon. Si, demain matin, on ne les taxait qu'à 25 %, ce serait de la contrebande dans l'autre sens qu'il y aurait probablement. Alors, c'est sûr, on ne vous dit pas et on n'a pas la prétention de vous dire: Voici la réponse sociétale à tous les problèmes de notre société. Ce qu'on vous dit, c'est: Voici une idée innovatrice. Et c'est son handicap, elle est trop neuve. Pourtant, c'est depuis 1975 qu'elle circule au niveau des économistes, mais ça a l'air qu'elle vient d'arriver du ciel. Elle fait peur. Bien sûr qu'elle fait peur. Quand je vous dis que je suis un récent converti, quand Robert me parlait depuis 25 ans... Ça fait 25 ans que je le connais, ça fait 25 ans qu'il me parle de ça, j'ai passé 20 ans à rire de lui, à dire: Réal Caouette, nommons-le, hein! tu es un fervent admirateur de Réal. Bon. Mais, ceci étant dit, quand j'ai pris un crayon et que je me suis mis à compter, je me suis dit: Ma foi du bon Dieu, c'est faisable! Ça ne règle pas tous les problèmes. C'est vrai

que ça ne règle pas tous les problèmes. C'est vrai que ça en suscite d'autres, bien sûr. Mais est-ce que notre société actuelle, dans le système actuel, n'a pas beaucoup de problèmes et des problèmes insolubles?

Moi, je vous dis: M y a peut-être une piste de solution. J'aimerais qu'on me dise plus que: C'était bien intéressant, vous avez fait un bon show. Je le sais que je fais un bon show. Achetez mon idée, s'il vous plaît! Mettez trois économistes, travaillez là-dessus pendant six mois. C'est tout ce que je demande. Et si ce n'est pas faisable, dites-moi que je suis un illuminé, et je deviendra! un prêcheur dans le désert. Puis ce n'est pas grave. Mais, s'il vous plaît, étudiez-le. Et si c'est faisable, qu'attendons-nous?

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Montmorency? Vous avez terminé?

M. Filion: Je voudrais terminer, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, vous pouvez terminer. (18 h 20)

M. Filion: D'abord, je ne veux surtout pas dire que c'est une question d'idée d'illuminé. Ce n'était pas du tout dans le sens qu'étaient mes interrogations. On doit dire que c'est une idée très innovatrice où on déplace complètement les règles du jeu, où on repart pratiquement à zéro. Ça me fait penser un peu, si on voulait faire des comparaisons, quand on repart une économie après une guerre. Là, vous nous amenez une espèce de solution où il faudrait prendre toutes les règles en place, les envoyer promener et dire: Écoutez, essayez mon idée.

Alors, vous constaterez avec moi que ce genre de révolution aussi grande que vous suggérez nous porte à nous questionner, et on voit déjà... Moi, je vois déjà des problèmes incroyables d'application. Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'on ne doive pas continuer le cheminement, continuer à réfléchir et à faire peut-être, effectivement, des projections économiques. Je pense que, dans ce sens-là, on a pris bonne note de votre mémoire, soyez-en sûr, et surtout on a écouté avec intérêt l'objectif que vous recherchez, qui est de redonner un peu, dans un système fiscal, la possibilité à des démunis de fonctionner et d'essayer de s'en sortir. Et ça, je pense que c'est important.

Je vous remercie de votre présentation. Ce fut très intéressant.

M. Le Clerc: Je voudrais juste conclure...

Le Président (M. Lemieux): Oui, monsieur, vous pouvez conclure, pas de problème.

M. Le Clerc: Très brièvement. Je suis très heureux que vous pariiez d'une guerre. Je ne sais pas si vous autres, vous le savez, mais il y a une guerre au Québec. Il y a 20 % de la population qui vit sous le seuil de la pauvreté, 15 000 itinérants à Montréal. Moi, je travaille avec eux...

M. Tremblay (Robert): Dans la misère.

M. Le Clerc: Oui, comme Robert dit, qui vivent dans la misère.

M. Tremblay (Robert): Pas dans la pauvreté.

M. Le Clerc: Eux, ils sont en guerre, et c'est de leur survie dont on parie. Puis là, je ne veux pas vous menacer, je ne veux pas vous faire peur, mais je vous dis juste: 15 000 itinérants; quand j'en ai 300 dans ma salle et qu'il y a un illuminé de la gang... parce qu'ils ne sont pas tous «stone» et ils ne sont pas tous pa-quetés, malheureusement, c'est beaucoup plus facile quand ils le sont, mais ceux qui sont conscients, le soir où il va y en avoir un, illuminé, qui va dire: On va magasiner chez Eaton à soir, je ne sais pas ce que je vais faire, et je vous dis: Ça s'en vient. Alors, oui, il y a une guerre. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, c'est parce que je reprenais certains propos avec le président du Conseil du trésor.

Alors, je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire et je ne peux pas m'empêcher de vous dire qu'effectivement, en ce qui me concerne, vous avez suscité ma curiosité intellectuelle. Jusqu'où? On verra dans l'avenir. Je vous remercie grandement de votre participation. Je dois ajourner maintenant les travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 23)

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