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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 4 mai 1993 - Vol. 32 N° 56

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé « L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec. Propositions de politiques pour le secteur financier du Québec »


Journal des débats

 

(Quinze heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! La commission du budget et de l'administration entreprend cet après-midi une consultation générale et des auditions publiques sur le document intitulé «L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec. Propositions de politiques pour le secteur financier du Québec». Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez tous reçu l'ordre du jour, qui se lit comme suit: Déclarations d'ouverture, 15 heures. Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec, 15 h 40. Trust Prêt et Revenu, 16 h 40. Suspension à 17 h 40. Nous reprenons nos travaux à 20 heures avec le Bureau d'assurance du Canada, et, à 21 heures, avec l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. L'ajournement est à 22 heures. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

M. Gautrin: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Adopté. Je vous remercie.

Permettez-moi de vous rappeler brièvement les règles de l'audition, telles que convenues entre les groupes parlementaires. La période des déclarations d'ouverture durera 40 minutes, réparties de la façon suivante: 20 minutes pour Mme la ministre déléguée aux Finances, et 20 minutes pour le porte-parole de l'Opposition officielle concernant les institutions financières, M. Holden, député de Westmount. La durée totale de l'audition des organismes entendus aujourd'hui sera répartie de la façon suivante: 1 heure, soit 20 minutes pour l'exposé du mémoire et 40 minutes pour les échanges avec les parlementaires; donc, 20 minutes pour le groupe parlementaire formant le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition. Le temps de parole des députés sera de 10 minutes, en respectant les règles de l'alternance dans les interventions. J'inviterais maintenant Mme la ministre...

M. Gautrin: M. le Président. Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Gautrin: Est-ce que ça veut dire que les députés ministériels ne peuvent pas faire de remarques préliminaires? Est-ce qu'on est tenu par cette entente? Je pense qu'il y avait un jugement de votre part, qui était...

Le Président (M. Lemieux): II a été convenu entre les groupes parlementaires qu'effectivement il y aurait un temps de parole de 20 minutes qui serait consacré... La commission est autonome. Effectivement, nous ne sommes pas liés, M. le député de Verdun, par cette entente entre les leaders. La commission est maîtresse de ses travaux, et, si vous m'en faites la demande, M. le député de Verdun, je n'hésiterai pas à vous céder la parole pour une déclaration d'ouverture...

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): ...considérant les droits des parlementaires, de part et d'autre. Alors, nous allons maintenant entendre Mme la ministre pour sa déclaration d'ouverture, pour une durée de 20 minutes.

Déclarations d'ouverture Mme Louise Robic

Mme Robic: Alors, je vous remercie, M. le Président.

M. le Président, il nous fait grand plaisir de prononcer aujourd'hui quelques mots à l'occasion de l'ouverture de la commission parlementaire sur l'énoncé de politique intitulé «L'appui au secteur financier: des dividendes pour le Québec», que j'ai rendu public le 11 mars dernier. Je suis d'autant plus satisfaite, M. le Président, de voir que l'industrie va activement participer à compléter le processus déjà entamé, à savoir le réalignement de l'environnement dans lequel oeuvrent nos institutions financières.

Le taux élevé de participation, soit par la voie de mémoires ou par la voie d'une présentation orale, et le fait que tous les acteurs du secteur financier soient représentés, démontre que ces institutions ont la volonté de s'outiller adéquatement à l'aube d'une ère nouvelle, qui en sera une de prospérité si nous choisissons ensemble les bonnes avenues. Il s'agit d'un projet de longue haleine, dont les retombées bénéficieront au public consommateur de produits financiers et à l'industrie elle-même.

Dans le cadre du débat sur le discours d'ouverture de la deuxième session de la trente-deuxième législature, il y a un an maintenant, j'ai mentionné que les réformes en cours, tant au Canada qu'à l'étranger, les traités internationaux qui touchent les services financiers, la

globalisation des marchés, de même que la conjoncture économique allaient immanquablement influencer le développement de nos propres institutions. J'ai également souligné que ces phénomènes contemporains nous forceraient à adapter nos politiques touchant le développement de nos institutions, leur surveillance et contrôle ainsi que tout autre volet de protection de l'épargne.

La protection de l'épargne n'étant pas un objectif statique, il nous faut sans cesse revoir notre politique, la remettre en question et l'ajuster aux conditions du marché. Cette protection n'est pas, non plus, un objectif désincarné, car elle est étroitement liée au développement de nos institutions et au bien-être économique de nos concitoyens et concitoyennes. C'est dans cet esprit que j'ai entrepris, à titre de ministre déléguée aux Finances, de concert avec l'industrie et toutes les parties intéressées, une réévaluation de nos politiques, et c'est ceci qui a donné lieu à mon énoncé.

Cet énoncé vise essentiellement à améliorer l'efficacité, la stabilité et la croissance du secteur financier québécois, tout en amorçant le début d'un nouveau cycle de développement de notre industrie des services financiers. Au chapitre de l'efficacité, les mesures que nous privilégions portent sur l'harmonisation des lois régissant les institutions financières au Canada, l'accès des institutions québécoises au réseau de la Caisse canadienne de dépôt de valeurs, la cohérence intersectorielle et la diminution des coûts inhérents au respect de cette réglementation.

En ce qui a trait à l'harmonisation des lois régissant les institutions financières au Canada, il faut noter qu'au fil des ans les gouvernements fédéral et provinciaux ont adopté des lois concernant le secteur financier. Ainsi, durant la dernière décennie, des différences importantes au niveau des approches retenues et des normes mises en place sont apparues, plaçant du même coup les institutions extraprovinciales face à des réalités difficilement conciliables.

Ces institutions sont également confrontées à des situations de double emploi et de chevauchement de réglementations. Le gouvernement fédéral prétend s'autoriser à réglementer les activités de ces institutions dans les provinces, une compétence qui est pourtant sauve dans le cas des banques de compétence provinciale. Les différences qui existent au niveau des approches et des normes introduites au Canada se sont traduites par des contraintes majeures qui entravent la compétitivité et l'efficacité des institutions financières et du système financier canadien dans son ensemble. En 1988, un processus intergouvernemental d'harmonisation des lois régissant les institutions financières a été amorcé pour améliorer la cohérence normative entre les divers secteurs, tout en simplifiant et rationalisant le cadre de réglementation et de surveillance des institutions actives dans plusieurs provinces.

Il est important de rappeler que l'harmonisation recherchée, qui vise à assurer une meilleure compatibilité des cadres de réglementation au Canada n'est pas synonyme d'uniformisation. À cet effet, chaque législateur doit pouvoir continuer à tenir compte des spécifici- tés et des objectifs socio-économiques qui lui sont propres, tout en demeurant conscient cependant des avantages inhérents au respect de normes minimales généralement reconnues aux plans national et international.

Comme le signale l'énoncé de politique, les propositions que nous mettons de l'avant veulent éviter d'entraver l'innovation en matière de règles et d'initiatives de surveillance et épargner aux sociétés extraprovinciales les coûts reliés à la superposition de ces règles initiatives, tout en mettant en place un régime globalement compatible, dans le cadre duquel chaque réglementation est substantiellement reconnue par les autres juridictions. Voilà l'objectif ultime que devrait permettre d'atteindre un exercice d'harmonisation des lois régissant les institutions financières agissant au Canada.

Je tiens à signaler que ces discussions intergouvernementales ont permis d'obtenir certains résultats très tangibles. En témoigne éloquemment une entente d'échange d'information entre le ministre responsable des institutions financières ainsi que la conclusion, en 1991, d'une première entente interprovinciale d'harmonisation. Depuis lors, la participation du gouvernement fédéral a ajouté à la complexité du processus d'harmonisation, notamment à cause des dédoublements auxquels j'ai fait allusion tantôt, et qui empiètent sur les compétences provinciales. (15 h 30)

Si le gouvernement du Québec a décidé d'élaborer activement une approche simplifiée à la réglementation et à la surveillance des institutions financières, il n'en demeure pas moins préoccupé par la protection de sa compétence sur toutes les institutions présentes sur son territoire. C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme et d'optimisme que nous avons développé une hypothèse de travail sur la mise en place d'un espace financier canadien efficace et fonctionnel. Cette hypothèse est d'autant plus réaliste qu'elle tient compte des différentes juridictions provinciales et elle intègre la participation du gouvernement fédéral, dont la compétence constitutionnelle se limite, bien entendu, aux banques et à l'incorporation de compagnies ayant des objets autres que provinciaux.

Ce que nous proposons est fort simple: une véritable méthode de rationalisation et d'encadrement des institutions financières au Canada, en nous inspirant de l'expérience vécue à l'égard des sociétés de fiducie et des sociétés de prêts, et en nous appuyant sur le concept d'institutions extraprovinciales. Les caractéristiques essentielles de notre proposition consistent à définir les termes de réglementation qui devraient être communs, harmonisés ou traités de façon distincte, puis à prévoir ceux qui devraient faire l'objet d'une approche concertée quant à l'exécution des tâches de contrôle et de surveillance. En assurant une réduction sensible des chevauchements, et par conséquent, des coûts y afférents supportés par les gouvernements et les institutions, ce départage des tâches améliorerait grandement l'efficacité du système.

Comme notre proposition d'espace financier canadien découle d'une indéfectible volonté de réduire la

complexité de la réglementation et de la surveillance des institutions, nous entendons la promouvoir activement dans les discutions d'harmonisation à venir. La fonction de la Caisse canadienne de dépôt de valeurs ayant connu un développement phénoménal au cours des dernières années, nous croyons qu'il est impératif que l'accès soit accordé à nos institutions québécoises, afin d'assurer l'efficacité du secteur.

Actuellement, la possibilité, pour une institution financière, de réaliser des transactions de valeurs au sein d'un réseau efficace de compensation devient de plus en plus un prérequis à sa capacité de desservir économiquement et concurrentiellement sa clientèle. Les conséquences immédiates seraient alors des gains appréciables en termes d'efficacité et une réduction des coûts de transaction. Pour ce faire, nous aurons à régler le problème des garanties qui doivent être consenties sur les éléments d'actif, car nos règles ne permettent pas actuellement à nos institutions de nantir de tels éléments pour obtenir un statut d'adhérent auprès de la CCDV. Nous aurons également à nous assurer que la CCDV soit dotée d'un régime de surveillance mieux coordonné à travers le Canada.

Il nous semble important d'améliorer la cohérence intersectorielle en ce qui concerne les normes de capital et les transactions intéressées. Il nous semble primordial que toute norme de capital place les institutions sur le même pied, dans une mesure compatible avec leurs natures respectives, car elles jouent un rôle important dans la réglementation des institutions financières et dans leur évaluation par les marchés financiers. C'est pour cette raison que nous entendons faire preuve d'une cohérence rigoureuse dans l'adoption de normes de capital à l'intention des sociétés de fiducie, des sociétés d'épargne, des assureurs, des assureurs de personnes et de dommages, ainsi que des caisses d'épargne et de crédit faisant affaire sur notre territoire.

Il va sans dire que ces normes s'inspireront de principes internationalement reconnus en matière d'exigences, de composition et de suffisance de capital pour les institutions de dépôt. Nous avons également l'intention de faire en sorte que les principes de réglementation des transactions intéressées soient communs à tous les secteurs.

Comme vous le savez déjà, probablement, la législation québécoise prévoit présentement trois régimes de contrôle des transactions intéressées: un premier qui s'applique aux caisses d'épargne et de crédit; un deuxième, aux sociétés de fiducie et sociétés d'épargne; et un troisième, aux assureurs. Cette situation fait en sorte qu'au sein des groupes de conglomérats financiers, dont font partie une importante proportion du secteur financier québécois, on retrouve des institutions soumises à des régimes fort différents. Le gouvernement entend donc élaborer un ensemble de principes, au sein duquel le concept de personne intéressée sera uniformisé dans toute la mesure du possible, afin de pouvoir être utilisé dans chaque secteur avec un minimum d'adaptation. Il devrait en être de même pour les conglomérats à contrôle québécois, qui regroupent à la fois des institu- tions financières québécoises et des institutions fédérales, qui doivent pouvoir transiger efficacement entre elles.

Je tiens à préciser que ces règles seront établies de manière à ne pas affecter inutilement les relations entre institutions au sein des groupes financiers, et, par conséquent, nous privilégierons des dispositions spécifiques pour contrôler ces relations plutôt que de les interdire généralement.

Il est difficile, voire impossible, de traiter de l'efficacité de notre secteur financier sans aborder l'épineuse question de la diminution des coûts inhérents au respect de la réglementation. Le gouvernement est fermement résolu à contribuer aux efforts déployés par le milieu en vue de diminuer ses coûts d'opération. Cette contribution, qui s'effectuera au niveau des politiques et des normes, consistera, dans un premier temps, à harmoniser nos règles concernant les institutions financières. Comme je l'ai indiqué à maintes reprises, la protection du public est la préoccupation centrale du gouvernement dans l'élaboration de ses politiques à l'égard du secteur financier. L'intérêt du consommateur, qu'il soit déposant, assuré, investisseur ou prestataire de services financiers est donc la pierre angulaire de toute la démarche que nous avons entreprise.

Or, dans le secteur financier, le bon fonctionnement, la crédibilité et l'attrait d'un système de surveillance et d'indemnisation reposent sur quatre facteurs essentiels: des normes transparentes et accessibles; des agents administratifs, publics ou privés, dont le cadre d'intervention est clair, complémentaire et synergique; l'octroi à ces agents de pouvoirs suffisants pour prévenir et régler les situations problématiques en perturbant le moins possible le cours normal des affaires; des communications efficaces entre les composantes du système.

C'est pour toutes ces raisons, au chapitre de la stabilité, que nous entendons faire porter nos efforts sur une nouvelle approche réglementaire, l'octroi de nouveaux moyens d'intervention et de supervision de l'Inspecteur général des institutions financières, une révision des responsabilités administratives, la réévaluation des régimes d'indemnisation et des mesures de protection du public.

Au niveau de la nouvelle approche réglementaire, force nous est de constater que l'évolution rapide du secteur financier appelle la mise en place de mécanismes propres à susciter l'autodiscipline des institutions. En contrepartie d'un élargissement de leur liberté d'action, le gouvernement exigera, notamment, le maintien par les institutions d'un montant adéquat de capital dans leurs entreprises pour faire face aux pertes qui pourraient être occasionnées par la réalisation de risques considérés normaux.

Le Québec entend donc inscrire ses actions dans la tendance de normes de capital qui soient en fonction des risques associés aux activités de l'institution, et apporter une attention particulière à la qualité de ses éléments d'actif et non seulement la quantité. Il est important de noter que l'allégement des exigences visant certains éléments d'actif précis en raison de l'application d'une

norme de capital ne constitue pas un relâchement de la réglementation. Dans les faits, il s'agirait plutôt de la contrepartie du transfert, du gouvernement aux gestionnaires d'institutions, de la responsabilité d'exercer un jugement empreint de prudence et d'agir avec diligence. En effet, ces gestionnaires devront respecter le principe du gestionnaire prudent édicté par la législation et s'imposer eux-mêmes des balises et des mesures de contrôle quant à la gestion de l'actif et au maintien de sa qualité. En revanche, l'autorité de surveillance aura la capacité d'intervenir rapidement et efficacement dans les situations où ce jugement n'aurait pas été convenablement exercé.

De plus, les normes de capitalisation auxquelles sont assujetties les sociétés de fiducie et les sociétés de prêts, les caisses d'épargne et de crédit et les assureurs de dommages seront réévaluées en fonction de trois objectifs principaux: le premier est d'élargir le rôle joué par le capital dans la réglementation des institutions; de combler le besoin de cohérence intersectorielle constaté au Québec; et d'assurer la cohérence des normes du Québec avec celles en vigueur dans le reste du pays, dans la mesure où ces dernières respectent les usages et tendances prévalant dans les principaux pays industrialisés.

Nous nous apprêtons à introduire des normes de capital à l'intention des assureurs de personnes, conformément à ce que j'avais annoncé dans le rapport quinquennal sur l'application de la Loi sur les assurances, que j'ai rendu public au mois de juin 1990, sous réserve d'une compatibilité de normes en vigueur au Canada. Il va cependant de soi que les assureurs de personnes bénéficieront d'une période de transition pour respecter ces normes.

Par ailleurs, les principes qui seront utilisés pour définir les normes de capital visant les assureurs de personnes seront appliqués mutadis mutandis aux autres types d'institutions régies par les loi du Québec. Comme pour les assureurs, nous entendons tenir compte des risques afférents aux éléments d'actif dans l'établissement du niveau de capital à maintenir. Quant à la composition du capital disponible, c'est l'équité entre les différents types d'institutions et la cohérence des règles qui détermineront nos choix. De façon générale, ce sont les tendances et pratiques constatées au niveau international qui serviront de guide dans l'élaboration de ces normes, de façon à assurer une compétitivité optimale de nos institutions financières. (15 h 40)

II en découle la nécessité de faire évoluer les moyens d'intervention et de supervision au même rythme que la réglementation des institutions en ce qui concerne l'octroi de nouveaux moyens d'intervention et de supervision à l'Inspecteur général des institutions financières. Concrètement, l'Inspecteur général disposerait du pouvoir d'établir des lignes directrices à l'intention des institutions autorisées à exercer certaines activités au Québec. Ces nouveaux moyens d'intervention lui permettraient d'annoncer à l'avance les paramètres, balises et procédures en fonction desquelles il exercera son pouvoir discrétionnaire. L'émission de telles lignes lui donnerait la possibilité de simplifier et d'augmenter la transparence de l'encadrement au bénéfice des institutions faisant affaire au Québec.

Nous envisageons également de doter l'Inspecteur général des institutions financières de pouvoirs d'application générale, qui lui permettraient d'imposer un plan de redressement comportant des mesures, qui, selon lui, devraient être prises pour éviter qu'une institution québécoise ne devienne insolvable, et de contester, selon une nouvelle procédure, la valeur des éléments d'actif et de passif d'une institution.

À l'instar de la Commission des valeurs mobilières du Québec, l'Inspecteur pourrait aussi se voir confier le pouvoir de recommander au ministre responsable, en certaines circonstances, la déchéance d'un membre du conseil d'administration d'une institution québécoise qu'il surveille ou son inhabilité à exercer de telles fonctions. L'énoncé de politique propose également que l'Inspecteur publie un bulletin, qui aurait pour but de rendre plus prévisible le cadre réglementaire. Vous n'êtes pas sans savoir que la réforme fédérale de 1987 avait posé, comme condition d'accès à l'assurance offerte par la Société d'assurance-dépôts du Canada, le respect par ses membres d'une obligation de conformité à des normes de pratiques commerciales et financières saines qui seraient fixées par cet organisme.

Tout en souscrivant à cet objectif fort louable de maintenir à un niveau supérieur la qualité des pratiques des institutions de dépôt et des assureurs, nous ne croyons pas que c'est l'organisme d'indemnisation lui-même qui doit être titulaire du pouvoir d'établir des normes régissant ces pratiques. Afin d'améliorer l'efficacité et la souplesse du régime québécois d'assurance-dépôts, je proposerai des ajustements à la Loi sur les assurances, à la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit ainsi qu'à la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne, afin d'investir l'Inspecteur d'un pouvoir d'initier la mise en place de normes de pratiques commerciales et financières saines à l'intention des institutions de dépôts autorisées à poursuivre des activités au Québec.

La révision des responsabilités administratives fera en sorte que le gouvernement sera ultimement responsable de l'adoption des normes et règles applicables aux institutions. De son côté, l'Inspecteur général des institutions financières verra son rôle de surveillance renforcé. Quant au rôle des différents organismes d'indemnisation privés ou publics, il sera recentré, tandis que celui de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec verra le sien limité à l'indemnisation. Nous sommes convaincus que cette nouvelle répartition des responsabilités générera des bénéfices substantiels.

En ce qui concerne les régimes d'indemnisation, tant dans le secteur de l'assurance que dans celui des institutions de dépôt, ils seront réévalués afin de répondre à un certain nombre de préoccupations, comme leur coût, la définition de leurs responsabilités et le besoin de cohérence intersectorielle. À cet égard, l'énoncé formulé pose certaines questions qui seront examinées lors de la

consultation qui sera tenue par cette commission parlementaire, à compter d'aujourd'hui.

En ce qui concerne les mesures de protection du public, elles consisteront à promouvoir le recours à l'arbitrage comme mode de règlement des litiges entre les courtiers en valeurs mobilières et leurs clients, et en outre, entre les courtiers eux-mêmes; à accorder à l'individu non averti, qui a réalisé un investissement régi par la Loi sur les valeurs mobilières, le bénéfice de la procédure sommaire devant la division des petites créances de la Cour du Québec; et à permettre le développement des boutiques institutionnelles, sous réserve de certaines exigences inhérentes à la stabilité du marché, à la confiance du public et à un juste équilibre concurrentiel parmi les opérateurs du marché des valeurs.

Le Président (M. Lemieux): II vous reste deux minutes, Mme la ministre.

Mme Robic: Oh... M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Alors, environ. Et sur consentement du...

Mme Robic: Au chapitre... Ça va, monsieur...

Le Président (M. Lemieux): Pas de Problème? Pas de problème, M. le député? Vous pouvez continuer, madame.

Mme Robic: Ça va, M. le Président, je vais tenter de...

Au chapitre de la croissance, nous nous empresserons de bâtir sur les acquis, tout en créant un véhicule de capitalisation et en favorisant l'accès au capital étranger. En premier lieu, nous appliquerons certaines recommandations du groupe de travail sur la capitalisation des assureurs des personnes, dont celle de maintenir les pouvoirs actuels, qui sont ceux d'investir en filiale. En second lieu, nous analyserons les retombées générées à ce jour par le programme des centres financiers internationaux à Montréal. Le cas échéant, nous étudierons la pertinence d'élargir ce programme aux activités de réassurance et de courtage en assurance de dommages.

Le gouvernement a aussi l'intention de mettre sur pied un véhicule de capitalisation, qui permettra assurément de répondre aux objectifs globaux du gouvernement, de voir le secteur financier se stabiliser et amorcer une nouvelle période de croissance, après avoir consolidé ses bases financières et adapté sa structure pour faire face au défi des marchés publics de capitaux d'ici quelques années. La mission de ce véhicule sera de contribuer à la poursuite du développement d'un secteur financier à contrôle québécois et de maximiser son impact bénéfique sur l'économie du Québec.

Finalement, notre vision de l'avenir inclut une injection de capital étranger dans la stratégie de capitalisation des institutions québécoises. C'est dans cette optique que l'énoncé propose un relâchement de la règle de propriété étrangère pour les institutions à capital- actions. Si nos institutions doivent rencontrer les objectifs de capitalisation, l'investissement étranger doit être encouragé, et ceci peut être accompli sans perdre le contrôle du secteur financier québécois.

Telles sont les propositions que le gouvernement entend mettre de l'avant, M. le Président, pour aider nos institutions financières à consolider leurs acquis et à entrer dans le prochain millénaire sur des bases solides. Avec ce plan d'action bien intégré, le gouvernement veut concilier ses actions avec les tendances et les phénomènes qui s'expriment au Québec, au Canada et à l'échelle mondiale. La voie étant maintenant tracée, il nous incombe de relever, à l'enseigne de la concertation, un défi d'avenir de première importance, celui de créer ici, chez nous, une masse critique capable d'affronter une concurrence mondiale de plus en plus vive. C'est alors que nous croyons que les Québécois et les Québécoises seront en mesure de tirer pleinement profit de leur extraordinaire potentiel. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. M. le député de Westmount, la parole est à vous. On aura la même liberté, la même largesse d'esprit que pour Mme la ministre, à votre égard, eu égard au temps de parole, M. le député de Westmount.

M. Richard B. Holden

M. Holden: Merci, M. le Président. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les engagements et les documents sur les propositions de politiques pour le secteur financier du Québec, et je dois remercier la ministre, son équipe et tous ceux et celles qui ont conçu le document.

Certaines orientations sont adéquates, pas toutes, mais il n'en demeure pas moins que c'est un document instructif, malgré que j'aie trouvé bien des voeux pieux parmi des suggestions plus substantielles. C'est un document qui sollicite des questions et qui suggère des orientations. Bref, un document qui aligne bien les travaux de cette commission, qui a comme tâche, comme but, de s'informer, d'informer toutes les personnes concernées, afin de permettre, lors de la prochaine étape, des analyses scientifiques sérieuses des différents éléments du projet, analyses devant servir de substrat aux lois qui en découleront.

M. le Président, à l'occasion de l'étude des crédits de la Commission des valeurs mobilières et de l'Inspecteur général, je me suis interrogé sur le peu de groupes qui avaient annoncé leur participation à cette consultation, et je constate à nouveau qu'au cours des prochains jours nous n'entendrons que 13 témoignages. Ça m'ap-paraît peu, compte tenu de l'importance des institutions financières.

Je ne crois pas que la ministre puisse tirer beaucoup profit des appuis qu'elle pourrait recueillir cette semaine, dans le cadre de cette consultation. À vrai dire, le contraire serait inquiétant, puisque son document est, pour l'essentiel, un énoncé de voeux pieux et d'éléments qui vont de soi. Comme on le dit souvent:

Comment pourrait-on avoir l'âme assez basse pour être contre la vertu?

Je note également que, pour l'essentiel, le document reste vague et imprécis. Je comprends qu'il s'agit d'un énoncé de politique et non de mesures concrètes, mais je comprends aussi que, pour les organismes qui ont eu à préparer des mémoires, il n'a pas dû être facile d'apprécier les vraies intentions du gouvernement. Cela explique peut-être le pourquoi du peu de témoignages que nous entendrons dans les prochains jours.

Chose certaine, M. le Président, les organismes auraient sans doute eu plus de facilité à mesurer de façon concrète les effets des intentions de la ministre si elle avait présenté un projet de loi ou un avant-projet de loi. Je ne connais pas de façon précise les intentions de la ministre à cet égard, ni le calendrier qu'elle compte respecter. Peut-être aura-t-elle l'occasion de nous donner plus d'indications dans le cadre de cette consultation, ou à l'occasion de ses remarques de clôture, qu'on attend avec impatience! (15 h 50)

Les propositions de politiques pour le secteur financier du Québec découlent d'une longue démarche articulée depuis les années soixante. Déjà, en 1969, le rapport Parizeau regroupait les éléments fondamentaux de ce qui est devenu par la suite la politique québécoise en matière d'institutions financières, politique qui a créé un réseau public d'entreprises financières et a permis la croissance du plus important réseau pancanadien d'entreprises financières du secteur privé. C'est ça, une vision à long terme. C'est aussi une belle démonstration de développement économique et social. Depuis ce temps, des milliers d'emplois furent créés, comme s'est créée une communauté de solidarité, dont les avantages et les services bénéficient à toute la société. Mais des difficultés assaillent nos entreprises, conséquence des circonstances économiques, bien sûr, mais aussi, conséquence de nos faiblesses et de nos erreurs. Ne le taisons pas. Au contraire, diagnostiquons nos maux et corrigeons-les. C'est d'abord ça, la manifestation des gestionnaires compétents et avisés.

Il faut continuer, il faut faire plus et il faut faire mieux. Il faut mettre fin à l'ingérence régressive du fédéral. Il faut augmenter la part du marché québécois par les entreprises québécoises. Il faut augmenter la part du marché canadien et étranger par les entreprises québécoises. Il faut augmenter le savoir par la recherche et l'activité industrielle. Il faut augmenter la solvabilité et la rentabilité de nos entreprises, et réorganiser les autorités de surveillance. Il faut concevoir des principes et directives d'éthique et de devoir pour les autorités de surveillance. Il faut diminuer et réaménager la fiscalité. Il faut revoir les règles applicables au secteur public, en matière de structure financière. Il faut voir au maintien et à la sauvegarde de nos entreprises, surtout les coopératives. Il faut concevoir de sains principes financiers, actuariels, comptables, juridiques, et à cet effet, y impliquer les corps professionnels concernés. Il faut concevoir des systèmes d'analyse financière individuelle et collective, ainsi qu'un système d'analyse et de comptabi- lité économiques. En somme, comme le souhaitent beaucoup d'intervenants, un plan global d'analyse et d'action.

À cette fin de recherche et de planification, nous suggérons la formation d'une équipe de travail comprenant notamment des représentants du notariat, du Barreau, de l'actuariat, de la comptabilité financière, de l'administration et des secteurs financiers public et privé, pour aider le gouvernement à articuler le dispositif législatif.

Alors, M. le Président, comme la ministre nous a fait une revue des documents, les trois principaux axes de l'énoncé de politique d'orientation de la ministre tournent autour des trois éléments qui constituent autant de grands chapitres, soit: améliorer l'efficacité, renforcer la stabilité et favoriser la croissance. On ne peut pas être contre cela. Quant à l'efficacité, il est peu probable que le premier chapitre donne lieu à des articles de loi dans un proche avenir. Ce chapitre relève davantage de voeux pieux que d'autre chose. En effet, les suites que l'on pourrait donner à ce chapitre supposent qu'il y ait eu entente entre le Québec, le gouvernement fédéral et les autres provinces. Les Québécois, qui ont une longue expérience des débats constitutionnels, comprendront rapidement de quoi je parle.

Quant à la question constitutionnelle, M. le Président, le palier fédéral finalisait sa réforme de la réglementation des institutions financières en adoptant, en décembre 1991, quatre projets de loi, soit la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d'assurances et la Loi sur les associations coopératives de crédit. Ces lois confèrent notamment aux institutions financières à charte fédérale la capacité d'acquérir des filiales dans tous les secteurs de services financiers, calquant en cela le modèle québécois, à quelques détails près. Les filiales peuvent être à charte fédérale ou à charte provinciale. On ferme donc la boucle entamée en 1987, alors que le Parlement fédéral habilitait les institutions financières à charte fédérale à faire l'acquisition des maisons de courtage en valeurs mobilières.

Force est de constater, M. le Président, et de déplorer que le palier fédéral s'est servi de la réforme de la réglementation des institutions financières pour étendre la portée de son pouvoir réglementaire au détriment des provinces canadiennes. À ce titre, les réformes fédérales viennent confirmer des velléités qui s'étaient exprimées à plusieurs reprises au cours des 30 dernières années. Le rapport Porter en 1964, le rapport Anisman en 1979, le livre vert de Mme McDougall en 1985, le rapport du Comité permanent des finances, du commerce et des questions économiques en 1985, le rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce de 1986, les réformes de Thomas Hockin de 1987, ou l'étude du gouvernement fédéral de 1989, intitulée «Federal Involvement in the Canadian Securities Industry». Tous ces rapports, propositions ou lois préconisent, à des degrés divers, l'accroissement des pouvoirs du gouvernement central en ce qui concerne la réglementation des institutions financières et la réglementa-

tion du commerce des services financiers.

À ce dernier chapitre, le gouvernement fédéral souhaite particulièrement avoir la mainmise sur le domaine des valeurs mobilières, une matière relevant, de manière non équivoque, de la compétence provinciale, tel qu'en font foi des initiatives répétées ayant cette finalité. La réforme fédérale est donc venue accentuer le chevauchement des réglementations québécoise et fédérale en ce qui a trait aux institutions financières. Elle constitue, de plus, une menace pour la compétence du Québec dans les domaines reliés au commerce des services financiers, notamment les valeurs mobilières.

Mme la ministre elle-même le reconnaît, d'ailleurs, sans détour, dans son document «L'appui au secteur financier», alors qu'à la page 4 le document affirme, et je cite: «Quant aux doubles emplois, on en retrouve des exemples dans les récentes lois adoptées par le gouvernement fédéral. Par l'introduction d'une approche qui regroupe une série de pouvoirs réglementaires relatifs à un grand nombre d'activités des institutions financières fédérales, le gouvernement canadien s'autorise à réglementer les activités de ces institutions dans les provinces. Or, sauf dans le cas des banques, cette compétence est provinciale. À cette tendance sont venus se greffer des dédoublements reliés à d'autres aspects de la réglementation fédérale.» Et je continue la citation: «Ces différences d'approches ou de normes mises en place au Canada par les différentes législations ont généré des contraintes importantes qui nuisent à la compétitivité et à l'efficacité des institutions financières et du système financier canadien dans son ensemble.» Fin de la citation. (16 heures)

L'empiétement du gouvernement fédéral sur des compétences provinciales exclusives est particulièrement préoccupant à deux égards. Premièrement, l'approche consolidée, qui se trouve systématisée dans les récentes lois fédérales. Dans l'encadrement normatif mis en place par les nouvelles lois fédérales, une approche consolidée est favorisée. Cela signifie que l'encadrement normatif se rapporte à une institution à charte fédérale et à l'ensemble de ses sociétés affiliées, comme s'il s'agissait d'une seule et même entité. Dans les faits, le gouvernement fédéral se donne donc le pouvoir de réglementer une institution ayant une charte québécoise affiliée à une institution financière fédérale. Il étend ainsi ses pouvoirs de réglementation au détriment des provinces, et de plus, le chevauchement réglementaire qui en résulte accroît inutilement les coûts assumés par l'industrie et nuit ainsi à sa compétitivité.

Deuxièmement, l'empiétement du gouvernement fédéral. Le fédéral se dote de pouvoirs réglementaires visant des activités qui sont pourtant des compétences provinciales exclusives. L'envahissement par le gouvernement fédéral des compétences du Québec en matière de réglementation des institutions financières et des services financiers, et l'enchevêtrement réglementaire qui en résulte, démontrent une fois de plus le non-sens du système fédéral actuel. L'Opposition officielle ne tolérera pas l'amoindrissement des pouvoirs du Québec en ce qui a trait à la réglementation des institutions financières et des services financiers. L'affaiblissement de ces pouvoirs marquerait un recul considérable pour le Québec et mettrait en péril sa capacité de mettre en oeuvre une stratégie économique qui soit à son image et à la mesure de ses besoins et de ses priorités et objectifs. L'Opposition officielle dénonce aussi le gaspillage et les coûts inutiles imputables à ces chevauchements qui réduisent l'efficacité, nuisent à la croissance de nos institutions financières sans pour autant rehausser la protection de l'épargnant ou la stabilité du système financier.

En ce qui concerne le volet harmonisation, dans les propositions de la ministre, l'Opposition officielle souscrit au principe sous-jacent à la démarche d'harmonisation proposée par le document ministériel. Il faut cependant retenir, à notre avis, qu'une entreprise d'harmonisation ne conduit pas à l'uniformisation. L'État québécois se doit de conserver la marge de manoeuvre nécessaire pour aménager un cadre qui tienne compte de la spécificité de l'organisation du secteur financier québécois et de ses institutions: en particulier, la spécificité du mouvement coopératif québécois.

Nous croyons aussi qu'il faut orienter l'effort d'harmonisation vers les normes internationales qui se dessinent. L'Opposition officielle est donc favorable au maintien d'un espace financier Québec-Canada fonctionnel, étant entendu que cela ne signifie pas le renforcement du pouvoir central. Cet espace financier peut se réaliser par l'entremise d'un processus d'harmonisation des normes. À ce titre, le système du passeport unique, adopté par les pays de la Communauté économique européenne, constitue un exemple probant qu'un espace financier peut se réaliser par l'harmonisation des règles de la coopération. Je dois dire en passant que nous étions d'accord avec les remarques de la ministre, telles que rapportées aujourd'hui, quand elle a exhorté l'Ontario à moderniser sa réglementation.

Il m'est difficile, aujourd'hui, de voir autre chose, dans le chapitre sur l'efficacité, qu'un nombre de voeux pieux. Prenons, par exemple, le sujet de l'harmonisation. Quand le document dit, et je cite: «Éviter d'entraver l'innovation en matière de règles et d'initiatives de surveillance et épargner aux sociétés extraprovinciales les coûts reliés à la superposition de ces règles et initiatives, tout en mettant en place un régime globalement compatible dans le cadre duquel chaque réglementation est substantiellement reconnue par les autres juridictions, voilà l'objectif ultime que devrait permettre d'atteindre un exercice d'harmonisation des lois régissant les institutions financières au Canada», ça serait difficile d'être contre un tel énoncé tellement général. Mais on semble en être loin, puisque, quelques paragraphes plus loin, la ministre accuse Ottawa, comme j'ai déjà dit, d'avoir généré d'importants effets de dédoublement avec sa réforme.

Parfois, le document gouvernemental apparaît imprécis. Ainsi, au sujet des transactions intéressées, la ministre indique qu'elle élaborera un ensemble de principes de réglementation des transactions intéressées qui

soient communs à tous les secteurs. À moins d'être devin, on ne voit pas très bien de quoi il s'agit. M. le Président, on ne peut pas être contre une meilleure définition du rôle de chacun, une plus grande clarification de la compétence de tous. La ministre a fait une proposition en ce sens, mais on devine que cela donnera lieu à des négociations impliquant les provinces et le fédéral. Partant de là, nous ne pouvons qu'attendre pour voir.

Quant à la stabilité, il sera sans doute question au cours des prochains jours des nouveaux pouvoirs que la ministre déléguée aux Finances compte donner à l'Inspecteur général. Ici, je dois avouer que l'Opposition officielle s'interroge sur la pertinence de la volonté de la ministre et sur les motifs qui l'animent. L'IGIF a-t-il véritablement besoin des pouvoirs que certains jugent exorbitants? N'y a-t-il pas une volonté d'expliquer aussi les déboires des Coopérants? Ces déboires auraient-ils pu être évités si l'Inspecteur général avait eu les pouvoirs dont la ministre parle dans son énoncé de politique? N'y a-t-il pas là la négation de l'autonomie de gestion du conseil d'administration des institutions financières?

L'Opposition officielle ne nie pas les responsabilités qui reviennent à l'État et à l'Inspecteur général, en matière de surveillance. Ce n'est pas pour rien qu'avant de faire adopter la loi 75, en 1984, laquelle ouvrait la porte au décloisonnement, le gouvernement avait créé le poste d'Inspecteur général.

Par ailleurs, en ce qui a trait aux normes de pratiques commerciales et financières saines, j'ai été surpris de lire que l'Inspecteur général devrait faire rapport à la Régie de l'assurance-dépôts du Québec relativement à toute institution qui ferait défaut de se conformer aux règles que l'Inspecteur général aurait déterminées. Je rappelle que l'Inspecteur général est aussi le président de la Régie. Il se fera rapport, donc, à lui-même. Indi-que-t-on, par là, la volonté d'enlever de l'Inspecteur général la responsabilité de la Régie de l'assurance-dépôts? On se le demande.

Puisqu'on aborde la question de l'indemnisation des épargnants, je dois souligner que l'énoncé de politique ne propose rien de précis. La lecture du document suggère que le gouvernement ne sait pas sur quel pied danser. Il se contente d'interroger — cela se comprend dans un contexte de consultation — mais je fais aimablement remarquer à la ministre qu'elle a affirmé que son énoncé était le fruit de nombreuses consultations privées. Je rappellerai que c'est elle qui indique, sur la page couverture de son document, qu'il s'agit de propositions de politiques. Force nous est de constater qu'il n'y a pas de propositions directes et concrètes.

En ce qui concerne la croissance, je dois dire que ce chapitre est un peu décevant. Il y a déjà plusieurs années qu'on parle de la possibilité de favoriser la capitalisation de nos institutions, et en particulier, de nos mutuelles d'assurance-vie. Alors, on va certainement suivre les discussions avec intérêt, M. le Président.

Je vais terminer mes remarques. Je souhaite que cet exercice donne lieu à des échanges constructifs, et on verra, par la suite, comment la ministre y donnera suite dans ses projets de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Camden): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires?

Mme Louise Robic

Mme Robic: Quelques petites remarques, M. le Président. Tout d'abord, j'aimerais remercier le député de Westmount de ses bons mots. Quand on parle d'un document d'orientation adéquat, d'un document instructif, qui enligne bien les travaux de la commission, et très informatif, je pense que ce sont tous des compliments. Alors, je remercie le député de Westmount de réaliser l'importance de ce document et du contenu de ce document. (16 h 10)

M. le Président, vous comprendrez que le député de Westmount me fait un peu sourire quand il met en question la possibilité de créer un espace économique canadien. D'ailleurs, est-ce que ce n'est pas là un terme que vous avez adopté vous-même, au Parti québécois? C'est un terme qu'on retrouve dans votre document «Le Québec dans le monde». Alors, est-ce que vous êtes en train de me dire qu'il faut détruire un pays pour pouvoir le reconstruire de la même façon, que vous, vous ayez du succès, et moi, croyant au fédéralisme participatif, je ne pourrais pas arriver à atteindre les mêmes objectifs? Eh bien, laissez-moi douter de votre façon de faire et préférer la mienne. La preuve en est que la mienne n'est pas si mauvaise, mon approche, puisque j'ai déjà signé des ententes avec les provinces, des ententes de...

Le Président (M. Camden): Mme la ministre, est-ce que je peux vous inviter à conclure en quelques mots, considérant que nous avons déjà quelque 30 minutes de retard?

Mme Robic: Oui... d'accord. Alors, M. le Président, tout simplement pour dire au député de Westmount, si vous me le permettez, que j'espère qu'il va faire plus qu'écouter à cette commission, et qu'il va pouvoir participer et nous aider tous à trouver les solutions, afin que, de ce document-là, sortent des projets de loi qui pourront faire renforcir notre secteur financier québécois.

Auditions

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. J'inviterais immédiatement les gens du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec à bien vouloir prendre place ici, en face de moi, à la table des témoins, s'il vous plaît.

Je demanderais au porte-parole de l'organisme, dans un premier temps, de bien vouloir s'identifier, de nous présenter les gens qui l'accompagnent, et je vous ferai état du déroulement des procédures par la suite.

Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec (RCCAQ)

M. Young (Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom est Pierre Young. Je suis le président du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec. Je suis accompagné de notre directeur général, M. Jean-Marie Derome, à ma droite, et de notre aviseur légal, Me André Bois, à ma gauche.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire. Suivra un échange entre les deux formations politiques — le parti ministériel et le parti de l'Opposition — pour une durée totale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition officielle, représentée ici par le député de Westmount.

Alors, sans plus tarder, nous sommes prêts, monsieur, à écouter l'exposé de votre mémoire.

M. Young: Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous vous remercions de votre invitation. Il nous fait plaisir de vous faire part de nos idées sur votre document, aujourd'hui.

Comme vous le savez, le Regroupement des cabinets de courtage est un syndicat professionnel dont la mission est la défense et la promotion des intérêts économiques de ses membres. Nous représentons environ deux tiers des courtiers d'assurances de la province, étant donné que l'adhésion au Regroupement est volontaire.

Votre document fait part, dès le départ, d'une distinction entre le secteur de production et de distribution. Nous croyons donc opportun de vous faire part de nos idées, étant donné que nous représentons un réseau de distribution dans le secteur des assurances. Étant donné que vous avez consulté notre document, j'aimerais attirer votre attention sur nos recommandations. J'essaierai d'être un peu plus explicite à l'aide de certains extraits de notre document ou à l'aide de mes propres paroles.

Alors, notre première recommandation dit: «Que le Québec exerce pleinement sa juridiction exclusive dans le domaine de la protection de la vie privée ainsi que dans le domaine de la réglementation des ententes de réseau et de la prestation de conseil financier.» En effet, selon nous, ces matières relèvent du domaine de la distribution des produits financiers, de sorte que leur réglementation affecte directement le réseau des intermédiaires de marché financier. Voilà pourquoi le RCCAQ est préoccupé par cette question.

Les articles 16 et 49 à 57 de la Loi sur les intermédiaires de marché témoignent de la volonté du gouvernement québécois de promouvoir des mesures législatives contrôlant l'intégrité et l'indépendance du réseau de distribution de produits financiers au Québec. À cet égard, il convient de rappeler que l'article 16 de la loi précitée édicté ce qui suit: «Sous réserve des règlements du gouvernement, un intermédiaire de marché en assurance ne peut à la fois exercer des activités à ce titre et être à l'emploi d'une institution financière qui n'est pas un assureur.»

Notre deuxième recommandation dit: «Que le Québec favorise la stabilité du secteur de l'assurance par les moyens suivants: le contrôle de la tarification, un encadrement des agents généraux et une surveillance de la mise en oeuvre des ententes de réseau.» Nous préconisons, tout d'abord, un contrôle de la tarification. En effet, comme il se produit actuellement dans certains États américains, les assureurs d'assurances générales doivent soumettre aux instances gouvernementales leur tarification, afin d'observer une saine gestion des opérations, et non pas uniquement une rentabilité des placements. Nous aimerions voir mettre en application ce principe. Deuxièmement, un encadrement des agents généraux. Comme il est actuellement préconisé, nous sommes d'avis que, lors de la révision en Ontario, les agents généraux devraient obtenir un permis d'opération et être supervisés, pour éviter des transferts de profit de l'assureur vers l'agent général. Comme nous l'avons déjà connu dans notre province, certains agents généraux ont mis en péril la solvabilité de l'assureur. Alors, l'émission d'un permis et un contrôle viendraient vérifier le tout. Troisièmement, nous demandons une surveillance de la mise en oeuvre des ententes de réseau.

Notre troisième recommandation: «Que le rôle de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec soit limité à l'indemnisation des déposants.» Comme vous le préconisez dans votre document, le RCCAQ appuie une telle proposition, pour le motif suivant. Le modèle de cantonnement à la seule fonction d'indemnisation existe déjà dans la Loi sur les intermédiaires de marché, où les fonds d'indemnisation exercent une fonction limitée à la seule indemnisation. La réglementation des conditions d'indemnisation relève des conseils. La cohérence intersectorielle exigera donc que ce modèle soit suivi et appliqué dans tout le domaine des institutions financières.

Quatrièmement: «Que l'Inspecteur général des institutions financières soit chargé de la surveillance des conseillers financiers, incluant les courtiers en valeurs mobilières, et que PIGIF soit investi du pouvoir de recommander la destitution d'un administrateur d'une institution financière à charte québécoise.» Nous voyons cette recommandation sous un concept global. En effet, les différents conseillers financiers — que ce soit un courtier en assurance générale, en assurance IARD, un planificateur financier — devraient être contrôlés et supervisés par la même instance, et nous préconisons que ce soit par l'Inspecteur général des institutions financières. Nous conseillons de mettre sur pied une nouvelle mutuelle de sécurité, englobant trois directions, soit, comme je viens de le mentionner, la protection des dépôts, les assurances de personnes et les assurances de dommages.

Notre cinquième recommandation: «Que l'on rationalise le système d'indemnisation des personnes transigeant avec des institutions financières en décloisonnant un tel service et en le confiant à un organisme

public contrôlé par le Québec.» Nous voulons décloisonner les institutions; alors, pourquoi ne pas décloisonner les fonds d'indemnisation? (16 h 20)

Notre sixième recommandation: «Que les assurés puissent avoir la faculté de contraindre un assureur à régler par voie d'arbitrage un différend fondé sur un contrat d'assurance.» Tout comme vous le préconisez dans votre document pour les courtiers en valeurs mobilières, pourquoi, dans le domaine de l'assurance générale, nous n'aurions pas recours, également, à un système d'arbitrage? Lorsqu'un client a un problème avec un assureur lors d'une réclamation, pourquoi ne pourrait-il pas faire appel à un arbitre avant d'attendre un délai de quelques années pour comparaître, en vertu du Code civil, afin d'accélérer le processus et l'image de l'industrie?

Notre septième recommandation: «Que les mesures de protection des renseignements personnels recueillis par les institutions financières soient contenues dans une loi à portée générale plutôt que dans une loi relative aux institutions financières, soit une loi sectorielle. Nous sommes d'avis que le Québec devrait avoir pleine juridiction et instituer une loi de protection sur les renseignements personnels, une loi qui soit aussi importante, par exemple, que la charte québécoise. Nous voulons éviter que des institutions à charte fédérale, comme des banques, qui opèrent également dans la province de Québec, puissent dire qu'elles ne sont pas assujetties à cette loi. Ils doivent être tous dans le même encadrement.

Finalement, notre dernière recommandation: «Que le Québec stimule la croissance de l'activité d'intermé-diation financière par une voie alternative: le recours aux conseillers financiers.» Nous sommes d'avis qu'il faudrait aussi accroître l'intermédiation financière par de nouveaux moyens. En bref, le capital étranger ou le nouveau capital peut transiter non seulement par les banques ou les institutions financières traditionnelles, mais également par les banquiers invisibles que sont des intermédiaires de marché, qui seraient réglementés par les provinces et qui agiraient, notamment, comme courtiers en financement.

Nous vivons de plus en plus, dans nos cabinets, avec la nouvelle Loi sur les intermédiaires de marché, un nouveau phénomène. Que ce soit un courtier en assurance de dommages, un courtier en assurance de personnes, un courtier en valeurs mobilières ou un planificateur financier, nous avons de plus en plus à mettre sur pied une planification de stratégie financière pour nos clients. Alors, nous sommes d'avis que tous ces conseillers devraient être régis par la nouvelle loi. C'est pourquoi nous préconisons de stimuler l'émergence d'une profession de conseiller et de planificateur financier, titre et activité réservés, dont les fonctions seraient encadrées selon le modèle de la Loi sur les intermédiaires de marché.

Alors, voilà, en bref, les éclaircissements sur les huit recommandations que comporte notre rapport. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre, est-ce que vous avez des commentaires?

Mme Robic: Oui, merci, M. le Président. D'abord, j'aimerais saluer M. Young, M. Bois et M. Derome à cette table. Bienvenue, messieurs. Vous avez dit, tout à l'heure, dans le début de votre présentation, que vous représentez les deux tiers des courtiers en assurance de dommages. C'est combien, ça, les deux tiers? Ça représente combien?

M. Young: Environ 1700 courtiers, actuellement.

Mme Robic: II y en a 1700. Alors, M. le député de Westmount, on commence très bien avec une représentation de 1700 courtiers en assurance de dommages. C'est tout de même important, cette représentation-là!

Je vous remercie de votre mémoire, mais votre mémoire soulève quelques questions. La première... Voulez-vous m'éclairer, s'il vous plaît, et me dire ce que c'est que des agents généraux?

M. Young: Un agent général, en fait, peut être considéré premièrement comme un distributeur ou un grossiste. Il fait affaire, la plupart du temps, avec un seul assureur et il peut distribuer les produits d'un assureur auprès de différents coutiers d'assurances générales. Le problème que nous soulevons, c'est qu'il y a une relation apparentée entre certains assureurs et certains agents généraux. Nous avons noté un échange de profits entre l'agent général et l'assureur en question. Alors, l'agent général peut empocher une partie — peut-être un peu trop grosse — des profits, du fait que l'assureur se ramasse avec une certaine partie des réclamations — très importante — ce qui affecte la solvabilité des opérations de l'assureur et le met en péril.

Mme Robic: Un «middleman». C'est un «middleman» entre la compagnie d'assurances puis les courtiers?

M. Young: Oui, si on peut dire. Légalement, j'aimerais peut-être... Si notre aviseur légal a des points plus précis...

M. Bois (André): L'agent général dont on parle, c'est l'équivalent de ce qu'on désigne en anglais comme le «general managing agent», qui ne traite qu'avec un assureur, et qui, présentement, n'est pas assujetti à la Loi sur les intermédiaires de marché, parce qu'il offre des produits d'assurance à d'autres courtiers, mais pour le compte d'un seul assureur.

Mme Robic: À d'autres courtiers, pour le compte de?

M. Bois: D'un seul assureur — d'accord? — parce qu'un agent général qui offre des produits d'assurance pour plusieurs assureurs à d'autres courtiers est régi par la Loi sur les intermédiaires de marché. Mais

un agent exclusif, qui s'occupe de toute la gestion d'un assureur et qui offre des produits aux courtiers, actuellement, n'est pas régi par la loi. Ce qui se produit, c'est que l'agent général se prend une cote très importante lors de la distribution du produit.

Alors, un exemple bien concret. L'agent général a discrétion pour établir les primes. Il va établir la prime de l'assureur. Disons que, sur une dépense totale de 1000 $, il va établir la prime à 300 $, et lui va se réserver des frais de gestion de 400 $. Alors, pardonnez l'expression, il «crème» le marché. L'assureur se retrouve avec une prime nettement adéquate et les véritables profits de l'opération de souscription se retrouvent chez l'agent général. Ou on retrouve parfois, comme par hasard, chez l'agent général, des actionnaires qui viennent du holding de la compagnie d'assurances. Alors, on enrichit l'agent général et, graduellement, on appauvrit la compagnie d'assurances. Ce phénomène-là s'est produit au Québec, il y a quelques années, mais dans un contexte différent, avec un certain courtier que je ne veux pas nommer, qui représentait un assureur en particulier. L'assureur a fait faillite, et c'est le courtier très important qui, comme agent général, se gardait tous les profits. Alors, l'assureur n'avait même pas une prime adéquate.

Dans le rapport ontarien, il est proposé, et ça correspond à votre souci d'harmonisation interprovinciale... M. Charlton recommande que ce type d'intermédiaire-là soit au moins licencié pour que les autorités de surveillance voient s'il y a du «transfer pricing» ou du transfert de profit.

Mme Robic: II doit y avoir quelque chose que je ne comprends pas, parce que... Quels sont les avantages, pour une compagnie d'assurances, de faire affaire avec un agent général?

M. Bois: Les compagnies d'assurances utilisent l'agent général pour effectuer des opérations que l'assureur ferait habituellement lui-même: par exemple, imprimer les polices, inspecter les risques sur le site. Alors, elle confie à l'agent général une partie des tâches administratives qu'elle accomplirait habituellement elle-même. Mais ce faisant, elle surrémunère l'agent général, volontairement, pour faire en sorte que tous les profits de l'opération d'assurance se retrouvent chez l'agent général au lieu de se retrouver, au moins pour une part équitable, chez l'assureur.

Alors, ça donne lieu également à d'autres pratiques un peu étranges, et dont j'ai été moi-même témoin. L'agent général émet une police d'assurance — je pourrai le nommer à l'Inspecteur général en privé, j'ai vu ça dans un contexte judiciaire — la première page de la police indique une prime de 1000 $, et la deuxième page indique une prime de 800 $. Ça, ça se produit dans notre province. Alors, c'est un agent général lié à l'assureur et lié au holding de l'assureur, ce qui fait en sorte que l'assureur, lui, court des risques, et l'agent général ne court pas de risques. Dans un souci, je suppose, de solvabilité et de stabilité des institutions finan- cières, bien, il faudrait éviter ce phénomène-là. Ce n'est pas seulement que ça se produit, ça a été observé en Ontario.

Mme Robic: Je vous avoue que, pour moi, c'est tout à fait nouveau. J'ai quelque problème à voir l'utilité et les avantages, pour une compagnie, de s'affaiblir en faveur de son agent général. Peut-être qu'il y a des choses que je ne saisis pas. Je viens de me faire donner une leçon, mais enfin, je pense qu'il faudra regarder ça de plus près. C'est la première fois que j'entends parler d'un agent général. Oui, M. Young. (16 h 30)

M. Young: Mme la ministre, si je peux ajouter, c'est que, souvent, ces assureurs présentent des produits spéciaux pour un marché difficile. Comme ils n'ont pas de réseau de distribution, c'est pourquoi ils s'adressent à un grossiste. Ça peut être des assureurs qui viennent de l'extérieur — on en a connu à Montréal. C'est un grossiste connu, à Montréal, qui, lui, a un certain réseau de courtiers d'assurances générales. Ça lui permet d'entrer dans le marché.

Mme Robic: Alors, il s'agira de regarder ça de plus près, d'aller obtenir plus d'information, et de voir la pertinence de les assujettir, comme on a voulu assujettir toutes les personnes qui évoluaient dans un domaine, aux mêmes règles de formation, si vous voulez, aux mêmes règles déontologiques. Il serait intéressant de voir si ces gens-là doivent faire partie du groupe spécifique des intermédiaires de marché et avoir à rencontrer, eux aussi, certaines normes pour pouvoir agir.

Contrôle de la tarification. Qu'est-ce que vous faites des forces du marché, vous autres? Vous voulez que ce soit nous qui établissions la tarification?

M. Young: Pas les établir, mais les vérifier. Mme Robic: Pas...

M. Young: On ne demande pas de les établir, mais de les vérifier ou de les accepter. Nous voulons faire un parallèle entre les profits... entre une saine gestion d'opération et une solvabilité de placement. Il est connu que certains assureurs ont présenté, pendant plusieurs années, des déficits d'opération et ont dû cesser leurs opérations à un moment donné. Tout ce temps-là, il y avait des profits de placement. Alors, comme il se produit dans certains États importants, aux États-Unis, les assureurs doivent présenter leur table de tarification aux instances gouvernementales afin d'assurer une saine gestion d'opération. Tout ça pour éviter, justement, une compétition sur le marché, qui est moins saine que plus saine. Si les assureurs doivent présenter des profits d'opération, on va arrêter de connaître une compétition qui est souvent illégale ou moins juste. Alors, on demande ça pour éviter certaines faillites qu'on a connues dans notre domaine, dans les dernières années. Je pense que M. Derome aurait peut-être quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Derome (Jean-Marie): L'idée, dans ça, ce n'est pas de réglementer et de déterminer la prime que les assureurs doivent charger, sauf que c'est d'éviter qu'une compagnie, année après année, indique des profits, des rendements de placement, et que, dans ses opérations, année après année, elle fasse des déficits, des pertes techniques, ce qui fait que le rapport primes-pertes n'est pas justifié. On continue à subir des pertes dans le rapport primes-pertes, ce qui fait que, pour combler les pertes, on va venir chercher une partie des bénéfices de rendement de placement, ce qui peut grandement affecter le rendement de la compagnie. Donc, d'utiliser, en fait, de l'argent qui pourrait servir de capitalisation à la compagnie et de l'envoyer dans des pertes inutiles.

Mme Robic: Ce n'est pas ce qu'on peut appeler de la bonne gestion, ça. Ça fait partie de la responsabilisation des administrateurs de nos entreprises, qui doivent prendre leurs responsabilités, et s'assurer que les décisions qu'ils prennent sont des décisions qui assurent la bonne santé de leur entreprise.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Westmount... Je vais peut-être revenir tout à l'heure, à la page 15 de votre mémoire, sur les CMS, ce qui semble assez intéressant, et sur l'arbitrage en matière de valeurs mobilières, mais préalablement, je vais vous passer la parole, M. le député de Westmount, pour respecter la règle de l'alternance.

M. Holden: merci, m. le président. je veux aussi dire un mot de bienvenue au regroupement des cabinets de courtage d'assurance. vous avez dit, je crois, que vous représentez 60 % des cabinets de courtiers?

M. Young: En fait, l'adhésion au regroupement, sur une base volontaire... Nous sommes composés d'environ 770 cabinets, actuellement, soit environ deux tiers des courtiers de la province.

M. Holden: Sur les grandes lignes de l'énoncé de politique de Mme la ministre. Actuellement, qu'est-ce que vous pensez du contrôle en général sur vos gens, sur les courtiers en assurance? Quel est le système de contrôle et qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que c'est trop onéreux, est-ce que c'est trop lourd, ou est-ce que ça va bien? Quelle est votre attitude là-dessus?

M. Young: Nous sommes présentement régis par la nouvelle Loi sur les intermédiaires de marchés, la loi 134, qui est entrée en vigueur en septembre 1991, comme vous le savez. Le Regroupement des cabinets de courtage a été officiellement accrédité, avec deux sièges au sein du Conseil des assurances de dommages. Ce Conseil des assurances de dommages représente une table de réflexion de l'industrie. On y retrouve des représentants des courtiers d'assurances, des assureurs, du public, de tous les intervenants, des experts en sinistres. Nous sommes en faveur, nous travaillons très ardemment de concert avec le Conseil des assurances de dommages, car nous sommes maintenant, tous les intermédiaires de notre domaine, régis pas un même organisme.

M. Holden: Alors, ça va bien actuellement?

M. Young: Oui. L'évolution avec le Conseil des assurances de dommages va très bien. C'est une très bonne table de concertation pour l'évolution de notre profession.

M. Holden: Dans les propositions de la ministre, il y en a une où il est question d'étudier la pertinence d'élargir le programme des centres financiers internationaux, notamment, aux activités de courtage d'assurance de dommages. Je me demande si vous avez pris connaissance de cette proposition. Quelle est votre réaction?

M. Young: J'aimerais passer la parole à notre aviseur légal, étant donné qu'il a étudié plus en détail que moi le document.

M. Bois: On s'est interrogé sur la signification de la proposition et on n'a pas osé avancer de commentaire, vu qu'on ignorait l'ampleur de la proposition. On souhaiterait...

M. Holden: Qu'est-ce que vous comprenez, vous autres, de cette proposition?

M. Bois: Ce qu'on en comprend, à une première lecture, c'est qu'il y aurait un système parallèle de courtage, ce qui serait peut-être à déplorer si ça introduit un encadrement parallèle. Mais c'est impossible, à notre point de vue, pour le moment, de détecter l'orientation de cette proposition. On préférerait le voir dans un texte normatif avant de se prononcer.

M. Holden: Actuellement, comment fonctionne... Quelle est la situation actuelle pour le marché international?

M. Young: Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question du tout.

M. Holden: Non?

M. Young: Non. Nous avons étudié les implications de ce document face à notre réseau, à l'intérieur de la province de Québec, car nous représentons...

M. Holden: Vous êtes surtout concernés par le marché à l'intérieur du Québec.

M. Young: Oui, parce que le Regroupement des cabinets de courtage représente surtout les petits et moyens cabinets de la province qui opèrent à l'intérieur de la province de Québec. (16 h 40)

M. Holden: À la page 14 de votre mémoire, vous parlez de la création d'un régime québécois d'indemnisation. Vous décrivez des régimes privés non québécois. Je cite votre mémoire: «les conditions que ces régimes imposent à leurs adhérents ont tendance à se modeler à des politiques qui ne sont pas nécessairement en harmonie avec celles prônées par le Québec». Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple pour illustrer votre pensée?

M. Young: Je céderai la parole à notre directeur général, M. Derome.

M. Derome: Quand on dit de confier un fonds d'indemnisation à un régime public, et qu'on dit dans un même temps que ce fonds d'indemnisation-là devrait être limité à payer les indemnisations, et non pas à réglementer le fonds d'indemnisation lui-même... S'il y a un fonds d'indemnisation qui est créé, privé, dans n'importe quel secteur et qu'on lui permet de réglementer ce secteur-là, les règlements du fonds même pourraient venir contrevenir aux lois du Québec ou aux lois de capitalisation du Québec. On pourrait empêcher une compagnie de participer au fonds parce que les règles de capitalisation privée ne sont pas les mêmes que celles que le gouvernement exige de ses propres compagnies, des compagnies opérant au Québec. Alors, s'il y avait un fonds d'indemnisation qui était créé, public, surveillé par le gouvernement, qui n'avait d'autre but que d'indemniser les personnes, il y aurait moins, peut-être, de danger d'ingérence des fonds privés d'indemnisation dans la détermination de la capitalisation des compagnies.

M. Holden: La ministre vous a posé une question au sujet de vos idées sur la tarification et elle a demandé la même question que je me posais. Les tarifs, actuellement, sont fixés par le jeu du marché? Est-ce que c'est comme ça qu'on fixe les tarifs d'une police d'assurance, actuellement?

M. Young: Effectivement, par la libre compétition.

M. Holden: Votre idée de faire accepter vos tarifs par, je ne sais pas... l'Inspecteur général, ou je ne sais pas qui... À qui vous demandez de vérifier vos tarifs, là?

M. Bois: Oui, la mécanique, là, est la suivante. Il n'est pas demandé à l'Inspecteur général de ratifier les tarifs, mais il est demandé plutôt de soumettre des tarifs à l'Inspecteur général, qui, dans des cas d'imprudence notoire dans la fixation du prix, pourrait intervenir et dire à la compagnie d'assurances: Vous êtes nettement en bas du coût technique du risque, ça fait 4 ans que vous faites ça... À titre d'exemple, Les Coopérants. Pendant au moins sept ans, Les Coopérants (générale) — sept années continues — ont affiché des pertes techniques — on n'a pas remonté en arrière — des pertes techniques en assurance générale. Alors, ce système-là existe dans un pays éminemment capitaliste, aux États-Unis, dans plusieurs États américains, où pour l'assurance des particuliers, on ne parle pas de l'assurance commerciale; les tarifs sont soumis au «Insurance Commissioner» et il a 60 jours pour refuser ou pour faire des remarques au sujet du tarif. Évidemment, dans l'esprit de libre concurrence, ce n'est que dans des circonstances très particulière que les autorité de surveillance vont intervenir. Un système comme ça, selon nous, serait tout à fait compatible avec la législation existante, puisque, dans la Loi sur les assurances, telle qu'elle est actuellement, on dit que l'Inspecteur général délivre le permis si la compagnie a des pratiques commerciales saines. Les pratiques commerciales, ce n'est pas seulement dans le placement, c'est dans l'opération.

Pour citer un grand auteur américain, ou deux auteurs, Cooper and Fraser, dont l'ouvrage est intitulé «Banking Deregulation and the New Competition in the Financial Services Industry», le paradoxe des institutions financières, c'est qu'elles doivent être à la fois compétitives et ne pas faire faillite. Or, il est de l'essence de la compétition, ultimement, d'être éliminé. L'équilibre fragile dans la surveillance des institutions financières, c'est à la fois d'encourager la compétition, mais également d'empêcher le résultat de la compétition. Alors, le mécanisme qui existe déjà, pas dans tous les États américains — qui est très critiqué, soit dit en passant — mais dans certains États, c'est au moins d'avoir une intervention ad hoc lorsqu'il y a abus. Intervention tout aussi musclée, dans le cas, par exemple, de la destitution d'un administrateur, où il y a un pouvoir d'ingérence, avec lequel nous sommes d'accord.

Alors, voilà le système. Je le répète, il ne s'agit pas de ratifier les tarifs, mais de donner, dans les cas extrêmes, un pouvoir d'intervention pour noter qu'il y a pratique commerciale malsaine.

M. Holden: En d'autres termes, il y aurait quelqu'un, un expert, disons, dans le bureau de l'Inspecteur général, qui remarquerait si un tarif est en dehors des normes et s'il y a risque de faillite ou...

M. Bois: Oui, mais c'est très facile. Quand vous voyez qu'une compagnie — et ces rapports-là sont publics—dépense 1,10$, alors qu'elle perçoit 1 $ de prime, ou dépense 1,30 $, et que ça fait 10 ans qu'elle fait ça, à un moment donné...

M. Holden: Mais je ne comprends pas pourquoi...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Westmount.

M. Holden: .. .une compagnie ferait de la sorte. M. Bois: Ah non? Bien, c'est la compétition. M. Holden: Juste pour avoir les primes...

M. Bois: Oui, bien sûr.

Le Président (M. Lemieux): Alors, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Robic: Oui, M. le Président, je vous remercie. Je viens à la conclusion que vous êtes tout à fait satisfaits de l'énoncé dans le document, qui départage les pouvoirs des organismes: la réglementation au gouvernement; l'application de ces règlements-là, réservée à l'Inspecteur général des institutions financières; et l'indemnisation, à l'organisme d'indemnisation. Vous êtes d'accord avec ce concept-là, que nous avons élaboré dans notre document.

M. Bois: En effet.

Mme Robic: J'aimerais également, pendant qu'on est dans le rôle de chacun, que vous nous parliez des pouvoirs de l'Inspecteur général. Vous sembliez être assez satisfaits, là également, de nos suggestions, du document. Comment est-ce que vous voyez ça, vous? À quel niveau est-ce qu'il doit intervenir? Vous lui donnez beaucoup de pouvoirs, quand on parle même d'examiner la tarification. Je peux m'imaginer la difficulté de l'opération. Peut-être que vous la simplifiez, vous, quand vous dites: Bien, ça coûte tant, une police. Il y a tant de commissions payées, et c'est plus que ce que la prime vaut. Mais vous savez fort bien que ces primes-là, il y a un équilibre qui se fait après tant d'années. Alors, je vois mal comment un organisme peut réglementer, faire la surveillance de ça. Ce n'est pas si simple que ça. Moi, j'aimerais vous entendre, cependant, sur les pouvoirs de l'IGIF. Qu'est-ce que vous aimeriez que l'on donne comme pouvoirs à l'IGIF?

M. Young: Actuellement, nous sommes...

Mme Robic: Je m'excuse. Non seulement les pouvoirs, quand il y a un problème qui arrive, là, mais tout au long du processus, même quand il n'y a pas nécessairement une évidence de problème. Est-ce qu'il doit être très présent? Comment est-ce que vous voyez ça?

M. Young: Tout d'abord, au niveau philosophique, nous préconisons un cadre-contrôle identique pour tous les intermédiaires de marché. C'est pour ça qu'à deux ou trois reprises, dans notre document, nous apportons des pouvoirs additionnels aux pouvoirs actuels de M. l'Inspecteur. Comme je vous le disais, nous vivons de plus en plus concrètement, dans nos cabinets, une nouvelle façon d'opérer. Nous devons de plus en plus mettre sur pied une planification de stratégie financière pour nos clients, que nous soyons courtiers d'assurances générales, que nous ayons à l'intérieur de nos bureaux un planificateur financier ou un assureur-vie. Alors, il y a un «mix» qui se fait entre ces intermédiaires, maintenant, depuis que la loi 134 nous le permet. Nous préconisons qu'une autorité, soit l'Inspecteur, encadre ces différentes disciplines.

Quant à l'application et au suivi, soit la dernière partie de votre question, j'aimerais céder la parole à M. Bois ou M. Derome, s'ils ont des informations à rajouter. (16 h 50)

M. Bois: La remarque la plus judicieuse que nous ayons vue là-dessus, c'est le pouvoir d'intervention de l'Inspecteur pour remettre en cause l'évaluation des actifs portés aux livres de certains assureurs. Je pense à un certain assureur qui avait acheté massivement des bureaux de courtiers à des prix inflationnistes et tout à fait exagérés, et il les représentait au bilan à ce prix irréaliste. Alors, nous avons cru déceler, dans le document, que l'Inspecteur général, qui n'avait pas ce pouvoir très clair avant, aurait le pouvoir clair, en certains cas, de remettre en cause les valeurs représentées aux états financiers des assureurs. Alors, c'est une mesure non pas d'ingérence, mais de prévention, dans la philosophie qu'on indiquait tout à l'heure de ce fameux équilibre entre la compétition puis le souci de ne pas laisser faillir le compétiteur. C'est la mesure la plus remarquable qui puisse être contenue là-dedans, une mesure de prudence, de prévention.

Mme Robic: Est-ce que vous iriez aussi loin que ce que l'on retrouve dans la loi fédérale C-48, par exemple, la possibilité pour l'Inspecteur général, au bout de l'opération, de se substituer aux actionnaires pour forcer une transaction à se faire, si une compagnie était en condition d'insolvabilité, par exemple?

M. Bois: Vous parlez de forcer des fusions, forcer...

Mme Robic: Forcer une fusion, forcer une acquisition. ..

M. Bois: Forcer... Mme Robic: ...d'accepter... Une voix: Une vente. Mme Robic: ...une vente.

M. Bois: Ça existe déjà dans d'autres secteurs de l'économie, des pouvoirs. On voit, dans plusieurs lois du gouvernement du Québec, qu'il y a des pouvoirs de consolidation, pour certaines industries, qui peuvent être impulsés par des autorités de surveillance, mais le Regroupement ne s'est pas penché là-dessus. Je ne voudrais pas m'avancer, alors que les élus ne se sont pas penchés là-dessus.

Mme Robic: Vous semblez avoir apprécié le chapitre sur l'arbitrage au niveau des valeurs mobilières et vous nous dites qu'on devrait peut-être tenter de l'appliquer, également, dans votre domaine. Comment est-ce que vous verriez... Je ne vois pas les mêmes

problèmes, nécessairement, chez vous que pour le petit investisseur. Il me semble qu'il y a des recours, chez vous, qui sont plus faciles pour un porteur de police que pour un petit investisseur.

M. Young: En effet, nous sommes d'accord avec ce que vous préconisez quant aux courtiers en valeurs mobilières, mais nous aimerions que vous alliez plus loin, et que vous fassiez la même chose pour notre domaine. Un exemple concret: un client subit une perte à sa résidence, et la perte est litigieuse. Alors, l'assureur peut tout simplement refuser de payer pour le moment et demander au client d'aller éclaircir le cas devant la cour. On sait tous qu'il y a un délai minimum de deux ans. Alors, le client, premièrement, attend avant de savoir s'il va être indemnisé ou non, et deuxièmement, ça peut créer une certaine réputation douteuse dans l'industrie. C'est ce que nous voulons prévenir. Un accès plus rapide auprès d'un arbitre, qui pourra trancher immédiatement si l'assureur doit ou non indemniser.

Mme Robic: Est-ce que vous verriez également cela comme un bon moyen de régler des litiges entre des courtiers? Est-ce que c'est quelque chose qui arrive chez vous, dans votre domaine, des litiges entre courtiers? Non?

M. Young: Des litiges entre courtiers?

Mme Robic: Oui, entre deux courtiers.

M. Young: Non.

Mme Robic: Non?

M. Young: Non, du tout.

Mme Robic: Alors, allez, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la ministre. Il y a un élément intéressant, qui va sûrement intéresser mon collègue, le député de Verdun, et le député de Lotbinière. À la page 16 de votre mémoire, vous parlez de mesures de protection du public et, tout particulièrement, vous faites état... Vous nous dites que... En gros, je vais résumer votre page. Ça se résumerait à ceci: que les assurés devraient avoir le pouvoir de contraindre un assureur à régler, par voie d'arbitrage, un différend fondé sur un contrat d'assurance. Je parle, ici, de pouvoir de contrainte; vous parlez davantage d'option de choisir entre ça et le recours judiciaire.

Ce qui m'intéresse dans cette optique-là... Est-ce que ça se fait ailleurs, ça?

M. Young: Vous voulez dire le choix?

Le Président (M. Lemieux): Oui. Est-ce que ça existe ailleurs, ou si c'est de votre cru, de votre esprit, de votre imagination?

M. Bois: À notre connaissance, ça existe déjà pour arbitrer l'évaluation des dommages quand l'assureur et l'assuré ne s'entendent pas sur le montant même du dommage. Ça existe déjà dans notre système de droit au Québec, mais quand il s'agit de couverture ou de non-couverture...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Bois: ...parce que l'assureur prétend, par exemple, qu'il y a une exclusion...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Bois: ...ça n'existe pas au Québec. Mais je dois vous dire que, dans le cadre du marché commun, on se penche très sérieusement, actuellement, sur des méthodes alternatives de résolution des différends entre les assureurs et les assurés, en commençant, d'abord, par la conciliation...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Bois: ...et, ensuite, l'arbitrage. Ce n'est pas à l'état de directives, mais c'est étudié de très, très près.

Le Président (M. Lemieux): Ce serait souhaitable et au bénéfice du grand public, nécessairement, eu égard aux délais et ainsi de suite.

M. Bois: Oui, pas parce que l'arbitre serait nécessairement plus sage qu'un juge, c'est le problème... Et ça les courtiers le vivent. C'est que, surtout dans les cas d'incendie, vous avez un créancier hypothécaire, vous avez des gens qui se demandent s'ils auront de l'argent pour reconstruire leur maison. Ils veulent savoir tout de suite... L'assureur peut avoir des motifs très valables pour refuser de payer, et la cause n'est pas réglée. Alors, les deux parties en bénéficieraient. D'une part, l'assureur n'aurait pas des réserves en suspens. D'autre part, l'assuré saurait à quoi s'en tenir plus vite. C'est une question de délais. Mais pour répondre précisément à votre question: Est-ce que ça a été implanté ailleurs? Pas à notre connaissance.

Le Président (M. Lemieux): Mais c'est une suggestion qui vous apparaît valable?

M. Bois: Oui.

Le Président (M. Lemieux): À la page 15, rapidement, les CMS, les caisses mutuelles de sécurité. Encore une fois: Est-ce que ça existe ailleurs, un tel système? Vous le définissez à la page 15 de votre mémoire, dans le deuxième paragraphe.

M. Bois: Oui.

Le Président (M. Lemieux): Vous dites ceci: «Le système pourrait consister en une caisse mutuelle de

sécurité...» Vous définissez, brièvement peut-être, le type de financement et, peut-être, l'administration. Mais la composition, le rôle d'un tel organisme, sa composition principalement, son financement; ce qui m'intéresse c'est davantage son financement. Comment ce financement se ferait?

M. Young: Premièrement, la première partie de votre question. À notre connaissance, ce principe-là n'existe pas. Nous l'avons imaginé...

Le Président (M. Lemieux): Ça, c'est de votre imagination?

M. Young: Oui, totalement. Faire un peu de concert, si vous voulez, avec une table de concertation, style Conseil des assurances de dommages, à laquelle nous retrouvons plusieurs intervenants de l'industrie. Nous avons pensé à ce principe-là.

Le Président (M. Lemieux): Le financement se ferait tel qu'il est défini au troisième paragraphe: «La cotisation au fonds serait calculée selon le chiffre d'affaires des institutions financières...»?

M. Young: Exact. Oui, au prorata.

Le Président (M, Lemieux): O.K. Ça va. Je n'ai pas d'autres questions. M. le député, ça va? On me dit que je n'ai plus de temps. Alors, nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire.

Je m'excuse, M. le député de Westmount, il vous reste du temps. J'ai failli vous priver de votre temps, involontairement. On m'a ramené à l'ordre. Allez-y, M. le député de Westmount.

M. Holden: Ah! J'ai quelques petites questions, M. le Président. À un moment donné, dans votre mémoire, vous parlez de créer une nouvelle profession. Ce n'est pas parmi vos recommandations, mais c'est à la page 20, je crois.

M. Young: En fait, c'est notre dernière recommandation, la huitième: «Que le Québec stimule la croissance de l'activité d'intermédiation financière par une voie alternative: le recours aux conseillers financiers.»

M. Holden: C'est quoi exactement, un conseiller financier et un courtier du crédit? Comment ça marche?

M. Young: Conseiller financier et...

M. Holden: Vous mentionnez qu'un courtier en assurance place les risques de sa clientèle, qu'un conseiller financier peut exercer l'activité du courtier pour le compte d'un prêteur et pour le compte d'un emprunteur. Alors, ce serait un conseiller... Quel serait le titre de ce nouvel élément de votre profession?

M. Young: En fait, la philosophie derrière ce nouveau concept, comme je vous le disais, c'est que, de plus en plus, nous devons mettre sur pied une planification de stratégie financière personnelle pour nos clients. À l'aide de cette stratégie financière, on peut conseiller à notre client, soit une assurance-vie avec ou sans valeur de rachat, lui conseiller un REER, lui conseiller des placements à court terme, à long terme. Alors, c'est pour ça que nous préconisons une nouvelle vocation par laquelle il n'y aurait pas que les banques qui puissent faire appel à des capitaux, soit intérieurs ou étrangers. Également, le conseiller financier pourrait faire appel à certains capitaux pour le bien de son client.

M. Holden: Ça existe déjà des...

M. Young: Je pense que Me Bois aurait quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Bois: Ce qui sous-tend cette suggestion-là, c'est ce qui suit: les institutions financières fédérales viennent de se voir accorder le pouvoir d'agir comme conseiller financier. L'article 409, paragraphe 2 de la Loi sur les banques, accorde expressément ce pouvoir aux banques. Vous avez l'équivalent dans les lois fédérales sur les assurances et les compagnies de fiducie. On accorde également, à l'article 468 de la Loi sur les banques, le pouvoir d'une banque d'incorporer des sociétés de conseillers financiers. On appelle ça des conseillers en investissements. Mais on sait très bien qu'au ministère des Finances, à Ottawa, on considère que ces gens-là vont pouvoir conseiller sur à peu près toutes sortes de produits financiers, incluant l'assurance-vie. (17 heures)

Nous croyons qu'il serait opportun que le Québec intervienne pour réglementer cette activité professionnelle que les institutions fédérales ont maintenant le pouvoir d'exercer, et que les courtiers d'assurances exercent déjà. M. le président, Young fait état que, sans être trop précis... Mais il y a des courtiers, déjà, qui négocient des financements pour leurs clients. Ils font donc une forme d'intermédiation financière. C'est peut-être souhaitable pour activer l'intermédiation, mais si ce n'est pas encadré, ça pourrait être préjudiciable pour le consommateur. Alors, cette activité-là est encore marginale pour les courtiers d'assurances générales, mais elle ne l'est pas pour les banques. Demain, par exemple, la Banque de Nouvelle-Ecosse pourrait incorporer Scotia Consultants, qui va faire une planification financière complète, se disant conseiller en investissements, et recommander à quelqu'un d'abandonner sa police dans La Survivance, parce que les valeurs de rachat qui se trouvent là seraient bien mieux placées avec Scotia Bank, et que Scotia Life, elle, prendrait avantageusement charge, n'est-ce pas, de l'assurance-vie.

Alors, ça n'a pas été très élaboré, mais c'est un peu dans la ligne de préoccupation du document ministériel, qui propose que le Québec exerce ses compétences dans l'harmonisation, évidemment, mais ses compéten-

ces. Si on laisse le champ libre aux institutions fédérales, elles vont exercer des activités qui devraient normalement être réglementées par les provinces.

Nous ne sommes pas les seuls à nous préoccuper de ça. Le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, il y a environ huit mois — on ne peut pas le taxer d'excès d'autonomisme en matière d'excès de juridiction — a déploré un vide réglementaire dans ce domaine-là.

M. Holden: Vous pouvez vous imaginer que nous déplorons toute ingérence du fédéral dans des domaines exclusivement québécois.

Des voix: C'est nouveau! C'est nouveau! M. Holden: J'ai dit «nous».

Le Président (M. Lemieux): C'est dans une autre commission parlementaire, ce genre de débat.

M. Holden: Dans votre conclusion, vous mentionnez la question des renseignements personnels et vous formulez le voeu que ce soit une loi qui gouverne la question, parce que, actuellement... Et la ministre nous a fait une explication très claire de toutes les différentes lois sur la protection des renseignements personnels, à la page 32 des propositions.

Alors, pourriez-vous juste expliciter un peu comment vous voyez une loi qui pourrait résoudre tous les problèmes, à tous les niveaux et tous les différents aspects de cette question des renseignements personnels?

M. Young: Nous avons récemment présenté un mémoire à la commission de la culture, dans le cadre du projet de loi 68, et nous préconisions une loi globale quant à la protection des renseignements personnels au lieu de légiférer sectoriellement, pour éviter que certaines institutions financières à charte fédérale puissent supposer le fait qu'elles ne sont pas régies par les lois sectorielles de la province de Québec. C'est pour ça que nous préconisons une loi globale aussi importante, par exemple, que peut l'être le Code civil.

M. Bois: Ce qu'on peut ajouter là-dessus, c'est que vous avez déjà un exemple. Il y a, pour examen au Sénat, un règlement sur la protection des renseignements personnels recueillis par les institutions financières. Il est sous examen actuellement, et ce règlement, dans sa version actuelle, prévoit qu'il s'applique aux filiales des institutions financières fédérales, sans égard à leur lieu de constitution. Alors, le problème de chevauchement qu'on y voit, c'est le suivant. Reprenons encore Scotia Bank. Si Scotia Bank contrôle Scotia Realty, une compagnie de courtage en immeuble qui serait filiale de cette compagnie-là, en vertu de ce règlement fédéral, c'est le règlement fédéral qui contrôlerait l'activité de cueillette des renseignements personnels, par la filiale de la banque, alors que, lorsqu'on a une loi plus générale, il me semble que les débats constitutionnels, dont tout le monde est las, je suppose, peuvent au moins être évités, si on a une loi de portée générale, qui réglemente tout le secteur de la vie privée. C'est ce que nous avons proposé à la commission de la culture, parce que ce qui va se produire, c'est que, si vous avez une loi sur la protection des renseignements personnels uniquement dans le secteur financier, la première réponse que vous allez avoir, c'est que les banques à charte vont dire: Nous, nous ne sommes pas régies par ça. Même si elles cueillent leurs renseignements personnels dans des nouveaux secteurs d'activité, qui n'étaient pas dévolus aux banques autrefois, je ne sais pas, moi, pour la vente de tickets d'autobus, je ne pense pas, même si elles ont le droit de les vendre, que ça relève du «banking», au sens de la Constitution. Par contre, les banques n'ont jamais prétendu qu'elles n'étaient pas assujetties aux lois générales que le Québec adopte dans sa sphère de compétence. Notre appréhension... Et je dois vous souligner également que l'Association des courtiers d'assurance du Canada, la Insurance Brokers Association of Canada, a déjà représenté au fédéral qu'elle appréhendait ces conflits de juridiction en matière de protection des renseignements personnels. Alors, voilà le pourquoi d'une loi non pas sectorielle, mais d'une loi générale protégeant les renseignements personnels.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire, et j'inviterais les représentants... Je vais suspendre environ une minute pour permettre aux représentants de Trust Prêt et Revenu de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre les représentants de Trust Prêt et Revenu. Dans un premier temps, je demanderais au porte-parole de l'organisme de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Dans un deuxième temps, je vais faire état de la procédure parlementaire.

Groupe Prêt et Revenu

M. Tardif (Paul): Alors, M. le Président, mon nom est Paul Tardif. Je suis président et chef de la direction de Trust Prêt et Revenu. À ma droite, M. Jean Tardif, qui est président et chef de la direction de La St-Maurice, compagnie d'assurances; et Me Robert Archer, qui est vice-président, affaires juridiques, chez Trust Prêt et Revenu.

Le Président (M. Lemieux): Alors, la procédure parlementaire fonctionne de la façon suivante. Nous disposons, globalement, d'une heure. Vous disposez de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire. Suivra un

échange parlementaire entre les deux formations politiques: 20 minutes pour le parti ministériel, et 20 minutes pour le parti de l'Opposition, en respectant la règle de l'alternance. Alors, nous sommes prêts à vous écouter immédiatement pour l'exposé de votre mémoire.

M. Tardif (Paul): Je vous remercie, M. le Président. Alors, permettez-nous tout d'abord de vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de présenter notre point de vue à la commission. Nous apprécions certes tout le travail que représente votre mémoire, et nous vous en félicitons.

Notre intervention, aujourd'hui, n'a pas pour objet de reprendre les commentaires contenus dans le mémoire préparé par les associations dont les compagnies membres de notre groupe financier font respectivement partie. Mentionnons que, sur l'ordre du jour, c'est Trust Prêt et Revenu qui est mentionné. Notre mémoire est présenté au nom du Groupe Prêt et Revenu, dont les origines remontent à 1928, et qui est composé du Trust Prêt et Revenu, de Aeterna-Vie, compagnie d'assurance, dont le siège social est à Montréal, et de La St-Maurice, une compagnie d'assurances générales.

Alors, notre mémoire se veut plutôt le fruit de notre réflexion sur le rôle de la réglementation gouvernementale dans un contexte de globalisation des marchés, sur la priorité à accorder à la vocation locale de nos institutions par rapport à leur vocation internationale, et sur les mesures de soutien à la croissance des institutions financières qui sont prévues au chapitre 3 du document déposé par le gouvernement.

Alors, le rôle de la réglementation versus la globalisation des marchés. Dans le cadre de la réévaluation des politiques générales du gouvernement du Québec à l'égard du secteur des institutions financières, nous croyons à propos de prendre un certain recul par rapport au décloisonnement des institutions, que nous connaissons, au Canada, depuis le début des années quatre-vingt. Sous l'influence des tendances américaines de l'époque, et avec pour objectif de permettre aux institutions de prendre de l'expansion, il a été décidé d'abattre progressivement les barrières qui existaient entre les quatre piliers traditionnels. Cette décision a donné lieu, non pas à ce qu'on a souvent qualifié, à tort, de déréglementation du secteur financier, mais plutôt à l'adoption d'une multitude de nouvelles mesures législatives afin que les différents types d'institutions deviennent de plus en plus semblables. Ces nouvelles règles du jeu ont eu plusieurs effets négatifs sur nos institutions financières. Parmi celles-ci, mentionnons un accroissement de la compétition entre les institutions et, pour la majorité, des effets sur leur rentabilité.

À l'exemple du décloisonnement dans plusieurs industries réglementées, celui dans le secteur financier s'est fait en essayant d'envahir le champ d'action du voisin, sur une base de coûts marginaux, c'est-à-dire en croyant que les marges de profit avec lesquelles fonctionnent une compagnie ne seront pas affectées par le décloisonnement et suffiront pour amortir les coûts fixes de l'entreprise, et qu'alors, on peut se satisfaire d'une marge moins grande dans les activités que l'on peut ajouter. Comme le concurrent adopte une stratégie identique, le résultat final est que toutes les compagnies voient leur marge de profit diminuée ou même disparaître.

Une réduction importante du nombre d'institutions financières canadiennes. Enfin, la disparition, au Québec, d'un certain nombre d'institutions financières sous juridiction provinciale. Les récentes transactions impliquant des institutions financières québécoises vont également entraîner de nombreuses pertes d'emploi et la disparition, dans certains cas, des sociétés acquises.

Nous connaissons présentement la libéralisation et la globalisation du commerce des services financiers. À notre avis, si une des principales conséquences de ce phénomène est d'accroître la compétition à laquelle doivent faire face les institutions financières québécoises, il est primordial que la réaction gouvernementale, tant au niveau réglementaire qu'au niveau taxation, n'ait pas pour effet d'augmenter cette compétition, et pour corollaire, de diminuer la rentabilité de ces institutions.

Les institutions financières jouent un rôle important d'intermédiaire financier, donc d'agent économique. Elles peuvent être des collaborateurs utiles et importants dans la réalisation d'un plan de développement économique pour une société. Il nous semble donc important que les institutions financières locales soient à la fois bien encadrées, profitables, près de leur marché afin d'en connaître les besoins, et en assez grand nombre, afin d'assurer une vitalité au milieu financier, le développement et la pérennité du savoir-faire et d'une expertise en la matière.

À la lumière de l'exemple de certains pays, la réglementation gouvernementale se doit d'être un instrument pour assurer la solidité et la rentabilité des institutions québécoises et autres qui opèrent au Québec. Ces deux objectifs ne contredisent en aucune façon les objectifs décrits dans le document de consultation et se concilient très bien avec la priorité accordée à la protection du public.

L'attitude gouvernementale face à la mondialisation des marchés financiers doit, à notre avis, s'apparenter aux autres mesures gouvernementales lorsqu'il s'agit de réglementer d'autres secteurs de l'économie. Tout en respectant les accords signés dans le cadre du libre-échange nord-américain, nous croyons que le gouvernement peut, tout comme les autres pays signataires de ces accords, légiférer de telle sorte qu'il existe, sous sa juridiction et dans l'espace géographique qu'il contrôle, un cadre juridique et réglementaire qui assure que les institutions qui y oeuvrent soient en santé et rentables. Nos institutions locales seront ainsi capables d'assurer leur développement et de contribuer par leurs activités au développement économique de la société au sein de laquelle elles opèrent.

Il faut bien comprendre qu'agir de la sorte ne constitue pas du protectionnisme ou un refus du fait que nous vivons dans une ère de globalisation du commerce des services financiers. Au contraire, adopter une telle attitude, c'est faire preuve de réalisme par rapport aux

mesures mises de l'avant par d'autres juridictions pour protéger leurs institutions, et c'est également jouer la partie comme elle doit maintenant être jouée. Il faut mettre en place un cadre réglementaire, fiscal et d'affaires, qui assurera que nos institutions locales seront saines. Un tel cadre s'appliquera également à tous ceux qui viendront faire affaire ici.

Vocation internationale versus vocation locale. Nous croyons à propos, pour le gouvernement du Québec, de poursuivre le processus d'harmonisation de ses lois régissant ses institutions financières avec celles des autres juridictions afin de leur permettre de s'implanter efficacement à travers le Canada. De même, l'élaboration de nonnes cohérentes de composition et de suffisance de capital sont nécessaires pour renforcer la stabilité du secteur financier et pour permettre éventuellement à un nombre restreint d'institutions financières relevant de la juridiction du Québec d'accéder aux marchés extérieurs.

Ces préoccupations, dont le document de travail fait état, ne doivent certainement pas nous faire perdre de vue les besoins de notre marché local. À cet égard, nous avons certaines interrogations. À quoi servira-t-il d'avoir 1/20 de 1 % du marché mondial des institutions financières détenu par des institutions financières du Québec si, d'autre part, chaque année, nos institutions financières locales perdent une partie de plus en plus importante de leur marché au Québec?

L'expérience internationale de la majorité des institutions financières canadiennes sur le marché international est révélatrice et, pour la plupart, les a amenées à un repli sur le marché local. Désirons-nous conserver au Québec un nombre suffisant d'institutions financières ayant leur siège social au Québec pour assurer le développement d'une expertise dans le domaine et des débouchés à nos gradués universitaires désireux de travailler dans le secteur financier?

Les besoins de la société québécoise pour des services financiers seront-ils mieux satisfaits dans un environnement financier où se retrouveront uniquement des institutions financières de grande taille? Désirons-nous permettre aux petites institutions dynamiques, qui ont su démontrer leur efficacité et leur expertise en passant au travers des soubresauts du secteur financier durant la dernière décennie, de continuer à servir le public et à se développer?

Nous croyons qu'il y a encore de la place dans le marché actuel pour les institutions financières de petite taille par rapport aux géants de l'industrie financière. Ces petites institutions fournissent généralement des services plus personnalisés par rapport aux géants de l'industrie qui sont orientés vers un marché de masse. L'exploitation efficace de services spécialisés, recherchés par une certaine clientèle, mais mal adaptés au mode d'opération des grandes institutions peut assurer le succès des petites institutions.

Tout cela est sous réserve que le cadre réglementaire et opérationnel continue d'offrir des possibilités intéressantes aux petites institutions. Au niveau réglementaire, les mesures mises de l'avant doivent continuer d'offrir aux petites institutions la souplesse requise pour survivre et soutenir la concurrence. Quant au cadre opérationnel, le gouvernement se doit de suivre de près certaines situations afin de s'assurer que l'environnement financier demeure équitable pour toutes les institutions financières. À titre d'exemple, le contrôle exercé par les grandes banques sur le système canadien des paiements doit être surveillé. La mainmise par un groupe restreint d'institutions sur les systèmes modernes de paiement, tels Interac (paiements électroniques et cartes de débit) et CDS ou CCDV (système de compensation et de dépôt pour les valeurs mobilières) leur donne le pouvoir de décider qui peut être admis à participer, quels produits sont offerts et à quel prix, et du même coup, de réduire ou d'exercer un contrôle sur la concurrence. Ici, il faut bien comprendre, par exemple, que, dans CDS, il est facile — qui est dominé et contrôlé pas les plus grandes institutions, les grandes banques et leurs filiales de maisons de valeurs mobilières — ils peuvent facilement contrôler l'accès, tout simplement par la tarification. Alors, c'est très facile que la tarification ne soit pas faite sur le volume, mais plutôt sur l'utilisation, et ça devient presque des barrières à l'entrée.

De la même façon, actuellement, je veux attirer votre attention. Il y a un débat sur l'assurance-dépôts, la Société d'assurance-dépôts du Canada, au niveau fédéral, où on parle davantage de coassurance. Évidemment, les grandes banques poussent cet aspect, parce qu'elles considèrent que ça ferait monter le prix du coût d'acquisition des dépôts pour les autres, les plus petites institutions, et ça pourrait ainsi les tasser de la compétition. De même, lorsqu'on souligne ici le contrôle qu'elles ont sur les systèmes Interac et les systèmes de débit ou les chambres de compensation, encore là, par une tarification, on peut facilement exclure ou arriver à charger plus cher aux autres institutions et tasser la compétition petit à petit.

Les grands marchés de compensation, les grands systèmes de compensation, par exemple aux États-Unis, ne sont pas contrôlés par les plus grandes institutions. Alors, je pense qu'ici aussi les gouvernements, tant au niveau fédéral que provincial, doivent veiller à ce que six banques ou sept banques ne contrôlent pas totalement les systèmes de compensation ou les systèmes de valeurs. Puis, actuellement, je pense qu'il y a une partie qui est en train de se jouer et qui est très importante. Sur ça, il est important que le gouvernement provincial intervienne pour protéger ses institutions. (17 h 20)

Les mesures de soutien à la croissance des institutions financières. La lecture de plusieurs propositions contenues dans le document de consultation nous permet de croire que le Québec désire mettre de l'avant des mesures efficaces pour répondre aux besoins exprimés par l'industrie tout en protégeant le public. Nous trouvons particulièrement à propos le premier paragraphe du chapitre 1, intitulé «Mesures d'amélioration de l'efficacité», à l'effet que: «L'industrie des services financiers doit aspirer à l'efficacité et il lui appartient de définir les

stratégies qui lui permettront d'en augmenter le niveau à l'intérieur de ses activités. Le gouvernement peut toutefois lui faciliter cette tâche.» Pour nous, il est évident qu'il revient à chaque institution de définir elle-même les moyens qui lui permettront de maintenir sa capacité concurrentielle et d'assurer son développement.

Le rôle du gouvernement est de mettre en place des mesures pour lui faciliter cette tâche. Sur les mesures essentielles que le gouvernement doit adopter pour remplir sont rôle, nous estimons que celles relatives au soutien à la croissance qui se retrouvent au chapitre 3 du document de consultation sont d'une importance vitale pour que plusieurs institutions financières québécoises puissent poursuivre leur progression à long terme. Au rythme où évoluent les choses dans le secteur financier, nous croyons qu'il y a lieu d'adopter rapidement des mesures qui facilitent la capitalisation des petites et moyennes institutions. Dans un milieu en constante évolution, l'adoption à court terme de mesures appropriées, même si elles ne sont pas parfaites, serait à notre avis une meilleure réponse aux attentes de l'industrie que de longues études sur le sujet. De toute manière, les mesures adoptées peuvent être modifiées ultérieurement suite à des études à plus long terme ou en fonction de l'évolution du marché.

Si le gouvernement désire légiférer et réglementer de manière à protéger à la fois le public et favoriser l'expansion de ses institutions financières, il doit non seulement adopter des normes de santé financière appropriées et des mesures de contrôle efficaces, mais, simultanément, mettre en place des mécanismes pour favoriser la transition.

L'adoption unilatérale de mesures plus contraignantes, sans qu'en contrepartie soient adoptées d'autres mesures pour adoucir la transition, aurait des conséquences néfastes sur les objectifs déclarés du gouvernement de voir le secteur financier sous son contrôle se stabiliser et amorcer une nouvelle période de croissance.

Nous accueillons donc favorablement la proposition portant sur la mise sur pied d'un véhicule de capitalisation. Nous croyons primordial qu'il soit accordé autant d'importance à cette mesure qu'aux autres annoncées dans le document de consultation. Dans ce domaine, nous croyons que le gouvernement devrait contribuer aux efforts de certaines de ses institutions financières pour augmenter la capitalisation dont elles ont besoin, pour rencontrer les nouvelles normes édictées et permettre leur croissance. À notre avis, l'intervention du gouvernement en ce domaine est tout à fait justifiée, compte tenu qu'il a déjà favorisé, par des mesures fiscales, le développement d'institutions financières et de certains secteurs tels que l'exploration minière ou la production de films.

Nous nous posons certaines questions lorsque le document de consultation aborde, au paragraphe 3.2 du chapitre 3, la capitalisation des institutions financières québécoises. On y mentionne que le gouvernement désire répondre à la situation en contribuant, si nécessaire, aux efforts de ces institutions vers le capital externe, «mais d'une façon et dans une mesure qui devront à la fois répondre à d'autres éléments de problématique.» Nos interrogations portent principalement sur les deux premiers éléments de problématique. Ainsi, lorsqu'on mentionne le besoin des institutions de créer des alliances avec d'autres organisations plus importantes afin de pouvoir accéder à de nouveaux marchés, cela peut être justifié pour certaines institutions, alors que pour d'autres, les moyens qui leur permettront de maintenir leur capacité concurrentielle et d'assurer leur développement peuvent être tout autres. Nous espérons donc que cet élément mis de l'avant ne devienne pas un critère à la contribution du gouvernement aux efforts de capitalisation des petites sociétés.

Lorsqu'on parle, par exemple, d'alliance stratégique ou de fusion, je dois mentionner que, à deux reprises que j'ai en tête, on nous a parlé justement, dans notre cas, au Trust, de nous fusionner. Même, des tiers sont intervenus pour dire que ça pourrait être approprié de le faire. Si on avait fait ça, je peux dire que, dans les deux cas, aujourd'hui, on serait en faillite! Alors, ce qui peut être bon pour certaines organisations ne l'est pas automatiquement pour d'autres; ça dépend de la stratégie de développement de ces institutions.

Quant à la pénétration des marchés étrangers qui est citée comme second élément de problématique, est-il à propos que la majorité de nos institutions penchent dans cette direction, à la lumière de l'expérience de nos institutions canadiennes sur les marchés étrangers? Pour la majorité de nos institutions financières locales, leur succès dans les années futures repose en grande partie sur leur capacité à maintenir et à augmenter leur part de marché au Québec. Le contrôle du marché local par nos institutions aura des effets positifs sur la création d'emplois situés au Québec et sur le développement de notre expertise en matière d'institutions financières. Nous souhaitons donc que la pénétration de marchés étrangers ne devienne pas un critère de l'aide à la capitalisation que pourrait accorder le gouvernement.

Encore là, une façon de regarder froidement cet aspect d'investissement à l'étranger, ça serait peut-être de regarder de l'extérieur si on voit... Si on regarde, par exemple, l'État de la Géorgie, de l'Alabama ou de l'Ohio... Si les compagnies qui sont là — qui sont peut-être de taille moins grande — décidaient, tout d'un coup, si elles étaient très importantes, d'avoir une vocation internationale, la réaction, vue de loin, ça serait peut-être de dire qu'il serait plutôt très important de se solidifier et d'avoir une forte mainmise sur les marchés financiers de leur État, et de laisser les institutions, à New York, s'attaquer au marché international. C'est un peu, peut-être, la même réaction qu'on a ici, au Québec, où on a tellement à concentrer nos efforts pour dominer davantage notre marché. Puis, la connaissance des marchés financiers, lorsqu'on veut aller du côté international, en fait, c'est toujours une connaissance locale, c'est-à-dire que, pour aller faire du «banking» ou de l'assurance internationale, il faut connaître les règles locales, là où on fait affaire. Alors, ça prend de la capitalisation, une taille d'entreprise et un «know how» toujours local, alors que très peu d'institutions peuvent

se le permettre, au Canada.

Quant au véhicule de capitalisation le plus approprié pour répondre aux besoins de capitalisation des institutions financières québécoises, nous avons déjà, lors de rencontres avec la ministre et certains hauts fonctionnaires, présenté des projets. Dans le but de trouver une réponse rapide et adéquate aux besoins de capitalisation, il serait peut-être à propos d'examiner les véhicules déjà disponibles afin de vérifier si l'adoption de certaines modifications aux règles de ces régimes ne serait pas une réponse appropriée aux besoins des institutions locales. Cette façon de procéder aurait l'avantage de ne pas avoir à adopter un nouveau cadre législatif avec tous les délais que cela implique. Pour notre part, nous sommes toujours disposés à collaborer avec le gouvernement pour trouver une solution appropriée.

Nous accueillons avec satisfaction les propositions relatives à l'accès au capital étranger, prévues au paragraphe 3.3 du chapitre 3. Nous croyons toutefois que, dans le cas des compagnies d'assurances IARD, il ne devrait pas y avoir de limite. À cet égard, le gouvernement devrait harmoniser sa position avec celle des autorités fédérales. La situation des compagnies d'assurances générales est différente de celle des sociétés de fiducie et des compagnies d'assurance-vie, car elles ne contrôlent pas de l'épargne. À titre de compagnies de services, les compagnies d'assurances générales devraient, en regard de l'accès au capital étranger, être traitées de la même manière que toutes les autres compagnies offrant des services.

On doit également tenir compte du contexte canadien des compagnies d'assurances générales qui, pour la très grande majorité, sont contrôlées par des intérêts étrangers. Le fait de limiter les investissements étrangers dans ces compagnies peut amener la perte d'emplois au Québec et la disparition de sièges sociaux. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Tardif. Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. Tardif. Je pense que vous avez déposé un mémoire fort intéressant, et vous faites d'excellents points, d'ailleurs. Je ne voudrais pas que vous partiez avec l'impression que, pour nous, la seule priorité, c'est les grosses compagnies ou les groupes, et que nous avons l'intention d'abandonner les petites compagnies. Je crois qu'il y a de l'espace, au Québec, pour tout genre d'entreprise. Bien sûr, à travers le monde, il y a de ces grands groupes qui sont déjà organisés depuis longtemps. Si nous avons modernisé nos lois, c'était pour pouvoir mieux positionner nos compagnies, pour faire face à ces groupes étrangers qui viennent faire affaire chez nous, même qui investissent sur nos marchés. Donc, il faut s'assurer que nos entreprises à nous soient de taille à faire face à cette compétition.

Maintenant, on réalise, également, que ce qu'on appelle nos grosses compagnies sont souvent de petites compagnies, quand on se compare au marché international. C'est là où il devient fort important de pouvoir créer des alliances stratégiques avec ces compagnies-là, pour pouvoir, justement, aller sur les marchés étrangers, non pas seules comme entreprises, mais avec des partenaires étrangers qui connaissent très bien le marché de leur pays. C'est essentiel. Il y a bien des compagnies qui sont allées à l'étranger seules et qui ont été obligées de faire marche arrière parce que, comme vous l'avez très bien dit, elles se sont rendues compte que, ne connaissant pas la culture du pays, ne connaissant pas les personnes avec qui faire affaire, elles se trouvaient à être défavorisées. (17 h 30)

Donc, de là le discours que l'on tient, l'importance de créer ces alliances si une compagnie veut pouvoir profiter d'un marché plus large que le marché québécois. Mais, en même temps, il est important de se rappeler qu'il y a de la place pour des compagnies qui ne veulent faire affaire qu'au Québec, qui veulent se choisir des niches bien spécifiques, exceller dans ces niches et être des experts dans les produits que ces compagnies veulent bien offrir. Et ça, bien sûr, elles représentent pour nous un apport important au niveau des services, mais au niveau, également, de la création d'emplois, souvent, dans toutes les régions du Québec. Alors, il n'est pas question pour nous d'abandonner ces compagnies-là, bien au contraire. On veut traiter nos compagnies à un niveau égal, d'ailleurs. Je pense qu'on le dit, dans le document, assez clairement là-dessus. D'ailleurs, on dit même, dans le document — si ma mémoire est bonne, c'est à la page 6 ou 7 — où on fait la différence, quand on parle de normes, d'harmonisation, on fait bien la différence entre une compagnie qui veut faire affaire au niveau national versus une compagnie qui veut s'en tenir à faire affaire seulement dans une province. On ne voudrait pas forcer cette compagnie-là à rencontrer des normes nationales qu'elle n'aurait pas à rencontrer puisqu'elle agit seulement sur un terrain particulier où on peut très bien suivre ses activités, où l'Inspecteur peut très bien suivre ses activités. Alors, on fait la différence là. On ne veut certainement pas forcer ces compagnies à rencontrer des normes qui pourraient leur causer plus de dommages que de bien. On tente de faire la distinction.

Dans le début de votre énoncé, vous faites un peu un retour en arrière, et vous faites l'analyse des conséquences du décloisonnement. J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus, parce que ça a été, bien sûr, des années où on a vu ça comme étant très dynamique, comme étant nécessaire pour nos entreprises, de prendre une certaine ampleur. Vous semblez mettre ça en doute, un peu. Vous vous questionnez sur la pertinence de cette ouverture. J'aimerais vous entendre, peut-être que vous pourriez élaborer plus à fond sur ça. N'est-il pas vrai, par exemple, que ce n'est pas nécessairement la structure qu'on a permise qui a créé les problèmes? Il y a eu des décisions de gestionnaires. Il y a eu un contexte économique. II y a des décisions qui, quand elles ont été prises, semblaient être les bonnes décisions, mais s'en est suivi un contexte économique. Ça peut dépendre également d'une gestion plus ou moins serrée des entre-

prises. Alors, en tenant compte de tout ça, j'aimerais vous entendre.

M. Tardif (Paul): Voici. Effectivement, ça dépend toujours, évidemment, en bout de ligne, peut-être, d'une décision administrative fautive. J'essaie de comprendre... de faire valoir, et la même chose dans notre mémoire. C'est que ça dépend toujours des règles du jeu qui sont établies. Ici, par exemple, actuellement, si on parle de s'harmoniser avec le reste du Canada ou avec le monde entier, dans le fond, nous... ma perception, comment on doit jouer la partie, ça, ça nous est imposé. On n'a pas le choix, ça nous est imposé. Nous, là où on a le choix et ce qu'il faut décider, c'est comment on va jouer cette partie. Quand est arrivé... Si je remonte, par exemple, à 1980 ou à la fin des années soixante-dix, quand on a adopté des règles de décloisonnement pour donner plus de possibilités aux organisations, on a changé les règles du jeu. Lorsqu'on changeait les règles du jeu, évidemment, on ne savait pas, dans ce temps-là, ce qu'on sait aujourd'hui. Mais en changeant les règles du jeu, à ce moment-là, c'était en se disant: Si, nous, on est plus fins et plus vite, peut-être qu'on va arriver à gagner des choses. Puis là, c'était par rapport, disons, à d'autres organisations internationales ou par rapport aux banques, les organisations québécoises par rapport aux banques. Mais ce que ça fait, dans les faits, c'est que, en déréglementation ou en décloisonnement, ça permet à l'un, par exemple à l'assureur, d'aller faire du dépôt. Chacune entre dans les affaires de l'autre. Il arrive exactement la même chose que dans l'aviation. En plus de ça, stratégiquement parlant, au fil du temps, si on regarde en arrière, ce n'est jamais à l'avantage du plus petit de faire du décloisonnement; c'est toujours à l'avantage du plus gros.

Évidemment, si vous êtes les États-Unis ou le Japon, vous allez prôner le libre-échange et le décloisonnement; c'est normal de le faire. Là, vous établissez les règles parce que vous êtes capables de dominer le marché. De toute façon, en plus de ça, quand il arrivera quelque chose qui vous déplaira dans le marché, vous mettrez n'importe quelle sorte de règle et vous serez capable d'arrêter l'évolution pendant assez de temps, devant n'importe quel tribunal. On le voit, par exemple... Je peux vous donner des exemples avec l'acier, le bois d'oeuvre, le papier... Quand les États-Unis... si la règle... ou dans l'agriculture, vis-à-vis de la France... Quand la règle ne fait pas leur affaire, ou ils changent la règle, ou ils mettent un stop pour un temps, ou ils négocient et l'interprètent autrement. Alors, c'est la même chose. Eux, ils vont toujours prôner le décloisonnement, parce que c'est la loi du plus fort dans le décloisonnement.

Nous, ce qu'on a fait ici, au Québec, à ce moment-là, on a fait des règles de décloisonnement. On pensait aller plus vite ou gagner des choses. Mais ce qui est arrivé avec le temps, c'est que, dans des décloisonnements, l'un entre dans les affaires de l'autre, comme je le dis dans mon texte, et il le fait sur une base de coûts marginaux. Le faire sur une base de coûts margi- naux, ça veut dire... Par exemple, moi, j'opère une compagnie d'assurance-vie. Alors, je me dis: Je fais de l'argent avec ma compagnie d'assurance-vie, je fais une rentabilité normale. Si j'allais faire de la business que lui fait, par exemple, en dépôts, la compagnie voisine, qui est soit une banque ou un trust, je n'aurai pas besoin de faire autant d'argent que lui parce que, moi, mon «computer» est déjà payé. Je n'aurai pas besoin de plus de personnel, je n'aurai pas besoin de plus de locaux. Alors, je n'ai pas besoin d'amortir mes coûts fixes. Je vais y aller... J'ai juste besoin de faire un petit peu plus d'argent, puis ça va être de la crème sur le gâteau. C'est intéressant. Le gars dit: Je vais faire ça, une compagnie d'assurance-vie, les opérations vont continuer de la même manière. Par contre, si le gars qui est courtier en valeurs immobilières, lui, il dit: Moi, tous mes coûts sont payés par mes transactions de valeurs immobilières. Alors, je vais faire des régimes d'épargne-retraite, des choses... si je veux rentrer dans la business de l'autre sur un base de coûts marginaux. Moi, je ne chargerai rien pour la garde de valeurs ou pour agir comme fiduciaire, zéro! Évidemment... Alors, l'autre, qui est dans la compagnie de fiducie, lui, il dit: Bien moi, je vais entrer dans l'assurance-vie, puis je vais entrer dans le commerce des valeurs immobilières, ça aussi, sur une base de coûts marginaux. alors, qu'est-ce qui arrive? c'est que tout le monde descend ses marges de rentabilité. là, ça devient aussi une question, justement... le temps de dire: ii me faut croître. alors, acheter du marché. si les gens se mettent à acheter du marché en essayant d'aller avec d'autres gens dans le marché du voisin, ils font encore ça sur une base de coûts marginaux. alors, toutes les rentabilités de tout le monde baissent. là, quand vous êtes sous la règle du plus fort, qu'est-ce qui arrive? il arrive que, pour assurer la croissance, pour assurer la rentabilité, vous allez peut-être avoir 10 %, 20 % ou 30 % des organisations qui vont dire: je ne change pas mes règles de placements, je ne change pas... tu continues de la même manière. d'autres organisations ont absolument besoin, pour soutenir leur croissance, de changer leurs règles de placements. alors, elles entrent, disons, dans le prêt commercial, ou elles entrent dans de la deuxième hypothèque. elles entrent dans quelque chose qu'elles ne connaissaient pas avant, où elles n'ont pas l'expertise. à court terme, de toute façon, elles en ont besoin pour montrer les chiffres et pour assurer leur survie. alors, étant donné qu'on a mis des règles qui font en sorte que les gens changent leurs méthodes de placement, on aboutit, quelques années après, avec des graves problèmes. (17 h 40)

C'est sûr qu'il y a des mauvaises décisions administratives qui sont prises. Mais, qu'est-ce que vous voulez, le cadre d'opération et les règles du jeu faisaient en sorte qu'il fallait qu'il y ait des risques qui soient pris. Puis, lorsque vous analysez, par exemple — je ne veux pas donner de noms — les institutions aujourd'hui. Ce n'est pas qu'elles ont des problèmes, ce n'est pas automatiquement les plus petites... C'est celles qui, pour

attaquer une business, faire des affaires et un marché qu'elles n'avaient pas auparavant, ont été obligées de prendre des risques et de faire des choses différentes. À un moment donné, elles avaient besoin de ça, avaient besoin du volume à cause des nouvelles marges, pour être capables de survivre.

Alors, je pourrais vous le mettre dans le sport. Si vous changez... si vous prenez le hockey, par exemple, puis que vous faites jouer les joueurs sur une patinoire de 50 pieds moins longue, puis 25 pieds ou 30 pieds moins large, probablement qu'ils vont se cogner plus souvent. Puis, si vous les faites jouer sur une patinoire deux fois plus longue, puis deux fois plus large, probablement qu'ils vont se cogner moins souvent. Alors, selon la grandeur de la patinoire, puis les règles qui existent, bien, il arrive des choses comme il arrive. C'est la même chose avec l'aviation. Ça a été la même chose avec le changement de réglementation aux États-Unis sur les «savings and loans», puis dans n'importe quelle sorte de business.

Lorsque je mentionne qu'ici, au Québec, on doit envisager le décloisonnement et l'harmonisation non pas... On s'est fait imposer ces règles-là, mais, nous autres, on doit apprendre à jouer avec ça. Bien, je peux donner un exemple... bien, je peux vous en donner plusieurs. Mais, disons, en France.

La France — dans les banques — fait en sorte que vous n'avez pas le droit de payer de l'intérêt sur un compte en banque. Alors, peut-être que ce n'est pas bon pour le gars qui a son compte de chèques, il n'a pas d'intérêt, mais c'est bon pour le système financier français. Alors, ils ont décidé que le cadre d'affaires en France ferait en sorte que les banques, bien, elles vont être solides. puis, à l'automne, lorsque j'étais là, la barclay's, qui est une banque anglaise, a décidé que... elle, elle est arrivée avec un produit. elle a dit: je vais payer de l'intérêt, moi, sur les comptes en banque. alors, il y a eu tellement de pression que le ministre français a dit: en france, on ne paie pas d'intérêt. il est intervenu, il a bloqué le produit de la barclay's, puis, en répondant bien honnêtement: écoutez, monsieur, c'est juste. vous non plus, la barclay's, quand vous faites affaire en france, vous ne payez pas d'intérêt sur les comptes en banque. alors, évidemment, c'est extraordinaire, parce que la barclay's, qui fait affaire en angleterre, bien, elle paie probablement de l'intérêt sur 90 % de ses comptes en banque. puis, si elle a 3 % en france, il y a 3 % sur lesquels elle ne paie pas d'intérêt. mais la banque nationale de paris, la société générale ou le crédit agricole, bien, ils ont 90 % de leurs comptes en banque sur lesquels ils ne paient pas d'intérêt. puis, quand ils font affaire en angleterre, il y a peut-être 4 % sur lesquels ils paient de l'intérêt. ça fait que, quand ils sont rendus qu'ils font affaire en angleterre ou ailleurs en europe, bien, ils sont peut-être capables de payer un quart de plus, parce qu'il y a 90 % de leurs affaires sur lesquelles ils n'en paient pas. d'accord?

Bien, je vais vous dire, c'est la même chose à l'envers, ici. si on fait un programme comme «mon taux, mon toit», puis qu'on nous oblige à prêter à 0,25 % de moins que le taux du marché, ou «corvée habitation». on dit: vous allez prêter à 0,25 % de moins que le taux du marché. bien, qu'est-ce qui arrive? si la majorité de nos affaires sont au québec, on est bien plus influencé, puis que notre marge de rentabilité théorique est peut-être de 1,25 %, on vient de perdre 20 % de notre marge de profitabilité. si j'ai 90 % de mes affaires au québec, 80 %, bien, je suis affecté. mais si, par exemple, je fais affaire beaucoup en ontario, et que j'ai 4 % de mes affaires au québec, je peux même ignorer totalement le programme, puis, ce n'est pas grave.

Alors, c'est ça le cadre d'affaires, le cadre réglementaire où il faut, dans notre stratégie, nous assurer que... C'est la même chose avec la taxe sur les salaires. On peut dire que la taxe sur les salaires, c'est égal pour tout le monde, parce que ça remplace la TVQ, ou que c'est égal pour tout le monde, parce que, si vous êtes au Québec par rapport... La Banque Royale fait affaire au Québec ou un autre fait affaire au Québec, bien, ça baisse. Ils sont traités de la même façon. Us sont peut-être traités de la même façon, mais ils sont traités de la même façon sur 20 % de leurs affaires, puis, nous autres, sur 90 %. Si c'est désavantageux sur 90 %, les sociétés québécoises sont beaucoup plus affectées.

Alors, c'est le message qu'on veut un peu livrer ici. Il faut être certains qu'au Québec, notre cadre d'affaires — le cadre réglementaire, puis le cadre d'environnement dans lequel on agit — fait en sorte que les sociétés qui y oeuvrent peuvent agir de manière normale et être en santé et profitables.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Est-ce que vous me permettez, M. le député de Westmount? J'aurais peut-être... Il y a certains éléments de ce rapport-là qui me fatiguent un petit peu là. On va rester peut-être dans le hockey. Je dis ceci: Si je conserve Pierre Pagé comme instructeur des Nordiques de Québec, il n'y a pas de problème. Mais, si je pose la question: Est-ce que je dois conserver Pierre Pagé? Ça sous-entend une foule de choses;

À la page 3 de votre mémoire, vous posez des questions très, très substantielles: «À quoi servira-t-il d'avoir 1/20 de 1 % du marché mondial des institutions financières détenu par des institutions financières du Québec si, d'autre part, chaque année, nos institutions financières locales perdent une partie de plus en plus importante de leur marché...?» La deuxième: «Désirons-nous conserver au Québec un nombre suffisant d'institutions financières ayant leur siège social au Québec pour assurer le développement d'une expertise...?»

Les questions que vous posez... Il y a des réponses qui se cachent derrière ces questions-là — réponses, j'en suis certain, que vous connaissez. Il me semble avoir vu un semblant de réponse à la page 5, dans le deuxième paragraphe: «Dans ce domaine, nous croyons que le gouvernement devrait contribuer aux

efforts...», ainsi de suite. Mais, à part ça, croyez-vous que, d'une certaine façon, les petites institutions sont victimes d'une forme de discrimination, ou quoi? Qu'est-ce qui se cache derrière toutes ces questions-là? Entre vous et moi, là, il n'y a personne, on est tous les deux.

M. Tardif (Paul): C'est ça. Bien, en fait, je répéterais un peu les choses que je viens de dire. On l'a vu, au cours des dernières années, la manière dont les règles de la partie ont été faites. On a juste à regarder les faits.

Le Président (M. Lemieux): À titre d'exemple, j'imagine, les dépôts bancaires du gouvernement du Québec.

M. Tardif (Paul): Oui, mais au Canada... Au Québec, on a perdu de nos institutions qui sont disparues. Les étrangers sont intervenus et en ont pris. On a fait pour bien faire dans les règles de décloisonnement et tout ça, sauf que, si ça n'a pas joué en faveur de nos institutions domestiques québécoises, à un moment donné, on ne doit pas avoir, il me semble, comme stratégie, de dire: Visons pour avoir 1/20 du marché international et avoir 3 000 000 $ d'affaires à Londres.

Le Président (M. Lemieux): Si ça a comme conséquence la disparition...

M. Tardif (Paul): Ce qui est important, il me semble, pour nous, c'est, au Québec, d'avoir un contrôle fort sur l'assurance-vie, par exemple, par des sociétés d'assurance-vie québécoises. La même chose dans les dépôts, dans les trusts. C'est important, il me semble, de bien contrôler nos biens financiers et de conserver l'expertise ici. S'il reste au Québec juste un trust ou deux trusts, s'il reste juste une banque ou deux, une compagnie d'assurances ou deux, comment vous allez faire le renouveau? Les gens qui vont sortir des universités, ils vont aller travailler pour qui, au juste? Comment allez-vous conserver votre expertise?

Aux États-Unis, il y a 6000 banques. On dit qu'il va y avoir une rationalisation, ça va peut-être baisser à 4000. Ça en fait pas mal. En Suisse, c'est gros comme le Québec, ils ont 300 banques, des banques privées. Partout où vous avez des institutions financières, vous voulez avoir du «know how», vous voulez avoir de la vivacité. Moi, je dis que c'est important, au Québec, de garder de la vitalité dans ce milieu-là et de s'assurer que les institutions qui y sont vivent dans un cadre d'affaires où elles vont pouvoir survivre. Alors, le cadre réglementaire — je reviens sur ça — le cadre réglementaire et d'affaires doit être là pour assurer que ces compagnies-là survivent. Ce cadre-là, d'affaires, va faire en sorte que si les autres compagnies étrangères veulent venir faire affaire ici, elles peuvent venir faire affaire. Elles viennent depuis tout temps. Elles peuvent venir faire affaire, mais elles adopteront ces règles-là et on se sera assuré que ces règles-là font en sorte que nos com- pagnies québécoises peuvent continuer d'exister sainement et en santé.

Le Président (M. Lemieux): M. Tardif, si on inverse les rôles, vous êtes assis dans la chaise de Mme la ministre, la première mesure que vous prendriez serait laquelle?

M. Tardif (Paul): Ah! Mon Dieu! D'abord, actuellement, au point de vue de la capitalisation, il faudrait favoriser la capitalisation. Alors, on a proposé des mesures. Et il y a «first year», «second year», dans les institutions. Au niveau de «first year», du point de vue fiscal, je favoriserais les investissements dans les sociétés. Alors, soit, comme ça a été favorisé, par exemple, par les Lloyds, il y a des avantages fiscaux à le faire, soit que ça a été fait en modifiant le REA pour favoriser que les gens investissent. Je me dis — comme vous dites, entre vous et moi — que, quand je vois l'argent qui est investi dans les films, probablement que les institutions financières... Quand je regarde le recul qu'on a depuis plusieurs années, il me semble que ça vaut la peine de faire un effort pour contrôler, avoir la mainmise et le «know-how» pour assurer la vitalité de nos institutions financières. Je n'irais pas vers une déréglementation, moi, comme... Juste, O.K. «Second year», ça veut dire deuxième, c'est de la dette. On pourrait favoriser facilement, sans aucun coût pour le gouvernement... Ça, le ministre des Finances va être heureux, qu'on puisse émettre de la dette en achetant de l'assurance, comme, par exemple, la SDI offre à d'autres. Ça, ça serait très facile. Mon «feeling» à moi, c'est que ça serait — ma perception — très facile à faire. Ça aiderait la capitalisation des institutions financières. Par exemple, si j'ai besoin d'émettre 5 000 000 $, 10 000 000 $ de billets en sous-ordre, je paierais une assurance, comme on paie à la Société canadienne d'hypothèques, comme des compagnies peuvent payer à la SDI, pour émettre de mon papier. (17 h 50)

Comme, actuellement, on a une période de transition, comme il est parfaitement expliqué ici, où il y a une reréglementation et une harmonisation et que ces règles-là font en sorte qu'elles affectent les sociétés québécoises, si on pouvait au moins émettre ce papier-là, ça ferait passer cette période de transition, et ça aiderait les compagnies québécoises à faire un pas en avant. Alors, ça, c'est deux choses importantes.

Au niveau de la réglementation, moi, je n'aurais pas tendance à aller dans le sens du décloisonnement. Moi, je pense que ça prend une bonne réglementation. J'aime mieux, parce que c'est juste les grandes règles... Comme on est un plus petit marché avec des plus petites institutions, c'est utopique de penser que moins de réglementation va nous servir. Ça prend, au contraire, probablement, un cadre plus strict pour s'assurer que, dans ce cadre-là, les institutions qui font affaire au Québec vont être saines, vont croître, vont être solides. Si on se met à contrôler de plus en plus notre marché, on va grossir, et on va devenir de plus en plus gros.

Dans le fond, étudiez les stratégies du Japon, de la France, de la Suisse, vous allez voir que c'est ça qu'ils font. C'est impénétrable leur marché. Ils ont leurs règles, puis c'est sévère. Alors, ils protègent leurs institutions. Ils peuvent toujours dire à un autre: Vous pouvez venir faire affaire ici, mais vous allez adopter les règles du pays. Ça c'est correct. Mais les règles du pays, ça assure que l'institution continue à survivre, puis qu'elle est forte. De façon générale, si les compagnies peuvent survivre, elles parviennent assez bien à servir leurs concitoyens. Alors, il s'agit de s'assurer qu'on ait un cadre pour que nos compagnies puissent survivre.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Vous voulez compléter, Mme la ministre? Je crois que vous vouliez compléter.

Mme Robic: Oui, M. le Président. J'écoutais, c'était assez intéressant. Dans le fond, je pense que je vais prendre votre analogie, M. le Président, quand vous parlez d'un joueur de hockey. Moi, je vais vous parler de la glace, de la grandeur de la glace. Vous aimeriez ça qu'on reste, chez nous, sur notre patinoire. Mais, malheureusement, la réalité est tout autre. Il y a beaucoup de monde qui sont sur notre patinoire. Si on était restés tout seuls sur notre patinoire, peut-être... Même pas sûr, parce que notre clientèle est bien petite, finalement. Mais il y a bien des gens qui nous arrivent sur notre patinoire.

Alors, il faut que nos compagnies soient bien équipées pour pouvoir «compétitionner» ces gens-là, qui existent depuis longtemps, et qui arrivent avec leurs grosses compagnies, leurs machines, si vous voulez, pour venir vendre des produits, offrir des produits. Ces compagnies-là, ce n'est pas... il ne faut pas les voir comme étant... Comment je dirais? Ce sont des adversaires en affaires, mais ce n'est pas mauvais qu'elles soient là. Elles stimulent le marché, elles font travailler des gens. Il n'y a pas seulement les compagnies à charte du Québec qui donnent des emplois au Québec, il y a des compagnies étrangères qui donnent des emplois également. Alors, ce n'est pas seulement néfaste. Il y a des bons côtés à tout ça. Mais il y a, sur la patinoire, beaucoup plus de joueurs, et quand ces joueurs ont commencé à arriver ici au Québec, on s'est rendu compte que, peut-être, nos joueurs étaient mal équipés face à cette nouvelle compétition, et qu'il fallait bien les équiper. Sans oublier pour autant qu'il y a des joueurs qui ont décidé de jouer, de rester sur une plus petite patinoire, et de jouer d'une façon très spécialisée. Il ne faut pas oublier que ce n'est pas... il y a différents joueurs et il faut les reconnaître ceux-là. Je pense que ce serait une erreur de penser qu'on peut rester seuls sur notre patinoire. C'est là où on serait en danger de disparaître.

Vous avez raison quand vous dites: C'est dangereux, quand vous avez des programmes que, nous, comme compagnie québécoise, on met de l'avant, qui nous coûtent — il y a un coût au bout de ce programme-là — et que les compagnies étrangères peuvent même ignorer le programme. Si elles l'adoptent, ce programme-là, dans la partie qui est investie au Québec, c'est si petit que, dans leurs livres, ça ne dérange pas beaucoup. Mais c'est pour ça également qu'il faut qu'on ait des compagnies qui aillent ailleurs, pour pouvoir équilibrer, justement, diversifier les risques, pour ne pas que les risques soient tous au même endroit. Donc, c'est une protection, ça aussi, la diversification des risques.

En conclusion, j'aurais voulu qu'on élabore sur le véhicule de capitalisation. C'était un point essentiel de leur présentation, et ils nous ont dit que c'était, d'ailleurs, ce qu'ils calculaient de plus important. Alors, j'aurais aimé ça s'ils avaient eu le temps un peu d'élaborer sur le véhicule de capitalisation. Comment est-ce que vous voyez ça, vous, ce véhicule-là?

M. Holden: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Mme la ministre, M. le député... Alors, M. le député de Westmount, allez-y.

Mme Robic: Je m'excuse, M. le député.

Le Président (M. Lemieux): Oui, allez-y. Nous allons vous donner tout votre temps. Vous avez été très «collaboratif».

M. Holden: J'ai été très heureux de partager avec vous, M. le Président, mais la ministre a amplement le temps de faire valoir ses vues. Peut-être que le mémoire de Trust Prêt et Revenu ne plaît pas à la ministre, je ne sais pas. Moi, je suis très sensible à votre argumentation, et j'aimerais demander... Quand vous parlez de... En tout cas, vous êtes un trust qui n'est pas de l'envergure de Trust Royal ou...

M. Tardif (Paul): Non. Seulement...

M. Holden: Est-ce qu'il y a des chiffres que vous pourriez me...

M. Tardif (Paul): Oui. Les compagnies membres du groupe Trust Prêt et Revenu, qui a son siège social ici, à Québec, qui fait affaire partout en province, qui a un bureau à Ottawa, a des actifs de 675 000 000 $, des biens sous garde, sous gestion, d'à peu près 6 000 000 000 $. La compagnie Aeterna-Vie, compagnie d'assurance-vie dont le siège social est à Montréal, a des actifs d'environ 225 000 000 $. La St-Maurice, compagnie d'assurances IARD, qui a son siège social ici, à Québec, écrit pour à peu près 35 000 000 $ de primes annuellement. Alors, ce sont les trois compagnies qui forment notre groupe financier.

M. Holden: Est-ce que vous verriez deux vitesses ou deux niveaux de réglementation, ou est-ce que ça se ferait par exception, pour les compagnies qui font affaire plus localement? Comment vous envisagez ça?

M. Tardif (Paul): En fait, non. Je pense qu'il y a un système de réglementation. Est-ce qu'il peut y avoir certaines exceptions pour les compagnies qui font localement? Honnêtement, ce ne sont pas des choses auxquelles nous nous sommes attardés. Nous avons concentré notre mémoire sur seulement quelques points. Puis, pour la réglementation, nous, c'est un système, un cadre d'ensemble. Mais, justement, notre approche sur la réglementation, au Québec, c'est de faire en sorte qu'elle assure, que ce soit un mode d'opération qui assure la survie, puis la santé de nos institutions financières. Il ne faut pas qu'il soit surcompétitif ou... Puis, là, on est dans une période de transition. Alors, il faut s'assurer qu'on franchit bien cette période de transition. Un des points les plus importants, à ce moment-là, c'est la capitalisation.

M. Holden: Vous avez prôné même une réglementation assez sévère. Vous avez mentionné le Japon. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que l'Inspecteur général devrait avoir le pouvoir d'aller réorganiser les compagnies, tel qu'explicité un peu dans les propositions de la ministre? (18 heures)

M. Tardif (Paul): Pour nous, c'est une autre chose. Notre approche sur la réglementation... J'ai de la difficulté, probablement, à faire valoir ce point-là. Lorsque Mme la ministre parlait de la globalisation... La globalisation, pour nous, on n'est pas contre ça. On ne peut pas fermer le Québec. On sait bien que... D'abord, les compagnies d'assurances étrangères, elles sont ici depuis 100 ans. Alors, ce n'est pas... Ça, on sait ça. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut une réglementation, au Québec, qui, justement, dans la partie... Ce n'est pas une partie de hockey, mais la partie de mondialisation qui se joue actuellement, nous, il faut la jouer de telle façon, en mettant des règles qui font en sorte que nos compagnies locales peuvent survivre, étant donné qu'on sait qu'il va y avoir des compagnies de partout qui viendront faire affaire ici et qui adopteront des règles. Qu'on impose des règles qui font en sorte que ça assure au moins que nos compagnies vont survivre.

Votre question sur la réglementation. Alors, on pense, à ce moment-là, que le cadre réglementaire et le cadre d'affaires doivent être importants et doivent être assez sévères. On aime davantage un cadre réglementaire plus explicite qu'un cadre réglementaire moins explicite, et, à ce moment-là, sur une base qui peut être plus subjective, plus aléatoire, prévoir des interventions, soit du bureau de l'Inspecteur général ou du ministre. Il me semble que ce serait mieux d'avoir un cadre réglementaire plus explicite et, à ce moment-là, avoir des pouvoirs pour l'Inspecteur général qui, oui, se doivent d'être importants. Ils doivent être aussi explicites. Dans ça, l'approche, comme on parle d'autres pays, doit être aussi — un — entre les institutions financières et le bureau de l'Inspecteur, qu'il y ait davantage de partenariat. On est là pour bâtir des institutions financières ici, et de collaboration.

M. Holden: Je suis impressionné par... Quand vous parlez de la prédominance des grandes banques, je suis d'accord avec vous. Vous dites que le pouvoir des banques sur le système canadien des paiements leur donne — ça, ça vient de votre mémoire — le pouvoir de décider qui peut être admis à participer, quels produits sont offerts, et à quel prix, et, du même coup, de réduire ou d'exercer un contrôle sur la concurrence. Je vois que, parmi vous trois, il y en a deux qui sont avocats ou peut-être notaires, je ne sais pas.

M. Tardif (Paul): Avocats, oui.

M. Holden: Au sujet de la compétence constitutionnelle, est-ce que vous avez des commentaires à faire sur cette ingérence par les banques dans les domaines de juridiction exclusive des provinces?

M. Tardif (Paul): Honnêtement, au point de vue constitutionnel, on ne s'est pas mis à étudier ça, on ne s'est pas attardés véritablement. Ce n'est pas sur ce point de vue qu'on s'est attardés. Nous, notre préoccupation, c'est davantage au point de vue affaires. Les banques, ce qu'on veut... Au Canada, on va avoir six, sept banques — et c'est tout — qui vont contrôler, si ça continue, tous les trusts, les compagnies de valeurs mobilières. Puis, peut-être, dans 10 ans, toutes les compagnies d'assurances... Est-ce que c'est ça qu'on veut? On va trouver que ça ne fait pas un marché où il y a beaucoup de vitalité. D'ailleurs, déjà, je ne suis pas certain que, dans les banques, il y a la vitalité et le nombre qu'il devrait. Alors, c'est surtout à ce point de vue là. On s'en va vers un oligopole pour contrôler tout.

Puis, dans des règles de décloisonnement... inévitablement, à un moment donné, à la longue, ça va être l'exception qui va vivre en dehors de ça, parce que les grandes banques vont être de plus en plus grosses. Quand vous pouvez vous payer des erreurs de 200 000 000 $, 300 000 000 $, bien, ça aide, même plus.

M. Holden: De 6 000 000 000 $ avec la famille Reichmann. Je pourrais même vous suggérer quelque chose que vous n'êtes pas obligé de commenter, mais ça se peut qu'un Québec souverain serait mieux adapté pour protéger les petits trusts contre les grosses banques que le système actuel. Mais je ne vous demanderai pas de commenter.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît!

M. Chagnon: M. le Président, si vous vouliez dire à votre député qu'il prend de l'âge.

Le Président (M. Lemieux): Sur ce, est-ce que vous avez...

M. Holden: Non. J'ai suggéré ça à nos visiteurs, et j'ai dit qu'ils n'étaient pas obligés de commenter... et vous non plus!

Le Président (M. Lemieux): Non, je m'excuse. M. le député de Saint-Louis, la parole... Mme la ministre, la parole est à... M. le député de Verdun, la parole était à M. le député de Westmount. Alors, il avait raison de dire que vous n'aviez pas de commentaires à apporter à sa question.

Maintenant, je vous remercie, M. le député de Westmount. Je remercie les membres de cette commission parlementaire. Je vous remercie d'avoir présenté votre mémoire, et nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures, pour entendre — Mme la secrétaire, s'il vous plaît — le Bureau d'assurance du Canada.

M. Gautrin: Est-ce qu'on va laisser nos...

Le Président (M. Lemieux): C'est à votre discrétion, M. le député de Verdun.

(Suspension de la séance à 18 h 5)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Chagnon): Je demanderais aux membres du Bureau d'assurance du Canada de bien vouloir prendre place. Nous allons commencer immédiatement.

Messieurs, est-ce que vous auriez l'obligeance de vous présenter, s'il vous plaît.

Bureau d'assurance du Canada (BAC)

M. Medza (Raymond): Merci, M. le Président. Mon nom est Raymond Medza. Je suis le directeur général du Bureau d'assurance du Canada au Québec. Je suis accompagné de M. Réal Circé, qui est le président et chef de la direction de La Capitale, compagnie d'assurances générales; de M. Jean Tardif, qui est le président de La St-Maurice, compagnie d'assurances; et de M. Jean Bouchard, qui est le président du conseil de La Laurentienne générale, compagnie d'assurance inc.

C'est ce dernier, d'ailleurs, qui était chargé du groupe de travail sur l'analyse des propositions de politiques pour le secteur financier du Québec. C'est lui-même qui vous présentera tout à l'heure les commentaires du BAC, au nom des assureurs à charte du Québec.

Juste avant, M. le Président, quelques mots pour vous rappeler que le Bureau d'assurance du Canada est l'organisme qui représente la majorité des assureurs de dommages opérant au Canada. Au Québec, les orientations sont déterminées par le comité BAC-Québec qui regroupe les chefs de la direction des compagnies d'assurances de dommages parmi les plus importantes au Québec.

Quoique fondamentalement en accord avec plusieurs des propositions de la ministre, le BAC souhaite vous faire ses commentaires et certaines recommandations qui, d'ailleurs, s'inscrivent tout à fait dans la ligne de pensée que le BAC a déjà tracée lors de l'analyse de différents projets de loi ou de documents de consultation présentés ici, au gouvernement du Québec.

J'inviterais donc M. Bouchard à poursuivre, si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Absolument. Je voudrais tout simplement souligner que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Suite à cela, les membres de la commission, de l'Opposition et du parti ministériel vous poseront des questions comme il se doit.

M. Bouchard (Jean): Merci, M. le Président. Comme vient de le mentionner M. Medza, le BAC est fondamentalement d'accord avec plusieurs des propositions de la ministre. Toutefois, nous désirons rappeler les besoins particuliers des assureurs de dommages du Québec, afin de favoriser leur croissance et ce, même si le secteur des assurances de dommages n'est mentionné que très peu dans le document de consultation.

C'est pourquoi, d'entrée de jeu, nous désirons énoncer ce que nous qualifions d'environnement favorisant la croissance de l'assurance de dommages au Québec. Nous souhaitons donc, et je ne répéterai pas l'ensemble du mémoire que nous avons soumis, mais je tâcherai simplement de donner les grandes lignes pour... On pourrait peut-être prendre plus de temps pour la discussion, s'il y a lieu. (20 h 10)

Alors, nous souhaitons particulièrement que... D'abord, un encadrement qui reconnaît les spécificités du secteur de l'assurance de dommages, qui sont différentes du secteur de l'assurance de personnes; 2° un encadrement législatif et réglementaire amélioré qui favorise une plus grande efficacité de nos sociétés; 3° des règles qui assurent la stabilité financière des institutions tout en respectant les acquis que nous avons eus au cours des années passées; et enfin, un environnement propice au développement, c'est-à-dire où l'État n'agit pas comme concurrent de l'entreprise privée, où le régime fiscal ne pénalise pas les institutions, un régime qui favorise des investissements pouvant supporter son développement et qui favorise l'accès au financement.

Comme nous partageons des objectifs qui sous-tendent le document ministériel, nos commentaires porteront sur ces grands objectifs, à savoir l'efficacité, la stabilité du système et sa croissance.

D'abord, ce que nous entendons par un environnement efficace. Il est, à notre sens, conditionné par les quatre éléments suivants.

La cohérence entre les diverses législations. La cohérence doit se retrouver à l'intérieur d'un même secteur, mais pas nécessairement à l'échelle intersectorielle, puisque chaque secteur d'activité doit comprendre ses propres spécificités.

En deuxième lieu, et ce qui nous apparaît très important, c'est la reconnaissance mutuelle des juridictions au Canada. Dans l'environnement actuel qui évolue et s'internationalise, il y a urgence de s'entendre sur la reconnaissance mutuelle des juridictions, tout comme sur l'harmonisation, au moins sur des éléments fonda-

mentaux. En ce sens, le modèle de licence unique de la Communauté économique européenne est intéressant en ce que la juridiction d'incorporation est mandatée pour effectuer la surveillance et le contrôle et fournir l'information aux autres juridictions dans lesquelles l'assureur opère.

Également, des normes minimales de solvabilité. Nous convenons que l'établissement de normes minimales de composition et de suffisance de capital applicables aux assureurs de dommages est une condition essentielle à l'harmonisation des normes et la reconnaissance d'une juridiction, d'autant plus que ces normes sont nécessaires également pour la crédibilité financière de notre industrie. Nous soumettons toutefois que ces normes doivent être basées sur des principes internationalement reconnus. Nous discuterons d'ailleurs un peu plus tard de cet aspect.

Nous souhaitons également l'allégement des lourdeurs administratives. Nous croyons que la bureaucratisation exagérée des organismes de contrôle est contre-productive, autant au niveau de l'appareil gouvernemental qu'au niveau des entreprises qui sont sous contrôle.

Nous recommandons d'abord de créer un environnement législatif et réglementaire qui s'apparente de plus près aux normes et pratiques reconnues internationalement. Deuxièmement, d'évaluer l'impact de toute nouvelle loi, et n'implanter aucune mesure qui nécessiterait des ressources additionnelles dans l'appareil gouvernemental. Une analyse d'impact devrait de plus tenir compte du fardeau additionnel aux entreprises et mesurer les conséquences en termes de coûts et de pertes d'énergie sur la compétitivité des assureurs.

Ce que nous entendons par un environnement stable. Nous sommes d'accord que la stabilité du secteur d'assurance de dommages repose sur les trois éléments suivants: d'une part, des normes de solvabilité; un pouvoir de contrôle et de surveillance et un régime d'indemnisation. L'application des normes de solvabilité doit être établie selon les principes suivants. Les normes devraient être définies selon des critères propres au secteur d'assurance des dommages. Ce devrait être des règles qui s'inspirent de normes et pratiques reconnues internationalement. La reconnaissance de ces règles devrait se faire par l'ensemble des juridictions canadiennes, de façon à ne pas pénaliser particulièrement les entreprises sous juridiction québécoise. Nous recommandons donc de créer un comité d'étude composé de représentants de l'industrie et du gouvernement, mandaté pour l'analyse des règles actuelles et l'identification des alternatives en matière de solvabilité, capitalisation, financement et placements.

L'exercice du pouvoir de surveillance et de contrôle des autorités réglementaires. Nous sommes d'accord pour qu'une surveillance raisonnable soit exercée par l'Inspecteur général des institutions financières. Dans notre rapport, les remarques que nous faisons ne visent aucunement les individus en place, mais simplement un cadre de politique et un cadre d'opération qui soient acceptables, tant au niveau gouvernemental qu'au niveau des opérations du secteur. À notre avis, le seul rôle de l'Inspecteur général devrait être de s'assurer de la santé financière des assureurs et son action devrait se limiter à ce qui est nécessaire à cette fin. Souventefois, les rapports demandés sont coûteux, autant pour le gouvernement qui doit en faire l'analyse, que pour l'industrie des assurances, qui doit les préparer. À notre avis, certaines de ces demandes dépassent les besoins de renseignements utiles pour s'assurer de la santé financière des institutions. À titre d'exemple, nous ne croyons pas que nous ayons besoin — ou que l'Inspecteur général ait besoin — de s'enquérir des tarifs des assureurs en vue de protéger l'assuré. Dans un contexte aussi concurrentiel que celui de l'assurance des dommages, il nous apparaît que c'est un rôle superflu.

Un autre exemple. Après avoir reçu les états financiers contenant le rapport des vérificateurs, après avoir reçu la certification actuarielle, et suite à l'établissement d'un fonds d'indemnisation, serait-il nécessaire que l'Inspecteur collige l'information pour la traiter lui-même dans ses propres systèmes pour se satisfaire de la situation financière d'un assureur? Nous ajoutons qu'on ne peut pas tenir les administrateurs et dirigeants responsables des résultats s'ils ne sont pas, en même temps, maîtres des décisions qu'ils prennent.

Nous recommandons donc fortement de revoir les pouvoirs accordés aux autorités de surveillance et de contrôle et de les redéfinir selon des paramètres raisonnables reflétant les réalités du secteur et les réalités économiques. Nous souhaitons également un régime d'indemnisation qui protège les assurés selon les limites prévues. Chaque secteur d'activité financière présente des différences fondamentales au niveau de la nature du risque, de l'ampleur et de l'impact d'une mauvaise situation financière.

En assurance de dommages, le BAC considère que le régime mis en place répond bien aux besoins. La Société d'indemnisation en matière d'assurance IARD a été créée en 1988, avec l'accord de tous les assureurs de dommages au Canada et leur adhésion individuelle. C'est une mécanique qui a été également acceptée par l'ensemble des autorités de contrôle au Canada. Un mécanisme d'indemnisation existait déjà même avant la création de la Société. Il était administré par le Bureau d'assurance du Canada et subventionné par les assureurs. En 1988, la Société prenait en charge les dossiers de liquidation, particulièrement de sociétés à charte autre que du Québec, qui étaient alors en cours, et en a continué la gestion depuis.

Nous croyons que le système d'indemnisation au niveau de l'assurance IARD fonctionne bien, semble efficace, et le tout, à des coûts raisonnables. Compte tenu de ces éléments, il ne nous apparaît pas utile de le remettre en question à ce moment-ci. Cependant, s'il s'avérait que des modifications de fonctionnement devaient être discutées, nous serions quand même ouverts à le faire.

Un environnement propice à la croissance. En dernier lieu, nous désirons vous faire connaître nos vues sur ce que constitue un environnement propice à la

croissance, vers lequel doit tendre toute proposition concernant notre industrie. Nous déplorons d'abord l'intervention continuelle et quotidienne du gouvernement dans les marchés et un protectionnisme qui ne devrait plus avoir cours dans l'économie actuelle.

Cet interventionnisme comporte des conséquences négatives, soit d'enlever à l'entreprise privée des parts importantes d'un marché déjà restreint, et d'augmenter les impôts et les taxes prélevés, qui ont déjà atteint un niveau inacceptable et qui créent des déficits successifs de plus en plus élevés contribuant à un endettement national critique.

Dans ce contexte, nous sommes d'avis que, parmi les conditions essentielles à un environnement propice à la croissance, nous retrouvions au moins les suivantes, qui constituent nos quatre dernières recommandations.

Que le gouvernement n'envahisse plus les champs qui peuvent être gérés par l'entreprise privée, et qu'il libère... qu'il trouve une façon de libérer les champs d'activité déjà occupés à titre d'assureur.

Que soit revue la taxation des assureurs de dommages, et donner à notre industrie les allégements fiscaux requis pour lui donner au moins une position de chance égale, ou de «level playing field», pour employer l'expression anglaise, par rapport aux autres institutions financières et par rapport aux institutions financières également sous d'autres juridictions.

Donner aux assureurs de dommages l'accès aux capitaux nationaux ou étrangers sur le plan de la propriété. Faciliter l'accès au financement, soit par des emprunts ou des placements qui sont permis dans d'autres secteurs financiers.

En conclusion, pour employer les mêmes termes que le rapport ministériel, nous souhaitons la création d'un espace financier invitant et approprié au secteur de l'assurance de dommages. La réflexion, quant à notre secteur, doit tenir compte de l'environnement économique global mais également du contexte particulier de notre industrie.

Alors, c'étaient mes remarques préliminaires, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, M. Bouchard. J'inviterais maintenant Mme la ministre à commenter votre mémoire.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs, M. Bouchard, M. Circé, M. Medza, oui, et vous êtes accompagnés de M. Tardif, cet après-midi. M. Bouchard, est-ce que je peux vous demander, avant même de débuter, combien de membres vous représentez à cette table? (20 h 20)

M. Bouchard: En termes de nombre exact, nous représentons... Le Bureau d'assurance du Canada représente environ, je dirais, en termes de primes souscrites, 85 % des primes souscrites au Canada. En termes de nombre d'assureurs, ça représente la très grande majorité du nombre d'assureurs, mais je n'ai pas le nombre exact — 184 groupes d'assureurs, qui représentent au- delà de 80 % des assureurs qui souscrivent de l'assurance au canada.

Mme Robic: Merci. Je vous remercie de votre présentation. Je ne crois pas me tromper en disant que le mémoire... Notre énoncé de politique, finalement, semble rejoindre vos préoccupations, pour la majeure partie, ou j'ai mal compris votre intervention. Il semblait que vous nous suiviez au niveau de l'harmonisation, de la création d'un espace financier canadien. Vous sembliez être d'accord avec nous. Quand nous présentons cet espace financier canadien, on fait une suggestion dans le document, à la page 8, si je ne me trompe pas. J'aimerais peut-être que vous puissiez commenter ce modèle que l'on a mis de l'avant.

Également, j'aimerais... Voulez-vous commenter tout de suite?

M. Bouchard: Si vous voulez. Enfin, à votre goût.

Mme Robic: Allez! Allez! Ça va.

M. Bouchard: Nous sommes, en effet, d'accord sur... Enfin, votre document présente un ensemble de principes. Je pense que vous avez entièrement raison. Nous sommes d'accord sur un ensemble de principes, particulièrement au niveau de l'espace financier canadien. Je pense que nous avons fait référence nous-mêmes, et je crois que... Même, dans un discours que vous prononciez hier, Mme la ministre, je pense qu'on faisait rapport... Enfin, on était tous les deux à des tribunes différentes, et on faisait, les deux, référence à la reconnaissance des règles d'application au niveau de la Communauté économique européenne. Je pense que l'approche prise — à la page 8 de votre document de politiques — est quelque chose qui s'apparente d'assez près à ce qui se passe au niveau de la Communauté économique européenne.

Là où, quand même, nous avons des inquiétudes, c'est que, pour employer une expression un peu populaire, disons pour avoir ce tango avec d'autres partenaires, il faut que les deux veuillent danser. Il nous apparaît que... Au niveau d'autres juridictions, je ne sens pas nécessairement la même ouverture, et je pense que c'est revenu à différentes reprises dans les représentations que nous avons faites dans le passé.

On parle d'harmonisation, oui, mais on parle beaucoup aussi... et je pense qu'on a toujours mis l'insistance sur la reconnaissance des juridictions respectives au niveau canadien. C'est, je pense, à ce niveau-là que le débat politique doit se faire. Il m'apparaît que c'est urgent de le faire. Tant que nous avons des sociétés — enfin, si on parle de sociétés à charte québécoise—à charte québécoise, je pense que c'est important que le débat se fasse à ce niveau-là, parce que... et cela a été souligné à différentes reprises. Si vous reculez, par exemple, d'une vingtaine d'années, l'harmonisation était à peu près parfaite au Canada parce que c'étaient des sociétés fédérales et que l'harmonisation se faisait au

niveau fédéral. Les sociétés qui étaient québécoises à ce moment-là n'opéraient qu'au Québec. Dès que nous voulons sortir du Québec avec des sociétés à charte québécoise, si nous ne rencontrons pas les normes fédérales, nous avons d'énormes problèmes. Je pense que je ne vous révèle rien en disant ça. Donc, sur le plan des principes, je suis d'accord avec vous.

Sur le plan de la réalisation, si le gouvernement fédéral et les gouvernements des autres provinces ne sont pas prêts à débattre, disons, des normes minimales d'harmonisation... On ne parle pas de s'harmoniser sur l'ensemble de ce qui encadre toutes les institutions financières, mais, au moins, de normes minimales qui permettent à nos sociétés d'opérer à la grandeur du Canada.

Mme Robic: Je suis plus optimiste que vous. Ce ne sont pas des exercices qui sont souvent faciles, mais je pense qu'avec de la bonne volonté et le vouloir politique, il y a une façon d'arriver à des ententes.

Vous avez touché aux pouvoirs de l'Inspecteur général, des organismes de surveillance — je pense que c'est important également. Dans notre document, nous avons tenté d'équilibrer en donnant plus de responsabilités aux entreprises, aux compagnies, en leur donnant plus de pouvoirs au niveau de leurs placements et en établissant des normes de solvabilité qui sont basées sur la qualité des actifs, sauf que là, nous vous donnons beaucoup plus de latitude. Mais, en contrepartie, cependant, nous regardons la possibilité de donner plus de pouvoirs à l'Inspecteur général. J'aimerais, peut-être, que vous nous donniez vos impressions sur cette politique, et jusqu'où... ou comment voyez-vous... Quand vous me dites que l'Inspecteur général doit jouer son rôle, quel est son rôle, et où doit-il le jouer, ce rôle-là? Jusqu'à quel point est-ce qu'il doit le jouer, son rôle?

M. Bouchard: D'accord. Je pense que nos remarques se font... Je pense qu'on a essayé de cerner de façon aussi précise que possible, mais c'est un document, quand même, qui laissait beaucoup de latitude quant aux commentaires que nous pouvions faire. Comme industrie, nous avons à coeur d'avoir toute la crédibilité dont nous avons besoin pour opérer dans les marchés. Donc, pour tout ce qui touche la solvabilité des entreprises, je pense que nous partageons les mêmes objectifs. Ça, il y a une question de degré, à un certain moment donné. Si je regarde... Par exemple, quand on regarde la solvabilité des entreprises, nous avons déjà la certification des réserves qui a été établie par la Loi sur les assurances, depuis déjà 1984. Même ici, au Québec, je pense qu'on avait été un peu plus catholiques, parce que plusieurs des institutions avaient déjà, avant que la loi ne le force, étaient déjà forcées par leurs propres conseils d'administration d'avoir des certifications actuarielles de leurs réserves. Bon. Alors, ça existe. Donc, nous partageons cet objectif-là. Peut-être devrions-nous aller... Disons, s'il y a des préoccupations... C'est ce que nous avions de la difficulté à percevoir, parce que votre document semblait s'adresser à l'ensemble des institutions financières. Alors, on ne pouvait pas percevoir exactement ce qui s'adressait au secteur des assurances de dommages par rapport au secteur des assurances de personnes, par rapport aux banques, institutions de dépôt, sociétés de fiducie, etc.

Alors, en ce qui touche les sociétés d'assurances de dommages, s'il y a des préoccupations par rapport aux nombres actuels, on aimerait les comprendre, parce que, pour l'instant, on a quand même tout un encadrement, avec les normes requises au niveau du capital, la certification des réserves par nos actuaires, la certification des primes non acquises. On a également tout le pouvoir d'inspection que l'Inspecteur général a déjà. On s'est doté, comme industrie, quand même, d'un filet de sécurité, au cas où les choses tourneraient mal pour certaines institutions. Alors, on se dit: On est d'accord pour regarder s'il y a un problème, pour voir si on doit être plus contraignants que nous le sommes présentement au niveau de la solvabilité.

Ce qu'on ne voudrait pas, quand même, c'est que vous créiez ici, au Québec, un environnement qui soit plus contraignant que ce qui existe sur le plan international. On sait, quand même... Je regarde... Strictement, par exemple, au niveau de la reconnaissance des placements dans les filiales, dans les institutions internationales. Je pense que si certaines des grandes compagnies internationales ne pouvaient pas reconnaître, sur une base d'équité, sur une base qu'on appelle l'«equity accounting», leurs filiales dans leurs actifs, je pense qu'il y aurait un certain problème. Je ne sais pas comment certaines compagnies auraient fait pour faire des acquisitions aux États-Unis, de la façon dont elles l'ont fait, sans avoir cette possibilité-là. Donc, je me dis qu'il ne faut pas non plus être plus contraignants à l'intérieur de notre propre territoire que les entreprises avec qui on va être portés à être en concurrence. Il m'apparaît que le Québec a été, je pense, quand même, un endroit, un environnement où il y a eu quand même une bonne solvabilité de nos entreprises en assurance de dommages.

Je me dis que, s'il y a un problème appréhendé, on aimerait s'asseoir avec vous autres pour en discuter avant que vous arriviez avec des règles plus contraignantes que ce que nous avons présentement. Donc, on veut préserver certains acquis. Autrement, il y a risque que les sociétés disent: Bien, écoutez, si on n'a pas ce genre d'environnement-là, que pour opérer sur le plan fédéral, dans les autres provinces, il faut avoir une charte fédérale... La tendance, pour un homme d'affaires, pourrait être forte de dire: Bien, coudon, je pense que si on a plus de désavantages à certains endroits, on est peut-être mieux de considérer les choses différemment.

Mme Robic: Mais je pense qu'à travers le document — souvent, vous me l'avez vous-même entendu dire — pour nous, l'essentiel, c'est d'avoir des normes qui font en sorte qu'on s'assure de la bonne santé de nos institutions financières, sans pour autant vous empêcher de pouvoir vous développer. Encore une fois, je pense

que, si nous avons pris le temps nécessaire pour arrêter ces normes, c'est qu'on a voulu justement consulter, voir ce qui se faisait ailleurs, pour être bien sûrs qu'on ne mettrait pas plus de pression sur nos institutions à nous qu'ailleurs.

Cependant, c'est bien sûr que les règles du jeu changent chez nous, mais elles changent également ailleurs. On se rend compte que les normes, qu'elles soient au niveau du BRI ou de la Communauté économique européenne, deviennent plus serrées également. Alors, ce que l'on tente, nous, c'est d'être le plus compatible possible sans, encore une fois, vous mettre des pressions indues et vous forcer à rencontrer des normes qui seraient en deçà de tout ce que l'on voit. Ça, c'est bien sûr. Ça ne serait pas dans notre intérêt non plus. Sur la page... (20 h 30)

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, Mme la ministre, et vous m'excuserez de vous interrompre. La règle du jeu de notre commission c'est, évidemment, de répartir le temps de la façon la plus équitable possible, ce qui implique des temps de 10 minutes qui sont impartis à chacune des formations politiques. J'inviterais donc maintenant le critique de l'Opposition officielle en matière d'institutions financières et député de Westmount à prendre la parole...

M. Holden: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): ...et je reviendrai à votre tour, madame.

M. Holden: C'est un mémoire étoffé que vous avez présenté, messieurs. Je vous en félicite. Un de vos éléments ou vos lignes directrices semblent être la taxation que vous subissez. Je sais que vous prônez un traitement... pas spécial, mais un traitement pour votre industrie par opposition à l'assurance-vie.

Je regarde votre mémoire, l'Annexe III, mémoire prébudgétaire, à la page 2, et il semble y avoir un tableau qui illustre le rendement des capitaux propres, assurances multirisques. Ça me semble pas mal irrégulier et un peu faible, si je peux m'exprimer. Si on augmente le montant des capitaux minimum requis, est-ce qu'on risque d'être incapable de rémunérer convenablement les capitaux dans votre industrie? Avez-vous un commentaire sur cette observation?

M. Bouchard: II y a deux aspects à votre question, M. Holden. Le premier, c'est sur l'irrégularité des résultats des sociétés d'assurances de dommages. Je pense que vous avez entièrement raison de noter cette chose-là. Nous sommes une industrie qui est extrêmement cyclique, et dont... traditionnellement, même. Vous pourriez reculer sur 50 ans, et vous verriez toujours cette irrégularité-là qui se manifeste. C'est un domaine, particulièrement ici au Canada — ce serait vrai également dans d'autres parties du monde — peut-être à des degrés divers, selon les régions, mais nous sommes, en assurance de dommages, dans un secteur qui est très capitalisé au Canada. C'est un secteur qui est présentement dominé par... qui l'a été, enfin, depuis le début de la colonie, je dirais, ou au début de l'assurance des dommages par des sociétés étrangères, et où il y a eu toujours amplement de capitaux disponibles pour assurer les risques. Donc, c'est un endroit où la concurrence est très forte, ce qui a provoqué ce genre de réaction-là où, par exemple, les primes baissent considérablement à certains moments donnés. Les résultats des assureurs se détériorent. Donc, le retour sur équité se détériore considérablement. Il y a réaction et surréaction, et il y a également d'autres phénomènes comme des phénomènes cycliques au niveau atmosphérique, par exemple, qui viennent affecter les assureurs.

Alors, il y a définitivement irrégularité au niveau du retour sur équité. Quand on le regarde... Par exemple, si on essaie de faire une moyenne sur une période d'années, les compagnies d'assurances de dommages ont eu un retour sur équité qui était un peu inférieur à celui, par exemple, de l'industrie bancaire. Ce n'est pas faramineux. Ceci, non pas en tenant compte uniquement des revenus qui proviennent de la tarification, mais qui proviennent également des revenus de placements, ce à quoi vous faites référence avec la deuxième partie de votre question.

On peut dire que, essentiellement — je dirais depuis les 10 dernières années — les profits des sociétés d'assurances de dommages l'ont été à partir des revenus de placements qu'elles font et non pas à partir des revenus d'opération.

Maintenant, si vous me demandez: Quelle est la proportion qui provient des capitaux propres des entreprises? On ne l'a pas. Je ne peux pas vous la donner. On pourrait la retrouver, mais je ne l'ai pas pour vous la donner immédiatement. Mais la profitabilité ou le profit qui est retiré par les actionnaires dans les compagnies d'assurances de dommages vient essentiellement des revenus de placements qu'elles ont et non pas des revenus d'opération.

M. Holden: La page suivante indique l'impact fiscal sur l'industrie de votre mode d'assurance, l'assurance de dommages. Dans votre mémoire, vous mentionnez à plusieurs endroits cet impact fiscal — à la page 3, à la page 14, où il est question d'impact. Moi, ce que je vous demande: Est-ce que les revenus constitutifs des surplus minima sont taxés ou imposés?

M. Bouchard: Tous nos revenus, quels qu'ils soient, sont taxables, sont sujets à l'impôt sur le revenu. Tous nos revenus, même les revenus que nous faisons pour constituer des réserves, quelles qu'elles soient. Enfin, on n'a absolument aucune façon de se constituer des réserves libres d'impôt. Ça n'existe pas dans notre secteur.

M. Holden: Est-ce que vous auriez des recommandations ou est-ce que ça devrait être exonéré, ces...

M. Bouchard: Écoutez, pour certains aspects,

c'est sûr. Enfin, je n'ai pas fait un mémoire qui touche strictement à toute la réforme de la fiscalité qui pourrait être permise. Mais on a fait quand même... Lors de présentations que nous avons faites pour certains types de risques, par exemple, au niveau de la couverture de risques catastrophiques, ils ont fait certaines suggestions déjà à l'effet qu'il y aurait peut-être avantage à constituer des réserves libres d'impôt pour prévoir les sinistres de nature catastrophique, tels que les tremblements de terre ou des choses de cette nature-là. Mais, pour l'instant, ce n'est pas une chose que nous avons présentement. Mais il est clair que, enfin, c'est une... Avoir des nivellements, par exemple, trouver des façons de niveler les résultats des assureurs pour prévoir les grands risques pourrait être une façon, ce pourrait être une approche possible, mais notre mémoire n'a pas porté sur ces éléments-là.

M. Holden: Merci. À la page 5 de votre mémoire, vous faites une déclaration qui me fait chaud au coeur. Vous demandez que le fédéral cesse l'envahissement des autres juridictions. Alors, peut-être que vous pourriez nous suggérer un moyen d'empêcher définitivement le fédéral de nuire à la croissance, notamment, des institutions d'assurance de dommages.

M. Bouchard: Je ne voudrais pas entrer dans des débats politiques, ce n'est pas mon rôle...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: ...mais ce qui se passe, en réalité, c'est que, nous, ce que nous suggérons, en tant que représentants des institutions constituées ici au Québec — parce que c'est quand même une partie importante des sociétés qui font partie du Bureau d'assurance du Canada — ce que nous disons, c'est que nous voudrions, enfin, ce que nous souhaitons le plus ardemment, c'est que les juridictions qui ont été accordées aux différents niveaux, comme au niveau des provinces, soient respectées par le gouvernement fédéral. Maintenant, il y a toujours un argument là-dessus et les débats constitutionnels, je pense, peuvent être très longs. Mais ce sont des débats politiques, il n'y a pas nécessairement unanimité, et ce que nous disons n'est pas toujours, non plus, nécessairement l'Évangile.

Il reste que, pour nous, comme hommes d'affaires, nous croyons que si nous avons... Par exemple, si nous pouvons nous constituer en entités corporatives à l'intérieur d'une juridiction qui a le pouvoir de nous donner, de nous faire opérer, de nous laisser opérer, ces pouvoirs-là devraient être respectés par les différents autres niveaux de gouvernement, que ce soit le fédéral ou que ce soit le provincial. Chaque fois qu'il y a empiétement, pour nous, ça devient une difficulté additionnelle d'opérer sur le territoire canadien. C'est surtout cet aspect-là que nous touchons. C'est un aspect opérationnel pour nous et non pas... On ne veut pas se lancer dans l'aspect politique du débat. (20 h 40)

M. Holden: Mais ça ajoute à vos coûts aussi.

M. Bouchard: Toute duplication de contrôle, enfin, toute complexité qui est ajoutée à l'opération d'une entreprise ajoute aux coûts, paralyse son développement ou nuit à son développement. Ça a cet impact-là. Évidemment, il y a un coût à l'assuré parce que, nous, enfin, on passe ce coût-là aux assurés, éventuellement.

M. Holden: Sur un thème plus général, si on revient aux propositions de politiques de la ministre, il est question de transactions intéressées. On en parle assez longuement et c'est très intéressant. Ce que je trouve là-dedans, c'est qu'on propose de les contrôler plutôt que de les abolir. Est-ce qu'il y a un danger dans l'approche du document sur les propositions de politiques? Est-ce qu'il y a des possibilités de situations chroniques de conflit d'intérêt?

M. Bouchard: Écoutez, à mon sens, pas dans la proposition, pas dans le document que nous avons vu. Je pense qu'en principe, lorsqu'on parle de transactions entre parties liées, il nous apparaît normal... D'ailleurs, jusqu'à un certain point, même ici au Québec, l'autoré-glementation a fait que les entreprises se sont donné elles-mêmes des codes d'éthique pour que, lorsque vous faites des transactions... Par exemple, dans un groupe corporatif, disons, où vous avez une société de portefeuille qui détient différentes entités, si nous nous vendons des actifs l'un à l'autre, on ne peut pas prohiber ça. Je pense qu'il faut s'assurer, lorsque ça se passe, que le tout se fait à un prix acceptable, à un niveau, à un prix de marché acceptable pour ne pas agir au détriment ou trop à l'avantage de l'une ou l'autre des sociétés. Je pense donc que ça prend des normes ou un mode de fonctionnement qui nous assure que ces transactions-là vont se faire à un niveau de marché acceptable. D'ailleurs, je pense que ce qui est prévu actuellement avec les comités de déontologie ou comités de transactions entre parties liées par la composition de ces comités-là, qui existent déjà, qui sont prévus par la loi et la réglementation, où vous devez avoir des administrateurs indépendants qui siègent sur ces comités-là, qui voient à ce que les transactions se passent bien. Il m'apparaît normal, au sens de l'éthique même des entreprises, que ces choses-là se passent de cette façon-là.

Ce que nous voulons éviter, c'est qu'on nous ajoute une trop grande réglementation. Je pense qu'il faut qu'il y ait une conscientisation. Je pense qu'il faut que cette préoccupation existe de par la loi, et je pense que... il y a des choses qui se passent présentement ici, qui sont déjà très contraignantes au niveau... Je regarde, par exemple, ce qui touche les compagnies d'assurances de dommages.

M. Holden: Juste une dernière question. Vous parlez, dans votre mémoire, de l'État qui fait concurrence et qui, souvent, prend la place des gens de votre industrie. Pourriez-vous nous donner un exemple de cette situation?

M. Bouchard: Oui. Il me fera plaisir de le faire, d'ailleurs. Évidemment, on est ici au Bureau d'assurance du Canada. C'est un débat qui date quand même de quelques années. Par exemple, pour plusieurs ou pour certains, vous vous souviendrez du débat sur l'assurance automobile qui a eu cours dans les années soixante-dix où, suite à ce qui s'est appelé le rapport Gauvin, il y a eu une analyse assez exhaustive qui a été faite de tout le système, de tout le régime d'assurance automobile au Québec. Le Bureau d'assurance du Canada, à ce moment-là, a été très actif dans le débat. Nous avions proposé des solutions.

M. Holden: Le Barreau aussi.

M. Bouchard: Le Barreau, d'ailleurs. Vous avez entièrement raison. Je vois que vous étiez présent dans ce débat-là. Mais ce qui s'est produit et ce que nous disons, c'est qu'un régime peut être changé. Le régime, en réalité, change l'environnement dans lequel vous devez opérer. Il aurait été très possible, lorsque ce qui s'appelle maintenant la Société de l'assurance automobile du Québec a été créée, d'avoir le même régime, mais administré par des sociétés privées et non pas une société d'État. C'est là-dessus que nous disons, nous, quand il y a intervention, lorsque ce sont des choses qui peuvent être faites efficacement par l'entreprise privée, pourquoi avoir l'intervention gouvernementale? C'est un peu là où... enfin, c'est un peu à ça que nous faisons référence, à un débat de cette nature-là. On sait qu'il y a d'autres domaines aussi, probablement, qui mériteraient d'être réexaminés, où peut-être on a des critiques à certains niveaux. Par exemple, je pense que ce n'est une révélation pour personne, quand on regarde ce qui se passe au niveau de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, on sait qu'il y a des critiques énormes qui sont faites par de nombreux intervenants, et je pense que personne n'est totalement satisfait de voir des déficits de l'ordre de ceux qu'on voit présentement. Je ne dis pas que l'industrie privée pourrait administrer un tel régime à profit. Au contraire, je pense que le régime qui produit ces résultats-là est un régime qui, probablement, pourrait être corrigé. Je pense que, dans un régime corrigé, il est possible que les sociétés d'assurances privées aient un rôle à jouer. C'est un peu dans ce sens-là que nous faisons nos remarques.

M. Holden: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Westmount. Nous avons le député de Jacques-Cartier qui a manifesté son intention de poser des questions. Comme le prévoit notre règlement, le député de Jacques-Cartier n'étant pas membre de cette commission, ça me prendrait un consentement. Est-ce qu'il m'est accordé?

M. Cameron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Le député de Jacques-Cartier parle sur le temps imparti à l'Opposition, évidemment. Allez, M. le député de

Jacques-Cartier.

M. Cameron: Pourrais-je parler en anglais?

M. Bouchard: Absolument, il n'y a pas de problème.

M. Cameron: Merci. I would like to ask...

M. Bouchard: Si M. le Président le veut. Écoutez, je n'ai pas à vous donner la permission.

Le Président (M. Chagnon): Oui. M. le député de Jacques-Cartier, je ne vous entends pas.

M. Cameron: I would like to ask just a few very brief questions for information. First of all, is your brief one that covers the concerns of the reinsurance business as well, or is this really speaking only for property and casualty? Is there a separate set of concerns from the reinsurers? Maybe I should just run through the questions. You can think that over for a minute.

Secondly, I would be interested in knowing exactly what relationship your companies have with the actuaries. Does each property and casualty firm deal with the Mercer Towers Perrin, or whatever, much like it would with an accountant, where you undertake a fixed business relationship, but then he provides you with a certificate or a bill of health, so to speak, or is there some general standard practice that applies for actuarial risk and if so, is this something the Inspector General of Financial Institutions knows about? In other words, do the actuaries base their rules on what the Inspector General wants or do they base it on just a set of understood rules in the business?

And finally, it is quite clear from your whole memorandum, as others have observed, that you have lots of things to complain about in Canada and in Québec, in terms of competing jurisdictions and costs and so on. Do you actually have much hope that very many of these things can be changed, that is... I can see what kind of problems you are talking about. But if you talk about conflicting jurisdictions, for example, for financial institutions, even for all the talk today about... you know, deregulation and so on, and some of this is something like about a century of Canadian history after all. I mean, you know, the multiple ways of chartering things and so on.

Do you conceive of a real possibility of effective action, either by the Government of Québec or by the federal authorities, that could improve the situation, or are you asking rather hopefully but without much conviction for fairly modest changes? And finally, does the tax cost represent your main problem? Does the tax cost represent your main problem? That is it.

M. Bouchard: Actually, the Reinsurance Research Council is a member of the... There is a body which is called the Reinsurance Research Council of Canada, it is a member of IBC. Now, when we talk

about Québec chartered companies, there are not any reinsurers with a Québec charter. So, I am not saying that we are not taking the concern of the reinsurers, I am just saying that we have not addressed that aspect specifically. Now, I am not sure that it would have changed much of our report if we had, but we have not, to answer to your question.

With respect to actuaries. Actually, actuaries... Our reserves have to be certified by certified actuaries and those actuaries have to report according to rules and regulations which are given by the Inspector General. They have to be certified actuaries. Now, they have their own bodies which also govern how they have to do their things, and they have to do their own examinations.

So they do not do it on our behalf, as an insurance company. They have to abide by rules which are specified by the Inspector General, and they report to the Inspector General, not to us. Even though they would be staff actuaries, even though the Mercer or Tillinghast or whatever, even though they would be on our payroll, for this type of report, they report to the Inspector General, according to his rules.

With respect to conflict of jurisdictions. All we are saying is that conflict of jurisdictions is costly. That is what we are saying. We hope and we wish all the best to the Minister who wants to solve it, and we believe that what she is proposing in her paper would set a good pace of understanding. I think that we would support her and try to do whatever we can to help to resolve the problem.

But, as business people, I think we have to manage businesses and maybe some of us operate only on the Québec territory, but some others also operate outside the Province of Québec, and this is where the problems arise. So we hope that it is going to be resolved. If you were asking me: On a scale of 1 to 10, is it 5 or 8 or 3? I do not know. I think that you have heard the Minister earlier, and we certainly are going to be very supportive to whatever she does to resolve the problem. (20 h 50)

As to the tax cost. It is not the major burden but it is a burden. And what is worse... For example, for companies located here or having their head office here in the Province of Québec, our tax burden could... you know, the payroll tax affects us. The more employees you have the more taxes you pay. So if you have your businesses outside, then... If you have a head office in Ontario, for example, and you have more of your work done outside the Province of Québec, you are in a better position.

M. Cameron: O.K. Merci.

Le Président (M. Chagnon): ...Mr. Member. Maintenant, Mme la ministre.

Mme Robic: Oui, M. le Président. C'est assez intéressant de voir comment le député de Westmount semble, à mesure que l'on avance dans nos discussions, être tout à fait d'accord avec mon énoncé de politiques. Il ne veut pas l'admettre, mais c'est évident, dans certaines des choses qu'il...

M. Holden: Je comprends que ça se voit dans mon visage!

Mme Robic: Oui, ça va... Plus que ça, vos paroles, c'est assez intéressant, d'ailleurs. Mais je voudrais également lui faire remarquer, M. le Président, que c'est vrai que vivre dans une fédération, ça amène, des fois, des discussions qui sont longues. Des fois, ce n'est pas évident que ces discussions-là vont aboutir. Mais, avec les années, on s'est rendu compte que, oui, il y a des choses qui se passent. D'ailleurs, c'est assez intéressant de voir que, dans cette fédération, le Québec a pu développer le système financier le plus important au Canada après le gouvernement fédéral. Alors, c'est intéressant de voir qu'on peut faire des choses, qu'on peut créer des institutions financières à qui on donne des rôles très spécifiques, et qui se sont développées d'une façon différente, peut-être, que d'autres. C'est magnifique de pouvoir considérer ça.

Pour revenir à votre mémoire, vous nous dites que... Excusez-moi, à la page 12, vous semblez dire qu'il y a peut-être trop de rapports demandés et que, finalement, c'est bien coûteux tous ces rapports-là, et peut-être pas aussi nécessaire pour suivre l'évolution des compagnies d'assurances et nous assurer que ces compagnies-là sont en bonne santé. Alors, vous pourriez nous citer certaines choses où vous voyez qu'il y a peut-être, sans parler d'abus, des exagérations, en essayant toujours de vous mettre dans la chaise de l'Inspecteur général qui, lui, a un rôle que je qualifierais, à des moments, d'assez ingrat. Alors, si vous étiez l'Inspecteur général, là, qu'est-ce que vous voudriez avoir comme...

Le Président (M. Chagnon): Si je comprends bien, Mme la ministre, ce n'est pas là le premier choix de M. Bouchard!

Mme Robic: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: M. le Président, je me sens très indigne de prendre la chaise de l'Inspecteur général, mais il y a quand même... Je pense que nous sommes tombés d'accord sur le fait qu'il doit avoir les pouvoirs nécessaires pour surveiller la solvabilité des entreprises. J'ai fait référence, tout à l'heure, je pense, lors de la présentation ou enfin... Je prends, par exemple, enfin, un rapport qui est très... Enfin, peut-être qu'on ne devrait pas critiquer parce que, de façon générale, il est flatteur pour les sociétés d'assurances qui opèrent au Québec, mais c'est le rapport sur la tarification en assurance automobile que nous recevons à chaque année. Enfin, c'est un pouvoir, c'est même un devoir, je pense, pour l'Inspecteur général de le faire parce que la loi demande qu'il le fasse — la Loi sur l'assurance automo-

bile du Québec demande qu'il le fasse. Mais, de telle sorte qu'il puisse se prononcer sur l'ensemble de la tarification des sociétés d'assurances au Québec, il faut que nous lui fassions des rapports sur notre tarification. Chaque manuel de tarifs doit lui être soumis. À l'occasion, nous devons soumettre, par exemple, des rapports additionnels sur certaines cellules de tarification, parce qu'à un moment donné il peut arriver... On est dans un marché extrêmement concurrentiel, je pense que vous le savez. Bon, d'autres intervenants ont peut-être eu l'occasion de vous le dire. Il arrive que, même le manuel que nous avons tablé, à un moment donné, qu'on a envoyé... Ce n'est pas une permission qu'on demande lorsqu'on envoie notre manuel à l'Inspecteur général, c'est pour lui dire: Voici, ce sont les tarifs que nous voulons utiliser. Il arrive, à un moment donné, qu'il puisse y avoir des déviations qui sont faites par... pour différentes raisons.

Alors, pour être en mesure... pour que l'Inspecteur général soit en mesure de faire son analyse de tarification, il faut que nous lui soumettions des rapports additionnels. Il faut qu'il nous en demande, etc. C'est un des exemples. Enfin, je n'en ai pas préparé une série, mais il y a des choses comme ça. Je pense qu'il y aurait lieu... Vous savez, il y a des choses qui sont faites, probablement, qui originent peut-être depuis un certain nombre d'années. Il y aurait lieu, à notre sens, un peu comme nous le faisons dans l'entreprise privée, de temps à autre, de revoir ces choses-là. Est-ce que c'est encore tellement utile ou nécessaire, à notre époque, à une époque où tout le monde tâche d'être le plus efficace possible, sans nuire au rôle premier... On dit au rôle premier, ce qui est quasiment le rôle essentiel de l'Inspecteur général, qui est de voir à la solvabilité des entreprises... Est-ce que c'est nécessaire d'avoir l'ensemble de ces choses-là sous sa juridiction ou d'être obligé de contrôler ça pour faire des rapports qui peuvent être très intéressants sur le plan intellectuel, mais qui, sur le plan pratique... Je ne pense pas que le fait de nous dire qu'on a une tarification change grand chose sur le plan de la concurrence ou de la solvabilité des entreprises. C'est agréable à entendre, mais...

Mme Robic: Cependant, il y a un groupe que l'on a entendu cet après-midi qui, lui, voyait certains avantages à faire connaître la tarification à l'Inspecteur, parce que lui voyait qu'à des moments donnés il y a des abus à ce niveau-là, où peut-être on ne charge pas le coût réel de la police. Là, il y a des pertes, donc un affaiblissement pour l'entreprise. Il nous disait que c'était peut-être un des éléments qui devraient être suivis de plus près par l'Inspecteur général, pour la protection de l'entreprise et, également, bien sûr, du consommateur.

M. Bouchard: Je ne partage pas du tout cet avis. Je pense que le contrôle sur la solvabilité des entreprises est une chose. La façon dont on opère, par exemple... Si, par exemple, dans un territoire, qu'on appellera territoire 4, mon collègue et concurrent, M. Circé, veut charger une certaine prime et que, moi, je veux charger une telle autre prime, est-ce que ça fait que sa société ou la mienne sont plus ou moins rentables? Je ne pense pas que ce soit ça qui soit le problème. Je pense que c'est un problème... Ce qu'on veut regarder, c'est le problème de s'assurer que les entreprises sont solvables.

Je pense que la concurrence, elle-même, voit à ce que les primes chargées soient au meilleur coût pour le consommateur. Je pense que l'environnement concurrentiel dans lequel nous vivons est une des meilleures protections comme quoi il n'y a pas abus du public. Quand vous voyez la diversité des assureurs, la diversité des mécanismes de distribution, la concurrence qui existe sur le marché, je ne pense pas qu'il puisse y avoir risque d'abus du public.

Par ailleurs, au niveau de la solvabilité, je ne pense pas que ce soit au niveau de la tarification qu'on la juge. Si nos tarifs sont à un niveau un peu plus bas et qu'on fait des pertes d'exploitation, il reste que les sociétés, même si elles ne sont pas des banques et qu'on ne gère pas les actifs comme des banques ou comme des sociétés d'assurances de personnes, les profits des assureurs proviennent, en grande partie, de leurs revenus de placements.

Donc, il y a un ensemble de moyens qui peuvent justifier ou qui peuvent permettre à l'Inspecteur général de juger de la solvabilité des entreprises. Le niveau de réserves qu'elles gardent: s'assurer que les primes non acquises ou que l'ensemble des réserves que nous avons pour primes non acquises ou sinistres sont correctes. S'assurer que nos placements sont bien faits: qu'il y ait adéquation, par exemple, entre les actifs et les passifs. S'assurer que nous avons les bonnes liquidités pour que, réellement, quand surviennent des sinistres, nous ayons les actifs pour y pourvoir. Je pense que c'est cet ensemble de mesures là qui font que l'Inspecteur général est en mesure de juger de notre solvabilité.

Le Président (M. Chagnon): ...Mme la ministre. Au député de Westmount, s'il a encore une question, et lui permettre en même temps de remercier nos invités s'il en a l'intention, comme je le présume.

M. Holden: J'avais juste une petite question, s'il y a... Combien de temps?

Le Président (M. Chagnon): Allez-y. M. Holden: Dans les propositions...

Le Président (M. Chagnon): Une petite question et une petite réponse.

M. Holden: Oui, oui. Dans les propositions de Mme la ministre, on parle de normes internationales de capital. Alors, avez-vous des commentaires? Je vais juste vous mentionner quelques points que j'ai soulevés. L'industrie québécoise serait-elle défavorisée par ce principe? Si les normes internationales sont insuffisantes, doit-on y suppléer? Qui devrait établir ces normes?

M. Bouchard: À notre sens, lorsqu'on fait référence à des normes internationales, c'est que nous sommes quand même une industrie qui est à portée internationale. Donc, on se dit que nous n'avons pas... Je pense qu'on a à s'assurer que nos entreprises sont solva-bles, oui, mais on n'a pas, non plus, à aller à l'extrême et à les rendre tellement solvables qu'on va rendre l'atmosphère irrespirable en étant trop purs.

Il ne m'apparaît pas que les sociétés québécoises seraient désavantagées si les normes internationales étaient appliquées. L'exemple que je donnais tout à l'heure, par exemple, au niveau de la reconnaissance des actifs des sociétés ou de leurs placements, des filiales. Je pense que c'est une chose qui est reconnue sur une base internationale. C'est une chose que nous avons déjà, mais qui est très contestée au niveau fédéral et au niveau d'autres juridictions provinciales. C'est un peu à ça que nous faisons référence. Si on veut totalement enlever la reconnaissance des filiales dans les placements, à notre sens, on serait défavorisés. Mais les normes internationales, à notre connaissance, ne font pas ça. Elles acceptent le principe de l'«equity accounting», mais elles ne reconnaissent pas nécessairement le «goodwill».

Enfin, des achalandages basés sur des profits futurs, je pense, ne sont pas accordés, mais elles acceptent quand même 1'«equity accounting». À ce moment-là, nous serions, quand même, je pense... Les normes québécoises m'apparaissent être des normes satisfaisantes, celles que nous avons présentement. (21 heures)

Le Président (M. Chagnon): Mot de la fin, peut-être, monsieur...

M. Holden: Merci beaucoup de nous avoir fait cette présentation magistrale.

Le Président (M. Chagnon): Mme la ministre.

Mme Robic: Merci infiniment. C'est toujours un plaisir de vous recevoir.

Le Président (M. Chagnon): Alors, MM. Bouchard, Circé, Tardif et Medza, je me permettrai aussi de vous remercier, au nom de tous les membres de cette commission. J'ajournerai nos travaux pour deux minutes, afin de permettre à l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. de prendre place à l'avant.

(Suspension de la séance à 21 h 1)

(Reprise à 21 h 3)

Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes (ACCAP)

Le Président (M. Chagnon): Nous avons l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. Oui, nous avons l'Association canadienne.

Est-ce que vous auriez l'obligeance de vous présenter, s'il vous plaît.

M. Millette (Yves): Bonsoir. Je suis Yves Millet-te, vice-président principal, Affaires québécoises, de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. M'accompagnent ce soir, à ma gauche, M. Claude Ferron, président de Canassurance, compagnie d'assurances sur la vie...

Le Président (M. Chagnon): Votre gauche?

M. Millette: À ma gauche à moi, oui. Et M. Gaétan Gagné, président et chef de la direction de L'Entraide assurance-vie, société de secours mutuels. Ce sont deux compagnies membres de l'ACCAP. Devait être présent, M. Jacques Labrecque, président et directeur général de la Mutuelle des fonctionnaires, mais qui est probablement retenu par une réunion qui s'étire, réunion de la SIAP, en passant.

Le Président (M. Chagnon): Je vous rappelle les règles du jeu de la commission, c'est-à-dire que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Le temps, évidemment, qui restera aux fins de la commission pourra permettre aux membres de cette dernière de vous questionner sur votre mémoire.

M. Millette: Parfait! M. le président de la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, l'ACCAP, regroupe quelque 102 compagnies d'assurance-vie faisant affaire au Canada. De ce nombre, quelque 20 membres à charte du Québec, ou y ayant leur siège social, forment le Comité permanent des affaires québécoises. Ils forment une forte présence régionale et sont le fer de lance du dynamisme économique et social de toute l'industrie.

Les dernières années ont mis à rude épreuve le secteur financier canadien, notamment celui des assurances de personnes. L'ACCAP profite donc de la présente consultation pour amorcer une réflexion importante pour son avenir.

Dès le départ, nous réitérons que l'industrie des assurances de personnes au Québec n'est pas une industrie malade, comme voudrait le laisser croire une certaine presse. L'industrie est généralement en bonne santé et prête à relever les défis qui se posent à elle.

L'industrie des assurances de personnes a pris ses responsabilités face aux difficultés d'un de ses membres, Les Coopérants, et a fait face à la tempête générée par cette première faillite des temps modernes de l'industrie. La Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes protège les consommateurs et elle entend continuer de le faire. La SIAP soumettra un mémoire devant cette commission. Toutefois, nous désirons vous rappeler que l'industrie partage les vues qui y sont exprimées, et qu'elle est ouverte aux discus-

sions avec les autorités gouvernementales et, au premier chef, avec le gouvernement du Québec.

Une matière urgente doit retenir notre attention maintenant, et c'est celle de la capitalisation des compagnies d'assurances de personnes. Le législateur a changé d'orientation en matière de double comptage de capital et d'achalandage depuis l'amorce du décloisonnement des institutions financières et le marché s'est transformé. Si le gouvernement du Québec tient à une industrie régionale des assurances de personnes, il doit se pencher en priorité sur sa capitalisation et son financement, sinon elle sera absorbée par des entreprises de l'extérieur ou elle disparaîtra.

Dans les propositions de politiques pour le secteur financier du Québec, le gouvernement propose de contribuer de trois façons à l'atteinte des objectifs qu'il s'est fixés. Il propose que ce soit l'industrie québécoise de l'assurance de personnes qui doive faire les choix qui s'imposent. Les politiques gouvernementales, me dit-on, respecteront ces choix. Ces choix sont la libéralisation de l'accès au capital d'origine étrangère, mais en s'assu-rant que le contrôle du secteur financier demeure au Québec. L'ACCAP a toujours été d'accord avec la position du gouvernement du Québec, qui a été inscrite dans la Loi sur les assurances, en 1990, et a toujours favorisé la liberté d'investissement. Au même titre que, dans l'Accord de libre-échange, on trouve une liberté d'investissement entre le Canada et les États-Unis, l'ACCAP a toujours cru que cette liberté devait aussi s'étendre à d'autres pays à travers le monde.

La consolidation des acquis collectifs de manière à accroître les retombées potentielles d'initiatives en cours et de programmes existants. Encore là, l'ACCAP trouve intéressant de constater que le gouvernement du Québec veut étendre, dans la mesure du possible, les programmes d'aide à l'entreprise aux institutions financières.

Finalement, la mise sur pied d'un véhicule de capitalisation des institutions financières pour soutenir leur croissance. Le véhicule de capitalisation proposé constituerait un portefeuille diversifié, et ce nouveau véhicule pourrait recevoir, au besoin, un appui concret de la part du gouvernement, dont la forme et l'ampleur restent à définir.

En fait, ces propositions de politiques résument 10 années de mémoires, de recommandations faites par des groupes de travail ou d'amendements législatifs, mais l'industrie québécoise de l'assurance de personnes constate que, tout au long de cette période, il n'y a eu aucun avantage fiscal dessiné pour l'industrie de l'assurance de personnes, de façon particulière.

Le gouvernement, nous croyons, aujourd'hui, doit apporter un appui concret à ce véhicule de capitalisation qu'il propose, sous la forme d'une garantie minimum de rendement ou sous la forme d'une garantie quant à la sécurité de l'investissement. Un fonds d'indemnisation qui, soit dit en passant, n'est pas la SIAP, la Société canadienne d'indemnisation pour les assurances de personnes, mais un fonds qui pourrait s'apparenter, par exemple, à ce qui existe en matière de valeurs mobilières ou un autre fonds du même genre.

À défaut, nous croyons que le gouvernement devrait permettre à l'industrie québécoise de l'assurance de personnes d'obtenir des capitaux de ses assurés. On pourrait facilement imaginer un produit de rentes qui serait admissible pour les REER, où une proportion de 10 % à 15 % de l'épargne pourrait être canalisée dans les capitaux de l'assureur.

L'utilisation du réseau de distribution des compagnies d'assurances de personnes pourrait entraîner un problème de juridiction avec la Commission des valeurs mobilières du Québec, mais nous croyons que l'industrie et le gouvernement du Québec pourraient rechercher des accommodements, comme cela a été possible dans le cas du Fonds de solidarité, par exemple. (21 h 10)

Par ailleurs, l'industrie québécoise de l'assurance de personnes estime que le gouvernement doit mettre sur pied le véhicule de capitalisation qu'il propose. Évidemment, notre accord ne peut valoir que pour l'industrie de l'assurance de personnes, que nous représentons.

Cependant, nous ne croyons pas que cette proposition gouvernementale devrait être jumelée à d'autres éléments de la politique gouvernementale comme l'alliance avec des organisations plus importantes ou dotées d'une expertise de pointe, la pénétration des marchés étrangers, le maintien d'un secteur financier contrôlé par des intérêts québécois. Ces éléments de politique sont très louables, mais nous croyons que si une compagnie peut démontrer à l'investisseur qu'elle est capable de s'adapter aux exigences des marchés de capitaux en ce qui concerne la compétitivité, la rentabilité et la bonne gestion, elle ne devrait pas être empêchée de faire une proposition de financement au fonds de capitalisation.

Autrement dit, les politiques gouvernementales, qui sont très louables en soi, de consolidation d'industries et autres ne devraient pas s'appliquer a priori mais a fortiori, après que le véhicule de capitalisation ait conditionné son investissement dans une compagnie d'assurances à la réalisation de certains objectifs qui ne se seraient pas réalisés. La rencontre de ces objectifs, ou le défaut de rencontre de ces objectifs pourrait comporter la transformation du titre de prêt en titre de contrôle comportant des droits de vote plus ou moins nombreux selon le manquement de la compagnie. C'est le véhicule de capitalisation qui devrait déterminer les objectifs à atteindre, dans chaque cas, en accord avec la compagnie elle-même.

Nous proposons également que la mise en place et la gestion du fonds soient confiées à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il y a déjà presque 10 ans que l'industrie québécoise de l'assurance de personnes tente d'amener le gouvernement à mettre en place les outils de financement qui lui sont nécessaires. Nous sommes prêts à entreprendre des discussions pour la mise en place de véhicules de financement pour les assureurs de personnes opérant au Québec. Nous croyons que le gouvernement doit agir maintenant dans ce domaine.

Il est aussi urgent de finaliser des règles harmonisées sur le capital et surplus minimum requis pour opé-

rer une compagnie d'assurances de personnes. Il en va autant de l'efficacité des compagnies qui veulent bien connaître les normes qui vont s'appliquer à elles, que de la protection des consommateurs. Le changement d'orientation de la politique québécoise en matière de double comptage de capital et d'achalandage doit être stabilisé le plus tôt possible pour permettre aux entreprises de s'ajuster par une capitalisation adéquate.

Dans sa livraison de mars 1993, le bulletin financier de Standard & Poor's évaluait que l'industrie des assurances de personnes au Canada a suffisamment de ressources pour faire face à la crise actuelle, mais, à moyen terme, la perspective est moins favorable que par le passé. La raison principale en serait que l'industrie a déplacé son centre d'activités vers les produits d'accumulation de l'épargne où les marges bénéficiaires sont faibles. De plus, selon Standard & Poor's, bien peu de compagnies canadiennes pourront prétendre à une stratégie internationale de développement.

En conséquence, la stratégie gouvernementale devrait être de favoriser le maintien d'une industrie régionale forte, en promulguant une politique favorisant un renforcement de la base en capital de ces compagnies, et en élaborant une stratégie de concertation avec l'industrie pour développer une gamme de produits qui pourraient s'allier à la question des soins de santé, par exemple. Une telle stratégie de concertation permettrait d'améliorer la «profitabilité» des compagnies tout en favorisant une stabilisation du coût des services de santé dispensés par les régimes publics.

Mais «profitabilité» veut dire aussi réduire les coûts indirects et la bureaucratie. À notre avis, les pouvoirs de l'Inspecteur général des institutions financières ne devraient pas être étendus avant que la Loi sur les assurances ait fait l'objet d'une refonte complète. Cette législation doit être repensée pour tenir compte du coût en argent et en perte d'énergie qu'elle impose aux compagnies. Le gouvernement pourrait apporter cette contribution pour améliorer la compétitivité des assureurs opérant au Québec.

Par ailleurs, le fardeau de la fiscalité indirecte au Québec est particulièrement lourd à supporter pour les compagnies qui ont la majeure partie de leurs affaires au Québec. Les taxes indirectes payées au Québec représentent 40 % du total payé au Canada. Ceci constitue un handicap à la compétitivité de ses assureurs. En passant, vous allez remarquer, au tableau de la page 14, que les taxes surprises dont on parle sont plutôt des taxes sur primes.

L'harmonisation des règles avec les autres juridictions canadiennes doit être accélérée. L'industrie constate que, par le passé, il existait un forum important d'échanges qui a disparu: la réunion des surintendants des assurances. Le forum des ministres des Institutions financières pourrait être adapté pour accommoder les possibilités d'échanges, car il constitue un environnement propice à rajuster le tir, de telle sorte que l'objectif visé de l'harmonisation soit atteint plus rapidement et au meilleur coût possible.

Par ailleurs, la cohérence intersectorielle ne de- vrait pas se limiter aux organismes de surveillance et de contrôle. En effet, l'industrie des assurances de personnes est complémentaire aux activités de régies comme la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la Régie des rentes ou la CSST. Il serait important de créer des comités intersectoriels qui seraient chargés de proposer des moyens d'accélérer la synergie entre ces organismes et l'entreprise privée, maximiser l'utilisation des impôts, et favoriser un véritable partenariat dans le meilleur intérêt des consommateurs.

Le gouvernement doit veiller à neutraliser l'effet de sa taxation pour toutes les entreprises en situation de concurrence, particulièrement en matière d'indemnisation et en matière de capitalisation et d'avantages fiscaux. En matière d'indemnisation, l'industrie des assurances de personnes a mis sur pied la SIAP, qui a offert aux assurés des Coopérants une protection complète, dont le coût est estimé à plus de 140 000 000 $. La SIAP n'est pas, comme la Société d'assurance-dépôts du Canada ou la Régie de l'assurance-dépôts du Québec, une société d'État financée par des emprunts garantis par le gouvernement. Le coût de cette indemnisation doit être assumé par l'industrie.

Les gouvernements doivent participer au financement et à l'absorption des coûts découlant d'une liquidation qui excéderait les ressources de la SIAP. C'est une question de «level playing field» avec les autres institutions financières au Canada.

L'une des principales conséquences de la faillite des Coopérants aura été de faire apparaître que, faute d'autres possibilités, la SIAP pourrait bien être un instrument de consolidation de l'industrie, un peu comme ce qu'on a vu avec la Société d'assurance-dépôts du Canada et les grands dossiers qu'elle a eu à traiter au cours de la dernière année. La SIAP n'a pas été constituée à cette fin.

Le temps est venu de considérer la situation qui est faite à l'industrie des assurances des personnes dans ce domaine. Les institutions de dépôt ont joui, au cours des 10 dernières années ou plus, d'avantages fiscaux directs et de subventions gouvernementales à la Société d'assurance-dépôts ou à la Régie de l'assurance-dépôts du Québec. À moins d'un parti pris des gouvernements, l'industrie des assurances de personnes devrait profiter d'un traitement comparable pour lui permettre de se faire connaître sur les marchés financiers et de se capitaliser adéquatement.

Nous insistons, encore une fois, sur l'urgence d'agir. Tant que ce volet de la réforme de 1984 n'aura pas été complété, l'industrie des assurances de personnes au Québec sera désavantagée par rapport aux autres institutions financières. Merci.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, M. Millette. J'inviterais maintenant Mme la ministre des Institutions financières à vous répondre ou à vous questionner.

Mme Robic: C'est un mémoire, M. le Président, qui demande beaucoup de réflexion. C'est un mémoire

qui fait, je pense, une très bonne analyse de la situation. Je suis heureuse de voir que vous rétablissez les faits également en nous disant, d'entrée de jeu, que l'industrie de l'assurance de personnes au Canada est en bonne santé et que les analyses qui en sont faites sont positives.

Cependant, on ne peut pas cacher le fait que, dans votre industrie comme dans d'autres, on a vécu des épisodes assez troublants. Vous mentionnez les Coopérants, je vais vous mentionner La Souveraine. Il ne faut pas oublier non plus que c'est arrivé ailleurs, pas seulement chez nous. (21 h 20)

Je voudrais peut-être que vous reveniez, qu'on parle un peu plus de ce fameux véhicule avec lequel vous êtes d'accord, bien sûr, mais il y a certaines remarques que vous avez faites. Vous sembliez croire qu'on attachait ce véhicule à d'autres considérations, et là, j'avais de la difficulté à vous suivre. Je ne sais pas si j'ai simplement mal compris, là. Pour nous, le véhicule, c'est une chose. Comment il doit s'articuler, ça, je suis intéressée d'entendre vos remarques là-dessus. Quant à la possibilité d'investisseurs étrangers qui viendraient investir dans nos entreprises, c'est une autre chose. Ce n'est pas lié là. Est-ce que j'ai mal compris? Vous sembliez... peut-être qu'on liait l'un et l'autre... ou j'ai tout simplement mal compris votre intervention?

M. Millette: C'est probablement notre compréhension, fort probablement — et nous la souhaitons erronée — de certains passages du document, de l'énoncé de politiques qui a peut-être fait peur à un certain nombre de compagnies plus petites.

Mme Robic: Est-ce qu'on peut — peut-être, là, très ouvertement — en parler, parce que je pense qu'il y a une incompréhension, un malentendu ici. On va tenter de le dissiper.

M. Millette: Nous serions fort heureux de comprendre qu'il s'agit d'un malentendu. Je peux peut-être laisser un ou l'autre des autres présidents élaborer là-dessus.

Le Président (M. Chagnon): M. Ferron, M. Gagné? Oui, c'est un témoignage éloquent!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Robic: Ça allait bien, M. Millette.

M. Millette: C'est parce que s'il s'agit d'un malentendu, effectivement, on va se dépêcher de le corriger. Je sais qu'à la dernière réunion du comité des affaires publiques de l'ACCAP, du Comité permanent des affaires québécoises de l'ACCAP, il s'agissait d'une préoccupation majeure des membres, qui se disaient que la consolidation de l'industrie peut être une bonne chose, mais qu'elle ne devrait pas se faire d'une façon forcée, et qu'elle devrait être laissée aux compagnies qui la choisissent. La même chose pour les capitaux étrangers ou les investissements étrangers.

Les compagnies qui veulent choisir cette route-là, comme je l'ai dit tantôt, doivent être les bienvenues de le faire.

Mme Robic: Alors, c'est réellement un malentendu. Jamais il n'est question dans ce document de forcer quoi que ce soit. Je pense que tout ce qu'on tente de faire avec le document, c'est de réellement réorienter l'industrie pour dire que nous passons à la deuxième phase, à une deuxième phase, une phase d'efficacité, de stabilité et de croissance. Au niveau de la croissance, on développe certains... on pense que vous avez... La croissance ne se fera pas nécessairement par acquisitions, comme elle s'est faite dans les années quatre-vingt, mais plus par des alliances. Ça peut se faire à travers des alliances stratégiques et par, également, une meilleure capitalisation.

C'est là où on suggère la création d'un véhicule quelconque pour aider nos institutions financières à investir les marchés de capitaux. Également, une autre façon de capitaliser nos institutions financières, c'est à travers des investissements qui viendraient de l'étranger et qui pourraient non seulement fournir à nos compagnies d'assurances ou d'autres, à nos institutions financières, des capitaux, mais également souvent une expertise et la possibilité de créer des liens importants dans un marché qui s'internationalise. Mais un n'est pas rattaché à l'autre. C'est des moyens là, ça, hein?

M. Millette: Souhaitons qu'il en soit ainsi, et nous sommes heureux de constater qu'il en est ainsi, parce que, effectivement, les compagnies... La réforme de 1984 a mis beaucoup d'efforts — la Loi sur les assurances et sur le décloisonnement — sur la capitalisation des compagnies d'assurances. Ces véhicules-là ont donné des résultats plus ou moins concluants et on s'est rendu compte qu'un des grands problèmes était justement de passer d'une forme mutuelle à une forme de compagnie pouvant se financer sur les marchés de capitaux normaux.

Dans ce sens-là, je pense que l'industrie trouvait intéressante la question du véhicule de capitalisation, mais elle ne voulait pas que cela devienne prétexte à forcer des fusions. Les compagnies comprennent très bien qu'elles doivent améliorer leur rentabilité, et que, pour continuer à se développer, elles ont besoin de capitaux. Mais ce processus doit, comme je le disais dans mon exposé, se faire a posteriori et non pas a fortiori.

Mme Robic: Cependant, personne ne sera forcé, là.

M. Millette: C'est ça.

Mme Robic: Cependant, elles auront elles-mêmes à faire l'analyse de leurs compagnies, à voir quels seront les meilleurs moyens pour elles de se capitaliser.

Peut-être que ça ne sera même pas... Peut-être qu'il y en aura qui choisiront de ne pas aller vers un véhicule de capitalisation, mais plutôt vers l'extérieur pour aller chercher le capital requis. Mais est-ce que les compagnies, devant un genre de véhicule comme celui-là... D'ailleurs, vous le dites vous-même, vous le suggérez vous-même, qu'il doit être non gouvernemental. Donc, ces compagnies-là devront faire face aux forces du marché. C'est les forces du marché qui vont s'opérer, là.

M. Millette: Effectivement. Il est évident que des compagnies qui ont toujours été sous forme mutuelle, qui devront s'adapter, ou qui doivent s'adapter depuis déjà une dizaine d'années, à la présence de capitaux et des exigences que cela comporte, vont devoir s'y conformer et appliquer les règles — je vais appeler ça les règles du capitalisme, là — des marchés de capitaux. Ça, tout le monde est d'accord et je pense que tout le monde est conscient que s'ils faillissent à la tâche, il est normal que l'investisseur exige des comptes. Mais on ne voudrait pas qu'il les exige a priori.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Westmount.

M. Holden: Oui, M. le Président. C'est un plaisir d'échanger avec vous autres comme avec les autres intervenants. Est-ce que je me trompe ou est-ce que la SIAP a sauvé les meubles dans la malheureuse aventure des Coopérants?

M. Millette: Non. La SIAP a indemnisé les assurés.

M. Holden: Oui, oui, je sais, mais si... Ce n'était pas exactement la raison d'être de la SIAP, au fond, de venir sauver une faillite de cette envergure. Est-ce que je me trompe?

M. Millette: Bien, comme je l'ai mentionné tantôt, la SIAP n'est pas là pour... n'a jamais été pensée, jusqu'à aujourd'hui — je parle toujours jusqu'à aujourd'hui — pour être un instrument de consolidation de l'industrie, mais bien comme un instrument d'indemnisation d'éventuelles victimes. La SIAP a joué ce rôle d'indemnisation des victimes, à venir jusqu'à maintenant, avec succès. On souhaite, on prend tous les moyens pour qu'il continue d'en être ainsi. Mais nous devrons dans... D'ailleurs, il y a un groupe de travail qui a été formé à ce sujet-là, à l'intérieur de l'industrie. La SIAP devra s'adapter à l'environnement actuel. Elle ne souhaite pas devenir un organisme de consolidation de l'industrie, mais à défaut d'autres mécanismes, elle pourrait être forcée de le faire, ce qui poserait des pro- blèmes majeurs à l'industrie qui n'est pas subventionnée de quelque façon que ce soit pour le faire.

M. Holden: Dites-moi si je résume bien les lignes directrices de votre mémoire. D'abord, si le Québec tient à une industrie régionale forte, il doit s'occuper de la capitalisation et du financement de ses entreprises d'assurance de personnes. Est-ce que ça résume un peu votre...

M. Millette: C'est essentiellement notre argumentation. C'est le seul volet, pourrions-nous dire, de la loi, de toutes les législations en matière d'assurance au Québec — depuis les 20 dernières années, je dirais — qui n'a pas connu un succès complet, parce qu'il exigeait un changement assez important dans le fonctionnement ou dans la philosophie des compagnies, qui sont passées de compagnies mutuelles sans attache avec les marchés de capitaux à des compagnies qui ont besoin de trouver, sur les marchés, pour toutes sortes de raisons dont j'ai parlé dans le mémoire, les capitaux nécessaires pour continuer à se développer. Cette capitalisation-là est devenue quelque chose de très important.

M. Holden: Est-ce que vous croyez toujours au concept de mutualisation, du mutuel? Est-ce que ça doit être repensé? (21 h 30)

M. Millette: Je pense qu'une compagnie qui est mutuelle et qui veut le rester peut en faire le choix. Elle est absolument libre de le faire. Mais une compagnie mutuelle qui veut continuer de se développer dans un marché aussi concurrentiel que celui d'aujourd'hui doit nécessairement repenser ses stratégies, et peut trouver, dans des lignes d'affaires plus profitables ou dans d'autres moyens internes, les capitaux nécessaires. Cependant, elle devra trouver les capitaux nécessaires à son développement, même si elle choisit la forme mutuelle.

M. Holden: Maintenant, dites-moi si, encore, je résume bien votre pensée. Le gouvernement du Québec doit favoriser la capitalisation des assureurs de personnes présents au Québec en favorisant la création d'un véhicule collectif de financement. C'est une autre de vos préoccupations?

M. Millette: C'est une préoccupation, je pense bien, de l'énoncé de politiques. Je pense bien que ce sont les termes de l'énoncé de politiques.

Mais oui, nous souscrivons tout à fait — que ce soient ou non les termes de l'énoncé de politique — à la nécessité d'avoir au Québec une industrie forte. S'il y a des véhicules de placement, s'il y a des véhicules qui sont permis — comme cela avait été le cas avec les REA, dans le cas des banques — je pense que ces véhicules-là ne doivent pas exclure a priori une entreprise qui fait affaire chez nous.

M. Holden: Vous préconisez, comme bien d'autres, le «level playing field»?

M. Millette: Si on veut parler d'internationalisation des marchés, de concurrence avec l'étranger, je pense qu'on doit parler de «level playing field». Je pense que c'est la base de toute compétition. Autrement, l'industrie qui serait avantagée ou la partie d'industrie qui serait avantagée délogerait assez rapidement les autres, dans un milieu aussi concurrentiel que celui des institutions financières, en 1993.

M. Holden: Maintenant, dans les propositions de Mme la ministre, il est question de confier à l'Inspecteur général la tâche de concevoir et de superviser l'application de normes de pratiques commerciales et financières saines. J'aimerais avoir votre réaction. Est-ce que vous acceptez le concept? Quelle est votre réaction?

M. Millette: Notre réaction est... La loi sur les assurances du Québec — encore là, je me limite à la Loi sur les assurances ou à l'industrie de l'assurance de personnes — a été le résultat d'une consolidation, pour la dernière fois, dans les années soixante-dix, en 1974. La loi a été amendée, je ne sais pas, peut-être 15 fois, au moins 7 ou 8 fois depuis cette époque-là, sans compter les amendements au règlement. On a changé les bases comptables, on a changé les états financiers. On a ou on veut introduire des nouvelles normes de capitalisation, de surplus minimum requis. On a donné à chaque amendement... Chaque fois qu'on donnait des pouvoirs supplémentaires aux compagnies, on donnait des pouvoirs supplémentaires à l'Inspecteur général.

À un moment donné, je pense que, sans s'opposer à quelque nouveau pouvoir que ce soit, on devrait commencer par rationaliser tout ce qu'il y a dans la législation, la Loi sur les assurances. Il y a énormément de pouvoirs qui ont été conférés au cours des années à l'Inspecteur général. Je ne veux pas parler pour lui, mais moi, personnellement, je finirais par me sentir mal à l'aise d'avoir énormément de pouvoirs et de ne pas toujours être certain de pouvoir les appliquer.

Je vais en prendre juste un au hasard, comme ça: celui qui permet à l'Inspecteur général de refuser un placement d'une compagnie d'assurances. C'est un pouvoir qu'il a depuis fort longtemps dans la législation sur les assurances. S'il avait exercé un tel pouvoir, je ne sais pas, il y a cinq ou six ans, et qu'il avait décidé de déclasser des placements immobiliers dans Bramalea, Olympia & York ou autres, je pense qu'il aurait été mal vu de le faire, alors qu'aujourd'hui il y en aurait peut-être qui seraient tentés de lui reprocher de ne pas l'avoir fait. Il y a toutes sortes de pouvoirs comme ça qui, éventuellement, sont discrétionnaires et qui peuvent être difficiles à exercer quand on est quotidiennement dans un véhicule.

Je pense que tout ça devrait être repensé et rationalisé pour un meilleur contrôle, une meilleure surveillance, contrôle et surveillance de l'industrie des assurances de personnes. Je pense que l'occasion est bien choisie de le faire.

M. Holden: Mme la ministre a demandé à M.

Bouchard de se mettre à la place de l'Inspecteur...

Le Président (M. Chagnon): ...de M. Bouchard. M. Holden: ...Bouchard.

Le Président (M. Chagnon): Elle a demandé à M. Bouchard de se mettre à la place de M. Bouchard!

M. Holden: ...de se mettre à la place de l'Inspecteur général. Mais je vois que, vous, vous n'avez pas de problème, parce que vous seriez mal à l'aise, à la place de l'Inspecteur général.

M. Millette: Mais je ne suis pas l'Inspecteur général, remarquez.

M. Holden: Non, mais...

M. Millette: C'est plus facile d'en parler. Ha, ha, ha!

M. Holden: Ha, ha, ha! Dans bien des mémoires, on parle de l'empiétement du gouvernement fédéral dans le champ provincial de l'État du Québec. Est-ce que vous avez des réactions similaires là-dessus?

M. Millette: Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a un besoin d'harmonisation des législations au Canada. Ça, c'est certain. Comme le Québec est une juridiction, je dirais, un peu spéciale, parce qu'elle est une des seules au Canada à avoir un aussi grand nombre d'institutions financières sous sa charge, moi, je pense bien qu'il faut en tenir compte.

M. Holden: Je crois que le député de Jacques-Cartier voulait demander une question sur le temps de l'Opposition; ce serait peut-être le moment de le faire, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): J'ai bien observé cela, M. le député de Westmount, et...

M. Holden: J'ai vu les signaux qui se passaient entre vous...

Une voix: Un lien de solidarité.

Le Président (M. Chagnon): J'attendais que vous ayez fini.

M. Holden: Mon ancien collègue, je veux bien...

Le Président (M. Chagnon): J'attendais que vous ayez fini votre intervention pour lui céder la parole.

M. Holden: On aurait une autre... Je pense qu'on va revenir?

Le Président (M. Chagnon): Oui, oui, je vais

vous permettre de revenir, absolument. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Cameron: Merci. I will be very brief. I would just like to ask a couple of things. I wonder if you could possibly tell me — just in ballpark figures, not exactly — what percentage of the investment portfolio of the insurance companies is in commercial real estate, compared to, say, stocks and bonds. Not exactly, I just mean like in the general kind of area. Are we talking about 5 %, or 10 %, or a third? And secondly, whether you can do that or not, is the value of commercial real estate held, charged at the cost, at the time of purchase, or at the current market price, when measuring the assets of the insurance company?

M. Millette: Well, your first question, I have no figures here tonight, and I cannot answer your question, personally. For the other one, you will know that the accounting rules have changed over the years and they have gone to strict cost account, book value, at the beginning. There has been an evolution, and this evolution has not been necessarily the same in Québec and with the federal government. For example, Québec has never followed the — if I remember well — federal government with that increase in the value of real estate, which may be increased by a certain percentage with a surplus, with some provision to the surplus for that, which is done for shares and other things. So, I do not know if Québec has made that, but I am not sure. I think they never went with that until a recent date. There have been different situations, and at this time, I do not think there is any similarity within the Québec companies and the federal companies as to the accounting principle concerning real estate and mortgages.

M. Cameron: Do you think it can raise any problems for the insurance companies?

M. Millette: Well, a certain number of companies have made adjustments to their annual statement, but I have not seen any particular problems, except maybe with Sovereign Life, which failed last year. But it is the only one that was, at that stage, with real estate, as far as I can see.

M. Cameron: So... thank you. (21 h 40)

Le Président (M. Chagnon): Do you have more questions, Mr. Member?

M. Cameron: Non, c'est tout. Merci.

Le Président (M. Chagnon): Thank you very much. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Robic: Oui. M. le Président, je voudrais peut-être parler des organismes d'autoréglementation, deux minutes. On n'ira pas dans le détail parce que la SIAP va présenter un mémoire, et je pense qu'on va vous revoir avec la SIAP. On pourra aller plus en détail.

C'est bien sûr que ces organismes d'indemnisation, c'est des organismes qui... C'est sécurisant pour le consommateur, c'est une protection pour le consommateur, et je ne pense pas qu'on tienne à remettre ça en cause. Cependant, ça enlève également une responsabilité au consommateur vis-à-vis de l'institution financière qu'il choisit. Il n'a pas à s'inquiéter aujourd'hui, à savoir s'il va à l'institution financière A, B ou C. Le consommateur se dit: De toute façon, mon dépôt est protégé, ma police d'assurance est protégée, mes rentes sont protégées parce qu'il y a maintenant des fonds d'indemnisation qui sont là s'il arrivait qu'une compagnie soit en danger.

Également, au niveau des compagnies, de l'industrie, je dirais, le même phénomène se produit en disant: On a peut-être moins d'efforts à faire pour sauver une compagnie parce que, de toute façon, la clientèle de cette compagnie va être protégée. Là, je me dis que, peut-être, on manque notre coup, et qu'on ne joue pas tout à fait notre rôle, tous et chacun, dans ce domaine-là. Je crois qu'il faudrait peut-être regarder de plus près comment on peut s'assurer que chacun joue son rôle, que chacun est responsable de ses choix et ne s'en remet pas tout simplement aux organismes d'indemnisation, en disant: Bien, de toute façon, il y a quelqu'un qui va payer au bout de la ligne; alors, on n'a pas besoin de s'inquiéter. Je vous avoue que ça m'embête et ça m'ennuie. C'est toujours facile de dire que c'est la faute du gouvernement et que le gouvernement va payer, mais on arrive à un point où on dit: Notre gouvernement n'est plus capable de payer, de toute façon, parce qu'il n'a plus les moyens.

Mais pour revenir à la responsabilité des personnes et des groupes, il y a des personnes, il y a des gens qui suggèrent que le consommateur devrait assumer une partie de responsabilité au moment d'une faillite, et que, peut-être, qu'un certain montant... Avant même que la Société d'indemnisation indemnise, il pourrait peut-être y avoir un montant qui resterait la responsabilité du consommateur. Est-ce que vous seriez d'accord avec ce genre de...

M. Millette: Je peux vous dire que nous avons formé, dans l'industrie, un groupe de travail conjoint, ACCAP-SIAP, pour étudier un certain nombre de propositions, et cette proposition-là est sur la table. Mais je peux vous dire aussi que je ne pense pas que la SIAP, pas plus que la Société d'assurance-dépôts du Canada ou la Régie de l'assurance-dépôts du Québec, veuille être la première à imposer une telle mesure. Je pense bien que, s'il devait y avoir une telle mesure, elle devrait être généralisée à l'ensemble des institutions financières ou à l'ensemble des fonds d'indemnisation. Autrement, la première industrie qui imposerait une telle limite à la protection de ses clients verrait des problèmes de concurrence assez importants. Donc, théoriquement, je pense que, oui, tout le monde est conscient que les gouvernements ont atteint des limites, que l'industrie qui

cherche de la capitalisation n'a sûrement pas 0,5 % de ses volumes de primes à investir dans les faillites de compagnies bien, bien longtemps ou éternellement. Effectivement, il faut trouver des solutions. Mais, comme je vous dis, et selon la fameuse notion de «level playing field», je ne pense pas qu'on veuille être les premiers à instaurer une telle mesure.

Mme Robic: Et les compagnies, elles? Vous dites que la SIAP n'a pas le mandat de faire des sauvetages de biens, de payer, d'indemniser au moment d'une faillite. Pourtant, avant que la SIAP existe, vous n'avez jamais laissé une de vos compagnies faire faillite.

M. Millette: Exact.

Mme Robic: L'industrie faisait des sauvetages. Pourquoi ce changement? Parce que, maintenant, il y a un fonds d'indemnisation, pourquoi ce changement de philosophie, qui est d'abord très coûteux pour l'industrie, en premier lieu, et qui affecte votre crédibilité?

M. Millette: je pourrais vous répondre que — je ne sais pas — dans le temps, il y avait la corvée. aujourd'hui, il y a les compagnies d'assurances pour payer les dégâts. mais la siap est peut-être un filet de sécurité qui a fait en sorte que des gens ont pu se sentir libérés. deuxièmement, et en plus, je pense qu'il y a une question de saturation du marché aussi, qui n'existait pas avant, et peut-être qu'on parlait des normes de capitalisation. si vous devez, pour bien paraître dans les normes de capitalisation ou pour bien figurer auprès de standard & poor's ou de n'importe quel autre organisme de cotation, si vous devez maintenir 125 %, 130 %, 140 %, 150 % de surplus pour bien paraître dans les états financiers, ça devient excessivement onéreux de faire des acquisitions, parce que vous êtes obligés, en plus de faire l'acquisition, d'augmenter votre capitalisation pour rencontrer les nouvelles normes.

Donc, de plus en plus, les entreprises considèrent que c'est plus difficile. Comme la capitalisation, on en parle depuis tantôt, n'est pas facile à aller chercher, ça peut être un autre frein. Il y a plusieurs raisons, et je dois vous avouer qu'on n'a pas fait le tour des raisons, mais, nous aussi, c'est une question qui nous préoccupe parce que, effectivement, il y a eu des problèmes avant et il y en a encore dans le dossier de La Souveraine. On ne trouve pas facilement un acquéreur dans le dossier. Il n'y a pas une lignée de 20 ou 30 assureurs prêts à prendre le dossier. Il y en a, mais il n'y a pas foule aux portes. Donc, oui, effectivement, il y a un problème.

M. Gagné (Gaétan): Moi, je dirais que, finalement, il y a beaucoup de pompiers volontaires. À un moment donné, il y a peut-être...

Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous pourriez vous nommer pour les fins de notre...

M. Gagné: Gaétan Gagné, président de L'Entraide.

Le Président (M. Chagnon): Merci.

M. Gagné: Pour répondre à l'interrogation de Mme Robic. Évidemment, il faut voir que, lorsqu'il y avait des entreprises qui étaient en mauvaise position financière, n'ayant pas de mécanismes, ça se réglait souvent à l'amiable entre deux exécutifs. À partir du moment où il y a un mécanisme, il y a tout le processus d'appel d'offres. Toute la partie qui est impliquée pour négocier un transfert de portefeuille va vouloir le faire selon des règles bien précises pour éviter d'être critiquée par d'autres membres de l'industrie. C'est le processus qui veut ça. En ayant une sécurité d'un côté, évidemment, on doit s'assurer de passer par certaines procédures qui font en sorte que c'est peut-être moins intéressant pour des gens de bâtir, de voir à essayer d'obtenir une entreprise sur le principe de négociations en tête-à-tête.

M. Ferron (Claude): Moi, j'aurais quelques commentaires sur le fonds d'indemnisation. Il ne faut pas oublier quelque chose. C'est qu'au bout de la ligne, finalement, c'est le consommateur qui paie. Que ce soit Passurance-dépôts ou que ce soit Les Coopérants, le coût, actuellement, est astronomique pour les compagnies d'assurances du Québec, à court terme — je parle pour mon organisation. On s'aperçoit que, finalement, autrefois, comme vous dites, il y a eu plusieurs fusions, il y a eu plusieurs organisations qui ont réussi à s'arranger. On a l'impression maintenant qu'avec la SIAP c'est comme si ça devait être la SIAP qui règle tout — et c'est peut-être là l'erreur fondamentale — plutôt que d'essayer de trouver d'autres mécanismes.

Moi, j'ai une conviction assez grande, c'est qu'une compagnie d'assurance-vie, pour vraiment tomber en faillite, même Les Coopérants, il faudrait que ce soit non seulement désastreux, mais... même là, encore... parce que ce qui peut manquer, à un moment donné, c'est la partie capital. Il restait quand même qu'il y avait des portefeuilles d'assurances, je pense — Les Coopérants — qui étaient encore très sains, il n'y a aucun doute, sauf que c'était peut-être la question des actifs, que ce soient immobiliers ou autres. (21 h 50) alors, moi, je me questionne beaucoup, parce qu'on s'aperçoit que ce mécanisme-là, actuellement, de la façon qu'il fonctionne, peut être très coûteux à court terme. il peut même déranger notre rentabilité. un demi de 1 %, ça c'est le maximum, et là, on parle de monter à 1 %. je peux vous dire que c'est beaucoup. alors, disons que c'est les considérations que j'ai actuellement. il faut penser que les américains, aux états-unis, ils ont aussi des fonds de garantie. ils ont trouvé — en fait, je crois qu'il y a seulement trois états qui n'ont pas de fonds de garantie — des mécanismes qui sont propres à leurs juridictions, partout. des fois, c'est un peu comme on a avec l'assurance-dépôts, il y a des primes qui sont

payées d'avance. Dans d'autres cas, c'est un peu comme pour la SIAP, et dans d'autres cas, il y a des mécanismes aussi qui sont associés à des crédits de taxe de primes. Il faut penser que, nous, les compagnies d'assurance-vie, nous payons 2,15 % de taxe de primes. Je peux vous dire que c'est des montants très importants, si vous regardez toutes les primes qui sont souscrites. Moi, je pense aussi que, lorsqu'il y a quelque chose comme ça, disons Les Coopérants ou une autre, il faudrait trouver des mécanismes aussi dans le temps et non pas à très court terme. Si on pouvait avoir un mécanisme sur 5 ou 10 ans, même si on doit tout le payer, ça nous donnerait vraiment la chance de pouvoir retomber sur nos pieds plus rapidement et peut-être de faire plus attention aussi.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Ferron. Mme la ministre.

Mme Robic: Merci.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Westmount, peut-être avez-vous d'autres questions et un mot de la fin.

M. Holden: Juste peut-être deux questions. D'abord, dans votre mémoire, il est question de stratégie internationale de développement. Alors, est-ce que vous pourriez me dire quelle doit être la stratégie, la priorité de l'industrie québécoise? Est-ce que c'est le développement international ou le développement québécois?

M. Millette: Oui, évidemment, quand on parle... M. Holden: Ou les deux?

M. Millette: On ne peut pas ignorer la mondialisation de l'économie. Les entreprises québécoises, avant de se lancer à la conquête du monde, je pense qu'elles doivent avoir une base régionale forte. Et ça, je pense qu'il est essentiel qu'elles commencent d'abord par se capitaliser et développer un ensemble de produits rentables avant de songer à se lancer au plan international. Je suis bien d'accord que les compagnies québécoises pourraient et devraient rechercher des ententes avec des partenaires étrangers, soit pour du financement ou une participation, soit pour développer un «know how». Ça, c'est certain. Mais de là à dire d'avoir une stratégie internationale de développement, je pense bien que Standard & Poor's dit bien qu'il n'y a pas tellement de chance. Je lisais The Economist, il y a quelques semaines, qui parlait de la mondialisation et qui donnait une liste de 80 ou 100 compagnies à travers le monde qui détiennent 60 % des marchés internationaux. Il n'y avait aucune entreprise canadienne dedans. Donc...

M. Holden: La charité bien ordonnée commence chez nous.

M. Millette: Je pense qu'il est nécessaire d'avoir... Même s'il y a mondialisation de l'industrie, je pense qu'il y aura toujours place pour une industrie régionale forte. Quand je parle de «régionale», je ne parle pas juste de québécoise, je parle de canadienne, parce que, au plan international, le Canada est une petite région.

M. Holden: Vous mentionnez aussi dans votre mémoire, et je vous cite... À la page 10, vous proposez au gouvernement d'élaborer une stratégie de concertation avec l'industrie afin de stabiliser les coûts des services de santé dispensés par les régimes publics. Peut-être que vous pourriez expliciter un peu plus cet énoncé.

M. Millette: Oui, je pourrais expliciter un peu et je pense que M. Ferron pourrait en parler encore plus.

M. Holden: M. Ferron est avec la Croix Bleue, je crois.

M. Millette: La Croix Bleue. Il y a énormément d'expériences qui se font aux États-Unis depuis le milieu des années 80, où on peut commencer à offrir des programmes à long terme qui peuvent être jumelés à d'autres contrats, soit d'assurance, soit de rentes en capitalisation, des rentes en accumulation, et qui peuvent s'appliquer, par exemple, à certaines maladies spécifiques comme des maladies débilitantes ou qui font perdre l'autonomie d'une personne. Ce sont des programmes qui, accumulés au cours d'une période de temps — certains de ces programmes-là peuvent être pris aussi tôt que l'âge de 50 ans, par exemple — peuvent permettre à cette personne-là d'être indépendante financièrement advenant son placement dans une maison, parce qu'elle est en perte d'autonomie. Donc, des choses comme ça peuvent, si elles sont bien gérées et bien montées, être intéressantes pour l'industrie de l'assurance, et peuvent aussi être intéressantes pour les gouvernements. Mais je suis certain...

M. Holden: Est-ce que M. Ferron a été appelé par Mme Clinton pour donner ses avis?

M. Ferron: non, non, mais je pense qu'ils vont assez bien régler leurs problèmes, parce que... lorsqu'on regarde un peu aussi ce qui se fait aux états-unis, on s'aperçoit que c'est vrai que ça coûte très cher. ils sont rendus à 14 % du pib. nous, on est rendus à 10 %. on s'aperçoit que, dans les années qui s'en viennent, je pense bien que les compagnies d'assurances vont pouvoir jouer un rôle important. on s'aperçoit que, depuis quelques années, pas seulement au québec, mais un peu à travers le canada, les gouvernements désassu-rent un peu les régimes. ce sont les assureurs privés qui prennent la relève, sauf qu'actuellement je vous rappellerai qu'en assurance collective on a une taxe de 9 % qui s'ajoute lorsqu'on vient ajouter des bénéfices comme ça. ça, je trouve ça extrêmement difficile, pour nos assurés d'abord, et aussi, je pense bien, pour l'industrie

qui, comme telle, avant de donner quelque bénéfice, elle doit payer 9 %. Je pense qu'il y a une petite anomalie, disons, de ce côté-là.

Pour le restant, moi, j'ai bien confiance que si on regarde un peu ce qui se passe aux États-Unis, si on regarde ce qui se passe au Canada... C'est vrai que les États-Unis ont un problème avec 35 000 000 d'assurés, mais je pense bien, avec ce qui s'en vient, soit le «pay or play», les approches qui vont être faites, qu'ils vont réussir à couvrir ça. Ce qui est plus important, peut-être, c'est ce qu'ils ont commencé à mettre de l'avant, ce qu'ils appellent le «managed care». Ça, c'est appelé à prendre énormément d'ampleur, et ça va permettre probablement aussi de mieux contrôler les coûts de santé. Nous, on l'expérimente actuellement avec Florida Blue Cross, pour les gens qui voyagent hors Canada. On s'est aperçu qu'il y avait des retombées extrêmement importantes sur le plan des coûts, sur la qualité aussi.

M. Holden: Je vous remercie, messieurs, de votre présentation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Robic: Merci infiniment. C'était intéressant. Merci, M. le député, de votre participation.

M. Millette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Chagnon): Je tiens à vous remercier, MM. Millette, Ferron et Gagné. Nous allons ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures. Merci.

(Fin de la séance à 21 h 58)

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