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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 4 avril 1978 - Vol. 20 N° 16

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Communications


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère des Communications

(Quinze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des communications est réunie dans le but d'étudier les crédits budgétaires du ministère des Communications. Sont membres de cette commission: M. Beauséjour (Iberville) remplacé par M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bertrand (Vanier), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Godin (Mercier) remplacé par M. Richard Guay (Taschereau), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan (Gaspé), M. Michaud (Laprairie). M. O'Neill (Chauveau), M. Vaillancourt (Orford).

Je voudrais que, parmi vos membres, vous présentiez un rapporteur de la commission. Faites une suggestion.

M. Michaud: Je propose M. Laberge.

Le Président (M. Jolivet): Adopté. M. le ministre, programme 1. Vous avez la parole.

Remarques préliminaires M. Louis O'Neill

M. O'Neill: M. le Président, je m'excuse d'abord auprès des membres de cette commission de leur avoir fait parvenir un peu à la toute dernière minute le dossier sur l'étude des crédits. La raison est simple, c'est que par suite de plusieurs circonstances, particulièrement le temps qui a été requis pour la préparation de la rencontre de Charlottetown et aussi la rencontre elle-même, et aussi parce que nous sommes les premiers en fait à siéger en commission, il n'a pas été possible de vous faire parvenir ce texte plus tôt.

Mon intention est la suivante cet après-midi, c'est de souligner devant les membres de cette commission un certain nombre de passages du document que vous avez entre les mains, c'est-à-dire les passages qui peuvent le mieux illustrer à la fois les politiques du ministère, certaines orientations budgétaires nouvelles, et je dirais certaines préoccupations qui nous semblent majeures dans le domaine des communications. Par conséquent, je ne vous imposerai pas une lecture onéreuse de l'ensemble du document mais, encore une fois, je vais m'en tenir à souligner un certain nombre de passages.

Dans le document qui vous a été remis, vous remarquerez au début, donc en introduction, un certain nombre de renseignements. Est-ce que vous avez ce document?

M. Vaillancourt (Orford): Le document dont parle le ministre, je n'en ai pas reçu copie.

M. O'Neill: On m'assure qu'il a été livré à vos bureaux hier après-midi.

M. Guay: M. le Président, le député de Gaspé l'a entre les mains.

M. Vaillancourt (Orford): Je ne suis pas allé à mon bureau encore, je m'excuse.

M. O'Neill: La version finale, je l'ai eue en même temps que les gens de l'Opposition. Donc, je vous prierais de noter dans l'introduction un certain nombre de données qui nous aident à mieux saisir les fonctions premières du ministère des Communications. Elles sont ici regroupées sous trois titres. Premièrement, la fonction de surveillance quant à l'établissement et au développement des réseaux de communications dans les limites du territoire québécois, que ces réseaux soient propriété privée ou propriété publique. Deuxièmement, ce ministère a la responsabilité d'offrir aux ministères et aux organismes gouvernementaux des services de soutien tant en ce qui concerne les services d'informatique et leurs communications internes qu'en ce qui a trait aux communications avec leurs clientèles respectives et avec la population en général. Troisièmement, il est responsable du développement et de la promotion de l'industrie québécoise du cinéma.

Vous remarquerez que les programmes qui sont présentés dans le livre des crédits de 1978/79 sont de deux ordres. Il y a, premièrement, les programmes administrés par le ministère lui-même qui, au plan administratif, sont placés sous l'autorité du sous-ministre des Communications. Il y a ensuite deux programmes portant le nom de l'organisme qui les administre et qui sont placés sous la responsabilité directe du ministre des Communications, donc, les programmes de la Régie des services publics et celui de Radio-Québec.

Je voudrais maintenant passer au bilan des activités pour 1977/78 et, dans ce bilan, souligner un certain nombre de passages qui m'apparaissent particulièrement significatifs. Il est dit au sujet du programme 1, celui qui porte sur les réseaux et équipements gouvernementaux de communication, que ce programme a pour objectif d'assurer aux ministères, ainsi qu'aux organismes publics dont le budget est voté annuellement par l'Assemblée nationale des services de communication par téléphone, par radiotéléphone, des services de transmission des données et des communications informatiques, ainsi que des services d'ingénierie qui se rapportent aux communications. Il fournit aussi des services d'expertise au secteur parapublic via les ministères responsables.

Dans la partie intitulée Communication informatique, dans votre texte, donc au bas de la page 4, on vous signale, par exemple, une certaine addition d'équipement dans le domaine des communications écrites, téléscripteurs et bélinographes. Nous avons ajouté dans ce secteur une quarantaine de nouveaux terminaux, ce qui porte la quantité totale actuelle à près de 400 terminaux.

Je vous signale qu'un peu plus loin dans ce chapitre on parle aussi d'un sujet qui a provoqué beaucoup d'intérêt récemment. Vous avez cela à la

page 6. C'est celui de la télédiffusion des débats à l'Assemblée nationale à compter de septembre prochain. Nous avons complété la première phase: réalisation d'un nouveau système de prise de son qui pourra alimenter également les media d'information, le journal des Débats et différents systèmes de sonorisation actuels ou futurs.

Dans le secteur des radio-communications, le ministère a mis en place un réseau de radio mobile dans les régions de Montréal, de l'Estrie, des Laurentides, de Trois-Rivières et de Québec. Ce réseau permettra de répondre aux besoins des ministères des Richesses naturelles, des Travaux publics, de l'Agriculture et de la Justice. Des études ont été complétées pour étendre ce réseau, au cours de l'année 1978, dans la Beauce, le Bas-du-Fleuve et l'Outaouais à même l'infrastructure gouvernementale déjà en place.

Au bas de la même page de ce document, il est noté aussi que dans les secteurs de la radiotélévision, le ministère effectue tous les travaux d'ingénierie préparatoires à l'implantation des stations communautaires à Gaspé, à Rivière-au-Renard pour le groupe Radio-Gaspésie. Les études techniques préliminaires ont été faites pour les stations projetées, pour l'Etoile filante à Rimouski, Pontiac, Fermont, Gagnon, Schefferville ainsi que pour la station de l'Institut Leclerc à Laval.

J'aimerais vous souligner aussi quelques observations qui sont faites ici concernant la gestion interne relativement à certains coûts des communications à l'intérieur de l'appareil gouvernemental.

Il est dit que le coût des services de communications dispensés par ce programme 1 pour l'année 1977/78 aurait été de $22,6 millions (services loués). De cette somme, $2,1 millions sont at-tribuables aux hausses de tarifs consenties dans l'année aux compagnies fournisseuses. L'année 1976/77 s'était terminée avec une dépense de $19,5 millions. Abstraction faite des hausses de tarifs, les services ont donc augmenté de 5% dans l'année comparativement à une croissance moyenne de l'ordre de 20% au cours des cinq années antérieures.

Par la suite, vous avez l'énumération de cette répartition des dépenses où on dit que le réseau téléphonique de base représente 48% du total des dépenses. Vous avez l'intercentre 16%, l'interurbain 17%, les transmissions écrites 4%, les communications informatiques 11%, les réseaux de radio-communication loués 3%.

Nous avons fait un effort de sensibilisation des fonctionnaires au coût encouru par le gouvernement pour les services des communications dans l'espoir de diminuer l'usage des services à des fins personnelles et aussi pour favoriser l'emploi de l'intercentre plutôt que l'interurbain, quand cela est possible.

Des affiches ont été distribuées dans tous les bureaux du gouvernement, des collants apposés aux téléphones et des messages condensés remis aux fonctionnaires. La campagne est axée sur le thème "J'éconophone ".

Il est impossible actuellement d'évaluer de façon précise l'économie qui est en train de se réaliser, mais il est possible, enfin, que cette économie soit passablement substantielle.

Le programme II est celui qui porte sur les communications gouvernementales et renseignements. Ce programme a pour but d'améliorer la communication entre l'Etat et les citoyens afin d'assurer l'information efficace des programmes gouvernementaux tout en permettant aux citoyens de bien se renseigner concernant les services offerts par l'administration.

Il importe cette fois-ci de noter de façon particulière qu'en 1977/78 la direction générale des communications gouvernementales a maintenu ses activités dans le domaine de la presse électronique et imprimée. D'une part, les directeurs des communications des ministères et organismes gouvernementaux se sont réunis pour définir et préciser le rôle du ministère des Communications du Québec. Les mandats ont été scrutés et des solutions concrètes ont fait l'objet de recommandations. C'est ainsi qu'un conseil des directeurs des communications verra le jour sous peu et que, d'autre part, le ministère des Communications créera un secrétariat général des communications gouvernementales ayant pour objectif de mettre en commun des ressources afin de réaliser la concertation essentielle à la poursuite des objectifs.

Le point 2 de ce programme II porte sur la publicité. Vous avez ici un certain nombre de renseignements qui sont fournis. Maintenant, é-tant donné qu'une rencontre est déjà prévue pour vendredi prochain pour traiter spécifiquement de ce point, il sera possible de traiter plus en détail cette question vendredi prochain ou de la traiter aujourd'hui; il faudra tout à l'heure prendre une décision à ce sujet.

Je vous signale tout simplement quelques brèves notes. Par l'entremise d'agences de publicité, ce service a placé dans les journaux les offres d'emplois de la Commission de la fonction publique ainsi que les appels d'offres et les avis légaux du gouvernement du Québec, donc ce qui relève directement de lui, tout en jouant le rôle d'une centrale de services pour les autres ministères et concernant les contrats que les autres ministères doivent donner et pour lesquels ils peuvent, à un moment donné, s'ils le désirent, faire appel à nous pour de l'information.

Des contrats de publicité pour un montant total de $2 761 300 ont été octroyés à cette fin et vous avez, dans la suite, la répartition de ces contrats, donc le nom des agences auxquelles on a fait appel.

Au chapitre de la publicité proprement dite, le service a coordonné quelques projets de publicité à l'étranger en collaboration avec le ministère de l'Industrie et du Commerce et des Affaires intergouvernementales. Par exemple, l'édition spéciale du Financial Time de Londres sur le Québec, un supplément spécial d'un journal financier allemand, etc. Ensuite, le service de la publicité a accordé son appui pour la réalisation de divers tra-

vaux en matière d'expositions, notamment la réalisation de la vitrine du gouvernement du Québec au centre d'information de Toronto et pour la participation du ministère au Salon international de la publicité. Au point 3, on mentionne le problème des expositions; au point 4, l'identification visuelle; au point 5, l'élément de programme qui concerne Communication-Québec.

En 1977/78, les neuf bureaux de Communication-Québec, en plus de poursuivre leurs activités régulières de renseignement sur les services gouvernementaux — on estime à près de 290 000 les demandes de renseignements en 1977/78 à comparer à 250 000 pour l'année précédente — ont mis l'accent sur les tournées d'information et de consultation. Entre autres, les bureaux de Communication-Québec ont participé à l'organisation des activités suivantes: tournée dans dix villes de la commission ministérielle sur la réforme de l'assurance automobile, 64 jours de tournée ministérielle en septembre 1977 et 44 journées en janvier 1978; tournée d'information dans toutes les régions sur la loi de conciliation entre locataires et propriétaires; tournée de consultation sur le livre vert des loisirs dans les quinze régions de loisirs, 64 villes ont été visitées; tournée d'information dans les media sur la Régie de l'assurance automobile; tournée d'information pour le ministre de l'Education relativement au livre vert sur l'enseignement au primaire et au secondaire.

Le programme 3 porte sur l'édition gouvernementale. Ce programme a pour objectif d'assurer l'impression des documents officiels et d'offrir aux ministères et organismes gouvernementaux les services d'édition, de documentation administrative, de traduction et de photographie leur permettant de mieux informer leur clientèle respective et la population en général de leurs objectifs et de leurs services.

A ce programme de l'édition gouvernementale, on mentionne par la suite les éléments suivants sur lesquels un certain nombre de renseignements sont fournis; la reprographie, les publications officielles, la documentation québécoise, la commercialisation, la traduction, la documentation.

Le programme 4 est intitulé Gestion interne et soutien. Premièrement, le problème des relations intergouvernementales. C'est au bureau du sous-ministre que s'effectue la coordination des relations intergouvernementales entre le gouvernement du Québec, les autres gouvernements et les différents organismes intéressés dans le secteur des communications. Les responsables de ces secteurs assurent l'évolution des dossiers des relations fédérales-provinciales interprovinciales et internationales du ministère en collaboration étroite avec le ministère des Affaires intergouvernementales.

Relations interprovinciales et fédérales-provinciales. En mars 1977, avait lieu, à Edmonton, une rencontre du Conseil des ministres des Communications, qui avait été créé lors de la deuxième conférence fédérale-provinciale de 1975. Le Québec a refusé de participer à cette rencontre puisqu'on n'avait pas réussi, à l'origine, à s'entendre sur le partage des rôles et des responsabilités entre les deux niveaux de gouvernement et que notre présence signifiait la reconnaissance de facto de la juridiction fédérale dans le domaine des communications. De plus, le Québec avait déjà fourni un effort préalable par sa participation à un groupe de travail Québec-Ottawa dont les résultats avaient été nuls.

Après la rencontre d'Edmonton, le Conseil des ministres des Communications est aboli, et on revient au mécanisme des conférences fédérales-provinciales. Je me permets ici de souligner encore une fois cette distinction souvent rappelée, mais que certains ont beaucoup de difficultés à comprendre. Dans un cas, vous aviez donc une sorte de conseil consultatif des ministres des Communications sous la tutelle d'Ottawa et, dans l'autre cas, vous aviez une véritable rencontre fédérale-provinciale. Donc, ce qui s'est tenu comme rencontre à Charlottetown, ce n'est pas la quatrième rencontre fédérale-provinciale des ministres des Communications, mais bien la troisième.

Vers la fin de mars 1978 se tenait à Charlottetown la conférence fédérale-provinciale des ministres des Communications. Cette rencontre intergouvernementale dans le domaine des communications était la première à se tenir au niveau ministériel depuis l'échec de la deuxième conférence fédérale-provinciale sur les communications. Lors de cette rencontre, le ministre des Communications a présenté les positions du gouvernement du Québec. Certaines interventions constituaient la position officielle du gouvernement du Québec, d'autres permettaient de proposer des hypothèses de travail sur des points à l'ordre du jour. (16 heures)

L'ordre du jour de cette réunion comprenait, entre autres, l'étude et les commentaires sur le projet de loi fédéral sur les télécommunications au Canada, le projet C-24, les questions relatives à la délégation administrative de pouvoirs en matière de câblodistribution, la télévision à péage ou télévision payante, la concurrence entre les sociétés exploitantes de télécommunication et les mécanismes de consultation dans le domaine des communications.

Précédant cette rencontre fédérale-provinciale de Charlottetown, les responsables du secteur du ministère des Communications avaient rencontré différents représentants des gouvernements des provinces de la Saskatchewan, de l'Ontario et des Maritimes afin de mieux connaître la position de chacune de celles-ci. De plus, lors de rencontres à Québec sur la télévision payante, plusieurs représentants de différentes provinces étaient venus analyser et discuter avec le Québec des éléments de politiques que celui-ci entendait soumettre dans un éventuel règlement sur la télévision payante.

Précédant les différentes rencontres tant fédérales, provinciales qu'interprovinciales, des responsables du secteur au ministère des Communications avaient été au coeur des débats et de diverses tentatives de négociation à la suite de diffé-

rents jugements de la Cour suprême en matière de communications.

En effet, la Cour suprême, au mois de novembre 1977, rendait des décisions importantes en matière de communications, il s'agit des causes Capital Cities, Roger's et Dionne vs D'Auteuil dans lesquelles était impliqué au premier plan le gouvernement du Québec. Dans la première, était mise en question la constitutionnalité de la loi fédérale sur la radiodiffusion; dans la seconde, celle de la régie des services publics en matière de câ-blodistribution. La question était de savoir si le gouvernement du Québec pouvait réglementer une entreprise publique dont l'objet principal ou accessoire comprenait l'émission, la transmission, la réception des sons ou images du contenant de la programmation. L'objectif visé était d'assurer au Québec une continuité d'intervention dans le secteur des communications et lui permettre de jouer son rôle de maître d'oeuvre et d'agent législateur prioritaire.

La Cour suprême a donné raison, dans un jugement partagé de six voix contre trois, au gouvernement fédéral. Comme pour le Québec seul le dossier judiciaire était fermé, à la suite de ces jugements s'ouvrait la voie de la négociation d'arrangements administratifs ou de délégation avec le gouvernement fédéral. C'est dans cet état d'esprit que le 12 décembre 1977 j'ai fait parvenir des propositions d'un projet de protocole d'entente au ministre fédéral des Communications. Par la suite, des rencontres avaient lieu entre les représentants du gouvernement d'Ottawa et du gouvernement du Québec, aux mois de janvier et février, et des rencontres entre le ministre des Communications du Québec et celui d'Ottawa avaient lieu à la même époque ainsi qu'avant la conférence fédérale-provinciale de Charlottetown au mois de mars 1978.

De cette tentative de négociation est sortie une formule, appelée la formule Saint-Laurent, qui cherche à accorder au Québec un pouvoir d'application des réglementations en matière de communications. Chacun des membres de cette commission pourra trouver dans la documentation qui a été distribuée cet après-midi des détails aidant à comprendre cette formule Saint-Laurent. Il s'agit, en fait, d'une proposition inspirée d'une loi qui concerne le domaine du transport en camion, la loi M-14, et une loi que le gouvernement Saint-Laurent avait présentée, vers les années cinquante-trois ou cinquante-quatre, en vue de permettre aux Etats provinciaux de pouvoir appliquer de façon légale et constitutionnelle des réglementations dans le domaine du camionnage visant, de façon particulière, le transport interprovincial en camionnage.

Dans ce type de législation dont s'inspire ce que nous avons présenté sous le nom de formule Saint-Laurent, il se produit une délégation dont le sens est que le pouvoir fédéral reconnaît comme sienne, comme parfaitement légale et constitutionnelle, la réglementation qui est mise en application par l'organisme provincial. Dans ce type de législation, on peut évidemment prévoir des ex- ceptions, et ici on pourrait par exemple penser au cas assez particulier de la société Radio-Canada où, en fait, le Québec demande principalement un certain droit de regard sur le développement de cette société sur le territoire québécois. Encore une fois, il s'agit donc d'une formule extrêmement simple, facile à appliquer, qui ne bouleverse rien, qui est conforme, je dirais aux exégèses les plus étroites et rigides qu'on a voulu donner de la constitution, d'ailleurs, à partir de textes relativement vagues. Ceux qui, en effet, ont pu voir ces textes de près dans la Constitution se sont aperçus que les pères de la Confédération, quand ils ont parlé de transports, n'avaient aucunement à l'esprit, on le comprend, ni la radio, ni la télévision, ni la câblodistribution. Donc c'est par suite d'un effort de réflexion particulièrement profond que certains éminents magistrats ont cru trouver ainsi un fondement pour cette politique centralisatrice dans le texte même de la constitution.

Vous avez donc là cette proposition Saint-Laurent qui a été soumise à Charlottetown. Nous attendons maintenant la réaction du ministre fédéral des Communications. Mme Sauvé nous a promis cette réaction plus tard. Sur le moment, elle n'a eu qu'une réaction qu'elle a elle-même qualifiée de superficielle lorsqu'elle nous a dit qu'une difficulté qu'elle voyait dans notre proposition était que dans le camionnage il n'y avait pas de contenu moral et intellectuel et qu'il y en avait dans la câblodistribution, la radio et la télévision. Cela nous a un peu surpris comme argument, mais enfin, après une période de réflexion, nous pouvons supposer que Mme Sauvé nous arrivera avec des observations plus substantielles que celles que nous avons entendues jusqu'ici.

Sur le plan des relations internationales maintenant, il est bon de noter que la France demeure toujours un pôle d'attraction privilégié au chapitre de la coopération. Les missions "chapeautées" traditionnellement par la commission franco-québécoise ont, comme à chaque année, eu lieu. Il faut mentionner ici une autre utilisation du satellite Symphonie lors de deux semaines d'expérimentation entre le Québec et la France. Et, toujours au niveau des relations internationales, une mission québécoise s'est rendu en France pour étudier la question du doublage des films français, à partir du territoire québécois. Par la suite, une mission française est venue au Québec sur le même sujet et différentes rencontres et échanges se poursuivent pour tenter d'arriver à une solution qui pourrait satisfaire les deux parties.

Un autre secteur est celui de l'importation de matériel audio-visuel français destiné aux chaînes de câblodistribution québécoises. Ainsi, des rencontres ont eu lieu avec les différents représentants des chaînes de télévision française afin de permettre une accessibilité la plus libre possible des différents documents produits par ces chaînes, ce qui permettrait de contrecarrer l'envahissement américain via la câblodistribution. Différentes suggestions et hypothèses ont été émises dans ce dossier, et le tout devrait se concrétiser au cours de l'année 1978. Il est nécessaire ici de men-

tionner une entente signée entre l'Editeur officiel du Québec et une maison de distribution de la Nouvelle-Angleterre, Paquet et Associés, qui verra à la commercialisation et à la diffusion, à travers l'ensemble du territoire américain, des productions de l'Editeur officiel du Québec.

Au sujet de la gestion centrale, il est utile de noter que le service des communications s'est particulièrement signalé par sa revue "Antennes" qui a pour objet de mieux informer les citoyens de l'action administrative de l'Etat, et plus particulièrement tous ceux et celles qui oeuvrent dans le secteur des communications au Québec. Cette revue a remporté l'Oscar de la presse décerné par l'Union des journaux et journalistes d'entreprises de France.

Rappelons que la mission générale du Bureau central d'informatique, le programme du Bureau central d'informatique qui concerne ce bureau a pour objectif de fournir des services d'informatique aux ministères et organismes, d'assurer l'exploitation des systèmes mécanisés de gestion centrale et d'exercer auprès de tous les ministères et organismes des fonctions de coordination et d'expertise technologique relatives à l'informatique.

Nous allons maintenant passer au programme 6 qui concerne la Régie des services publics. Le programme 6 est un programme administré de façon autonome par la Régie des services publics. Il est peut-être bon de rappeler cela au début. Ce caractère autonome de la Régie des services publics fait contraste par exemple avec ce caractère d'organisme de réglementation qu'est le CRTC, qui met cet organisme de réglementation souvent en position difficile face au pouvoir exécutif. Cela a déjà été évident dans les années récentes et risque de l'être encore plus avec la promulgation de la loi C-24.

Activités judiciaires de surveillance et de contrôle et réalisation... Vous avez en marge une sorte d'expression qui résume bien certaines activités de la régie: application de normes concernant les taux centre-distance étendus à la moitié de la semaine, utilisation maximale des réseaux, redressement tarifaire, uniformisation des tarifs interurbains, généralisation des tarifs généraux, nouveaux services régionaux, nouvelle technologie, partage des revenus de l'interurbain, frais de construction absorbés par les entreprises, identification territoriale.

Au sujet de la câblodistribution, notons ici cette observation à savoir que la première phase d'implantation et de consolidation de ces entreprises publiques de câblodistribution étant terminée, la régie a fait porter ses efforts sur la normalisation des modes de calcul de la base tarifaire et la recherche d'un équilibre entre les tarifs et la qualité des services offerts aux abonnés. Cette volonté de la régie de tenir compte davantage de la qualité des services dans l'établissement des tarifs, voire de joindre à l'augmentation des tarifs l'accroissement quantitatif et qualitatif des services offerts aux abonnés, s'inspire d'un souci d'éviter, d'une part, de cautionner la mauvaise gestion de certaines entreprises, et, d'autre part, de pénaliser la bonne administration d'autres entreprises.

Il est important d'attirer votre attention sur un problème sur lequel s'est penchée la régie, concernant lequel elle avait offert, à mon avis, une solution extrêmement intéressante qui se distingue de la solution qui a prévalu à Ottawa du côté du CRTC, mais encore une fois qui est une solution qui, dans son application, était beaucoup plus susceptible de favoriser le client, le citoyen qui est abonné à un service de câblodistribution.

La régie a autorisé plusieurs entreprises publiques de câblodistribution à augmenter la capacité technique de leur réseau ainsi que la programmation y afférente. A cette fin, les abonnées ont besoin d'un sélecteur de fréquence additionnel.

Il y a lieu de souligner ici l'importance économique considérable de l'implantation éventuelle, à l'échelle du Québec, d'un tel sélecteur de fréquence additionnelle, communément appelé câblosélecteur ou télésélecteur, si l'on considère que le coût de ce nouvel équipement représente près de 30% du coût des immobilisations mises actuellement à la disposition du public par les entreprises de câblodistribution.

Je vous signale que la politique qui avait été inaugurée avec la régie consistait à inclure dans l'abonnement le service même du télésélecteur, donc ne faisant pas porter le poids de son achat au client lui-même. Avec la politique du CRTC, vous avez tout de suite des retombées que vous pouvez mesurer à Montréal où par exemple, les gens sont obligés, s'ils le désirent, d'acheter eux-mêmes le télésélecteur. Ce coût d'achat peut varier de $40 à $150. Il n'y a aucune garantie quant à l'efficacité. Les gens doivent porter les frais de réparation. En somme, le client n'est aucunement protégé.

Il y a aussi dans certaines normes du CRTC dans ce domaine des choses qui nous étonnent considérablement. Selon les renseignements qui nous ont été transmis, avec l'application du télésélecteur dans la région de Montréal par Cablevision nationale, donc règlement approuvé par le CRTC, il sera possible désormais aux abonnés du câble de capter dans le service régulier seulement quatre canaux de langue française contre cinq de langue anglaise. S'ils veulent avoir les deux canaux supérieurs de langue française, ils devront acheter le télésélecteur. Evidemment, on est loin de la philosophie qui a inspiré la politique de notre Régie des services publics. Egalement, il est utile de noter que la presque totalité des abonnés au service de câblodistribution, soit 559 000 et quelques abonnés sur un total de 584 000 le 31 août 1977, reçoivent la programmation quotidienne de Radio-Québec et que 94% des abonnés bénéficient d'une programmation d'origine locale.

Rappelons, enfin, que la dernière année a été marquée par la décision de la Cour auprême qui a eu pour effet d'interrompre les activités quasi judiciaires de la régie à l'égard des 131 entreprises exploitant quelque 160 réseaux de câblodistribution dans plus de 1000 localités au Québec.

Toutefois, la régie poursuit toujours ses activités de caractère administratif en matière de câblodistribution. Ses services d'accueil, de conseil et

de recherche lui permettent de contribuer quotidiennement à régler les nombreux différends qui surgissent entre les entreprises de leurs abonnés et de maintenir un lieu étroit avec l'ensemble de l'industrie de la câblodistribution.

Le comportement des citoyens depuis le 30 novembre illustre de façon évidente, selon ce que l'on nous dit à la régie, l'attachement de ces citoyens à un service proprement québécois. Les gens trouvent tout à fait normal de s'adresser ici à un organisme québécois quand ils ont des problèmes soit de qualité de services au plan technique, soit des problèmes de contenu parce qu'ils veulent faire des observations quant à la programmation. Leur réflexe spontané et naturel, c'est de s'adresser ici à une institution québécoise. Pour eux, le CRTC est une institution extrêmement lointaine qui ne connaît pas les problèmes du Québec. Ce comportement des citoyens, à sa façon même, illustre bien la normalité d'une situation où on confisque, au profit d'un pouvoir extérieur, une zone d'activité, de juridiction qui, tout naturellement, appartient au gouvernement du Québec.

Je voudrais maintenant passer au programme 7: Développement des communications et des politiques. Ce programme vise à favoriser, orienter, coordonner et surveiller le développement des réseaux et des moyens de communications sur le territoire du Québec. Ceci nécessite l'élaboration d'une politique pour chacun des domaines concernés, à savoir les sociétés exploitantes de télécommunications, la câblodistribution et la radio-télédiffusion. Ces politiques, il va sans dire, sont axées sur la réalité québécoise et sont donc appelées à progresser au rythme de cette dernière.

Vous avez, après cela, des remarques sur les sociétés exploitantes de télécommunication. Je vous signale, à la page 26, certaines observations concernant le problème de l'interconnection des réseaux qui est devant une dimension technique parfois en partie difficile à saisir. Je vous signale le cas parce que, d'abord, cela a fait l'objet d'une longue discussion à Charlottetown, et la position du Québec — je dirais l'opposition du Québec — a été appuyée par de nombreux gouvernements provinciaux. Pensons, par exemple, à celui de l'Alberta où vous avez une téléphonie d'Etat. En réalité, dans cette tentative de regroupement de réseaux, d'interconnection de réseaux, surtout ici entre CNCP et Bell Canada, l'enjeu est beaucoup plus sérieux qu'on le soupçonnerait de prime abord.

Il s'agit, d'une part, que la décision du CRTC soit favorable et je vous signale qu'à Charlottetown d'aucune façon le ministre fédéral des Communications n'a voulu accepter l'idée qu'on demande au CRTC d'attendre un peu et qu'au moins des études sérieuses soient faites sur les retombées, les risques que pourrait comporter une décision permettant cette interconnection.

Donc, ce que je voudrais signaler, ce que nous avons lieu de croire, premièrement, c'est qu'une décision de ce genre peut être extrêmement coûteuse pour nos entreprises de télépho- nie, nos entreprises privées qui relèvent d'une compétence provinciale — il y en a 27 au Québec — et également les entreprises de téléphonie d'autres provinces. Ce que veut dire coûteux est comme ceci, c'est qu'à cause de ce système, il serait extrêmement difficile de partager les coûts et les revenus. Le risque est très grand que les sommes d'argent qui, jusqu'ici, étaient utilisées à l'interfinancement de nos entreprises de téléphonie, surtout à partir de l'interurbain, soient des sommes d'argent qui s'enfuient et fassent partie des profits de CNCP, par exemple, si bien qu'à un moment donné nous risquons d'avoir des augmentations de tarifs dues au fait que les bonnes sources de financement nous aurons échappé.

Un deuxième risque est le suivant, c'est qu'en poussant très loin cette idée d'interconnection, d'une part, et en insistant fortement, d'autre part, sur cette idée qui revient très souvent, ce caractère dit indivisible des télécommunications, nous pourrons en arriver à une situation où le fédéral pourrait dire: Ecoutez, nous pensons que, désormais, toute la téléphonie relève de nous, étant donné qu'il n'y a plus moyen de séparer les réseaux, que tout devient interprovincial. Il ne faudrait pas sous-estimer cette menace. J'ai clairement entendu le ministre fédéral des Communications dire: Je m'interroge et je me demande si, en fait, la téléphonie ne devrait pas relever d'Ottawa. Il donnait, à ce moment-là, comme raison, que la téléphonie est étroitement liée aussi à des services de radio et de télévision, etc.

Alors, encore une fois, dans ce débat qui a l'air tout à fait technique, il y a des enjeux extrêmement sérieux et nous pouvons facilement ici, à un moment donné, être victimes d'habiles stratégies visant toujours à la même chose, visant non pas à l'instauration du fédéralisme mais visant au triomphe de la centralisation.

Au sujet de Bell Canada, notons que cette entreprise déposait une requête en majoration de taux visant à générer des revenus supplémentaires de $171 millions en 1978 et de $398,9 millions en 1979. (16 h 20)

Le ministre des Communications a opté de ne pas intervenir de façon active dans ce dossier et d'offrir l'assistance de son ministère, je dirais active, je préférerais dire de façon directe parce que je prétends que nos interventions seront de toute façon actives, donc, de façon directe dans ce dossier, et d'offrir l'assistance de son ministère aux organismes et groupes de citoyens qui souhaitent intervenir dans cette cause. Les auditions relatives à cette requête doivent débuter en mai prochain.

Vous avez ensuite certaines remarques concernant le dossier Bell-Northern Telecom par fardeau fiscal des entreprises de télécommunications Québec, le dossier aussi qui est appelé Québec-Canada et l'impôt fédéral des entreprises de téléphone. Je fais simplement ici une observation: Nous estimons que, si le fédéral acceptait de définir les entreprises de téléphonie comme des

services publics, et donc de ne pas imposer d'impôts comme si c'était une entreprise dite non de services publics, le Québec pourrait alors récupérer à peu près la somme de $30 millions. Enfin, l'évaluation de $30 millions est pour l'année 1975. On peut facilement plutôt ici imaginer un chiffre qui puisse se situer alentour de $35 millions.

Il s'agit ici de la loi de 1964, la téléphonie, et le fédéral refuse d'appliquer cette loi au secteur de la téléphonie, si bien que nous perdons encore ici une somme d'argent considérable. Vous avez après cela des remarques sur les activités de Bell Canada au Québec. Nous avons toujours des sortes d'échanges. Je ne pourrais pas appeler cela des négociations, mais des échanges à la fois cordiaux, mais qui ne mènent pas encore très loin, évidemment, sur l'éventualité qu'un jour Bell Canada devienne, d'une part, Bell Québec et, d'autre part, Bell Ontario. Il y a ensuite une étude qui se fait chez nous au ministère pour évaluer l'équité de la formule de partage des recettes nettes entre les membres du réseau téléphonique transcanadien et pour souligner les inconvénients pour le Québec que de sociétés telles que Québec-Téléphone et Télébec soient exclues de ce réseau téléphonique transcanadien.

En fait, actuellement, Bell fait partie, n'est-ce pas, de ce réseau et on s'est aperçu que, dans la répartition des revenus, Bell reçoit moins que les entreprises d'ailleurs. On estime ici qu'il y aurait $40 millions qui vont se promener ailleurs pour l'interfinancement et ceci, vous allez, évidemment, peut-être dire: Pourquoi Bell ne se plaint pas? C'est qu'ailleurs il y a des entreprises filiales de Bell et on soupçonne que c'est une façon tout à fait élégante, donc, de financer des entreprises qui fonctionnent à l'extérieur du Québec à même de l'argent qui, normalement, pourrait revenir au Québec.

Vous avez, dans la suite du document, des remarques portant sur la câblodistribution, de façon plus précise sur la réglementation. Nous avions une réglementation, je dirais, toute prête. Nous en avons suspendu le texte après les événements du 30 novembre. Vous avez aussi une mention sur les travaux conjoints avec l'Association des câblodistributeurs du Québec pour le développement de la câblodistribution, du regroupement des réseaux, l'utilisation des terres publiques et, après cela, vous avez un sous-chapitre sur les réseaux hertziens et des observations, enfin, sur la recherche. Dans la recherche, soulignons les contrats avec les universités. Et, ensuite, l'action concertée en câblodistribution.

Le développement des media, mentionné à la page 30 de ce document, mérite, je pense, une attention particulière. Il y a d'abord le cas de l'assistance financière à la clientèle. Au cours de l'année 1977/78, pour la cinquième année consécutive, le Service du développement des media administrait un programme d'aide aux media communautaires à partir d'un budget de transfert pour $390 000 face à une demande de $1,8 million. A ce programme est joint un budget de capital de $35 000 — c'est peu, évidemment, je suis bien d'accord pour reconnaître cela — qui sert à acquérir des équipements de production qui sont prêtés à des groupes communautaires.

Le ministère a entrepris la mise en place, en 1977/78, de conseils de communication représentant les usagers des moyens de communication. Dans certaines régions administratives du Québec, je tiens à le souligner particulièrement, telles celles du Bas-du-Fleuve et de l'Estrie, et par le biais de subventions, le ministère a participé à la création de deux de ces organismes. Dans le secteur de la presse écrite, le ministère a contribué pour une deuxième année consécutive à la tenue de six cliniques ou, disons, ateliers de formation, le mot clinique pourrait être mal interprété comme si la presse écrite ou ses media se portait mal, donc six ateliers de formation pour le personnel de la presse hebdomadaire par une subvention équivalant aux deux tiers des frais directs, soit ici $6000.

Le service de développement des media a de plus favorisé la discussion en région des questions de l'information régionale en assistant financièrement, pour environ $10 000, les organismes qui ont organisé dans les régions de l'Est du Québec et du Saguenay-Lac-Saint-Jean des colloques sur les communications.

Il y a ensuite quelques informations sur les travaux de recherche, sur l'élaboration des politiques.

Le programme 8 porte sur le cinéma et l'audiovisuel. Ce programme a pour objectif, selon la Loi sur le cinéma sanctionnée le 19 juin 1975, d'amorcer une action rationnelle et planifiée face à l'important domaine économique, industriel et culturel qui est l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel. La Direction générale du cinéma et de l'audiovisuel a continué à oeuvrer dans les mêmes secteurs qu'auparavant, soit la production, la promotion et distribution et la conservation.

Vous avez par la suite des détails qui expliquent un peu l'activité de notre Direction générale du cinéma et de l'audiovisuel.

Je voudrais mentionner ici le cas particulier de l'Institut québécois du cinéma. L'Institut québécois du cinéma qui avait été créé sur le papier par la loi de 1975 a connu, en somme, une sorte de fonctionnement normal simplement depuis un an. Un contrat au montant de $1 880 000 est intervenu entre le ministre des Communications du Québec et l'Institut québécois du cinéma pour l'exercice financier 1977/78, afin que cet organisme exerce le mandat qui lui est confié en vertu de l'article 47 de la Loi sur le cinéma, soit de répartir, en veillant à la liberté de création et d'expression ainsi qu'en respectant la liberté de choix des consommateurs, les fonds que l'Etat destine au secteur privé pour mettre en oeuvre la politique cinématographique définie selon cette loi.

Quant au Bureau de surveillance du cinéma du Québec, il a continué à visionner tous les films projetés au Québec, à les classifier, à vérifier et à approuver la publicité qui accompagne ces films. En tout dernier lieu, il est bon de préciser que la Direction générale du cinéma et de l'audiovisuel a travaillé, au cours de l'exercice financier, au projet

de refonte de la Loi du cinéma. Si tout va bien, j'espère qu'il sera possible de présenter soit une refonte très substantielle ou tout au moins une refonte partielle qui touche les points les plus chauds, les plus pressants, donc de présenter tout au moins un certain nombre d'amendements à cette loi au Conseil des ministres au cours du mois de mai.

Je ferai quelques remarques très brèves, maintenant, sur la deuxième partie de ce document, puisque dans l'étude des programmes nous allons prévoir cela ensemble, programme par programme. Je voudrais simplement ici faire quelques remarques sur les caractéristiques générales de l'allocation des ressources budgétaires. Le ministère des Communications disposera donc, cette année, de $89 073 600, comparativement à $80 782 700 pour les mêmes programmes. C'est une augmentation modeste qui se situe un peu dans la ligne d'un budget d'austérité, surtout si on s'aperçoit qu'au fond ce sont surtout certains éléments, certaines priorités qui ont été retenus. Malheureusement, pour d'autres choses, d'autres objectifs que nous avions, enfin, il faudra être patients et attendre encore un peu avant que le budget puisse être grossi suffisamment.

Je note que pour assurer la continuité du développement des réseaux et des media de communications, de même que la surveillance et le contrôle des compagnies distributrices de services publics, le secteur Communications disposera de $5 114 500. Des crédits additionnels de $2 millions ont été accordés au programme Cinéma et audiovisuel. Avec la réalisation du mandat de l'Institut du cinéma dans le cadre de la politique cinématographique québécoise ceci porte le budget du secteur art à $6 928 500 dont $4 millions pour l'Institut québécois du cinéma. Quant à l'Office de radio-télédiffusion du Québec, soit le secteur Administration et services, il disposera de $22 626 600 pour poursuivre ses activités... Pour les reprendre après la grève, voulez-vous dire, oui, d'accord. Pour les reprendre et les poursuivre.

Je voudrais signaler un dernier point, à la page 38, qui, je pense, mérite une attention plus particulière, celui qui concerne les communications gouvernementales et les renseignements.

Une première remarque au sujet de l'information gouvernementale. A la suite de la rencontre des directeurs des communications des ministères et organismes gouvernementaux qui avait pour but de définir et de préciser le rôle du ministère des Communications du Québec, les mandats ont été scrutés et des solutions concrètes ont fait l'objet de recommandations. C'est ainsi donc qu'un conseil des directeurs des communications verra le jour sous peu; d'autre part, le ministère créera un secrétariat général des communications gouvernementales ayant pour objectif de mettre en commun les ressources afin de réaliser la concertation essentielle à la poursuite des objectifs.

Une dernière remarque sur nos bureaux de Communication-Québec qui, on peut dire, abattent un travail considérable dans la région. On peut dire aussi qu'ils sont de plus en plus appré- ciés par la population. Les statistiques le montrent bien et nous recevons un très grand nombre de témoignages de toutes les régions. On voit très bien que ces bureaux rendent de grands services à la population.

A la suite d'un mémoire présenté au Conseil du trésor concernant les besoins additionnels du ministère des Communications du Québec dans le secteur des communications régionales, nous avons obtenu 32 nouveaux postes pour les bureaux régionaux de Communication-Québec. De plus, à la suite de l'analyse des populations desservies par les différents bureaux de Communication-Québec, il a été décidé de créer deux nouveaux bureaux dans la région actuellement desservie par le bureau de Montréal, soit un à Saint-Jean-d'Iberville pour la région du sud, et l'autre à Saint-Jérôme pour la région du nord. Je dois ajouter ici que, dans les nouveaux postes qui seront créés à Montréal, nous avons l'intention d'accorder une attention particulière à la représentation des minorités culturelles. Notre intention est que les groupes minoritaires importants aient le sentiment de se retrouver un peu chez eux au service des communications. Notre rêve est que, par exemple, un Italien puisse être là au service de la communauté italienne; je pense à la même chose pour les Portugais, à la même chose pour la communauté juive. Je crois qu'un effort doit être accompli afin que toutes nos minorités culturelles sentent que ce gouvernement est bien leur gouvernement, que c'est un gouvernement accessible et que, quand on a besoin de ces services gouvernementaux, on peut être accueilli d'une façon plus chaude, plus personnelle, plus humaine.

Je termine par quelques considérations générales. Premièrement, je reconnais qu'il s'agit, dans l'ensemble, d'un budget modeste, mais avec lequel il est quand même possible de réaliser certains développements fort intéressants dans plusieurs domaines. Je souligne particulièrement les media communautaires, le cinéma, Radio-Québec et nos bureaux de Communication-Québec.

Deuxièmement, je voudrais aussi souligner que nous aurons à travailler encore pour un certain temps sur un territoire en partie occupé où les dangers d'envahissement d'un fédéralisme centralisateur loin de diminuer semblent bien plutôt augmenter. Je vous signalais tout à l'heure le cas de la téléphonie. Je pourrais mentionner le cas des organismes de réglementation où on a tenté, à la toute dernière minute — vous savez, par ce genre de motion vers 18 h 15 ou 18 h te soir, avant que les gens s'en aillent — de nous passer un nouvel organisme de réglementation qui, probablement, aurait été chapeauté par le CRTC. On a tenté de nous passer aussi élégamment l'idée de la création d'un bureau central de données pour tout le secteur des télécommunications. Ce bureau, évidemment, serait installé à Ottawa. Ensuite, on a tenté de nous passer l'idée que la télévision payante relevait d'Ottawa. Mme Sauvé a même refusé, à ce moment-là, de discuter de compétence, disant que pour elle c'était très clair que cela lui appartenait. On a là-bas, dans ce mi-

lieu, un très fort sentiment de la propriété, c'est indéniable.

Une impression que je garde de Charlottetown, c'est celle-ci. J'ai eu nettement le sentiment, tout au long de cette rencontre, que c'est sans doute au sein de l'establishment fédéral que l'esprit fédéraliste est à son plus bas niveau; il est remplacé par un esprit nettement envahisseur et centralisateur.

Quoi qu'il en soit de la structure anormale dans laquelle nous avons à vivre et à travailler, notre intention est très ferme de faire de notre mieux pour que ce Québec nouveau, qui est en train de surgir, puisse compter sur des réseaux efficaces de communications, sur des outils modernes d'échanges culturels qui soient aussi des agents de cohésion sociale et sur une information abondante et de qualité.

Je crois que cette dernière remarque, cette remarque de conclusion, résume assez bien les objectifs et l'esprit qui vont inspirer le programme d'action du ministère des Communications du Québec pour l'année qui vient. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Mont-Royal et représentant de l'Opposition officielle.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le dialogue que M. le ministre vient d'entreprendre avec les autorités fédérales, dialogue qui vient finalement de s'engager entre le Québec et Ottawa est, je crois, un dialogue encourageant. C'est sûrement préférable à l'impasse à laquelle on se heurtait l'an dernier et je suis heureux que M. le ministre ait changé son attitude envers le débat fédéral-provincial. Je me réjouis aussi que les propositions avancées la semaine dernière à Charlottetown pour le partage des pouvoirs avec le gouvernement fédéral se rapprochent de certaines suggestions que nous avons faites au mois de juin dernier, que nous avons fait parvenir au ministre des Communications du Québec, ainsi qu'à son homologue le ministre des Communications à Ottawa, Mme Sauvé.

Bien que je souscrive au principe du partage de la juridiction dans ce domaine, j'aimerais cependant faire ici une certaine mise en garde. Je voudrais souligner que le climat politique doit considérablement évoluer avant qu'on puisse en venir à appliquer une telle formule, tel que nous l'avons suggéré aux deux ministres au mois de juin dernier. Premièrement, le gouvernement fédéral devra modifier quelques-unes de ses vues, principalement à ce sujet. D'abord celle qui veut que, par sa nature même, la juridiction des communications soit une et indivisible et, deuxièmement, que le gouvernement fédéral soit le seul responsable, au pays, de l'image du Canada et son unique propriétaire. Pour l'instant, le fédéral essaie de projeter l'image du Canada, cependant c'est une image qui semble parfois lointaine et parfois incomplète à bien des gens hors d'Ottawa.

Parallèlement, nous nous trouvons face à un gouvernement provincial qui est déterminé, résolu à détruire l'unité du Canada. Il serait très difficile, et il va être très difficile, pour un gouvernement fédéral, de négocier un abandon de ses pouvoirs à un gouvernement qui les utiliserait — du moins en partie — à saccager l'unité d'un pays qu'il représente. Je vois certaines contradictions sérieuses dans le scénario des négociations qui concernent l'avenir du Canada avec un gouvernement dont le but est de rendre cet avenir impossible.

En vérité, je doute de la capacité du gouvernement actuel de négocier un tel partage des pouvoirs sans les utiliser pour la promotion de ses buts indépendantistes. Cependant, selon le mandat du gouvernement, ce serait totalement inacceptable. Néanmoins, j'appuie depuis longtemps l'idée du partage des pouvoirs dans ce domaine et j'ose espérer une progression dans ce sens, même si les conditions politiques ne sont pas tout à fait favorables dans le moment.

Parlons de l'objectif. Comme je le faisais remarquer à la commission l'an dernier, les besoins des Québécois, dans le domaine de communications, sont différents de ceux d'autres Canadiens. Quand on parle de la situation actuelle, d'une part je suis heureux de voir que le ministre a changé son approche et qu'il veut négocier un partage des pouvoirs avec les autorités fédérales mais, d'autre part, je vois certains dangers et je vois un changement d'attitude qui va être nécessaire non seulement de la part du ministre du Québec, mais aussi du ministre fédéral. (16 h 40)

Alors, les besoins des Québécois dans le domaine des communications sont différents de ceux d'autres Canadiens. Pour ma part, le but visé par une politique des communications touchant le Québec doit être d'assurer la satisfaction des besoins spécifiques des Québécois, sans porter atteinte à l'unité du Canada. Je dois expliquer deux de ces termes. Premièrement, les besoins spécifiques des Québécois et, deuxièmement, l'unité du Canada. Parlons, pour le moment, des besoins du Québec.

Je n'ai pas besoin de discuter trop longuement sur les raisons qui font que les besoins du Québec dans le domaine des communications sont différents de ceux du reste du pays. La culture des Canadiens français n'est pas seulement une culture parmi de nombreuses autres au Canada, comme on pourrait interpréter la politique de multiculturalisme fédérale. La culture au Québec est une des assises du Canada et doit être reconnue comme telle non seulement au Québec, mais dans tout le pays. Je vois dans cette interprétation du multiculturalisme un certain danger. Ce n'est pas que je n'accepte pas qu'il y a plusieurs groupes culturels au Canada, je fais partie moi-même d'un de ces groupes, mais il ne serait pas réaliste de supposer que tous ces groupes culturels sont au même niveau dans l'histoire et dans la réalité du Canada. Ils peuvent tous avoir des droits

individuels mais, quant à la composition du Canada, je crois qu'il faut donner la place qui lui est due à la culture française, québécoise, et non seulement au Québec, mais dans tout le pays.

Dans le contexte québécois je comprends comment les politiques, les attitudes proviennent de la crainte d'une atteinte à l'identité du Québec par la projection fédérale du Canada qui voit une nation composée de dix provinces égales entre elles, une unité multiculturelle. A la vérité, les problèmes et les défis qui nous font face au Québec dans le domaine des communications sont bien distincts de ceux du reste du Canada, bien que je reconnaisse que les autres provinces puissent aussi avoir des besoins qui leur sont propres. De toute façon, il est improbable qu'une politique centrale des communications puisse fonctionner avec efficacité dans des situations tellement diverses. Pour cette raison, je crois qu'il importe que le Québec obtienne des pouvoirs accrus dans ce domaine.

Quant à l'unité du Canada, l'histoire du conflit qui oppose Québec à Ottawa dans le domaine des communications, je crois, a faussé le débat. D'un côté, le gouvernement fédéral se prétend le seul défenseur de l'unité canadienne, tandis que celui du Québec se présente comme l'unique protecteur des intérêts des Québécois. Ni l'une ni l'autre de ces attitudes n'est vraiment la bonne. Par exemple, en qualité de membre de l'Assemblée nationale, sans parler de mes collègues libéraux, je suis tout aussi convaincu de la nécessité de l'unité du Canada que quiconque à Ottawa, et je suis aussi tout à fait convaincu des besoins spécifiques des Québécois. Pourtant, si j'étais membre du gouvernement au lieu d'être dans l'Opposition, je considérerais de mon devoir de protéger non seulement les intérêts des Québécois, mais ceux du Canada en matière de communications car, à titre de membre d'un gouvernement québécois, je serais en meilleure posture pour m'occuper des besoins du Québec qu'un ministre à Ottawa. Lorsque nous aurons compris que l'impasse dans laquelle nous nous trouvons au sujet des communications repose sur un malentendu, peut-être pourrons-nous en envisager la solution. Ce que nous percevons comme un conflit d'intérêts est en réalité un intérêt commun et complémentaire. Pour ces raisons, il me semble évident que l'on pourrait mieux servir la cause de l'unité canadienne si le Québec obtenait une autorité accrue sur les entreprises de communications dans ses frontières avec certaines exceptions dont je discuterai tantôt.

Ce n'est pas une question d'avoir un conflit nécessairement entre le Québec et le fédéral ou vice versa, mais de pouvoir identifier à un certain niveau les intérêts du Québec. A mon avis, ces intérêts ne sont pas des intérêts isolés du reste du Canada; on peut, en même temps, promouvoir les intérêts du Québec dans le Canada et les intérêts des francophones hors du Québec. Ce n'est pas l'unique rôle du gouvernement fédéral de protéger ou de défendre seulement les intérêts de l'unité canadienne. Il a certainement un rôle à jouer, mais ce n'est pas un rôle exclusif. Il y a d'autres intérêts nationaux et fédéraux. Je crois que dans cet esprit l'un peut être complémentaire de l'autre. Au lieu de toujours avoir des conflits de juridiction, conflits d'objectifs et conflits de tout genre qui sont créés dans des buts politiques, si on abordait le problème dans cette optique, nous pourrions plus facilement trouver des solutions. Peut-être cela serait-il plus difficile pour le gouvernement fédéral de refuser certains partage de juridiction si le problème était posé dans ces termes.

Nous avons certaines propositions pour la redistribution des pouvoirs. Nous les avons communiquées au mois de juin dernier comme je le disais, aux deux autorités, provinciale et fédérale. Il y a certainement des solutions à court terme pour résoudre certains problèmes immédiats. Je dois dire ici que j'appuie les efforts des deux ministres, soit le ministre des Communications du Québec et le ministre fédéral des Communications pour apporter une solution aux problèmes soulevés par la décision de la Cour suprême sur la question de la câblodistribution. Dans ce cas, plus vite on pourra trouver une formule pour la délégation des pouvoirs administratifs au Québec, mieux on s'en trouvera. Maintenant que le litige au niveau juridique a été réglé, maintenant qu'on sait les décisions de la Cour suprême, on est en mesure de ne pas transiger ou de ne pas négocier toujours avec l'espoir que peut-être les décisions seront en faveur de l'un ou de l'autre. Nous savons ce que la décision est.

M. Bertrand: Qu'est-ce que vous en pensez, M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Je respecte les décisions des tribunaux. Je crois que c'est clair, d'après l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, que la question des communications est de juridiction exclusivement fédérale. C'est l'interprétation que les tribunaux ont donnée. C'est une interprétation juridique. Il y a certains problèmes qu'on ne peut résoudre par le moyen des tribunaux. Quand cette constitution a été rédigée en 1867, il n'y a aucun doute que les communications n'étaient pas développées comme elles le sont aujourd'hui et peut-être qu'on ne pouvait prévoir certains problèmes. Je crois qu'on fausse encore le débat si on s'attache seulement à l'aspect juridique. J'ai eu l'occasion de transiger dans d'autres conflits où, si on était restreint seulement à l'aspect juridique, on n'en serait jamais venu à une entente. Il y a d'autres problèmes, des problèmes humains, d'ordre social, économique et politique, qui existent aujourd'hui mais qui n'existaient pas il y a 100 ans.

Je crois que, dans cet esprit, si on examine les objectifs et les besoins non seulement des deux niveaux de gouvernement, mais de l'ensemble des populations concernées, on peut arriver à certaines solutions convenant aux deux. Je ne crois pas à l'éternel conflit. Je ne crois pas qu'il y ait des problèmes qui ne peuvent se résoudre que par des moyens draconiens. Il y a des solutions rationnelles et raisonnables à tous les problèmes.

Alors, les solutions à plus long terme, je pourrais en discuter quelques instants brièvement. Je

crois que les télécommunications devraient être une juridiction partagée entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Les provinces satisfaites des arrangements actuels pourraient se retirer des ententes de partage. Les communications constituent, je crois, un exemple, où il pourrait y avoir de la flexibilité à laquelle pourrait atteindre une confédération renouvelée, un changement de certains partages de pouvoirs qui sont maintenant exclusivement dans le domaine fédéral. Nous soumettons que le partage de la juridiction, à condition que ce soit techniquement possible, se fasse de la façon suivante. Une province pourrait obtenir les pouvoirs nécessaires pour formuler et appliquer ses propres politiques touchant toutes les entreprises de son territoire dans le domaine de la radio et de la télévision, de la télévision par câble et de la télévision à péage. Une province pourrait, entre autres, obtenir les pouvoirs nécessaires pour émettre des permis et réglementer en général ces entreprises. Une province pourrait, de même, se voir concéder les mêmes pouvoirs pour réglementer toute autre entreprise de télécommunication dans ses frontières.

Le gouvernement conserverait les pouvoirs sur les réseaux de télécommunications interprovinciaux, ainsi que nationaux, par exemple Radio-Canada, de toutes catégories, de même que l'allocation de fréquences pour utilisation provinciale. La charte des droits de l'homme que l'on propose garantirait aux deux peuples fondateurs, où qu'ils se trouvent au Canada, le droit de recevoir des émissions dans leur propre langue. De plus, le gouvernement fédéral devrait constituer un fonds afin d'assurer une assistance aux entreprises dans des marchés moins rentables pour garantir cet accès aux membres des deux communautés linguistiques du Canada.

Nous proposons aussi la formation d'une commission fédérale-provinciale afin de coordonner et de réglementer, si besoin il y a, les politiques des deux parties, parce que, évidemment, il y aura certaines sphères où elles vont être non pas en conflit, mais où il va y avoir certains problèmes communs. C'est difficile de séparer clair et net et de dire: Voici quelque chose qui va affecter seulement le Québec; voici quelque chose qui va affecter seulement le fédéral. A certains endroits, il va y avoir des problèmes communs. Alors, afin de résoudre ces problèmes, nous prévoyons une commission fédérale-provinciale pour trancher les litiges qui pourraient survenir.

Comment arriver à un tel partage de pouvoirs? Comment augmenter le pouvoir du Québec dans le domaine des communications? Le ministre a donné l'exemple de la formule Saint-Laurent, mais on peut prendre l'exemple tout récent de l'immigration où il y a eu une entente entre le fédéral et le provincial.

La seule différence dans ce cas, c'est que déjà, dans la constitution, le pouvoir d'immigration est un pouvoir partagé entre les deux niveaux de gouvernement. La solution à long terme que je propose, qui s'impose, est un amendement à la constitution qui permettra un partage des pouvoirs en matière de communications semblable à celui mis en place pour l'immigration. Dans le cas d'un amendement de ce genre, les provinces négocieraient avec le fédéral comme l'ont fait les ministres de l'Immigration récemment. Entretemps, on peut envisager une solution temporaire, soit que les deux niveaux de gouvernement signent une lettre d'intention, un protocole d'entente, qui pourrait servir de base de négociation, comme nous l'avons suggéré le 16 juin dernier.

Cela pourrait se faire aussi, mais c'est moins permanent, cela pourrait engendrer d'autres problèmes par voie de délégation de pouvoirs. Cela aussi est une solution qui serait plus permanente. Une solution qui répondrait plus à certaines inquiétudes du Québec, ce serait le changement de la constitution, un amendement pour garantir de façon sans équivoque, de façon permanente, les droits du Québec à certains pouvoirs que nous avons énumérés et, je crois, qui semblent satisfaire les besoins du Québec. Le moyen de le faire pour sécuriser, qui pourrait éviter encore certaines querelles politiques, ce serait par la voie d'un amendement à la constitution.

M. le Président, je crois que si on pouvait entreprendre des discussions avec le fédéral dans cet esprit, le gouvernement fédéral serait très mal placé pour refuser ce partage de pouvoirs, de reconnaître les besoins spécifiques que le Québec a dans le domaine des communications.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le député de Gaspé, représentant de l'Union Nationale.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Avant de commencer, j'aurais une petite question à vous poser. Je ne vous demande pas si c'est la province, mais plutôt si c'est l'horloge provinciale qui est détraquée ou bien ma montre?

Le Président (M. Jolivet): Non, c'est l'horloge. Il est cinq heures moins deux minutes.

M. Le Moignan: Je n'ai pas envie de parler jusqu'à six heures non plus. C'est juste pour savoir si vous vous basez...

Le Président (M. Jolivet): Non.

M. Le Moignan: M. le Président, suite aux remarques du ministre des Communications, que je tiens à féliciter, en passant, pour cet admirable outil, instrument de travail qu'il a préparé, de concert avec les officiers de son ministère. Je crois que nous avons quelque chose pour nous aider à mieux suivre l'évolution du travail et aussi, en même temps, puisque nous siégeons sur les communications, à nous intégrer davantage, peut-être à mieux comprendre aussi toutes les implications qu'il y a derrière ces pages.

Maintenant, le ministre a mentionné que l'augmentation n'est peut-être pas tellement formidable cette année, environ $8 millions, mais tout de même, c'est un certain progrès. Je voudrais, au début de mes remarques, non pas aborder, puis-

que le député de Mont-Royal a parlé longtemps du contentieux fédéral-provincial, du partage des juridictions, je voudrais simplement rappeler la préoccupation de l'Union Nationale qui, dans son programme, et cela remonte déjà à de nombreuses années, proclamait les communications comme étant de juridiction provinciale. (17 heures)

Je crois que l'un des derniers discours de Daniel Johnson, quelques heures avant de mourir, portait justement sur cette préoccupation qu'il avait, lui, à ce moment, d'essayer de donner au Québec le contrôle de nos communications. Je crois que c'est facile à comprendre. C'est pour nous un moyen de survie québécoise; puisqu'il s'agit de la culture, il s'agit de la civilisation. Et, quand je parle du problème québécois, je le regarde dans son ensemble, non seulement au point de vue de ceux de langue française, mais, comme le ministre l'a indiqué tout à l'heure, cela concerne aussi les minorités culturelles qui vivent ici sur le territoire du Québec.

Maintenant, en 1975, une vaste consultation populaire et gouvernementale fut entreprise par l'ORTQ sur la régionalisation des activités de Radio-Québec et, un an plus tard, des comités régionaux sont mis sur pied. Quand je regarde le document de 1975, Radio-Québec à l'écoute de l'Est, je constate que trois ans plus tard, en 1978, on pourrait dire l'impatience du Québec à se mettre à l'écoute de Radio-Québec, puisque Radio-Québec est encore bien loin de notre région.

M. le Président, l'an dernier, quand le ministre a fait son premier commentaire, le 26 avril, il avait parlé de la régionalisation, de l'implantation, de l'implantation de Radio-Québec et il avait retenu comme exemple huit régions principales qui pourraient fournir leur programmation d'émissions produites dans la région, donc plan de production, plan de distribution et de diffusion.

Je voudrais peut-être faire porter mon intervention aujourd'hui sur cet aspect des communications. Si je parle de l'Est et s'il y a huit régions, je crois que mes remarques peuvent s'appliquer à n'importe quelle des huits régions, parce que les enjeux du programme de la régionalisation remettent en question l'éternelle dépendance des régions périphériques aux grands centres, car ils posent le véritable problème auquel sont continuellement confrontées les régions, c'est-à-dire le pouvoir. Je comprends que pour un député ou un citoyen de Québec et de Montréal, je ne suis pas jaloux, vous avez tellement d'avantages, et comme le député de Vanier l'avait mentionné, l'an dernier, aussi dans son préambule, dans sa première intervention, il avait parlé des communications soit à Gaspé ou en Abitibi ou au Témiscamingue, je reviendrai sur cela plus tard...

Pour nous, quand on regarde de nombreux articles qui ont été publiés dans plusieurs hebdomadaires dernièrement, non seulement dans notre région, mais ailleurs au Québec, on s'inquiète beaucoup du rôle des comités de Radio-Québec et, surtout, cette inquiétude porte sur leur disparition possible peut-être. L'on se demande comment briser cette dépendance, comment remettre entre les mains de la population le pouvoir de la radio, de la télévision, comment afficher avec fierté et dignité notre réalité propre en refusant le ghetto culturel régional, et ne pas craindre les solutions novatrices en rejetant les schémas traditionnels. Je voudrais préciser cela un petit peu plus loin.

Je crois que M. le ministre a déclaré ceci à Matane la semaine dernière, d'après certaines nouvelles de la TV. Cette vaste région, de La Poca-tière à Gaspé, c'est tout de même presque 400 milles; je crois que le ministre a déclaré que ce serait bon de la diviser en deux, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie. De toute façon, si je me trompe, plus tard, il pourra toujours me corriger. Mais, quand on regarde cette région et qu'on essaie de penser toujours en termes de région, il y a 320 000 habitants environ qui vivent dans cette région gigantesque. Les préoccupations du cultivateur de Saint-Pacôme ne sont pas nécessairement celles du pêcheur de Sainte-Thérèse-de-Gaspé ou de Newport. Les préoccupations d'un citoyen de Sainte-Anne-de-la-Pocatière ne sont pas celles du citoyen de Grande Entrée, aux Iles-de-la-Madeleine. Regardons la situation économique et sociale qui prévaut dans cet immense territoire. Je n'appelle pas cela une région, j'appelle cela un territoire, quand on sait qu'il y a 800 milles aller-retour.

Le Conseil de la culture de l'Est du Québec, dans un rapport publié en 1977 ou en janvier 1978 au gouvernement actuel, a mentionné que les réalisations de notre culture sont indissolubles des conditions économiques et sociales dans chacun des comtés concernés. Je sais très bien que l'Ordre des ingénieurs a dit quelque part qu'on pouvait diviser la province de Québec en 53 régions distinctes. Je ne demanderai pas au ministre des Communications de procéder de cette façon, mais quand je regarde le territoire qui nous concerne, La Pocatière, Gaspé et les Iles-de-la-Madeleine — je ne parle pas de la Côte-Nord, je ne parle pas des autres régions, je ne plaide pas pour un petit coin de terre particulier — je voudrais avoir une vue d'ensemble qui pourrait peut-être s'appliquer ailleurs.

Selon l'OPDQ, il y a huit comtés dans l'Est: Kamouraska-Témiscouata, Rivière-du-Loup, Rimouski, Matapédia, Matane, Bonaventure, Gaspé et les Iles-de-la-Madeleine. Pour la plupart des ministères, ils sont presque tous reliés à des bureaux régionaux qui sont communs, excepté peut-être pour l'Industrie et le Commerce et l'Education. C'est donc dire que si on considère tout l'Est du Québec comme un vaste territoire, très mal desservi actuellement, on peut découper ici. Il y a déjà des régions naturelles comme le Grand-Portage, au point de vue scolaire, ou Rivière-du-Loup, Kamouraska-Témiscouata. Il y a là un peuple avec sa mentalité, son folklore, ses habitudes, son mode de vie qui ne sont pas nécessairement ceux de la région de la Mitis qui comprend Matapédia, Matane et Rimouski.

Quand on s'aventure en Gaspésie proprement dite, pour les gens de Québec et de Montréal,

malheureusement, c'est encore confus. Parfois, on nous dit: II est arrivé un gros accident en Gaspésie hier soir. Où? A Montmagny, cinq morts. Pour eux, c'est la Gaspésie. On entend dire cela souvent, très souvent. Le danger, là-dedans, est que la Gaspésie commence à Sainte-Anne-de-la-Pocatière et se termine à Rimouski. En bas de cela, cela n'existe pas. Cela n'existait pas sur les cartes, jadis. Il y avait une petite excroissance au bas de la carte et c'était marqué: Gaspésie. Cela a peut-être l'air cocasse, mais c'est vrai. On va identifier Cabano, Saint-Eloi dans Rivière-du-Loup à la Gaspésie: "J'ai rencontré quelqu'un de chez vous hier, quelqu'un de la Gaspésie."

Dans le domaine des communications, M. le ministre, il faudrait vous arrêter à cela un jour et penser qu'en termes d'une région donnée — allez sur la Côte-Nord, c'est la même chose et c'est peut-être encore plus vaste que chez nous — la Gaspésie, c'est à peu près les comtés de Bonaventure, Gaspé et une partie du comté de Matane, l'ancien Gaspé-Nord, où il y a là une autre catégorie de monde. Vous avez les Iles-de-la-Madeleine qui ont des préoccupations d'un ordre tout à fait spécial. Quand ces distances nous paralysent, quand nous partons de Gaspé pour nous rendre à Rimouski à une réunion, ces messieurs de Rimouski nous disent: Cela n'a pas de sens d'aller à Québec, c'est loin, cela prend trois heures en automobile! On oublie que par monts et par vaux, cela prend cinq heures, quand on ne perd pas de temps, de Rimouski à Gaspé pour parcourir 240 milles. Si on part de Percé ou de Grande-Rivière pour se rendre à Rimouski, c'est 300 milles.

Nous n'avons rien contre Rimouski, ces gens font leur possible, j'imagine, pour administrer un territoire de 400 milles de distance avec 320 000 habitants. Dans le programme de l'Union Nationale, aussi bien que dans le programme du Parti québécois, on a beaucoup parlé de décentralisation. On va nous en reparler plus tard. J'insiste sur ceci parce que ces deux régions sont tellement vastes et tellement distinctes qu'il importe qu'au point de vue des communications on puisse s'entendre un bon jour.

Peut-être que si je disais un mot rapide de révolution culturelle de l'Est du Québec cela nous aiderait-il à mieux comprendre. J'ai dit que le pays était très hétéroclite, d'abord à cause de son isolement. On a des Amérindiens à Maria et à Resti-gouche. On a des Acadiens qui sont à l'île d'Entrée, on a des loyalistes, on a eu des Irlandais dans d'autres coins, on a eu des Jersiais, des Canadiens, comme on les appelait, au bas du Québec qui, à un moment donné, sont descendus. A cause de l'isolement, chaque groupe vivait de façon très fermée. Il n'y avait aucun lien, dans les années 1800, avec ses voisins.

Ceci explique, avec le morcellement de la région et l'isolement des habitants, qu'on s'est peut-être habitué, chez nous, à être conduit un peu par des gens de l'extérieur. On a vidé — c'est peut-être loin de la culture — nos forêts gaspésiennes jadis. On peut dire que c'est la faute des gouvernements parce qu'on envoyait le bois au Nouveau-Brunswick. Mais c'est peut-être la faute des gens de la région, un manque de solidarité, qui n'ont pas compris à ce moment-là que l'avenir devait appartenir aux Québécois, aux Gaspésiens ou aux gens de l'Est du Québec. De toute façon, on l'a vidée, on l'a pillée.

Aujourd'hui, on essaie de raccorder tout ce monde et les gens sont excédés, écoeurés un peu de cet isolement. Cela fait 20 ans qu'on a commencé, en Gaspésie, à parler de communications. Le premier, le dentiste Charles Houde de New Carlisle, il y a 45 ans, a commencé un petit poste de radio et, plus tard, on a eu Carleton-CHAU, encore une entreprise privée. Le ministre est allé en Gaspésie et je pense qu'il a écouté les nouvelles à quelque part. CHAU dessert une partie du comté de Bonaventure et une partie seulement de Gaspé-Sud; il dessert le nord des Maritimes à tel point que les programmes sont orientés vers les Maritimes et qu'on dit là-bas qu'on est en train de maritimiser et d'angliciser la Gaspésie. Mais ce sont deux entreprises privées qui font leur gros possible.

Du côté nord, ils sont très privilégiés parce que Radio-Canada a décidé, dans sa grande sagesse, d'avoir deux postes, un à Rimouski et un chez son voisin, à Matane. Deux postes de Radio-Canada à environ 60 milles de distance. Maintenant, ceci nous conduit encore à 200 milles de Gaspé et toute la rive-sud n'est pas concernée là-dedans. Mais les gens qui paient des taxes en ont besoin, je crois, parce qu'il y a des paroisses entières qui prennent à peine le signal et cela, grâce à certaines tours. Encore là, ce sont des entrepreneurs privés qui ont réussi, sur les montagnes, le mont Louis, le mont Saint-Pierre ou d'ailleurs, à avoir un câble. Sans cela, les gens ne prendraient ni radio, ni télévision, excepté la radio de Sept-lles qui est encore loin des préoccupations des Gaspésiens ou des gens de la région de l'est.

Je ne veux pas m'étendre sur cela plus longtemps, mais dans une des préoccupations mentionnées tout à l'heure par le ministre, je crois que les communications doivent contribuer aussi au développement économique, par exemple, dans le programme de stimulation de l'économie et de soutien de l'emploi. Je devrais peut-être le féliciter, en passant. Je crois qu'un geste a été posé à Gaspé exactement dans ce programme pour aider Radio-Gaspésie, une autre entreprise qui essaie de desservir ce coin de la ville de Gaspé où on est dépourvu à peu près de toute communication à cause des montagnes et de tout ce que vous connaissez. Maintenant, si le ministère des Communications peut aider au développement économique, cela permettra en même temps un meilleur accès aux services. Ceci touche évidemment ce que je viens de mentionner pour cette démocratisation, la décentralisation. On pourrait greffer à cela cette promotion de l'excellence. Si on améliore les services, si on essaie de les organiser conformément à la réalité québécoise, je crois que les communications vont permettre aux gens de se mieux connaître.

Ce qui est un peu déplorable dans le moment, c'est que Radio-Québec fonctionne de Montréal. Les statistiques d'environ 580 000 personnes qui le captent, c'est beau, cela représente 94%, mais ce sont encore les concentrations, ce sont les grandes villes. Radio-Québec ne pénètre pas beaucoup en Gaspésie, cela me surprendrait beaucoup, surtout de Sainte-Anne-de-la-Pocatière vers l'est, à moins d'avoir des câblodistributeurs. Les programmes qui sont conçus par Radio-Québec à Montréal doivent tenir compte des territoires. Je n'ai pas envie de vous bâtir une pyramide. On sait très bien que, dans cette organisation où l'Etat, le gouvernement a son gros mot à dire, chacune des régions, s'il y en a huit, sera nécessairement représentée au conseil national. A ce moment, dans chacun des territoires, ou dans chacune des régions il y aura sur place une organisation où on aura à penser et le contenu et aussi l'exécution. Le contenu peut être pensé dans la région, avec un certain nombre d'heures d'antennes qui leur seront dévolues chaque semaine. S'il y a des représentants de chacune des régions qui se réunissent à Montréal pour le contenu — évidemment l'exécution relève de Radio-Québec — ou si encore Radio-Québec peut, avec ces derniers, contribuer à former des techniciens, à former des spécialistes qui sont requis, nécessaires, chacune des régions du Québec pourra produire des émissions qui seront peut-être un enrichissement pour les autres régions. Je ne veux pas dire que le réseau national n'aura pas ses programmes "at large" qui vont couvrir tout le réseau, mais il serait bon que, dans nos régions, nous puissions — nous avons les équipements dans les CEGEP et aussi ailleurs— bâtir des émissions pour les besoins soit des jeunes, soit encore nous inspirer ailleurs de ce qui peut exister.

Un réseau, normalement, de Radio-Québec, devrait être le véhicule de l'identité propre des gens qui l'habitent. Il devrait être un peu l'image de la région. Si on considère le tout, la culture québécoise n'est que la somme des cultures régionales. Si les régionaux participent davantage à l'ORTQ, surtout à l'organisation de Radio-Québec, c'est là qu'on verra comment les citoyens sont en état de définir les contenus et, en même temps, cette obligation pour les spécialistes, pour Radio-Québec, de venir encadrer l'action des citoyens. Je pense que ceci n'est pas utopique si on veut vraiment construire Radio-Québec le plus vite possible. Et avec un budget de $3 millions de plus que l'an dernier, j'imagine que le réseau ne pourra pas s'étendre tellement au cours de l'année.

Les régions auraient intérêt aussi, de même que Radio-Québec, à s'inspirer de l'Office national du film, des postes privés, des réseaux scolaires, du cinéma régional, et de beaucoup d'autres choses. En somme, je résume en disant qu'on pourrait établir une grille de production qui serait nationale, territoriale et régionale.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on peut dire qu'en dehors des grands centres, à peine 8% de la population a accès à Radio-Québec. C'est une des raisons pour lesquelles il faudrait, le plus vite possible, essayer de permettre aux gens des régions éloignées la reprise en charge de leur région et, en même temps, aussi travailler à l'élaboration, à la conception d'un réseau qui serait conçu par la région elle-même. Maintenant, on va nous répondre qu'il y a encore ici une question d'argent. C'est vrai. Le gouvernement pourrait peut-être faire appel à d'autres ressources humaines, d'autres ressources financières, comme on le fait dans d'autres pays.

Nous voudrions que dans l'implantation de Radio-Québec, que ce soit dans l'Est ou encore dans les autres régions, les gens de ces régions aient leur gros mot à dire. Je voudrais juste ajouter, M. le Président, quelques petites remarques: Radio-Québec est un instrument de diffusion culturelle. Radio-Québec doit servir de moyen d'éducation collective. Si nous considérons Radio-Gaspésie comme exemple, ils ont un très bel idéal, un très beau plan, le ministère est au courant de tout cela. Je dois ajouter qu'il n'y a qu'un seul réseau de télévision communautaire qui est celui de Grande-Rivière, qui nous donne, quinze jours plus tard, et c'est déjà un grand progrès, des émissions de Radio-Québec. La TV communautaire de Grande-Rivière est un très beau modèle à développer dans notre région et dans d'autres régions et qui a sollicité, je crois, l'aide du gouvernement pour lui permettre de s'établir sur une base beaucoup plus solide. (17 h 20)

J'ai beaucoup d'autres points, peut-être des détails, mais à l'occasion de l'étude des crédits nous pourrons en profiter à ce moment. On a beaucoup parlé de petits postes émetteurs. Il y a aussi un très beau programme de protection civile. Quand nous arriverons à ce stade de l'étude, je pourrai peut-être aussi donner plus de détails. C'est à peu près en gros ce que je voulais formuler. Si j'ai insisté sur Radio-Québec, c'est que c'est d'une urgente nécessité pour ce vaste territoire de 400 milles qui, à part quelques exceptions, est bien mal desservi. Ces gens voudraient tout de même vivre à l'heure du Québec. Je n'ai pas mentionné le problème anglophone, qui est désastreux parce que le seul poste de télévision qui entre en Gaspésie, c'est Moncton. Ce ne sont même pas les nouvelles de Radio-Canada. Ils n'ont même pas un seul poste de radio de langue anglaise qui entre chez eux. Ces gens sollicitent l'aide du Québec. Je ne veux pas entrer dans les domaines de juridiction, mais il faudrait faire quelque chose pour eux. Ils représentent tout de même 15% dans mon comté, 15% dans Bonaventure. Ce sont des gens qui sont implantés là depuis deux siècles. Ce sont de véritables Québécois, des Gaspésiens à 100%. Ce ne sont pas des citoyens de Westmount. Bien au contraire, ils sont bien pauvres. Ils vivent comme les autres et ils attendent l'aide de l'Etat. Je crois que l'Etat du Québec a quelque chose à faire pour développer le côté français de même que le côté anglais. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député. M. le député de Taschereau.

M. Richard Guay

M. Guay: Merci, M. le Président, j'ai écouté avec intérêt les interventions du ministre et des deux porte-parole de l'Opposition. Ce sont ces deux dernières que je voudrais commenter brièvement si vous me le permettez.

L'intervention du député de Gaspé souligne ceci; il évoque le cas de la société Radio-Canada et la décision à tout le moins étonnante a priori, après avoir eu un poste à Matane, d'aller en acheter un à Rimouski, à 60 milles de distance alors qu'il y avait certainement — il me semble en tout cas — d'autres priorités qui s'imposaient spontanément. Cela illustre, de façon assez éloquente, comment un gouvernement qui est loin des problèmes tels qu'ils se posent sur le terrain dans les régions, comment le gouvernement fédéral du Canada, à Ottawa, est mal placé pour juger, de façon judicieuse, des besoins et de la façon dont on pourrait y remédier.

Bien sûr, il y a eu toutes sortes de choses qui ont été dites au sujet de l'achat du poste de Rimouski par la société Radio-Canada, dont certaines faisaient allusion à une décision prise pour des raisons politiques. J'avoue que je n'en sais rien si ce n'est qu'elle m'apparaît singulièrement absurde. Ce n'est pas la première fois qu'on en a un exemple dans le Bas-du-Fleuve; qu'on pense aussi à cette autre question qui a été le conflit Dionne-D'Auteuil qui a abouti en Cour suprême. Le gouvernement du Canada est mal placé par sa nature même pour répondre aux besoins du Québec dans ce domaine comme dans d'autres. Il est à peu près certain que, dans le cadre des priorités dans le domaine des communications sur le territoire québécois, un gouvernement du Québec, quel qu'il soit, n'aurait jamais procédé de cette façon.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt aussi, puisqu'on parle de relations fédérales-provinciales, l'exposé du député de Mont-Royal. Je ne sais trop si c'est la course au leadership du Parti libéral et le fait qu'il appuie un candidat en particulier, mais il me faisait, par moments, penser à un éditorial de Claude Ryan. Il y avait d'abord la thèse, l'antithèse et il y avait un effort de synthèse. Evidemment, comme dans la plupart des édito-riaux de Claude Ryan, la thèse était fondée sur des affirmations qui étaient, dans certains cas, discutables. Il s'ensuit que, si la thèse est basée sur des affirmations discutables, tout cela fausse l'antithèse et donne une synthèse étonnante.

En l'occurrence, ce qui m'a étonné, ce n'est pas que le député de Mont-Royal ait dit que le fédéral devrait modifier sa position; je pense qu'il y a unanimité là-dessus au Québec. Je comprends que c'est sa responsabilité et son rôle de le dire ici, mais j'espère aussi qu'il l'a dit aux gens qu'il connaît à Ottawa parce que, de ce côté, on n'a pas l'air de comprendre très vite.

L'antithèse ou l'autre thèse m'apparaît singulièrement fausse. On dit que le gouvernement du Québec devrait modifier son attitude, que l'attitude qu'il a n'est pas la bonne, que tout cela n'aide pas les négociations, et que si c'était un autre gouvernement, ou si ce gouvernement avait une autre attitude, sans doute, on pourrait en arriver à un règlement plus rapide et plus harmonieux de la question des communications. Sans doute emporté par une partisanerie de bon aloi, le député de Mont-Royal a même accusé l'actuel gouvernement de ne pas pouvoir faire le travail, en quelque sorte, puisqu'il voulait détruire l'unité du Canada — ô ciel! — et qu'il était difficile de donner à un gouvernement québécois le contrôle d'une partie ou de la totalité des communications sur son territoire parce qu'il l'utiliserait — et, là, j'utilise les mots du député — pour saccager l'unité du pays.

Je veux bien que la partisanerie politique soit pour quelque chose dans une affirmation aussi gratuite que celle-là, mais il ne faut pas non plus confondre les choses parce qu'à partir du moment où on fait une affirmation comme celle-là, il s'ensuit que tout le reste du raisonnement risque d'être faussé. Ce n'est pas au gouvernement du Québec qu'on devrait reprocher d'utiliser des moyens de communications pour saccager l'unité du pays ou, en d'autres mots, pour promouvoir ses thèses politiques à lui. C'est entendu que le gouvernement du Québec favorise la souveraineté du Québec non seulement dans le domaine des communications, mais dans tous les domaines, et une association librement consentie d'égal à égal — ce qui éviterait sans doute les nombreuses chinoiseries fédérales-provinciales auxquelles on assiste depuis plus de 100 ans — vec le reste du Canada. Cela, c'est la thèse que défend le gouvernement dans le domaine constitutionnel.

Le gouvernement du Canada, on le comprend, défend une thèse différente, mais ce n'est pas le gouvernement du Québec qui utilise les moyens de communication de façon à tout le moins discutable pour défendre sa thèse à lui, et ce n'est pas non plus le gouvernement du Québec — je pense que les exemples sont nombreux dans ce domaine — qui les utiliserait, s'il les avait, pour faire de la propagande puisque, enfin, c'est un petit peu à quoi cela revenait. Je ne sais pas si j'interprète de façon erronée les propos du député...

M. Ciaccia: Je n'ai pas utilisé ce mot.

M. Guay: Non, je sais que vous n'avez pas utilisé ce mot, mais quand on dit qu'un gouvernement les utiliserait pour saccager l'unité du pays, en d'autres mots qu'il les utiliserait pour promouvoir sa thèse politique, la promotion d'une thèse politique, de cette façon, cela s'appelle utiliser les moyens de communication à des fins de propagande. Or, je trouve cela étonnant qu'on puisse porter une accusation aussi gratuite que celle-là parce que, d'abord, elle est non fondée.

Lorsque le Québec a eu des prétentions de juridiction dans le domaine de la câblodistribution jusqu'à ce que la Cour suprême y mette fin, en aucun moment, tant sous l'ancien gouvernement, d'ailleurs, que sous l'actuel gouvernement, les entreprises de câblodistribution n'ont été utilisées à

des fins de partisanerie politique, quelle que soit la noblesse de la cause.

En aucun moment, l'Office de la radiotélévision du Québec, tant sous l'ancien gouvernement que sous l'actuel gouvernement, et même sous le gouvernement de l'Union Nationale de M. Bertrand, n'a été utilisé à des fins de partisanerie politique ou à des fins de promotion d'une cause nationale, toute noble soit-elle. Pourtant, si on regarde du côté d'Ottawa, ces grands défenseurs de la démocratie au Canada, les seuls qui sont assez sérieux, assez adultes pour qu'on puisse leur faire confiance dans le domaine des communications, c'est à peu près la thèse qu'ils ont toujours soutenue, que les provinces étaient des amateurs et, de toute façon, que les gouvernements provinciaux étaient des gouvernements suspects, au départ, pour toutes sortes de raisons — et en particulier celui du Québec — qui tiennent à la mythologie que les gouvernements provinciaux sont moins compétents, sont corrompus, alors que le gouvernement fédéral, c'est bien connu, est un gouvernement d'une compétence exceptionnelle. On le voit dans le domaine économique depuis dix ans et dans d'autres domaines aussi. Lui, évidemment, est au-dessus de tout soupçon en ce qui a trait à la corruption comme en témoignent les enquêtes en cours à l'heure actuelle dans divers domaines. Enfin, c'est la thèse que le gouvernement fédéral a longuement véhiculée et véhicule toujours: le gouvernement sérieux au Canada, c'est le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux sont des administrations plus ou moins folkloriques et folichonnes. Non, non, ce n'est pas vous qui dites cela. Ce n'est pas du tout vous qui dites cela. (17 h 30)

Mais le gouvernement fédéral, sans le dire ouvertement, parce que c'est un peu délicat de l'affirmer ouvertement, mais c'est implicite dans sa façon de raisonner, semble dire que lui, c'est le gouvernement sérieux du Canada et que les autres sont des administrations locales, régionales, c'est-à-dire folkloriques. Mais, comme par hasard, ce même gouvernement fédéral, qui est le grand défenseur de la démocratie, le seul gouvernement qui soit vraiment démocratique au Canada, à ses yeux, le seul qui soit sérieux, c'est lui qui, jusqu'à maintenant en tout cas, donne des preuves d'immixtion dans le système canadien des communications à des fins carrément politiques qui m'ap-paraissent singulièrement dangereuses. Je m'étonne que le député de Mont-Royal n'ait pas relevé des cas précis où le gouvernement fédéral agit de la façon qu'il reproche au gouvernement du Québec de façon toute hypothétique.

Après tout, ce n'est pas la première fois que M. Trudeau, M. Ouellet, Mme Bégin et M. Marchand et d'autres encore, sans doute, font des interventions, au sujet de Radio-Canada et de ce qui se passe à Radio-Canada, qui sont carrément des immixtions invraisemblables et de l'ingérence dont le seul but est d'intimider la société Radio-Canada et les personnes qui y travaillent de façon qu'effectivement Radio-Canada serve de véhicule à l'unité nationale telle que perçue et comprise par Ottawa, ce qui est une façon bien particulière de la comprendre. Je me souviens, il y a plusieurs années, quand M. Trudeau a menacé de mettre la clé dans la porte à Radio-Canada. C'est un soir où il est arrivé à Montréal, au Reine Elizabeth, il était furieux. Pourquoi? Je ne sais pas très bien. Cela allait mal chez lui, je suppose. Il n'était pas de bonne humeur. Il avait mal digéré son souper. Au Reine Elizabeth, ce n'est pas étonnant. En tout cas, toujours est-il qu'il n'était pas de bonne humeur devant un rassemblement de libéraux fédéraux à Montréal et soirée bénéfice pour alimenter la caisse du parti, les yeux sortis par la fureur. Je m'en souviens, c'était évident à la télévision... Pardon? Je l'ai vu à la télévision et j'étais journaliste à Radio-Canada à ce moment-là. Il allait mettre la clé dans la porte. Evidemment, quand on connaît comment fonctionne Radio-Canada, il n'en fallait pas plus pour qu'à Radio-Canada il y ait ce que j'appelle le réflexe de l'escargot, c'est-à-dire que, quand la tête est sortie trop loin à Radio-Canada et que le fédéral tape dessus, l'escargot rentre la tête. C'est un peu comme la tortue aussi qui rentre la tête aussi, mais enfin. C'est un peu ce réflexe que cela provoque à Radio-Canada. Il n'est pas nécessaire dans le cas du fédéral de procéder à des changements de structures. Non, c'est beaucoup trop compliqué. Il s'agit simplement de laisser entendre qu'il pourrait le faire, d'intimider, par des insinuations et des affirmations gratuites, Radio-Canada pour qu'à Radio-Canada cela provoque un réflexe d'autocensure — il y en a déjà un qui existe normalement — un réflexe systématique d'autocensure.

Cela fait que l'information est conditionnée par ce climat psychologique qui joue considérablement et je vous dis que ce n'est pas uniquement mon expérience à moi. J'étais, vendredi et samedi derniers, à Victoria, en Colombie-Britannique, où je participais à une conférence de deux jours sur le processus gouvernemental et, à un des panels, il y avait des journalistes qui parlaient de l'influence des media sur le processus législatif. Il y avait là la correspondante de la radio de Radio-Canada à Ottawa, Mme Bergman, qui, elle-même, faisait état de ce réflexe d'autocensure, mais d'autocensure systématique qu'elle avait et que d'autres à Radio-Canada ont à chaque fois que le gouvernement fédéral menace de mettre la clé dans la porte. Le gouvernement fédéral est en l'occurrence le gouvernement libéral, parce que quand on parle de gouvernement fédéral au Canada, depuis une quarantaine d'années, on parle du parti qui en a la propriété, c'est-à-dire le parti libéral. A chaque fois que le gouvernement fédéral libéral, et Pierre Trudeau en tête, menace soit de mettre la clé dans la porte, ou dénonce les indépendantistes qui infiltrent Radio-Canada — j'étais à Radio-Canada, je suis indépendantiste et je peux vous dire que, dans la salle des nouvelles, ce n'est pas du tout l'idée qu'on s'en fait à l'extérieur, l'idée que Pierre Trudeau cherche à en projeter, pas du tout; il y a là-dedans des gens de toutes les options politiques et même y inclus ceux qui n'en

ont pas — mais à chaque fois que Pierre Trudeau ou le gouvernement fédéral cogne sur la table, ou à chaque fois qu'il éternue au sujet de Radio-Canada, Radio-Canada attrape la pneumonie.

Dans ce cas ci, en plus de cela, il y a Ouellet, M. André Ouellet, le ministre des Affaires urbaines, qui avait sa liste, qu'on n'a jamais vue, des séparatistes de Radio-Canada. Imaginez-vous donc! Peut-être que c'était une liste qui lui avait été fournie par la Gendarmerie royale illégalement, on ne le sait pas. C'est peut-être pour cela qu'il ne l'a pas sortie. En tout cas, on ne l'a jamais vue sa liste. Il en avait une quand même, qu'il dit, et tous les ministres fédéraux ont emboîté le pas, à ce moment, quand ils ont créé cette espèce de climat de panique au lendemain de la victoire du Parti québécois, au sujet de Radio-Canada.

Cette fois-ci, on est allé un peu plus loin. Plutôt simplement que d'intimider Radio-Canada, pour que le réflexe d'autocensure, que le réflexe de l'escargot fonctionne pendant six mois, un an, on est allé plus loin. On a dit au CRTC: On va faire une enquête en bonne et due forme. Le CRTC n'était pas trop chaud à l'idée de faire une enquête dans Radio-Canada. Il en a fait une quand même puis, au grand désespoir de M. Trudeau, au grand désespoir des ministres fédéraux, il a conclu qu'il n'y avait pas de signe manifeste d'infiltration d'indépendantistes à Radio-Canada. C'est décevant! N'empêche que le fait est sans précédent, le fait d'avoir fait faire une enquête par la CRTC qui aurait dû normalement, s'il était arrivé aux conclusions qu'on souhaitait, déboucher sur d'autre chose, mais malheureusement les conclusions ont été contraires à ce que le gouvernement espérait.

Mais l'idée, c'était d'accentuer ce réflexe d'escargot systématiquement, de provoquer à Radio-Canada un tel réflexe d'autocensure, un tel réflexe d'escargot que, finalement, il durerait au moins jusqu'au prochain référendum, et peut-être à nos prochaines élections provinciales, en passant par les élections fédérales et serait susceptible de provoquer à Radio-Canada, à la rigueur, et avec la meilleure volonté et la meilleure foi du monde, néanmoins une distorsion des priorités au chapitre des nouvelles, au chapitre de l'information, et tout cela au nom de la promotion de l'unité nationale.

Je m'étonne qu'on ne fasse pas état de cette situation, qu'on ne fasse pas état des ingérences, des insinuations, des accusations sans fondement des hommes politiques fédéraux, y inclus le premier ministre du Canada, à l'endroit d'une société d'Etat qui a un rôle extrêmement délicat à accomplir, celui d'informer la population canadienne et qui est donc, évidemment, très sensible à toute accusation du genre qui est portée par le pouvoir politique qui, en définitive, est celui qui détermine, avec l'assentiment du Parlement canadien, les crédits qui seront votés pour le fonctionnement de Radio-Canada.

C'est un premier cas d'une chose qu'on n'a jamais vue à Québec, en ce qui a trait à Radio-Québec ou au câblodistributeur, et qu'on n'aurait jamais vue, de toute façon, non plus en tout cas, sous ce gouvernement-ci. Je ne peux pas parler du précédent. Il n'en a jamais été question et il n'est surtout pas question que les media d'information, même ceux qui relèvent de l'Etat, servent à des fins de partisanerie politique ou de propagande.

A Ottawa, il y a aussi ce deuxième cas qui n'est pas inintéressant et qu'on n'a pas souligné non plus et qu'on aurait dû, je pense, souligner, si on avait voulu faire un bon éditorial bien étoffé et fondé sur des faits précis et non pas sur des insinuations malveillantes. C'est le cas du CRTC, l'organisme de réglementation de la radiodiffusion au Canada. Comme par hasard, le CRTC est composé d'un nombre assez étonnant d'individus depuis quelques années. Il y a les nominations, non politiques, bien sûr, faites par le gouvernement fédéral de M. Trudeau. On retrouve, comme par hasard, comme président du CRTC, comme successeur de M. Boyle, M. Camus, l'ancien président de la Voie maritime du Saint-Laurent, un homme sans doute compétent, je ne sais pas dans ce domaine, oui, il était dans ce domaine, qui a fait sans doute ses preuves à la Voie maritime. Avant de devenir président du CRTC, il était président de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, c'est-à-dire l'organisme de pression, l'organisme qui rassemble en son sein les radio-télédiffuseurs privés au Canada, c'est-à-dire l'organisme qui fait pression auprès du CRTC et auprès du gouvernement du Canada pour que les règles du jeu favorisent le plus possible les radiodiffuseurs privés. C'est un drôle de saut de fermer son bureau à 17 heures l'après-midi comme président de l'Association canadienne des radiodiffuseurs ou du groupe de lobbyistes des radiodiffuseurs privés et, le lendemain matin, se présenter au CRTC et accrocher son chapeau sur la patère du bureau du président du CRTC en sa qualité de président du conseil qui a précisément à entendre les requêtes des radiodiffuseurs privés. C'est une façon comme une autre, diraient certains, d'amadouer les radio-télédiffuseurs privés' Ce n'est sans doute pas pour des raisons politiques, sûrement pas, mais cela ne nuit pas, surtout à l'approche d'un débat comme celui qui doit avoir lieu au Québec sur la question de l'indépendance. (17 h 40)

Le vice-président du CRTC est aussi un choix étonnant, M. Fortier, dont l'une des caractéristiques était qu'il était jusqu'alors vice-président ou président — on me corrigera sur le titre, probablement que vous le savez encore mieux que moi — de la section de Québec du Parti libéral du Canada et l'un des grands argentiers. Je parle d'un organisme de réglementation de la radiotélévision qui devrait être au-dessus de tout soupçon parce qu'il s'agit de réglementer un domaine extrêmement délicat, vous l'avouez vous-mêmes. Là, on nomme quelqu'un qu'on prend dans le Parti libéral et on le met là. Je ne dis pas qu'il n'est pas compétent, je dis que cela n'accroît pas la crédibilité du Conseil de la radio-télévision canadienne. On nomme ce brave homme qui, de faillite en faillite, a toujours été un appui inconditionnel

du fédéralisme canadien et du Parti libéral, j'ai parlé de Jean-Louis Gagnon, également membre du CRTC. Cela ne l'a pas empêché d'aller faire un discours sur l'unité nationale à Hull, comme membre du CRTC, un discours carrément partisan. C'est gênant. Je ne dis pas qu'il ne connaît rien dans le domaine, c'est gênant. Cela n'a pas l'air de gêner grand monde à Ottawa.

Il y a aussi ce bon ami de M. Trudeau, l'autre innocent qui est allé en Chine rouge, Jacques Hébert, membre à temps partiel. C'est sans doute un homme qui a ses compétences, mais enfin, si on veut vraiment un Conseil de la radio-télévision qui soit au-dessus de tout soupçon, un organisme de réglementation auquel on puisse accorder une crédibilité certaine, il me semble qu'on devrait faire un peu plus attention aux nominations. On devrait peut-être moins chercher au sein du Parti libéral et chercher des gens qui, au Canada — il y en a autant au Québec qu'au Canada anglais des gens qui sont au-dessus de tout soupçon — offrent des garanties évidentes de crédibilité pour l'ensemble de la population, quelle que soit son option politique. C'est un beau cas d'ingérence politique dans le domaine des communications; cela vient d'Ottawa, du gouvernement sérieux, du grand gouvernement, du gouvernement démocratique par excellence.

J'aurais souhaité, j'aurais pensé qu'on aurait au moins, plutôt que de faire des insinuations sur ce que seraient possiblement et faussement, à mon avis, les communications si elles étaient régies au Québec par l'Etat québécois, qu'on aurait peut-être dû prendre des cas concrets, réels, évidents et vécus d'ingérence politique du gouvernement fédéral, du gouvernement libéral dans le domaine des communications.

Ensuite, après la thèse et l'antithèse, commence la synthèse. Les conditions politiques ne sont pas favorables, nous dit le député de Mont-Royal, à un accord, un partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec pour ce qui nous concerne. De 1970 à 1976, nous avons eu, au Québec, un gouvernement inconditionnellement fédéraliste. Il n'était pas question d'égalité ou d'indépendance. C'était: On est fédéraliste, et quand on mangeait un coup de pied au derrière d'Ottawa, on disait: On est fédéraliste. On ne se gardait même pas de marge de manoeuvre. Il n'était pas question de dire, comme Daniel Johnson: Si on n'obtient pas l'égalité, on va faire un Etat souverain. Non, nous autres, c'est le fédéralisme, quoi qu'il arrive. Pierre Trudeau avait beau jeu à ce moment-là, et on se souvient du discours qu'il a prononcé à Québec, sur le mangeur de hot-dogs, qu'il avait utilisé comme carpette, insultant non pas pour le premier ministre lui-même — cela n'avait pas l'air de le déranger — mais pour la population du Québec et le chef de son gouvernement.

On était à ce moment-là, de 1970 à 1976, quoi qu'il advienne, quelque couleuvre qu'on se fasse passer, quelque mépris que l'on ait à Ottawa pour le Québec, les Québécois ou leur gouvernement, on était et on allait demeurer d'une orthodoxie fédéraliste inconditionnelle.

Est-ce qu'on peut concevoir, M. le Président, des conditions plus idéales pour négocier entre un gouvernement fédéraliste et un gouvernement fédéral, un partage des pouvoirs? Voilà des gens qui étaient censés être sur la même longueur d'onde. Voilà des gens qui se comprenaient spontanément. Voilà des gens qui, nous avait dit M. Bourassa, avec des bons dossiers, bien étoffés, bien rédigés, allaient se présenter à Ottawa et, grâce aux dossiers bien étoffés et bien rédigés, obtenir ce qui était juste et légitime, car le gouvernement fédéral allait y consentir spontanément. Bien, il n'y a pas eu de consentement, ni spontané, ni arraché, en six ans et, en particulier, dans le domaine des communications, en quatre ans de négociations.

Bien au contraire, cela a permis au gouvernement fédéral de préciser ses positions et de faire face aux revendications du Québec. On se souvient du Québec maître d'oeuvre des communications sur son territoire, du livre vert de l'ancien ministre des Communications qui énonçait un partage concevable des pouvoirs qui favorisait, bien sûr, le Québec puisque, comme l'a reconnu le député de Mont-Royal, le Québec a des besoins particuliers en la matière. A cela, le gouvernement du Québec — le gouvernement de l'époque — inconditionnellement fédéraliste, du même parti politique, s'est fait répondre d'aller se faire cuire un oeuf, que les communications allaient demeurer dans les mains du gouvernement fédéral et qu'il n'était pas question de lâcher quoi que ce soit. Tout au plus la grande concession a été, à la deuxième conférence fédérale-provinciale, qu'on a laissé entrevoir la possibilité d'une très mince et très partielle délégation de pouvoir dans le domaine de la câblodistribution, pourvu que la juridiction du fédéral soit reconnue, ce qui était contesté à l'époque. C'était tout, absolument tout, rien d'autre.

Là, j'avoue que je comprends moins l'exposé du député de Mont-Royal parce que si les conditions actuelles ne sont pas favorables à la négociation d'un partage des pouvoirs parce qu'il y a un gouvernement à option souverainiste au Québec et que, pendant six ans, on a fait la démonstration que les conditions politiques pouvant amener un partage des pouvoirs entre le fédéral et le Québec n'étaient pas non plus favorables, malgré la présence d'un gouvernement non souverainiste et fédéraliste à Québec, que faut-il à Québec pour que les conditions soient favorables? Si on est fédéraliste, cela ne marche pas; si on est souverainiste, cela ne marche pas plus. Alors, il faut quoi? Vous allez m'expliquer. Le fédéralisme renouvelé sans doute? La troisième option?

M. Ciaccia: Vous n'avez pas compris l'objectif. Je vous l'expliquerai après. Peut-être que vous n'écoutiez pas.

M. Guay: Non, j'écoutais très bien; la preuve, c'est que j'ai noté — pour écouter, ne vous en faites pas, j'écoutais — des choses extrêmement intéressantes que je partage entièrement avec vous, dans l'immédiat, sur le partage des responsabilités

et des pouvoirs dans le domaine des télécommunications, cela reprend peu ou prou le Québec maître d'oeuvre de la politique des communications sur son territoire. J'ai écouté tout cela .

Vous nous dites, d'une part: Voilà un gouvernement souverainiste, donc, il n'est pas question de lui faire confiance du point de vue d'Ottawa.

M. Ciaccia: Je n'ai pas dit cela.

M. Guay: Enfin, j'interprète. Je peux utiliser vos propres termes: II est difficile de donner à un gouvernement qui utiliserait des moyens de communication à saccager l'unité du pays et qui les utiliserait à la promotion de ses vues — c'est votre terme, un anglicisme — indépendantistes... Vous dites ensuite que les conditions politiques ne sont pas favorables. A quel moment deviennent-elles favorables? Ce n'était pas favorable sous Bourassa. Ce n'est pas favorable à l'heure actuelle. C'est peut-être pas favorable à cause d'Ottawa. Peut-être qu'il faudrait changer de gouvernement à Ottawa. C'est peut-être la solution.

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas de dialogue.

M. Guay: On verra. Il paraît qu'il y a des élections qui s'en viennent. Je ne voudrais pas m'em-barquer là-dessus. Tout cela pour dire, M. le Président, que l'exposé du député de Mont-Royal était fort intéressant, révélateur. Je me pose quelques questions sur les détails; par exemple; quand vous dites que le fédéral devrait avoir juridiction sur les réseaux interprovinciaux de télécommunications, cela veut dire que le Québec abandonne la revendication qu'il a depuis 1972 en ce qui a trait à Bell Canada qui est un réseau interprovincial qui chevauche les provinces. C'était peut-être juste un lapsus sur le fond.

M. Ciaccia: Le ministre même a parlé de Bell Québec.

M. Guay: C'est vous. A part cela, sur le partage, cela reprend essentiellement ce qui a été dit déjà. Mais sur l'ouverture, la toile de fond politique qui a été faite en début d'exposé, j'avoue je m'y retrouve mal. Je m'y retrouve mal parce que ce qu'on a reproché au gouvernement du Québec, de façon très hypothétique, c'est le gouvernement du Canada qui, lui, a fait ces choses. C'est à lui qu'on devrait les reprocher, malgré le fait que Mme Sauvé nous dit à Charlottetown: Les communications, ce n'est pas comme les transports. Les communications ont un contenu moral. Le contenu moral, évidemment, fait que cela relève d'Ottawa. Il y a seulement Ottawa qui a la moralité suffisamment élevée. C'est ce que cela veut dire. Puisque cela a un contenu moral et qu'il faut que cela relève d'Ottawa à cause de cela, il y a donc qu'Ottawa qui a un sens élevé de la moralité ou qui a un sens moral tellement poussé et, évidemment, les provinces, le Québec en particulier, sont des gens profondément amoraux, aucun sens de la moralité. Alors, je reviens à la thèse du gouvernement plus démocratique, moins démocratique, plus corrompu, moins corrompu et ainsi de suite. Il reste le mépris habituel du gouvernement canadien à l'endroit des gouvernements provinciaux et de celui du Québec en particulier et la très haute opinion qu'à Ottawa on a de soi-même et de ses capacités.

Pourtant, l'expérience démontre que c'est précisément ce gouvernement, qui se veut le garant du contenu moral, qui a eu à l'endroit de la radiotélévision canadienne un comportement que j'affirme être carrément amoral. C'est le paradoxe que je voulais souligner, M. le Président, au sujet de l'exposé du député de Mont-Royal. On ne reproche pas les bonnes choses aux bonnes personnes. C'est plutôt du côté d'Ottawa qu'on devrait faire des reproches et, si les conditions politiques ne sont pas favorables à un partage des compétences, ce n'est certainement pas la faute du gouvernement du Québec. Je dirais même que, semble-t-il, ce n'est pas la faute de l'ancien gouvernement. On a deux attitudes différentes et on a toujours la même attitude du côté d'Ottawa: Niet. C'est peut-être du côté d'Ottawa que cela ne va pas. C'est peut-être de ce côté. Que ceux qui croient au fédéralisme canadien fassent des efforts pour peut-être convaincre les Québécois et les Canadiens qu'il est peut-être temps de changer de gouvernement à Ottawa. Je vous laisse ce soin. Nous, on ne s'en mêle pas.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. O'Neill: M. le Président, je ne voudrais pas empêcher d'autres personnes d'intervenir. J'ai un certain nombre de remarques à faire. Je crois vraiment qu'il serait impossible de les faire dans le temps qu'il nous reste. Je pourrais commencer, si vous le désirez, et reprendre...

M. Ciaccia: C'est comme vous le voulez. Si vous pensez...

Le Président (M. Jolivet): S'il y a accord, on pourrait ajourner les débats à 20 heures ce soir.

M. O'Neill: D'accord, nous reprendrons à 20 heures.

Le Président (M. Jolivet): L'assemblée étudiant les crédits budgétaires des communications est ajournée à 20 heures.

(Fin de la séance à 17 h 53)

Reprise de la séance à 20 h 4

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des communications est réunie pour continuer le travail d'étude des crédits du ministère des Communications. Au moment de la suspension de la séance, la parole était au ministre des Communications. M. le ministre.

M. Louis O'Neill

M. O'Neill: M. le Président, je voudrais ajouter quelques brefs commentaires relativement à ce qui a été dit précédemment. J'ai d'autant plus raison d'être bref que mon collègue adjoint parlementaire aux communications, M. Richard Guay, a fait un excellent exposé, un excellent historique de la question, pouvant permettre à chacun de mieux comprendre la position du Québec dans le domaine des communications.

Je voudrais simplement dire ceci. D'abord, j'ai trouvé fort pertinentes un grand nombre d'observations de M. Le Moignan, d'une part, concernant la régionalisation de Radio-Québec. Etant donné que nous verrons le programme qui concerne Radio-Québec demain, il aura l'occasion, à ce moment-là, de répéter ses recommandations, ses observations devant les représentants de Radio-Québec. Il a aussi, d'autre part, je trouve, fait une bonne description de l'importance des communications, eu égard à la vie locale, aux besoins des comités locaux, aux besoins culturels et sociaux des individus, et, à sa façon, sans peut-être qu'il l'ait voulu, il a merveilleusement bien défendu la position du Québec dans le domaine des communications.

Pour M. le député de Mont-Royal, l'approche a été évidemment différente. Je voudrais tout simplement lui rappeler ceci, que le Québec a toujours voulu négocier, mais on ne négocie pas dans l'importe quelle condition, ni dans n'importe quelle position. Quand on vous demande de négocier à genoux, ce n'est plus de la négociation, c'est de la supplication. Cela fait à peu près cent onze ans que le Québec négocie. On peut se demander, d'ailleurs, au fond, si ce n'est pas simplement le Québec qui avait pris au sérieux le fédéralisme pour découvrir finalement que d'autres n'étaient pas intéressés par le fédéralisme, par de l'apparence fédéraliste, et, qu'au fond ce sont des centralisateurs.

J'aurais envie un peu de poser la question suivante à M. Ciaccia. A son avis, qu'est-ce qu'il y a de sérieux que le pouvoir fédéral veut négocier? On nous a laissé entendre qu'on serait prêt à discuter de questions telles que permis, territoires et tarifs en câblodistribution. Seulement, on nous a dit qu'on n'avait aucun mandat pour parler d'autre chose que ce soit. Mme Sauvé a exprimé ses craintes à un moment donné de voir les provinces en général s'occuper de trop près d'un domaine, et ici je reprends son expression, "où il y a un contenu moral et intellectuel important", comme si les Etats provinciaux étaient inaptes à s'occuper de choses morales et intellectuelles. M. le député de Mont-Royal concède que le Québec doit obtenir des pouvoirs élargis. J'ai envie de lui demander: Est-ce qu'il a bien vérifié là-bas pour savoir si on est prêt à accorder quelque chose?

Alors, quand il dit: Le ministre a changé d'attitude, je lui réponds: Nous sommes devant des états de fait; en territoire occupé, il faut traiter avec l'occupant en attendant que la situation change. La décision de la Cour suprême nous a mis en situation, je dirais juridiquement affirmée, de territoire occupé. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois. C'est grâce à des jugements de cours que le Québec a perdu successivement ses droits dans l'ensemble du domaine des communications. Je serais fort intéressé aussi de savoir ce que M. le député de Mont-Royal pense de la formule Saint-Laurent, une formule mise au point sous l'égide d'un homme d'Etat fédéral qui, on le sait très bien, n'avait aucune propension pour l'autonomie des provinces.

Si c'était bon dans ce temps, pourquoi ne serait-ce pas bon aujourd'hui? Et j'ai envie de lui demander: Est-ce qu'il est prêt à mener le combat pour que soit adoptée la formule Saint-Laurent? Encore une fois, oui, nous sommes prêts, nous avons toujours été prêts à négocier, mais nous voulons un état sérieux de négociation. Pas de l'amusement. 111 ans d'échec, 111 ans de déception, 111 d'empiétement, 111 ans d'envahissement, cela commence quand même à rendre les gens prudents. Je tiens à rappeler qu'à Charlottetown, nous n'avons à aucun moment senti cette volonté, finalement, de concéder quoi que ce soit de sérieux. Nous avons même cru bien voir une orientation d'esprit, une tendance à vouloir accaparer encore plus de territoire. Je donne, à titre d'exemple, l'attitude prise par le ministre fédéral des Communications concernant, entre autres, la télévision payante.

Il est vraiment inutile, actuellement, d'essayer de faire croire aux Québécois que ce pouvoir fédéral est autre chose qu'un pouvoir accaparant, envahissant et dominant. Il est inutile aussi de nous demander de contribuer à ce que se perpétuent des illusions trompeuses qui, en fait, cachent une situation de dominés et de colonisés. D'aucune façon nous n'accepterons de négocier ce qui s'appellerait des conditions de notre dépendance. Nous sommes prêts à discuter, à maintenir et à poursuivre un dialogue civilisé menant à notre indépendance, menant à notre maîtrise d'un secteur. Nous sommes prêts, à l'intérieur même d'un régime que l'on prétend fédéral, à mener des échanges, à poursuivre un dialogue civilisé qui conduise à reconnaître notre maîtrise d'oeuvre dans un domaine si intimement lié à la vie culturelle, dans un domaine qui exerce une influence prépondérante sur la cohésion sociale, la cohésion nationale.

Voilà pourquoi, pour nous, dans ce débat sur les communications, nous n'accepterons jamais de marchander des choses essentielles.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je peux demander une directive?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député.

M. Ciaccia: Dans le passé, je crois qu'il est coutume dans nos délibérations et les travaux des commissions parlementaires sur l'étude des crédits qu'avant de passer programme par programme on nous donne un assez large moyen de poser au ministre des questions d'ordre général. C'est cela que nous avons fait à l'étude des crédits l'année dernière. J'ai présumé que nous allions continuer à utiliser la même façon d'agir. Est-ce qu'on peut tenir pour acquis qu'on va pouvoir poser certaines questions d'ordre général avant de commencer l'étude des crédits, programme par programme?

Le Président (M. Jolivet): Actuellement, après chacune des interventions, le ministre a le droit de répondre par la formule qu'on a toujours utilisée aux questions posées à l'intérieur de vos interventions du début. Quant à moi, nous sommes rendus actuellement à l'étude programme par programme ou élément par élément de chacun des programmes. A moins que le ministre n'accepte une question générale, je n'ai pas d'objection.

M. Ciaccia: Je ne veux pas vous...

M. O'Neill: Si elles sont générales, M. le Président, il n'y aura pas de doublage. Evidemment, si elles étaient très particulières, à ce moment-là, il faudrait attendre le programme concerné.

M. Ciaccia: Exactement, c'est d'ordre général.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, s'il n'y a aucune objection.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Premièrement, je voudrais faire une certaine précision. Je ne voulais pas invoquer l'article 96 de notre règlement parce que ce n'est pas mon but d'être procédurier dans les travaux de notre commission. Je voudrais, avant de poser des questions d'ordre général au ministre, apporter certaines précisions quant aux paroles qui m'ont été imputées, quant aux motifs qu'on semble vouloir me prêter par ma déclaration ou de la façon dont je voyais se dérouler les discussions dans le domaine des communications avec le fédéral.

M. le ministre, il n'est aucunement question de négocier à genoux, ce n'est pas du tout le sens de mes propos. Si vous vous rappelez, le député de Taschereau a fait une analyse de ma thèse, une antithèse. Peut-être n'avez-vous pas compris ou peut-être ne me suis-je pas expliqué assez clairement, cela se peut. La thèse que je vous ai soumise et à laquelle vous avez référé... Vous avez dit: Pourquoi dans le passé, alors que c'étaient deux gouvernements fédéralistes, ne sont-ils pas arrivés à une entente? C'est une question très légitime.

Je ne veux pas faire d'accusation sur le passé, je regarde vers l'avenir. Je soumets que le débat, dans le domaine des communications, a été faussé parce que, d'un côté, nous avons toujours pris la position que le Québec doit défendre seulement les intérêts des Québécois et que le fédéral a l'exclusive juridiction de défendre les intérêts de tous les Canadiens. Au départ, j'ai critiqué les deux attitudes. C'est une critique du fédéral que je fais assez ouvertement. C'est aussi une critique de l'approche du Québec. Que ce soit par le Parti québécois ou que ce soit depuis qu'il y a des discussions, même avant les libéraux, dans le temps de l'Union Nationale, c'était encore cette position.

En conséquence, si on prend cette approche, on ne peut pas arriver à une solution. Je vous ai suggéré, premièrement, que le pouvoir fédéral n'ait pas le droit exclusif de dire: Je protège toute l'entité canadienne dans le domaine des communications. Je crois que le Québec ne doit pas se limiter à protéger seulement les intérêts du Québec. Il doit le faire. Mais, en plus — parce que j'épouse une thèse fédéraliste — de défendre les intérêts du Québec, il a aussi le devoir de défendre les intérêts du Québec au sein du Canada, ce qui inclut les intérêts des francophones et les intérêts canadiens tels que perçus par le Québec. Alors, quand j'ai soumis cette thèse, j'ai passé certaines remarques sur les objectifs du Parti québécois, qui étaient la séparation. Ce n'était pas le thème principal de dire que c'était pour ces raisons qu'on ne peut pas négocier avec le fédéral parce que, si vous vous rappelez, j'ai dit: J'appuie l'idée du partage des pouvoirs dans ce domaine, et même je suis allé plus loin. J'ai dit: J'ose espérer une progression en ce sens, même si les conditions politiques sont loin d'être favorables. Il faut être réaliste: Elles ne sont pas favorables maintenant à cause des différents points de vue du côté fédéral comme du côté provincial et il faut avoir un changement aux deux niveaux pour arriver à une entente qui va prendre en considération les intérêts du Québec et l'intérêt national. C'est seulement cette précision, comme je vous l'ai dit, M. le Président. Je ne voulais pas invoquer l'article 96, mais je voulais seulement répondre à la question que le député de Taschereau m'avait posée, et la question que le ministre m'a posée, si j'étais prêt à défendre la formule Saint-Laurent. Je ne peux pas me cacher en disant: Ecoutez, ce n'est pas nous qui sommes au pouvoir, qui formons le gouvernement. C'est le ministre qui doit défendre ses positions. Je crois que j'ai été assez clair dans la manière par laquelle nous voyons le partage de ces pouvoirs et je ne pense pas qu'il diffère tellement de la position que le ministre et le député de Taschereau ont prise et que nous avons fait connaître, non seulement aujourd'hui, mais que nous avons fait connaître au gouvernement au mois de juin dernier.

Ceci étant dit, je ne veux pas continuer le...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Guay: Sans non plus vouloir faire un débat de procédure et invoquer l'article 96, c'est seulement peut-être une mise au point, si vous me le permettez. J'avais pris note, effectivement, dans

les propos du député de Mont-Royal, de cette réflexion suivant laquelle le gouvernement du Québec ne devrait pas se placer dans l'optique où il n'a que les intérêts du Québec à défendre et le gouvernement du Canada comme s'il était le seul défenseur des intérêts du Canada.

Mais dans la critique que j'ai pu faire des propos du député de Mont-Royal, je ne me référais pas à ces passages de ses propos. Je me référais aux passages de ses propos où il mettait en cause, jusqu'à un certain point, la façon dont le gouvernement du Québec utiliserait les moyens de communication s'il les avait sous sa juridiction — ce qui était d'ailleurs une accusation très hypothétique — alors qu'il ne faisait aucune référence à la façon dont le gouvernement fédéral, qui a les moyens de communications sous sa compétence, les utilisait à des fins carrément politiques. (20 h 20)

Je lui souligne tout simplement, M. le Président, que dans le passé, sous le gouvernement précédent, si on relit le Québec maître d'oeuvre et si on fait surtout référence au consensus interprovincial intervenu lors de la cinquième conférence interprovinciale à Toronto, qui a été soumis à la deuxième conférence fédérale-provinciale et auquel le Québec avait souscrit — et je me souviens des propos de M. L'Allier — comme étant un minimum, on concevait facilement à ce moment-là que le Canada, le fédéral avait un rôle à jouer, que le gouvernement fédéral devait conserver Radio-Canada et la faire servir à des intérêts de promotion de l'unité canadienne et non pas au sens partisan ou très politique du terme, où on essaie de forcer, où on cherche à en arriver à une information biaisée en faveur de l'unité canadienne. Parce que l'information est quand même une chose avec laquelle il faut éviter de jouer pour des fins politiques.

Donc, la perspective dans laquelle le député de Mont-Royal souhaite que le gouvernement du Québec soit placé est une perspective — je le reconnais — qui fut celle de l'ancien ministre des Communications et qui demeure celle du gouvernement actuel. Tant et aussi longtemps que le Québec fait partie de la fédération — et le ministre l'a dit — il est entendu qu'il y a un certain nombre d'instruments qui, logiquement, pour l'instant, doivent relever de la compétence fédérale. C'est donc dire que nous nous plaçons non seulement dans l'optique de la défense des intérêts des Québécois mais dans l'optique aussi que le Canada au complet, au sens plein du terme, a des intérêts à défendre et qu'il appartient aux provinces de garder cette perspective en tête. Mais tant sous l'ancien gouvernement que sous le gouvernement actuel, on n'a pas réussi à faire passer ce message au gouvernement fédéral.

Vous dites qu'il devrait y avoir des changements à Québec et dés changements à Ottawa. Je vous dis que l'ancien gouvernement a défendu la thèse que vous souhaitez, dans l'esprit que vous souhaitez. Il y a eu des changements à Québec et je soutiens donc que c'est peut-être qu'il est temps qu'il y ait des changements à Ottawa, tout simplement.

Ma question demeure la même et me paraît toujours valable: Comment se fait-il qu'un gouvernement fédéraliste inconditionnel, de 1970 à 1976, avec six conférences interprovinciales, trois conférences fédérales-provinciales et malgré le fait que sa position ait évolué... Si on lit le document, le Québec maître d'oeuvre et si on lit le consensus interprovincial, il y a eu une évolution. Il y a eu un compromis interprovincial qui gardait en perspective la dimension canadienne. Malgré tout cela, le gouvernement fédéral canadien, le gouvernement de M. Trudeau, pendant six années a dit non. Depuis le changement de gouvernement, il continue à dire non. Je me dis que le problème ne se pose pas à Québec. Puisqu'il y a eu un changement à Québec et qu'on a discuté dans cette optique, qu'il y a eu l'impasse tant dans le passé qu'à l'heure actuelle, il doit donc y avoir un problème quelque part à Ottawa. C'est peut-être à ce niveau que devraient agir les forces fédéralistes qui veulent un fédéralisme renouvelé, qui veulent qu'on conçoive le Canada de façon différente, qui veulent que le gouvernement du Canada soit plus souple en matière de communications, qui veulent que le gouvernement canadien concède un rôle aux provinces dans ce domaine. Il faudrait peut-être que ceux qui croient à ce Canada cherchent à obtenir le changement là où il m'apparaît devoir se faire. Il s'est fait à Québec. C'est à Ottawa que cela bloque. C'est à Ottawa que cela a toujours bloqué. Nos amis d'en face se disent fédéralistes, en faveur d'une troisième ou quatrième option ou d'un fédéralisme renouvelé; c'est peut-être de ce côté que devraient porter vos énergies lors de la prochaine campagne électorale, de façon à avoir à Ottawa un gouvernement qui soit moins figé dans le béton, qui soit moins centralisateur et qui vise plus, comme l'a dit le ministre, la réalité du fédéralisme, parce que, comme l'a dit le ministre, c'est effectivement à Ottawa que le degré de perception du fédéralisme est à son plus bas niveau.

Le Président (M. Jolivet): J'ai été très large jusqu'à maintenant. Si vous n'avez pas invoqué l'article 96, je pourrais le faire et vous demander maintenant de vous en tenir à la pertinence des questions à poser de façon générale, puisqu'une intervention selon l'article 96 ne doit engendrer en aucune façon de débat.

M. Ciaccia: M. le Président, on aurait beaucoup d'autres choses à dire et à préciser, mais je vais me conformer à votre directive. Je vais poser au ministre des questions d'ordre général.

Concernant la presse écrite, si M. le ministre s'en souvient, j'avais posé une question en Chambre sur le rapport qu'il avait déposé en Chambre sur la concentration de la presse où le citoyen est menacé. J'avais souligné au ministre que c'est vrai qu'il y a certains dangers, que le rapport nous souligne, à cause de la concentration de la propriété de la presse au Québec entre peu de mains. Il y avait aussi des dangers de l'intervention de l'Etat.

Le rapport sur la concentration de la presse se limitait strictement à examiner les dangers de la concentration de cette propriété, sans aucune ré-

férence aux dangers que l'intervention du gouvernement, dans le domaine de la presse écrite, pourrait avoir pour la liberté d'expression, parce qu'il y a des dangers des deux côtés.

Je crois que dans la réponse que vous m'aviez donnée, vous m'aviez assuré que cette liberté serait garantie. Pourriez-vous nous dire aujourd'hui si vous avez l'intention de faire une étude qui chercherait des moyens de garantir la liberté d'expression face aux menaces, aux dangers possibles qu'une intervention gouvernementale pourrait provoquer. Je crois que c'est un danger légitime. Je ne voudrais pas que le député de Taschereau m'interprète mal, ce n'est pas une accusation que je fais au gouvernement, cela peut être n'importe quel gouvernement, que ce soit le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada ou d'un autre pays. Je crois que, si on examine l'histoire, on voit que quand les gouvernements ont tenté de légiférer ou d'avoir certains contrôles sur la presse, cela a posé certains dangers; certains gouvernements en ont abusé plus que d'autres.

Alors, est-ce que le ministre, premièrement, croit que c'est un vrai danger possible, et a-t-il l'intention de faire une étude pour donner des suggestions, pour faire la lumière sur les sauvegardes possibles qui seraient nécessaires dans le cas où le gouvernement devrait intervenir?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. O'Neill: M. le Président, je voudrais d'abord rappeler que ce rapport — ce qu'on a appelé, au début, Rapport sur la concentration de la presse, ensuite cela s'est appelé Rapport sur le droit du public à l'information — constitue un document de travail particulier, une source qui inspire l'analyse et la réflexion, mais une source parmi d'autres. Cela ne veut pas dire que nous voulons sous-estimer le travail qui a été fait par le comité en question mais simplement que nous distinguons bien ce comité, ses opinions, de ce que pourraient être, a un moment donné, des prises de position gouvernementales. Nous avions demandé aux membres de ce comité, entre autres, de faire une synthèse de l'état actuel des recherches, des discussions qui avaient eu lieu, un peu aussi de tout cet aménagement structurel dans le secteur de la presse, et, en même temps aussi, si le coeur leur en disait, de formuler un certain nombre de suggestions à la suite de paramètres, de principes qu'ils avaient affirmés avant de formuler des suggestions.

Or, cela a été fait, ce document est là, et, dans le moment, je vous signale, comme attitude évidente, une étude de très grande prudence de la part du gouvernement. Cette attitude est très apparente, d'ailleurs, dans les conflits actuels. Combien de gens nous ont reproché de ne pas intervenir dans des conflits aussi longs que celui du Soleil qui dure depuis la fin du mois d'août! Des gens nous ont dit: Vous devriez faire quelque chose à cause du droit des citoyens à l'information. On sait tous ici que la profession de notre premier ministre, c'est celle de journaliste, et tout le monde sait comment M. Lévesque, dans toute sa carrière, non seulement s'est manifesté comme journaliste de qualité exceptionnelle, mais a toujours manifesté une extrême sensibilité face à des problèmes comme ceux-là; le droit à l'information, la liberté de la presse, la liberté d'expression.

Alors, c'est évidemment cette même attitude qui l'a inspiré face au conflit actuel et, encore une fois, s'il n'y a pas une intervention antérieure, si vous voulez, jusqu'ici, il y en a une, là, qui est la nomination d'un médiateur. Si cela ne s'est pas fait, ce n'est non pas parce qu'il y avait un manque de volonté politique de vouloir régler quelque chose, ce n'est pas cela; c'est que nous croyons très dangereux de vouloir régler quelque chose trop vite dans un domaine aussi délicat.

C'était donc par respect pour la liberté d'information que nous avons adopté cette attitude qui nous a attiré un certain nombre de critiques. Le dossier, actuellement, n'est pas plus loin, n'est pas avancé, nous continuons de recueillir des données. Nous avons suivi avec grand intérêt, d'ailleurs, les débats entre journalistes, ce débat qui a eu lieu suite à la parution du rapport sur la précarité de la presse, et nous avons trouvé que c'était extrêmement profitable pour nous de pouvoir comparer les positions différentes des journalistes. Certains d'entre vous ont peut-être suivi ce débat. On en a retrouvé de grands exposés, spécialement entre autres dans le Devoir.

Nous pensons qu'il faut un peu laisser cette question mûrir. Encore une fois, pour ce qui est de ce que j'appellerais la philosophie, l'approche qui nous inspire dans ce domaine, c'est bien celle que je viens de vous décrire. Nous avons un immense respect pour la liberté d'information. Nous y croyons beaucoup. Nous déplorons ce qui se passe actuellement parce que nous pensons que la première condition, je dirais, d'une libération d'un peuple, c'est la bonne information, c'est la diversité des sources, c'est une certaine quantité d'informations. Nous déplorons, par exemple, que des stations privées de radio, entre autres, sous juridiction fédérale, donnent, dans certains cas, une information extrêmement pauvre, utilisent si mal les ondes. Nous croyons que les citoyens ont droit à plus que cela.

Donc, là-dessus, notre attitude est celle que je viens de vous décrire et nous aimerions, d'ailleurs, que cette attitude puisse peut-être servir d'exemple à certains media ou à certains groupes politiques souvent enclins à nous soupçonner d'intentions, je dirais, maléfiques, et qui eux, dans certains cas, ont une étrange façon de se comporter quand ils ont leur mot à dire sur le fonctionnement des media d'information.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, j'apprécie les bons voeux du ministre et ses vues particulières sur soi-disant la liberté de la presse. Mais ma question était plus particulière. Je ne crois pas que le ministre a vraiment répondu. Je lui deman-

dais s'il avait l'intention de planifier une étude qui chercherait des moyens de garantir la liberté d'expression face aux menaces qu'une intervention gouvernementale pourrait provoquer. Est-ce son intention de faire une telle étude oui ou non, ou ce danger possible ne le préoccupe-t-il pas?

M. O'Neill: M. le Président, j'ai dit qu'actuellement des études se poursuivaient concernant ce problème de savoir si on pourrait un jour en arriver à une forme de législation pouvant mieux protéger les droits du citoyen à l'information.

Si la question de M. le député de Mont-Royal voulait dire que la législation gouvernementale éventuelle de ce gouvernement est dangereuse pour le droit à l'information, je dis qu'il passe à côté de l'affaire. Je dis que l'esprit de ce gouvernement garantit beaucoup plus l'impartialité et l'objectivité de l'information que l'esprit qui a paru, par exemple, dans certaines analyses de la situation politique au Québec et dans lesquelles sont spécialisées des revues, par exemple, si je ne m'abuse, comme Mclean, des choses comme cela. Nous avons, nous, le respect des gens. D'ailleurs, les Québécois, depuis longtemps, ont eu toujours ce respect. Ce ne sont pas eux qui ont joué des rôles de dominateurs dans la société.

Je voulais simplement dire à M. le député qu'il peut être en paix, nous avons très à coeur la liberté de l'information et très à coeur le droit de s'exprimer pour ceux aussi qui ne partagent pas nos opinions.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai aucunement suggéré que ce gouvernement puisse empiéter sur la liberté d'expression et sur la liberté de la presse. Ce n'est pas cela ma question. Mais mon expérience c'est que j'aimerais voir traduire en action positive les voeux parfois pieux et les généralités que le ministre parfois nous donne à cette commission parlementaire. Ce n'est pas une accusation contre le gouvernement. C'est une constatation — que ce soit ce gouvernement-ci, que ce soit un autre, parce que les gouvernements viennent, les gouvernements partent — qu'il y a un danger quand un gouvernement légifère dans le domaine de la presse, dans le domaine de l'expression écrite. Ma question n'est pas que je crains spécifiquement le gouvernement du Parti québécois. Cela n'a rien à voir avec ma question. Ma question se rattachait à ce danger. Vous avez perçu un danger dans la concentration de la propriété de la presse, vous avez fait faire une étude. Eventuellement, vous allez donner suite à certaines des recommandations de cette étude. L'autre danger qui se présente, c'est la législation et l'intervention gouvernementale dans ce domaine. Ne croyez-vous pas que vous devriez faire une étude, planifier une étude pour montrer les grandes lignes, les dangers possibles et comment le citoyen pourrait être protégé, face à une intervention gouvernementale? Que ce soit la vôtre, que ce soit celle d'un autre gouvernement, est-ce que vous avez cette intention d'ouvrir ce sujet, d'éclairer la population sur les dangers possibles d'une inter- vention gouvernementale ou bien si vous n'avez pas cette intention de faire une telle étude?

M. O'Neill: M. le Président, quant aux dangers possibles d'une intervention gouvernementale, il faudrait d'abord qu'il y en ait une, et deuxièmement qu'elle soit dangereuse. Je suggère à M. le député d'attendre et on verra si un jour il y a législation là-dessus. Tout ce que je lui réponds, c'est que quand il y en aura une, elle révélera l'esprit démocratique qui nous anime. C'est simplement cela que je lui dis. Si M. le député dit qu'il faudrait encore d'autres études, remarquez que de toute façon, nous continuons à en faire. Ce sera toujours analysé de savoir s'il faut faire une nouvelle étude comme telle encore, mais tout ce que je lui dis; c'est que nous craignons autant que lui sinon plus que lui des interventions étatiques dans le domaine de l'information.

J'ai remarqué cet après-midi qu'il avait semblé beaucoup moins sensible aux intrusions du pouvoir fédéral dans le domaine de l'information que nous ne le sommes. A ce point de vue, l'exposé de M. le député de Taschereau a bien illustré les choses. Nous n'avons pas encore entendu M. le député de Mont-Royal exprimer son inquiétude face aux intrusions du pouvoir fédéral dans l'information. On dirait que pour lui l'inquiétude n'est que d'un côté. Il est déjà inquiet d'hypothétiques interventions du pouvoir québécois, mais il n'est pas inquiet de réelles intrusions du pouvoir fédéral. Cela me semble un paradoxe.

M. Ciaccia: M. le Président, là, je vais l'invoquer, l'article 96. Là, je commence à être tanné de me faire charrier dans ses réponses, de me faire imputer des motifs que je n'ai pas, de me faire mettre dans la bouche des paroles que je n'ai pas dites.

M. O'Neill: Arrêtez d'agir comme un obsédé, c'est tout!

M. Ciaccia: Ecoutez! Si c'est votre tactique de ne pas répondre et d'essayer de nous provoquer pour qu'on ne vous pose pas de questions, je m'excuse, mais je fais partie de l'Opposition officielle, je connais mes devoirs et c'est de vous poser des questions. Si vous êtes pour faire de la politique et de la démagogie à chaque réponse, je vais avoir de la patience et je vais vous le redemander. Je ne suis pas ici pour examiner les crédits du gouvernement fédéral. J'ai exprimé certaines réserves quant à la position du gouvernement fédéral dans le domaine des communications et je pense que ces réserves sont claires. Vous pourrez relire le journal des Débats de cet après-midi pour voir quelle sorte de changements je voudrais.

Nous sommes ici pour examiner les crédits du ministère des Communications du Québec et j'ai tout le droit d'après nos règlements, selon mes devoirs et mes responsabilités comme membre de l'Opposition officielle, de vous poser ces questions. Maintenant, si vous voulez répondre en portant des accusations, c'est votre prérogative. Je ne

dis pas que je l'accepterai volontiers, mais je n'ai aucun choix. Je n'aime pas me faire jeter à la figure ce genre d'accusations; je n'en porte pas contre vous, des accusations, M. le ministre. Je ne dis pas que vous allez nous enlever la liberté d'expression.

M. O'Neill: Ce sont des insinuations.

M. Ciaccia: Je ne vous dis pas que vous allez nous enlever des droits et la liberté de la presse. Je ne vous impute aucun motif; je vous parle d'une intervention gouvernementale. Vous me dites: Attendez que la loi soit présentée. Peut-être que ce sera trop tard. Je pense que prévenir vaut mieux que guérir. Vous contournez la question.

Si vous me dites qu'il n'y a aucun danger d'une loi gouvernementale, je vous répondrai: Regardez votre histoire, regardez ce qui se passe ailleurs. Dans toute autre juridiction, il y a ce danger. Je vous demande: Allez-vous prendre les mesures nécessaires, autant pour vous protéger, pour protéger votre ministère que pour protéger les citoyens du Québec, pour éviter ces dangers et ainsi sauvegarder la liberté d'expression de ces citoyens, oui ou non? Si vous dites non, je vais l'accepter et je vais passer à la question suivante. (21 h 40)

M. O'Neill: Nous avons pris les mesures et nous les prendrons toujours. Il n'y a pas un pays, je crois, où on respecte plus la liberté d'information, la critique et souvent la critique injustifiée. Là-dessus, il y a des gens qui pourraient faire un examen de conscience.

Quant à essayer de calmer M. le député de Mont-Royal avec ses obsessions qu'il nous sert depuis un an parce qu'il se sent mal à l'aise, je crois, étant donné qu'il s'agit d'un gouvernement indépendantiste, nous essayons de calmer ce genre d'angoisse, mais il me semble que nous n'y pouvons rien. M. le député formule des hypothèses sur d'éventuelles interventions gouvernementales. Je lui dis que dans le moment il n'y en a pas, que nous sommes au stade des études et que, pour ce qui est de voir à protéger les droits auxquels il croit, nous y croyons autant que lui et, là-dessus, il n'a pas de leçon à nous donner.

M. Ciaccia: Je n'ai pas fait d'accusations. Je sais que, dans ce pays, nous avons les plus grandes libertés que dans n'importe quel autre pays, mais je voudrais m'assurer que cela va rester comme cela. C'est pour cela que je pose ces questions. Je ne fais pas d'accusations. Je veux m'assurer que j'aurai toujours le droit de parole, même le droit que, parfois, par certaines interventions, indirectement, certains de votre côté voudraient m'enlever. Je ne fais pas d'accusations. "An ounce of prevention is worth a pound of cure". Vaut mieux prévenir que guérir. Et s'il y a des obsessions, elles viennent de ce côté-là de la table, pas de ce côté-ci. Parce que ce n'est pas moi qui fais les accusations, c'est vous qui les faites. J'essaie d'avoir des réponses claires et rationnelles, mais c'est pas mal difficile, avec votre approche.

Je vais aborder la prochaine question. C'est vous-même qui avez soulevé le sujet de la grève du Soleil, de la Presse et du Montréal-Matin. Vous avez laissé entendre que vous respectiez tellement la liberté d'expression que vous n'intervenez pas dans ces grèves. Chaque droit comporte des responsabilités, M. le ministre. Si j'ai le droit à une certaine chose, j'ai aussi la responsabilité conséquente. Le Soleil est en grève depuis le mois d'août. Je ne remets pas en cause le droit à la liberté d'expression, mais je soulève aussi le droit de la population à l'information. Elle aussi a des droits. Elle a le droit d'être informée. J'ai les mêmes préoccupations, plus consciemment peut-être, dans certains cas, que vous semblez soulever. Moi aussi je suis conscient des droits de la population à l'information et je crois qu'un de ces droits est lésé dans la ville de Québec, dans la ville de Montréal avec les deux plus grands quotidiens de langue française qui ne publient pas, un depuis le mois d'août, l'autre depuis le mois d'octobre, je crois. Cela affecte les droits des citoyens. Et vous ne pouvez pas ne pas intervenir. Je veux protéger la liberté d'expression des journaux.

Le ministre du Travail ou quelqu'un d'autre avait suggéré à la Chambre que si cela continuait il y aurait peut-être lieu d'avoir une commission parlementaire pour faire la lumière, pour que la population sache quel est ce litige. On est dans la noirceur. On ne sait pas pourquoi ces journaux-là ne publient pas et je crois que vous, M. le ministre, en tant que ministre des Communications, avez un certain devoir dans ce dossier. Vous avez le devoir, c'est vrai, de respecter la liberté d'expression, mais aussi le devoir de vous assurer, dans la mesure du possible, que les citoyens reçoivent cette information. Aujourd'hui, en Chambre, le ministre du Travail a dit qu'il y a encore 147 points sur lesquels il n'y a pas d'entente dans le litige du Soleil. Je trouve cela incroyable. La population a droit à une explication, après six ou sept mois, depuis le mois d'août. On en est encore à 147 points sur lesquels on ne s'entend pas. Ne pensez-vous pas, M. le ministre, que le moins qu'on puisse faire serait de convoquer cette commission pour faire la lumière et faire dire à ces gens, que ce soit le patronat, que ce soient les propriétaires des journaux, que ce soient les syndicats, je ne le sais pas, pourquoi ils peuvent continuer une grève de ce genre et enlever le droit à l'information à un si grand secteur de la population. Qu'ils viennent nous le dire.

Ne pensez-vous pas qu'il y aurait lieu de faire quelque chose, le minimum? Vous n'empiétez sur aucun droit de liberté d'expression ou autres. Je crois que vous donnerez effet à vos responsabilités de convoquer une commission parlementaire et faire la lumière, que les gens expliquent leur point de vue pour que le public le sache. Souvent, M. le ministre, vous savez que, quand les gens sont obligés de s'expliquer au public, cela peut éclaircir beaucoup de choses.

Alors, la question que je vous pose, premièrement, c'est: Est-ce que vous avez l'intention d'agir dans ce dossier et de quelle manière?

M. O'Neill: M. le Président, brièvement parce qu'il a déjà été question de cela à l'Assemblée nationale, il a déjà été mentionné l'hypothèse de la possibilité qu'il y ait une commission parlementaire de convoquée, sauf que dans l'intervalle, depuis ce temps, il a été étudié la possibilité qu'il y ait un médiateur spécial et c'est aujourd'hui la nouvelle formule qu'a choisie le ministre du Travail. On verra comment ce médiateur spécial s'acquittera de sa tâche et le succès qu'il connaîtra. L'autre hypothèse demeure toujours, le premier ministre l'a mentionné, on doit quand même permettre à ces médiateurs spéciaux d'avoir quelques jours pour accomplir leur travail.

Je sais que ces longs conflits agacent tout le monde, nuisent au bon fonctionnement des communications au sein de la société mais, au moment où on accepte que, dans une société, il y ait des droits de dissension, des droits de grève, etc., il faut, jusqu'à une certaine limite, du moins pendant un certain temps, accepter aussi des inconvénients assez sérieux. Alors, tout le monde souhaite la fin de ces conflits le plus tôt possible mais, encore une fois, cela ne veut pas dire qu'il faut, à un moment donné, essayer d'arriver à cela par n'importe quel moyen. Il est bon de suivre un certain ordre, une certaine priorité de moyens et je crois que l'étape actuelle est l'étape de la médiation spéciale. Ensuite, on verra.

M. Ciaccia: M. le Président, vous m'avez indiqué que mon temps s'écoulait. Je voudrais vous demander une directive. J'aurais une autre petite question sur le même sujet, sur la question de la presse écrite, pour terminer mes 20 minutes mais, d'après l'article 160, j'ai 20 minutes par sujet, sur un même article ou un même paragraphe. Je ne veux pas continuer à prendre le temps de la commission sans égard au droit de parole de mon collègue de l'Union Nationale; alors, la directive que je vous demande, c'est que je veux seulement vous signaler que dans des commissions antérieures c'est de cette façon que nous avons procédé, les questions d'ordre général peuvent prendre plus de 20 minutes si nous avons des différents sujets. Par exemple, le sujet sur lequel je questionne le ministre, la presse écrite; j'aurais d'autres questions d'ordre général sur lesquelles faire quelques commentaires ou à poser au ministre. Je suis prêt à le faire après les autres députés ou mon collègue de l'Union Nationale ou tout autre qui voudrait intervenir sur ce sujet mais je pense que je devrais avoir le droit — pas que je voudrais prendre les 20 minutes sur chaque sujet — de poser certaines questions ou de faire certaines remarques sur d'autres sujets d'ordre général avant de commencer l'étude programme par programme.

Je pense que c'était l'entente que nous avions prise. Nous nous étions entendus à limiter notre exposé à un certain nombre d'heures. Alors, je vais respecter l'entente qui a eu lieu entre les leaders parlementaires des différents partis mais je pense que cela nous aiderait, cela nous permettrait de nous débarrasser de certaines questions d'ordre général et, après cela, quitte à aller plus vite sur les crédits, programme par programme.

Le Président (M. Jolivet): Au départ, normalement, nous devons procéder par le droit de parole de chacun de 20 minutes. Je n'aurais pas d'objection à permettre au député de Gaspé de poser sa question puisqu'il en a le droit, comme tout membre de la commission, et à revenir ensuite, si tout le monde est d'accord sur cette possibilité de revenir. Si on élimine l'ensemble des questions au niveau de chacun des programmes par la formule des questions générales, je n'ai aucune objection à cela.

M. Ciaccia: Merci.

M. Guay: Sur cette question — je n'ai pas consulté mes collègues, mais j'ai bien l'impression que dans la mesure où le député de Mont-Royal nous dit qu'il a encore une question sur la presse écrite...

M. Ciaccia: Sur ce sujet-ci et j'aurais peut-être un autre sujet.

M. Guay: Même s'il a un autre sujet, si notre consentement peut y être pour quelque chose, nous n'avons aucune objection à ce que le député de Mont-Royal continue, dans la mesure où cela ne va pas à l'encontre des droits de l'Union Nationale ou des autres membres de la commission.

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, je voudrais juste poser une question. Combien de temps avons-nous pour l'étude des crédits?

Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'est huit heures au total.

M. Vaillancourt (Orford): Huit heures au total. M. Le Moignan: C'est dix heures.

M. Vaillancourt (Orford): Je crois que, d'après nos règlements, nous avons droit à dix heures.

Le Président (M. Jolivet): Jusqu'à demain à 18 heures.

M. Vaillancourt (Orford): Je pense qu'il y a eu une entente stipulant que nous prendrions seulement huit heures... jusqu'à demain soir.

Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas d'objection si le député de Gaspé est prêt à laisser terminer le député de Mont-Royal.

M. Le Moignan: Très volontiers, si ce n'est pas trop long.

M. Ciaccia: Après cela je commencerai un autre sujet quitte à le prendre chacun notre tour.

M. Le Moignan: Oui, cela va.

M. Vaillancourt (Orford): Si je comprends bien, nous ne serons pas limités à 20 minutes par sujet. Nous pourrons prendre tout le temps nécessaire pour poser les questions sur un sujet donné?

Le Président (M. Jolivet): Sur un sujet donné au niveau de la question générale.

M. Vaillancourt (Orford): D'accord.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de

Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le ministre, il y a eu certaines critiques quant à la presse anglophone. Je voudrais avoir vos vues sur ces critiques. Le fait que les plus grands quotidiens de langue française au Québec ne soient pas publiés, trouvez-vous que cela diminue d'un nombre assez important les articles des journalistes pour le gouvernement et l'Opposition officielle? Pourrais-je avoir vos vues, premièrement, sur les critiques qui sont faites par la presse anglophone? On dit que c'est une presse qui est biaisée et totalement contre le gouvernement. Partagez-vous ces vues? Quand vous parlez de la liberté d'expression, quelle est la relation entre ces deux vues?

Deuxièmement, comme on dit que c'est la presse anglophone qui critique le gouvernement, trouvez-vous que ce n'est pas dû un peu au fait qu'il n'y a pas de presse francophone? S'il n'y a pas de presse francophone, naturellement, il n'y aura pas de critiques de la presse francophone. Une bonne partie de cette presse ne publie pas. Pourrais-je avoir vos vues sur ce point?

M. O'Neill: Vous permettez, M. le Président, que je n'entre pas dans ce débat légèrement piégé. De toute façon, j'ai un peu le sentiment que nos amis les journalistes anglophones sont même en train de faire leur examen de conscience. Récemment, j'ai eu l'occasion de lire un article qui avait paru dans la Gazette en version anglaise et ensuite dans le Devoir en version française. Je pense qu'il y a là un processus qui est amorcé d'auto-critique qui produira ses effets. Il y a des choses qui s'appellent comme cela: le regard lucide qu'on porte sur soi-même, la capacité d'auto-critique, l'éthique professionnelle. Je fais confiance à ceia et je laisse les choses aller. Je m'abstiendrai donc de faire le procès qu'on m'invite de faire ici.

M. Ciaccia: Je vais revenir à la suite tout à l'heure.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas reprendre le débat au sujet des relations fédérales-provinciales. On en a assez parlé déjà depuis ces dernières minutes.

Mais M. le ministre avait mentionné cet après-midi, qu'à Charlottetown, certaines provinces canadiennes, dans le domaine des communications, ne semblaient pas tellement d'accord avec Ottawa. Est-ce que cela veut dire que ces provinces, à l'instar du Québec, revendiqueraient le contrôle complet de tout ce qui a trait aux communications? Est-ce que ce sont des réserves sur des points particuliers ou bien si, à ce moment-là, elles seraient d'accord avec la politique du Québec sur les grands objectifs de liberté, d'autonomie plus complète qui serait réservée à chacune des provinces?

M. O'Neill: Non, cela porte sur des points particuliers plutôt et non pas sur une perception générale de la question. A titre d'exemple, lorsqu'il a été question de la télévision payante, la Saskatchewan et l'Ontario ont eu des positions identiques aux nôtres. Lorsqu'il a été question des problèmes posés par les projets actuels d'interconnexion des grands réseaux de télécommunications, plusieurs provinces ont eu des réactions de critiques et ont exprimé de fortes réserves. Je me rappelle particulièrement l'Alberta.

Alors, sur certaines questions comme celles-là, les gens expriment des réserves, mais cela ne va pas tellement plus loin que cela. Ils n'ont pas les mêmes raisons, en fait, en un sens, que le Québec, mais une chose qui m'a quand même frappé, c'était que nous sommes loin d'être les seuls à estimer que ce pouvoir qu'on appelle fédéral, c'est avant tout un pouvoir centralisateur et que plusieurs provinces réagissent de cette façon.

M. Le Moignan: Quand nous avons parlé de radio et de télévision, de Radio-Canada, des réseaux anglais ou des réseaux privés, est-ce que, dans certaines provinces, ils ont essayé d'implanter, comme ici, une Radio-Québec, une Radio-Alberta ou une Radio-Colombie-Britannique? Non, ils n'ont pas cet esprit qui nous anime ici?

M. O'Neill: II y a quand même une radio éducative en Ontario.

M. Guay: En Ontario, TV-Ontario, qui est le successeur d'Ontario Education and Communication Authority, a été implantée et mise en service avant Radio-Québec; elle existe toujours et fonctionne très bien, d'ailleurs.

M. O'Neill: De toute façon, Radio-Québec s'intègre à la politique générale. Radio-Québec doit aller chercher ses permis de fonctionnement à Ottawa, il ne faut pas oublier cela, du simple fait que c'est une télévision éducative, et cela, toute province peut être intéressée à avoir une télévision éducative.

M. Le Moignan: Maintenant, pour demeurer dans les généralités, je n'ai pas posé la question directement cet après-midi, mais le premier ministre, dans son message inaugural, a placé l'accent sur la relance de l'économie et il a demandé, je crois bien, à tous les ministres de répondre à son appel. Je crois avoir cité et vous l'avez mentionné vous-même, la radio à Gaspé et à Rivière-au-Renard. A ce moment-là, cela peut stimuler, oui; cela va créer des emplois, il n'y a aucun doute là-dedans. Maintenant, est-ce que cette politique, vous avez l'intention de l'appliquer peut-être dans

d'autres régions? Là, je parle de radio et je comprends qu'il n'y a pas seulement cela dans les communications, mais, pour en terminer avec les questions générales sur la radio au Québec, est-ce que cela peut s'appliquer ailleurs, ce que vous avez fait à Gaspé pour créer de l'emploi et susciter aussi l'ouverture, la création de postes?

M. O'Neill: J'espère bien que dans le nouveau budget de 1978/79 de la relance économique nous aurons la part qui nous revient pour permettre justement d'encourager des initiatives comme celle de Radio-Gaspésie. Celle-là, nous l'avions à coeur particulièrement, surtout, si je me le rappelle bien, que, dans les dernières décisions du jury, je crois, ils n'avaient pas été favorisés. Alors, cela nous faisait plaisir de voir qu'un autre programme permettait de favoriser leur action.

M. Le Moignan: Mais, si on parle de décentralisation, dans votre ministère — il n'y a pas seulement la radio et l'information gouvernementale, il y a beaucoup d'autres domaines — avez-vous l'intention de décentraliser tous vos services, dans la mesure du possible, dans les différentes régions administratives? Est-ce possible, d'abord? Est-ce déjà commencé? Avez-vous des expériences?

M. O'Neill: Je pense bien que le bel exemple de services décentralisés, c'est quand même Communication-Québec. Cela va de soi, de toute façon. Si on veut faire la communication au plan régional, il faut le faire. Voir ce que pourra signifier la décentralisation pour d'autres services, dans le cas d'un ministère de dimension aussi modeste, c'est vraiment une question qu'il faudrait approfondir. Je ne sais pas si M. Frigon, le sous-ministre, a quelque chose à ajouter à cela. (21 heures)

Je pense qu'au ministère des Communications, penser à une plus grande décentralisation que celle que nous avons actuellement pose certains problèmes parce que nous sommes d'abord un ministère de services, et un ministère de services à d'autres instances gouvernementales. Il y a quand même une dimension du ministère qui, elle, concerne plus directement la relation Etat-citoyen. Dans ce secteur, évidemment, nous avons eu à voir les bureaux de Communication-Québec. Nous voyons également à satelliser, dans la mesure du possible, ces bureaux régionaux de communications. Mais toute autre décentralisation doit se penser en termes d'activité qui facilite l'accès du citoyen à l'information et aux services gouvernementaux.

Donc, pour nous, quand nous parlons de décentralisation et de régionalisation, nous y pensons beaucoup plus en termes de réseaux de distribution qu'en termes de pouvoirs de décision qui seraient ramenés à un niveau régional à cause de notre dimension: services à d'autres instances.

M. Le Moignan: Maintenant, si je touche un autre ministère que le ministre actuel connaît très bien, les Affaires culturelles, je sais très bien, par exemple, que le Conseil de la culture, dans un milieu donné comme Rimouski, est peut-être le pôle autour duquel gravitent, par exemple, les communications reliées au Québec, peut-être, et d'autres organismes du genre. C'est à ce moment que je me demande si un conseil de la culture peut?

M. O'Neill: Nous avons déjà, par exemple, à Rimouski, le Conseil des communications de l'Est du Québec qui est subventionné par le ministère des Communications et qui, dans le rôle des communications, joue le même rôle que le Conseil de la culture auquel vous vous référez. Ce Conseil des communications de l'Est du Québec, nous le retrouvons aussi au niveau de l'Estrie. Il y en a un qui est en formation dans une autre région. Alors, il y a des Conseils des communications régionaux qui viennent faire la liaison, si vous voulez, entre les instances plus centralisées et le milieu lui-même.

Je voudrais faire juste une remarque qu'il faudrait faire ici, c'est qu'au sujet des Conseils régionaux de la culture, il ne s'agit pas, à strictement parler, d'une décentralisation gouvernementale. Les bureaux des Affaires culturelles constituent un acte de décentralisation gouvernementale, mais les conseils régionaux sont des émanations du milieu. Nous ne les créons pas, nous les reconnaissons. C'est la même chose, d'ailleurs, pour les Conseils des communications. Evidemment, cela fait une action décentralisée, mais au sens strict, ce n'est pas une action gouvernementale. C'est une action, si vous voulez, de décentralisation d'action régionale qui est menée d'abord par des interlocuteurs privilégiés. Cela ne fait pas partie de l'appareil gouvernemental comme tel.

Il y a un cas où cela fait partie de l'appareil gouvernemental, ce sont les bureaux de l'Editeur officiel. Nous ne l'avions pas mentionné tout à l'heure.

M. Le Moignan: J'aurais une dernière question. Je pense que je vais la réserver pour demain. Je sais qu'à Radio-Québec, cela marche au ralenti dans le moment. Peut-être qu'il serait mieux de garder cela pour demain, quand on abordera le sujet.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse d'abord de ne pas avoir été ici avant. Quand je suis arrivée, le député de Mont-Royal posait des questions sur la grève des quotidiens français.

Le Président (M. Jolivet): Vous me permettez de vous interrompre. Est-ce que vous remplacez quelqu'un parce que seuls ont droit de parole les membres et les intervenants à moins qu'il y ait consentement de la part de l'assemblée?

Une Voix: Mme le député de L'Acadie n'est pas intervenante.

Le Président (M. Jolivet): Elle n'est Intervenante en aucune façon.

M. Vaillancourt (Orford): Elle peut remplacer quelqu'un?

Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je veux savoir de votre part.

M. Vaillancourt (Orford): Elle va remplacer... Le Président (M. Jolivet): M. Pagé? M. Vaillancourt (Orford): M. Pagé. Le Président (M. Jolivet): Cela va.

M. de Bellefeuille: De toute façon, il y a un consentement.

M. O'Neill: On s'ennuyait d'elle.

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, la question que je voulais poser est que j'ai vaguement compris si on pouvait revenir sur le sujet au moment de l'étude des programmes ou si on devait tenter de vider cette question, vu qu'elle avait déjà été soulevée dans les questions d'ordre général. C'est un peu une directive que je vous demande, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez poser la question, compte tenu qu'on est dans l'ordre général comme tel.

Mme Lavoie-Roux: Si on peut y revenir au moment de l'étude des programmes, je préférerais y revenir au moment de l'étude des programmes.

Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de difficulté. On peut y revenir au niveau des programmes.

Mme Lavoie-Roux: Bon, parfait.

Le Président (M. Jolivet): M. le député d'Orford avait-il des questions à poser?

M. Vaillancourt (Orford): Non.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

M. Vaillancourt (Orford): Je vais en avoir quand on va arriver programme par programme.

M. Ciaccia: M. le ministre, votre ministère a donné un appui financier à une équipe menée par le rédacteur en chef de Ici Québec, M. Jean Côté, pour lui aider à monter un plan de réalisation du projet d'une agence de presse québécoise. Est-ce que vous allez continuer d'aider ce groupe? Pouvez-vous nous donner un bilan plus détaillé du progrès fait par cette équipe? Est-ce qu'il serait possible de rendre publics les travaux de cette équipe?

M. O'Neill: M. le Président, le ministère n'a pas donné d'appui financier au groupe de M. Jean Côté. Je ne dis pas que le groupe n'aurait pas souhaité la chose, mais ce que nous avons pensé préférable c'était de confier cette étude à une firme indépendante. Le contrat a été accordé à la firme Multi-Réso, dont nous attendons incessamment le rapport, et après appel d'offres aussi. Il nous a semblé qu'il aurait été pour le moins un peu délicat de confier une étude sur un problème à un groupe de personnes qui étaient personnellement, excusez la répétition, intéressées à un projet de ce genre; nous pensions qu'il était beaucoup plus sain de confier cela à une firme indépendante et spécialisée.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, c'est à titre d'information, Multi-Réso n'a rien à faire avec M. Jean Côté?

Je vous avais posé la question en Chambre. J'avais eu l'impression que vous aviez référé le dossier à votre adjoint parlementaire, je crois, le député de Taschereau, et que vous aviez donné un certain appui. C'est ça que j'ai cru comprendre.

M. O'Neill: Un appui à qui, là?

M. Ciaccia: A M. Côté et son groupe, qui s'étaient montrés intéressés à s'avancer dans la question d'une agence de presse québécoise. J'ai cru comprendre que vous aviez donné un certain appui.

M. O'Neill: Non, M. le Président; écoutez, nous n'avons ni approuvé ni désapprouvé son initiative. C'est un projet comme beaucoup de projets qui arrivent au sein d'un ministère. Nous les avons déjà rencontrés, son groupe et lui-même; d'ailleurs, nous leur avons dit qu'il n'était pas question pour nous d'aller plus loin dans ce dossier, tant qu'on ne nous remettrait pas le rapport qui sera préparé par la firme Multi-Réso.

M. Ciaccia: Alors cet individu et son groupe sont seulement parmi d'autres qui sont intéressés par la question d'une agence de presse.

M. O'Neill: C'est cela.

M. Guay: C'est effectivement un groupe qui a élaboré un projet très sommaire d'agence de presse ou ce que pourrait être une agence de presse québécoise. Il l'a soumis au ministère des Communications. La question, de toute façon n'est pas nouvelle puisqu'il a déjà été mention dans le passé d'une agence de presse québécoise. Il y a longtemps que l'idée se promène un peu dans le décor. Ce n'est pas une initiative qui leur est exclusive non plus. Il s'agissait de savoir s'il y avait une suite à donner ou non dans l'immédiat. Il est évident que le groupe dirigé par M. Côté est un

groupe de gens de bonne volonté, mais pas nécessairement des experts en la matière qui pouvaient fournir les tenants et les aboutissants financiers techniques d'une telle question par appel d'offres. La question a été référée à la société Multi-Réso qui fait son étude, actuellement.

M. Ciaccia: Quand doivent-ils rendre leur étude, donner leurs résultats?

M. O'Neill: Moi j'ai fait demander qu'on nous fournisse tout au moins un rapport préliminaire en avril. Ils voulaient avoir un temps disponible — je les comprends — mais je pensais que ce n'était pas être trop exigeant que d'avoir au moins un rapport préliminaire le plus tôt possible.

M. Ciaccia: Avez-vous l'intention de le rendre public quand il vous sera remis?

M. O'Neill: C'est une chose qui est possible. Ce qui arrive parfois dans ces rapports, surtout quand ce sont des rapports préliminaires, jugés parfois à cause du contenu ou de certaines lacunes, il peut être préférable d'attendre le rapport définitif.

C'est ce qui s'est produit justement au sujet du rapport sur la concentration de la presse. Nous avions eu une première version, une sorte de version préliminaire que nous n'avons pas rendue publique parce que nous trouvions que c'était nettement préférable d'attendre la version finale.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Ciaccia: Une autre question sur le rapport de la concentration de la presse. Je remarque que dans un des chapitres intitulé Survol historique de la presse québécoise du début du XIX siècle à nos jours, ou presque, on parle de la presse québécoise et on ne mentionne que des journaux de langue française dans ce chapitre. Je crois que dans la presse québécoise on en compte d'autres. Par exemple, The Gazette existe depuis à peu près 200 ans. Je crois bien qu'elle se considère comme faisant partie de la presse québécoise.

M. Guay: Cela a même commencé en français.

M. Ciaccia: Exactement. Le député de Taschereau a souligné que cela a commencé en français. Est-ce qu'il y a une explication? Je sais que ce n'est pas le ministre qui a fait l'étude, mais a-t-il quelque explication à cela?

M. O'Neill: Je dirais qu'il s'agit là d'une des imperfections qu'on peut déceler dans ce rapport.

Mme Lavoie-Roux: Oui, "une des"...

M. Ciaccia: Peut-être que c'était inspiré de la définition de "Québécois" par le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Guay: On peut penser que c'est plus pro- bable, puisqu'il s'agissait de la concentration de la presse, que c'est un phénomène qui touche la presse anglophone québécoise parce que les deux journaux appartiennent l'un à Southern et l'autre à Freepress, mais c'est une concentration qui est à l'échelle du Canada et qui présente des caractéristiques par le fait même différentes de la concentration de la presse francophone. C'est probablement pour cela.

M. Ciaccia: Oui, mais le titre du chapitre, c'est le survol de la presse québécoise strictement, indépendamment de la question de la concentration. Je remarque aussi, M. le ministre — je ne sais pas si c'est seulement pour ma copie ou si toutes les copies sont comme cela — que le livre des crédits que vous nous avez soumis aujourd'hui ne comprend pas le programme 9. Est-ce seulement dans ma copie?

M. O'Neill: C'est?

M. Ciaccia: Le programme 9 touche Radio-Québec.

M. Le Moignan: II n'est pas dans ma copie non plus.

M. O'Neill: Le programme 9 est celui de l'Office de radio-télédiffusion du Québec. L'office nous a envoyé le texte trop en retard pour pouvoir l'inclure dans ce document. De toute façon...

M. Le Moignan: Vous allez nous le donner demain, le texte?

M. O'Neill: Vous aurez plus que le texte, vous aurez le président-directeur général de Radio-Québec. Je pense que cela va vous aider.

M. Ciaccia: Mais sans texte?

M. O'Neill: Ou avec texte si c'est possible, je n'ai aucune objection, au contraire.

On me confirme qu'il y aura le texte. Comme je l'ai dit, vous aurez, avec le texte, le président-directeur général.

M. Ciaccia: Le président et le texte. M. O'Neill: Le président et le texte.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Une question sur la télévision à péage. Il me semble que votre proposition sur l'introduction de la télévision à péage est très près de la position du CRTC. Si je me trompe, vous pourrez me corriger. En effet, vous pensez qu'en ce moment il est trop tôt pour introduire un tel système au Québec; cependant, comme votre homologue le ministre des Communications fédéral, vous voulez être prêt pour l'introduire lorsque les conditions seront favorables. Il y a quelque chose que je ne comprends pas

dans le dossier, c'est qu'est-ce qu'on attend exactement. En d'autres termes, prévoyez-vous des changements dans les conditions sociales et économiques qui justifieront de permettre l'introduction de la télévision à péage ou est-ce que, selon vous, ce serait toujours non souhaitable?

On dit que la position du CRTC ce n'est pas le temps de l'étudier. Après cela qu'on va étudier cela quand les conditions le justifieront. Pourriez-vous vous expliquer là-dessus?

M. O'Neill: D'abord, je trouve extrêmement intéressant ce rapprochement que M. le député de Mont-Royal fait entre la position exprimée dans le document de travail que nous avons rendu public au mois d'août sur la télévision à péage ou la télévision payante et celle qu'on retrouve dans le rapport du CRTC. Nous avons eu le sentiment, en lisant le rapport du CRTC, que peut-être ces messieurs s'étaient inspirés en partie de notre rapport, du moins pour le mécanisme de fonctionnement de la télévision payante, surtout pour ce qui est de cette centrale de coordination des réseaux de télévision payante.

La deuxième chose dans ce rapport du CRTC — c'est d'ailleurs là que cela a posé le problème — c'est que, d'une part, on dit que ce n'est pas souhaitable dans le moment pour différentes raisons. On estime d'ailleurs — j'ai vu cela par mes contacts avec les milieux anglo-canadiens — que c'est encore moins souhaitable ailleurs qu'ici qour des raisons culturelles évidentes, mais en même temps on ouvre la porte par des expériences pilotes. D'autre part, nous savons que le ministre fédéral des Communications semble fermement résolu à introduire la télévision payante. A ce moment-là nous sommes dans une position assez difficile parce que, théoriquement, nous estimons que, tout comme le dit le CRTC, il ne s'agit pas d'une initiative souhaitable dans le moment, pas parce qu'en soi cela n'aurait pas une certaine valeur, mais parce que nous croyons qu'il y a des choses qui passent avant. Je donne simplement comme exemple qu'on puisse s'occuper plus intensivement d'une meilleure accessibilité des grands réseaux de radio et de télévision. Quand on sait que, sur certaines portions du territoire québécois, les gens ne possèdent même pas ce qu'on appelle les services de base en radio et télévision. Ils en sont dans certains milieux largement privés. C'est vrai pour certains groupes anglophones isolés comme cela l'est aussi pour les groupes francophones.

Nous croyons donc que l'effort des gouvernements devrait porter de ce côté-là. Mais placés devant le fait d'un pouvoir fédéral qui a décidé d'envahir ce réseau et devant le fait que Mme Sauvé affirme carrément que, de toute façon, cela lui appartient, nous sommes, à ce moment-là, forcés tout simplement de voir nous-mêmes, selon le pouvoir que nous estimons posséder à préparer une réglementation pour la télévision payante. D'ailleurs, vous avez cela dans un des textes qui vous ont été distribués cet après-midi. Nous devons donc prévoir une réglementation. Nous sommes forcés par les événements, en un sens, à considérer d'une certaine façon comme prioritaire une chose qui ne l'est pas. C'est l'attitude du fédéral qui nous oblige à accorder à ce problème plus d'attention qu'on ne le devrait, à mon avis, dans le moment, et une attention qui sera détournée un peu d'autres problèmes. Mais vous avez, là encore, un exemple typique de cet envahissement fédéral qui vient un peu déranger notre ordre de priorités. Mais les faits étant là, nous avons la ferme intention d'occuper un terrain qui nous appartient et, donc, nous avons l'intention de soumettre bientôt au Conseil des ministres le projet de réglementation qui sera appliqué par la Régie des services publics.

Le Président (M. Jolivet): Le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je veux remercier le député de Mont-Royal qui m'a permis une petite intervention. J'ai bien connu l'époque des ponts à péage et vous aussi. Maintenant, il y a un petit point qui est assez obscur. Quand on parle de télévision à péage, ceci veut dire qu'il y aura soit un dispositif spécial, soit un câble spécial; en somme, ce ne sera pas accessible à tout le monde?

M. O'Neill: Non. Accessible à ceux qui le paient.

M. Le Moignan: A ceux qui le paient.

M. O'Neill: Avec un danger possible, remarquez, à un moment donné, que les gens peut-être, dans l'avenir, paieront pour des choses qu'ils ont gratuitement actuellement.

M. Le Moignan: Mais cela va être concentré encore dans les grandes villes. Cela ne peut pas se répandre dans toute la province, quand on pense à la télévision à péage.

M. O'Neill: A court terme, c'est très difficile d'imaginer cela, quoique, aujourd'hui, avec le développement extraordinaire des grands réseaux de télécommunications, leur assiette considérable, on peut penser que plusieurs régions pourront, à un moment donné, être rejointes. Mais, encore une fois, je vous signale qu'un des inconvénients, c'est celui que je viens de mentionner: le risque que tout à coup on rende payant ce qui ne l'était pas auparavant. C'est ce que craint la Société Radio-Canada, c'est ce que craint CTV, c'est ce que craint Télémétropole. Nos grands réseaux de télévision sont opposés à la télévision à péage. L'autre, évidemment, c'est ceci: dans un grand pays où ce qu'on appellerait la quantité de produits culturels est limitée... Là, je ne parle pas seulement du Québec; je parle des autres provinces. Je ne parle pas seulement du Québec. On sait, par exemple, que c'est au sein des réseaux français qu'on a la proportion la plus grande de produits qu'on appelle nationaux, de produits culturels faits sur place. Mais étant donné que, de toute fa-

çon, comparé à la production américaine, cela demeure une production modeste en quantité, le risque est évident qu'à un moment donné on puisse être témoin d'un phénomène de "dumping" culturel. C'est le genre d'éventualité qu'il faut regarder déjà, qu'il faut essayer de prévoir.

Evidemment, une réglementation devra essayer, précisément, de rendre le service le plus conforme possible à ce que nous estimons être les paramètres fondamentaux en matière culturelle. C'est également, d'ailleurs, la position là aussi du CRTC qui se rapproche étrangement et heureusement de la position qui a été rendue publique par un document de travail au cours du mois d'août. (21 h 20)

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si vous me permettez, c'est d'ailleurs une position que j'avais commencé à développer au moment même de la quantification, si je puis dire, des programmes américains qui entrent dans les réseaux de télévision et même dans la presse écrite. Tout cela n'est pas une attitude nouvelle, finalement, peut-être pour des raisons différentes, de la part du gouvernement d'Ottawa, parce qu'on essaie déjà de limiter, d'établir un certain pourcentage...

M. Guay: Cela dépend; quand vous parlez du gouvernement d'Ottawa, est-ce que vous vous référez au CRTC ou à Mme Sauvé?

M. O'Neill: C'est une nuance. Mais de toute façon, Mme le député de L'Acadie, ce que nous comprenons difficilement c'est cette espèce de hâte qui paraît quasiment intempestive de la part du ministre fédéral des Communications de vouloir, je dirais, pousser sur ce projet, de le faire avancer alors qu'il y a tellement de réserves d'exprimées à Ottawa même,

Mme Lavoie-Roux: Vous me surprenez. Evidemment, vous étiez à la conférence, alors il n'est pas question de mettre en doute ce que vous dites, mais j'ai entendu le ministre des Communications à la radio, par hasard, il y a quelques jours ou la semaine dernière, qui disait, justement, que ce n'était vraiment pas mûr pour la télévision à péage et qu'il n'était pas question de l'instaurer pour le moment. Je l'ai entendue elle-même, à la radio.

M. O'Neill: Mais je vous signale que...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous l'avez convertie?

M. O'Neill: Non. Je vous signale que Mme Sauvé avait, si je ne m'abuse, à ce moment-là, si je ne fais erreur, à commenter le rapport du CRTC. Je crois que c'est un rapport qui ne lui a pas plu complètement. Les mots qu'elle a employés devant nous étaient des mots comme "inévitable" et "irréversible". Quand on commence à employer ces termes, c'est qu'on a pas mal décidé à aller de l'avant.

Mme Lavoie-Roux: C'est comme la question de l'indépendance.

M. O'Neill: Dans le cas de l'indépendance, c'est peut-être beaucoup plus fondé.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce de juridiction fédérale ou provinciale, la télévision à péage?

M. O'Neill: A notre avis et selon l'avis de la Saskatchewan et de l'Ontario, c'est de juridiction ou de compétence provinciale, oui.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que cela existe actuellement dans d'autres provinces?

M. O'Neill: Des réseaux extrêmement limités...

M. Vaillancourt (Orford): Ou dans d'autres pays?

M. O'Neill: ... en circuit fermé à Toronto, si je ne m'abuse, et en Saskatchewan également. C'est l'équivalent d'une télévision en payant et en circuit fermé. D'ailleurs, vous permettez que je soulève là justement un aspect du problème...

M. Vaillancourt (Orford): J'aimerais que le ministre nous vulgarise...

M. O'Neill: ... qui va compliquer énormément la question.

M. Vaillancourt (Orford): ... un peu le système d'une télévision payante ou à péage.

M. O'Neill: Bien, écoutez, ce qu'on m'a expliqué...

M. Vaillancourt (Orford): C'est un câble qui existe actuellement dans les...

M. O'Neill: ... c'est exactement à l'intérieur du même circuit, sauf que vous payez un abonnement, soit par abonnement sur une certaine durée, ou cela peut être par programme, et puis vous avez droit à vos émissions. Alors, supposons que vous êtes un amateur fervent du football et que vous voulez en voir plusieurs émissions par semaine, j'imagine les choses comme cela, ou certains types de théâtres, ou on vous offre à un moment donné des grands spectacles de ballets ou d'orchestres symphoniques, des choses comme cela, à ce moment-là, vous serez servi en payant.

Je vous signale que, à mon avis, cela va un peu à l'encontre d'une tradition que nous avons eue jusqu'ici dans l'ensemble du Canada, qui était plutôt une tradition d'accessibilité culturelle. Je pense à tout le travail que la société Radio-Canada a fait qui était, au contraire, de vouloir rendre les oeuvres d'art accessibles à tout le monde, de mettre le produit culturel à la disposition de chacun. C'est dans cette ligne que nous étions engagés depuis plusieurs années.

M. Vaillancourt (Orford): Comment paiera-ton? Est-ce qu'on va mettre des $0.25 ou bien si c'est un abonnement au mois ou à l'année?

M. Guay: C'est comme le compte d'une compagnie de câble. C'est d'ailleurs cela, c'est une compagnie de câble, sauf qu'à chaque fois que vous voulez syntoniser un événement particulier...

M. Vaillancourt (Orford): II va y avoir un compteur?

M. Guay: C'est cela, vous êtes facturé. Il y a une autre façon de le faire mais qui est plus compliquée, je pense que ce sont des ondes brouillées avec un décodeur sur votre appareil, mais cela, jusqu'à maintenant, je pense que ce n'est pas au point encore.

M. O'Neill: C'est cela. Je ne connais pas la technique en détail mais je sais que cela fonctionne.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Vaillancourt (Orford): II y en a qui nous posent des questions et on ne sait pas exactement quoi répondre. Là, disons que vous m'éclairez un peu.

M. Guay: Pour vous donner un exemple concret, au lieu d'aller voir le combat de boxe de Mohammed Ali au Forum, sur écran géant, vous pourriez le recevoir dans votre téléviseur moyennant paiement de je ne sais trop combien de dollars.

M. Vaillancourt (Orford): Je crois que...

M. O'Neill: M. le député, je crois qu'aux Etats-Unis c'est rendu approximativement à seize millions de foyers rejoints par la télévision payante. Il me semble que c'est le chiffre que j'ai vu récemment.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que cela vient par câble?

M. O'Neill: Oui.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'ai une autre question sur ce même sujet. Est-ce que c'est vrai que les produits culturels sont limités? On a déjà certains problèmes dans les réseaux anglophones venant des Etats-Unis. C'est un problème encore plus aigu. Pour cette raison, je crois que la position du CRTC semble assez raisonnable. Selon votre position, est-ce que les produits culturels seront toujours limités pour l'année prochaine et aussi pour un avenir rapproché? Est-ce que votre raisonnement est basé sur la question des produits culturels limités ou si vous voulez que ce soit le Québec qui réglemente et qu'à ce moment, si vous pouvez réglementer la télévision à péage, vous n'auriez pas d'objection que ce soit mis en vigueur pourvu que ce soit clairement établi que la réglementation viendrait du Québec plutôt que d'Ottawa?

M. O'Neill: M. le Président, notre position est très simple. Ce n'est pas notre choix. Nous n'estimons pas que ce soit prioritaire. Nous ne ferons rien pour qu'elle soit introduite, du moins dans l'immédiat, mais, si le phénomène devenait inévitable, nous estimons que cela relève de chacun des gouvernements provinciaux d'établir la réglementation requise. C'est tout simplement cela notre position. Si, en fait, ce problème a été discuté à Charlottetown, ce n'est pas parce que les gens ressentaient cela comme une priorité. Il y a des ministres des Communications qui ont avoué très simplement qu'ils ne savaient même pas de quoi il s'agissait et que, dans leur coin, les gens ne parlaient jamais de cela. Si Ottawa nous force à considérer la chose comme inévitable, nous allons intervenir.

M. Vaillancourt (Orford): Advenant que nous ayons la télévision à péage, cela ne nous enlèvera pas les postes que nous avons actuellement, lesquels viennent par les airs. Ce seront des postes additionnels?

M. O'Neill: Le problème qui a été soulevé par les grands réseaux de radio et de télévision, ce n'est pas celui-là. C'est celui-ci. Ce qu'ils ont dit, c'est que le danger existe qu'à un moment donné les vendeurs de produits pour la télévision à péage, par exemple, financent à un coût un peu plus élevé un certain nombre de types d'émissions. Pensez à un téléthéâtre, à des téléromans très populaires. A ce moment, ayant le droit de propriété, ils les réserveraient pour des canaux de télévision payante. A ce moment, vous auriez des gens qui, jusqu'ici, avaient la chance de voir cela gratuitement avec leur appareil et, s'ils tiennent encore à le voir, ils seraient obligés de payer. C'est un des risques qui ont été mentionnés par ceux qui ont suivi ce dossier de très près et qui sont, évidemment, directement concernés parce qu'ils estiment que cela peut eux-mêmes les toucher.

M. Le Moignan: M. le ministre, vous dites que la télévision à péage pourrait être de compétence provinciale. Si on pousse ce même raisonnement, cela devient une entreprise privée qui nous produirait cela. C'est de la consommation individuelle. Si on prend le même raisonnement que vous faites là, vous le poussez dans tout le reste des communications.

M. O'Neill: Pour ce qui est de la télévision payante, je pourrais, entre autres, signaler deux choses. Premièrement, il n'existe aucun jugement de la Cour suprême...

M. Le Moignan: Cela prend un jugement pour dicter votre conduite?

M. O'Neill: ... de toute façon qui ait été rendu et ait pris position sur la télévision payante. Deuxièmement, je vous signale que, pour une partie de la télévision payante, il s'agit de quelque chose qui peut fonctionner en circuit fermé ou avec l'équivalence du circuit fermé. A ce moment, je crois que personne ne met en doute que ce soit de compétence provinciale, parce que cela devient intraterritorial, si vous le voulez. Au moment où votre point d'émission et votre point de réception sont situés, les deux, à l'intérieur des mêmes frontières, il est évident que vous avez affaire à un phénomène de compétence provinciale.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Vaillancourt (Orford): Ce qui veut dire que ce sera des permis qui seront accordés...

M. O'Neill: J'ajoute ceci. Etant donné que Mme Sauvé est un fervent partisan de l'unicité des juridictions dans le même domaine pour la protection du public, pour qu'il n'y ait pas de trop grands troubles pour les entreprises qui auraient affaire à deux organismes de réglementation, étant donné qu'au moins pour une partie de la télévision payante et on peut dire, à mon avis, pour l'ensemble, mais de façon évidente pour tout le monde, c'est nettement de compétence provinciale, la logique veut, à ce moment-là, qu'elle se retire élégamment de ce secteur.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Laberge: M. le Président, ma question sur la télévision à péage vient à la suite d'une allusion qu'a faite le ministre concernant le financement de la télévision ordinaire par l'intermédiaire des commanditaires. C'est une question qui est tout à fait incidente. Je croyais que la télévision à péage était sans commandite. Est-ce le cas? Oui ou non? C'est-à-dire que ce serait une télévision avec commanditaires même s'il y a un paiement additionnel fait par le consommateur.

M. O'Neill: II n'y a aucun règlement de fait à ce moment-là. De toute façon, c'est tout le programme que vous payez.

M. Laberge: C'est tout cela qui n'a pas sa raison d'être.

M. O'Neill: Vous payez cela comme vous payez quand vous allez au cinéma, de la même façon.

M. Guay: Quant aux règlements qui seraient faits à supposer que cela existe, il n'est pas inconcevable qu'un événement sur la télévision à péage soit commandité, ce qui en diminuerait le coût, et compte tenu de l'auditoire qu'il peut y avoir pour un commanditaire intéressé à atteindre cet auditoire, si les règlements permettent la commandite, par exemple, les règlements québécois sur la câ-blodistribution, quand ils étaient constitutionnels ou avant qu'ils soient inconstitutionnels, permettaient la publicité locale aux câblodistributeurs. Or, le CRTC ne l'avait jamais permise. C'est une question d'optique tout simplement.

M. Vaillancourt (Orford): Je pense que cela va être un taux mensuel, par exemple. Cela existe déjà aux Etats-Unis. Certains endroits l'ont. Je connais un endroit dans la région du New Jersey où on a la télévision à péage, et c'est à un taux mensuel. Les gens paient tant par mois, et je pense qu'ils ont une quarantaine de postes en plus des postes qui viennent par les ondes normales.

M. Guay: Cela, M. le député d'Orford, c'est le système de câblodistribution qui existe sur la rive sud de Montréal, Vidéotron, qui a 32 canaux...

M. Vaillancourt (Orford): C'est un peu semblable.

M. Guay: ... pour lesquels vous payez le compte mensuel qu'on paie à un câblodistribu-teur, ce qui n'empêche pas de capter les postes par ondes hertziennes ou de façon normale avec les oreilles de lapin.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne me sens pas plus versée, peut-être moins que mes collègues, sur cette question, mais parmi les deux écueils qui semblent évidents, il y en a un qui touche le dosage d'émissions évidemment, en langue anglaise — et ma question n'est pas piégée du tout — qui pourraient venir inonder éventuellement les foyers québécois, particulièrement peut-être davantage dans le film qu'ailleurs, comme c'est d'ailleurs déjà un peu le cas. Et l'autre problème, l'autre écueil, n'est-ce pas la situation de concurrence très grande que cela pourrait soulever pour des stations de télévision qui existent présentement et qui ne pourraient plus, à ce moment-là, produire en fonction, par exemple, d'un contenu plus approprié au milieu? Sont-ce là les deux grands écueils, ou y en a-t-il d'autres? Evidemment, la question de réglementation peut, jusqu'à un certain point, peut-être régler ces problèmes, mais la réglementation, elle peut quand même aller seulement jusqu'à un certain point; sinon, on est aussi bien de la refuser complètement.

M. O'Neill: II y a aussi ce que j'ai mentionné tout à l'heure, le risque à moins d'une bonne réglementation efficace, et encore, que les gens aient à payer pour des choses qui jusqu'ici...

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous enlevez l'accès...

M. O'Neill: C'est cela, pour des choses qui étaient gratuites.

Mme Lavoie-Roux: Si la production des postes ordinaires diminue, à ce moment-là, c'est le public qui pourrait être pénalisé s'il doit payer des frais supplémentaires.

M. Guay: Sur la télévision...

M. de Bellefeuille: Le ministre a employé le langage prudent qui convient, M. le Président, en disant que la télévision payante n'est pas perçue par le gouvernement comme prioritaire. Dans un langage peut-être plus direct, je voudrais dire que, quant à moi, cela ne me paraît pas indiqué dans l'avenir prévisible de se lancer dans la télévision payante, d'abord parce que je pense que nous avons fait, tous ensemble, l'expérience d'une télévision où la diversité des choix, la diversité des émissions disponibles a augmenté sans que la qualité ou l'intérêt augmentent. On peut s'interroger sur les effets sociaux de cette télévision très envahissante; aussi parce que, comme le ministre l'a souligné, c'est une opération commerciale. Bien que le commerce soit une des bases de notre société, lorsqu'il s'agit d'un domaine qui est essentiellement culturel, on peut s'interroger sur certains effets que la commercialisation peut avoir.

On constate, par exemple, à la télévision telle qu'elle existe, une très nette tendance à la commercialisation. Je suis assez convaincu qu'on en arriverait à une meilleure télévision si nous tendions plutôt à la décommercialiser, comme l'ORTQ le fait, plutôt qu'à accentuer toute forme de commercialisation. A mon sens, il me semble qu'il faudrait chercher plutôt à faire en sorte que la télévision soit décommercialisée; à encourager le développement des formes plus éducatives de télévision; accentuer le rôle d'information de la télévision et accentuer aussi le développement de la télévision communautaire. Je pense que cela cadre avec les objectifs que le ministère des Communications s'est fixés du côté des media communautaires d'augmenter l'effort mis de ce côté.

Je pense que c'est dans ces directions qu'il faudrait plutôt s'orienter et éviter, pour le moment, de se lancer dans la télévision payante dont on n'a pas du tout fait la preuve qu'elle apporterait à la population un service indispensable, étant donné que la plupart des choses que la télévision payante pourrait offrir sont des choses que les diffuseurs pourraient, selon les moyens actuels, de toute façon rendre disponibles à l'intérieur d'une programmation équilibrée. Merci.

M. O'Neill: M. le Président, simplement pour dire que je suis bien d'accord avec M. le député des Deux-Montagnes. Mais, tout simplement, c'est que nous sommes placés devant une situation de fait, c'est-à-dire que, si on veut nous l'imposer, si elle doit fonctionner à un moment donné chez nous, à ce moment, elle devra fonctionner dans les cadres d'une réglementation québécoise.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, le ministre nous a bien dit tantôt que, le ministre des Communications fédéral, Mme Sauvé, croyait à l'unicité du domaine des communications. Pouvez-vous nous faire le bilan de vos discussions avec Mme Sauvé sur la question de la câblovision? Je crois, si je me rappelle bien, qu'elle semblait avoir indiqué qu'elle était prête à discuter ou à négocier ce domaine afin que les pouvoirs soient délégués au Québec. Peut-être que vous pouvez nous faire le bilan de ces discussions. Est-ce que cela veut dire aussi que le Québec ne s'opposerait pas au projet de loi C-24 qui, je crois, serait nécessaire au gouvernement fédéral pour permettre au ministre des Communications fédéral de déléguer ses pouvoirs?

Je crois que ce projet de loi remplace un projet de loi auquel vous vous êtes opposé l'année dernière et je crois qu'à la conférence de Charlottetown vous avez indiqué que cela avait rejeté unanimement par les membres de la commission. C'est vrai que vous avez dit, "les membres présents ", mais sans avoir indiqué que l'Opposition officielle n'était pas présente. Alors, ce n'était pas tout à fait unanime. Il y avait d'autres raisons; il y avait des questions de procédure. Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires? (21 h 40)

M. O'Neill: Ce que Mme Sauvé nous a dit, c'est ceci — et là je me réfère non seulement à la rencontre de Charlottetown mais aussi à une rencontre antérieure que nous avons eue avec elle à Ottawa, car il nous arrive d'aller à Ottawa — aucune délégation possible, premièrement, avant l'adoption de la loi C-24. Deuxièmement, elle nous a dit qu'elle n'avait aucun mandat pour discuter de quelque forme de négociation que ce soit dans des secteurs autres que câblodistribution. Quant à la câblodistribution, elle nous a dit qu'elle envisageait la possibilité de déléguer les trois éléments suivants, c'est-à-dire l'octroi des permis, la délimitation des territoires et les tarifs, qu'elle n'envisageait pas de délégation au sujet de la programmation ou concernant les normes publicitaires. En fait, ce qu'elle envisageait dans ce cas, c'était une sorte de tutelle ou de surveillance. Elle estimait qu'elle devait avoir le dernier mot quand il s'agissait de programmation, entre autres, et de la publicité.

Ce que nous avons maintenu et dit c'est ceci: Evidemment, si la seule façon d'obtenir quelque chose c'est la loi C-24 qui contiendra cet article 7 qui parle de délégation, cela nous intéresse. Mais ce qui nous intéresse beaucoup plus que cela, c'est évidemment la formule Saint-Laurent. Donc l'équivalent en communication de la loi fédérale M-14. Nous avons même souligné qu'il pourrait très bien y avoir une loi C-24 enrichie de la formule Saint-Laurent. Dans ce cas, remarquez, c'est évidemment beaucoup plus intéressant pour nous; il s'agit là, si vous voulez, d'une sorte de transmutation de pouvoir, d'un pouvoir fédéral à un orga-

nisme provincial, l'équivalent de ce que nous connaissons actuellement dans le domaine des transports. Cela est pour nous, évidemment, la formule que nous privilégions. Mais, encore une fois, si tout ce qu'on peut avoir c'est la loi C-24, nous aurons la loi C-24. Quand le territoire est occupé, on s'en tire de son mieux avec l'occupant.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Ciaccia: Une question d'ordre général. Sur la question de Radio-Québec, est-ce que — c'est le programme 9 — l'on pourrait poser certaines questions?

Le Président (M. Jolivet): Sur le programme 9, j'avais une proposition à vous faire. S'il pouvait y avoir un consentement possible sur la question, étant donné que le président et directeur général devrait être ici demain à dix heures, est-ce qu'il est possible que le programme 9 soit étudié demain matin, à dix heures?

M. Ciaccia: Quant à nous, oui.

M. Le Moignan: On commencerait au programme 9...

Le Président (M. Jolivet): On commencerait au programme 9 et, après, on reviendrait au suivant, de 1 en montant.

M. Ciaccia: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Donc, actuellement il nous reste quinze minutes pour pouvoir regarder les programmes en commençant par... Oui.

M. Guay: Juste une dernière remarque, pour revenir à la question des conflits de travail dans les quotidiens et l'hypothèse évoquée à maintes reprises et encore évoquée tantôt par le député de Mont-Royal: la convocation de la commission parlementaire. Bien que je ne sois pas opposé à le vider en soi, je veux simplement souligner le danger qu'il pourrait y avoir à ce moment-ci de convoquer une commission parlementaire sur ce sujet. D'abord parce que, outre le fait qu'il y avait eu des médiateurs nommés dans le conflit du Soleil et qu'il y en aura probablement dans le cas du conflit de la Presse et du Montréal-Matin, et il faut laisser aux médiateurs le soin de faire leur travail, le problème c'est que si la commission parlementaire est convoquée, il me paraît évident que pendant qu'elle siégera et jusqu'à ce qu'elle soumette un rapport, il n'y aura pas de négociations véritables dans les deux ou trois conflits, selon l'interprétation qu'on en a. Disons dans les deux conflits.

Cela veut dire que toute négociation ne reprendrait qu'après que la commission aurait siégé et aurait remis un rapport, si tant est qu'elle aurait remis un rapport. Compte tenu que nous sommes au mois d'avril, cela risque de nous reporter, dans la meilleure des hypothèses, au mois de mai.

Or, je crains que la convocation de la commission parlementaire, plutôt que d'accélérer le règlement des conflits en cause, risque de le retarder, de fait jusqu'à l'automne. Vous savez aussi bien que moi que, si un propriétaire de journal peut s'abstenir de publier pendant l'été à cause d'une grève ou d'autres choses, il va le faire avec joie et allégresse puisque les quotidiens perdent de l'argent pendant l'été, quels qu'ils soient. Donc, il n'y a pas d'intérêts ou d'avantages pécuniaires pour les propriétaires des journaux de publier pendant l'été, si bien que, si la grève n'est pas réglée avant la fin du mois de mai ou quelque part autour de là, il est fort à craindre qu'elle ne sera pas réglée par des procédures normales avant l'automne.

Donc, est-ce que la convocation d'une commission parlementaire, dans un contexte comme celui-là, à ce moment-ci de l'année, ne risquerait pas de retarder le règlement des conflits plutôt que d'en accélérer le règlement comme on souhaite le faire? Outre le fait qu'une commission parlementaire est un mécanisme un peu lourd pour tenter de régler des conflits de travail.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ... si le conflit n'avait pas duré depuis le mois d'août, je pourrais peut-être être d'accord avec les propos du député de Taschereau. Mais quand on nous dit, comme on l'a aujourd'hui fait en Chambre, qu'après un si long temps, depuis le mois d'août, on est encore à 147 points sur lesquels on ne s'est pas entendu, je me dis que ce n'est pas la question d'empêcher les négociations, elles ne peuvent pas être pires. Si on craint que les propriétaires ne publient pas, qu'ils vont trouver quelque excuse, c'est exactement une des fonctions de la commission parlementaire d'en informer l'opinion publique. J'ai beaucoup de respect pour l'opinion publique. C'est un des moyens de présenter à la population des données qui pourraient obliger l'une ou l'autre des parties, si elles ne sont pas raisonnables, à se conformer car elles risqueraient d'aller à l'encontre de l'opinion publique avec des répercussions possibles pour l'un ou l'autre côté.

Quant au médiateur, je crois que ce n'est pas la première fois qu'il y a un médiateur.

M. Guay: Dans celui-là, oui.

M. Ciaccia: Dans celui du Soleil?

M. Guay: Les deux. Il y a eu des conciliateurs jusqu'à maintenant.

M. Ciaccia: Je crois qu'au Soleil il y avait des médiateurs.

M. Guay: II y a eu deux conciliateurs de nommés successivement. Il ne faut pas oublier que les conciliateurs ne se sont mis à fonctionner qu'à

partir du moment où les parties ont bien voulu qu'ils le fassent, c'est-à-dire bien après le déclenchement de la grève; dans le cas du Soleil, je pense que cela date du mois de novembre, le moment où les conciliateurs ont pu se mettre à fonctionner, si bien que les conciliateurs ont fait ce qu'ils ont pu. Ils ont effectivement réussi à rapprocher les parties. Dans le cas de la Presse et de Montréal-Matin, cela semble aller mieux qu'au Soleil, en tout cas.

Alors, est-ce que la convocation d'une commission parlementaire à ce moment-là ne risque pas de compromettre un règlement possible et prochain à la Presse et au Montréal-Matin et est-ce que d'autre part une commission pourra régler 147 points en litige au Soleil? Je pense qu'un médiateur est peut-être mieux placé pour l'instant.

M. Ciaccia: En rendant cela public on pourra voir s'il y a quelqu'un qui est vraiment raisonnable ou non. Je ne veux pas me répéter, mais si cela n'avait pas duré aussi longtemps je pourrais peut-être être d'accord, mais après tant...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je suis convaincu que mon collègue de Taschereau me permettra d'être en désaccord avec ses dernières prises de position. Quant à moi, je juge que, effectivement, dans certains conflits, la convocation d'une commission parlementaire a, dans le passé, accéléré la négociation, a forcé cette négociation parce qu'elle a amené les parties à expliquer publiquement les secrets de leurs dossiers. C'est cela qui aboutit finalement en commission parlementaire: on prend conscience des impératifs de chacune des parties, de ce que chacune des parties a encore dans son sac, ce que souvent les parties ne dévoilent pas à un médiateur. La convocation d'une commission parlementaire s'est effectivement révélée efficace dans le passé et peut l'être encore actuellement dans certains cas. Je me pose seulement des questions quant au conflit du Soleil, de la Presse et de Montréal-Matin. On parle de la convocation d'une commission parlementaire, je doute cependant que ce soit à la bonne commission parlementaire qu'on discute la chose. Il me semble que, comme c'est un conflit de travail, ce serait plutôt à la commission parlementaire du travail de faire cette discussion. Il y a un médiateur de nommé dans le conflit du Soleil. Lorsque la commission du travail étudiera les crédits, je suppose bien qu'à ce moment-là on pourra avoir une vue plus complète du dossier et qu'on pourra discuter plus avant de la convocation d'une commission parlementaire qui, à mon sens, devrait être celle du travail. Sauf que ce que je voulais préciser c'est que je juge encore utile la convocation de commissions parlementaires pour amener un règlement dans des conflits qui prennent une certaine envergure, et là je me réfère, entre autres, au conflit de la United Aircraft qui a abouti à un règlement à la suite de la convocation d'une commission parlementaire.

M. O'Neill: Je voudrais simplement souligner, une fois de plus, M. le Président, que cette procédure lente, ces longueurs montrent jusqu'à quel point ce gouvernement ne veut intervenir qu'avec énormément de prudence et de délicatesse lorsqu'il s'agit d'information et de liberté de presse. Je pense que cela peut créer de la sérénité chez notre collègue, le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Cela m'inquiète, mais j'y reviendrai.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je n'avais pas l'intention de parler de ce conflit ce soir, mais puisque le sujet a été ramené sur la table par le député de Taschereau, je pense — et je le pense sincèrement — que le gouvernement, jusqu'à maintenant, n'a pas pris ses responsabilités, qu'il a trouvé toutes sortes d'excuses pour retarder le dénouement de ce conflit. Vous vous souviendrez qu'au mois de décembre j'avais demandé si on ne pourrait pas envisager de nommer un médiateur et le ministre du Travail a répondu: II y a des conciliateurs, ils ne s'en servent pas, alors ce n'est pas notre intention de suivre les mécanismes réguliers. D'ailleurs, à ce moment-là, j'ai senti — je peux me tromper là-dessus — un certain malaise chez le ministre des Communications par rapport à l'attitude du ministre du Travail, attitude à laquelle il devait se soumettre, c'était fort évident.

Je pense qu'il le fait encore aujourd'hui quand on parle d'une commission parlementaire devant un conflit qui ne trouve pas de solution et qui prive le public — et d'autres l'ont dit avant moi — de l'information à laquelle il aurait droit. Peut-être qu'à ce moment-là cela permettra au gouvernement de taper moins fort sur la presse anglaise. Ce serait déjà un progrès, on ne serait plus obligé de parler de la force brutale des journaux anglophones, mais ceci est une parenthèse.

Les explications qu'on me fournit ici, de la part de l'adjoint parlementaire aux Communications, je pense que c'est simplement la continuation de cette attitude de désintéressement, peut-être pas de désintéressement, mais de non-intervention qui est faite dans un but qu'il est difficile d'évaluer. A ce moment-là, on est dans le domaine des hypothèses. Tout ce que je peux dire, c'est que le gouvernement à l'égard de ces conflits n'a pas pris et ne prend pas ses responsabilités véritables.

On pourra me dire qu'on traite cela avec délicatesse, avec prudence, etc. Ce qu'il aurait fallu, c'est ce qui est arrivé au conflit de Jérôme-LeRoyer. Je pense que vous êtes venu avec moi, si je ne m'abuse. Là aussi, on respectait les mécanismes des relations de travail prévus par la loi, etc. Mais, quand quatre députés, dont un ministre pé-quiste, se sont retrouvés devant une assemblée monstre de parents qui leur ont dit: On en a assez et qui ont donné un ultimatum dont l'échéance était prévue pour quelques jours plus tard, le conflit s'est réglé.

Le seul problème ici, c'est qu'on n'a pas eu les mêmes esclandres tant de la part du public que de la part des travailleurs qui étaient impliqués dans ce conflit. Je peux tout simplement supporter la proposition — d'ailleurs, on l'avait déjà faite à plusieurs reprises l'automne dernier — de convoquer une commission parlementaire. Doit-elle relever du ministère du Travail ou du ministère des Communications? Je pense que cela mérite d'être examiné certainement mais, une fois de plus, le gouvernement ne prend pas ses responsabilités. Cela fait maintenant huit mois dans le cas du Soleil et cela va faire six mois dans le cas des autres quotidiens que la grève se poursuit et il n'y a plus vraiment d'excuses à l'inaction du gouvernement. Je pense que le public se souviendra peut-être qu'il conserve des mains propres, propres, propres, mais qu'il ne se passe pas grand-chose, non plus.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Guay: Permettez-moi, M. le Président, de m'inscrire en faux contre les propos que vient de tenir le député de L'Acadie, propos que je trouve singulièrement partisans et dénués de tout fondement.

Mme Lavoie-Roux: Je ne vois pas de quelle façon ils sont pour vous partisans de la réalité.

M. Guay: Je m'excuse, mais je dirais même qu'ils frisent la démagogie. Le gouvernement n'a pas refusé de prendre ses responsabilités dans ce dossier. Seulement il faut bien s'apercevoir que c'est facile de dire que le gouvernement ne prend pas ses responsabilités. Alors, qu'est-ce qu'on aurait dû faire? Nommer un médiateur? Il y en a qui viennent d'être nommés. Avant cela il y a eu des conciliateurs de nommés. Quand les partis n'utilisent pas les services des conciliateurs, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? Passer une loi spéciale pour forcer le retour au travail? On aurait l'air intelligent et vous aussi, à l'Assemblée nationale, de forcer des journalistes à retourner au travail. Dans un conflit comme celui-là qui est extrêmement délicat, c'est un conflit de travail classique bien sûr, mais nourri d'une dimension très particulière du fait que ce sont des entreprises de presse qui touchent à une corde extrêmement sensible dans une société démocratique. A partir de là, on ne doit pas traiter à la légère ces conflits et dire: Le gouvernement devrait faire ci, le gouvernement devrait intervenir...

Mme Lavoie-Roux: C'est presque le temps, M. le député.

M. Guay: ... après huit mois ou pas après huit mois. Qu'est-ce que vous voulez, si, au bout de huit mois, avec les efforts des conciliateurs, il reste 147 conflits de clauses en litige au Soleil, cela vous indique la nature profondément antagoniste de ce conflit.

Mme Lavoie-Roux: C'est quelque chose qui devrait être éclairé. Ce serait l'objet d'une commission parlementaire.

M. Guay: Cela indique la nature... Je ne vous ai pas interrompue quand vous avez parlé?

Mme Lavoie-Roux: Non, vous avez raison.

M. Guay: Cela indique la nature profondément antagoniste de ce conflit. Ce n'est pas une chose dans laquelle une commission parlementaire peut intervenir impunément, à mon avis. Je ne dis pas que je suis contre la commission parlementaire. Je veux bien corriger l'impression que j'ai pu laisser auprès de mon estimé collègue, le député de Sainte-Marie, mais je m'interroge quant à l'à-propos. Une commission parlementaire, donc l'Assemblée nationale puisqu'une commission parlementaire est le prolongement de l'Assemblée nationale, quand l'Assemblée nationale, quand le Parlement intervient dans une question comme celle-là, d'une façon ou d'une autre, par une commission parlementaire, et si le conflit n'est pas plus réglé au lendemain ou au surlendemain, c'est toute la crédibilité non pas du gouvernement, non pas des partis politiques, mais du Parlement lui-même, de l'institution qui est en cause.

Mme Lavoie-Roux: Alors ne provoquez plus la commission parlementaire.

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, à l'ordre!

M. Guay: Non. Il y a beaucoup de commissions parlementaires qui sont convoquées et qui contribuent considérablement à l'évolution des choses. Je dis que dans un domaine aussi délicat, aussi important pour la société, c'est un outil qu'il faut utiliser avec circonspection. Je n'ai pas dit que j'étais contre. J'ai dit que je m'interrogeais parce que je vois la possibilité que l'utilisation d'un tel instrument puisse avoir des effets plus négatifs que positifs. Maintenant, je dis que c'est à soupeser, c'est à évaluer. Je n'ai pas dit que j'étais contre; je voulais simplement contribuer au débat en soulignant certains désavantages possibles de l'utilisation d'une commission parlementaire, alors que Mme le député de L'Acadie semble n'y voir que des avantages qui lui permettent d'autant plus de faire de la critique facile et injustifiée, d'ailleurs, à l'endroit du gouvernement.

M. Ciaccia: Vous allez être pour après le 15 avril, je crois.

Le Président (M. Jolivet): Merci, messieurs les députés. Compte tenu qu'il est 22 heures, je dois mettre fin à la commission parlementaire des communications pour ce soir et ajourner à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 heures)

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