Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Etude des crédits du ministère des
Communications
(Quinze heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des communications est réunie dans le but
d'étudier les crédits budgétaires du ministère des
Communications. Sont membres de cette commission: M. Beauséjour
(Iberville) remplacé par M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bertrand
(Vanier), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Godin (Mercier) remplacé par M.
Richard Guay (Taschereau), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan
(Gaspé), M. Michaud (Laprairie). M. O'Neill (Chauveau), M. Vaillancourt
(Orford).
Je voudrais que, parmi vos membres, vous présentiez un rapporteur
de la commission. Faites une suggestion.
M. Michaud: Je propose M. Laberge.
Le Président (M. Jolivet): Adopté. M. le ministre,
programme 1. Vous avez la parole.
Remarques préliminaires M. Louis
O'Neill
M. O'Neill: M. le Président, je m'excuse d'abord
auprès des membres de cette commission de leur avoir fait parvenir un
peu à la toute dernière minute le dossier sur l'étude des
crédits. La raison est simple, c'est que par suite de plusieurs
circonstances, particulièrement le temps qui a été requis
pour la préparation de la rencontre de Charlottetown et aussi la
rencontre elle-même, et aussi parce que nous sommes les premiers en fait
à siéger en commission, il n'a pas été possible de
vous faire parvenir ce texte plus tôt.
Mon intention est la suivante cet après-midi, c'est de souligner
devant les membres de cette commission un certain nombre de passages du
document que vous avez entre les mains, c'est-à-dire les passages qui
peuvent le mieux illustrer à la fois les politiques du ministère,
certaines orientations budgétaires nouvelles, et je dirais certaines
préoccupations qui nous semblent majeures dans le domaine des
communications. Par conséquent, je ne vous imposerai pas une lecture
onéreuse de l'ensemble du document mais, encore une fois, je vais m'en
tenir à souligner un certain nombre de passages.
Dans le document qui vous a été remis, vous remarquerez au
début, donc en introduction, un certain nombre de renseignements. Est-ce
que vous avez ce document?
M. Vaillancourt (Orford): Le document dont parle le ministre, je
n'en ai pas reçu copie.
M. O'Neill: On m'assure qu'il a été livré
à vos bureaux hier après-midi.
M. Guay: M. le Président, le député de
Gaspé l'a entre les mains.
M. Vaillancourt (Orford): Je ne suis pas allé à mon
bureau encore, je m'excuse.
M. O'Neill: La version finale, je l'ai eue en même temps
que les gens de l'Opposition. Donc, je vous prierais de noter dans
l'introduction un certain nombre de données qui nous aident à
mieux saisir les fonctions premières du ministère des
Communications. Elles sont ici regroupées sous trois titres.
Premièrement, la fonction de surveillance quant à
l'établissement et au développement des réseaux de
communications dans les limites du territoire québécois, que ces
réseaux soient propriété privée ou
propriété publique. Deuxièmement, ce ministère a la
responsabilité d'offrir aux ministères et aux organismes
gouvernementaux des services de soutien tant en ce qui concerne les services
d'informatique et leurs communications internes qu'en ce qui a trait aux
communications avec leurs clientèles respectives et avec la population
en général. Troisièmement, il est responsable du
développement et de la promotion de l'industrie québécoise
du cinéma.
Vous remarquerez que les programmes qui sont présentés
dans le livre des crédits de 1978/79 sont de deux ordres. Il y a,
premièrement, les programmes administrés par le ministère
lui-même qui, au plan administratif, sont placés sous
l'autorité du sous-ministre des Communications. Il y a ensuite deux
programmes portant le nom de l'organisme qui les administre et qui sont
placés sous la responsabilité directe du ministre des
Communications, donc, les programmes de la Régie des services publics et
celui de Radio-Québec.
Je voudrais maintenant passer au bilan des activités pour 1977/78
et, dans ce bilan, souligner un certain nombre de passages qui m'apparaissent
particulièrement significatifs. Il est dit au sujet du programme 1,
celui qui porte sur les réseaux et équipements gouvernementaux de
communication, que ce programme a pour objectif d'assurer aux
ministères, ainsi qu'aux organismes publics dont le budget est
voté annuellement par l'Assemblée nationale des services de
communication par téléphone, par radiotéléphone,
des services de transmission des données et des communications
informatiques, ainsi que des services d'ingénierie qui se rapportent aux
communications. Il fournit aussi des services d'expertise au secteur parapublic
via les ministères responsables.
Dans la partie intitulée Communication informatique, dans votre
texte, donc au bas de la page 4, on vous signale, par exemple, une certaine
addition d'équipement dans le domaine des communications écrites,
téléscripteurs et bélinographes. Nous avons ajouté
dans ce secteur une quarantaine de nouveaux terminaux, ce qui porte la
quantité totale actuelle à près de 400 terminaux.
Je vous signale qu'un peu plus loin dans ce chapitre on parle aussi d'un
sujet qui a provoqué beaucoup d'intérêt récemment.
Vous avez cela à la
page 6. C'est celui de la télédiffusion des débats
à l'Assemblée nationale à compter de septembre prochain.
Nous avons complété la première phase: réalisation
d'un nouveau système de prise de son qui pourra alimenter
également les media d'information, le journal des Débats et
différents systèmes de sonorisation actuels ou futurs.
Dans le secteur des radio-communications, le ministère a mis en
place un réseau de radio mobile dans les régions de
Montréal, de l'Estrie, des Laurentides, de Trois-Rivières et de
Québec. Ce réseau permettra de répondre aux besoins des
ministères des Richesses naturelles, des Travaux publics, de
l'Agriculture et de la Justice. Des études ont été
complétées pour étendre ce réseau, au cours de
l'année 1978, dans la Beauce, le Bas-du-Fleuve et l'Outaouais à
même l'infrastructure gouvernementale déjà en place.
Au bas de la même page de ce document, il est noté aussi
que dans les secteurs de la radiotélévision, le ministère
effectue tous les travaux d'ingénierie préparatoires à
l'implantation des stations communautaires à Gaspé, à
Rivière-au-Renard pour le groupe Radio-Gaspésie. Les
études techniques préliminaires ont été faites pour
les stations projetées, pour l'Etoile filante à Rimouski,
Pontiac, Fermont, Gagnon, Schefferville ainsi que pour la station de l'Institut
Leclerc à Laval.
J'aimerais vous souligner aussi quelques observations qui sont faites
ici concernant la gestion interne relativement à certains coûts
des communications à l'intérieur de l'appareil
gouvernemental.
Il est dit que le coût des services de communications
dispensés par ce programme 1 pour l'année 1977/78 aurait
été de $22,6 millions (services loués). De cette somme,
$2,1 millions sont at-tribuables aux hausses de tarifs consenties dans
l'année aux compagnies fournisseuses. L'année 1976/77
s'était terminée avec une dépense de $19,5 millions.
Abstraction faite des hausses de tarifs, les services ont donc augmenté
de 5% dans l'année comparativement à une croissance moyenne de
l'ordre de 20% au cours des cinq années antérieures.
Par la suite, vous avez l'énumération de cette
répartition des dépenses où on dit que le réseau
téléphonique de base représente 48% du total des
dépenses. Vous avez l'intercentre 16%, l'interurbain 17%, les
transmissions écrites 4%, les communications informatiques 11%, les
réseaux de radio-communication loués 3%.
Nous avons fait un effort de sensibilisation des fonctionnaires au
coût encouru par le gouvernement pour les services des communications
dans l'espoir de diminuer l'usage des services à des fins personnelles
et aussi pour favoriser l'emploi de l'intercentre plutôt que
l'interurbain, quand cela est possible.
Des affiches ont été distribuées dans tous les
bureaux du gouvernement, des collants apposés aux
téléphones et des messages condensés remis aux
fonctionnaires. La campagne est axée sur le thème
"J'éconophone ".
Il est impossible actuellement d'évaluer de façon
précise l'économie qui est en train de se réaliser, mais
il est possible, enfin, que cette économie soit passablement
substantielle.
Le programme II est celui qui porte sur les communications
gouvernementales et renseignements. Ce programme a pour but d'améliorer
la communication entre l'Etat et les citoyens afin d'assurer l'information
efficace des programmes gouvernementaux tout en permettant aux citoyens de bien
se renseigner concernant les services offerts par l'administration.
Il importe cette fois-ci de noter de façon particulière
qu'en 1977/78 la direction générale des communications
gouvernementales a maintenu ses activités dans le domaine de la presse
électronique et imprimée. D'une part, les directeurs des
communications des ministères et organismes gouvernementaux se sont
réunis pour définir et préciser le rôle du
ministère des Communications du Québec. Les mandats ont
été scrutés et des solutions concrètes ont fait
l'objet de recommandations. C'est ainsi qu'un conseil des directeurs des
communications verra le jour sous peu et que, d'autre part, le ministère
des Communications créera un secrétariat général
des communications gouvernementales ayant pour objectif de mettre en commun des
ressources afin de réaliser la concertation essentielle à la
poursuite des objectifs.
Le point 2 de ce programme II porte sur la publicité. Vous avez
ici un certain nombre de renseignements qui sont fournis. Maintenant,
é-tant donné qu'une rencontre est déjà
prévue pour vendredi prochain pour traiter spécifiquement de ce
point, il sera possible de traiter plus en détail cette question
vendredi prochain ou de la traiter aujourd'hui; il faudra tout à l'heure
prendre une décision à ce sujet.
Je vous signale tout simplement quelques brèves notes. Par
l'entremise d'agences de publicité, ce service a placé dans les
journaux les offres d'emplois de la Commission de la fonction publique ainsi
que les appels d'offres et les avis légaux du gouvernement du
Québec, donc ce qui relève directement de lui, tout en jouant le
rôle d'une centrale de services pour les autres ministères et
concernant les contrats que les autres ministères doivent donner et pour
lesquels ils peuvent, à un moment donné, s'ils le
désirent, faire appel à nous pour de l'information.
Des contrats de publicité pour un montant total de $2 761 300 ont
été octroyés à cette fin et vous avez, dans la
suite, la répartition de ces contrats, donc le nom des agences
auxquelles on a fait appel.
Au chapitre de la publicité proprement dite, le service a
coordonné quelques projets de publicité à
l'étranger en collaboration avec le ministère de l'Industrie et
du Commerce et des Affaires intergouvernementales. Par exemple,
l'édition spéciale du Financial Time de Londres sur le
Québec, un supplément spécial d'un journal financier
allemand, etc. Ensuite, le service de la publicité a accordé son
appui pour la réalisation de divers tra-
vaux en matière d'expositions, notamment la réalisation de
la vitrine du gouvernement du Québec au centre d'information de Toronto
et pour la participation du ministère au Salon international de la
publicité. Au point 3, on mentionne le problème des expositions;
au point 4, l'identification visuelle; au point 5, l'élément de
programme qui concerne Communication-Québec.
En 1977/78, les neuf bureaux de Communication-Québec, en plus de
poursuivre leurs activités régulières de renseignement sur
les services gouvernementaux on estime à près de 290 000
les demandes de renseignements en 1977/78 à comparer à 250 000
pour l'année précédente ont mis l'accent sur les
tournées d'information et de consultation. Entre autres, les bureaux de
Communication-Québec ont participé à l'organisation des
activités suivantes: tournée dans dix villes de la commission
ministérielle sur la réforme de l'assurance automobile, 64 jours
de tournée ministérielle en septembre 1977 et 44 journées
en janvier 1978; tournée d'information dans toutes les régions
sur la loi de conciliation entre locataires et propriétaires;
tournée de consultation sur le livre vert des loisirs dans les quinze
régions de loisirs, 64 villes ont été visitées;
tournée d'information dans les media sur la Régie de l'assurance
automobile; tournée d'information pour le ministre de l'Education
relativement au livre vert sur l'enseignement au primaire et au secondaire.
Le programme 3 porte sur l'édition gouvernementale. Ce programme
a pour objectif d'assurer l'impression des documents officiels et d'offrir aux
ministères et organismes gouvernementaux les services d'édition,
de documentation administrative, de traduction et de photographie leur
permettant de mieux informer leur clientèle respective et la population
en général de leurs objectifs et de leurs services.
A ce programme de l'édition gouvernementale, on mentionne par la
suite les éléments suivants sur lesquels un certain nombre de
renseignements sont fournis; la reprographie, les publications officielles, la
documentation québécoise, la commercialisation, la traduction, la
documentation.
Le programme 4 est intitulé Gestion interne et soutien.
Premièrement, le problème des relations intergouvernementales.
C'est au bureau du sous-ministre que s'effectue la coordination des relations
intergouvernementales entre le gouvernement du Québec, les autres
gouvernements et les différents organismes intéressés dans
le secteur des communications. Les responsables de ces secteurs assurent
l'évolution des dossiers des relations
fédérales-provinciales interprovinciales et internationales du
ministère en collaboration étroite avec le ministère des
Affaires intergouvernementales.
Relations interprovinciales et fédérales-provinciales. En
mars 1977, avait lieu, à Edmonton, une rencontre du Conseil des
ministres des Communications, qui avait été créé
lors de la deuxième conférence fédérale-provinciale
de 1975. Le Québec a refusé de participer à cette
rencontre puisqu'on n'avait pas réussi, à l'origine, à
s'entendre sur le partage des rôles et des responsabilités entre
les deux niveaux de gouvernement et que notre présence signifiait la
reconnaissance de facto de la juridiction fédérale dans le
domaine des communications. De plus, le Québec avait déjà
fourni un effort préalable par sa participation à un groupe de
travail Québec-Ottawa dont les résultats avaient
été nuls.
Après la rencontre d'Edmonton, le Conseil des ministres des
Communications est aboli, et on revient au mécanisme des
conférences fédérales-provinciales. Je me permets ici de
souligner encore une fois cette distinction souvent rappelée, mais que
certains ont beaucoup de difficultés à comprendre. Dans un cas,
vous aviez donc une sorte de conseil consultatif des ministres des
Communications sous la tutelle d'Ottawa et, dans l'autre cas, vous aviez une
véritable rencontre fédérale-provinciale. Donc, ce qui
s'est tenu comme rencontre à Charlottetown, ce n'est pas la
quatrième rencontre fédérale-provinciale des ministres des
Communications, mais bien la troisième.
Vers la fin de mars 1978 se tenait à Charlottetown la
conférence fédérale-provinciale des ministres des
Communications. Cette rencontre intergouvernementale dans le domaine des
communications était la première à se tenir au niveau
ministériel depuis l'échec de la deuxième
conférence fédérale-provinciale sur les communications.
Lors de cette rencontre, le ministre des Communications a
présenté les positions du gouvernement du Québec.
Certaines interventions constituaient la position officielle du gouvernement du
Québec, d'autres permettaient de proposer des hypothèses de
travail sur des points à l'ordre du jour. (16 heures)
L'ordre du jour de cette réunion comprenait, entre autres,
l'étude et les commentaires sur le projet de loi fédéral
sur les télécommunications au Canada, le projet C-24, les
questions relatives à la délégation administrative de
pouvoirs en matière de câblodistribution, la
télévision à péage ou télévision
payante, la concurrence entre les sociétés exploitantes de
télécommunication et les mécanismes de consultation dans
le domaine des communications.
Précédant cette rencontre
fédérale-provinciale de Charlottetown, les responsables du
secteur du ministère des Communications avaient rencontré
différents représentants des gouvernements des provinces de la
Saskatchewan, de l'Ontario et des Maritimes afin de mieux connaître la
position de chacune de celles-ci. De plus, lors de rencontres à
Québec sur la télévision payante, plusieurs
représentants de différentes provinces étaient venus
analyser et discuter avec le Québec des éléments de
politiques que celui-ci entendait soumettre dans un éventuel
règlement sur la télévision payante.
Précédant les différentes rencontres tant
fédérales, provinciales qu'interprovinciales, des responsables du
secteur au ministère des Communications avaient été au
coeur des débats et de diverses tentatives de négociation
à la suite de diffé-
rents jugements de la Cour suprême en matière de
communications.
En effet, la Cour suprême, au mois de novembre 1977, rendait des
décisions importantes en matière de communications, il s'agit des
causes Capital Cities, Roger's et Dionne vs D'Auteuil dans lesquelles
était impliqué au premier plan le gouvernement du Québec.
Dans la première, était mise en question la
constitutionnalité de la loi fédérale sur la
radiodiffusion; dans la seconde, celle de la régie des services publics
en matière de câ-blodistribution. La question était de
savoir si le gouvernement du Québec pouvait réglementer une
entreprise publique dont l'objet principal ou accessoire comprenait
l'émission, la transmission, la réception des sons ou images du
contenant de la programmation. L'objectif visé était d'assurer au
Québec une continuité d'intervention dans le secteur des
communications et lui permettre de jouer son rôle de maître
d'oeuvre et d'agent législateur prioritaire.
La Cour suprême a donné raison, dans un jugement
partagé de six voix contre trois, au gouvernement fédéral.
Comme pour le Québec seul le dossier judiciaire était
fermé, à la suite de ces jugements s'ouvrait la voie de la
négociation d'arrangements administratifs ou de délégation
avec le gouvernement fédéral. C'est dans cet état d'esprit
que le 12 décembre 1977 j'ai fait parvenir des propositions d'un projet
de protocole d'entente au ministre fédéral des Communications.
Par la suite, des rencontres avaient lieu entre les représentants du
gouvernement d'Ottawa et du gouvernement du Québec, aux mois de janvier
et février, et des rencontres entre le ministre des Communications du
Québec et celui d'Ottawa avaient lieu à la même
époque ainsi qu'avant la conférence
fédérale-provinciale de Charlottetown au mois de mars 1978.
De cette tentative de négociation est sortie une formule,
appelée la formule Saint-Laurent, qui cherche à accorder au
Québec un pouvoir d'application des réglementations en
matière de communications. Chacun des membres de cette commission pourra
trouver dans la documentation qui a été distribuée cet
après-midi des détails aidant à comprendre cette formule
Saint-Laurent. Il s'agit, en fait, d'une proposition inspirée d'une loi
qui concerne le domaine du transport en camion, la loi M-14, et une loi que le
gouvernement Saint-Laurent avait présentée, vers les
années cinquante-trois ou cinquante-quatre, en vue de permettre aux
Etats provinciaux de pouvoir appliquer de façon légale et
constitutionnelle des réglementations dans le domaine du camionnage
visant, de façon particulière, le transport interprovincial en
camionnage.
Dans ce type de législation dont s'inspire ce que nous avons
présenté sous le nom de formule Saint-Laurent, il se produit une
délégation dont le sens est que le pouvoir fédéral
reconnaît comme sienne, comme parfaitement légale et
constitutionnelle, la réglementation qui est mise en application par
l'organisme provincial. Dans ce type de législation, on peut
évidemment prévoir des ex- ceptions, et ici on pourrait par
exemple penser au cas assez particulier de la société
Radio-Canada où, en fait, le Québec demande principalement un
certain droit de regard sur le développement de cette
société sur le territoire québécois. Encore une
fois, il s'agit donc d'une formule extrêmement simple, facile à
appliquer, qui ne bouleverse rien, qui est conforme, je dirais aux
exégèses les plus étroites et rigides qu'on a voulu donner
de la constitution, d'ailleurs, à partir de textes relativement vagues.
Ceux qui, en effet, ont pu voir ces textes de près dans la Constitution
se sont aperçus que les pères de la Confédération,
quand ils ont parlé de transports, n'avaient aucunement à
l'esprit, on le comprend, ni la radio, ni la télévision, ni la
câblodistribution. Donc c'est par suite d'un effort de réflexion
particulièrement profond que certains éminents magistrats ont cru
trouver ainsi un fondement pour cette politique centralisatrice dans le texte
même de la constitution.
Vous avez donc là cette proposition Saint-Laurent qui a
été soumise à Charlottetown. Nous attendons maintenant la
réaction du ministre fédéral des Communications. Mme
Sauvé nous a promis cette réaction plus tard. Sur le moment, elle
n'a eu qu'une réaction qu'elle a elle-même qualifiée de
superficielle lorsqu'elle nous a dit qu'une difficulté qu'elle voyait
dans notre proposition était que dans le camionnage il n'y avait pas de
contenu moral et intellectuel et qu'il y en avait dans la
câblodistribution, la radio et la télévision. Cela nous a
un peu surpris comme argument, mais enfin, après une période de
réflexion, nous pouvons supposer que Mme Sauvé nous arrivera avec
des observations plus substantielles que celles que nous avons entendues
jusqu'ici.
Sur le plan des relations internationales maintenant, il est bon de
noter que la France demeure toujours un pôle d'attraction
privilégié au chapitre de la coopération. Les missions
"chapeautées" traditionnellement par la commission
franco-québécoise ont, comme à chaque année, eu
lieu. Il faut mentionner ici une autre utilisation du satellite Symphonie lors
de deux semaines d'expérimentation entre le Québec et la France.
Et, toujours au niveau des relations internationales, une mission
québécoise s'est rendu en France pour étudier la question
du doublage des films français, à partir du territoire
québécois. Par la suite, une mission française est venue
au Québec sur le même sujet et différentes rencontres et
échanges se poursuivent pour tenter d'arriver à une solution qui
pourrait satisfaire les deux parties.
Un autre secteur est celui de l'importation de matériel
audio-visuel français destiné aux chaînes de
câblodistribution québécoises. Ainsi, des rencontres ont eu
lieu avec les différents représentants des chaînes de
télévision française afin de permettre une
accessibilité la plus libre possible des différents documents
produits par ces chaînes, ce qui permettrait de contrecarrer
l'envahissement américain via la câblodistribution.
Différentes suggestions et hypothèses ont été
émises dans ce dossier, et le tout devrait se concrétiser au
cours de l'année 1978. Il est nécessaire ici de men-
tionner une entente signée entre l'Editeur officiel du
Québec et une maison de distribution de la Nouvelle-Angleterre, Paquet
et Associés, qui verra à la commercialisation et à la
diffusion, à travers l'ensemble du territoire américain, des
productions de l'Editeur officiel du Québec.
Au sujet de la gestion centrale, il est utile de noter que le service
des communications s'est particulièrement signalé par sa revue
"Antennes" qui a pour objet de mieux informer les citoyens de l'action
administrative de l'Etat, et plus particulièrement tous ceux et celles
qui oeuvrent dans le secteur des communications au Québec. Cette revue a
remporté l'Oscar de la presse décerné par l'Union des
journaux et journalistes d'entreprises de France.
Rappelons que la mission générale du Bureau central
d'informatique, le programme du Bureau central d'informatique qui concerne ce
bureau a pour objectif de fournir des services d'informatique aux
ministères et organismes, d'assurer l'exploitation des systèmes
mécanisés de gestion centrale et d'exercer auprès de tous
les ministères et organismes des fonctions de coordination et
d'expertise technologique relatives à l'informatique.
Nous allons maintenant passer au programme 6 qui concerne la
Régie des services publics. Le programme 6 est un programme
administré de façon autonome par la Régie des services
publics. Il est peut-être bon de rappeler cela au début. Ce
caractère autonome de la Régie des services publics fait
contraste par exemple avec ce caractère d'organisme de
réglementation qu'est le CRTC, qui met cet organisme de
réglementation souvent en position difficile face au pouvoir
exécutif. Cela a déjà été évident
dans les années récentes et risque de l'être encore plus
avec la promulgation de la loi C-24.
Activités judiciaires de surveillance et de contrôle et
réalisation... Vous avez en marge une sorte d'expression qui
résume bien certaines activités de la régie: application
de normes concernant les taux centre-distance étendus à la
moitié de la semaine, utilisation maximale des réseaux,
redressement tarifaire, uniformisation des tarifs interurbains,
généralisation des tarifs généraux, nouveaux
services régionaux, nouvelle technologie, partage des revenus de
l'interurbain, frais de construction absorbés par les entreprises,
identification territoriale.
Au sujet de la câblodistribution, notons ici cette observation
à savoir que la première phase d'implantation et de consolidation
de ces entreprises publiques de câblodistribution étant
terminée, la régie a fait porter ses efforts sur la normalisation
des modes de calcul de la base tarifaire et la recherche d'un équilibre
entre les tarifs et la qualité des services offerts aux abonnés.
Cette volonté de la régie de tenir compte davantage de la
qualité des services dans l'établissement des tarifs, voire de
joindre à l'augmentation des tarifs l'accroissement quantitatif et
qualitatif des services offerts aux abonnés, s'inspire d'un souci
d'éviter, d'une part, de cautionner la mauvaise gestion de certaines
entreprises, et, d'autre part, de pénaliser la bonne administration
d'autres entreprises.
Il est important d'attirer votre attention sur un problème sur
lequel s'est penchée la régie, concernant lequel elle avait
offert, à mon avis, une solution extrêmement intéressante
qui se distingue de la solution qui a prévalu à Ottawa du
côté du CRTC, mais encore une fois qui est une solution qui, dans
son application, était beaucoup plus susceptible de favoriser le client,
le citoyen qui est abonné à un service de
câblodistribution.
La régie a autorisé plusieurs entreprises publiques de
câblodistribution à augmenter la capacité technique de leur
réseau ainsi que la programmation y afférente. A cette fin, les
abonnées ont besoin d'un sélecteur de fréquence
additionnel.
Il y a lieu de souligner ici l'importance économique
considérable de l'implantation éventuelle, à
l'échelle du Québec, d'un tel sélecteur de
fréquence additionnelle, communément appelé
câblosélecteur ou télésélecteur, si l'on
considère que le coût de ce nouvel équipement
représente près de 30% du coût des immobilisations mises
actuellement à la disposition du public par les entreprises de
câblodistribution.
Je vous signale que la politique qui avait été
inaugurée avec la régie consistait à inclure dans
l'abonnement le service même du télésélecteur, donc
ne faisant pas porter le poids de son achat au client lui-même. Avec la
politique du CRTC, vous avez tout de suite des retombées que vous pouvez
mesurer à Montréal où par exemple, les gens sont
obligés, s'ils le désirent, d'acheter eux-mêmes le
télésélecteur. Ce coût d'achat peut varier de $40
à $150. Il n'y a aucune garantie quant à l'efficacité. Les
gens doivent porter les frais de réparation. En somme, le client n'est
aucunement protégé.
Il y a aussi dans certaines normes du CRTC dans ce domaine des choses
qui nous étonnent considérablement. Selon les renseignements qui
nous ont été transmis, avec l'application du
télésélecteur dans la région de Montréal par
Cablevision nationale, donc règlement approuvé par le CRTC, il
sera possible désormais aux abonnés du câble de capter dans
le service régulier seulement quatre canaux de langue française
contre cinq de langue anglaise. S'ils veulent avoir les deux canaux
supérieurs de langue française, ils devront acheter le
télésélecteur. Evidemment, on est loin de la philosophie
qui a inspiré la politique de notre Régie des services publics.
Egalement, il est utile de noter que la presque totalité des
abonnés au service de câblodistribution, soit 559 000 et quelques
abonnés sur un total de 584 000 le 31 août 1977, reçoivent
la programmation quotidienne de Radio-Québec et que 94% des
abonnés bénéficient d'une programmation d'origine
locale.
Rappelons, enfin, que la dernière année a
été marquée par la décision de la Cour
auprême qui a eu pour effet d'interrompre les activités quasi
judiciaires de la régie à l'égard des 131 entreprises
exploitant quelque 160 réseaux de câblodistribution dans plus de
1000 localités au Québec.
Toutefois, la régie poursuit toujours ses activités de
caractère administratif en matière de câblodistribution.
Ses services d'accueil, de conseil et
de recherche lui permettent de contribuer quotidiennement à
régler les nombreux différends qui surgissent entre les
entreprises de leurs abonnés et de maintenir un lieu étroit avec
l'ensemble de l'industrie de la câblodistribution.
Le comportement des citoyens depuis le 30 novembre illustre de
façon évidente, selon ce que l'on nous dit à la
régie, l'attachement de ces citoyens à un service proprement
québécois. Les gens trouvent tout à fait normal de
s'adresser ici à un organisme québécois quand ils ont des
problèmes soit de qualité de services au plan technique, soit des
problèmes de contenu parce qu'ils veulent faire des observations quant
à la programmation. Leur réflexe spontané et naturel,
c'est de s'adresser ici à une institution québécoise. Pour
eux, le CRTC est une institution extrêmement lointaine qui ne
connaît pas les problèmes du Québec. Ce comportement des
citoyens, à sa façon même, illustre bien la
normalité d'une situation où on confisque, au profit d'un pouvoir
extérieur, une zone d'activité, de juridiction qui, tout
naturellement, appartient au gouvernement du Québec.
Je voudrais maintenant passer au programme 7: Développement des
communications et des politiques. Ce programme vise à favoriser,
orienter, coordonner et surveiller le développement des réseaux
et des moyens de communications sur le territoire du Québec. Ceci
nécessite l'élaboration d'une politique pour chacun des domaines
concernés, à savoir les sociétés exploitantes de
télécommunications, la câblodistribution et la
radio-télédiffusion. Ces politiques, il va sans dire, sont
axées sur la réalité québécoise et sont donc
appelées à progresser au rythme de cette dernière.
Vous avez, après cela, des remarques sur les
sociétés exploitantes de télécommunication. Je vous
signale, à la page 26, certaines observations concernant le
problème de l'interconnection des réseaux qui est devant une
dimension technique parfois en partie difficile à saisir. Je vous
signale le cas parce que, d'abord, cela a fait l'objet d'une longue discussion
à Charlottetown, et la position du Québec je dirais
l'opposition du Québec a été appuyée par de
nombreux gouvernements provinciaux. Pensons, par exemple, à celui de
l'Alberta où vous avez une téléphonie d'Etat. En
réalité, dans cette tentative de regroupement de réseaux,
d'interconnection de réseaux, surtout ici entre CNCP et Bell Canada,
l'enjeu est beaucoup plus sérieux qu'on le soupçonnerait de prime
abord.
Il s'agit, d'une part, que la décision du CRTC soit favorable et
je vous signale qu'à Charlottetown d'aucune façon le ministre
fédéral des Communications n'a voulu accepter l'idée qu'on
demande au CRTC d'attendre un peu et qu'au moins des études
sérieuses soient faites sur les retombées, les risques que
pourrait comporter une décision permettant cette interconnection.
Donc, ce que je voudrais signaler, ce que nous avons lieu de croire,
premièrement, c'est qu'une décision de ce genre peut être
extrêmement coûteuse pour nos entreprises de télépho-
nie, nos entreprises privées qui relèvent d'une compétence
provinciale il y en a 27 au Québec et également les
entreprises de téléphonie d'autres provinces. Ce que veut dire
coûteux est comme ceci, c'est qu'à cause de ce système, il
serait extrêmement difficile de partager les coûts et les revenus.
Le risque est très grand que les sommes d'argent qui, jusqu'ici,
étaient utilisées à l'interfinancement de nos entreprises
de téléphonie, surtout à partir de l'interurbain, soient
des sommes d'argent qui s'enfuient et fassent partie des profits de CNCP, par
exemple, si bien qu'à un moment donné nous risquons d'avoir des
augmentations de tarifs dues au fait que les bonnes sources de financement nous
aurons échappé.
Un deuxième risque est le suivant, c'est qu'en poussant
très loin cette idée d'interconnection, d'une part, et en
insistant fortement, d'autre part, sur cette idée qui revient
très souvent, ce caractère dit indivisible des
télécommunications, nous pourrons en arriver à une
situation où le fédéral pourrait dire: Ecoutez, nous
pensons que, désormais, toute la téléphonie relève
de nous, étant donné qu'il n'y a plus moyen de séparer les
réseaux, que tout devient interprovincial. Il ne faudrait pas
sous-estimer cette menace. J'ai clairement entendu le ministre
fédéral des Communications dire: Je m'interroge et je me demande
si, en fait, la téléphonie ne devrait pas relever d'Ottawa. Il
donnait, à ce moment-là, comme raison, que la
téléphonie est étroitement liée aussi à des
services de radio et de télévision, etc.
Alors, encore une fois, dans ce débat qui a l'air tout à
fait technique, il y a des enjeux extrêmement sérieux et nous
pouvons facilement ici, à un moment donné, être victimes
d'habiles stratégies visant toujours à la même chose,
visant non pas à l'instauration du fédéralisme mais visant
au triomphe de la centralisation.
Au sujet de Bell Canada, notons que cette entreprise déposait une
requête en majoration de taux visant à générer des
revenus supplémentaires de $171 millions en 1978 et de $398,9 millions
en 1979. (16 h 20)
Le ministre des Communications a opté de ne pas intervenir de
façon active dans ce dossier et d'offrir l'assistance de son
ministère, je dirais active, je préférerais dire de
façon directe parce que je prétends que nos interventions seront
de toute façon actives, donc, de façon directe dans ce dossier,
et d'offrir l'assistance de son ministère aux organismes et groupes de
citoyens qui souhaitent intervenir dans cette cause. Les auditions relatives
à cette requête doivent débuter en mai prochain.
Vous avez ensuite certaines remarques concernant le dossier
Bell-Northern Telecom par fardeau fiscal des entreprises de
télécommunications Québec, le dossier aussi qui est
appelé Québec-Canada et l'impôt fédéral des
entreprises de téléphone. Je fais simplement ici une observation:
Nous estimons que, si le fédéral acceptait de définir les
entreprises de téléphonie comme des
services publics, et donc de ne pas imposer d'impôts comme si
c'était une entreprise dite non de services publics, le Québec
pourrait alors récupérer à peu près la somme de $30
millions. Enfin, l'évaluation de $30 millions est pour l'année
1975. On peut facilement plutôt ici imaginer un chiffre qui puisse se
situer alentour de $35 millions.
Il s'agit ici de la loi de 1964, la téléphonie, et le
fédéral refuse d'appliquer cette loi au secteur de la
téléphonie, si bien que nous perdons encore ici une somme
d'argent considérable. Vous avez après cela des remarques sur les
activités de Bell Canada au Québec. Nous avons toujours des
sortes d'échanges. Je ne pourrais pas appeler cela des
négociations, mais des échanges à la fois cordiaux, mais
qui ne mènent pas encore très loin, évidemment, sur
l'éventualité qu'un jour Bell Canada devienne, d'une part, Bell
Québec et, d'autre part, Bell Ontario. Il y a ensuite une étude
qui se fait chez nous au ministère pour évaluer
l'équité de la formule de partage des recettes nettes entre les
membres du réseau téléphonique transcanadien et pour
souligner les inconvénients pour le Québec que de
sociétés telles que Québec-Téléphone et
Télébec soient exclues de ce réseau
téléphonique transcanadien.
En fait, actuellement, Bell fait partie, n'est-ce pas, de ce
réseau et on s'est aperçu que, dans la répartition des
revenus, Bell reçoit moins que les entreprises d'ailleurs. On estime ici
qu'il y aurait $40 millions qui vont se promener ailleurs pour
l'interfinancement et ceci, vous allez, évidemment, peut-être
dire: Pourquoi Bell ne se plaint pas? C'est qu'ailleurs il y a des entreprises
filiales de Bell et on soupçonne que c'est une façon tout
à fait élégante, donc, de financer des entreprises qui
fonctionnent à l'extérieur du Québec à même
de l'argent qui, normalement, pourrait revenir au Québec.
Vous avez, dans la suite du document, des remarques portant sur la
câblodistribution, de façon plus précise sur la
réglementation. Nous avions une réglementation, je dirais, toute
prête. Nous en avons suspendu le texte après les
événements du 30 novembre. Vous avez aussi une mention sur les
travaux conjoints avec l'Association des câblodistributeurs du
Québec pour le développement de la câblodistribution, du
regroupement des réseaux, l'utilisation des terres publiques et,
après cela, vous avez un sous-chapitre sur les réseaux hertziens
et des observations, enfin, sur la recherche. Dans la recherche, soulignons les
contrats avec les universités. Et, ensuite, l'action concertée en
câblodistribution.
Le développement des media, mentionné à la page 30
de ce document, mérite, je pense, une attention particulière. Il
y a d'abord le cas de l'assistance financière à la
clientèle. Au cours de l'année 1977/78, pour la cinquième
année consécutive, le Service du développement des media
administrait un programme d'aide aux media communautaires à partir d'un
budget de transfert pour $390 000 face à une demande de $1,8 million. A
ce programme est joint un budget de capital de $35 000 c'est peu,
évidemment, je suis bien d'accord pour reconnaître cela qui
sert à acquérir des équipements de production qui sont
prêtés à des groupes communautaires.
Le ministère a entrepris la mise en place, en 1977/78, de
conseils de communication représentant les usagers des moyens de
communication. Dans certaines régions administratives du Québec,
je tiens à le souligner particulièrement, telles celles du
Bas-du-Fleuve et de l'Estrie, et par le biais de subventions, le
ministère a participé à la création de deux de ces
organismes. Dans le secteur de la presse écrite, le ministère a
contribué pour une deuxième année consécutive
à la tenue de six cliniques ou, disons, ateliers de formation, le mot
clinique pourrait être mal interprété comme si la presse
écrite ou ses media se portait mal, donc six ateliers de formation pour
le personnel de la presse hebdomadaire par une subvention équivalant aux
deux tiers des frais directs, soit ici $6000.
Le service de développement des media a de plus favorisé
la discussion en région des questions de l'information régionale
en assistant financièrement, pour environ $10 000, les organismes qui
ont organisé dans les régions de l'Est du Québec et du
Saguenay-Lac-Saint-Jean des colloques sur les communications.
Il y a ensuite quelques informations sur les travaux de recherche, sur
l'élaboration des politiques.
Le programme 8 porte sur le cinéma et l'audiovisuel. Ce programme
a pour objectif, selon la Loi sur le cinéma sanctionnée le 19
juin 1975, d'amorcer une action rationnelle et planifiée face à
l'important domaine économique, industriel et culturel qui est
l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel. La Direction
générale du cinéma et de l'audiovisuel a continué
à oeuvrer dans les mêmes secteurs qu'auparavant, soit la
production, la promotion et distribution et la conservation.
Vous avez par la suite des détails qui expliquent un peu
l'activité de notre Direction générale du cinéma et
de l'audiovisuel.
Je voudrais mentionner ici le cas particulier de l'Institut
québécois du cinéma. L'Institut québécois du
cinéma qui avait été créé sur le papier par
la loi de 1975 a connu, en somme, une sorte de fonctionnement normal simplement
depuis un an. Un contrat au montant de $1 880 000 est intervenu entre le
ministre des Communications du Québec et l'Institut
québécois du cinéma pour l'exercice financier 1977/78,
afin que cet organisme exerce le mandat qui lui est confié en vertu de
l'article 47 de la Loi sur le cinéma, soit de répartir, en
veillant à la liberté de création et d'expression ainsi
qu'en respectant la liberté de choix des consommateurs, les fonds que
l'Etat destine au secteur privé pour mettre en oeuvre la politique
cinématographique définie selon cette loi.
Quant au Bureau de surveillance du cinéma du Québec, il a
continué à visionner tous les films projetés au
Québec, à les classifier, à vérifier et à
approuver la publicité qui accompagne ces films. En tout dernier lieu,
il est bon de préciser que la Direction générale du
cinéma et de l'audiovisuel a travaillé, au cours de l'exercice
financier, au projet
de refonte de la Loi du cinéma. Si tout va bien, j'espère
qu'il sera possible de présenter soit une refonte très
substantielle ou tout au moins une refonte partielle qui touche les points les
plus chauds, les plus pressants, donc de présenter tout au moins un
certain nombre d'amendements à cette loi au Conseil des ministres au
cours du mois de mai.
Je ferai quelques remarques très brèves, maintenant, sur
la deuxième partie de ce document, puisque dans l'étude des
programmes nous allons prévoir cela ensemble, programme par programme.
Je voudrais simplement ici faire quelques remarques sur les
caractéristiques générales de l'allocation des ressources
budgétaires. Le ministère des Communications disposera donc,
cette année, de $89 073 600, comparativement à $80 782 700 pour
les mêmes programmes. C'est une augmentation modeste qui se situe un peu
dans la ligne d'un budget d'austérité, surtout si on
s'aperçoit qu'au fond ce sont surtout certains éléments,
certaines priorités qui ont été retenus. Malheureusement,
pour d'autres choses, d'autres objectifs que nous avions, enfin, il faudra
être patients et attendre encore un peu avant que le budget puisse
être grossi suffisamment.
Je note que pour assurer la continuité du développement
des réseaux et des media de communications, de même que la
surveillance et le contrôle des compagnies distributrices de services
publics, le secteur Communications disposera de $5 114 500. Des crédits
additionnels de $2 millions ont été accordés au programme
Cinéma et audiovisuel. Avec la réalisation du mandat de
l'Institut du cinéma dans le cadre de la politique
cinématographique québécoise ceci porte le budget du
secteur art à $6 928 500 dont $4 millions pour l'Institut
québécois du cinéma. Quant à l'Office de
radio-télédiffusion du Québec, soit le secteur
Administration et services, il disposera de $22 626 600 pour poursuivre ses
activités... Pour les reprendre après la grève,
voulez-vous dire, oui, d'accord. Pour les reprendre et les poursuivre.
Je voudrais signaler un dernier point, à la page 38, qui, je
pense, mérite une attention plus particulière, celui qui concerne
les communications gouvernementales et les renseignements.
Une première remarque au sujet de l'information gouvernementale.
A la suite de la rencontre des directeurs des communications des
ministères et organismes gouvernementaux qui avait pour but de
définir et de préciser le rôle du ministère des
Communications du Québec, les mandats ont été
scrutés et des solutions concrètes ont fait l'objet de
recommandations. C'est ainsi donc qu'un conseil des directeurs des
communications verra le jour sous peu; d'autre part, le ministère
créera un secrétariat général des communications
gouvernementales ayant pour objectif de mettre en commun les ressources afin de
réaliser la concertation essentielle à la poursuite des
objectifs.
Une dernière remarque sur nos bureaux de
Communication-Québec qui, on peut dire, abattent un travail
considérable dans la région. On peut dire aussi qu'ils sont de
plus en plus appré- ciés par la population. Les statistiques le
montrent bien et nous recevons un très grand nombre de
témoignages de toutes les régions. On voit très bien que
ces bureaux rendent de grands services à la population.
A la suite d'un mémoire présenté au Conseil du
trésor concernant les besoins additionnels du ministère des
Communications du Québec dans le secteur des communications
régionales, nous avons obtenu 32 nouveaux postes pour les bureaux
régionaux de Communication-Québec. De plus, à la suite de
l'analyse des populations desservies par les différents bureaux de
Communication-Québec, il a été décidé de
créer deux nouveaux bureaux dans la région actuellement desservie
par le bureau de Montréal, soit un à Saint-Jean-d'Iberville pour
la région du sud, et l'autre à Saint-Jérôme pour la
région du nord. Je dois ajouter ici que, dans les nouveaux postes qui
seront créés à Montréal, nous avons l'intention
d'accorder une attention particulière à la représentation
des minorités culturelles. Notre intention est que les groupes
minoritaires importants aient le sentiment de se retrouver un peu chez eux au
service des communications. Notre rêve est que, par exemple, un Italien
puisse être là au service de la communauté italienne; je
pense à la même chose pour les Portugais, à la même
chose pour la communauté juive. Je crois qu'un effort doit être
accompli afin que toutes nos minorités culturelles sentent que ce
gouvernement est bien leur gouvernement, que c'est un gouvernement accessible
et que, quand on a besoin de ces services gouvernementaux, on peut être
accueilli d'une façon plus chaude, plus personnelle, plus humaine.
Je termine par quelques considérations générales.
Premièrement, je reconnais qu'il s'agit, dans l'ensemble, d'un budget
modeste, mais avec lequel il est quand même possible de réaliser
certains développements fort intéressants dans plusieurs
domaines. Je souligne particulièrement les media communautaires, le
cinéma, Radio-Québec et nos bureaux de
Communication-Québec.
Deuxièmement, je voudrais aussi souligner que nous aurons
à travailler encore pour un certain temps sur un territoire en partie
occupé où les dangers d'envahissement d'un
fédéralisme centralisateur loin de diminuer semblent bien
plutôt augmenter. Je vous signalais tout à l'heure le cas de la
téléphonie. Je pourrais mentionner le cas des organismes de
réglementation où on a tenté, à la toute
dernière minute vous savez, par ce genre de motion vers 18 h 15
ou 18 h te soir, avant que les gens s'en aillent de nous passer un
nouvel organisme de réglementation qui, probablement, aurait
été chapeauté par le CRTC. On a tenté de nous
passer aussi élégamment l'idée de la création d'un
bureau central de données pour tout le secteur des
télécommunications. Ce bureau, évidemment, serait
installé à Ottawa. Ensuite, on a tenté de nous passer
l'idée que la télévision payante relevait d'Ottawa. Mme
Sauvé a même refusé, à ce moment-là, de
discuter de compétence, disant que pour elle c'était très
clair que cela lui appartenait. On a là-bas, dans ce mi-
lieu, un très fort sentiment de la propriété, c'est
indéniable.
Une impression que je garde de Charlottetown, c'est celle-ci. J'ai eu
nettement le sentiment, tout au long de cette rencontre, que c'est sans doute
au sein de l'establishment fédéral que l'esprit
fédéraliste est à son plus bas niveau; il est
remplacé par un esprit nettement envahisseur et centralisateur.
Quoi qu'il en soit de la structure anormale dans laquelle nous avons
à vivre et à travailler, notre intention est très ferme de
faire de notre mieux pour que ce Québec nouveau, qui est en train de
surgir, puisse compter sur des réseaux efficaces de communications, sur
des outils modernes d'échanges culturels qui soient aussi des agents de
cohésion sociale et sur une information abondante et de
qualité.
Je crois que cette dernière remarque, cette remarque de
conclusion, résume assez bien les objectifs et l'esprit qui vont
inspirer le programme d'action du ministère des Communications du
Québec pour l'année qui vient. Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Mont-Royal et représentant de
l'Opposition officielle.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Le dialogue que M. le
ministre vient d'entreprendre avec les autorités
fédérales, dialogue qui vient finalement de s'engager entre le
Québec et Ottawa est, je crois, un dialogue encourageant. C'est
sûrement préférable à l'impasse à laquelle on
se heurtait l'an dernier et je suis heureux que M. le ministre ait
changé son attitude envers le débat
fédéral-provincial. Je me réjouis aussi que les
propositions avancées la semaine dernière à Charlottetown
pour le partage des pouvoirs avec le gouvernement fédéral se
rapprochent de certaines suggestions que nous avons faites au mois de juin
dernier, que nous avons fait parvenir au ministre des Communications du
Québec, ainsi qu'à son homologue le ministre des Communications
à Ottawa, Mme Sauvé.
Bien que je souscrive au principe du partage de la juridiction dans ce
domaine, j'aimerais cependant faire ici une certaine mise en garde. Je voudrais
souligner que le climat politique doit considérablement évoluer
avant qu'on puisse en venir à appliquer une telle formule, tel que nous
l'avons suggéré aux deux ministres au mois de juin dernier.
Premièrement, le gouvernement fédéral devra modifier
quelques-unes de ses vues, principalement à ce sujet. D'abord celle qui
veut que, par sa nature même, la juridiction des communications soit une
et indivisible et, deuxièmement, que le gouvernement
fédéral soit le seul responsable, au pays, de l'image du Canada
et son unique propriétaire. Pour l'instant, le fédéral
essaie de projeter l'image du Canada, cependant c'est une image qui semble
parfois lointaine et parfois incomplète à bien des gens hors
d'Ottawa.
Parallèlement, nous nous trouvons face à un gouvernement
provincial qui est déterminé, résolu à
détruire l'unité du Canada. Il serait très difficile, et
il va être très difficile, pour un gouvernement
fédéral, de négocier un abandon de ses pouvoirs à
un gouvernement qui les utiliserait du moins en partie à
saccager l'unité d'un pays qu'il représente. Je vois certaines
contradictions sérieuses dans le scénario des négociations
qui concernent l'avenir du Canada avec un gouvernement dont le but est de
rendre cet avenir impossible.
En vérité, je doute de la capacité du gouvernement
actuel de négocier un tel partage des pouvoirs sans les utiliser pour la
promotion de ses buts indépendantistes. Cependant, selon le mandat du
gouvernement, ce serait totalement inacceptable. Néanmoins, j'appuie
depuis longtemps l'idée du partage des pouvoirs dans ce domaine et j'ose
espérer une progression dans ce sens, même si les conditions
politiques ne sont pas tout à fait favorables dans le moment.
Parlons de l'objectif. Comme je le faisais remarquer à la
commission l'an dernier, les besoins des Québécois, dans le
domaine de communications, sont différents de ceux d'autres Canadiens.
Quand on parle de la situation actuelle, d'une part je suis heureux de voir que
le ministre a changé son approche et qu'il veut négocier un
partage des pouvoirs avec les autorités fédérales mais,
d'autre part, je vois certains dangers et je vois un changement d'attitude qui
va être nécessaire non seulement de la part du ministre du
Québec, mais aussi du ministre fédéral. (16 h 40)
Alors, les besoins des Québécois dans le domaine des
communications sont différents de ceux d'autres Canadiens. Pour ma part,
le but visé par une politique des communications touchant le
Québec doit être d'assurer la satisfaction des besoins
spécifiques des Québécois, sans porter atteinte à
l'unité du Canada. Je dois expliquer deux de ces termes.
Premièrement, les besoins spécifiques des Québécois
et, deuxièmement, l'unité du Canada. Parlons, pour le moment, des
besoins du Québec.
Je n'ai pas besoin de discuter trop longuement sur les raisons qui font
que les besoins du Québec dans le domaine des communications sont
différents de ceux du reste du pays. La culture des Canadiens
français n'est pas seulement une culture parmi de nombreuses autres au
Canada, comme on pourrait interpréter la politique de multiculturalisme
fédérale. La culture au Québec est une des assises du
Canada et doit être reconnue comme telle non seulement au Québec,
mais dans tout le pays. Je vois dans cette interprétation du
multiculturalisme un certain danger. Ce n'est pas que je n'accepte pas qu'il y
a plusieurs groupes culturels au Canada, je fais partie moi-même d'un de
ces groupes, mais il ne serait pas réaliste de supposer que tous ces
groupes culturels sont au même niveau dans l'histoire et dans la
réalité du Canada. Ils peuvent tous avoir des droits
individuels mais, quant à la composition du Canada, je crois
qu'il faut donner la place qui lui est due à la culture
française, québécoise, et non seulement au Québec,
mais dans tout le pays.
Dans le contexte québécois je comprends comment les
politiques, les attitudes proviennent de la crainte d'une atteinte à
l'identité du Québec par la projection fédérale du
Canada qui voit une nation composée de dix provinces égales entre
elles, une unité multiculturelle. A la vérité, les
problèmes et les défis qui nous font face au Québec dans
le domaine des communications sont bien distincts de ceux du reste du Canada,
bien que je reconnaisse que les autres provinces puissent aussi avoir des
besoins qui leur sont propres. De toute façon, il est improbable qu'une
politique centrale des communications puisse fonctionner avec efficacité
dans des situations tellement diverses. Pour cette raison, je crois qu'il
importe que le Québec obtienne des pouvoirs accrus dans ce domaine.
Quant à l'unité du Canada, l'histoire du conflit qui
oppose Québec à Ottawa dans le domaine des communications, je
crois, a faussé le débat. D'un côté, le gouvernement
fédéral se prétend le seul défenseur de
l'unité canadienne, tandis que celui du Québec se présente
comme l'unique protecteur des intérêts des
Québécois. Ni l'une ni l'autre de ces attitudes n'est vraiment la
bonne. Par exemple, en qualité de membre de l'Assemblée
nationale, sans parler de mes collègues libéraux, je suis tout
aussi convaincu de la nécessité de l'unité du Canada que
quiconque à Ottawa, et je suis aussi tout à fait convaincu des
besoins spécifiques des Québécois. Pourtant, si
j'étais membre du gouvernement au lieu d'être dans l'Opposition,
je considérerais de mon devoir de protéger non seulement les
intérêts des Québécois, mais ceux du Canada en
matière de communications car, à titre de membre d'un
gouvernement québécois, je serais en meilleure posture pour
m'occuper des besoins du Québec qu'un ministre à Ottawa. Lorsque
nous aurons compris que l'impasse dans laquelle nous nous trouvons au sujet des
communications repose sur un malentendu, peut-être pourrons-nous en
envisager la solution. Ce que nous percevons comme un conflit
d'intérêts est en réalité un intérêt
commun et complémentaire. Pour ces raisons, il me semble évident
que l'on pourrait mieux servir la cause de l'unité canadienne si le
Québec obtenait une autorité accrue sur les entreprises de
communications dans ses frontières avec certaines exceptions dont je
discuterai tantôt.
Ce n'est pas une question d'avoir un conflit nécessairement entre
le Québec et le fédéral ou vice versa, mais de pouvoir
identifier à un certain niveau les intérêts du
Québec. A mon avis, ces intérêts ne sont pas des
intérêts isolés du reste du Canada; on peut, en même
temps, promouvoir les intérêts du Québec dans le Canada et
les intérêts des francophones hors du Québec. Ce n'est pas
l'unique rôle du gouvernement fédéral de protéger ou
de défendre seulement les intérêts de l'unité
canadienne. Il a certainement un rôle à jouer, mais ce n'est pas
un rôle exclusif. Il y a d'autres intérêts nationaux et
fédéraux. Je crois que dans cet esprit l'un peut être
complémentaire de l'autre. Au lieu de toujours avoir des conflits de
juridiction, conflits d'objectifs et conflits de tout genre qui sont
créés dans des buts politiques, si on abordait le problème
dans cette optique, nous pourrions plus facilement trouver des solutions.
Peut-être cela serait-il plus difficile pour le gouvernement
fédéral de refuser certains partage de juridiction si le
problème était posé dans ces termes.
Nous avons certaines propositions pour la redistribution des pouvoirs.
Nous les avons communiquées au mois de juin dernier comme je le disais,
aux deux autorités, provinciale et fédérale. Il y a
certainement des solutions à court terme pour résoudre certains
problèmes immédiats. Je dois dire ici que j'appuie les efforts
des deux ministres, soit le ministre des Communications du Québec et le
ministre fédéral des Communications pour apporter une solution
aux problèmes soulevés par la décision de la Cour
suprême sur la question de la câblodistribution. Dans ce cas, plus
vite on pourra trouver une formule pour la délégation des
pouvoirs administratifs au Québec, mieux on s'en trouvera. Maintenant
que le litige au niveau juridique a été réglé,
maintenant qu'on sait les décisions de la Cour suprême, on est en
mesure de ne pas transiger ou de ne pas négocier toujours avec l'espoir
que peut-être les décisions seront en faveur de l'un ou de
l'autre. Nous savons ce que la décision est.
M. Bertrand: Qu'est-ce que vous en pensez, M. le
député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Je respecte les décisions des tribunaux. Je
crois que c'est clair, d'après l'article 91 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, que la question des communications est
de juridiction exclusivement fédérale. C'est
l'interprétation que les tribunaux ont donnée. C'est une
interprétation juridique. Il y a certains problèmes qu'on ne peut
résoudre par le moyen des tribunaux. Quand cette constitution a
été rédigée en 1867, il n'y a aucun doute que les
communications n'étaient pas développées comme elles le
sont aujourd'hui et peut-être qu'on ne pouvait prévoir certains
problèmes. Je crois qu'on fausse encore le débat si on s'attache
seulement à l'aspect juridique. J'ai eu l'occasion de transiger dans
d'autres conflits où, si on était restreint seulement à
l'aspect juridique, on n'en serait jamais venu à une entente. Il y a
d'autres problèmes, des problèmes humains, d'ordre social,
économique et politique, qui existent aujourd'hui mais qui n'existaient
pas il y a 100 ans.
Je crois que, dans cet esprit, si on examine les objectifs et les
besoins non seulement des deux niveaux de gouvernement, mais de l'ensemble des
populations concernées, on peut arriver à certaines solutions
convenant aux deux. Je ne crois pas à l'éternel conflit. Je ne
crois pas qu'il y ait des problèmes qui ne peuvent se résoudre
que par des moyens draconiens. Il y a des solutions rationnelles et
raisonnables à tous les problèmes.
Alors, les solutions à plus long terme, je pourrais en discuter
quelques instants brièvement. Je
crois que les télécommunications devraient être une
juridiction partagée entre les gouvernements fédéral et
provinciaux. Les provinces satisfaites des arrangements actuels pourraient se
retirer des ententes de partage. Les communications constituent, je crois, un
exemple, où il pourrait y avoir de la flexibilité à
laquelle pourrait atteindre une confédération renouvelée,
un changement de certains partages de pouvoirs qui sont maintenant
exclusivement dans le domaine fédéral. Nous soumettons que le
partage de la juridiction, à condition que ce soit techniquement
possible, se fasse de la façon suivante. Une province pourrait obtenir
les pouvoirs nécessaires pour formuler et appliquer ses propres
politiques touchant toutes les entreprises de son territoire dans le domaine de
la radio et de la télévision, de la télévision par
câble et de la télévision à péage. Une
province pourrait, entre autres, obtenir les pouvoirs nécessaires pour
émettre des permis et réglementer en général ces
entreprises. Une province pourrait, de même, se voir concéder les
mêmes pouvoirs pour réglementer toute autre entreprise de
télécommunication dans ses frontières.
Le gouvernement conserverait les pouvoirs sur les réseaux de
télécommunications interprovinciaux, ainsi que nationaux, par
exemple Radio-Canada, de toutes catégories, de même que
l'allocation de fréquences pour utilisation provinciale. La charte des
droits de l'homme que l'on propose garantirait aux deux peuples fondateurs,
où qu'ils se trouvent au Canada, le droit de recevoir des
émissions dans leur propre langue. De plus, le gouvernement
fédéral devrait constituer un fonds afin d'assurer une assistance
aux entreprises dans des marchés moins rentables pour garantir cet
accès aux membres des deux communautés linguistiques du
Canada.
Nous proposons aussi la formation d'une commission
fédérale-provinciale afin de coordonner et de réglementer,
si besoin il y a, les politiques des deux parties, parce que,
évidemment, il y aura certaines sphères où elles vont
être non pas en conflit, mais où il va y avoir certains
problèmes communs. C'est difficile de séparer clair et net et de
dire: Voici quelque chose qui va affecter seulement le Québec; voici
quelque chose qui va affecter seulement le fédéral. A certains
endroits, il va y avoir des problèmes communs. Alors, afin de
résoudre ces problèmes, nous prévoyons une commission
fédérale-provinciale pour trancher les litiges qui pourraient
survenir.
Comment arriver à un tel partage de pouvoirs? Comment augmenter
le pouvoir du Québec dans le domaine des communications? Le ministre a
donné l'exemple de la formule Saint-Laurent, mais on peut prendre
l'exemple tout récent de l'immigration où il y a eu une entente
entre le fédéral et le provincial.
La seule différence dans ce cas, c'est que déjà,
dans la constitution, le pouvoir d'immigration est un pouvoir partagé
entre les deux niveaux de gouvernement. La solution à long terme que je
propose, qui s'impose, est un amendement à la constitution qui permettra
un partage des pouvoirs en matière de communications semblable à
celui mis en place pour l'immigration. Dans le cas d'un amendement de ce genre,
les provinces négocieraient avec le fédéral comme l'ont
fait les ministres de l'Immigration récemment. Entretemps, on peut
envisager une solution temporaire, soit que les deux niveaux de gouvernement
signent une lettre d'intention, un protocole d'entente, qui pourrait servir de
base de négociation, comme nous l'avons suggéré le 16 juin
dernier.
Cela pourrait se faire aussi, mais c'est moins permanent, cela pourrait
engendrer d'autres problèmes par voie de délégation de
pouvoirs. Cela aussi est une solution qui serait plus permanente. Une solution
qui répondrait plus à certaines inquiétudes du
Québec, ce serait le changement de la constitution, un amendement pour
garantir de façon sans équivoque, de façon permanente, les
droits du Québec à certains pouvoirs que nous avons
énumérés et, je crois, qui semblent satisfaire les besoins
du Québec. Le moyen de le faire pour sécuriser, qui pourrait
éviter encore certaines querelles politiques, ce serait par la voie d'un
amendement à la constitution.
M. le Président, je crois que si on pouvait entreprendre des
discussions avec le fédéral dans cet esprit, le gouvernement
fédéral serait très mal placé pour refuser ce
partage de pouvoirs, de reconnaître les besoins spécifiques que le
Québec a dans le domaine des communications.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Gaspé, représentant de l'Union
Nationale.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Avant de commencer,
j'aurais une petite question à vous poser. Je ne vous demande pas si
c'est la province, mais plutôt si c'est l'horloge provinciale qui est
détraquée ou bien ma montre?
Le Président (M. Jolivet): Non, c'est l'horloge. Il est
cinq heures moins deux minutes.
M. Le Moignan: Je n'ai pas envie de parler jusqu'à six
heures non plus. C'est juste pour savoir si vous vous basez...
Le Président (M. Jolivet): Non.
M. Le Moignan: M. le Président, suite aux remarques du
ministre des Communications, que je tiens à féliciter, en
passant, pour cet admirable outil, instrument de travail qu'il a
préparé, de concert avec les officiers de son ministère.
Je crois que nous avons quelque chose pour nous aider à mieux suivre
l'évolution du travail et aussi, en même temps, puisque nous
siégeons sur les communications, à nous intégrer
davantage, peut-être à mieux comprendre aussi toutes les
implications qu'il y a derrière ces pages.
Maintenant, le ministre a mentionné que l'augmentation n'est
peut-être pas tellement formidable cette année, environ $8
millions, mais tout de même, c'est un certain progrès. Je
voudrais, au début de mes remarques, non pas aborder, puis-
que le député de Mont-Royal a parlé longtemps du
contentieux fédéral-provincial, du partage des juridictions, je
voudrais simplement rappeler la préoccupation de l'Union Nationale qui,
dans son programme, et cela remonte déjà à de nombreuses
années, proclamait les communications comme étant de juridiction
provinciale. (17 heures)
Je crois que l'un des derniers discours de Daniel Johnson, quelques
heures avant de mourir, portait justement sur cette préoccupation qu'il
avait, lui, à ce moment, d'essayer de donner au Québec le
contrôle de nos communications. Je crois que c'est facile à
comprendre. C'est pour nous un moyen de survie québécoise;
puisqu'il s'agit de la culture, il s'agit de la civilisation. Et, quand je
parle du problème québécois, je le regarde dans son
ensemble, non seulement au point de vue de ceux de langue française,
mais, comme le ministre l'a indiqué tout à l'heure, cela concerne
aussi les minorités culturelles qui vivent ici sur le territoire du
Québec.
Maintenant, en 1975, une vaste consultation populaire et gouvernementale
fut entreprise par l'ORTQ sur la régionalisation des activités de
Radio-Québec et, un an plus tard, des comités régionaux
sont mis sur pied. Quand je regarde le document de 1975, Radio-Québec
à l'écoute de l'Est, je constate que trois ans plus tard, en
1978, on pourrait dire l'impatience du Québec à se mettre
à l'écoute de Radio-Québec, puisque Radio-Québec
est encore bien loin de notre région.
M. le Président, l'an dernier, quand le ministre a fait son
premier commentaire, le 26 avril, il avait parlé de la
régionalisation, de l'implantation, de l'implantation de
Radio-Québec et il avait retenu comme exemple huit régions
principales qui pourraient fournir leur programmation d'émissions
produites dans la région, donc plan de production, plan de distribution
et de diffusion.
Je voudrais peut-être faire porter mon intervention aujourd'hui
sur cet aspect des communications. Si je parle de l'Est et s'il y a huit
régions, je crois que mes remarques peuvent s'appliquer à
n'importe quelle des huits régions, parce que les enjeux du programme de
la régionalisation remettent en question l'éternelle
dépendance des régions périphériques aux grands
centres, car ils posent le véritable problème auquel sont
continuellement confrontées les régions, c'est-à-dire le
pouvoir. Je comprends que pour un député ou un citoyen de
Québec et de Montréal, je ne suis pas jaloux, vous avez tellement
d'avantages, et comme le député de Vanier l'avait
mentionné, l'an dernier, aussi dans son préambule, dans sa
première intervention, il avait parlé des communications soit
à Gaspé ou en Abitibi ou au Témiscamingue, je reviendrai
sur cela plus tard...
Pour nous, quand on regarde de nombreux articles qui ont
été publiés dans plusieurs hebdomadaires
dernièrement, non seulement dans notre région, mais ailleurs au
Québec, on s'inquiète beaucoup du rôle des comités
de Radio-Québec et, surtout, cette inquiétude porte sur leur
disparition possible peut-être. L'on se demande comment briser cette
dépendance, comment remettre entre les mains de la population le pouvoir
de la radio, de la télévision, comment afficher avec
fierté et dignité notre réalité propre en refusant
le ghetto culturel régional, et ne pas craindre les solutions novatrices
en rejetant les schémas traditionnels. Je voudrais préciser cela
un petit peu plus loin.
Je crois que M. le ministre a déclaré ceci à Matane
la semaine dernière, d'après certaines nouvelles de la TV. Cette
vaste région, de La Poca-tière à Gaspé, c'est tout
de même presque 400 milles; je crois que le ministre a
déclaré que ce serait bon de la diviser en deux, le
Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie. De toute façon, si je me
trompe, plus tard, il pourra toujours me corriger. Mais, quand on regarde cette
région et qu'on essaie de penser toujours en termes de région, il
y a 320 000 habitants environ qui vivent dans cette région gigantesque.
Les préoccupations du cultivateur de Saint-Pacôme ne sont pas
nécessairement celles du pêcheur de
Sainte-Thérèse-de-Gaspé ou de Newport. Les
préoccupations d'un citoyen de Sainte-Anne-de-la-Pocatière ne
sont pas celles du citoyen de Grande Entrée, aux Iles-de-la-Madeleine.
Regardons la situation économique et sociale qui prévaut dans cet
immense territoire. Je n'appelle pas cela une région, j'appelle cela un
territoire, quand on sait qu'il y a 800 milles aller-retour.
Le Conseil de la culture de l'Est du Québec, dans un rapport
publié en 1977 ou en janvier 1978 au gouvernement actuel, a
mentionné que les réalisations de notre culture sont
indissolubles des conditions économiques et sociales dans chacun des
comtés concernés. Je sais très bien que l'Ordre des
ingénieurs a dit quelque part qu'on pouvait diviser la province de
Québec en 53 régions distinctes. Je ne demanderai pas au ministre
des Communications de procéder de cette façon, mais quand je
regarde le territoire qui nous concerne, La Pocatière, Gaspé et
les Iles-de-la-Madeleine je ne parle pas de la Côte-Nord, je ne
parle pas des autres régions, je ne plaide pas pour un petit coin de
terre particulier je voudrais avoir une vue d'ensemble qui pourrait
peut-être s'appliquer ailleurs.
Selon l'OPDQ, il y a huit comtés dans l'Est:
Kamouraska-Témiscouata, Rivière-du-Loup, Rimouski,
Matapédia, Matane, Bonaventure, Gaspé et les
Iles-de-la-Madeleine. Pour la plupart des ministères, ils sont presque
tous reliés à des bureaux régionaux qui sont communs,
excepté peut-être pour l'Industrie et le Commerce et l'Education.
C'est donc dire que si on considère tout l'Est du Québec comme un
vaste territoire, très mal desservi actuellement, on peut
découper ici. Il y a déjà des régions naturelles
comme le Grand-Portage, au point de vue scolaire, ou Rivière-du-Loup,
Kamouraska-Témiscouata. Il y a là un peuple avec sa
mentalité, son folklore, ses habitudes, son mode de vie qui ne sont pas
nécessairement ceux de la région de la Mitis qui comprend
Matapédia, Matane et Rimouski.
Quand on s'aventure en Gaspésie proprement dite, pour les gens de
Québec et de Montréal,
malheureusement, c'est encore confus. Parfois, on nous dit: II est
arrivé un gros accident en Gaspésie hier soir. Où? A
Montmagny, cinq morts. Pour eux, c'est la Gaspésie. On entend dire cela
souvent, très souvent. Le danger, là-dedans, est que la
Gaspésie commence à Sainte-Anne-de-la-Pocatière et se
termine à Rimouski. En bas de cela, cela n'existe pas. Cela n'existait
pas sur les cartes, jadis. Il y avait une petite excroissance au bas de la
carte et c'était marqué: Gaspésie. Cela a peut-être
l'air cocasse, mais c'est vrai. On va identifier Cabano, Saint-Eloi dans
Rivière-du-Loup à la Gaspésie: "J'ai rencontré
quelqu'un de chez vous hier, quelqu'un de la Gaspésie."
Dans le domaine des communications, M. le ministre, il faudrait vous
arrêter à cela un jour et penser qu'en termes d'une région
donnée allez sur la Côte-Nord, c'est la même chose et
c'est peut-être encore plus vaste que chez nous la
Gaspésie, c'est à peu près les comtés de
Bonaventure, Gaspé et une partie du comté de Matane, l'ancien
Gaspé-Nord, où il y a là une autre catégorie de
monde. Vous avez les Iles-de-la-Madeleine qui ont des préoccupations
d'un ordre tout à fait spécial. Quand ces distances nous
paralysent, quand nous partons de Gaspé pour nous rendre à
Rimouski à une réunion, ces messieurs de Rimouski nous disent:
Cela n'a pas de sens d'aller à Québec, c'est loin, cela prend
trois heures en automobile! On oublie que par monts et par vaux, cela prend
cinq heures, quand on ne perd pas de temps, de Rimouski à Gaspé
pour parcourir 240 milles. Si on part de Percé ou de
Grande-Rivière pour se rendre à Rimouski, c'est 300 milles.
Nous n'avons rien contre Rimouski, ces gens font leur possible,
j'imagine, pour administrer un territoire de 400 milles de distance avec 320
000 habitants. Dans le programme de l'Union Nationale, aussi bien que dans le
programme du Parti québécois, on a beaucoup parlé de
décentralisation. On va nous en reparler plus tard. J'insiste sur ceci
parce que ces deux régions sont tellement vastes et tellement distinctes
qu'il importe qu'au point de vue des communications on puisse s'entendre un bon
jour.
Peut-être que si je disais un mot rapide de révolution
culturelle de l'Est du Québec cela nous aiderait-il à mieux
comprendre. J'ai dit que le pays était très
hétéroclite, d'abord à cause de son isolement. On a des
Amérindiens à Maria et à Resti-gouche. On a des Acadiens
qui sont à l'île d'Entrée, on a des loyalistes, on a eu des
Irlandais dans d'autres coins, on a eu des Jersiais, des Canadiens, comme on
les appelait, au bas du Québec qui, à un moment donné,
sont descendus. A cause de l'isolement, chaque groupe vivait de façon
très fermée. Il n'y avait aucun lien, dans les années
1800, avec ses voisins.
Ceci explique, avec le morcellement de la région et l'isolement
des habitants, qu'on s'est peut-être habitué, chez nous, à
être conduit un peu par des gens de l'extérieur. On a vidé
c'est peut-être loin de la culture nos forêts
gaspésiennes jadis. On peut dire que c'est la faute des gouvernements
parce qu'on envoyait le bois au Nouveau-Brunswick. Mais c'est peut-être
la faute des gens de la région, un manque de solidarité, qui
n'ont pas compris à ce moment-là que l'avenir devait appartenir
aux Québécois, aux Gaspésiens ou aux gens de l'Est du
Québec. De toute façon, on l'a vidée, on l'a
pillée.
Aujourd'hui, on essaie de raccorder tout ce monde et les gens sont
excédés, écoeurés un peu de cet isolement. Cela
fait 20 ans qu'on a commencé, en Gaspésie, à parler de
communications. Le premier, le dentiste Charles Houde de New Carlisle, il y a
45 ans, a commencé un petit poste de radio et, plus tard, on a eu
Carleton-CHAU, encore une entreprise privée. Le ministre est allé
en Gaspésie et je pense qu'il a écouté les nouvelles
à quelque part. CHAU dessert une partie du comté de Bonaventure
et une partie seulement de Gaspé-Sud; il dessert le nord des Maritimes
à tel point que les programmes sont orientés vers les Maritimes
et qu'on dit là-bas qu'on est en train de maritimiser et d'angliciser la
Gaspésie. Mais ce sont deux entreprises privées qui font leur
gros possible.
Du côté nord, ils sont très
privilégiés parce que Radio-Canada a décidé, dans
sa grande sagesse, d'avoir deux postes, un à Rimouski et un chez son
voisin, à Matane. Deux postes de Radio-Canada à environ 60 milles
de distance. Maintenant, ceci nous conduit encore à 200 milles de
Gaspé et toute la rive-sud n'est pas concernée là-dedans.
Mais les gens qui paient des taxes en ont besoin, je crois, parce qu'il y a des
paroisses entières qui prennent à peine le signal et cela,
grâce à certaines tours. Encore là, ce sont des
entrepreneurs privés qui ont réussi, sur les montagnes, le mont
Louis, le mont Saint-Pierre ou d'ailleurs, à avoir un câble. Sans
cela, les gens ne prendraient ni radio, ni télévision,
excepté la radio de Sept-lles qui est encore loin des
préoccupations des Gaspésiens ou des gens de la région de
l'est.
Je ne veux pas m'étendre sur cela plus longtemps, mais dans une
des préoccupations mentionnées tout à l'heure par le
ministre, je crois que les communications doivent contribuer aussi au
développement économique, par exemple, dans le programme de
stimulation de l'économie et de soutien de l'emploi. Je devrais
peut-être le féliciter, en passant. Je crois qu'un geste a
été posé à Gaspé exactement dans ce
programme pour aider Radio-Gaspésie, une autre entreprise qui essaie de
desservir ce coin de la ville de Gaspé où on est dépourvu
à peu près de toute communication à cause des montagnes et
de tout ce que vous connaissez. Maintenant, si le ministère des
Communications peut aider au développement économique, cela
permettra en même temps un meilleur accès aux services. Ceci
touche évidemment ce que je viens de mentionner pour cette
démocratisation, la décentralisation. On pourrait greffer
à cela cette promotion de l'excellence. Si on améliore les
services, si on essaie de les organiser conformément à la
réalité québécoise, je crois que les communications
vont permettre aux gens de se mieux connaître.
Ce qui est un peu déplorable dans le moment, c'est que
Radio-Québec fonctionne de Montréal. Les statistiques d'environ
580 000 personnes qui le captent, c'est beau, cela représente 94%, mais
ce sont encore les concentrations, ce sont les grandes villes.
Radio-Québec ne pénètre pas beaucoup en Gaspésie,
cela me surprendrait beaucoup, surtout de Sainte-Anne-de-la-Pocatière
vers l'est, à moins d'avoir des câblodistributeurs. Les programmes
qui sont conçus par Radio-Québec à Montréal doivent
tenir compte des territoires. Je n'ai pas envie de vous bâtir une
pyramide. On sait très bien que, dans cette organisation où
l'Etat, le gouvernement a son gros mot à dire, chacune des
régions, s'il y en a huit, sera nécessairement
représentée au conseil national. A ce moment, dans chacun des
territoires, ou dans chacune des régions il y aura sur place une
organisation où on aura à penser et le contenu et aussi
l'exécution. Le contenu peut être pensé dans la
région, avec un certain nombre d'heures d'antennes qui leur seront
dévolues chaque semaine. S'il y a des représentants de chacune
des régions qui se réunissent à Montréal pour le
contenu évidemment l'exécution relève de
Radio-Québec ou si encore Radio-Québec peut, avec ces
derniers, contribuer à former des techniciens, à former des
spécialistes qui sont requis, nécessaires, chacune des
régions du Québec pourra produire des émissions qui seront
peut-être un enrichissement pour les autres régions. Je ne veux
pas dire que le réseau national n'aura pas ses programmes "at large" qui
vont couvrir tout le réseau, mais il serait bon que, dans nos
régions, nous puissions nous avons les équipements dans
les CEGEP et aussi ailleurs bâtir des émissions pour les
besoins soit des jeunes, soit encore nous inspirer ailleurs de ce qui peut
exister.
Un réseau, normalement, de Radio-Québec, devrait
être le véhicule de l'identité propre des gens qui
l'habitent. Il devrait être un peu l'image de la région. Si on
considère le tout, la culture québécoise n'est que la
somme des cultures régionales. Si les régionaux participent
davantage à l'ORTQ, surtout à l'organisation de
Radio-Québec, c'est là qu'on verra comment les citoyens sont en
état de définir les contenus et, en même temps, cette
obligation pour les spécialistes, pour Radio-Québec, de venir
encadrer l'action des citoyens. Je pense que ceci n'est pas utopique si on veut
vraiment construire Radio-Québec le plus vite possible. Et avec un
budget de $3 millions de plus que l'an dernier, j'imagine que le réseau
ne pourra pas s'étendre tellement au cours de l'année.
Les régions auraient intérêt aussi, de même
que Radio-Québec, à s'inspirer de l'Office national du film, des
postes privés, des réseaux scolaires, du cinéma
régional, et de beaucoup d'autres choses. En somme, je résume en
disant qu'on pourrait établir une grille de production qui serait
nationale, territoriale et régionale.
Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on peut dire qu'en
dehors des grands centres, à peine 8% de la population a accès
à Radio-Québec. C'est une des raisons pour lesquelles il
faudrait, le plus vite possible, essayer de permettre aux gens des
régions éloignées la reprise en charge de leur
région et, en même temps, aussi travailler à
l'élaboration, à la conception d'un réseau qui serait
conçu par la région elle-même. Maintenant, on va nous
répondre qu'il y a encore ici une question d'argent. C'est vrai. Le
gouvernement pourrait peut-être faire appel à d'autres ressources
humaines, d'autres ressources financières, comme on le fait dans
d'autres pays.
Nous voudrions que dans l'implantation de Radio-Québec, que ce
soit dans l'Est ou encore dans les autres régions, les gens de ces
régions aient leur gros mot à dire. Je voudrais juste ajouter, M.
le Président, quelques petites remarques: Radio-Québec est un
instrument de diffusion culturelle. Radio-Québec doit servir de moyen
d'éducation collective. Si nous considérons Radio-Gaspésie
comme exemple, ils ont un très bel idéal, un très beau
plan, le ministère est au courant de tout cela. Je dois ajouter qu'il
n'y a qu'un seul réseau de télévision communautaire qui
est celui de Grande-Rivière, qui nous donne, quinze jours plus tard, et
c'est déjà un grand progrès, des émissions de
Radio-Québec. La TV communautaire de Grande-Rivière est un
très beau modèle à développer dans notre
région et dans d'autres régions et qui a sollicité, je
crois, l'aide du gouvernement pour lui permettre de s'établir sur une
base beaucoup plus solide. (17 h 20)
J'ai beaucoup d'autres points, peut-être des détails, mais
à l'occasion de l'étude des crédits nous pourrons en
profiter à ce moment. On a beaucoup parlé de petits postes
émetteurs. Il y a aussi un très beau programme de protection
civile. Quand nous arriverons à ce stade de l'étude, je pourrai
peut-être aussi donner plus de détails. C'est à peu
près en gros ce que je voulais formuler. Si j'ai insisté sur
Radio-Québec, c'est que c'est d'une urgente nécessité pour
ce vaste territoire de 400 milles qui, à part quelques exceptions, est
bien mal desservi. Ces gens voudraient tout de même vivre à
l'heure du Québec. Je n'ai pas mentionné le problème
anglophone, qui est désastreux parce que le seul poste de
télévision qui entre en Gaspésie, c'est Moncton. Ce ne
sont même pas les nouvelles de Radio-Canada. Ils n'ont même pas un
seul poste de radio de langue anglaise qui entre chez eux. Ces gens sollicitent
l'aide du Québec. Je ne veux pas entrer dans les domaines de
juridiction, mais il faudrait faire quelque chose pour eux. Ils
représentent tout de même 15% dans mon comté, 15% dans
Bonaventure. Ce sont des gens qui sont implantés là depuis deux
siècles. Ce sont de véritables Québécois, des
Gaspésiens à 100%. Ce ne sont pas des citoyens de Westmount. Bien
au contraire, ils sont bien pauvres. Ils vivent comme les autres et ils
attendent l'aide de l'Etat. Je crois que l'Etat du Québec a quelque
chose à faire pour développer le côté
français de même que le côté anglais. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député. M. le député de Taschereau.
M. Richard Guay
M. Guay: Merci, M. le Président, j'ai écouté
avec intérêt les interventions du ministre et des deux
porte-parole de l'Opposition. Ce sont ces deux dernières que je voudrais
commenter brièvement si vous me le permettez.
L'intervention du député de Gaspé souligne ceci; il
évoque le cas de la société Radio-Canada et la
décision à tout le moins étonnante a priori, après
avoir eu un poste à Matane, d'aller en acheter un à Rimouski,
à 60 milles de distance alors qu'il y avait certainement il me
semble en tout cas d'autres priorités qui s'imposaient
spontanément. Cela illustre, de façon assez éloquente,
comment un gouvernement qui est loin des problèmes tels qu'ils se posent
sur le terrain dans les régions, comment le gouvernement
fédéral du Canada, à Ottawa, est mal placé pour
juger, de façon judicieuse, des besoins et de la façon dont on
pourrait y remédier.
Bien sûr, il y a eu toutes sortes de choses qui ont
été dites au sujet de l'achat du poste de Rimouski par la
société Radio-Canada, dont certaines faisaient allusion à
une décision prise pour des raisons politiques. J'avoue que je n'en sais
rien si ce n'est qu'elle m'apparaît singulièrement absurde. Ce
n'est pas la première fois qu'on en a un exemple dans le Bas-du-Fleuve;
qu'on pense aussi à cette autre question qui a été le
conflit Dionne-D'Auteuil qui a abouti en Cour suprême. Le gouvernement du
Canada est mal placé par sa nature même pour répondre aux
besoins du Québec dans ce domaine comme dans d'autres. Il est à
peu près certain que, dans le cadre des priorités dans le domaine
des communications sur le territoire québécois, un gouvernement
du Québec, quel qu'il soit, n'aurait jamais procédé de
cette façon.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt aussi,
puisqu'on parle de relations fédérales-provinciales,
l'exposé du député de Mont-Royal. Je ne sais trop si c'est
la course au leadership du Parti libéral et le fait qu'il appuie un
candidat en particulier, mais il me faisait, par moments, penser à un
éditorial de Claude Ryan. Il y avait d'abord la thèse,
l'antithèse et il y avait un effort de synthèse. Evidemment,
comme dans la plupart des édito-riaux de Claude Ryan, la thèse
était fondée sur des affirmations qui étaient, dans
certains cas, discutables. Il s'ensuit que, si la thèse est basée
sur des affirmations discutables, tout cela fausse l'antithèse et donne
une synthèse étonnante.
En l'occurrence, ce qui m'a étonné, ce n'est pas que le
député de Mont-Royal ait dit que le fédéral devrait
modifier sa position; je pense qu'il y a unanimité là-dessus au
Québec. Je comprends que c'est sa responsabilité et son
rôle de le dire ici, mais j'espère aussi qu'il l'a dit aux gens
qu'il connaît à Ottawa parce que, de ce côté, on n'a
pas l'air de comprendre très vite.
L'antithèse ou l'autre thèse m'apparaît
singulièrement fausse. On dit que le gouvernement du Québec
devrait modifier son attitude, que l'attitude qu'il a n'est pas la bonne, que
tout cela n'aide pas les négociations, et que si c'était un autre
gouvernement, ou si ce gouvernement avait une autre attitude, sans doute, on
pourrait en arriver à un règlement plus rapide et plus harmonieux
de la question des communications. Sans doute emporté par une
partisanerie de bon aloi, le député de Mont-Royal a même
accusé l'actuel gouvernement de ne pas pouvoir faire le travail, en
quelque sorte, puisqu'il voulait détruire l'unité du Canada
ô ciel! et qu'il était difficile de donner à
un gouvernement québécois le contrôle d'une partie ou de la
totalité des communications sur son territoire parce qu'il l'utiliserait
et, là, j'utilise les mots du député pour
saccager l'unité du pays.
Je veux bien que la partisanerie politique soit pour quelque chose dans
une affirmation aussi gratuite que celle-là, mais il ne faut pas non
plus confondre les choses parce qu'à partir du moment où on fait
une affirmation comme celle-là, il s'ensuit que tout le reste du
raisonnement risque d'être faussé. Ce n'est pas au gouvernement du
Québec qu'on devrait reprocher d'utiliser des moyens de communications
pour saccager l'unité du pays ou, en d'autres mots, pour promouvoir ses
thèses politiques à lui. C'est entendu que le gouvernement du
Québec favorise la souveraineté du Québec non seulement
dans le domaine des communications, mais dans tous les domaines, et une
association librement consentie d'égal à égal ce
qui éviterait sans doute les nombreuses chinoiseries
fédérales-provinciales auxquelles on assiste depuis plus de 100
ans vec le reste du Canada. Cela, c'est la thèse que
défend le gouvernement dans le domaine constitutionnel.
Le gouvernement du Canada, on le comprend, défend une
thèse différente, mais ce n'est pas le gouvernement du
Québec qui utilise les moyens de communication de façon à
tout le moins discutable pour défendre sa thèse à lui, et
ce n'est pas non plus le gouvernement du Québec je pense que les
exemples sont nombreux dans ce domaine qui les utiliserait, s'il les
avait, pour faire de la propagande puisque, enfin, c'est un petit peu à
quoi cela revenait. Je ne sais pas si j'interprète de façon
erronée les propos du député...
M. Ciaccia: Je n'ai pas utilisé ce mot.
M. Guay: Non, je sais que vous n'avez pas utilisé ce mot,
mais quand on dit qu'un gouvernement les utiliserait pour saccager
l'unité du pays, en d'autres mots qu'il les utiliserait pour promouvoir
sa thèse politique, la promotion d'une thèse politique, de cette
façon, cela s'appelle utiliser les moyens de communication à des
fins de propagande. Or, je trouve cela étonnant qu'on puisse porter une
accusation aussi gratuite que celle-là parce que, d'abord, elle est non
fondée.
Lorsque le Québec a eu des prétentions de juridiction dans
le domaine de la câblodistribution jusqu'à ce que la Cour
suprême y mette fin, en aucun moment, tant sous l'ancien gouvernement,
d'ailleurs, que sous l'actuel gouvernement, les entreprises de
câblodistribution n'ont été utilisées à
des fins de partisanerie politique, quelle que soit la noblesse de la
cause.
En aucun moment, l'Office de la radiotélévision du
Québec, tant sous l'ancien gouvernement que sous l'actuel gouvernement,
et même sous le gouvernement de l'Union Nationale de M. Bertrand, n'a
été utilisé à des fins de partisanerie politique ou
à des fins de promotion d'une cause nationale, toute noble soit-elle.
Pourtant, si on regarde du côté d'Ottawa, ces grands
défenseurs de la démocratie au Canada, les seuls qui sont assez
sérieux, assez adultes pour qu'on puisse leur faire confiance dans le
domaine des communications, c'est à peu près la thèse
qu'ils ont toujours soutenue, que les provinces étaient des amateurs et,
de toute façon, que les gouvernements provinciaux étaient des
gouvernements suspects, au départ, pour toutes sortes de raisons
et en particulier celui du Québec qui tiennent à la
mythologie que les gouvernements provinciaux sont moins compétents, sont
corrompus, alors que le gouvernement fédéral, c'est bien connu,
est un gouvernement d'une compétence exceptionnelle. On le voit dans le
domaine économique depuis dix ans et dans d'autres domaines aussi. Lui,
évidemment, est au-dessus de tout soupçon en ce qui a trait
à la corruption comme en témoignent les enquêtes en cours
à l'heure actuelle dans divers domaines. Enfin, c'est la thèse
que le gouvernement fédéral a longuement véhiculée
et véhicule toujours: le gouvernement sérieux au Canada, c'est le
gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux sont des administrations
plus ou moins folkloriques et folichonnes. Non, non, ce n'est pas vous qui
dites cela. Ce n'est pas du tout vous qui dites cela. (17 h 30)
Mais le gouvernement fédéral, sans le dire ouvertement,
parce que c'est un peu délicat de l'affirmer ouvertement, mais c'est
implicite dans sa façon de raisonner, semble dire que lui, c'est le
gouvernement sérieux du Canada et que les autres sont des
administrations locales, régionales, c'est-à-dire folkloriques.
Mais, comme par hasard, ce même gouvernement fédéral, qui
est le grand défenseur de la démocratie, le seul gouvernement qui
soit vraiment démocratique au Canada, à ses yeux, le seul qui
soit sérieux, c'est lui qui, jusqu'à maintenant en tout cas,
donne des preuves d'immixtion dans le système canadien des
communications à des fins carrément politiques qui
m'ap-paraissent singulièrement dangereuses. Je m'étonne que le
député de Mont-Royal n'ait pas relevé des cas
précis où le gouvernement fédéral agit de la
façon qu'il reproche au gouvernement du Québec de façon
toute hypothétique.
Après tout, ce n'est pas la première fois que M. Trudeau,
M. Ouellet, Mme Bégin et M. Marchand et d'autres encore, sans doute,
font des interventions, au sujet de Radio-Canada et de ce qui se passe à
Radio-Canada, qui sont carrément des immixtions invraisemblables et de
l'ingérence dont le seul but est d'intimider la société
Radio-Canada et les personnes qui y travaillent de façon
qu'effectivement Radio-Canada serve de véhicule à l'unité
nationale telle que perçue et comprise par Ottawa, ce qui est une
façon bien particulière de la comprendre. Je me souviens, il y a
plusieurs années, quand M. Trudeau a menacé de mettre la
clé dans la porte à Radio-Canada. C'est un soir où il est
arrivé à Montréal, au Reine Elizabeth, il était
furieux. Pourquoi? Je ne sais pas très bien. Cela allait mal chez lui,
je suppose. Il n'était pas de bonne humeur. Il avait mal
digéré son souper. Au Reine Elizabeth, ce n'est pas
étonnant. En tout cas, toujours est-il qu'il n'était pas de bonne
humeur devant un rassemblement de libéraux fédéraux
à Montréal et soirée bénéfice pour alimenter
la caisse du parti, les yeux sortis par la fureur. Je m'en souviens,
c'était évident à la télévision... Pardon?
Je l'ai vu à la télévision et j'étais journaliste
à Radio-Canada à ce moment-là. Il allait mettre la
clé dans la porte. Evidemment, quand on connaît comment fonctionne
Radio-Canada, il n'en fallait pas plus pour qu'à Radio-Canada il y ait
ce que j'appelle le réflexe de l'escargot, c'est-à-dire que,
quand la tête est sortie trop loin à Radio-Canada et que le
fédéral tape dessus, l'escargot rentre la tête. C'est un
peu comme la tortue aussi qui rentre la tête aussi, mais enfin. C'est un
peu ce réflexe que cela provoque à Radio-Canada. Il n'est pas
nécessaire dans le cas du fédéral de procéder
à des changements de structures. Non, c'est beaucoup trop
compliqué. Il s'agit simplement de laisser entendre qu'il pourrait le
faire, d'intimider, par des insinuations et des affirmations gratuites,
Radio-Canada pour qu'à Radio-Canada cela provoque un réflexe
d'autocensure il y en a déjà un qui existe normalement
un réflexe systématique d'autocensure.
Cela fait que l'information est conditionnée par ce climat
psychologique qui joue considérablement et je vous dis que ce n'est pas
uniquement mon expérience à moi. J'étais, vendredi et
samedi derniers, à Victoria, en Colombie-Britannique, où je
participais à une conférence de deux jours sur le processus
gouvernemental et, à un des panels, il y avait des journalistes qui
parlaient de l'influence des media sur le processus législatif. Il y
avait là la correspondante de la radio de Radio-Canada à Ottawa,
Mme Bergman, qui, elle-même, faisait état de ce réflexe
d'autocensure, mais d'autocensure systématique qu'elle avait et que
d'autres à Radio-Canada ont à chaque fois que le gouvernement
fédéral menace de mettre la clé dans la porte. Le
gouvernement fédéral est en l'occurrence le gouvernement
libéral, parce que quand on parle de gouvernement fédéral
au Canada, depuis une quarantaine d'années, on parle du parti qui en a
la propriété, c'est-à-dire le parti libéral. A
chaque fois que le gouvernement fédéral libéral, et Pierre
Trudeau en tête, menace soit de mettre la clé dans la porte, ou
dénonce les indépendantistes qui infiltrent Radio-Canada
j'étais à Radio-Canada, je suis indépendantiste et je peux
vous dire que, dans la salle des nouvelles, ce n'est pas du tout l'idée
qu'on s'en fait à l'extérieur, l'idée que Pierre Trudeau
cherche à en projeter, pas du tout; il y a là-dedans des gens de
toutes les options politiques et même y inclus ceux qui n'en
ont pas mais à chaque fois que Pierre Trudeau ou le
gouvernement fédéral cogne sur la table, ou à chaque fois
qu'il éternue au sujet de Radio-Canada, Radio-Canada attrape la
pneumonie.
Dans ce cas ci, en plus de cela, il y a Ouellet, M. André
Ouellet, le ministre des Affaires urbaines, qui avait sa liste, qu'on n'a
jamais vue, des séparatistes de Radio-Canada. Imaginez-vous donc!
Peut-être que c'était une liste qui lui avait été
fournie par la Gendarmerie royale illégalement, on ne le sait pas. C'est
peut-être pour cela qu'il ne l'a pas sortie. En tout cas, on ne l'a
jamais vue sa liste. Il en avait une quand même, qu'il dit, et tous les
ministres fédéraux ont emboîté le pas, à ce
moment, quand ils ont créé cette espèce de climat de
panique au lendemain de la victoire du Parti québécois, au sujet
de Radio-Canada.
Cette fois-ci, on est allé un peu plus loin. Plutôt
simplement que d'intimider Radio-Canada, pour que le réflexe
d'autocensure, que le réflexe de l'escargot fonctionne pendant six mois,
un an, on est allé plus loin. On a dit au CRTC: On va faire une
enquête en bonne et due forme. Le CRTC n'était pas trop chaud
à l'idée de faire une enquête dans Radio-Canada. Il en a
fait une quand même puis, au grand désespoir de M. Trudeau, au
grand désespoir des ministres fédéraux, il a conclu qu'il
n'y avait pas de signe manifeste d'infiltration d'indépendantistes
à Radio-Canada. C'est décevant! N'empêche que le fait est
sans précédent, le fait d'avoir fait faire une enquête par
la CRTC qui aurait dû normalement, s'il était arrivé aux
conclusions qu'on souhaitait, déboucher sur d'autre chose, mais
malheureusement les conclusions ont été contraires à ce
que le gouvernement espérait.
Mais l'idée, c'était d'accentuer ce réflexe
d'escargot systématiquement, de provoquer à Radio-Canada un tel
réflexe d'autocensure, un tel réflexe d'escargot que, finalement,
il durerait au moins jusqu'au prochain référendum, et
peut-être à nos prochaines élections provinciales, en
passant par les élections fédérales et serait susceptible
de provoquer à Radio-Canada, à la rigueur, et avec la meilleure
volonté et la meilleure foi du monde, néanmoins une distorsion
des priorités au chapitre des nouvelles, au chapitre de l'information,
et tout cela au nom de la promotion de l'unité nationale.
Je m'étonne qu'on ne fasse pas état de cette situation,
qu'on ne fasse pas état des ingérences, des insinuations, des
accusations sans fondement des hommes politiques fédéraux, y
inclus le premier ministre du Canada, à l'endroit d'une
société d'Etat qui a un rôle extrêmement
délicat à accomplir, celui d'informer la population canadienne et
qui est donc, évidemment, très sensible à toute accusation
du genre qui est portée par le pouvoir politique qui, en
définitive, est celui qui détermine, avec l'assentiment du
Parlement canadien, les crédits qui seront votés pour le
fonctionnement de Radio-Canada.
C'est un premier cas d'une chose qu'on n'a jamais vue à
Québec, en ce qui a trait à Radio-Québec ou au
câblodistributeur, et qu'on n'aurait jamais vue, de toute façon,
non plus en tout cas, sous ce gouvernement-ci. Je ne peux pas parler du
précédent. Il n'en a jamais été question et il
n'est surtout pas question que les media d'information, même ceux qui
relèvent de l'Etat, servent à des fins de partisanerie politique
ou de propagande.
A Ottawa, il y a aussi ce deuxième cas qui n'est pas
inintéressant et qu'on n'a pas souligné non plus et qu'on aurait
dû, je pense, souligner, si on avait voulu faire un bon éditorial
bien étoffé et fondé sur des faits précis et non
pas sur des insinuations malveillantes. C'est le cas du CRTC, l'organisme de
réglementation de la radiodiffusion au Canada. Comme par hasard, le CRTC
est composé d'un nombre assez étonnant d'individus depuis
quelques années. Il y a les nominations, non politiques, bien sûr,
faites par le gouvernement fédéral de M. Trudeau. On retrouve,
comme par hasard, comme président du CRTC, comme successeur de M. Boyle,
M. Camus, l'ancien président de la Voie maritime du Saint-Laurent, un
homme sans doute compétent, je ne sais pas dans ce domaine, oui, il
était dans ce domaine, qui a fait sans doute ses preuves à la
Voie maritime. Avant de devenir président du CRTC, il était
président de l'Association canadienne des radiodiffuseurs,
c'est-à-dire l'organisme de pression, l'organisme qui rassemble en son
sein les radio-télédiffuseurs privés au Canada,
c'est-à-dire l'organisme qui fait pression auprès du CRTC et
auprès du gouvernement du Canada pour que les règles du jeu
favorisent le plus possible les radiodiffuseurs privés. C'est un
drôle de saut de fermer son bureau à 17 heures l'après-midi
comme président de l'Association canadienne des radiodiffuseurs ou du
groupe de lobbyistes des radiodiffuseurs privés et, le lendemain matin,
se présenter au CRTC et accrocher son chapeau sur la patère du
bureau du président du CRTC en sa qualité de président du
conseil qui a précisément à entendre les requêtes
des radiodiffuseurs privés. C'est une façon comme une autre,
diraient certains, d'amadouer les radio-télédiffuseurs
privés' Ce n'est sans doute pas pour des raisons politiques,
sûrement pas, mais cela ne nuit pas, surtout à l'approche d'un
débat comme celui qui doit avoir lieu au Québec sur la question
de l'indépendance. (17 h 40)
Le vice-président du CRTC est aussi un choix étonnant, M.
Fortier, dont l'une des caractéristiques était qu'il était
jusqu'alors vice-président ou président on me corrigera
sur le titre, probablement que vous le savez encore mieux que moi de la
section de Québec du Parti libéral du Canada et l'un des grands
argentiers. Je parle d'un organisme de réglementation de la
radiotélévision qui devrait être au-dessus de tout
soupçon parce qu'il s'agit de réglementer un domaine
extrêmement délicat, vous l'avouez vous-mêmes. Là, on
nomme quelqu'un qu'on prend dans le Parti libéral et on le met
là. Je ne dis pas qu'il n'est pas compétent, je dis que cela
n'accroît pas la crédibilité du Conseil de la
radio-télévision canadienne. On nomme ce brave homme qui, de
faillite en faillite, a toujours été un appui inconditionnel
du fédéralisme canadien et du Parti libéral, j'ai
parlé de Jean-Louis Gagnon, également membre du CRTC. Cela ne l'a
pas empêché d'aller faire un discours sur l'unité nationale
à Hull, comme membre du CRTC, un discours carrément partisan.
C'est gênant. Je ne dis pas qu'il ne connaît rien dans le domaine,
c'est gênant. Cela n'a pas l'air de gêner grand monde à
Ottawa.
Il y a aussi ce bon ami de M. Trudeau, l'autre innocent qui est
allé en Chine rouge, Jacques Hébert, membre à temps
partiel. C'est sans doute un homme qui a ses compétences, mais enfin, si
on veut vraiment un Conseil de la radio-télévision qui soit
au-dessus de tout soupçon, un organisme de réglementation auquel
on puisse accorder une crédibilité certaine, il me semble qu'on
devrait faire un peu plus attention aux nominations. On devrait peut-être
moins chercher au sein du Parti libéral et chercher des gens qui, au
Canada il y en a autant au Québec qu'au Canada anglais des gens
qui sont au-dessus de tout soupçon offrent des garanties
évidentes de crédibilité pour l'ensemble de la population,
quelle que soit son option politique. C'est un beau cas d'ingérence
politique dans le domaine des communications; cela vient d'Ottawa, du
gouvernement sérieux, du grand gouvernement, du gouvernement
démocratique par excellence.
J'aurais souhaité, j'aurais pensé qu'on aurait au moins,
plutôt que de faire des insinuations sur ce que seraient possiblement et
faussement, à mon avis, les communications si elles étaient
régies au Québec par l'Etat québécois, qu'on aurait
peut-être dû prendre des cas concrets, réels,
évidents et vécus d'ingérence politique du gouvernement
fédéral, du gouvernement libéral dans le domaine des
communications.
Ensuite, après la thèse et l'antithèse, commence la
synthèse. Les conditions politiques ne sont pas favorables, nous dit le
député de Mont-Royal, à un accord, un partage des pouvoirs
entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec
pour ce qui nous concerne. De 1970 à 1976, nous avons eu, au
Québec, un gouvernement inconditionnellement fédéraliste.
Il n'était pas question d'égalité ou
d'indépendance. C'était: On est fédéraliste, et
quand on mangeait un coup de pied au derrière d'Ottawa, on disait: On
est fédéraliste. On ne se gardait même pas de marge de
manoeuvre. Il n'était pas question de dire, comme Daniel Johnson: Si on
n'obtient pas l'égalité, on va faire un Etat souverain. Non, nous
autres, c'est le fédéralisme, quoi qu'il arrive. Pierre Trudeau
avait beau jeu à ce moment-là, et on se souvient du discours
qu'il a prononcé à Québec, sur le mangeur de hot-dogs,
qu'il avait utilisé comme carpette, insultant non pas pour le premier
ministre lui-même cela n'avait pas l'air de le déranger
mais pour la population du Québec et le chef de son
gouvernement.
On était à ce moment-là, de 1970 à 1976,
quoi qu'il advienne, quelque couleuvre qu'on se fasse passer, quelque
mépris que l'on ait à Ottawa pour le Québec, les
Québécois ou leur gouvernement, on était et on allait
demeurer d'une orthodoxie fédéraliste inconditionnelle.
Est-ce qu'on peut concevoir, M. le Président, des conditions plus
idéales pour négocier entre un gouvernement
fédéraliste et un gouvernement fédéral, un partage
des pouvoirs? Voilà des gens qui étaient censés être
sur la même longueur d'onde. Voilà des gens qui se comprenaient
spontanément. Voilà des gens qui, nous avait dit M. Bourassa,
avec des bons dossiers, bien étoffés, bien rédigés,
allaient se présenter à Ottawa et, grâce aux dossiers bien
étoffés et bien rédigés, obtenir ce qui
était juste et légitime, car le gouvernement
fédéral allait y consentir spontanément. Bien, il n'y a
pas eu de consentement, ni spontané, ni arraché, en six ans et,
en particulier, dans le domaine des communications, en quatre ans de
négociations.
Bien au contraire, cela a permis au gouvernement fédéral
de préciser ses positions et de faire face aux revendications du
Québec. On se souvient du Québec maître d'oeuvre des
communications sur son territoire, du livre vert de l'ancien ministre des
Communications qui énonçait un partage concevable des pouvoirs
qui favorisait, bien sûr, le Québec puisque, comme l'a reconnu le
député de Mont-Royal, le Québec a des besoins particuliers
en la matière. A cela, le gouvernement du Québec le
gouvernement de l'époque inconditionnellement
fédéraliste, du même parti politique, s'est fait
répondre d'aller se faire cuire un oeuf, que les communications allaient
demeurer dans les mains du gouvernement fédéral et qu'il
n'était pas question de lâcher quoi que ce soit. Tout au plus la
grande concession a été, à la deuxième
conférence fédérale-provinciale, qu'on a laissé
entrevoir la possibilité d'une très mince et très
partielle délégation de pouvoir dans le domaine de la
câblodistribution, pourvu que la juridiction du fédéral
soit reconnue, ce qui était contesté à l'époque.
C'était tout, absolument tout, rien d'autre.
Là, j'avoue que je comprends moins l'exposé du
député de Mont-Royal parce que si les conditions actuelles ne
sont pas favorables à la négociation d'un partage des pouvoirs
parce qu'il y a un gouvernement à option souverainiste au Québec
et que, pendant six ans, on a fait la démonstration que les conditions
politiques pouvant amener un partage des pouvoirs entre le
fédéral et le Québec n'étaient pas non plus
favorables, malgré la présence d'un gouvernement non
souverainiste et fédéraliste à Québec, que faut-il
à Québec pour que les conditions soient favorables? Si on est
fédéraliste, cela ne marche pas; si on est souverainiste, cela ne
marche pas plus. Alors, il faut quoi? Vous allez m'expliquer. Le
fédéralisme renouvelé sans doute? La troisième
option?
M. Ciaccia: Vous n'avez pas compris l'objectif. Je vous
l'expliquerai après. Peut-être que vous n'écoutiez pas.
M. Guay: Non, j'écoutais très bien; la preuve,
c'est que j'ai noté pour écouter, ne vous en faites pas,
j'écoutais des choses extrêmement intéressantes que
je partage entièrement avec vous, dans l'immédiat, sur le partage
des responsabilités
et des pouvoirs dans le domaine des télécommunications,
cela reprend peu ou prou le Québec maître d'oeuvre de la politique
des communications sur son territoire. J'ai écouté tout cela
.
Vous nous dites, d'une part: Voilà un gouvernement souverainiste,
donc, il n'est pas question de lui faire confiance du point de vue
d'Ottawa.
M. Ciaccia: Je n'ai pas dit cela.
M. Guay: Enfin, j'interprète. Je peux utiliser vos propres
termes: II est difficile de donner à un gouvernement qui utiliserait des
moyens de communication à saccager l'unité du pays et qui les
utiliserait à la promotion de ses vues c'est votre terme, un
anglicisme indépendantistes... Vous dites ensuite que les
conditions politiques ne sont pas favorables. A quel moment deviennent-elles
favorables? Ce n'était pas favorable sous Bourassa. Ce n'est pas
favorable à l'heure actuelle. C'est peut-être pas favorable
à cause d'Ottawa. Peut-être qu'il faudrait changer de gouvernement
à Ottawa. C'est peut-être la solution.
Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas de
dialogue.
M. Guay: On verra. Il paraît qu'il y a des élections
qui s'en viennent. Je ne voudrais pas m'em-barquer là-dessus. Tout cela
pour dire, M. le Président, que l'exposé du député
de Mont-Royal était fort intéressant, révélateur.
Je me pose quelques questions sur les détails; par exemple; quand vous
dites que le fédéral devrait avoir juridiction sur les
réseaux interprovinciaux de télécommunications, cela veut
dire que le Québec abandonne la revendication qu'il a depuis 1972 en ce
qui a trait à Bell Canada qui est un réseau interprovincial qui
chevauche les provinces. C'était peut-être juste un lapsus sur le
fond.
M. Ciaccia: Le ministre même a parlé de Bell
Québec.
M. Guay: C'est vous. A part cela, sur le partage, cela reprend
essentiellement ce qui a été dit déjà. Mais sur
l'ouverture, la toile de fond politique qui a été faite en
début d'exposé, j'avoue je m'y retrouve mal. Je m'y retrouve mal
parce que ce qu'on a reproché au gouvernement du Québec, de
façon très hypothétique, c'est le gouvernement du Canada
qui, lui, a fait ces choses. C'est à lui qu'on devrait les reprocher,
malgré le fait que Mme Sauvé nous dit à Charlottetown: Les
communications, ce n'est pas comme les transports. Les communications ont un
contenu moral. Le contenu moral, évidemment, fait que cela relève
d'Ottawa. Il y a seulement Ottawa qui a la moralité suffisamment
élevée. C'est ce que cela veut dire. Puisque cela a un contenu
moral et qu'il faut que cela relève d'Ottawa à cause de cela, il
y a donc qu'Ottawa qui a un sens élevé de la moralité ou
qui a un sens moral tellement poussé et, évidemment, les
provinces, le Québec en particulier, sont des gens profondément
amoraux, aucun sens de la moralité. Alors, je reviens à la
thèse du gouvernement plus démocratique, moins
démocratique, plus corrompu, moins corrompu et ainsi de suite. Il reste
le mépris habituel du gouvernement canadien à l'endroit des
gouvernements provinciaux et de celui du Québec en particulier et la
très haute opinion qu'à Ottawa on a de soi-même et de ses
capacités.
Pourtant, l'expérience démontre que c'est
précisément ce gouvernement, qui se veut le garant du contenu
moral, qui a eu à l'endroit de la radiotélévision
canadienne un comportement que j'affirme être carrément amoral.
C'est le paradoxe que je voulais souligner, M. le Président, au sujet de
l'exposé du député de Mont-Royal. On ne reproche pas les
bonnes choses aux bonnes personnes. C'est plutôt du côté
d'Ottawa qu'on devrait faire des reproches et, si les conditions politiques ne
sont pas favorables à un partage des compétences, ce n'est
certainement pas la faute du gouvernement du Québec. Je dirais
même que, semble-t-il, ce n'est pas la faute de l'ancien gouvernement. On
a deux attitudes différentes et on a toujours la même attitude du
côté d'Ottawa: Niet. C'est peut-être du côté
d'Ottawa que cela ne va pas. C'est peut-être de ce côté. Que
ceux qui croient au fédéralisme canadien fassent des efforts pour
peut-être convaincre les Québécois et les Canadiens qu'il
est peut-être temps de changer de gouvernement à Ottawa. Je vous
laisse ce soin. Nous, on ne s'en mêle pas.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. O'Neill: M. le Président, je ne voudrais pas
empêcher d'autres personnes d'intervenir. J'ai un certain nombre de
remarques à faire. Je crois vraiment qu'il serait impossible de les
faire dans le temps qu'il nous reste. Je pourrais commencer, si vous le
désirez, et reprendre...
M. Ciaccia: C'est comme vous le voulez. Si vous pensez...
Le Président (M. Jolivet): S'il y a accord, on pourrait
ajourner les débats à 20 heures ce soir.
M. O'Neill: D'accord, nous reprendrons à 20 heures.
Le Président (M. Jolivet): L'assemblée
étudiant les crédits budgétaires des communications est
ajournée à 20 heures.
(Fin de la séance à 17 h 53)
Reprise de la séance à 20 h 4
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des communications est réunie pour continuer le
travail d'étude des crédits du ministère des
Communications. Au moment de la suspension de la séance, la parole
était au ministre des Communications. M. le ministre.
M. Louis O'Neill
M. O'Neill: M. le Président, je voudrais ajouter quelques
brefs commentaires relativement à ce qui a été dit
précédemment. J'ai d'autant plus raison d'être bref que mon
collègue adjoint parlementaire aux communications, M. Richard Guay, a
fait un excellent exposé, un excellent historique de la question,
pouvant permettre à chacun de mieux comprendre la position du
Québec dans le domaine des communications.
Je voudrais simplement dire ceci. D'abord, j'ai trouvé fort
pertinentes un grand nombre d'observations de M. Le Moignan, d'une part,
concernant la régionalisation de Radio-Québec. Etant donné
que nous verrons le programme qui concerne Radio-Québec demain, il aura
l'occasion, à ce moment-là, de répéter ses
recommandations, ses observations devant les représentants de
Radio-Québec. Il a aussi, d'autre part, je trouve, fait une bonne
description de l'importance des communications, eu égard à la vie
locale, aux besoins des comités locaux, aux besoins culturels et sociaux
des individus, et, à sa façon, sans peut-être qu'il l'ait
voulu, il a merveilleusement bien défendu la position du Québec
dans le domaine des communications.
Pour M. le député de Mont-Royal, l'approche a
été évidemment différente. Je voudrais tout
simplement lui rappeler ceci, que le Québec a toujours voulu
négocier, mais on ne négocie pas dans l'importe quelle condition,
ni dans n'importe quelle position. Quand on vous demande de négocier
à genoux, ce n'est plus de la négociation, c'est de la
supplication. Cela fait à peu près cent onze ans que le
Québec négocie. On peut se demander, d'ailleurs, au fond, si ce
n'est pas simplement le Québec qui avait pris au sérieux le
fédéralisme pour découvrir finalement que d'autres
n'étaient pas intéressés par le fédéralisme,
par de l'apparence fédéraliste, et, qu'au fond ce sont des
centralisateurs.
J'aurais envie un peu de poser la question suivante à M. Ciaccia.
A son avis, qu'est-ce qu'il y a de sérieux que le pouvoir
fédéral veut négocier? On nous a laissé entendre
qu'on serait prêt à discuter de questions telles que permis,
territoires et tarifs en câblodistribution. Seulement, on nous a dit
qu'on n'avait aucun mandat pour parler d'autre chose que ce soit. Mme
Sauvé a exprimé ses craintes à un moment donné de
voir les provinces en général s'occuper de trop près d'un
domaine, et ici je reprends son expression, "où il y a un contenu moral
et intellectuel important", comme si les Etats provinciaux étaient
inaptes à s'occuper de choses morales et intellectuelles. M. le
député de Mont-Royal concède que le Québec doit
obtenir des pouvoirs élargis. J'ai envie de lui demander: Est-ce qu'il a
bien vérifié là-bas pour savoir si on est prêt
à accorder quelque chose?
Alors, quand il dit: Le ministre a changé d'attitude, je lui
réponds: Nous sommes devant des états de fait; en territoire
occupé, il faut traiter avec l'occupant en attendant que la situation
change. La décision de la Cour suprême nous a mis en situation, je
dirais juridiquement affirmée, de territoire occupé. D'ailleurs,
ce n'est pas la première fois. C'est grâce à des jugements
de cours que le Québec a perdu successivement ses droits dans l'ensemble
du domaine des communications. Je serais fort intéressé aussi de
savoir ce que M. le député de Mont-Royal pense de la formule
Saint-Laurent, une formule mise au point sous l'égide d'un homme d'Etat
fédéral qui, on le sait très bien, n'avait aucune
propension pour l'autonomie des provinces.
Si c'était bon dans ce temps, pourquoi ne serait-ce pas bon
aujourd'hui? Et j'ai envie de lui demander: Est-ce qu'il est prêt
à mener le combat pour que soit adoptée la formule Saint-Laurent?
Encore une fois, oui, nous sommes prêts, nous avons toujours
été prêts à négocier, mais nous voulons un
état sérieux de négociation. Pas de l'amusement. 111 ans
d'échec, 111 ans de déception, 111 d'empiétement, 111 ans
d'envahissement, cela commence quand même à rendre les gens
prudents. Je tiens à rappeler qu'à Charlottetown, nous n'avons
à aucun moment senti cette volonté, finalement, de
concéder quoi que ce soit de sérieux. Nous avons même cru
bien voir une orientation d'esprit, une tendance à vouloir accaparer
encore plus de territoire. Je donne, à titre d'exemple, l'attitude prise
par le ministre fédéral des Communications concernant, entre
autres, la télévision payante.
Il est vraiment inutile, actuellement, d'essayer de faire croire aux
Québécois que ce pouvoir fédéral est autre chose
qu'un pouvoir accaparant, envahissant et dominant. Il est inutile aussi de nous
demander de contribuer à ce que se perpétuent des illusions
trompeuses qui, en fait, cachent une situation de dominés et de
colonisés. D'aucune façon nous n'accepterons de négocier
ce qui s'appellerait des conditions de notre dépendance. Nous sommes
prêts à discuter, à maintenir et à poursuivre un
dialogue civilisé menant à notre indépendance, menant
à notre maîtrise d'un secteur. Nous sommes prêts, à
l'intérieur même d'un régime que l'on prétend
fédéral, à mener des échanges, à poursuivre
un dialogue civilisé qui conduise à reconnaître notre
maîtrise d'oeuvre dans un domaine si intimement lié à la
vie culturelle, dans un domaine qui exerce une influence
prépondérante sur la cohésion sociale, la cohésion
nationale.
Voilà pourquoi, pour nous, dans ce débat sur les
communications, nous n'accepterons jamais de marchander des choses
essentielles.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je peux demander
une directive?
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le
député.
M. Ciaccia: Dans le passé, je crois qu'il est coutume dans
nos délibérations et les travaux des commissions parlementaires
sur l'étude des crédits qu'avant de passer programme par
programme on nous donne un assez large moyen de poser au ministre des questions
d'ordre général. C'est cela que nous avons fait à
l'étude des crédits l'année dernière. J'ai
présumé que nous allions continuer à utiliser la
même façon d'agir. Est-ce qu'on peut tenir pour acquis qu'on va
pouvoir poser certaines questions d'ordre général avant de
commencer l'étude des crédits, programme par programme?
Le Président (M. Jolivet): Actuellement, après
chacune des interventions, le ministre a le droit de répondre par la
formule qu'on a toujours utilisée aux questions posées à
l'intérieur de vos interventions du début. Quant à moi,
nous sommes rendus actuellement à l'étude programme par programme
ou élément par élément de chacun des programmes. A
moins que le ministre n'accepte une question générale, je n'ai
pas d'objection.
M. Ciaccia: Je ne veux pas vous...
M. O'Neill: Si elles sont générales, M. le
Président, il n'y aura pas de doublage. Evidemment, si elles
étaient très particulières, à ce moment-là,
il faudrait attendre le programme concerné.
M. Ciaccia: Exactement, c'est d'ordre général.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, s'il n'y a aucune
objection.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Premièrement, je voudrais faire une certaine précision. Je
ne voulais pas invoquer l'article 96 de notre règlement parce que ce
n'est pas mon but d'être procédurier dans les travaux de notre
commission. Je voudrais, avant de poser des questions d'ordre
général au ministre, apporter certaines précisions quant
aux paroles qui m'ont été imputées, quant aux motifs qu'on
semble vouloir me prêter par ma déclaration ou de la façon
dont je voyais se dérouler les discussions dans le domaine des
communications avec le fédéral.
M. le ministre, il n'est aucunement question de négocier à
genoux, ce n'est pas du tout le sens de mes propos. Si vous vous rappelez, le
député de Taschereau a fait une analyse de ma thèse, une
antithèse. Peut-être n'avez-vous pas compris ou peut-être ne
me suis-je pas expliqué assez clairement, cela se peut. La thèse
que je vous ai soumise et à laquelle vous avez
référé... Vous avez dit: Pourquoi dans le passé,
alors que c'étaient deux gouvernements fédéralistes, ne
sont-ils pas arrivés à une entente? C'est une question
très légitime.
Je ne veux pas faire d'accusation sur le passé, je regarde vers
l'avenir. Je soumets que le débat, dans le domaine des communications, a
été faussé parce que, d'un côté, nous avons
toujours pris la position que le Québec doit défendre seulement
les intérêts des Québécois et que le
fédéral a l'exclusive juridiction de défendre les
intérêts de tous les Canadiens. Au départ, j'ai
critiqué les deux attitudes. C'est une critique du fédéral
que je fais assez ouvertement. C'est aussi une critique de l'approche du
Québec. Que ce soit par le Parti québécois ou que ce soit
depuis qu'il y a des discussions, même avant les libéraux, dans le
temps de l'Union Nationale, c'était encore cette position.
En conséquence, si on prend cette approche, on ne peut pas
arriver à une solution. Je vous ai suggéré,
premièrement, que le pouvoir fédéral n'ait pas le droit
exclusif de dire: Je protège toute l'entité canadienne dans le
domaine des communications. Je crois que le Québec ne doit pas se
limiter à protéger seulement les intérêts du
Québec. Il doit le faire. Mais, en plus parce que j'épouse
une thèse fédéraliste de défendre les
intérêts du Québec, il a aussi le devoir de défendre
les intérêts du Québec au sein du Canada, ce qui inclut les
intérêts des francophones et les intérêts canadiens
tels que perçus par le Québec. Alors, quand j'ai soumis cette
thèse, j'ai passé certaines remarques sur les objectifs du Parti
québécois, qui étaient la séparation. Ce
n'était pas le thème principal de dire que c'était pour
ces raisons qu'on ne peut pas négocier avec le fédéral
parce que, si vous vous rappelez, j'ai dit: J'appuie l'idée du partage
des pouvoirs dans ce domaine, et même je suis allé plus loin. J'ai
dit: J'ose espérer une progression en ce sens, même si les
conditions politiques sont loin d'être favorables. Il faut être
réaliste: Elles ne sont pas favorables maintenant à cause des
différents points de vue du côté fédéral
comme du côté provincial et il faut avoir un changement aux deux
niveaux pour arriver à une entente qui va prendre en
considération les intérêts du Québec et
l'intérêt national. C'est seulement cette précision, comme
je vous l'ai dit, M. le Président. Je ne voulais pas invoquer l'article
96, mais je voulais seulement répondre à la question que le
député de Taschereau m'avait posée, et la question que le
ministre m'a posée, si j'étais prêt à
défendre la formule Saint-Laurent. Je ne peux pas me cacher en disant:
Ecoutez, ce n'est pas nous qui sommes au pouvoir, qui formons le gouvernement.
C'est le ministre qui doit défendre ses positions. Je crois que j'ai
été assez clair dans la manière par laquelle nous voyons
le partage de ces pouvoirs et je ne pense pas qu'il diffère tellement de
la position que le ministre et le député de Taschereau ont prise
et que nous avons fait connaître, non seulement aujourd'hui, mais que
nous avons fait connaître au gouvernement au mois de juin dernier.
Ceci étant dit, je ne veux pas continuer le...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: Sans non plus vouloir faire un débat de
procédure et invoquer l'article 96, c'est seulement peut-être une
mise au point, si vous me le permettez. J'avais pris note, effectivement,
dans
les propos du député de Mont-Royal, de cette
réflexion suivant laquelle le gouvernement du Québec ne devrait
pas se placer dans l'optique où il n'a que les intérêts du
Québec à défendre et le gouvernement du Canada comme s'il
était le seul défenseur des intérêts du Canada.
Mais dans la critique que j'ai pu faire des propos du
député de Mont-Royal, je ne me référais pas
à ces passages de ses propos. Je me référais aux passages
de ses propos où il mettait en cause, jusqu'à un certain point,
la façon dont le gouvernement du Québec utiliserait les moyens de
communication s'il les avait sous sa juridiction ce qui était
d'ailleurs une accusation très hypothétique alors qu'il ne
faisait aucune référence à la façon dont le
gouvernement fédéral, qui a les moyens de communications sous sa
compétence, les utilisait à des fins carrément politiques.
(20 h 20)
Je lui souligne tout simplement, M. le Président, que dans le
passé, sous le gouvernement précédent, si on relit le
Québec maître d'oeuvre et si on fait surtout
référence au consensus interprovincial intervenu lors de la
cinquième conférence interprovinciale à Toronto, qui a
été soumis à la deuxième conférence
fédérale-provinciale et auquel le Québec avait souscrit
et je me souviens des propos de M. L'Allier comme étant un
minimum, on concevait facilement à ce moment-là que le Canada, le
fédéral avait un rôle à jouer, que le gouvernement
fédéral devait conserver Radio-Canada et la faire servir à
des intérêts de promotion de l'unité canadienne et non pas
au sens partisan ou très politique du terme, où on essaie de
forcer, où on cherche à en arriver à une information
biaisée en faveur de l'unité canadienne. Parce que l'information
est quand même une chose avec laquelle il faut éviter de jouer
pour des fins politiques.
Donc, la perspective dans laquelle le député de Mont-Royal
souhaite que le gouvernement du Québec soit placé est une
perspective je le reconnais qui fut celle de l'ancien ministre
des Communications et qui demeure celle du gouvernement actuel. Tant et aussi
longtemps que le Québec fait partie de la fédération
et le ministre l'a dit il est entendu qu'il y a un certain nombre
d'instruments qui, logiquement, pour l'instant, doivent relever de la
compétence fédérale. C'est donc dire que nous nous
plaçons non seulement dans l'optique de la défense des
intérêts des Québécois mais dans l'optique aussi que
le Canada au complet, au sens plein du terme, a des intérêts
à défendre et qu'il appartient aux provinces de garder cette
perspective en tête. Mais tant sous l'ancien gouvernement que sous le
gouvernement actuel, on n'a pas réussi à faire passer ce message
au gouvernement fédéral.
Vous dites qu'il devrait y avoir des changements à Québec
et dés changements à Ottawa. Je vous dis que l'ancien
gouvernement a défendu la thèse que vous souhaitez, dans l'esprit
que vous souhaitez. Il y a eu des changements à Québec et je
soutiens donc que c'est peut-être qu'il est temps qu'il y ait des
changements à Ottawa, tout simplement.
Ma question demeure la même et me paraît toujours valable:
Comment se fait-il qu'un gouvernement fédéraliste inconditionnel,
de 1970 à 1976, avec six conférences interprovinciales, trois
conférences fédérales-provinciales et malgré le
fait que sa position ait évolué... Si on lit le document, le
Québec maître d'oeuvre et si on lit le consensus interprovincial,
il y a eu une évolution. Il y a eu un compromis interprovincial qui
gardait en perspective la dimension canadienne. Malgré tout cela, le
gouvernement fédéral canadien, le gouvernement de M. Trudeau,
pendant six années a dit non. Depuis le changement de gouvernement, il
continue à dire non. Je me dis que le problème ne se pose pas
à Québec. Puisqu'il y a eu un changement à Québec
et qu'on a discuté dans cette optique, qu'il y a eu l'impasse tant dans
le passé qu'à l'heure actuelle, il doit donc y avoir un
problème quelque part à Ottawa. C'est peut-être à ce
niveau que devraient agir les forces fédéralistes qui veulent un
fédéralisme renouvelé, qui veulent qu'on conçoive
le Canada de façon différente, qui veulent que le gouvernement du
Canada soit plus souple en matière de communications, qui veulent que le
gouvernement canadien concède un rôle aux provinces dans ce
domaine. Il faudrait peut-être que ceux qui croient à ce Canada
cherchent à obtenir le changement là où il
m'apparaît devoir se faire. Il s'est fait à Québec. C'est
à Ottawa que cela bloque. C'est à Ottawa que cela a toujours
bloqué. Nos amis d'en face se disent fédéralistes, en
faveur d'une troisième ou quatrième option ou d'un
fédéralisme renouvelé; c'est peut-être de ce
côté que devraient porter vos énergies lors de la prochaine
campagne électorale, de façon à avoir à Ottawa un
gouvernement qui soit moins figé dans le béton, qui soit moins
centralisateur et qui vise plus, comme l'a dit le ministre, la
réalité du fédéralisme, parce que, comme l'a dit le
ministre, c'est effectivement à Ottawa que le degré de perception
du fédéralisme est à son plus bas niveau.
Le Président (M. Jolivet): J'ai été
très large jusqu'à maintenant. Si vous n'avez pas invoqué
l'article 96, je pourrais le faire et vous demander maintenant de vous en tenir
à la pertinence des questions à poser de façon
générale, puisqu'une intervention selon l'article 96 ne doit
engendrer en aucune façon de débat.
M. Ciaccia: M. le Président, on aurait beaucoup d'autres
choses à dire et à préciser, mais je vais me conformer
à votre directive. Je vais poser au ministre des questions d'ordre
général.
Concernant la presse écrite, si M. le ministre s'en souvient,
j'avais posé une question en Chambre sur le rapport qu'il avait
déposé en Chambre sur la concentration de la presse où le
citoyen est menacé. J'avais souligné au ministre que c'est vrai
qu'il y a certains dangers, que le rapport nous souligne, à cause de la
concentration de la propriété de la presse au Québec entre
peu de mains. Il y avait aussi des dangers de l'intervention de l'Etat.
Le rapport sur la concentration de la presse se limitait strictement
à examiner les dangers de la concentration de cette
propriété, sans aucune ré-
férence aux dangers que l'intervention du gouvernement, dans le
domaine de la presse écrite, pourrait avoir pour la liberté
d'expression, parce qu'il y a des dangers des deux côtés.
Je crois que dans la réponse que vous m'aviez donnée, vous
m'aviez assuré que cette liberté serait garantie. Pourriez-vous
nous dire aujourd'hui si vous avez l'intention de faire une étude qui
chercherait des moyens de garantir la liberté d'expression face aux
menaces, aux dangers possibles qu'une intervention gouvernementale pourrait
provoquer. Je crois que c'est un danger légitime. Je ne voudrais pas que
le député de Taschereau m'interprète mal, ce n'est pas une
accusation que je fais au gouvernement, cela peut être n'importe quel
gouvernement, que ce soit le gouvernement du Québec, le gouvernement du
Canada ou d'un autre pays. Je crois que, si on examine l'histoire, on voit que
quand les gouvernements ont tenté de légiférer ou d'avoir
certains contrôles sur la presse, cela a posé certains dangers;
certains gouvernements en ont abusé plus que d'autres.
Alors, est-ce que le ministre, premièrement, croit que c'est un
vrai danger possible, et a-t-il l'intention de faire une étude pour
donner des suggestions, pour faire la lumière sur les sauvegardes
possibles qui seraient nécessaires dans le cas où le gouvernement
devrait intervenir?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. O'Neill: M. le Président, je voudrais d'abord rappeler
que ce rapport ce qu'on a appelé, au début, Rapport sur la
concentration de la presse, ensuite cela s'est appelé Rapport sur le
droit du public à l'information constitue un document de travail
particulier, une source qui inspire l'analyse et la réflexion, mais une
source parmi d'autres. Cela ne veut pas dire que nous voulons sous-estimer le
travail qui a été fait par le comité en question mais
simplement que nous distinguons bien ce comité, ses opinions, de ce que
pourraient être, a un moment donné, des prises de position
gouvernementales. Nous avions demandé aux membres de ce comité,
entre autres, de faire une synthèse de l'état actuel des
recherches, des discussions qui avaient eu lieu, un peu aussi de tout cet
aménagement structurel dans le secteur de la presse, et, en même
temps aussi, si le coeur leur en disait, de formuler un certain nombre de
suggestions à la suite de paramètres, de principes qu'ils avaient
affirmés avant de formuler des suggestions.
Or, cela a été fait, ce document est là, et, dans
le moment, je vous signale, comme attitude évidente, une étude de
très grande prudence de la part du gouvernement. Cette attitude est
très apparente, d'ailleurs, dans les conflits actuels. Combien de gens
nous ont reproché de ne pas intervenir dans des conflits aussi longs que
celui du Soleil qui dure depuis la fin du mois d'août! Des gens nous ont
dit: Vous devriez faire quelque chose à cause du droit des citoyens
à l'information. On sait tous ici que la profession de notre premier
ministre, c'est celle de journaliste, et tout le monde sait comment M.
Lévesque, dans toute sa carrière, non seulement s'est
manifesté comme journaliste de qualité exceptionnelle, mais a
toujours manifesté une extrême sensibilité face à
des problèmes comme ceux-là; le droit à l'information, la
liberté de la presse, la liberté d'expression.
Alors, c'est évidemment cette même attitude qui l'a
inspiré face au conflit actuel et, encore une fois, s'il n'y a pas une
intervention antérieure, si vous voulez, jusqu'ici, il y en a une,
là, qui est la nomination d'un médiateur. Si cela ne s'est pas
fait, ce n'est non pas parce qu'il y avait un manque de volonté
politique de vouloir régler quelque chose, ce n'est pas cela; c'est que
nous croyons très dangereux de vouloir régler quelque chose trop
vite dans un domaine aussi délicat.
C'était donc par respect pour la liberté d'information que
nous avons adopté cette attitude qui nous a attiré un certain
nombre de critiques. Le dossier, actuellement, n'est pas plus loin, n'est pas
avancé, nous continuons de recueillir des données. Nous avons
suivi avec grand intérêt, d'ailleurs, les débats entre
journalistes, ce débat qui a eu lieu suite à la parution du
rapport sur la précarité de la presse, et nous avons
trouvé que c'était extrêmement profitable pour nous de
pouvoir comparer les positions différentes des journalistes. Certains
d'entre vous ont peut-être suivi ce débat. On en a retrouvé
de grands exposés, spécialement entre autres dans le Devoir.
Nous pensons qu'il faut un peu laisser cette question mûrir.
Encore une fois, pour ce qui est de ce que j'appellerais la philosophie,
l'approche qui nous inspire dans ce domaine, c'est bien celle que je viens de
vous décrire. Nous avons un immense respect pour la liberté
d'information. Nous y croyons beaucoup. Nous déplorons ce qui se passe
actuellement parce que nous pensons que la première condition, je
dirais, d'une libération d'un peuple, c'est la bonne information, c'est
la diversité des sources, c'est une certaine quantité
d'informations. Nous déplorons, par exemple, que des stations
privées de radio, entre autres, sous juridiction fédérale,
donnent, dans certains cas, une information extrêmement pauvre, utilisent
si mal les ondes. Nous croyons que les citoyens ont droit à plus que
cela.
Donc, là-dessus, notre attitude est celle que je viens de vous
décrire et nous aimerions, d'ailleurs, que cette attitude puisse
peut-être servir d'exemple à certains media ou à certains
groupes politiques souvent enclins à nous soupçonner
d'intentions, je dirais, maléfiques, et qui eux, dans certains cas, ont
une étrange façon de se comporter quand ils ont leur mot à
dire sur le fonctionnement des media d'information.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, j'apprécie les bons
voeux du ministre et ses vues particulières sur soi-disant la
liberté de la presse. Mais ma question était plus
particulière. Je ne crois pas que le ministre a vraiment répondu.
Je lui deman-
dais s'il avait l'intention de planifier une étude qui
chercherait des moyens de garantir la liberté d'expression face aux
menaces qu'une intervention gouvernementale pourrait provoquer. Est-ce son
intention de faire une telle étude oui ou non, ou ce danger possible ne
le préoccupe-t-il pas?
M. O'Neill: M. le Président, j'ai dit qu'actuellement des
études se poursuivaient concernant ce problème de savoir si on
pourrait un jour en arriver à une forme de législation pouvant
mieux protéger les droits du citoyen à l'information.
Si la question de M. le député de Mont-Royal voulait dire
que la législation gouvernementale éventuelle de ce gouvernement
est dangereuse pour le droit à l'information, je dis qu'il passe
à côté de l'affaire. Je dis que l'esprit de ce gouvernement
garantit beaucoup plus l'impartialité et l'objectivité de
l'information que l'esprit qui a paru, par exemple, dans certaines analyses de
la situation politique au Québec et dans lesquelles sont
spécialisées des revues, par exemple, si je ne m'abuse, comme
Mclean, des choses comme cela. Nous avons, nous, le respect des gens.
D'ailleurs, les Québécois, depuis longtemps, ont eu toujours ce
respect. Ce ne sont pas eux qui ont joué des rôles de dominateurs
dans la société.
Je voulais simplement dire à M. le député qu'il
peut être en paix, nous avons très à coeur la
liberté de l'information et très à coeur le droit de
s'exprimer pour ceux aussi qui ne partagent pas nos opinions.
M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai aucunement
suggéré que ce gouvernement puisse empiéter sur la
liberté d'expression et sur la liberté de la presse. Ce n'est pas
cela ma question. Mais mon expérience c'est que j'aimerais voir traduire
en action positive les voeux parfois pieux et les
généralités que le ministre parfois nous donne à
cette commission parlementaire. Ce n'est pas une accusation contre le
gouvernement. C'est une constatation que ce soit ce gouvernement-ci, que
ce soit un autre, parce que les gouvernements viennent, les gouvernements
partent qu'il y a un danger quand un gouvernement légifère
dans le domaine de la presse, dans le domaine de l'expression écrite. Ma
question n'est pas que je crains spécifiquement le gouvernement du Parti
québécois. Cela n'a rien à voir avec ma question. Ma
question se rattachait à ce danger. Vous avez perçu un danger
dans la concentration de la propriété de la presse, vous avez
fait faire une étude. Eventuellement, vous allez donner suite à
certaines des recommandations de cette étude. L'autre danger qui se
présente, c'est la législation et l'intervention gouvernementale
dans ce domaine. Ne croyez-vous pas que vous devriez faire une étude,
planifier une étude pour montrer les grandes lignes, les dangers
possibles et comment le citoyen pourrait être protégé, face
à une intervention gouvernementale? Que ce soit la vôtre, que ce
soit celle d'un autre gouvernement, est-ce que vous avez cette intention
d'ouvrir ce sujet, d'éclairer la population sur les dangers possibles
d'une inter- vention gouvernementale ou bien si vous n'avez pas cette intention
de faire une telle étude?
M. O'Neill: M. le Président, quant aux dangers possibles
d'une intervention gouvernementale, il faudrait d'abord qu'il y en ait une, et
deuxièmement qu'elle soit dangereuse. Je suggère à M. le
député d'attendre et on verra si un jour il y a
législation là-dessus. Tout ce que je lui réponds, c'est
que quand il y en aura une, elle révélera l'esprit
démocratique qui nous anime. C'est simplement cela que je lui dis. Si M.
le député dit qu'il faudrait encore d'autres études,
remarquez que de toute façon, nous continuons à en faire. Ce sera
toujours analysé de savoir s'il faut faire une nouvelle étude
comme telle encore, mais tout ce que je lui dis; c'est que nous craignons
autant que lui sinon plus que lui des interventions étatiques dans le
domaine de l'information.
J'ai remarqué cet après-midi qu'il avait semblé
beaucoup moins sensible aux intrusions du pouvoir fédéral dans le
domaine de l'information que nous ne le sommes. A ce point de vue,
l'exposé de M. le député de Taschereau a bien
illustré les choses. Nous n'avons pas encore entendu M. le
député de Mont-Royal exprimer son inquiétude face aux
intrusions du pouvoir fédéral dans l'information. On dirait que
pour lui l'inquiétude n'est que d'un côté. Il est
déjà inquiet d'hypothétiques interventions du pouvoir
québécois, mais il n'est pas inquiet de réelles intrusions
du pouvoir fédéral. Cela me semble un paradoxe.
M. Ciaccia: M. le Président, là, je vais
l'invoquer, l'article 96. Là, je commence à être
tanné de me faire charrier dans ses réponses, de me faire imputer
des motifs que je n'ai pas, de me faire mettre dans la bouche des paroles que
je n'ai pas dites.
M. O'Neill: Arrêtez d'agir comme un obsédé,
c'est tout!
M. Ciaccia: Ecoutez! Si c'est votre tactique de ne pas
répondre et d'essayer de nous provoquer pour qu'on ne vous pose pas de
questions, je m'excuse, mais je fais partie de l'Opposition officielle, je
connais mes devoirs et c'est de vous poser des questions. Si vous êtes
pour faire de la politique et de la démagogie à chaque
réponse, je vais avoir de la patience et je vais vous le redemander. Je
ne suis pas ici pour examiner les crédits du gouvernement
fédéral. J'ai exprimé certaines réserves quant
à la position du gouvernement fédéral dans le domaine des
communications et je pense que ces réserves sont claires. Vous pourrez
relire le journal des Débats de cet après-midi pour voir quelle
sorte de changements je voudrais.
Nous sommes ici pour examiner les crédits du ministère des
Communications du Québec et j'ai tout le droit d'après nos
règlements, selon mes devoirs et mes responsabilités comme membre
de l'Opposition officielle, de vous poser ces questions. Maintenant, si vous
voulez répondre en portant des accusations, c'est votre
prérogative. Je ne
dis pas que je l'accepterai volontiers, mais je n'ai aucun choix. Je
n'aime pas me faire jeter à la figure ce genre d'accusations; je n'en
porte pas contre vous, des accusations, M. le ministre. Je ne dis pas que vous
allez nous enlever la liberté d'expression.
M. O'Neill: Ce sont des insinuations.
M. Ciaccia: Je ne vous dis pas que vous allez nous enlever des
droits et la liberté de la presse. Je ne vous impute aucun motif; je
vous parle d'une intervention gouvernementale. Vous me dites: Attendez que la
loi soit présentée. Peut-être que ce sera trop tard. Je
pense que prévenir vaut mieux que guérir. Vous contournez la
question.
Si vous me dites qu'il n'y a aucun danger d'une loi gouvernementale, je
vous répondrai: Regardez votre histoire, regardez ce qui se passe
ailleurs. Dans toute autre juridiction, il y a ce danger. Je vous demande:
Allez-vous prendre les mesures nécessaires, autant pour vous
protéger, pour protéger votre ministère que pour
protéger les citoyens du Québec, pour éviter ces dangers
et ainsi sauvegarder la liberté d'expression de ces citoyens, oui ou
non? Si vous dites non, je vais l'accepter et je vais passer à la
question suivante. (21 h 40)
M. O'Neill: Nous avons pris les mesures et nous les prendrons
toujours. Il n'y a pas un pays, je crois, où on respecte plus la
liberté d'information, la critique et souvent la critique
injustifiée. Là-dessus, il y a des gens qui pourraient faire un
examen de conscience.
Quant à essayer de calmer M. le député de
Mont-Royal avec ses obsessions qu'il nous sert depuis un an parce qu'il se sent
mal à l'aise, je crois, étant donné qu'il s'agit d'un
gouvernement indépendantiste, nous essayons de calmer ce genre
d'angoisse, mais il me semble que nous n'y pouvons rien. M. le
député formule des hypothèses sur d'éventuelles
interventions gouvernementales. Je lui dis que dans le moment il n'y en a pas,
que nous sommes au stade des études et que, pour ce qui est de voir
à protéger les droits auxquels il croit, nous y croyons autant
que lui et, là-dessus, il n'a pas de leçon à nous
donner.
M. Ciaccia: Je n'ai pas fait d'accusations. Je sais que, dans ce
pays, nous avons les plus grandes libertés que dans n'importe quel autre
pays, mais je voudrais m'assurer que cela va rester comme cela. C'est pour cela
que je pose ces questions. Je ne fais pas d'accusations. Je veux m'assurer que
j'aurai toujours le droit de parole, même le droit que, parfois, par
certaines interventions, indirectement, certains de votre côté
voudraient m'enlever. Je ne fais pas d'accusations. "An ounce of prevention is
worth a pound of cure". Vaut mieux prévenir que guérir. Et s'il y
a des obsessions, elles viennent de ce côté-là de la table,
pas de ce côté-ci. Parce que ce n'est pas moi qui fais les
accusations, c'est vous qui les faites. J'essaie d'avoir des réponses
claires et rationnelles, mais c'est pas mal difficile, avec votre approche.
Je vais aborder la prochaine question. C'est vous-même qui avez
soulevé le sujet de la grève du Soleil, de la Presse et du
Montréal-Matin. Vous avez laissé entendre que vous respectiez
tellement la liberté d'expression que vous n'intervenez pas dans ces
grèves. Chaque droit comporte des responsabilités, M. le
ministre. Si j'ai le droit à une certaine chose, j'ai aussi la
responsabilité conséquente. Le Soleil est en grève depuis
le mois d'août. Je ne remets pas en cause le droit à la
liberté d'expression, mais je soulève aussi le droit de la
population à l'information. Elle aussi a des droits. Elle a le droit
d'être informée. J'ai les mêmes préoccupations, plus
consciemment peut-être, dans certains cas, que vous semblez soulever. Moi
aussi je suis conscient des droits de la population à l'information et
je crois qu'un de ces droits est lésé dans la ville de
Québec, dans la ville de Montréal avec les deux plus grands
quotidiens de langue française qui ne publient pas, un depuis le mois
d'août, l'autre depuis le mois d'octobre, je crois. Cela affecte les
droits des citoyens. Et vous ne pouvez pas ne pas intervenir. Je veux
protéger la liberté d'expression des journaux.
Le ministre du Travail ou quelqu'un d'autre avait suggéré
à la Chambre que si cela continuait il y aurait peut-être lieu
d'avoir une commission parlementaire pour faire la lumière, pour que la
population sache quel est ce litige. On est dans la noirceur. On ne sait pas
pourquoi ces journaux-là ne publient pas et je crois que vous, M. le
ministre, en tant que ministre des Communications, avez un certain devoir dans
ce dossier. Vous avez le devoir, c'est vrai, de respecter la liberté
d'expression, mais aussi le devoir de vous assurer, dans la mesure du possible,
que les citoyens reçoivent cette information. Aujourd'hui, en Chambre,
le ministre du Travail a dit qu'il y a encore 147 points sur lesquels il n'y a
pas d'entente dans le litige du Soleil. Je trouve cela incroyable. La
population a droit à une explication, après six ou sept mois,
depuis le mois d'août. On en est encore à 147 points sur lesquels
on ne s'entend pas. Ne pensez-vous pas, M. le ministre, que le moins qu'on
puisse faire serait de convoquer cette commission pour faire la lumière
et faire dire à ces gens, que ce soit le patronat, que ce soient les
propriétaires des journaux, que ce soient les syndicats, je ne le sais
pas, pourquoi ils peuvent continuer une grève de ce genre et enlever le
droit à l'information à un si grand secteur de la population.
Qu'ils viennent nous le dire.
Ne pensez-vous pas qu'il y aurait lieu de faire quelque chose, le
minimum? Vous n'empiétez sur aucun droit de liberté d'expression
ou autres. Je crois que vous donnerez effet à vos responsabilités
de convoquer une commission parlementaire et faire la lumière, que les
gens expliquent leur point de vue pour que le public le sache. Souvent, M. le
ministre, vous savez que, quand les gens sont obligés de s'expliquer au
public, cela peut éclaircir beaucoup de choses.
Alors, la question que je vous pose, premièrement, c'est: Est-ce
que vous avez l'intention d'agir dans ce dossier et de quelle
manière?
M. O'Neill: M. le Président, brièvement parce qu'il
a déjà été question de cela à
l'Assemblée nationale, il a déjà été
mentionné l'hypothèse de la possibilité qu'il y ait une
commission parlementaire de convoquée, sauf que dans l'intervalle,
depuis ce temps, il a été étudié la
possibilité qu'il y ait un médiateur spécial et c'est
aujourd'hui la nouvelle formule qu'a choisie le ministre du Travail. On verra
comment ce médiateur spécial s'acquittera de sa tâche et le
succès qu'il connaîtra. L'autre hypothèse demeure toujours,
le premier ministre l'a mentionné, on doit quand même permettre
à ces médiateurs spéciaux d'avoir quelques jours pour
accomplir leur travail.
Je sais que ces longs conflits agacent tout le monde, nuisent au bon
fonctionnement des communications au sein de la société mais, au
moment où on accepte que, dans une société, il y ait des
droits de dissension, des droits de grève, etc., il faut, jusqu'à
une certaine limite, du moins pendant un certain temps, accepter aussi des
inconvénients assez sérieux. Alors, tout le monde souhaite la fin
de ces conflits le plus tôt possible mais, encore une fois, cela ne veut
pas dire qu'il faut, à un moment donné, essayer d'arriver
à cela par n'importe quel moyen. Il est bon de suivre un certain ordre,
une certaine priorité de moyens et je crois que l'étape actuelle
est l'étape de la médiation spéciale. Ensuite, on
verra.
M. Ciaccia: M. le Président, vous m'avez indiqué
que mon temps s'écoulait. Je voudrais vous demander une directive.
J'aurais une autre petite question sur le même sujet, sur la question de
la presse écrite, pour terminer mes 20 minutes mais, d'après
l'article 160, j'ai 20 minutes par sujet, sur un même article ou un
même paragraphe. Je ne veux pas continuer à prendre le temps de la
commission sans égard au droit de parole de mon collègue de
l'Union Nationale; alors, la directive que je vous demande, c'est que je veux
seulement vous signaler que dans des commissions antérieures c'est de
cette façon que nous avons procédé, les questions d'ordre
général peuvent prendre plus de 20 minutes si nous avons des
différents sujets. Par exemple, le sujet sur lequel je questionne le
ministre, la presse écrite; j'aurais d'autres questions d'ordre
général sur lesquelles faire quelques commentaires ou à
poser au ministre. Je suis prêt à le faire après les autres
députés ou mon collègue de l'Union Nationale ou tout autre
qui voudrait intervenir sur ce sujet mais je pense que je devrais avoir le
droit pas que je voudrais prendre les 20 minutes sur chaque sujet
de poser certaines questions ou de faire certaines remarques sur d'autres
sujets d'ordre général avant de commencer l'étude
programme par programme.
Je pense que c'était l'entente que nous avions prise. Nous nous
étions entendus à limiter notre exposé à un certain
nombre d'heures. Alors, je vais respecter l'entente qui a eu lieu entre les
leaders parlementaires des différents partis mais je pense que cela nous
aiderait, cela nous permettrait de nous débarrasser de certaines
questions d'ordre général et, après cela, quitte à
aller plus vite sur les crédits, programme par programme.
Le Président (M. Jolivet): Au départ, normalement,
nous devons procéder par le droit de parole de chacun de 20 minutes. Je
n'aurais pas d'objection à permettre au député de
Gaspé de poser sa question puisqu'il en a le droit, comme tout membre de
la commission, et à revenir ensuite, si tout le monde est d'accord sur
cette possibilité de revenir. Si on élimine l'ensemble des
questions au niveau de chacun des programmes par la formule des questions
générales, je n'ai aucune objection à cela.
M. Ciaccia: Merci.
M. Guay: Sur cette question je n'ai pas consulté
mes collègues, mais j'ai bien l'impression que dans la mesure où
le député de Mont-Royal nous dit qu'il a encore une question sur
la presse écrite...
M. Ciaccia: Sur ce sujet-ci et j'aurais peut-être un autre
sujet.
M. Guay: Même s'il a un autre sujet, si notre consentement
peut y être pour quelque chose, nous n'avons aucune objection à ce
que le député de Mont-Royal continue, dans la mesure où
cela ne va pas à l'encontre des droits de l'Union Nationale ou des
autres membres de la commission.
M. Vaillancourt (Orford): M. le Président, je voudrais
juste poser une question. Combien de temps avons-nous pour l'étude des
crédits?
Le Président (M. Jolivet): Je pense que c'est huit heures
au total.
M. Vaillancourt (Orford): Huit heures au total. M. Le Moignan:
C'est dix heures.
M. Vaillancourt (Orford): Je crois que, d'après nos
règlements, nous avons droit à dix heures.
Le Président (M. Jolivet): Jusqu'à demain à
18 heures.
M. Vaillancourt (Orford): Je pense qu'il y a eu une entente
stipulant que nous prendrions seulement huit heures... jusqu'à demain
soir.
Le Président (M. Jolivet): Je n'ai pas d'objection si le
député de Gaspé est prêt à laisser terminer
le député de Mont-Royal.
M. Le Moignan: Très volontiers, si ce n'est pas trop
long.
M. Ciaccia: Après cela je commencerai un autre sujet
quitte à le prendre chacun notre tour.
M. Le Moignan: Oui, cela va.
M. Vaillancourt (Orford): Si je comprends bien, nous ne serons
pas limités à 20 minutes par sujet. Nous pourrons prendre tout le
temps nécessaire pour poser les questions sur un sujet donné?
Le Président (M. Jolivet): Sur un sujet donné au
niveau de la question générale.
M. Vaillancourt (Orford): D'accord.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. le ministre, il y a
eu certaines critiques quant à la presse anglophone. Je voudrais avoir
vos vues sur ces critiques. Le fait que les plus grands quotidiens de langue
française au Québec ne soient pas publiés, trouvez-vous
que cela diminue d'un nombre assez important les articles des journalistes pour
le gouvernement et l'Opposition officielle? Pourrais-je avoir vos vues,
premièrement, sur les critiques qui sont faites par la presse
anglophone? On dit que c'est une presse qui est biaisée et totalement
contre le gouvernement. Partagez-vous ces vues? Quand vous parlez de la
liberté d'expression, quelle est la relation entre ces deux vues?
Deuxièmement, comme on dit que c'est la presse anglophone qui
critique le gouvernement, trouvez-vous que ce n'est pas dû un peu au fait
qu'il n'y a pas de presse francophone? S'il n'y a pas de presse francophone,
naturellement, il n'y aura pas de critiques de la presse francophone. Une bonne
partie de cette presse ne publie pas. Pourrais-je avoir vos vues sur ce
point?
M. O'Neill: Vous permettez, M. le Président, que je
n'entre pas dans ce débat légèrement piégé.
De toute façon, j'ai un peu le sentiment que nos amis les journalistes
anglophones sont même en train de faire leur examen de conscience.
Récemment, j'ai eu l'occasion de lire un article qui avait paru dans la
Gazette en version anglaise et ensuite dans le Devoir en version
française. Je pense qu'il y a là un processus qui est
amorcé d'auto-critique qui produira ses effets. Il y a des choses qui
s'appellent comme cela: le regard lucide qu'on porte sur soi-même, la
capacité d'auto-critique, l'éthique professionnelle. Je fais
confiance à ceia et je laisse les choses aller. Je m'abstiendrai donc de
faire le procès qu'on m'invite de faire ici.
M. Ciaccia: Je vais revenir à la suite tout à
l'heure.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas
reprendre le débat au sujet des relations
fédérales-provinciales. On en a assez parlé
déjà depuis ces dernières minutes.
Mais M. le ministre avait mentionné cet après-midi,
qu'à Charlottetown, certaines provinces canadiennes, dans le domaine des
communications, ne semblaient pas tellement d'accord avec Ottawa. Est-ce que
cela veut dire que ces provinces, à l'instar du Québec,
revendiqueraient le contrôle complet de tout ce qui a trait aux
communications? Est-ce que ce sont des réserves sur des points
particuliers ou bien si, à ce moment-là, elles seraient d'accord
avec la politique du Québec sur les grands objectifs de liberté,
d'autonomie plus complète qui serait réservée à
chacune des provinces?
M. O'Neill: Non, cela porte sur des points particuliers
plutôt et non pas sur une perception générale de la
question. A titre d'exemple, lorsqu'il a été question de la
télévision payante, la Saskatchewan et l'Ontario ont eu des
positions identiques aux nôtres. Lorsqu'il a été question
des problèmes posés par les projets actuels d'interconnexion des
grands réseaux de télécommunications, plusieurs provinces
ont eu des réactions de critiques et ont exprimé de fortes
réserves. Je me rappelle particulièrement l'Alberta.
Alors, sur certaines questions comme celles-là, les gens
expriment des réserves, mais cela ne va pas tellement plus loin que
cela. Ils n'ont pas les mêmes raisons, en fait, en un sens, que le
Québec, mais une chose qui m'a quand même frappé,
c'était que nous sommes loin d'être les seuls à estimer que
ce pouvoir qu'on appelle fédéral, c'est avant tout un pouvoir
centralisateur et que plusieurs provinces réagissent de cette
façon.
M. Le Moignan: Quand nous avons parlé de radio et de
télévision, de Radio-Canada, des réseaux anglais ou des
réseaux privés, est-ce que, dans certaines provinces, ils ont
essayé d'implanter, comme ici, une Radio-Québec, une
Radio-Alberta ou une Radio-Colombie-Britannique? Non, ils n'ont pas cet esprit
qui nous anime ici?
M. O'Neill: II y a quand même une radio éducative en
Ontario.
M. Guay: En Ontario, TV-Ontario, qui est le successeur d'Ontario
Education and Communication Authority, a été implantée et
mise en service avant Radio-Québec; elle existe toujours et fonctionne
très bien, d'ailleurs.
M. O'Neill: De toute façon, Radio-Québec
s'intègre à la politique générale.
Radio-Québec doit aller chercher ses permis de fonctionnement à
Ottawa, il ne faut pas oublier cela, du simple fait que c'est une
télévision éducative, et cela, toute province peut
être intéressée à avoir une télévision
éducative.
M. Le Moignan: Maintenant, pour demeurer dans les
généralités, je n'ai pas posé la question
directement cet après-midi, mais le premier ministre, dans son message
inaugural, a placé l'accent sur la relance de l'économie et il a
demandé, je crois bien, à tous les ministres de répondre
à son appel. Je crois avoir cité et vous l'avez mentionné
vous-même, la radio à Gaspé et à
Rivière-au-Renard. A ce moment-là, cela peut stimuler, oui; cela
va créer des emplois, il n'y a aucun doute là-dedans. Maintenant,
est-ce que cette politique, vous avez l'intention de l'appliquer
peut-être dans
d'autres régions? Là, je parle de radio et je comprends
qu'il n'y a pas seulement cela dans les communications, mais, pour en terminer
avec les questions générales sur la radio au Québec,
est-ce que cela peut s'appliquer ailleurs, ce que vous avez fait à
Gaspé pour créer de l'emploi et susciter aussi l'ouverture, la
création de postes?
M. O'Neill: J'espère bien que dans le nouveau budget de
1978/79 de la relance économique nous aurons la part qui nous revient
pour permettre justement d'encourager des initiatives comme celle de
Radio-Gaspésie. Celle-là, nous l'avions à coeur
particulièrement, surtout, si je me le rappelle bien, que, dans les
dernières décisions du jury, je crois, ils n'avaient pas
été favorisés. Alors, cela nous faisait plaisir de voir
qu'un autre programme permettait de favoriser leur action.
M. Le Moignan: Mais, si on parle de décentralisation, dans
votre ministère il n'y a pas seulement la radio et l'information
gouvernementale, il y a beaucoup d'autres domaines avez-vous l'intention
de décentraliser tous vos services, dans la mesure du possible, dans les
différentes régions administratives? Est-ce possible, d'abord?
Est-ce déjà commencé? Avez-vous des
expériences?
M. O'Neill: Je pense bien que le bel exemple de services
décentralisés, c'est quand même
Communication-Québec. Cela va de soi, de toute façon. Si on veut
faire la communication au plan régional, il faut le faire. Voir ce que
pourra signifier la décentralisation pour d'autres services, dans le cas
d'un ministère de dimension aussi modeste, c'est vraiment une question
qu'il faudrait approfondir. Je ne sais pas si M. Frigon, le sous-ministre, a
quelque chose à ajouter à cela. (21 heures)
Je pense qu'au ministère des Communications, penser à une
plus grande décentralisation que celle que nous avons actuellement pose
certains problèmes parce que nous sommes d'abord un ministère de
services, et un ministère de services à d'autres instances
gouvernementales. Il y a quand même une dimension du ministère
qui, elle, concerne plus directement la relation Etat-citoyen. Dans ce secteur,
évidemment, nous avons eu à voir les bureaux de
Communication-Québec. Nous voyons également à satelliser,
dans la mesure du possible, ces bureaux régionaux de communications.
Mais toute autre décentralisation doit se penser en termes
d'activité qui facilite l'accès du citoyen à l'information
et aux services gouvernementaux.
Donc, pour nous, quand nous parlons de décentralisation et de
régionalisation, nous y pensons beaucoup plus en termes de
réseaux de distribution qu'en termes de pouvoirs de décision qui
seraient ramenés à un niveau régional à cause de
notre dimension: services à d'autres instances.
M. Le Moignan: Maintenant, si je touche un autre ministère
que le ministre actuel connaît très bien, les Affaires
culturelles, je sais très bien, par exemple, que le Conseil de la
culture, dans un milieu donné comme Rimouski, est peut-être le
pôle autour duquel gravitent, par exemple, les communications
reliées au Québec, peut-être, et d'autres organismes du
genre. C'est à ce moment que je me demande si un conseil de la culture
peut?
M. O'Neill: Nous avons déjà, par exemple, à
Rimouski, le Conseil des communications de l'Est du Québec qui est
subventionné par le ministère des Communications et qui, dans le
rôle des communications, joue le même rôle que le Conseil de
la culture auquel vous vous référez. Ce Conseil des
communications de l'Est du Québec, nous le retrouvons aussi au niveau de
l'Estrie. Il y en a un qui est en formation dans une autre région.
Alors, il y a des Conseils des communications régionaux qui viennent
faire la liaison, si vous voulez, entre les instances plus centralisées
et le milieu lui-même.
Je voudrais faire juste une remarque qu'il faudrait faire ici, c'est
qu'au sujet des Conseils régionaux de la culture, il ne s'agit pas,
à strictement parler, d'une décentralisation gouvernementale. Les
bureaux des Affaires culturelles constituent un acte de décentralisation
gouvernementale, mais les conseils régionaux sont des émanations
du milieu. Nous ne les créons pas, nous les reconnaissons. C'est la
même chose, d'ailleurs, pour les Conseils des communications. Evidemment,
cela fait une action décentralisée, mais au sens strict, ce n'est
pas une action gouvernementale. C'est une action, si vous voulez, de
décentralisation d'action régionale qui est menée d'abord
par des interlocuteurs privilégiés. Cela ne fait pas partie de
l'appareil gouvernemental comme tel.
Il y a un cas où cela fait partie de l'appareil gouvernemental,
ce sont les bureaux de l'Editeur officiel. Nous ne l'avions pas
mentionné tout à l'heure.
M. Le Moignan: J'aurais une dernière question. Je pense
que je vais la réserver pour demain. Je sais qu'à
Radio-Québec, cela marche au ralenti dans le moment. Peut-être
qu'il serait mieux de garder cela pour demain, quand on abordera le sujet.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse d'abord de
ne pas avoir été ici avant. Quand je suis arrivée, le
député de Mont-Royal posait des questions sur la grève des
quotidiens français.
Le Président (M. Jolivet): Vous me permettez de vous
interrompre. Est-ce que vous remplacez quelqu'un parce que seuls ont droit de
parole les membres et les intervenants à moins qu'il y ait consentement
de la part de l'assemblée?
Une Voix: Mme le député de L'Acadie n'est pas
intervenante.
Le Président (M. Jolivet): Elle n'est Intervenante en
aucune façon.
M. Vaillancourt (Orford): Elle peut remplacer quelqu'un?
Le Président (M. Jolivet): C'est ce que je veux savoir de
votre part.
M. Vaillancourt (Orford): Elle va remplacer... Le
Président (M. Jolivet): M. Pagé? M. Vaillancourt (Orford):
M. Pagé. Le Président (M. Jolivet): Cela va.
M. de Bellefeuille: De toute façon, il y a un
consentement.
M. O'Neill: On s'ennuyait d'elle.
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, la question que je
voulais poser est que j'ai vaguement compris si on pouvait revenir sur le sujet
au moment de l'étude des programmes ou si on devait tenter de vider
cette question, vu qu'elle avait déjà été
soulevée dans les questions d'ordre général. C'est un peu
une directive que je vous demande, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Vous pouvez poser la question,
compte tenu qu'on est dans l'ordre général comme tel.
Mme Lavoie-Roux: Si on peut y revenir au moment de l'étude
des programmes, je préférerais y revenir au moment de
l'étude des programmes.
Le Président (M. Jolivet): II n'y a pas de
difficulté. On peut y revenir au niveau des programmes.
Mme Lavoie-Roux: Bon, parfait.
Le Président (M. Jolivet): M. le député
d'Orford avait-il des questions à poser?
M. Vaillancourt (Orford): Non.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
M. Vaillancourt (Orford): Je vais en avoir quand on va arriver
programme par programme.
M. Ciaccia: M. le ministre, votre ministère a donné
un appui financier à une équipe menée par le
rédacteur en chef de Ici Québec, M. Jean Côté, pour
lui aider à monter un plan de réalisation du projet d'une agence
de presse québécoise. Est-ce que vous allez continuer d'aider ce
groupe? Pouvez-vous nous donner un bilan plus détaillé du
progrès fait par cette équipe? Est-ce qu'il serait possible de
rendre publics les travaux de cette équipe?
M. O'Neill: M. le Président, le ministère n'a pas
donné d'appui financier au groupe de M. Jean Côté. Je ne
dis pas que le groupe n'aurait pas souhaité la chose, mais ce que nous
avons pensé préférable c'était de confier cette
étude à une firme indépendante. Le contrat a
été accordé à la firme Multi-Réso, dont nous
attendons incessamment le rapport, et après appel d'offres aussi. Il
nous a semblé qu'il aurait été pour le moins un peu
délicat de confier une étude sur un problème à un
groupe de personnes qui étaient personnellement, excusez la
répétition, intéressées à un projet de ce
genre; nous pensions qu'il était beaucoup plus sain de confier cela
à une firme indépendante et spécialisée.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, c'est à titre
d'information, Multi-Réso n'a rien à faire avec M. Jean
Côté?
Je vous avais posé la question en Chambre. J'avais eu
l'impression que vous aviez référé le dossier à
votre adjoint parlementaire, je crois, le député de Taschereau,
et que vous aviez donné un certain appui. C'est ça que j'ai cru
comprendre.
M. O'Neill: Un appui à qui, là?
M. Ciaccia: A M. Côté et son groupe, qui
s'étaient montrés intéressés à s'avancer
dans la question d'une agence de presse québécoise. J'ai cru
comprendre que vous aviez donné un certain appui.
M. O'Neill: Non, M. le Président; écoutez, nous
n'avons ni approuvé ni désapprouvé son initiative. C'est
un projet comme beaucoup de projets qui arrivent au sein d'un ministère.
Nous les avons déjà rencontrés, son groupe et
lui-même; d'ailleurs, nous leur avons dit qu'il n'était pas
question pour nous d'aller plus loin dans ce dossier, tant qu'on ne nous
remettrait pas le rapport qui sera préparé par la firme
Multi-Réso.
M. Ciaccia: Alors cet individu et son groupe sont seulement parmi
d'autres qui sont intéressés par la question d'une agence de
presse.
M. O'Neill: C'est cela.
M. Guay: C'est effectivement un groupe qui a
élaboré un projet très sommaire d'agence de presse ou ce
que pourrait être une agence de presse québécoise. Il l'a
soumis au ministère des Communications. La question, de toute
façon n'est pas nouvelle puisqu'il a déjà
été mention dans le passé d'une agence de presse
québécoise. Il y a longtemps que l'idée se promène
un peu dans le décor. Ce n'est pas une initiative qui leur est exclusive
non plus. Il s'agissait de savoir s'il y avait une suite à donner ou non
dans l'immédiat. Il est évident que le groupe dirigé par
M. Côté est un
groupe de gens de bonne volonté, mais pas nécessairement
des experts en la matière qui pouvaient fournir les tenants et les
aboutissants financiers techniques d'une telle question par appel d'offres. La
question a été référée à la
société Multi-Réso qui fait son étude,
actuellement.
M. Ciaccia: Quand doivent-ils rendre leur étude, donner
leurs résultats?
M. O'Neill: Moi j'ai fait demander qu'on nous fournisse tout au
moins un rapport préliminaire en avril. Ils voulaient avoir un temps
disponible je les comprends mais je pensais que ce n'était
pas être trop exigeant que d'avoir au moins un rapport
préliminaire le plus tôt possible.
M. Ciaccia: Avez-vous l'intention de le rendre public quand il
vous sera remis?
M. O'Neill: C'est une chose qui est possible. Ce qui arrive
parfois dans ces rapports, surtout quand ce sont des rapports
préliminaires, jugés parfois à cause du contenu ou de
certaines lacunes, il peut être préférable d'attendre le
rapport définitif.
C'est ce qui s'est produit justement au sujet du rapport sur la
concentration de la presse. Nous avions eu une première version, une
sorte de version préliminaire que nous n'avons pas rendue publique parce
que nous trouvions que c'était nettement préférable
d'attendre la version finale.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. Ciaccia: Une autre question sur le rapport de la concentration
de la presse. Je remarque que dans un des chapitres intitulé Survol
historique de la presse québécoise du début du XIX
siècle à nos jours, ou presque, on parle de la presse
québécoise et on ne mentionne que des journaux de langue
française dans ce chapitre. Je crois que dans la presse
québécoise on en compte d'autres. Par exemple, The Gazette existe
depuis à peu près 200 ans. Je crois bien qu'elle se
considère comme faisant partie de la presse
québécoise.
M. Guay: Cela a même commencé en
français.
M. Ciaccia: Exactement. Le député de Taschereau a
souligné que cela a commencé en français. Est-ce qu'il y a
une explication? Je sais que ce n'est pas le ministre qui a fait
l'étude, mais a-t-il quelque explication à cela?
M. O'Neill: Je dirais qu'il s'agit là d'une des
imperfections qu'on peut déceler dans ce rapport.
Mme Lavoie-Roux: Oui, "une des"...
M. Ciaccia: Peut-être que c'était inspiré de
la définition de "Québécois" par le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Guay: On peut penser que c'est plus pro- bable, puisqu'il
s'agissait de la concentration de la presse, que c'est un
phénomène qui touche la presse anglophone
québécoise parce que les deux journaux appartiennent l'un
à Southern et l'autre à Freepress, mais c'est une concentration
qui est à l'échelle du Canada et qui présente des
caractéristiques par le fait même différentes de la
concentration de la presse francophone. C'est probablement pour cela.
M. Ciaccia: Oui, mais le titre du chapitre, c'est le survol de la
presse québécoise strictement, indépendamment de la
question de la concentration. Je remarque aussi, M. le ministre je ne
sais pas si c'est seulement pour ma copie ou si toutes les copies sont comme
cela que le livre des crédits que vous nous avez soumis
aujourd'hui ne comprend pas le programme 9. Est-ce seulement dans ma copie?
M. O'Neill: C'est?
M. Ciaccia: Le programme 9 touche Radio-Québec.
M. Le Moignan: II n'est pas dans ma copie non plus.
M. O'Neill: Le programme 9 est celui de l'Office de
radio-télédiffusion du Québec. L'office nous a
envoyé le texte trop en retard pour pouvoir l'inclure dans ce document.
De toute façon...
M. Le Moignan: Vous allez nous le donner demain, le texte?
M. O'Neill: Vous aurez plus que le texte, vous aurez le
président-directeur général de Radio-Québec. Je
pense que cela va vous aider.
M. Ciaccia: Mais sans texte?
M. O'Neill: Ou avec texte si c'est possible, je n'ai aucune
objection, au contraire.
On me confirme qu'il y aura le texte. Comme je l'ai dit, vous aurez,
avec le texte, le président-directeur général.
M. Ciaccia: Le président et le texte. M. O'Neill:
Le président et le texte.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Une question sur la
télévision à péage. Il me semble que votre
proposition sur l'introduction de la télévision à
péage est très près de la position du CRTC. Si je me
trompe, vous pourrez me corriger. En effet, vous pensez qu'en ce moment il est
trop tôt pour introduire un tel système au Québec;
cependant, comme votre homologue le ministre des Communications
fédéral, vous voulez être prêt pour l'introduire
lorsque les conditions seront favorables. Il y a quelque chose que je ne
comprends pas
dans le dossier, c'est qu'est-ce qu'on attend exactement. En d'autres
termes, prévoyez-vous des changements dans les conditions sociales et
économiques qui justifieront de permettre l'introduction de la
télévision à péage ou est-ce que, selon vous, ce
serait toujours non souhaitable?
On dit que la position du CRTC ce n'est pas le temps de
l'étudier. Après cela qu'on va étudier cela quand les
conditions le justifieront. Pourriez-vous vous expliquer là-dessus?
M. O'Neill: D'abord, je trouve extrêmement
intéressant ce rapprochement que M. le député de
Mont-Royal fait entre la position exprimée dans le document de travail
que nous avons rendu public au mois d'août sur la
télévision à péage ou la télévision
payante et celle qu'on retrouve dans le rapport du CRTC. Nous avons eu le
sentiment, en lisant le rapport du CRTC, que peut-être ces messieurs
s'étaient inspirés en partie de notre rapport, du moins pour le
mécanisme de fonctionnement de la télévision payante,
surtout pour ce qui est de cette centrale de coordination des réseaux de
télévision payante.
La deuxième chose dans ce rapport du CRTC c'est d'ailleurs
là que cela a posé le problème c'est que, d'une
part, on dit que ce n'est pas souhaitable dans le moment pour
différentes raisons. On estime d'ailleurs j'ai vu cela par mes
contacts avec les milieux anglo-canadiens que c'est encore moins
souhaitable ailleurs qu'ici qour des raisons culturelles évidentes, mais
en même temps on ouvre la porte par des expériences pilotes.
D'autre part, nous savons que le ministre fédéral des
Communications semble fermement résolu à introduire la
télévision payante. A ce moment-là nous sommes dans une
position assez difficile parce que, théoriquement, nous estimons que,
tout comme le dit le CRTC, il ne s'agit pas d'une initiative souhaitable dans
le moment, pas parce qu'en soi cela n'aurait pas une certaine valeur, mais
parce que nous croyons qu'il y a des choses qui passent avant. Je donne
simplement comme exemple qu'on puisse s'occuper plus intensivement d'une
meilleure accessibilité des grands réseaux de radio et de
télévision. Quand on sait que, sur certaines portions du
territoire québécois, les gens ne possèdent même pas
ce qu'on appelle les services de base en radio et télévision. Ils
en sont dans certains milieux largement privés. C'est vrai pour certains
groupes anglophones isolés comme cela l'est aussi pour les groupes
francophones.
Nous croyons donc que l'effort des gouvernements devrait porter de ce
côté-là. Mais placés devant le fait d'un pouvoir
fédéral qui a décidé d'envahir ce réseau et
devant le fait que Mme Sauvé affirme carrément que, de toute
façon, cela lui appartient, nous sommes, à ce moment-là,
forcés tout simplement de voir nous-mêmes, selon le pouvoir que
nous estimons posséder à préparer une
réglementation pour la télévision payante. D'ailleurs,
vous avez cela dans un des textes qui vous ont été
distribués cet après-midi. Nous devons donc prévoir une
réglementation. Nous sommes forcés par les
événements, en un sens, à considérer d'une certaine
façon comme prioritaire une chose qui ne l'est pas. C'est l'attitude du
fédéral qui nous oblige à accorder à ce
problème plus d'attention qu'on ne le devrait, à mon avis, dans
le moment, et une attention qui sera détournée un peu d'autres
problèmes. Mais vous avez, là encore, un exemple typique de cet
envahissement fédéral qui vient un peu déranger notre
ordre de priorités. Mais les faits étant là, nous avons la
ferme intention d'occuper un terrain qui nous appartient et, donc, nous avons
l'intention de soumettre bientôt au Conseil des ministres le projet de
réglementation qui sera appliqué par la Régie des services
publics.
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Je veux remercier le député de
Mont-Royal qui m'a permis une petite intervention. J'ai bien connu
l'époque des ponts à péage et vous aussi. Maintenant, il y
a un petit point qui est assez obscur. Quand on parle de
télévision à péage, ceci veut dire qu'il y aura
soit un dispositif spécial, soit un câble spécial; en
somme, ce ne sera pas accessible à tout le monde?
M. O'Neill: Non. Accessible à ceux qui le paient.
M. Le Moignan: A ceux qui le paient.
M. O'Neill: Avec un danger possible, remarquez, à un
moment donné, que les gens peut-être, dans l'avenir, paieront pour
des choses qu'ils ont gratuitement actuellement.
M. Le Moignan: Mais cela va être concentré encore
dans les grandes villes. Cela ne peut pas se répandre dans toute la
province, quand on pense à la télévision à
péage.
M. O'Neill: A court terme, c'est très difficile d'imaginer
cela, quoique, aujourd'hui, avec le développement extraordinaire des
grands réseaux de télécommunications, leur assiette
considérable, on peut penser que plusieurs régions pourront,
à un moment donné, être rejointes. Mais, encore une fois,
je vous signale qu'un des inconvénients, c'est celui que je viens de
mentionner: le risque que tout à coup on rende payant ce qui ne
l'était pas auparavant. C'est ce que craint la Société
Radio-Canada, c'est ce que craint CTV, c'est ce que craint
Télémétropole. Nos grands réseaux de
télévision sont opposés à la
télévision à péage. L'autre, évidemment,
c'est ceci: dans un grand pays où ce qu'on appellerait la
quantité de produits culturels est limitée... Là, je ne
parle pas seulement du Québec; je parle des autres provinces. Je ne
parle pas seulement du Québec. On sait, par exemple, que c'est au sein
des réseaux français qu'on a la proportion la plus grande de
produits qu'on appelle nationaux, de produits culturels faits sur place. Mais
étant donné que, de toute fa-
çon, comparé à la production américaine,
cela demeure une production modeste en quantité, le risque est
évident qu'à un moment donné on puisse être
témoin d'un phénomène de "dumping" culturel. C'est le
genre d'éventualité qu'il faut regarder déjà, qu'il
faut essayer de prévoir.
Evidemment, une réglementation devra essayer,
précisément, de rendre le service le plus conforme possible
à ce que nous estimons être les paramètres fondamentaux en
matière culturelle. C'est également, d'ailleurs, la position
là aussi du CRTC qui se rapproche étrangement et heureusement de
la position qui a été rendue publique par un document de travail
au cours du mois d'août. (21 h 20)
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si vous me permettez,
c'est d'ailleurs une position que j'avais commencé à
développer au moment même de la quantification, si je puis dire,
des programmes américains qui entrent dans les réseaux de
télévision et même dans la presse écrite. Tout cela
n'est pas une attitude nouvelle, finalement, peut-être pour des raisons
différentes, de la part du gouvernement d'Ottawa, parce qu'on essaie
déjà de limiter, d'établir un certain pourcentage...
M. Guay: Cela dépend; quand vous parlez du gouvernement
d'Ottawa, est-ce que vous vous référez au CRTC ou à Mme
Sauvé?
M. O'Neill: C'est une nuance. Mais de toute façon, Mme le
député de L'Acadie, ce que nous comprenons difficilement c'est
cette espèce de hâte qui paraît quasiment intempestive de la
part du ministre fédéral des Communications de vouloir, je
dirais, pousser sur ce projet, de le faire avancer alors qu'il y a tellement de
réserves d'exprimées à Ottawa même,
Mme Lavoie-Roux: Vous me surprenez. Evidemment, vous étiez
à la conférence, alors il n'est pas question de mettre en doute
ce que vous dites, mais j'ai entendu le ministre des Communications à la
radio, par hasard, il y a quelques jours ou la semaine dernière, qui
disait, justement, que ce n'était vraiment pas mûr pour la
télévision à péage et qu'il n'était pas
question de l'instaurer pour le moment. Je l'ai entendue elle-même,
à la radio.
M. O'Neill: Mais je vous signale que...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous l'avez convertie?
M. O'Neill: Non. Je vous signale que Mme Sauvé avait, si
je ne m'abuse, à ce moment-là, si je ne fais erreur, à
commenter le rapport du CRTC. Je crois que c'est un rapport qui ne lui a pas
plu complètement. Les mots qu'elle a employés devant nous
étaient des mots comme "inévitable" et "irréversible".
Quand on commence à employer ces termes, c'est qu'on a pas mal
décidé à aller de l'avant.
Mme Lavoie-Roux: C'est comme la question de
l'indépendance.
M. O'Neill: Dans le cas de l'indépendance, c'est
peut-être beaucoup plus fondé.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce de juridiction
fédérale ou provinciale, la télévision à
péage?
M. O'Neill: A notre avis et selon l'avis de la Saskatchewan et de
l'Ontario, c'est de juridiction ou de compétence provinciale, oui.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que cela existe actuellement
dans d'autres provinces?
M. O'Neill: Des réseaux extrêmement
limités...
M. Vaillancourt (Orford): Ou dans d'autres pays?
M. O'Neill: ... en circuit fermé à Toronto, si je
ne m'abuse, et en Saskatchewan également. C'est l'équivalent
d'une télévision en payant et en circuit fermé.
D'ailleurs, vous permettez que je soulève là justement un aspect
du problème...
M. Vaillancourt (Orford): J'aimerais que le ministre nous
vulgarise...
M. O'Neill: ... qui va compliquer énormément la
question.
M. Vaillancourt (Orford): ... un peu le système d'une
télévision payante ou à péage.
M. O'Neill: Bien, écoutez, ce qu'on m'a
expliqué...
M. Vaillancourt (Orford): C'est un câble qui existe
actuellement dans les...
M. O'Neill: ... c'est exactement à l'intérieur du
même circuit, sauf que vous payez un abonnement, soit par abonnement sur
une certaine durée, ou cela peut être par programme, et puis vous
avez droit à vos émissions. Alors, supposons que vous êtes
un amateur fervent du football et que vous voulez en voir plusieurs
émissions par semaine, j'imagine les choses comme cela, ou certains
types de théâtres, ou on vous offre à un moment
donné des grands spectacles de ballets ou d'orchestres symphoniques, des
choses comme cela, à ce moment-là, vous serez servi en
payant.
Je vous signale que, à mon avis, cela va un peu à
l'encontre d'une tradition que nous avons eue jusqu'ici dans l'ensemble du
Canada, qui était plutôt une tradition d'accessibilité
culturelle. Je pense à tout le travail que la société
Radio-Canada a fait qui était, au contraire, de vouloir rendre les
oeuvres d'art accessibles à tout le monde, de mettre le produit culturel
à la disposition de chacun. C'est dans cette ligne que nous
étions engagés depuis plusieurs années.
M. Vaillancourt (Orford): Comment paiera-ton? Est-ce qu'on va
mettre des $0.25 ou bien si c'est un abonnement au mois ou à
l'année?
M. Guay: C'est comme le compte d'une compagnie de câble.
C'est d'ailleurs cela, c'est une compagnie de câble, sauf qu'à
chaque fois que vous voulez syntoniser un événement
particulier...
M. Vaillancourt (Orford): II va y avoir un compteur?
M. Guay: C'est cela, vous êtes facturé. Il y a une
autre façon de le faire mais qui est plus compliquée, je pense
que ce sont des ondes brouillées avec un décodeur sur votre
appareil, mais cela, jusqu'à maintenant, je pense que ce n'est pas au
point encore.
M. O'Neill: C'est cela. Je ne connais pas la technique en
détail mais je sais que cela fonctionne.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Vaillancourt (Orford): II y en a qui nous posent des questions
et on ne sait pas exactement quoi répondre. Là, disons que vous
m'éclairez un peu.
M. Guay: Pour vous donner un exemple concret, au lieu d'aller
voir le combat de boxe de Mohammed Ali au Forum, sur écran géant,
vous pourriez le recevoir dans votre téléviseur moyennant
paiement de je ne sais trop combien de dollars.
M. Vaillancourt (Orford): Je crois que...
M. O'Neill: M. le député, je crois qu'aux
Etats-Unis c'est rendu approximativement à seize millions de foyers
rejoints par la télévision payante. Il me semble que c'est le
chiffre que j'ai vu récemment.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que cela vient par
câble?
M. O'Neill: Oui.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'ai une autre question sur ce même sujet.
Est-ce que c'est vrai que les produits culturels sont limités? On a
déjà certains problèmes dans les réseaux
anglophones venant des Etats-Unis. C'est un problème encore plus aigu.
Pour cette raison, je crois que la position du CRTC semble assez raisonnable.
Selon votre position, est-ce que les produits culturels seront toujours
limités pour l'année prochaine et aussi pour un avenir
rapproché? Est-ce que votre raisonnement est basé sur la question
des produits culturels limités ou si vous voulez que ce soit le
Québec qui réglemente et qu'à ce moment, si vous pouvez
réglementer la télévision à péage, vous
n'auriez pas d'objection que ce soit mis en vigueur pourvu que ce soit
clairement établi que la réglementation viendrait du
Québec plutôt que d'Ottawa?
M. O'Neill: M. le Président, notre position est
très simple. Ce n'est pas notre choix. Nous n'estimons pas que ce soit
prioritaire. Nous ne ferons rien pour qu'elle soit introduite, du moins dans
l'immédiat, mais, si le phénomène devenait
inévitable, nous estimons que cela relève de chacun des
gouvernements provinciaux d'établir la réglementation requise.
C'est tout simplement cela notre position. Si, en fait, ce problème a
été discuté à Charlottetown, ce n'est pas parce que
les gens ressentaient cela comme une priorité. Il y a des ministres des
Communications qui ont avoué très simplement qu'ils ne savaient
même pas de quoi il s'agissait et que, dans leur coin, les gens ne
parlaient jamais de cela. Si Ottawa nous force à considérer la
chose comme inévitable, nous allons intervenir.
M. Vaillancourt (Orford): Advenant que nous ayons la
télévision à péage, cela ne nous enlèvera
pas les postes que nous avons actuellement, lesquels viennent par les airs. Ce
seront des postes additionnels?
M. O'Neill: Le problème qui a été
soulevé par les grands réseaux de radio et de
télévision, ce n'est pas celui-là. C'est celui-ci. Ce
qu'ils ont dit, c'est que le danger existe qu'à un moment donné
les vendeurs de produits pour la télévision à
péage, par exemple, financent à un coût un peu plus
élevé un certain nombre de types d'émissions. Pensez
à un téléthéâtre, à des
téléromans très populaires. A ce moment, ayant le droit de
propriété, ils les réserveraient pour des canaux de
télévision payante. A ce moment, vous auriez des gens qui,
jusqu'ici, avaient la chance de voir cela gratuitement avec leur appareil et,
s'ils tiennent encore à le voir, ils seraient obligés de payer.
C'est un des risques qui ont été mentionnés par ceux qui
ont suivi ce dossier de très près et qui sont, évidemment,
directement concernés parce qu'ils estiment que cela peut
eux-mêmes les toucher.
M. Le Moignan: M. le ministre, vous dites que la
télévision à péage pourrait être de
compétence provinciale. Si on pousse ce même raisonnement, cela
devient une entreprise privée qui nous produirait cela. C'est de la
consommation individuelle. Si on prend le même raisonnement que vous
faites là, vous le poussez dans tout le reste des communications.
M. O'Neill: Pour ce qui est de la télévision
payante, je pourrais, entre autres, signaler deux choses. Premièrement,
il n'existe aucun jugement de la Cour suprême...
M. Le Moignan: Cela prend un jugement pour dicter votre
conduite?
M. O'Neill: ... de toute façon qui ait été
rendu et ait pris position sur la télévision payante.
Deuxièmement, je vous signale que, pour une partie de la
télévision payante, il s'agit de quelque chose qui peut
fonctionner en circuit fermé ou avec l'équivalence du circuit
fermé. A ce moment, je crois que personne ne met en doute que ce soit de
compétence provinciale, parce que cela devient intraterritorial, si vous
le voulez. Au moment où votre point d'émission et votre point de
réception sont situés, les deux, à l'intérieur des
mêmes frontières, il est évident que vous avez affaire
à un phénomène de compétence provinciale.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jeanne-Mance.
M. Vaillancourt (Orford): Ce qui veut dire que ce sera des permis
qui seront accordés...
M. O'Neill: J'ajoute ceci. Etant donné que Mme
Sauvé est un fervent partisan de l'unicité des juridictions dans
le même domaine pour la protection du public, pour qu'il n'y ait pas de
trop grands troubles pour les entreprises qui auraient affaire à deux
organismes de réglementation, étant donné qu'au moins pour
une partie de la télévision payante et on peut dire, à mon
avis, pour l'ensemble, mais de façon évidente pour tout le monde,
c'est nettement de compétence provinciale, la logique veut, à ce
moment-là, qu'elle se retire élégamment de ce secteur.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jeanne-Mance.
M. Laberge: M. le Président, ma question sur la
télévision à péage vient à la suite d'une
allusion qu'a faite le ministre concernant le financement de la
télévision ordinaire par l'intermédiaire des
commanditaires. C'est une question qui est tout à fait incidente. Je
croyais que la télévision à péage était sans
commandite. Est-ce le cas? Oui ou non? C'est-à-dire que ce serait une
télévision avec commanditaires même s'il y a un paiement
additionnel fait par le consommateur.
M. O'Neill: II n'y a aucun règlement de fait à ce
moment-là. De toute façon, c'est tout le programme que vous
payez.
M. Laberge: C'est tout cela qui n'a pas sa raison
d'être.
M. O'Neill: Vous payez cela comme vous payez quand vous allez au
cinéma, de la même façon.
M. Guay: Quant aux règlements qui seraient faits à
supposer que cela existe, il n'est pas inconcevable qu'un
événement sur la télévision à péage
soit commandité, ce qui en diminuerait le coût, et compte tenu de
l'auditoire qu'il peut y avoir pour un commanditaire intéressé
à atteindre cet auditoire, si les règlements permettent la
commandite, par exemple, les règlements québécois sur la
câ-blodistribution, quand ils étaient constitutionnels ou avant
qu'ils soient inconstitutionnels, permettaient la publicité locale aux
câblodistributeurs. Or, le CRTC ne l'avait jamais permise. C'est une
question d'optique tout simplement.
M. Vaillancourt (Orford): Je pense que cela va être un taux
mensuel, par exemple. Cela existe déjà aux Etats-Unis. Certains
endroits l'ont. Je connais un endroit dans la région du New Jersey
où on a la télévision à péage, et c'est
à un taux mensuel. Les gens paient tant par mois, et je pense qu'ils ont
une quarantaine de postes en plus des postes qui viennent par les ondes
normales.
M. Guay: Cela, M. le député d'Orford, c'est le
système de câblodistribution qui existe sur la rive sud de
Montréal, Vidéotron, qui a 32 canaux...
M. Vaillancourt (Orford): C'est un peu semblable.
M. Guay: ... pour lesquels vous payez le compte mensuel qu'on
paie à un câblodistribu-teur, ce qui n'empêche pas de capter
les postes par ondes hertziennes ou de façon normale avec les oreilles
de lapin.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne me sens pas plus versée,
peut-être moins que mes collègues, sur cette question, mais parmi
les deux écueils qui semblent évidents, il y en a un qui touche
le dosage d'émissions évidemment, en langue anglaise et ma
question n'est pas piégée du tout qui pourraient venir
inonder éventuellement les foyers québécois,
particulièrement peut-être davantage dans le film qu'ailleurs,
comme c'est d'ailleurs déjà un peu le cas. Et l'autre
problème, l'autre écueil, n'est-ce pas la situation de
concurrence très grande que cela pourrait soulever pour des stations de
télévision qui existent présentement et qui ne pourraient
plus, à ce moment-là, produire en fonction, par exemple, d'un
contenu plus approprié au milieu? Sont-ce là les deux grands
écueils, ou y en a-t-il d'autres? Evidemment, la question de
réglementation peut, jusqu'à un certain point, peut-être
régler ces problèmes, mais la réglementation, elle peut
quand même aller seulement jusqu'à un certain point; sinon, on est
aussi bien de la refuser complètement.
M. O'Neill: II y a aussi ce que j'ai mentionné tout
à l'heure, le risque à moins d'une bonne réglementation
efficace, et encore, que les gens aient à payer pour des choses qui
jusqu'ici...
Mme Lavoie-Roux: Alors, vous enlevez l'accès...
M. O'Neill: C'est cela, pour des choses qui étaient
gratuites.
Mme Lavoie-Roux: Si la production des postes ordinaires diminue,
à ce moment-là, c'est le public qui pourrait être
pénalisé s'il doit payer des frais supplémentaires.
M. Guay: Sur la télévision...
M. de Bellefeuille: Le ministre a employé le langage
prudent qui convient, M. le Président, en disant que la
télévision payante n'est pas perçue par le gouvernement
comme prioritaire. Dans un langage peut-être plus direct, je voudrais
dire que, quant à moi, cela ne me paraît pas indiqué dans
l'avenir prévisible de se lancer dans la télévision
payante, d'abord parce que je pense que nous avons fait, tous ensemble,
l'expérience d'une télévision où la
diversité des choix, la diversité des émissions
disponibles a augmenté sans que la qualité ou
l'intérêt augmentent. On peut s'interroger sur les effets sociaux
de cette télévision très envahissante; aussi parce que,
comme le ministre l'a souligné, c'est une opération commerciale.
Bien que le commerce soit une des bases de notre société,
lorsqu'il s'agit d'un domaine qui est essentiellement culturel, on peut
s'interroger sur certains effets que la commercialisation peut avoir.
On constate, par exemple, à la télévision telle
qu'elle existe, une très nette tendance à la commercialisation.
Je suis assez convaincu qu'on en arriverait à une meilleure
télévision si nous tendions plutôt à la
décommercialiser, comme l'ORTQ le fait, plutôt qu'à
accentuer toute forme de commercialisation. A mon sens, il me semble qu'il
faudrait chercher plutôt à faire en sorte que la
télévision soit décommercialisée; à
encourager le développement des formes plus éducatives de
télévision; accentuer le rôle d'information de la
télévision et accentuer aussi le développement de la
télévision communautaire. Je pense que cela cadre avec les
objectifs que le ministère des Communications s'est fixés du
côté des media communautaires d'augmenter l'effort mis de ce
côté.
Je pense que c'est dans ces directions qu'il faudrait plutôt
s'orienter et éviter, pour le moment, de se lancer dans la
télévision payante dont on n'a pas du tout fait la preuve qu'elle
apporterait à la population un service indispensable, étant
donné que la plupart des choses que la télévision payante
pourrait offrir sont des choses que les diffuseurs pourraient, selon les moyens
actuels, de toute façon rendre disponibles à l'intérieur
d'une programmation équilibrée. Merci.
M. O'Neill: M. le Président, simplement pour dire que je
suis bien d'accord avec M. le député des Deux-Montagnes. Mais,
tout simplement, c'est que nous sommes placés devant une situation de
fait, c'est-à-dire que, si on veut nous l'imposer, si elle doit
fonctionner à un moment donné chez nous, à ce moment, elle
devra fonctionner dans les cadres d'une réglementation
québécoise.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, le ministre nous a bien dit
tantôt que, le ministre des Communications fédéral, Mme
Sauvé, croyait à l'unicité du domaine des communications.
Pouvez-vous nous faire le bilan de vos discussions avec Mme Sauvé sur la
question de la câblovision? Je crois, si je me rappelle bien, qu'elle
semblait avoir indiqué qu'elle était prête à
discuter ou à négocier ce domaine afin que les pouvoirs soient
délégués au Québec. Peut-être que vous pouvez
nous faire le bilan de ces discussions. Est-ce que cela veut dire aussi que le
Québec ne s'opposerait pas au projet de loi C-24 qui, je crois, serait
nécessaire au gouvernement fédéral pour permettre au
ministre des Communications fédéral de déléguer ses
pouvoirs?
Je crois que ce projet de loi remplace un projet de loi auquel vous vous
êtes opposé l'année dernière et je crois qu'à
la conférence de Charlottetown vous avez indiqué que cela avait
rejeté unanimement par les membres de la commission. C'est vrai que vous
avez dit, "les membres présents ", mais sans avoir indiqué que
l'Opposition officielle n'était pas présente. Alors, ce
n'était pas tout à fait unanime. Il y avait d'autres raisons; il
y avait des questions de procédure. Est-ce que je pourrais avoir vos
commentaires? (21 h 40)
M. O'Neill: Ce que Mme Sauvé nous a dit, c'est ceci
et là je me réfère non seulement à la rencontre de
Charlottetown mais aussi à une rencontre antérieure que nous
avons eue avec elle à Ottawa, car il nous arrive d'aller à Ottawa
aucune délégation possible, premièrement, avant
l'adoption de la loi C-24. Deuxièmement, elle nous a dit qu'elle n'avait
aucun mandat pour discuter de quelque forme de négociation que ce soit
dans des secteurs autres que câblodistribution. Quant à la
câblodistribution, elle nous a dit qu'elle envisageait la
possibilité de déléguer les trois éléments
suivants, c'est-à-dire l'octroi des permis, la délimitation des
territoires et les tarifs, qu'elle n'envisageait pas de
délégation au sujet de la programmation ou concernant les normes
publicitaires. En fait, ce qu'elle envisageait dans ce cas, c'était une
sorte de tutelle ou de surveillance. Elle estimait qu'elle devait avoir le
dernier mot quand il s'agissait de programmation, entre autres, et de la
publicité.
Ce que nous avons maintenu et dit c'est ceci: Evidemment, si la seule
façon d'obtenir quelque chose c'est la loi C-24 qui contiendra cet
article 7 qui parle de délégation, cela nous intéresse.
Mais ce qui nous intéresse beaucoup plus que cela, c'est
évidemment la formule Saint-Laurent. Donc l'équivalent en
communication de la loi fédérale M-14. Nous avons même
souligné qu'il pourrait très bien y avoir une loi C-24 enrichie
de la formule Saint-Laurent. Dans ce cas, remarquez, c'est évidemment
beaucoup plus intéressant pour nous; il s'agit là, si vous
voulez, d'une sorte de transmutation de pouvoir, d'un pouvoir
fédéral à un orga-
nisme provincial, l'équivalent de ce que nous connaissons
actuellement dans le domaine des transports. Cela est pour nous,
évidemment, la formule que nous privilégions. Mais, encore une
fois, si tout ce qu'on peut avoir c'est la loi C-24, nous aurons la loi C-24.
Quand le territoire est occupé, on s'en tire de son mieux avec
l'occupant.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. Ciaccia: Une question d'ordre général. Sur la
question de Radio-Québec, est-ce que c'est le programme 9
l'on pourrait poser certaines questions?
Le Président (M. Jolivet): Sur le programme 9, j'avais une
proposition à vous faire. S'il pouvait y avoir un consentement possible
sur la question, étant donné que le président et directeur
général devrait être ici demain à dix heures, est-ce
qu'il est possible que le programme 9 soit étudié demain matin,
à dix heures?
M. Ciaccia: Quant à nous, oui.
M. Le Moignan: On commencerait au programme 9...
Le Président (M. Jolivet): On commencerait au programme 9
et, après, on reviendrait au suivant, de 1 en montant.
M. Ciaccia: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Donc, actuellement il nous
reste quinze minutes pour pouvoir regarder les programmes en commençant
par... Oui.
M. Guay: Juste une dernière remarque, pour revenir
à la question des conflits de travail dans les quotidiens et
l'hypothèse évoquée à maintes reprises et encore
évoquée tantôt par le député de Mont-Royal:
la convocation de la commission parlementaire. Bien que je ne sois pas
opposé à le vider en soi, je veux simplement souligner le danger
qu'il pourrait y avoir à ce moment-ci de convoquer une commission
parlementaire sur ce sujet. D'abord parce que, outre le fait qu'il y avait eu
des médiateurs nommés dans le conflit du Soleil et qu'il y en
aura probablement dans le cas du conflit de la Presse et du
Montréal-Matin, et il faut laisser aux médiateurs le soin de
faire leur travail, le problème c'est que si la commission parlementaire
est convoquée, il me paraît évident que pendant qu'elle
siégera et jusqu'à ce qu'elle soumette un rapport, il n'y aura
pas de négociations véritables dans les deux ou trois conflits,
selon l'interprétation qu'on en a. Disons dans les deux conflits.
Cela veut dire que toute négociation ne reprendrait
qu'après que la commission aurait siégé et aurait remis un
rapport, si tant est qu'elle aurait remis un rapport. Compte tenu que nous
sommes au mois d'avril, cela risque de nous reporter, dans la meilleure des
hypothèses, au mois de mai.
Or, je crains que la convocation de la commission parlementaire,
plutôt que d'accélérer le règlement des conflits en
cause, risque de le retarder, de fait jusqu'à l'automne. Vous savez
aussi bien que moi que, si un propriétaire de journal peut s'abstenir de
publier pendant l'été à cause d'une grève ou
d'autres choses, il va le faire avec joie et allégresse puisque les
quotidiens perdent de l'argent pendant l'été, quels qu'ils
soient. Donc, il n'y a pas d'intérêts ou d'avantages
pécuniaires pour les propriétaires des journaux de publier
pendant l'été, si bien que, si la grève n'est pas
réglée avant la fin du mois de mai ou quelque part autour de
là, il est fort à craindre qu'elle ne sera pas
réglée par des procédures normales avant l'automne.
Donc, est-ce que la convocation d'une commission parlementaire, dans un
contexte comme celui-là, à ce moment-ci de l'année, ne
risquerait pas de retarder le règlement des conflits plutôt que
d'en accélérer le règlement comme on souhaite le faire?
Outre le fait qu'une commission parlementaire est un mécanisme un peu
lourd pour tenter de régler des conflits de travail.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ... si le conflit n'avait pas duré depuis le
mois d'août, je pourrais peut-être être d'accord avec les
propos du député de Taschereau. Mais quand on nous dit, comme on
l'a aujourd'hui fait en Chambre, qu'après un si long temps, depuis le
mois d'août, on est encore à 147 points sur lesquels on ne s'est
pas entendu, je me dis que ce n'est pas la question d'empêcher les
négociations, elles ne peuvent pas être pires. Si on craint que
les propriétaires ne publient pas, qu'ils vont trouver quelque excuse,
c'est exactement une des fonctions de la commission parlementaire d'en informer
l'opinion publique. J'ai beaucoup de respect pour l'opinion publique. C'est un
des moyens de présenter à la population des données qui
pourraient obliger l'une ou l'autre des parties, si elles ne sont pas
raisonnables, à se conformer car elles risqueraient d'aller à
l'encontre de l'opinion publique avec des répercussions possibles pour
l'un ou l'autre côté.
Quant au médiateur, je crois que ce n'est pas la première
fois qu'il y a un médiateur.
M. Guay: Dans celui-là, oui.
M. Ciaccia: Dans celui du Soleil?
M. Guay: Les deux. Il y a eu des conciliateurs jusqu'à
maintenant.
M. Ciaccia: Je crois qu'au Soleil il y avait des
médiateurs.
M. Guay: II y a eu deux conciliateurs de nommés
successivement. Il ne faut pas oublier que les conciliateurs ne se sont mis
à fonctionner qu'à
partir du moment où les parties ont bien voulu qu'ils le fassent,
c'est-à-dire bien après le déclenchement de la
grève; dans le cas du Soleil, je pense que cela date du mois de
novembre, le moment où les conciliateurs ont pu se mettre à
fonctionner, si bien que les conciliateurs ont fait ce qu'ils ont pu. Ils ont
effectivement réussi à rapprocher les parties. Dans le cas de la
Presse et de Montréal-Matin, cela semble aller mieux qu'au Soleil, en
tout cas.
Alors, est-ce que la convocation d'une commission parlementaire à
ce moment-là ne risque pas de compromettre un règlement possible
et prochain à la Presse et au Montréal-Matin et est-ce que
d'autre part une commission pourra régler 147 points en litige au
Soleil? Je pense qu'un médiateur est peut-être mieux placé
pour l'instant.
M. Ciaccia: En rendant cela public on pourra voir s'il y a
quelqu'un qui est vraiment raisonnable ou non. Je ne veux pas me
répéter, mais si cela n'avait pas duré aussi longtemps je
pourrais peut-être être d'accord, mais après tant...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je suis convaincu que mon collègue de
Taschereau me permettra d'être en désaccord avec ses
dernières prises de position. Quant à moi, je juge que,
effectivement, dans certains conflits, la convocation d'une commission
parlementaire a, dans le passé, accéléré la
négociation, a forcé cette négociation parce qu'elle a
amené les parties à expliquer publiquement les secrets de leurs
dossiers. C'est cela qui aboutit finalement en commission parlementaire: on
prend conscience des impératifs de chacune des parties, de ce que
chacune des parties a encore dans son sac, ce que souvent les parties ne
dévoilent pas à un médiateur. La convocation d'une
commission parlementaire s'est effectivement révélée
efficace dans le passé et peut l'être encore actuellement dans
certains cas. Je me pose seulement des questions quant au conflit du Soleil, de
la Presse et de Montréal-Matin. On parle de la convocation d'une
commission parlementaire, je doute cependant que ce soit à la bonne
commission parlementaire qu'on discute la chose. Il me semble que, comme c'est
un conflit de travail, ce serait plutôt à la commission
parlementaire du travail de faire cette discussion. Il y a un médiateur
de nommé dans le conflit du Soleil. Lorsque la commission du travail
étudiera les crédits, je suppose bien qu'à ce
moment-là on pourra avoir une vue plus complète du dossier et
qu'on pourra discuter plus avant de la convocation d'une commission
parlementaire qui, à mon sens, devrait être celle du travail. Sauf
que ce que je voulais préciser c'est que je juge encore utile la
convocation de commissions parlementaires pour amener un règlement dans
des conflits qui prennent une certaine envergure, et là je me
réfère, entre autres, au conflit de la United Aircraft qui a
abouti à un règlement à la suite de la convocation d'une
commission parlementaire.
M. O'Neill: Je voudrais simplement souligner, une fois de plus,
M. le Président, que cette procédure lente, ces longueurs
montrent jusqu'à quel point ce gouvernement ne veut intervenir qu'avec
énormément de prudence et de délicatesse lorsqu'il s'agit
d'information et de liberté de presse. Je pense que cela peut
créer de la sérénité chez notre collègue, le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Cela m'inquiète, mais j'y reviendrai.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je n'avais pas l'intention de parler de ce
conflit ce soir, mais puisque le sujet a été ramené sur la
table par le député de Taschereau, je pense et je le pense
sincèrement que le gouvernement, jusqu'à maintenant, n'a
pas pris ses responsabilités, qu'il a trouvé toutes sortes
d'excuses pour retarder le dénouement de ce conflit. Vous vous
souviendrez qu'au mois de décembre j'avais demandé si on ne
pourrait pas envisager de nommer un médiateur et le ministre du Travail
a répondu: II y a des conciliateurs, ils ne s'en servent pas, alors ce
n'est pas notre intention de suivre les mécanismes réguliers.
D'ailleurs, à ce moment-là, j'ai senti je peux me tromper
là-dessus un certain malaise chez le ministre des Communications
par rapport à l'attitude du ministre du Travail, attitude à
laquelle il devait se soumettre, c'était fort évident.
Je pense qu'il le fait encore aujourd'hui quand on parle d'une
commission parlementaire devant un conflit qui ne trouve pas de solution et qui
prive le public et d'autres l'ont dit avant moi de l'information
à laquelle il aurait droit. Peut-être qu'à ce
moment-là cela permettra au gouvernement de taper moins fort sur la
presse anglaise. Ce serait déjà un progrès, on ne serait
plus obligé de parler de la force brutale des journaux anglophones, mais
ceci est une parenthèse.
Les explications qu'on me fournit ici, de la part de l'adjoint
parlementaire aux Communications, je pense que c'est simplement la continuation
de cette attitude de désintéressement, peut-être pas de
désintéressement, mais de non-intervention qui est faite dans un
but qu'il est difficile d'évaluer. A ce moment-là, on est dans le
domaine des hypothèses. Tout ce que je peux dire, c'est que le
gouvernement à l'égard de ces conflits n'a pas pris et ne prend
pas ses responsabilités véritables.
On pourra me dire qu'on traite cela avec délicatesse, avec
prudence, etc. Ce qu'il aurait fallu, c'est ce qui est arrivé au conflit
de Jérôme-LeRoyer. Je pense que vous êtes venu avec moi, si
je ne m'abuse. Là aussi, on respectait les mécanismes des
relations de travail prévus par la loi, etc. Mais, quand quatre
députés, dont un ministre pé-quiste, se sont
retrouvés devant une assemblée monstre de parents qui leur ont
dit: On en a assez et qui ont donné un ultimatum dont
l'échéance était prévue pour quelques jours plus
tard, le conflit s'est réglé.
Le seul problème ici, c'est qu'on n'a pas eu les mêmes
esclandres tant de la part du public que de la part des travailleurs qui
étaient impliqués dans ce conflit. Je peux tout simplement
supporter la proposition d'ailleurs, on l'avait déjà faite
à plusieurs reprises l'automne dernier de convoquer une
commission parlementaire. Doit-elle relever du ministère du Travail ou
du ministère des Communications? Je pense que cela mérite
d'être examiné certainement mais, une fois de plus, le
gouvernement ne prend pas ses responsabilités. Cela fait maintenant huit
mois dans le cas du Soleil et cela va faire six mois dans le cas des autres
quotidiens que la grève se poursuit et il n'y a plus vraiment d'excuses
à l'inaction du gouvernement. Je pense que le public se souviendra
peut-être qu'il conserve des mains propres, propres, propres, mais qu'il
ne se passe pas grand-chose, non plus.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: Permettez-moi, M. le Président, de m'inscrire en
faux contre les propos que vient de tenir le député de L'Acadie,
propos que je trouve singulièrement partisans et dénués de
tout fondement.
Mme Lavoie-Roux: Je ne vois pas de quelle façon ils sont
pour vous partisans de la réalité.
M. Guay: Je m'excuse, mais je dirais même qu'ils frisent la
démagogie. Le gouvernement n'a pas refusé de prendre ses
responsabilités dans ce dossier. Seulement il faut bien s'apercevoir que
c'est facile de dire que le gouvernement ne prend pas ses
responsabilités. Alors, qu'est-ce qu'on aurait dû faire? Nommer un
médiateur? Il y en a qui viennent d'être nommés. Avant cela
il y a eu des conciliateurs de nommés. Quand les partis n'utilisent pas
les services des conciliateurs, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? Passer
une loi spéciale pour forcer le retour au travail? On aurait l'air
intelligent et vous aussi, à l'Assemblée nationale, de forcer des
journalistes à retourner au travail. Dans un conflit comme
celui-là qui est extrêmement délicat, c'est un conflit de
travail classique bien sûr, mais nourri d'une dimension très
particulière du fait que ce sont des entreprises de presse qui touchent
à une corde extrêmement sensible dans une société
démocratique. A partir de là, on ne doit pas traiter à la
légère ces conflits et dire: Le gouvernement devrait faire ci, le
gouvernement devrait intervenir...
Mme Lavoie-Roux: C'est presque le temps, M. le
député.
M. Guay: ... après huit mois ou pas après huit
mois. Qu'est-ce que vous voulez, si, au bout de huit mois, avec les efforts des
conciliateurs, il reste 147 conflits de clauses en litige au Soleil, cela vous
indique la nature profondément antagoniste de ce conflit.
Mme Lavoie-Roux: C'est quelque chose qui devrait être
éclairé. Ce serait l'objet d'une commission parlementaire.
M. Guay: Cela indique la nature... Je ne vous ai pas interrompue
quand vous avez parlé?
Mme Lavoie-Roux: Non, vous avez raison.
M. Guay: Cela indique la nature profondément antagoniste
de ce conflit. Ce n'est pas une chose dans laquelle une commission
parlementaire peut intervenir impunément, à mon avis. Je ne dis
pas que je suis contre la commission parlementaire. Je veux bien corriger
l'impression que j'ai pu laisser auprès de mon estimé
collègue, le député de Sainte-Marie, mais je m'interroge
quant à l'à-propos. Une commission parlementaire, donc
l'Assemblée nationale puisqu'une commission parlementaire est le
prolongement de l'Assemblée nationale, quand l'Assemblée
nationale, quand le Parlement intervient dans une question comme
celle-là, d'une façon ou d'une autre, par une commission
parlementaire, et si le conflit n'est pas plus réglé au lendemain
ou au surlendemain, c'est toute la crédibilité non pas du
gouvernement, non pas des partis politiques, mais du Parlement lui-même,
de l'institution qui est en cause.
Mme Lavoie-Roux: Alors ne provoquez plus la commission
parlementaire.
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, à
l'ordre!
M. Guay: Non. Il y a beaucoup de commissions parlementaires qui
sont convoquées et qui contribuent considérablement à
l'évolution des choses. Je dis que dans un domaine aussi délicat,
aussi important pour la société, c'est un outil qu'il faut
utiliser avec circonspection. Je n'ai pas dit que j'étais contre. J'ai
dit que je m'interrogeais parce que je vois la possibilité que
l'utilisation d'un tel instrument puisse avoir des effets plus négatifs
que positifs. Maintenant, je dis que c'est à soupeser, c'est à
évaluer. Je n'ai pas dit que j'étais contre; je voulais
simplement contribuer au débat en soulignant certains
désavantages possibles de l'utilisation d'une commission parlementaire,
alors que Mme le député de L'Acadie semble n'y voir que des
avantages qui lui permettent d'autant plus de faire de la critique facile et
injustifiée, d'ailleurs, à l'endroit du gouvernement.
M. Ciaccia: Vous allez être pour après le 15 avril,
je crois.
Le Président (M. Jolivet): Merci, messieurs les
députés. Compte tenu qu'il est 22 heures, je dois mettre fin
à la commission parlementaire des communications pour ce soir et
ajourner à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 heures)