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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 12 mai 1978 - Vol. 20 N° 75

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Communications


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère des communications

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre!

La commission permanente des communications est maintenant réunie pour étudier les crédits budgétaires du ministère des Communications et entendre les groupes concernés au niveau du programme de l'Office de radio-télédiffusion du Québec.

Les membres de cette commission pour cette réunion sont M. Beauséjour (Iberville), M. Bertrand (Vanier), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Godin (Mercier), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan (Gaspé), remplacé...

M. Bellemare: Un instant!

Le Président (M. Jolivet): ... par M. Bellemare (Johnson).

Mme Lavoie-Roux: Moi aussi, vous me remplacez quelque part.

Le Président (M. Jolivet): M. Michaud (Laprairie), M. O'Neill (Chauveau), M. Vaillancourt (Orford), remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Guay (Taschereau), remplace M. Bertrand (Vanier).

Ayant quorum, nous pouvons commencer. Mme le député de L'Acadie.

Audition des représentants des syndicats

et des comités régionaux

de Radio-Québec

Mme Lavoie-Roux: Je me demandais, suite aux arrangements que nous avions faits, non pas la dernière fois, lorsque nous avons entendu le directeur général de Radio-Québec, mais antérieurement à ça — si je me trompe, j'accepterai fort bien qu'on me corrige — mais on avait, je pense, convenu qu'il serait intéressant d'entendre toutes les parties. Nous en avons entendu une; ce matin, nous entendrons les deux autres.

Mme Lavoie-Roux: Je me demandais, suite aux arrangements que nous avions faits, non pas la dernière fois, lorsque nous avons entendu le directeur général de Radio-Québec, mais antérieurement à ça, — si je me trompe, j'accepterai fort bien qu'on me corrige — mais on avait, je pense, convenu qu'il serait intéressant d'entendre toutes les parties. Nous en avons entendu une; ce matin, nous entendrons les deux autres.

Nous voulions quand même réserver un peu de temps pour pouvoir ensuite poser des questions au ministre. Moi, je voudrais savoir si ceci est la première et dernière réunion que nous avons sur le sujet, et si tel est le cas, est-ce qu'il serait possible que nous nous entendions entre nous, pour que nous arrêtions, par exemple, — si on termine avant, tant mieux — de questionner les groupes qui seront devant nous, disons vers 11 h 45, pour se garder trois quarts d'heure... midi au plus tard, pour se garder une demi-heure...

M. Guay: On termine à 12 h 30 ou 1 heure?

Le Président (M. Jolivet): On termine à 12h 30.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Alors, à 11 h 45, pour se garder trois quarts d'heure pour poser des questions au ministre. Est-ce qu'on pourrait s'entendre là-dessus?

M. Guay: Là-dessus, M. le Président, je préférerais, un peu comme la dernière fois, plutôt que de se barrer dans un horaire fixe, qu'on entende les parties et qu'on pose toutes les questions qu'on a à poser. S'il reste du temps, à supposer qu'on ait épuisé effectivement l'audition des deux parties, bien sûr. Sinon, il n'y a rien qui empêche la commission de siéger de nouveau.

Mme Lavoie-Roux: Moi, M. le Président, si on peut me donner l'assurance que nous aurons une autre rencontre où on pourra poser des questions au ministre, je suis prête à suivre le plan du député de Taschereau, mais si ceci doit être la dernière rencontre, j'insisterais auprès de mes collègues pour que nous respections quand même l'engagement que nous avions pris d'avoir quelques minutes pour poser des questions au ministre qui est quand même, finalement, la personne responsable.

Le Président (M. Jolivet): Pour vous aider dans vos discussions, je dois vous dire que c'est la dernière séance de la commission.

M. Bellemare: M. le Président, il faudrait commencer tout d'abord par la base. Combien de représentants des syndicats vont se faire entendre ce matin? Combien de représentants des comités régionaux veulent se faire entendre? Cela devrait être la première question. Là, on pourrait peut-être discuter du temps et, après, on pourrait peut-être revenir à la question de Mme le député de L'Acadie.

Le Président (M. Jolivet): Voici la première question que je voudrais poser, compte tenu de cette demande. Je pense qu'elle est justifiée pour permettre de mieux répartir le temps. Il y a, dans la salle, des représentants des syndicats, puisque ce fut la demande de la dernière rencontre. J'aimerais que ces personnes manifestent leur présence, s'il vous plaît.

Merci.

M. Bellemare: Qui représentez-vous madame?

Une Voix: Le Syndicat général des employés de Radio-Québec.

Le Président (M. Jolivet): Le Syndicat général des employés de Radio-Québec.

M. Bellemare: Le Syndicat général des employés...

Une Voix: II y a un autre monsieur, dans la salle.

Le Président (M. Jolivet): Monsieur.

Une Voix: Le Syndicat de l'association des réalisateurs.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres représentants de syndicat?

M. Bellemare: Est-ce qu'il y a des représentants de NABET?

Le Président (M. Jolivet): Les représentants des comités régionaux, s'il vous plaît?

Il y a donc un représentant. Deux représentants? Est-ce que vous êtes ensemble?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, donc un représentant pour le groupe. Merci.

Nous aurons donc trois groupes à entendre ce matin.

M. Bellemare: Dans deux heures et demie, M. le Président, je crois que si on pouvait prendre 40 minutes pour chacun, cela nous porterait vers 12 h 15, on aurait peut-être le temps de terminer avec le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Je regrette, mais dix minutes, ce n'est pas suffisant pour entendre le ministre, il n'a jamais voulu répondre à nos questions.

M. Guay: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député, s'il vous plaît!

M. le député de Taschereau.

M. Guay: Avant que le député de L'Acadie se fasse du mauvais sang...

M. O'Neill: Qu'elle ne grimpe dans les rideaux!

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de rideaux, M. le ministre!

M. Guay: ... est-ce que je pourrais proposer...

M. O'Neill: Cela ne fait rien, vous réussissez à grimper quand même!

M. Guay: ... que la commission étant quand même maître de ses travaux, y a-t-il un empêche- ment majeur à ce que nous siégions jusqu'à une heure, de consentement?

Le Président (M. Jolivet): C'est à vous de le décider.

M. Bellemare: Je dois partir à 12 h 30 pour Aima, parce que j'ai d'autres occupations à partir de 12 h 30; j'ai des rendez-vous pour l'après-midi et la soirée.

M. O'Neill: Si on commençait, M. le Président, on gagnerait le plus de temps possible!

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je regrette, mais c'est toujours cela qu'on nous dit et on va aller aux questions jusqu'à 12 h 30, comme je vous connais. Je propose qu'on arrête d'entendre les groupes à midi pour avoir une demi-heure.

Le Président (M. Jolivet): Monsieur le ministre.

M. O'Neill: M. le Président, en principe, je serais prêt à répondre durant une heure aux questions de Mme Thérèse Lavoie-Roux...

Mme Lavoie-Roux: Le député de L'Acadie.

M. O'Neill: Nous avons convoqué, d'autre part, Mme le député de L'Acadie, des personnes et suite à une insistance très grande, particulièrement de l'Opposition officielle, ces gens sont ici. J'aimerais bien qu'on s'occupe d'eux d'abord et qu'à la dernière minute, dans la dernière partie de notre rencontre, un quart d'heure, vingt minutes si possible, je répondrai aux questions de Mme le député de L'Acadie.

Il m'a semblé qu'il était bien entendu ce matin qu'on entendait d'abord les deux parties qui étaient disposées à répondre à nos questions. Pour ma part, j'aimerais bien qu'on procède le plus vite possible. Mais demander qu'on me réserve trois quarts d'heure et qu'on enlève cela aux gens, je trouve cela vraiment un peu excessif; un quart d'heure, vingt minutes, une demi-heure si les choses vont bien, je n'ai aucune objection. Mais j'aimerais bien qu'on garde une certaine proportion.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, M. le député de Taschereau a acquiescé quand j'ai dit que c'était l'arrangement que nous avions convenu, soit qu'on réserverait du temps pour entendre le ministre. Dans des rencontres antérieures, c'est ce qui avait été convenu.

Le Président (M. Jolivet): Je dois vous rappeler pour les bénéfices de l'assemblée qu'il avait été question qu'on garde du temps pour le programme 8.

M. Bellemare: M. le Président, c'est parfait, je suis bien d'accord avec le député de L'Acadie, mais

supposons qu'on n'ait pas le temps requis par Mme le député pour poser toutes les questions au ministre, en vertu de 174-A de notre règlement, on pourrait avoir une question débat le vendredi matin et pendant trois heures J'entendre. C'est le dernier recours qu'on puisse garder pour véritablement rendre justice à ceux qui voudraient entendre le ministre. Mais là on perd un temps considérable. On est rendu à 10 h 15. On devrait procéder. Bonjour, M. le ministre.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais que soit enregistrée ma dissidence — je n'ai pas le choix — vis-à-vis de cette décision qui est prise. Je pense qu'on ne respecte pas les engagements que nous avions pris, compte tenu du fait que vous nous dites que c'est la dernière fois que cette commission siège. Je vois ici une façon élégante pour le ministre de s'éclipser et de ne pas répondre aux questions qu'on veut lui poser. On peut procéder, je n'insiste pas davantage, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Avant de procéder à l'appel du premier syndicat, je dois faire remarquer que M. Beauséjour (Iberville) est remplacé par M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Godin (Mercier) est remplacé par M. Laurin (Bourget).

Une deuxième chose. Vous allez avoir un document présenté par l'Office de radio-télédiffusion du Québec, tel que demandé par les membres de la commission parlementaire des communications, ainsi que d'autres documents qui vous seront distribués provenant des syndicats (pour renseignements, Irène Ellenberger, Marc Aras, rapport des séances de négociation des 4, 9, 10 et 11 mai 1978) et un autre document demandé par le député de Sainte-Marie qui sera distribué et provenant du président-directeur général.

Les membres du Syndicat général des employés de Radio-Québec, s'il vous plaît. J'aimerais que vous vous identifiiez. (10 h 15)

Syndicat général des employés de Radio-Québec

Mlle Ellenberger (Irène): Mon nom est Irène Ellenberger, présidente du Syndicat général des employés de Radio-Québec...

M. Bellemare: Approchez donc le micro.

Mme Ellenberger: Irène Ellenberger, présidente du Syndicat général des employés de Radio-Québec; Marc Aras, membre du syndicat; Christian Delmas, du comité de négociation, et Louise Toupin, du comité d'information.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Compte tenu de la demande qui vise à poser des questions aux membres du syndicat, j'inviterais Mme le député de L'Acadie à commencer ses questions.

Mme Ellenberger: Nous avons préparé un mémoire...

Mme Lavoie-Roux: Ces gens ont un mémoire à présenter.

Mme Ellenberger: Nous avons préparé un mémoire que nous n'avons pas l'intention de lire, parce qu'il serait beaucoup trop long, mais nous avons préparé une synthèse de ce mémoire.

Le Président (M. Jolivet): Cela va, allez.

Mme Ellenberger: A l'occasion de son dixième anniversaire, Radio-Québec s'est cru obligé de fêter l'événement en fermant les portes de ses bureaux à Montréal, après avoir décrété un lockout déguisé sous les termes d'une suspension d'activités.

La présente commission parlementaire, chargée de scruter d'un peu plus près la gestion de Radio-Québec, a permis à une partie de ses artisans de s'arrêter et de réfléchir, afin d'établir un diagnostic sur l'administration et la gestion de cet organisme encore jeune. Ce diagnostic...

Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous avez un texte qui pourrait être distribué?

Mme Ellenberger: C'est l'introduction de notre mémoire, du mémoire que nous avons déposé la semaine passée.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui!

Le Président (M. Jolivet): D'accord.

Mme Ellenberger: Ce diagnostic porté à la suite de lectures, d'entrevues diverses, de rencontres et d'analyses destinées à cerner certains malaises; ce diagnostic est écrit à partir de l'expérience de gens à l'emploi de l'ORTQ depuis nombre d'années. Il ne faut pas voir dans ce rapport une enquête de type administratif. Il a été rédigé par des syndiqués privés d'une bonne partie de la documentation et des données nécessaires à une étude exhaustive, car ces employés n'ont jamais été associés à la gestion et à la planification de Radio-Québec, pour autant qu'on puisse parler de planification dans cet office.

M. Bellemare: Excusez-moi, pourriez-vous vous rapprocher du micro? La salle est tellement vaste, l'écho se fait et le vieux ne comprend pas.

Mme Ellenberger: Je vais faire attention.

De plus, certains chiffres avancés dans ce mémoire ont été obtenus confidentiellement par certaines personnes au courant du fonctionnement interne de l'office et ne se retrouvent pas dans les rapports annuels des budgets de Radio-Québec. Seule une enquête en profondeur de la gestion de l'office permettrait de prouver le bien-fondé de ces chiffres.

Nous ne cherchons pas, par ce mémoire, à exposer devant la commission parlementaire le bien-fondé de nos demandes syndicales en vue d'une nouvelle convention. Nous cherchons plutôt à montrer que le conflit actuel est l'aboutissement

de crises multiples que nous avons vécues dans le passé.

Nous ne voulons pas non plus empêcher Radio-Québec d'obtenir les budgets nécessaires à la bonne poursuite de ses activités. Nous cherchons plutôt à demander une réforme en profondeur du mode de gestion de l'office, afin que les deniers publics servent à bon escient.

Nous ne cherchons pas à instaurer la congestion à Radio-Québec. Nous cherchons plutôt à participer plus intimement à la vie de l'office et à ouvrir celui-ci à la participation de la population québécoise.

Ce texte veut fournir une image d'ensemble, souligner des événements, décrire des phénomènes plus ou moins bizarres qui ont jalonné le cours de l'histoire de l'office.

Nous ne mettrons pas l'accent sur les bons coups de l'administration durant ces dix années d'existence. En lock-out depuis deux mois, alors que les cadres, les réalisateurs et les techniciens sont payés à ne rien faire, et cela avec l'argent du public, il ne faut pas demander à des employés sur le pavé une analyse réjouissante d'une télévision qui n'a pas encore pris son envol.

Ce texte, par conséquent, se veut un outil à partir duquel on peut se poser nombre de questions à propos de l'histoire de Radio-Québec, de son orientation, de son développement et de sa gestion.

Maintenant, je vais lire une synthèse du mémoire que nous avons déposé la semaine passée.

Condensé du mémoire préparé par le comité d'étude sur la gestion de Radio-Québec du Syndicat général des employés de Radio-Québec, pour la commission parlementaire chargée d'allouer les budgets à Radio-Québec.

La gestion de Radio-Québec vue par le Syndicat général des employés.

Si l'on examine l'administration de Radio-Québec durant les dix dernières années, une double évidence s'impose, la lourdeur de son appareil hiérarchique, une centaine de cadres et cadres assimilés, directeurs techniques, secrétaires confidentiels, réalisateurs pour 490 employés permanents auxquels s'ajoutent une centaine d'occasionnels au moment de pointe, c'est-à-dire à des périodes de l'année où la production est intensive, assortie d'un autocratisme paternaliste à tous les niveaux en partant du sommet.

Sous ce sommet, en effet, cinq vice-présidents se sont succédé en dix ans, quatre directeurs de production, cinq directeurs du personnel, quatre directeurs des relations publiques, auxquels il faut ajouter trois directeurs de la planification en cinq ans et deux directeurs de la programmation en trois ans.

Au total, quatre organismes ont prévalu au cours des huit dernières années déterminant les règles d'une incessante partie de chaise musicale et de tablettes fort coûteuses. Plie ou casse semble être le seul principe admis par une direction empressée avant toute chose à décapiter ceux qui lui tiennent tête.

Directeurs récalcitrants, groupes d'employés, comités régionaux. Les bons collaborateurs, en revanche, sont d'autant mieux récompensés qu'ils se font de plus en plus rares. Incidemment, il est intéressant de noter qu'environ 40% du budget total sont engloutis par des hiérarques permanents ou appelés en consultation à titre de rémunération et de frais professionnels et cela, avant même qu'un seul centime n'arrive aux employés de différentes unités syndicales et à la production.

Considérations climatologiques. Dans un tel contexte, on ne s'étonnera pas que le climat de Radio-Québec soit quelque peu malsain et que la productivité y souffre d'ankylose. La notion de productivité toutefois ainsi mise de l'avant appelle un examen de la mission de Radio-Québec. Là encore la déception est de taille. Les orientations sont si vagues, les objectifs si mal définis qu'on se reporte aux deux plans triennaux produits par la maison, que la direction peut modifier le contenu des émissions comme bon lui semble, sans avoir à en rendre compte au public, ni même se soucier de la pertinence du produit proposé.

Une incertitude chronique qui caractérise la réalisation est en outre amplifiée par l'obligation de produire suivant les normes dictées par un équipement technique dont la lourdeur apparaît cyclopéenne en comparaison des ressources mises à la disposition des équipes.

Un des exemples de la lourdeur et des coûts de l'équipement est la HS-200, monteuse électronique, qui fonctionne avec un ordinateur, que Radio-Québec a achetée en 1970. C'était la première HS-200 vendue au Canada. Or, l'utilisation de cette machine de montage électronique est si coûteuse que la plupart des équipes de production renoncent à s'en servir.

En 1975, $1 million ou $500 000, selon d'autres sources, ont été dépensés pour équiper une régie centrale qui n'a jamais vu le jour. Un autre million a été investi en 1976 dans un supercar de reportage dont le moteur, à plusieurs reprises, s'est avéré insuffisant pour en déplacer le poids. Malgré un échange de camions, les problèmes semblent persister. Or, en dépit d'un coût d'utilisation aussi ruineux que seules les émissions commanditées de l'extérieur peuvent prétendre, comme la diffusion des jeux d'Amos, Radio-Québec prévoit l'achat d'un second car de reportage du même type.

Ces options administratives en faveur d'une technologie lourde alliées à une absence de véritable politique éducative n'ont eu pour principal résultat que d'isoler l'office. D'une part, les différents ministres des Communications — la direction en place affronte actuellement le quatrième — ont rarement entériné les options de Radio-Québec. Par ailleurs, la mésentente a caractérisé les rapports de l'office avec le ministre de l'Education, SGME, tout comme avec les établissements d'enseignement, CEGEP ou polyvalentes, dont l'équipement est d'ailleurs incompatible avec celui de Radio-Québec, ce qui se concrétise par le fait que Radio-Québec doit faire transférer toutes ses productions sur des rubans compatibles, tout comme avec les câblodistribu-teurs ou les comités régionaux.

D'autre part, Radio-Québec s'est également coupé des milieux populaires, lesquels ne se sont guère sentis concernés par des émissions éducatives conçues en vase clos et répondant à on ne sait trop quelle priorité. Le constat d'échec apparaît, d'ailleurs, sans équivoque dans le plan de programmation 1978/79 qui renonce délibérément à rejoindre les classes défavorisées au bénéfice de spectateurs plutôt scolarisés.

Bilan: un isolement farouche.

Ainsi donc, dix années d'un style de gestion à la fois dictatorial et irresponsable ont conduit l'office à cet isolement farouche. Coupé des instances supérieures auxquelles il est censé prêter allégeance, aussi bien que des couches de la société pour lesquelles il a été institué, l'office se voit également désavoué par un groupe d'employés plus sensibles aux intérêts de la population qu'à une philosophie administrative autoritaire et paternaliste. C'est ce désaveu que la direction entend faire payer le plus chèrement possible au syndicat général des employés de Radio-Québec. C'est uniquement dans cette optique qu'il faut considérer le conflit en cours. L'équipe actuellement au pouvoir sera sans doute prochainement remplacée. Il importe, étant donné l'ampleur de la tâche à laquelle ses successeurs auront à faire face, que leur choix découle de la plus large consultation possible. Et là, je veux revenir aux conclusions du mémoire que nous avons présenté.

Ce mémoire, selon nous, remet sérieusement en question la capacité de la direction de Radio-Québec à gérer de façon adéquate, à instaurer un milieu de confiance et à fournir les services auxquels la population est en droit de s'attendre.

Pour ces raisons, nous recommandons que le budget de Radio-Québec pour 1978/79 ne lui soit alloué que si la direction accepte d'instaurer certains changements majeurs: alléger la structure administrative, afin de la rendre plus souple; répartir différemment le budget, de façon à allouer une plus grande part à la production, en réduisant l'administration et la technologie lourde; étudier la possibilité de poursuivre le développement technologique de Radio-Québec avec un appareillage léger et moins coûteux; démocratiser véritablement Radio-Québec afin de mettre dans le coup la population du Québec; donner aux régions toute latitude de déterminer elles-mêmes leurs objectifs de régionalisation, leur fonctionnement et leur donner les moyens d'atteindre ces objectifs; ouvrir les structures à la participation des syndicats de Radio-Québec, à celle de la population en général et des représentants des régions; faire une étude exhaustive des besoins de la population en matière de télévision éducative.

Nous estimons que si ces changements ne sont pas introduits dans les plus brefs délais, les crises internes et externes ne feront que se poursuivre dans l'avenir.

Le Président (M. Jolivet): Merci! Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre n'a pas de questions?

M. Bisaillon: M. le Président, si vous permettez, c'est simplement une question de procédure. La présidente du syndicat a fait référence à un document, à un mémoire complet qui avait été déposé la semaine dernière. Je pense plutôt qu'il avait été distribué, mais il n'a pas été déposé officiellement. Je demanderais qu'il soit inscrit, que le texte du mémoire apparaisse au journal des Débats.

Le Président (M. Jolivet): Cela va.

M. Bellemare:... le dossier où c'est inscrit: Les négociations à Radio-Québec?

M. Bisaillon: Voilà!

Mme Ellenberger: Non, cela s'intitule: Radio-Québec, une télévision éducative à réinventer, mémoire préparé par le comité d'étude sur la gestion de Radio-Québec du Syndicat général des employés de Radio-Québec pour la commission parlementaire étudiant le budget de Radio-Québec.

Le Président (M. Jolivet): Donc, document déposé. (Voir annexe) Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, comme le ministre ne semble pas avoir de questions, je suis très flattée qu'il me laisse son droit de parole.

J'aimerais demander aux représentants du syndicat s'ils ont des données précises. Vous avez l'impression que le personnel de cadre à Radio-Québec est très nombreux, en considération avec d'autre personnel.

Est-ce que vous avez été capable d'établir la relation entre ce personnel de cadre et le personnel général à Radio-Québec, en comparaison, par exemple, avec Radio-Canada ou avec TVA? Est-ce que vous avez fait des comparaisons?

Mme Ellenberger: Nous n'avons pas pu faire de comparaison avec d'autres maisons de production qui n'ont pas nécessairement les mêmes impératifs que ceux de Radio-Québec, mais nous avons relevé 59 cadres et cadres assimilés sur la liste officielle produite par Radio-Québec en novembre 1977.

M. Bisaillon: Qu'est-ce que c'est, des cadres assimilés?

Mme Ellenberger: C'est du personnel qui est non syndiqué et qui n'a pas le statut de cadre. Nous avons relevé 59 cadres, cadres assimilés, professionnels non syndiqués, et, de ce nombre, sont exclues quelques secrétaires confidentielles de direction, non syndiquées, une infirmière à l'emploi du personnel, 15 directeurs techniques et 25 réalisateurs qui sont, selon le cas, appelés cadres ou non-cadres; cela donne une centaine de personnes. (10 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Le rapport Rocher parle de la participation des régions dans le processus de décision de l'office de Radio-Québec. Mais, à aucun moment, on ne retrouve, dans le rapport Rocher, une mention que les syndicats devraient également être participants à cette prise de décision. Quel est votre sentiment sur cette attitude du rapport Rocher, parce que je pense et je crois comprendre que vous demandez une possibilité de participation, par exemple, à l'élaboration des programmes de Radio-Québec à Montréal? Mais, le rapport Rocher, à moins que j'aie sauté quelques paragraphes, me semble silencieux là-dessus. Est-ce que vous avez examiné cela et quelle est votre réaction? Quelles sont vos intentions quant à des actions à prendre là-dessus?

Mme Ellenberger: Je tiens à préciser tout de suite que nous sommes en train d'étudier le rapport Rocher et ses recommandations, mais que nous n'avons pas terminé cette étude; nous ne pouvons donc pas donner ici les réactions du syndicat face au rapport Rocher.

Par ailleurs, nous avons entendu avec un certain étonnement les représentants de l'office, la semaine passée, dire qu'ils avaient mis en pratique certains mécanismes qui engageraient résolument Radio-Québec dans un processus de démocratisation en permettant une participation élargie des employés et des téléspectateurs. C'était une réponse du président-directeur général de l'office à une question du député de Johnson. C'est que la seule participation des téléspectateurs, à notre connaissance, c'est celle que se sont unilatéralement octroyée les membres des comités régionaux, lequels, selon l'ORTQ, devaient être les représentants de l'office en région et non ceux des régions auprès de l'office.

Quant à la participation des employés, le président-directeur général, quant à nous, s'est contredit, durant son témoignage, parce que, d'un côté, il affirme que des mécanismes de participation sont en place depuis plusieurs années et, de l'autre, il dit que le conflit est causé, en partie, par les demandes de participation des employés de notre syndicat. En février 1974, l'assemblée générale de notre syndicat demandait, par une résolution unanimement votée, d'avoir un représentant au comité de programmation, ce qui, pour nous, était la première étape d'une participation effective. Le président de Radio-Québec a refusé toute participation d'un représentant officiel de notre groupe syndiqué, dans une lettre qu'il fit parvenir à notre syndicat. Les demandes réitérées depuis cette date sont toujours restées lettre morte et, au cours des négociations, lorsque nous avons demandé entre autres choses — des demandes fort minimes d'ailleurs — d'avoir un représentant des employés siégeant officiellement au comité de programmation, on s'est fait répondre que cela faisait partie des droits de gérance de Radio-Québec et qu'il n'en était pas question.

Mme Lavoie-Roux: Sur ce dernier point, est-ce qu'il n'y a pas — à un moment donné, vous en parlez dans votre mémoire — deux personnes ou deux employés qui siègent avec le directeur de la programmation, mais qui ne sont pas choisies par le syndicat? Est-ce que j'ai bien compris? Vous avez cela... Je pourrais retrouver la place...

Mme Ellenberger: Oui, après avoir refusé notre demande d'avoir un représentant officiel choisi par les employés et siégeant officiellement au comité officiel de programmation — cela fait beaucoup d'officiels — la direction a nommé deux employés qui représentent les services de production à un sous-comité consultatif et...

Mme Lavoie-Roux: Ce sont des employés syndiqués?

Mme Ellenberger: Ce sont des employés syndiqués, mais qui représentent...

Mme Lavoie-Roux: Ils ne sont pas choisis par le syndicat?

Mme Ellenberger: Ils ne sont pas choisis par le syndicat et ils représentent leur service respectif. Dans un des deux cas, cet employé a été choisi par le chef de service.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. A la page 3 de votre mémoire — je fais référence au premier que vous nous avez fait parvenir la semaine dernière ou il y a dix jours — vous parlez du programme de régionalisation et vous dites: "Radio-Québec proclame prioritaire la régionalisation, alors qu'aucun budget n'est même prévu pour l'implantation des bureaux régionaux. Il faudra, en tout temps, puiser à même le budget de fonctionnement de l'organisme les sommes nécessaires à l'implantation des comités". Est-ce que, d'après vous, il y a suffisamment, dans le budget prévu pour Radio-Québec qui est de $22 millions, de sommes adéquates pour poursuivre ce projet de régionalisation. En d'autres termes, est-ce que le gouvernement, à ce moment-ci, accorde suffisamment sur le plan budgétaire pour que, même si c'est un désir des comités régionaux, un désir des syndicats et même un désir exprimé dans les documents qui nous ont été remis et même dans le rapport Rocher... est-ce que ces sommes sont suffisantes? Même si on se hâtait d'aller chercher quelques sommes dans le budget de fonctionnement, pourraient-elles suffire vraiment à un programme sérieux de régionalisation?

Mme Ellenberger: Je vais demander à Marc Aras de répondre à cette question.

M. Aras (Marc): Nous pouvons seulement vous donner une réponse partielle, parce qu'effectivement, de l'avis du syndicat, il s'agit, pour les régionaux, de décider par eux-mêmes si effectivement la part du budget est suffisante pour la continuation de la régionalisation. Cependant, nous avons vu qu'il y avait à peine $800 000 alloués à la régionalisation l'année prochaine; cela

implique simplement la production de trois émissions par région par année et, à notre avis, cela est totalement insuffisant.

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec vous que 3% de production sur l'ensemble, c'est nettement insuffisant. Je pense qu'il faudrait quand même — et c'est pour cela que je vous pose la question — faire porter les responsabilités là où elles devraient être. Si le budget de $22 millions est insuffisant pour développer un programme de régionalisation raisonnable, même si on peut dire que la direction de Radio-Québec a des torts ou en a beaucoup, peu importe, on ne peut quand même pas la tenir responsable des difficultés de régionalisation au moins sur le plan financier. C'est cela le sens de ma question.

M. Aras: II y a cependant dans notre mémoire quelques recommandations qui feraient en sorte que ces $22 millions puissent servir en plus grande partie à la régionalisation. Nous avons parlé d'un équipement lourd et d'une administration très coûteuse. Ces deux points font en sorte que la régionalisation se retrouve reléguée au second rang parce que, effectivement, on dépense tellement d'argent dans deux secteurs bien précis de Radio-Québec que cela laisse très peu de chance aux régions d'utiliser les montants qui seraient disponibles, avec un équipement moins coûteux et une administration allégée, pour produire plus d'émissions, toujours avec le même budget.

Mme Lavoie-Roux: Mais il reste que l'équipement est acheté. Sur le plan technique, je ne m'y connais pas, je ne sais pas si on peut en disposer; enfin, il y a une grande partie de l'équipement qui est déjà là. Est-ce que vous avez une étude rigoureuse du coût d'un programme sérieux de régionalisation? Je veux bien admettre que l'administration... C'est possible que l'administration dépense trop, qu'elle administre mal et même en lui mettant tous les torts, avez-vous une étude rigoureuse qui nous dise: Les $22 millions sont suffisants pour amorcer un programme de régionalisation sérieux? Vous devriez au moins savoir cela puisque vous blâmez la direction de Radio-Canada de ne pas le faire. Est-ce qu'elle a l'argent ou est-ce qu'elle ne l'a pas de façon suffisante?

M. Aras: A notre avis, elle devrait l'avoir parce qu'effectivement nous avons fait un calcul sur les investissements en appareillages électroniques. Ces investissements sont très élevés et pourraient être facilement répartis dans les régions. Nous avons fait quelques calculs, qui ne sont que partiels bien entendu, parce que, comme on le dit dans l'introduction de notre mémoire, nous n'avons pas tous les chiffres en main. C'est malheureusement pour cela que nous ne pouvons pas vous donner de chiffres précis au niveau de la régionalisation.

Cependant, il semble qu'au niveau du climat à l'intérieur de Radio-Québec, on peut quand même, grosso modo, dire qu'il y a de très grosses som- mes qui passent dans certains secteurs et ces sommes, qui sont de plusieurs millions, pourraient être réservées à des secteurs plus utiles.

A notre avis, au niveau simplement d'un matériel léger, nous avons découvert que grâce à de nouveaux appareils utilisant, par exemple, de l'équipement magnétoscopique d'un pouce et des caméras légères, il y a possibilité de faire fonctionner les régions en investissant environ $200 000 par région en équipement; nous parlons d'un équipement de base.

Donc, pour les neuf régions de la province, ce serait un investissement de près de $2 millions. Cela ajouté à d'autres éléments nous indique qu'effectivement cette régionalisation est possible si, justement, on veut laisser aux régions la possibilité, avec un équipement léger, de fonctionner.

Mme Lavoie-Roux: Je vais poser une seule autre question, parce que je ne veux pas prendre trop de temps, pour en épargner pour d'autres groupes. En page 3, vous parlez de deux modèles possibles que pourrait adopter Radio-Québec. Je pense, par ce qui suit, que vous retenez le premier modèle qui est un modèle inspiré de la télévision de participation et d'expérience. Je pense que je peux tenir ça pour acquis. Est-ce que je me trompe, c'est le premier modèle que vous favoriseriez?

Mme Ellenberger: C'est-à-dire que nous favorisons un type de structure avec une participation au niveau même des structures; ensuite, nous pensons que des productions doivent être élaborées, et ce, au niveau des comités de programmation, de façon beaucoup plus ouverte avec des représentants de la population, des représentants des régions, des représentants des employés. Par ailleurs, il est faux de prétendre que le type de production que nous favorisons est un type de production communautaire.

Nous tenons à ce que la production de Radio-Québec soit de calibre professionnel, parce que les professionnels, en télévision, ont leur rôle à jouer dans une télévision de type éducatif. Mais nous pensons que de l'équipement plus léger permettrait un autre genre de production, parce que le choix de l'équipement est déterminant dans le genre de production que fait une maison de télévision; un gros car de reportage équipé de plusieurs caméras très lourdes et difficiles à déplacer rend impossible un type de production plus intimiste. Le choix de l'équipement a une influence directe sur le contenu de la programmation.

Mme Lavoie-Roux: Par exemple, l'orientation que Multi-Media avait, qui était quand même une expérience de télévision de type communautaire... Est-ce que je crois comprendre que ce n'est pas l'orientation que vous retiendriez dans une régionalisation de Radio-Québec?

Mme Ellenberger: Non. Nous pensons qu'il est important que ce soit la population des régions qui décide du contenu de la programmation régio-

nale. Nous pensons qu'il est important que cette production soit produite par les employés des régions avec de l'équipement plus léger...

Mme Lavoie-Roux: C'est simplement au niveau... Excusez-moi de vous...

Mme Ellenberger: ... mais toujours encadré par des professionnels.

Mme Lavoie-Roux: Pour préciser, c'est que la participation, dans la décision de la population régionale ou locale, serait uniquement du point de vue du contenu, mais non pas du point de vue de l'élaboration et de la participation active, par exemple, aux émissions.

Mme Ellenberger: C'est-à-dire que les émissions pourraient être produites et élaborées par des équipes élargies, mais la production, la technique elle-même doit se faire par des professionnels. Nous pensons que les professionnels de télévision ont leur rôle à jouer, doivent encadrer et doivent servir la population et répondre aux besoins de la population. Mais il ne s'agit pas de se lancer dans la production de type amateur ou de type communautaire. Ce n'est pas là, quant à nous, l'orientation que devrait prendre Radio-Québec.

Mme Lavoie-Roux: Multi-Media, pour vous, est-ce que c'était de la télévision amateur?

Mme Ellenberger: Je n'ai pas suivi de très près les productions de Multi-Media, mais je pense que Multi-Media avait d'autres buts, d'autres finalités que celles de Radio-Québec.

Mme Lavoie-Roux: C'est là que je saisis mal la différence que vous faites entre les objectifs que poursuivait Multi-Media, les aspects techniques mis de côté, et ce que poursuivrait la régionalisation des émissions de télévision dans les diverses régions du Québec, ainsi que ce que vous proposez. Enfin, j'aurai peut-être la chance d'y revenir. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, ma première considération, c'est pour remercier très sincèrement tout le monde qui est venu pour nous aider à remplir notre devoir, notre mandat comme députés. C'est assez rare qu'une commission parlementaire siège sur un budget d'un ministre. C'est par exception que, ce matin, on vous reçoit; on a entendu le PDG, l'autre jour, M. Labonté, nous donner sa version. Mais on voulait, nous, les membres de la commission, explorer un peu avec vous les possibilités qu'il y aurait de rendre justice aux parties. Ce n'est pas notre rôle d'être juge, ni partie. Notre rôle est de vous entendre et de toucher les points cruciaux qui font que la négociation n'a pas fonctionné. (10 h 45)

En 1974, je n'ai pas besoin de vous dire que vous avez fait des gains très substantiels: le contingentement des occasionnels, la limitation de la sous-traitance, le ressort syndical amélioré, les horaires de travail améliorés pour des centaines de catégories d'employés. Sur le plan des salaires, en février, vous obteniez une augmentation jusqu'en juillet, une indexation au salaire moyen, une réduction des écarts entre les hauts et les bas salaires.

Ce sont toutes des choses que le syndicat a obtenues, ainsi que la rétroactivité en montants uniformes.

Il s'agit de regarder l'application de cette convention qui a eu lieu en 1974 et ce qui s'est produite pendant la convention; pour moi, c'est bien important. C'est là qu'on peut juger si véritablement le syndicat a été de bonne foi dans le temps et si la partie patronale l'a été aussi.

Quand je regarde l'historique de Radio-Québec, je m'aperçois qu'il y a eu au-delà de 100 griefs en peu de temps. Vous êtes allés en arbitrage plusieurs fois. Je me demande si, véritablement, vous n'avez pas essayé de régler avec l'ancienne convention collective les projets que vous avez maintenant en tête pour la convention 1978.

M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire non plus que le rapprochement qu'on voudrait qui se fasse par l'intervention des députés de la commission parlementaire est très important. Je n'ai pas besoin de vous dire non plus que les demandes que vous avez commencé à formuler le 9 juin 1977, lors de la première rencontre... Vous aviez fourni à la partie patronale seulement 29 articles sur 35 et ce n'est que le 23 juin, quinze jours plus tard, que vous avez fourni les six autres demandes qui manquaient d'abord au début. Je suis convaincu qu'en partant, il y avait un manque.

Vous avez eu, en août, je crois, quelques rencontres explicatives avec le patron. Mais au début d'octobre, le patron a déposé treize articles qui étaient ni plus ni moins qu'une reconduction de l'ancienne convention. Vous avez protesté. Le 24 octobre, le patron dépose une série d'articles qui constituent un recul très net par rapport à ce qui existait concernant les droits acquis. Je ne sais pas ce qui a motivé le PDG et son organisation à refuser les droits acquis que vous aviez déjà gagnés. Cela a commencé véritablement à être un handicap pour vous.

Le 2 décembre, je pense que vous avez demandé la conciliation et vous l'avez obtenue. La première séance s'est tenue le 17 janvier, conciliation qui n'a pas porté fruit. Cela a été plutôt une évaporation de votre enthousiasme vis-à-vis du patron; vous vouliez faire accepter certains dépôts...

Le 31 janvier 1978, le patron a déposé les derniers textes. Cela a été nettement une baisse du niveau de revenu pour tous ceux qui gagnaient un salaire inférieur, selon le salaire moyen. Le 6 février 1978, vous avez carrément refusé ces offres et la grève a été décidée par un pourcentage de 72%. Je pense que les avis de grève ont été envoyés vers le 25 février. Durant tout ce temps, Radio-Québec a coupé le salaire des membres du

comité de négociation. Encore un geste qu'on ne peut pas approuver de la part du PDG ou de l'office, soit couper le salaire de ceux qui faisaient partie de l'unité de négociation. C'est un geste arbitraire dans une convention collective en cours. Que l'on impose une baisse salariale seulement au comité de négociations... Le 11 février, il y a eu un engagement formel de votre part pour qu'il y ait un moratoire de 24 heures. Le moratoire n'a rien donné, absolument rien. Mais pourquoi a-t-il été imposé? Pourquoi a-t-il été demandé de la part de l'office? Moi qui ne suis pas un expert, mais un petit apprenti dans le Code du travail, je me demande pourquoi on a fait cela? Ce n'était rien de... Jusqu'au 1er mars, par exemple, cela a été le "lock-out". Franchement, M. le Président, l'office a fait un "lock-out". Le 20 mars, ce n'est pas très loin, Radio-Québec ferme ses portes. Au syndicat NABET, cadres, réalisateurs et directeurs techniques sont rémunérés jusqu'à la fin du mois de mars.

Au point de vue des négociations, c'est sûr et certain que c'est mal parti. Il y a une chose certaine, c'est que vous nous avez répondu, à la question de Mme le député de L'Acadie, que vous aviez des revendications concernant particulièrement certaines structures, pour alléger des structures, pour démocratiser, mon cher monsieur, les rencontres avec votre patron, pour ouvrir une nouvelle participation. Vous êtes prêts, vous autres, à le faire, mais vous êtes prêts à le faire à certaines conditions. Vous allez probablement attaquer les droits de la gérance. Je pense que, pour Radio-Québec, il y a là des choses qui mériteraient plutôt d'être explorées, exemplifiées.

Il y a une chose certaine que, dans les relations patronales... Je l'ai vécu pendant plusieurs années comme ministre du Travail, j'ai peut-être servi de pompier, moi aussi, comme l'a dit un autre ministre, je me suis dit: Mon rôle de ministre ne sera pas un rôle de pompier. Mais je dis que, sans être pompier, on peut être un utile intervenant entre les parties, pour leur faciliter la tâche, surtout quand l'Etat est le patron, quand le gouvernement paie avec l'argent des taxes. On dispose, nous, de certains budgets qu'on vote ici à l'Assemblée nationale, mais qui sont ni plus ni moins que le fruit de taxes qu'on perçoit. Notre organisation démocratique n'est pas une organisation financière, ni sociale, ni économique. C'en est une au point de vue économique, mais on ne fait pas un produit qu'on peut exporter et sur lequeJ on peut faire des profits. C'est que le fond de tout ce que vous nous demanderez, il ne faudrait pas le perdre à l'esprit, c'est le fruit des taxes.

Au point de vue de l'efficacité, vous avez peut-être certains griefs, peut-être que le PDG n'est pas collaborateur. Il faudrait nous le dire. Oui ou non, le PDG, par les actes qui ont été posés par la régie que je viens de vous citer, j'ai vraiment des doutes qu'il veuille vraiment une convention. On a dit, jeudi passé: M. le député de Johnson, on n'entendra pas les syndicats, ni les comités régionaux, parce qu'on voudrait essayer d'avoir de la négo- ciation. Qu'est-ce qu'on a fait? On a entendu M. Yves Martin. On a entendu le matin toutes sortes d'autres choses pour explorer la situation de Radio-Québec, mais qu'est-ce qu'on a véritablement fait pour faire avancer la négociation? Je pense qu'il y a eu très peu de choses. Mais il ne faudrait pas oublier que Radio-Québec est une institution culturelle et que, tant et aussi longtemps que le ministre attaché aux Affaires culturelles n'aura pas déposé son livre blanc, le PDG et la régie seront inquiets, parce qu'il va y avoir un livre blanc déposé par le ministre des Affaires culturelles, que je salue ce matin, qui est connu peut-être par quelques-uns, pas tout le monde. Il y a eu peut-être une fuite. En tout cas! Chose certaine, c'est que ce nouveau livre blanc, qui va peut-être devenir plus tard un aperçu général de l'entrée en place de certaines nouvelles normes, fait que la régie est peut-être assise entre deux chaises et se dit: Si je vais là, tout à coup ce n'est pas bien. C'est là le problème, c'est là que ces messieurs devraient véritablement m'aider, nous dire véritablement leur pensée et ce qu'on fera plus tard pour vous aider.

Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela, M. le député...

M. Bellemare: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je voulais les questionner.

M. Bellemare: Oui, d'accord, je vous remercie de me le dire, mais je l'avais bien compris.

Le Président (M. Jolivet): C'est parce que, M. le député, je ne veux pas non plus...

M. Bellemare: J'ai vingt minutes, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Je le sais, M. le député, ce n'est pas dans ce sens surtout, mais c'était vingt minutes, surtout pour les questions. Je comprends votre introduction.

M. Bellemare: Ce sont toutes des questions, M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Je vous sais très habile.

M. Bellemare: J'ai tout laissé cela en question tout le long. Pourquoi? Il y a une raison. Pourquoi les patrons déposent-ils une série d'articles qui constituent un recul net aux droits acquis le 24 octobre 1967? Ce sont toutes des questions. Si vous prenez cela comme des assertions, ce ne sont pas des assertions. Suivez bien mon cheminement. Je cherche, avec vous tous, MM. les membres de la commission, véritablement, où est le "puzzle". Qu'est-ce qui ne va pas? Pourquoi êtes-vous encore en lock-out? On pourrait demander cela au PDG. Qu'est-ce qui ne va pas dans votre

situation? Voici une institution québécoise, voici une organisation qui nous appartient en propre, financée par la province. On voudrait savoir de vous ce qui ne va pas, pas seulement des grandes théories. On est prêt à les recevoir, vos théories. D'ailleurs, on est bien studieux. La preuve, vous voyez qu'on les a bien réglementées comme il le faut. On sait notre leçon. Qu'est-ce qui ne va pas? Vous n'aimez pas le PDG? Il ne vous aime pas? Je ne sais pas, je me pose des questions. C'en sont des questions!

Le Président (M. Jolivet): Je voulais justement protéger votre droit de question. Je regardais l'heure avancer et il vous reste environ sept minutes.

M. Bellemare: J'ai commencé à moins quart ou un petit peu plus, mais en tout cas. Je vous écouterai, M. le Président, je suis docile à vos instructions.

Il y a quelque chose qui bout. On voit la tête du chat et on ne voit pas la queue. Dites-le nous donc, ce matin, ce qui ne va pas. Arrêtez donc de nous faire de grandes sorties, comme: On est d'avis que pour alléger la structure administrative, il faut démocratiser véritablement Radio-Québec pour ouvrir les structures à la participation... Tout cela est vrai, mais c'est de la théorie. La pratique que vous vivez tous les jours, est-ce qu'on ne veut pas que vous accrochiez votre habit dans telle garde-robe? Est-ce qu'on ne veut pas que vous alliez à telle place plutôt que telle autre? Est-ce qu'on prend un employé et qu'on lui fait subir des tests et on le nomme là? Quand un réalisateur s'en va, est-ce qu'il a une raison? Vous avez dit qu'il en avait. Il y a 490 permanents et 100 occasionnels. Dites-le nous donc, vous le savez, vous autres! Avez-vous peur de perdre votre position ou qu'on vous tienne... Il y a quelque chose qui ne va pas. On est ici pour vous écouter et pour essayer de le régler, pas pour essayer de le régler, ce n'est pas à nous, mais pour le connaître, le véritable problème. Il n'y a pas cent personnes dans la salle, ce matin. Elles font cette dépense pour la deuxième fois, pour rien. Il y a des gens derrière vous, madame, qui ont des griefs. Ils pourraient se lever et dire: Oui, telle chose est arrivée. Cela ne fonctionne pas à Radio-Québec, parce qu'il n'y a pas de collaboration. C'est cela qu'il faudrait que vous nous disiez. Après cela, nous prendrons les moyens. Je suis sûr que le ministre qui l'entendra va prendre les moyens pour le faire. Les deux ministres vont prendre les moyens pour le faire. Maintenant, si ce ne sont pas là des questions, prenez cela comme de hautes considérations, et donnez-nous de bonnes réponses. M. le Président, je viens de terminer.

Le Président (M. Jolivet): Donc, il reste aux gens la valeur d'à peu près sept minutes de réponses possibles. Cela va jusqu'à...

M. Bellemare: Je vous donne mon temps. Mme Ellenberger: On va faire notre possible.

J'ai noté plusieurs points de l'intervention de M. le député de Johnson. Quand on parle du retard apporté par le syndicat à déposer ses demandes, nous tenons à préciser qu'une des raisons de ce retard à déposer notre projet de convention collective, c'est le refus de la direction de libérer les membres du comité de négociation, sans solde...

M. Bellemare: C'en est une!

Mme Ellenberger: ... aux frais du syndicat. Nous avons eu une libération de deux jours pour préparer notre projet de convention collective, toujours à nos frais, à partir du mois de janvier.

M. Bellemare: Excusez-moi! Dans votre ancienne convention, c'était prévu que vous aviez le temps et l'espace voulu pour le faire?

Mme Ellenberger: Non.

M. Bellemare: Alors, il n'y avait pas de contingentement dans ce temps?

Mme Ellenberger: Non.

M. Bellemare: Vous l'avez pris à même votre temps et le temps de Radio-Québec pour le faire, oui ou non?

Mme Ellenberger: Nous avons demandé à l'office de libérer sans solde, aux frais du syndicat, les membres du comité de négociation. On nous a refusé cette demande, dans un premier temps. Ensuite, on nous a accordé deux jours de libération sans solde au mois de janvier.

M. Bellemare: Après cela, on vous a...

Mme Ellenberger: Donc, de janvier au mois de mai, c'est le temps que cela a pris pour préparer le projet de convention collective, consulter des membres en atelier, les assemblées générales et tout cela. Quant aux raisons qui ont motivé la partie patronale à présenter des textes qui représentaient des reculs par rapport aux droits acquis, on ne les connaît pas. On pourrait peut-être penser qu'il y avait un affrontement qui était souhaité ou qu'il y avait une mauvaise évaluation des groupes en place. (11 heures)

M. Bellemare: Est-ce que vous avez essayé, madame... est-ce le syndicat NABET que vous représentez ce matin?

Mme Ellenberger: Non, c'est le Syndicat général des employés de Radio-Québec, CSN.

M. Bellemare: NABET, c'est autre chose.

Mme Ellenberger: NABET, c'est un autre syndicat.

M. Bellemare: Bon! d'accord! Vous représentez le Syndicat général des employés de Radio-Québec.

Mme Ellenberger: C'est ça.

M. Bellemare: Est-ce que, personnellement, le syndicat a fait des démarches auprès du PDG ou de la régie pour essayer de négocier?

Mme Ellenberger: Nous avons déposé...

M. Bellemare: De bonne foi, en vertu de l'article 40 du code?

Mme Ellenberger: Nous avons toujours respecté le Code du travail. Nous avons déposé nos demandes, et même si certains articles manquaient...

M. Bellemare: Non, ne changez pas ma question! Est-ce que vous avez essayé, oui ou non, de rencontrer le PDG et la régie?

Mme Ellenberger: Nous n'avons pas rencontré le président-directeur général. Nous avons rencontré l'instance qui avait été nommée par la direction de Radio-Québec, c'est-à-dire le comité patronal de négociation. Nous l'avons rencontré à plusieurs reprises au cours du mois de juin, au mois d'août, au mois de septembre et assez fréquemment jusqu'au mois de décembre. A partir du moment où nous avons demandé la conciliation, la partie patronale a annulé toutes les séances de négociation jusqu'à la première rencontre avec le conciliateur qui était prévue pour le 17 janvier.

M. Bellemare: Le patron, qui était représenté par le comité, a refusé à partir du mois de décembre de négocier.

Mme Ellenberger: C'est ça.

M. Bellemare: II n'y en a pas eu d'autres? Est-ce qu'il n'y en a pas eu une vendredi?

Mme Ellenberger: II y a eu des séances de négociation au mois de janvier. Ensuite, il y a les rencontres des 9, 15, 20, 21, 22 et 23 février, séances de négociation prévues au calendrier, qui ont été annulées par la partie patronale. C'est au cours de ces rencontres que les salaires des membres du comité de négociation syndicale ont été coupés. Nous avons demandé à la direction de Radio-Québec de revenir à la table de négociation la semaine passée. Il y a eu une séance de négociation jeudi, je pense. Il y a eu aussi quelques rencontres cette semaine, mais nous avons constaté, à notre très grande déception, un durcissement de la partie patronale.

M. Bellemare: ... ça, vous avez essayé jeudi, dans l'après-midi, probablement, de faire valoir vos arguments. Lundi, mardi, mercredi ou jeudi, je ne le sais pas, vous avez recommencé. Maintenant, il n'y a rien à faire.

Mme Ellenberger: M y a eu des séances de négociation jeudi de la semaine passée, mardi, mercredi, jeudi et vendredi matin. Ce que les membres du comité de négociation syndicale ont remarqué, c'est un durcissement très net de la partie patronale depuis qu'on parle de commission parlementaire.

M. Bellemare: Un durcissement...

Mme Ellenberger: On s'est fait dire que...

M. Bellemare: Qu'est-ce que vous entendez par durcissement?

Mme Ellenberger: II y a certaines...

M. Bellemare: Donnez-nous un exemple.

Mme Ellenberger: Par exemple, dans l'article assurance, nous avons demandé — nous avons presque accepté globalement la proposition patronale — d'ajouter un petit amendement qui touchait les congés de préretraite. La possibilité, pour un employé qui arrive à sa retraite, de jouir d'une préretraite à même ses congés de maladie accumulés. C'est une disposition qui existait dans notre convention collective et la partie patronale nous avait dit, au mois de mars, qu'elle n'avait pas d'objection fondamentale à cette demande et qu'elle allait étudier la possibilité d'obtenir un nouveau mandat sur ce point précis. Lorsque, jeudi de cette semaine, nous avons demandé à la partie patronale de répondre à cette question que nous lui avions posée il y a plusieurs mois, nous nous sommes fait répondre par le porte-parole patronal qu'il y a quelques mois la situation était propice à un changement de mandat, mais que la situation aujourd'hui était différente et que la partie patronale ne voyait plus la nécessité d'aller chercher un nouveau mandat.

M. Bellemare: On n'avait pas l'argent voulu?

Mme Ellenberger: Non, d'après lui, le moment n'était plus propice à un changement de mandat.

M. Bellemare: Le gouvernement, vous dites? Le moment.

Mme Ellenberger: Non, d'après le porte-parole, le moment n'était plus propice à demander un changement de mandat. Le conciliateur, M. Jean Destroismaisons, l'a remarqué lui aussi.

M. Bellemare: M. Jean...?

Mme Ellenberger: Destroismaisons, qui est le conciliateur attitré au dossier. Il a également remarqué ce durcissement de la part de la partie patronale.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse de vous interrompre, mais la parole est maintenant au député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je vais continuer sur le même sujet.

Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple de l'attitude de la partie patronale à la table de négociation sur des clauses qui auraient pu être déposées au conciliateur? Est-ce qu'il y a eu de tels exemples cette semaine?

Mme Ellenberger: Oui, nous avons présenté plusieurs demandes qui touchent aux conditions de travail des occasionnels. On sait qu'il y a une centaine d'occasionnels à Radio-Québec, c'est donc très important pour nous qu'ils aient de bonnes conditions de travail. Nous avons présenté une série de demandes concernant les conditions de travail des employés occasionnels. La partie patronale n'a pas présenté de texte à cet effet, quant aux choses que nous demandions. On s'était fait dire, au mois de mars, qu'elle allait étudier nos demandes et nous apporter des réponses. Lorsque nous lui avons indiqué, jeudi, que, dans la journée de vendredi, nous aurions aimé discuter des clauses relatives aux employés occasionnels, le conciliateur nous a dit que la partie patronale avait remis de nouveaux textes concernant les employés occasionnels. Les porte-parole de l'office ont dit que c'étaient des textes qui avaient été déposés au conciliateur et seulement au conciliateur, qu'il y avait un embargo sur ces textes et qu'il n'était pas question de les remettre au syndicat.

A ce moment, nous avons dit...

M. Bellemare: C'est très mauvais!

Mme Ellenberger: ... que même que si ce n'était qu'un pas, il était important qu'on puisse étudier ces textes dans le but d'en arriver à un rapprochement. On nous a répondu que ce n'était pas le temps de faire des pas en avant et que les représentants de l'office avaient un mandat de négociation, mais qu'ils avaient également des directives quant à la façon d'appliquer leur mandat. Jeudi, hier, les représentants de l'office nous ont dit que l'intention patronale était de ne pas augmenter les charges de l'office vis-à-vis des occasionnels et non plus d'ajouter à ce qui est déjà consenti, dans les faits, aux occasionnels. Nos demandes, à cet effet, sont aussi révolutionnaires que le fait qu'aucun occasionnel ne soit tenu à commencer à travailler sans qu'il y ait eu signature de contrat préalablement; je veux dire que c'est ce genre de demande qu'on nous refuse.

M. Bisaillon: Est-ce qu'il y aurait eu, de la part du négociateur, durant les trois jours de négociation de cette semaine, des remarques ou des allusions à la tenue de la commission parlementaire?

Mme Ellenberger: On nous a dit qu'on était prêt, il y a quelque temps, à aller voir les possibilités de modifier les mandats dans le but d'en arriver à un déblocage, mais que les choses, telles qu'elles se présentent actuellement, n'étaient plus propices à un changement de mandat. Nous avons eu ce genre de remarques; on nous a dit: Ce que vous avez devant vous, c'est le mandat du comité actuel de négociation. Nous avons vraiment senti un durcissement.

M. Bisaillon: Est-ce que des clauses ont été réglées cette semaine et de quel type?

Est-ce qu'il y a eu des ouvertures du côté de la partie patronale et quelle a été l'attitude du conciliateur durant la semaine? Quel a été le jugement que le conciliateur a pu porter sur les trois jours de la négociation?

Mme Ellenberger: Nous avons déposé un nouveau texte concernant le temps supplémentaire, et ce, dans le but de faire avancer la négociation. Malgré un déblocage sur certains points, nous n'avons pu nous entendre sur cet article de façon globale. De la part de la partie patronale, il n'y a eu dépôt d'aucun nouveau texte, sinon qu'on s'est entendu sur certaines clauses, mais il n'y a eu paraphage d'aucun article, dans son ensemble, sauf à l'article sur les pratiques interdites, où le comité syndical a accepté la position patronale.

Le conciliateur était fort découragé.

M. Bellemare: De vous autres ou de la partie patronale?

Mme Ellenberger: De la partie patronale, quant à nous. Il a dit qu'il n'y avait nettement aucune odeur de règlement dans les airs et qu'il nous...

M. Bellemare: Est-ce qu'il a été question, pendant les négociations, du livre blanc?

Le Président (M. Jolivet): M. le député...

M. Bisaillon: Juste un instant, M. le député de Johnson, je pense que je ne vous ai pas interrompu.

M. Bellemare: D'accord, vous avez bien raison, mais je voulais savoir s'il y avait eu quelque chose pour le livre blanc.

Mme Ellenberger: Je dois dire que le conciliateur a remarqué lui aussi que l'attitude était durcie, que l'attitude patronale à la table des négociations était très différente de celle des dernières rencontres. Evidemment, c'est difficile de ne pas faire le rapprochement.

M. Bisaillon: Vous n'avez pas répondu à une partie de ma question: Est-ce qu'il y a eu des clauses de réglées et de quel type? Vous êtes-vous entendus sur des clauses cette semaine?

Mme Ellenberger: Oui, on a accepté le texte patronal, qui est la reconduction du statu quo sur l'article des pratiques interdites.

M. Bisaillon: Alors, les clauses réglées sont celles où vous avez pris le texte patronal?

Mme Ellenberger: C'est cela.

M. Bisaillon: Avant de poser mon autre question, M. le Président, qui est sur un autre sujet, je tiens à souligner et à rappeler aux membres de la commission la menace, à peine voilée, que le président-directeur général avait faite à la commission parlementaire, la semaine dernière, quant aux résultats que pourrait avoir la commission parlementaire sur la négociation.

M. Bellemare: En aucune façon...

M. Bisaillon: Je déplore personnellement le fait qu'on ne puisse pas négocier de bonne foi. Ce n'est pas de la négociation de bonne foi. Je n'accepterai jamais que cela en soit ou qu'on puisse définir ce type de négociation comme étant de la négociation de bonne foi. Attendre les gens et attendre qu'ils acceptent nos positions, ne pas admettre qu'on puisse apporter des amendements, pénaliser des gens parce que des parlementaires les ont convoqués — ce n'est pas le syndicat qui a convoqué la commission parlementaire, ce sont les parlementaires qui ont décidé de les convoquer — pénaliser des employés ou des syndicats parce que des parlementaires ont décidé de convoquer une commission et de faire témoigner les gens, je trouve cela tout à fait inacceptable.

M. Bellemare: Très bien.

M. Bisaillon: Je réitère ma demande au président-directeur général de s'impliquer dans le dossier, en supposant qu'il ne le soit pas, pour tenter de régler cela finalement. Dans le cadre du mandat qu'il a déjà, si le mandat ne doit pas être changé, dans le cadre du mandat qu'il a actuellement, il semble qu'il y aurait au moins des ouvertures qui devraient être faites dans le cadre d'une négociation de bonne foi.

Ma dernière question concerne les équipements de Radio-Québec. Vous étiez présente lorsque j'ai posé des questions au président-directeur général la semaine dernière sur les équipements. Est-ce que, de votre côté, vous avez des commentaires à faire sur les réponses que m'a fournies M. Labonté?

Mme Ellenberger: Oui, j'en aurais concernant une question que vous avez posée au président-directeur général quant à l'utilisation de la HS-200, qui est un appareil qui fait du montage électronique et qui est rattaché à un ordinateur. Le président-directeur général a dit que cet appareil était utilisé seize heures par jour, ce qui a d'ailleurs fait beaucoup rire les employés de Radio-Québec qui étaient présents à la commission parlementaire. Ce que nous voulons dire c'est que cet appareil HS-200 est rattaché à deux magnétoscopes qui servent à faire du montage ordinaire et que de ce fait, dès qu'on utilise ces magnétoscopes, la HS-200 est utilisée un peu dans le même sens que quelqu'un qui s'enferme dans sa voiture pour écouter la radio toute la journée peut dire: J'ai utilisé ma voiture toute la journée, mais en fait il n'a utilisé que le poste de radio. Donc, à la minute où on utilise un magnétoscope de montage, la HS-200 qui est rattachée à ce magnétoscope, on peut dire qu'elle est utilisée, mais en fait c'est le magnétoscope qui est utilisé.

M. Bisaillon: Elle ne sert pas pour les fins auxquelles l'appareil a été acheté.

Mme Ellenberger: Non. Elle sert à d'autres fins qui ne nécessitent pas d'ailleurs un tel équipement. C'est comme utiliser un ordinateur pour faire des tables de multiplication. Quant au car de reportage, on nous a dit qu'il était utilisé trois jours et demi par semaine et une fin de semaine sur deux. Je pense que Marc Aras pourrait donner quelques précisions que nous avons prises dans des rapports de Radio-Québec.

M. Aras: Au niveau de l'utilisation du gros car de reportage de Radio-Québec, nous n'en avons, malheureusement, qu'une vue partielle, mais nous avons quand même un rapport mensuel de gestion qui date de novembre 1977 dans lequel il est dit que le car a été utilisé sept jours sur une totalité de 18 jours possibles dans le mois, ce qui vous donne approximativement moins de deux jours par semaine. Si on se rapporte à l'ensemble de l'année, du mois d'avril au mois de novembre, l'utilisation en est de moins de trois jours par semaine encore. C'est tout au niveau de l'utilisation. Au niveau des mini-cars de reportage, là encore, on a une utilisation qui est de 47% pour le mois de novembre et qui, pour l'ensemble de l'année, est de 61%.

M. Bisaillon: Ces renseignements que vous nous donnez aujourd'hui, vous dites que vous les avez pris dans les documents officiels de Radio-Québec?

M. Aras: Oui.

M. Bisaillon: Quels sont ces documents?

M. Aras: C'est le rapport mensuel de gestion.

M. Bisaillon: Est-ce que vous en avez un exemplaire?

M. Aras: Oui.

M. Bisaillon: M. le Président, j'aimerais que ce soit déposé et, de la même façon, que cela apparaisse en annexe au journal des Débats. Pour éviter toute confusion possible, lorsque j'ai parlé du mémoire du syndicat tantôt, j'espère que tout le monde de la commission a compris que c'était pour le faire publier en annexe au journal des Débats.

Le Président (M. Jolivet): ... d'ailleurs en ce sens, si on veut nous donner le document qu'on puisse le déposer.

M. Bisaillon: II me reste une toute dernière question, M. le Président, sur le dernier type d'appareil, c'est-à-dire la régie centrale.

Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi, ce mémoire, c'est celui qu'on a distribué tout à l'heure ou est-ce que c'est un mémoire spécial?

M. Bisaillon: Celui qui a été distribué la semaine dernière et que la présidente a...

Le Président (M. Jolivet): Cela va, mais je parle du document dont on fait mention.

M. Bisaillon: Est-ce que vous avez ce document? (11 h 15)

Mme Ellenberger: L'extrait du registre apparaît en annexe à un des documents que nous avons distribués ce matin.

Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est celui qu'on a distribué ce matin.

Mme Ellenberger: C'est ça.

Le Président (M. Jolivet): II est déjà déposé et il sera en annexe.

Mme Ellenberger: Cela s'intitule: Rapport mensuel de gestion, facilités techniques.

M. Bisaillon: Concernant la régie centrale.

M. Aras: Au niveau de la régie centrale, en se rapportant aux minutes des débats de la semaine dernière, on nous a dit que le coût total était de $475 000, que $75 000 avaient été utilisés pour une régie temporaire, qu'un autre montant de $100 000 avait servi en pièces de remplacement; donc, il restait $200 000. En calculant le coût, il resterait effectivement $300 000 sur les tablettes. Un élément de plus qu'on peut ajouter à ce matériel qui se trouve sur les tablettes, c'est qu'il semble que la garantie sur ce matériel serait terminée et qu'effectivement, si un de ces appareils devait mal fonctionner, il y aurait, à ce moment-là, besoin d'acheter de nouveaux appareils ou simplement de remplacer quelques pièces, ce qui peut rendre la chose très coûteuse.

M. Bisaillon: Lorsqu'on nous a dit qu'une partie de l'équipement avait servi en matériel de remplacement, cela a servi à quoi, effectivement?

M. Aras: D'après nos informations qui sont, en fin de compte, non officielles, ce matériel aurait servi à faire de la synchronisation générale dans Radio-Québec, ce sont des appareils de synchronisation qui ne fonctionneraient pas actuellement.

M. Bisaillon: M. le Président, je sais qu'il y a des représentants de l'Association des réalisateurs dans la salle, j'aimerais qu'ils prennent en note cette question, je vais la leur poser tout à l'heure.

Je termine avec une question sur la participation. Il y a peut-être eu un malentendu tout à I'heure; vous réclamez, évidemment, par le biais de la convention collective, la participation des employés, cette participation étant évidemment une délégation, des nominations faites par le syndicat. Mais, dans le cas de la programmation, est-ce que, pour vous, c'est vraiment une présence des employés au niveau d'un comité de programmation, mais d'employés choisis ou élus par l'ensemble des employés, ce qui ne voudrait pas nécessairement dire par un syndicat, puisqu'il y a trois syndicats à Radio-Québec?

Par exemple, s'il existait à Radio-Québec un mécanisme qui permettait à l'ensemble des employés de voter pour des représentants à différents comités, par exemple au comité de programmation, est-ce que cette attitude de Radio-Québec serait suffisante, de votre côté?

Mme Ellenberger: C'est-à-dire que ceux qui ont fait cette demande, c'est l'assemblée générale de notre syndicat. A notre connaissance, les réalisateurs ont déposé une demande similaire; quant à NABET, je ne suis pas au courant; donc, évidemment, nous avons déposé des demandes qui concernaient notre groupe. Mais c'est bien évident qu'il serait préférable pour l'office... Entre zéro employé représenté au comité de programmation ou une personne choisie par l'ensemble des employés, c'est préférable d'avoir une personne qui représente l'ensemble des employés.

Je pense, personnellement, que ce serait préférable d'avoir un représentant de chaque groupe, parce qu'il existe quand même des différences marquées entre les fonctions, les attributions et les connaissances de chaque groupe. Ce serait important qu'il y ait un représentant du personnel technique, des réalisateurs et des employés de notre unité syndicale.

C'est la seule demande de ce genre qui apparaît dans nos demandes syndicales. Dans notre mémoire, nous avons traité de structures, nous avons traité de gestion et nous n'avons pas voulu faire régler nos problèmes de renouvellement de convention collective par la commission parlementaire. C'est pour ça que nous n'avons pas abordé la question des négociations. Nous avons simplement parlé de ce que devraient être, selon nous, les structures de gestion et d'administration de Radio-Québec.

Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au député de Taschereau, je tiens à vous faire remarquer que j'avais annoncé tout à l'heure des documents demandés la semaine dernière par le député de Sainte-Marie et distribués tout à l'heure, venant du directeur général de l'office et qui ont trait à la question de l'assurance-chômage; donc, ils sont aussi déposés au procès-verbal.

M. le député de Taschereau.

M. Guay: Je vous remercie, M. le Président. La commission, depuis qu'elle siège et qu'elle a entendu le PDG de Radio-Québec, ce matin aussi,

m'apparaît être tiraillée entre deux attitudes, l'une de se pencher sur le conflit de travail à Radio-Québec et l'autre sur un plus vaste ensemble, que constitue la politique de Radio-Québec, son type de gestion, son fonctionnement, la régionalisation et ainsi de suite.

En d'autres mots, dans la mesure 04 l'on mélange les deux ensemble, j'ai l'impression qu'on ne contribue pas particulièrement au règlement, ni de l'un, ni de l'autre. Il est évident que la régionalisation et tout ce que cela implique, les différentes approches quant à la régionalisation, les critiques qui ont pu être formulées sur le style de leadership à Radio-Québec, sur les méthodes de fonctionnement de Radio-Québec, sont des choses qui peuvent prendre plus de temps à régler que le conflit de travail, dans la mesure où on s'en limite aux clauses en litige.

J'aimerais d'abord demander à la présidente du syndicat si, dans sa perspective, les négociations en cours, ou le conflit de travail, pour le syndicat, se limitent aux clauses en litige, aux questions qui sont en litige, questions salariales, questions normatives, ou si, en fait, vous voulez en même temps que la question du fonctionnement même de Radio-Québec, de l'orientation de Radio-Québec, du style de télévision de Radio-Québec, de la régionalisation de Radio-Québec, soit également plus ou moins réglée ou impliquée dans les négociations. Est-ce que, effectivement, à la table de négociation, il est question du plus vaste sujet, ou s'il est question uniquement, de façon plus précise, du coeur du conflit?

Mme Ellenberger: Le conflit porte essentiellement sur les conditions de travail que nous voulons, ou renouveler, ou améliorer. Ce qui est cependant évident, c'est qu'il y a beaucoup de problèmes d'application de convention collective ou de problèmes internes, que nous avons vécus à Radio-Québec, qui sont causés par la mauvaise administration. Je pense, par exemple, à nos demandes en ce qui touche les clauses de promotion, les possibilités de promotion pour les membres de notre syndicat. Nous avons un problème à cet égard; d'une part, les exigences scolaires d'emploi sont très élevées et beaucoup d'employés ne peuvent y satisfaire. D'autre part, il n'existe à Radio-Québec, qui est une maison de télévision éducative, aucun plan interne, aucun service de perfectionnement, de recyclage ou de formation du personnel.

Comme ce genre de plan n'existe pas à Radio-Québec, nous devons donc, à la table de négociation, amener des revendications spécifiques pour que tous les employés de Radio-Québec puissent avoir un plan de carrière devant eux.

Mais ce sont essentiellement des clauses qui touchent à des conditions de travail. Les conditions de travail sont rendues plus difficiles par le mode de gestion et d'administration de Radio-Québec.

M. Guay: Mais le document que vous avez présenté ou distribué il y a quelques semaines, lors de la précédente séance de commission, qui portait sur la gestion de Radio-Québec, qui couvrait beaucoup plus que ce que vous venez d'énumérer, et la réponse que l'office a fait distribuer ce matin, est-ce que tout cela fait partie du litige ou si c'est une plus vaste question qui ne devrait pas être portée à un plus vaste débat qui aura lieu, de toute façon, en son temps?

Mme Ellenberger: Probablement que même s'il n'y avait pas eu le conflit, nous aurions déposé, à la commission parlementaire, un mémoire dans ce sens-là. Les demandes concernant le mode d'administration et le mode de gestion d'un office gouvernemental ne sont pas des demandes qui se règlent par le biais d'une convention collective. C'est évident.

Mais je tiens à rappeler que les problèmes d'application de convention collective que nous avons sont causés par ce mode de gestion et d'administration. Probablement que si les structures administratives étaient plus souples, s'il y avait une certaine forme de participation des employés aux instances décisionnelles de l'office, il n'y aurait pas le conflit qu'il y a actuellement entre Radio-Québec et notre syndicat, ou entre Radio-Québec et les comités régionaux.

M. Guay: Mais est-ce que vous faites d'un accord à intervenir... au chapitre de la convention collective, est-ce que vous attendez que toute cette question soit également réglée, avant d'en arriver à un accord? Ou est-ce que vous visez d'abord à en arriver à un accord de type classique, sur la convention collective, quitte à ce que, d'autre part, toute cette question soit remise en cause, ou fasse l'objet d'un débat public plus vaste et qui ne compromettrait pas le règlement de la convention collective?

Mme Ellenberger: Régler la convention collective, c'est une chose séparée, quant à nous, du grand débat sur l'orientation future ou prochaine de Radio-Québec. Je pense personnellement que, même s'il n'y a pas de décision finale prise quant à la réorientation possible de Radio-Québec, cela ne devrait empêcher en rien le règlement de notre convention collective, puisque nos demandes portent principalement sur l'amélioration des conditions de travail.

M. Guay: Est-ce que le fait que le débat sur la gestion, sur la régionalisation, par coïncidence jusqu'à un certain point, se produise au même moment qu'il y a conflit de travail, de la part de la partie patronale est-ce que cela a été évoqué, est-ce que cela a été amené à la table de négociation? Est-ce qu'on l'a utilisé comme argument, par moment, ou est-ce que cela n'a pas du tout été évoqué lors des négociations?

Mme Ellenberger: Nous avons remarqué un net durcissement dans l'attitude de la partie patronale à la table de négociation depuis l'annonce de la commission parlementaire. Nous avons eu

droit à quelques remarques. On nous a dit que le moment n'était plus propice à un changement de mandat. On a fait quelques allusions à la commission parlementaire, quelques allusions plus ou moins voilées. Quant à nous, c'est là une situation totalement injuste, parce que négocier, c'est une chose et régler des problèmes administratifs ou budgétaires, c'est une autre chose.

M. Guay: Si bien que, de façon corollaire, je suppose que vous vous attendez, la commission parlementaire terminant ses travaux à 12 h 30, qu'après cela la direction fasse preuve de plus de souplesse, puisqu'il n'y aura plus de commission parlementaire?

Mme Ellenberger: C'est ce que nous espérons.

M. Guay: Au sujet du conflit lui-même et au sujet des négociations, une des raisons qui ont été invoquées par la direction pour procéder à ce qu'elle appelle la suspension de ses activités pour une période indéfinie, ce sont des incidents qui auraient eu lieu. En janvier et en février aussi, si je ne m'abuse, on a eu l'occupation d'une partie des locaux et on parle même de vandalisme à certains moments. Quelle est la réaction du syndicat et quels sont les commentaires que le syndicat a à faire à la lueur de l'évocation de tels incidents?

Mme Ellenberger: Ce n'étaient pas vraiment des accusations. Ces insinuations nous ont beaucoup surpris. Nous les avons immédiatement niées. On a insinué que les membres de notre syndicat se seraient livrés à des actes de sabotage qui se seraient élevés à plusieurs centaines de milliers de dollars. Nous avons eu connaissance d'un compendium des délibérations du conseil d'administration de l'office. Alors que les représentants de l'office parlaient de plusieurs centaines de milliers de dollars, dans le procès-verbal du conseil d'administration, on parle de $10 600. Il est spécifié que c'est une évaluation extrêmement conservatrice, mais il y a quand même une très nette différence dans les chiffres. Quant aux supposés actes de sabotage, nous avons toujours affirmé, et nous l'affirmons encore, que le sabotage ne fait pas partie de nos pratiques syndicales. Nous n'avons jamais, à aucun moment, donné de directives de cet ordre à nos membres.

Radio-Québec est une boîte ouverte. Il y a des visiteurs. Il y a du personnel cadre, du personnel cadre assimilé, des réalisateurs, des techniciens, nos membres, beaucoup de personnes. Lorsqu'il y a des actes ou de supposés actes de vandalisme ou de l'équipement qui disparaît, ce n'est pas nécessairement à cause de notre syndicat.

Nous n'avons donné à nos membres aucune directive. Les moyens de pression que nous avons utilisés, ce sont les moyens classiques de pression, ralentissement de travail, grève tournante, grève perlée. C'est ce genre de moyens de pression que nous avons utilisés. Il est évident que lorsqu'un syndicat utilise des grèves tournantes — d'ailleurs, c'était parfaitement légal — cela provoque certains coûts. Il y a certaines productions qui peuvent être annulées, de ce fait, ou remises, mais nous n'avons jamais donné de directives à nos membres quant à des actes de vandalisme. C'est absolument faux.

Nous avons demandé aux porte-parole de l'office de porter des accusations claires. On leur a demandé s'ils nous accusaient. Qu'on nous accuse publiquement et, à ce moment-là, on répondra publiquement à ces accusations, mais il n'y a jamais eu aucune accusation publique qui ait été faite. S'il y a eu enquête policière — j'imagine que la direction de Radio-Québec en a sûrement fait faire — il n'y a eu aucune accusation portée à la suite de cette enquête policière. (11 h 30)

Le deuxième point que je tiendrais à ajouter, c'est que rien n'empêchait l'office d'engager tous les dispositifs de sécurité qu'elle pouvait mettre en place. Si vraiment il y avait des actes de vandalisme qui se produisaient à Radio-Québec, qu'est-ce qui a empêché la direction de Radio-Québec d'engager dix, vingt, trente gardiens supplémentaires pour voir à la protection de son équipement? Je pense que cela fait partie des rôles de gestion. Cela aussi fait partie des droits de gérance d un office.

M. Guay: J'essaie de me souvenir; lors de la précédente séance de la commission, on avait invoqué l'offre qu'avait faite le syndicat la veille ou lavant-veille de la comparution de M. Labonté. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire.

Mme Ellenberger: Je n'ai pas compris votre question.

M. Guay: La veille ou lavant-veille de la précédente séance de la commission, il y a une ou deux semaines environ, le syndicat avait fait une offre. Qu'est-ce que cette offre visait au juste? Pourriez-vous nous la résumer sommairement?

Mme Ellenberger: Nous avons proposé un échéancier de négociation. Nous avons dit: II est temps de se remettre sérieusement à négocier, de faire de véritables négociations, ce qui peut supposer certains changements de mandats, et également un changement d'attitude. Nous avons demandé une période intensive de négociation du 8 au 17 mai. L'autre demande que nous avons faite, c'est qu'on règle, une fois pour toutes, cette question des accusations qui entache la réputation de notre groupe. Nous n'avons eu aucune réponse pour ce qui est de notre deuxième demande. La partie patronale a, évidemment, sachant, j'imagine, que nous étions à Québec pour participer à une commission parlementaire, convoqué, à la dernière minute, des séances de négociation à Montréal, alors que nous étions à Québec, prêts à comparaître en commission parlementaire, ce qui permet, évidemment, de dire publiquement: On ne comprend pas pourquoi ils demandent à la partie patronale de se présenter à

la table de négociation; nous les avons convoqués ce matin et ils n'y étaient pas.

Evidemment, quand, mardi dans la soirée, notre conseiller technique reçoit un appel téléphonique à son domicile personnel, lui demandant de se présenter à la table de négociation à 9 heures du matin, il est un peu tard pour rappeler les membres d'un comité de négociation qui se trouvent à Québec à une commission parlementaire. Quant à nous, c'est une manoeuvre assez grossière.

Il y a, effectivement, eu des négociations la semaine passée et cette semaine, quelques jours qui ont donné le résultat que j'ai mentionné tantôt, c'est-à-dire rien du tout, sauf que la partie syndicale a accepté un texte patronal. Nous avons pu constater le changement marqué d'attitude des représentants de l'office à la table de négociation.

M. Guay: Lors de cette offre, il y a une semaine ou deux semaines... Parce qu'il y a eu une rumeur qui a circulé, à un moment donné, quand on nous parlait de cette offre du syndicat, qui disait que le syndicat était aussi disposé — c'est cela que je veux vérifier — que, dans l'offre, le syndicat manifestait son désir de rentrer au travail — d'autant plus qu'il n'est pas en grève, si je ne m'abuse, c'est une suspension d'activités — et aussi de négocier un échéancier serré de négociation. Est-ce que l'élément du retour au travail est exact ou si c'était simplement un mauvais renseignement qui circulait?

Mme Ellenberger: C'est un mauvais renseignement. Nous n'avons pas demandé à rentrer au travail. Ce que nous avons précisé, c'est que, même si nous avions le droit de grève, nous n'avons pas appliqué ce droit de grève puisque nous sommes présentement en lock-out et ce, même si la partie patronale prétend qu'il ne s'agit pas d'un lock-out, mais d'une suspension temporaire des activités, chose qui ne se retrouve évidemment pas dans le Code du travail. Nous avons simplement voulu préciser que, contrairement aux allégations de la direction, nous sommes en lock-out. Notre droit de grève, nous ne l'avons pas appliqué. D'ailleurs, lors d'une séance de la commission parlementaire, le président-directeur général, à plusieurs reprises, a dit: les grévistes, le syndicat en grève. C'est absolument faux. Nous sommes en lock-out.

Le Président (M. Jolivet): Les questions étant épuisées, je remercie les représentants du Syndicat général des employés de Radio-Québec de leur intervention à cette assemblée. J'inviterais les représentants des comités régionaux à venir ici.

Mme Ellenberger: Je tiens à remercier les membres de la commission parlementaire d'avoir bien voulu nous inviter à participer à cette commission parlementaire.

M. Bellemare: J'espère que vous allez trouver la clé, que vous allez avoir la clé.

M. Guay: J'ajouterais, M. le Président, que, pour ce qui est du syndicat, comme je le disais tantôt, le plus vaste débat sur la régionalisation et les orientations de Radio-Québec, qui m'apparaît devoir être distinct du conflit de travail pour simplifier les choses. J'imagine qu'il va continuer, et même de plus belle, une fois le conflit réglé. J'espère bien qu'on pourra compter sur la présence du syndicat de nouveau, puisque ses observations sur le fonctionnement de Radio-Québec et sur ses orientations sont extrêmement intéressantes.

Mme Ellenberger: Nous sommes à votre disposition. D'ailleurs, Radio-Québec, on connaît ça un peu.

Comités régionaux

Le Président (M. Jolivet): J'invite à nouveau les représentants des comités régionaux.

Si le porte-parole veut s'identifier et présenter les gens qui sont avec lui.

M. Dumais (Nelson): M. le Président, mon nom est Nelson Dumais. Je suis le porte-parole des comités régionaux. Il y a Jeanne Blackburn, Michel Schmouth et Claire Leroux.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'on passe à la période des questions, à moins que vous ayez un petit mémoire à présenter?

M. Dumais: Oui. Nous avions déposé un mémoire la dernière fois que la commission parlementaire s'est réunie. Cela va durer à peu près sept ou huit minutes.

Le Président (M. Jolivet): Allez!

M. Dumais: Nous sommes les représentants de tous ceux qui, en 1975, disaient au gouvernement du Québec, par l'intermédiaire de son office de radio-télédiffusion, de nantir les régions d'un réseau particulier de télévision éducative à l'image des réalités sociales, culturelles et économiques, à l'écoute des attentes et selon les besoins des populations vivant dans ces régions.

Nous nous disons les porte-parole de tous ceux qui présentaient alors un total de 165 mémoires. Car, depuis, nous leur sommes demeurés fidèles. Nous sommes devenus garants de ces volontés régionales. Nous leur avons rendu des comptes en cours de route. Ils nous ont, jusqu'à maintenant, signifié leur approbation. En d'autres termes, nous n'avons rien inventé. Nous ne faisons que répéter ce que les régionaux attendent du gouvernement du Québec en ce qui a trait à la télévision éducative.

Or, notre présence en commission parlementaire indique que notre thèse est différente de celle de l'ORTQ. Autrement, nous nous contenterions de la présence ici des dirigeants de l'office. Admettre que les thèses sont différentes, c'est avouer une fois de plus qu'un fossé sépare les objectifs bien articulés émanant des régions de ceux pen-

ses par les fonctionnaires en poste à Radio-Québec.

Pour élaborer ces thèses, des documents ont été produits en quantité industrielle de part et d'autre. Nous nous engageons à remettre les nôtres sur demande aux membres de cette commission. Quant à nous, nous avons le mandat de vous informer sur les divergences fondamentales entre Radio-Québec et les régions.

Toute la mésentente actuelle réside dans le fait que lors des audiences publiques de 1975, les régionaux demandaient à Radio-Québec d'être un outil de communication intra et interrégional, c'est-à-dire, et je cite, "un catalyseur des réalités régionales et un outil de développement culturel".

En d'autres termes, les régionaux demandaient la démocratisation de la programmation et la prise en main, en région, de cet outil qu'est la télévision éducative. C'est dans cette logique que fut demandée la mise sur pied de mécanismes décisionnels de participation populaire quant à la définition des contenus, l'élaboration de la grille de programmation et les orientations de Radio-Québec. C'est dans cette logique que les régionaux donnèrent au concept de régionalisation une définition littérale. En effet, selon les régionaux, la régionalisation, c'est leur capacité de présenter l'expression de leur défi quotidien avec des moyens qui ont, jusqu'à maintenant, servi à faire d'eux des consommateurs d'une réalité culturelle qui n'est pas toujours respectueuse de la réalité régionale.

Régionaliser, c'est permettre aux populations régionales d'avoir l'accès direct à une télévision éducative qui leur est propre. Une telle définition fut la base d'une brochette de principes fondamentaux, de postulats et d'implications préalables à l'élaboration d'une structure régionale de Radio-Québec. Cette dernière étape, constituant à elle seule l'ensemble des moyens pour atteindre le grand objectif, fut pensée — encore une fois, à la lumière des mémoires de 1975 — discutée et couronnée d'un consensus panrégional. Elle fait actuellement l'objet de discussions plus ou moins officielles avec Radio-Québec. A cet effet, les membres de la commission pourront trouver en annexe du présent mémoire un modèle d'application de la structure réclamée. — C'est un cahier cartonné orange qui a été déposé la dernière fois. — Ils y constateront alors que la caractéristique fondamentale de cette structure est de reconnaître aux citoyens le droit et la capacité de définir les contenus et les orientations de la télévision éducative sur les plans territoriaux — il y a en a qui appellent cela sous-régionaux — régionaux et national et que l'exécution de ces contenus appartient aux praticiens professionnels de ce media, c'est-à-dire une délégation territoriale, régionale et nationale de l'ORTQ.

En d'autres termes, voyant dans Radio-Québec la possibilité d'une conception nouvelle d'un media de masse, les régionaux demandent une télévision pouvant répondre à leurs besoins respectifs, la mise sur pied de mécanismes opérationnels et décisionnels leur permettant d'en définir les contenus et, finalement, demandent que les spécialistes de la communication télévisuelle servent d'encadrement à leur action.

Bref, le gouvernement du Québec, via Radio-Québec, s'est abouché avec les régionaux pour élaborer un projet de régionalisation. Praticiens quotidiens des implications d'un tel concept, les porte-parole des régions ont imaginé ce qui leur a toujours paru le gros bon sens. Ce fut une démarche échelonnée sur une période de deux ans. En effet, beaucoup de terrain devait être déblayé. Or, l'ORTQ, parallèlement à ces démarches des régionaux, produisait ses propres réflexions. Cette société d'Etat mettait de l'avant un plan sans doute alléchant, pour quiconque n'est pas préoccupé par le concept de régionalisation, de déconcentration de certains services.

Après avoir étudié ce projet de l'office, nous devons admettre qu'il s'agit là d'une planification intéressante, apte à satisfaire à la limite le Québécois moyen, de même gabarit, par exemple, que celle de Télé-Capitale ou de Radio-Canada, laquelle vient de s'implanter à Rimouski.

A avoir voulu, au départ, parler de déconcentration partielle et de vasselage vis-à-vis de Montréal, nous serions présentement entièrement satisfaits. Autrement dit, ce que propose présentement I ORTQ, tout aussi intelligent que cela puisse paraître, n'a rien à voir avec les ententes régionales. C'est somme si on se faisait offrir une pile sèche pour lampe de poche, lorsqu'on a commandé un moteur à gazoline. En soi, une pile sèche est intéressante, mais, dans le cas présent, inadéquate.

Alors que les régions voient dans Radio-Québec un outil culturel au service du développement régional, le diffuseur de la rue Fullum se cantonne dans son confortable et sécurisant rôle de "broadcaster" montréalais, pouvant capter sporadiquement l'attention d'un téléspectateur moyen en mal de connaissances à acquérir, à partir parfois de quelques apports autochtones issus des régions. Cette affirmation nous permet de mieux saisir ce qu'écrivait récemment le PDG de l'office, M. Labonté. En principe, lançait-il, on pourrait concevoir une télévision éducative qui n'aurait aucune préoccupation régionale, et, du même souffle, il ajoutait: Notre culture n'est pas une mosaïque constituée d'une multitude de pièces, mais bien un ensemble de valeurs partagées par tous les Québécois et que viennent agrémenter des particularismes régionaux. C'est pourquoi le coeur de notre programmation sera toujours fait d'émissions à caractère national. Selon nous, voilà comment se crée le ghetto culturel régional et comment s amorce l'uniformisation de la culture. Alors que les régions veulent que les contenus d'émissions, tant territoriales, régionales, interrégionales que nationales, soient déterminés par une structure populaire démocratiquement constituée, la télévision de l'Etat québécois n'envisage qu'une simple table consultative devant conseiller le directeur de la programmation ou son délégué en région dans son choix d'émissions régionales et nationales. Ce comité fantoche, formé de gens

bien intentionnés qui ne pourront, à la rigueur, que dire, laconiquement: Félicitations pour votre beau programme, est voué au même sort que celui qui incombe présentement aux conseils régionaux de développement, les CRD, de qui l'OPDQ ignore trop souvent les avis. En effet, il apparaît que les gouvernements semblent trop facilement se satisfaire des verdicts fournis par leurs propres fonctionnaires pour tenir compte des recommandations émises par les différentes structures de consultation que pourtant ils financent à même les deniers publics.

Quant aux autres moyens de consultation imaginés par Radio-Québec, allant du téléphone avec table ronde télévisée à la table ronde télévisée, ils nous apparaissent des solutions faciles face aux exigences quotidiennes et sérieuses de la démocratie et démontrent une fois de plus cette mentalité de diffuseur de masse qui caractérise Radio-Québec, plus préoccupé qu'il est de son taux de pénétration que du feedback réel des gens. ( 11 h 45)

Alors que tes régions estiment devoir produire leurs émissions selon les besoins régionaux, à partir d'équipements d'une qualité indiscutable, mais de gabarit plus simple et modeste que celui des studios de la "maison-mère" l'ORTQ s'entête à imposer aux régions son appareillage lourd et ses standards concurrentiels de production. Si l'on demande à Radio-Québec de simplifier certaines normes, il répond vitement que ce n'est pas une télévision communautaire. Pourtant, entre le ruban magnétoscopique de deux pouces en usage sur la rue Fullum et celui de un demi-pouce en vigueur dans la plupart des télévisions communautaires, il y a place pour une gamme de possibilité de qualité professionnelle, mais beaucoup moins onéreuses.

De plus, lorsque M. Labonté affirme que l'échec des télévisions communautaires est l'effet de la faible qualité technique de leur production, il oublie que ces diffuseurs locaux sont très mal subventionnés, sans permanence, ils n'ont pas de possibilité de formation et font des miracles avec des moyens de fortune; ce que l'ORTQ a les moyens d'éviter. Finalement, sur le plan des divergences qui séparent les régionaux de l'ORTQ, que dire des prévisions montréalaises visant à accorder aux régions les quelques heures symboliques de production autonome, alors que les régions réclament tout le temps d'antenne nécessaire, entre autres, à la projection de leurs réalités propres. Radio-Canada, qui n'a pas l'indécence de parler de régionalisation, produit en région, actuellement, des documents visuels en quantité dépassant de très loin ce que prévoit, au bout de trois ans, le fort contestable plan triennal de Radio-Québec, dont, rappelons-le, la priorité est la régionalisation.

Les membres de cette commission comprendront facilement qu'il est difficile pour les comités régionaux de susciter la participation de leurs populations respectives aux productions de Radio-Québec si on ne leur garantit pas une quantité de production mobilisatrice. Bref, devant une pareille somme de divergences quant au projet de régionalisation de Radio-Québec, les régionaux demandent au législateur de vérifier si la loi de l'office, telle que votée en 1969, permet aux régionaux d'entretenir les aspirations légitimes qu'ils véhiculent présentement. Si tel n'est pas le cas, force nous est d'admettre que l'équipe de M. Labonté a su, jusqu'à maintenant, appliquer la loi de façon honnête. Dans ce cas, nous demandons au législateur de modifier cette loi de façon que l'ORTQ soit en mesure de répondre aux attentes régionales manifestées depuis 1975.

Par contre, si dans ladite loi rien ne s'oppose à ce que les régionaux continuent à mettre de l'avant les jalons de ce qu'ils défendent, que le législateur leur signifie où et pourquoi il y a empêchement et que des gestes conséquents soient posés. Il est important que le législateur réponde à ces questions, car il est sur le point de voter des crédits de $22 millions à une structure gouvernementale majeure dans laquelle une des principales avenues demeure pour le moins obscure. En terminant, les régionaux tiennent à préciser qu'ils s'engagent à collaborer étroitement avec Radio-Québec pour concrétiser ce projet de régionalisation aussitôt que les différends qui séparent momentanément les deux parties auront été aplanis.

Au nom des régionaux, nous remercions les membres de cette commision parlementaire d'avoir bien voulu nous entendre.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier les membres des comités régionaux de Radio-Québec de leur persévérance, parce que j'ai l'impression qu'ils sont presque devenus des pensionnaires de l'Assemblée nationale.

La première question porte sur la page 2 de votre mémoire. Je dois vous avouer que je n'ai malheureusement pas lu en détail votre proposition de structure d'organisation. Alors peut-être que les réponses y sont, mais de toute façon, je vais vous poser cette question. En page 2, au deuxième paragraphe, vous dites: "Les régionaux demandaient la démocratisation de la programmation et la prise en main en région de cet outil qu'est la télévision éducative". Pourriez-vous développer ce propos? Est-ce que vous vous orientez vers une télévision communautaire? Ce qui me semble un peu ce qui est impliqué dans ce qu'on retrouve à la page 6, où vous dites: "M. Labonté affirme que l'échec des télévisions communautaires est dû à la faible qualité technique de...". On a l'impression que ce que vous désirez, c'est une véritable télévision communautaire. Est-ce que je me trompe ou s'il faut interpréter vos...

M. Dumais: Nous demandons une télévision qui ne soit pas conçue comme un mass media, qui soit plutôt un outil de développement au service

des réalités régionales, qui appartienne aux gens qui vivent ces réalités, dont les contenus, les orientations et l'émission soient contrôlés par les populations à qui cette télévision s'adresse. Par conséquent, ce n'est pas une télévision communautaire, c'est une télévision éducative et culturelle au sens large de ces termes et cela permet à des populations de se donner un miroir de leur réalité, ça permet aux populations de voir où elles s'en vont, de mettre de l'avant les débats qu'ils vivent quotidiennement. C'est évident que pour produire des émissions dans ce sens, ça prend une équipe de production permanente, installée en région, qui va exécuter ce que des représentants démocratiquement élus de la population, d'après une structure de contenus, d'orientations et d'objectifs, auront déterminé comme contenu d'émissions.

D'un côté, il y a la population démocratiquement élue selon des critères que l'on définit dans notre document qui va déterminer quelles seront les grandes orientations, les thèmes des émissions, les heures d'antenne, qui répondront de la mission éducative et culturelle de Radio-Québec. D'un autre côté, il y aura une structure technique, technologique qui exécutera... Dans ce sens-là, ça dépasse la télévision communautaire. Par ailleurs, la télévision communautaire est plutôt localiste, bien souvent. Ce qu'on réclame, c'est une télévision régionaliste, voire sous-régionaliste.

Si on prend une région administrative comme la mienne, il y a quatre sous-régions. Au Lac Saint-Jean, il y en a deux. On n'ira pas jusqu'au local, c'est très différent comme préoccupation.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez répondu, je pense, à une autre de mes questions. Je m'inquiétais de la représentation des comités régionaux. Apparemment, vous prévoyez que ce sera fait par élection, que les membres de ces comités régionaux seront éventuellement élus par la population. Je trouve ça excellent, parce que souvent, à un moment donné... Tous les membres seraient élus au suffrage universel, si je comprends bien; est-ce que c'est ça?

M. Dumais: Oui, d'autant plus qu'on vit actuellement une situation assez détestable. On est des représentants de population, mais il n'y a pas eu de référendum, passez-moi le terme, pour nous donner cette lourde responsabilité. Ce qu'on réclame, c'est une structure digne de ce nom sur le plan démocratique, constituée à partir d'un travail sérieux d'animation, d'enquête, de recherche par une équipe qui irait chercher dans les différents corps constituant la société d'une région et des sous-régions des représentants pour éviter justement que ce soit la chose d'une clique.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez fait l'examen, sur le plan financier, des coûts de la régionalisation? Tout à l'heure, j'entendais le syndicat qui disait: A l'intérieur des budgets actuels, il y a possibilité qu on travaille à la régionalisation. Par contre, j'ai devant moi et si je me trompe, j'aimerais bien que le ministre d Etat au développement culturel me corrige, si on regarde le tableau 4 du rapport Rocher, "Décharge annuelle totale prévisible en millions de dollars pour quatre modèles de développement régionalisé de Radio-Québec, ' cela s'étend sur une période de dix ans. Je ne regarde pas la somme globale.

Mais dès la première année, on parle d'un investissement de $18 millions, si je prends le chiffre le plus bas; dans un cas, ça va jusqu'à 20 millions, mais en général c'est $18 millions. Je me demande si cela ne devrait pas être clarifié au point de départ. Radio-Québec peut permettre plus d émissions faites régionalement, augmenter son taux de 3%, mais il ne semble pas qu'on puisse parler véritablement d'une régionalisation de Radio-Québec, à moins d'investissements beaucoup plus considérables.

Alors dans ce sens, il me semble que le budget de $22 millions actuel, même si on dit que la gestion est mauvaise, qu'il y aurait des priorités qui devraient être réexaminées, etc., je suis prête à accepter ça, il semble bien que ce soit difficile, à moins d'un investissement beaucoup plus massif de la part de l'Etat vis-à-vis de la régionalisation de Radio-Québec. Est-ce que vous avez examiné ça, est-ce que vous avez examiné le rapport Rocher d'abord?

M. Dumais: Oui, nous avons lu le rapport Rocher, mais, si vous nous le permettez, nous n'aimerions pas trop aborder le rapport Rocher parce que cela n'a pas fait l'objet d'un consensus entre les régionaux. On a notre idée là-dessus et on aimerait la rendre officielle.

Pour répondre à votre question de tout à l'heure, nous avons effectivement jonglé avec des chiffres. Mettez-vous à notre place, nous sommes loin, coupés de tout document sérieux. Nous évaluons au pifomètre, bien souvent, parce qu'il nous manque tous les outils de travail pour travailler sérieusement, mais on vient à bout de s'en sortir. Dans notre document, cela nous a surpris agréablement, nous rejoignons ce qu'a prévu le rapport Rocher au niveau des sommes que cela nécessiterait. Nous avions prévu, strictement pour la cinquième année, pas loin de $70 millions d'investissement pour faire fonctionner le réseau. Le rapport Rocher n'est pas tellement loin de cela. Ces gens l'ont fait, évidemment, avec des documents plus sérieux.

Mais c'est un fait que les outils de travail nous ont manqué. On estime que, si on prend ce que cela coûte, en moyenne, pour produire une heure de télévision, compte tenu que, dans les régions, probablement que toutes les émissions ne seront pas faites à partir de 16 millimètres et repiquées en vidéo, cela va coûter sans doute moins cher... On parle de postes décentralisés dans les régions où les gens iront dire ce qu'ils ont à dire. A chacune de ces émissions, cela ne sera pas du 16 millimètres chaque fois, ce qui va diminuer les coûts grandement. On a pris cela comme critères pour sortir nos chiffres.

Mme Lavoie-Roux: Je ne prendrai pas plus de temps, le temps court. Je veux simplement vous dire que je suis favorable à une véritable décentralisation. Vous avez tout à fait raison, en page 5, lorsque vous dites qu'il ne s'agit pas d'être consultés à travers d'autres organismes, d'une structure très compliquée et que, finalement, en fin de compte, on a peut-être notre mot à dire.

Compte tenu du fait que vous êtes vraiment soucieux d'une représentation démocratique, même à partir d'un suffrage, je pense qu'on devrait vous donner toutes les chances. Evidemment, je suis aussi consciente des limites de l'Etat au plan financier, mais il me semble que Radio-Québec remplira vraiment sa vocation, au plan éducatif, si on réalise ces objectifs à plus long terme. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, nous venons d'entendre M. Dumais qui nous a donné certaines précisions quant aux activités de Radio-Québec. Il y a trois questions bien spécifiques. Est-ce que, dans le livre blanc qui est accidentellement tombé dans les mains du public dernièrement, qui est préconisé par le ministre d'Etat au développement culturel, il n'y a pas une invitation plus profonde à régionaliser le domaine éducatif, particulièrement dans vos régions, contrairement à ce que dit le rapport de Mme Irène Ellenberger qui dit qu'il y a un désaccord au niveau de la régionalisation à Radio-Québec?

Le président de l'ORTQ se dit en total accord avec le rapport Rocher sur l'avenir de Radio-Québec car, selon lui, ce document est un prolongement de son plan triennal de régionalisation.

Or, le rapport Rocher lui-même rejette l'hypothèse de régionalisation telle que convenue dans le plan de Radio-Québec. C'est Mme Ellenberger qui dit cela dans son rapport ce matin.

Contrairement à ce que disait le PDQ, M. Labonté: En principe, lançait-il, on pourrait concevoir une télévision éducative qui n'aura aucune préoccupation régionale... Il avait lu le rapport puisqu'il a dit qu'il avait même participé à certaines séances.

Et du même souffle, il ajoutait: Notre culture n'est plus une mosaïque constituée d'une multitude de pièces, mais bien un ensemble de valeurs partagées par tous les Québécois qui viennent l'agrémenter de particularismes régionaux. C'est pourquoi le coeur de notre programmation sera toujours fait d'émissions à caractère national.

D'abord, la première question. Combien y a-t-il de comités régionaux dans la province?

M. Dumais: Huit.

M. Bellemare: Combien y en avait-il au début?

M. Dumais: Huit.

M. Bellemare: Ils sont restés huit. Est-ce que les huit comités régionaux sont opérants?

M. Dumais: Vous comprendrez...

M. Bellemare: Est-ce que ce n'est pas plutôt le vôtre qui est le plus en vedette à cause de l'implantation de Radio-Canada à Rimouski?

M. Dumais: Cela n'a rien à voir.

M. Bellemare: Cela n'a rien à voir. (12 heures)

M. Dumais: Vous comprendrez qu'après deux ans d'effort, de bénévolat, à travailler sur une structure, travailler sur des principes, lorsque cela tarde à déboucher, qu'il y ait toujours une nouvelle ruelle qui s'annonce, une nouvelle avenue, un nouveau boulevard qui se dessine quelque part, vous comprendrez que les bénévoles, de temps en temps, vont en avoir ras le bol. Il va y avoir une espèce de désaffection, c'est normal, c'est humain.

M. Bellemare: Vous parlez, M. Dumais, de bénévoles?

M. Dumais: Oui.

M. Bellemare: Combien représentez-vous de bénévoles actuellement?

M. Dumais: Théoriquement, il est censé exister six représentants par comité. Je vous dis qu'il y a des postes vacants actuellement. S'il y a huit comités, plus des personnes ressources qui se sont adjoints à ces comités, je mets un maximum actuellement d'une quarantaine de personnes qui, au Québec, travaillent comme bénévoles. Je vous ouvre une parenthèse. Si vous acceptez par ma définition du mot bénévole le fait que, traditionnellement, l'ORTQ défrayait des émoluments à ceux qui y donnaient du temps, c'est-à-dire qu'on donnait une journée de travail sur la régionalisation, à ce moment-là, les comités régionaux nous défrayaient ce que l'employeur nous enlevait pour avoir travaillé pour Radio-Québec. On nous payait les frais de déplacement et tout cela. Mais, encore là, cela veut dire qu'en dehors strictement des cinq ou six heures quotidiennes qu'on mettait là-dessus, il est évident qu'on assumait une présence quotidienne, on travaillait régulièrement chacun dans nos régions sans émoluments. Je ferme la parenthèse pour vous dire que ce qui m'apparaît important là-dedans, ce n'est pas le nombre réel de ceux qui subsistent encore au bout de deux ans de ce travail, c'est le mandat qu'on nous a donné dans les régions de faire valoir le point de vue de 165 rédacteurs de mémoires de 1975. Cela m'apparaît beaucoup plus important. Selon moi, c'est évident que si cela tarde encore à se régler, dans trois semaines, on sera vingt au lieu de quarante. Je ne sais pas comment mes collègues vont réagir.

M. Bellemare: C'est-à-dire que selon vos relations avec M. Labonté, le PDG de Radio-Québec, vous avez tous les mois d'information de la direction des comités régionaux?

M. Dumais: C'est-à-dire que, l'an dernier, cela fonctionnait à peu près sous cette forme. Il y avait régulièrement des réunions de travail entre des représentants de la direction de la régionalisation de l'office et les présidents des comités régionaux. Evidemment, à partir du moment où nous nous sommes dits des représentants des régions auprès de l'office et que nous avons estimé que ce que nous présentait l'office était de moins en moins acceptable, il s'est produit une espèce de phénomène normal, celui de travailler chacun de notre côté et les réunions ont été beaucoup moins fréquentes.

M. Bellemare: Du 1er janvier 1978 au 1er mai 1978, combien de rencontres avez-vous eues?

M. Dumais: Cette année?

M. Bellemare: En 1978.

M. Dumais: Je pense que c'est deux.

M. Bellemare: Deux rencontres. Vous étiez les huit ou les six, cinq ou quatre représentants régionaux?

M. Dumais: Théoriquement, il y avait des représentants de toutes les régions.

M. Bellemare: II y avait des représentants de toutes les régions. Vous nous assurez qu'il y a eu deux rencontres dans lesquelles vous ne vous êtes pas entendus sur la planification de la régionalisation de Radio-Québec?

M. Dumais: Est-ce que M. Michel Schmouth pourrait vous répondre là-dessus? Il a des informations plus précises.

M. Bellemare: Oui, d'accord.

M. Schmouth (Michel): Le problème, en tout cas, la divergence actuellement quant à la collaboration possible dans les travaux, origine d'une contestation qui avait été faite en juin dernier par l'assemblée des présidents régionaux dans un mémoire qu'ils avaient soumis à Radio-Québec.

M. Bellemare: En 1977?

M. Schmouth: En juin 1977. Dans ce mémoire, les présidents demandaient des éclaircissements sur le programme de régionalisation de Radio-Québec, qui leur apparaissait insatisfaisant et trop obscur. A ce moment-là, les comités régionaux, qui n'avaient aucun statut légal, aucun statut juridique, hésitaient énormément à aller cautionner dans leur région un programme dont ils ne connaissaient pas la fin et qui leur apparaissait beaucoup trop obscur. C'est en ce sens que les comités régionaux ont demandé à revoir avec la direction de Radio-Québec toute la question de la régionalisation du plan triennal?

M. Bellemare: Cela a été fait?

M. Schmouth: Cela a été fait difficilement, parce que la réponse qui en a été faite, c'est un cahier qui nous a été envoyé par la direction générale de Radio-Québec, qui s'appelait: "La régionalisation de Radio-Québec, état de la situation, août 1977", auquel nous avons répondu par un rapport synthèse dans lequel était annoncé l'ensemble des énoncés de principe sur lequel devait se baser la régionalisation. Ce n'est que le 18 avril 1978, je dis bien cinq mois plus tard, que nous avons reçu la réponse de la direction de Radio-Québec, que j'ai ici en main, et de laquelle nous avons retiré quelques propos que nous avons dans notre mémoire.

Le problème majeur est le suivant: Les dirigeants de Radio-Québec considèrent que les comités régionaux sont des structures fonctionnelles rattachées à des mandats précis; de fait, nous l'avons accepté lors de la remise du rapport synthèse des mémoires en janvier 1976. Il est évident qu'à ce moment, en janvier 1976, lorsque les comités ont été mis sur pied, les comités régionaux n'avaient pas le choix d'accepter ou pas, parce que la réponse des comités régionaux, à ce moment, a été: Aussi bien embarquer à reculons dans un train que de ne pas embarquer du tout, au risque de rater le minimum. Je crois même que M. Labonté l'a cité en commission parlementaire ici la semaine dernière.

M. Bellemare: Pourriez-vous me dire, par région, combien il y en a qui sont payés?

M. Schmouth: Par région actuellement, comme Nelson le disait tout à l'heure, chacun des membres des comités régionaux reçoit $60 pour une journée de réunion. Le personnel engagé: il y avait un secrétaire régional qui, lui, était contractuel à temps plein, c'est-à-dire qu'il avait un mandat d'un an dans les mains. Il était payé par la direction de Radio-Québec, mais son travail était en fonction des mandats que lui confiait le comité auquel il était attaché; il y avait également une sténo-secrétaire à temps partiel, c'est-à-dire qu'elle travaillait 17 h 30 par semaine.

M. Bellemare: C'est ma dernière question. Est-ce que Radio-Québec semble vouloir conserver la régionalisation ou pas? Est-ce qu'on veut vous faire disparaître ou pas? Je serais heureux de le savoir. Selon le document que vous avez reçu de l'office, vous dites qu'on a répondu à certaines demandes. Est-ce qu'on voudrait effacer la régionalisation des comités régionaux ou non?

M. Dumais: Jusqu'à dernièrement, ce qu'on avait su officiellement de l'office, c'était que les comités régionaux étaient prolongés jusqu'au rapport Rocher. Le rapport Rocher a été remis. Il va sans doute se produire quelque chose. De mauvaises langues sont en train de nous glisser à l'oreille que les téléphones, ayant été récemment débranchés dans les régions, c'est de mauvais augure. Par contre, l'office dit être entièrement d'accord avec le rapport Rocher, ce qui nous a agréablement surpris.

M. Bellemare: Aujourd'hui, vous avez beaucoup moins de communication avec Radio-Québec que vous n'en aviez avant. Votre avenir vous inquiète parce que vous sentez qu'on va vous faire disparaître, oui ou non?

M. Dumais: On ne le sait pas trop. Cela a l'air qu'on va continuer.

M. Bellemare: Cela a l'air que vous allez continuer dans quelle sorte d'activités?

M. Dumais: On veut bien que ce soit dans les activités qui sont chères à nos régions et qui sont conformes à ce que...

M. Bellemare: Oui, mais c'est contraire au document que vous avez reçu.

M. Dumais: Oui.

M. Bellemare: C'est vrai. Alors, qu'est-ce qui arrive? Si c'est contraire au document que vous avez reçu, ce qui a été admis tout à l'heure, quel est votre avenir? C'est nul, c'est rien, surtout avec le livre blanc qui s'en vient, avec le rapport Rocher. Mme Ellenberger dit que le rapport Rocher lui-même rejette l'hypothèse de la régionalisation. Quel va être votre avenir?

M. Dumais: Le rapport Rocher, jusqu'à maintenant, ce qu'on en sait, va dans un sens très régionaliste. Ce qu'on savait, c'était que Radio-Québec s'en tenait à son plan triennal. A partir de ce moment, on a su qu'il avait collaboré au niveau d'un sous-comité à la préparation du rapport. Il était sur les différents sous-comités; je pense qu'il y en avait quatre. Quant à celui ayant trait à la régionalisation, apparemment, il a inscrit un rapport minoritaire pour rester conforme à son idéologie du plan triennal. A ce moment, le rapport Rocher rejetant, à toutes fins pratiques — c'est bien clair, à la page 46 du rapport Rocher — le plan triennal, Radio-Québec s'est rallié à la dernière minute — on en est fort aise, mais on est devant une situation où il faudrait s'entendre entre nous pour savoir ce qu'on va faire avec cela.

M. Bellemare: Est-ce que la commission parlementaire de ce matin va vous rendre service?

M. Dumais: Oui.

M. Bellemare: Oui? Merci, messieurs.

Le Président (M. Jolivet): M. Schmouth veut ajouter quelque chose, je pense?

M. Schmouth: Oui, la commission parlementaire va nous rendre service à partir du moment où on parviendra à glisser quelques interrogations, entre autres, que mes confrères et moi partageons, à la fois, sur le rapport Rocher et sur les difficultés dont nous avons actuellement à faire face avec la direction de Radio-Québec. A partir du moment où, par exemple, la direction de Radio-Québec considère que le rapport Rocher est excellent et l'applaudit à deux mains, nous, ça nous inquiète, pour la raison suivante. D'abord, parce qu'on y rejette le plan triennal auquel ils ont toujours tenu. Quant à nous, nous ne considérons pas le rapport Rocher comme étant un prolongement du plan triennal. De plus, le rapport Rocher, dans ce sens-là, est appréciable. Il se refuse à définir les modalités de participation de toute structure régionale ou nationale en ce qui regarde le programme de régionalisation de Radio-Québec. Nous l'apprécions, parce que nous croyons que les régions... parce qu'on nous avait confié ce mandat au moment où on a créé les comités régionaux, nous croyons que ce mandat nous revient, c'est-à-dire de définir les structures de participation démocratique dans lesquelles nous permettrons à nos populations régionales d'avoir un accès direct à la télévision éducative.

Quand je regarde le rapport Rocher, parce qu'ils se sont refusés à s'embarquer à ce niveau, ça nous semble intéressant; mais ça laisse encore place à beaucoup d'interprétations. Là où la commission parlementaire ou, encore, la consultation publique qui se tient actuellement au niveau du rapport Rocher peut nous aider aussi... parce qu'il est mentionné à la recommandation no 7 du rapport Rocher que les structures de participation et les champs de responsabilités seront inscrits dans la loi de l'office et nous, lorsqu'on ira s'asseoir avec Radio-Québec pour décider de quelle façon on allait mettre en application et de quelle façon chaque région évoluerait avec la croissance et le rythme dont elle est capable, ce sera lorsque cela aura été écrit dans une loi, suite à une consultation publique pendant laquelle nous avons l'intention de nous prononcer. Mais, entre-temps, toutes ces choses laissent à interprétation, et ce sont ces interprétations sur lesquelles nous avons l'intention d'intervenir, soit dans un mémoire d'ici le 14 juin, à la fin de la consultation publique.

Je pourrais peut-être citer seulement un exemple. Si je vais, par exemple, au rapport Rocher, à la page 30, où on définit les responsabilités nationales et les responsabilités régionales, les responsabilités régionales me semblent assez claires. Il nous reste à définir quelle structure devra être mise en place en région. Mais les responsabilités nationales, pour moi, ne sont pas claires; parce que les responsabilités nationales, selon la façon dont je les lis, me laissent présager qu'il y aurait possiblement deux structures au national, à la fois un centre national de production, tel qu'on le connaît actuellement, mais aussi un organisme central qui viendrait répartir les responsabilités et viendrait, finalement, appliquer les huit premières responsabilités nationales. Alors que les trois dernières, soit assurer la production, fournir aux organismes régionaux certaines ressources d'appoint et veiller à l'acquisition d'émissions de contenu éducatif, m'apparaissent des responsabilités qui devraient être affectées à un centre de production. Mais, actuellement, notre position, nous, les régionaux, face au centre national de

production, ce n'est pas ça. Nous, actuellement, sommes les mandataires ou, si vous voulez, les exécutants d'une boîte de production. Or, ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons être les mandataires d'une population qui ira siéger aussi dans un organisme central et qui assumera certaines responsabilités nationales, entre autres, les huit premières.

Cela n'est pas mentionné dans le rapport, et ce sont toutes ces choses qui laissent place à des interprétations et qui m'amènent à penser que ce n'est pas surprenant que Radio-Québec trouve que le rapport Rocher est intéressant, parce que s il s'approprie l'ensemble des onze responsabilités qu il y a là, c'est évident qu'il joue un très bon rôle là-dedans, mais, nous, ce n'est pas comme cela qu'on le voit.

M. Bellemare: Tout cela sera possible, si vous êtes encore en vie.

M. Schmouth: En ce qui me concerne, si je peux me permettre de répondre à M. le député de Johnson, je ne crois pas que notre existence soit en jeu. Ce qui est en jeu, c'est le rôle qu'on va y jouer, c'est la part décisionnelle qu'on va y avoir. C'est cela qui est en jeu et, quand nous nous inscrivons en faux contre le rôle qu'on voudrait bien nous voir jouer en région...

M. Bellemare: ...

M. Schmouth: Oui et nous demandons à faire partie de structure décisionnelle.

M. Bellemare: C'est cela, d'accord, merci. (12 h 15)

Le Président (M. Jolivet): Merci aux représentants des comités régionaux.

Je demanderais aux représentants de l'Association des réalisateurs-diffuseurs de Radio-Québec de venir prendre place maintenant. Pendant qu'ils s'installent, vous allez avoir une déclaration qui va être donnée à chacun des membres et qui sera lue ou commentée par la personne responsable du groupe à laquelle je demande son identification ainsi que celle des gens qui la secondent.

M. Bellemare: Pendant qu'ils vont s'installer, une question au ministre.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bellemare: Est-ce qu'il y aurait une divergence fondamentale entre le gouvernement...

Le Président (M. Jolivet): Le député de Bourget, ministre d'Etat.

M. Bellemare: Oui...

Mme Lavoie-Roux: Cela n'est pas dans le débat.

M. Bellemare:... le ministre d'Etat au dévelop- pement culturel et la direction de Radio-Québec sur la conception de la réorganisation de Radio-Québec?

D'abord, ce qui nous incite à croire cela, c'est le rapport Rocher, en désaccord avec le plan triennal de Radio-Québec, ce sont les fuites sur le livre blanc au développement culturel...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): II y a une question de Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: M le Président, je suis tout à fait d accord pour qu'on pose des questions au ministre, vous le savez, je sais que le député de Johnson doit partir à 12 h 30 et cela me peine beaucoup, mais je ne voudrais pas que, ensuite, à 12 h 30, on arrête les travaux et que le temps pour lequel je me suis battue pour avoir des questions, finalement, s évapore. Je ne sais même pas s'il va en rester, comme on est là, et j'aimerais demander, s'il y a possibilité, de continuer à siéger jusqu'à une heure moins quart.

Le Président (M. Jolivet): Si tout le monde est d accord pour continuer jusqu'à une heure moins quart?

Des Voix: D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Cela va, d'accord, on s entend pour terminer plutôt à une heure moins quart.

Je demanderais maintenant au représentant du groupe son identification ainsi que celle de ses adjoints.

Association des réalisateurs diffuseurs de Radio-Québec

M. Leduc: Guy Leduc, président de l'association. J'ai à mes côtés Hélène Gédalof, première vice-présidente, suivie, à ma droite toujours, de Jean-Louis Béland, secrétaire de l'association, et de Guy Parent, membre de l'association.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez un mémoire à déposer?

M. Leduc: Oui, et je demanderais au secrétaire de nous en faire lecture, s'il vous plaît.

M. Béland: Voici la déclaration de I'Association des réalisateurs de Radio-Québec, qui a été votée à l'assemblée de mardi dernier. "En septembre 1973, à la veille de la grève du Syndicat général des employés de Radio-Québec, le président-directeur général de Radio-Québec réunissait les réalisateurs pour leur tenir ce language: "Messieurs, vous êtes des cadres et, à ce titre, vous devez être solidaires des positions de la direction."

En mars 1978, cette fois, au lendemain d'un lock-out touchant le même syndicat, la direction

semble considérer que ses réalisateurs sont davantage assimilables aux non-cadres qu'au personnel de direction et les force au chômage. L'Association des réalisateurs s'estime donc autorisée à croire que la direction de Radio-Québec n'attend plus d'elle la même solidarité et veut maintenant affirmer sa liberté de penser et de l'exprimer, ce qu'elle fera autant qu'elle le jugera nécessaire dans les débats qui concernent Radio-Québec.

Soucieuse d'intervenir le moins possible dans la dialectique du présent conflit syndical, l'association n'entend pas pour autant cautionner par son silence une démarche susceptible de fausser le rapport des forces en présence, et ce au détriment de ses collaborateurs. La direction de Radio-Québec a refusé d'appliquer les dispositions prévues à la convention collective en cas de mise à pied et ce, en prévenant l'association que la marge de négociation était pratiquement inexistante. Les réalisateurs, ne disposant pas d'une véritable force de négociation en raison de la suspension des activités de l'Office de radiotélédiffusion du Québec, n'auraient eu d'autre ressource que la procédure de grief qui les aurait menés à l'arbitrage au bout de plusieurs mois au cours desquels ils auraient été privés des revenus auxquels ils ont droit. L'Association des réalisateurs de Radio-Québec se doit de dénoncer l'intransigeance de la direction à propos d'une mesure dont l'odieux a fait qu'elle fut acceptée par une très faible majorité.

Parlons maintenant de la gestion. Dans plusieurs milieux on dénonce l'incapacité de Radio-Québec d'offrir une programmation plus séduisante qui permettrait d'atteindre un plus vaste public. On a lu, dans des articles de journaux, les insinuations à l'effet que cet état de chose serait dû en partie à l'incompétence du groupe pépère que constitueraient les réalisateurs. Comme ces insinuations ne furent jamais relevées par la direction de Radio-Québec, les réalisateurs se voient dans l'obligation de le faire eux-mêmes. Les textes ne manquent pas à la direction des programmes pour encourager le personnel à viser le monde ordinaire, mais si une telle recommandation ne s'assortit pas de mesures de soutien adéquates, elle risque d'évoquer les célèbres paroles de Ponce Pilate: Lavabo inter innocentes.

M. Bellemare: Je n'ai pas besoin de demander d'explications. Je pense que: Qualis magister talis discipulus.

M. Béland: Des 25 réalisateurs permanents à Radio-Québec, 21 y travaillent depuis 1971. Une étude effectuée en 1975 démontre qu'en venant à Radio-Québec, ils possédaient une expérience de leur métier presque deux fois plus longue que celle des administrateurs dans leur propre fonction. Ce sont ces réalisateurs qui, unanimement, au printemps de 1977 rejetaient la grille de programmation 1977/78, estimant qu'il s'agissait d'une grille grise qui ne correspondait pas aux intérêts de la société québécoise. Ce sont ces mêmes artisans qui ont créé, au début de l'histoire de Radio-

Québec, des séries d'émissions comme les Oraliens et les Cent tours de Centour. On ne niera pas à ces productions leur qualité et l'attrait qu'elles ont exercé sur notre jeunesse. On se souviendra aussi des nombreux prix dont s'en est enorgueilli Radio-Québec dans la Communauté internationale des émissions éducatives. Mais on y mettait le prix et la foi.

Depuis sa naissance en 1968, jusqu'à cette époque, Radio-Québec produisait exclusivement sur commande, ses clients privilégiés étant les ministères du Québec. Les problèmes de fonds ne se posaient pas vraiment et on réussissait même à réaliser des profits. Quand il recevait une affectation, le premier collaborateur que s'adjoignait le réalisateur était généralement un scénariste, le traitement dramatique étant de beaucoup privilégié.

Au début de 1972, survint la grève de l'Union des artistes, qui empêcha Radio-Québec de remplir son carnet de commandes. Les conflits opposèrent la direction de Radio-Québec au ministère de l'Education, SGME et au ministère des Communications, OIPQ. En même temps, la commission politique du Parti libéral recommandait la dissolution de Radio-Québec qui, selon elle, n'était qu'un éléphant blanc. Menacé par le pouvoir politique, Radio-Québec décida de fuir en avant. En septembre 1972, il entrait en ondes à Montréal, sur le câble. Ne disposant pas de fonds spécifiquement prévus à cette fin, les nouvelles émissions furent financées par les profits de la production commanditée.

Privés des talents de l'Union des artistes, engoncés dans des budgets ridicules, les réalisateurs n'eurent d'autre alternative que de faire des shows de chaise. C'est ainsi que Radio-Québec entreprit de charmer le public téléspectateur. La grève de l'Union des artistes devait durer près de deux ans, période au cours de laquelle les conditions de production furent loin de s'améliorer.

Au cours de l'année 1974, probablement dans le cadre d'un difficile contentieux politique, la décision d'accéder aux ondes UHF fut prise par la direction de Radio-Québec. Encore là, les ressources nécessaires pour amorcer la production qui devait prendre l'antenne en janvier 1975 n'avaient pas été prévues. Réalisant qu'il n'était pas possible d'assumer cette production tout en continuant d'alimenter le câble, la direction ordonna au début de l'automne de cesser toute production, de résilier sur le champ les contrats des pigistes et de s'attaquer immédiatement à la nouvelle grille de programmation.

C'est aux réalisateurs qu'incomba l'odieux d'annoncer ces mesures à leurs collaborateurs. Cette période est connue chez nous comme celle du black-out du câble, qui dura près de deux mois. En décembre de la même année, l'Union des artistes signait avec Radio-Québec sa première convention de travail. Mais c'était trop tard, Radio-Québec entrait en ondes un mois plus tard et les participants étaient déjà sous contrat.

Les budgets étaient ceux qu'on avait récupérés lors du black-out, c'est-à-dire que la qualité

des émissions offertes sur l'antenne ne différait pas beaucoup de celle que l'on présentait sur le câble.

On peut supposer que, dans la semaine du 19 janvier 1975, un grand nombre de téléspectateurs attendaient, aux canaux 17 et 15, pour voir à quoi ressemblait cette nouvelle télévision. Il est probable que Radio-Québec a alors perdu un auditoire considérable en même temps qu'une bonne part de sa crédibilité qui ne fut jamais récupérée par la suite. Et pour cause. Les conditions de travail, au lieu de s'améliorer, ne cessèrent de se détériorer.

Si la diffusion sur le câble était considérée comme une expérience qu'on pouvait prendre détendu, en toute relativité, l'opération antenne propulsait Radio-Québec dans les ligues majeures. Les équipes de production étaient conscientes qu'il fallait améliorer la qualité des émissions. Comme les ressources demeuraient insuffisantes, on augmenta le rythme de travail, on greva les budgets de temps supplémentaire, et on creva aussi des gens. Le temps de préparation était insuffisant. On amorçait parfois la production des séries un mois seulement avant leur diffusion. Les outils de travail n'étaient pas toujours adéquats. Pour rentabiliser certains équipements lourds, on les imposait tout simplement aux réalisateurs, ce qui augmentait les temps de production, ce qui augmentait les frais. Le film qui était reconnu pour sa légèreté et sa mobilité était rationné à cause des frais de pellicule et de laboratoire qui étaient imputés directement au budget du réalisateur. Les cars de reportage vidéo, qui nécessitaient des équipes techniques beaucoup plus considérables, échappaient, par la vertu d'une étrange comptabilité, à cette règle. Le temps supplémentaire des techniciens, étant imputé à un autre budget, n'était plus prohibé.

Et que dire des querelles entre administrateurs dont les réalisateurs firent les frais? Des budgets furent distribués en minces tranches d'un mois jusqu'à ce qu'une décision définitive soit prise, pour qu'enfin, le réalisateur soit encore forcé d'assumer l'odieux de résiliations de contrats au détriment de sa crédibilité professionnelle.

Il y a aussi la régionalisation que Radio-Québec n'avait pas les moyens financiers d'entreprendre. Les fonds furent pris à même le budget général de l'office et les sommes d'argent consacrées à l'implantation administrative amputèrent d'autant les budgets de production d'émissions.

Les fins d'années fiscales difficiles, les coupures des budgets de production, presque toujours les mêmes, les premiers affectés. Les suppressions d'émissions encore accompagnés de résiliations de contrats. Les campagnes publicitaires de prestige davantage axées sur l'institution que sur les contenus d'émissions, les mandats de réalisations vagues et souvent irréalistes, l'absence de rétroactions valables du public, l'imprécision des objectifs poursuivis par Radio-Québec, l'impression de travailler dans le vide: les conflits de travail où les réalisateurs se trouvaient coincés entre la direction et les syndiqués, les difficultés de communications avec les administrateurs et entre les administrateurs, l'absence d'unification des processus de programmation et de réalisation, les nouvelles structures administratives et l'incroyable "turn over" des administrateurs à la direction de Radio-Québec.

Tout ceci, M. le Président, n'est pas un roman, c'est l'histoire de Radio-Québec. Les réalisateurs sont bien placés pour la raconter. Ils sont le groupe d'employés le plus ancien de Radio-Québec. Ils n'ont pas qu'observé, ils ont vécu et avec une acuité rendue plus grande par la définition même de leur rôle.

Il peut être facile de distribuer des blâmes tant aux syndiqués qu'aux réalisateurs et à la direction. Une grande part des problèmes qu'affronte l'organisation ne serait-elle pas attribuable au fait qu'elle n'a jusqu'à maintenant jamais été appuyée par une authentique volonté politique? Son histoire n'est-elle pas une constante fuite en avant, un enchaînement de faits accomplis que nous n'avions pas les moyens de nous payer afin de lui assurer légitimité et survie?

Il ne reste qu'à souhaiter que cette volonté politique s'affirme clairement et tienne compte du vécu de Radio-Québec. Le danger persiste en effet que des erreurs soient perpétuées parce qu'elles n'auront pas été reconnues. Il ne reste qu'à souhaiter qu'une harmonie nouvelle s'installe à Radio-Québec où pourront s'exercer les bonnes volontés du début, où cessera la stérilisation des talents et des énergies. Il ne reste qu'à souhaiter que Radio-Québec fasse davantage de la télévision éducative et moins de stratégie. (12 h 30)

Le Président (M. Jolivet): Merci! Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement remercier l'Association des réalisateurs de Radio-Québec qui a ajouté quelques pages au dossier de Radio-Québec et je m'abstiendrai de poser des questions pour pouvoir, le plus rapidement possible, compte tenu du temps qui nous reste, poser des questions au ministre.

Le Président (M. Jolivet): Merci! M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je suis très heureux de remercier ces honorables messieurs d'être venus ce matin apporter un nouveau témoignage qui sensibilisera, je l'espère, le ministre aux difficultés inhérentes que vous rencontrez depuis quelques années. Merci à tous ceux qui sont venus. Moi aussi je réserve mes questions au ministre pour la petite période qui reste.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je ne serai pas long, pour vous permettre justement de poser vos questions. Par ailleurs, je pensais qu'on avait convenu qu'il y aurait une période aussi qui serait réservée au président-directeur général pour qu'il puisse faire la réplique.

Personnellement, je dois avouer qu'à la suite de la lecture du mémoire de l'Association des réalisateurs, j'aurais énormément de choses à dire à M. Labonté, parce que, jusqu'à un certain point "il y a des choses qu'il nous a cachées dans son témoignage" à des questions précises. On voit que l'Association des réalisateurs vient dire, dans certains domaines, exactement le contraire de ce que M. Labonté nous avait dit la semaine dernière.

J'aurais seulement une question. D'abord, je vous rappellerai la question que je vous ai posée tantôt quant à l'équipement. Ma dernière question. Vous nous expliquez dans votre mémoire que la direction de Radio-Québec a refusé d'appliquer les dispositions prévues à la convention collective et vous a indiqué qu'il n'y avait pas de négociation possible, pour vous amener à signer, je suppose bien, l'entente concernant l'assurance-chômage. Mes questions là-dessus sont: En quoi la direction de Radio-Québec a-t-elle refusé d'appliquer la convention collective. Autrement dit, quelles clauses de la convention s'appliquaient dans les circonstances? Deuxièmement, qui a été le porte-parole pour vous indiquer qu'il n'y avait pas de marge de négociation possible? Troisièmement, est-ce que vous saviez que dans le cas de lockout, la jurisprudence établie dans le milieu prévoit que les syndiqués non touchés ou non visés par un conflit ont droit à 100% de leur salaire?

M. Leduc: Au sujet de la lettre d'entente pour le plan supplémentaire d'assurance-chômage, nous avons été avisés par...

M. Bellemare: Plus fort. Approchez le micro.

M. Leduc: Nous avons été prévenus le mercredi — je n'ai pas la date précise — avant la fin du mois de mars, que Radio-Québec avait fait une entente avec l'assurance-chômage. On nous a déposé les documents, nous demandant de prendre une position très rapide pour le vendredi, de plus, nous disant que l'article 11 de notre convention, qui prévoit la cessation d'emploi ou le renvoi temporaire des employés, ne pouvait s'appliquer, étant donné que Radio-Québec faisait uniquement une cessation d'emploi et n'arrêtait pas ses activités. Le jeu de mots est très beau et il est peut-être débattable au niveau juridique.

Un peu coincés par les circonstances et surtout par le temps, le court délai, nous avons accepté ce compromis afin d'éviter un débat juridique qui nous aurait amenés jusqu'à régler celui de la CSN et de Radio-Québec, nous forçant ainsi à prouver que, dans un cas, le lock-out était vrai, ou, encore, qu'il y avait une mise à pied des employés, qu'il y avait une grève, quoi.

Si bien que, devant ça, nous avons choisi une solution assez conservatrice peut-être, mais aussi protégeant nos gens pour avoir un gagne-pain, alors qu'ils n'étaient même pas partie et n'avaient jamais pris parti dans ce conflit.

M. Bisaillon: Qui a été le porte-parole?

M. Leduc: Me André Loranger, la deuxième fois, quand on est revenu, qui nous a imposé, qui nous a dit: Voici! Le plan que vous avez là est dû aux conséquences et aux exigences du plan de l'assurance-chômage prévu à Ottawa et approuvé par M. Mclntyre.

M. Bisaillon: Et la première fois? Vous nous parlez d'une deuxième fois. La première fois, c'était...

M. Leduc: Le comité conjoint, qui est composé de M. Yvon Malo, directeur du personnel et, habituellement, de notre directeur, M. L. Fournier, mais il y avait là aussi, cette journée-là, beaucoup d'autres gens.

Le Président (M. Jolivet): Donc, je ne pense pas qu'il y ait d'autre question.

M. Parent (Guy): Oui...

M. Bisaillon: Oui, il y avait la question de la jurisprudence... Vous aviez demandé si les réalisateurs étaient au courant de la jurisprudence...

Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous approcher le micro, parce qu'on n'entend pas du tout.

M. Bisaillon: J'ai effectivement posé une question relativement au fait qu'il y a une jurisprudence en cas de lock-out qui s'est établie au Québec, et je voulais savoir si vous étiez au courant de cette jurisprudence. Mon autre question concernait les équipements techniques.

M. Parent: C'est non.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Il y avait la deuxième partie de la question qui était posée, monsieur.

M. Parent: II ne s'agit pas ici de faire le tour de tout le débat sur la question technique ou l'équipement technique à Radio-Québec. Dans le mémoire de l'association, on dit, à un moment donné, que, pour rentabiliser certains équipements lourds, on les imposait tout simplement aux réalisateurs. Il y en a plusieurs parmi nous qui ont vécu cette situation. Toute la dialectique à propos de cette discussion, il s'agit de savoir que le choix, comme le disait tout à l'heure, les gens du SGERQ, d'un certain équipement, détermine les méthodes d'opération et le nombre de personnes qu'il faudra mobiliser pour faire une certaine production. Je prends, par exemple, le cas d'une équipe de film; on a vu des gens se promener, autour d'ici, avec une seule caméra à l'épaule. Souvent seul ou à deux, on peut réaliser certains documents; on peut même réaliser des documents assez élaborés avec seulement deux personnes. Je l'ai d'ailleurs souvent fait dans des reportages à l'extérieur de Radio-Québec, c'est-à-dire dans les

régions. Il y a un autre type d'équipement qui s'appelle le minicar — c'est un euphémisme par rapport au film, parce que c'est quand même assez volumineux — qui nécessite généralement une équipe d'environ huit techniciens et quatre personnes de production qui accomplissent à peu près le même travail. La différence entre le minicar et le film, c'est qu'il n'y a pas de frais directs pour la pellicule. Mais si on fait la proportion entre ce qu'on dépense pour payer le temps supplémentaire des techniciens qui sont deux fois plus nombreux et aussi les frais de séjour d'une équipe dans une région, on se rend compte que bien souvent la solution film est encore moins coûteuse même en tenant compte de la quantité de pellicule consommée.

Quant à ce fameux appareil dont on parle depuis le début et qui s'appelle le HS-200, on ne nie pas l'utilité de cet appareil, mais il se produit une drôle de situation qui fait que, au début de Radio-Québec, lorsqu'il a été acheté, les gens, les réalisateurs, les équipes de production avaient le temps de s'en servir et d'utiliser toutes les possibilités de cet appareil. Mais, depuis qu'on est entré en ondes UHF, les équipes ne peuvent vraiment pas utiliser l'appareil au-delà du tiers de ses possibilités. Il faut bien comprendre que c'est un appareil qui fonctionne de deux façons. Il y a une partie qui enregistre l'image sur un disque — c'est de cette partie dont on se sert au hockey pour faire ce qu'on appelle les "playback ", les reprises instantanées — et il y a une autre partie qui traite le signal dans la couleur, dans le niveau de signaux, etc., on peut aussi faire des surimpressions. Cette deuxième partie de traitement de signal peut aussi être remplacée par un autre type d'équipement, mais pour cet appareil, on a fait le choix d'avoir celui qui fait les ralentis et aussi le traitement des images. Actuellement, cet équipement, comme je le disais au début, peut être utile dans certaines productions, on a pu, avec cet appareil, faire des traitements... Ceux qui connaissent la série "Approches " ont pu constater qu'il y avait souvent des images nettement pornographiques qui étaient maquillées d'une façon telle qu'elles étaient beaucoup plus acceptables. C'est avec cet appareil qu'on le fait.

Alors, de là à dire que le HS-200 est utilisé nécessairement 16 heures par jour et dans toutes ses fonctions, on ne peut absolument pas cautionner une affirmation comme celle-là. Souvent, c est tout simplement un appareil qui sert à transporter le signal d'un magnétoscope de lecture à un magnétoscope d'enregistrement et de traiter ce signal en même temps. On pourrait faire exactement la même chose avec une régie de télévision, par exemple, ou avec un autre type d'équipement.

Le Président (M. Jolivet): Merci à l'équipe de s'être présentée devant la commission parlementaire. Il reste cinq minutes, selon l'entente intervenue. M. le ministre m'a demandé de pouvoir faire...

M. O'Neill: Répondre à des questions.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Compte tenu de cette entente, Mme le député de L'Acadie, vous pouvez poser vos questions.

Mme Lavoie-Roux: Je les limite à trois. Je vais le faire le plus brièvement possible. La semaine dernière, je pense qu'à la demande du premier ministre, l'Union Nationale a accepté de remettre le débat sur Radio-Québec parce que, soi-disant, on ne voulait pas intervenir ou nuire au déroulement des négociations. Il y a eu un communiqué de presse de Radio-Québec, émanant du directeur des relations publiques, faisant allusion à une rencontre à laquelle, d'une part, le ministre d'Etat au développement culturel et le ministre des Communications et, d'autre part, le président du conseil d'administration de Radio-Québec, M. Yves Martin, ont participé. Est-ce que vous pourriez nous dire, M. le ministre — je m'adresse indifféremment à l'un ou à l'autre — si, soit à ce moment-là, soit antérieurement ou depuis, vous avez eu des demandes de la part de Radio-Québec, par exemple, pour une augmentation de l'enveloppe globale prévue pour Radio-Québec? Parce que, quand même, on doit négocier à partir de cela. Est-ce qu'à ce moment-ci, à votre point de vue, les ressources financières qui sont à sa disposition — je sais qu'il y a d'autres facteurs en jeu, parce qu'on en a entendu beaucoup — mais est-ce qu'il y a eu des demandes de la part de Radio-Québec pour une enveloppe globale plus grande ou un mandat différent de votre part?

M. O'Neill: Je voudrais seulement poser une petite question. Une demande qui aurait un rapport avec des demandes, la négociation?

Mme Lavoie-Roux: La négociation.

M. O'Neill: Non, pour la raison très simple que les retombées de la négociation vont en fait impliquer par elles-mêmes une nouvelle démarche auprès du Conseil du trésor, tout le monde sait cela. C'est pour cela que, dans le budget de cette année, vous avez le budget qui est là, mais il n'y a pas de prévision concernant le coût qui pourrait découler des négociations comme telles. Je pense d'ailleurs que c'est la tradition dans toute négociation de ce genre. En fait, la rencontre qu'on a eue a porté, on peut dire, principalement sur un tableau général de la situation où c'en était rendu, quelles étaient les difficultés; c'était une cueillette de renseignements et en même temps, évidemment, voir les perspectives d'avenir; comment on pourrait sortir de cela.

J'ajoute que c'était d'autant plus nécessaire pour ces négociations car, via le Conseil du trésor et le ministre de la Fonction publique, finalement, de notre côté, nous n'obtenions que des informations par la bande.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si j'interprète bien les paroles du ministre des Communications, à ce moment-ci, la direction de Radio-

Québec n'est pas revenue à la charge auprès du gouvernement pour demander une marge de manoeuvre plus large et ce que vous laissez entendre, c'est que du côté... par exemple, si la question entrait en jeu, il y a aussi des avantages sociaux qui agissent sur une masse salariale, alors, Radio-Québec a toute la marge de manoeuvre dont il a besoin.

M. O'Neill: M. le Président, je ne peux pas affirmer cela ainsi, il faudrait poser vraiment la question aux membres du Conseil du trésor qui ont délimité cette marge de manoeuvre avec la direction de Radio-Québec. C'est-à-dire que si débat il y a eu sur cette question, comme probablement il y a eu, c'était en mon absence.

Mme Lavoie-Roux: Alors, je vais vous poser une autre question. Est-ce qu'à votre connaissance, il y a eu démarche de la part de la direction de Radio-Québec auprès du Conseil du trésor pour obtenir une plus grande marge de manoeuvre?

M. O'Neill: A ma connaissance, non; mais qu'il y en ait eu une à un moment donné, ça ne me surprendrait pas du tout, ce serait tout à fait logique. Si vraiment, on s'aperçoit que c'est nécessaire.

Mme Lavoie-Roux: A votre connaissance, non; mais pas nécessairement non.

M. O'Neill: Pas nécessairement non, justement surtout en vertu du statut administratif particulier de Radio-Québec cette année, il y a des démarches de ce genre qui peuvent se faire complètement à mon insu. (12 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Une deuxième question qui s'adresserait peut-être davantage au ministre d'Etat au développement culturel. Les comités régionaux, à la page 7 de leur mémoire ou du résumé de leur mémoire, posent une question qui m'apparaît mettre les choses claires. J'aimerais, compte tenu du fait que vous avez participé et que vous connaissez beaucoup mieux le rapport Rocher que je ne le connais moi-même... Voici leur propos: "Les régionaux demandent au législateur de vérifier si la loi de l'office, telle que votée en 1968, permet aux régionaux d'entretenir les aspirations légitimes qu'ils véhiculent présentement. Si tel n'est pas le cas, force nous est d'admettre que l'équipe de M. Labonté a su, jusqu'à maintenant, appliquer la loi de façon honnête. Dans ce cas, nous demandons au législateur de modifier cette loi, de façon que l'ORTQ soit en mesure de répondre aux attentes régionales manifestées depuis 1975.

Est-ce que, à votre examen — parce que vous avez examiné toute la législation de très près — la législation, telle qu'elle existe, permet une plus grande marge de manoeuvre, de la part de Radio-Québec, sur l'établissement des comités régionaux, ou si ces gens s'en sont tenus à l'interprétation de la loi, du texte législatif?

M. Laurin: L'examen des travaux du comité a porté surtout sur l'avenir, sur les programmations à élaborer, sur la philosophie des orientations; il n'a pas tellement porté sur le passé, il n'a pas inclus, par exemple, une analyse des activités antérieures de Radio-Québec dans le détail, il n'a pas non plus constitué une enquête sur la gestion.

Surtout eu égard à ce qu'on a mentionné à plusieurs reprises depuis quelques années et encore ce matin, en ce qui concerne la volonté politique du gouvernement, qu'est-ce que le gouvernement veut de Radio-Québec? Quelle inspiration doit être la sienne? Quelle action doit-il mener? C'est surtout l'optique qu'a envisagée le comité pour aller plus vite. Nous voulons prendre des décisions dans le plus proche avenir là-dessus, et nous voulons instituer très rapidement un programme d'action, selon les orientations que nous avons voulu établir. Evidemment, la régionalisation en est une.

Cela aurait été un exercice académique que de voir jusqu'à quel point la loi antérieure permettait tel degré ou non de régionalisation. Cela nous a semblé plus important de nous adresser directement à ce que nous voulions faire. Donc, je ne pourrais pas vous répondre.

Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une question différemment, à ce moment-là. Est-ce que, actuellement, ou dans l'avenir, vous prévoyez que la Loi de Radio-Québec doit être modifiée pour permettre une régionalisation qui répondrait aux désirs et aux orientations exprimées par les comités régionaux?

M. Laurin: Le comité Rocher recommande déjà une révision de la loi en ce qui concerne, par exemple, une définition plus adéquate de la mission éducative de Radio-Québec. J'ai entendu les interrogations de ce matin. Il est possible qu'à la suite de l'examen des questions qu'on nous a posées, on en arrive à la conclusion qu'il faille également réviser la Loi de Radio-Québec pour préciser d'une façon plus exacte l'aspect ou la mission de régionalisation ainsi qu'une répartition des pouvoirs que cela peut constituer entre la direction général de Radio-Québec et les antennes régionales.

J'ai entendu la question. Je n'ai pas de réponse pour le moment, mais je veux simplement assurer ceux qui nous l'ont posée que nous allons l'étudier très sérieusement.

Mme Lavoie-Roux: Peut-on conclure qu'au-delà peut-être de divergences dans les orientations, il y avait également dans les textes législatifs ou dans le texte législatif actuel des barrières ou enfin des limites qui empêchaient daller aussi loin que des comités régionaux le désiraient?

M. Laurin: Ce n'est pas impossible.

Mme Lavoie-Roux: L'autre question porte sur cette volonté politique dont l'Association des réalisateurs vient de nous parler et qui a d'ailleurs été

exprimée dans d'autres mémoires. Par votre acquiescement tout à I heure, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'investissements assez importants et qu'on ne pourrait pas parler de toute façon d'une régionalisation très sérieuse à moins d'investissements assez considérables, même s'ils sont répartis sur une période de dix ans. Peut-on avoir du ministre une indication quant à cette volonté politique du gouvernement d'investir davantage? Je ne lui demande pas de se prononcer sur le modèle qu'il retiendra. Peut-être, d'une certaine façon, peut-on se demander jusqu'à quel point, même en voulant reconnaître des difficultés du côté de la direction ou enfin peut-être des négligences peu importe, de la part de la direction, ne faut-il pas rendre cette direction coupable non plus de choses dont elle n'a pas les moyens. Quelle est votre volonté politique?

M. O'Neill: Je crois, M. le Président, qu'on peut dire que cette volonté politique se manifeste déjà par le rapport Rocher; le rapport Rocher a déjà reçu une approbation globale. Je ne dis pas que cela porte sur chacun des détails, puisqu on a demandé aux gens de nous dire ce qu'ils en pensaient, mais il y a une sorte d'approbation globale de ce qu'il y a là. Or, ce qu'il y a là implique évidemment un déblocage budgétaire. On ne peut pas parler à la fois d'améliorer la qualité de la programmation, bâtir des équipes régionales de production, accroître la production régionale sans en même temps parler d'argent.

Je pense qu'on peut vraiment voir dans le simple fait de l'existence de ce rapport et dans le fait qu'il a été l'objet d'une acceptation globale dans son orientation, le signe que va bientôt se manifester...

Mme Lavoie-Roux: La volonté publique.

M. O'Neill: ... la volonté politique à travers les dispositions budgétaires.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Une dernière question qui, en fait, est la question de mon collègue de Johnson, qui a quitté. Alors, elle n'est pas la mienne. C'est la dernière que je vous poserai. Existe-t-il une divergence fondamentale entre le gouvernement, particulièrement le ministre d'Etat au développement culturel, et la direction de Radio-Québec sur la conception de la régionalisation de Radio-Québec? Ce qui le portait à dire ceci: Le rapport Rocher est en désaccord avec le plan triennal de Radio-Québec et avec certaines fuites du livre blanc sur le développement culturel. C'est simplement cela. Pour revenir à la question fondamentale, est-ce qu'il y aurait une divergence entre le gouvernement et la direction de Radio-Québec sur la conception de la régionalisation de Radio-Québec?

M. Laurin: Encore une fois, je ne veux pas parler du passé. Je ne peux partir que des déclarations qui ont été faites récemment par le directeur général de Radio-Québec qui s'est dit d'ac- cord avec les orientations, avec le contenu du rapport Rocher qui a été présenté au CMPDC. Je m'en tiens aussi aux déclarations faites lors de la réunion conjointe que le ministre des Communications et moi-même avons eue avec le conseil d'administration où on nous a encore confirmé l'accord complet avec le comité Rocher en ce qui concerne les orientations fondamentales et le plan d'action qui y est esquissé.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est vraiment la dernière. J'invite les deux parties à se remettre à discuter et à négocier fortement, parce que, finalement, c'est la population qui écope de tous ces problèmes, sans compter les employés. J'imagine que les malaises ne sont pas faciles à supporter à la direction générale. Est-ce que le ministre des Communications, si ceci ne devait pas déboucher dans un délai raisonnable sur une reprise des négociations ou la signature d'une convention, est-ce que le ministre des Communications ou le ministre d'Etat au développement culturel songe à intervenir et à être plus actif dans tout ce problème de Radio-Québec? Je traite uniquement du problème des relations de travail actuel.

M. O'Neill: J'attendrais le déroulement des événements avant de me poser des questions comme celles-là.

Mme Lavoie-Roux: Vous allez l'attendre combien de temps, le déroulement des événements?

M. O'Neill: Le temps qu'il faudra.

Mme Lavoie-Roux: Le temps qu'il faudra. Cela veut dire qu'on va assister à une autre grève de quatre ou cinq mois, comme celle que Radio-Québec a subie il y a quelques années.

M. O'Neill: II ne faudrait pas.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Je vois que vous ne voulez pas répondre, mais je pense que, en terminant, je dirais quand même que je souhaiterais qu'à cet égard, au moment où vous le jugerez opportun, mais pas dans trop de temps, vous assumiez vos responsabilités.

Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. O'Neill: M. le Président, je voudrais me permettre un bref mot de remerciement à l'égard des parties présentes, à l'égard et de la direction de Radio-Québec et des syndicats travaillant à Radio-Québec et des comités régionaux, pour leur collaboration, pour avoir accepté de venir jeter un peu d'éclairage sur une situation, sur un problème qui nous intéresse tous, un problème majeur dans la vie québécoise.

Je voudrais souligner à l'attention des parties impliquées, tant la direction que la partie syndicale, l'intérêt de la population pour Radio-Québec —

je pense que c'est assez manifeste — l'intérêt des députés de l'Assemblée nationale, qui ont insisté pour que se tienne cette commission parlementaire, l'intérêt aussi d'une grande partie de la population, qui manifeste son inquiétude à cause de la situation actuelle qui prévaut à Radio-Québec.

Je voudrais également porter à l'attention des parties impliquées directement dans ce conflit que ceux qui les regardent s'attendent qu'elles témoignent d'une véritable volonté de régler les choses, donc, d'une véritable volonté de négocier, et qu'on négocie le plus vite possible, et aussi, peut-être pour compléter ta première partie de ma réponse à Mme le député de L'Acadie, que cela soit réglé dans le plus bref délai possible.

J'aimerais que les parties concernées réfléchissent aussi à cette observation qui a été faite par mon collègue, le député de Taschereau, en fait, laissant plus ou moins entendre que, possiblement, les gens pourraient se retrouver, dans un bref délai, ensemble au travail, quitte à continuer de négocier intensément, car nous sommes quand même devant un paradoxe. Il y a, d'une part, un lock-out inexistant, mais réel. Il y a une grève inexistante, mais des gens qui ne travaillent pas, et une boîte qui ne produit pas. C'est quand même une situation assez paradoxale qui devrait nous faire tous réfléchir et nous pourrions nous demander, en fait, si nous ne pourrions pas en arriver aux solutions les meilleures pour les deux parties tout en assurant la vie, l'activité au sein de Radio-Québec et donc, en même temps, des négociations fructueuses.

Donc, en terminant, je me permets de dire ceci: Pour nous, l'institution qui s'appelle Radio-Québec est une composante majeure de la vie québécoise, un instrument majeur de vie culturelle. Nous allons accepter que cet instrument connaisse des difficultés majeures pour des raisons vraiment graves et sérieuses, mais je pense que la population sera portée à exercer sur nous de fortes pressions si les gens ont finalement le sentiment qu'on pourrait, avec beaucoup de bonne volonté, de bonne foi, avec des attitudes de citoyens civilisés, régler convenablement, positivement et à court terme.

Alors, je porte cela à l'attention des parties impliquées; elles ont à assumer une responsabilité et à témoigner de leurs sens de responsabilité dans ce conflit qui marque actuellement le domaine de l'information, des communications et de la vie culturelle au Québec.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre d'Etat au développement culturel.

M. Laurin: J'ajouterai un petit mot. L'application du plan de développement de Radio-Québec, qui sera défini très bientôt, avec tout ce que cela implique de responsabilité politique au sens de la volonté politique et des appropriations budgétaires, dépend évidemment, entre autres facteurs, du règlement actuel du conflit à Radio-Québec.

Je joins ma voix à celle de ceux qui se sont ici exprimés pour souhaiter qu'avec la bonne volonté de toutes les parties, on puisse en arriver à un règlement équitable dans les plus brefs délais.

Le Président (M. Jolivet): J'ai un autre devoir à remplir, cependant. C'est l'acceptation des programmes 8 et 9, à moins qu'on s'y oppose, et si on s'y opposait, je devrais ajourner sine die.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne peux pas m'y opposer parce que je dois reconnaître qu'on a continué jusqu'à 13 heures. J'exprime seulement un regret — c'est que nous n'ayons pas eu le temps pour le programme 8, qui touchait le cinéma... C'est un autre domaine, qui n'est d'ailleurs pas étranger aux préoccupations des réalisateurs de Radio-Québec, où une action importante s'imposerait. Dans les circonstances, je vais en faire le sacrifice jusqu'à l'an prochain, à moins qu'on ne fasse un débat du vendredi sur le cinéma.

M. O'Neill: Je voulais dire à Mme le député de L'Acadie qu'elle aura peut-être l'occasion de revenir sur ce dossier et de me poser d'autres questions, parce qu'il est possible qu'il y ait une pièce législative en la matière dans les mois qui s'en viennent.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Il y a la Loi du cinéma évidemment.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est une précision, M. le Président. Est-ce qu'on doit comprendre que l'ensemble des mémoires qui ont été déposés ce matin seront publiés en annexe dans le journal des Débats, même si on ne l'a pas demandé chaque fois?

Le Président (M. Jolivet): Ils l'ont été tous, puisque la dernière fois, ils ont été déposés; ceux qui n'ont pas été déposés, ce matin, ont été mis en annexe.

Donc, les programmes 8 et S étant adoptés, l'ensemble des crédits du ministère des Communications étant adopté, je clos maintenant l'ensemble des réunions de ce ministère. Merci.

(Fin de la séance à 13 h 2)

ANNEXE Radio-Québec: une télévision éducative à réinventer

Mémoire préparé par le comité d'étude

sur la gestion de Radio-Québec du syndicat général des employés de Radio-Québec

pour la commission parlementaire étudiant le budget de Radio-Québec

Radio-Québec: Une télévision éducative à réinventer

Introduction

A l'occasion de son 10ième anniversaire, Radio-Québec s'est cru obligé de fêter l'événement... en fermant les portes de ses bureaux à Montréal après avoir décrété un "lock-out" déguisé sous les termes d'une "suspension d'activité".

La présente commission parlementaire chargée de scruter d'un peu plus près la gestion de Radio-Québec a permis à une partie de ses artisans de s'arrêter et de réfléchir afin d'établir un diagnostic sur l'administration et la gestion de cet organisme encore jeune. Diagnostic porté à la suite de lectures, d'entrevues diverses, de rencontres et d'analyses, destiné à cerner certains malaises. Diagnostic écrit à partir de l'expérience de gens à l'emploi de l'ORTQ depuis nombre d'années.

Il ne faut pas voir dans ce rapport une enquête de type administratif. Il a été rédigé par des syndiqués privés d'une bonne partie de la documentation et des données nécessaires à une étude exhaustive, car ces employés n'ont jamais été associés à la gestion et à la planification de Radio-Québec (en autant qu'on puisse parler de planification dans cet office).

De plus, certains chiffres avancés dans ce mémoire ont été obtenus confidentiellement par certaines personnes au courant du fonctionnement interne de l'Office et ne se retrouvent pas dans les rapports annuels des budgets de Radio-Québec. Seule, une enquête en profondeur de la gestion de l'Office permettrait de prouver le bien-fondé de ces chiffres.

Nous ne cherchons pas, par ce mémoire, à exposer devant la commission parlementaire le bien-fondé de nos demandes syndicales en vue d'une nouvelle convention. Nous cherchons plutôt à montrer que le conflit actuel est l'aboutissement de crises multiples que nous avons vécues dans le passé.

Nous ne voulons pas non plus empêcher Radio-Québec d'obtenir le budget nécessaire à la bonne poursuite de ses activités. Nous cherchons plutôt à demander une réforme en profondeur du mode de gestion de Radio-Québec afin que les deniers publics servent à bon escient.

Nous ne cherchons pas à instaurer la co-gestion à Radio-Québec. Nous cherchons plutôt à participer plus intimement à la vie de l'Office et à ouvrir celui-ci à la participation de la population québécoise.

Ce texte veut fournir une image d'ensemble, souligner des événements, décrire des phénomènes plus ou moins bizarres qui ont jalonné le cours de l'histoire de l'Office. Nous n'y mettrons pas l'accent sur les bons coups de l'administration durant ces dix (10) années d'existence. En "lock-out" depuis bientôt deux mois, alors que les cadres, les réalisateurs et les techniciens sont payés à ne rien faire, et cela avec l'argent du public, il ne faut pas demander à des employés sur le pavé une analyse réjouissante d'une télévision qui n'a pas encore pris son envol.

Ce texte, par conséquent, se veut un outil à partir duquel on peut se poser nombre de questions à propos de l'histoire de Radio-Québec, de son orientation, de son développement et de sa gestion.

I — Un milieu où les crises se multiplient

Si jamais une commission d'enquête était instituée afin de scruter de plus près l'administration de l'ORTQ, elle aurait avantage à situer ses recherches en partant de l'hypothèse que Radio-Québec s est développé dans un contexte de crise... et de crises presqu'annuelles.

Pour preuve, nous relevons un paragraphe d'un rapport de recherche effectué en 1976 auprès d'une bonne partie des équipes de production (réalisateurs, recherchistes, concepteurs, etc.): "il existe des crises mineures ou moyennes à tous les six mois, avec des crises majeures à tous les dix-huit mois: grèves, coupure de la programmation, annonce de nouvelles structures, lock-out, changements de structures, revendications de l'Association des réalisateurs, coupures de budgets" (voir: modèle d'évaluation de la télédiffusion, ORTQ mars 1976, Tome 2, page 19).

Voilà pourquoi l'utilisation du terme de "crise" appliqué à toute l'évolution de Radio-Québec, en plus de mettre en lumière les étapes-clé de son développement, contribuerait également à la saisie des enjeux majeurs de même que des relations conflictuelles entre employeurs et employés ou entre la direction et les instances extérieures à l'organisme (S.G.M.E., Ministère des communications, câblo-distributeurs, comités régionaux).

Ces crises perpétuelles ne prouvent qu'une chose: l'incapacité de ses directeurs à gérer d'une façon harmonieuse cet organisme. Et par entraînement, à causer le désespoir chez les artisans de cette télévision.

1. Où la direction veut-elle en venir avec le présent "lock-out"?

Actuellement, trois grandes crises déchirent Radio-Québec. La première est le lock-out décrété par la direction le 1er mars 1978. On peut se demander pourquoi la direction a laissé envenimer les relations de travail et quels sont les objectifs poursuivis en laissant traîner en longueur les négociations?

La raison fondamentale du conflit actuel est due aux nombreux reculs de la partie patronale dans ses offres par rapport à la dernière convention (nous avons relevé plus de trente (30) points de recul sur les trente-sept (37) articles de la convention). Au lieu d'instituer un climat de bonne entente et de consultation à l'Office, la direction a préféré enlever au syndicat ses droits acquis après une première grève de quatre mois et demi (4 1/2) en 1973. Se retranchant derrière les termes de "droits de gérance", la direction se donne maintenant le droit à une sous-traitance accrue, à l'engagement presqu'illimité d'occasionnels, à de plus longs délais dans les procédures de griefs, à la modification sans consultation des horaires de travail et des descriptions d'emplois, à la répartition inégale de l'indexation, etc..

Voyant que le syndicat refusait de perdre ses droits, la direction a, dans un premier temps, ralenti les négociations. Ce qui augmentait le malaise à l'Office durant les derniers mois. Mais voyant qu'un tel chantage ne prenait pas, la direction choisissait le plus petit prétexte de tension pour fermer les portes au S.G.E.R.Q.

Questions

Au cours des présentes négociations, il y avait pourtant possibilité d'entente. On a préféré étirer les négociations, c'est-à-dire ne pas négocier du tout. On a choisi de "suspendre les activités" sans dire clairement qu'il s'agissait d'un "lock-out". Pourquoi? On a préféré payer 300 personnes à ne rien faire et ce à même les fonds publics. Pourquoi? A quelle rationalité obéit ce nouveau conflit? Il est difficile de le savoir. Voulait-on, d'après nos informations, par cette fermeture économiser, car les budgets de l'Office étaient défoncés au mois de février? Mystère.

2. Conflit autour de la régionalisation de Radio-Québec

II y a quelques mois, un second conflit majeur est provoqué par la direction autour du projet de régionalisation, conflit qui perdure encore comme on peut s'en douter. Ce conflit atteint son paroxysme au mois de novembre 1977 alors que les membres des comités régionaux, élus démocratiquement, se réunissent en assemblée générale à Québec afin d'établir leur position face au projet. Cette position, ayant été communiquée au P.D.G., monsieur Labonté, cause une sorte de rupture permanente des relations, la direction ayant été incapable de dénouer la crise et de s'associer les comités régionaux pour l'établissement d'un modèle original de régionalisation de l'O.R.T.Q.

Les prémisses de ce conflit sont déjà posées lors des audiences publiques de 1975. Pendant une période de mésententes avec le ministre des communications de l'époque, monsieur L'Allier, Radio-Québec, sous la pression des événements et de certains groupes, décide de se lancer dans des audiences publiques dans les différentes régions du Québec, afin de tâter le pouls de l'opinion sur diverses questions y compris le développement futur de l'Office. Ces audiences coûteront plus de cent mille dollars, sans compter le temps des directeurs faisant partie de cette enquête.

Pour résumer les résultats des audiences, ont peut dire que deux conceptions du développement de l'ORTQ s'affrontent. La première, inspirée du modèle de la télévision de participation et de l'expérience de Tévec voulait faire de Radio-Québec un réseau de télévision dont les composantes émaneraient des régions avec l'encadrement de travailleurs spécialisés dans le domaine. On misait sur un équipement léger et peu coûteux, et on insistait beaucoup sur des objectifs de communication et d'éducation populaire.

Déjà en 1973, le S.G.E.R.Q. faisait parvenir à la direction et à certains groupes de pression un mémoire, sous le titre "Opération 300", demandant la démocratisation des structures et une régionalisation semblable aux visées du paragraphe précédent. En 1975, le S.G.E.R.Q. présente un second mémoire sur le sujet aux audiences publiques pour appuyer les revendications des régions.

A cette première vision, s'oppose la conception de la direction actuelle de l'Office, qui, ayant décidé vers 1970 d'utiliser comme Radio-Canada (tout en n'en ayant pas proportionnellement les budgets) un équipement lourd et coûteux, veut voir s'implanter à travers le Québec toute une série d'antennes permettant la transmission sur U.H.F. des programmes fabriqués en grande partie dans ses bureaux chefs à Montréal. Ce modèle nie en grande partie la participation des régions.

A la suite des audiences publiques, la direction publie un second plan triennal pour les années 77-80 dans lequel il est abondamment question de régionalisation. On en fait même la priorité de l'ORTQ. Alors que le premier plan triennal ne parle de la régionalisation qu'en autant que les émissions régionales soient produites par les gens de Montréal, le second plan en parle beaucoup et dans des termes différents.

Mais il y a un hic. D'un côté, on relie le développement régional de Radio-Québec à l'avènement d'antennes U.H.F. à travers le Québec. De l'autre, on proclame prioritaire la régionalisation alors qu'aucun budget n'est même prévu pour l'implantation des bureaux régionaux. Il faudra en toute hâte puiser à même le budget de fonctionnement de l'organisme les sommes nécessaires à l'implantation des comités, à l'engagement des premiers secrétaires régionaux et à la production de 3 émissions régionales annuelles.

Ces contradictions apparaissent à plusieurs niveaux du développement régional. Le plan triennal 77-80 prévoit une dépense en capital pour le réseau d'antennes et d'équipements de 24 millions de dollars alors qu'on ne dépensera que 9 millions de dollars au fonctionnement (dont 2 millions de dollars iront directement à la fabrication de documents). La technique passe avant la production.

Pour l'année 77-78, on prévoit moins de 3% des productions originales des régions sur les 405 heures d'émissions fabriquées à Radio-Québec. Malgré le fait que le plan prévoit la régionalisation de 16% de sa production pour 79-80, un rapport interne préparé par la direction à la régionalisation conclut à l'impossibilité technique d'une telle augmentation.

Ces contradictions entraînent donc la tension des relations entre les comités régionaux et le centre de Radio-Québec à Montréal. Là encore, la direction sera incapable de dénouer la crise et de collaborer avec les gens des régions. C'est ainsi que nous avons appris que la direction avait l'intention de dissoudre les comités régionaux, afin d'éteindre toute résistance. Depuis lors, la direction a décidé de prolonger les mandats des comités jusqu'à la fin août. Mais que se passera-t-il après cette date?

Questions

Nous nous posons donc des questions. Pourquoi la direction de Radio-Québec a-t-elle institué des audiences si les demandes des régions ne sont pas respectées? La direction comprend-elle que les coûts prohibitifs de l'équipement technique risquent de bloquer la régionalisation. Quand elle demande la participation, qu'entend-elle par cela? Cherche-t-elle à imposer à l'ensemble du Québec les préoccupations de la seule ville de Montréal?

3. Conflit anticipé avec le ministre des communications

Deux perturbations majeures en moins d'un an, ce n'est pas si mal. Mais il faut également parler des tensions entre la direction de Radio-Québec et le ministère des communications. Monsieur L'Allier a été remplacé comme ministre avant même que la situation ne se clarifie entre les deux protagonistes. Mais les tensions ultérieures avec son remplaçant, Monsieur Hardy, devaient relancer le débat. Radio-Québec demeurait un éléphant blanc pour le gouvernement.

Voyant que les choses ne pouvaient se régler d'une façon interne, le ministre d'Etat à la culture, Monsieur Camille Laurin et le ministre des communications, Monsieur O'Neill, créaient le comité ministériel permanent du ministère du développement culturel en 1977 pour étudier la situation et l'avenir de Radio-Québec. Ce comité présidé par Monsieur Guy Rocher, doit sous peu remettre son rapport.

Questions

Sachant que la tension est grande, doit-on s'attendre à un troisième conflit majeur cette année? Ce serait un peu fort. Le ministère obligera-t-il la direction à se transformer? Annulera-t-il les visées du plan triennal? Fera-t-il disparaître Radio-Québec à cause de la mauvaise gestion qui y règne ou changera-t-il la direction de Radio-Québec?

4. Les crises précédentes

On peut faire remonter à 1971 les crises internes de l'Office. Cette année-là, le désenchantement s'est installé chez une bonne partie des artisans à qui l'on avait fait miroiter des perspectives presqu'illimitées, alors que les activités de l'Office étaient à moment-là au grand ralenti. Malgré des suggestions de la part des employés pour relancer Radio-Québec, la direction préfère les tenir à ne rien faire pendant plusieurs mois.

En 1972, il y eut les conflits avec l'Union des Artisans, avec le Service Général des Moyens d'Enseignement (S.G.M.E.) et avec les tenants de la diffusion par câble, sans parler du projet de loi no 10 enlevant à l'ORTQ son rôle de conseiller et de coordonnateur dans le domaine de la production audiovisuelle.

En 1973-74, premier conflit avec le S.G.E.R.Q. qui se termine à la suite d'une grève de 4 mois et demi (4 1/2). Ce scénario qui risque de se répéter aujourd'hui.

En 1976, due à une tension interne généralisée, une enquête auprès d'une grande partie des équipes de production et de la direction est instituée. On refait l'organigramme de la direction et on s'attaque à quelques remaniements du côté de la direction de la programmation pour ramener un climat plus serein. Pour ce faire, au moins deux "tablettes" prestigieuses et coûteuses sont fabriquées de toute pièce. Mais au lieu de régler une fois pour toute cette tension en s'associant les employés, la direction préfère conserver en milieu clos la main mise complète de la programmation.

Nous nous posons donc des questions sur la compétence de la direction à régler rapidement des conflits.

Il — L'orientation et le développement de Radio-Québec: un débat qui ne finit pas

Parler d'orientation et de développement, c'est faire allusion à une foule de dimensions touchant l'équipement technique, l'implantation régionale, le projet éducatif et culturel de Radio-Québec, la programmation, la production et la distribution.

Entre 1968 et 1970, il est beaucoup question du développement de Radio-Québec à travers les rêves de grandeur de l'époque. C'est la période où l'on découvre l'audio-visuel, les vertus de la communication et les pouvoirs des communicateurs. Le salut viendra désormais par les voies de l'audiovisuel. Une ère nouvelle s'annonce pour le Québec. Les institutions publiques s'équipent à qui mieux mieux. A Radio-Québec, on ne pense plus qu'en terme de satellites et d'ordinateurs. Fini l'artisanat. Désormais le Québec rayonnera à travers l'univers grâce au satellite Memini et Radio-Québec diffusera sur antennes, le tout étant contrôlé grâce à l'ordinateur relié à une véritable "banque du savoir".

Mais on déchante très vite. Tous ces projets reviennent à des prix astronomiques. C'est ainsi que Radio-Québec décide de forcer les portes de la diffusion, en 1973, en utilisant la câblodistribution. Dans l'esprit de la direction, cette première démarche forcerait le gouvernement à allouer plus de budget pour instaurer un véritable réseau d'antennes. Cette idée se retrouve dans le premier plan triennal.

En 1975, Québec ayant refusé d'acquiescer à la plus grande partie du plan et Radio-Québec sentant la soupe chaude, la direction décide d'instituer les audiences publiques. C'est ainsi qu'un second plan triennal se donnant pour prétexte la régionalisation, servira les buts visés par le premier plan triennal: soit l'instauration du réseau toujours pas construit.

Pendant toute cette période l'orientation éducative de Radio-Québec a été reléguée au second plan. Les objectifs insérés dans les deux plans triennaux sont vagues et permettent à la direction de changer les contenus des émissions comme bon lui semble, sans se soucier du public ou de son utilité.

Pour preuve, nous n'avons qu'à avancer les commentaires du président, monsieur Labonté, sur les ondes de Radio-Canada, lors du 25ième anniversaire de cette société, pour se rendre compte de la difficulté d'exprimer clairement les buts recherchés par l'Office. En substance, monsieur Labonté disait que Radio-Québec présente, aux heures de pointe, des émissions sérieuses alors que les autres producteurs diffusaient des émissions de variété.

Les artisans disent carrément que Radio-Québec n'a pas'd'orientations précises. Dans l'enquête de 1976 auprès des équipes de production, on peut y lire: "De l'avis d'une majorité des interviewés, les objectifs de Radio-Québec sont mal définis et sont à redéfinir... Le manque de clarté des objectifs de Radio-Québec ressort de plusieurs façons dans les commentaires. Certains soutiennent, tout simplement que Radio-Québec n'a pas affirmé une position claire quant à l'utilisation de l'approche éducative ou de l'approche communautaire. Toutefois, il ressort le plus souvent que Radio-Québec a une mission éducative. Mais généralement cette mission éducative n'est pas considérée comme bien définie" (voir modèle d'évaluation de la télédiffusion, O.R.T.Q. 1976, Tome 2, page 21).

Malgré les changements d'organigrammes et la succession des directeurs et chefs de services, la désillusion s'est installée un peu partout. Certaines facettes du développement en sont les causes. Arrêtons-nous sur quelques-uns.

1. Un équipement sophistiqué et coûteux

L'ère du satellite québécois est révolue, mais dans les années 70, on a décidé de s'équiper somptueusement à Radio-Québec et de produire sur ruban 2 pouces, alors que dans les régions, les institutions diverses sont équipées avec des appareils produisant sur 1/2, 3/4 ou 1 pouce. Un problème de compatibilité rend les équipements des régions inutilisables. Premier facteur d'isolement de l'ORTQ: on a choisi de s'orienter vers le gros équipement et la centralisation.

Ces décisions autour du "hardware ' ont marqué le développement de Radio-Québec. Entre 70 et 78, la direction a investi des sommes considérables de ce côté.

Qui plus est, plusieurs appareils au coût fantastique sont restés inutilisés ou sont utilisés avec peu d'efficacité.

Un appareil de montage électronique, la HS 200, acheté au prix de $250 000 est tellement coûteux à l'entretien et à son utilisation que la plupart des équipes de production ne peuvent s'en servir.

En 1975, l'Office achetait pour environ $1 000 000 l'équipement nécessaire à l'installation d'une nouvelle régie centrale. Or, l'Office n'avait même pas reçu l'accord de Québec pour construire les locaux. L'équipement en grande partie dort donc sur les tablettes. Et on estime que même si cette régie voyait le jour, les appareils seraient alors démodés.

En 1973, Radio-Québec fait construire un car de reportage. D'après nos estimés, plus de $200 000 ont été investis à sa construction et à l'équipement. En 1976, le car de reportage est mis hors service parce qu'il est considéré comme dangereux d'utilisation.

En 1976, Radio-Québec se dote d'un car de reportage plus grand. Au coût de $1 000 000 il doit pouvoir remplacer avantageusement le précédent. Or, le camion qui tire le car est trop faible (à deux reprises au moins, il est remorqué par des camions loués ou empruntés à Radio-Canada). Le camion est donc échangé pour un second, mais celui-ci semble souffrir du même mal.

Le car de reportage est sous utilisé, car les équipes de production n'ont pas les budgets nécessaires à son utilisation. Seules les émissions commanditées par l'extérieur permettent l'emploi du car.

Et que remarque-t-on dans le plan triennal? Radio-Québec a l'intention d'acheter un autre gros car de reportage.

Il existe aussi deux petits cars de reportage qui sont utilisés à moins de 50% de leur efficacité.

Depuis des années, on nous répète que l'utilisation de la télévision en reportage coûte moins cher que le film. Selon nos estimés, ce n'est que grâce à des coûts cachés que cette situation peut être vraisemblable. Pour la plupart des reportages, le film coûte deux fois moins cher que la télévision.

Pour toutes ces raisons, nous estimons que le type d'équipement influence la programmation. En nous obligeant à utiliser un matériel lourd et encombrant, on nous enlève la mobilité des moyens.

Questions

Lors des audiences publiques de 1975, il a été abondamment question de technologie lourde opposée à une technologie légère. Or, nous poursuivons la voie empruntée depuis 1970. Serait-il donc trop tard pour changer la situation? La direction veut-elle instituer un musée d'instruments électroniques trop chers à utiliser?

2. Une implantation régionale à contre-coeur

Moins de 5% du budget est alloué à la production régionale. Par ailleurs, l'instauration d'un équipement lourd requiert de grosses dépenses à la production d'émissions. Nous en arrivons donc à un paradoxe: comment peut-on produire quand la plus grande partie du budget va à l'achat et à l'entretien d'équipement et non à l'amélioration du produit.

Questions

Sommes-nous placés devant des choix irréversibles? Si oui, en quels termes désormais devrons-nous parler de régionalisation?

3. Les aléas de la programmation

S'il est un secteur dont on a dénoncé la mauvaise gestion lors de l'enquête de 1976, c'est bien le secteur de la programmation, tant dans ses objectifs que dans le processus de programmation lui-même.

Au plan des objectifs, dès sa fondation, Radio-Québec avait un modèle québécois de télévision éducative, soit l'expérience de Tévec au Saguenay-Lac St-Jean. Il s'agissait d'une expérience globale d'informations et d'éducation.

Or, en 1976, si l'on se fie au rapport de recherches, on est loin des objectifs de décentralisation, d'autonomie et de participation à Radio-Québec. Le plan triennal mentionne bien ces idées, mais celles-ci sont complètement vidées de leur sens. Selon l'enquête: "les objectifs d'autonomie et de participation ont aussi été sujets à changement au cours de cette histoire. Dans le plan triennal, on visait à promouvoir l'autonomie du citoyen québécois, mais il semble qu'on ne retrouve plus clairement ces préoccupations à Radio-Québec. Quant à l'objectif de participation, il se serait passablement éteint lui aussi " (voir modèle dévaluation, Tome 2, page 19).

Pour preuve de ce que nous avançons, il faut revenir à l'année 1972, lorsque la première grille de programmation est mise en place pour diffusion sur le câble. Une équipe de huit personnes forme alors le comité de programmation. Le comité se rencontre à plusieurs reprises pour trouver des sujets pouvant intéresser le public. Or, le choix arrêté ne se base sur aucune enquête auprès du public, ni sur aucune consultation avec les milieux de l'enseignement. Tout au plus, ce fut une bataille oratoire à huit pour savoir qui gagnerait la joute.

Dans les années qui suivirent, des démarches de recherche plus sérieuses ont été effectuées: identification des besoins auprès d "experts " sociaux québécois et enquêtes menées auprès de la

population par Mme Andrée Ferreti et le Centre de Sondage de I'U. de M. Malheureusement, les orientations fondamentales de ces enquêtes sont laissées de côté par un directeur de la programmation pendant plus de trois ans, décide de l'ensemble de la grille en se retranchant derrière ces recherches qu'il n'a même pas comprises ou voulu comprendre.

Et pourtant, certains organismes extérieurs ont été rapidement critiqués de Radio-Québec. L'ICEA, entre autres, a produit un document très percutant appelé "Radio-Québec, pour qui?" dans lequel il dénonce la programmation.

On aurait pu croire, avec les audiences publiques de 1975 et les objectifs du second plan triennal, qu'un changement majeur aurait pu être esquissé. Et pourtant, la programmation 1978-79 est basée presqu'entièrement sur une étude faite par une seule personne sur les grands titres des journaux 77. De consultations et d'enquêtes auprès du public, il n'y en a pas plus que par les années passées.

Mais le choix des thèmes n'est qu'une partie du problème de la programmation; une seconde partie concerne le contenu des émissions. La direction de la programmation donne à chaque réalisateur un mandat décrivant le contenu à aborder. Or, nous remarquons toujours d'après l'enquête 76, que les mandats sont établis d'une façon toute arbitraire. On expédie aux réalisateurs, la plupart du temps, un mandat de quelques lignes seulement pour des séries aussi importantes que la science, les valeurs, les relations de travail, pour ne nommer que celles-là.

C'est ainsi que des tensions surviennent entre les réalisateurs mal informés et une direction de programmation qui n'a d'idée de ce qu'il faut faire qu'une fois les émissions enregistrées et visionnées par elle. Il ne faut cependant pas se surprendre car n'ayant aucune idée des besoins d'un public, le comité n'a aucune raison de trouver un contenu juste, malgré les nombreux rapports du service de recherche et d'évaluation.

Qui plus est, si la direction ne tient aucun compte du public, elle n'en tient pas plus des artisans qui soumettent des projets d'émissions. La direction a comme politique pour 78-79 de refuser toute participation de ses employés.

Touchons donc la troisième partie du problème et parlons de l'auditoire de Radio-Québec. Nous savons très bien que des sujets d'émissions intéressent des publics bien particuliers. Tout comme pour renseignement, la base même de la télévision est de viser un groupe bien particulier de gens, que ce soit des téléromans ou des cours de mathématiques. Parle-t-on donc d'auditoire ou de public-cible à Radio-Québec? Cette question demeure controversée du haut au bas de la pyramide. Du côté de la direction, dans les débuts du moins, on se proposait de rejoindre "les lecteurs du Montréal-Matin ' comme téléspectateurs. Mais deux recherches sur l'auditoire devaient nous prouver que cet auditoire au contraire nous boudait. L'auditoire en est un de gens plus scolarisés que la moyenne québécoise. La direction a-t-elle l'intention de corriger la situation? Aucunement. Nous relevons dans le plan de programmation 1978-79 en page 7 ce que la direction cherche comme auditoire désiré: "le plan de programmation 78-79 n'a pas l'ambition de réduire les écarts entre notre auditoire et la population du Québec. L'expérience de la télévision dans les pays occidentaux nous incite pour l'instant à croire qu'il est plus facile de rejoindre un auditoire déjà scolarisé que les spectateurs peu ou pas scolarisés. Nous croyons qu'il est plus réaliste pour 1978-79 de tenter d'accroître quantitativement le nombre de téléspectateurs plutôt scolarisés afin d'augmenter notre pourcentage global de téléspectateurs, que de tenter de rejoindre les gens à faible scolarité... nous demeurons quand même une télévision "de masse (accessible au plus grand nombre) considérant que la population du Québec est et sera de plus en plus scolarisée. Et nous espérons aussi que par voie d'entrainement, nous pourrons accroître la participation des moins scolarisés, du moins à moyen et long terme". (sic)

Dans le domaine des publics-cible, tout ce qu'on peut dire, c'est que des tentatives ont été entreprises mais qu'il n'y a pas eu d'évaluation valable. D'où l'absence de politique et de continuité dans ce domaine. Bien que le second plan triennal aborde l'éventualité d'une collaboration entre Radio-Québec et divers organismes et associations dans le concret, la programmation ne réussit pas à identifier les besoins, ni à établir une ligne de conduite qui relierait davantage Radio-Québec aux divers organismes du milieu.

Toute la programmation de Radio-Québec d'ailleurs mériterait une solide évaluation de même qu'une ré-orientation, afin de sortir des sentiers battus et des cercles fermés qui l'ont vu naître. Il est plutôt rare, en effet, que cette programmation ait été établie en consultation avec les artisans. On a établi, pour la première fois en 1977, un comité consultatif à la programmation, ce comité composé en partie de deux employés à la production ne représentant pas le syndicat (malgré l'insistance de ce dernier depuis 1974) a fonctionné vaille que vaille selon le bon vouloir de la direction. Et pour aller plus loin, pour ratifier les décisions de la direction. Quant aux données issues de l'extérieur, les trop peu nombreux projets de recherche effectués pour connaître les besoins de la population ont été mis sur des tablettes. On se contente encore de programmer le petit écran à partir de discussions en milieu clos ou en épuisant des caisses de documents importés.

Questions

Nous nous demandons donc pourquoi les objectifs de la programmation, tels qu'esquissés dans le plan triennal, sont à l'opposé de la réalité? Nous nous posons des questions sur ce qu'entend la

direction par télévision éducative? Nous nous demandons si la programmation actuelle répond à un besoin bien défini?

4. Une production sans budget

Les orientations de Radio-Québec peuvent se lire à travers la répartition du budget. Un fait est certain: les équipes de production se retrouvent toujours avec des budgets inadéquats et qui sont souvent réduits en cours de réalisation.

On peut toujours alléguer que le budget de fonctionnement de Radio-Québec est trop faible. Mais à vivre à l'intérieur, on s'aperçoit que le problème vient se compliquer par la mauvaise répartition du budget.

Nous estimons qu'une trop large part du budget est utilisé à mauvais escient. La gestion de l'Office est trop coûteuse pour la dimension de lentreprise et pour la quantité de productions. A lire le budget, on a l'impression que la gestion ne prend que 20% du budget. Or, ce pourcentage n'est qu'une faible partie de la vérité. On peut estimer qu un autre 20% est caché dans le budget de fonctionnement des autres services de l'Office. La conséquence de ce haut pourcentage de 40% est que la production se retrouve avec un pourcentage réduit de fonctionnement.

Si à ce pourcentage nous ajoutons le coût d'achat des équipements techniques, la production se voit une seconde fois amputée de ses fonds nécessaires.

Pour compléter le tableau, nous pouvons ajouter une foule de coûts ayant peu d'intérêt pour la production.

Exemple: une foule de déménagements internes ont lieu chaque année. Pour l'année 1977-78, le budget d aménagement des bureaux a été défoncé de quelques $100,000.

Exemple: des frais de représentation pour les cadres de l'Office, difficiles à estimer mais passablement élevés, ont crevé le budget général.

Questions

Mais une fois que toutes les dépenses sont soustraites que reste-t-il à la production? Très peu. Peut-on alors se demander si la planification budgétaire des différentes séries est adéquate? Là encore, il est commun d'allouer un budget et des équipements sans même savoir si les séries les requièrent. Que vous produisiez une émission sur les relations de travail ou une sur la culture des plantes d'intérieur, on ne s embarrasse pas trop de complications. Le budget est alloué avant même d'avoir analysé les besoins de la production.

Une telle politique faisait dire à un artisan que le budget de Radio-Québec existe non en fonction de la production mais en fonction de l'administration et de la gestion.

5. Un service de distribution déficient

Le service de distribution de I'Office a une fonction double. D'abord de distribuer ou vendre les documents produits par Radio-Québec. Deuxièmement de vendre les productions produites par le ministère de l'Education à des commissions scolaires et à des maisons d'enseignement.

En ce qui a trait à la première partie de son mandat, I'Office semble fournir inadéquatement ses productions aux régions ou aux organismes qui en font la demande. La raison invoquée est la difficulté de libérer les droits. Mais voilà que le problème existe depuis plus de cinq ans et n'a jusqu'à ce jour pas vu une solution finale.

En ce qui a trait à la seconde partie du mandat, Radio-Québec ne remplit pas ses engagements. 150 à 200 demandes de documents en provenance d'institutions telles que la CE.CM., des cégeps, la Commission scolaire de Chambly et de TEstrie n ont pas été remplies depuis plus d'un an.

Question.

Faut-il donc procéder à quelques réaménagements dans ce service?

6. Le débat est-il terminé?

A la suite de ce survol rapide des diverses facettes touchant lorientation et le développement de Radio-Québec, on peut se demander si le débat est terminé et ce même avec la parution du rapport Rocher.

Au début de Radio-Québec, la direction a pris bien soin de prendre des décisions en vase clos. Un débat s est instauré en 1975, mais il faut se demander s'il n'était pas trop tard, s'il ne venait pas à la suite de décisions dont les prolongements sont irréversibles (équipement lourd, antennes UHF, centralisation).

Il faudra peut-être conclure bientôt que si les autorités politiques sont placées devant I irréversible, la direction en place n est pas nécessairement là pour l'éternité.

III — Organigrammes multiples et chaises musicales

Les problèmes décrits plus haut peuvent laisser songeur plus d'un quant à la capacité de la direction à bien gérer l'établissement.

Nous allons aborder certains aspects de la gérance dans ce chapitre.

1. Quatre organigrammes en 8 ans

Un des aspects les plus caractéristiques de l'évolution cahoteuse de Radio-Québec est le goût très poussé qu'a la direction à faire des changements administratifs. A chaque fois qu'une crise interne prenait de l'ampleur, la direction décidait d'instituer un nouvel organigramme. C'est ainsi qu'en 8 ans pas moins de 4 organigrammes ont vu le jour.

En 1974, la direction, voulant faire les choses en grand, engage les services d'une firme conseil, Drouin, Paquin & Associés Ltée. Après avoir soumis 20 organigrammes différents, le président accepte une structure. Le coût est estimé à plus de $100 000.

Un an après sa mise en place, Radio-Québec modifie de nouveau sa structure et l'un de ses principaux directeurs perd ainsi pratiquement tous ses pouvoirs.

Les remaniements constants des différents services et directions ont causé des torts considérables à la bonne marche de l'Office. Certains empires se sont même créés à l'intérieur, empires qui avaient pour but d'affaiblir d'autres services.

Questions

Ces changements de structures administratives ont-ils aidé à résoudre les crises internes? Ces changements sont-ils destinés à faire de Radio-Québec un organisme vraiment au service de la population?

2. "Turn-over" incroyable des cadres

Ces changements de structures administratives se complètent par un "turn-over" très grand des cadres.

En 10 ans, cinq vice-présidents se sont succédés à Radio-Québec. Se sont succédés également: 4 directeurs de production, 5 directeurs de personnel, 2 directeurs de la programmation en 3 ans, 3 directeurs de la planification en 5 ans, 4 directeurs des relations publiques.

Donnons seulement deux exemples. L'Office décrète la fermeture de l'Office au mois de juillet pour que tout le monde prenne ses vacances en même temps. Pourtant il est plus efficace d'instituer la rotation des périodes de vacances afin de permettre une production plus efficace.

L'Office a décidé de dissoudre en 76 le service des stages. Ce service avait pour but de permettre aux employés et aux personnes extérieures une formation permanente dans le domaine de la télévision. La disparition du service enlève toute possibilité d'accroître la qualité du personnel et de faire de l'expérimentation.

Sur les interventions de la direction, la même enquête souligne le fait que "la direction n'intervient que s'il y a du budget à couper ou des revendications à faire à l'endroit des émissions" (page 95). La direction, semble-t-il, ne brille pas par la cohérence de ses décisions qu'elle tournera toujours à son avantage. Quant à son mode d'intervention, "il est fondé sur la non-participation des personnes impliquées. Ceci se retrouve dans le fonctionnement hiérarchique de Radio-Québec et dans le fait qu'on recourt à des ressources extérieures pour des actions qui pourraient plutôt se faire avec la participation du personnel de Radio-Québec " (page 96).

Il est certain que certains cadres ont rempli plusieurs postes à la suite. Mais il faut aussi mentionner que plusieurs personnes sont arrivées et sont parties après quelques mois seulement de présence à l'Office.

D'après les commentaires que nous avons pu entendre, plusieurs cadres furent tellement découragés par le climat qui régnait à Radio-Québec, qu'ils ont préféré disparaître le plus vite du tableau.

Ce climat malsain n'a pas seulement affecté les cadres: de nombreuses personnes d'expérience ont préféré quitter l'Office plutôt que de rester à ne rien faire ou à être sous employées. Ironie du sort, plusieurs d'entre elles se retrouvent maintenant à Radio-Canada dans des postes-clé ou comme artisans d'émissions telles que "Consommateurs avertis", "Ce soir", "L'Evangile en papier".

3. Manque de planification et difficultés de communication

Malgré le fait que Radio-Québec possède 59 cadres (incluant 8 professionnels non-syndiqués), ce qui d'ailleurs est beaucoup si l'on considère que chaque cadre a au moins une secrétaire et que l'effectif total de l'Office est de 487 personnes (relevé de novembre 1977), nous avons remarqué un manque de planification et des difficultés de communication.

Revenons donc aux données de l'enquête de 1976. On peut y noter des critiques fort sévères quant à la capacité de planification de la part de la direction en place. C'est ainsi qu'on peut y lire: "les remarques sur les cadences de travail mettent en cause le manque de vue d'ensemble de Radio-Québec et désignent quelques conséquences de ces cadences de travail. Ainsi certaines personnes doivent travailler intensément pendant certaines périodes, puis se retrouver à rien faire pendant d'autres périodes. Radio-Québec pourrait répartir autrement le travail et faire en sorte que les gens inoccupés puissent travailler à préparer des séries futures. Mais vu que les décisions ne sont pas prises quant aux séries futures, la direction préfère ne pas s'engager quant à l'avenir et laisser du personnel payé à ne rien faire pendant certaines périodes" (Modèle d'évaluation, Tome 2, page 90).

La direction nous répliquera que des changements ont été apportés depuis la sortie de l'enquête. Mais les employés pourraient prouver le contraire.

IV — Conclusion provisoire

Ce mémoire, selon nous, remet sérieusement en question la capacité de la direction de Radio-Québec à gérer de façon adéquate, à instaurer un milieu de confiance et à fournir les services auxquels la population est en droit de s'attendre.

Pour ces raisons, nous recommandons que le budget de Radio-Québec pour 78-79 ne lui soit alloué que si la direction accepte d'instaurer certains changements majeurs: 1. Alléger la structure administrative afin de la rendre plus souple. 2. Répartir différemment le budget de façon à allouer une plus grande part à la production, en réduisant l'administration et la technologie lourde. 3. Etudier la possibilité de poursuivre le développement technologique de Radio-Québec avec un appareillage léger et moins coûteux. 4. Démocratiser véritablement Radio-Québec afin de mettre dans le coup la population du Québec. 5. Donner aux régions toute latitude de déterminer elles-mêmes leurs objectifs de régionalisation, leur fonctionnement et leur donner les moyens d'atteindre ces objectifs. 6. Ouvrir les structures à la participation des syndicats de Radio-Québec, à celle de la population en général et des représentants des régions. 7. Faire une étude exhaustive des besoins de la population en matière de télévision éducative.

Nous estimons que si ces changements ne sont pas introduits dans les plus brefs délais, les crises internes et externes ne feront que se poursuivre dans l'avenir.

MÉMOIRE du Syndicat Général des Employés de Radio-Québec sur l'ORIENTATION DE L'ORTQ préparé en vue des

AUDIENCES PUBLIQUES de RADIO-QUÉBEC mars 1975

Le Syndicat général des employés de Radio-Québec, à l'instar des groupements et des observateurs soucieux du devenir de la télévision éducative qu'est Radio-Québec, salue avec grand plaisir, mais aussi avec réticence l'initiative de la maison de tenir des audiences publiques à travers le Québec sur la programmation, la participation et la régionalisation éventuelles de Radio-Québec, notre employeur.

Avec grand plaisir parce que cette initiative, nous l'attendions depuis l'automne 1973, époque où une longue période d'inactivité a permis à plusieurs employés en grève de se poser des questions sur le type de travail, le type de production qu'ils effectuaient tous dans cette maison. Ces réflexions ont donné lieu d'abord à une intervention du SGERQ lors des audiences du CRTC en 1973, afin que cet organisme sursoie à la demande d'antenne de Radio-Québec jusqu'à ce qu'un débat public sur les orientations de Radio-Québec ait lieu au sein de la population québécoise. Et ensuite, à la publication d'un document de travail qui circule à l'intérieur de la maison depuis ce temps, et dont le présent mémoire en constitue le résumé.

Ce mémoire que le SGERQ vous présente aujourd'hui est donc le fruit d'une démarche longuement mûrie de la part des artisans de la télévision de Radio-Q'uébec. Et l'intérêt à cet égard que portèrent par la suite un nombre grandissant de groupements de citoyens, d'observateurs, de spécialistes des communications, et du ministre lui-même nous fournit la preuve que les préoccupations qui sont celles du SGERQ depuis 1973 envers la démocratisation de Radio-Québec, s'inscrivent dans une démarche d intérêt public et de préoccupations à long terme du devenir de la maison pour laquelle nous travaillons.

Mais c'est aussi dans la même optique d'intérêt public que nous avons moultes réticences à déposer notre mémoire devant Radio-Québec seul, lequel se trouve à être dans cette évaluation, il est essentiel, voire vital que les interventions des groupes de citoyens aux audiences soient évaluées et jugées non par la direction de Radio-Québec, mais par une régie québécoise indépendante assurant ainsi la neutralité nécessaire à l'enjeu en cause, tout comme cela se fait partout au Canada en matière de télévision commerciale et étatique. Radio-Québec, parce qu'il se définit comme télévision éducative, ne devrait encore moins, selon nous, y faire exception.

C'est donc avec cette réserve que le SGERQ présente son mémoire, et avec une demande expresse auprès du ministre des Communications pour qu'il confie au plus tôt à cette régie l'arbitrage "neutre " d'un tel débat d'envergure nationale.

Orientation actuelle de Radio-Québec

Depuis sa fondation, Radio-Québec a donné prise à de nombreuses critiques venant de tous les milieux.

Radio-Québec s'est coupé des circuits ordinaires de télévision et des expériences diverses en télévision éducative. Qu'il s'agisse du Vidéographe, de la télévision communautaire, de TVC4 ou de CFVO, Radio-Québec est resté à l'écart de ces expériences et s'est condamné à la marginalité.

Radio-Québec s'est contenté de répéter certaines erreurs d'orientation des autres organismes (NET, OECA) et s'est tenu à l'écart des grands débats sur la télévision éducative.

L'accent a été mis sur le hardware. Radio-Québec s'est doté d'un équipement technique d'un standard hautement professionnel, peu compatible avec les équipements existant à travers la province, tant dans les CEGEP et Université que dans les différents centres communautaires, ce qui rend les productions de Radio-Québec difficilement accessibles à des groupes formels.

Ces équipements sont d'un coût très élevé: il suffit de comparer le prix d'un magnétoscope 2" avec celui du magnétoscope 3/4" ou 1".

II serait possible, pour certaines productions régionales, d'utiliser de l'équipement moins coûteux, plus léger et plus maniable, correspondant davantage aux impératifs d'une société en pleine évolution.

Radio-Québec s est contenté de produire et de diffuser des documents d'une qualité technique impeccable en privilégiant davantage le contenant que le contenu. Le public participe peu aux émissions et ce, à aucun des niveaux de production.

Les productions de Radio-Québec s'adressent au grand public, sans distinguer les spécifications des différentes catégories de citoyens et des groupes formels. A preuve, le concept de "Québécois moyen" qui détermine officiellement le public-cible de Radio-Québec est un concept théoriquement prudent et sans aucune référence pratique valable en termes d'éducation.

Il nous apparaît évident que les besoins en télévision éducative des habitants de la Côte Nord, ne sont pas les mêmes que ceux des Montréalais. Les étudiants et les cultivateurs n'ont ni les mêmes priorités ni les mêmes besoins.

Radio-Québec devra donc moins produire des émissions "pour tous" que de déterminer les besoins spécifiques de différents groupes et produire des documents en intégrant des représentants de ces groupes à toutes les étapes de la production.

L'ensemble de la production de Radio-Québec est actuellement élaboré par un comité nommé en exclusivité par la direction. A partir de données fragmentaires, ce comité détermine seul les besoins éducatifs de I ensemble des Québécois.

Tant que Radio-Québec ne mettra pas sur pied des mécanismes de consultation et de participation avec les citoyens du Québec, la programmation ne répondra que très peu aux besoins véritables des Québécois.

La rigidité des structures administratives mises en place dès les débuts de l'ORTQ, ne permet pas l'épanouissement du potentiel des employés.

A cet égard la maison a provoqué le cloisonnement des fonctions et le fractionnement des tâches des le début avec la série "Les Oraliens". Il est important de noter qu'à l'époque il n'y avait aucun syndicat à Radio-Québec.

Ces constatations nous font croire que l'orientation de R.Q. ne répond pas aux critères d'une véritable télévision éducative.

Pour une véritable TV éducative

La population du Québec est actuellement mal desservie par les médias. La TV de masse est subordonnée à des impératifs de rentabilité commerciale et tient peu compte des besoins et des intérêts des citoyens.

Contrairement à la télévision de masse, la télévision éducative doit prioritairement tenir compte des besoins essentiels des gens: manger, boire, se loger, se soigner, apprendre, comprendre son milieu, connaître ses droits, etc.

Mais au préalable, il faut également tenir compte des motivations des gens face au processus éducatif, c'est-à-dire, pourquoi on apprend.

On apprend pour répondre à ses besoins, pour être en relation avec les autres et la réalité, pour poursuivre un cheminement personnel et, plus fondamentalement, pour le plaisir de la découverte.

La télévision éducative doit établir une relation étroite avec la population. La communication entre le producteur et la population doit donc être a la base du processus éducatif afin d'établir des liens étroits qui permettront la conception et l'évaluation d un programme éducatif en fonction des besoins de I'auditoire cible. Cette relation implique nécessairement le dialogue et l'échange. Il faut donc remplacer les mécanismes de diffusion par une structure de communication adéquate. Ainsi le message télévisé servira comme outil de progrès social.

Il y a place au Québec pour des media nouveaux, où le processus de production est au moins aussi important que le produit fini. Donc, l'objectif fondamental de R.Q. sera la survie et le développement de la communauté québécoise par la communication.

R.Q. doit permettre aux Québécois de développer une meilleure compréhension d'eux-mêmes et de leur milieu, et ainsi de participer au développement socio-économique de ce milieu.

R.Q. devra permettre aux Québécois d'accéder à une formation reliée à leurs besoins, à leur mode de vie et a leurs capacités compte tenu des besoins et des priorités de la société québécoise.

Les media de communication seront donc un outil parmi d'autres au service des Québécois dans leur recherche de solutions concernant la prise en main de leur vie, de leur milieu.

Parallèlement à cet objectif global de communication véritable Radio-Québec poursuivra son autre tache, soit celle de soutenir la formation scolaire et I action éducative des ministères et organismes divers en préparant des documents audio-visuels / et en y affectant les ressources financières suffisantes.

Plus spécifiquement, à la demande du ministre des Communications: —Préparer des documents scolaires selon les besoins du ministère de l'Education —Préparer des documents éducatifs de vulgarisation des lois et services de l'Etat selon les besoins des divers ministères, organismes gouvernementaux et organismes qui n'émargent pas au budget du gouvernement du Québec.

Principes que nous voulons privilégier

1. Radio-Québec doit s'orienter vers une plus grande démocratisation, autant à l'intérieur qu'à I extérieur. 2. Radio-Québec doit élargir ses services et tendre graduellement à se décentraliser au point de régionaliser graduellement ses services.

C'est TOUTE la population du Québec qui finance l'ORTQ par ses taxes. 3. Il nous paraît essentiel d'orienter l'ORTQ vers non seulement une plus grande flexibilité sur le plan des media et des équipements, mais aussi vers une plus grande souplesse administrative. Ce qui signifie que Radio-Québec doit être structuré de manière à pouvoir s'adapter TRÈS rapidement aux besoins changeants de la clientèle, à l'évolution de la technologie et aux media selon ces besoins et ces changements.

Recommandations

A partir des orientations et des principes que nous avons privilégiés, nous croyons opportun de formuler un certain nombre de recommandations.

Les 4 premières recommandations affecteront l'orientation fondamentale de l'ORTQ.

Une dernière partie est constituée de modalités indispensables à la réalisation de ces recommandations.

Recommandations sur l'orientation générale de Radio-Québec

1. Régionaliser et décentraliser: c'est-à-dire — fragmenter les auditoires — ouvrir des "comptoirs " régionaux — intégrer ce qui est déjà disponible dans les régions au niveau des équipements audio-visuels — utiliser des techniques moins sophistiquées mais plus mobiles — produire et diffuser en collaboration avec le milieu visé. 2. Au plan régional, que Radio-Québec soutienne ou s'intègre aux expériences en cours: — CFVO à Hull et TVC 4 St-Jérôme — antenne communautaire — multi-media — vidéographe — FM de l'université Laval — Télé université, etc.. — donner prioritairement l'antenne au cinéma québécois 3. Radio-Québec initie: — des projets coopératifs en radio FM dans les territoires non desservis — des projets coopératifs en télé UHF 4. Radio-Québec démocratise sa production, sa programmation et sa distribution: — PRODUCTION: a) au niveau central: dans chacun des projets, le public visé est directement impliqué dans la production et détermine ainsi le premier "feed back". b) au niveau régional: dans chacun des projets, Radio-Québec fournit un support technique et veille à ce que les contenus soient élaborés par les publics visés — PROGRAMMATION:

Chaque groupe visé est représenté sur le Comité de programmation tout comme les groupes formels" de Radio-Québec: direction, réalisation, employés SGERQ et NABET. — DISTRIBUTION:

Par le moyen d'un service de tirage et de fiches techniques (catalogue) sur toutes les productions. Radio-Québec rend tous ses produits accessibles sur demande.

Exemple: Les séries "D'la Jarnigoine ", "On n'a plus les séances qu'on avait" et "Mains habiles, mains agiles" de Radio-Québec, dans le mode présent de distribution, deviennent disponibles pour les CEGEP. La télévision éducative de l'Ontario, l'OECA, met même à la disposition du public une unité mobile de visionnement et de distribution.

Modalités permettant l'application des 4 premières recommandations 1. Radio-Québec diffuse différemment:

Radio-Québec, pour le moment ne conserve que ses deux antennes UHF, soit dans les régions de Montréal et de Québec où se retrouve plus de la moitié de la population du Québec. Cette seule implantation technique, différente des projections du Plan Triennal, s'explique par l'aspect expérimental de ce programme d'expansion. Les montants ainsi récupérés en immobilisation pourraient être affectés à la réalisation des 4 précédentes recommandations. 2.Que les employés de Radio-Québec s'élisent des représentants (avec droit de vote), sur le conseil d'Administration de l'Office aux comités de planification de programmation et d'orientation. Leur rôle sera prioritairement d'être des porte-parole des employés. 3.Que Radio-Québec repense ses structures en fonction de ses nouveaux objectifs de façon à ce que la hiérarchie outrancière et la bureaucratie actuelle n empêche pas la réalisation des recommandations. Nous proposons de permettre la participation des citoyens à tous les niveaux de décision à l'intérieur de l'Office. 4.Que Radio-Québec demande, s'il y a lieu, à l'Assemblée nationale d'amender sa charte en vue d'en faire un organisme de communications dont le but serait d être un instrument de progrès social. 5.Que Radio-Québec accepte de considérer les 3 prochaines années comme expérimentales. Ces années serviront à connaître et à vérifier les meilleurs moyens d'implantation dans le milieu québécois. Les structures de Radio-Québec doivent permettre un maximum de flexibilité pour s'adapter, dans un court délai, aux équipements de production et de distribution déjà en place dans les régions.

En terminant, nous tenons à préciser aux membres du Comité que ce n'est nullement dans I esprit d attiser des luttes internes ou publiques sur R.Q. que nous présentons notre mémoire. Nous savons que nos recommandations ne pourront être appliquées dans des délais très courts, l'ORTQ possédant des traditions qui ne peuvent être modifiées du jour au lendemain. Les changements radicaux que nous proposons exigent une profonde mutation et nous ne nous faisons aucune allusion sur le temps que cela prendra. Nous souhaitons, cependant, que la direction de R.Q. prenne notre position pour ce qu elle est, c'est-à-dire une recherche positive pour l'établissement d'une véritable télévision éducative, et non pour une attaque directe contre elle-même. Nous déplorons que les dirigeants de l'office aient jusqu'ici toujours vu d'un mauvais oeil les préoccupations des employés en ce qui concerne l'orientation d'une télévision éducative alors que c'est une preuve de santé. Pourtant nous sommes les premiers concernés en tant qu'artisans de cette télévision. A cet égard, nous voulons simplement nous associer avec tous les citoyens aux réflexions et à la démarche, que poursuit Radio-Québec, sans arrière pensée négative mais dans un but d'intérêt public.

Liste des cadres, cadres assimilés et professionnels non-syndiqués

Bachand, Denis directeur des services financiers et administratifs

Beauregard, Denis chef du service Texte et Recherche

Bélec, Pierre chef du service Réalisation

Bergeron, Guy chef du service Réalisation

Boileau, Jean-P. chef de division

Benoist, Bernard secrétaire et secrétaire du contentieux

Bournival, Andréanne chef du service analyse des projets

Brousseau, Claude vérificateur interne

Buzaré, Gilbert vice-président — administration

Caron. Claude vice-président — exploitation

Charest-Bernard, Nicole chef de service centre des recherches documentaires

De Bellefeuille, André directeur des relations internationales

Desrosiers, Robert B. directeur du film

Fagnan, Denis directeur recherche et évaluation

Faucher, Nicole chef de service implantation régionale

Felton, Normand chef de division aménagement visuel

Fizet, Jacques coordonateur de la planification

Fournier, Lynn directeur de la réalisation

Geiser. Marie chef de division de la cinémathèque

Gignac. Isabel chef du service de la distribution

Girard. Raymond chef des services auxiliaires

Labonté, Yves président directeur général

Lavoie, Gaétan chef du service relation avec lauditoire

Lavoie. Pierre chef de division

Leblanc, Nicole chef de service des acquisitions

Lefebvre. Yves chef du service de la réalisation

Letourneau, Bernard chef ciné-caméraman

Loiselle, Robert chef du service gestion du personnel

Lombardi, Antonio chef du service programmation budgétaire

Ludvick, Karel chef du service tournage

Malo, Yvon directeur des ressources humaines

Paquet, Philippe directeur des relations publiques

Poirier, Michel chef du service de visualisation

Préfontaine, J.C. chef du service implantation et entretien technique

Proulx, Robert chef du service administratif de la télévision

Reeves, René directeur général adjoint

Robert, Claude directeur de la télévision

Stas, Marc chef du service

Sylvestre, Claude directeur des programmes

Turcotte, Samuel chef du service administratif de l'administration

Vanderhayden, Kees chef du service de la recherche et évaluation

Venne, Roger chef du service de la comptabilité et prix de revient

Verbert, Christian chef du service de la régionalisation

Jacques, Jean-G. secrétaire adjoint

Bertrand-Collins, S. chef du service du film

Brassard, Jeannine chef de division

Cazes, Bernard administrateur de production

Major, Michel administrateur de production

Robillard, Philippe technologue conseil

Tousignant, Georges chef de service exploitation

Allard, Michel agent de personnel

Leduc, Marie technicienne en personnel

Pelletier, Jacques agent de gestion de personnel

Landry, France technicienne en personnel

Laporte, Danielle infirmière

Desorcy, Gabriel chef adjoint de division — aménagement visuel

Larouche, Lise directeur de la régionalisation

Total 59 cadres. De ce nombre sont exclus les 25 réalisateurs, les 15 directeurs techniques et quelques secrétaires de direction non syndiquées.

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