Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Etude des crédits du ministère des
communications
(Dix heures cinq minutes)
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre!
La commission permanente des communications est maintenant réunie
pour étudier les crédits budgétaires du ministère
des Communications et entendre les groupes concernés au niveau du
programme de l'Office de radio-télédiffusion du
Québec.
Les membres de cette commission pour cette réunion sont M.
Beauséjour (Iberville), M. Bertrand (Vanier), M. Ciaccia (Mont-Royal),
M. Godin (Mercier), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan (Gaspé),
remplacé...
M. Bellemare: Un instant!
Le Président (M. Jolivet): ... par M. Bellemare
(Johnson).
Mme Lavoie-Roux: Moi aussi, vous me remplacez quelque part.
Le Président (M. Jolivet): M. Michaud (Laprairie), M.
O'Neill (Chauveau), M. Vaillancourt (Orford), remplacé par Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Guay (Taschereau), remplace M. Bertrand
(Vanier).
Ayant quorum, nous pouvons commencer. Mme le député de
L'Acadie.
Audition des représentants des
syndicats
et des comités régionaux
de Radio-Québec
Mme Lavoie-Roux: Je me demandais, suite aux arrangements que nous
avions faits, non pas la dernière fois, lorsque nous avons entendu le
directeur général de Radio-Québec, mais
antérieurement à ça si je me trompe, j'accepterai
fort bien qu'on me corrige mais on avait, je pense, convenu qu'il serait
intéressant d'entendre toutes les parties. Nous en avons entendu une; ce
matin, nous entendrons les deux autres.
Mme Lavoie-Roux: Je me demandais, suite aux arrangements que nous
avions faits, non pas la dernière fois, lorsque nous avons entendu le
directeur général de Radio-Québec, mais
antérieurement à ça, si je me trompe, j'accepterai
fort bien qu'on me corrige mais on avait, je pense, convenu qu'il serait
intéressant d'entendre toutes les parties. Nous en avons entendu une; ce
matin, nous entendrons les deux autres.
Nous voulions quand même réserver un peu de temps pour
pouvoir ensuite poser des questions au ministre. Moi, je voudrais savoir si
ceci est la première et dernière réunion que nous avons
sur le sujet, et si tel est le cas, est-ce qu'il serait possible que nous nous
entendions entre nous, pour que nous arrêtions, par exemple, si on
termine avant, tant mieux de questionner les groupes qui seront devant
nous, disons vers 11 h 45, pour se garder trois quarts d'heure... midi au plus
tard, pour se garder une demi-heure...
M. Guay: On termine à 12 h 30 ou 1 heure?
Le Président (M. Jolivet): On termine à 12h 30.
Mme Lavoie-Roux: Bon! Alors, à 11 h 45, pour se garder
trois quarts d'heure pour poser des questions au ministre. Est-ce qu'on
pourrait s'entendre là-dessus?
M. Guay: Là-dessus, M. le Président, je
préférerais, un peu comme la dernière fois, plutôt
que de se barrer dans un horaire fixe, qu'on entende les parties et qu'on pose
toutes les questions qu'on a à poser. S'il reste du temps, à
supposer qu'on ait épuisé effectivement l'audition des deux
parties, bien sûr. Sinon, il n'y a rien qui empêche la commission
de siéger de nouveau.
Mme Lavoie-Roux: Moi, M. le Président, si on peut me
donner l'assurance que nous aurons une autre rencontre où on pourra
poser des questions au ministre, je suis prête à suivre le plan du
député de Taschereau, mais si ceci doit être la
dernière rencontre, j'insisterais auprès de mes collègues
pour que nous respections quand même l'engagement que nous avions pris
d'avoir quelques minutes pour poser des questions au ministre qui est quand
même, finalement, la personne responsable.
Le Président (M. Jolivet): Pour vous aider dans vos
discussions, je dois vous dire que c'est la dernière séance de la
commission.
M. Bellemare: M. le Président, il faudrait commencer tout
d'abord par la base. Combien de représentants des syndicats vont se
faire entendre ce matin? Combien de représentants des comités
régionaux veulent se faire entendre? Cela devrait être la
première question. Là, on pourrait peut-être discuter du
temps et, après, on pourrait peut-être revenir à la
question de Mme le député de L'Acadie.
Le Président (M. Jolivet): Voici la première
question que je voudrais poser, compte tenu de cette demande. Je pense qu'elle
est justifiée pour permettre de mieux répartir le temps. Il y a,
dans la salle, des représentants des syndicats, puisque ce fut la
demande de la dernière rencontre. J'aimerais que ces personnes
manifestent leur présence, s'il vous plaît.
Merci.
M. Bellemare: Qui représentez-vous madame?
Une Voix: Le Syndicat général des employés
de Radio-Québec.
Le Président (M. Jolivet): Le Syndicat
général des employés de Radio-Québec.
M. Bellemare: Le Syndicat général des
employés...
Une Voix: II y a un autre monsieur, dans la salle.
Le Président (M. Jolivet): Monsieur.
Une Voix: Le Syndicat de l'association des
réalisateurs.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce qu'il y a
d'autres représentants de syndicat?
M. Bellemare: Est-ce qu'il y a des représentants de
NABET?
Le Président (M. Jolivet): Les représentants des
comités régionaux, s'il vous plaît?
Il y a donc un représentant. Deux représentants? Est-ce
que vous êtes ensemble?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, donc un
représentant pour le groupe. Merci.
Nous aurons donc trois groupes à entendre ce matin.
M. Bellemare: Dans deux heures et demie, M. le Président,
je crois que si on pouvait prendre 40 minutes pour chacun, cela nous porterait
vers 12 h 15, on aurait peut-être le temps de terminer avec le
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Je regrette, mais dix minutes, ce n'est pas
suffisant pour entendre le ministre, il n'a jamais voulu répondre
à nos questions.
M. Guay: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député,
s'il vous plaît!
M. le député de Taschereau.
M. Guay: Avant que le député de L'Acadie se fasse
du mauvais sang...
M. O'Neill: Qu'elle ne grimpe dans les rideaux!
Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas de rideaux, M. le ministre!
M. Guay: ... est-ce que je pourrais proposer...
M. O'Neill: Cela ne fait rien, vous réussissez à
grimper quand même!
M. Guay: ... que la commission étant quand même
maître de ses travaux, y a-t-il un empêche- ment majeur à ce
que nous siégions jusqu'à une heure, de consentement?
Le Président (M. Jolivet): C'est à vous de le
décider.
M. Bellemare: Je dois partir à 12 h 30 pour Aima, parce
que j'ai d'autres occupations à partir de 12 h 30; j'ai des rendez-vous
pour l'après-midi et la soirée.
M. O'Neill: Si on commençait, M. le Président, on
gagnerait le plus de temps possible!
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je regrette, mais c'est
toujours cela qu'on nous dit et on va aller aux questions jusqu'à 12 h
30, comme je vous connais. Je propose qu'on arrête d'entendre les groupes
à midi pour avoir une demi-heure.
Le Président (M. Jolivet): Monsieur le ministre.
M. O'Neill: M. le Président, en principe, je serais
prêt à répondre durant une heure aux questions de Mme
Thérèse Lavoie-Roux...
Mme Lavoie-Roux: Le député de L'Acadie.
M. O'Neill: Nous avons convoqué, d'autre part, Mme le
député de L'Acadie, des personnes et suite à une
insistance très grande, particulièrement de l'Opposition
officielle, ces gens sont ici. J'aimerais bien qu'on s'occupe d'eux d'abord et
qu'à la dernière minute, dans la dernière partie de notre
rencontre, un quart d'heure, vingt minutes si possible, je répondrai aux
questions de Mme le député de L'Acadie.
Il m'a semblé qu'il était bien entendu ce matin qu'on
entendait d'abord les deux parties qui étaient disposées à
répondre à nos questions. Pour ma part, j'aimerais bien qu'on
procède le plus vite possible. Mais demander qu'on me réserve
trois quarts d'heure et qu'on enlève cela aux gens, je trouve cela
vraiment un peu excessif; un quart d'heure, vingt minutes, une demi-heure si
les choses vont bien, je n'ai aucune objection. Mais j'aimerais bien qu'on
garde une certaine proportion.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, M. le
député de Taschereau a acquiescé quand j'ai dit que
c'était l'arrangement que nous avions convenu, soit qu'on
réserverait du temps pour entendre le ministre. Dans des rencontres
antérieures, c'est ce qui avait été convenu.
Le Président (M. Jolivet): Je dois vous rappeler pour les
bénéfices de l'assemblée qu'il avait été
question qu'on garde du temps pour le programme 8.
M. Bellemare: M. le Président, c'est parfait, je suis bien
d'accord avec le député de L'Acadie, mais
supposons qu'on n'ait pas le temps requis par Mme le
député pour poser toutes les questions au ministre, en vertu de
174-A de notre règlement, on pourrait avoir une question débat le
vendredi matin et pendant trois heures J'entendre. C'est le dernier recours
qu'on puisse garder pour véritablement rendre justice à ceux qui
voudraient entendre le ministre. Mais là on perd un temps
considérable. On est rendu à 10 h 15. On devrait procéder.
Bonjour, M. le ministre.
Le Président (M. Jolivet): Mme le
député.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais que soit
enregistrée ma dissidence je n'ai pas le choix
vis-à-vis de cette décision qui est prise. Je pense qu'on ne
respecte pas les engagements que nous avions pris, compte tenu du fait que vous
nous dites que c'est la dernière fois que cette commission siège.
Je vois ici une façon élégante pour le ministre de
s'éclipser et de ne pas répondre aux questions qu'on veut lui
poser. On peut procéder, je n'insiste pas davantage, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): Avant de procéder
à l'appel du premier syndicat, je dois faire remarquer que M.
Beauséjour (Iberville) est remplacé par M. Bisaillon
(Sainte-Marie); M. Godin (Mercier) est remplacé par M. Laurin
(Bourget).
Une deuxième chose. Vous allez avoir un document
présenté par l'Office de radio-télédiffusion du
Québec, tel que demandé par les membres de la commission
parlementaire des communications, ainsi que d'autres documents qui vous seront
distribués provenant des syndicats (pour renseignements, Irène
Ellenberger, Marc Aras, rapport des séances de négociation des 4,
9, 10 et 11 mai 1978) et un autre document demandé par le
député de Sainte-Marie qui sera distribué et provenant du
président-directeur général.
Les membres du Syndicat général des employés de
Radio-Québec, s'il vous plaît. J'aimerais que vous vous
identifiiez. (10 h 15)
Syndicat général des employés de
Radio-Québec
Mlle Ellenberger (Irène): Mon nom est Irène
Ellenberger, présidente du Syndicat général des
employés de Radio-Québec...
M. Bellemare: Approchez donc le micro.
Mme Ellenberger: Irène Ellenberger, présidente du
Syndicat général des employés de Radio-Québec; Marc
Aras, membre du syndicat; Christian Delmas, du comité de
négociation, et Louise Toupin, du comité d'information.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Compte tenu de la
demande qui vise à poser des questions aux membres du syndicat,
j'inviterais Mme le député de L'Acadie à commencer ses
questions.
Mme Ellenberger: Nous avons préparé un
mémoire...
Mme Lavoie-Roux: Ces gens ont un mémoire à
présenter.
Mme Ellenberger: Nous avons préparé un
mémoire que nous n'avons pas l'intention de lire, parce qu'il serait
beaucoup trop long, mais nous avons préparé une synthèse
de ce mémoire.
Le Président (M. Jolivet): Cela va, allez.
Mme Ellenberger: A l'occasion de son dixième anniversaire,
Radio-Québec s'est cru obligé de fêter
l'événement en fermant les portes de ses bureaux à
Montréal, après avoir décrété un lockout
déguisé sous les termes d'une suspension d'activités.
La présente commission parlementaire, chargée de scruter
d'un peu plus près la gestion de Radio-Québec, a permis à
une partie de ses artisans de s'arrêter et de réfléchir,
afin d'établir un diagnostic sur l'administration et la gestion de cet
organisme encore jeune. Ce diagnostic...
Le Président (M. Jolivet): Est-ce que vous avez un texte
qui pourrait être distribué?
Mme Ellenberger: C'est l'introduction de notre mémoire, du
mémoire que nous avons déposé la semaine
passée.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui!
Le Président (M. Jolivet): D'accord.
Mme Ellenberger: Ce diagnostic porté à la suite de
lectures, d'entrevues diverses, de rencontres et d'analyses destinées
à cerner certains malaises; ce diagnostic est écrit à
partir de l'expérience de gens à l'emploi de l'ORTQ depuis nombre
d'années. Il ne faut pas voir dans ce rapport une enquête de type
administratif. Il a été rédigé par des
syndiqués privés d'une bonne partie de la documentation et des
données nécessaires à une étude exhaustive, car ces
employés n'ont jamais été associés à la
gestion et à la planification de Radio-Québec, pour autant qu'on
puisse parler de planification dans cet office.
M. Bellemare: Excusez-moi, pourriez-vous vous rapprocher du
micro? La salle est tellement vaste, l'écho se fait et le vieux ne
comprend pas.
Mme Ellenberger: Je vais faire attention.
De plus, certains chiffres avancés dans ce mémoire ont
été obtenus confidentiellement par certaines personnes au courant
du fonctionnement interne de l'office et ne se retrouvent pas dans les rapports
annuels des budgets de Radio-Québec. Seule une enquête en
profondeur de la gestion de l'office permettrait de prouver le
bien-fondé de ces chiffres.
Nous ne cherchons pas, par ce mémoire, à exposer devant la
commission parlementaire le bien-fondé de nos demandes syndicales en vue
d'une nouvelle convention. Nous cherchons plutôt à montrer que le
conflit actuel est l'aboutissement
de crises multiples que nous avons vécues dans le
passé.
Nous ne voulons pas non plus empêcher Radio-Québec
d'obtenir les budgets nécessaires à la bonne poursuite de ses
activités. Nous cherchons plutôt à demander une
réforme en profondeur du mode de gestion de l'office, afin que les
deniers publics servent à bon escient.
Nous ne cherchons pas à instaurer la congestion à
Radio-Québec. Nous cherchons plutôt à participer plus
intimement à la vie de l'office et à ouvrir celui-ci à la
participation de la population québécoise.
Ce texte veut fournir une image d'ensemble, souligner des
événements, décrire des phénomènes plus ou
moins bizarres qui ont jalonné le cours de l'histoire de l'office.
Nous ne mettrons pas l'accent sur les bons coups de l'administration
durant ces dix années d'existence. En lock-out depuis deux mois, alors
que les cadres, les réalisateurs et les techniciens sont payés
à ne rien faire, et cela avec l'argent du public, il ne faut pas
demander à des employés sur le pavé une analyse
réjouissante d'une télévision qui n'a pas encore pris son
envol.
Ce texte, par conséquent, se veut un outil à partir duquel
on peut se poser nombre de questions à propos de l'histoire de
Radio-Québec, de son orientation, de son développement et de sa
gestion.
Maintenant, je vais lire une synthèse du mémoire que nous
avons déposé la semaine passée.
Condensé du mémoire préparé par le
comité d'étude sur la gestion de Radio-Québec du Syndicat
général des employés de Radio-Québec, pour la
commission parlementaire chargée d'allouer les budgets à
Radio-Québec.
La gestion de Radio-Québec vue par le Syndicat
général des employés.
Si l'on examine l'administration de Radio-Québec durant les dix
dernières années, une double évidence s'impose, la
lourdeur de son appareil hiérarchique, une centaine de cadres et cadres
assimilés, directeurs techniques, secrétaires confidentiels,
réalisateurs pour 490 employés permanents auxquels s'ajoutent une
centaine d'occasionnels au moment de pointe, c'est-à-dire à des
périodes de l'année où la production est intensive,
assortie d'un autocratisme paternaliste à tous les niveaux en partant du
sommet.
Sous ce sommet, en effet, cinq vice-présidents se sont
succédé en dix ans, quatre directeurs de production, cinq
directeurs du personnel, quatre directeurs des relations publiques, auxquels il
faut ajouter trois directeurs de la planification en cinq ans et deux
directeurs de la programmation en trois ans.
Au total, quatre organismes ont prévalu au cours des huit
dernières années déterminant les règles d'une
incessante partie de chaise musicale et de tablettes fort coûteuses. Plie
ou casse semble être le seul principe admis par une direction
empressée avant toute chose à décapiter ceux qui lui
tiennent tête.
Directeurs récalcitrants, groupes d'employés,
comités régionaux. Les bons collaborateurs, en revanche, sont
d'autant mieux récompensés qu'ils se font de plus en plus rares.
Incidemment, il est intéressant de noter qu'environ 40% du budget total
sont engloutis par des hiérarques permanents ou appelés en
consultation à titre de rémunération et de frais
professionnels et cela, avant même qu'un seul centime n'arrive aux
employés de différentes unités syndicales et à la
production.
Considérations climatologiques. Dans un tel contexte, on ne
s'étonnera pas que le climat de Radio-Québec soit quelque peu
malsain et que la productivité y souffre d'ankylose. La notion de
productivité toutefois ainsi mise de l'avant appelle un examen de la
mission de Radio-Québec. Là encore la déception est de
taille. Les orientations sont si vagues, les objectifs si mal définis
qu'on se reporte aux deux plans triennaux produits par la maison, que la
direction peut modifier le contenu des émissions comme bon lui semble,
sans avoir à en rendre compte au public, ni même se soucier de la
pertinence du produit proposé.
Une incertitude chronique qui caractérise la réalisation
est en outre amplifiée par l'obligation de produire suivant les normes
dictées par un équipement technique dont la lourdeur
apparaît cyclopéenne en comparaison des ressources mises à
la disposition des équipes.
Un des exemples de la lourdeur et des coûts de l'équipement
est la HS-200, monteuse électronique, qui fonctionne avec un ordinateur,
que Radio-Québec a achetée en 1970. C'était la
première HS-200 vendue au Canada. Or, l'utilisation de cette machine de
montage électronique est si coûteuse que la plupart des
équipes de production renoncent à s'en servir.
En 1975, $1 million ou $500 000, selon d'autres sources, ont
été dépensés pour équiper une régie
centrale qui n'a jamais vu le jour. Un autre million a été
investi en 1976 dans un supercar de reportage dont le moteur, à
plusieurs reprises, s'est avéré insuffisant pour en
déplacer le poids. Malgré un échange de camions, les
problèmes semblent persister. Or, en dépit d'un coût
d'utilisation aussi ruineux que seules les émissions commanditées
de l'extérieur peuvent prétendre, comme la diffusion des jeux
d'Amos, Radio-Québec prévoit l'achat d'un second car de reportage
du même type.
Ces options administratives en faveur d'une technologie lourde
alliées à une absence de véritable politique
éducative n'ont eu pour principal résultat que d'isoler l'office.
D'une part, les différents ministres des Communications la
direction en place affronte actuellement le quatrième ont
rarement entériné les options de Radio-Québec. Par
ailleurs, la mésentente a caractérisé les rapports de
l'office avec le ministre de l'Education, SGME, tout comme avec les
établissements d'enseignement, CEGEP ou polyvalentes, dont
l'équipement est d'ailleurs incompatible avec celui de
Radio-Québec, ce qui se concrétise par le fait que
Radio-Québec doit faire transférer toutes ses productions sur des
rubans compatibles, tout comme avec les câblodistribu-teurs ou les
comités régionaux.
D'autre part, Radio-Québec s'est également coupé
des milieux populaires, lesquels ne se sont guère sentis
concernés par des émissions éducatives conçues en
vase clos et répondant à on ne sait trop quelle priorité.
Le constat d'échec apparaît, d'ailleurs, sans équivoque
dans le plan de programmation 1978/79 qui renonce
délibérément à rejoindre les classes
défavorisées au bénéfice de spectateurs
plutôt scolarisés.
Bilan: un isolement farouche.
Ainsi donc, dix années d'un style de gestion à la fois
dictatorial et irresponsable ont conduit l'office à cet isolement
farouche. Coupé des instances supérieures auxquelles il est
censé prêter allégeance, aussi bien que des couches de la
société pour lesquelles il a été institué,
l'office se voit également désavoué par un groupe
d'employés plus sensibles aux intérêts de la population
qu'à une philosophie administrative autoritaire et paternaliste. C'est
ce désaveu que la direction entend faire payer le plus chèrement
possible au syndicat général des employés de
Radio-Québec. C'est uniquement dans cette optique qu'il faut
considérer le conflit en cours. L'équipe actuellement au pouvoir
sera sans doute prochainement remplacée. Il importe, étant
donné l'ampleur de la tâche à laquelle ses successeurs
auront à faire face, que leur choix découle de la plus large
consultation possible. Et là, je veux revenir aux conclusions du
mémoire que nous avons présenté.
Ce mémoire, selon nous, remet sérieusement en question la
capacité de la direction de Radio-Québec à gérer de
façon adéquate, à instaurer un milieu de confiance et
à fournir les services auxquels la population est en droit de
s'attendre.
Pour ces raisons, nous recommandons que le budget de Radio-Québec
pour 1978/79 ne lui soit alloué que si la direction accepte d'instaurer
certains changements majeurs: alléger la structure administrative, afin
de la rendre plus souple; répartir différemment le budget, de
façon à allouer une plus grande part à la production, en
réduisant l'administration et la technologie lourde; étudier la
possibilité de poursuivre le développement technologique de
Radio-Québec avec un appareillage léger et moins coûteux;
démocratiser véritablement Radio-Québec afin de mettre
dans le coup la population du Québec; donner aux régions toute
latitude de déterminer elles-mêmes leurs objectifs de
régionalisation, leur fonctionnement et leur donner les moyens
d'atteindre ces objectifs; ouvrir les structures à la participation des
syndicats de Radio-Québec, à celle de la population en
général et des représentants des régions; faire une
étude exhaustive des besoins de la population en matière de
télévision éducative.
Nous estimons que si ces changements ne sont pas introduits dans les
plus brefs délais, les crises internes et externes ne feront que se
poursuivre dans l'avenir.
Le Président (M. Jolivet): Merci! Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre n'a pas de questions?
M. Bisaillon: M. le Président, si vous permettez, c'est
simplement une question de procédure. La présidente du syndicat a
fait référence à un document, à un mémoire
complet qui avait été déposé la semaine
dernière. Je pense plutôt qu'il avait été
distribué, mais il n'a pas été déposé
officiellement. Je demanderais qu'il soit inscrit, que le texte du
mémoire apparaisse au journal des Débats.
Le Président (M. Jolivet): Cela va.
M. Bellemare:... le dossier où c'est inscrit: Les
négociations à Radio-Québec?
M. Bisaillon: Voilà!
Mme Ellenberger: Non, cela s'intitule: Radio-Québec, une
télévision éducative à réinventer,
mémoire préparé par le comité d'étude sur la
gestion de Radio-Québec du Syndicat général des
employés de Radio-Québec pour la commission parlementaire
étudiant le budget de Radio-Québec.
Le Président (M. Jolivet): Donc, document
déposé. (Voir annexe) Mme le député.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, comme le ministre ne
semble pas avoir de questions, je suis très flattée qu'il me
laisse son droit de parole.
J'aimerais demander aux représentants du syndicat s'ils ont des
données précises. Vous avez l'impression que le personnel de
cadre à Radio-Québec est très nombreux, en
considération avec d'autre personnel.
Est-ce que vous avez été capable d'établir la
relation entre ce personnel de cadre et le personnel général
à Radio-Québec, en comparaison, par exemple, avec Radio-Canada ou
avec TVA? Est-ce que vous avez fait des comparaisons?
Mme Ellenberger: Nous n'avons pas pu faire de comparaison avec
d'autres maisons de production qui n'ont pas nécessairement les
mêmes impératifs que ceux de Radio-Québec, mais nous avons
relevé 59 cadres et cadres assimilés sur la liste officielle
produite par Radio-Québec en novembre 1977.
M. Bisaillon: Qu'est-ce que c'est, des cadres
assimilés?
Mme Ellenberger: C'est du personnel qui est non syndiqué
et qui n'a pas le statut de cadre. Nous avons relevé 59 cadres, cadres
assimilés, professionnels non syndiqués, et, de ce nombre, sont
exclues quelques secrétaires confidentielles de direction, non
syndiquées, une infirmière à l'emploi du personnel, 15
directeurs techniques et 25 réalisateurs qui sont, selon le cas,
appelés cadres ou non-cadres; cela donne une centaine de personnes. (10
h 30)
Mme Lavoie-Roux: Le rapport Rocher parle de la participation des
régions dans le processus de décision de l'office de
Radio-Québec. Mais, à aucun moment, on ne retrouve, dans le
rapport Rocher, une mention que les syndicats devraient également
être participants à cette prise de décision. Quel est votre
sentiment sur cette attitude du rapport Rocher, parce que je pense et je crois
comprendre que vous demandez une possibilité de participation, par
exemple, à l'élaboration des programmes de Radio-Québec
à Montréal? Mais, le rapport Rocher, à moins que j'aie
sauté quelques paragraphes, me semble silencieux là-dessus.
Est-ce que vous avez examiné cela et quelle est votre réaction?
Quelles sont vos intentions quant à des actions à prendre
là-dessus?
Mme Ellenberger: Je tiens à préciser tout de suite
que nous sommes en train d'étudier le rapport Rocher et ses
recommandations, mais que nous n'avons pas terminé cette étude;
nous ne pouvons donc pas donner ici les réactions du syndicat face au
rapport Rocher.
Par ailleurs, nous avons entendu avec un certain étonnement les
représentants de l'office, la semaine passée, dire qu'ils avaient
mis en pratique certains mécanismes qui engageraient résolument
Radio-Québec dans un processus de démocratisation en permettant
une participation élargie des employés et des
téléspectateurs. C'était une réponse du
président-directeur général de l'office à une
question du député de Johnson. C'est que la seule participation
des téléspectateurs, à notre connaissance, c'est celle que
se sont unilatéralement octroyée les membres des comités
régionaux, lequels, selon l'ORTQ, devaient être les
représentants de l'office en région et non ceux des
régions auprès de l'office.
Quant à la participation des employés, le
président-directeur général, quant à nous, s'est
contredit, durant son témoignage, parce que, d'un côté, il
affirme que des mécanismes de participation sont en place depuis
plusieurs années et, de l'autre, il dit que le conflit est causé,
en partie, par les demandes de participation des employés de notre
syndicat. En février 1974, l'assemblée générale de
notre syndicat demandait, par une résolution unanimement votée,
d'avoir un représentant au comité de programmation, ce qui, pour
nous, était la première étape d'une participation
effective. Le président de Radio-Québec a refusé toute
participation d'un représentant officiel de notre groupe
syndiqué, dans une lettre qu'il fit parvenir à notre syndicat.
Les demandes réitérées depuis cette date sont toujours
restées lettre morte et, au cours des négociations, lorsque nous
avons demandé entre autres choses des demandes fort minimes
d'ailleurs d'avoir un représentant des employés
siégeant officiellement au comité de programmation, on s'est fait
répondre que cela faisait partie des droits de gérance de
Radio-Québec et qu'il n'en était pas question.
Mme Lavoie-Roux: Sur ce dernier point, est-ce qu'il n'y a pas
à un moment donné, vous en parlez dans votre
mémoire deux personnes ou deux employés qui siègent
avec le directeur de la programmation, mais qui ne sont pas choisies par le
syndicat? Est-ce que j'ai bien compris? Vous avez cela... Je pourrais retrouver
la place...
Mme Ellenberger: Oui, après avoir refusé notre
demande d'avoir un représentant officiel choisi par les employés
et siégeant officiellement au comité officiel de programmation
cela fait beaucoup d'officiels la direction a nommé deux
employés qui représentent les services de production à un
sous-comité consultatif et...
Mme Lavoie-Roux: Ce sont des employés
syndiqués?
Mme Ellenberger: Ce sont des employés syndiqués,
mais qui représentent...
Mme Lavoie-Roux: Ils ne sont pas choisis par le syndicat?
Mme Ellenberger: Ils ne sont pas choisis par le syndicat et ils
représentent leur service respectif. Dans un des deux cas, cet
employé a été choisi par le chef de service.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. A la page 3 de votre mémoire
je fais référence au premier que vous nous avez fait
parvenir la semaine dernière ou il y a dix jours vous parlez du
programme de régionalisation et vous dites: "Radio-Québec
proclame prioritaire la régionalisation, alors qu'aucun budget n'est
même prévu pour l'implantation des bureaux régionaux. Il
faudra, en tout temps, puiser à même le budget de fonctionnement
de l'organisme les sommes nécessaires à l'implantation des
comités". Est-ce que, d'après vous, il y a suffisamment, dans le
budget prévu pour Radio-Québec qui est de $22 millions, de sommes
adéquates pour poursuivre ce projet de régionalisation. En
d'autres termes, est-ce que le gouvernement, à ce moment-ci, accorde
suffisamment sur le plan budgétaire pour que, même si c'est un
désir des comités régionaux, un désir des syndicats
et même un désir exprimé dans les documents qui nous ont
été remis et même dans le rapport Rocher... est-ce que ces
sommes sont suffisantes? Même si on se hâtait d'aller chercher
quelques sommes dans le budget de fonctionnement, pourraient-elles suffire
vraiment à un programme sérieux de régionalisation?
Mme Ellenberger: Je vais demander à Marc Aras de
répondre à cette question.
M. Aras (Marc): Nous pouvons seulement vous donner une
réponse partielle, parce qu'effectivement, de l'avis du syndicat, il
s'agit, pour les régionaux, de décider par eux-mêmes si
effectivement la part du budget est suffisante pour la continuation de la
régionalisation. Cependant, nous avons vu qu'il y avait à peine
$800 000 alloués à la régionalisation l'année
prochaine; cela
implique simplement la production de trois émissions par
région par année et, à notre avis, cela est totalement
insuffisant.
Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord avec vous que 3% de production
sur l'ensemble, c'est nettement insuffisant. Je pense qu'il faudrait quand
même et c'est pour cela que je vous pose la question faire
porter les responsabilités là où elles devraient
être. Si le budget de $22 millions est insuffisant pour développer
un programme de régionalisation raisonnable, même si on peut dire
que la direction de Radio-Québec a des torts ou en a beaucoup, peu
importe, on ne peut quand même pas la tenir responsable des
difficultés de régionalisation au moins sur le plan financier.
C'est cela le sens de ma question.
M. Aras: II y a cependant dans notre mémoire quelques
recommandations qui feraient en sorte que ces $22 millions puissent servir en
plus grande partie à la régionalisation. Nous avons parlé
d'un équipement lourd et d'une administration très
coûteuse. Ces deux points font en sorte que la régionalisation se
retrouve reléguée au second rang parce que, effectivement, on
dépense tellement d'argent dans deux secteurs bien précis de
Radio-Québec que cela laisse très peu de chance aux
régions d'utiliser les montants qui seraient disponibles, avec un
équipement moins coûteux et une administration
allégée, pour produire plus d'émissions, toujours avec le
même budget.
Mme Lavoie-Roux: Mais il reste que l'équipement est
acheté. Sur le plan technique, je ne m'y connais pas, je ne sais pas si
on peut en disposer; enfin, il y a une grande partie de l'équipement qui
est déjà là. Est-ce que vous avez une étude
rigoureuse du coût d'un programme sérieux de
régionalisation? Je veux bien admettre que l'administration... C'est
possible que l'administration dépense trop, qu'elle administre mal et
même en lui mettant tous les torts, avez-vous une étude rigoureuse
qui nous dise: Les $22 millions sont suffisants pour amorcer un programme de
régionalisation sérieux? Vous devriez au moins savoir cela
puisque vous blâmez la direction de Radio-Canada de ne pas le faire.
Est-ce qu'elle a l'argent ou est-ce qu'elle ne l'a pas de façon
suffisante?
M. Aras: A notre avis, elle devrait l'avoir parce
qu'effectivement nous avons fait un calcul sur les investissements en
appareillages électroniques. Ces investissements sont très
élevés et pourraient être facilement répartis dans
les régions. Nous avons fait quelques calculs, qui ne sont que partiels
bien entendu, parce que, comme on le dit dans l'introduction de notre
mémoire, nous n'avons pas tous les chiffres en main. C'est
malheureusement pour cela que nous ne pouvons pas vous donner de chiffres
précis au niveau de la régionalisation.
Cependant, il semble qu'au niveau du climat à l'intérieur
de Radio-Québec, on peut quand même, grosso modo, dire qu'il y a
de très grosses som- mes qui passent dans certains secteurs et ces
sommes, qui sont de plusieurs millions, pourraient être
réservées à des secteurs plus utiles.
A notre avis, au niveau simplement d'un matériel léger,
nous avons découvert que grâce à de nouveaux appareils
utilisant, par exemple, de l'équipement magnétoscopique d'un
pouce et des caméras légères, il y a possibilité de
faire fonctionner les régions en investissant environ $200 000 par
région en équipement; nous parlons d'un équipement de
base.
Donc, pour les neuf régions de la province, ce serait un
investissement de près de $2 millions. Cela ajouté à
d'autres éléments nous indique qu'effectivement cette
régionalisation est possible si, justement, on veut laisser aux
régions la possibilité, avec un équipement léger,
de fonctionner.
Mme Lavoie-Roux: Je vais poser une seule autre question, parce
que je ne veux pas prendre trop de temps, pour en épargner pour d'autres
groupes. En page 3, vous parlez de deux modèles possibles que pourrait
adopter Radio-Québec. Je pense, par ce qui suit, que vous retenez le
premier modèle qui est un modèle inspiré de la
télévision de participation et d'expérience. Je pense que
je peux tenir ça pour acquis. Est-ce que je me trompe, c'est le premier
modèle que vous favoriseriez?
Mme Ellenberger: C'est-à-dire que nous favorisons un type
de structure avec une participation au niveau même des structures;
ensuite, nous pensons que des productions doivent être
élaborées, et ce, au niveau des comités de programmation,
de façon beaucoup plus ouverte avec des représentants de la
population, des représentants des régions, des
représentants des employés. Par ailleurs, il est faux de
prétendre que le type de production que nous favorisons est un type de
production communautaire.
Nous tenons à ce que la production de Radio-Québec soit de
calibre professionnel, parce que les professionnels, en
télévision, ont leur rôle à jouer dans une
télévision de type éducatif. Mais nous pensons que de
l'équipement plus léger permettrait un autre genre de production,
parce que le choix de l'équipement est déterminant dans le genre
de production que fait une maison de télévision; un gros car de
reportage équipé de plusieurs caméras très lourdes
et difficiles à déplacer rend impossible un type de production
plus intimiste. Le choix de l'équipement a une influence directe sur le
contenu de la programmation.
Mme Lavoie-Roux: Par exemple, l'orientation que Multi-Media
avait, qui était quand même une expérience de
télévision de type communautaire... Est-ce que je crois
comprendre que ce n'est pas l'orientation que vous retiendriez dans une
régionalisation de Radio-Québec?
Mme Ellenberger: Non. Nous pensons qu'il est important que ce
soit la population des régions qui décide du contenu de la
programmation régio-
nale. Nous pensons qu'il est important que cette production soit
produite par les employés des régions avec de l'équipement
plus léger...
Mme Lavoie-Roux: C'est simplement au niveau... Excusez-moi de
vous...
Mme Ellenberger: ... mais toujours encadré par des
professionnels.
Mme Lavoie-Roux: Pour préciser, c'est que la
participation, dans la décision de la population régionale ou
locale, serait uniquement du point de vue du contenu, mais non pas du point de
vue de l'élaboration et de la participation active, par exemple, aux
émissions.
Mme Ellenberger: C'est-à-dire que les émissions
pourraient être produites et élaborées par des
équipes élargies, mais la production, la technique
elle-même doit se faire par des professionnels. Nous pensons que les
professionnels de télévision ont leur rôle à jouer,
doivent encadrer et doivent servir la population et répondre aux besoins
de la population. Mais il ne s'agit pas de se lancer dans la production de type
amateur ou de type communautaire. Ce n'est pas là, quant à nous,
l'orientation que devrait prendre Radio-Québec.
Mme Lavoie-Roux: Multi-Media, pour vous, est-ce que
c'était de la télévision amateur?
Mme Ellenberger: Je n'ai pas suivi de très près les
productions de Multi-Media, mais je pense que Multi-Media avait d'autres buts,
d'autres finalités que celles de Radio-Québec.
Mme Lavoie-Roux: C'est là que je saisis mal la
différence que vous faites entre les objectifs que poursuivait
Multi-Media, les aspects techniques mis de côté, et ce que
poursuivrait la régionalisation des émissions de
télévision dans les diverses régions du Québec,
ainsi que ce que vous proposez. Enfin, j'aurai peut-être la chance d'y
revenir. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: M. le Président, ma première
considération, c'est pour remercier très sincèrement tout
le monde qui est venu pour nous aider à remplir notre devoir, notre
mandat comme députés. C'est assez rare qu'une commission
parlementaire siège sur un budget d'un ministre. C'est par exception
que, ce matin, on vous reçoit; on a entendu le PDG, l'autre jour, M.
Labonté, nous donner sa version. Mais on voulait, nous, les membres de
la commission, explorer un peu avec vous les possibilités qu'il y aurait
de rendre justice aux parties. Ce n'est pas notre rôle d'être juge,
ni partie. Notre rôle est de vous entendre et de toucher les points
cruciaux qui font que la négociation n'a pas fonctionné. (10 h
45)
En 1974, je n'ai pas besoin de vous dire que vous avez fait des gains
très substantiels: le contingentement des occasionnels, la limitation de
la sous-traitance, le ressort syndical amélioré, les horaires de
travail améliorés pour des centaines de catégories
d'employés. Sur le plan des salaires, en février, vous obteniez
une augmentation jusqu'en juillet, une indexation au salaire moyen, une
réduction des écarts entre les hauts et les bas salaires.
Ce sont toutes des choses que le syndicat a obtenues, ainsi que la
rétroactivité en montants uniformes.
Il s'agit de regarder l'application de cette convention qui a eu lieu en
1974 et ce qui s'est produite pendant la convention; pour moi, c'est bien
important. C'est là qu'on peut juger si véritablement le syndicat
a été de bonne foi dans le temps et si la partie patronale l'a
été aussi.
Quand je regarde l'historique de Radio-Québec, je
m'aperçois qu'il y a eu au-delà de 100 griefs en peu de temps.
Vous êtes allés en arbitrage plusieurs fois. Je me demande si,
véritablement, vous n'avez pas essayé de régler avec
l'ancienne convention collective les projets que vous avez maintenant en
tête pour la convention 1978.
M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire non plus que le
rapprochement qu'on voudrait qui se fasse par l'intervention des
députés de la commission parlementaire est très important.
Je n'ai pas besoin de vous dire non plus que les demandes que vous avez
commencé à formuler le 9 juin 1977, lors de la première
rencontre... Vous aviez fourni à la partie patronale seulement 29
articles sur 35 et ce n'est que le 23 juin, quinze jours plus tard, que vous
avez fourni les six autres demandes qui manquaient d'abord au début. Je
suis convaincu qu'en partant, il y avait un manque.
Vous avez eu, en août, je crois, quelques rencontres explicatives
avec le patron. Mais au début d'octobre, le patron a
déposé treize articles qui étaient ni plus ni moins qu'une
reconduction de l'ancienne convention. Vous avez protesté. Le 24
octobre, le patron dépose une série d'articles qui constituent un
recul très net par rapport à ce qui existait concernant les
droits acquis. Je ne sais pas ce qui a motivé le PDG et son organisation
à refuser les droits acquis que vous aviez déjà
gagnés. Cela a commencé véritablement à être
un handicap pour vous.
Le 2 décembre, je pense que vous avez demandé la
conciliation et vous l'avez obtenue. La première séance s'est
tenue le 17 janvier, conciliation qui n'a pas porté fruit. Cela a
été plutôt une évaporation de votre enthousiasme
vis-à-vis du patron; vous vouliez faire accepter certains
dépôts...
Le 31 janvier 1978, le patron a déposé les derniers
textes. Cela a été nettement une baisse du niveau de revenu pour
tous ceux qui gagnaient un salaire inférieur, selon le salaire moyen. Le
6 février 1978, vous avez carrément refusé ces offres et
la grève a été décidée par un pourcentage de
72%. Je pense que les avis de grève ont été envoyés
vers le 25 février. Durant tout ce temps, Radio-Québec a
coupé le salaire des membres du
comité de négociation. Encore un geste qu'on ne peut pas
approuver de la part du PDG ou de l'office, soit couper le salaire de ceux qui
faisaient partie de l'unité de négociation. C'est un geste
arbitraire dans une convention collective en cours. Que l'on impose une baisse
salariale seulement au comité de négociations... Le 11
février, il y a eu un engagement formel de votre part pour qu'il y ait
un moratoire de 24 heures. Le moratoire n'a rien donné, absolument rien.
Mais pourquoi a-t-il été imposé? Pourquoi a-t-il
été demandé de la part de l'office? Moi qui ne suis pas un
expert, mais un petit apprenti dans le Code du travail, je me demande pourquoi
on a fait cela? Ce n'était rien de... Jusqu'au 1er mars, par exemple,
cela a été le "lock-out". Franchement, M. le Président,
l'office a fait un "lock-out". Le 20 mars, ce n'est pas très loin,
Radio-Québec ferme ses portes. Au syndicat NABET, cadres,
réalisateurs et directeurs techniques sont
rémunérés jusqu'à la fin du mois de mars.
Au point de vue des négociations, c'est sûr et certain que
c'est mal parti. Il y a une chose certaine, c'est que vous nous avez
répondu, à la question de Mme le député de
L'Acadie, que vous aviez des revendications concernant particulièrement
certaines structures, pour alléger des structures, pour
démocratiser, mon cher monsieur, les rencontres avec votre patron, pour
ouvrir une nouvelle participation. Vous êtes prêts, vous autres,
à le faire, mais vous êtes prêts à le faire à
certaines conditions. Vous allez probablement attaquer les droits de la
gérance. Je pense que, pour Radio-Québec, il y a là des
choses qui mériteraient plutôt d'être explorées,
exemplifiées.
Il y a une chose certaine que, dans les relations patronales... Je l'ai
vécu pendant plusieurs années comme ministre du Travail, j'ai
peut-être servi de pompier, moi aussi, comme l'a dit un autre ministre,
je me suis dit: Mon rôle de ministre ne sera pas un rôle de
pompier. Mais je dis que, sans être pompier, on peut être un utile
intervenant entre les parties, pour leur faciliter la tâche, surtout
quand l'Etat est le patron, quand le gouvernement paie avec l'argent des taxes.
On dispose, nous, de certains budgets qu'on vote ici à
l'Assemblée nationale, mais qui sont ni plus ni moins que le fruit de
taxes qu'on perçoit. Notre organisation démocratique n'est pas
une organisation financière, ni sociale, ni économique. C'en est
une au point de vue économique, mais on ne fait pas un produit qu'on
peut exporter et sur lequeJ on peut faire des profits. C'est que le fond de
tout ce que vous nous demanderez, il ne faudrait pas le perdre à
l'esprit, c'est le fruit des taxes.
Au point de vue de l'efficacité, vous avez peut-être
certains griefs, peut-être que le PDG n'est pas collaborateur. Il
faudrait nous le dire. Oui ou non, le PDG, par les actes qui ont
été posés par la régie que je viens de vous citer,
j'ai vraiment des doutes qu'il veuille vraiment une convention. On a dit, jeudi
passé: M. le député de Johnson, on n'entendra pas les
syndicats, ni les comités régionaux, parce qu'on voudrait essayer
d'avoir de la négo- ciation. Qu'est-ce qu'on a fait? On a entendu M.
Yves Martin. On a entendu le matin toutes sortes d'autres choses pour explorer
la situation de Radio-Québec, mais qu'est-ce qu'on a
véritablement fait pour faire avancer la négociation? Je pense
qu'il y a eu très peu de choses. Mais il ne faudrait pas oublier que
Radio-Québec est une institution culturelle et que, tant et aussi
longtemps que le ministre attaché aux Affaires culturelles n'aura pas
déposé son livre blanc, le PDG et la régie seront
inquiets, parce qu'il va y avoir un livre blanc déposé par le
ministre des Affaires culturelles, que je salue ce matin, qui est connu
peut-être par quelques-uns, pas tout le monde. Il y a eu peut-être
une fuite. En tout cas! Chose certaine, c'est que ce nouveau livre blanc, qui
va peut-être devenir plus tard un aperçu général de
l'entrée en place de certaines nouvelles normes, fait que la
régie est peut-être assise entre deux chaises et se dit: Si je
vais là, tout à coup ce n'est pas bien. C'est là le
problème, c'est là que ces messieurs devraient
véritablement m'aider, nous dire véritablement leur pensée
et ce qu'on fera plus tard pour vous aider.
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela, M. le
député...
M. Bellemare: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: C'est pour cela que je voulais les
questionner.
M. Bellemare: Oui, d'accord, je vous remercie de me le dire, mais
je l'avais bien compris.
Le Président (M. Jolivet): C'est parce que, M. le
député, je ne veux pas non plus...
M. Bellemare: J'ai vingt minutes, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Je le sais, M. le
député, ce n'est pas dans ce sens surtout, mais c'était
vingt minutes, surtout pour les questions. Je comprends votre introduction.
M. Bellemare: Ce sont toutes des questions, M. le
Président...
Le Président (M. Jolivet): Je vous sais très
habile.
M. Bellemare: J'ai tout laissé cela en question tout le
long. Pourquoi? Il y a une raison. Pourquoi les patrons déposent-ils une
série d'articles qui constituent un recul net aux droits acquis le 24
octobre 1967? Ce sont toutes des questions. Si vous prenez cela comme des
assertions, ce ne sont pas des assertions. Suivez bien mon cheminement. Je
cherche, avec vous tous, MM. les membres de la commission,
véritablement, où est le "puzzle". Qu'est-ce qui ne va pas?
Pourquoi êtes-vous encore en lock-out? On pourrait demander cela au PDG.
Qu'est-ce qui ne va pas dans votre
situation? Voici une institution québécoise, voici une
organisation qui nous appartient en propre, financée par la province. On
voudrait savoir de vous ce qui ne va pas, pas seulement des grandes
théories. On est prêt à les recevoir, vos théories.
D'ailleurs, on est bien studieux. La preuve, vous voyez qu'on les a bien
réglementées comme il le faut. On sait notre leçon.
Qu'est-ce qui ne va pas? Vous n'aimez pas le PDG? Il ne vous aime pas? Je ne
sais pas, je me pose des questions. C'en sont des questions!
Le Président (M. Jolivet): Je voulais justement
protéger votre droit de question. Je regardais l'heure avancer et il
vous reste environ sept minutes.
M. Bellemare: J'ai commencé à moins quart ou un
petit peu plus, mais en tout cas. Je vous écouterai, M. le
Président, je suis docile à vos instructions.
Il y a quelque chose qui bout. On voit la tête du chat et on ne
voit pas la queue. Dites-le nous donc, ce matin, ce qui ne va pas.
Arrêtez donc de nous faire de grandes sorties, comme: On est d'avis que
pour alléger la structure administrative, il faut démocratiser
véritablement Radio-Québec pour ouvrir les structures à la
participation... Tout cela est vrai, mais c'est de la théorie. La
pratique que vous vivez tous les jours, est-ce qu'on ne veut pas que vous
accrochiez votre habit dans telle garde-robe? Est-ce qu'on ne veut pas que vous
alliez à telle place plutôt que telle autre? Est-ce qu'on prend un
employé et qu'on lui fait subir des tests et on le nomme là?
Quand un réalisateur s'en va, est-ce qu'il a une raison? Vous avez dit
qu'il en avait. Il y a 490 permanents et 100 occasionnels. Dites-le nous donc,
vous le savez, vous autres! Avez-vous peur de perdre votre position ou qu'on
vous tienne... Il y a quelque chose qui ne va pas. On est ici pour vous
écouter et pour essayer de le régler, pas pour essayer de le
régler, ce n'est pas à nous, mais pour le connaître, le
véritable problème. Il n'y a pas cent personnes dans la salle, ce
matin. Elles font cette dépense pour la deuxième fois, pour rien.
Il y a des gens derrière vous, madame, qui ont des griefs. Ils
pourraient se lever et dire: Oui, telle chose est arrivée. Cela ne
fonctionne pas à Radio-Québec, parce qu'il n'y a pas de
collaboration. C'est cela qu'il faudrait que vous nous disiez. Après
cela, nous prendrons les moyens. Je suis sûr que le ministre qui
l'entendra va prendre les moyens pour le faire. Les deux ministres vont prendre
les moyens pour le faire. Maintenant, si ce ne sont pas là des
questions, prenez cela comme de hautes considérations, et donnez-nous de
bonnes réponses. M. le Président, je viens de terminer.
Le Président (M. Jolivet): Donc, il reste aux gens la
valeur d'à peu près sept minutes de réponses possibles.
Cela va jusqu'à...
M. Bellemare: Je vous donne mon temps. Mme Ellenberger: On
va faire notre possible.
J'ai noté plusieurs points de l'intervention de M. le
député de Johnson. Quand on parle du retard apporté par le
syndicat à déposer ses demandes, nous tenons à
préciser qu'une des raisons de ce retard à déposer notre
projet de convention collective, c'est le refus de la direction de
libérer les membres du comité de négociation, sans
solde...
M. Bellemare: C'en est une!
Mme Ellenberger: ... aux frais du syndicat. Nous avons eu une
libération de deux jours pour préparer notre projet de convention
collective, toujours à nos frais, à partir du mois de
janvier.
M. Bellemare: Excusez-moi! Dans votre ancienne convention,
c'était prévu que vous aviez le temps et l'espace voulu pour le
faire?
Mme Ellenberger: Non.
M. Bellemare: Alors, il n'y avait pas de contingentement dans ce
temps?
Mme Ellenberger: Non.
M. Bellemare: Vous l'avez pris à même votre temps et
le temps de Radio-Québec pour le faire, oui ou non?
Mme Ellenberger: Nous avons demandé à l'office de
libérer sans solde, aux frais du syndicat, les membres du comité
de négociation. On nous a refusé cette demande, dans un premier
temps. Ensuite, on nous a accordé deux jours de libération sans
solde au mois de janvier.
M. Bellemare: Après cela, on vous a...
Mme Ellenberger: Donc, de janvier au mois de mai, c'est le temps
que cela a pris pour préparer le projet de convention collective,
consulter des membres en atelier, les assemblées générales
et tout cela. Quant aux raisons qui ont motivé la partie patronale
à présenter des textes qui représentaient des reculs par
rapport aux droits acquis, on ne les connaît pas. On pourrait
peut-être penser qu'il y avait un affrontement qui était
souhaité ou qu'il y avait une mauvaise évaluation des groupes en
place. (11 heures)
M. Bellemare: Est-ce que vous avez essayé, madame...
est-ce le syndicat NABET que vous représentez ce matin?
Mme Ellenberger: Non, c'est le Syndicat général des
employés de Radio-Québec, CSN.
M. Bellemare: NABET, c'est autre chose.
Mme Ellenberger: NABET, c'est un autre syndicat.
M. Bellemare: Bon! d'accord! Vous représentez le Syndicat
général des employés de Radio-Québec.
Mme Ellenberger: C'est ça.
M. Bellemare: Est-ce que, personnellement, le syndicat a fait des
démarches auprès du PDG ou de la régie pour essayer de
négocier?
Mme Ellenberger: Nous avons déposé...
M. Bellemare: De bonne foi, en vertu de l'article 40 du code?
Mme Ellenberger: Nous avons toujours respecté le Code du
travail. Nous avons déposé nos demandes, et même si
certains articles manquaient...
M. Bellemare: Non, ne changez pas ma question! Est-ce que vous
avez essayé, oui ou non, de rencontrer le PDG et la régie?
Mme Ellenberger: Nous n'avons pas rencontré le
président-directeur général. Nous avons rencontré
l'instance qui avait été nommée par la direction de
Radio-Québec, c'est-à-dire le comité patronal de
négociation. Nous l'avons rencontré à plusieurs reprises
au cours du mois de juin, au mois d'août, au mois de septembre et assez
fréquemment jusqu'au mois de décembre. A partir du moment
où nous avons demandé la conciliation, la partie patronale a
annulé toutes les séances de négociation jusqu'à la
première rencontre avec le conciliateur qui était prévue
pour le 17 janvier.
M. Bellemare: Le patron, qui était
représenté par le comité, a refusé à partir
du mois de décembre de négocier.
Mme Ellenberger: C'est ça.
M. Bellemare: II n'y en a pas eu d'autres? Est-ce qu'il n'y en a
pas eu une vendredi?
Mme Ellenberger: II y a eu des séances de
négociation au mois de janvier. Ensuite, il y a les rencontres des 9,
15, 20, 21, 22 et 23 février, séances de négociation
prévues au calendrier, qui ont été annulées par la
partie patronale. C'est au cours de ces rencontres que les salaires des membres
du comité de négociation syndicale ont été
coupés. Nous avons demandé à la direction de
Radio-Québec de revenir à la table de négociation la
semaine passée. Il y a eu une séance de négociation jeudi,
je pense. Il y a eu aussi quelques rencontres cette semaine, mais nous avons
constaté, à notre très grande déception, un
durcissement de la partie patronale.
M. Bellemare: ... ça, vous avez essayé jeudi, dans
l'après-midi, probablement, de faire valoir vos arguments. Lundi, mardi,
mercredi ou jeudi, je ne le sais pas, vous avez recommencé. Maintenant,
il n'y a rien à faire.
Mme Ellenberger: M y a eu des séances de
négociation jeudi de la semaine passée, mardi, mercredi, jeudi et
vendredi matin. Ce que les membres du comité de négociation
syndicale ont remarqué, c'est un durcissement très net de la
partie patronale depuis qu'on parle de commission parlementaire.
M. Bellemare: Un durcissement...
Mme Ellenberger: On s'est fait dire que...
M. Bellemare: Qu'est-ce que vous entendez par durcissement?
Mme Ellenberger: II y a certaines...
M. Bellemare: Donnez-nous un exemple.
Mme Ellenberger: Par exemple, dans l'article assurance, nous
avons demandé nous avons presque accepté globalement la
proposition patronale d'ajouter un petit amendement qui touchait les
congés de préretraite. La possibilité, pour un
employé qui arrive à sa retraite, de jouir d'une
préretraite à même ses congés de maladie
accumulés. C'est une disposition qui existait dans notre convention
collective et la partie patronale nous avait dit, au mois de mars, qu'elle
n'avait pas d'objection fondamentale à cette demande et qu'elle allait
étudier la possibilité d'obtenir un nouveau mandat sur ce point
précis. Lorsque, jeudi de cette semaine, nous avons demandé
à la partie patronale de répondre à cette question que
nous lui avions posée il y a plusieurs mois, nous nous sommes fait
répondre par le porte-parole patronal qu'il y a quelques mois la
situation était propice à un changement de mandat, mais que la
situation aujourd'hui était différente et que la partie patronale
ne voyait plus la nécessité d'aller chercher un nouveau
mandat.
M. Bellemare: On n'avait pas l'argent voulu?
Mme Ellenberger: Non, d'après lui, le moment
n'était plus propice à un changement de mandat.
M. Bellemare: Le gouvernement, vous dites? Le moment.
Mme Ellenberger: Non, d'après le porte-parole, le moment
n'était plus propice à demander un changement de mandat. Le
conciliateur, M. Jean Destroismaisons, l'a remarqué lui aussi.
M. Bellemare: M. Jean...?
Mme Ellenberger: Destroismaisons, qui est le conciliateur
attitré au dossier. Il a également remarqué ce
durcissement de la part de la partie patronale.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse de vous
interrompre, mais la parole est maintenant au député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, je vais continuer sur le
même sujet.
Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple de l'attitude de la
partie patronale à la table de négociation sur des clauses qui
auraient pu être déposées au conciliateur? Est-ce qu'il y a
eu de tels exemples cette semaine?
Mme Ellenberger: Oui, nous avons présenté plusieurs
demandes qui touchent aux conditions de travail des occasionnels. On sait qu'il
y a une centaine d'occasionnels à Radio-Québec, c'est donc
très important pour nous qu'ils aient de bonnes conditions de travail.
Nous avons présenté une série de demandes concernant les
conditions de travail des employés occasionnels. La partie patronale n'a
pas présenté de texte à cet effet, quant aux choses que
nous demandions. On s'était fait dire, au mois de mars, qu'elle allait
étudier nos demandes et nous apporter des réponses. Lorsque nous
lui avons indiqué, jeudi, que, dans la journée de vendredi, nous
aurions aimé discuter des clauses relatives aux employés
occasionnels, le conciliateur nous a dit que la partie patronale avait remis de
nouveaux textes concernant les employés occasionnels. Les porte-parole
de l'office ont dit que c'étaient des textes qui avaient
été déposés au conciliateur et seulement au
conciliateur, qu'il y avait un embargo sur ces textes et qu'il n'était
pas question de les remettre au syndicat.
A ce moment, nous avons dit...
M. Bellemare: C'est très mauvais!
Mme Ellenberger: ... que même que si ce n'était
qu'un pas, il était important qu'on puisse étudier ces textes
dans le but d'en arriver à un rapprochement. On nous a répondu
que ce n'était pas le temps de faire des pas en avant et que les
représentants de l'office avaient un mandat de négociation, mais
qu'ils avaient également des directives quant à la façon
d'appliquer leur mandat. Jeudi, hier, les représentants de l'office nous
ont dit que l'intention patronale était de ne pas augmenter les charges
de l'office vis-à-vis des occasionnels et non plus d'ajouter à ce
qui est déjà consenti, dans les faits, aux occasionnels. Nos
demandes, à cet effet, sont aussi révolutionnaires que le fait
qu'aucun occasionnel ne soit tenu à commencer à travailler sans
qu'il y ait eu signature de contrat préalablement; je veux dire que
c'est ce genre de demande qu'on nous refuse.
M. Bisaillon: Est-ce qu'il y aurait eu, de la part du
négociateur, durant les trois jours de négociation de cette
semaine, des remarques ou des allusions à la tenue de la commission
parlementaire?
Mme Ellenberger: On nous a dit qu'on était prêt, il
y a quelque temps, à aller voir les possibilités de modifier les
mandats dans le but d'en arriver à un déblocage, mais que les
choses, telles qu'elles se présentent actuellement, n'étaient
plus propices à un changement de mandat. Nous avons eu ce genre de
remarques; on nous a dit: Ce que vous avez devant vous, c'est le mandat du
comité actuel de négociation. Nous avons vraiment senti un
durcissement.
M. Bisaillon: Est-ce que des clauses ont été
réglées cette semaine et de quel type?
Est-ce qu'il y a eu des ouvertures du côté de la partie
patronale et quelle a été l'attitude du conciliateur durant la
semaine? Quel a été le jugement que le conciliateur a pu porter
sur les trois jours de la négociation?
Mme Ellenberger: Nous avons déposé un nouveau texte
concernant le temps supplémentaire, et ce, dans le but de faire avancer
la négociation. Malgré un déblocage sur certains points,
nous n'avons pu nous entendre sur cet article de façon globale. De la
part de la partie patronale, il n'y a eu dépôt d'aucun nouveau
texte, sinon qu'on s'est entendu sur certaines clauses, mais il n'y a eu
paraphage d'aucun article, dans son ensemble, sauf à l'article sur les
pratiques interdites, où le comité syndical a accepté la
position patronale.
Le conciliateur était fort découragé.
M. Bellemare: De vous autres ou de la partie patronale?
Mme Ellenberger: De la partie patronale, quant à nous. Il
a dit qu'il n'y avait nettement aucune odeur de règlement dans les airs
et qu'il nous...
M. Bellemare: Est-ce qu'il a été question, pendant
les négociations, du livre blanc?
Le Président (M. Jolivet): M. le
député...
M. Bisaillon: Juste un instant, M. le député de
Johnson, je pense que je ne vous ai pas interrompu.
M. Bellemare: D'accord, vous avez bien raison, mais je voulais
savoir s'il y avait eu quelque chose pour le livre blanc.
Mme Ellenberger: Je dois dire que le conciliateur a
remarqué lui aussi que l'attitude était durcie, que l'attitude
patronale à la table des négociations était très
différente de celle des dernières rencontres. Evidemment, c'est
difficile de ne pas faire le rapprochement.
M. Bisaillon: Vous n'avez pas répondu à une partie
de ma question: Est-ce qu'il y a eu des clauses de réglées et de
quel type? Vous êtes-vous entendus sur des clauses cette semaine?
Mme Ellenberger: Oui, on a accepté le texte patronal, qui
est la reconduction du statu quo sur l'article des pratiques interdites.
M. Bisaillon: Alors, les clauses réglées sont
celles où vous avez pris le texte patronal?
Mme Ellenberger: C'est cela.
M. Bisaillon: Avant de poser mon autre question, M. le
Président, qui est sur un autre sujet, je tiens à souligner et
à rappeler aux membres de la commission la menace, à peine
voilée, que le président-directeur général avait
faite à la commission parlementaire, la semaine dernière, quant
aux résultats que pourrait avoir la commission parlementaire sur la
négociation.
M. Bellemare: En aucune façon...
M. Bisaillon: Je déplore personnellement le fait qu'on ne
puisse pas négocier de bonne foi. Ce n'est pas de la négociation
de bonne foi. Je n'accepterai jamais que cela en soit ou qu'on puisse
définir ce type de négociation comme étant de la
négociation de bonne foi. Attendre les gens et attendre qu'ils acceptent
nos positions, ne pas admettre qu'on puisse apporter des amendements,
pénaliser des gens parce que des parlementaires les ont convoqués
ce n'est pas le syndicat qui a convoqué la commission
parlementaire, ce sont les parlementaires qui ont décidé de les
convoquer pénaliser des employés ou des syndicats parce
que des parlementaires ont décidé de convoquer une commission et
de faire témoigner les gens, je trouve cela tout à fait
inacceptable.
M. Bellemare: Très bien.
M. Bisaillon: Je réitère ma demande au
président-directeur général de s'impliquer dans le
dossier, en supposant qu'il ne le soit pas, pour tenter de régler cela
finalement. Dans le cadre du mandat qu'il a déjà, si le mandat ne
doit pas être changé, dans le cadre du mandat qu'il a
actuellement, il semble qu'il y aurait au moins des ouvertures qui devraient
être faites dans le cadre d'une négociation de bonne foi.
Ma dernière question concerne les équipements de
Radio-Québec. Vous étiez présente lorsque j'ai posé
des questions au président-directeur général la semaine
dernière sur les équipements. Est-ce que, de votre
côté, vous avez des commentaires à faire sur les
réponses que m'a fournies M. Labonté?
Mme Ellenberger: Oui, j'en aurais concernant une question que
vous avez posée au président-directeur général
quant à l'utilisation de la HS-200, qui est un appareil qui fait du
montage électronique et qui est rattaché à un ordinateur.
Le président-directeur général a dit que cet appareil
était utilisé seize heures par jour, ce qui a d'ailleurs fait
beaucoup rire les employés de Radio-Québec qui étaient
présents à la commission parlementaire. Ce que nous voulons dire
c'est que cet appareil HS-200 est rattaché à deux
magnétoscopes qui servent à faire du montage ordinaire et que de
ce fait, dès qu'on utilise ces magnétoscopes, la HS-200 est
utilisée un peu dans le même sens que quelqu'un qui s'enferme dans
sa voiture pour écouter la radio toute la journée peut dire: J'ai
utilisé ma voiture toute la journée, mais en fait il n'a
utilisé que le poste de radio. Donc, à la minute où on
utilise un magnétoscope de montage, la HS-200 qui est rattachée
à ce magnétoscope, on peut dire qu'elle est utilisée, mais
en fait c'est le magnétoscope qui est utilisé.
M. Bisaillon: Elle ne sert pas pour les fins auxquelles
l'appareil a été acheté.
Mme Ellenberger: Non. Elle sert à d'autres fins qui ne
nécessitent pas d'ailleurs un tel équipement. C'est comme
utiliser un ordinateur pour faire des tables de multiplication. Quant au car de
reportage, on nous a dit qu'il était utilisé trois jours et demi
par semaine et une fin de semaine sur deux. Je pense que Marc Aras pourrait
donner quelques précisions que nous avons prises dans des rapports de
Radio-Québec.
M. Aras: Au niveau de l'utilisation du gros car de reportage de
Radio-Québec, nous n'en avons, malheureusement, qu'une vue partielle,
mais nous avons quand même un rapport mensuel de gestion qui date de
novembre 1977 dans lequel il est dit que le car a été
utilisé sept jours sur une totalité de 18 jours possibles dans le
mois, ce qui vous donne approximativement moins de deux jours par semaine. Si
on se rapporte à l'ensemble de l'année, du mois d'avril au mois
de novembre, l'utilisation en est de moins de trois jours par semaine encore.
C'est tout au niveau de l'utilisation. Au niveau des mini-cars de reportage,
là encore, on a une utilisation qui est de 47% pour le mois de novembre
et qui, pour l'ensemble de l'année, est de 61%.
M. Bisaillon: Ces renseignements que vous nous donnez
aujourd'hui, vous dites que vous les avez pris dans les documents officiels de
Radio-Québec?
M. Aras: Oui.
M. Bisaillon: Quels sont ces documents?
M. Aras: C'est le rapport mensuel de gestion.
M. Bisaillon: Est-ce que vous en avez un exemplaire?
M. Aras: Oui.
M. Bisaillon: M. le Président, j'aimerais que ce soit
déposé et, de la même façon, que cela apparaisse en
annexe au journal des Débats. Pour éviter toute confusion
possible, lorsque j'ai parlé du mémoire du syndicat tantôt,
j'espère que tout le monde de la commission a compris que c'était
pour le faire publier en annexe au journal des Débats.
Le Président (M. Jolivet): ... d'ailleurs en ce sens, si
on veut nous donner le document qu'on puisse le déposer.
M. Bisaillon: II me reste une toute dernière question, M.
le Président, sur le dernier type d'appareil, c'est-à-dire la
régie centrale.
Le Président (M. Jolivet): Excusez-moi, ce mémoire,
c'est celui qu'on a distribué tout à l'heure ou est-ce que c'est
un mémoire spécial?
M. Bisaillon: Celui qui a été distribué la
semaine dernière et que la présidente a...
Le Président (M. Jolivet): Cela va, mais je parle du
document dont on fait mention.
M. Bisaillon: Est-ce que vous avez ce document? (11 h 15)
Mme Ellenberger: L'extrait du registre apparaît en annexe
à un des documents que nous avons distribués ce matin.
Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est celui qu'on a
distribué ce matin.
Mme Ellenberger: C'est ça.
Le Président (M. Jolivet): II est déjà
déposé et il sera en annexe.
Mme Ellenberger: Cela s'intitule: Rapport mensuel de gestion,
facilités techniques.
M. Bisaillon: Concernant la régie centrale.
M. Aras: Au niveau de la régie centrale, en se rapportant
aux minutes des débats de la semaine dernière, on nous a dit que
le coût total était de $475 000, que $75 000 avaient
été utilisés pour une régie temporaire, qu'un autre
montant de $100 000 avait servi en pièces de remplacement; donc, il
restait $200 000. En calculant le coût, il resterait effectivement $300
000 sur les tablettes. Un élément de plus qu'on peut ajouter
à ce matériel qui se trouve sur les tablettes, c'est qu'il semble
que la garantie sur ce matériel serait terminée et
qu'effectivement, si un de ces appareils devait mal fonctionner, il y aurait,
à ce moment-là, besoin d'acheter de nouveaux appareils ou
simplement de remplacer quelques pièces, ce qui peut rendre la chose
très coûteuse.
M. Bisaillon: Lorsqu'on nous a dit qu'une partie de
l'équipement avait servi en matériel de remplacement, cela a
servi à quoi, effectivement?
M. Aras: D'après nos informations qui sont, en fin de
compte, non officielles, ce matériel aurait servi à faire de la
synchronisation générale dans Radio-Québec, ce sont des
appareils de synchronisation qui ne fonctionneraient pas actuellement.
M. Bisaillon: M. le Président, je sais qu'il y a des
représentants de l'Association des réalisateurs dans la salle,
j'aimerais qu'ils prennent en note cette question, je vais la leur poser tout
à l'heure.
Je termine avec une question sur la participation. Il y a
peut-être eu un malentendu tout à I'heure; vous réclamez,
évidemment, par le biais de la convention collective, la participation
des employés, cette participation étant évidemment une
délégation, des nominations faites par le syndicat. Mais, dans le
cas de la programmation, est-ce que, pour vous, c'est vraiment une
présence des employés au niveau d'un comité de
programmation, mais d'employés choisis ou élus par l'ensemble des
employés, ce qui ne voudrait pas nécessairement dire par un
syndicat, puisqu'il y a trois syndicats à Radio-Québec?
Par exemple, s'il existait à Radio-Québec un
mécanisme qui permettait à l'ensemble des employés de
voter pour des représentants à différents comités,
par exemple au comité de programmation, est-ce que cette attitude de
Radio-Québec serait suffisante, de votre côté?
Mme Ellenberger: C'est-à-dire que ceux qui ont fait cette
demande, c'est l'assemblée générale de notre syndicat. A
notre connaissance, les réalisateurs ont déposé une
demande similaire; quant à NABET, je ne suis pas au courant; donc,
évidemment, nous avons déposé des demandes qui
concernaient notre groupe. Mais c'est bien évident qu'il serait
préférable pour l'office... Entre zéro employé
représenté au comité de programmation ou une personne
choisie par l'ensemble des employés, c'est préférable
d'avoir une personne qui représente l'ensemble des employés.
Je pense, personnellement, que ce serait préférable
d'avoir un représentant de chaque groupe, parce qu'il existe quand
même des différences marquées entre les fonctions, les
attributions et les connaissances de chaque groupe. Ce serait important qu'il y
ait un représentant du personnel technique, des réalisateurs et
des employés de notre unité syndicale.
C'est la seule demande de ce genre qui apparaît dans nos demandes
syndicales. Dans notre mémoire, nous avons traité de structures,
nous avons traité de gestion et nous n'avons pas voulu faire
régler nos problèmes de renouvellement de convention collective
par la commission parlementaire. C'est pour ça que nous n'avons pas
abordé la question des négociations. Nous avons simplement
parlé de ce que devraient être, selon nous, les structures de
gestion et d'administration de Radio-Québec.
Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au
député de Taschereau, je tiens à vous faire remarquer que
j'avais annoncé tout à l'heure des documents demandés la
semaine dernière par le député de Sainte-Marie et
distribués tout à l'heure, venant du directeur
général de l'office et qui ont trait à la question de
l'assurance-chômage; donc, ils sont aussi déposés au
procès-verbal.
M. le député de Taschereau.
M. Guay: Je vous remercie, M. le Président. La commission,
depuis qu'elle siège et qu'elle a entendu le PDG de Radio-Québec,
ce matin aussi,
m'apparaît être tiraillée entre deux attitudes, l'une
de se pencher sur le conflit de travail à Radio-Québec et l'autre
sur un plus vaste ensemble, que constitue la politique de Radio-Québec,
son type de gestion, son fonctionnement, la régionalisation et ainsi de
suite.
En d'autres mots, dans la mesure 04 l'on mélange les deux
ensemble, j'ai l'impression qu'on ne contribue pas particulièrement au
règlement, ni de l'un, ni de l'autre. Il est évident que la
régionalisation et tout ce que cela implique, les différentes
approches quant à la régionalisation, les critiques qui ont pu
être formulées sur le style de leadership à
Radio-Québec, sur les méthodes de fonctionnement de
Radio-Québec, sont des choses qui peuvent prendre plus de temps à
régler que le conflit de travail, dans la mesure où on s'en
limite aux clauses en litige.
J'aimerais d'abord demander à la présidente du syndicat
si, dans sa perspective, les négociations en cours, ou le conflit de
travail, pour le syndicat, se limitent aux clauses en litige, aux questions qui
sont en litige, questions salariales, questions normatives, ou si, en fait,
vous voulez en même temps que la question du fonctionnement même de
Radio-Québec, de l'orientation de Radio-Québec, du style de
télévision de Radio-Québec, de la régionalisation
de Radio-Québec, soit également plus ou moins
réglée ou impliquée dans les négociations. Est-ce
que, effectivement, à la table de négociation, il est question du
plus vaste sujet, ou s'il est question uniquement, de façon plus
précise, du coeur du conflit?
Mme Ellenberger: Le conflit porte essentiellement sur les
conditions de travail que nous voulons, ou renouveler, ou améliorer. Ce
qui est cependant évident, c'est qu'il y a beaucoup de problèmes
d'application de convention collective ou de problèmes internes, que
nous avons vécus à Radio-Québec, qui sont causés
par la mauvaise administration. Je pense, par exemple, à nos demandes en
ce qui touche les clauses de promotion, les possibilités de promotion
pour les membres de notre syndicat. Nous avons un problème à cet
égard; d'une part, les exigences scolaires d'emploi sont très
élevées et beaucoup d'employés ne peuvent y satisfaire.
D'autre part, il n'existe à Radio-Québec, qui est une maison de
télévision éducative, aucun plan interne, aucun service de
perfectionnement, de recyclage ou de formation du personnel.
Comme ce genre de plan n'existe pas à Radio-Québec, nous
devons donc, à la table de négociation, amener des revendications
spécifiques pour que tous les employés de Radio-Québec
puissent avoir un plan de carrière devant eux.
Mais ce sont essentiellement des clauses qui touchent à des
conditions de travail. Les conditions de travail sont rendues plus difficiles
par le mode de gestion et d'administration de Radio-Québec.
M. Guay: Mais le document que vous avez présenté ou
distribué il y a quelques semaines, lors de la précédente
séance de commission, qui portait sur la gestion de Radio-Québec,
qui couvrait beaucoup plus que ce que vous venez d'énumérer, et
la réponse que l'office a fait distribuer ce matin, est-ce que tout cela
fait partie du litige ou si c'est une plus vaste question qui ne devrait pas
être portée à un plus vaste débat qui aura lieu, de
toute façon, en son temps?
Mme Ellenberger: Probablement que même s'il n'y avait pas
eu le conflit, nous aurions déposé, à la commission
parlementaire, un mémoire dans ce sens-là. Les demandes
concernant le mode d'administration et le mode de gestion d'un office
gouvernemental ne sont pas des demandes qui se règlent par le biais
d'une convention collective. C'est évident.
Mais je tiens à rappeler que les problèmes d'application
de convention collective que nous avons sont causés par ce mode de
gestion et d'administration. Probablement que si les structures administratives
étaient plus souples, s'il y avait une certaine forme de participation
des employés aux instances décisionnelles de l'office, il n'y
aurait pas le conflit qu'il y a actuellement entre Radio-Québec et notre
syndicat, ou entre Radio-Québec et les comités
régionaux.
M. Guay: Mais est-ce que vous faites d'un accord à
intervenir... au chapitre de la convention collective, est-ce que vous attendez
que toute cette question soit également réglée, avant d'en
arriver à un accord? Ou est-ce que vous visez d'abord à en
arriver à un accord de type classique, sur la convention collective,
quitte à ce que, d'autre part, toute cette question soit remise en
cause, ou fasse l'objet d'un débat public plus vaste et qui ne
compromettrait pas le règlement de la convention collective?
Mme Ellenberger: Régler la convention collective, c'est
une chose séparée, quant à nous, du grand débat sur
l'orientation future ou prochaine de Radio-Québec. Je pense
personnellement que, même s'il n'y a pas de décision finale prise
quant à la réorientation possible de Radio-Québec, cela ne
devrait empêcher en rien le règlement de notre convention
collective, puisque nos demandes portent principalement sur
l'amélioration des conditions de travail.
M. Guay: Est-ce que le fait que le débat sur la gestion,
sur la régionalisation, par coïncidence jusqu'à un certain
point, se produise au même moment qu'il y a conflit de travail, de la
part de la partie patronale est-ce que cela a été
évoqué, est-ce que cela a été amené à
la table de négociation? Est-ce qu'on l'a utilisé comme argument,
par moment, ou est-ce que cela n'a pas du tout été
évoqué lors des négociations?
Mme Ellenberger: Nous avons remarqué un net durcissement
dans l'attitude de la partie patronale à la table de négociation
depuis l'annonce de la commission parlementaire. Nous avons eu
droit à quelques remarques. On nous a dit que le moment
n'était plus propice à un changement de mandat. On a fait
quelques allusions à la commission parlementaire, quelques allusions
plus ou moins voilées. Quant à nous, c'est là une
situation totalement injuste, parce que négocier, c'est une chose et
régler des problèmes administratifs ou budgétaires, c'est
une autre chose.
M. Guay: Si bien que, de façon corollaire, je suppose que
vous vous attendez, la commission parlementaire terminant ses travaux à
12 h 30, qu'après cela la direction fasse preuve de plus de souplesse,
puisqu'il n'y aura plus de commission parlementaire?
Mme Ellenberger: C'est ce que nous espérons.
M. Guay: Au sujet du conflit lui-même et au sujet des
négociations, une des raisons qui ont été invoquées
par la direction pour procéder à ce qu'elle appelle la suspension
de ses activités pour une période indéfinie, ce sont des
incidents qui auraient eu lieu. En janvier et en février aussi, si je ne
m'abuse, on a eu l'occupation d'une partie des locaux et on parle même de
vandalisme à certains moments. Quelle est la réaction du syndicat
et quels sont les commentaires que le syndicat a à faire à la
lueur de l'évocation de tels incidents?
Mme Ellenberger: Ce n'étaient pas vraiment des
accusations. Ces insinuations nous ont beaucoup surpris. Nous les avons
immédiatement niées. On a insinué que les membres de notre
syndicat se seraient livrés à des actes de sabotage qui se
seraient élevés à plusieurs centaines de milliers de
dollars. Nous avons eu connaissance d'un compendium des
délibérations du conseil d'administration de l'office. Alors que
les représentants de l'office parlaient de plusieurs centaines de
milliers de dollars, dans le procès-verbal du conseil d'administration,
on parle de $10 600. Il est spécifié que c'est une
évaluation extrêmement conservatrice, mais il y a quand même
une très nette différence dans les chiffres. Quant aux
supposés actes de sabotage, nous avons toujours affirmé, et nous
l'affirmons encore, que le sabotage ne fait pas partie de nos pratiques
syndicales. Nous n'avons jamais, à aucun moment, donné de
directives de cet ordre à nos membres.
Radio-Québec est une boîte ouverte. Il y a des visiteurs.
Il y a du personnel cadre, du personnel cadre assimilé, des
réalisateurs, des techniciens, nos membres, beaucoup de personnes.
Lorsqu'il y a des actes ou de supposés actes de vandalisme ou de
l'équipement qui disparaît, ce n'est pas nécessairement
à cause de notre syndicat.
Nous n'avons donné à nos membres aucune directive. Les
moyens de pression que nous avons utilisés, ce sont les moyens
classiques de pression, ralentissement de travail, grève tournante,
grève perlée. C'est ce genre de moyens de pression que nous avons
utilisés. Il est évident que lorsqu'un syndicat utilise des
grèves tournantes d'ailleurs, c'était parfaitement
légal cela provoque certains coûts. Il y a certaines
productions qui peuvent être annulées, de ce fait, ou remises,
mais nous n'avons jamais donné de directives à nos membres quant
à des actes de vandalisme. C'est absolument faux.
Nous avons demandé aux porte-parole de l'office de porter des
accusations claires. On leur a demandé s'ils nous accusaient. Qu'on nous
accuse publiquement et, à ce moment-là, on répondra
publiquement à ces accusations, mais il n'y a jamais eu aucune
accusation publique qui ait été faite. S'il y a eu enquête
policière j'imagine que la direction de Radio-Québec en a
sûrement fait faire il n'y a eu aucune accusation portée
à la suite de cette enquête policière. (11 h 30)
Le deuxième point que je tiendrais à ajouter, c'est que
rien n'empêchait l'office d'engager tous les dispositifs de
sécurité qu'elle pouvait mettre en place. Si vraiment il y avait
des actes de vandalisme qui se produisaient à Radio-Québec,
qu'est-ce qui a empêché la direction de Radio-Québec
d'engager dix, vingt, trente gardiens supplémentaires pour voir à
la protection de son équipement? Je pense que cela fait partie des
rôles de gestion. Cela aussi fait partie des droits de gérance d
un office.
M. Guay: J'essaie de me souvenir; lors de la
précédente séance de la commission, on avait
invoqué l'offre qu'avait faite le syndicat la veille ou lavant-veille de
la comparution de M. Labonté. Je ne sais pas si vous voyez ce que je
veux dire.
Mme Ellenberger: Je n'ai pas compris votre question.
M. Guay: La veille ou lavant-veille de la
précédente séance de la commission, il y a une ou deux
semaines environ, le syndicat avait fait une offre. Qu'est-ce que cette offre
visait au juste? Pourriez-vous nous la résumer sommairement?
Mme Ellenberger: Nous avons proposé un
échéancier de négociation. Nous avons dit: II est temps de
se remettre sérieusement à négocier, de faire de
véritables négociations, ce qui peut supposer certains
changements de mandats, et également un changement d'attitude. Nous
avons demandé une période intensive de négociation du 8 au
17 mai. L'autre demande que nous avons faite, c'est qu'on règle, une
fois pour toutes, cette question des accusations qui entache la
réputation de notre groupe. Nous n'avons eu aucune réponse pour
ce qui est de notre deuxième demande. La partie patronale a,
évidemment, sachant, j'imagine, que nous étions à
Québec pour participer à une commission parlementaire,
convoqué, à la dernière minute, des séances de
négociation à Montréal, alors que nous étions
à Québec, prêts à comparaître en commission
parlementaire, ce qui permet, évidemment, de dire publiquement: On ne
comprend pas pourquoi ils demandent à la partie patronale de se
présenter à
la table de négociation; nous les avons convoqués ce matin
et ils n'y étaient pas.
Evidemment, quand, mardi dans la soirée, notre conseiller
technique reçoit un appel téléphonique à son
domicile personnel, lui demandant de se présenter à la table de
négociation à 9 heures du matin, il est un peu tard pour rappeler
les membres d'un comité de négociation qui se trouvent à
Québec à une commission parlementaire. Quant à nous, c'est
une manoeuvre assez grossière.
Il y a, effectivement, eu des négociations la semaine
passée et cette semaine, quelques jours qui ont donné le
résultat que j'ai mentionné tantôt, c'est-à-dire
rien du tout, sauf que la partie syndicale a accepté un texte patronal.
Nous avons pu constater le changement marqué d'attitude des
représentants de l'office à la table de négociation.
M. Guay: Lors de cette offre, il y a une semaine ou deux
semaines... Parce qu'il y a eu une rumeur qui a circulé, à un
moment donné, quand on nous parlait de cette offre du syndicat, qui
disait que le syndicat était aussi disposé c'est cela que
je veux vérifier que, dans l'offre, le syndicat manifestait son
désir de rentrer au travail d'autant plus qu'il n'est pas en
grève, si je ne m'abuse, c'est une suspension d'activités
et aussi de négocier un échéancier serré de
négociation. Est-ce que l'élément du retour au travail est
exact ou si c'était simplement un mauvais renseignement qui
circulait?
Mme Ellenberger: C'est un mauvais renseignement. Nous n'avons pas
demandé à rentrer au travail. Ce que nous avons
précisé, c'est que, même si nous avions le droit de
grève, nous n'avons pas appliqué ce droit de grève puisque
nous sommes présentement en lock-out et ce, même si la partie
patronale prétend qu'il ne s'agit pas d'un lock-out, mais d'une
suspension temporaire des activités, chose qui ne se retrouve
évidemment pas dans le Code du travail. Nous avons simplement voulu
préciser que, contrairement aux allégations de la direction, nous
sommes en lock-out. Notre droit de grève, nous ne l'avons pas
appliqué. D'ailleurs, lors d'une séance de la commission
parlementaire, le président-directeur général, à
plusieurs reprises, a dit: les grévistes, le syndicat en grève.
C'est absolument faux. Nous sommes en lock-out.
Le Président (M. Jolivet): Les questions étant
épuisées, je remercie les représentants du Syndicat
général des employés de Radio-Québec de leur
intervention à cette assemblée. J'inviterais les
représentants des comités régionaux à venir
ici.
Mme Ellenberger: Je tiens à remercier les membres de la
commission parlementaire d'avoir bien voulu nous inviter à participer
à cette commission parlementaire.
M. Bellemare: J'espère que vous allez trouver la
clé, que vous allez avoir la clé.
M. Guay: J'ajouterais, M. le Président, que, pour ce qui
est du syndicat, comme je le disais tantôt, le plus vaste débat
sur la régionalisation et les orientations de Radio-Québec, qui
m'apparaît devoir être distinct du conflit de travail pour
simplifier les choses. J'imagine qu'il va continuer, et même de plus
belle, une fois le conflit réglé. J'espère bien qu'on
pourra compter sur la présence du syndicat de nouveau, puisque ses
observations sur le fonctionnement de Radio-Québec et sur ses
orientations sont extrêmement intéressantes.
Mme Ellenberger: Nous sommes à votre disposition.
D'ailleurs, Radio-Québec, on connaît ça un peu.
Comités régionaux
Le Président (M. Jolivet): J'invite à nouveau les
représentants des comités régionaux.
Si le porte-parole veut s'identifier et présenter les gens qui
sont avec lui.
M. Dumais (Nelson): M. le Président, mon nom est Nelson
Dumais. Je suis le porte-parole des comités régionaux. Il y a
Jeanne Blackburn, Michel Schmouth et Claire Leroux.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'on passe à la
période des questions, à moins que vous ayez un petit
mémoire à présenter?
M. Dumais: Oui. Nous avions déposé un
mémoire la dernière fois que la commission parlementaire s'est
réunie. Cela va durer à peu près sept ou huit minutes.
Le Président (M. Jolivet): Allez!
M. Dumais: Nous sommes les représentants de tous ceux qui,
en 1975, disaient au gouvernement du Québec, par l'intermédiaire
de son office de radio-télédiffusion, de nantir les
régions d'un réseau particulier de télévision
éducative à l'image des réalités sociales,
culturelles et économiques, à l'écoute des attentes et
selon les besoins des populations vivant dans ces régions.
Nous nous disons les porte-parole de tous ceux qui présentaient
alors un total de 165 mémoires. Car, depuis, nous leur sommes
demeurés fidèles. Nous sommes devenus garants de ces
volontés régionales. Nous leur avons rendu des comptes en cours
de route. Ils nous ont, jusqu'à maintenant, signifié leur
approbation. En d'autres termes, nous n'avons rien inventé. Nous ne
faisons que répéter ce que les régionaux attendent du
gouvernement du Québec en ce qui a trait à la
télévision éducative.
Or, notre présence en commission parlementaire indique que notre
thèse est différente de celle de l'ORTQ. Autrement, nous nous
contenterions de la présence ici des dirigeants de l'office. Admettre
que les thèses sont différentes, c'est avouer une fois de plus
qu'un fossé sépare les objectifs bien articulés
émanant des régions de ceux pen-
ses par les fonctionnaires en poste à Radio-Québec.
Pour élaborer ces thèses, des documents ont
été produits en quantité industrielle de part et d'autre.
Nous nous engageons à remettre les nôtres sur demande aux membres
de cette commission. Quant à nous, nous avons le mandat de vous informer
sur les divergences fondamentales entre Radio-Québec et les
régions.
Toute la mésentente actuelle réside dans le fait que lors
des audiences publiques de 1975, les régionaux demandaient à
Radio-Québec d'être un outil de communication intra et
interrégional, c'est-à-dire, et je cite, "un catalyseur des
réalités régionales et un outil de développement
culturel".
En d'autres termes, les régionaux demandaient la
démocratisation de la programmation et la prise en main, en
région, de cet outil qu'est la télévision
éducative. C'est dans cette logique que fut demandée la mise sur
pied de mécanismes décisionnels de participation populaire quant
à la définition des contenus, l'élaboration de la grille
de programmation et les orientations de Radio-Québec. C'est dans cette
logique que les régionaux donnèrent au concept de
régionalisation une définition littérale. En effet, selon
les régionaux, la régionalisation, c'est leur capacité de
présenter l'expression de leur défi quotidien avec des moyens qui
ont, jusqu'à maintenant, servi à faire d'eux des consommateurs
d'une réalité culturelle qui n'est pas toujours respectueuse de
la réalité régionale.
Régionaliser, c'est permettre aux populations régionales
d'avoir l'accès direct à une télévision
éducative qui leur est propre. Une telle définition fut la base
d'une brochette de principes fondamentaux, de postulats et d'implications
préalables à l'élaboration d'une structure
régionale de Radio-Québec. Cette dernière étape,
constituant à elle seule l'ensemble des moyens pour atteindre le grand
objectif, fut pensée encore une fois, à la lumière
des mémoires de 1975 discutée et couronnée d'un
consensus panrégional. Elle fait actuellement l'objet de discussions
plus ou moins officielles avec Radio-Québec. A cet effet, les membres de
la commission pourront trouver en annexe du présent mémoire un
modèle d'application de la structure réclamée.
C'est un cahier cartonné orange qui a été
déposé la dernière fois. Ils y constateront alors
que la caractéristique fondamentale de cette structure est de
reconnaître aux citoyens le droit et la capacité de définir
les contenus et les orientations de la télévision
éducative sur les plans territoriaux il y a en a qui appellent
cela sous-régionaux régionaux et national et que
l'exécution de ces contenus appartient aux praticiens professionnels de
ce media, c'est-à-dire une délégation territoriale,
régionale et nationale de l'ORTQ.
En d'autres termes, voyant dans Radio-Québec la
possibilité d'une conception nouvelle d'un media de masse, les
régionaux demandent une télévision pouvant répondre
à leurs besoins respectifs, la mise sur pied de mécanismes
opérationnels et décisionnels leur permettant d'en définir
les contenus et, finalement, demandent que les spécialistes de la
communication télévisuelle servent d'encadrement à leur
action.
Bref, le gouvernement du Québec, via Radio-Québec, s'est
abouché avec les régionaux pour élaborer un projet de
régionalisation. Praticiens quotidiens des implications d'un tel
concept, les porte-parole des régions ont imaginé ce qui leur a
toujours paru le gros bon sens. Ce fut une démarche
échelonnée sur une période de deux ans. En effet, beaucoup
de terrain devait être déblayé. Or, l'ORTQ,
parallèlement à ces démarches des régionaux,
produisait ses propres réflexions. Cette société d'Etat
mettait de l'avant un plan sans doute alléchant, pour quiconque n'est
pas préoccupé par le concept de régionalisation, de
déconcentration de certains services.
Après avoir étudié ce projet de l'office, nous
devons admettre qu'il s'agit là d'une planification intéressante,
apte à satisfaire à la limite le Québécois moyen,
de même gabarit, par exemple, que celle de Télé-Capitale ou
de Radio-Canada, laquelle vient de s'implanter à Rimouski.
A avoir voulu, au départ, parler de déconcentration
partielle et de vasselage vis-à-vis de Montréal, nous serions
présentement entièrement satisfaits. Autrement dit, ce que
propose présentement I ORTQ, tout aussi intelligent que cela puisse
paraître, n'a rien à voir avec les ententes régionales.
C'est somme si on se faisait offrir une pile sèche pour lampe de poche,
lorsqu'on a commandé un moteur à gazoline. En soi, une pile
sèche est intéressante, mais, dans le cas présent,
inadéquate.
Alors que les régions voient dans Radio-Québec un outil
culturel au service du développement régional, le diffuseur de la
rue Fullum se cantonne dans son confortable et sécurisant rôle de
"broadcaster" montréalais, pouvant capter sporadiquement l'attention
d'un téléspectateur moyen en mal de connaissances à
acquérir, à partir parfois de quelques apports autochtones issus
des régions. Cette affirmation nous permet de mieux saisir ce
qu'écrivait récemment le PDG de l'office, M. Labonté. En
principe, lançait-il, on pourrait concevoir une télévision
éducative qui n'aurait aucune préoccupation régionale, et,
du même souffle, il ajoutait: Notre culture n'est pas une mosaïque
constituée d'une multitude de pièces, mais bien un ensemble de
valeurs partagées par tous les Québécois et que viennent
agrémenter des particularismes régionaux. C'est pourquoi le coeur
de notre programmation sera toujours fait d'émissions à
caractère national. Selon nous, voilà comment se crée le
ghetto culturel régional et comment s amorce l'uniformisation de la
culture. Alors que les régions veulent que les contenus
d'émissions, tant territoriales, régionales,
interrégionales que nationales, soient déterminés par une
structure populaire démocratiquement constituée, la
télévision de l'Etat québécois n'envisage qu'une
simple table consultative devant conseiller le directeur de la programmation ou
son délégué en région dans son choix
d'émissions régionales et nationales. Ce comité fantoche,
formé de gens
bien intentionnés qui ne pourront, à la rigueur, que dire,
laconiquement: Félicitations pour votre beau programme, est voué
au même sort que celui qui incombe présentement aux conseils
régionaux de développement, les CRD, de qui l'OPDQ ignore trop
souvent les avis. En effet, il apparaît que les gouvernements semblent
trop facilement se satisfaire des verdicts fournis par leurs propres
fonctionnaires pour tenir compte des recommandations émises par les
différentes structures de consultation que pourtant ils financent
à même les deniers publics.
Quant aux autres moyens de consultation imaginés par
Radio-Québec, allant du téléphone avec table ronde
télévisée à la table ronde
télévisée, ils nous apparaissent des solutions faciles
face aux exigences quotidiennes et sérieuses de la démocratie et
démontrent une fois de plus cette mentalité de diffuseur de masse
qui caractérise Radio-Québec, plus préoccupé qu'il
est de son taux de pénétration que du feedback réel des
gens. ( 11 h 45)
Alors que tes régions estiment devoir produire leurs
émissions selon les besoins régionaux, à partir
d'équipements d'une qualité indiscutable, mais de gabarit plus
simple et modeste que celui des studios de la "maison-mère" l'ORTQ
s'entête à imposer aux régions son appareillage lourd et
ses standards concurrentiels de production. Si l'on demande à
Radio-Québec de simplifier certaines normes, il répond vitement
que ce n'est pas une télévision communautaire. Pourtant, entre le
ruban magnétoscopique de deux pouces en usage sur la rue Fullum et celui
de un demi-pouce en vigueur dans la plupart des télévisions
communautaires, il y a place pour une gamme de possibilité de
qualité professionnelle, mais beaucoup moins onéreuses.
De plus, lorsque M. Labonté affirme que l'échec des
télévisions communautaires est l'effet de la faible
qualité technique de leur production, il oublie que ces diffuseurs
locaux sont très mal subventionnés, sans permanence, ils n'ont
pas de possibilité de formation et font des miracles avec des moyens de
fortune; ce que l'ORTQ a les moyens d'éviter. Finalement, sur le plan
des divergences qui séparent les régionaux de l'ORTQ, que dire
des prévisions montréalaises visant à accorder aux
régions les quelques heures symboliques de production autonome, alors
que les régions réclament tout le temps d'antenne
nécessaire, entre autres, à la projection de leurs
réalités propres. Radio-Canada, qui n'a pas l'indécence de
parler de régionalisation, produit en région, actuellement, des
documents visuels en quantité dépassant de très loin ce
que prévoit, au bout de trois ans, le fort contestable plan triennal de
Radio-Québec, dont, rappelons-le, la priorité est la
régionalisation.
Les membres de cette commission comprendront facilement qu'il est
difficile pour les comités régionaux de susciter la participation
de leurs populations respectives aux productions de Radio-Québec si on
ne leur garantit pas une quantité de production mobilisatrice. Bref,
devant une pareille somme de divergences quant au projet de
régionalisation de Radio-Québec, les régionaux demandent
au législateur de vérifier si la loi de l'office, telle que
votée en 1969, permet aux régionaux d'entretenir les aspirations
légitimes qu'ils véhiculent présentement. Si tel n'est pas
le cas, force nous est d'admettre que l'équipe de M. Labonté a
su, jusqu'à maintenant, appliquer la loi de façon honnête.
Dans ce cas, nous demandons au législateur de modifier cette loi de
façon que l'ORTQ soit en mesure de répondre aux attentes
régionales manifestées depuis 1975.
Par contre, si dans ladite loi rien ne s'oppose à ce que les
régionaux continuent à mettre de l'avant les jalons de ce qu'ils
défendent, que le législateur leur signifie où et pourquoi
il y a empêchement et que des gestes conséquents soient
posés. Il est important que le législateur réponde
à ces questions, car il est sur le point de voter des crédits de
$22 millions à une structure gouvernementale majeure dans laquelle une
des principales avenues demeure pour le moins obscure. En terminant, les
régionaux tiennent à préciser qu'ils s'engagent à
collaborer étroitement avec Radio-Québec pour concrétiser
ce projet de régionalisation aussitôt que les différends
qui séparent momentanément les deux parties auront
été aplanis.
Au nom des régionaux, nous remercions les membres de cette
commision parlementaire d'avoir bien voulu nous entendre.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier les membres des comités régionaux de
Radio-Québec de leur persévérance, parce que j'ai
l'impression qu'ils sont presque devenus des pensionnaires de
l'Assemblée nationale.
La première question porte sur la page 2 de votre mémoire.
Je dois vous avouer que je n'ai malheureusement pas lu en détail votre
proposition de structure d'organisation. Alors peut-être que les
réponses y sont, mais de toute façon, je vais vous poser cette
question. En page 2, au deuxième paragraphe, vous dites: "Les
régionaux demandaient la démocratisation de la programmation et
la prise en main en région de cet outil qu'est la
télévision éducative". Pourriez-vous développer ce
propos? Est-ce que vous vous orientez vers une télévision
communautaire? Ce qui me semble un peu ce qui est impliqué dans ce qu'on
retrouve à la page 6, où vous dites: "M. Labonté affirme
que l'échec des télévisions communautaires est dû
à la faible qualité technique de...". On a l'impression que ce
que vous désirez, c'est une véritable télévision
communautaire. Est-ce que je me trompe ou s'il faut interpréter
vos...
M. Dumais: Nous demandons une télévision qui ne
soit pas conçue comme un mass media, qui soit plutôt un outil de
développement au service
des réalités régionales, qui appartienne aux gens
qui vivent ces réalités, dont les contenus, les orientations et
l'émission soient contrôlés par les populations à
qui cette télévision s'adresse. Par conséquent, ce n'est
pas une télévision communautaire, c'est une
télévision éducative et culturelle au sens large de ces
termes et cela permet à des populations de se donner un miroir de leur
réalité, ça permet aux populations de voir où elles
s'en vont, de mettre de l'avant les débats qu'ils vivent
quotidiennement. C'est évident que pour produire des émissions
dans ce sens, ça prend une équipe de production permanente,
installée en région, qui va exécuter ce que des
représentants démocratiquement élus de la population,
d'après une structure de contenus, d'orientations et d'objectifs, auront
déterminé comme contenu d'émissions.
D'un côté, il y a la population démocratiquement
élue selon des critères que l'on définit dans notre
document qui va déterminer quelles seront les grandes orientations, les
thèmes des émissions, les heures d'antenne, qui répondront
de la mission éducative et culturelle de Radio-Québec. D'un autre
côté, il y aura une structure technique, technologique qui
exécutera... Dans ce sens-là, ça dépasse la
télévision communautaire. Par ailleurs, la
télévision communautaire est plutôt localiste, bien
souvent. Ce qu'on réclame, c'est une télévision
régionaliste, voire sous-régionaliste.
Si on prend une région administrative comme la mienne, il y a
quatre sous-régions. Au Lac Saint-Jean, il y en a deux. On n'ira pas
jusqu'au local, c'est très différent comme
préoccupation.
Mme Lavoie-Roux: Vous avez répondu, je pense, à une
autre de mes questions. Je m'inquiétais de la représentation des
comités régionaux. Apparemment, vous prévoyez que ce sera
fait par élection, que les membres de ces comités
régionaux seront éventuellement élus par la population. Je
trouve ça excellent, parce que souvent, à un moment
donné... Tous les membres seraient élus au suffrage universel, si
je comprends bien; est-ce que c'est ça?
M. Dumais: Oui, d'autant plus qu'on vit actuellement une
situation assez détestable. On est des représentants de
population, mais il n'y a pas eu de référendum, passez-moi le
terme, pour nous donner cette lourde responsabilité. Ce qu'on
réclame, c'est une structure digne de ce nom sur le plan
démocratique, constituée à partir d'un travail
sérieux d'animation, d'enquête, de recherche par une équipe
qui irait chercher dans les différents corps constituant la
société d'une région et des sous-régions des
représentants pour éviter justement que ce soit la chose d'une
clique.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez fait l'examen, sur le plan
financier, des coûts de la régionalisation? Tout à l'heure,
j'entendais le syndicat qui disait: A l'intérieur des budgets actuels,
il y a possibilité qu on travaille à la régionalisation.
Par contre, j'ai devant moi et si je me trompe, j'aimerais bien que le ministre
d Etat au développement culturel me corrige, si on regarde le tableau 4
du rapport Rocher, "Décharge annuelle totale prévisible en
millions de dollars pour quatre modèles de développement
régionalisé de Radio-Québec, ' cela s'étend sur une
période de dix ans. Je ne regarde pas la somme globale.
Mais dès la première année, on parle d'un
investissement de $18 millions, si je prends le chiffre le plus bas; dans un
cas, ça va jusqu'à 20 millions, mais en général
c'est $18 millions. Je me demande si cela ne devrait pas être
clarifié au point de départ. Radio-Québec peut permettre
plus d émissions faites régionalement, augmenter son taux de 3%,
mais il ne semble pas qu'on puisse parler véritablement d'une
régionalisation de Radio-Québec, à moins d'investissements
beaucoup plus considérables.
Alors dans ce sens, il me semble que le budget de $22 millions actuel,
même si on dit que la gestion est mauvaise, qu'il y aurait des
priorités qui devraient être réexaminées, etc., je
suis prête à accepter ça, il semble bien que ce soit
difficile, à moins d'un investissement beaucoup plus massif de la part
de l'Etat vis-à-vis de la régionalisation de Radio-Québec.
Est-ce que vous avez examiné ça, est-ce que vous avez
examiné le rapport Rocher d'abord?
M. Dumais: Oui, nous avons lu le rapport Rocher, mais, si vous
nous le permettez, nous n'aimerions pas trop aborder le rapport Rocher parce
que cela n'a pas fait l'objet d'un consensus entre les régionaux. On a
notre idée là-dessus et on aimerait la rendre officielle.
Pour répondre à votre question de tout à l'heure,
nous avons effectivement jonglé avec des chiffres. Mettez-vous à
notre place, nous sommes loin, coupés de tout document sérieux.
Nous évaluons au pifomètre, bien souvent, parce qu'il nous manque
tous les outils de travail pour travailler sérieusement, mais on vient
à bout de s'en sortir. Dans notre document, cela nous a surpris
agréablement, nous rejoignons ce qu'a prévu le rapport Rocher au
niveau des sommes que cela nécessiterait. Nous avions prévu,
strictement pour la cinquième année, pas loin de $70 millions
d'investissement pour faire fonctionner le réseau. Le rapport Rocher
n'est pas tellement loin de cela. Ces gens l'ont fait, évidemment, avec
des documents plus sérieux.
Mais c'est un fait que les outils de travail nous ont manqué. On
estime que, si on prend ce que cela coûte, en moyenne, pour produire une
heure de télévision, compte tenu que, dans les régions,
probablement que toutes les émissions ne seront pas faites à
partir de 16 millimètres et repiquées en vidéo, cela va
coûter sans doute moins cher... On parle de postes
décentralisés dans les régions où les gens iront
dire ce qu'ils ont à dire. A chacune de ces émissions, cela ne
sera pas du 16 millimètres chaque fois, ce qui va diminuer les
coûts grandement. On a pris cela comme critères pour sortir nos
chiffres.
Mme Lavoie-Roux: Je ne prendrai pas plus de temps, le temps
court. Je veux simplement vous dire que je suis favorable à une
véritable décentralisation. Vous avez tout à fait raison,
en page 5, lorsque vous dites qu'il ne s'agit pas d'être consultés
à travers d'autres organismes, d'une structure très
compliquée et que, finalement, en fin de compte, on a peut-être
notre mot à dire.
Compte tenu du fait que vous êtes vraiment soucieux d'une
représentation démocratique, même à partir d'un
suffrage, je pense qu'on devrait vous donner toutes les chances. Evidemment, je
suis aussi consciente des limites de l'Etat au plan financier, mais il me
semble que Radio-Québec remplira vraiment sa vocation, au plan
éducatif, si on réalise ces objectifs à plus long terme.
Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: M. le Président, nous venons d'entendre M.
Dumais qui nous a donné certaines précisions quant aux
activités de Radio-Québec. Il y a trois questions bien
spécifiques. Est-ce que, dans le livre blanc qui est accidentellement
tombé dans les mains du public dernièrement, qui est
préconisé par le ministre d'Etat au développement
culturel, il n'y a pas une invitation plus profonde à
régionaliser le domaine éducatif, particulièrement dans
vos régions, contrairement à ce que dit le rapport de Mme
Irène Ellenberger qui dit qu'il y a un désaccord au niveau de la
régionalisation à Radio-Québec?
Le président de l'ORTQ se dit en total accord avec le rapport
Rocher sur l'avenir de Radio-Québec car, selon lui, ce document est un
prolongement de son plan triennal de régionalisation.
Or, le rapport Rocher lui-même rejette l'hypothèse de
régionalisation telle que convenue dans le plan de Radio-Québec.
C'est Mme Ellenberger qui dit cela dans son rapport ce matin.
Contrairement à ce que disait le PDQ, M. Labonté: En
principe, lançait-il, on pourrait concevoir une télévision
éducative qui n'aura aucune préoccupation régionale... Il
avait lu le rapport puisqu'il a dit qu'il avait même participé
à certaines séances.
Et du même souffle, il ajoutait: Notre culture n'est plus une
mosaïque constituée d'une multitude de pièces, mais bien un
ensemble de valeurs partagées par tous les Québécois qui
viennent l'agrémenter de particularismes régionaux. C'est
pourquoi le coeur de notre programmation sera toujours fait d'émissions
à caractère national.
D'abord, la première question. Combien y a-t-il de comités
régionaux dans la province?
M. Dumais: Huit.
M. Bellemare: Combien y en avait-il au début?
M. Dumais: Huit.
M. Bellemare: Ils sont restés huit. Est-ce que les huit
comités régionaux sont opérants?
M. Dumais: Vous comprendrez...
M. Bellemare: Est-ce que ce n'est pas plutôt le vôtre
qui est le plus en vedette à cause de l'implantation de Radio-Canada
à Rimouski?
M. Dumais: Cela n'a rien à voir.
M. Bellemare: Cela n'a rien à voir. (12 heures)
M. Dumais: Vous comprendrez qu'après deux ans d'effort, de
bénévolat, à travailler sur une structure, travailler sur
des principes, lorsque cela tarde à déboucher, qu'il y ait
toujours une nouvelle ruelle qui s'annonce, une nouvelle avenue, un nouveau
boulevard qui se dessine quelque part, vous comprendrez que les
bénévoles, de temps en temps, vont en avoir ras le bol. Il va y
avoir une espèce de désaffection, c'est normal, c'est humain.
M. Bellemare: Vous parlez, M. Dumais, de
bénévoles?
M. Dumais: Oui.
M. Bellemare: Combien représentez-vous de
bénévoles actuellement?
M. Dumais: Théoriquement, il est censé exister six
représentants par comité. Je vous dis qu'il y a des postes
vacants actuellement. S'il y a huit comités, plus des personnes
ressources qui se sont adjoints à ces comités, je mets un maximum
actuellement d'une quarantaine de personnes qui, au Québec, travaillent
comme bénévoles. Je vous ouvre une parenthèse. Si vous
acceptez par ma définition du mot bénévole le fait que,
traditionnellement, l'ORTQ défrayait des émoluments à ceux
qui y donnaient du temps, c'est-à-dire qu'on donnait une journée
de travail sur la régionalisation, à ce moment-là, les
comités régionaux nous défrayaient ce que l'employeur nous
enlevait pour avoir travaillé pour Radio-Québec. On nous payait
les frais de déplacement et tout cela. Mais, encore là, cela veut
dire qu'en dehors strictement des cinq ou six heures quotidiennes qu'on mettait
là-dessus, il est évident qu'on assumait une présence
quotidienne, on travaillait régulièrement chacun dans nos
régions sans émoluments. Je ferme la parenthèse pour vous
dire que ce qui m'apparaît important là-dedans, ce n'est pas le
nombre réel de ceux qui subsistent encore au bout de deux ans de ce
travail, c'est le mandat qu'on nous a donné dans les régions de
faire valoir le point de vue de 165 rédacteurs de mémoires de
1975. Cela m'apparaît beaucoup plus important. Selon moi, c'est
évident que si cela tarde encore à se régler, dans trois
semaines, on sera vingt au lieu de quarante. Je ne sais pas comment mes
collègues vont réagir.
M. Bellemare: C'est-à-dire que selon vos relations avec M.
Labonté, le PDG de Radio-Québec, vous avez tous les mois
d'information de la direction des comités régionaux?
M. Dumais: C'est-à-dire que, l'an dernier, cela
fonctionnait à peu près sous cette forme. Il y avait
régulièrement des réunions de travail entre des
représentants de la direction de la régionalisation de l'office
et les présidents des comités régionaux. Evidemment,
à partir du moment où nous nous sommes dits des
représentants des régions auprès de l'office et que nous
avons estimé que ce que nous présentait l'office était de
moins en moins acceptable, il s'est produit une espèce de
phénomène normal, celui de travailler chacun de notre
côté et les réunions ont été beaucoup moins
fréquentes.
M. Bellemare: Du 1er janvier 1978 au 1er mai 1978, combien de
rencontres avez-vous eues?
M. Dumais: Cette année?
M. Bellemare: En 1978.
M. Dumais: Je pense que c'est deux.
M. Bellemare: Deux rencontres. Vous étiez les huit ou les
six, cinq ou quatre représentants régionaux?
M. Dumais: Théoriquement, il y avait des
représentants de toutes les régions.
M. Bellemare: II y avait des représentants de toutes les
régions. Vous nous assurez qu'il y a eu deux rencontres dans lesquelles
vous ne vous êtes pas entendus sur la planification de la
régionalisation de Radio-Québec?
M. Dumais: Est-ce que M. Michel Schmouth pourrait vous
répondre là-dessus? Il a des informations plus
précises.
M. Bellemare: Oui, d'accord.
M. Schmouth (Michel): Le problème, en tout cas, la
divergence actuellement quant à la collaboration possible dans les
travaux, origine d'une contestation qui avait été faite en juin
dernier par l'assemblée des présidents régionaux dans un
mémoire qu'ils avaient soumis à Radio-Québec.
M. Bellemare: En 1977?
M. Schmouth: En juin 1977. Dans ce mémoire, les
présidents demandaient des éclaircissements sur le programme de
régionalisation de Radio-Québec, qui leur apparaissait
insatisfaisant et trop obscur. A ce moment-là, les comités
régionaux, qui n'avaient aucun statut légal, aucun statut
juridique, hésitaient énormément à aller cautionner
dans leur région un programme dont ils ne connaissaient pas la fin et
qui leur apparaissait beaucoup trop obscur. C'est en ce sens que les
comités régionaux ont demandé à revoir avec la
direction de Radio-Québec toute la question de la régionalisation
du plan triennal?
M. Bellemare: Cela a été fait?
M. Schmouth: Cela a été fait difficilement, parce
que la réponse qui en a été faite, c'est un cahier qui
nous a été envoyé par la direction générale
de Radio-Québec, qui s'appelait: "La régionalisation de
Radio-Québec, état de la situation, août 1977", auquel nous
avons répondu par un rapport synthèse dans lequel était
annoncé l'ensemble des énoncés de principe sur lequel
devait se baser la régionalisation. Ce n'est que le 18 avril 1978, je
dis bien cinq mois plus tard, que nous avons reçu la réponse de
la direction de Radio-Québec, que j'ai ici en main, et de laquelle nous
avons retiré quelques propos que nous avons dans notre
mémoire.
Le problème majeur est le suivant: Les dirigeants de
Radio-Québec considèrent que les comités régionaux
sont des structures fonctionnelles rattachées à des mandats
précis; de fait, nous l'avons accepté lors de la remise du
rapport synthèse des mémoires en janvier 1976. Il est
évident qu'à ce moment, en janvier 1976, lorsque les
comités ont été mis sur pied, les comités
régionaux n'avaient pas le choix d'accepter ou pas, parce que la
réponse des comités régionaux, à ce moment, a
été: Aussi bien embarquer à reculons dans un train que de
ne pas embarquer du tout, au risque de rater le minimum. Je crois même
que M. Labonté l'a cité en commission parlementaire ici la
semaine dernière.
M. Bellemare: Pourriez-vous me dire, par région, combien
il y en a qui sont payés?
M. Schmouth: Par région actuellement, comme Nelson le
disait tout à l'heure, chacun des membres des comités
régionaux reçoit $60 pour une journée de réunion.
Le personnel engagé: il y avait un secrétaire régional
qui, lui, était contractuel à temps plein, c'est-à-dire
qu'il avait un mandat d'un an dans les mains. Il était payé par
la direction de Radio-Québec, mais son travail était en fonction
des mandats que lui confiait le comité auquel il était
attaché; il y avait également une sténo-secrétaire
à temps partiel, c'est-à-dire qu'elle travaillait 17 h 30 par
semaine.
M. Bellemare: C'est ma dernière question. Est-ce que
Radio-Québec semble vouloir conserver la régionalisation ou pas?
Est-ce qu'on veut vous faire disparaître ou pas? Je serais heureux de le
savoir. Selon le document que vous avez reçu de l'office, vous dites
qu'on a répondu à certaines demandes. Est-ce qu'on voudrait
effacer la régionalisation des comités régionaux ou
non?
M. Dumais: Jusqu'à dernièrement, ce qu'on avait su
officiellement de l'office, c'était que les comités
régionaux étaient prolongés jusqu'au rapport Rocher. Le
rapport Rocher a été remis. Il va sans doute se produire quelque
chose. De mauvaises langues sont en train de nous glisser à l'oreille
que les téléphones, ayant été récemment
débranchés dans les régions, c'est de mauvais augure. Par
contre, l'office dit être entièrement d'accord avec le rapport
Rocher, ce qui nous a agréablement surpris.
M. Bellemare: Aujourd'hui, vous avez beaucoup moins de
communication avec Radio-Québec que vous n'en aviez avant. Votre avenir
vous inquiète parce que vous sentez qu'on va vous faire
disparaître, oui ou non?
M. Dumais: On ne le sait pas trop. Cela a l'air qu'on va
continuer.
M. Bellemare: Cela a l'air que vous allez continuer dans quelle
sorte d'activités?
M. Dumais: On veut bien que ce soit dans les activités qui
sont chères à nos régions et qui sont conformes à
ce que...
M. Bellemare: Oui, mais c'est contraire au document que vous avez
reçu.
M. Dumais: Oui.
M. Bellemare: C'est vrai. Alors, qu'est-ce qui arrive? Si c'est
contraire au document que vous avez reçu, ce qui a été
admis tout à l'heure, quel est votre avenir? C'est nul, c'est rien,
surtout avec le livre blanc qui s'en vient, avec le rapport Rocher. Mme
Ellenberger dit que le rapport Rocher lui-même rejette l'hypothèse
de la régionalisation. Quel va être votre avenir?
M. Dumais: Le rapport Rocher, jusqu'à maintenant, ce qu'on
en sait, va dans un sens très régionaliste. Ce qu'on savait,
c'était que Radio-Québec s'en tenait à son plan triennal.
A partir de ce moment, on a su qu'il avait collaboré au niveau d'un
sous-comité à la préparation du rapport. Il était
sur les différents sous-comités; je pense qu'il y en avait
quatre. Quant à celui ayant trait à la régionalisation,
apparemment, il a inscrit un rapport minoritaire pour rester conforme à
son idéologie du plan triennal. A ce moment, le rapport Rocher rejetant,
à toutes fins pratiques c'est bien clair, à la page 46 du
rapport Rocher le plan triennal, Radio-Québec s'est rallié
à la dernière minute on en est fort aise, mais on est
devant une situation où il faudrait s'entendre entre nous pour savoir ce
qu'on va faire avec cela.
M. Bellemare: Est-ce que la commission parlementaire de ce matin
va vous rendre service?
M. Dumais: Oui.
M. Bellemare: Oui? Merci, messieurs.
Le Président (M. Jolivet): M. Schmouth veut ajouter
quelque chose, je pense?
M. Schmouth: Oui, la commission parlementaire va nous rendre
service à partir du moment où on parviendra à glisser
quelques interrogations, entre autres, que mes confrères et moi
partageons, à la fois, sur le rapport Rocher et sur les
difficultés dont nous avons actuellement à faire face avec la
direction de Radio-Québec. A partir du moment où, par exemple, la
direction de Radio-Québec considère que le rapport Rocher est
excellent et l'applaudit à deux mains, nous, ça nous
inquiète, pour la raison suivante. D'abord, parce qu'on y rejette le
plan triennal auquel ils ont toujours tenu. Quant à nous, nous ne
considérons pas le rapport Rocher comme étant un prolongement du
plan triennal. De plus, le rapport Rocher, dans ce sens-là, est
appréciable. Il se refuse à définir les modalités
de participation de toute structure régionale ou nationale en ce qui
regarde le programme de régionalisation de Radio-Québec. Nous
l'apprécions, parce que nous croyons que les régions... parce
qu'on nous avait confié ce mandat au moment où on a
créé les comités régionaux, nous croyons que ce
mandat nous revient, c'est-à-dire de définir les structures de
participation démocratique dans lesquelles nous permettrons à nos
populations régionales d'avoir un accès direct à la
télévision éducative.
Quand je regarde le rapport Rocher, parce qu'ils se sont refusés
à s'embarquer à ce niveau, ça nous semble
intéressant; mais ça laisse encore place à beaucoup
d'interprétations. Là où la commission parlementaire ou,
encore, la consultation publique qui se tient actuellement au niveau du rapport
Rocher peut nous aider aussi... parce qu'il est mentionné à la
recommandation no 7 du rapport Rocher que les structures de participation et
les champs de responsabilités seront inscrits dans la loi de l'office et
nous, lorsqu'on ira s'asseoir avec Radio-Québec pour décider de
quelle façon on allait mettre en application et de quelle façon
chaque région évoluerait avec la croissance et le rythme dont
elle est capable, ce sera lorsque cela aura été écrit dans
une loi, suite à une consultation publique pendant laquelle nous avons
l'intention de nous prononcer. Mais, entre-temps, toutes ces choses laissent
à interprétation, et ce sont ces interprétations sur
lesquelles nous avons l'intention d'intervenir, soit dans un mémoire
d'ici le 14 juin, à la fin de la consultation publique.
Je pourrais peut-être citer seulement un exemple. Si je vais, par
exemple, au rapport Rocher, à la page 30, où on définit
les responsabilités nationales et les responsabilités
régionales, les responsabilités régionales me semblent
assez claires. Il nous reste à définir quelle structure devra
être mise en place en région. Mais les responsabilités
nationales, pour moi, ne sont pas claires; parce que les responsabilités
nationales, selon la façon dont je les lis, me laissent présager
qu'il y aurait possiblement deux structures au national, à la fois un
centre national de production, tel qu'on le connaît actuellement, mais
aussi un organisme central qui viendrait répartir les
responsabilités et viendrait, finalement, appliquer les huit
premières responsabilités nationales. Alors que les trois
dernières, soit assurer la production, fournir aux organismes
régionaux certaines ressources d'appoint et veiller à
l'acquisition d'émissions de contenu éducatif, m'apparaissent des
responsabilités qui devraient être affectées à un
centre de production. Mais, actuellement, notre position, nous, les
régionaux, face au centre national de
production, ce n'est pas ça. Nous, actuellement, sommes les
mandataires ou, si vous voulez, les exécutants d'une boîte de
production. Or, ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons être les
mandataires d'une population qui ira siéger aussi dans un organisme
central et qui assumera certaines responsabilités nationales, entre
autres, les huit premières.
Cela n'est pas mentionné dans le rapport, et ce sont toutes ces
choses qui laissent place à des interprétations et qui
m'amènent à penser que ce n'est pas surprenant que
Radio-Québec trouve que le rapport Rocher est intéressant, parce
que s il s'approprie l'ensemble des onze responsabilités qu il y a
là, c'est évident qu'il joue un très bon rôle
là-dedans, mais, nous, ce n'est pas comme cela qu'on le voit.
M. Bellemare: Tout cela sera possible, si vous êtes encore
en vie.
M. Schmouth: En ce qui me concerne, si je peux me permettre de
répondre à M. le député de Johnson, je ne crois pas
que notre existence soit en jeu. Ce qui est en jeu, c'est le rôle qu'on
va y jouer, c'est la part décisionnelle qu'on va y avoir. C'est cela qui
est en jeu et, quand nous nous inscrivons en faux contre le rôle qu'on
voudrait bien nous voir jouer en région...
M. Bellemare: ...
M. Schmouth: Oui et nous demandons à faire partie de
structure décisionnelle.
M. Bellemare: C'est cela, d'accord, merci. (12 h 15)
Le Président (M. Jolivet): Merci aux représentants
des comités régionaux.
Je demanderais aux représentants de l'Association des
réalisateurs-diffuseurs de Radio-Québec de venir prendre place
maintenant. Pendant qu'ils s'installent, vous allez avoir une
déclaration qui va être donnée à chacun des membres
et qui sera lue ou commentée par la personne responsable du groupe
à laquelle je demande son identification ainsi que celle des gens qui la
secondent.
M. Bellemare: Pendant qu'ils vont s'installer, une question au
ministre.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Bellemare: Est-ce qu'il y aurait une divergence fondamentale
entre le gouvernement...
Le Président (M. Jolivet): Le député de
Bourget, ministre d'Etat.
M. Bellemare: Oui...
Mme Lavoie-Roux: Cela n'est pas dans le débat.
M. Bellemare:... le ministre d'Etat au dévelop- pement
culturel et la direction de Radio-Québec sur la conception de la
réorganisation de Radio-Québec?
D'abord, ce qui nous incite à croire cela, c'est le rapport
Rocher, en désaccord avec le plan triennal de Radio-Québec, ce
sont les fuites sur le livre blanc au développement culturel...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): II y a une question de Mme le
député.
Mme Lavoie-Roux: M le Président, je suis tout à
fait d accord pour qu'on pose des questions au ministre, vous le savez, je sais
que le député de Johnson doit partir à 12 h 30 et cela me
peine beaucoup, mais je ne voudrais pas que, ensuite, à 12 h 30, on
arrête les travaux et que le temps pour lequel je me suis battue pour
avoir des questions, finalement, s évapore. Je ne sais même pas
s'il va en rester, comme on est là, et j'aimerais demander, s'il y a
possibilité, de continuer à siéger jusqu'à une
heure moins quart.
Le Président (M. Jolivet): Si tout le monde est d accord
pour continuer jusqu'à une heure moins quart?
Des Voix: D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Cela va, d'accord, on s entend
pour terminer plutôt à une heure moins quart.
Je demanderais maintenant au représentant du groupe son
identification ainsi que celle de ses adjoints.
Association des réalisateurs diffuseurs de
Radio-Québec
M. Leduc: Guy Leduc, président de l'association. J'ai
à mes côtés Hélène Gédalof,
première vice-présidente, suivie, à ma droite toujours, de
Jean-Louis Béland, secrétaire de l'association, et de Guy Parent,
membre de l'association.
Le Président (M. Jolivet): Vous avez un mémoire
à déposer?
M. Leduc: Oui, et je demanderais au secrétaire de nous en
faire lecture, s'il vous plaît.
M. Béland: Voici la déclaration de I'Association
des réalisateurs de Radio-Québec, qui a été
votée à l'assemblée de mardi dernier. "En septembre 1973,
à la veille de la grève du Syndicat général des
employés de Radio-Québec, le président-directeur
général de Radio-Québec réunissait les
réalisateurs pour leur tenir ce language: "Messieurs, vous êtes
des cadres et, à ce titre, vous devez être solidaires des
positions de la direction."
En mars 1978, cette fois, au lendemain d'un lock-out touchant le
même syndicat, la direction
semble considérer que ses réalisateurs sont davantage
assimilables aux non-cadres qu'au personnel de direction et les force au
chômage. L'Association des réalisateurs s'estime donc
autorisée à croire que la direction de Radio-Québec
n'attend plus d'elle la même solidarité et veut maintenant
affirmer sa liberté de penser et de l'exprimer, ce qu'elle fera autant
qu'elle le jugera nécessaire dans les débats qui concernent
Radio-Québec.
Soucieuse d'intervenir le moins possible dans la dialectique du
présent conflit syndical, l'association n'entend pas pour autant
cautionner par son silence une démarche susceptible de fausser le
rapport des forces en présence, et ce au détriment de ses
collaborateurs. La direction de Radio-Québec a refusé d'appliquer
les dispositions prévues à la convention collective en cas de
mise à pied et ce, en prévenant l'association que la marge de
négociation était pratiquement inexistante. Les
réalisateurs, ne disposant pas d'une véritable force de
négociation en raison de la suspension des activités de l'Office
de radiotélédiffusion du Québec, n'auraient eu d'autre
ressource que la procédure de grief qui les aurait menés à
l'arbitrage au bout de plusieurs mois au cours desquels ils auraient
été privés des revenus auxquels ils ont droit.
L'Association des réalisateurs de Radio-Québec se doit de
dénoncer l'intransigeance de la direction à propos d'une mesure
dont l'odieux a fait qu'elle fut acceptée par une très faible
majorité.
Parlons maintenant de la gestion. Dans plusieurs milieux on
dénonce l'incapacité de Radio-Québec d'offrir une
programmation plus séduisante qui permettrait d'atteindre un plus vaste
public. On a lu, dans des articles de journaux, les insinuations à
l'effet que cet état de chose serait dû en partie à
l'incompétence du groupe pépère que constitueraient les
réalisateurs. Comme ces insinuations ne furent jamais relevées
par la direction de Radio-Québec, les réalisateurs se voient dans
l'obligation de le faire eux-mêmes. Les textes ne manquent pas à
la direction des programmes pour encourager le personnel à viser le
monde ordinaire, mais si une telle recommandation ne s'assortit pas de mesures
de soutien adéquates, elle risque d'évoquer les
célèbres paroles de Ponce Pilate: Lavabo inter innocentes.
M. Bellemare: Je n'ai pas besoin de demander d'explications. Je
pense que: Qualis magister talis discipulus.
M. Béland: Des 25 réalisateurs permanents à
Radio-Québec, 21 y travaillent depuis 1971. Une étude
effectuée en 1975 démontre qu'en venant à
Radio-Québec, ils possédaient une expérience de leur
métier presque deux fois plus longue que celle des administrateurs dans
leur propre fonction. Ce sont ces réalisateurs qui, unanimement, au
printemps de 1977 rejetaient la grille de programmation 1977/78, estimant qu'il
s'agissait d'une grille grise qui ne correspondait pas aux
intérêts de la société québécoise. Ce
sont ces mêmes artisans qui ont créé, au début de
l'histoire de Radio-
Québec, des séries d'émissions comme les Oraliens
et les Cent tours de Centour. On ne niera pas à ces productions leur
qualité et l'attrait qu'elles ont exercé sur notre jeunesse. On
se souviendra aussi des nombreux prix dont s'en est enorgueilli
Radio-Québec dans la Communauté internationale des
émissions éducatives. Mais on y mettait le prix et la foi.
Depuis sa naissance en 1968, jusqu'à cette époque,
Radio-Québec produisait exclusivement sur commande, ses clients
privilégiés étant les ministères du Québec.
Les problèmes de fonds ne se posaient pas vraiment et on
réussissait même à réaliser des profits. Quand il
recevait une affectation, le premier collaborateur que s'adjoignait le
réalisateur était généralement un
scénariste, le traitement dramatique étant de beaucoup
privilégié.
Au début de 1972, survint la grève de l'Union des
artistes, qui empêcha Radio-Québec de remplir son carnet de
commandes. Les conflits opposèrent la direction de Radio-Québec
au ministère de l'Education, SGME et au ministère des
Communications, OIPQ. En même temps, la commission politique du Parti
libéral recommandait la dissolution de Radio-Québec qui, selon
elle, n'était qu'un éléphant blanc. Menacé par le
pouvoir politique, Radio-Québec décida de fuir en avant. En
septembre 1972, il entrait en ondes à Montréal, sur le
câble. Ne disposant pas de fonds spécifiquement prévus
à cette fin, les nouvelles émissions furent financées par
les profits de la production commanditée.
Privés des talents de l'Union des artistes, engoncés dans
des budgets ridicules, les réalisateurs n'eurent d'autre alternative que
de faire des shows de chaise. C'est ainsi que Radio-Québec entreprit de
charmer le public téléspectateur. La grève de l'Union des
artistes devait durer près de deux ans, période au cours de
laquelle les conditions de production furent loin de s'améliorer.
Au cours de l'année 1974, probablement dans le cadre d'un
difficile contentieux politique, la décision d'accéder aux ondes
UHF fut prise par la direction de Radio-Québec. Encore là, les
ressources nécessaires pour amorcer la production qui devait prendre
l'antenne en janvier 1975 n'avaient pas été prévues.
Réalisant qu'il n'était pas possible d'assumer cette production
tout en continuant d'alimenter le câble, la direction ordonna au
début de l'automne de cesser toute production, de résilier sur le
champ les contrats des pigistes et de s'attaquer immédiatement à
la nouvelle grille de programmation.
C'est aux réalisateurs qu'incomba l'odieux d'annoncer ces mesures
à leurs collaborateurs. Cette période est connue chez nous comme
celle du black-out du câble, qui dura près de deux mois. En
décembre de la même année, l'Union des artistes signait
avec Radio-Québec sa première convention de travail. Mais
c'était trop tard, Radio-Québec entrait en ondes un mois plus
tard et les participants étaient déjà sous contrat.
Les budgets étaient ceux qu'on avait
récupérés lors du black-out, c'est-à-dire que la
qualité
des émissions offertes sur l'antenne ne différait pas
beaucoup de celle que l'on présentait sur le câble.
On peut supposer que, dans la semaine du 19 janvier 1975, un grand
nombre de téléspectateurs attendaient, aux canaux 17 et 15, pour
voir à quoi ressemblait cette nouvelle télévision. Il est
probable que Radio-Québec a alors perdu un auditoire considérable
en même temps qu'une bonne part de sa crédibilité qui ne
fut jamais récupérée par la suite. Et pour cause. Les
conditions de travail, au lieu de s'améliorer, ne cessèrent de se
détériorer.
Si la diffusion sur le câble était considérée
comme une expérience qu'on pouvait prendre détendu, en toute
relativité, l'opération antenne propulsait Radio-Québec
dans les ligues majeures. Les équipes de production étaient
conscientes qu'il fallait améliorer la qualité des
émissions. Comme les ressources demeuraient insuffisantes, on augmenta
le rythme de travail, on greva les budgets de temps supplémentaire, et
on creva aussi des gens. Le temps de préparation était
insuffisant. On amorçait parfois la production des séries un mois
seulement avant leur diffusion. Les outils de travail n'étaient pas
toujours adéquats. Pour rentabiliser certains équipements lourds,
on les imposait tout simplement aux réalisateurs, ce qui augmentait les
temps de production, ce qui augmentait les frais. Le film qui était
reconnu pour sa légèreté et sa mobilité
était rationné à cause des frais de pellicule et de
laboratoire qui étaient imputés directement au budget du
réalisateur. Les cars de reportage vidéo, qui
nécessitaient des équipes techniques beaucoup plus
considérables, échappaient, par la vertu d'une étrange
comptabilité, à cette règle. Le temps
supplémentaire des techniciens, étant imputé à un
autre budget, n'était plus prohibé.
Et que dire des querelles entre administrateurs dont les
réalisateurs firent les frais? Des budgets furent distribués en
minces tranches d'un mois jusqu'à ce qu'une décision
définitive soit prise, pour qu'enfin, le réalisateur soit encore
forcé d'assumer l'odieux de résiliations de contrats au
détriment de sa crédibilité professionnelle.
Il y a aussi la régionalisation que Radio-Québec n'avait
pas les moyens financiers d'entreprendre. Les fonds furent pris à
même le budget général de l'office et les sommes d'argent
consacrées à l'implantation administrative amputèrent
d'autant les budgets de production d'émissions.
Les fins d'années fiscales difficiles, les coupures des budgets
de production, presque toujours les mêmes, les premiers affectés.
Les suppressions d'émissions encore accompagnés de
résiliations de contrats. Les campagnes publicitaires de prestige
davantage axées sur l'institution que sur les contenus
d'émissions, les mandats de réalisations vagues et souvent
irréalistes, l'absence de rétroactions valables du public,
l'imprécision des objectifs poursuivis par Radio-Québec,
l'impression de travailler dans le vide: les conflits de travail où les
réalisateurs se trouvaient coincés entre la direction et les
syndiqués, les difficultés de communications avec les
administrateurs et entre les administrateurs, l'absence d'unification des
processus de programmation et de réalisation, les nouvelles structures
administratives et l'incroyable "turn over" des administrateurs à la
direction de Radio-Québec.
Tout ceci, M. le Président, n'est pas un roman, c'est l'histoire
de Radio-Québec. Les réalisateurs sont bien placés pour la
raconter. Ils sont le groupe d'employés le plus ancien de
Radio-Québec. Ils n'ont pas qu'observé, ils ont vécu et
avec une acuité rendue plus grande par la définition même
de leur rôle.
Il peut être facile de distribuer des blâmes tant aux
syndiqués qu'aux réalisateurs et à la direction. Une
grande part des problèmes qu'affronte l'organisation ne serait-elle pas
attribuable au fait qu'elle n'a jusqu'à maintenant jamais
été appuyée par une authentique volonté politique?
Son histoire n'est-elle pas une constante fuite en avant, un enchaînement
de faits accomplis que nous n'avions pas les moyens de nous payer afin de lui
assurer légitimité et survie?
Il ne reste qu'à souhaiter que cette volonté politique
s'affirme clairement et tienne compte du vécu de Radio-Québec. Le
danger persiste en effet que des erreurs soient perpétuées parce
qu'elles n'auront pas été reconnues. Il ne reste qu'à
souhaiter qu'une harmonie nouvelle s'installe à Radio-Québec
où pourront s'exercer les bonnes volontés du début,
où cessera la stérilisation des talents et des énergies.
Il ne reste qu'à souhaiter que Radio-Québec fasse davantage de la
télévision éducative et moins de stratégie. (12 h
30)
Le Président (M. Jolivet): Merci! Mme le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je veux simplement
remercier l'Association des réalisateurs de Radio-Québec qui a
ajouté quelques pages au dossier de Radio-Québec et je
m'abstiendrai de poser des questions pour pouvoir, le plus rapidement possible,
compte tenu du temps qui nous reste, poser des questions au ministre.
Le Président (M. Jolivet): Merci! M. le
député de Johnson.
M. Bellemare: Je suis très heureux de remercier ces
honorables messieurs d'être venus ce matin apporter un nouveau
témoignage qui sensibilisera, je l'espère, le ministre aux
difficultés inhérentes que vous rencontrez depuis quelques
années. Merci à tous ceux qui sont venus. Moi aussi je
réserve mes questions au ministre pour la petite période qui
reste.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, je ne serai pas long, pour
vous permettre justement de poser vos questions. Par ailleurs, je pensais qu'on
avait convenu qu'il y aurait une période aussi qui serait
réservée au président-directeur général pour
qu'il puisse faire la réplique.
Personnellement, je dois avouer qu'à la suite de la lecture du
mémoire de l'Association des réalisateurs, j'aurais
énormément de choses à dire à M. Labonté,
parce que, jusqu'à un certain point "il y a des choses qu'il nous a
cachées dans son témoignage" à des questions
précises. On voit que l'Association des réalisateurs vient dire,
dans certains domaines, exactement le contraire de ce que M. Labonté
nous avait dit la semaine dernière.
J'aurais seulement une question. D'abord, je vous rappellerai la
question que je vous ai posée tantôt quant à
l'équipement. Ma dernière question. Vous nous expliquez dans
votre mémoire que la direction de Radio-Québec a refusé
d'appliquer les dispositions prévues à la convention collective
et vous a indiqué qu'il n'y avait pas de négociation possible,
pour vous amener à signer, je suppose bien, l'entente concernant
l'assurance-chômage. Mes questions là-dessus sont: En quoi la
direction de Radio-Québec a-t-elle refusé d'appliquer la
convention collective. Autrement dit, quelles clauses de la convention
s'appliquaient dans les circonstances? Deuxièmement, qui a
été le porte-parole pour vous indiquer qu'il n'y avait pas de
marge de négociation possible? Troisièmement, est-ce que vous
saviez que dans le cas de lockout, la jurisprudence établie dans le
milieu prévoit que les syndiqués non touchés ou non
visés par un conflit ont droit à 100% de leur salaire?
M. Leduc: Au sujet de la lettre d'entente pour le plan
supplémentaire d'assurance-chômage, nous avons été
avisés par...
M. Bellemare: Plus fort. Approchez le micro.
M. Leduc: Nous avons été prévenus le
mercredi je n'ai pas la date précise avant la fin du mois
de mars, que Radio-Québec avait fait une entente avec
l'assurance-chômage. On nous a déposé les documents, nous
demandant de prendre une position très rapide pour le vendredi, de plus,
nous disant que l'article 11 de notre convention, qui prévoit la
cessation d'emploi ou le renvoi temporaire des employés, ne pouvait
s'appliquer, étant donné que Radio-Québec faisait
uniquement une cessation d'emploi et n'arrêtait pas ses activités.
Le jeu de mots est très beau et il est peut-être débattable
au niveau juridique.
Un peu coincés par les circonstances et surtout par le temps, le
court délai, nous avons accepté ce compromis afin d'éviter
un débat juridique qui nous aurait amenés jusqu'à
régler celui de la CSN et de Radio-Québec, nous forçant
ainsi à prouver que, dans un cas, le lock-out était vrai, ou,
encore, qu'il y avait une mise à pied des employés, qu'il y avait
une grève, quoi.
Si bien que, devant ça, nous avons choisi une solution assez
conservatrice peut-être, mais aussi protégeant nos gens pour avoir
un gagne-pain, alors qu'ils n'étaient même pas partie et n'avaient
jamais pris parti dans ce conflit.
M. Bisaillon: Qui a été le porte-parole?
M. Leduc: Me André Loranger, la deuxième fois,
quand on est revenu, qui nous a imposé, qui nous a dit: Voici! Le plan
que vous avez là est dû aux conséquences et aux exigences
du plan de l'assurance-chômage prévu à Ottawa et
approuvé par M. Mclntyre.
M. Bisaillon: Et la première fois? Vous nous parlez d'une
deuxième fois. La première fois, c'était...
M. Leduc: Le comité conjoint, qui est composé de M.
Yvon Malo, directeur du personnel et, habituellement, de notre directeur, M. L.
Fournier, mais il y avait là aussi, cette journée-là,
beaucoup d'autres gens.
Le Président (M. Jolivet): Donc, je ne pense pas qu'il y
ait d'autre question.
M. Parent (Guy): Oui...
M. Bisaillon: Oui, il y avait la question de la jurisprudence...
Vous aviez demandé si les réalisateurs étaient au courant
de la jurisprudence...
Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous approcher le micro,
parce qu'on n'entend pas du tout.
M. Bisaillon: J'ai effectivement posé une question
relativement au fait qu'il y a une jurisprudence en cas de lock-out qui s'est
établie au Québec, et je voulais savoir si vous étiez au
courant de cette jurisprudence. Mon autre question concernait les
équipements techniques.
M. Parent: C'est non.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Il y avait la
deuxième partie de la question qui était posée,
monsieur.
M. Parent: II ne s'agit pas ici de faire le tour de tout le
débat sur la question technique ou l'équipement technique
à Radio-Québec. Dans le mémoire de l'association, on dit,
à un moment donné, que, pour rentabiliser certains
équipements lourds, on les imposait tout simplement aux
réalisateurs. Il y en a plusieurs parmi nous qui ont vécu cette
situation. Toute la dialectique à propos de cette discussion, il s'agit
de savoir que le choix, comme le disait tout à l'heure, les gens du
SGERQ, d'un certain équipement, détermine les méthodes
d'opération et le nombre de personnes qu'il faudra mobiliser pour faire
une certaine production. Je prends, par exemple, le cas d'une équipe de
film; on a vu des gens se promener, autour d'ici, avec une seule caméra
à l'épaule. Souvent seul ou à deux, on peut
réaliser certains documents; on peut même réaliser des
documents assez élaborés avec seulement deux personnes. Je l'ai
d'ailleurs souvent fait dans des reportages à l'extérieur de
Radio-Québec, c'est-à-dire dans les
régions. Il y a un autre type d'équipement qui s'appelle
le minicar c'est un euphémisme par rapport au film, parce que
c'est quand même assez volumineux qui nécessite
généralement une équipe d'environ huit techniciens et
quatre personnes de production qui accomplissent à peu près le
même travail. La différence entre le minicar et le film, c'est
qu'il n'y a pas de frais directs pour la pellicule. Mais si on fait la
proportion entre ce qu'on dépense pour payer le temps
supplémentaire des techniciens qui sont deux fois plus nombreux et aussi
les frais de séjour d'une équipe dans une région, on se
rend compte que bien souvent la solution film est encore moins coûteuse
même en tenant compte de la quantité de pellicule
consommée.
Quant à ce fameux appareil dont on parle depuis le début
et qui s'appelle le HS-200, on ne nie pas l'utilité de cet appareil,
mais il se produit une drôle de situation qui fait que, au début
de Radio-Québec, lorsqu'il a été acheté, les gens,
les réalisateurs, les équipes de production avaient le temps de
s'en servir et d'utiliser toutes les possibilités de cet appareil. Mais,
depuis qu'on est entré en ondes UHF, les équipes ne peuvent
vraiment pas utiliser l'appareil au-delà du tiers de ses
possibilités. Il faut bien comprendre que c'est un appareil qui
fonctionne de deux façons. Il y a une partie qui enregistre l'image sur
un disque c'est de cette partie dont on se sert au hockey pour faire ce
qu'on appelle les "playback ", les reprises instantanées et il y
a une autre partie qui traite le signal dans la couleur, dans le niveau de
signaux, etc., on peut aussi faire des surimpressions. Cette deuxième
partie de traitement de signal peut aussi être remplacée par un
autre type d'équipement, mais pour cet appareil, on a fait le choix
d'avoir celui qui fait les ralentis et aussi le traitement des images.
Actuellement, cet équipement, comme je le disais au début, peut
être utile dans certaines productions, on a pu, avec cet appareil, faire
des traitements... Ceux qui connaissent la série "Approches " ont pu
constater qu'il y avait souvent des images nettement pornographiques qui
étaient maquillées d'une façon telle qu'elles
étaient beaucoup plus acceptables. C'est avec cet appareil qu'on le
fait.
Alors, de là à dire que le HS-200 est utilisé
nécessairement 16 heures par jour et dans toutes ses fonctions, on ne
peut absolument pas cautionner une affirmation comme celle-là. Souvent,
c est tout simplement un appareil qui sert à transporter le signal d'un
magnétoscope de lecture à un magnétoscope d'enregistrement
et de traiter ce signal en même temps. On pourrait faire exactement la
même chose avec une régie de télévision, par
exemple, ou avec un autre type d'équipement.
Le Président (M. Jolivet): Merci à l'équipe
de s'être présentée devant la commission parlementaire. Il
reste cinq minutes, selon l'entente intervenue. M. le ministre m'a
demandé de pouvoir faire...
M. O'Neill: Répondre à des questions.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Compte tenu de cette
entente, Mme le député de L'Acadie, vous pouvez poser vos
questions.
Mme Lavoie-Roux: Je les limite à trois. Je vais le faire
le plus brièvement possible. La semaine dernière, je pense
qu'à la demande du premier ministre, l'Union Nationale a accepté
de remettre le débat sur Radio-Québec parce que, soi-disant, on
ne voulait pas intervenir ou nuire au déroulement des
négociations. Il y a eu un communiqué de presse de
Radio-Québec, émanant du directeur des relations publiques,
faisant allusion à une rencontre à laquelle, d'une part, le
ministre d'Etat au développement culturel et le ministre des
Communications et, d'autre part, le président du conseil
d'administration de Radio-Québec, M. Yves Martin, ont participé.
Est-ce que vous pourriez nous dire, M. le ministre je m'adresse
indifféremment à l'un ou à l'autre si, soit
à ce moment-là, soit antérieurement ou depuis, vous avez
eu des demandes de la part de Radio-Québec, par exemple, pour une
augmentation de l'enveloppe globale prévue pour Radio-Québec?
Parce que, quand même, on doit négocier à partir de cela.
Est-ce qu'à ce moment-ci, à votre point de vue, les ressources
financières qui sont à sa disposition je sais qu'il y a
d'autres facteurs en jeu, parce qu'on en a entendu beaucoup mais est-ce
qu'il y a eu des demandes de la part de Radio-Québec pour une enveloppe
globale plus grande ou un mandat différent de votre part?
M. O'Neill: Je voudrais seulement poser une petite question. Une
demande qui aurait un rapport avec des demandes, la négociation?
Mme Lavoie-Roux: La négociation.
M. O'Neill: Non, pour la raison très simple que les
retombées de la négociation vont en fait impliquer par
elles-mêmes une nouvelle démarche auprès du Conseil du
trésor, tout le monde sait cela. C'est pour cela que, dans le budget de
cette année, vous avez le budget qui est là, mais il n'y a pas de
prévision concernant le coût qui pourrait découler des
négociations comme telles. Je pense d'ailleurs que c'est la tradition
dans toute négociation de ce genre. En fait, la rencontre qu'on a eue a
porté, on peut dire, principalement sur un tableau général
de la situation où c'en était rendu, quelles étaient les
difficultés; c'était une cueillette de renseignements et en
même temps, évidemment, voir les perspectives d'avenir; comment on
pourrait sortir de cela.
J'ajoute que c'était d'autant plus nécessaire pour ces
négociations car, via le Conseil du trésor et le ministre de la
Fonction publique, finalement, de notre côté, nous n'obtenions que
des informations par la bande.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si j'interprète
bien les paroles du ministre des Communications, à ce moment-ci, la
direction de Radio-
Québec n'est pas revenue à la charge auprès du
gouvernement pour demander une marge de manoeuvre plus large et ce que vous
laissez entendre, c'est que du côté... par exemple, si la question
entrait en jeu, il y a aussi des avantages sociaux qui agissent sur une masse
salariale, alors, Radio-Québec a toute la marge de manoeuvre dont il a
besoin.
M. O'Neill: M. le Président, je ne peux pas affirmer cela
ainsi, il faudrait poser vraiment la question aux membres du Conseil du
trésor qui ont délimité cette marge de manoeuvre avec la
direction de Radio-Québec. C'est-à-dire que si débat il y
a eu sur cette question, comme probablement il y a eu, c'était en mon
absence.
Mme Lavoie-Roux: Alors, je vais vous poser une autre question.
Est-ce qu'à votre connaissance, il y a eu démarche de la part de
la direction de Radio-Québec auprès du Conseil du trésor
pour obtenir une plus grande marge de manoeuvre?
M. O'Neill: A ma connaissance, non; mais qu'il y en ait eu une
à un moment donné, ça ne me surprendrait pas du tout, ce
serait tout à fait logique. Si vraiment, on s'aperçoit que c'est
nécessaire.
Mme Lavoie-Roux: A votre connaissance, non; mais pas
nécessairement non.
M. O'Neill: Pas nécessairement non, justement surtout en
vertu du statut administratif particulier de Radio-Québec cette
année, il y a des démarches de ce genre qui peuvent se faire
complètement à mon insu. (12 h 45)
Mme Lavoie-Roux: Une deuxième question qui s'adresserait
peut-être davantage au ministre d'Etat au développement culturel.
Les comités régionaux, à la page 7 de leur mémoire
ou du résumé de leur mémoire, posent une question qui
m'apparaît mettre les choses claires. J'aimerais, compte tenu du fait que
vous avez participé et que vous connaissez beaucoup mieux le rapport
Rocher que je ne le connais moi-même... Voici leur propos: "Les
régionaux demandent au législateur de vérifier si la loi
de l'office, telle que votée en 1968, permet aux régionaux
d'entretenir les aspirations légitimes qu'ils véhiculent
présentement. Si tel n'est pas le cas, force nous est d'admettre que
l'équipe de M. Labonté a su, jusqu'à maintenant, appliquer
la loi de façon honnête. Dans ce cas, nous demandons au
législateur de modifier cette loi, de façon que l'ORTQ soit en
mesure de répondre aux attentes régionales manifestées
depuis 1975.
Est-ce que, à votre examen parce que vous avez
examiné toute la législation de très près la
législation, telle qu'elle existe, permet une plus grande marge de
manoeuvre, de la part de Radio-Québec, sur l'établissement des
comités régionaux, ou si ces gens s'en sont tenus à
l'interprétation de la loi, du texte législatif?
M. Laurin: L'examen des travaux du comité a porté
surtout sur l'avenir, sur les programmations à élaborer, sur la
philosophie des orientations; il n'a pas tellement porté sur le
passé, il n'a pas inclus, par exemple, une analyse des activités
antérieures de Radio-Québec dans le détail, il n'a pas non
plus constitué une enquête sur la gestion.
Surtout eu égard à ce qu'on a mentionné à
plusieurs reprises depuis quelques années et encore ce matin, en ce qui
concerne la volonté politique du gouvernement, qu'est-ce que le
gouvernement veut de Radio-Québec? Quelle inspiration doit être la
sienne? Quelle action doit-il mener? C'est surtout l'optique qu'a
envisagée le comité pour aller plus vite. Nous voulons prendre
des décisions dans le plus proche avenir là-dessus, et nous
voulons instituer très rapidement un programme d'action, selon les
orientations que nous avons voulu établir. Evidemment, la
régionalisation en est une.
Cela aurait été un exercice académique que de voir
jusqu'à quel point la loi antérieure permettait tel degré
ou non de régionalisation. Cela nous a semblé plus important de
nous adresser directement à ce que nous voulions faire. Donc, je ne
pourrais pas vous répondre.
Mme Lavoie-Roux: Je vais vous poser une question
différemment, à ce moment-là. Est-ce que, actuellement, ou
dans l'avenir, vous prévoyez que la Loi de Radio-Québec doit
être modifiée pour permettre une régionalisation qui
répondrait aux désirs et aux orientations exprimées par
les comités régionaux?
M. Laurin: Le comité Rocher recommande déjà
une révision de la loi en ce qui concerne, par exemple, une
définition plus adéquate de la mission éducative de
Radio-Québec. J'ai entendu les interrogations de ce matin. Il est
possible qu'à la suite de l'examen des questions qu'on nous a
posées, on en arrive à la conclusion qu'il faille
également réviser la Loi de Radio-Québec pour
préciser d'une façon plus exacte l'aspect ou la mission de
régionalisation ainsi qu'une répartition des pouvoirs que cela
peut constituer entre la direction général de Radio-Québec
et les antennes régionales.
J'ai entendu la question. Je n'ai pas de réponse pour le moment,
mais je veux simplement assurer ceux qui nous l'ont posée que nous
allons l'étudier très sérieusement.
Mme Lavoie-Roux: Peut-on conclure qu'au-delà
peut-être de divergences dans les orientations, il y avait
également dans les textes législatifs ou dans le texte
législatif actuel des barrières ou enfin des limites qui
empêchaient daller aussi loin que des comités régionaux le
désiraient?
M. Laurin: Ce n'est pas impossible.
Mme Lavoie-Roux: L'autre question porte sur cette volonté
politique dont l'Association des réalisateurs vient de nous parler et
qui a d'ailleurs été
exprimée dans d'autres mémoires. Par votre acquiescement
tout à I heure, j'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'investissements
assez importants et qu'on ne pourrait pas parler de toute façon d'une
régionalisation très sérieuse à moins
d'investissements assez considérables, même s'ils sont
répartis sur une période de dix ans. Peut-on avoir du ministre
une indication quant à cette volonté politique du gouvernement
d'investir davantage? Je ne lui demande pas de se prononcer sur le
modèle qu'il retiendra. Peut-être, d'une certaine façon,
peut-on se demander jusqu'à quel point, même en voulant
reconnaître des difficultés du côté de la direction
ou enfin peut-être des négligences peu importe, de la part de la
direction, ne faut-il pas rendre cette direction coupable non plus de choses
dont elle n'a pas les moyens. Quelle est votre volonté politique?
M. O'Neill: Je crois, M. le Président, qu'on peut dire que
cette volonté politique se manifeste déjà par le rapport
Rocher; le rapport Rocher a déjà reçu une approbation
globale. Je ne dis pas que cela porte sur chacun des détails, puisqu on
a demandé aux gens de nous dire ce qu'ils en pensaient, mais il y a une
sorte d'approbation globale de ce qu'il y a là. Or, ce qu'il y a
là implique évidemment un déblocage budgétaire. On
ne peut pas parler à la fois d'améliorer la qualité de la
programmation, bâtir des équipes régionales de production,
accroître la production régionale sans en même temps parler
d'argent.
Je pense qu'on peut vraiment voir dans le simple fait de l'existence de
ce rapport et dans le fait qu'il a été l'objet d'une acceptation
globale dans son orientation, le signe que va bientôt se
manifester...
Mme Lavoie-Roux: La volonté publique.
M. O'Neill: ... la volonté politique à travers les
dispositions budgétaires.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Une dernière question qui, en
fait, est la question de mon collègue de Johnson, qui a quitté.
Alors, elle n'est pas la mienne. C'est la dernière que je vous poserai.
Existe-t-il une divergence fondamentale entre le gouvernement,
particulièrement le ministre d'Etat au développement culturel, et
la direction de Radio-Québec sur la conception de la
régionalisation de Radio-Québec? Ce qui le portait à dire
ceci: Le rapport Rocher est en désaccord avec le plan triennal de
Radio-Québec et avec certaines fuites du livre blanc sur le
développement culturel. C'est simplement cela. Pour revenir à la
question fondamentale, est-ce qu'il y aurait une divergence entre le
gouvernement et la direction de Radio-Québec sur la conception de la
régionalisation de Radio-Québec?
M. Laurin: Encore une fois, je ne veux pas parler du
passé. Je ne peux partir que des déclarations qui ont
été faites récemment par le directeur
général de Radio-Québec qui s'est dit d'ac- cord avec les
orientations, avec le contenu du rapport Rocher qui a été
présenté au CMPDC. Je m'en tiens aussi aux déclarations
faites lors de la réunion conjointe que le ministre des Communications
et moi-même avons eue avec le conseil d'administration où on nous
a encore confirmé l'accord complet avec le comité Rocher en ce
qui concerne les orientations fondamentales et le plan d'action qui y est
esquissé.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, c'est vraiment la
dernière. J'invite les deux parties à se remettre à
discuter et à négocier fortement, parce que, finalement, c'est la
population qui écope de tous ces problèmes, sans compter les
employés. J'imagine que les malaises ne sont pas faciles à
supporter à la direction générale. Est-ce que le ministre
des Communications, si ceci ne devait pas déboucher dans un délai
raisonnable sur une reprise des négociations ou la signature d'une
convention, est-ce que le ministre des Communications ou le ministre d'Etat au
développement culturel songe à intervenir et à être
plus actif dans tout ce problème de Radio-Québec? Je traite
uniquement du problème des relations de travail actuel.
M. O'Neill: J'attendrais le déroulement des
événements avant de me poser des questions comme
celles-là.
Mme Lavoie-Roux: Vous allez l'attendre combien de temps, le
déroulement des événements?
M. O'Neill: Le temps qu'il faudra.
Mme Lavoie-Roux: Le temps qu'il faudra. Cela veut dire qu'on va
assister à une autre grève de quatre ou cinq mois, comme celle
que Radio-Québec a subie il y a quelques années.
M. O'Neill: II ne faudrait pas.
Mme Lavoie-Roux: Bon! Je vois que vous ne voulez pas
répondre, mais je pense que, en terminant, je dirais quand même
que je souhaiterais qu'à cet égard, au moment où vous le
jugerez opportun, mais pas dans trop de temps, vous assumiez vos
responsabilités.
Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. O'Neill: M. le Président, je voudrais me permettre un
bref mot de remerciement à l'égard des parties présentes,
à l'égard et de la direction de Radio-Québec et des
syndicats travaillant à Radio-Québec et des comités
régionaux, pour leur collaboration, pour avoir accepté de venir
jeter un peu d'éclairage sur une situation, sur un problème qui
nous intéresse tous, un problème majeur dans la vie
québécoise.
Je voudrais souligner à l'attention des parties
impliquées, tant la direction que la partie syndicale,
l'intérêt de la population pour Radio-Québec
je pense que c'est assez manifeste l'intérêt des
députés de l'Assemblée nationale, qui ont insisté
pour que se tienne cette commission parlementaire, l'intérêt aussi
d'une grande partie de la population, qui manifeste son inquiétude
à cause de la situation actuelle qui prévaut à
Radio-Québec.
Je voudrais également porter à l'attention des parties
impliquées directement dans ce conflit que ceux qui les regardent
s'attendent qu'elles témoignent d'une véritable volonté de
régler les choses, donc, d'une véritable volonté de
négocier, et qu'on négocie le plus vite possible, et aussi,
peut-être pour compléter ta première partie de ma
réponse à Mme le député de L'Acadie, que cela soit
réglé dans le plus bref délai possible.
J'aimerais que les parties concernées réfléchissent
aussi à cette observation qui a été faite par mon
collègue, le député de Taschereau, en fait, laissant plus
ou moins entendre que, possiblement, les gens pourraient se retrouver, dans un
bref délai, ensemble au travail, quitte à continuer de
négocier intensément, car nous sommes quand même devant un
paradoxe. Il y a, d'une part, un lock-out inexistant, mais réel. Il y a
une grève inexistante, mais des gens qui ne travaillent pas, et une
boîte qui ne produit pas. C'est quand même une situation assez
paradoxale qui devrait nous faire tous réfléchir et nous
pourrions nous demander, en fait, si nous ne pourrions pas en arriver aux
solutions les meilleures pour les deux parties tout en assurant la vie,
l'activité au sein de Radio-Québec et donc, en même temps,
des négociations fructueuses.
Donc, en terminant, je me permets de dire ceci: Pour nous, l'institution
qui s'appelle Radio-Québec est une composante majeure de la vie
québécoise, un instrument majeur de vie culturelle. Nous allons
accepter que cet instrument connaisse des difficultés majeures pour des
raisons vraiment graves et sérieuses, mais je pense que la population
sera portée à exercer sur nous de fortes pressions si les gens
ont finalement le sentiment qu'on pourrait, avec beaucoup de bonne
volonté, de bonne foi, avec des attitudes de citoyens civilisés,
régler convenablement, positivement et à court terme.
Alors, je porte cela à l'attention des parties impliquées;
elles ont à assumer une responsabilité et à
témoigner de leurs sens de responsabilité dans ce conflit qui
marque actuellement le domaine de l'information, des communications et de la
vie culturelle au Québec.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre d'Etat au
développement culturel.
M. Laurin: J'ajouterai un petit mot. L'application du plan de
développement de Radio-Québec, qui sera défini très
bientôt, avec tout ce que cela implique de responsabilité
politique au sens de la volonté politique et des appropriations
budgétaires, dépend évidemment, entre autres facteurs, du
règlement actuel du conflit à Radio-Québec.
Je joins ma voix à celle de ceux qui se sont ici exprimés
pour souhaiter qu'avec la bonne volonté de toutes les parties, on puisse
en arriver à un règlement équitable dans les plus brefs
délais.
Le Président (M. Jolivet): J'ai un autre devoir à
remplir, cependant. C'est l'acceptation des programmes 8 et 9, à moins
qu'on s'y oppose, et si on s'y opposait, je devrais ajourner sine die.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne peux pas m'y opposer parce que je dois
reconnaître qu'on a continué jusqu'à 13 heures. J'exprime
seulement un regret c'est que nous n'ayons pas eu le temps pour le
programme 8, qui touchait le cinéma... C'est un autre domaine, qui n'est
d'ailleurs pas étranger aux préoccupations des
réalisateurs de Radio-Québec, où une action importante
s'imposerait. Dans les circonstances, je vais en faire le sacrifice
jusqu'à l'an prochain, à moins qu'on ne fasse un débat du
vendredi sur le cinéma.
M. O'Neill: Je voulais dire à Mme le député
de L'Acadie qu'elle aura peut-être l'occasion de revenir sur ce dossier
et de me poser d'autres questions, parce qu'il est possible qu'il y ait une
pièce législative en la matière dans les mois qui s'en
viennent.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Il y a la Loi du cinéma
évidemment.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: C'est une précision, M. le Président.
Est-ce qu'on doit comprendre que l'ensemble des mémoires qui ont
été déposés ce matin seront publiés en
annexe dans le journal des Débats, même si on ne l'a pas
demandé chaque fois?
Le Président (M. Jolivet): Ils l'ont été
tous, puisque la dernière fois, ils ont été
déposés; ceux qui n'ont pas été
déposés, ce matin, ont été mis en annexe.
Donc, les programmes 8 et S étant adoptés, l'ensemble des
crédits du ministère des Communications étant
adopté, je clos maintenant l'ensemble des réunions de ce
ministère. Merci.
(Fin de la séance à 13 h 2)
ANNEXE
Radio-Québec: une
télévision éducative à réinventer
Mémoire préparé par le
comité d'étude
sur la gestion de Radio-Québec du syndicat
général des employés de Radio-Québec
pour la commission parlementaire étudiant le
budget de Radio-Québec
Radio-Québec: Une télévision
éducative à réinventer
Introduction
A l'occasion de son 10ième anniversaire, Radio-Québec
s'est cru obligé de fêter l'événement... en fermant
les portes de ses bureaux à Montréal après avoir
décrété un "lock-out" déguisé sous les
termes d'une "suspension d'activité".
La présente commission parlementaire chargée de scruter
d'un peu plus près la gestion de Radio-Québec a permis à
une partie de ses artisans de s'arrêter et de réfléchir
afin d'établir un diagnostic sur l'administration et la gestion de cet
organisme encore jeune. Diagnostic porté à la suite de lectures,
d'entrevues diverses, de rencontres et d'analyses, destiné à
cerner certains malaises. Diagnostic écrit à partir de
l'expérience de gens à l'emploi de l'ORTQ depuis nombre
d'années.
Il ne faut pas voir dans ce rapport une enquête de type
administratif. Il a été rédigé par des
syndiqués privés d'une bonne partie de la documentation et des
données nécessaires à une étude exhaustive, car ces
employés n'ont jamais été associés à la
gestion et à la planification de Radio-Québec (en autant qu'on
puisse parler de planification dans cet office).
De plus, certains chiffres avancés dans ce mémoire ont
été obtenus confidentiellement par certaines personnes au courant
du fonctionnement interne de l'Office et ne se retrouvent pas dans les rapports
annuels des budgets de Radio-Québec. Seule, une enquête en
profondeur de la gestion de l'Office permettrait de prouver le
bien-fondé de ces chiffres.
Nous ne cherchons pas, par ce mémoire, à exposer devant la
commission parlementaire le bien-fondé de nos demandes syndicales en vue
d'une nouvelle convention. Nous cherchons plutôt à montrer que le
conflit actuel est l'aboutissement de crises multiples que nous avons
vécues dans le passé.
Nous ne voulons pas non plus empêcher Radio-Québec
d'obtenir le budget nécessaire à la bonne poursuite de ses
activités. Nous cherchons plutôt à demander une
réforme en profondeur du mode de gestion de Radio-Québec afin que
les deniers publics servent à bon escient.
Nous ne cherchons pas à instaurer la co-gestion à
Radio-Québec. Nous cherchons plutôt à participer plus
intimement à la vie de l'Office et à ouvrir celui-ci à la
participation de la population québécoise.
Ce texte veut fournir une image d'ensemble, souligner des
événements, décrire des phénomènes plus ou
moins bizarres qui ont jalonné le cours de l'histoire de l'Office. Nous
n'y mettrons pas l'accent sur les bons coups de l'administration durant ces dix
(10) années d'existence. En "lock-out" depuis bientôt deux mois,
alors que les cadres, les réalisateurs et les techniciens sont
payés à ne rien faire, et cela avec l'argent du public, il ne
faut pas demander à des employés sur le pavé une analyse
réjouissante d'une télévision qui n'a pas encore pris son
envol.
Ce texte, par conséquent, se veut un outil à partir duquel
on peut se poser nombre de questions à propos de l'histoire de
Radio-Québec, de son orientation, de son développement et de sa
gestion.
I Un milieu où les crises se multiplient
Si jamais une commission d'enquête était instituée
afin de scruter de plus près l'administration de l'ORTQ, elle aurait
avantage à situer ses recherches en partant de l'hypothèse que
Radio-Québec s est développé dans un contexte de crise...
et de crises presqu'annuelles.
Pour preuve, nous relevons un paragraphe d'un rapport de recherche
effectué en 1976 auprès d'une bonne partie des équipes de
production (réalisateurs, recherchistes, concepteurs, etc.): "il existe
des crises mineures ou moyennes à tous les six mois, avec des crises
majeures à tous les dix-huit mois: grèves, coupure de la
programmation, annonce de nouvelles structures, lock-out, changements de
structures, revendications de l'Association des réalisateurs, coupures
de budgets" (voir: modèle d'évaluation de la
télédiffusion, ORTQ mars 1976, Tome 2, page 19).
Voilà pourquoi l'utilisation du terme de "crise" appliqué
à toute l'évolution de Radio-Québec, en plus de mettre en
lumière les étapes-clé de son développement,
contribuerait également à la saisie des enjeux majeurs de
même que des relations conflictuelles entre employeurs et employés
ou entre la direction et les instances extérieures à l'organisme
(S.G.M.E., Ministère des communications, câblo-distributeurs,
comités régionaux).
Ces crises perpétuelles ne prouvent qu'une chose:
l'incapacité de ses directeurs à gérer d'une façon
harmonieuse cet organisme. Et par entraînement, à causer le
désespoir chez les artisans de cette télévision.
1.
Où la direction veut-elle en venir
avec le présent "lock-out"?
Actuellement, trois grandes crises déchirent Radio-Québec.
La première est le lock-out décrété par la
direction le 1er mars 1978. On peut se demander pourquoi la direction a
laissé envenimer les relations de travail et quels sont les objectifs
poursuivis en laissant traîner en longueur les négociations?
La raison fondamentale du conflit actuel est due aux nombreux reculs de
la partie patronale dans ses offres par rapport à la dernière
convention (nous avons relevé plus de trente (30) points de recul sur
les trente-sept (37) articles de la convention). Au lieu d'instituer un climat
de bonne entente et de consultation à l'Office, la direction a
préféré enlever au syndicat ses droits acquis après
une première grève de quatre mois et demi (4 1/2) en 1973. Se
retranchant derrière les termes de "droits de gérance", la
direction se donne maintenant le droit à une sous-traitance accrue,
à l'engagement presqu'illimité d'occasionnels, à de plus
longs délais dans les procédures de griefs, à la
modification sans consultation des horaires de travail et des descriptions
d'emplois, à la répartition inégale de l'indexation,
etc..
Voyant que le syndicat refusait de perdre ses droits, la direction a,
dans un premier temps, ralenti les négociations. Ce qui augmentait le
malaise à l'Office durant les derniers mois. Mais voyant qu'un tel
chantage ne prenait pas, la direction choisissait le plus petit prétexte
de tension pour fermer les portes au S.G.E.R.Q.
Questions
Au cours des présentes négociations, il y avait pourtant
possibilité d'entente. On a préféré étirer
les négociations, c'est-à-dire ne pas négocier du tout. On
a choisi de "suspendre les activités" sans dire clairement qu'il
s'agissait d'un "lock-out". Pourquoi? On a préféré payer
300 personnes à ne rien faire et ce à même les fonds
publics. Pourquoi? A quelle rationalité obéit ce nouveau conflit?
Il est difficile de le savoir. Voulait-on, d'après nos informations, par
cette fermeture économiser, car les budgets de l'Office étaient
défoncés au mois de février? Mystère.
2.
Conflit autour de la régionalisation
de Radio-Québec
II y a quelques mois, un second conflit majeur est provoqué par
la direction autour du projet de régionalisation, conflit qui perdure
encore comme on peut s'en douter. Ce conflit atteint son paroxysme au mois de
novembre 1977 alors que les membres des comités régionaux,
élus démocratiquement, se réunissent en assemblée
générale à Québec afin d'établir leur
position face au projet. Cette position, ayant été
communiquée au P.D.G., monsieur Labonté, cause une sorte de
rupture permanente des relations, la direction ayant été
incapable de dénouer la crise et de s'associer les comités
régionaux pour l'établissement d'un modèle original de
régionalisation de l'O.R.T.Q.
Les prémisses de ce conflit sont déjà posées
lors des audiences publiques de 1975. Pendant une période de
mésententes avec le ministre des communications de l'époque,
monsieur L'Allier, Radio-Québec, sous la pression des
événements et de certains groupes, décide de se lancer
dans des audiences publiques dans les différentes régions du
Québec, afin de tâter le pouls de l'opinion sur diverses questions
y compris le développement futur de l'Office. Ces audiences
coûteront plus de cent mille dollars, sans compter le temps des
directeurs faisant partie de cette enquête.
Pour résumer les résultats des audiences, ont peut dire
que deux conceptions du développement de l'ORTQ s'affrontent. La
première, inspirée du modèle de la
télévision de participation et de l'expérience de
Tévec voulait faire de Radio-Québec un réseau de
télévision dont les composantes émaneraient des
régions avec l'encadrement de travailleurs spécialisés
dans le domaine. On misait sur un équipement léger et peu
coûteux, et on insistait beaucoup sur des objectifs de communication et
d'éducation populaire.
Déjà en 1973, le S.G.E.R.Q. faisait parvenir à la
direction et à certains groupes de pression un mémoire, sous le
titre "Opération 300", demandant la démocratisation des
structures et une régionalisation semblable aux visées du
paragraphe précédent. En 1975, le S.G.E.R.Q. présente un
second mémoire sur le sujet aux audiences publiques pour appuyer les
revendications des régions.
A cette première vision, s'oppose la conception de la direction
actuelle de l'Office, qui, ayant décidé vers 1970 d'utiliser
comme Radio-Canada (tout en n'en ayant pas proportionnellement les budgets) un
équipement lourd et coûteux, veut voir s'implanter à
travers le Québec toute une série d'antennes permettant la
transmission sur U.H.F. des programmes fabriqués en grande partie dans
ses bureaux chefs à Montréal. Ce modèle nie en grande
partie la participation des régions.
A la suite des audiences publiques, la direction publie un second plan
triennal pour les années 77-80 dans lequel il est abondamment question
de régionalisation. On en fait même la priorité de l'ORTQ.
Alors que le premier plan triennal ne parle de la régionalisation qu'en
autant que les émissions régionales soient produites par les gens
de Montréal, le second plan en parle beaucoup et dans des termes
différents.
Mais il y a un hic. D'un côté, on relie le
développement régional de Radio-Québec à
l'avènement d'antennes U.H.F. à travers le Québec. De
l'autre, on proclame prioritaire la régionalisation alors qu'aucun
budget n'est même prévu pour l'implantation des bureaux
régionaux. Il faudra en toute hâte puiser à même le
budget de fonctionnement de l'organisme les sommes nécessaires à
l'implantation des comités, à l'engagement des premiers
secrétaires régionaux et à la production de 3
émissions régionales annuelles.
Ces contradictions apparaissent à plusieurs niveaux du
développement régional. Le plan triennal 77-80 prévoit une
dépense en capital pour le réseau d'antennes et
d'équipements de 24 millions de dollars alors qu'on ne dépensera
que 9 millions de dollars au fonctionnement (dont 2 millions de dollars iront
directement à la fabrication de documents). La technique passe avant la
production.
Pour l'année 77-78, on prévoit moins de 3% des productions
originales des régions sur les 405 heures d'émissions
fabriquées à Radio-Québec. Malgré le fait que le
plan prévoit la régionalisation de 16% de sa production pour
79-80, un rapport interne préparé par la direction à la
régionalisation conclut à l'impossibilité technique d'une
telle augmentation.
Ces contradictions entraînent donc la tension des relations entre
les comités régionaux et le centre de Radio-Québec
à Montréal. Là encore, la direction sera incapable de
dénouer la crise et de collaborer avec les gens des régions.
C'est ainsi que nous avons appris que la direction avait l'intention de
dissoudre les comités régionaux, afin d'éteindre toute
résistance. Depuis lors, la direction a décidé de
prolonger les mandats des comités jusqu'à la fin août. Mais
que se passera-t-il après cette date?
Questions
Nous nous posons donc des questions. Pourquoi la direction de
Radio-Québec a-t-elle institué des audiences si les demandes des
régions ne sont pas respectées? La direction comprend-elle que
les coûts prohibitifs de l'équipement technique risquent de
bloquer la régionalisation. Quand elle demande la participation,
qu'entend-elle par cela? Cherche-t-elle à imposer à l'ensemble du
Québec les préoccupations de la seule ville de
Montréal?
3.
Conflit anticipé avec le ministre des
communications
Deux perturbations majeures en moins d'un an, ce n'est pas si mal. Mais
il faut également parler des tensions entre la direction de
Radio-Québec et le ministère des communications. Monsieur
L'Allier a été remplacé comme ministre avant même
que la situation ne se clarifie entre les deux protagonistes. Mais les tensions
ultérieures avec son remplaçant, Monsieur Hardy, devaient
relancer le débat. Radio-Québec demeurait un
éléphant blanc pour le gouvernement.
Voyant que les choses ne pouvaient se régler d'une façon
interne, le ministre d'Etat à la culture, Monsieur Camille Laurin et le
ministre des communications, Monsieur O'Neill, créaient le comité
ministériel permanent du ministère du développement
culturel en 1977 pour étudier la situation et l'avenir de
Radio-Québec. Ce comité présidé par Monsieur Guy
Rocher, doit sous peu remettre son rapport.
Questions
Sachant que la tension est grande, doit-on s'attendre à un
troisième conflit majeur cette année? Ce serait un peu fort. Le
ministère obligera-t-il la direction à se transformer?
Annulera-t-il les visées du plan triennal? Fera-t-il disparaître
Radio-Québec à cause de la mauvaise gestion qui y règne ou
changera-t-il la direction de Radio-Québec?
4.
Les crises précédentes
On peut faire remonter à 1971 les crises internes de l'Office.
Cette année-là, le désenchantement s'est installé
chez une bonne partie des artisans à qui l'on avait fait miroiter des
perspectives presqu'illimitées, alors que les activités de
l'Office étaient à moment-là au grand ralenti.
Malgré des suggestions de la part des employés pour relancer
Radio-Québec, la direction préfère les tenir à ne
rien faire pendant plusieurs mois.
En 1972, il y eut les conflits avec l'Union des Artisans, avec le
Service Général des Moyens d'Enseignement (S.G.M.E.) et avec les
tenants de la diffusion par câble, sans parler du projet de loi no 10
enlevant à l'ORTQ son rôle de conseiller et de coordonnateur dans
le domaine de la production audiovisuelle.
En 1973-74, premier conflit avec le S.G.E.R.Q. qui se termine à
la suite d'une grève de 4 mois et demi (4 1/2). Ce scénario qui
risque de se répéter aujourd'hui.
En 1976, due à une tension interne
généralisée, une enquête auprès d'une grande
partie des équipes de production et de la direction est
instituée. On refait l'organigramme de la direction et on s'attaque
à quelques remaniements du côté de la direction de la
programmation pour ramener un climat plus serein. Pour ce faire, au moins deux
"tablettes" prestigieuses et coûteuses sont fabriquées de toute
pièce. Mais au lieu de régler une fois pour toute cette tension
en s'associant les employés, la direction préfère
conserver en milieu clos la main mise complète de la programmation.
Nous nous posons donc des questions sur la compétence de la
direction à régler rapidement des conflits.
Il L'orientation et le développement de
Radio-Québec: un débat qui ne finit pas
Parler d'orientation et de développement, c'est faire allusion
à une foule de dimensions touchant l'équipement technique,
l'implantation régionale, le projet éducatif et culturel de
Radio-Québec, la programmation, la production et la distribution.
Entre 1968 et 1970, il est beaucoup question du développement de
Radio-Québec à travers les rêves de grandeur de
l'époque. C'est la période où l'on découvre
l'audio-visuel, les vertus de la communication et les pouvoirs des
communicateurs. Le salut viendra désormais par les voies de
l'audiovisuel. Une ère nouvelle s'annonce pour le Québec. Les
institutions publiques s'équipent à qui mieux mieux. A
Radio-Québec, on ne pense plus qu'en terme de satellites et
d'ordinateurs. Fini l'artisanat. Désormais le Québec rayonnera
à travers l'univers grâce au satellite Memini et
Radio-Québec diffusera sur antennes, le tout étant
contrôlé grâce à l'ordinateur relié à
une véritable "banque du savoir".
Mais on déchante très vite. Tous ces projets reviennent
à des prix astronomiques. C'est ainsi que Radio-Québec
décide de forcer les portes de la diffusion, en 1973, en utilisant la
câblodistribution. Dans l'esprit de la direction, cette première
démarche forcerait le gouvernement à allouer plus de budget pour
instaurer un véritable réseau d'antennes. Cette idée se
retrouve dans le premier plan triennal.
En 1975, Québec ayant refusé d'acquiescer à la plus
grande partie du plan et Radio-Québec sentant la soupe chaude, la
direction décide d'instituer les audiences publiques. C'est ainsi qu'un
second plan triennal se donnant pour prétexte la régionalisation,
servira les buts visés par le premier plan triennal: soit l'instauration
du réseau toujours pas construit.
Pendant toute cette période l'orientation éducative de
Radio-Québec a été reléguée au second plan.
Les objectifs insérés dans les deux plans triennaux sont vagues
et permettent à la direction de changer les contenus des
émissions comme bon lui semble, sans se soucier du public ou de son
utilité.
Pour preuve, nous n'avons qu'à avancer les commentaires du
président, monsieur Labonté, sur les ondes de Radio-Canada, lors
du 25ième anniversaire de cette société, pour se rendre
compte de la difficulté d'exprimer clairement les buts recherchés
par l'Office. En substance, monsieur Labonté disait que
Radio-Québec présente, aux heures de pointe, des émissions
sérieuses alors que les autres producteurs diffusaient des
émissions de variété.
Les artisans disent carrément que Radio-Québec n'a
pas'd'orientations précises. Dans l'enquête de 1976 auprès
des équipes de production, on peut y lire: "De l'avis d'une
majorité des interviewés, les objectifs de Radio-Québec
sont mal définis et sont à redéfinir... Le manque de
clarté des objectifs de Radio-Québec ressort de plusieurs
façons dans les commentaires. Certains soutiennent, tout simplement que
Radio-Québec n'a pas affirmé une position claire quant à
l'utilisation de l'approche éducative ou de l'approche communautaire.
Toutefois, il ressort le plus souvent que Radio-Québec a une mission
éducative. Mais généralement cette mission
éducative n'est pas considérée comme bien définie"
(voir modèle d'évaluation de la télédiffusion,
O.R.T.Q. 1976, Tome 2, page 21).
Malgré les changements d'organigrammes et la succession des
directeurs et chefs de services, la désillusion s'est installée
un peu partout. Certaines facettes du développement en sont les causes.
Arrêtons-nous sur quelques-uns.
1. Un équipement sophistiqué et
coûteux
L'ère du satellite québécois est révolue,
mais dans les années 70, on a décidé de s'équiper
somptueusement à Radio-Québec et de produire sur ruban 2 pouces,
alors que dans les régions, les institutions diverses sont
équipées avec des appareils produisant sur 1/2, 3/4 ou 1 pouce.
Un problème de compatibilité rend les équipements des
régions inutilisables. Premier facteur d'isolement de l'ORTQ: on a
choisi de s'orienter vers le gros équipement et la centralisation.
Ces décisions autour du "hardware ' ont marqué le
développement de Radio-Québec. Entre 70 et 78, la direction a
investi des sommes considérables de ce côté.
Qui plus est, plusieurs appareils au coût fantastique sont
restés inutilisés ou sont utilisés avec peu
d'efficacité.
Un appareil de montage électronique, la HS 200, acheté au
prix de $250 000 est tellement coûteux à l'entretien et à
son utilisation que la plupart des équipes de production ne peuvent s'en
servir.
En 1975, l'Office achetait pour environ $1 000 000 l'équipement
nécessaire à l'installation d'une nouvelle régie centrale.
Or, l'Office n'avait même pas reçu l'accord de Québec pour
construire les locaux. L'équipement en grande partie dort donc sur les
tablettes. Et on estime que même si cette régie voyait le jour,
les appareils seraient alors démodés.
En 1973, Radio-Québec fait construire un car de reportage.
D'après nos estimés, plus de $200 000 ont été
investis à sa construction et à l'équipement. En 1976, le
car de reportage est mis hors service parce qu'il est considéré
comme dangereux d'utilisation.
En 1976, Radio-Québec se dote d'un car de reportage plus grand.
Au coût de $1 000 000 il doit pouvoir remplacer avantageusement le
précédent. Or, le camion qui tire le car est trop faible
(à deux reprises au moins, il est remorqué par des camions
loués ou empruntés à Radio-Canada). Le camion est donc
échangé pour un second, mais celui-ci semble souffrir du
même mal.
Le car de reportage est sous utilisé, car les équipes de
production n'ont pas les budgets nécessaires à son utilisation.
Seules les émissions commanditées par l'extérieur
permettent l'emploi du car.
Et que remarque-t-on dans le plan triennal? Radio-Québec a
l'intention d'acheter un autre gros car de reportage.
Il existe aussi deux petits cars de reportage qui sont utilisés
à moins de 50% de leur efficacité.
Depuis des années, on nous répète que l'utilisation
de la télévision en reportage coûte moins cher que le film.
Selon nos estimés, ce n'est que grâce à des coûts
cachés que cette situation peut être vraisemblable. Pour la
plupart des reportages, le film coûte deux fois moins cher que la
télévision.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que le type d'équipement
influence la programmation. En nous obligeant à utiliser un
matériel lourd et encombrant, on nous enlève la mobilité
des moyens.
Questions
Lors des audiences publiques de 1975, il a été abondamment
question de technologie lourde opposée à une technologie
légère. Or, nous poursuivons la voie empruntée depuis
1970. Serait-il donc trop tard pour changer la situation? La direction
veut-elle instituer un musée d'instruments électroniques trop
chers à utiliser?
2.
Une implantation régionale à
contre-coeur
Moins de 5% du budget est alloué à la production
régionale. Par ailleurs, l'instauration d'un équipement lourd
requiert de grosses dépenses à la production d'émissions.
Nous en arrivons donc à un paradoxe: comment peut-on produire quand la
plus grande partie du budget va à l'achat et à l'entretien
d'équipement et non à l'amélioration du produit.
Questions
Sommes-nous placés devant des choix irréversibles? Si oui,
en quels termes désormais devrons-nous parler de
régionalisation?
3.
Les aléas de la programmation
S'il est un secteur dont on a dénoncé la mauvaise gestion
lors de l'enquête de 1976, c'est bien le secteur de la programmation,
tant dans ses objectifs que dans le processus de programmation
lui-même.
Au plan des objectifs, dès sa fondation, Radio-Québec
avait un modèle québécois de télévision
éducative, soit l'expérience de Tévec au Saguenay-Lac
St-Jean. Il s'agissait d'une expérience globale d'informations et
d'éducation.
Or, en 1976, si l'on se fie au rapport de recherches, on est loin des
objectifs de décentralisation, d'autonomie et de participation à
Radio-Québec. Le plan triennal mentionne bien ces idées, mais
celles-ci sont complètement vidées de leur sens. Selon
l'enquête: "les objectifs d'autonomie et de participation ont aussi
été sujets à changement au cours de cette histoire. Dans
le plan triennal, on visait à promouvoir l'autonomie du citoyen
québécois, mais il semble qu'on ne retrouve plus clairement ces
préoccupations à Radio-Québec. Quant à l'objectif
de participation, il se serait passablement éteint lui aussi " (voir
modèle dévaluation, Tome 2, page 19).
Pour preuve de ce que nous avançons, il faut revenir à
l'année 1972, lorsque la première grille de programmation est
mise en place pour diffusion sur le câble. Une équipe de huit
personnes forme alors le comité de programmation. Le comité se
rencontre à plusieurs reprises pour trouver des sujets pouvant
intéresser le public. Or, le choix arrêté ne se base sur
aucune enquête auprès du public, ni sur aucune consultation avec
les milieux de l'enseignement. Tout au plus, ce fut une bataille oratoire
à huit pour savoir qui gagnerait la joute.
Dans les années qui suivirent, des démarches de recherche
plus sérieuses ont été effectuées: identification
des besoins auprès d "experts " sociaux québécois et
enquêtes menées auprès de la
population par Mme Andrée Ferreti et le Centre de Sondage de I'U.
de M. Malheureusement, les orientations fondamentales de ces enquêtes
sont laissées de côté par un directeur de la programmation
pendant plus de trois ans, décide de l'ensemble de la grille en se
retranchant derrière ces recherches qu'il n'a même pas comprises
ou voulu comprendre.
Et pourtant, certains organismes extérieurs ont été
rapidement critiqués de Radio-Québec. L'ICEA, entre autres, a
produit un document très percutant appelé "Radio-Québec,
pour qui?" dans lequel il dénonce la programmation.
On aurait pu croire, avec les audiences publiques de 1975 et les
objectifs du second plan triennal, qu'un changement majeur aurait pu être
esquissé. Et pourtant, la programmation 1978-79 est basée
presqu'entièrement sur une étude faite par une seule personne sur
les grands titres des journaux 77. De consultations et d'enquêtes
auprès du public, il n'y en a pas plus que par les années
passées.
Mais le choix des thèmes n'est qu'une partie du problème
de la programmation; une seconde partie concerne le contenu des
émissions. La direction de la programmation donne à chaque
réalisateur un mandat décrivant le contenu à aborder. Or,
nous remarquons toujours d'après l'enquête 76, que les mandats
sont établis d'une façon toute arbitraire. On expédie aux
réalisateurs, la plupart du temps, un mandat de quelques lignes
seulement pour des séries aussi importantes que la science, les valeurs,
les relations de travail, pour ne nommer que celles-là.
C'est ainsi que des tensions surviennent entre les réalisateurs
mal informés et une direction de programmation qui n'a d'idée de
ce qu'il faut faire qu'une fois les émissions enregistrées et
visionnées par elle. Il ne faut cependant pas se surprendre car n'ayant
aucune idée des besoins d'un public, le comité n'a aucune raison
de trouver un contenu juste, malgré les nombreux rapports du service de
recherche et d'évaluation.
Qui plus est, si la direction ne tient aucun compte du public, elle n'en
tient pas plus des artisans qui soumettent des projets d'émissions. La
direction a comme politique pour 78-79 de refuser toute participation de ses
employés.
Touchons donc la troisième partie du problème et parlons
de l'auditoire de Radio-Québec. Nous savons très bien que des
sujets d'émissions intéressent des publics bien particuliers.
Tout comme pour renseignement, la base même de la
télévision est de viser un groupe bien particulier de gens, que
ce soit des téléromans ou des cours de mathématiques.
Parle-t-on donc d'auditoire ou de public-cible à Radio-Québec?
Cette question demeure controversée du haut au bas de la pyramide. Du
côté de la direction, dans les débuts du moins, on se
proposait de rejoindre "les lecteurs du Montréal-Matin ' comme
téléspectateurs. Mais deux recherches sur l'auditoire devaient
nous prouver que cet auditoire au contraire nous boudait. L'auditoire en est un
de gens plus scolarisés que la moyenne québécoise. La
direction a-t-elle l'intention de corriger la situation? Aucunement. Nous
relevons dans le plan de programmation 1978-79 en page 7 ce que la direction
cherche comme auditoire désiré: "le plan de programmation 78-79
n'a pas l'ambition de réduire les écarts entre notre auditoire et
la population du Québec. L'expérience de la
télévision dans les pays occidentaux nous incite pour l'instant
à croire qu'il est plus facile de rejoindre un auditoire
déjà scolarisé que les spectateurs peu ou pas
scolarisés. Nous croyons qu'il est plus réaliste pour 1978-79 de
tenter d'accroître quantitativement le nombre de
téléspectateurs plutôt scolarisés afin d'augmenter
notre pourcentage global de téléspectateurs, que de tenter de
rejoindre les gens à faible scolarité... nous demeurons quand
même une télévision "de masse (accessible au plus grand
nombre) considérant que la population du Québec est et sera de
plus en plus scolarisée. Et nous espérons aussi que par voie
d'entrainement, nous pourrons accroître la participation des moins
scolarisés, du moins à moyen et long terme". (sic)
Dans le domaine des publics-cible, tout ce qu'on peut dire, c'est que
des tentatives ont été entreprises mais qu'il n'y a pas eu
d'évaluation valable. D'où l'absence de politique et de
continuité dans ce domaine. Bien que le second plan triennal aborde
l'éventualité d'une collaboration entre Radio-Québec et
divers organismes et associations dans le concret, la programmation ne
réussit pas à identifier les besoins, ni à établir
une ligne de conduite qui relierait davantage Radio-Québec aux divers
organismes du milieu.
Toute la programmation de Radio-Québec d'ailleurs
mériterait une solide évaluation de même qu'une
ré-orientation, afin de sortir des sentiers battus et des cercles
fermés qui l'ont vu naître. Il est plutôt rare, en effet,
que cette programmation ait été établie en consultation
avec les artisans. On a établi, pour la première fois en 1977, un
comité consultatif à la programmation, ce comité
composé en partie de deux employés à la production ne
représentant pas le syndicat (malgré l'insistance de ce dernier
depuis 1974) a fonctionné vaille que vaille selon le bon vouloir de la
direction. Et pour aller plus loin, pour ratifier les décisions de la
direction. Quant aux données issues de l'extérieur, les trop peu
nombreux projets de recherche effectués pour connaître les besoins
de la population ont été mis sur des tablettes. On se contente
encore de programmer le petit écran à partir de discussions en
milieu clos ou en épuisant des caisses de documents importés.
Questions
Nous nous demandons donc pourquoi les objectifs de la programmation,
tels qu'esquissés dans le plan triennal, sont à l'opposé
de la réalité? Nous nous posons des questions sur ce qu'entend
la
direction par télévision éducative? Nous nous
demandons si la programmation actuelle répond à un besoin bien
défini?
4.
Une production sans budget
Les orientations de Radio-Québec peuvent se lire à travers
la répartition du budget. Un fait est certain: les équipes de
production se retrouvent toujours avec des budgets inadéquats et qui
sont souvent réduits en cours de réalisation.
On peut toujours alléguer que le budget de fonctionnement de
Radio-Québec est trop faible. Mais à vivre à
l'intérieur, on s'aperçoit que le problème vient se
compliquer par la mauvaise répartition du budget.
Nous estimons qu'une trop large part du budget est utilisé
à mauvais escient. La gestion de l'Office est trop coûteuse pour
la dimension de lentreprise et pour la quantité de productions. A lire
le budget, on a l'impression que la gestion ne prend que 20% du budget. Or, ce
pourcentage n'est qu'une faible partie de la vérité. On peut
estimer qu un autre 20% est caché dans le budget de fonctionnement des
autres services de l'Office. La conséquence de ce haut pourcentage de
40% est que la production se retrouve avec un pourcentage réduit de
fonctionnement.
Si à ce pourcentage nous ajoutons le coût d'achat des
équipements techniques, la production se voit une seconde fois
amputée de ses fonds nécessaires.
Pour compléter le tableau, nous pouvons ajouter une foule de
coûts ayant peu d'intérêt pour la production.
Exemple: une foule de déménagements internes ont lieu
chaque année. Pour l'année 1977-78, le budget d
aménagement des bureaux a été défoncé de
quelques $100,000.
Exemple: des frais de représentation pour les cadres de l'Office,
difficiles à estimer mais passablement élevés, ont
crevé le budget général.
Questions
Mais une fois que toutes les dépenses sont soustraites que
reste-t-il à la production? Très peu. Peut-on alors se demander
si la planification budgétaire des différentes séries est
adéquate? Là encore, il est commun d'allouer un budget et des
équipements sans même savoir si les séries les
requièrent. Que vous produisiez une émission sur les relations de
travail ou une sur la culture des plantes d'intérieur, on ne s
embarrasse pas trop de complications. Le budget est alloué avant
même d'avoir analysé les besoins de la production.
Une telle politique faisait dire à un artisan que le budget de
Radio-Québec existe non en fonction de la production mais en fonction de
l'administration et de la gestion.
5.
Un service de distribution
déficient
Le service de distribution de I'Office a une fonction double. D'abord de
distribuer ou vendre les documents produits par Radio-Québec.
Deuxièmement de vendre les productions produites par le ministère
de l'Education à des commissions scolaires et à des maisons
d'enseignement.
En ce qui a trait à la première partie de son mandat,
I'Office semble fournir inadéquatement ses productions aux
régions ou aux organismes qui en font la demande. La raison
invoquée est la difficulté de libérer les droits. Mais
voilà que le problème existe depuis plus de cinq ans et n'a
jusqu'à ce jour pas vu une solution finale.
En ce qui a trait à la seconde partie du mandat,
Radio-Québec ne remplit pas ses engagements. 150 à 200 demandes
de documents en provenance d'institutions telles que la CE.CM., des
cégeps, la Commission scolaire de Chambly et de TEstrie n ont pas
été remplies depuis plus d'un an.
Question.
Faut-il donc procéder à quelques
réaménagements dans ce service?
6.
Le débat est-il
terminé?
A la suite de ce survol rapide des diverses facettes touchant
lorientation et le développement de Radio-Québec, on peut se
demander si le débat est terminé et ce même avec la
parution du rapport Rocher.
Au début de Radio-Québec, la direction a pris bien soin de
prendre des décisions en vase clos. Un débat s est
instauré en 1975, mais il faut se demander s'il n'était pas trop
tard, s'il ne venait pas à la suite de décisions dont les
prolongements sont irréversibles (équipement lourd, antennes UHF,
centralisation).
Il faudra peut-être conclure bientôt que si les
autorités politiques sont placées devant I irréversible,
la direction en place n est pas nécessairement là pour
l'éternité.
III Organigrammes multiples et chaises
musicales
Les problèmes décrits plus haut peuvent laisser songeur
plus d'un quant à la capacité de la direction à bien
gérer l'établissement.
Nous allons aborder certains aspects de la gérance dans ce
chapitre.
1.
Quatre organigrammes en 8 ans
Un des aspects les plus caractéristiques de l'évolution
cahoteuse de Radio-Québec est le goût très poussé
qu'a la direction à faire des changements administratifs. A chaque fois
qu'une crise interne prenait de l'ampleur, la direction décidait
d'instituer un nouvel organigramme. C'est ainsi qu'en 8 ans pas moins de 4
organigrammes ont vu le jour.
En 1974, la direction, voulant faire les choses en grand, engage les
services d'une firme conseil, Drouin, Paquin & Associés Ltée.
Après avoir soumis 20 organigrammes différents, le
président accepte une structure. Le coût est estimé
à plus de $100 000.
Un an après sa mise en place, Radio-Québec modifie de
nouveau sa structure et l'un de ses principaux directeurs perd ainsi
pratiquement tous ses pouvoirs.
Les remaniements constants des différents services et directions
ont causé des torts considérables à la bonne marche de
l'Office. Certains empires se sont même créés à
l'intérieur, empires qui avaient pour but d'affaiblir d'autres
services.
Questions
Ces changements de structures administratives ont-ils aidé
à résoudre les crises internes? Ces changements sont-ils
destinés à faire de Radio-Québec un organisme vraiment au
service de la population?
2.
"Turn-over" incroyable des cadres
Ces changements de structures administratives se complètent par
un "turn-over" très grand des cadres.
En 10 ans, cinq vice-présidents se sont succédés
à Radio-Québec. Se sont succédés également:
4 directeurs de production, 5 directeurs de personnel, 2 directeurs de la
programmation en 3 ans, 3 directeurs de la planification en 5 ans, 4 directeurs
des relations publiques.
Donnons seulement deux exemples. L'Office décrète la
fermeture de l'Office au mois de juillet pour que tout le monde prenne ses
vacances en même temps. Pourtant il est plus efficace d'instituer la
rotation des périodes de vacances afin de permettre une production plus
efficace.
L'Office a décidé de dissoudre en 76 le service des
stages. Ce service avait pour but de permettre aux employés et aux
personnes extérieures une formation permanente dans le domaine de la
télévision. La disparition du service enlève toute
possibilité d'accroître la qualité du personnel et de faire
de l'expérimentation.
Sur les interventions de la direction, la même enquête
souligne le fait que "la direction n'intervient que s'il y a du budget à
couper ou des revendications à faire à l'endroit des
émissions" (page 95). La direction, semble-t-il, ne brille pas par la
cohérence de ses décisions qu'elle tournera toujours à son
avantage. Quant à son mode d'intervention, "il est fondé sur la
non-participation des personnes impliquées. Ceci se retrouve dans le
fonctionnement hiérarchique de Radio-Québec et dans le fait qu'on
recourt à des ressources extérieures pour des actions qui
pourraient plutôt se faire avec la participation du personnel de
Radio-Québec " (page 96).
Il est certain que certains cadres ont rempli plusieurs postes à
la suite. Mais il faut aussi mentionner que plusieurs personnes sont
arrivées et sont parties après quelques mois seulement de
présence à l'Office.
D'après les commentaires que nous avons pu entendre, plusieurs
cadres furent tellement découragés par le climat qui
régnait à Radio-Québec, qu'ils ont
préféré disparaître le plus vite du tableau.
Ce climat malsain n'a pas seulement affecté les cadres: de
nombreuses personnes d'expérience ont préféré
quitter l'Office plutôt que de rester à ne rien faire ou à
être sous employées. Ironie du sort, plusieurs d'entre elles se
retrouvent maintenant à Radio-Canada dans des postes-clé ou comme
artisans d'émissions telles que "Consommateurs avertis", "Ce soir",
"L'Evangile en papier".
3.
Manque de planification et
difficultés de communication
Malgré le fait que Radio-Québec possède 59 cadres
(incluant 8 professionnels non-syndiqués), ce qui d'ailleurs est
beaucoup si l'on considère que chaque cadre a au moins une
secrétaire et que l'effectif total de l'Office est de 487 personnes
(relevé de novembre 1977), nous avons remarqué un manque de
planification et des difficultés de communication.
Revenons donc aux données de l'enquête de 1976. On peut y
noter des critiques fort sévères quant à la
capacité de planification de la part de la direction en place. C'est
ainsi qu'on peut y lire: "les remarques sur les cadences de travail mettent en
cause le manque de vue d'ensemble de Radio-Québec et désignent
quelques conséquences de ces cadences de travail. Ainsi certaines
personnes doivent travailler intensément pendant certaines
périodes, puis se retrouver à rien faire pendant d'autres
périodes. Radio-Québec pourrait répartir autrement le
travail et faire en sorte que les gens inoccupés puissent travailler
à préparer des séries futures. Mais vu que les
décisions ne sont pas prises quant aux séries futures, la
direction préfère ne pas s'engager quant à l'avenir et
laisser du personnel payé à ne rien faire pendant certaines
périodes" (Modèle d'évaluation, Tome 2, page 90).
La direction nous répliquera que des changements ont
été apportés depuis la sortie de l'enquête. Mais les
employés pourraient prouver le contraire.
IV Conclusion provisoire
Ce mémoire, selon nous, remet sérieusement en question la
capacité de la direction de Radio-Québec à gérer de
façon adéquate, à instaurer un milieu de confiance et
à fournir les services auxquels la population est en droit de
s'attendre.
Pour ces raisons, nous recommandons que le budget de Radio-Québec
pour 78-79 ne lui soit alloué que si la direction accepte d'instaurer
certains changements majeurs: 1. Alléger la structure administrative
afin de la rendre plus souple. 2. Répartir différemment le budget
de façon à allouer une plus grande part à la production,
en réduisant l'administration et la technologie lourde. 3. Etudier la
possibilité de poursuivre le développement technologique de
Radio-Québec avec un appareillage léger et moins coûteux.
4. Démocratiser véritablement Radio-Québec afin de mettre
dans le coup la population du Québec. 5. Donner aux régions toute
latitude de déterminer elles-mêmes leurs objectifs de
régionalisation, leur fonctionnement et leur donner les moyens
d'atteindre ces objectifs. 6. Ouvrir les structures à la participation
des syndicats de Radio-Québec, à celle de la population en
général et des représentants des régions. 7. Faire
une étude exhaustive des besoins de la population en matière de
télévision éducative.
Nous estimons que si ces changements ne sont pas introduits dans les
plus brefs délais, les crises internes et externes ne feront que se
poursuivre dans l'avenir.
MÉMOIRE du Syndicat Général des
Employés de Radio-Québec sur l'ORIENTATION DE L'ORTQ
préparé en vue des
AUDIENCES PUBLIQUES de RADIO-QUÉBEC mars 1975
Le Syndicat général des employés de
Radio-Québec, à l'instar des groupements et des observateurs
soucieux du devenir de la télévision éducative qu'est
Radio-Québec, salue avec grand plaisir, mais aussi avec réticence
l'initiative de la maison de tenir des audiences publiques à travers le
Québec sur la programmation, la participation et la
régionalisation éventuelles de Radio-Québec, notre
employeur.
Avec grand plaisir parce que cette initiative, nous l'attendions depuis
l'automne 1973, époque où une longue période
d'inactivité a permis à plusieurs employés en grève
de se poser des questions sur le type de travail, le type de production qu'ils
effectuaient tous dans cette maison. Ces réflexions ont donné
lieu d'abord à une intervention du SGERQ lors des audiences du CRTC en
1973, afin que cet organisme sursoie à la demande d'antenne de
Radio-Québec jusqu'à ce qu'un débat public sur les
orientations de Radio-Québec ait lieu au sein de la population
québécoise. Et ensuite, à la publication d'un document de
travail qui circule à l'intérieur de la maison depuis ce temps,
et dont le présent mémoire en constitue le
résumé.
Ce mémoire que le SGERQ vous présente aujourd'hui est donc
le fruit d'une démarche longuement mûrie de la part des artisans
de la télévision de Radio-Q'uébec. Et
l'intérêt à cet égard que portèrent par la
suite un nombre grandissant de groupements de citoyens, d'observateurs, de
spécialistes des communications, et du ministre lui-même nous
fournit la preuve que les préoccupations qui sont celles du SGERQ depuis
1973 envers la démocratisation de Radio-Québec, s'inscrivent dans
une démarche d intérêt public et de préoccupations
à long terme du devenir de la maison pour laquelle nous travaillons.
Mais c'est aussi dans la même optique d'intérêt
public que nous avons moultes réticences à déposer notre
mémoire devant Radio-Québec seul, lequel se trouve à
être dans cette évaluation, il est essentiel, voire vital que les
interventions des groupes de citoyens aux audiences soient
évaluées et jugées non par la direction de
Radio-Québec, mais par une régie québécoise
indépendante assurant ainsi la neutralité nécessaire
à l'enjeu en cause, tout comme cela se fait partout au Canada en
matière de télévision commerciale et étatique.
Radio-Québec, parce qu'il se définit comme
télévision éducative, ne devrait encore moins, selon nous,
y faire exception.
C'est donc avec cette réserve que le SGERQ présente son
mémoire, et avec une demande expresse auprès du ministre des
Communications pour qu'il confie au plus tôt à cette régie
l'arbitrage "neutre " d'un tel débat d'envergure nationale.
Orientation actuelle de Radio-Québec
Depuis sa fondation, Radio-Québec a donné prise à
de nombreuses critiques venant de tous les milieux.
Radio-Québec s'est coupé des circuits ordinaires de
télévision et des expériences diverses en
télévision éducative. Qu'il s'agisse du
Vidéographe, de la télévision communautaire, de TVC4 ou de
CFVO, Radio-Québec est resté à l'écart de ces
expériences et s'est condamné à la marginalité.
Radio-Québec s'est contenté de répéter
certaines erreurs d'orientation des autres organismes (NET, OECA) et s'est tenu
à l'écart des grands débats sur la
télévision éducative.
L'accent a été mis sur le hardware. Radio-Québec
s'est doté d'un équipement technique d'un standard hautement
professionnel, peu compatible avec les équipements existant à
travers la province, tant dans les CEGEP et Université que dans les
différents centres communautaires, ce qui rend les productions de
Radio-Québec difficilement accessibles à des groupes formels.
Ces équipements sont d'un coût très
élevé: il suffit de comparer le prix d'un magnétoscope 2"
avec celui du magnétoscope 3/4" ou 1".
II serait possible, pour certaines productions régionales,
d'utiliser de l'équipement moins coûteux, plus léger et
plus maniable, correspondant davantage aux impératifs d'une
société en pleine évolution.
Radio-Québec s est contenté de produire et de diffuser des
documents d'une qualité technique impeccable en privilégiant
davantage le contenant que le contenu. Le public participe peu aux
émissions et ce, à aucun des niveaux de production.
Les productions de Radio-Québec s'adressent au grand public, sans
distinguer les spécifications des différentes catégories
de citoyens et des groupes formels. A preuve, le concept de
"Québécois moyen" qui détermine officiellement le
public-cible de Radio-Québec est un concept théoriquement prudent
et sans aucune référence pratique valable en termes
d'éducation.
Il nous apparaît évident que les besoins en
télévision éducative des habitants de la Côte Nord,
ne sont pas les mêmes que ceux des Montréalais. Les
étudiants et les cultivateurs n'ont ni les mêmes priorités
ni les mêmes besoins.
Radio-Québec devra donc moins produire des émissions "pour
tous" que de déterminer les besoins spécifiques de
différents groupes et produire des documents en intégrant des
représentants de ces groupes à toutes les étapes de la
production.
L'ensemble de la production de Radio-Québec est actuellement
élaboré par un comité nommé en exclusivité
par la direction. A partir de données fragmentaires, ce comité
détermine seul les besoins éducatifs de I ensemble des
Québécois.
Tant que Radio-Québec ne mettra pas sur pied des
mécanismes de consultation et de participation avec les citoyens du
Québec, la programmation ne répondra que très peu aux
besoins véritables des Québécois.
La rigidité des structures administratives mises en place
dès les débuts de l'ORTQ, ne permet pas l'épanouissement
du potentiel des employés.
A cet égard la maison a provoqué le cloisonnement des
fonctions et le fractionnement des tâches des le début avec la
série "Les Oraliens". Il est important de noter qu'à
l'époque il n'y avait aucun syndicat à Radio-Québec.
Ces constatations nous font croire que l'orientation de R.Q. ne
répond pas aux critères d'une véritable
télévision éducative.
Pour une véritable TV éducative
La population du Québec est actuellement mal desservie par les
médias. La TV de masse est subordonnée à des
impératifs de rentabilité commerciale et tient peu compte des
besoins et des intérêts des citoyens.
Contrairement à la télévision de masse, la
télévision éducative doit prioritairement tenir compte des
besoins essentiels des gens: manger, boire, se loger, se soigner, apprendre,
comprendre son milieu, connaître ses droits, etc.
Mais au préalable, il faut également tenir compte des
motivations des gens face au processus éducatif, c'est-à-dire,
pourquoi on apprend.
On apprend pour répondre à ses besoins, pour être en
relation avec les autres et la réalité, pour poursuivre un
cheminement personnel et, plus fondamentalement, pour le plaisir de la
découverte.
La télévision éducative doit établir une
relation étroite avec la population. La communication entre le
producteur et la population doit donc être a la base du processus
éducatif afin d'établir des liens étroits qui permettront
la conception et l'évaluation d un programme éducatif en fonction
des besoins de I'auditoire cible. Cette relation implique nécessairement
le dialogue et l'échange. Il faut donc remplacer les mécanismes
de diffusion par une structure de communication adéquate. Ainsi le
message télévisé servira comme outil de progrès
social.
Il y a place au Québec pour des media nouveaux, où le
processus de production est au moins aussi important que le produit fini. Donc,
l'objectif fondamental de R.Q. sera la survie et le développement de la
communauté québécoise par la communication.
R.Q. doit permettre aux Québécois de développer une
meilleure compréhension d'eux-mêmes et de leur milieu, et ainsi de
participer au développement socio-économique de ce milieu.
R.Q. devra permettre aux Québécois d'accéder
à une formation reliée à leurs besoins, à leur mode
de vie et a leurs capacités compte tenu des besoins et des
priorités de la société québécoise.
Les media de communication seront donc un outil parmi d'autres au
service des Québécois dans leur recherche de solutions concernant
la prise en main de leur vie, de leur milieu.
Parallèlement à cet objectif global de communication
véritable Radio-Québec poursuivra son autre tache, soit celle de
soutenir la formation scolaire et I action éducative des
ministères et organismes divers en préparant des documents
audio-visuels / et en y affectant les ressources financières
suffisantes.
Plus spécifiquement, à la demande du ministre des
Communications: Préparer des documents scolaires selon les besoins
du ministère de l'Education Préparer des documents
éducatifs de vulgarisation des lois et services de l'Etat selon les
besoins des divers ministères, organismes gouvernementaux et organismes
qui n'émargent pas au budget du gouvernement du Québec.
Principes que nous voulons privilégier
1. Radio-Québec doit s'orienter vers une plus grande
démocratisation, autant à l'intérieur qu'à I
extérieur. 2. Radio-Québec doit élargir ses services et
tendre graduellement à se décentraliser au point de
régionaliser graduellement ses services.
C'est TOUTE la population du Québec qui finance l'ORTQ par ses
taxes. 3. Il nous paraît essentiel d'orienter l'ORTQ vers non seulement
une plus grande flexibilité sur le plan des media et des
équipements, mais aussi vers une plus grande souplesse administrative.
Ce qui signifie que Radio-Québec doit être structuré de
manière à pouvoir s'adapter TRÈS rapidement aux besoins
changeants de la clientèle, à l'évolution de la
technologie et aux media selon ces besoins et ces changements.
Recommandations
A partir des orientations et des principes que nous avons
privilégiés, nous croyons opportun de formuler un certain nombre
de recommandations.
Les 4 premières recommandations affecteront l'orientation
fondamentale de l'ORTQ.
Une dernière partie est constituée de modalités
indispensables à la réalisation de ces recommandations.
Recommandations sur l'orientation
générale de Radio-Québec
1. Régionaliser et décentraliser: c'est-à-dire
fragmenter les auditoires ouvrir des "comptoirs "
régionaux intégrer ce qui est déjà
disponible dans les régions au niveau des équipements
audio-visuels utiliser des techniques moins sophistiquées mais
plus mobiles produire et diffuser en collaboration avec le milieu
visé. 2. Au plan régional, que Radio-Québec soutienne ou
s'intègre aux expériences en cours: CFVO à Hull et
TVC 4 St-Jérôme antenne communautaire multi-media
vidéographe FM de l'université Laval
Télé université, etc.. donner prioritairement
l'antenne au cinéma québécois 3. Radio-Québec
initie: des projets coopératifs en radio FM dans les territoires
non desservis des projets coopératifs en télé UHF
4. Radio-Québec démocratise sa production, sa programmation et sa
distribution: PRODUCTION: a) au niveau central: dans chacun des projets,
le public visé est directement impliqué dans la production et
détermine ainsi le premier "feed back". b) au niveau régional:
dans chacun des projets, Radio-Québec fournit un support technique et
veille à ce que les contenus soient élaborés par les
publics visés PROGRAMMATION:
Chaque groupe visé est représenté sur le
Comité de programmation tout comme les groupes formels" de
Radio-Québec: direction, réalisation, employés SGERQ et
NABET. DISTRIBUTION:
Par le moyen d'un service de tirage et de fiches techniques (catalogue)
sur toutes les productions. Radio-Québec rend tous ses produits
accessibles sur demande.
Exemple: Les séries "D'la Jarnigoine ", "On n'a plus les
séances qu'on avait" et "Mains habiles, mains agiles" de
Radio-Québec, dans le mode présent de distribution, deviennent
disponibles pour les CEGEP. La télévision éducative de
l'Ontario, l'OECA, met même à la disposition du public une
unité mobile de visionnement et de distribution.
Modalités permettant l'application des 4 premières
recommandations 1. Radio-Québec diffuse différemment:
Radio-Québec, pour le moment ne conserve que ses deux antennes
UHF, soit dans les régions de Montréal et de Québec
où se retrouve plus de la moitié de la population du
Québec. Cette seule implantation technique, différente des
projections du Plan Triennal, s'explique par l'aspect expérimental de ce
programme d'expansion. Les montants ainsi récupérés en
immobilisation pourraient être affectés à la
réalisation des 4 précédentes recommandations. 2.Que les
employés de Radio-Québec s'élisent des
représentants (avec droit de vote), sur le conseil d'Administration de
l'Office aux comités de planification de programmation et d'orientation.
Leur rôle sera prioritairement d'être des porte-parole des
employés. 3.Que Radio-Québec repense ses structures en fonction
de ses nouveaux objectifs de façon à ce que la hiérarchie
outrancière et la bureaucratie actuelle n empêche pas la
réalisation des recommandations. Nous proposons de permettre la
participation des citoyens à tous les niveaux de décision
à l'intérieur de l'Office. 4.Que Radio-Québec demande,
s'il y a lieu, à l'Assemblée nationale d'amender sa charte en vue
d'en faire un organisme de communications dont le but serait d être un
instrument de progrès social. 5.Que Radio-Québec accepte de
considérer les 3 prochaines années comme expérimentales.
Ces années serviront à connaître et à
vérifier les meilleurs moyens d'implantation dans le milieu
québécois. Les structures de Radio-Québec doivent
permettre un maximum de flexibilité pour s'adapter, dans un court
délai, aux équipements de production et de distribution
déjà en place dans les régions.
En terminant, nous tenons à préciser aux membres du
Comité que ce n'est nullement dans I esprit d attiser des luttes
internes ou publiques sur R.Q. que nous présentons notre mémoire.
Nous savons que nos recommandations ne pourront être appliquées
dans des délais très courts, l'ORTQ possédant des
traditions qui ne peuvent être modifiées du jour au lendemain. Les
changements radicaux que nous proposons exigent une profonde mutation et nous
ne nous faisons aucune allusion sur le temps que cela prendra. Nous souhaitons,
cependant, que la direction de R.Q. prenne notre position pour ce qu elle est,
c'est-à-dire une recherche positive pour l'établissement d'une
véritable télévision éducative, et non pour une
attaque directe contre elle-même. Nous déplorons que les
dirigeants de l'office aient jusqu'ici toujours vu d'un mauvais oeil les
préoccupations des employés en ce qui concerne l'orientation
d'une télévision éducative alors que c'est une preuve de
santé. Pourtant nous sommes les premiers concernés en tant
qu'artisans de cette télévision. A cet égard, nous voulons
simplement nous associer avec tous les citoyens aux réflexions et
à la démarche, que poursuit Radio-Québec, sans
arrière pensée négative mais dans un but
d'intérêt public.
Liste des cadres, cadres assimilés et professionnels
non-syndiqués
Bachand, Denis directeur des services financiers et administratifs
Beauregard, Denis chef du service Texte et Recherche
Bélec, Pierre chef du service Réalisation
Bergeron, Guy chef du service Réalisation
Boileau, Jean-P. chef de division
Benoist, Bernard secrétaire et secrétaire du
contentieux
Bournival, Andréanne chef du service analyse des projets
Brousseau, Claude vérificateur interne
Buzaré, Gilbert vice-président administration
Caron. Claude vice-président exploitation
Charest-Bernard, Nicole chef de service centre des recherches
documentaires
De Bellefeuille, André directeur des relations
internationales
Desrosiers, Robert B. directeur du film
Fagnan, Denis directeur recherche et évaluation
Faucher, Nicole chef de service implantation régionale
Felton, Normand chef de division aménagement visuel
Fizet, Jacques coordonateur de la planification
Fournier, Lynn directeur de la réalisation
Geiser. Marie chef de division de la cinémathèque
Gignac. Isabel chef du service de la distribution
Girard. Raymond chef des services auxiliaires
Labonté, Yves président directeur
général
Lavoie, Gaétan chef du service relation avec lauditoire
Lavoie. Pierre chef de division
Leblanc, Nicole chef de service des acquisitions
Lefebvre. Yves chef du service de la réalisation
Letourneau, Bernard chef ciné-caméraman
Loiselle, Robert chef du service gestion du personnel
Lombardi, Antonio chef du service programmation budgétaire
Ludvick, Karel chef du service tournage
Malo, Yvon directeur des ressources humaines
Paquet, Philippe directeur des relations publiques
Poirier, Michel chef du service de visualisation
Préfontaine, J.C. chef du service implantation et entretien
technique
Proulx, Robert chef du service administratif de la
télévision
Reeves, René directeur général adjoint
Robert, Claude directeur de la télévision
Stas, Marc chef du service
Sylvestre, Claude directeur des programmes
Turcotte, Samuel chef du service administratif de l'administration
Vanderhayden, Kees chef du service de la recherche et
évaluation
Venne, Roger chef du service de la comptabilité et prix de
revient
Verbert, Christian chef du service de la régionalisation
Jacques, Jean-G. secrétaire adjoint
Bertrand-Collins, S. chef du service du film
Brassard, Jeannine chef de division
Cazes, Bernard administrateur de production
Major, Michel administrateur de production
Robillard, Philippe technologue conseil
Tousignant, Georges chef de service exploitation
Allard, Michel agent de personnel
Leduc, Marie technicienne en personnel
Pelletier, Jacques agent de gestion de personnel
Landry, France technicienne en personnel
Laporte, Danielle infirmière
Desorcy, Gabriel chef adjoint de division aménagement
visuel
Larouche, Lise directeur de la régionalisation
Total 59 cadres. De ce nombre sont exclus les 25 réalisateurs,
les 15 directeurs techniques et quelques secrétaires de direction non
syndiquées.