L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des communications

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des communications

Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le mardi 1 septembre 1981 - Vol. 25 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur l'avant-projet de loi contenu dans le rapport Information et liberté


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des communications est réunie ce matin aux fins d'entendre les mémoires sur l'avant-projet de loi contenu dans le document intitulé Information et liberté. Rapport de la commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Beaumier (Nicolet), M. Bertrand (Vanier), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. French (Westmount), M. LeMay (Gaspé), M. Rivest (Jean-Talon), M. Rodrigue (Vimont), M. Sirros (Laurier) et M. Vaugeois (Trois-Rivières). Peuvent aussi intervenir: M. Baril (Arthabaska), M. Charbonneau (Verchères), M. Fortier (Outremont), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Perron (Duplessis), M. Picotte (Maskinongé) et M. Tremblay (Chambly).

Je demanderais aux membres de la commission de désigner un rapporteur, s'il vous plaît.

M. Bertrand: On pourrait proposer le plus jeune député de l'Assemblée nationale, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, M. Baril.

Le Président (M. Rochefort): Consentement?

M. Bertrand: Consentement.

Le Président (M. Rochefort): Alors, M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est désigné rapporteur.

L'ordre du jour est le suivant: nous entendrons dans l'ordre qui suit les organismes suivants: la Chambre de commerce de la province de Québec, le Centre pour le journalisme d'enquête, la société Hydro-Québec et la Société d'énergie de la Baie-James, STOP, l'Office des personnes handicapées du Québec, la Ligue des droits et libertés et la Société de radio-télévision du Québec.

Nous allons fonctionner en accordant environ 20 minutes aux organismes pour présenter leur mémoire et les députés de la commission se répartiront de 30 à 40 minutes pour questionner les représentants des différents organismes. Avant de commencer, je demanderais au ministre des Communications de faire un certain nombre de remarques préliminaires. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord, dans un premier temps, souhaiter la bienvenue aux différentes personnes, groupes et organismes qui se sont joints à nous ce matin pour entreprendre l'étude de la proposition de loi contenue dans le rapport de la commission Paré et les remercier de nous permettre de mener jusqu'au bout l'exercice démocratique de la préparation d'une éventuelle loi qui permettrait de libérer l'information gouvernementale et de protéger la vie privée des citoyens.

Je voudrais simplement, à l'endroit de mes collègues de l'Opposition officielle, leur dire immédiatement, malgré que je me réjouisse de la présence de M. le député de Westmount pour l'étude de cette proposition de loi, lui dire que j'aurais eu beaucoup de plaisir à effectuer ce travail avec le député de Jeanne-Mance qui, malheureusement, n'est pas avec nous pour les raisons qu'on connaît. J'ai déjà eu le plaisir d'aller le visiter à l'hôpital de Cartierville lorsqu'il est revenu d'Europe. À ce moment-là, il était d'ores et déjà assuré qu'il pourrait participer à cette commission parlementaire, mais des complications sont survenues. Je voudrais, comme ministre, demander à l'Opposition de lui transmettre mes voeux de très prompt rétablissement.

M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion, au cours d'une conférence de presse, le 11 juin dernier, d'exprimer l'accord du gouvernement aux principes et à l'approche globale contenus dans le rapport Information et liberté et transcrits dans la proposition de loi que nous étudierons au cours de nos travaux parlementaires. Nous avons pu vérifier, par les nombreuses déclarations et prises de position reproduites dans les médias, que cette adhésion aux principes du rapport Information et liberté fait l'objet d'un consensus général. Les avis sont unanimes sur un autre point. Le temps est venu pour le gouvernement du Québec de

légiférer dans ce domaine. Nous sommes d'accord et, si possible, nous le ferons dès cet automne. D'ailleurs, le mandat confié au ministre des Communications par le Conseil exécutif est clair. Permettez-moi de vous le citer très brièvement.

Accepter le cheminement suivant en ce qui concerne le rapport de la commission: a) durant l'été, recevoir au ministère des Communications des réactions internes des intervenants gouvernementaux; b) tenir une commission parlementaire durant l'intersession sur la proposition de loi préparée par la commission; c) présenter à l'automne un mémoire au Conseil des ministres proposant un projet de loi à ce sujet; d) étudier le projet de loi d'ici la fin de décembre 1981.

Il aurait été possible pour le gouvernement du Québec d'escamoter la consultation que nous poursuivons aujourd'hui en s'appuyant sur le consensus social exprimé et sur le fait que la commission avait, au cours de ses travaux, reçu 134 mémoires et rencontré 28 représentants d'organismes. Certains nous reprocheront de trop consulter. Pourtant, les premiers résultats qui sont entrés nous convainquent de la nécessité de cette consultation.

Que nous révèlent-ils? Nous le verrons ensemble au cours de nos travaux. Déjà, cependant, nous pouvons constater que, pour l'essentiel, les principes ne sont pas remis en cause. Ce sont les modalités d'aoplication de ces principes qui sont mises en question. Les organismes nous font valoir leurs particularités propres et nous alertent sur les précautions à prendre. Nous avons beaucoup à apprendre ici en commission. Dans ce domaine, les droits sont nouveaux. Ils interviennent dans le quotidien de chacun des organismes concernés et, rappelons-le, ils sont nombreux, ces organismes concernés, puisque nous en avons dénombré au-delà de 4000, j'oserais dire tout près de 5000. Nous nous devons de les entendre afin de dégager avec eux un consensus au niveau des modalités d'application équivalant à celui qui s'observe au niveau des principes.

La commission Paré nous a placés dans une situation idéale dans la recherche de ce consensus. Pour une fois, la première peut-être, le gouvernement et l'Opposition sont dans une même situation; la proposition de loi qui sera discutée au cours de nos travaux a été préparée par un organisme indépendant du gouvernement. Nous pouvons l'aborder avec le même esprit critique et, nous le souhaitons, avec les mêmes moyens, avec la même volonté de rechercher les solutions les plus simples et les plus souples possible aux interrogations qui nous seront transmises.

Quant à moi, je veux, dès le début de nos travaux, assurer mes collègues parlementaires de ma plus entière collaboration et, s'ils le requièrent, des services du ministère des Communications pour toute demande d'information qui pourrait nous aider à avoir une vision commune des dispositions prévues par la oroposition de loi contenue dans le rapport Paré. La consultation actuelle, est-il besoin de le préciser, nous l'avons voulue la plus complète possible. Nous avons tenté de rejoindre tous les organismes publics, les citoyens et groupes communautaires concernés par la proposition de loi. La période de l'été qui en est une de vacances pour plusieurs, j'oserais dire pour tout le monde, aurait pu hypothéquer le succès de cette consultation. C'est pourquoi nous avons insisté pour assouplir au maximum les règles normales d'inscription à la commission parlementaire, en permettant, par exemple, aux organismes de s'inscrire à la commission sans avoir au préalable complété leurs mémoires. Il y a d'ailleurs déjà des mémoires qui continuent d'entrer aujourd'hui, mais nous avons voulu étendre le délai le plus loin posssible pour permettre à tout le monde de se faire entendre.

Les députés accepteront bien, je pense, ce contretemps de n'avoir pu consulter longuement les commentaires qui nous seront transmis au cours de nos travaux et se rallieront, j'en suis sûr, à notre objectif d'entendre le maximum de points de vue possible.

Je vais déposer, au bénéfice des parlementaires, le bilan des actions qui ont été entreprises pour s'assurer que tous les organismes intéressés à faire connaître leur point de vue soient rejoints.

À la suite de l'appel lancé lors de la conférence de presse du 11 juin 1981, nous avons émis deux avis publics qui ont été reproduits dans les quotidiens et hehdos du Québec, publiés en date du 4 juillet et du 9 juillet 198l. Le sous-ministre des Communications, M. Pierre Deschênes, a fait parvenir à ses collègues des différents ministères et des comités du Conseil exécutif, 28 lettres leur demandant leurs commentaires et réactions à la proposition de loi. J'ai moi-même fait parvenir, en date du 3 juillet 1981, 170 lettres aux organismes qui avaient fait parvenir des mémoires à la commission Paré, ainsi qu'à un certain nombre d'organismes municipaux. Les 3 juillet et 13 août 1981, des communiqués de rappel ont été également publiés à l'intention des médias. Les lettres types, les communiqués de presse et l'avis public accompagnent le bilan que je vous remettrai dans quelques instants. De plus, un comité interne formé au ministère des Communications s'est rendu disponible auprès des organismes et des ministères pour échanger des informations. Différentes rencontres ont eu lieu sur la question.

La réponse est encourageante. Vous le

savez, tout près d'une trentaine d'organismes sont inscrits à la commission parlementaire. Les mémoires que nous avons pu consulter à ce jour sont d'une excellente qualité. Ils justifient à eux seuls la tenue de la commission parlementaire. Nos travaux seront assurément charqés et fort intéressants. Ils nous permettront, j'en suis sûr, de mieux mesurer l'impact d'une proposition de loi conférant les droits d'accès aux citoyens à l'information gouvernementale et à la protection des renseignements personnels.

Dix-neuf organismes nous ont fait connaître leurs réactions sans pour autant avoir jugé pertinent de se présenter à la commission parlementaire. Je déposerai aussi à l'intention des membres les accusés de réception, lettres et mémoires que les organismes m'ont autorisé à rendre publics. J'invite mes collègues à prendre connaissance de cette documentation. Elle contient, entre autres, des points de vue dont il faudra tenir compte, de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, de la Commission de police du Québec, de la bibliothèque de la Législature, du bureau du Vérificateur général, de l'Office de la langue française, du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, du comité de gestion des documents du Conseil du trésor et de l'Office des professions.

Quant aux ministères du gouvernement du Québec, la consultation se poursuit. Un certain nombre de rapports sont entrés et actuellement analysés au sein du ministère des Communications. Il s'agit, pour l'essentiel, d'échanges de renseignements et d'avis entre fonctionnaires.

Comme vous le constatez, les efforts n'ont donc pas été ménagés pour s'assurer que la consultation actuelle remplisse ses objectifs. Je souhaite vivement que nous déposions un projet de loi à l'Assemblée nationale dès cet automne. Pour autant, il n'est pas question de déposer un projet qui ne traduirait pas un consensus minimum et essentiel des organismes et des représentants des citoyens quant aux modalités d'application de la proposition de loi soumise par la commission présidée par M. Jean Paré. La commission nous laisse un bel héritage, mais aussi une très lourde responsabilité. En neuf mois, elle est parvenue à relever le pari que d'aucuns jugeaient impossible, soit de rallier l'opinion autour d'un cadre législatif, libérant l'information gouvernementale et assurant la protection des renseignements personnels. Nous avons la chance de travailler sur des bases solides; le chemin nous est tracé. Pour ma part, je peux vous assurer que je suis ici pour entendre, pour comprendre et pour accueillir toute suggestion qui permettrait au gouvernement de réaliser le mariaqe le plus parfait possible entre les principes et les modalités.

M. le Président, je voudrais donc, à la suite des remarques que je viens de faire, déposer à l'intention des membres de la commission parlementaire, dans un premier temps, une revue de presse qui a été constituée, dans laquelle nous avons non seulement tenté d'inclure à peu près tout ce qui a été publié dans la presse écrite relativement au projet d'accès à l'information gouvernementale au Québec mais aussi, dans une deuxième partie, toute une série de coupures de presse relatives au projet d'une loi fédérale d'accès à l'information. Je pense que ce document, qui est constitué de communiqués, de positions gouvernementales, d'éditoraux, d'études, de mémoires, de prises de position diverses autant pour ce qui est de la loi sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale au Québec que de la loi sur l'accès à l'information gouvernementale présentée au niveau fédéral, sera d'une très grande utilité pour l'ensemble des parlementaires.

Je dépose aussi, M. le Président, un document qui a pour titre Cheminement de la préparation de la commission Paré et des suites données au rapport de la commission dans lequel on retrouve l'ensemble des éléments dont j'ai fait mention tout à l'heure. On indique, entre autres, très précisément quel était le décret gouvernemental sur la base duquel la commission d'étude a fait son travail, de septembre 1980 jusqu'au mois de mai 1981, et aussi la liste d'un certain nombre de textes qui peuvent être utiles: par exemple, la décision du Conseil des ministres sur les suites à donner au rapport Paré, les textes de conférences de presse de la commission Paré ainsi que les déclarations du ministre des Communications sur le sujet, les avis qui ont été publiés dans les journaux relativement à la tenue de cette commission parlementaire, la copie des organismes auxquels des lettres ont été envoyées au niveau des ministères et organismes relevant du Conseil exécutif, copie de la lettre que j'ai fait parvenir à 120 organismes qui avaient déjà fait parvenir des mémoires à la commission Paré ainsi que la liste, bien sûr, de ces organismes, copie d'autres communiqués de presse rappelant la tenue de cette commission parlementaire, etc., avec, à la toute fin, la liste des ministères avec lesquels le groupe de travail du ministère des Communications a eu des rencontres au cours des mois de juillet et août. Alors, ce document, qui ajoute à l'information des membres de la commission, pourra être d'une certaine utilité pour la poursuite des travaux de la commission.

J'ajoute à cela un autre document qui est la liste des organismes publics qui ne participeront pas aux travaux de la commission parlementaire; c'est-à-dire la liste des 120 organismes à qui j'avais écrit.

II y en a plusieurs parmi ceux-là qui vont se retrouver devant la commission parlementaire. Il y en a un certain nombre qui m'ont transmis des accusés de réception; dans certains cas, un bref mémoire; dans d'autres cas, un mémoire plus élaboré. J'ai donc pensé qu'il serait intéressant pour les membres de la commission de rendre accessible l'ensemble de ces réponses. Nous avons communiqué avec tous les groupes qui nous ont fait parvenir ces commentaires et ils nous ont donné l'autorisation, bien sûr, de rendre publics ces documents. Je dépose donc ce troisième document, M. le Président, pour les membres de la commission parlementaire et, sur ce, j'inviterais mon collègue, le député de Westmount, probablement, à dire quelques mots avant que nous entendions les différents groupes qui ont décidé de se présenter devant nous pour nous faire connaître leurs commentaires aujourd'hui.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. Avant de donner la parole au député de Westmount, je voudrais souligner aux membres de la commission que ce n'est pas un dépôt de documents auquel nous assistons ce matin, mais une distribution de documents que le ministre veut bien donner aux membres de la commission. Tel que le prévoit notre règlement, il n'y a pas de dépôt de documents officiel en commission parlementaire.

Pour des remarques préliminaires au nom de l'Opposition, M. le député de Westmount. (10 h 30)

M. Richard French

M. French: Je vous remercie, M. le Président. On est frappé de nouveau par le nombre d'arbres qui donnent leur vie pour alimenter les programmes de publicité du gouvernement. On apprécie beaucoup la bonne volonté du ministre de nous fournir autant de données, ainsi que ses bons voeux à l'endroit du député de Jeanne-Mance. Je veux d'abord exprimer le regret du député de Jeanne-Mance qui, pour des raisons que nous connaissons tous, ne peut être avec nous aujourd'hui. En tant que porte-parole des communications de l'Opposition, le député de Jeanne-Mance a fait beaucoup de travail en prévision des séances de cette commission parlementaire. Il est très déçu de ne pas être en mesure de se mettre à l'oeuvre aujourd'hui et il attend avec le plus grand intérêt les résultats de nos délibérations.

Je veux, de la part de l'Opposition officielle, souhaiter la bienvenue parmi nous à tous les représentants des organismes qui ont pris la peine d'étudier le rapport de la commission et qui se sont rendus ici afin de nous aider dans nos propres délibérations. Nous anticipons avec plaisir l'occasion de vous entendre et de discuter des propositions qu'a faites la commission à propos d'un régime d'accès à l'information gouvernementale et de la protection des renseignements personnels.

Le rapport Paré nous fournit une excellente base de travail. Sans s'engager à endosser tous les détails du rapport et toutes les modalités proposées, nous reconnaissons, dans sa clarté, sa brièveté, la ponctualité avec laquelle il a été soumis malgré la modestie des ressources, un modèle du genre.

Le tout est au plus grand crédit des membres de la commission ainsi que de son personnel. La commission Paré a été particulièrement perspicace dans son évaluation des expériences vécues par d'autres "juridictions" et dans sa décision d'ajouter une proposition de loi en annexe au rapport.

Étant donné la clarté et la sophistication de la proposition de loi, et étant donné que le ministre s'est déjà déclaré "un ardent défenseur" des principes du rapport, nous comprenons que nos travaux cette semaine porteront surtout sur les considérations très concrètes qui se dégagent de l'implantation de ces principes dans un contexte politico-administratif où leur manque s'est avéré sérieux depuis des années.

Nous comptons sur le ministre pour déposer un projet de loi devant l'Assemblée nationale cet automne car 90% du travail est fait. Advenant le cas, nous offrirons notre sincère collaboration. Par contre un retour à l'attitude dilatoire qui a caractérisé le gouvernement jusqu'à l'automne dernier serait plus éloquent qu'une douzaine de professions de foi du ministre.

Quant à nous, cela fait quelques années maintenant que nous revendiquons l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et la protection des renseignements personnels. Des propositions à cette fin se trouvent dans notre programme politique.

Cinq points nous paraissent capitaux. Premièrement, les exceptions au principe général d'accès méritent un examen scrupuleux car c'est là vraiment que se situe le noeud du fonctionnement d'un régime de la liberté de l'information. Des exceptions doivent se limiter aux besoins réels de l'intérêt public dans la confidentialité gouvernementale et ne pas se prêter aux abus qui peuvent tenter un homme politique ou un fonctionnaire.

Deuxièmement, si l'importance des exceptions est facile à saisir, il s'agit aussi d'un régime où les détails juridigues ou administratifs peuvent nuire à la vraie mise en application des grands principes. Les délais à répondre, la définition d'une application, la publication d'un document où seulement une partie est protégée par la loi, voilà autant de détails d'une portée extrêmement significative malgré leur

caractère apparemment technique et ésotérique.

Troisièmement, nous tiendrons mordicus à ce que cette réforme soit accomplie sans aucune augmentation budgétaire aux crédits actuellement alloués aux communications ou ailleurs. On sait que les dépenses publicitaires du gouvernement québécois ont monté en flèche. Depuis 1977, la hausse est de l'ordre de 300%, de sorte que le Québec a sauté du 28e rang qu'il occupait parmi les principaux annonceurs du Canada au quatrième. Et par l'abondance et par le manque d'objectivité politique avec lesquelles elles sont souvent effectuées, ces dépenses représentent autant de ressources potentielles pour un régime d'accès à l'information gouvernementale et de la protection des renseignements personnels. Il n'y a donc aucune raison pour laquelle cette réforme doive augmenter le fardeau du contribuable québécois. Une simple réaffectation des ressources s'impose.

Quatrièmement, on sait que le ministre commence à patiner autour de la question de l'étendue de l'application de la loi, à savoir, par exemple, si les municipalités devraient être assujetties ou non à la loi. Nous reconnaissons le défi d'encadrer dans la trame d'un unique projet de loi la diversité des institutions visées dans le rapport de la commission Paré. Cependant, nous sommes persuadés à ce propos qu'il ne faut pas retarder le dépôt d'un projet de loi ni laisser tomber les institutions non ministérielles de son étendue. Un projet de loi déposé cet automne devrait viser toutes les institutions recommandées par la commission, mais avec des échéanciers d'un an ou deux pour les organismes qui en démontrent la nécessité.

Enfin, nous porterons, bien sûr, une attention particulière à tout ce qui a trait à la protection de la vie privée. Il s'agit là d'une des préoccupations fondamentales de notre formation politique. Notre lutte contre le projet de loi 3, qui envisageait un fichier central de renseignements personnels, et notre programme politique sont la preuve de nos préoccupations à cet égard. Nous trouvons que, dans ce dossier, le rapport de la commission Paré n'est pas moins valable qu'ailleurs et nous n'épargnerons aucun effort pour l'améliorer davantage afin que le citoyen soit protégé d'un gouvernement centralisateur et peu soucieux des droits et libertés individuels.

Le bilan du gouvernement actuel dans les dossiers de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels est celui d'un double discours cynique qui ne se distingue nullement des records d'autres juridictions. Le gouvernement a toujours été plus enthousiaste pour l'idée de l'accès à l'information qu'il ne l'a été pour la réalité d'une loi à ce sujet. Si les professions de foi du ministre d'aujourd'hui sont fondées, on serait des plus contents, on retirerait ces paroles. Il n'a jamais sacrifié ses besoins partisans à court terme au principe de l'accès public dans le passé. Le moment est venu pour le parti au pouvoir de se montrer non seulement un parti épris de publicité, mais aussi un gouvernement de l'information. Jusque là, la fameuse transparence restera un slogan vide à moins que cette preuve ne soit faite.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député. Maintenant, nous entendrons les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec. Je demanderais au porte-parole de s'identifier et d'identifier les personnes qui l'accompagnent.

Mémoires

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Tremblay (Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom est Pierre Tremblay. Je suis président de la chambre.

M'accompagnent ce matin, à ma gauche: Me John Moody, qui est directeur de notre service de la législation, M. Pierre Morin, directeur général aux affaires publiques, M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif de la chambre, et Me Michel Racicot, chef adjoint des services juridiques à Bell Canada.

Je voudrais vous remercier de nous avoir permis de faire entendre certains points de vue et je voudrais également vous remercier de l'accueil qui nous est accordé. Je voudrais souligner également que les copies d'un bulletin sur la législation que nous publions régulièrement et qui ont été distribuées tout à l'heure sont pour une meilleure compréhension de notre mémoire, puisque nous y référerons un peu plus loin dans le texte. Je me permettrai de sauter à quelques endroits pour accélérer la présentation, étant donné qu'il v a affluence et pour donner une chance un peu à tout le monde de se faire entendre.

Qu'il me soit permis de vous souligner que notre fédération compte plus de 200 chambres dans la province de Québec, regroupant environ 40 000 membres, ainsi que 2700 membres corporatifs.

Comme nous le soulignons dans notre mémoire, M. le Président, la chambre est tout à fait d'accord avec les grands objectifs qui sous-tendent le rapport de la commission, soit la protection de la vie privée et l'accès aux renseignements gouvernementaux non confidentiels. Ces préoccupations sont essentielles dans une société libre.

Permettez-nous, d'ailleurs, d'observer que si le gouvernement est vraiment sincère et conséquent dans son désir de protéger la vie privée des citoyens, il devra abroger l'article 523 du nouveau Code de la sécurité

routière qui oblige les médecins à dénoncer à la Régie de l'assurance automobile du Québec les déficiences physiques et mentales de leurs patients. Permettre que le fichier de la régie contienne le répertoire des déficiences physiques et mentales des citoyens constitue probablement une plus grande atteinte à la vie privée que les périls que la commission Paré se propose de prévenir. Les récentes révélations au sujet de la vente d'information par le Bureau des véhicules automobiles sont aussi révélatrices.

Nous croyons cependant, à l'instar de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, que la protection de la vie privée est un droit non seulement pour les personnes physiques, mais aussi pour les personnes morales que sont les associations, sociétés et compagnies. Or, le rapport de la commission a négligé ce corollaire.

Les renseignements confidentiels des compagnies sont, à notre avis, mal protégés. Nous sommes fort surpris et fort déçus que les commissaires, qui ont pris tant de précautions pour protéger la vie privée des individus, aient fait si peu de cas de la protection des renseignements confidentiels des personnes morales. Sous le régime de la loi proposée par la commission, les renseignements que les sociétés commerciales sont forcées de révéler au gouvernement seront moins bien protégés qu'auparavant. Si le projet de loi est adopté tel quel, certains documents commerciaux, dont la confidentialité est vitale, pourront être exposés devant tous et chacun.

Je sauterai un peu plus loin pour dire -dans nos remarques à la page 5 - que selon l'avant-projet de loi, tous les documents détenus par le gouvernement seraient publics sauf exception expressément prévue dans la loi même. L'article 46 stipule même que toutes les dispositions des autres lois assurant la confidentialité des documents deviendront sans effet deux ans après l'adoption de la loi. Ainsi, tous les renseignements fournis par les compagnies en vertu, par exemple, de la Loi sur les accidents du travail, de la Loi sur l'aide au développement industriel, de la Loi sur les compagnies, de la Loi sur les bureaux de la statistique et même les rapports d'impôt deviendront, en principe, des documents publics accessibles à tous.

La confidentialité de ces documents des compagnies sera réévaluée par la Commission d'accès aux documents des organismes publics au cours des deux années suivant l'adoption de la loi. Mais on risque, la confidentialité étant l'exception, que plusieurs dispositions actuelles soient abrogées. C'est la commission qui fera des recommandations au gouvernement, et rien ne garantit que les personnes intéressées pourront faire valoir leur point de vue devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale.

L'article 56 précise, en effet, que les représentations se feront devant la Commission d'accès aux documents des organismes publics. C'est là une délégation abusive de pouvoir à des fonctionnaires, a notre avis.

C'est d'ailleurs l'article 46 qui distinque le plus nettement le projet de loi proposé du projet de loi fédéral sur le sujet. L'article 25 du projet de loi C-43 stipule au contraire que le gouvernement doit refuser de communiquer des renseignements qu'une loi interdit de divulguer. L'interdiction de l'article 25 est catégorique et lie tous les fonctionnaires.

Nous soulignons ensuite certaines protections accordées par les articles 27 et 52, évidemment. Nous les citons. À notre avis, cette protection est insuffisante. D'abord, s'il demeure évident qu'un rapport d'impôt est un document confidentiel, la confidentialité de certains autres documents ne sera pas nécessairement évidente aux yeux du fonctionnaire de service. Si celui-ci ne juge pas un document confidentiel, il en permettra l'accès sans même en aviser la compagnie concernée. N'est-il pas inquiétant que le législateur accorde un tel pouvoir à un fonctionnaire?

Si, d'autre part, le fonctionnaire juge que le document visé revêt bien un caractère confidentiel, c'est la compagnie concernée qui devra faire valoir son opposition dans les 20 jours de la réception d'un avis l'informant d'une demande d'accès. Si elle ne répond pas à cet avis dans les délais prescrits, elle est réputée avoir accepté la divulgation des renseignements demandés. Ainsi, si quelqu'un demande le rapport d'impôt d'une compagnie et que l'avis est éqaré par la poste ou qu'en raison d'un déménagement, par exemple, l'avis ne peut être livré dans les courts délais prescrits, ou encore qu'on néglige d'y répondre par erreur, alors, des renseignements d'une valeur inestimable pour la compagnie risquent d'être divulgués.

Le sort réservé aux personnes morales par l'avant-projet de loi est donc inacceptable. La seule manière de corriger effectivement le problème consiste à inclure les personnes morales à l'article 56, afin qu'elles jouissent de la même protection que celle accordée aux personnes physiques.

Il importe aussi de protéger les renseignements confidentiels de nature industrielle, financière, commerciale, scientifique, technique ou syndicale, en modifiant l'article 52 afin que le consentement explicite et écrit de la personne morale concernée soit nécessaire pour qu'un organisme public soit autorisé à les divulguer. (10 h 45)

Puant à l'échange d'information entre les organismes gouvernementaux, nous notons ceci. Comme un des principaux objectifs de

la proposition de loi est de mettre un frein aux échanges de renseignements nominatifs entre les organismes gouvernementaux, nous suggérons que toute entente prévoyant de tels échanges soit soumise à l'assentiment de l'Assemblée nationale. Le simple dépôt de l'entente, tel que préconisé par l'article 67, ne nous semble pas une garantie suffisante contre les abus possibles en ce domaine.

Quant à la composition de la Commission de l'accès aux documents des organismes publics, la chambre s'oppose fortement à ce que les décisions de la commission sur une question de fait soient finales et sans appel. Cette façon de procéder est d'autant plus inquiétante qu'un membre de la commission peut connaître seul une demande de révision. Le seul appel possible serait un appel sur une question de droit, avec la permission de la Cour d'appel. Or, on sait comment il est difficile d'obtenir cette permission.

Nous recommandons donc que les décisions de la commission puissent être portées en appel auprès des tribunaux de droit commun sur toute question de fait ou de droit.

Le problème de l'accessibilité à l'information actuellement disponible. Comme le fait remarquer le rapport de la commission, l'accessibilité à l'information gouvernementale est souvent déjà difficile même quand il n'existe aucune barrière de confidentialité. En effet, quand il s'agit d'obtenir rapidement les textes des projets de loi (particulièrement en fin de session) ou les textes définitifs des lois ou les déclarations ministérielles ou d'autres documents sessionnels, les intéressés qui n'ont pas la chance ou la possibilité financière d'être constamment sur les lieux du Parlement sont lourdement handicapés, car, pour qui veut réagir rapidement, l'information en retard équivaut souvent a l'absence d'information. Pour plusieurs, donc, une accessibilité lente à certaines informations équivaut en fait à de l'inaccessibilité.

De même, il arrive souvent que l'appareil administratif gouvernemental ne soit pas capable de répondre aux demandes d'information dont le citoyen a un besoin urgent. Il y a quelque temps, par exemple, on ne pouvait se procurer chez l'Éditeur du Québec même le texte de la loi 17 (santé et sécurité du travail ni le Code du travail. Cette situation chronique est-elle admissible?N'est-ce pas là un déni d'accessibilité? Et nous n'avons pas parlé de l'accessibilité à l'information gouvernementale du Québec en langue anglaise. Là aussi, se posent de sérieux problèmes. Au fond de tout cela, le principal problème réside dans l'inflation législative et réglementaire qui entraîne une quantité énorme d'information gouvernementale à diffuser. Il devient physiquement impossible, même pour le citoyen le mieux intentionné, ne serait-ce que de parcourir (on ne parle pas ici de comprendre) toutes les lois et tous les règlements qu'il doit respecter.

L'accessibilité n'est plus bloquée par la non-disponibilité; elle est parfois bloquée tout simplement par la quantité d'information disponible.

Le principal remède à ce mal est que les législateurs s'autodisciplinent. Entre-temps, on pourrait améliorer la situation en simplifiant davantage et diffusant mieux l'information gouvernementale. On pourrait, par exemple, utiliser l'informatique pour la codification des lois et créer un fichier informatisé des textes législatifs.

Ajoutons à ce sujet qu'il serait dangereux de permettre, comme le veut l'article 20 de la proposition de loi, que certains décrets n'apparaissent pas in extenso dans la Gazette officielle. Cette publication demeure notre meilleure garantie d'accessibilité.

Nous nous en voudrions de ne pas souligner ici l'heureuse initiative qu'a eue la commission en incluant à sa proposition de loi les dispositions de l'article 8, selon lesquelles la loi proposée cesserait automatiquement d'être en vigueur après cinq ou six ans si elle n'était pas alors reconduite par l'Assemhlée nationale. La chambre a toujours préconisé l'adoption de telles dispositions, communément appelées "sunset clauses", afin d'éliminer les législations désuètes et inefficaces.

Une autre sorte de solution consisterait à simplifier le jargon juridique qui constitue une barrière à l'accessibilité de l'information législative et réglementaire. Nous suggérons dans les textes réglementaires l'abandon du langage juridigue en faveur d'un langage semblable à celui des bulletins d'interprétation des lois fiscales. Ces bulletins auraient force de loi et seraient diffusés directement dans le public.

Nous suggérons aussi que tout projet de loi soit accompagné d'une explication vulgarisée et d'une étude d'impact sur ses conséquences prévues. De telles études d'impact nous permettraient d'éviter le scénario loufoque que nous avons observé lors de l'adoption du projet de loi no 11, le printemps dernier. On avait alors camouflé, dans un projet de loi hautement technique, certaines dispositions qui changeaient complètement le mode de financement des écoles privées et qui menaçaient même la survie de ces institutions. À la veille de l'adoption du projet en commission parlementaire, même le ministre et ses hauts fonctionnaires n'arrivaient pas à évaluer son véritable impact financier. Il a fallu mettre sur pied un comité ad hoc pour étudier la question. Si les hauts fonctionnaires qui ont passé des mois à étudier un projet de loi

n'arrivent pas à saisir tous ses aspects importants, comment voulez-vous que le public puisse en saisir toutes les conséquences? La préparation d'études d'impact permettrait d'éviter pareilles situations.

Voici maintenant quelles sont nos conclusions et nos recommandations. La Chambre de commerce du Québec approuve les objectifs de la proposition de loi de la commission Paré et le but du présent mémoire est de présenter des suggestions constructives pour améliorer les propositions de la Commission sur la protection des renseignements confidentiels.

En effet, la confidentialité des documents des compagnies serait gravement menacée si la proposition de loi était retenue telle quelle. La chambre demande que les documents des compagnies soient traités avec le même égard que l'on porte aux documents concernant les personnes physiques.

Sur cette question ainsi que sur certains sujets connexes, nos principales recommandations peuvent être résumées comme suit: 1- que soit acceptée la proposition de loi de la commission Paré, mais amendée de manière que les renseignements confidentiels des personnes morales jouissent de la même protection que les renseignements confidentiels concernant les personnes physiques; 2- que soit biffé l'article 46 de la proposition de loi, qui abroge a priori toutes les dispositions de confidentialité d'autres lois; 3- que le qualificatif "physique" soit biffé de l'article 56, afin que les personnes autant morales que physigues jouissent de la protection de leurs renseignements confidentiels; 4- qu'un organisme public ne puisse divulguer des renseignements confidentiels de nature industrielle, financière, commerciale, scientifique, technique ou syndicale, sans en avoir obtenu au préalable l'autorisation écrite de la personne concernée et que l'article 52 soit modifié en conséquence; 5- que soit soumis à l'assentiment de l'Assemblée nationale tout projet d'échange de renseignements nominatifs entre organismes publics et que l'article 67 soit modifié en ccnséquence; 6- que les décisions de la Commission de l'accès aux documents des organismes publics, sur toute question de fait ou de droit, puissent être portées en appel auprès des tribunaux de droit commun; 7- que soit ralenti et simplifié le flux des nouvelles lois et nouveaux règlements et que des moyens modernes soient étudiés pour codifier et diffuser efficacement les textes existants; 8- que l'article 20 de la proposition de loi soit modifié pour maintenir l'obligation du gouvernement de publier tout décret in extenso dans la Gazette officielle; 9- que le jargon législatif soit vulgarisé et que des bulletins d'interprétation ayant force de loi expliquent en langage ordinaire le contenu des règlements; 10- que tout projet de loi soit accompagné d'une explication vulgarisée et d'une étude d'impact.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, telles sont les grandes lignes de nos réflexions faisant suite à l'analyse que nous avons faite du rapport de la commission Paré, commission que nous aimerions féliciter à notre tour pour la qualité, l'excellence et la rapidité du travail exécuté. Nous croyons devoir la féliciter sincèrement.

Ce bulletin sur la législation que nous publions depuis plusieurs années est chez nous un effort de vulgarisation pour nos membres et nous sommes informés que mêmes plusieurs cabinets d'avocats et notaires au Québec sont souvent très heureux d'en prendre connaissance. C'est un effort que nous poursuivons avec de maigres ressources mais qui se veut un effort de vulgarisation et surtout de meilleure compréhension face à la multitude de lois et règlements qui sont publiés dans l'ordre de notre présentation au cabinet il y a un an. Nous avions déposé devant les membres du cabinet la pile physique des lois et règlements de l'année et, si ma mémoire est bonne, cela excédait vingt pouces de haut, et c'était la production d'une seule année, d'où le besoin d'une codification de plus en plus efficace et rapide, ce que nous proposons. En terminant, vous comprendrez qu'il est de notre responsabilité et de notre devoir de faire un appel particulier pour et au nom des personnes morales, puisque, même si, dans notre cas, nous regroupons un grand nombre d'individus dans le secteur économique que nous représentons, les personnes morales ont aussi une très grande importance et vous comprendrez que la confidentialité est d'une très grande importance dans certains cas et c'est pourquoi nous avons voulu soulever le problème.

Nous vous remercions de votre accueil et nous sommes à votre disposition, mes collègues et moi, pour toutes questions que vous aimeriez nous poser et, avec votre permission, M. le Président, vous comprendrez qu'étant un président bénévole et forcément à temps partiel, il puisse m'être nécessaire à l'occasion de faire appel à nos collègues de la permanence de la chambre.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: Merci, M. Tremblay. Je voudrais souligner d'abord à quel point je

trouve plaisant de discuter avec un président de la Chambre de commerce qui oeuvre dans le milieu des communications et vous dire aussi que, comme ministre des

Communications, je trouve que cette idée que la Chambre de commerce de la province de Québec a de publier périodiquement un bulletin sur la législation provinciale est certainement une idée fort appréciée par les membres de la Chambre de commerce. Je le feuilletais, tout à l'heure, et me rendais à l'évidence que vous y donnez des renseignements de nature tout à fait objective pour permettre à vos membres de se retrouver à travers cette succession de lois que nous adoptons et très souvent l'effort de vulgarisation et d'explication, n'est peut-être pas suffisamment bien accompli.

Je vous remercie aussi pour l'accord de principe que vous réitérez aux grandes conclusions de la commission Paré. Vous soulevez un certain nombre de problèmes qui, bien sûr, sont particulièrement reliés aux groupes que vous représentez. Il y a toute cette question, entre autres, des personnes morales. Je voudrais vous entendre développer un peu plus cette notion de protection des renseignements que le gouvernement, que les ministères ou que les différents organismes oubliés pourraient détenir sur les personnes morales et savoir de votre part, premièrement, si vous n'avez pas le sentiment que des membres de ces compagnies qui courraient avoir, ici au gouvernement dans l'un ou l'autre ministère, des documents qui sont jugés de nature confidentielle, ne pourraient pas, sur le plan individuel, accomplir une démarche pour s'assurer de la protection du caractère confidentiel des données que nous avons et s'assurer aussi de l'exactitude des informations qui sont contenues dans ces documents et dans les renseignements que nous détenons relativement aux personnes morales. C'est le premier aspect de ma question.

Deuxième aspect de la question, j'aurais beaucoup aimé entendre la Chambre de commerce - c'est une question qui débordre un peu votre mémoire - dire un certain nombre de choses relativement à l'extension d'une éventuelle loi sur l'accès à l'information pour les sociétés d'État. Je sais que vous ne représentez pas les sociétés d'État, mais vous représentez des organismes, des entreprises, des personnes morales qui oeuvrent dans le domaine de l'industrie, du commerce et de la finance et qui, à l'occasion, sont placés en situation de concurrence avec des sociétés d'État. Je voudrais savoir, premièrement, si vous trouvez qu'il est normal et souhaitable que le gouvernement aille jusqu'au bout pour que la loi puisse rejoindre les sociétés d'État en ce qui concerne l'accès aux documents oubliés. (11 heures)

Deuxièmement, il n'y a aucune obligation qui est faite dans la proposition de loi à ce sujet, concernant l'entreprise privée. Or, je pose la question très simplement. Qui aura intérêt, entre autres choses, à aller chercher des renseignements ou avoir accès à des documents détenus par SIDBEC, société d'État, sinon par exemple, une compagnie comme Stelco, entreprise privée?

J'aimerais connaître votre réaction face à ce problème qui m'apparaît réel et qui doit être analysé à son mérite. Et à l'inverse, les commissaires nous demandent dans leur rapport - non pas au niveau de la proposition de loi, mais dans le rapport -d'analyser, au cours des prochains mois, des prochaines années, la possibilité d'introduire ce concept de démocratie économique qui ferait que les entreprises privées, elles aussi, comme les syndicats, pourraient être amenées éventuellement - vous allez me dire que je fais un peu de prospective - à voir les documents qu'elles détiennent rendus publics...

Voilà un certain nombre de questions que j'aimerais vous adresser et sur lesquelles j'aimerais connaître votre opinion.

M. Tremblay (Pierre): M. le ministre, M. le Président, je me permettrai une couple de remarques personnelles, puis je demanderai à mes collaborateurs d'ajouter les leurs dans un instant.

Si vous analysez la politique de notre groupement, nous sommes totalement dédiés à la promotion des intérêts privés. Notre mémoire de cette année, remis au cabinet il y a à peine quelques mois, soulignait notre désir de voir le gouvernement s'engager dans une opération de désétatisation.

Nous croyons et considérons que la dimension de l'État est rendue à un point tel qu'il nous faut alléger un peu et que, dans plusieurs domaines, le secteur privé pourrait accomplir des tâches qui ne lui sont pas présentement confiées. De la même façon, en ce qui nous concerne, nous avons tendance à considérer que les sociétés d'État, dans leurs opérations, doivent être considérées comme des sociétés privées.

Il existe déjà un grand nombre de mécanismes, règlements, lois, permettant à un actionnaire d'obtenir des informations de sa compagnie et je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt public d'ouvrir tout à tout le monde.

Il y a aussi les demandes que voudraient avoir des personnes ou des individus non rattachés à des entreprises privées. Notre style, notre système de fonctionnement fait qu'un certain nombre de données d'information sont, de leur nature même, très confidentielles. Les procédés de fabrication, les recettes, de par leur nature,

constituent un actif pour un grand nombre d'entreprises et, par conséquent, doivent être protégés, sous peine de faire tomber tout le système de libre entreprise et de libre concurrence dans lequel nous vivons.

Qluant à votre première question, M. le ministre, je pense que mon collègue, M. Morin, pourrait apporter quelques points de vue. Mais encore une fois, avant de lui céder le micro, ie voudrais bien spécifier que l'occasion était unique de faire valoir ce point de vue qui concerne les sociétés morales, les personnes morales, parce qu'il est peu probable qu'avant un certain temps, il faudra un certain temps pour ajouter cette notion à un projet de loi comme celui que vous étudiez, si cela n'est pas inclus maintenant. De plus, nous voudrions protéger les personnes morales. Et comme vous avez remarqué, nous avons voulu y donner une extension la plus considérable possible, pour inclure le secteur scientifique, professionnel et nous avons même dit syndical, ce qui n'est pas très fréquent chez nous, le fait de prendre la défense de ce secteur de notre société, mais nous avons cru devoir le faire dans un effort d'être aussi complet et aussi général que possible.

J'inviterais M. Morin, avec votre permission, à faire quelques commentaires additionnels.

M. Morin (Pierre): M. le Président...

M. Bertrand: Avant que M. Morin réponde à cette question sur les personnes morales, M. Tremblay, vous m'avez semblé indiquer qu'étant donné que, dans votre esprit de chambre de commerce, les sociétés d'État doivent avoir les mêmes objectifs de rentabilisation que l'entreprise privée en général, étant donné votre conception d'ailleurs sur les sociétés d'État en général, - vous considérez peut-être qu'il y en a trop, que l'État intervient dans trop de secteurs économiques, etc. - ai-je bien compris que, dans votre esprit, la loi ne devrait pas couvrir les documents détenus par les sociétés d'État à cause du contexte de concurrence dans lequel elles sont placées?Je pense au cas typique de SIDBEC versus Stelco. Est-ce bien le sens de votre réponse?C'est ce que je voudrais savoir.

M. Tremblay (Pierre): À notre avis, les sociétés d'État devraient être totalement assimilées aux entreprises privées. M. le ministre, vous mentionnez l'exemple de SIDBEC; il y a certainement, à certains moments, des négociations qui sont en cours, des ententes qui peuvent se faire. Évidemment, d'autres lois et règlements demandent à ces sociétés d'État de faire rapport aux élus ou au gouvernement, mais que tous leurs documents ou qu'un grand nombre de leurs documents puissent et deviennent automatiquement publics nous apparaît danqereux. D'ailleurs, vous savez, chaque fois que nous avons à traiter de la question des sociétés d'État, nous aimons bien les voir assumer les mêmes obligations et les mêmes responsabilités que nos sociétés privées. Je ne voudrais pas, en disant cela, qu'on glisse sur un terrain qui est très chaud ces jours-ci concernant une grande société d'État au Québec, mais si elles sont conçues pour fonctionner comme les entreprises privées, elles devraient être des entreprises privées. À ce point de vue, il y a peut-être des taxes qu'elles peuvent payer, mais je ne pense pas que ce soit leur rôle d'en percevoir. C'est une autre prise de position de notre organisme.

M. Marx: M. le Président, je voudrais seulement poser une petite question. L'Opposition a les mêmes droits que le gouvernement? D'accord. Le ministre semble favorable à une distinction entre une personne morale et une personne physique. Il me semble que souvent la distinction entre une personne morale et une personne physique est une distinction sans différence. Je m'explique. Il arrive souvent que les personnes physiques s'incorporent, si je peux m'expliquer de cette façon, et qu'une seule personne forme une corporation. Donc, je ne vois pas la différence entre une seule personne qui s'incorpore et une personne physique. Effectivement, c'est la même chose dans beaucoup de cas. Mais j'aimerais que la chambre discute de cette question, parce qu'elle a beaucoup d'expérience, j'imagine, dans ce domaine.

M. Bertrand: M. le Président, je veux dire au député que ce n'est pas moi qui fais la distinction entre les personnes morales et les personnes physiques. C'est la chambre de commerce qui nous invite à faire la distinction et à faire en sorte que, lorsqu'on parle de personnes physiques, dans son esprit, c'est un type de personne qui est couvert et elle voudrait qu'on introduise cette donnée qui est celle des perspnnes morales. Ce n'est pas moi qui fais la distinction. C'est la chambre qui nous invite à voir qu'il y a une distinction et que la loi ne couvre pas les personnes morales. Elle voudrait que la loi couvre les personnes morales.

M. Marx: Donc, vous voulez que les personnes morales ne soient pas couvertes.

M. Bertrand: Je veux comprendre pourquoi la chambre de commerce... Moi, ce que je leur dis, justement, c'est un peu dans le sens de ce que vous dites comme député. Puisque, de toute façon, personne physique, personne morale, derrière des personnes morales il y a souvent des personnes physiques qui sont incorporées elles-mêmes,

pourquoi la chambre de commerce insiste-t-elle pour que la notion de personne morale soit clairement indiquée à l'intérieur de la loi? Est-ce qu'il n'y a pas possibilité, par les mécanismes déjà prévus dans la loi, que ce qu'elle appelle des personnes morales puissent s'assurer de la protection des renseignements confidentiels, au même titre que les personnes physiques?

M. Morin (Pierre): En fait, M. le Président, si vous me permettez, cela pourrait répondre directement à la question en cours. Ce que nous souhaitons, c'est que la loi, si elle devait être adoptée, ne fasse pas de distinction entre la personne morale et la personne physique. On se base sur les dix premiers articles de la Charte des droits et libertés de la personne qui confère à la personne certains droits dont, entre autres, la jouissance de la vie, l'intégrité de sa propriété, de son foyer et tout cela. Ces droits s'appliquent indifféremment à la personne morale et à la personne physique. Or, l'avant-projet de loi fait une distinction entre les personnes physiques et les personnes morales, se justifie d'une argumentation pour la protection des personnes physiques et limite cette protection aux documents confidentiels, aux documents nominatifs des personnes physiques.

C'est précisément ce que l'on souliqne à cette commission: En vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, cette protection est accordée aussi bien aux personnes physiques qu'aux personnes morales; cependant, l'avant-projet de loi, lui, fait une distinction. Nous voudrions, entre autres, que cette distinction soit abolie. Autrement dit, que les documents confidentiels ou nominatifs touchant toutes les personnes sans qualificatif soient protégés dans le contexte de la protection des renseignements personnels. J'espère que ce point peut répondre aux interrogations des membres de la commission.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, une autre intervention en référence à une question du ministre au sujet d'introduire le concept de démocratie, d'ouverture ou d'information à tout ce qui s'appelle entreprise privée. Le gouvernement perçoit déjà une multitude d'informations de l'entreprise privée. Le gouvernement est le juge ultime de l'intérêt public. Il reçoit beaucoup d'informations sur la personne morale qu'on appelle entreprise privée. Il peut, selon ce qu'il voit, prendre certaines décisions, publier certaines informations. Il le fait déjà de manière reqroupée, de sorte qu'il ne dévoile pas des informations spécifiques à certaines entreprises, mais nous ne croyons pas qu'il soit d'intérêt public que le gouvernement dévoile toute l'information qu'il possède sur les entreprises privées.

Au sujet de cette intention d'aller plus loin dans le dévoilement, nous voulons bien exprimer notre pensée sur ce sujet, à savoir que nous doutons qu'il soit d'intérêt public de dévoiler tout ce que le gouvernement connaît par les informations qu'il reçoit sur l'entreprise. C'est pourquoi, dans la proposition de loi, nous nous inquiétons du fait qu'étant donné la multitude des informations que recueille le gouvernement on dise tout à coup: Après deux ans toutes les lois qui n'auront pas été revues seront réputées ne pus protéger la confidentialité des personnes. Nous préférerions l'approche fédérale qui dit: Nous allons d'abord adopter les principes selon lesquels on va ouvrir, on va implanter la transparence et, ensuite, nous allons considérer une à une chacune des lois où la confidentialité est prévue et, selon le cas, on va oui ou non l'ouvrir ou permettre de continuer la confidentialité. C'est une approche qui nous apparaît tout à fait logique.

Lorsque la commission Paré recommande que, tout à coup, tout ce qui n'a pas été protégé devienne ouvert, nous croyons qu'on pourrait facilement oublier des choses importantes sans même s'en rendre compte, tellement est considérable le nombre de lois et règlements. On ferait mieux de les ouvrir en les examinant et non pas de les déclarer toutes ouvertes à un moment donné, même si on n'a pas fini d'en faire l'examen exhaustif.

M. Morin (Pierre): M. le Président, me permettriez-vous simplement d'illustrer ça par un exemple très bref? Le service général des achats du gouvernement du Québec procède réqulièrement à des appels d'offres publics pour la fourniture de biens ou leur fabrication. Ces documents sont fournis au gouvernement. En l'occurrence, ils pourraient être considérés comme étant des documents confidentiels, mais non protégés, c'est-à-dire qu'on pourrait demander de les libérer et de les fournir à quelqu'un d'autre. Or, la plupart de ces documents, en plus de demander une information extrêmement détaillée sur le soumissionnaire, que ce soit une personne physique ou une personne morale, vont aussi demander des détails très complexes et très complets sur les procédés de fabrication, comment on arrive au prix, sur la situation financière de l'entreprise, essentiellement une entreprise ou un soumissionnaire se met à nu. Vous pouvez fort bien voir que, même s'il ne s'aqissait pas pour une tierce partie de soumissionner auprès du gouvernement, mais simplement de lui faire concurrence dans d'autres domaines ou voir comment il pourrait améliorer ses propres procédés de fabrication de façon à mieux concurrencer cette entreprise, il lui serait alors facile de faire appel à ces documents réputés publics,

que devrait lui fournir, à ce moment-là, le préposé à l'information. Voilà que tous et chacun pourraient obtenir des renseignements sur cette entreprise ou un groupe d'entreprises, à savoir ses secrets de fabrication, même ses secrets d'administration. (11 h 15)

M. Bertrand: Vous admettrez avec moi qu'il y a déjà l'article ?7 qui est prévu dans la proposition de loi qui dit que "un organisme public ne peut communiquer un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical - pour revenir à cette expression chère au président - de nature confidentielle fourni par un tiers et traité de façon constante comme confidentielle, sans le consentement de ce tiers. "

M. Morin (Pierre): Oui.

M. Bertrand: II y a quand même là un article...

M. Morin (Pierre): Sauf que vous verrez un peu plus loin que ce consentement peut fort bien s'obtenir par défaut et c'est justement la troisième partie.

M. Tremblay (Pierre): Cela, c'est un autre point majeur.

M. Létourneau: L'article 52 est très fragile, M. le Président, la protection est extrêmement fragile avec l'article 52. Il faudrait qu'il y ait permission écrite de la personne, de l'entreprise concernée et pour laquelle on juge, a priori, que le renseignement est confidentiel, n'est pour ça qu'on communique avec cette entreprise et, à ce moment-là, il suffit que l'avis s'égare, qu'il ne soit pas reçu par la bonne personne, que cette personne soit absente ou en vacances et tout à coup, simplement parce qu'il n'y a pas eu réponse, l'entreprise est réputée avoir accepté. Franchement, c'est une protection très fragile, trop fragile.

M. Racicot (Michel): II y a peut-être une deuxième faiblesse, M. le Président, à l'article 52, c'est que, pour que le mécanisme de l'article 52 soit mis en branle, il faut d'abord qu'un fonctionnaire décide que le document est susceptible de contenir un renseignement qui est visé à l'article 27. Cette discrétion du fonctionnaire nous apparaît hautement dangereuse. Je pense que ce qu'il faudrait peut-être, c'est de laisser tomber cette discrétion et dire que, dans tous les cas où on demande des renseignements qui ont été fournis par un tiers, on donne un avis au tiers, et qu'il puisse se faire entendre dans tous les cas.

M. Bertrand: Brièvement, je vais résumer là-dessus, et je veux dire ceci à la chambre de commerce - d'ailleurs, vous ne serez pas le seul organisme à revenir continuellement à cette notion de tiers, il y a plusieurs des mémoires qui vont nous parler de cette notion. Quand le tiers accorde-t-il son consentement? Quand le fonctionnaire porte-t-il le jugement sur le caractère confidentiel ou pas? Comment le fonctionnaire s'enquiert-il auprès du tiers, par quelle modalité d'application de sa volonté rend-il public ou pas le document? Il y a là un problème très sérieux, mais ce que je veux signaler, c'est que, si on veut une loi d'accès à l'information gouvernementale qui couvre l'ensemble des organismes publics dont il est fait mention, il faut se dire qu'il y a une foule de documents qui appartiennent à ces organismes publics et qui viennent de tiers.

Alors, il ne faudrait pas non plus, en voyant le problème, trouver une façon habile de contourner la difficulté en rendant tout à fait inaccessible tout document possédé par les organismes publics et qui proviennent d'un tiers.

M. Létourneau: M. le Président, il faudra sans doute bien examiner l'aspect intérêt public. Ce que nous voulons prévenir, c'est que, surtout pour des fins d'intérêt privé, cette transparence existe alors qu'il n'y a pas vraiment d'intérêt public à ce que les gens connaissent un tas de choses, un tas de détails sur des entreprises et leur fonctionnement. Par ailleurs, le danger est grand que ça serve strictement les fins d'intérêt privé, finalement.

M. Bertrand: Vous posez là le problème très précis - je laisserai ensuite la parole à mon collègue de Westmount qui a sans doute l'intention de poser ses questions - entre autres, d'un syndicat. Prenons le syndicat de la boulangerie Vaillancourt à Québec.

M. Tremblay (Pierre): Vous n'auriez pas un exemple de compagnie, M. le ministre, on serait plus familier.

M. Bertrand: Vous allez voir, je vais venir à la compagnie très rapidement. La Société de développement industriel détient un certain nombre de documents qui ont été présentés par la compagnie Samson, le groupe Samson, et qui font état d'un ensemble d'informations de toute nature, financière, commerciale, plans de développement, etc. Il y a fermeture tout à coup. Le syndicat veut obtenir auprès de la Société de développement industriel des documents qui ont été produits par le groupe Samson pour essayer de comprendre un peu mieux dans quel contexte toutes ces décisions ont été prises, dans quel contexte le gouvernement lui-même avait pris ses

décisions relativement à l'allocation de certains prêts pour le développement du groupe Samson.

Il y a là un problème très concret, très réel, qui pourrait être vécu. Vous avez justement le problème des tiers qui est posé. Vous avez justement ce problème des documents de nature commerciale, financière, scientifique, technique, etc., sur lesquels un fonctionnaire, à un moment donné, devrait prendre une décision sur le caractère confidentiel ou pas, et ensuite, établir une procédure sur la façon de rendre publics ou de ne pas rendre publics, si c'est le cas, des documents qui justement auraient été demandés par la partie syndicale. C'est un cas très concret. C'est là que je vous dis que, sur les principes sur lesquels vous dites depuis le début être d'accord, on tombe maintenant dans l'application. C'est sur l'application qu'on va se faire évaluer, non pas sur les principes.

M. Tremblay (Pierre): M. le Président, je voudrais dire à M. le ministre, en commençant, que je suis un peu embarrassé puisque le groupe Samson est un client de la firme que je possède et que, par conséquent, votre exemple m'embarrasse doublement.

M. Bertrand: C'est un hasard, je ne le savais vraiment pas.

M. Tremblay (Pierre): À ce sujet, en toute franchise, je vais laisser mes collègues répondre. Cela va être clair.

M. Bertrand: Conflit d'intérêts:

M. Morin (Pierre): C'est délicat: À cet effet, précisément, dans le contexte où le mentionne M. le ministre, l'article 42 dans le chapitre des renseignements reliés à la prise de décision au sein des organismes publics est particulièrement éloquent. Autrement dit, dans ce cas, un organisme public peut refuser de communiquer une recommandation que lui a faite un organisme qui en relève ou qui l'a faite à un autre organisme public, jusqu'à ce que la décision finale sur la matière faisant l'objet de la recommandation ait été rendue publique par l'autorité compétente. Il y a déjà là une protection pour l'organisme public sensiblement dans le même sens que l'indique l'exemple de M. le ministre. On voit mal pourquoi, tout en acceptant les principes directeurs du rapport Paré et étant d'accord avec cet article, il ne pourrait pas se transposer de la même façon dans l'exemple que vient de citer le ministre.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: Je voudrais continuer à essayer de clarifier les sources d'inquiétude que ressent la chambre de commerce. Il y a d'abord l'article 46 qui doit lui faire chaud au coeur, il me semble, parce que c'est une espèce de "sunset law" - peut-être que je me trompe sur le chiffre précis - c'est la clause qui laisse tomber toute autre protection de renseignements dans d'autres lois d'ici deux ans, mais c'est un genre de "sunset law" que n'aime pas la chambre de commerce, parce que...

M. Bertrand: Vous avez raison. M. Morin (Pierre): Je m'excuse.

M. French: J'ai remarqué cela. Je lis cette clause et je voudrais avoir des précisions, même si ce n'est pas une mesure gouvernementale. Je vois cette clause comme une incitation absolue au ministre resoonsable de l'administration de ces lois de réexaminer les besoins, de revenir à la charge avant l'échéancier en question et de justifier précisément ce besoin de confidentialité ou non. Je pense déceler deux autres inquiétudes. La deuxième, c'est que la protection des renseignements déposés au gouvernement et l'interrogation d'un tiers qui a déposé ce renseignement, quand une application vise ces données, sont insuffisantes. Entre autres, vous voudriez qu'une permission écrite soit déposée auprès du gouvernement avant que le document soit oublié.

Le troisième problème - je ne suis pas sûr du tout si c'est bien un problème ou non - c'est l'exception comme telle qui est censée être, la première ligne de défense des intérêts commerciaux dans le régime. L'article 26 est insuffisant en soi. Est-ce que c'est juste, ces trois... C'est celui qu'a lu le ministre tantôt.

M. Morin (Pierre): Les articles 26 et 52. En fait, l'article 26 donne un pouvoir de jugement individuel à quelqu'un de déterminer si c'est confidentiel ou non une fois qu'on aura déterminé... Si on détermine que ce n'est pas confidentiel, le fonctionnaire, le préposé peut laisser aller l'information.

M. French: D'abord, M. Morin, sur ce sujet, je pense qu'il s'agit - les avocats ici, les anciens des facultés de droit à ma gauche et devant moi vont me corriger -pour les fonctionnaires de prendre des décisions au nom du ministre. On est toujours dans la démocratie britannique. C'est donc une décision qui relève de la responsabilité individuelle du ministre. Elle peut être prise par un commis, elle peut être prise par un sous-ministre, on ne sait pas comment, mais la responsabilité demeure celle du ministre. L'évocation d'un

fonctionnaire anonyme quelque part qui veut faire tort à quelqu'un ou qui n'a pas assez de jugement, cela relève toujours de la responsabilité du ministre. On ne donne pas le pouvoir au fonctionnaire qui ne l'a pas déjà d'agir au nom du ministre.

M. Morin (Pierre): II faudrait préciser que dans le texte de loi ce n'est pas le ministre qui est en cause, c'est la commission...

M. French: Je m'excuse, ce n'est pas du tout la commission qui prend une décision au sein du ministère.

M. Bertrand: Je pense que le député de Westmount a raison, ce dont on parle, c'est de la personne qui, dans les organismes, aurait la responsabilité de rendre publics les documents. Le député pose la question. Cela peut être quelqu'un qui a tout intérêt, pour des raisons diverses, de rendre public un document ou de faire tort à quelqu'un. Je voudrais simplement signaler que, dans la proposition de loi, il est très nettement fait mention que la personne qui a la responsabilité de rendre accessible les documents, c'est la personne en autorité, la personne...

M. French: Le ministre m'a mal compris aussi...

M. Bertrand: La délégation.

M. French:... parce que je n'ai pas posé cette question. J'ai pu le déceler dans la présentation de la chambre. Au contraire, j'ai voulu dire que c'est toujours la responsabilité du ministre. On ne peut que présumer, en faisant des ébauches de loi, qu'il y a une bonne volonté et une compétence minimale de la part de la personne qui l'administre. J'ai un peu peur de l'évocation de ce fonctionnaire qui n'est pas capable et la loi lui donne un pouvoir qu'il ne devrait pas avoir. Cela me rend nerveux, parce que je pense qu'alors on est fini, parce qu'on n'a plus confiance à qui que ce soit. En démocratie parlementaire, dans le fond, c'est le ministre qui est responsable et ce sera toujours le ministre, ou bien dans le cas d'un organisme non ministériel... Pourquoi la désignation du préposé? C'est pour les fins d'accès au public, parce que le public doit savoir à qui faire sa demande. Mais cela ne lui donne pas un pouvoir spécial devant la loi, c'est une exigence que l'organisme ou le ministère désigne quelqu'un pour que le public puisse savoir avec qui transiger dans le régime.

M. Morin (Pierre): Effectivement, il n'y a pas tellement une différence; on accepte que la responsabilité soit ministérielle, même si elle est exercée par délégation par une personne désignée, mais cela ne change pas le fond du problème, parce que le fond du problème, c'est qu'il y a une question de jugement qui est sans appel.

M. Tremblay (Pierre): Sans appel, c'est ce que l'on n'aime pas.

M. Morin (Pierre):... dans les faits.

M. French: Je voudrais revenir à cela, mais est-ce qu'on peut passer à travers les trois questions que j'ai soulevées? À l'article 46, quelle est votre réaction à ma perception, savoir que, dans le fond, c'est une "sunset law", mais c'est une "sunset law" que vous n'aimez pas pour des raisons tout à fait valables peut-être, mais...

M. Létourneau: Ce n'est pas une "sunset law", c'est une décision à laquelle un principe va s'appliquer "at large". C'est l'ouverture de l'application.

M. French: Mais cela laisse tomber les articles de la loi; si ce n'est pas une "sunset law", je ne sais pas ce que c'est.

M. Morin (Pierre): D'accord, mais dans ce sens, c'est une clause crépusculaire qui coupe et qui dit: Cela ne s'applique plus, mais...

M. Bertrand: Voilà du bon français.

M. Morin (Pierre):... elle n'a pas cette mesure d'incitation que le député lui prête.

M. French: D'accord, c'est cela, je voudrais en entendre parler de cela.

M. Morin (Pierre): Nulle part n'y a-t-il à l'article 46, la mesure d'incitation au niveau des chefs des ministères de décider rapidement en dedans du délai de deux ans des documents qui demeurent confidentiels, ceux qui sont visés... autrement dit, ceux qui sont actuellement protéqés, comme au bureau de la statistique au ministère du Revenu, il n'y a pas d'incitation pour les chefs de ministères de faire rapidement une révision. On dit simplement: En dedans de deux ans, les lois qui n'ont pas été révisées effectivement n'offrent plus la protection à ceux qui les offrent. Le corollaire à cela -M. le Président, c'est ce que je voudrais faire remarquer au député - c'est que les citoyens, les contribuables sont obligés, sous peine d'amende, de fournir une foule de renseignements à l'État. Alors, je suis tout à fait d'accord; autrement dit, je m'entendrais bien pour dire que cet article prenne effet dans la mesure où il y a un corollaire du genre: Le gouvernement ne peut exiger aucun renseignement du contribuable ou du citoyen.

À ce moment là, vous commencez à avoir quelque chose qui offre à la fois l'accès et la liberté de fournir des renseignements à l'État, et la question de jugement sera avec celui qui dispose du renseignement à savoir s'il l'a fourni ou non. (11 h 30)

M. Racicot: Puis-je ajouter une remarque? Il me semble que l'article 156 donne une garantie suffisante qu'il y aura une révision de toutes ces lois, puisque la commission doit étudier les dispositions des lois visées, entre autres, à l'article 46, doit entendre les représentations des personnes intéressées et faire au ministre responsable de l'application de cette loi des recommandations sur l'opportunité d'en maintenir l'application ou de les modifier. L'article 46 risque peut-être de s'appliquer automatiquement sans que le mécanisme de l'article 156 ait pu être utilisé et que l'article 46 puisse même avoir effet parce que, par pur accident, on n'aura pas pu présenter un projet de loi pour maintenir certaines dispositions prévoyant la confidentialité. Il me semble que l'article 156 respecte peut-être plus le modèle de démocratie, de transparence que la commission Paré préconisait et présente des garanties suffisantes que tout cela sera réexaminé sans qu'on ait besoin d'avoir recours à l'article 46. C'est pourquoi nous recommandons que l'article 46 soit biffé.

M. French: Maintenant, la deuxième, c'était 52; on va en parler plus longuement pendant le déroulement de la séance. Donc, on va laisser tomber cela pour le moment parce qu'on est un peu pressé.

L'article 26 et les autres protections, exception simple, ce que j'ai caractérisé comme la première ligne de défense, si vous voulez, vous n'avez pas de suggestions à faire parce que votre solution, c'est de transférer les personnes morales dans la catégorie des personnes physiques. Les juristes parmi vous me corrigeront, mais cela me semble un très mauvais dessein de législation que de confondre une partie de loi qui est destinée ou conçue dans le contexte des renseignements personnels et d'y ajouter toutes les compagnies. On sait très bien, tout le monde autour de la table, que c'est écarter totalement l'effet de la loi sur les renseignements que les entreprises privées auront à déposer auprès du gouvernement. Il me semble que c'est une solution radicale à un problème que vous n'avez pas encore démontré comme étant vraiment radical. Vous n'êtes pas d'accord, M. Morin?

M. Bertrand: Quand on parle du mandat, on parle du mandat de la commission, qui était de s'intéresser aux renseignements personnels, aux renseignements nominatifs.

M. French: On parle de la section de la loi que vous voulez utiliser afin de protéger les données des personnes morales; c'était conçu afin de protéger les renseignements des personnes physiques.

M. Morin (Pierre): Je voudrais souligner que déjà la Loi sur les compagnies prévoit deux régimes. Elle prévoit un régime des compagnies privées et un régime des compagnies publiques. Or, les compagnies publiques doivent soumettre à la Commission des valeurs mobilières une foule de renseignements qui, eux, sont d'ordre public sur leur fonctionnement, des renseignements concernant leurs activités d'où, pour nous, l'importance de dire le régime des sociétés privées, à qui la Loi sur les compagnies, que vous avez modifiée pas plus tard que le printemps dernier, permet - enfin, il y a certains avantages - entre autres, la confidentialité des renseignements. Or, ici on en fait fi. Alors, c'était de souligner à cette commission qu'il y a d'abord la Charte des droits et libertés de la personne qui elle, indifféremment, couvre les personnes dans ces dix premiers articles.

Deuxièmement, vous avez un régime de loi des compagnies qui fait une distinction entre les compagnies privées et les compagnies publiques. Pour ce qui est des compagnies privées, et même des compagnies publiques, ce n'est pas au gouvernement à fournir ces renseignements. Celles qui sont publiques, incluant des sociétés d'État qui, à toutes fins utiles, ont les mêmes règles de rapport et tout cela, il y a un autre régime qui prévoit la divulgation des renseignements.

On croit demeurer assez loqique avec les intentions du législateur, non seulement avec ses intentions, mais aussi avec ce qu'il a démontré par le passé, et pas plus tard que le printemps dernier, en acceptant des modifications à la Loi sur les compagnies.

Le Président (M. Rochefort): Cela va?Allez-y.

M. French: Sur la question de l'appel que vous avez évoquée très brièvement dans la recommandation 6: "Que les décisions de la commission de l'accès aux documents des organismes publics sur toute question de fait ou de droit puissent être portées en appel auprès des tribunaux de droit commun. " Donc, la commission devient une étape, mais pas la dernière étape; est-ce que j'ai bien compris?

M. Morin (Pierre): M. le Président, je voudrais souligner au député que ce n'est pas une bataille concernant cette commission en particulier. Cela fait au moins quinze ans qu'on demande au gouvernement d'enlever les articles qui empêchent d'en appeler sur les faits face aux tribunaux administratifs, aux

commissions ou aux régies.

M. Marx: Est-ce que vous êtes contre toutes les clauses privatives dans toutes les lois? Cela va devenir impossible. Les raisons d'avoir un tribunal administratif, c'est de ne pas avoir des appels aux cours. Si on permet des appels de chaque tribunal administratif aux cours, on va encombrer la Cour supérieure et la Cour provinciale et, après, les gens vont venir en disant: Les rôles sont encombrés et l'accès à la justice ne se réalise pas parce qu'il y a trop de délais.

Je pense qu'il faut équilibrer tous ces intérêts. Je pense qu'il est normal d'avoir des clauses privatives dans certaines lois et de prévoir qu'il n'y a pas d'appel aux cours de droit commun. Je pense que c'est tout à fait normal, partout en Amérique du Nord, en Angleterre, en France, partout. À mon avis, ce ne serait pas sage de dire qu'il y aurait toujours un appel aux cours de droit commun. Souvent, ce sont des juges qui siègent aux tribunaux administratifs et ils ne sont pas plus sages quand ils siègent dans les cours de droit commun que lorsqu'ils siègent aux tribunaux administratifs. Je pense que de toujours dire appel aux cours de droit commun, c'est exagérer un peu.

M. Morin (Pierre): On peut demander, M. le Président, qu'il y ait, dans les tribunaux de droit commun, des tribunaux spécialisés, que les tribunaux puissent se spécialiser. Je ne voudrais pas étendre ce débat, mais je peux vous dire tout de suite que nous sommes en profond désaccord avec le député sur l'aspect "normal" de son opinion, c'est-à-dire qu'il est normal que le gouvernement, dans la plupart de ses lois, adopte des clauses privatives de cette nature et particulièrement sur le droit d'appel.

M. French: Très brièvement, pour s'orienter un peu, nous ne serions pas en faveur d'une loi de l'accès à l'information qui changerait radicalement les termes de concurrence de l'entreprise privée. Nous serons toujours prêts à entendre les revendications des intérêts commerciaux, sauf que je pense que les articles visés sont des exceptions comme telles.

En toute honnêteté, quant à moi, le transfert de personnes ou l'assimilation de personnes morales avec les personnes physiques dans le contexte de ia loi dont on parle dans le moment me semble plus radical comme changement dans les intentions de la commission que ce que vous avez pu justifier devant nous aujourd'hui en termes de besoin réel.

Je comprends bien qu'il y a une série de soucis tout à fait compréhensibles, mais, en somme, ils ne s'ajoutent pas jusqu'au point où on serait vraiment prêt à changer si radicalement que cela la loi.

M. Morin (Pierre): M. le Président, j'aimerais effectivement poser une question de principe. Ce n'est pas une question de démontrer le besoin. S'il faut en démontrer le besoin, on pourra toujours s'y attarder un peu plus tard. Mais au départ, ce que nous posons, c'est une question de principe. Vous avez la Charte des droits et libertés de la personne. Ou bien on l'a, ou bien on ne l'a pas. Elle protège actuellement la confidentialité et la jouissance de la vie de la personne, aussi bien de la personne morale que de la personne physique. Si on commence à jouer la-dedans... Autrement dit, ce qu'on dit à cette commission, c'est: Posez d'abord ce postulat. Après, en fonction du besoin, il peut y avoir, par exemple, ne serait-ce que pour confectionner le répertoire du CRIP... Celui-ci donne des renseignements nominatifs sur les corporations, sur les produits et sur les marques de commerce qui servent effectivement au développement économique du Québec; on ne va pas aller s'opposer au répertoire du Centre de recherche industrielle du Québec. C'est un outil utile qui ne contient que des renseignements nominatifs. Il est dans l'intérêt public. Justement, ce sont les deux postulats qu'on pose: D'abord, il y a la charte et, deuxièmement, il faut juger du régime en fonction de l'intérêt public. C'est ce qu'on reproche à l'avant-projet de loi. Il part de postulats entièrement différents. Il postule la charte pour ce qui est des renseignements nominatifs concernant les individus et oublie complètement les personnes morales. On veut simplement rappeler au législateur que ce n'est pas ce que dit la charte. Postulons d'abord cela et, après, on verra en fonction du besoin.

M. French: Ai-je manqué dans votre mémoire votre mention de la Charte des droits? Est-ce qu'elle est là ou non?

M. Morin (Pierre): Elle est à la page "5, si ma mémoire est bonne, en haut de la page. Nous avons fait une autre démarche additionnelle. Nous avons communiqué avec la commission pour savoir si, effectivement, ce que nous postulions était véridique et avons eu l'avis affirmatif de la commission.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee, brièvement, s'il vous plaît.

M. Marx: Je peux dire quelque chose si on m'a appelé pour...

Une voix: Vous n'êtes pas obligé?

M. Marx: Je ne suis pas obligé. J'ai posé une question au début et j'aimerais y revenir, parce que M. Morin a donné le cas au début d'un soumissionnaire au

gouvernement. Supposons que c'est M. Untel. Tous les renseignements qu'il va fournir au gouvernement sont confidentiels. Supposons que M. Untel, pour des raisons de fisc, des raisons d'impôt décide de s'incorporer. Il s'est incorporé et s'appelle maintenant M. Untel Inc. Il fait une autre soumission. Toute cette information qu'il va fournir au gouvernement n'est pas confidentielle. Il y a quelque chose qui cloche d'après moi, parce que c'est la même personne. Il s'incorpore. Il n'a pas le droit d'avoir toute cette information qui doit rester confidentielle.

M. Tremblay (Pierre): Ce que le député soulève est exactement notre point de vue, que les personnes morales doivent avoir les mêmes protections que les personnes privées.

M. Marx: Je n'ai pas dit exactement cela, mais je pense qu'il y a une distinction à faire entre M. Untel Inc. et General Motors. Ici, on parle en termes de compagnies. Ce sont des multinationales. Ce sont des gars qui cachent des choses. Souvent, c'était seulement un petit gars du coin, un dépanneur, qui s'incorpore. Il y a quelque chose qui cloche dans cette distinction.

M. Tremblay (Pierre): Encore là, M. le député, vous faites allusion à une société morale privée et à une société morale publique. General Motors, étant une société publique, doit soumettre toute une autre série d'informations et doit aussi d'autres informations à ses actionnaires, alors que la société privée n'a pas les mêmes obligations vis-à-vis d'un tiers, d'un concurrent ou d'un voisin.

M. Marx: Je pense que la distinction que M. Morin a faite concernant les compagnies est une distinction qui se tient, soit une compagnie privée qui a moins de 50 actionnaires et une compaqnie publique qui en a 51 et plus. Souvent, la compagnie privée est une seule personne ou deux ou trois personnes dans la même famille et je ne vois pas pourquoi on protège l'individu mais qu'on ne le protège pas quand il s'incorpore. Je pense que c'est un problème sur lequel on peut se poser des questions. (11 h 45)

M. Bertrand: M. le Président, je peux déjà assurer les représentants de la chambre de commerce que, dans leur mémoire, il y a évidemment de petits points qui peuvent se régler très rapidement, entre autres toute la question du dépôt à l'Assemblée nationale. Je pense que ce ne sont pas des points majeurs dans vos représentations. Il ne faudrait pas, non plus, alourdir tellement, à un moment donné, tout le processus de mise en application d'une telle loi qu'elle soit inopérante. Je retiens surtout deux points qui m'apparaissent fondamentaux et sur lesquels, je pense, avec les collègues de l'Opposition, nous allons travailler très sérieusement, c'est toute cette question de personnes morales et de personnes physiques. Nous allons tenter de creuser ça davantage pour essayer de bien comprendre exactement ce qui est couvert par la loi et ce qui ne l'est pas, ce qui le serait et comment on peut établir ce genre de distinction ou ne pas l'établir, selon le cas, selon les interprétations juridiques qu'on en fera.

Je peux aussi vous assurer, dans un autre secteur, que notre préoccupation est au moins aussi évidente que la vôtre, c'est toute la notion du tiers. Encore là, il ne faudrait pas non plus hypothéquer l'accès à l'information gouvernementale parce que, sans avoir fait un inventaire des documents qui existent dans l'ensemble des quelque 4000 à 5000 organismes oubliés qu'on a inventoriés, il y a un "mardi" paquet de documents qui proviennent de tiers. Si, à partir du principe que ces documents vont poser des difficultés sur le plan de leur diffusion parce qu'il y a une relation entre un fonctionnaire en autorité qui a le pouvoir de rendre un document public et des tiers qui doivent donner des autorisations et qui, dans certains cas, ne les donnent pas parce que le fonctionnaire a jugé qu'elles n'étaient pas confidentielles, il ne faudrait pas que la conclusion de tout ça soit que tous les tiers qui produisent des documents adressés à l'un ou l'autre des organismes publics inscrivent en grosses lettres CONFIDENTIEL sur le document. Ce serait la façon la plus habile, en partant, de s'assurer qu'il n'y a aucun accès à l'information gouvernementale pour tous les documents qui nous viennent de tiers.

Je pense que, là-dessus, il faut faire preuve de bonne foi. C'est une des qualités que va supposer l'application de la loi, faire preuve de bonne foi et, deuxièmement, se servir de son sens commun. Cela, ça ne se met pas dans les lois et on ne pourra pas, par des articles à n'en plus finir, dire ce qu'est le sens commun. Dans l'application d'une telle loi d'accès, le sens commun, la bonne foi seront des données drôlement importantes pour s'assurer que ça puisse être une loi viable.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre.

M. Morin (Pierre): M. le Président, j'ai un très court commentaire.

Le Président (M. Rochefort):

Rapidement, s'il vous plaît!

M. Morin (Pierre): En fait, cette permission des tiers n'est aucunement différente des documents qui régissent cette

Assemblée nationale. Lorsque le ministre des Communications d'Ottawa communique avec le ministre des Communications du Québec at que le député de l'Opposition lui demande de déposer le document en question, il doit habituellement demander, la tradition veut qu'il demande à celui qui le lui a fait parvenir la permission de le déposer, si ma mémoire me sert bien.

Maintenant, j'aurais une question très brève concernant le chapitre V. Le 11 juin dernier, le gouvernement décidait que tous les projets de loi devraient dorénavant être accompagnés non pas d'une analyse d'impact, mais d'une analyse coûts-bénéfices. Le Conseil des ministres nous en informait cette journée-là. On voit, à l'article 37, que les analyses effectuées au sein du Conseil exécutif sont protégées pendant 20 ans. On se demandait si, effectivement, l'éclairage que peut apporter une analyse coûts-bénéfices à un projet de loi serait protégée par cette clause ou, enfin, ne pourrait pas être divulquée pendant un délai de 20 ans.

M. Bertrand: Je vais vous dire très franchement que, sur tous les délais qui sont évoqués dans la loi, les dix jours, les vingt jours, les trente jours, les cinq ans, les dix ans, les vingt ans, la commission, bien sûr, a tenté de définir quelques grands paramètres qui nous permettraient, sans trahir la volonté d'accès, tout de même de satisfaire à cet objectif dont il parle au tout début du rapport, soit de permettre à un gouvernement d'être efficace et de gouverner. Je ne pense pas que la loi ait comme objectif d'empêcher un gouvernement de gouverner. Dans ce contexte, on est bien prêt à regarder ces questions de délais avec la plus grande ouverture d'esprit possible, il s'agit simplement de s'assurer que, quand on choisit un délai, on n'hypothèque pas l'objectif visé, à savoir de permettre au gouvernement d'être efficace dans son action.

M. Tremblay (Pierre): M. le Président, je voudrais simplement, si vous le permettez, dire le mot...

Le Président (M. Rochefort): Une question, M. Tremblay, auparavant.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. Morin a soulevé un point qu'on n'a pas vraiment traité. Il a dit que la charte des droits énonce le principe, et je lis l'article 10, ou au moins le début de l'article 10: "Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et libertés", et ça couvre aussi, comme il l'a suggéré, les personnes morales. Si on fait une distinction, dans une loi sur l'accès à l'information, entre les personnes morales et les personnes physiques, peut-être cette loi ira-t-elle à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne et ce serait nécessaire, dans cette nouvelle loi, de mettre une clause comme celle-ci, malgré la Charte des droits et libertés de la personne, cette loi serait en vigueur... Sinon, ça risque d'être invalide, parce que cette loi irait à l'encontre de la Charte. Le ministre devrait se pencher sur cette question.

M. Bertrand: On s'y penchera.

M. Tremblay (Pierre): M. le Président, je voudrais vous remercier de l'accueil et de l'attention que vous avez portée à notre mémoire. Je vous assure que nous transmettrons cet accueil à nos membres. Je voudrais vous réitérer, en terminant, comment nous sommes favorables à l'accès à l'information gouvernementale et comment aussi nous sommes favorables à la protection des renseignements personnels, à condition que l'intérêt public soit également protégé.

Merci infiniment de votre accueil. Nous ferons part à nos membres de cette très intéressante et productive rencontre. Si, dans le cours de vos travaux, vous sentiez le besoin de nous demander d'autres explications, il nous fera toujours plaisir de revenir.

M. Bertrand: Je tiens, M. le Président, à remercier la chambre de commerce pour son apport extrêmement intéressant. Vous avez soulevé des questions fort pertinentes qui vont nous obliger à approfondir quelques-uns des points de loi contenus dans la proposition du rapport Paré. Je tiens à vous féliciter aussi pour l'invitation que vous faites au gouvernement d'être davantage accessible sur le plan intellectuel. Je reprends ici les derniers mots du rapport de la commission Paré sur le fameux jargon bureaucratique, "débureaucratiser", c'est déjà en soi un bel objectif que nous allons poursuivre, mais en plus de cela, vulgariser, expliquer, simplifier, donc, tout ce qui fait partie de l'accès intellectuel à l'information, je peux vous dire qu'au ministère des Communications, avec mes autres collègues du Conseil des ministres, nous allons tenter de réaliser, dans toute la mesure du possible, de tels objectifs qui sont très louables.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Je remercie les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec.

J'inviterais maintenant les représentants du Centre pour le journalisme d'enquête.

Le représentant du Centre pour le journalisme d'enquête veut-il s'identifier et présenter son mémoire, s'il vous plaît.

Centre pour le journalisme d'enquête

M. Gaudet (Roland): M. le Président, merci de votre accueil. Je m'appelle Roland Gaudet, je suis journaliste à Radio-Canada international à Ottawa. Je représente le Centre pour le journalisme d'enquête, qui s'est penché sur ce rapport, Information et liberté, qui a fait quelques recherches et qui a quelques commentaires à vous proposer aujourd'hui.

D'abord, quelques mots sur le centre. C'est un organisme qui représente à peu près 500 journalistes à travers le pays, qui a été fondé il y a trois ans et qui s'occupe principalement, bien sûr, de promouvoir le journalisme d'enquête au Canada. C'est à ce titre que l'accès à l'information, de même que la protection de la vie privée nous intéressent particulièrement.

Là-dessus, je dirais que les recommandations que l'on retrouve dans ce rapport de la commission Paré sont assez innovatrices, à notre avis, d'abord, parce qu'elles proposent une loi qui s'appliquerait non seulement au niveau provincial, mais également au niveau municipal, scolaire, soins de santé et services sociaux. C'est une chose vraiment utile, évidemment, pour nous.

Deuxièmement, elles sont innovatrices. On a parlé tout à l'heure du principe "sunset", j'y reviendrai à la conclusion de ma présentation. C'est un principe assez innovateur, parce que ce n'est pas très fréquent dans la loi canadienne. Il y a aussi le principe qui nous touche de près, qui est américain, "government in the sunshine", c'est-à-dire qui oblige les autorités municipales, gouvernementales, de quelque niveau que ce soit, à tenir leurs réunions en public plutôt que derrière les portes closes.

Finalement, en guise d'avant-propos, je voudrais dire que nous tenons à souligner que la commission Paré a accompli son travail en un temps record, à peu près six mois. Cela a vraiment été très rapide, si on compare au niveau fédéral et à d'autres niveaux comme, par exemple, en Ontario ou en Colombie britannique, où la question est à l'étude depuis très longtemps. On n'y a vu encore aucun résultat.

Nous avons été édifiés également par la réaction très rapide du gouvernement provincial qui a plus ou moins laissé entendre qu'une loi pouvait peut-être être espérée d'ici Noël. C'est possible. J'espère que cette bonne volonté se traduira assez bientôt, avant Noël, par un projet de loi.

Maintenant, je voudrais vous faire part de quelques commentaires. Nous avons fait des commentaires assez brefs sur certains points seulement. Je voudrais d'abord commencer par l'article 10 qui parle du droit d'accès à un document, qui "s'exerce par consultation sur place pendant les heures habituelles de travail. Il s'adresse également par l'obtention d'une copie du document, à moins que sa reproduction ne nuise à la conservation du document ou ne soulève des difficultés pratiques sérieuses, en raison de sa forme ou de sa longueur. " Là-dessus, notre commentaire serait simplement que la longueur du document ne devrait pas constituer un motif de refus du document puisque, de toute façon, c'est le requérant qui paie le coût de reproduction, même si le document est très volumineux. Si le requérant le demande, il devrait pouvoir l'obtenir.

J'ajouterai que le requérant devrait, si cela lui suffit, obtenir copie de seulement une partie du document. On ne l'a pas retrouvé dans l'avant-projet de loi. Donc, on recommande ici qu'on biffe simplement les mots "ou de sa longueur" nour ce qui est de l'accès, donc que la longueur du document ne soit pas un motif pour en refuser l'accès et qu'on ajoute simplement les quelques mots "ou d'une partie du document". Que ce ne soit pas limité, qu'on ne soit pas obligé de payer les frais de reproduction de tout le document s'il est très volumineux, mais que si une dizaine de pages suffit, on puisse y avoir accès.

On passe maintenant à l'article 22. Je vais vous le lire, puisque c'est assez bref: "Un organisme public ne peut communiquer un renseignement accepté à titre confidentiel et obtenu d'un autre gouvernement, d'un organisme de ce gouvernement ou d'une organisation internationale, à moins que ce gouvernement, cet organisme ou cette organisation internationale n'y consente ou ne publie ce renseignement. " On se réfère à la loi suédoise sur la liberté de la presse que tout le monde connaît, où tous les documents officiels sont accessibles à la population, sans distinction s'il s'agit de documents créés sur place ou reçus de l'étranger. Cette ouverture générale qu'on retrouve dans la loi suédoise est sujette quand même, évidemment, "aux restrictions qui s'imposent soit pour des considérations de sécurité du royaume ou de ses relations avec des puissances étrangères. " C'est assez général, mais c'est quand même une protection minimale, alors qu'au contraire, dans le rapport de la commission Paré, on propose une exemption générale pour tous les documents provenant de d'autres juridictions.

On se dit que ces renseignements, qui sont utilisés au Québec, sont tout aussi aptes à être d'intérêt public ou nuisibles à l'intérêt public que les renseignements créés sur place. Par conséquent, on trouve que les restrictions à l'accès, qui se retrouvent ailleurs dans le document, à la section II, sont suffisantes pour tout souci qu'on pourrait avoir sur ces renseignements venant d'outre-frontière. Plus particulièrement, le prochain article, l'article 23, offre une protection justement avec l'espèce d'équivalent suédois concernant le préjudice que la divulgation pourrait porter. L'article

23 dit: "Un organisme public peut refuser de communiquer un renseignement lorsque, vraisemblablement, sa divulgation révélerait une stratégie de relations intergouvemementales ou porterait préjudice à la conduite des relations entre le gouvernement du Québec et un autre gouvernement ou une organisation internationale. " (12 heures)

Là-dessus, j'ai deux commentaires à faire. D'abord, les mots qui "révélerait une stratégie de relations intergouvernementales" semblent être de trop, parce que, si justement un renseignement qui "révélerait une stratégie de relations intergouvemementales" ne venait pas pour autant "porter préjudice à la conduite des relations entre le gouvernement du Québec et un autre gouvernement", il me semble que la stratégie de relations intergouvernementales ne mérite pas de prime abord une protection spéciale. Le critère, qui est déjà dans l'article 23, qui dit "porterait préjudice à" quelque chose de très précis, cela suffit. Ici, on recommande de rayer les mots: "révélerait une stratégie de relations intergouvernementales".

Quelque chose sur l'article 30 qui dit: "Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de communiquer un renseignement obtenu ou traité de façon conforme à la loi par une personne chargée, en vertu de la loi, de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation serait susceptible: "51 de communiguer un renseignement transmis à titre confidentiel par un corps de police ayant compétence au Québec. "

On trouve que, dans cet avant-projet de loi, il y a suffisamment de protection pour les informations policières confidentielles. Il y a les articles 89 et 90 notamment qui prévoient la création de fichiers confidentiels avec certains contrôles. On trouve que c'est amplement suffisant pour protéger les renseignements qui sont dans les fichiers des services policiers ou de tout autre organisme de protection qui s'occupe de réprimer le crime ou les infractions aux lois, parce qu'il y a beaucoup d'agences gouvernementales qui ne sont pas nécessairement policières, mais qui s'occupent également de la même chose.

Si ce projet de loi ne permet pas à la police du Québec, par exemple aux forces policières du Québec de transmettre ou d'accumuler des renseignements nominatifs sur les personnes, il ne devrait pas non plus leur permettre d'en recevoir de l'étranger gratuitement et en étant totalement protéqées. On recommande ici simplement de rayer le paragraphe 5, puisque, comme je l'ai mentionné déjà, ce souci est déjà amplement prévu ailleurs dans le projet de loi.

De manière générale maintenant, je voudrais vous parler des articles 37, 38 et 39 qui prévoient, pour certains documents ou analyses au sein du ministère du Conseil exécutif ou du secrétariat du Conseil du trésor, etc., un délai de vingt ans pour la divulgation de ces renseignements; même chose, encore un délai de vingt ans pour la communication de mémoires ou de délibérations d'une séance du conseil d'administration de tout organisme gouvernemental et un délai de dix ans pour la communication d'un avis ou d'une recommandation de l'un de ses membres ou d'un membre de son personnel sur une matière de sa compétence. Il nous est apparu que ce délai de dix ou de vingt ans, qui revient, d'ailleurs, ailleurs que dans ces trois articles, était plutôt arbitraire et un peu exagéré. On a recommandé le chiffre de cinq ans qui correspond justement au mandat d'un Parlement et qui serait amplement suffisant ici pour protéger la confidentialité qui s'impose pour la durée de ce mandat.

Je voudrais maintenant passer brièvement à l'article 33 qui dit: "Le Conseil exécutif peut refuser de révéler l'existence ou de communiquer une décision résultant de ses délibérations. "

Cela prévoit ici que les décisions du Conseil exécutif peuvent être gardées secrètes. Je ne vois aucune raison, il n'y a aucune justification pour ce secret absolu sur les décisions. Je comprends que les informations peuvent être gardées secrètes jusqu'à ce que la décision soit prise, mais que la décision elle-même soit gardée secrète, je trouve que c'est un peu exagéré, d'autant plus que, dans les articles 40, 42 et 43, il y a les dispositions que les renseignements peuvent être gardés confidentiels jusqu'à ce que la décision finale soit prise. Par conséguent, nous recommandons que l'article 33 soit rayé de cet avant-projet de loi.

Maintenant, l'article 118. Cela porte sur les pouvoirs de la commission qui est proposée dans cet avant-projet de loi. On trouve que la commission devrait avoir un rôle additionnel à ce qui est inscrit à l'article 118, c'est-à-dire qu'elle devrait pouvoir se substituer au citoyen qui n'a pas accès aux fichiers confidentiels prévus à l'article 89 et 90. Évidemment, il y a lieu d'avoir des fichiers confidentiels, il y a lieu de limiter l'accès; il ne faut pas avoir un accès complet, ce n'est pas possible. Il faudrait y avoir un mécanisme pour assurer qu'il y a un contrôle indépendant de tout refus de communiquer des renseignements. C'est là qu'on voudrait que la commission puisse avoir ce rôle de se substituer à la personne qui demande un renseignement qu'on lui refuse soi-disant parce que c'est dans un dossier confidentiel. Le citoyen n'a pas accès au dossier, la commission devrait pouvoir le faire pour lui. C'est là qu'on recommande qu'on ajoute à la fin du premier paragraphe

de l'article 118 que la commission peut, de sa propre initiative ou sur plainte d'une personne intéressée, faire enquête sur un fichier confidentiel pour déterminer si les renseignements nominatifs qui s'y trouvent y ont été versés conformément aux dispositions du décret de classement ou si leur utilisation est faite conformément à la loi et aux règlements. Ici on ajouterait: ou s'ils ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 71 qui prévoit que ces renseignements dans ces fichiers soient à jour, exacts et complets. On voudrait que la commission puisse avoir ce rôle, également de pouvoir contrôler, à savoir précisément si l'article 71 est en vigueur. On ajouterait aussi, un peu plus loin dans le deuxième paragraphe, que l'enquête est secrète et que seul un membre de la commission ou un membre de son personnel peut prendre connaissance des renseignements nominatifs versés aux fichiers. On ajouterait: sauf si ces renseignements ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 71, parce que je ne vois pas pourquoi on protéqerait les renseignements qui ne sont pas à jour, exacts et complets. Le cas échéant, la commission peut communiquer ces renseignements à la personne intéressée. Je ne vois pas, encore une fois, pourquoi ces renseignements seraient secrets et que la personne qui en est l'objet n'en serait pas informée.

Pour terminer, je voudrais parler brièvement de l'article 119. Encore cela touche le mandat ou les pouvoirs de la commission. L'article 119 dit que la commission peut, après avoir fourni à l'organisme public dont relève le fichier l'occasion de présenter ses observations écrites: 1) ordonner de retrancher un renseignement nominatif du fichier ou de cesser d'utiliser le fichier confidentiel contrairement à la loi ou aux règlements; 2) recommander au gouvernement de modifier ou d'abroger le décret de classement.

Notre commentaire là-dessus, c'est une recommandation, c'est tout ce que la commission peut faire et on trouve que ce n'est pas suffisant ou pas nécessairement suffisant pour assurer que justice sera faite. La commission devrait disposer des pouvoirs de s'assurer que la protection de la vie privée est bel et bien respectée. Donc, on ajouterait à ces deux pouvoirs de la commission un troisième qui serait le pouvoir de divulguer au requérant ou à la personne intéressée tout renseignement qui ne soit pas conforme à l'article 71, c'est-à-dire encore une fois à jour, exact et complet, et voir à ce que les corrections soient effectuées conformément à l'article 85.

J'avais aussi mentionné au tout début le principe crépuscule, "sunset"; c'est un principe qu'on retrouve dans la loi américaine, je trouve que c'est un principe innovateur, c'est assez intéressant.

Cependant, comme le qroupe qui m'a précédé l'a bien souligné, cela s'applique généralement à des lois désuètes et inutiles, et je suis d'accord, c'est très utile. Lorsqu'il est question, par contre, d'une loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, qui à mon avis sont des droits fondamentaux inaliénables, la clause "sunset" n'a pas sa place, parce qu'il s'agit d'un principe fondamental.

Je voudrais simplement ajouter à ce que j'ai dit jusqu'à présent, on ne l'a pas mentionné, mais ce serait peut-être une chose intéressante à souligner, que l'approche de la loi fédérale, la proposition de loi fédérale qui prévoit une révision obligatoire après un certain délai, qui est trois ans au niveau fédéral dans la proposition, serait préférable au principe de la clause "sunset" qui prévoirait que, six ans après l'entrée en vigueur de cette loi, la loi n'aurait plus effet si l'Assemblée nationale ne décidait pas de la "relégiférer", si vous voulez. Je ne pense pas qu'après six ans ce sera le cas, mais on ne sait jamais. Je pense que le principe "sunset" ne devrait pas s'appliquer ici, dans cette loi.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: Merci, M. Gaudet. Je ne vous reprocherai pas de nous avoir remis le document juste avant la commission parce que, de toute façon, c'était déjà indiqué, cela faisait partie des règles du jeu, nous voulions que le plus de groupes possible se fassent entendre.

Je revois de toute façon dans votre document un ensemble de remarques que j'ai cru avoir lues dans le document qui sera produit par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Il y a là un certain nombre de recoupements, puisque vous dites même représenter quelque 500 journalistes d'un peu partout. Vous avez dû communiquer ensemble et échanger un certain nombre d'avis sur cette proposition de loi d'accès à l'information gouvernementale. Je passerai assez rapidement, quitte à revenir plus substantiellement lorsque la fédération professionnelle déposera son rapport sur certains autres aspects.

Je veux simplement dire, entre autres en ce qui concerne l'article 10 sur ce concept de forme et de longueur des documents, qu'il s'agit encore là, de ne pas à ce point détailler la loi ou de faire d'avocasseries autour de la loi, qu'on ne puisse plus utiliser son sens commun. Je pense bien que tout le monde aura compris que dans l'article 10, précédé de l'article 9, le voeu qui est exprimé à travers tout cela, c'est que vraiment les documents soient accessibles, sur place, qu'ils soient transmis. Ce sont des possibilités, mais il faut voir des

situations très concrètes aussi. Par exemple, quelqu'un veut obtenir une carte, une immense carte qui représente un territoire quelconque qui a été photoqraphié pour des fins d'analyse pour le ministère de l'énergie et des Ressources. Il y a effectivement un problème de longueur, dans tous les sens du terme, qui pose des difficultés. On peut suggérer à la personne d'aller le consulter sur place.

Il y a des documents d'archives. Il y a des archives qui, si elles ne sont pas consultées sur place, entre autres choses, peuvent vraiment conduire à des problèmes considérables. Il y a même des documents d'archives qui, si vous les placez dans des situations de reprographie, peuvent subir des dommages.

Encore une fois, je pense qu'il s'agit de se servir de son sens commun et l'article m'apparaît suffisamment large dans son esprit pour que toutes les possibilités soient accordées à ceux et celles qui voudront avoir accès aux documents pour le faire.

Sur les restrictions relatives aux relations intergouvernementales, effectivement, la commission Paré nous suggère à peine trois articles faisant état de restrictions à ce sujet. Vous noterez cependant qu'il est bien fait mention que l'organisme public peut rendre ces documents accessibles. Et ce "peut", c'est une façon que les commissaires ont trouvée d'indiquer aux organismes publics qu'ils ne veulent pas en faire une obligation puisqu'il s'agit effectivement d'un chapitre restrictif, mais il y a une possibilité de les rendre publics. Et je crois qu'encore là, il s'agit, dans le contexte de la dynamique politique qu'on connaît, de comprendre qu'il y a des situations où, effectivement, un organisme peut décider qu'il en va de l'intérêt public de rendre ce document accessible que, dans d'autres cas, pour des raisons qui sont mentionnées là, c'est-à-dire la stratégie de relations intergouvernementales, un préjudice à la conduite de relations intergouvernementales, il peut effectivement y avoir un danger pour ce qui est non seulement de l'intérêt public, mais aussi de l'intérêt national, de l'intérêt d'un gouvernement, de rendre de telles choses publiques. (12 h 15)

Je vous avoue que je ne me battrai pas à ne plus finir sur cette question: Est-ce qu'on doit qarder ce que révélerait une stratégie, enlever révélerait une stratégie, porter préjudice... Tout cela fait partie de l'ensemble des relations intergouvernementales. À l'heure actuelle, le premier ministre du Canada et le premier ministre de l'Alberta se rencontrent pour parler de toute la question du pétrole et, quand on pense à toutes les rencontres qui ont eu lieu entre MM. Lalonde et Leitch et à toutes les rencontres entre les fonctionnaires, à l'occasion desquelles il y avait forcément des documents publics qui étaient en circulation, je comprends cela et je comprends même que le règlement de certaines négociations en cours entre gouvernements et l'établissement de relations entre les gouvernements supposent que tant et aussi longtemps, en tout cas, que ces choses n'ont pas abouti, les gouvernements soient extrêmement prudents dans la façon de garder le huis clos autour des documents qu'ils détiennent.

C'est à peu près les deux remarques que j'ai à faire, parce que j'ai l'impression que la commission là-dessus a vraiment fait l'effort nécessaire pour dire: L'accès est là. Il faut quand même établir un certain nombre de restrictions. Les commissaires n'en ont pas fait des chapitres interminables. Ils ont évoqué quatre grands secteurs de restrictions et, pour chacun, ils n'ont pas non plus voulu y aller dans le détail en faisant état de tous les documents qu'on pourrait rendre inaccessibles, mais simplement indiqué l'esprit dans lequel on devait comprendre ces restrictions. Je suis tout à fait d'accord là-dessus avec les recommandations de la commission Paré.

M. Marx: M. le Président, seulement un mot. Je trouve souvent illogique la prise de position du gouvernement. Quand il s'agit de ce gouvernement, vous voulez garder certains renseignements confidentiels. Quand il s'agit du gouvernement fédéral, tout ce qu'il y a dans les fichiers de la Gendarmerie royale du Canada doit être mis sur la table. Il y a quelques jours, vos collègues au Conseil des ministres ont demandé que toute l'information que la Gendarmerie royale du Canada a dans ses fichiers soit rendue publique. Il y a même un ministre qui a menacé de poursuivre le premier ministre du Canada pour que la vérité sorte. Là, on veut que toute...

M. Bertrand: Mais depuis...

M. Marx:... la vérité sorte. Ici, on veut...

M. Bertrand:... qu'on sait que le Parti libéral aussi a été espionné pendant ces années-là, il me semble que vous devriez aussi être très intéressés à obtenir toute la documentation sur la question.

M. Marx: Ce serait bon de vérifier si on n'est pas espionné par le gouvernement actuel, au Québec.

N'y a-t-il pas un illogisme quelque part? Pour les autres, on veut que tout sorte sur la table, mais ici, il faut que certains renseignements restent confidentiels.

M. Bertrand: Non, je crois qu'il faut quand même faire une distinction. Il ne faudrait quand même pas non plus déborder le cadre des travaux de la commission, mais il était question d'illégalité qui avait été commise par des responsables au niveau de la GRC. Dans les cas d'illégalité, c'est-à-dire où on outrepasse les droits et les devoirs qui sont normalement dévolus à un corps policier, la commission d'enquête qui elle-même a fait l'analyse de tout le dossier soulignait qu'effectivement, la GRC avait fonctionné dans un cadre d'illégalité qui, justement, lui apparaissait devoir être réprimée.

M. Marx: Dans le rapport Keable, on a dit qu'il y avait aussi des illégalités au Québec de la part des membres des corps policiers québécois.

Le Président (M. Rochefort): Messieurs, je voudrais vous rappeler le mandat de la commission qui est d'entendre les mémoires de certains organismes et de discuter avec eux. Je pense que nous aurons l'occasion de tenir une discussion comme celle que nous tenons à d'autres moments. M. le député de Westmount.

M. French: Je voudrais remercier M. Gaudet et son organisme. Il y a un certain nombre de suqqestions très valables qu'on va garder à l'esprit.

J'ai une seule question brève. Il s'agit du délai prévu par la loi pour la publication des documents. Il s'agit particulièrement pour les journalistes de nous faire savoir s'ils sont d'accord avec ce délai, s'ils pensent que c'est trop long. Je sais que depuis longtemps, une des revendications de votre homologue américain, justement, c'est l'histoire du délai bureaucratique, du retard bureaucratique, je me demande si vous avez les mêmes soucis.

M. Gaudet: Évidemment, vous avez mentionné les États-Unis, ils ont le délai de dix jours.

M. French: Dix jours de travail?

M. Gaudet: Dix jours de travail, oui, c'est ça.

Ici, c'est plus long, quoique c'est déjà plus court que ce qu'on nous propose au niveau fédéral. C'est une amélioration en ce sens. Evidemment, le plus vite possible, c'est forcément la norme.

Pour ce qui est du journalisme d'enquête, quand il s'agit d'approfondir des dossiers, ce n'est pas du reportage quotidien qu'on fait. Par conséquent, un délai de dix ou vingt jours, si ce n'est pas reporté à nouveau de dix jours et encore de dix jours, il y a toujours moyen de le faire. On n'a pas eu de réaction précise là-dessus dans notre mémoire parce que les vingt jours, pour l'instant, ça va, on essaiera pour voir et, quand il y aura une révision de la loi, on verra s'il y a lieu de prendre d'autres positions là-dessus. Pour l'instant, vingt jours, à partir du moment où c'est sincère et qu'il n'y a pas de tentative de contournement en allant chercher dix autres jours, comme c'est prévu dans l'avant-projet de loi, on verra.

Puis-je quand même réagir brièvement aux commentaires du ministre? Je pense que, pour ce qui est des exemples que le ministre a donnés à l'article 10, quand il a parlé de cartes géographiques et que ça posait des problèmes, il est question de la forme du document et on ne conteste pas ça. Pour ce qui est des archives, il se rapportait, je crois, à un principe de conservation du document et on ne s'y oppose pas non plus. C'est simplement "ou de sa longueur", c'est tout. Je pense, par exemple, à la commission MacDonald qui, lorsqu'elle faisait ses travaux, avait des documents, mais ce n'était pas trois pieds, mais bien dix pieds, vingt pieds et quarante pieds de documents. Je pense que si jamais on avait voulu aller chercher une copie de ce document et l'étudier vraiment à fond, si quelqu'un s'y intéresserait, il devrait y avoir droit, bien sûr, s'il est prêt à payer les frais de reproduction. Je ne vois Das pourquoi on ne lui ferait pas copie de 10 000 pages, s'il le veut, à la condition qu'il ait aussi l'occasion, dans cette loi, d'aller vérifier sur place les documents et de demander seulement les dix pages qui l'intéressent; c'est tout.

Vous avez aussi parlé, M. le ministre, de l'article 22 et vous avez dit que l'orqanisme pouvait rendre public, parce qu'il y avait l'emploi du mot "peut". Mais je vous signalerai que le libellé de l'article 22 est: "Un organisme public ne peut communiquer... ", ce n'est pas "... peut ne pas communiquer... ", c'est "... ne peut communiquer... ", donc il n'y a aucun choix là-dedans.

Je suis d'accord avec l'exemple que vous avez donné à l'article 23 sur les rencontres Lalonde-Leitch. Evidemment, il y a des documents qui circulent et qui sont légitimement confidentiels pour l'instant, puisqu'on est en train de prendre une décision, mais ça ne révèle pas une stratégie de relations intergouvernementales ou, si ça le fait, ça devrait être protégé seulement si ça portait préjudice à la conduite des relations. Évidemment, si on avait rendu publics les documents Lalonde-Leitch, ces derniers temps, cela aurait porté préjudice à la conduite des relations, forcément, et c'est là un critère valable pour garder la confidentialité. Par contre, révéler une stratégie de relations intergouvernementales, je ne vois pas - sans apporter le test du préjudice - pourquoi ce serait exclu. C'étaient simplement les commentaires que

j'avais à formuler.

M. Bertrand: Je m'excuse, M. Gaudet, si effectivement j'ai évoqué la notion de pouvoir pour l'article 22, c'est purement par erreur, je faisais mention de l'article 23. Si je l'ai mentionné pour l'article 22, je m'en excuse; j'aime bien que vous ayez apporté la précision sur le caractère très spécifique de la notion de longueur. Je pense que, a priori, on n'est pas fermé à l'idée de préciser davantage. Je comprends très bien, en fait, ce que vous voulez évoquer. Il y a des sommes théologiques qui sont produites par les organismes publics et qui, à l'occasion, poseraient des problèmes de délais, parce que, si vous voulez qu'on racourcisse les délais le plus possible, il faut aussi prendre en considération que s'il s'agit de documents fort importants, ça peut prendre un certain temps avant d'arriver à en faire la reprographie. On peut peut-être regarder s'il n'y a pas une possibilité de préciser cette notion de longueur.

Je voudrais aussi vous dire - là-dessus en total accord avec l'Opposition, et nous le ferons d'une façon générale - que le principe qui nous guidera est de faire en sorte que les délais soient les plus courts possible pour que l'accès soit le plus rapide possible, mais qu'en même temps nous tenions compte de la contrainte qui est celle de permettre au gouvernement d'agir, d'être efficace et d'être un bon gouvernement, comme le soulignent les commissaires eux-mêmes. Il s'agit de trouver cette espèce de délai qui se situe à la fois entre l'accès qui doit être facilité et, d'autre part, la protection des documents pendant le temps nécessaire pour que le gouvernement ait le sentiment que son droit de gouvernement n'est pas brimé à cause même de la nature des documents dont il est fait mention, selon le cas, cela dépend si on parle de documents de nature politique ou autres. Là-dessus, je peux vous dire qu'on est très ouvert et j'attendrai, d'ailleurs, de l'Opposition des suggestions à ce point de vue là, qui pourront certainement nous guider.

Pour le reste, sans vouloir entrer dans toutes les autres recommandations que vous faites, je voudrais simplement vous souligner celle relative à l'article 119 où la commission exerce un rôle en ce qui concerne l'invitation à un organisme public de retrancher des renseignements nominatifs et de recommander au gouvernement de modifier ou d'abroger des décrets de classement. Vous dites: II faut que ce soit plus fort que ça pour la protection des renseignements personnels. Encore là, je voudrais vous dire que mon impression générale, en me servant du sens commun dont il faudra s'inspirer continuellement, c'est que, lorsqu'une commission - on verra si ce doit être la

Commission d'accès aux documents des organismes publics; l'Opposition nous invite a ne pas bureaucratiser davantage la fonction publique et à faire ça avec un objectif probablement très louable, mais que vous m'aiderez, par vos suggestions, à rencontrer, que ça ne coûte pas un sou - fera des recommandations au gouvernement, elles auront un impact moral considérable. Quand une commission ou quelque organisme que ce soit que le gouvernement décidera de mettre sur pied pour s'occuper d'appliquer cette loi recommandera au gouvernement de modifier ou d'abroger des décrets de classement ou demandera à un organisme public de retrancher des renseignements nominatifs dans des fichiers, c'est mon impression très nette que le pouvoir moral, à toutes fins utiles, de ce tribunal administratif va être très grand.

Je ne crois pas qu'il faudrait, non plus, compliquer la procédure inutilement, d'autant plus que l'organisme qui sera mandaté pour appliquer la loi aura aussi un pouvoir d'information auprès du public. Faire état devant l'opinion publique d'une recommandation qui a été faite et de l'acceptation ou du refus de l'organisme public de se plier à la recommandation, ça aussi fait partie du débat public et il faut le prendre, je crois, dans ce contexte. Simplement pour dire que je comprends bien le sens de votre invitation, mais qu'il faudrait peut-être aussi savoir le poids moral qu'auront des recommandations qui viendraient de l'éventuelle commission d'accès aux documents des organismes publics.

M. Gaudet: Là-dessus, il va évidemment falloir se fier au bon sens et à la bonne volonté du gouvernement et des fonctionnaires qui vont mettre cette loi en application. Cette recommandation sur 11. '', c'est simplement pour préciser dans la loi que cette bonne volonté, justement, sera un peu plus forte que simplement des bonnes intentions.

Je voudrais peut-être ajouter juste deux ou trois points qu'on a discutés en comité et qui ne sont pas mentionnés dans le mémoire qu'on vous présente aujourd'hui, parce que ce n'est pas très très très précis. C'est simplement une invitation à y penser peut-être. On a toujours préconisé que le recours du requérant devrait se faire devant les tribunaux et ici on a une commission qui est proposée, qui serait quasi judiciaire, évidemment. Par contre, pourquoi avoir une commission qui, en fait, se substituerait aux tribunaux plutôt que d'aller directement aux tribunaux eux-mêmes? C'est simplement une préférence qu'on voulait souligner soit que les tribunaux seraient préférables, il me semble, et peut-être moins encombrants. C'est un nouvel organisme qui va être créé

alors que les tribunaux existent déjà; toutes les règles de la preuve et le reste, toutes les protections pour la sécurité des citoyens sont déjà établies dans les règles des tribunaux. C'était simplement une réflexion. (12 h 30)

Une deuxième porte sur le délai d'application de cette loi. L'avant-projet de loi prévoit que la loi ne s'appliquera pleinement rétroactivement que deux ans après l'entrée en vigueur de la loi. Je me demande dans quelle mesure il est nécessaire d'attendre deux ans; il me semble que c'est un délai un peu long pour la pleine application de cette loi. Il me semble que c'est un peu exagéré, les deux ans.

M. Bertrand: M. Gaudet, j'aurai une réponse très simple là-dessus. Si c'était possible, je vous inviterais à venir travailler au ministère des Communications. C'est possible, n'est-ce pas? On peut le faire?

M. French:... tous des bons journalistes, mais oui!

M. Bertrand: Oui, c'est vrai, on engage souvent des journalistes comme cela. Je l'inviterais à venir faire le travail qu'effectue en ce moment le comité qui étudie toutes les implications de l'adoption d'une éventuelle loi d'accès à l'information gouvernementale et de protection des renseignements personnels. Je peux vous assurer que déjà, au départ, ces deux ans établis pour la mise en application sont véritablement 24 mois qui seront absolument nécessaires pour faire l'ensemble du travail.

En tout cas, si on retenait l'ensemble des recommandations, l'ensemble du travail qui nous est demandé dans le cadre d'une telle proposition de loi, ce serait un travail considérable. Si vous faites l'étude article par article, toute cette idée des répertoires, des cataloques, de l'analyse des fichiers gouvernementaux, de l'émission des certificats, etc., je crois qu'il est préférable de faire en sorte que la loi, lorsqu'elle viendra, puisse devenir opérationnelle dans les meilleures conditions possible et qu'on ne bouscule pas inutilement tout l'appareil administratif, parce qu'il y a quand même quelque chose comme 4000 à 5000 organismes qui sont touchés par la loi. Qu'on se dise qu'il faut prendre le temps nécessaire pour que ça devienne véritablement une loi efficace lorsqu'elle sera en vigueur.

Le Président (M. Rochefort): Merci, avez-vous d'autres commentaires?

M. Gaudet: Non, cela va. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie.

J'inviterais les représentants de la société Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James à prendre place, s'il vous plaît. Je vous inviterais à identifier les représentants de votre organisme.

Hydro-Québec et SEBJ

M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, mon nom est Joseph Bourbeau, je suis le président du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie James. J'ai, à ma droite immédiate, M. Marcel Couture, le vice-président de l'information à Hydro-Québec; plus loin, M. Daniel Granger, membre du contentieux d'Hydro-Québec; à ma gauche immédiate, M. Jean Bernier, le secrétaire du conseil d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ et, plus loin, M. René Boily, conseiller à la planification générale d'Hydro-Québec.

Le Président (M. Rochefort): Vous êtes invité à présenter votre mémoire en vous soulignant que vous avez environ 20 minutes pour le faire.

M. Bourbeau (Joseph): Je le ferai en moins de 20 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Excellent.

M. Bertrand: M. le Président, si vous me le permettez, est-ce qu'on peut déjà s'entendre, parce que je crois savoir que les gens d'Hydro-Québec doivent rencontrer d'autres personnes cet après-midi, pour que nous terminions l'étude de leur rapport même si nous avons dépassé l'heure de 13 heures et je tenterai d'être le premier à faire l'effort nécessaire pour raccourcir mes commentaires.

M. French: Je suis convaincu que le président va regarder le ministre faire son boulot.

Le Président (M. Rochefort): M.

Bourbeau, vous avez la parole.

M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission permanente des communications, je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir convoqué une commission parlementaire au sujet de la proposition de loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Je suis heureux, à titre de président des conseils d'administration d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Raie James, de vous faire part de notre position sur un projet de loi qui nous concerne et qui intéresse également la communauté québécoise tout entière.

La loi, une fois adoptée, pourrait avoir,

en effet, pour tous les organismes d'État des répercussions importantes, non seulement sur l'information qu'ils dispensent, mais aussi sur leur mode de fonctionnement.

Ce serait une erreur de séparer l'information de la gestion. Dans une entreprise moderne, information et gestion vont de pair et c'est pour nous le point crucial qui est à l'origine de toutes les observations que je vais vous faire.

Pour plus de clarté, mon exposé sera divisé en deux parties.

Je vous ferai part, en premier lieu, de la position d'Hydro-Québec et de la SEBJ quant aux principes et aux grandes orientations de la proposition de loi et, plus généralement, en matière d'information.

J'énoncerai ensuite les préoccupations qui sous-tendent les réserves et les suggestions d'Hydro-Québec quant à certaines modalités d'application de la proposition de loi.

En ce qui a trait aux principes et aux grandes orientations de la proposition de loi, nous y souscrivons parce que l'information est un besoin social de plus en plus ressenti et que la population désire être plus et mieux informée. Ces dernières années, le désir d'information des citoyens s'est particulièrement accentué et cette loi s'inscrit donc dans le sens de l'évolution des sociétés démocratiques.

Hydro-Québec et la SEBJ poursuivent d'ailleurs des efforts dans ce sens. Comme la société québécoise, elles évoluent et l'information qu'elles dispensent à la collectivité reflètent l'accroissement des exigences de leurs publics.

La préoccupation de l'information est formellement reconnue dans les règlements d'Hydro-Québec. Ces règlements déterminent avec précision le rôle et les responsabilités du président du conseil d'administration de l'entreprise et du vice-président de l'information pour que l'information émise par Hydro-Québec réponde aux besoins de ses publics.

De plus, en 1978, l'entreprise s'est donné une politique d'interaction avec ses publics qui vise à intégrer dans son processus décisionnel le résultat de ses communications avec la population.

La vice-présidence Clientèle et Régions entretient aussi des relations permanentes avec les abonnés et, à l'heure actuelle, tout abonné d'Hydro-Québec peut obtenir l'information contenue dans son dossier et les explications nécessaires pour en comprendre la teneur. Il peut de plus faire corriger les inscriptions erronées.

Certaines lois, par ailleurs, obligent déjà Hydro-Québec à publier diverses informations. Ainsi, l'entreprise doit rendre publics les résultats des études avant-projet de ses installations, c'est-à-dire l'ensemble des données techniques, économiques et d'environnement, de même que les résultats de la communication avec le public, les organismes et ministères concernés. À partir de ces mêmes documents, le conseil d'administration prend des décisions en vue de la réalisation des projets et sollicite les autorisations gouvernementales requises conformément à sa loi constitutive et compte tenu principalement de trois lois et des règlements qui les accompaqnent. Ce sont les lois sur la protection du territoire agricole, sur la qualité de l'environnement et sur l'aménagement et l'urbanisme. Pour améliorer la prise de décision et mieux intégrer les projets dans le milieu, les projets relatifs aux équipements de production, aux postes et aux lignes de transport donnent ainsi lieu, chaque année, à une information de plus en plus systématique et ouverte ainsi qu'à une consultation de plus en plus suivie. Celle-ci a, par exemple, amené l'entreprise à modifier certains de ses choix d'emplacement de postes ou de tracés de lignes.

L'entreprise est donc bien consciente de la nécessité d'informer ses publics. Elle le fait à l'occasion de commissions parlementaires et dans de nombreux et importants domaines. Les résultats de ces communications avec les publics sont intégrés aux prises de décisions et à la gestion.

Cependant, le mémoire d'Hydro-Québec qui vous a été soumis formule des réserves à l'égard de certaines dispositions particulières de la proposition de loi. Ces réserves sont inspirées de plusieurs préoccupations, dont la commission Paré a d'ailleurs reconnu l'importance dans son rapport, notamment dans ce passage que je citerai: "L'extension du secteur public s'est faite également par des entreprises d'État. La logique de cette participation à l'économie suppose que ces entreprises jouissent d'avantages équivalents à ceux de leurs partenaires ou de leurs concurrents et qu'elles ne soient pas soumises à des contraintes qui ne sont pas imposées à ces derniers. "

C'est ainsi que la divulgation de certains renseignements risquent d'apporter des avantages indus à des personnes ou à des organismes particuliers, par exemple, à l'occasion des expropriations ou dans le cas de recherches faites par Hydro-Québec à son institut de recherche.

La divulgation de certains renseignements risque aussi de miner la confiance nécessaire entre Hydro-Québec et ses divers partenaires et de compromettre le droit des tiers.

À titre d'exemple, la divulgation des conditions des contrats entre l'entreprise et ses abonnés mettrait en danger la confidentialité de certains renseignements personnels tels que la solvabilité de l'abonné et les demandes judiciaires de recouvrement. Hydro-Québec est d'ailleurs en train de

mettre au point un code de déontologie à l'intention du personnel habilité à traiter ces données afin d'assurer une plus grande protection à ses abonnés.

En ce qui concerne les droits des tiers, Hydro-Québec admet volontiers que la loi s'applique à ses propres documents, mais souhaite qu'elle ne l'oblige pas à donner accès à des documents ou à des renseignements qui ne lui appartiennent pas, et qu'elle détient en vertu de ses relations avec des tiers, en particulier, ses fournisseurs et ses bailleurs de fonds. Ces relations sont fondées sur une très grande confiance envers Hydro-Québec et la certitude morale que tout renseignement, privilégié ou non, sera traité avec la discrétion qu'exige le monde des affaires. La loi devrait éviter à Hydro-Québec de juger les motifs de confidentialité invoqués par ses correspondants commerciaux à propos de documents qui leur appartiennent, mais qui sont détenus par Hydro-Québec.

L'application de la loi aura enfin des conséquences sur le fonctionnement interne de l'entreprise. Il serait ainsi nécessaire que certains projets de transactions financières et commerciales puissent demeurer secrets après leur conclusion. Hydro-Québec suggère ainsi d'éviter l'embûche que constitue l'appréciation de la valeur d'un secret industriel et de le protéger dans tous les cas. Elle souhaite également que les renseignements économiques et stratégiques qui revêtent un caractère particulièrement important pour elle, en raison de leur incidence sur l'orientation même de sa gestion, soient inclus dans la liste des renseignements dont l'accès peut faire l'objet d'une restriction.

Dans le même ordre d'idées, la protection accordée aux délibérations du conseil d'administration devrait aussi s'étendre à celles des comités du conseil, puisque leurs activités sont indissociables de celles du conseil d'administration. Il nous semble aussi que l'information qui s'achemine vers le cabinet d'un ministre ou le bureau d'un membre de l'Assemblée nationale devrait être protégée de la même manière que celle qui en émane. De plus, les décisions adoptées au conseil d'administration et sujettes à l'approbation du gouvernement devraient être protégées jusqu'à ce qu'elles aient été approuvées par le gouvernement.

Enfin, nous tenons à souligner les problèmes pratigues et administratifs que va soulever la mise en application de la loi au sein de l'entreprise. La quantité de travail a prévoir est en effet considérable. L'information existe mais, fréquemment, elle n'est ni inventoriée, ni répertoriée. Les dossiers et fichiers que possède HydroQuébec offrent une très grande disparité quant à leur contenu, leur informatisation, leur gestion, leur utilisation et leur accessibilité. Certains exigeront beaucoup de travail d'uniformisation et de classement.

Étant donné l'importance des modifications administratives qu'entraînera, sur une période de cinq ans, l'application de la loi, Hydro-Québec souhaiterait qu'on procède à son implantation par étapes.

La question des coûts ne doit pas non plus être négligée. Selon la proposition de loi, l'accès à un document est gratuit. Hydro-Québec souscrit à ce principe, mais lorsque la demande entraîne des frais de repérage ou de préparation, nous suggérons de faire payer ces frais selon les dépenses engagées. Il nous semble que l'intérêt général réclame que ce ne soit pas la collectivité qui paie le prix réel de la transmission, mais plutôt la personne ou le groupe qui fait la demande et qui apprécie la valeur de l'information obtenue.

Information et liberté, accès à l'information, ouverture de l'entreprise aux besoins d'information des citoyens, protection des renseignements personnels, autant de notions qu'Hydro-Québec accepte sans restrictions et dont elle pense que les effets seront favorables à la communauté québécoise et aussi à elle-même. Mais nous souhaitons que le léqislateur prévoie, ainsi que la commission Paré le reconnaît expressément, des modalités d'application particulières pour les sociétés d'État à caractère commercial afin de respecter leurs besoins légitimes et leurs contraintes.

Je vous remercie, M. le Président. Nous serons prêts, mes collègues et moi, à répondre aux questions des membres de cette commission.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: M. le Président, merci infiniment. Je voudrais remercier très sincèrement Radio... Je suis tellement intéressé par le dossier de Radio-Québec par les temps qui courent; c'est un autre ministre qui est intéressé plus particulièrement par vos dossiers. Je voudrais remercier Hydro-Québec d'avoir produit ce mémoire parce que nous avons craint pendant un certain temps que les sociétés d'État ne se présentent pas devant la commission parlementaire. Il me semble qu'il y a des questions qui doivent être adressées aux sociétés d'État à cause du contexte même dans lequel elles sont placées; c'est peut-être moins le cas pour Hydro-Québec, à cause de sa situation monopolistique sur le territoire québécois, que pour d'autres sociétés d'État qui sont en situation de concurrence, mais il n'en demeure pas moins que vous êtes en relation avec le secteur privé, vous établissez des relations à plusieurs points de vue avec l'entreprise privée. Il me paraît important que vous nous indiquiez jusqu'où ou

à partir de quel moment, à votre avis, l'éventuelle loi sur l'accès à l'information gouvernementale est trop largement ouverte et compromet la réalisation de votre mission dans le secteur économique.

Je vous félicite au départ de dire: Nous, on est prêts à marcher avec une loi comme cela. Mous sommes un organisme public. L'argent que nous détenons, c'est de l'argent qui nous vient, d'une part, des contribuables en grande partie...

M. French: Sans doute, mais par une autre source que les taxes, par exemple.

M. Bertrand: Non, d'une autre façon. Vous parlerez de cela à l'autre ministre.

M. Marx: Qu'ils aient le droit de taxer?

M. Bertrand: Vous êtes donc placés dans une situation où le caractère public de votre institution vous commande un certain nombre d'obligations, un certain nombre de responsabilités sociales. L'information fait partie de cette responsabilité sociale que vous sentez important de remplir. Je tiens aussi à remarquer qu'Hydro-Québec - je pense que cela devrait caractériser l'ensemble des organismes publics - considère que la communication est un outil de gestion. Je crois que c'est une idée qu'il vaudrait la peine de vendre à l'ensemble des organismes publics, entre autres les ministères du gouvernement du Québec, que la communication est un outil de gestion. C'est un des défis que je me propose de relever au cours des prochains mois.

Vous faites état, comme la chambre de commerce, de toute cette difficulté relative aux documents qui vous ont été présentés par des tiers, de toute la relation de confiance que vous avez établie avec ces tiers et des difficultés que cela créerait dans la mesure où vous seriez obligés par la loi de rendre publics les documents qui vont ont été transmis par un tiers. Là-dessus, vous reprenez à peu près la même argumentation que la chambre de commerce. J'avais indiqué tantôt que nous étions préoccupés par ce point et que nous allions tenter de circonscrire l'ensemble du problème pour trouver la meilleure solution possible, mais j'aimerais savoir si vous avez une solution à nous proposer très spécifiquement dans ce domaine. Première question.

La deuxième question que j'aimerais vous poser, c'est relativement à votre fichier de données sur l'ensemble des abonnés. Vous dites que c'est votre intention d'établir un code de déontologie pour les gens qui manipulent ces informations, qui travaillent dans ces fichiers. Jusqu'où êtes-vous prêts à aller? Quelles sont exactement les mesures que vous avez l'intention de prendre pour assurer la confidentialité, la protection des renseignements personnels? Ce sont certains des points sur lesquels j'aimerais avoir des réponses.

Finalement, j'aimerais savoir si, sur le plan des principes, les articles 25, 26, 27, 28 et 29 de la proposition de loi, c'est-à-dire toutes les restrictions relatives aux renseignements à incidences économiques - je sais que, dans l'autre rapport que vous nous avez présenté, vous y allez plus en détail -vous apparaissent vous protéger suffisamment dans le contexte particulier où vous êtes placés ou si, à votre avis, sans pour autant tomber dans les détails qui deviendraient fastidieux, il y a certains points de principes qui ne sont pas touchés dans les articles 25, 26, 27, 28 et 29 et que vous aimeriez que le législateur retienne en ce qui concerne les sociétés d'État.

M. Bourbeau (Joseph): Merci, M. le ministre. Avant de passer la parole à M. Bernier, qui va traiter, je crois, des tiers, du problème des tiers et de la dernière question que vous avez posée, j'aimerais vous faire remarquer, au sujet des commissions parlementaires auxquelles assiste Hydro-Québec qu'on aime tellement cela que, durant le prochain mois, ce sera quatre commissions parlementaires auxquelles assistera Hydro-Québec.

M. Bertrand: Est-ce qu'on doit prévoir une clause pour vous soustraire à la loi d'accès à l'information parlementaire?

M. Bourbeau (Joseph): M. Bernier.

M. Bernier (Jean): M. le Président, M. le ministre des Communications a touché quatre grands thèmes et il nous demande d'abord dans quelles limites ou jusqu'où nous pouvons aller. Évidemment, nous avons mis sur la table notre accord de principe avec les orientations de la loi. Je pense que notre réponse s'articule autour de la suggestion que nous avons faite dans notre mémoire relativement à l'application de la loi et au "sunset clause" qui s'y trouve. Il semble actuellement qu'il se dégaqe un consensus très général sur les principes de la loi et ce consensus rejoint d'autres consensus ailleurs dans d'autres pays. Nous ne pensons pas que, dans l'espace de cinq ans, on en vienne à penser différemment de telle sorte qu'il vaille la peine, dès ce moment-ci, de mettre en cause et sur la table l'existence même de la loi comme la Loi sur la protection du consommateur, comme la Charte de la langue française, et je pense que nous en sommes à un point d'acceptation et de vie harmonieuse avec ces lois. Relativement à la loi d'accès à l'information, nous prévoyons que le même phénomène va se produire. Par voie de conséquence, nous pensons qu'il ne serait pas opportun de penser en terme d'une

telle "sunset clause". Par ailleurs nous sommes d'accord avec les dispositions qui suivent relativement aux rapports que la commission devra faire à l'Assemblée nationale, aux commissions parlementaires qui pourront en découler et éventuellement aux modifications législatives.

Donc, la pratique même de la chose nous amène à penser à une certaine forme de pérennité de la loi. D'autre part, nous avons commencé à regarder les implications pratiques de la mise en vigueur de cette législation et nous y voyons beaucoup de travail et beaucoup d'énergie. Il serait normal que nous entreprenions ces activités dans un cadre d'une continuité législative.

Ce qui est important à ce moment-ci, c'est de prévoir de façon relativement précise la mise en application de la loi par étapes. Pour comprendre cette proposition, je vous inviterais à considérer Hydro-Québec sous ses angles les plus importants.

Hydro-Québec est d'abord un distributeur d'électricité. Nous avons 2 400 000 abonnés. De cette situation découle un ensemble de techniques de gestion et de procédures administratives pour gérer ce portefeuille.

Hydro-Québec est aussi un producteur d'électricité, un transporteur et un distributeur. Dans ce portefeuille, des techniques de gestion administratives sont appliquées.

Hydro-Québec est aussi, avec la Société d'énergie de la Baie James, un constructeur, un développeur extrêmement important du Québec. Après les recherches préliminaires, des études comparatives, des avant-projets de l'ingénierie, on en arrive éventuellement à construire. Voilà un autre portefeuille d'Hydro-Québec. Hydro-Québec est aussi chercheur scientifique. C'est son institut de recherche qui s'occupe de ce portefeuille. (13 heures)

Je vais m'arrêter ici. J'ai situé les grands morceaux. Vous comprendrez que la gestion de ces portefeuilles se fait de façon bien différente. Les gens de la construction ne sont pas nos chercheurs. Nos chercheurs ne sont pas nos gérants d'abonnés. Et toutes les pratiques administratives, tous les documents, la paperasse, les rapports sont d'ordre différent.

Je reviens à mon premier point, à savoir procéder par étapes. N'y aurait-il pas lieu d'aller d'abord à l'essentiel? Qu'est-ce que c'est l'essentiel, quant à l'avis aux documents d'Hydro-Québec? Il nous apparaît essentiel pour l'abonné d'avoir accès à son dossier, d'avoir le droit d'y faire apporter des modifications, d'être assuré que l'information qu'il contient demeure confidentielle, d'avoir le droit de connaître les tarifs qui lui sont applicables, d'avoir le droit de connaître les conditions de fourniture qui lui sont applicables et d'avoir aussi le droit d'obtenir de l'entreprise toutes les explications nécessaires pour la bonne compréhension du service qu'il reçoit et de l'argent qu'il verse.

Ce portefeuille abonné - vous le comprendrez très bien, je pense bien, M. le Président - est déjà de beaucoup plus important que le portefeuille recherche comme tel. Nous pensons que, dans une loi à caractère permanent, ce premier dossier, ce premier portefeuille, comme je l'ai appelé tantôt, devrait être privilégié et, dans un avenir raisonnable, nous pourrions atteindre l'objectif que j'ai mentionné tantôt. Dans une seconde étape, nous pourrions penser à d'autres types de documents qui peuvent s'avérer d'une certaine utilité, non plus pour l'individu qui paie un service, mais pour l'individu pris comme membre de la collectivité ayant un intérêt général dans les affaires d'Hydro-Québec.

Je ne peux pas terminer sans rappeler l'article 16, quand on impose à un organisme public de classer ses documents selon un système qui en facilite le repérage et de maintenir à jour un catalogue, etc. On voit bien, par la sommaire description que je viens de faire, que si on tente dans un délai de deux ans de régler tous les problèmes, de tout inventorier, de tout répertorier, de tout classer, de tout conserver, de tout archiver et de rendre tout disponible, sans oublier les interrelations nécessaires entre les différentes grandes unités et entre les différents grands portefeuilles, on va carrément manquer son coup.

M. le Président, nous n'avons pas de limite. Nous voulons un échéancier; nous avons des décisions a prendre, nous avons de l'argent à investir et nous voulons que cela soit fait de façon rationnelle de façon à atteindre le mieux possible les objectifs de la loi.

Quant aux tiers, nos amis de la chambre de commerce ont parlé de soumissions, ce matin. Je pense qu'il faut poser le problème de sa vraie façon. Tout d'abord, les documents d'appels d'offres sont déjà publics. N'importe qui peut s'en procurer des copies, obtenir toutes les clauses, toutes les conditions du marché, obtenir les plans, les devis, les cahiers de charges, etc. Cela est public. Les soumissions publiques d'Hydro-Québec sont ouvertes en public. Nous avons convenu d'une formule qui permet à des représentants de deux journaux - je crois que ce sont le Daily Commercial News et la revue Constructo - d'être présents à toutes nos ouvertures. Ils connaissent donc, dès l'ouverture, les soumissionnaires, ils connaissent les prix des soumissions et ils publient ces informations dans leur milieu.

Ce qu'il reste à connaître, finalement, en matière de soumissions - parce que c'est vraiment un point très chaud - c'est le

détail de la soumission, les prix que le soumissionnaire formule, sa structure de prix, le détail des fiches techniques des produits qu'il nous vend. Alors, ça m'apparaît bien clair que, d'une façon qénérale, nous pourrions, de façon tout à fait régulière, établir, dans chaque cas, que cette information, qui se situe à un endroit très précis dans la soumission, est une information qui pourrait donner à un tiers un avantage indu et, par voie de conséquence, ne serait pas divulgable.

Je vous avouerai qu'en pratique c'est un point extrêmement sensible. Prenons des manufacturiers d'équipement électrique; ils doivent nous fournir des devis de performance de leur équipement, ils doivent nous fournir les résultats de tests, ils doivent nous fournir les méthodes suivant lesquelles on a testé. Vous imaginez bien que ces gens vont être des plus réticents à dévoiler ces travaux qu'ils ont faits et qui leur permettent, à un moment ou l'autre, d'être les plus bas soumissionnaires parce qu'ils ont raffiné leur technologie. Et en surabondance à ce que je dis quant aux tiers, nous, à Hydro-Québec, et cela depuis 20 ans que nous procédons par soumissions publiques - en fait c'est ça, depuis 20 ans, depuis 1962 -nous ne considérons tellement pas que ce sont nos documents que, subséquemment à l'ouverture des soumissions, nous retournons en pratique à tous les soumissionnaires, sauf aux trois plus bas, les documents qu'ils nous ont remis. Nous n'avons jamais voulu garder ces documents chez nous pour une question de confidentialité et pour une question d'encombrement. Ce sont des documents que nous ne gardons que lorsque le contrat est finalement adjugé.

C'est d'ailleurs l'esprit dans lequel nous avons rédigé notre recommandation; quant à Hydro-Québec, la loi devrait viser les documents qui sont la propriété et en la possession d'Hydro-Québec. Finalement, l'objectif qu'on veut vraiment atteindre c'est qu'Hydro-Québec puisse rendre publics ses documents. Je ne crois pas qu'on ait voulu, par un artifice indirect, donner accès à des documents qui autrement n'auraient pas pu être rendus publics.

Je vais demander maintenant à M. René Boily, qui est à ma gauche, de traiter du troisième point soulevé quant au fichier sur les abonnés.

M. Boily (René): En fait, dans le cadre de la réalisation de notre mission commerciale auprès des clients d'Hydro-Québec, on s'est donné des outils de gestion. Un des principaux outils de gestion c'est celui du fichier de nos abonnés. Dans la situation actuelle, ce fichier est celui qui est peut-être le plus près de ce que souhaite le rapport Paré, c'est-à-dire que ce fichier est déjà informatisé en grande partie. Tous les renseignements nominatifs ou personnels que nous possédons sur nos abonnés sont contenus dans ce fichier. Tous les clients d'Hydro-Québec peuvent, en se présentant à l'un ou l'autre de nos bureaux d'affaires, obtenir communication et interprétation de chacun des renseignements qui est contenu sur ce fichier. Il est certain que ce fichier n'a pas uniquement pour fonction de permettre l'information, mais il la permet.

En ce qui concerne la confidentialité et les données qui y sont contenues, nous avons des employés qui sont particulièrement affectés à utiliser ces fichiers. Ces fichiers étant informatisés, ils sont, en termes techniques, banalisés, codés, et seuls les employés qui sont attitrés à ces fichiers sont en mesure de décoder l'information qui y est contenue pour la traduire et l'interpréter à l'employé. Donc, vous avez là, de par la façon dont on conserve les informations, une protection qui est accordée quant à la confidentialité.

En ce qui concerne les tiers, comme nous en faisions état dans le mémoire, les informations ne sont jamais communiquées à des tiers à moins que l'abonné nous en fasse une demande écrite et nous autorise à le faire.

Les informations qui ont pu être communiquées sont, par exemple, des moyennes de consommation générale de groupes d'abonnés, mais ça ne touche jamais l'individu.

Maintenant, l'hypothèse d'un code de déontologie: dans les faits, il s'agit d'un projet concret. Nous allons, avec les employés et leurs représentants syndicaux, nous donner un code de déontologie qui va aborder l'aspect de la confidentialité, mais, aussi l'attitude, la façon dont notre représentant au service à la clientèle doit se comporter avec le client. Même si, à l'heure actuelle, ces représentants, de par la tradition ou leur éthique professionnelle, respectent les critères de confidentialité qui sont reconnus dans le rapport Paré, le code de déontologie va permettre d'élaborer et d'échanqer avec eux sur des nouvelles normes, sur des attitudes, sur des règles de fonctionnement qu'on veut se donner et nous sommes convaincus que cela va assurer la confidentialité de l'information à l'endroit de nos abonnés.

M. Bernier: Le quatrième point soulevé par M. le ministre des Communications se rapporte aux articles 25, 26, 27, 28 et 29. Nous avons fait dans notre mémoire, aux pages 13 et suivantes, des recommandations spécifiques. Quant à l'article 25, par exemple, on a tenté de proposer un texte qui nous apparaît correspondre de façon plus correcte, plus précise, à la recommandation 40 du rapport.

Quant aux renseignements privilégiés de

l'article 26, on recommande de reconnaître pour les organismes publics la possibilité de refuser de divulguer un secret industriel sans autre justification. Je voudrais ici juste mentionner en passant que nous pouvons refuser de communiquer un secret industriel qui appartient à Hydro-Québec et dont la valeur commerciale actuelle ou éventuelle est importante. Je pense que c'est un assez lourd fardeau en termes de secret industriel que de devoir faire preuve de valeur commerciale actuelle ou éventuelle importante. Évidemment l'importance, c'est un critère subjectif, relatif. Est-ce important financièrement par rapport au bilan d'Hydro-Québec ou par rapport au bilan de celui qui réclame le papier ou le secret? C'est une embûche. Je pense qu'un secret industriel, et là je pense spécifiquement à nos brevets, à nos patentes, qui nous viennent de l'Institut de recherche, je pense que cela est de la propriété d'Hydro-Québec et que ça ne doit pas être divulgué sans que nous devions faire preuve d'une valeur.

Nous recommandons également à l'article 26 d'ajouter les termes "économique" et "stratégique" en plus de ceux qui s'y trouvent, comme des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques et nous pensons qu'il y aurait intérêt à ajouter à l'article 26 les alinéas qu'on trouve à l'article 25. (13 h 15)

Si vous avez remarqué la rédaction des articles 25 et 26, on y traite de choses bien importantes, mais leur divulgation obéit à des critères différents. Nous n'avons pas vu l'intérêt d'avoir, pour ces types de renseignements tous importants, des critères de divulqation distincts. C'est un ensemble de données qui doivent obéir aux mêmes critères, si on veut faire des réserves.

M. Bertrand: Je tiens à vous dire que les articles ?5 et 26 peuvent fort probablement être travaillés; on pourrait peut-être même tout fondre cela en un seul article, à un moment donné, qui dirait tout ce qu'il y a à dire sur la base des mêmes considérations. Là-dessus, il n'y a pas de fermeture a priori, on regardera cela plus en détail.

M. Bernier: C'est cela.

M. Bertrand: Dans votre modification à l'article 25, vous voulez y introduire "projets de tarification".

M. Bernier: Oui.

M. Bertrand: C'est-à-dire que l'organisme peut refuser de communiquer un projet de tarification. À l'article 47, on dit: "Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à l'appui d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours, jusqu'à ce qu'une décision ait été prise sur cette recommandation. "

Vous allez venir en commission parlementaire - vous êtes des abonnés assidus aux commissions parlementaires - sur ces questions de tarification, je crois, vers la fin du mois de septembre. Comment Hvdro-Québec voit-elle la possibilité pour l'organisme, si elle peut, de rendre publics de tels renseignements relatifs à des projets de tarification? Est-ce que, d'une certaine façon, en commission parlementaire, déjà, à cause même des questions qui vous seront posées, vous ne serez pas un peu poussé à mettre sur la table des projets de tarification''

M. Bernier: C'est assez simple. Je rappelle ici le mécanisme d'adoption des règlements. En vertu de la Loi sur l'Hydro-Québec, les règlements de tarif doivent être approuvés par règlement d'Hydro-Québec qui sont sujets à l'approbation du gouvernement.

Dans un premier temps, Hvdro-Québec va approuver un tarif à partir d'une masse d'information, je présume, et, dans une seconde phase, nous allons demander au gouvernement l'approbation de ce règlement. Or, c'est à ce moment-là que se situe la commission parlementaire.

M. Bertrand: Mais l'ensemble des documents qui auront présidé à la préparation de la décision, que vous pouvez refuser de communiquer, mais que vous pouvez aussi communiquer, si tel est votre loisir, jusqu'où, dans le cadre de votre fonctionnement, tout en tenant compte des lois et des règles établies à ce sujet, HydroQuébec est-elle disposée à rendre ces documents accessibles?

M. Bernier: Si on se rappelle les commissions antérieures sur les tarifs, nous avons discuté de ces tarifs, nous avons fourni l'information demandée, nous avons produit des rapports appuyant les conclusions de nos règlements de tarif. Cela ne pose pas de problème. Cela se situe dans une autre problématique complètement différente. Ici, on parle de l'accès aux documents; on n'a pas parlé des commissions parlementaires. On a eu le même problème avec le plan des installations; quand nous sommes venus en commission parlementaire, en février, nous avons parlé de ce que nous pouvions entrevoir comme plan d'installations pour les dix prochaines années et nous avons établi nos prévisions de demandes et les diverses alternatives. Nous sommes arrivés avec ce qui nous paraissent être le plan d'installaions qui correspondait le mieux à nos prévisions et à nos besoins futurs.

M. Bourbeau (Joseph): Pour la prochaine commission parlementaire sur les hausses de tarif, nous allons envoyer au gouvernement -il sera déposé ici - notre projet de règlement de hausse de tarif. Il sera accompagné d'un mémoire assez volumineux qui va contenir les informations qui nous ont servi à préparer ces hausses de tarif. Non seulement le gouvernement, mais aussi l'Opposition recevra ces documents, ces informations avant la tenue de la commission parlementaire, de façon qu'on puisse avoir un échange fructueux.

M. Bertrand: Une dernière toute petite question sur le fichier. Est-ce qu'Hydro-Québec transmet à d'autres organismes, de quelque nature qu'ils soient, les informations qu'elles détient, que vous détenez sur les abonnés?

M. Roily: Nous pouvons transmettre à d'autres organismes les informations que l'on détient sur un abonné à la demande de l'abonné, à la demande écrite de l'abonné.

M. Bertrand: Et à la demande de qui?

M. Boily: À la demande de l'abonné lui-même et pour autant qu'il nous y autorise par écrit.

M. Bertrand: Un exemple de cela, d'un abonné qui vous demanderait de transmettre des informations à son sujet à d'autres organismes, ce serait quoi?

M. Bernier: On a le cas, par exemple, de certaines procédures judiciaires où l'abonné, pour établir des coûts, nous autorise à divulguer à d'autres personnes, en dehors du processus judiciaire, de l'information sur ce que cela lui coûte d'électricité. Cela arrive.

M. Bertrand: Cela s'arrête là?

M. Bernier: Oui, cela s'arrête là. On fournit, je pense - René aurait pu le mentionner - de l'information dite banalisée, c'est-à-dire des rapports de statistiques sur la consommation de façon générale, à partir du dossier de l'abonné, mais...

M. Bertrand: Ce ne sont pas des renseignements nominatifs.

M. Bernier: Jamais. D'ailleurs, nos employés à Hydro-Québec, M. le ministre, je peux vous en assurer, obéissent à une discipline assez rigoureuse à cet égard et sont fiers de ne pas divulguer à qui que ce soit de l'information concernant des abonnés spécifiquement.

M. Bertrand: Je suis content de vous l'entendre dire parce que c'est une question qu'on pourrait poser et qu'on posera probablement à d'autres organismes, à commencer d'ailleurs par certains ministères du gouvernement.

Le Président (M. Rochefort): Oui, allez- y.

M. Bernier: À moins qu'il n'y ait d'autres questions, je ne voudrais pas omettre de mentionner, quant aux articles 37, 38, 39 qui nous touchent de façon très spécifique, qu'il y aurait lieu, dans le sens de notre mémoire, de réfléchir aux divers rapports et aux modalités de divulgation des divers rapports qui sont mentionnés. On protège les décisions du conseil d'administration d'Hydro; évidemment, une fois rendues, elles sont publiques. Pour cela, on n'a pas de problème. Mais je pense qu'il faudrait essayer d'uniformiser la protection quant aux recommandations de l'interne par rapport à ce qui est de l'analyse interne ou externe et quant aux rapports de consultants. Peut-être qu'on aura l'occasion, M. le ministre, d'en reparler. Je pense qu'il faut comprendre le processus de gestion d'Hydro. Évidemment, lorsque le conseil d'administration ou même, par délégation, des vice-présidents et le président-directeur général décident de quelque chose, c'est généralement dans le cadre d'une masse d'information: l'analyse interne, l'analyse externe, rapport de consultants, recommandations de gestionnaires et tous ces gens. Je pense qu'on serait placé dans une situation un peu anarchique si, d'une part, l'analyse d'un consultant externe, qui fait partie d'une recommandation qui a donné lieu à une décision, pouvait être divulguée ou devait être divulguée alors que la critique de cette même opinion externe apparaissant dans une recommandation n'était pas nécessairement divulgable.

Je pense qu'il faudrait harmoniser tout cela parce que autrement, qu'est-ce que vous voulez, si le conseil prend une décision sur un rapport de consultant ou prend une décision qui diffère pour quelque raison d'un rapport de consultant, la protection accordée à la recommandation interne serait inutile parce qu'il faudrait tout sortir. Il faudrait essayer d'harmoniser cela et aussi essayer d'harmoniser une certaine terminologie qu'on retrouve. Les organismes publics, à ma connaissance, du moins chez nous à la SEBJ, à la SDBJ, à SOQUEM, à SOQUIP, à REXFOR, les entreprises de cette nature ne procèdent pas par mémoires de délibération. C'est un vocabulaire qui est sui generis du conseil exécutif. Nos conseils procèdent par voie de procès-verbaux qui, substantiellement, ont pour objet de rapporter les décisions.

On s'accommode assez mal de ce terme, mais c'est une question de détail

auquel on peut facilement pallier.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Westmount.

M. French: Je voudrais d'abord remercier les gens d'Hydro-Québec qui sont venus. Je sais qu'ils sont très occupés de ce temps-ci. Ils ont beaucoup de préoccupations de nature un peu différente au libre accès à l'information. On n'entrera pas dans les détails. Le ministre a frôlé le sujet déjà. Je pense que la seule question qu'il nous reste à poser, à part les problèmes administratifs, j'ai cru comprendre que pour Hydro-Québec, malgré sa diversité, malgré la gamme de ses responsabilités, le projet de loi est vivable. Ce n'est pas impossible de vous ajuster à ces exigences, en espérant toujours que les ajustements que vous avez recommandés soient pris en considération. Cela ne vous crée pas de problème impossible à résoudre.

M. Bourbeau (Joseph): M. Couture.

M. Couture (Marcel): Non seulement ça ne nous crée pas de problème impossible, mais Hydro-Québec s'est dotée, dès 1978, d'une politique d'interactions avec les publics qui va beaucoup plus loin, dans certains domaines, que la proposition de la loi actuelle. Je pense qu'Hydro-Québec a pris les devants sur ce plan: participation intense des gestionnaires à l'information, si bien qu'Hydro-Québec informe la communauté québécoise, planifie ses communications avec le public pour tous ses projets, et, sur le territoire, il n'y a pas de problème.

M. French: Malgré votre bonne volonté, par contre, il y aurait des problèmes administratifs qui exigeraient un certain délai pour la mise en application.

M. Bernier: Ce ne sont pas des problèmes administratifs; c'est une question de temps, c'est une question d'inventaire, de classement, de formation du personnel aussi.

M. French: Des problèmes pratiques plutôt que des problèmes de principe.

M. Bernier: C'est exact.

M. French: C'est cela que je voulais évoquer par administratifs. Quant à l'article 25, très brièvement, le troisième sous-article que vous suggérez comme restriction permettrait à un organisme public de ne pas dévoiler, si j'ai bien compris, un document qui "irait à l'encontre d'un engagement écrit ou verbal conclu avec un tiers en ce qui a trait à la confidentialité de ce renseignement. " Je ne sais pas s'il y a une restriction à l'étendue de ce sous-article qui découle de l'article comme tel, mais il me semble qu'il y a là une échappatoire énorme, en toute honnêteté, surtout si l'engagement peut être verbal. Dans mes anciennes fonctions, il y a à peu près six ou sept ans, j'avais de la correspondance de la part du gouvernement fédéral avec le Federal Bureau of Investigation aux États-Unis. De façon routinière, ils nous appelaient et nous suggéraient de leur demander de couvrir la correspondance par un tel engagement; sinon, c'était immédiatement disponible aux journalistes et à toutes sortes d'autres bêtes dangereuses.

Je me demande si ça ne deviendrait pas tout simplement une habitude pour tous les gens avec lesquels vous correspondez de demander un tel engagement de sorte que, finalement, par une telle technicité, on nuirait aux objectifs fondamentaux de l'exercice d'un régime d'accès à l'information.

M. Bernier: Vous faites référence à l'article 27, je crois; vous avez mentionné l'article 25.

M. French: En haut de la page 14.

M. Bertrand: À la page 13, vous dites qu'il y aurait lieu d'ajouter un autre alinéa à l'article 25 pour le cas où des tiers exigeraient absolument la confidentialité d'un renseignement. En pages 13 et 14.

M. Bernier: En fait, si j'ai fait allusion à cette question tantôt, c'est que...

M. French: Est-ce que c'est que, dans le fond, vous croyez que l'objectif de la loi est de révéler vos documents et tout simplement de ne pas toucher les documents qui seront déposés chez vous ou tous les renseignements qui touchent les tiers? Est-ce que c'est ça, dans le fond?

M. Bernier: Fondamentalement, notre position, à ce moment-ci, compte tenu de notre approche d'une loi qui se continuera dans le temps et qui se fera par étapes, c'est de dire: Dans un premier temps, à tout le moins, visons les documents d'Hydro-Québec; ne visons pas les documents qu'elle obtient des tiers à moins, évidemment, que ces documents de tiers ne soient ses propres documents. Par exemple, lorsque nous commandons une étude, une recherche et que nous payons pour, cela devient notre document et il doit être traité comme tel. Nous faisons allusion ici aux documents de tiers, à toutes ces communications que nous recevons, aux documents que nous recevons par le truchement des soumissions, aux documents d'information que nous recevons de tiers sur leur situs financier, sur leur capacité de produire, etc. Des documents, nous les demandons pour notre bonne gestion,

nous pensons qu'ils ne devraient pas être, par notre entremise, rendus publics. Si on veut vraiment qu'ils soient rendus publics, à ce moment-là, on pourra le demander aux tiers ou éventuellement, dans d'autres étapes à venir, le tiers lui-même, comme entreprise commerciale, pourrait être visé. (13 h 30)

Le Président (M. Rochefort): M. Bourbeau.

M. Bourbeau (Joseph): II s'agit surtout, à ce moment-ci, pour couvrir ce troisième paragraphe, d'ententes conclues souvent verbalement avec nos bailleurs de fonds. Lorsqu'on commence à discuter d'un emprunt, il y a des renseignements qui nous sont donnés par nos bailleurs de fonds et on voudrait avoir ce paragraphe no 3.

M. French: Je ne suis pas avocat, mais il me semble que ça toucherait beaucoup plus qu'un engagement oral avec un bailleur de fonds. Ca va, dans le fond, beaucoup plus loin que ça et ça touche beaucoup plus d'interactions possibles entre vous et vos collègues dans le même milieu financier.

M. Bourbeau (Joseph): Cela pourrait être écrit ou oral, parce que, dans le cas d'emprunts, on a des ententes orales, mais il pourrait y avoir, dans d'autres cas, des engagements écrits.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Pour faire suite à la discussion qu'Hydro-Québec a eue avec le député de Westmount, en fait, sur l'article 1, vous faites une distinction très nette entre l'appartenance des documents et la détention de documents. Vous avez un peu levé le voile sur ce que vous entendiez par ça, lorsque M. Bernier a dit, par exemple, qu'une soumission d'un entrepreneur, il considère que ça appartient à l'entrepreneur et non pas à Hydro-Québec. J'aimerais ça, si c'était possible, que vous précisiez un peu la portée de cette distinction dans d'autres cas qui vous viendraient à l'esprit. Une entreprise qui vous soumettrait des catalogues sur ses produits, catalogues que vous utilisez dans le cadre de vos activités d'achats et de transactions, est-ce que ça appartient à Hydro-Québec ou à l'entreprise qui vous les a soumis? Cela devient un peu difficile de voir quelle serait la portée du projet de loi qui est devant nous si on acceptait cette distinction, à savoir qu'il y a des documents qui tout en étant en possession d'Hydro-Québec ne lui appartiennent pas.

Remarquez que je ne doute pas des remarques préliminaires que vous avez faites dans votre rapport concernant la volonté d'Hydro-Québec de faire de l'information.

Étant moi-même employé d'Hydro-Québec depuis au-delà de 21 ans maintenant et ayant eu à m'absenter pendant une période de sept ans, entre l969 et 1976 pour des activités syndicales, à mon retour, j'ai pu constater l'effort considérable qu'Hydro-Québec faisait en vue d'informer convenablement le public.

J'ai même eu l'occasion de participer à des sessions d'information qui, comme le disait M. Couture, dépassent de beaucoup ce que la loi impose à Hydro-Québec sur des projets d'étude préliminaire. Ce n'était même pas rendu à l'étape d'avant-projet et, déjà, on informait les Amérindiens de la Côte-Nord de tout ce qu'Hydro-Québec pouvait avoir comme projet ou idée de projet sur la Côte-Nord. Cela a été poussé très loin, tout ça. Je pense bien que, de ce côté, il n'y a personne qui doute de la volonté d'Hydro-Québec, mais, quand on introduit des distinctions comme l'appartenance ou la détention de documents, j'y vois un risque que l'esprit et la volonté de la loi puissent être contournés.

M. Bemier: Évidemment, on essaie de prendre les cas qui sont les plus significatifs où on parle d'un catalogue d'un fournisseur; vous imaginez un catalogue de 1500 pages dont nous avons la possession; quelqu'un nous demande d'avoir le catalogue, je pense que notre réflexe va être de dire: Allez donc voir le fournisseur, il va le rendre disponible pour vous si vous êtes intéressé à l'acheter.

M. Rodrique:... exemples, mais ce sont surtout les distinctions que vous faites entre les notions d'appartenance et de propriété. Est-ce qu'il vous appartient, le catalogue ou s'il appartient au fournisseur? Disons que je comprends que c'est 1500 pages. Où est-ce qu'elle passe, cette ligne-là? C'est ça qui est difficile à saisir, c'est ça qui rend difficile de comprendre la portée des remarques et des suggestions que vous faites à cet égard, vis-à-vis des tiers en particulier. Cela a été soulevé par la chambre de commerce ce matin, vous le soulevez à votre tour, je pense que c'est un problème important, en relation avec les contrats, en relation avec les soumissions publiques en particulier. C'est évident, dans l'esprit de tout le monde, qu'il v a des renseignements qui sont de nature très confidentielle et qui pourraient faire en sorte que tout le système de la concurrence qu'on connaît dans notre système de libre entreprise serait mis en cause si on ne respectait pas une certaine confidentialité. C'est difficile de saisir où passe la ligne entre ces deux notions, ces deux concepts.

M. Bernier: II me semble qu'à première vue, le critère suivant serait valable: lorsque Hydro commande ou demande et paie pour un document, ce document devient le sien, ce document lui appartient. Ce n'est pas le

cas dans les soumissions, au contraire. C'est le soumissionnaire qui vient payer pour avoir le document. À ce moment, le document est à lui. Ce serait peut-être là la balise, quand c'est notre document ou quand cela demeure le document d'un tiers. Prenons par exemple un cas assez délicat: on va demander à un entrepreneur... Il est arrivé récemment des fusions très importantes de gros fabricants. On s'est drôlement questionné à savoir ce qu'était la fusion, qui était dans cela, quels sont les intérêts, comment c'est contrôlé, parce que cela neut mettre en cause notre politique d'achat préférentielle. Ce serait trop facile d'attribuer un contrat à une compagnie québécoise qui, demain matin, devient une compagnie américaine, française ou suédoise et qui empoche les fruits d'un contrat au détriment d'entreprises québécoises. Alors, on questionne les gens et les gens nous fournissent l'information. C'est à nous de juger, à ce moment. Je pense que l'information qui nous est fournie est tout à fait confidentielle, ce n'est pas de l'information à divulguer. D'ailleurs, si celui à qui on demande de l'information a des raisons de penser que l'information qu'il va nous donner va sortir, il ne nous la donnera pas. C'est aussi simple que cela.

M. Couture: Vous avez un avis d'un bureau d'ingénieurs-conseils sur les projets d'Hydro-Québec qui devient la propriété d'Hydro-Québec. Après décision, je ne vois pas de problème. Vous avez, par exemple, l'avis d'un contentieux, d'un bureau de spécialistes de l'extérieur sur le dossier des négociations de Churchill Falls; je ne pense pas que le bureau qui aurait travaillé sur le dossier va nous permettre de le rendre public.

M. Rodrigue: Vous avez cependant des articles dans la loi, à cet égard, qui vous permettent d'obtenir les renseignements et de ne pas les divulguer, 26 et 27. Dans ce sens, je pense bien que c'est couvert. À l'article 28, on nous demande d'exiger de celui qui se prévaut de l'article qu'il démontre l'existence d'un risque sérieux. La question qui vient immédiatement à l'esprit, c'est comment une personne qui veut démontrer qu'il y a un risque sérieux peut-elle le faire sans avoir accès à certains documents qui lui permettraient d'établir sa preuve? Cette recommandation m'a frappé, parce que, parfois, l'établissement de la preuve du risque pourrait exiger justement que cette personne ait accès au document.

Le Président (M. Rochefort): M.

Bernier.

M. Bernier: On en a discuté longuement. Il y a deux mots clés dans ce paragraphe, à la troisième ligne de la proposition de loi, les mots "connaître" ou "confirmer". Un renseignement qui permet de connaître. Donc, on ne connaît pas le danger. On fait une excursion de chasse, de pêche. On cherche, on essaie de connaître, évidemment, le projet de loi ne doit pas nous amener non plus dans un processus d'inquisition. Par ailleurs, le mot "confirmer" nous paraît exact. Il y a au départ des éléments raisonnables de penser qu'il peut exister un risque. La divulgation des documents viendra confirmer ou infirmer ce risque. On imagine très bien dans le corps de la procédure devant la commission que, dans l'hypothèse où le renseignement est refusépar Hydro, on fera au préalable la démonstration d'une vraisemblance de risque qui existe et que l'objet du document est pour faire confirmer ou faire infirmer l'existence de ce risque. Je pense que le citoyen va atteindre son objectif, sans pour autant exposer d'autre part l'entreprise à un processus d'inquisition pour rechercher s'il n'y aurait pas des risques quelque part. C'est ce qu'on vise substantiellement.

M. Rodrigue: M. le Président, concernant les dossiers des employés. Ceux-ci ont déjà accès à leur dossier, conformément aux dispositions des conventions collectives. Or, vous semblez dire dans votre mémoire qu'il serait difficile de colliger ces renseignements qui seraient dans des dossiers séparés. Compte tenu des renseignements qui étaient inscrits dans le projet de loi, j'ai consulté mon dossier à Hydro-Québec à quelques reprises au cours des quatre dernières années et ces renseignements, au niveau du service, apparaissaient au dossier. Je me demande quelle serait la difficulté; je ne vois pas la difficulté en ce qui concerne ces renseignements.

M. Boily: Dans une de nos conventions collectives, plus particulièrement celle qui régissait vos conditions de travail, celle des ingénieurs d'Hydro-Québec, nous avons une disposition qui prévoit que l'employé peut avoir accès à son dossier officiel et qu'il peut demander des rectifications. Nous avons fait un effort particulier pour mettre prioritairement de l'ordre dans ces dossiers d'ingénieurs, compte tenu du nouveau droit qui leur est advenu lors de la dernière négociation.

Cependant, nous avons un grand nombre d'employés à Hydro-Québec, y compris des employés temporaires de chantier. D'après, la situation actuelle des dossiers, on peut retrouver, dans au moins vingt unités administratives distinctes, des informations concernant M. Tremblay ou M. Lapierre. Ce que la loi présuppose, c'est la constitution de fichiers ordonnés, la constitution de fichiers qui permettraient à l'employé de connaître rapidement tout ce que l'entreprise possède

comme information personnelle sur ce dernier. Pour cela, il y a du travail que nous devrons faire d'uniformisation, d'ordonnancement, de même changer des mentalités, d'enlever dans certains dossiers des jugements de valeur qui n'ont pas nécessairement leur place et qui devraient être complètement retirés des dossiers, qui datent quelquefois de plusieurs années. Simplement pour vous donner une idée de l'envergure des travaux, pour faire actuellement certains travaux d'ordonnancement dans le dossier de nos retraités, en conformité avec les prescriptions de la Loi sur les régimes de rente, nous devrons investir près de 800 000 $ et 27 mois de travail pour informatiser ces dossiers. Il est certain que ce que nous recherchons, ce n'est pas uniquement de permettre l'information et de permettre l'accès aux dossiers, mais aussi d'en faire un instrument de gestion pour l'ensemble de l'entreprise. Cela veut dire qu'on doit y mettre des efforts pour que le dossier soit non seulement accessible, mais utile dans la gestion des ressources de l'entreprise.

M. Rodrigue: M. le Président, j'aurais une autre question, c'est la dernière cependant. À l'article 58, vous soulignez une contradiction apparente entre cet article et les articles 38 et 39 qui restreignent pendant dix ou vingt ans les avis ou recommandations concernant certains documents. Il me semble qu'il n'y a pas de contradiction effectivement, parce que l'article 58 définit le caractère public d'un renseignement, tandis que les articles 38 et 39 donnent des règles de divulgation. Il y en a un qui définit un terme et l'autre donne des règles de divulgation. J'aimerais que vous nous expliquiez, si je me trompe, quelle serait la contradiction, parce que je ne la vois pas.

M. Boily: Si on regarde plus précisément l'article 58, on y dit qu'il y a des informations qui sont de caractère public, dont la communication doit être faite, la publication doit être faite. Ces informations sont, entre autres, au paragraphe 3 de l'article 58, "les opinions ou les recommandations exprimées par une personne visée au paragraphe 1", soit un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou du personnel. On dit...

M. Rodrigue: Êtes-vous d'accord avec moi qu'il s'agit là d'une définition de ce qu'est un renseignement de caractère public?

M. Boily: Oui.

M. Rodrigue: L'autre article traite plutôt des conditions en vertu desquelles ce renseignement pourrait être divulgué.

M. Boily: Peut-être avons-nous mal interprété l'article 58. Nous y avons vu une disposition de la proposition de loi disant que les recommandations exprimées par une personne visée au paragraphe 1 avaient un caractère public et, ayant un caractère public, elles devaient être rendues publiques, sur demande et, à ce moment-là, cet article venait en contradiction avec les articles 38 et 39 plus particulièrement qui prévoient que les recommandations d'un employé ou d'un membre d'un conseil d'administration peuvent ne pas être divulguées, si l'entreprise le juge opportun, pendant un certain délai. (13 h 45)

M. Rodrigue: Je pense qu'il n'y aurait pas contradiction, il y aurait effectivement complémentarité entre les deux.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais poser une question assez hypothétique, mais vous êtes tellement bien préparés que vous pourrez peut-être nous donner une réponse. Avez-vous une idée combien cela pourrait coûter de se conformer à la loi sur l'accès à l'information? Admettons que la proposition de loi est adoptée et vous devez vous conformer à cette loi, il y aura, j'imagine, beaucoup de demandes d'information de la part des Québécois. Combien cela pourrait-il coûter à Hydro-Québec de fournir toute cette information? J'aimerais avoir une idée, un ordre de grandeur. Est-ce que cela va coûter 100 000 $ par année, 1 000 000 $, 3 000 000 $, 5 000 000 $? Et si vous n'avez pas pensé au coût, avez-vous des chiffres ou est-ce que des chiffres existent, des États-Unis, en France, en Suède, ou ailleurs au monde?

Le Président (M. Rochefort): M. Couture.

M. Couture: Au niveau de la vice-présidence Clientèle et Régions, il y a un budget global d'information de 2 200 000 $ pour l'ensemble du territoire québécois. Au niveau de l'information générale, institutionelle d'Hydro-Québec, il y a un budget annuel d'environ 1 850 000 $ pour la production des documents d'information. Il m'a été donné de rencontrer les membres de la commission Paré et, selon les expériences qu'on m'a relatées, il s'est avéré que cela n'a pas été si terrible que cela, l'application d'une loi sur l'information. Au départ, il y a eu, bien sûr, un moment où cela a été difficile, mais je ne crois pas qu'Hydro-Québec, avec les documents qu'elle publie, l'information générale qu'elle imprime, l'information à toute la clientèle sur le territoire, sauf les documents d'étude et de

recherche que nous publions pour nous conformer aux lois sur l'aménagement du territoire, l'environnement etc., doive rendre les documents plus publics qu'elle ne le fait. Nous les rendons publics par le fait que nous les déposons à l'Assemblée nationale. Je ne crois pas que cela nous amène des frais énormes. Il y aura des frais au niveau du secrétariat, parce qu'il y a une codification et des travaux à terminer; on me dit que 50%, 60% de cette codification est en marche. Il y aura des frais au niveau des ressources humaines et peut-être un peu au niveau de l'information, mais cela ne m'apparaît pas si coûteux que cela une fois le travail fini dans le laps de temps nécessaire pour tout mettre en place.

M. Marx: II n'y aura pas d'augmentation de tarifs pour cela.

M. Couture: Je ne permettrai pas cela.

M. Marx: Seulement pour la taxe Parizeau. Si je comprends bien, vous dépensez maintenant 4 000 000 $ pour fournir de l'information et, advenant l'adoption de la loi sur l'accès à l'information, cela coûtera peut-être quelque 200 000 $1 de plus.

M. Couture: Je tiens compte du fait que les organismes, les associations, les mouvements, ceux qui voudront avoir des documents devront payer pour la reproduction.

M. Marx: Mais ce sera obligatoire pour vous d'embaucher plus d'employés.

M. Couture: Nous n'avons pas évalué cette partie-là encore. Je ne crois pas que ce soit si volumineux que cela.

M. Marx: Donc, le coût ne sera pas important, cela ne coûtera pas trop cher à des organisations comme Hydro-Québec de fournir cette information parce qu'ils sont déjà...

M. Bourbeau (Joseph): M. Bernier a un élément de réponse très court.

M. Bernier: Nous avons déjà à Hydro-Québec un service de gestion de documents qui n'a pas de relation avec l'aspect de la communication, de l'information de l'entreprise; ce sont deux choses différentes. Le service de gestion de documents à Hydro-Québec s'occupe de classer, de conserver, d'archiver les textes, les documents administratifs de la maison. Il a un budget d'exploitation de 1 200 000 $. On a une équipe présentement. Évidemment, si on implante la loi rapidement dans toutes ses facettes et qu'on a des délais très courts, il y aura des coûts.

Si, par ailleurs, on peut intéqrer graduellement la loi à notre processus de gestion normal, qu'on orientera dans les finalités de la loi, à ce moment-là les coûts vont être réduits.

La réponse à votre question, on pourra vous la formuler lorsque nous serons devant un échéancier et des objectifs précis. Tout va dépendre de ces paramètres.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie.

M. Rodrigue: M. le Président, suite à la dernière remarque du député de D'Arcy McGee, il me semble que, quand on est pour la liberté d'information, on est prêt à en payer le prix.

M. Marx: On aime à être informé, c'est tout.

Le Président (M. Rochefort): Je tiens à remercier les représentants de la société Hydro-Québec de s'être présentés. Est-ce que M. le ministre aurait quelques mots à ajouter?

M. Bertrand: Oui. Je tiens à remercier aussi, au nom du gouvernement, Hydro-Québec et la SEBJ, surtout de ce commentaire fort important pour l'avancement de nos travaux, à savoir que vous êtes d'accord avec les principes de la loi. J'avais pris note ce matin que la chambre de commerce disait qu'il serait peut-être préférable d'exclure les sociétés d'État de l'application d'une loi sur l'accès à l'information gouvernementale. Je pense que la façon dont vous avez démontré votre ouverture d'esprit est symptomatique de la volonté des organismes publics de permettre aux citoyens d'avoir accès au maximum d'information sur votre fonctionnement.

M. Bourbeau (Joseph): À mon tour, j'aimerais remercier les membres de la commission de nous avoir écoutés avec patience puisque nous avons dépassé déjà l'heure, je crois. Il est malheureux qu'à cause d'une difficulté de parcours à HydroQuébec, on ait dû retarder votre sieste.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 52)

(Reprise de la séance à 15 h 08)

Le Président (M. Rochefort): J'inviterais les représentants de STOP à se présenter. Si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît!

STOP

M. Walker (Bruce): Merci, M. le Président. Je m'appelle Bruce Walker. Je suis le directeur de la recherche de STOP.

Incorporé au Québec en septemhre 1970 à titre d'organisme écologique à but non lucratif formé de citoyens, STOP oeuvre pour la protection de l'environnement et la rationalisation de l'exploitation et de la consommation des ressources naturelles. STOP est bien placé pour exprimer les inquiétudes des citoyens désireux de combattre la pollution.

Depuis plusieurs années, STOP a essayé en vain d'obtenir de la Communauté urbaine de Montréal, la CUM, les données concernant certains pollueurs en particulier. Au cours de l'été 1980, la CUM a refusé d'accéder à notre demande de nous fournir les données concernant la qualité, la quantité ou la concentration des contaminants émis, dégagés, rejetés ou déposés dans les égouts publics. Je voudrais citer une partie de la réponse de M. Pierre Des Marais II, le président du comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal, lettre datée du 12 août 1980 qui est attachée en annexe à notre mémoire. Je cite: "Nous croyons qu'une meilleure collaboration et une plus grande efficacité pourront être obtenues de la majorité des industries si l'échange d'informations entre l'industrie et la communauté peut se faire sans la crainte d'une publicité négative. "

Les autorités de la CUM refusent donc de nous fournir les chiffres concernant certains pollueurs spécifiques ou encore nous devons nous contenter des chiffres qu'ils veulent bien nous donner: C'est une situation intolérable, selon nous. Les citoyens devraient avoir le droit de juger par eux-mêmes les changements affectant la qualité de leur environnement, la provenance de la contamination et le degré d'efficacité des mesures de contrôle.

Depuis le mois de décembre 1978, le ministère de l'Environnement du Québec nous garantit l'accès à l'information, selon l'article 118d de la Loi sur la qualité de l'environnement, et je le cite: "Toute personne a droit d'obtenir des services de protection de l'environnement copie de tout renseignement disponible concernant la quantité, la qualité ou la concentration des contaminants émis, dégagés, rejetés ou déposés par une source de contamination. "

Enfin, il existe maintenant un double standard au Québec; les 4 000 000 de Québécois qui demeurent en dehors de l'île de Montréal ont accès à ces données au ministère de l'Environnement; par contre, les 2 000 000 de résidents de la Communauté urbaine de Montréal n'ont pas accès à ces données dans les classeurs du service de l'assainissement des eaux de la Communauté urbaine de Montréal, c'est-à-dire qu'ils sont actuellement des citoyens de deuxième classe.

Nos recommandations sont, premièrement, que la Communauté urbaine de Montréal devrait être soumise aux mêmes règles; deuxièmement, que le coût des photocopies des documents en provenance des archives de la Communauté urbaine de Montréal devrait être réduit de 0, 50 $ la page à 0, 10 $ ou 0, 15 $ la page, et, troisièmement, que l'on voie à définir "personne" et "environnement".

Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: M. le Président, mes propos seront extrêmement brefs. Je veux remercier le groupe STOP d'avoir présenté ce très bref document qui, à lui seul, illustre un cas typique, qui sera, à mon avis, couvert par l'éventuelle loi sur l'accès à l'information gouvernementale.

Au niveau de vos recommandations, vous indiquez que vous apprécieriez que la CUM soit soumise aux mêmes règles. Dans la proposition de loi, il est fait mention de la Communauté urbaine de Montréal. Je croyais savoir qu'elle devait présenter un mémoire demain; le secrétariat des commissions parlementaires m'a laissé entendre qu'elle ne présenterait pas ce mémoire, probablement s'est-elle associée à l'Union des municipalités du Québec pour présenter le même mémoire. Enfin, ça, on l'apprendra plus précisément demain.

En ce qui concerne le coût des photocopies des documents, il est très évident que si nous devons établir des coûts pour les photocopies, pour la repographie de certains documents, cela sera fait par voie de réglementation. D'ailleurs, en ce sens, la proposition de loi nous invite à définir un règlement relativement aux coûts de reproduction et aux frais que devraient encourir les personnes qui voudraient se prévaloir de l'accès à l'information.

Dans ce contexte, ma seule remarque est de vous remercier d'être venus ici témoigner d'un cas vécu de problèmes d'accès à l'information gouvernementale et de vous dire que justement, l'un des objectifs de la proposition de loi, si nous la retenons, c'est de suppléer à ce genre de lacune et de carence au niveau de l'information d'un organisme public.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Westmount.

M. French: Je voudrais demander à M. Walker si l'étendue de la loi telle que proposée dans le rapport Paré lui semble suffisante pour atteindre les objectifs qu'il

vise dans ce mémoire. (15 h 15)

En d'autres mots, en citant le cas de la CUM, est-ce qu'on n'exige pas d'ajustement dans l'essentiel de la proposition de loi? Est-ce qu'on essaie vraiment de changer la teneur de la proposition telle qu'elle est actuellement?

M. Walker: On peut dire plus ou moins que oui, mais pour une réponse plus détaillée, malheureusement, nous ne pouvions pas préparer un long mémoire. Nous en avons préparé un bref et j'ai des remarques plus détaillées.

En réponse à votre question, M. French, les deux articles qui nous touchent le plus directement sont les articles 27 et 28. L'article 28 n'est pas aussi clair que l'article 118d de la Loi sur la qualité de l'environnement. Il faut prouver une atteinte significative à son droit à la qualité de l'environnement, mais à qui est-ce laissé de déterminer si ces documents risquent une atteinte significative? Est-ce laissé aux fonctionnaires de la CUM, à M. Des Marais, au ministre des Communications?

M. French: En premier lieu, c'est laissé, si j'ai bien compris, à l'organisme public qui prend une décision en tant qu'organisme public et non en tant qu'individu, fonctionnaire dans l'organisme. Dans l'hypothèse que c'est vous qui faites une demande, vous avez toujours le droit de porter cette question en appel à la commission. Le cas échéant, l'organisme est obligé de transmettre les documents en question au moins sous la protection d'une confidentialité initiale à la commission pour que le personnel et le ou les membres de la commission décident eux-mêmes si ce standard est applicable ou non.

Si j'ai bien compris, dans le moment, vous n'avez pas suscité une réponse négative au niveau de la commission, vous n'aurez pas de recours à la cour, à moins que ce ne soit sur une question de droit, pas sur une question de fait, c'est-à-dire pas sur les mérites de l'application d'une exception quelconque. Donc, votre problème est toujours le même: savoir quelle serait la portée de l'exception, qui est quand même assez générale, et quel en serait l'effet sur vos activités, sur les renseignements que vous visez, vous, dans vos activités. Dans le fond, vous n'êtes pas vraiment en mesure, vu le court terme, le temps limité que vous avez eu pour préparer votre mémoire, de répondre à cela.

M. Walker: C'est cela, je pourrais donner un autre exemple d'une compagnie, la compagnie Domtar. Je n'ai rien contre Domtar, c'est juste un exemple. Il y a des usines de Domtar sur l'île de Montréal et, évidemment, il y a d'autres usines ailleurs, au Québec. Si un individu ou une personne morale, comme STOP, veut savoir quel est le taux de pollution de l'usine de Domtar d'East Angus, on peut aller au centre Innovation, au ministère de l'Environnement, pour obtenir qratuitement ces données. Aucun problème, je l'ai déjà fait, pas pour Domtar, mais pour d'autres pollueurs.

Pour les usines de Domtar, par exemple, qui se trouvent sur l'île de Montréal, il existe des données sur les affluents, mais elles se trouvent dans les dossiers de la Communauté urbaine de Montréal et on n'a pas accès à ces données.

M. French: II est clair qu'il y a une espèce de discontinuité dans un article en particulier, visant la protection de l'environnement, entre la Communauté urbaine de Montréal et ailleurs au Québec.

M. Walkers C'est cela.

M. French: Si on pouvait arriver à régler cela, vous seriez assez satisfait du reste de la loi?

M. Walker: Absolument, nous appuyons fortement le rapport Paré.. Éévidemment, la question peut-être la plus chaude au point de vue politique est d'obliger toutes les communautés urbaines au Québec a respecter une telle loi-cadre. Évidemment, c'est une question politique. Je suis ici pour démontrer que c'est urgent que ces organismes rendent publiques ces données.

Le Président (M. Rochefort): Merci, une autre question?

M. le député de Gaspé.

M. Le May: Vous avez déjà une loi, la Loi sur la qualité de l'environnement, qui vous permet d'aller chercher des données. Est-ce que vous croyez, si un nouveau projet de loi sur l'information nous arrivait; est-ce que vous n'avez pas l'impression que cela va recouper cette loi qu'on a déjà sur la qualité de l'environnement et que cela va tout simplement vous donner un outil de plus? Vous attendez-vous à ce que les résultats soient plus positifs, en tout cas, que ceux que vous avez eus dans votre démarche?

M. Walker: L'article 118d ne s'applique qu'au ministère de l'Environnement du Québec. Cela ne s'applique pas à d'autres ministères, à d'autres organismes publics, évidemment, tels que la CUM. Ce serait un ajout important. Comme je l'ai dit tantôt, il existe maintenant un double standard au Québec et c'est normal d'avoir les mêmes règles du jeu pour tout le monde. Ce qui arrive maintenant, c'est qu'au ministère de l'Environnement on a accès à ces données.

En réponse aux personnes qui disent: Bon, l'accès à l'information va inonder les fonctionnaires de requêtes pour ces données, je suggère à M. Bertrand de discuter cela avec son collègue, M. Léger, le ministre de l'Environnement, afin de savoir si depuis l'entrée en vigueur de cet article, c'est-à-dire décembre 1978, le ministère de l'Environnement a été véritablement inondé par des demandes pour l'accès à ces données et je crois que la réponse est vraiment non.

M. Bertrand: D'ailleurs, je crois que c'est un peu la crainte générale que certains ont quand ils voient une loi sur l'accès à l'information gouvernementale. Ils s'imaginent que demain matin il y a 6 000 000 de Québécois et de Québécoises qui vont se présenter un peu partout pour demander des documents qui émanent de quelque organisme que ce soit. Ce qui a été vérifié, c'est que dans les autres pays - on a des chiffres qui varient d'un pays à l'autre - il n'y a pas eu une affluence considérable au point de déranger le fonctionnement normal des organismes publics. Je pense bien que, de ce côté, il n'y a pas lieu de craindre d'ouvrir très grandes les portes. Il n'y a pas d'affluence très très grande, en tout cas à l'expérience vérifiée dans certains autres pays. Je pense qu'on peut dire qu'on peut aller de l'avant.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? Je vous remercie. J'inviterais maintenant les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec.

Office des personnes handicapées du Québec

Mme Champigny-Robillard (Laurette): Je suis la présidente-directrice générale de l'Office des personnes handicapées du Québec. Se joindra à moi bientôt, je l'espère, Gaston Perreault, qui est vice-président de l'office. Mes collègues sont Jean-Marc Roussel, responsable d'une direction générale à l'Office des personnes handicapées, et Jan Zawilski, qui est l'agent de recherche spécialisé dans les dossiers concernés par notre mémoire.

Le Président (M. Rochefort): Je vous inviterais à présenter votre mémoire en vous rappelant que vous avez environ 15 à 20 minutes pour le faire.

Mme Champiqny-Robillard: Je tâcherai d'être aussi fidèle à vos instructions que l'ont été nos prédécesseurs.

C'est un peu particulier qu'un organisme gouvernemental constitué comme le nôtre se présente en commission parlementaire pour faire des recommandations qui pourront avoir une influence sur des décisions gouvernementales. Notre conseil d'administration nous donne déjà un mode de consultation horizontale a l'intérieur du gouvernement, dans le sens que notre conseil d'administration est composé de personnes handicapées, de parents d'enfants handicapés et aussi de sous-ministres de plusieurs ministères.

Par ailleurs, nous avons administrativement déjà donné certaines informations et fait certaines représentations à la commission Paré. Mais il nous est apparu, quand nous avons pris connaissance de ce rapport, qui est par ailleurs d'une excellente qualité et sur lequel nous n'avons aucune difficulté philosophique, qu'il y avait une absence et qu'on ne s'est pas beaucoup préoccupé de l'accès, dans le sens le plus strict du terme, à l'information gouvernementale pour une catégorie de citoyens du Québec qui ont été assez efficacement, jusqu'à maintenant, écartés de toutes les structures et qui n'ont pas eu l'occasion, même avec la création de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, d'exercer leurs droits comme les autres citoyens, les citoyens dits ordinaires.

On a pensé aussi que ce qui avait peut-être un peu manqué à la commission Paré, c'est d'avoir eu l'occasion ou le privilège de se mettre dans la peau de personnes handicapées. M. le ministre des Communications a eu, lui, cette occasion, nous avons passé une journée ensemble en fauteuil roulant, au printemps. C'est une sensibilisation qui est nécessaire. Comme c'est aussi cette année l'année internationale des personnes handicapées, on a pensé qu'il aurait été impensable qu'avec une commission de l'importance de celle-ci et avec les retombées de la communication, de diffuseurs qui en découlent, les citoyens que nous représentons ne soient pas présents dans les préoccupations de cette commission parlementaire.

Le premier paragraphe du rapport de la commission Paré m'a beaucoup impressionnée. On y dit: "La connaissance est une des sources de la liberté. De tout temps, l'information a été au coeur de la lutte pour le pouvoir: les hommes y ont reconnu l'arme privilégiée de la conquête de leur liberté, en même temps que l'instrument de la limitation de celle de leurs semblables. " C'est donc vraiment en regard des limitations à cet accès à l'information gouvernementale pour une certaine catégorie de citoyens que nous voulons attirer votre attention.

Nous avons, dans la courte vie et la courte expérience de l'Office des personnes handicapées, une expérience et une expertise de consultation qui, dans le moment, s'inscrivent dans un cadre très large d'un mandat gouvernemental en préparation à un sommet socio-économique. L'échéancier dont

a fait état le ministre des Communications tout à l'heure nous a amenés à vouloir réagir et à vouloir peut-être influencer, sinon la législation, du moins les intentions du léqislateur en novembre. Mais ces questions pourront aussi être amenées d'une façon très visible dans le cadre d'un sommet socio-économique du gouvernement du Québec sur la situation de vie des personnes handicapées et qui doit se tenir au début de décembre.

Nos réflexions fidèles comportent -c'est le miroir du rapport de la commission et du mandat de la commission - deux grands volets: l'accès à l'information gouvernementale et la confidentialité des dossiers personnels. Sous le premier volet, il y a cinq objets d'analyse qui s'attachent véritablement au véhicule de la communication beaucoup plus qu'à la philosophie ou aux moyens législatifs de cet accès. On touche donc les communications téléphoniques, l'information imprimée, l'audio-visuel, les contacts personnels avec les fonctionnaires et l'accessibilité aux édifices publics. Le rapport de la commission parle de l'accessibilité aux documents dans les lieux où ces documents sont conservés pour une certaine catégorie de personnes. Cela, c'est presque impossible de le faire. Dans chacun de ces volets, on a étudié les besoins des personnes handicapées et nous proposons des solutions qui n'ont pas nécessairement, comme je le disais tout à l'heure, une conséquence sur la législation, mais qui pourraient certainement, dans un des cas, être actualisées par des mesures administratives et des directives, et surtout, une volonté de l'État.

Pour ce qui est des communications téléphoniques, personne ne pourrait comprendre le fonctionnement d'une société comme la nôtre, sans compter sur les communications téléphoniques. Il y a cependant des citoyens pour qui le téléphone représente encore une machine pour les autres, à savoir les personnes sourdes ou celles qui ont des problèmes de la parole et qui doivent résoudre ce problème en utilisant des téléscripteurs pour communiquer. (15 h 30)

II faut aussi pouvoir songer à faciliter les communications téléphoniques entre les personnes qui présentent des limitations sur le plan mental et les services d'information du gouvernement. Pour ces personnes qui ont une déficience auditive ou verbale, le médium téléphonique de la voix ne convient aucunement. Il faut alors opter pour une solution technologique et faire appel aux appareils de transmission de données par médium imprimé, comme le téléscripteur. Pour d'autres personnes handicapées, il faut intervenir sur le plan des interlocuteurs, puisque le problème réside souvent dans la façon de converser des individus.

Nous sommes d'avis que le réseau téléphonique du gouvernement du Québec doit devenir accessible aux personnes qui doivent utiliser des téléscripteurs pour communiquer par téléphone. Nous sommes également conscients de la nécessité de sensibiliser le personnel concerné au contact téléphonique avec les personnes déficientes sur le plan mental ou qui ont de sérieux problèmes d'élocution.

Nous recommandons que

Communication-Québec et quelques ministères et organismes publics offrant des services aux personnes handicapées se procurent des téléscripteurs pour permettre à ces personnes de rejoindre les services d'information du gouvernement, ce qui aurait d'ailleurs un effet d'entraînement et permettrait que plus de personnes puissent être outillées, puisqu'il faut un poste émetteur et un poste récepteur.

Il y a aussi la question de l'accès à l'information imprimée. Lorsque la commission traite de la demande de documents, elle considère qu'un organisme public devrait communiquer un document informatisé en langage clair, sous la forme d'une transcription écrite. Par cette recommandation, la commission reconnaît l'inaccessibilité de données informatisées à toute personne non initiée. Sans vouloir caricaturer, il faut prendre conscience qu'un imprimé, dans sa forme la plus simple et comme moyen de communication, n'a pas besoin d'être informatisé pour rester inacessible à un nombre assez important de citoyens.

Il y a trois grandes catégories. Le mémoire vous donne des tableaux de personnes handicapées susceptibles d'éprouver des difficultés avec l'imprimé. Les personnes qui ont une déficience visuelle, celles qui ont des limitations physiques importantes et enfin, les personnes qui ont une déficience auditive de naissance ou divers troubles d'apprentissage.

Les personnes handicapées de la vue rencontrent des obstacles a la lecture du médium de l'imprimé selon leur niveau d'incapacité visuelle. Les aides visuelles peuvent compenser pour un manque de vision, dans le cas des personnes semi-voyantes, mais cet équipement n'est pas toujours accessible. Certaines limitations physiques, notamment celles enqendrées par des amputations, malformation des membres supérieurs ou encore la paralysie cérébrale, présentent des difficultés d'importance pour la lecture et l'écriture, le plus souvent, dans la manipulation des textes. Encore ici, les appareils peuvent pallier la situation, mais comme dans le cas des personnes handicapées de la vue, l'équipement reste souvent inaccessible pour des raisons financières, malgré certains programmes gouvernementaux qui ne sont pas encore universels.

Ce qu'il faut cependant retenir, c'est

que l'éventail des catégories de personnes handicapées face à l'imprimé, suite à des déficiences d'ordre physique, est plus important que celui compris sous la rubrique déficience visuelle. À ce chapitre, l'étude du CRTC, sous le titre La radiodiffusion et les handicapés, fournit des informations intéressantes concernant la dimension quantitative de cette population.

Lorsqu'on réfléchit aux problèmes vécus par les personnes déficientes sur le plan auditif dès la naissance ou ceux qui sont affectés de troubles d'apprentissage face à l'imprimé, on dépasse les problèmes d'accessibilité physique aux documents pour faire face à des difficultés d'ordre conceptuel. Pour une personne atteinte de surdité dès la naissance ou à un très jeune âge, par exemple, le problème réside dans la façon de conceptualiser une idée, une expression ou une situation donnée. Souvent, la personne concernée ne maîtrisera pas la signification même du vocabulaire utilisé. Pour les gens qui ont une déficience mentale, des troubles notoires d'apprentissage, la signification du vocabulaire est encore plus obscure. Il faut alors songer à des simplifications et à des vulgarisations de textes, afin de les rendre accessibles à cette catégorie de la population. Enfin, il y a les analphabètes, ceux pour qui le langage écrit est totalement inaccessible.

Est-il besoin de souligner une fois de plus que les projections du nombre de citoyens qui éprouvent des difficultés de compréhension face à l'imprimé nous apparaissent encore en deçà de la réalité? La conclusion aux besoins des personnes qui ont une déficience visuelle est relativement simple. Ces citoyens ont besoin d'appareillages adéquats pour lire ou écrire. Il faudrait de plus en plus songer à des médias substituts à l'imprimé, en livre parlé et en braille, afin d'élargir le champ de l'information et les connaissances à l'ensemble de la population.

La solution aux besoins des personnes ayant une déficience motrice les limitant dans leur accès à l'imprimé nous ramène aux mêmes conclusions que celles identifiées pour la déficience visuelle. La plupart de ces gens ont besoin d'appareillages adéquats ou de médias substituts, comme le livre parlé.

Pour les gens qui possèdent une connaissance primaire de la lecture et de l'écriture, il faut alors songer à des documents simplifiés et vulgarisés. Pour ceux qui ne savent ni lire ni écrire, il faut penser à des médias substituts, visuels ou auditifs.

La Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale soulève un point qui nous apparaît fort important dans la problématique qui nous intéresse, quand elle aborde le problème du jargon bureaucratique. Nous devons viser la simplification du contenu des documents publiés par le gouvernement. Tous les citoyens en bénéficieraient, pas seulement ceux avec des capacités mentales réduites. Nos prestigieux collègues de la chambre de commerce ont réclamé la vulgarisation, nous aussi on la recommande, peut-être pour d'autres raisons, je n'en suis pas certaine.

Aussi, il devient nécessaire de produire un certain nombre de documents stratégiques sous forme de médias substituts à l'imprimé. Dans cet esprit, nous recommandons à la commission d'inclure le texte suivant à l'article 10 de la proposition de loi: "Un document imprimé doit être transcrit sous forme de médium substitut, lu sur bande magnétique ou transcrit en braille, à la demande d'une personne handicapée incapable de lire l'imprimé. Dans le cas de documents relativement courts, le droit à l'information gouvernementale pourra se réaliser par la lecture du document concerné à la personne incapable de lire l'imprimé. "

Dans la même veine, nous recommandons à la commission de modifier l'article 79 pour assurer une meilleure accessibilité au dossier personnel d'une personne handicapée incapable de lire l'imprimé en lui ajoutant les mêmes précisions.

Évidemment, ces recommandations sous-tendent un principe essentiel à la loi: celui d'assurer le respect des droits des personnes incapables de lire l'imprimé. Si ce principe reçoit l'assentiment de la commission - nous ne voyons guère comment il en serait autrement - il faudrait modifier également les articles traitant des délais pour satisfaire les demandes de renseignements. Forts du principe que la société québécoise doit assumer collectivement les frais additionnels associés au handicap d'une personne - c'était déjà l'intention du gouvernement dans le livre blanc publié il y a déjà plusieurs années - nous croyons de plus qu'il ne devrait pas y avoir de coûts additionnels à un individu incapable de lire un imprimé pour l'obtention d'un document sous forme de substitut.

Nous pensons, dans un contexte de restrictions budgétaires - évidemment, les personnes handicapées ont toujours été très raisonnables - que la politique ne serait pas aussi onéreuse qu'on peut l'envisager à première vue. La plupart des producteurs actuels de médias substituts réalisent toujours une copie maîtresse des documents, ce qui permet de produire un seul exemplaire à chaque demande. Il ne s'agit donc pas de prévoir un pourcentage X des publications gouvernementales traduites d'office pour chaque production.

Au plan des priorités d'information, il est difficile pour le moment d'en établir la liste tellement le dossier est nouveau dans les préoccupations gouvernementales. On n'a qu'à penser au Guide du citoyen qui n'est

pas encore disponible sur cassette. Chose certaine, c'est qu'il faudrait débuter par tous les textes d'information qui concernent l'exercice des droits des citoyens dans notre société.

L'accès a l'audio-visuel. Les personnes handicapées affectées par l'inaccessibilité de l'audio-visuel sont souvent les mêmes qui apprécieraient la présence de téléscripteurs dans les bureaux du gouvernement, à savoir celles qui ont des limitations sévères de l'ouïe. Le gouvernement utilise fréquemment l'audio-visuel, principalement à la télévision, pour communiquer de l'information sur les services qui sont offerts par ses divers organismes publics et ministères. Il en est de même des divers ministères qui produisent des émissions sur des contenus de leur juridiction. Évidemment, ceux qui n'entendent pas la partie sonore de ces documents télévisés sont laissés pour compte quant à la qualité de l'information.

Il y a dans toute évolution sociale un effet d'entraînement. S'il est jugé souhaitable, un jour, que la télévision devienne un médium accessible à toutes les catégories de citoyens, le gouvernement doit montrer l'exemple en rendant ses communications télévisuelles accessibles aux personnes sourdes et, notamment, par procédé de sous-titraqe visible par tous les téléspectateurs, au nom même de cet effet d'entraînement. En ce qui concerne les émissions plus longues et spécialisées, notamment celles produites par divers ministères, il y aurait lieu de mener une expérimentation selon trois scénarios: le sous-titrage du texte intégral, visible à tous, le sous-titrage invisible avec un adaptateur spécial et, enfin, le sous-titrage du texte abrégé, visible à tous.

En ce qui concerne la radio, on peut envisager une autre solution, surtout pour les messages publicitaires du gouvernement dont on a dit qu'ils étaient toujours en nombre croissant. Le procédé consiste à télédiffuser le texte écrit de ces messages par l'intermédiaire d'un diffuseur, notamment un câblodiffuseur. Dans cette éventualité, il faudrait, bien sûr, faire connaître les horaires des télétextes aux personnes concernées.

Un autre aspect important et fondamental, ce sont les contacts personnels avec les fonctionnaires. Sur ce sujet, deux constats s'imposent: les personnes qui ont une déficience sévère de l'ouïe ou de la parole ne peuvent communiquer adéquatement avec les fonctionnaires. D'autre part, il y a un manque flagrant de sensibilisation du personnel gouvernemental à la situation particulière de chaque catégorie de personnes handicapées.

En effet, il n'y a apparemment pas de personnel de première ligne qui soit entraîné à converser en langage gestuel, sauf au ministère de la Justice qui fournit des interprètes aux personnes sourdes qui se retrouvent devant le tribunal. Dans certaines officines gouvernementales, on ne orendra même pas la peine d'assister une personne aveugle ou demi-voyante à remplir un formulaire. Beaucoup de fonctionnaires - sur ce point, ils ne font pas exception à la majorité de la population - sont décontenancés devant une personne handicapée physiquement et surtout mentalement, ne sachant trop comment réagir.

Le dossier concernant les contacts des personnes handicapées avec les fonctionnaires relève essentiellement de la nécessité de mettre en place des programmes de formation et de sensibilisation des fonctionnaires. Dans cet esprit, nous recommandons à la commission: - que des sessions de formation sur la situation particulière de chaque catégqorie de personnes handicapées soient offertes à tous les employés de la fonction publique; qu'on attache une importance particulière à la formation des employés de première ligne (réceptionnistes, agents de bureau, secrétaires) dans l'élaboration d'une telle politique; que l'on sélectionne quelques employés de première ligqne dans les ministères ou organismes clés pour apprendre le langage gestuel de base, afin de répondre aux demandes de personnes sourdes qui communiquent par ce médium.

Cinquièmement, l'accessibilité aux lieux physiques. Apparemment hors contexte, les difficultés rencontrées par les personnes handicapées pour se rendre sur les lieux physiques des services publics font partie intégrante du dossier actuel, notamment lorsqu'on stipule le droit du citoyen de consulter les documents. L'article 10, par exemple, traite du mode de consultation des documents soit sur place ou en obtenant une copie.

Comme on peut l'imaginer, le fait de consulter un document pendant les heures habituelles de travail présuppose d'abord la possibilité d'entrer dans les bureaux gouvernementaux. Or, la plupart des édifices publics construits avant 1976 - date d'entrée en vigueur des normes d'accessibilité physique - sont complètement ou partiellement inaccessibles aux chaises roulantes pour ne prendre que le cas d'une accessibilité le plus classique, le plus évident. Le second paragraphe de l'article 16 est tout aussi explicite: "Toute personne qui en fait la demande peut consulter ce catalogue - classification ou répertoire des documents - sur place pendant les heures habituelles de bureau. "

Nous recommandons donc de reformuler les articles de loi projetés et d'y enlever toutes les allusions précisant un mode de

consultation sur place. Dans cet esprit et plus globalement nous croyons qu'un exercice des droits des personnes handicapées devrait être garanti en inscrivant dorénavant à même toutes les lois qui seront sanctionnées par l'Assemblée nationale les modifications nécessaires pour faciliter tous les principaux aspects impliqués dans l'exercice d'un droit par une personne handicapée.

Cela dit, nous avons travaillé étroitement avec le ministère des Travaux publics, qui a un plan de développement d'une accessibilité des principaux édifices publics, mais c'est une considération, cette accessibilité physique, qu'il faut toujours constamment reporter à la mémoire de ceux qui prennent les décisions.

Telles sont, à ce stade-ci de notre analyse, les principales réflexions et recommandations concernant l'accessiblité des personnes handicapées à l'information gouvernementale.

L'Office des personnes handicapées a, comme organisme gouvernemental, une responsabilité de la confidentialité des dossiers personnels des personnes qui sont en demande de services à l'office. La prise de position qui est contenue dans le mémoire serait tout aussi contraingnante pour nous, dans notre rôle de fonctionnaires, qu'elle pourrait l'être pour d'autres organismes gouvernementaux.

Lors d'une communication antérieure avec la commission, nous avons souligné que la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, par son article 20, consacre le principe de la confidentialité des dossiers constitués par l'Office des personnes handicapées. Nous sommes d'avis que chaque organisme public devrait assurer le droit à la confidentialité d'un dossier personnel et celui de faire corriger un renseignement erroné. Dans notre cas, les dossiers sont souvent constitués de documents privés et très personnels. Ces informations sont nécessaires à l'élaboration d'un plan de services répondant aux besoins réels d'intégration de la personne handicapée. Certains intervenants considèrent que l'article 70 de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées est légitimé par l'aspect délicat des renseignements contenus aux dossiers de notre clientèle. Nous sommes d'avis contraire et pensons qu'il serait illogique que seulement les cas délicats puissent bénéficier de ce droit à la confidentialité. Le citoyen doit avoir accès à son dossier, pouvoir le consulter et, s'il y a lieu, le corriger, peu importe la nature des renseignements.

Les renseignements recueillis. Une bonne partie des propositions de la commission concerne les exigences auxquelles les organismes publics devront se plier pour s'assurer que des renseignements personnels ne seront pas demandés inutilement, que le répondant sera bien informé de l'usage auquel les renseignements sont destinés, ainsi que des personnes qui auront accès à son dossier et de ses droits d'accès. Les organismes devront, par ailleurs, justifier les types de renseignements demandés et les fins pour lesquelles ils seront conservés. À l'office, nous avons déjà constaté que les renseignments demandés ne sont pas toujours indispensables pour arriver aux fins prévues. Nous avons même condensé le questionnaire servant à monter les dossiers personnels. Il serait sûrement souhaitable que chaque organisme fasse cet exercice de réflexion régulièrement au profit de la vie privée de nos citoyens. (15 h 45)

L'article 72 sur la destruction ou l'archivage des dossiers rend bien l'idée que les renseignements obtenus doivent être utiles uniquement aux fins prévues.

L'accès au dossier complet et la correction des erreurs. Dans l'ensemble, nous sommes d'accord sur la philosophie qui sous-tend les articles concernant la compilation, la consultation et la correction des dossiers. Nous insistons notamment sur la valeur de l'article 68 qui statue sur la nature des documents que les organismes doivent verser dans un fichier.

Dans cet esprit, nous pensons que les citoyens doivent avoir accès à tous les documents qui ont servi à une décision les concernant au nom même du plein exercice du droit d'accès à l'information. Si cette procédure est rigoureusement suivie, les décisions seront moins entachées des lois du hasard et de l'arbitraire, et les fonctionnaires concernés seront plus méticuleux dans leurs prises de décisions, contraints qu'ils seront de bien étoffer leurs dossiers.

Nous sommes également sensibles à l'article 85, qui donne le droit à une personne d'exiger qu'un organisme communique un renseignement corriqé à tout organisme à qui le renseignement aurait pu être transmis ou dont il a pu provenir depuis deux ans. Avec la création d'un registre de fichiers de renseignements personnels, les organismes qui auront pu recevoir ou émettre des renseignements fautifs seront plus facilement identifiables. Cette disposition devrait permettre au citoyen de contrer les multiplications d'erreurs qui, une fois inscrites au système, sont quasi impossibles à rectifier, du moins actuellement.

À cet égard, il serait peut-être approprié d'exiger de l'organisme responsable ou coupable qu'il effectue lui-même les corrections aux informations qui auront été transmises à d'autres instances gouvernementales. La procédure, si elle est conforme aux autres dispositions de la loi, assurerait peut-être plus systématiquement la rectification des renseignements erronés transmis d'un organisme à un autre car, dans

l'état actuel des choses et selon les présentes dispositions, cette rectification ne se réalisera pas si l'individu concerné ne prend pas l'initiative de la faire lui-même.

En conclusion, notre propos vise essentiellement à mieux servir les personnes handicapées dans la loi proposée. Nous aimerions que cette loi soit modifiée en fonction de ce que nous appelons la différence de certains Québécois et Québécoises de notre société. L'année internationale des personnes handicapées tire à sa fin. Elle aura été un moyen pour provoquer des actions qui permettront un jour aux personnes handicapées de se sentir des citoyens à part entière et de s'intégrer vraiment à la vie du Québec.

Nous sommes convaincus, dans le cadre de nos propres responsabilités, que l'information gouvernementale constitue l'une des principales voies d'accès aux nombreux services offerts par l'État et, conséquemment, et plus important encore, une voie d'accès à la participation sociale de tous les citoyens sans exception. C'est une question de justice et de démocratie. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: Merci beaucoup, Mme la présidente. Je crois que tous les parlementaires auront apprécié la contribution de l'Office des personnes handicapées du Québec, surtout dans le cadre de l'étude de cette loi d'accès à l'information gouvernementale.

En partant, je pense que tout le monde mesure les difficultés nombreuses devant lesquelles les personnes handicapées sont placées lorsqu'il s'agit d'avoir accès à l'information. Je pense que vous mesurez aussi, parce que vous l'avez, depuis un certain temps déjà, la responsabilité de mener ou de forcer des organismes à mener à terme un certain nombre d'actions pour faciliter l'intégration des personnes handicapées dans notre société; je crois que vous mesurez aussi l'ampleur qu'il faudrait faire valoir dans le cadre de cette loi pour que vraiment tous les documents auxquels les personnes handicapées qui souffriraient de déficiences auditives, orales ou visuelles, puissent avoir accès à l'information, vous savez toutes les difficultés nombreuses qu'il faudra surmonter. Vous l'évoquez vous-même en termes de formation, d'abord des ressources humaines qui oeuvrent au sein des différents organismes pour accueillir plus favorablement les personnes handicapées, mais aussi l'introduction d'un certain nombre d'instruments de travail. Vous parlez de téléscripteurs, par exemple, dans les bureaux de Communication-Québec. Vous parlez aussi de sous-titrage et de plusieurs autres solutions de ce genre. Vous souhaitez même que nous ajoutions à l'article 10 un élément qui ferait mention de la nécessité de trouver une façon de rendre davantage accessible l'information pour les personnes handicapées, soit sous forme de lecture sur bande magnétique, ou de transcription en braille.

J'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup d'intérêt, conscient qu il v a quelque chose à faire et que nous devons le faire. Je vous pose la question et c'est la seule que je vous poserai, parce que je suis tout à fait commis aux intentions manifestées dans votre mémoire et je pense que nous devons les épouser. La question tend à savoir si à chacun des articles où on pense qu'il se pose un problème pour les personnes handicapées, on doit introduire sur le plan législatif des amendements qui indiquent très clairement le procédé retenu ou qui indiquent que le gouvernement pour tel ou tel aspect de sa loi verrait à tenir compte des personnes handicapées.

J'avais à l'esprit - croyez-moi bien, ce n'est certainement pas pour que nous nous défilions devant nos responsabilités - le fait d'introduire un article général qui pourrait se situer peut-être à l'article 116 au niveau des fonctions et pouvoirs de la Commission de l'accès aux documents des organismes publics, c'est l'organisme qui est retenu ici par la commission pour prendre charge de l'application de la loi. À l'article 116, on dit: "La commission a également pour fonctions... " Et là, on en énumère un certain nombre: information du public, recommandations aux organismes publics pour favoriser l'exercice du droit d'accès... Il me semblerait qu'il serait opportun d'ajouter à cette liste des huit éléments dont il est fait mention, un élément spécifique qui serait de nature générale et qui confierait à la commission la responsabilité de pousser sur les organismes publics et de les amener, sur la base d'un certain travail de recherche qui aurait été effectué préalablement pour indiquer que tel moyen serait préférable à tel autre, qu'il y aurait telle technique qui pourrait être utilisée dans telle situation ou d'autres cas et que cet élément général à l'intérieur d'un article serait peut-être susceptible de répondre, je ne dis pas à toutes les demandes que vous formulez, mais à l'ensemble ou à une grande partie des demandes que vous formulez dans votre mémoire...

Je vous le suggère, je vous le pose comme question, de préférence à des modifications article par article qui, à la longue, deviendraient peut-être un peu fastidieuses et qui auraient, pour effet de faire encore davantage prendre conscience aux personnes handicapées qu'il faut toujours qu'on leur mette un petit amendement pour les caractériser encore davantage. J'aimerais que ce soit quelque chose de plus général, de

plus global, et que cela fasse partie des fonctions et pouvoirs de l'éventuelle commission. J'aimerais vous entendre à ce sujet pour savoir si ce genre d'approche répondrait un peu aux demandes que vous nous formulez.

Mme Champiqny-Robillard: Je pense que notre mémoire s'est écarté volontairement, contrairement à d'autres qui ont été présentés aujourd'hui, d'un aspect législatif. D'abord, ce qu'on a voulu surtout faire valoir, c'est notre connaissance à ce jour de ce dossier qui, d'ailleurs, a été développé avec des fonctionnaires de votre ministère et des besoins exprimés par nos clientèles, par nos commettants. On n'a justement pas pris une approche juridique. Cela veut peut-être dire que je n'ai pas une réponse en blanc et noir à votre question. Ce qui nous intéresse surtout, c'est l'engagement du gouvernement. Il y aura, comme vous le savez, d'autres occasions pour le gouvernement de manifester cet engagement.

Par ailleurs, on aimerait Deut-être rester en consultation dans le cheminement que vous avez indiqué au début, à l'ouverture de la commission ce matin. Nous avons volontairement évité l'approche juridique, parce qu'on n'était pas prêt non plus à faire ce genre de recommandations précises.

M. Bertrand: En d'autres mots, ce que vous nous indiquez, c'est que vous ne fermez pas la porte à ce genre d'hypothèse, mais ce dont vous voulez vous assurer, c'est que le gouvernement prenne en très sérieuse considération la situation particulière devant laquelle les personnes handicapées sont placées, quitte à ce que nous trouvions le moyen juridique sur le plan législatif d'arriver à réaliser vos objectifs.

Mme Champigny-Robillard: Pour que je ne me fasse pas attacher les mains en public, votre article 116 dit quand même: "La commission a également pour fonctions... " C'est un peu après coup. On pourrait peut-être insérer notre préoccupation au début ou dans un mandat plus large ou plus noble.

M. Bertrand: Mais le problème, c!est que le mot "également", on pourrait le modifier, mais l'article 115 ne fait état que des demandes de révision; c'est un aspect très parcellaire des responsabilités qu'aura la commission. Je dois vous dire qu'à ce point de vue, à toutes fins utiles, l'article 116 devrait presque venir avant l'article 1. 15, tellement c'est là que se sont vraiment placées, à mon avis, les responsabilités les plus importantes de la commission. Les demandes de révision sont forcément très importantes aussi, mais je crois que l'article 116 - quant à moi, en tout cas - fait état de l'ensemble des responsabilités qui doivent normalement être dévolues à la commission.

Mme Champiqny-Robillard: Tout ça pour dire que les personnes handicapées ne devraient pas, dans une loi, avoir l'air d'un cas difficile, d'une espèce de: tout à coup, on y a pensé après.

M. Bertrand: Je serais même prêt, pour vous manifester à quel point je trouve la question fort importante... On a marqué, premièrement, d'informer le public sur l'accès aux documents. On pourrait très bien - trop fort ne casse pas - en faire l'un des éléments prioritaires de la réflexion et de l'action de la commission, quitte même, madame, à avoir un article spécial là-dessus. C'est tout simplement pour vous dire que, plutôt que de modifier les articles de loi cas par cas, j'apprécierai une approche globale, mais à condition bien sûr qu'on s'assure, au fil des mois et des années, qu'on avance dans ce sens.

Mme Champigny-Robillard: Je pense qu'intellectuellement on serait d'accord avec ça.

M. Bertrand: Merci, madame.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: II ne me reste qu'à remercier à mon tour, de la part de l'Opposition, l'Office des personnes handicapées d'être venu nous rappeler que nos présomptions confortables d'un peu ce qu'est un Québécois ou une Québécoise ne sont pas toujours valables. On apprécie énormément le rapport que vous avez fait, le rapport est très complet. J'allais moi-même suggérer une clause générale; pour les mêmes raisons qu'a invoquées le ministre, on serait tout à fait d'accord de notre côté aussi.

Il y a beaucoup de questions de nature pratique et, chaque fois, ces questions se posent dans un contexte de politique sociale qui est très important, mais peut-être n'est-ce pas le forum pour ces questions. Tout ça pour dire tout simplement que nous, de notre côté, appuyons totalement les objectifs visés dans votre mémoire et, encore une fois, on vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Gaspé.

M. Le May: Mme la présidente, d'abord je tiens à vous féliciter. Vous avez un rapport qui est très concret, vous apportez même des solutions quand vous nous parlez de téléscripteurs, ou encore de braille ou de bandes magnétiques, c'est très bien. Si vous vous êtes présentés devant nous aujourd'hui

c'est pour qu'on vous écoute, parce que les handicapés au Québec ont besoin d'aide. Mais j'aimerais vous relancer la balle. Peut-être aurions-nous aussi besoin de vous, aurions-nous besoin de votre aide. Je pense, par exemple, aux modifications à apporter à certains articles d'un éventuel projet de loi. Je suis sûr que vous répondrez oui à cela; vous le prouvez d'ailleurs aujourd'hui par votre présence.

Sur un autre sujet, vous parlez d'une espèce de recyclage de la fonction publique qui pourrait apporter de l'aide chez vous. De votre côté - je sais que vous avez déjà des personnes spécialisées dans ces différents domaines, quand on parle du braille, quand on parle du langage gestuel - l'Office des personnes handicapées serait-il prêt à aider le gouvernement à peut-être suppléer au manque de fonctionnaires et sous quelle forme?

Mme Champigny-Robillard: Dans le contexte actuel des compressions budgétaires, tous les sous-ministres sont très prudents à répondre à des questions comme celles-là.

L'office demeure, de par son mandat et de par sa vocation, un consultant privilégié du gouvernement. Sur ces questions, nous avons travaillé - comme je l'ai dit tout à l'heure - de très près avec les fonctionnaires du ministère des Communications.

Pour ce qui est de la formation de personnel, etc., il est bien sûr que notre expertise est disponible, c'est notre mandat, c'est pour ça que nous travaillons. (16 heures)

Pour ce qui est d'affecter des personnes, j'aimerais mieux vous en reparler autour de la table du Conseil du trésor.

Le Président (M. Rochefort): Cela va?

M. Bertrand: Merci beaucoup, Mme la présidente. Soyez assurée que ce que vous nous avez transmis comme suggestions ne demeurera pas lettre morte.

Mme Champigny-Robillard: Ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd.

M. Bertrand: J'ai trop bien vécu l'expérience pendant une journée avec vous pour ne pas y donner suite.

Mme Champigny-Robillard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Je remercie les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec et j'inviterais maintenant les représentants de la Ligue des droits et libertés à prendre place à la table. Je vous inviterais à vous identifier, s'il vous plaît.

Ligue des droits et libertés

M. Tardif (Gilles): Je suis Gilles Tardif, président de la Ligue des droits et libertés. À ma droite, c'est Mme Christiane Sauvé et, à ma gauche, qui sera absent malheureusement à cause de circonstances techniques, il devait y avoir M. Pierre-Louis Guertin, de la CEQ. En effet, la Ligue des droits et libertés, comme elle l'a fait pour la commission Paré, ne se présente pas seule. La ligue présente un mémoire qui est appuyé par l'Institut canadien d'éducation des adultes qui regroupe des membres provenant des services publics d'éducation, des milieux populaires et syndicaux, de la Centrale de l'enseignement du Québec, qui, comme vous le savez, a plus de 85 000 membres travaillant dans le secteur de l'enseignement et du loisir, presque tous du secteur public, de la Confédération des syndicats nationaux dont plusieurs membres sont privés du droit à l'information sous prétexte que certains documents sont confidentiels. Un groupe qui était présent à la commission Paré sera absent aujourd'hui, mais viendra plus tard à cette commission, il s'agit du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec qui a un mémoire distinct et spécial à présenter à cette commission.

La ligue, quant à elle, est, si vous ne le savez pas, un organisme sans but lucratif voué à la défense, à la promotion et à l'élargissement des droits individuels et collectifs au Québec et au Canada. Elle est membre de la Fédération internationale des droits de l'homme, accréditée à l'ONU, et de la Fédération canadienne des droits et libertés.

Mme Christiane Sauvé fera mention d'éléments importants de notre mémoire. Elle a suivi depuis déjà quelques années des travaux de commissions d'enquête fédérales ou provinciales et a aidé, avec les groupes cosignataires, à la préparation des mémoires à la commission Paré et à celle-ci.

Mme Sauvé (Christiane): Je vais vous faire grâce de la lecture des principes qu'on avait mis de l'avant dans le rapport qu'on avait soumis à la commission Paré. De toute façon, au fur et à mesure, on va voir dans quelle mesure les principes qu'on avait mis de l'avant à ce moment-là ont été ou non retenus par la commission Paré.

On va commencer à la page 8. Nous avons noté qu'il n'y avait pas, contrairement à beaucoup de projets de loi, de définitions au début du projet de loi. Par exemple, dans le rapport, on explique ce qu'est un document, mais, quand on arrive au niveau du projet de loi, il n'y a pas de définition. Il n'y a pas de définition non plus du mot "personne". On a vu que cela peut poser certains problèmes, la distinction entre personne morale et personne physique. Je ne

sais pas s'il n'y aurait pas lieu qu'il y ait certaines définitions sans tomber dans le travers de trop de définitions. Il y a certains mots clés qui, d'après nous, devraient être définis, comme, par exemple, les mots "sécurité publique", etc.; ce n'est pas défini non plus.

On recommande, en deuxième lieu, que les services policiers fassent l'objet d'une disposition explicite de la loi d'accès. Ce n'est un secret pour personne: les corps policiers ont pris l'habitude de fonctionner dans le secret. Cette loi devrait marquer, selon nous, une coupure nette et sans équivoque avec ce passé.

Plusieurs personnes ayant étudié le projet de loi ont été surprises d'apprendre que le mot "ministère" incluait la Sûreté du Québec; que les mots "organismes institués en vertu de lois constitutives" couvraient les corps policiers municipaux. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas évident. Vis-à-vis de l'appareil gouvernemental, la police occupe un statut spécial; il doit y avoir une certaine distanciation. On trouve un peu déplacé le fait d'inclure la Sûreté du Québec dans l'appareil gouvernemental. Par cette exigence de mention explicite, nous voulons également éviter des contestations judiciaires aussi inutiles que coûteuses. Ce danger est loin d'être théorique quand on sonqe qu'un corps de police municipal, le SPCUM, pour ne pas le nommer, traîne le gouvernement du Québec devant les tribunaux et jusqu'à la Cour suprême du Canada en prétendant que les policiers, lorsqu'ils appliquent le Code criminel, ne relèvent que de la juridiction du fédéral ceci, bien sûr, afin de se soustraire aux questions fort embarrassantes de la commission Keable.

Nous pensons que la future commission d'accès doit être à l'abri de telles mesures dilatoires, c'est pour cela qu'on demande que les corps policiers fassent l'objet d'une disposition très explicite. On sait que c'est dans l'esprit du gouvernement et des rédacteurs du projet de loi d'inclure les corps policiers, mais on tient à ce qu'il y ait une disposition explicite.

Sans tomber dans le travers d'une trop longue nomenclature, la commission Paré a quand même pris soin de nommer des organismes publics qui dispensent des services, les organismes scolaires, les organismes de santé. On ne voit pas pourquoi les organismes qui dispensent les services policiers ne feraient pas l'objet d'une clause particulière eux aussi. Comme je l'ai dit, c'était de toute façon dans l'intention du gouvernement d'inclure les corps de police. On voudrait aussi que les Commissions de transport des Communautés urbaines de Montréal et de Québec soient incluses nommément.

On a beaucoup parlé ce matin du principe "sunset". Au départ, nous aussi trouvions cela très novateur et très intéressant. Cependant, il nous semble que ça peut être potentiellement dangereux, le fait de mettre fin obligatoirement à la loi après un certain temps, soit que le gouvernement change d'idée et trouve, à un moment donné, que la loi d'accès à l'information est trop compliquée et on décide de changer, ou un autre gouvernement serait élu et aurait une mentalité plus cachotière. Cela pourrait nous obliger à recommencer la bataille pour faire reconnaître cette chose qui est pourtant élémentaire dans toute démocratie. Cela a pris beaucoup d'années, cela fait au moins dix ans qu'on parle de la loi d'accès à l'information. Nous aimerions bien ne pas avoir à recommencer cette bataille.

Au lieu de mettre fin à l'application de la loi, le gouvernement devrait inclure une disposition obligeant l'Assemblée nationale à revoir la loi. On est tout à fait d'accord avec le principe qu'il faut revoir la loi, qu'obligatoirement la loi soit revue après une période de temps fixée à l'avance et qu'il y ait aussi un débat public au moment de la révision de la loi. Cela concerne le premier chapitre.

Pour ce qui est de la procédure d'accès, en général, on est très satisfait des recommandations de la commission Paré. La procédure est simple et assez rapide; malgré qu'elle soit de dix jours supérieure à celle des États-Unis, on est prêt à accepter que cela prenne vingt jours pour obtenir une réponse.

Pour la question du catalogue, on vous suggérerait d'aller faire un tour au ministère des Postes, dans les bureaux de poste pour essayer d'avoir accès à l'information gouvernementale fédérale, de consulter les bottins qui ne sont absolument pas pratiques et les formulaires pour ne pas faire la même chose. Allez faire un tour dans les bureaux de poste. Il y a déjà une loi fédérale qui donne accès à certaines parties de la documentation fédérale et aux renseignements personnels que l'Ftat fédéral détient sur les citoyens; sauf que ce n'est pas pratiques, les bottins, c'est inouï, c'est impossible de se retrouver là-dedans. D'ailleurs, il y a très peu de citoyens canadiens qui se servent de cette loi. Il s'agirait d'aller faire un tour par là et de ne pas faire la même chose que le gouvernement fédéral pour avoir des bottins qui soient vraiment accessibles.

L'autre point, c'est un point auquel nous tenons énormément: Nous demandons que les titres des documents qui sont exemptés apparaissent dans les répertoires. Pas des descriptions à ne plus finir, mais au moins le titre des documents. Cela, tout simplement parce que les droits de recours sont complètement illusoires; quand on ne sait même pas qu'un document existe, il est tout à fait impossible d'en contester la

classification. Souvent, ces documents ont été classifiés il y a cinq ou dix ans alors que le droit à l'information était un concept qui n'existait même pas. Pour éviter que ces classifications soient ad vitam eaternam, il faudrait que les répertoires mentionnent le titre des documents exemptés avec ce sur quoi s'appuie l'exemption, l'article de loi qui permet l'exemption.

L'obligation d'inclure le titre des documents exemptés de même que les articles autorisant cette restriction est fondamentale pour éviter que la règle du secret ayant prévalu aux classifications antérieures ne puisse être révisée par la commission à la suite d'une plainte d'un citoyen. Cette constatation est virtuellement impossible si les documents exemptés sont exclus du répertoire. Encore une fois, j'attire votre attention sur le fait qu'on ne demande pas des descriptions du contenu des documents, mais au moins les titres.

À l'article 20, il est prévu que les décrets du gouvernement doivent être publiés au plus tard 30 jours après leur adoption. Cet article devrait selon nous être assorti de l'obligation de rendre accessibles les procès-verbaux et les décrets qui consignent les décisions du cabinet 48 heures après la tenue de ces séances. Ceci est loin d'être une exemption exorbitante ou contraire au bon sens. En Suède, par exemple, le compte rendu des décisions du cabinet est accessible. Là, j'insiste sur le mot décision. Il ne s'agit pas des délibérations. Il s'agit vraiment des procès-verbaux, si le cabinet a décidé telle ou telle chose. Pour nous, cela devrait être accessible le plus rapidement possible aux journalistes, aux députés de l'Opposition et à la population tout entière de manière qu'on puisse porter un jugement éclairé sur les décisions que les élus prennent au moment où elles se prennent et non pas 30 jours après.

D'autre part, les possibilités de prolonger le délai de publication devraient disparaître, car la notion d'intérêt public qui est évoquée est beaucoup trop vague. Si le gouvernement fait retarder la publication de ces décrets, il doit le faire pour une raison précise et couverte par les restrictions. Il doit donc démontrer un préjudice démontrable et non pas simplement invoquer l'intérêt public pour retarder la publication des décrets du gouvernement.

Là on aborde évidemment la partie la moins intéressante de ce projet de loi: les restrictions au droit d'accès. Tout d'abord, une remarque d'ordre général avant d'aborder chacune des restrictions prévues. Dans un premier temps, nous étions très satisfaits de la recommandation de la commission Paré visant à ce que les exceptions soient en principe facultatives. Ce principe fondamental est cependant écarté dans un trop grand nombre d'articles du projet de loi.

En effet, une interdiction formelle de communication des documents est prévue aux articles 22, 27, 37, 34, 36, 37 et 45. Les articles 30, 33 et 34 permettent même de refuser la révélation de l'existence d'un document.

Autrement dit, pour les questions qui sont vraiment importantes, l'approche se révèle presque aussi restrictive que le projet de loi fédéral et c'est peu dire. C'est dommage.

Les renseignements ayant des incidences sur les relations intergouvernementales ou sur les négociations entre organismes. Les documents confidentiels sont protégés par une interdiction formelle de divulgation. L'article 22 stipule en effet que tout renseignement accepté à titre confidentiel d'un autre gouvernement demeurera secret. Les autorités politiques ont toute la discrétion voulue pour juqer de ce qui est confidentiel ou non. Il faut donc prévoir une augmentation considérable des documents, dossiers, renseignements estampillés d'avance "confidentiel". Il est même à prévoir que toutes les relations entre les gouvernements vont être d'office confidentielles et, finalement, risquent d'échapper à l'application de la loi.

Sans nier la complexité du problème, il faut bien constater que le libellé proposé ne brisera pas le cercle vicieux. Les gouvernements, par définition, sont cachotiers et s'en excusent toujours en invoquant l'argument de la crédibilité et/ou l'intérêt national, ce qui n'a jamais empêché quelque gouvernement que ce soit ayant intérêt à ce qu'une certaine information, même acceptée confidentiellement, sorte malgré tout lors de fuites calculées.

À noter qu'il n'y a aucune limite de temps pour cette catégorie de renseignements confidentiels. C'est ad vitam eaternam, donc un document qui aurait été estampillé confidentiel, il n'y a pas de limite de temps, cela va demeurer confidentiel ad vitam eaternam. Il faudrait à tout le moins contrebalancer ces discrétions en garantissant que, lorsque la santé, la sécurité ou les droits d'une personne ou d'une collectivité sont en cause, l'orqanisme public ait l'obligation de révéler les renseignements demandés. (16 h 15)

À l'article 23, on trouve que ça consacre le jeu de cache-cache auquel le débat sur le renouvellement de la constitution et les sempiternelles querelles fédérales-provinciales ont donné lieu. Le projet de loi propose en effet de protéqer les tactiques et les stratégies de relations intergouvemementales qui seront secrètes ad vitam eaternam puisque, encore une fois, il n'y a aucune limite dans le temps. Toutes ces tergiversations sur notre avenir collectif resteront inconnues, même pour les

historiens.

Sur les renseignements à incidence économique, l'article 26 qui restreint la communication de renseignements à caractère économique reprend presque textuellement le projet de loi fédéral. Ici aussi on introduit un nouveau critère pour exclure certaines informations, celui de la valeur. Toute information a nécessairement une valeur, surtout pour celui qui la demande. Ce critère est donc inadéquat et dangereux, car il risque de servir de justification systématique pour refuser tout renseignement à caractère économique. Au maintien, pour quelque prétexte que ce soit, du secret industriel, nous privilégions sans équivoque la transparence. Pour nous, le supposé préjudice causé à une entreprise par le dévoilement de ses états financiers n'a aucune commune mesure avec le préjudice causé au bien public par la non-divulgation de ces renseignements.

On pense, par exemple, aux travailleurs qui ont intérêt à connaître à l'avance les plans de développement de leur employeur, de leur compagnie. Le projet de loi actuel ne fait que consacrer le statu quo; les entreprises pourront continuer à n'être que des agents économiques, alors que tout le monde sait que les entreprises sont aussi des agents sociaux et qu'elles ont des responsabilités à ce niveau. Malheureusement, le fait qu'elles vont pouvoir continuer à garder secrètes toutes les informations sur leur développement futur, c'est extrêmement regrettable, selon nous. On aurait aimé, même si c'est difficile, même si ce sont des questions nouvelles - la démocratie économique, c'est une chose qui commence à être étudiée - que la commission aille beaucoup plus loin dans ce sens. On espère qu'on en discutera pendant les trois prochaines années et que, lorsqu'on reverra cette loi, il y aura plus de transparence économique. Dans plusieurs pays capitalistes hautement industrialisés, des lois existent déjà pour obliger les entreprises à révéler leurs états financiers. On aimerait qu'au gouvernement du Québec on aille dans ce sens également.

La définition du mot "tiers", on en a parlé ce matin, commande beaucoup de précisions. Le texte très large fait que n'importe quel pourvoyeur d'informations gouvernementales n'aura qu'à apposer le sceau "confidentiel" pour qu'elles soient automatiquement exclues du champ d'application de la loi. Par exemple, quand une compagnie va transmettre à la Communauté urbaine de Montréal des informations sur les quantités de contaminants qu'elle émet dans l'atmosphère, est-ce que la compagnie va pouvoir simplement dire à la communauté urbaine: Les renseignements qu'on vous donne sont confidentiels? La Communauté urbaine de

Montréal va dire: Nous avons reçu ces renseignements d'un tiers qui refuse qu'ils soient diffusés au public, tout simplement, pour que ces renseignements ne soient pas accessibles. Il y a des dangers dans l'expression "tiers" et il n'y a pas de garantie et pas beaucoup de limite. Je pense qu'il faudrait revoir ça.

La seule protection offerte à l'article 28 - et encore, ce n'est pas obligatoire -touche à l'existence d'un risque sérieux pour la santé ou la sécurité d'une personne ou une atteinte injustifiée à l'environnement. Cette protection devrait être obligatoire et élargie de manière à inclure les violations aux droits reconnus des personnes et des collectivités. Tout document qui contient des preuves d'infractions ou d'illégalités devrait être accessible de manière à préserver les recours des personnes ou associations qui en seraient les victimes. Il n'y a pas d'article, dans la loi, qui prévoit l'obligation d'avertir le Procureur général du Québec ou les personnes visées s'il y a eu des infractions ou des illégalités.

Renseignements ayant des incidences sur l'administration de la justice et la sécurité publique. Cette partie très importante, surtout pour le futur, traite des restrictions que la police pourra utiliser pour continuer de soustraire une grande partie de ses activités à l'examen public. Or, nous le savons, le secret a favorisé les pratiques illégales et illégitimes de la police.

Le texte de l'article 30 contient très peu d'ouverture. Un organisme public - tout le long, il s'agit essentiellement de la police - peut refuser de confirmer l'existence ou de communiquer un renseignement obtenu ou traité de façon conforme à la loi évidemment, les pratiques illégales sont clandestines par définition et donc très difficiles à déceler - par une personne chargée par la loi de prévenir, détecter, réprimer le crime ou les infractions aux lois. On sait que c'est sous le grand manteau de la prévention du crime que les corps policiers ont couvert leur surveillance indue des progressistes. C'est supposément pour surveiller, pour prévenir le crime lors de conflits ouvriers qu'on surveille les syndicats, etc., etc.

Il est donc interdit de communiquer un document qui entraverait le déroulement d'une poursuite judiciaire ou d'une enquête. Or, il y a un très grand nombre de personnes qui sont des sujets d'enquête permanente, tel que le démontre le rapport de la commission Keable: "Les principes tacites qui nous ont apparu, à l'analyse, guider la discrétion policière dans la constitution et l'enrichissement des dossiers sont au nombre de cinq. " Ce n'est pas nous qui le disons; c'est une commission d'enquête provinciale, la commission Keable.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il serait possible que vous accélériez la présentation, compte tenu que les membres ont reçu votre mémoire, ont eu le temps de le lire et que le délai de 20 minutes normalement accordé pour présenter le mémoire est échu en ce qui vous concerne?

Mme Sauvé: Toute la section qui concerne la sécurité publique devrait faire l'objet d'une révision de la part du ministère des Communications et de la présente commission parlementaire. Il y a énormément de trous là-dedans, il y a énormément de possibilités d'échappatoire pour les corps de police, d'échapper même à une commission d'enquête que le gouvernement mettrait sur pied pour essayer d'examiner comment fonctionne la police. Ils vont pouvoir - à partir de l'adoption de cette loi, si elle est adoptée telle quelle - s'appuyer sur des articles qui sont dans cette loi pour refuser de communiquer au gouvernement même des documents. C'est extrêmement dangereux. Il n'y a aucune définition, par exemple, de ce qu'est la sécurité publique, etc.

On pense que toute cette section devrait être revue et resserrée, de manière à éviter que la police continue à abrier ses pratiques illégales et illégitimes. Il faut ramener cette partie également à l'article 90 qui autorise le gouvernement à décréter un fichier confidentiel s'il est constitué principalement de renseignements nominatifs destinés à être utilisés par une personne chargée, en vertu de la loi, de prévenir ou réprimer le crime. On sait que la commission ne peut que donner un avis avant que le gouvernement adopte un décret de classement confidentiel.

Pour nous, ça veut dire clairement que tous les dossiers que la police a accumulés sur les citoyens québécois seront classés dans ces fichiers confidentiels. Les citoyens n'y auront pas accès pour y corriger les innombrables erreurs de perception qu'ont les policiers sur les opinions politiques des gens et leur danger pour la sécurité nationale. La possibilité pour le gouvernement de décréter ces renseignements confidentiels, nous sommes tout à fait en désaccord avec ça et on trouve que la commission n'a qu'un pouvoir de recommandation et c'est dommage,

L'embargo de vingt ans prévu sur les mémoires, tout le monde a dit que ce délai était trop long. On est tout à fait d'accord nous aussi pour que ce soit ramené à cinq ans, soit le délai d'un mandat, pour que la population puisse porter un jugement sur la performance de ses élus avant de les réélire. Je pense qu'un délai de cinq ans serait tout à fait de mise. Vingt ans, c'est beaucoup trop long. Encore une fois, on fait la distinction. Qu'on veuille assurer ic secret des délibérations avant la prise de décision est une chose, mais un embargo de vingt ans sur toute cette catégorie de documents vient empêcher, à toutes fins utiles, la population de porter un jugement éclairé sur la performance des élus.

Aussi, un document du cabinet d'un ministre ou d'un membre de l'Assemblée nationale n'est pas accessible à moins que le ministre ne le juge opportun. C'est souvent le ministre qui a pris la décision qui va être dans une espèce de conflit d'intérêts, puisque c'est lui qui va prendre la décision de rendre le document accessible ou non. À propos de n'importe quelle contestation d'une décision d'un ministre, c'est lui qui va avoir à prendre la décision, à savoir si le document devrait être public ou non. Il se retrouve fatalement dans la position d'être juge et partie. Bien sûr, il y a la bonne foi, mais souvent il y a des situations conflictuelles et, à ce moment-là, la bonne foi, on ne peut plus tellement y compter.

Pour tous les renseignements qui sont reliés à la prise de décision au sein d'organismes publics, le délai de 20 ans devrait être réduit à 5 ans.

À l'article 41, on permet à un organisme public de refuser la communication d'une opinion juridique, toujours payée à l'aide de taxes des citoyens. Souvent, des règlements adoptés par des municipalités sont illégaux; il y a une multitude de règlements qui sont ultra vires et, souvent, des personnes vont être arrêtées en vertu de ces règlements et elles ne peuvent même pas obtenir l'avis juridique, l'expertise légale qui a été faite à leurs frais. On pense que les opinions juridiques devraient être disponibles, même quand elles disent qu'un règlement est illégal ou ultra vires.

La question des 2 ans. On est d'accord avec le principe, mais, à l'expiration du délai de 2 ans, on aimerait une formule plus souple. S'il y a un litige qui survient, et qu'un document est refusé à un citoyen parce qu'une loi actuelle en interdit la divulgation, on pense que la commission pourrait prendre cette plainte et, si la clause restrictive n'est plus justifiée, au lieu d'attendre les deux ans, que l'Assemblée nationale puisse voter la disparition de cette clause restrictive.

On a remarqué aussi - ce n'est pas indiqué dans notre mémoire - qu'il n'y a aucun délai prévu pour l'enquête de la commission. Cela va prendre combien de temps à la commission pour répondre à une plainte d'un citoyen à qui un document aurait été refusé? Il n'y a aucun délai. On sait que parfois les questions de temps sont vitales. Il nous semble qu'un délai d'un mois serait approprié pour répondre à une plainte.

Il est essentiel que le fardeau de la preuve repose sur l'organisme qui refuse l'accès. Ce n'est pas clair dans le projet de loi. Cela devrait être obligatoire pour le

gouvernement ou un organisme public qui refuse l'accès d'invoquer un préjudice démontrable. Il y a beaucoup de parties, surtout les documents à incidence politique, où le gouvernement n'a pas à démontrer qu'il y a un préjudice. Il peut refuser la communication simplement en s'appuyant sur les articles du projet de loi, sans avoir à démontrer qu'il y a un préjudice.

On est satisfait de la procédure d'accès qui a été réduite à sa plus simple expression. Cependant, on est contre toute possibilité pour un organisme public de refuser de confirmer l'existence de renseignements. On est aussi contre le fait que les documents exemptés ne soient pas répertoriés; sinon les recours, ça ne veut plus rien dire.

La protection des renseignements personnels. On aurait aimé qu'on affirme que les personnes sont propriétaires des renseignements qu'elles transmettent au gouvernement, soit les renseignements à caractère privé qui portent sur elles et leurs enfants. On aurait aimé également que le projet de loi ne vise pas simplement les organismes du gouvernement, mais aussi tous les cueilleurs de données, que cette loi constitue une espèce de code d'éthique pour toutes les entreprises privées et publiques qui recueillent des données à caractère confidentiel. Actuellement, on n'a aucune garantie sur tous les renseignements que les compagnies d'assurance recueillent sur nous ou les agences d'investigation privées, etc. On sait que cela se multiplie à un rythme effrayant. On aurait aimé que la loi couvre l'ensemble de tous les organismes qui recueillent des données à caractère confidentiel. (16 h 30)

Pour le reste, on a remarqué que les mêmes restrictions au droit d'accès avaient été reproduites textuellement en ce qui concerne l'accès de la personne aux renseignements que l'État détient sur elle. Les commentaires que nous formulions s'appliquent a fortiori lorsqu'il s'agit d'interdire à une personne le droit d'accès à des informations qui la concernent et qui devraient lui appartenir. On trouve cela un peu dommage qu'on ait reproduit systématiquement les mêmes restrictions. Que ce soit les dossiers gouvernementaux et les dossiers personnels, on a appliqué exactement le même pattern, les mêmes restrictions. Dommage!

La commission n'a qu'un pouvoir de consultation sur certaines choses très sensibles, sur les projets de règlement ou d'ententes de transfert de renseignements et sur les décrets de classement de fichiers confidentiels. On pense qu'en cas de mésentente entre le gouvernement et la commission, celle-ci devrait pouvoir soumettre le litige devant les tribunaux de droit commun.

Pour terminer, on aimerait faire une remarque positive sur la façon dont le projet de loi a été écrit. J'ai travaillé à plusieurs projets de loi. C'est la première fois que j'ai du plaisir à travailler à un projet de loi qui est écrit simplement, qui est accessible, qui ne fait pas de référence. D'article en article, la commission Paré a vraiment fait un effort de vulgarisation sur ce projet de loi. On espère que tous les projets de loi vont nous être présentés sous cette facture très intéressante.

Une dernière chose que j'aimerais dire, c'est qu'on souhaite qu'il y ait une campagne d'information, lorsque le projet de loi va être enfin adopté, sur cette nouvelle loi, parce qu'il y a très peu de gens qui sont vraiment informés de ce que cela va donner aux citoyens ordinaires, cette loi. Elle devrait donc être accompagnée d'une campagne d'information et de sensibilisation qui indiquerait aux citoyens comment ils peuvent se servir de cette nouvelle loi.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: Je voudrais remercier les représentants de la ligue et, par l'intermédiaire de la Ligue des droits, les différents organismes qui se sont associés à vous pour préparer ce document. Je dois vous dire que j'ai l'impression que vous n'avez absolument rien laissé de côté. Vous avez touché à presque tout. L'impression générale - je vous le dis aussi simplement que je le pense - c'est qu'à la lecture d'un certain nombre de commentaires que vous faites - je ne sais pas si c'est volontairement que vous avez évoqué à la fin une remarque positive, cette fois - je note, pour une très grande partie des articles contenus dans la proposition de loi, que vous demandez carrément qu'on ouvre davantage. Entre autres, dans tout le chapitre des restrictions, que ce soit des restrictions à incidence économique, incidence politique, le processus de décision, la police, en particulier, sur laquelle vous avez un long exposé. On a un peu l'impression à un moment donné que vous partez du principe que la commission Paré se serait donné comme objectif, non seulement de préparer une loi sur l'accès à l'information gouvernementale, mais de définir pour l'ensemble de la société de nouvelles règles du jeu. Or, je crois qu'au départ les gens qui ont travaillé, les commissaires, ont tenu pour acquis qu'il v a des règles du jeu, dans cette société qui est la nôtre, qu'on peut vouloir changer. Je crois que là-dessus la Ligue des droits et libertés, la Commission des droits de la personne, différents groupes syndicaux, plusieurs organismes ont à coeur de voir cette société évoluer, modifier les règles du jeu, etc., situer différemment toute la

fonction police dans une société, mais toujours est-il qu'ils sont partis avec les règles du jeu existantes, avec le principe de la responsabilité ministérielle devant le Parlement, la solidarité ministérielle, en ne remettant pas en cause l'existence d'organismes comme, par exemple, le Conseil du trésor, et tenant aussi pour acquis que, dans le contexte, entre autres, sur le plan des relations internationales, des échanges d'informations et de documents qui se font entre les gouvernements, il y a des règles un peu tacites entendues sur le plan des échanges.

Ils sont donc partis du principe que la société est ce qu'elle est et que les organismes publics fonctionnent dans une société organisée selon des règles de jeu sur lesquelles, pour l'instant, il y a un certain consensus. Je pense que c'est à partir de là qu'il faut mesurer les restrictions au projet de loi, non pas à partir d'un modèle autre, mais à partir du modèle qui est celui dans lequel on vit et, considérant ce modèle, évaluer jusqu'où on peut aller pour rendre accessible l'information et à partir de quel moment on doit établir un certain nombre de restrictions.

Pendant que vous faisiez vos commentaires tantôt, je trouvais qu'effectivement, à la limite, vous sembliez tellement dire que la loi sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale finalement, à cause des restrictions et des conditions qu'elle pose, etc., est vidée de son essence. Je retournais à l'éditorial de Gilles Lesage, qui a paru le lendemain de la conférence de presse des commissaires qui ont rédigé le rapport Paré et qui titrait "Un rapport qui est une vraie bombe. " Là, il s'en allait là-dedans avec toute une série de considérations entre autres sur les restrictions, aussi sur l'ouverture faite, disant à un moment donné que la commission avait pris le parti pris de la générosité et invitant le gouvernement à agir dans les plus brefs délais. Il appelait même cela un bombe à retardement, mais il dit que ce serait le test de la transparence du gouvernement.

Dans ce contexte, je crois qu'il y a deux approches qu'on peut prendre. Il y a l'approche de ceux qui disent: Voici quelles sont les règles du jeu dans notre société. À partir de là, comment peut-on ouvrir au maximum tous ces organismes publics, au nombre d'à peu près 4000 à 5O00, pour rendre accessibles les documents en protégeant en même temps la confidentialité des renseignements que nous détenons sur les personnes et où sont ces quelques secteurs restrictifs où il nous apparaît que, dans le contexte socio-politique que nous connaissons, économique aussi, il nous faille quand même indiquer qu'il va de soi qu'il y a des documents qui doivent demeurer confidentiels, qui ne doivent pas être accessibles?

J'ai l'impression - je ne sais pas si vous l'admettrez - que vos recommandations et celles contenues dans la proposition de loi partent d'une analyse de la société qui n'est pas la même, avec chez vous une volonté probablement de vivre un cadre social différent, donc une politique d'accès à l'information gouvernementale forcément différente, alors que les commissaires sont partis en disant: Les règles du jeu sont ce qu'elles sont. À partir de là, jusqu'où peut-on aller pour permettre l'accès à l'information gouvernementale?

C'est le commentaire que j'aurai en vous posant deux questions. Évidemment, je serais très heureux que vous commentiez ce commentaire. Vous avez une position concernant la distinction que vous voulez qu'on fasse pour les services policiers, c'est-à-dire que, dans les premiers articles, on parle des organismes scolaires, du réseau scolaire, du réseau de santé, des établissements de santé et des services sociaux. On a aussi quelques articles relatifs aux municipalités, etc. Vous voudriez, je pense, qu'on introduise un article très spécifique à cet endroit. Est-ce que, dans votre esprit, mettre l'article spécifique, c'est pour ouvrir le plus largement possible l'accès aux documents ou est-ce pour nous permettre ensuite de travailler sur le chapitre de la restriction"? Si on fait mention des corps policiers, c'est parce que évidemment on a quelque chose à dire à leur sujet.

Vous admettrez au départ qu'il semble bien que ceux qui regardent cela disent: Connaissant la police, comme elle a toujours fonctionné, savoir que la commission va pouvoir d'abord être mise au courant des fichiers qu'elle détient, émettre des certificats pour qu'on continue de gérer de tels fichiers et s'assurer ensuite de pouvoir faire enquête sur la façon dont sont administrés ces fichiers, il y a quand même un début d'introduction dans ie fonctionnement régulier des services policiers qui est relativement plus important que tout ce qui existe à l'heure actuelle. Il y a déjà cela. Vous souhaitez aller beaucoup plus loin, alors j'aimerais, sur la police, que vous disiez dans quel esprit vous voulez qu'on introduise cet article un peu spécial.

Mme Sauvé: On veut simplement éviter, que, lorsque la police se trouvera dans l'eau chaude, elle intente des poursuites contre le gouvernement du Québec comme elle l'a fait quand elle a été placée devant la commission Keable. Quand on l'a interrogée sur ses informateurs, la police de Montréal est allée jusqu'à la Cour suprême, avec notre argent, pour contester la juridiction du gouvernement du Québec. Il faut le faire. Ce qui va arriver, c'est que dans un an, on aura une décision de la Cour suprême qui dira: Oui, le

gouvernement du Québec a juridiction, mais le gouvernement du Québec ne rouvrira probablement pas l'enquête Keable, et la police de Montréal aura gaqné même si elle aura perdu juridiquement, elle aura gaqné, parce que les dossiers seront fermés. Alors, ce que l'on veut éviter, c'est que, lorsque la police sera dans l'eau chaude, elle soutienne qu'elle n'est pas couverte par ce projet de loi, qu'elle n'est pas nommée, etc. Dans une loi d'accès à l'information, il faut favoriser l'information au maximum. Beaucoup de gens ont lu ce projet de loi et leur première réaction était: Comment cela se fait-il que les corps de police ne sont pas nommés? On nomme tout le monde, mais la police n'est pas nommée.

Comme c'est dans votre intention de couvrir les corps policiers, on trouve que ce serait facile d'ajouter un petit article pour éviter toute contestation possible.

M. Bertrand: Je pose la question, parce que je ne vous cacherai pas que je suis loin d'être fermé à cette hypothèse, qu'on puisse avoir un article spécifique qui fasse mention des corps policiers.

M. Marx: Ce qu'elle demande, c'est une précision. Qu'on ne change pas le projet mais qu'on précise, parce que le problème qu'elle a soulevé est réel. II y a au Québec des gens qui stoppent l'affaire pendant des années et à la fin, on va nulle part. S'il y a une façon de préciser la loi quant aux corps policiers, cela n'ira pas à l'encontre des principes.

M. Bertrand: D'autant plus qu'aux articles 4, 5 et 6 on fait mention d'organismes particuliers. Je me suis posé la même question, quand j'ai lu la proposition de loi. Vous demandez qu'à l'article 4, les Commissions de transport des Communautés urbaines de Montréal et de Québec soient incluses. À moins que je ne me trompe, selon mes informations - je connais la Communauté urbaine de Québec - la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec est sous la responsabilité de la Communauté urbaine de Québec, alors c'est implicite.

Mme Sauvé: La terminologie, "organismes institués par les lois constitutives de ces organismes publics" n'est pas évidente. Quelqu'un qui voudrait demander des renseignements à la Commission de transport, en lisant le projet de loi, il ne sait pas nécessairement que cela couvre tel type d'institution.

M. Bertrand: Oui, mais on le sait de toute façon et on peut vous le certifier. Dans le cas de la Communauté urbaine de Montréal et de la Communauté urbaine de

Québec, dans la loi constitutive de ces communautés urbaines, une de leurs responsabilités, c'est le transport en commun par la CTCUQ ici et la CTCUM à Montréal. Je suis d'avis qu'il est préférable de ne pas l'ajouter, parce qu'il y a un effet de redondance; et non seulement cela mais, s'il fallait pour chacun des organismes qui sont institués par les lois constitutives de ces organismes en faire la nomenclature, alors on en aurait un joli paquet qui manque à l'intérieur de la loi.

Mme Sauvé: C'est peut-être parce que je suis Montréalaise. Je vous garantis que ce n'est pas facile d'obtenir des informations de la part de la municipalité et des organismes que la municipalité contrôle. C'est pourquoi on est chatouilleux et on veut que tout soit écrit dans les projets de loi. (16 h 45)

M. Bertrand: C'était simplement pour apporter une petite précision là-dessus. C'est un renseignement que je vous demande, parce que vous semblez avoir tellement bien fouillé la proposition de loi. J'aimerais savoir comment vous avez réagi quand vous avez pris note des articles qui font référence aux catalogues et aux répertoires. Vous avez entre autres souligné cette idée du bottin qui existe au niveau fédéral sur les renseignements personnels.

Ce matin, j'ai pris connaissance de la déclaration qui a été communiquée par le député de Westmount. Entre autres, on nous invite à ne pas augmenter les ressources humaines, l'effectif, dans la mise en application de la loi et que cela ne coûte rien.

M. French: J'ai dit qu'il y a amplement d'espace dans le budget actuel, pour la publicité et autres, on peut trouver l'argent nécessaire. Ce n'est pas la même chose.

M. Bertrand: C'est cela. Pas de nouveaux crédits.

M. French: C'est cela.

M. Bertrand: Pas de nouveaux crédits pour mettre la loi en application.

Or, les catalogues - et je vous jure qu'on s'est réuni plusieurs fois là-dessus au ministère des Communications, parce qu'on veut réfléchir sur cette idée de catalogues et de répertoires, on nous fait des obligations dans la proposition de loi, entre autres, de publier un répertoire annuel mis à jour quelque part en juillet ou à l'automne, je ne le sais pas trop. Et il y a le catalogue.

Dans votre esprit, est-ce que vous avez réfléchi à cette idée de catalogues ou de répertoires et est-ce que vous avez mesuré ce que cela voulait dire demain matin,

quelque chose comme 4000 à 5000 organismes qui se mettent à faire des catalogues et des répertoires, sur le plan de la paperasse, de la bureaucratie, de l'effectif humain qu'il faut mettre au travail pour constituer de tels répertoires et catalogues? Non pas que je sois contre car, pour mettre en application la loi, il va falloir recourir à des instruments comme ceux-là, pas nécessairement ceux-là, mais des instruments qui s'apparentent à ceux-là. Est-ce que vous avez réfléchi sur cette question de catalogues et de répertoires?

Mme Sauvé: Non. Notre seule préoccupation, c'est que ce ne soit pas comme au gouvernement fédéral, parce que cela est impraticable, que ce soit le plus accessible et le plus facile possible. Je n'ai pas de recette miracle pour synthétiser en dix pages cela d'épais d'information. Je n'ai pas encore trouvé la recette.

M. Bertrand: Et ce ne sont que les renseignements personnels. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral administre une loi sur les renseignements personnels...

Mme Sauvé:... des données fédérales, mais c'est compliqué. Cela n'a pas vraiment de bon sens.

M. Bertrand:... connaissances aussi.

Mme Sauvé: D'ailleurs, il y a très peu de citoyens canadiens qui se sont prévalus de cette loi.

M. Bertrand: On m'a dit qu'il y avait eu 13 000 demandes de vérification au cours...

Mme Sauvé: C'est cela.

M. French: À peu près 12 000, des prisons. Des gens qui ont le temps.

Mme Sauvé: II y a à peu près juste les prisonniers qui savent que cela existe.

M. French: C'est cela. C'est exactement cela.

M. Tardif (Gilles): Là-dessus, peut-être que vous pourriez vous adresser au gouvernement fédéral qui fait des recherches en communications, qui fait des expériences au Québec, d'ailleurs, sur les projets des nouveaux concepts de communications. Il y a peut-être moyen, dans le temps, d'ici deux ou trois ans...

Mme Sauvé: Que ce soit informatisé...

M. Bertrand: Je ne voudrais pas faire d'annonce. Il n'y a pas de journalistes, je pense qu'on peut parler. Il y a une chose... Mais l'Opposition est là, il pourrait y avoir des fuites. Quoiqu'on peut les trouver de notre côté aussi.

Il y a une chose qui m'intéresse énormément. Effectivement, en ce moment, on voit à quel point les innovations technoloqiques se développent à un rythme extrêmement rapide. On peut réfléchir sur une période à moyen et à long terme, plutôt que de constituer des bibliothèques de documents, de voir à informatiser plusieurs des documents que nous possédons, parce que tantôt il sera possible, par des systèmes d'information à domicile, sur lesquels des groupes travaillent en ce moment, que quelqu'un, chez lui, par les systèmes télétex ou vidéotex, commande directement, par exemple, un fichier, une information relative à un dossier, ou ait accès directement à une banque, un centre d'information documentaire, qui lui transmettrait le renseignement qu'il veut obtenir sur le document de tel ministère ou tel organisme public.

Je crois qu'il faut, dans le but de rationaliser l'ensemble des ressources qui seront mises à contribution pour l'application de la loi et dans le but aussi de s'adapter à la technologie qui nous impose de plus en plus de laisser tomber les procédés traditionnels de gestion des documents, trouver les moyens qui feront en sorte que d'ici cinq ans, sept ans, huit ans, ou dix ans, nous soyons déjà prêts à fournir pratiquement à domicile l'ensemble des informations que les gens voudront obtenir sur les documents des organismes publics. Je crois que c'est un des efforts vers lesquels nous allons tenter...

Mme Sauvé: II va rester la période intermédiaire. Entre le moment où tout le monde aura son ordinateur dans sa maison et la période actuelle, il va y avoir une période où on va encore continuer à fonctionner avec du papier et là il va falloir travailler à ce que ce soit facilement utilisable entre-temps.

M. Tardif (Gilles): II y a, d'ailleurs, un autre aspect qu'il faudrait peut-être remarquer; c'est que, comme certains gouvernements font des transferts technologiques, il est possible aussi, malgré les lois d'accès à l'information, de faire des transferts d'information éventuellement dans le futur.

C'est pour cette raison, en répondant à vos commentaires du début, qu'il y aurait peut-être des choses à faire remarquer. C'est vrai qu'on fait beaucoup de critiques ou qu'on essaie de critiquer les points importants. Ce n'est sûrement pas pour détruire des choses. C'est peut-être pour les améliorer. D'une part, des bombes, il y en a de toutes sortes. Si on se réfère à 1970, il y en a des vraies et des pas vraies et on se

ramasse, onze ou douze ans après, à avoir des rapports qui commencent à faire un peu de lumière, de loin. Bien sûr, nous essayons de vérifier que les nouveaux projets de loi essaient de toucher tous les aspects possibles, mais c'est pour s'apercevoir que le Québec n'est pas le nombril du monde. Il y a d'autres pays où les lois d'accès à l'information ont été adoptées bien avant et où on a essayé de régler des problèmes. Nous pouvons profiter de l'expérience des autres. On n'est pas obligé de partir exclusivement de ce qui est québécois, d'une part.

D'autre part, je pense que, pour nous, cela fait déjà plusieurs fois qu'on se présente au fédéral sur des projets de loi d'accès à l'information. On sait à quel point les choses partent de beaux principes pour être réduites, à cause des circonstances, à de petites souris. Ce qu'on espère, c'est qu'au Québec la même chose n'arrive pas, d'autant plus qu'on sait que, par expérience, le Québec sert souvent de terre-plein ou de plongeoir pour d'autres provinces au niveau de l'imitation ou de l'implantion de nouvelles lois. On ne voudrait pas qu'on serve de modèle résiduaire, mais qu'au contraire on soit un des meilleurs modèles possible. C'est seulement pour ajouter aux commentaires qu'on fait nous-mêmes.

D'autre part aussi, on essaie, évidemment, d'avoir l'ouverture la plus large possible à ce projet d'accès à l'information. Les récents événements nous démontrent à quel point c'est important, mais aussi l'augmentation des services, des projets, des programmes des sociétés d'État, la complexité ou la confusion qui peut exister entre le privé et le public, entre le commercial, l'industriel et le gouvernement, je pense que cela exige que, si on fait un projet d'accès à l'information, on essaie de couvrir l'ensemble des angles possibles pour peut-être passer moins de temps à essayer de trouver des points-virgules dans les projets de loi mais peut-être plus de temps à informer les gens sur leurs droits et à améliorer la qualité de vie si c'est possible.

M. Bertrand: Ma dernière question sera très courte. Vous avez évoqué, au niveau des restrictions, que les articles étaient très généraux et qu'il n'y avait pas beaucoup de précisions qui étaient apportées; que c'était un peu vague et qu'on laissait beaucoup de place là-dessus, finalement, à l'interprétation. En Suède, ils ont décidé, eux, au niveau des restrictions, d'établir une nomenclature de tous les documents qui étaient exclus. Aux États-Unis, ils ont décidé de s'en tenir à la définition de certaines catégories générales de documents qui seraient exclues. Est-ce que je comprends bien que le sens un peu de vos remarques est de nous inviter à nous orienter davantage de ce côté plutôt que de privilégier l'approche de la commission qui était de dire: On va définir les restrictions en disant: Voici sur la base de quels principes, de quelles valeurs on doit restreindre l'accès, et non pas: Voici la liste des documents, voici la liste des catégories qui ne seront pas accessibles?

Mme Sauvé: Non. Ce qu'on aurait aimé, c'est que, pour chaque catégorie de documents qui sont exemptés, il y ait une espèce de test: l'intérêt public est-il mieux servi par la divulgation que par la retenue de tels documents? II n'y a pas de préjudice à démontrer. Il y a des catégories: les documents à caractère politique, à incidence économique et à incidence sur la sécurité publique, mais chaque document qui serait demandé ne doit pas subir le test du préjudice; il n'y a pas de garantie. Il y a des phrases là-dedans qui, pour quelqu'un qui veut cacher de l'information, vont lui permettre de continuer à cacher cette information.

Je pense, par exemple, à un corps de police - moi, les corps policiers, ça m'intéresse beaucoup - qui est sous enquête. On en a vu des enquêtes et il va peut-être y en avoir d'autres. J'ai l'impression qu'avec le projet de loi tel qu'il est rédigé - surtout la section sur la sécurité publique - on va s'appuyer sur ce projet de loi, non pas pour donner accès à l'information, mais pour restreindre, parce qu'avant il n'y avait pas de raison, il n'y avait pas de loi sur laquelle s'appuyer pour empêcher le gouvernement du Québec d'essayer de voir comment fonctionnent les corps de police; maintenant on va en avoir. Je trouve qu'il faudrait revoir ce texte, c'est beau la bonne foi, on est pour ça, sauf qu'un organisme public qui refuse un document, il a souvent de très bonnes raisons pour refuser; on pense à la police, mais aussi à tous les autres organismes publics où il y aurait de la malversation de la part des titulaires en poste qui vont pouvoir s'appuyer sur ces restrictions pour dire: Nous avons le droit, en tant qu'organisme public, de retenir cette information. Je pense qu'il faut malheureusement toujours procéder comme ça et, quand on fait des projets de loi, essayer de voir les portes ou les contournements que les organismes publics vont pouvoir utiliser pour cacher l'information, parce qu'on ne changera pas la mentalité des organismes publics du jour au lendemain; des cachotiers, il va continuer à en exister et, avant que la transparence soit entrée dans les moeurs...

Alors, je pense que le texte aurait intérêt à être revu dans le sens qu'on le fait, pour éviter que des organismes refusent de se soumettre à la loi, malgré le fait qu'ils disent qu'ils sont d'accord avec les principes. Qu'ils ne puissent pas contourner la loi, finalement.

M. French: M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: Là-dessus, je pense qu'on risque un peu de mêler les cartes, parce qu'il y a quand même tout un cadre législatif dans lequel fonctionnent les commissions d'enquête. Si ce cadre législatif est inadéquat, c'est à changer, mais cette loi n'est pas faite pour les commissions d'enquête, c'est fait pour le simple citoyen. S'il y a des problèmes, d'accord, il faut les viser, mais il ne faut pas évoquer une situation dans laquelle un corps de police refuse de transmettre des documents à une commission d'enquête, parce que c'est une bête tout à fait différente juridiquement d'un citoyen dans le sens de la loi ici; donc je pense qu'il ne faut pas mêler les deux situations.

Je trouve très intéressantes, par exemple, vos critiques au sujet du bottin du fédéral. Par contre, vous nous laissez avec des conseils de perfection, mais pas trop de suggestions pratiques à ce plan. Vous n'êtes pas satisfaits de ces bottins, moi aussi et tout le monde, y compris le fédéral. Par contre le problème du gouvernement du Québec, face à cette loi, est beaucoup plus sérieux que le problème du fédéral face à la loi en question; eux vont venir avec leur loi sur le libre accès à l'information et ce serait absolument fou, a mon avis, d'essayer de faire des bottins semblables à ceux qu'ils ont déjà faits. En toute honnêteté, je pense que l'idée même ne s'y prête à peu près pas, parce que la diversité et le manque d'organisation des dossiers, dans les ministères gouvernementaux, sont tels qu'il est à peu près impossible de faire plus qu'un catalogue général. Par exemple, aux États-Unis, on a accepté ça et leur principe est le suivant: Est-ce la responsabilité du fonctionnaire préposé à l'accès à l'information d'aider, avec tous les moyens dont il dispose, le requérant?

J'ai pu déceler une certaine méfiance à l'endroit des autorités publiques et je me demande si vous serez d'accord avec ce genre d'approche, même s'il y avait un article dans la loi qui dirait que l'obligation de ce préposé, de cette personne désignée est d'aider le requérant à formuler sa demande. (17 heures)

Mme Sauvé: Le principal reproche qu'on peut faire à ces bottins c'est qu'on a tout mis dans des volumes difficiles à manipuler. Ce n'est pas nécessaire de répéter cette affaire. Cela peut être des catalogues qui sont plus facilement utilisables et ça peut être ailleurs que dans un bureau de poste pour consultation parce que ce n'est pas pratique pour les gens de consulter ça là.

C'est dans ce sens qu'on faisait ces remarques.

M. French: Vous croyez toujours aux possibilités d'un catalogque ou d'un répertoire quelconque? Vous croyez toujours que ce serait possible de le faire dans un livre, comme les bandes dessinées ou je ne sais trop, dramatiser ces possibilités aux citoyens et leur en permettre l'accès facilement?

Mme Sauvé: Premièrement, il faudrait qu'ils sachent que cela existe. J'espère qu'il va y avoir une campagne d'information télévisée là-dessus pour dire aux citoyens: Vous avez maintenant des moyens. La procédure est assez simple dans le projet de loi, ce n'est pas compliqué, il s'agit juste que la partie bottin où on peut savoir que tel document existe soit facilement accessible.

M. Bertrand: Premièrement, l'article 116 définit très clairement d'ailleurs le rôle de la commission à ce sujet, d'informer le public non seulement de l'existence de la loi, mais aussi de la façon de procéder pour exercer ce droit.

Ce n'est pas tout de donner un droit d'accès, il faut permettre que l'exercice du droit se fasse, et c'est une grosse différence.

Mme Sauvé: II y a aussi une chose que j'ai oublié de mentionner. Dans le rapport, on parle de renseignements personnels à contenu discriminatoire, les opinions politiques, l'appartenance syndicale, etc., etc. Malheureusement, au niveau du projet de loi, il n'y a pas de disposition qui interdise la cueillette de renseignements discriminatoires. On aimerait qu'il y en ait une. On pense, par exemple, que tous les fichiers de police sur les opinions politiques des gens c'est discriminatoire par essence et que ça ne devrait même pas exister. S'il y avait une disposition claire dans le projet de loi interdisant la collecte de renseignements de cette nature, il y aurait beaucoup de problèmes de réglés.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscaminque.

M. Baril: Ma question serait dans le sens que j'attendrais des commentaires de votre part. Vous êtes bien placée pour en parler. On a dit que les commissions scolaires et les universités seraient assujetties probablement à la loi et on sait que, pour les jeunes à l'école élémentaire et même plus particulièrement au niveau secondaire et, par la suite, au niveau du CEGEP et de l'université, des dossiers sont constitués sur les individus. On sait parfois que, pour avoir moi-même travaillé dans un Centre de main-d'oeuvre du Canada

l'employeur, souvent, l'été, téléphone à la polyvalente ou ailleurs pour avoir des renseignements sur ces jeunes, etc. Il y a parfois des commentaires assez négatifs par rapport à l'étudiant, et, d'après moi, que ça commence assez mal sa vie.

Cela se perpétue parfois au niveau universitaire, car on sait qu'à l'université il y a des chasses aux sorcières qui se font même parmi les étudiants qui s'accentuent vers un militantisme, etc.

Auriez-vous des commentaires vis-à-vis de la commission face au rapport pour trouver un mécanisme de façon que l'étudiant puisse, dès le niveau secondaire particulièrement, peut-être entre les années touchant la fin des années secondaires ou peut-être même à son entrée à l'université, obtenir des informations sur son compte?

Mme Sauvé: Dans notre esprit, on avait compris que la loi sur la protection des renseignements personnels allait interdire justement de tels types de pratique, que les renseignements qui sont dans les dossiers cumulatifs scolaires d'un étudiant sont des renseignements personnels. On avait souhaité que cette loi apporte une garantie de confidentialité et que n'importe quel employeur ne puisse pas appeler pour avoir des informations ou des renseignements personnels sur un étudiant.

On comprenait que cette loi allait protéger ce type de renseignements, que c'était compris dans la définition de ce qu'on appelle les renseignements personnels.

J'espère que le ministre ne nous contredira pas là-dessus et que c'est vraiment couvert.

M. Bertrand: Je m'excuse, madame, je posais une question à un de mes conseillers pendant que vous passiez votre remarque.

Mme Sauvé: M. Baril me demandait ce qu'on pensait du fait que les renseignements contenus dans les dossiers scolaires soient transmis, par exemple, à des employeurs. Nous avions compris que ce type de renseignements serait protégé par la loi sur la protection des renseignements personnels; que ce serait seulement des renseignements nominatifs et que les renseignements qui concernent la personne seraient protégés. Est-ce exact?

M. Bertrand: Oui, il y a différentes lois qui touchent à cela. Il y a la Charte des droits et libertés de la personne d'abord; ensuite, il y a cette loi d'accès à l'information ou de protection des renseignements personnels. L'article 63 dit: "Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exécution du mandat de cet organisme public ou à la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion. " Cela veut dire qu'il ne le fait pas pour d'autres objets que cela. La non-discrimination est implicite à l'intérieur de cet article. Il y a la Loi sur la protection de la jeunesse aussi qui, à ce point de vue, dit un certain nombre de choses.

Mme Sauvé: Oui, mais cette loi est une loi-cadre.

M. Tardif (Gilles): De toute façon, on pourrait aussi ajouter, puisqu'on en parle, la transparence pour le monde étudiant. Le fait d'inclure les universités et les collèges pour l'accès à l'information permettrait peut-être aux étudiants d'apprendre à travers leurs études que les universités auxquelles ils appartiennent font des travaux en Amérique du Sud ou des échanges d'expertise; ils pourraient faire mieux comprendre les liens entre certaines exploitations à l'étranger, et ce qui se passe ici, par exemple.

Quand on parlait tantôt d'une ouverture la plus large possible, c'est pour permettre entre autres l'exercice des autres droits -l'accès à l'information aussi serait exercé -afin qu'ils soient mieux respectés et mieux reconnus. Dans ce sens-là, si, par exemple, on se limite moins à l'accès à l'information des personnes ou des individus et davantage aussi des universités, des organismes publics et ainsi de suite, cela permettrait de faire des liens et de comprendre davantage où se situe notre société et dans quelle démarche elle pourrait aller aussi.

M. Bertrand: Je vous réfère à l'article 56 aussi.

Mme Sauvé: Mais comme vous le dites, c'est implicite.

M. Bertrand: Oui, mais l'article 56 est plus clair encore.

Mme Sauvé: Oui?

M. Bertrand: L'article 56 indique: "Les renseignements nominatifs sont confidentiels, à moins que leur divulgation ne soit autorisée par la loi ou par la personne qu'ils concernent. "

Mme Sauvé: Oui, mais cela n'empêche pas un organisme public de recueillir des données qui sont discriminatoires. Prenons les dossiers de police; on ne se racontera pas de peurs, on sait que cela existe, cela vient d'être confirmé, il y a 800 000 dossiers accumulés par la GRC. On sait que la SPCUM et la Sûreté du Québec font la même chose. C'est un dossier où les gens sont étiquetés selon quoi? Selon leurs opinions politiques, selon ce que la police juge des opinions politiques de ces citoyens.

On sait que parfois ils peuvent avoir un jugement assez bizarre sur ce genre de questions. En partant, on étiquette des personnes selon leurs opinions politiques; c'est discriminatoire et c'est interdit à l'article 10 de la charte et pourtant, cela se fait depuis de nombreuses années et cela continue de se faire.

Si un article, dans cette loi, interdisait formellement la cueillette de renseignements à contenu discriminatoire, cela nous donnerait une arme supplémentaire pour combattre ce genre de pratique. C'est pour cela qu'on le demande.

M. Bertrand: Des fois, il faut vraiment qu'ils pensent n'importe quoi pour aller même, espionner le Parti libéral pensant pouvoir y trouver quelque chose.

M. Marx: Une minute! L'ancien Solliciteur général du Canada a nié que le fédéral ait espionné le Parti libéral du Québec, c'était sur les individus.

Des voix: Sur les citoyens.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre! M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai trouvé votre mémoire fort intéressant surtout parce que vous avez soulevé des problèmes qui ne l'ont pas été par d'autres intervenants. Ce serait une bonne idée que le ministre étudie vraiment ce mémoire et consulte peut-être le groupe des onze ou un autre groupe du caucus plus libéral que le Conseil des ministres.

Je n'ai que deux ou trois questions. Premièrement, à la page 4 de votre mémoire, vous avez écrit que "la loi d'accès à l'information doit avoir primauté sur toute autre loi et affirmer le droit fondamental à l'information comme étant la règle de fonctionnement. " En 1975, le précédent gouvernement fédéral a fait adopter la Charte des droits et libertés de la personne et dans cette charte on a donné préséance à la charte sur toute autre loi. D'accord?

Mme Sauvé: Postérieure.

M. Marx: Dans la charte. En 1976, arrive un autre gouvernement qui a voulu donner préséance sur toute loi à la Charte de la langue française. Cette disposition n'a pas été adoptée. Mais vous voulez qu'on donne préséance à la loi sur l'accès à l'information sur toute autre loi. Si on fait cela dans chaque loi, on va arriver enfin avec cinq ou six lois, chacune ayant préséance sur toute autre loi. Cela devient un peu compliqué. Où est-ce qu'on tire la ligne? Est-ce que ce n'est pas assez que la charte ait préséance sur toute autre loi? Si on met une telle disposition que la loi sur l'accès à l'information a primauté sur toute autre loi, est-ce qu'elle va avoir primauté sur la Charte des droits et libertés de la personne, est-ce que celle-ci va continuer d'avoir préséance sur un tel genre de loi et ainsi de suite"?

Mme Sauvé: Normalement, cette loi-ci ne devrait pas entrer en contradiction avec la charte.

M. Marx: Donc, vous voulez qu'il y ait une hiérarchie des lois au Québec. La charte, la loi sur l'accès à l'information et ainsi de suite.

Mme Sauvé: Pour les lois consacrant des droits fondamentaux de la personne, oui, on aimerait cela, c'est sûr. Concernant le droit à l'information, on aurait aimé que le principe... Quand on dit: Doit avoir primauté sur toute autre loi, on pense aux nombreuses clauses restrictives qu'il y a dans de nombreux projets de loi. On sait que cela va être révisé, que dans deux ans toutes ces clauses restrictives vont automatiquement tomber et on est tout à fait d'accord avec ça, mais dans l'introduction de ce projet de loi on aurait aimé qu'il y ait des affirmations de principe très très fortes pour accentuer le caractère innovateur et obligatoire de cette loi et consacrer les principes de façon que cela ne soit pas un droit théorique, mais bien un droit réel.

M. Marx: Je pense que dans la Charte des droits et libertés de la personne, on a exprimé le principe du droit d'accès à l'information et dans ce projet de loi, dans cette loi, si on l'adopte cette année, on va donner les moyens pour qu'on puisse bénéficier du principe, si vous voulez. Je pense que, sur le plan pratique, on ne peut pas donner préséance une année à une loi, une autre année à une autre loi, ainsi de suite, c'est quelque chose qui est à considérer.

À la page 11, cela m'a beaucoup frappé, - mais peut-être que c'est une question que je dois poser au ministre - vous avez souligné que les décrets du gouvernement doivent être publiés au plus 30 jours après leur adoption. Quand un règlement, un décret est adopté, le règlement a force de loi. Il faut le respecter. Tout le monde est censé connaître et respecter la loi. Si un règlement n'est pas publié, comment peut-on connaître un règlement ou un décret qui n'est pas publié? Deuxièmement, s'il n'est pas publié, si on ne peut pas prendre connaissance d'un règlement, comment peut-on le respecter? On a déjà eu au Canada des règlements, des décrets secrets durant la deuxième guerre mondiale, c'étaient des décrets qui étaient adoptés par le gouvernement fédéral à

l'époque, ils n'étaient pas rendus publics et on a arrêté des gens en vertu des règlements secrets.

Je pense qu'il y a quelque chose qui cloche ici.

M. Bertrand: J'aimerais un peu savoir ce que le député veut dire parce qu'il est prévu à l'article 20 que les décrets du gouvernement doivent être publiés. Décrets, règlements, là...

M. Marx: Un décret ou un règlement, c'est la même chose.

M. Bertrand: Non, non. (17 h 1 5)

M. Marx: On a changé, au Québec, l'appellation d'ordre en conseil pour décret en conseil...

M. Bertrand: Non, je vais vous donner un exemple d'un décret. La semaine dernière, au Conseil des ministres, on a voté un décret... On n'a pas voté, on ne vote jamais au Conseil des ministres, mais un décret a été...

M. Marx: Ah, c'est un secret du cabinet! On ne vote pas au Conseil des ministres, c'est très intéressant.

M. Bertrand: Ce n'est pas un secret parce qu'il a été rendu public cet après-midi même. Un décret a été décidé par le Conseil des ministres relatif à la nomination, par exemple, des deux comités régionaux de Radio-Québec, dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie. Ces décrets, comme bien d'autres décrets, font souvent l'objet d'annonces publiques immédiatement, mais il n'est pas indiqué qu'ils doivent paraître à la Gazette officielle.

Les règlements, c'est une tout autre question. Par exemple, pour le zonage agricole, il y avait un projet de réglementation. II y aura de la réglementation, entre autres, sur cette loi d'accès à l'information gouvernementale, c'est prévu dans un des articles. Il y a sept projets de règlements, semble-t-il, qu'il faut préparer pour donner suite à cette loi d'accès à l'information gouvernementale. Ces règlements doivent être publiés dans la Gazette officielle, mais, il n'y a rien dans la procédure actuelle des décisions prises au Conseil des ministres qui fixe une procédure à suivre pour la publication de décrets dans la Gazette officielle.

M. Marx: Le secret que vous avez dévoilé, c'est qu'on ne vote pas au Conseil des ministres. En langage juridique, je pense qu'un décret en conseil, c'est comme un règlement. Il y a des décrets en conseil qui comportent des sanctions. On peut vérifier s'il y a des décrets qui comportent des sanctions ou des décrets que le peuple est appelé à suivre. Si un décret qui comporte une sanction n'est pas publié et qu'on ne peut pas en prendre connaissance pendant 30 jours, comment peut-on le respecter? C'est déjà arrivé.

Mme Sauvé: Juste pour répondre. Ce qui est prévu ici, c'est que, 30 jours après leur adoption, ça va être publié dans la Gazette officielle. Cela, c'est une chose, mais ça ne veut pas dire qu'un compte rendu des décisions du cabinet ne pourrait pas être accessible bien avant 30 jours.

M. Marx: C'est ça, tout de suite.

Mme Sauvé: Tout de suite, 48 heures, comme en Suède. Cela permettrait aux journalistes et aux membres de l'Opposition de vraiment...

M. Marx: II n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas disponible tout de suite. Une fois que c'est adopté, on peut le rendre public.

Passons à votre dossier préféré - c'est mon dossier préféré aussi - le dossier de la police. Je pense que le problème, au Québec, c'est que le ministre de la Justice ne s'occupe pas de ce dossier, mais je vais soulever ça à une autre commission, pas à celle-ci, M. le ministre des Communications. C'est un dossier qui m'intéresse beaucoup parce que c'est un dossier-problème, je pense, comme vous l'avez souligné. En ce qui concerne la police, il y a deux intérêts publics en présence. On veut avoir un corps policier efficace - si on est pour un corps policier, on veut que ce soit efficace - et, d'autre part, on veut que le public ait accès à l'information. Je trouve que dans votre mémoire vous n'avez pas vraiment "balancé" ces deux intérêts, ou que la balance penche d'un bord et fait "débalancer. " On ne peut pas avoir un corps policier efficace si on va ouvrir tous les tiroirs sur la rue Parthenais. C'est ça que vous voulez, finalement; vous voulez que tout soit transparent dans les dossiers de la police. Est-ce que j'ai raison de dire ça? Peut-être ai-je tort, mais c'est le sens que j'attribue à vos interventions.

Mme Sauvé: Le constat qu'on peut faire, c'est qu'avec leurs méthodes de fonctionnement actuelles où, vraiment, ils sont très fermés, ils ne sont pas efficaces. Avec un taux de solution de crimes d'à peine 20%, on ne peut pas parler d'efficacité; il n'y a aucune entreprise privée qui fonctionnerait à ce rythme. Ils ne sont pas efficaces; on est d'accord sur ce constat. Ce n'est pas nécessairement en continuant sur cette voie qu'ils vont être plus efficaces. Ce n'est pas nécessairement parce qu'ils vont

être plus ouverts qu'ils seraient moins efficaces non plus. Les policiers n'ont pas le monopole à savoir comment on peut combattre le crime dans une société. Il y a bien des gens qui pourraient réfléchir à cela. Il y a bien des chercheurs, des criminologues qui, si les dossiers de la police... Pas les dossiers d'enquête en cours, on n'a jamais demandé qu'un dossier d'enquête en cours soit révélé, mais toutes les analyses qui se font au sein même des corps de police sur comment combattre le crime et tout le reste devraient l'être.

À chaque année le corps de police de la communauté urbaine nous remet un petit rapport, très mince. On nous donne très peu d'information, on est obligé de s'en contenter. La Sûreté du Québec aussi. Les rapports annuels de ces corps de police ne sont vraiment pas des outils pour des chercheurs, des criminologues ou des organismes comme la Ligue des droits et libertés pour savoir si les méthodes qui sont actuellement employées pour combattre le crime sont vraiment les meilleures. Ce n'est pas en continuant de fonctionner dans une tour d'ivoire que cette situation va changer et peut-être même que les corps de police seraient beaucoup plus efficaces s'ils étaient plus ouverts. Nous, c'est le pari qu'on fait et c'est pour ça qu'on pousse dans cette direction.

M. Marx: Oui, je suis d'accord pour pousser dans cette direction, mais le problème c'est où arrêter, où tirer la ligne, c'est ça le problème. Je prends un problème spécifique que vous avez soulevé. Vous avez dit que dans la Charte des droits, à l'article 10, il y a une série de critères sur lesquels on ne peut pas faire la discrimination, à cause de la race, l'origine ethnique, les convictions politiques, et ainsi de suite, des Québécois. Est-ce que vous voulez dire à la commission que la police ne doit pas recueillir l'information en ce qui concerne la citoyenneté des gens qui se trouvent au Québec ou en ce qui concerne les origines ethniques?

Supposons que la police est en train de constituer un dossier sur quelqu'un. Avec un corps policier, on aura des dossiers sur des gens. Je pense que c'est inévitable. J'espère qu'ils ont un dossier sur moi et je vais faire ma demande tout de suite après que la loi sera adoptée. Mais si on garde le système de police, il y aura des gens qui vont constituer des dossiers sur des personnes différentes. Je pense que c'est inévitable. Est-ce que vous voulez dire que dans ces dossiers il ne faut pas qu'il y ait des éléments qui se trouvent à l'article 10 de la charte, dont l'origine ethnique des personnes sur lesquelles on constitue un dossier? Ce n'est pas discriminatoire.

Mme Sauvé: On étiquette des gens selon leur opinion politique. Il y en a tellement finalement qui sont embourbés dans leurs dossiers et qui ne se retrouvent plus. De toute façon, les services de sécurité n'ont pas démontré que c'est absolument nécessaire que la population du Quéhec soit catégorisée et étiquetée selon ses opinions politiques. Cela n'a pas aidé au règlement des situations où quelques individus ont posé des gestes, ça n'a pas aidé, ces dossiers et depuis 1970 il y en a d'accumulés.

Nous, on pense que ce n'est pas dans le rôle de la police de porter un jugement de cette nature sur les opinions politiques. Cela ne regarde pas la police de savoir à quel syndicat appartient quelqu'un qui est arrêté pour quelque infraction que ce soit. Pourtant ce sont des questions qui se posent. On pose même des questions aux gens sur leur orientation sexuelle. On reçoit beaucoup de gens qui passent dans les postes de police et on sait les questions qui sont posées, pas seulement les dissidents politiques, mais les simples citoyens. La police se permet de poser des questions sur beaucoup de choses qui ne la reqardent pas finalement. Ils accumulent ça dans leurs dossiers et la personne n'a absolument aucun accès pour corriger ce type d'information. Il y a des erreurs et des énormités qui se retrouvent dans ces dossiers de police. Il n'y a absolument aucun moyen pour les citoyens de vérifier, alors que des gens qui ont des casiers judiciaires, par ailleurs, eux autres peuvent consulter leur casier judiciaire et vérifier si c'est vraiment conforme aux accusations portées. Mais les gens qui sont fichés par la police n'ont même pas ce droit. Alors, il y a une espèce...

M. Marx: Je suis d'accord qu'il y a des...

Le Président (M. Rochefort): Dernière question, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx:... abus policiers, je pense que tout le monde va admettre que ça existe, qu'il y a des policiers qui font des choses qui sont illégales, cela arrive. Dans la charte, à l'article 1. 0, on dit que la discrimination à cause du sexe de quelqu'un est interdite, mais, si dans un fichier policier on indique le sexe de la personne je n'y vois rien de mal. Je pense que ça...

Mme Sauvé: Je ne pense pas qu'on puisse utiliser ce type d'information pour couler une personne...

M. Marx: C'est ça, mais vous...

Mme Sauvé:... alors que la police le fait.

M. Marx:... avez parlé de l'orientation sexuelle, disant qu'il ne faut pas que ce soit inscrit dans un dossier, l'orientation sexuelle. Cela peut être utile, quand on fait une enquête...

M. Rrassard: Ce n'est pas la même chose.

M. Marx: Je pense que cette information peut aussi être utile pour le policier qui fait une enquête quelconque. Pour moi, c'est discriminatoire si on donne effet en ce qui concerne les renseignements qu'on a dans le dossier. Mais de là à dire que les policiers ne peuvent pas garder telle et telle information, ça devient...

Mme Sauvé: Le problème, c'est l'utilisation que certains policiers font de ces informations. Il y a des policiers qui se permettent d'appeler des employeurs pour dire: Saviez-vous que tel de vos employés est un pédé, c'est un homosexuel? Saviez-vous

M. Marx: Cela, c'est illéqal.

Mme Sauvé: II y a des policiers qui font ça, imaginez-vous! Il n'y a pas de contrôle sur l'utilisation, malheureusement, de tels renseignements.

M. Marx: Je comprends, mais je pense que vouloir interdire aux corps policiers d'avoir des informations sur des gens est illusoire. Je ne pense pas que ça pourrait être réalisé, dans notre système au moins.

Mme Sauvé: Mais le droit d'accès pourrait contrebalancer cela peut-être. Si c'est vrai que les policiers vont toujours accumuler des informations sur les citoyens, peut-être que les citoyens pourraient avoir au moins accès à ce type d'informations et en corriqer les erreurs.

Le Président (M. Rochefor): Cela va? Merci.

M. Bertrand: Je veux remercier les représentants, surtout sur le chapitre police, de nous avoir apporté beaucoup d'éléments de réflexion. Il y a des articles qui, à notre point de vue, permettent déjà de circonscrire les différents problèmes que vous avez soulevés. Il y en a peut-être, par contre, qui sont encore trop vaques, trop qénéraux, un peu imprécis. À la lumière des renseignements que vous nous avez apportés, on va essayer de travailler ça un peu mieux et voir si on ne peut pas préciser vraiment pour que, sur la confidentialité des renseignements détenus dans ces fichiers, là aussi, il y ait un contrôle exercé par l'éventuelle commission.

M. Tardif (Gilles): Nous voudrions aussi vous remercier de nous avoir entendus et vous assurer que nous ferons plus qu'être disponibles, nous vous surveillerons, comme par le passé.

Le Président (M. Rochefort): Je remercie les représentants de la Ligue des droits et libertés. J'appelle maintenant les représentants de la Société de radiotélévision du Québec.

Je vous demanderais de vous identifier.

Société de radio-télévision du Québec

M. Benoist (Bernard): Certainement, M. le Président, Bernard Benoist, secrétaire général de Radio-Québec.

Le Président (M. Rochefort): Vous avez, au plus, vingt minutes pour présenter votre mémoire.

M. Benoist: On sera certainement plus bref que ça.

M. le Président, en comparaissant aujourd'hui devant la commission permanente des communications, la Société de radiotélévision du Québec n'entend traiter ni de la philosophie, ni de l'esprit, ni du bien-fondé du rapport Paré et du projet de loi qui en découle. Contrairement à ce qui se produit lorsqu'elle se présente devant vous - cela s'est produit à plusieurs reprises - pour traiter de sa loi constitutive ou de ses appropriations budgétaires, la société ne se considère pas la plus immédiatement visée par ces deux documents et dans les circonstances, elle laisse à des voix plus autorisées - et plusieurs l'ont fait avant nous aujourd'hui - que la sienne, dans les circonstances, de se prononcer sur le soin de développer des arguments plus substantiels. La société tient cependant à déclarer qu'à son point de vue, les résultats des travaux effectués par les commissaires se révèlent marqués au coin d'une volonté démocratique enrichissante, doublée d'une attention soutenue envers la réalité des institutions en cause.

Ceci étant dit, la société entend limiter ses propos à des considérations de deux ordres: celles qui découlent de son statut d'organisme d'État et celles qui découlent de ses fonctions spécifiques dans le domaine de la radio-télévision. (17 h 30)

À titre de société d'État, tel que je l'évoquais précédemment, Radio-Québec considère que bien des ministères et bien d'autres organismes publics se trouvent plus foncièrement touchés qu'elle par les recommandations du rapport Paré. Dans les circonstances, et de façon lapidaire, elle se plaît à croire que ce que vous considérerez

utile de retenir après avoir entendu les représentations des autres intervenants, tant du domaine public que privé, saura se révéler approprié à sa propre réalité et à ses propres exigences. Tout au plus, la société vous suggérerait-elle d'examiner l'opportunité de remplacer, dans le second paragraphe de l'article 27 de l'avant-projet de loi, l'expression "renseignements fournis par un tiers" par l'expression "renseignements concernant un tiers", permettant ainsi d'étendre la discrétion dont sont entourés les renseignements à incidence économique aux données qui résultent également de pourparlers entre ce tiers et l'organisme visé, de même qu'aux données obtenues d'autres sources. La portée de cette modification serait peut-être également rendue plus explicite par l'ajout, au tout début de l'article 58, comme c'est le cas d'ailleurs dans le cadre de l'article 87 déjà, du membre de phrase "sous réserve des dispositions de l'article 27" avant les mots "ont un caractère public".

D'autre part, cependant, et c'est là vraiment l'essentiel de ce mémoire, et en sa qualité de producteur comme de diffuseur de documents audio-visuels de nature éducative, la société considère essentiel d'attirer votre attention sur une implication relevant de l'interprétation du projet ou de l'avant-projet de loi, tel que rédigé dans sa forme actuelle, implication qui risque d'entraver sérieusement la poursuite rationnelle des activités de Radio-Québec.

Cette préoccupation soulève la portée pratique de l'article 9 du projet de loi ou de l'avant-projet de loi, lorsqu'il est dit: "Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. "

Si l'on entend par là se limiter aux documents qui ont un caractère institutionnel, administratif, fonctionnel ou contractuel, et compte tenu de la portée des autres dispositions du projet de loi, la société n'éprouve aucune difficulté à se rallier à cette interprétation quelle que soit par ailleurs la forme que revêt ce document: "écrit, graphique, sonore, visuel, informatisé ou autres", tel que le précise d'ailleurs l'article 1 du projet de loi.

S'il s'agit par contre d'inclure au nombre des documents visés par le projet de loi les émissions et les documents audiovisuels produits ou diffusés par la société, il en va fort différemment, bien que tout semble indiquer que telle ne soit pas l'intention des commissaires. En effet, à la dernière phrase du second paragraphe de la page 22 du rapport, il est dit, sous l'intitulé L'information visée: "La définition - sous-entendue du mot "document" - doit s'appliquer quel que soit le contenu du document: dossier, rapport, compte rendu, étude, note, directive, mémoire, avis, analyse, correspondance, décision, statistique, calcul, etc. "

Il est clair que ces diverses formes de contenu ne peuvent logiquement s'appliquer qu'à des documents de caractère institutionnel, administratif, fonctionnel ou contractuel. De plus, devant la spécificité, l'importance et le volume des documents audio-visuels de nature éducative ou culturelle, en possession, non seulement de Radio-Québec, mais encore des ministères et autres organismes publics, il apparaît invraisemblable que les commissaires aient voulu soumettre l'application du projet de loi sans l'avoir jamais spécifié ni même donné à entendre implicitement.

Il n'en reste pas moins qu'une interprétation littérale de cet article porterait à croire que toute personne peut, sans justification préalable obtenir le visionnement gratuit de tout document audio-visuel dont Radio-Québec dispose, si ce n'est la possibilité d'en obtenir copie, tout au plus à des frais n'excédant pas le coût réel de la transcription, de la reproduction et de la transmission du document. Il s'agit de se référer aux articles 10 et 11. De plus, selon cette interprétation littérale, la société devrait, pour se conformer aux dispositions de l'article 13, déposer à titre gratuit deux exemplaires de chacune des ses émissions à la bibliothèque de la Législature.

Il serait fastidieux, voire inutile, d'évoquer ici la multitude des cas d'espèces susceptibles de découler d'une semblable interprétation. La société tient cependant à faire valoir les principaux arguments qui militent, selon elle, en faveur de l'exclusion explicite de ces documents audio-visuels et de ces émissions de l'emprise du projet de loi.

Au premier chef, il importe de retenir, tel que je viens de l'invoquer, que ni la lettre ni l'esprit du rapport Paré ne permettent de croire que les commissaires entendaient soumettre les documents audiovisuels de nature éducative ou culturelle à l'application du projet de loi. C'est là d'ailleurs une affirmation que la commission permanente des communications pourrait sans doute vérifier aisément auprès des auteurs du rapport.

En second lieu, il convient de souligner que tout document audio-visuel de nature éducative ou culturelle est, de par son caractère même, essentiellement destiné à la publication, que ce soit par la voie des ondes ou autrement, et non pas à un traitement ou à une consultation discrétionnaire, au double sens du mot. Dès lors et à l'opposé du sort qui peut être réservé à un document de caractère institutionnel, administratif, fonctionel ou contractuel, ce ne sera jamais sa conservation obscure ou son utilisation occulte qui sera de nature à causer des torts, des préjudices, des iniquités, voire des

illégalités.

En troisième part, il ne faudrait pas oublier que toute personne qui se considère lésée par la publication d'un document audiovisuel ou d'une émission de radio-télévision dispose déjà de tous les recours prévus, en pareil cas, tant au Code civil qu'au Code criminel, recours auxquels on doit ajouter, en ce qui a trait à Radio-Québec, ceux que prévoit la Loi sur la programmation éducative et ceux qui peuvent être formulés par voie de plainte au Conseil de presse du Québec.

Au quatrième et dernier titre, la société se dit convaincue que les abus que serait susceptible d'entraîner un accès intempestif à ses documents audio-visuels et à ses émissions s'avéreraient beaucoup plus imminents, nombreux, coûteux et dommageables que ceux que l'on pourrait souhaiter voir réprimés en assujettissant ces documents et ces émissions à l'emprise du projet de loi. Il suffit de songer, pour un instant, à l'attrait que représente, sans autre motif que l'agrément, le visionnement ou la possession d'un exemplaire de ces documents ou de ces émissions et, en contrepartie, ce que cela implique pour Radio-Québec en immobilisation de personnel, d'équipement, en frais directs, de même qu'en redevances de droits d'auteur et d'autres droits intellectuels, en présumant, bien sûr, que ces droits puissent être libérés.

Pour ces motifs, la Société de radiotélévision du Québec invite respectueusement la commission permanente des communications de l'Assemblée nationale à examiner la perspective de modifier l'article 9 du projet de loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels pour qu'il se lise: "Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents institutionnels, administratifs, fonctionnels ou contractuels d'un organisme public. "

Je vous prie de croire, M. le Président, que la Société de radio-télévision du Québec demeure à l'entière disposition de cette commission pour lui apporter tout complément d'information qu'elle souhaiterait obtenir sur ce qui fait l'objet du présent mémoire.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bertrand: Je voudrais vous remercier du point surtout que vous avez soulevé relativement à l'article 9. Je laisse de côté la suggestion que vous nous faites concernant le fameux problème du tiers. J'ai l'impression que, voulant peut-être nous soumettre une suggestion qui aurait été véritablement la solution toute désirée pour régler le problème, cela ne règle rien quant à moi. Si on inscrivait "renseignements concernant un tiers", je pense qu'il y a beaucoup de documents et j'oserais dire que la grande majorité de tous les documents qui se produisent partout dans tous les organismes concernent très souvent des tiers. Les gens aiment beaucoup manger du prochain et j'ai l'impression que, dans les organismes publics, on doit manger beaucoup de prochain. Alors, il doit y avoir beaucoup de tiers dans tous les documents qu'ils produisent. Cela nous laisse le problème tout entier et il va falloir trouver une façon de traiter cette question.

Par contre, en ce qui concerne très directement non seulement les activités de Radio-Québec, mais je pense, les activités de tout diffuseur de radio-télévision, il y a un problème très réel que vous soulevez. J'imagine, par exemple, qu'hier soir quelqu'un qui a visionné les Lundis de Pierre Nadeau. Ce matin, vous recevez un coup de téléphone et le responsable aux renseignements se fait demander: Faites-moi parvenir la bobine de l'émission d'hier et je veux avoir cela dans un délai - je ne me souviens plus exactement - de vingt jours.

Il y a deux ou trois façons de régler le problème. Je vous les soulève et je vous demande comment vous réagissez. Il y en a une qui moi, m'apparaît la plus naturelle et qui est de dire: Cela tombe tellement sous le sens commun qu'une émission produite par Radio-Québec et qui a été diffusée, est un document déjà rendu public qu'à toutes fins utiles cela ne vaut même pas la peine de l'évoquer dans la loi. Vous allez me dire: Oui, mais l'esprit, la lettre, ces choses-là, à un moment donné, on ne sait plus et cela peut être interprété de façon très spécifique et, comme c'est un document, un membre de la commission, un commissaire, un juge, éventuellement pourrait dire: II va falloir que Radio-Québec le rende accessible. Alors, moi, ce serait mon idée personnellement de dire: Cela tombe sous le sens commun.

Par exemple, au ministère des Communications, on vient de publier, donc de rendre public, un répertoire des médias québécois; il coûte 25 $. Il se peut que demain quelqu'un appelle au ministère des Communications et dise: Je veux avoir le répertoire des médias québécois. Oui, mais dans tous les bureaux de l'Éditeur officiel il se vend 25 $ l'exemplaire. Je pense que ce n'est pas cela que la loi veut couvrir, non plus que tous les documents qui déjà, par définition, dans leur essence même, sont diffusés, sont rendus publics: une émission de radio, une émission de télévision, un article qui paraît dans un journal, etc. Alors, ce serait mon approche.

Il y en a une autre qui pourrait être -et on devra, de toute façon, l'évoquer - tout le problème des droits d'auteur et des droits de suite. Si une personne décidait qu'elle

veut avoir accès à une émission qui a été produite par Radio-Québec, un spectacle, par exemple, de Gilles Vigneault, et que la personne fait sa demande, Radio-Québec transpose sur bande magnétoscopique d'un demi-pouce pour utilisation à domicile l'émission en question. Il reste, par contre, que, sur le plan des coûts, vous avez le droit non seulement de facturer le prix coûtant de l'opération qui vous a permis de faire la transcription, la transposition, mais aussi les droits d'auteur et les droits de suite attachés finalement à la remise de ce document. Alors, c'est une autre façon qui nous permettrait de contourner la difficulté.

L'autre façon, c'est, un peu comme vous le proposez, d'être plus explicite dans la définition de ce qu'est un document. Cela nous a été dit par d'autres groupes. Quand on commence à entrer dans la définition du document... J'ai vu que vous avez une définition que vous nous soumettez: documents de caractère institutionnel, administratif, fonctionnel ou contractuel. On se demande si on a été exhaustif là-dedans, si on a couvert l'ensemble des documents qu'on voulait viser.

Je vous dirai que mon approche serait la première, quitte à introduire un article qu'il nous faudra, de toute façon, introduire relativement aux droits d'auteur et aux droits de suite. Mais j'ai l'impression que cela tombe tellement sous le sens commun que c'est un document qui, dans son essence même, n'est pas de nature confidentielle et ne fait pas partie de ces documents que l'administration a tendance à garder pour des fins d'administration interne que la commission va l'interpréter dans ce sens-là. (17 h 45)

Voilà un peu l'impression que je retiens de votre présentation. Est-ce que cela vous satisfait comme interprétation ou si vous pensez qu'il y a vraiment lieu d'aller beaucoup plus loin et de préciser tout cela davantage?

M. Benoist: Je vous répondrais que d'homme à homme ou de société à ministre j'adhère totalement à ce que vous venez de formuler. Cependant, la question que je me pose, c'est au nom du simple citoyen qui pourrait avoir l'impression fautive que, pour rien ou presque rien, - il peut obtenir une émission de Radio-Québec.

Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, que par règlement qui découlerait de la loi on pourrait pratiquement régler tous les problèmes que vous évoquez et que Radio-Québec aurait pu se contenter de laisser passer le projet de loi et aller vous consulter au moment où les règlements seront votés.

Mais ce que je veux, c'est de ne pas donner cette impression fautive que les documents, cela comprend des émissions de radio-télévision. D'après les articles 1 et 9, c'est ce que comprendra le simple citoyen d'après moi, qu'il a le droit à l'accès gratuit à tout visionnement. Moyennant tout simplement le prix de la copie, il peut toujours en obtenir une copie. Qu'on n'ait pas l'impression de le léser en lui disant: Oui, mais cela va vous coûter 1800 $. Cela il ne s'y attendait pas en lisant la loi.

Au fond, je me demande, d'un point de vue qui ne me concerne peut-être pas directement, mais d'un point de vue politique, s'il est bon de lui donner l'impression qu'il va pouvoir l'obtenir et qu'administrativement, après cela, on lui soumette une facture de 1800 $, 2000 $, 3000 $, 4000 $. C'est le simple point qu'on soulève, parce que c'est évident que d'un point de vue purement administratif on peut régler cela par des règlements. Je suis entièrement d'accord.

M. Bertrand: Les méchantes langues diraient qu'avec le taux de reprise des émissions de Radio-Québec il faudrait simplement appeler le lendemain matin pour se faire dire que la semaine suivante on va pouvoir le revoir.

Le problème que vous soulevez est un problème effectivement réel et il va falloir trouver un moyen, si ce n'est pas simplement de dire: Tout le monde, de bonne foi, comprend que cela tombe sous le sens commun. Il faudra trouver un moyen de régler cela.

M. Benoist: Je pense aussi à ces personnes - cela relèverait peut-être un peu de problèmes psychologiques - qui, systématiquement, manquent les émissions de Radio-Québec et qui, le lendemain, arrivent en studio pour se les faire visionner privément. Je pense aux gens également qui pourraient vouloir voler le scoop d'une émission et se faire sortir quinze jours avant qu'une émission ne soit diffusée une copie qu'ils feraient visionner par des amis. Cela volerait un peu le show, si vous voulez.

Ce sont un peu nos préoccupations de penser non pas à l'ensemble des citoyens, mais peut-être à un groupe de gens qui, systématiguement, vont se retrouver le lendemain matin au bureau de Radio-Québec à Montréal ou dans les bureaux régionaux pour demander des visionnements d'émissions. Sur ce plan, nous avons fait une petite enquête financière qui nous permet de dire que des visionnements de ce genre pourraient éventuellement, si cela devenait systématigue, nous obliger à des investissements qui pourraient atteindre peut-être le million.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Westmount.

M. French: Je pense, pour poursuivre un peu sur ce thème, parce qu'il me semble que c'est le plus important élément qui se dégage du mémoire, que peut-être la première chose à faire, c'est de décider que les choses qui ont été publiées soient bien publiées dans le sens anglais du terme, c'est-à-dire imprimées ou bien exposées, et constituent une catégorie à part, parce qu'elles ne sont évidemment pas les produits culturels ou intellectuels qui sont visés par la loi. Donc, cela règle une grande partie de votre problème, cela règle une grande partie du problème des services d'accès à l'information de ministères qui se font utiliser comme des bibliothécaires, finalement, parce qu'ils vont chercher des choses déjà publiées, et que si le requérant était prêt à aller à leur bibliothèque, il importe qu'il prenne les mesures nécessaires pour y avoir accès lui-même.

Il y a quand même un deuxième problème, c'est le problème de tous les autres films que vous possédez, qui n'ont pas été exposés et que, souvent, vous n'aurez pas à exposer. Vous n'avez pas de plan pour les exposer, les "out-takes", comme on dit en anglais, et toutes sortes de programmes dont vous avez décidé pour une raison ou une autre qu'ils n'intéressent pas assez de gens, etc. Je pense que, pour cette catégorie, il y aurait aussi un problème potentiel.

J'imagine un parti politique insatisfait d'une émission en particulier qui pourrait peut-être voir le "footage", si vous voulez. Je ne nomme pas de parti politique en particulier, mais c'est possible, je pense. Tout cela, il me semble, devient important aussi. Je n'ai pas de réponse et je n'ai pas de solution très facile à cela, mais une serait sûrement d'envisager un article qu'on a au fédéral d'ailleurs pour les coûts exceptionnels dans les cas exceptionnels. Je ne voudrais pas, par exemple, éliminer tout film ou éliminer toute information informatisée ou autrement enregistrée de l'étendue de la loi. Ce serait dangereux, je pense. Je ne voudrais pas faire cela. Par contre, il me semble évident que les coûts impliqués quand on veut visionner un film ou utiliser des données informatisées doivent naturellement être beaucoup plus élevés que le fait d'avoir accès à un document, surtout si on se rend sur place. Donc, encore une fois, je n'ai pas de solution à proposer, mais je pense que ce sont deux questions qui sont assez importantes. Donc, je suis d'accord avec le fond du problème. Je pense que la grande partie du problème, on peut la régler assez facilement. Il y a quand même un autre élément qui est important et qu'il faudrait envisager à un moment donné. Pour régler le reste du problème, je ne voudrais pas adopter les solutions proposées dans le mémoire, parce qu'elles me semblent aller beaucoup trop loin et mettre en danger beaucoup d'autres objectifs qu'on vise dans le rapport de la commission.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: II y a des organes de diffusion qui donnent accès aux émissions d'affaires publiques et aux émissions de nouvelles aux groupes ou organismes qui veulent en faire la transcription. Ils vont les installer sur place et les personnes peuvent prendre les passages qui les intéressent, dactylographier tout cela et en faire des dossiers. Est-ce que Radio-Québec offre cette possibilité actuellement?

M. Benoist: La réponse, dans la grande majorité des cas, est affirmative. Quand on ne le fait pas, on explique aux intéressés que ça coûterait beaucoup plus cher et, très souvent, ils l'admettent eux-mêmes; en principe ce droit existe, mais non pas sur les émissions d'affaires publiques. Ce à quoi nous pensons, c'est le grand "spectacular", le grand film ou le superspectacle de Gilles Vigneault que quelqu'un a manqué et qui se présenterait chez nous pour nous le demander.

II reste un point certain - je l'évoquais dans mon mémoire - que, du fait que nous sommes soumis au Code civil, en cas de libelle, en cas de poursuite ou en cas de diffamation sur une personne, puisque la cour pourrait requérir de toute façon une copie du film, jamais nous ne nous opposerions, avant même qu'une poursuite ne soit entamée, à donner une copie à la partie qui se sent lésée; ce n'est pas du tout l'idée de restreindre, sur ce plan, lorsque, au fond, nos documents peuvent devenir de caractère administratif ou d'atteinte à la personne. Là, il n'y a absolument aucun doute; d'ailleurs, de toute façon, les tribunaux peuvent nous ordonner de déposer une copie du film. Il n'y a donc pas de problème de ce côté.

C'est simplement une espèce de visionnement systématique de la part de certains citoyens que nous redoutons, c'est tout.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? Je vous remercie. La commission ajourne ses travaux...

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le ministre.

M. Bertrand: Je voudrais indiquer immédiatement que j'ai consulté M. le député de Westmount sur le programme qui nous attend demain et jeudi. Puisqu'il y a deux organismes semble-t-il - on va vérifier - qui ont indiqué qu'ils ne viendraient pas

demain, la Communauté urbaine de Montréal et le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal, nous tenterons d'inviter deux ou trois organismes qui devaient venir jeudi à venir demain et nous ferions une journée plus remplie demain, quitte ensuite à terminer à 18 heures, jeudi. M. le député de Westmount m'a dit que cette formule lui convenait, alors, on peut fonctionner ainsi, si c'est possible de ramener des groupes. D'accord? Merci.

Le Président (M. Rochefort): D'accord. La commission ajourne ses travaux pour les reprendre demain matin à I0 heures.

(Fin de la séance à 17 h 55)

Document(s) associé(s) à la séance