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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des communications est réunie ce matin aux fins
d'entendre les mémoires sur l'avant-projet de loi contenu dans le
document intitulé Information et liberté. Rapport de la
commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information
gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels.
Les membres de la commission sont: M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Beaumier (Nicolet), M. Bertrand
(Vanier), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. French
(Westmount), M. LeMay (Gaspé), M. Rivest (Jean-Talon), M. Rodrigue
(Vimont), M. Sirros (Laurier) et M. Vaugeois (Trois-Rivières). Peuvent
aussi intervenir: M. Baril (Arthabaska), M. Charbonneau (Verchères), M.
Fortier (Outremont), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Marx (D'Arcy McGee),
M. Payne (Vachon), M. Perron (Duplessis), M. Picotte (Maskinongé) et M.
Tremblay (Chambly).
Je demanderais aux membres de la commission de désigner un
rapporteur, s'il vous plaît.
M. Bertrand: On pourrait proposer le plus jeune
député de l'Assemblée nationale, le député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, M. Baril.
Le Président (M. Rochefort): Consentement?
M. Bertrand: Consentement.
Le Président (M. Rochefort): Alors, M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est désigné rapporteur.
L'ordre du jour est le suivant: nous entendrons dans l'ordre qui suit
les organismes suivants: la Chambre de commerce de la province de
Québec, le Centre pour le journalisme d'enquête, la
société Hydro-Québec et la Société
d'énergie de la Baie-James, STOP, l'Office des personnes
handicapées du Québec, la Ligue des droits et libertés et
la Société de radio-télévision du
Québec.
Nous allons fonctionner en accordant environ 20 minutes aux organismes
pour présenter leur mémoire et les députés de la
commission se répartiront de 30 à 40 minutes pour questionner les
représentants des différents organismes. Avant de commencer, je
demanderais au ministre des Communications de faire un certain nombre de
remarques préliminaires. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Jean-François
Bertrand
M. Bertrand: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord,
dans un premier temps, souhaiter la bienvenue aux différentes personnes,
groupes et organismes qui se sont joints à nous ce matin pour
entreprendre l'étude de la proposition de loi contenue dans le rapport
de la commission Paré et les remercier de nous permettre de mener
jusqu'au bout l'exercice démocratique de la préparation d'une
éventuelle loi qui permettrait de libérer l'information
gouvernementale et de protéger la vie privée des citoyens.
Je voudrais simplement, à l'endroit de mes collègues de
l'Opposition officielle, leur dire immédiatement, malgré que je
me réjouisse de la présence de M. le député de
Westmount pour l'étude de cette proposition de loi, lui dire que
j'aurais eu beaucoup de plaisir à effectuer ce travail avec le
député de Jeanne-Mance qui, malheureusement, n'est pas avec nous
pour les raisons qu'on connaît. J'ai déjà eu le plaisir
d'aller le visiter à l'hôpital de Cartierville lorsqu'il est
revenu d'Europe. À ce moment-là, il était d'ores et
déjà assuré qu'il pourrait participer à cette
commission parlementaire, mais des complications sont survenues. Je voudrais,
comme ministre, demander à l'Opposition de lui transmettre mes voeux de
très prompt rétablissement.
M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion, au cours
d'une conférence de presse, le 11 juin dernier, d'exprimer l'accord du
gouvernement aux principes et à l'approche globale contenus dans le
rapport Information et liberté et transcrits dans la proposition de loi
que nous étudierons au cours de nos travaux parlementaires. Nous avons
pu vérifier, par les nombreuses déclarations et prises de
position reproduites dans les médias, que cette adhésion aux
principes du rapport Information et liberté fait l'objet d'un consensus
général. Les avis sont unanimes sur un autre point. Le temps est
venu pour le gouvernement du Québec de
légiférer dans ce domaine. Nous sommes d'accord et, si
possible, nous le ferons dès cet automne. D'ailleurs, le mandat
confié au ministre des Communications par le Conseil exécutif est
clair. Permettez-moi de vous le citer très brièvement.
Accepter le cheminement suivant en ce qui concerne le rapport de la
commission: a) durant l'été, recevoir au ministère des
Communications des réactions internes des intervenants gouvernementaux;
b) tenir une commission parlementaire durant l'intersession sur la proposition
de loi préparée par la commission; c) présenter à
l'automne un mémoire au Conseil des ministres proposant un projet de loi
à ce sujet; d) étudier le projet de loi d'ici la fin de
décembre 1981.
Il aurait été possible pour le gouvernement du
Québec d'escamoter la consultation que nous poursuivons aujourd'hui en
s'appuyant sur le consensus social exprimé et sur le fait que la
commission avait, au cours de ses travaux, reçu 134 mémoires et
rencontré 28 représentants d'organismes. Certains nous
reprocheront de trop consulter. Pourtant, les premiers résultats qui
sont entrés nous convainquent de la nécessité de cette
consultation.
Que nous révèlent-ils? Nous le verrons ensemble au cours
de nos travaux. Déjà, cependant, nous pouvons constater que, pour
l'essentiel, les principes ne sont pas remis en cause. Ce sont les
modalités d'aoplication de ces principes qui sont mises en question. Les
organismes nous font valoir leurs particularités propres et nous
alertent sur les précautions à prendre. Nous avons beaucoup
à apprendre ici en commission. Dans ce domaine, les droits sont
nouveaux. Ils interviennent dans le quotidien de chacun des organismes
concernés et, rappelons-le, ils sont nombreux, ces organismes
concernés, puisque nous en avons dénombré au-delà
de 4000, j'oserais dire tout près de 5000. Nous nous devons de les
entendre afin de dégager avec eux un consensus au niveau des
modalités d'application équivalant à celui qui s'observe
au niveau des principes.
La commission Paré nous a placés dans une situation
idéale dans la recherche de ce consensus. Pour une fois, la
première peut-être, le gouvernement et l'Opposition sont dans une
même situation; la proposition de loi qui sera discutée au cours
de nos travaux a été préparée par un organisme
indépendant du gouvernement. Nous pouvons l'aborder avec le même
esprit critique et, nous le souhaitons, avec les mêmes moyens, avec la
même volonté de rechercher les solutions les plus simples et les
plus souples possible aux interrogations qui nous seront transmises.
Quant à moi, je veux, dès le début de nos travaux,
assurer mes collègues parlementaires de ma plus entière
collaboration et, s'ils le requièrent, des services du ministère
des Communications pour toute demande d'information qui pourrait nous aider
à avoir une vision commune des dispositions prévues par la
oroposition de loi contenue dans le rapport Paré. La consultation
actuelle, est-il besoin de le préciser, nous l'avons voulue la plus
complète possible. Nous avons tenté de rejoindre tous les
organismes publics, les citoyens et groupes communautaires concernés par
la proposition de loi. La période de l'été qui en est une
de vacances pour plusieurs, j'oserais dire pour tout le monde, aurait pu
hypothéquer le succès de cette consultation. C'est pourquoi nous
avons insisté pour assouplir au maximum les règles normales
d'inscription à la commission parlementaire, en permettant, par exemple,
aux organismes de s'inscrire à la commission sans avoir au
préalable complété leurs mémoires. Il y a
d'ailleurs déjà des mémoires qui continuent d'entrer
aujourd'hui, mais nous avons voulu étendre le délai le plus loin
posssible pour permettre à tout le monde de se faire entendre.
Les députés accepteront bien, je pense, ce contretemps de
n'avoir pu consulter longuement les commentaires qui nous seront transmis au
cours de nos travaux et se rallieront, j'en suis sûr, à notre
objectif d'entendre le maximum de points de vue possible.
Je vais déposer, au bénéfice des parlementaires, le
bilan des actions qui ont été entreprises pour s'assurer que tous
les organismes intéressés à faire connaître leur
point de vue soient rejoints.
À la suite de l'appel lancé lors de la conférence
de presse du 11 juin 1981, nous avons émis deux avis publics qui ont
été reproduits dans les quotidiens et hehdos du Québec,
publiés en date du 4 juillet et du 9 juillet 198l. Le sous-ministre des
Communications, M. Pierre Deschênes, a fait parvenir à ses
collègues des différents ministères et des comités
du Conseil exécutif, 28 lettres leur demandant leurs commentaires et
réactions à la proposition de loi. J'ai moi-même fait
parvenir, en date du 3 juillet 1981, 170 lettres aux organismes qui avaient
fait parvenir des mémoires à la commission Paré, ainsi
qu'à un certain nombre d'organismes municipaux. Les 3 juillet et 13
août 1981, des communiqués de rappel ont été
également publiés à l'intention des médias. Les
lettres types, les communiqués de presse et l'avis public accompagnent
le bilan que je vous remettrai dans quelques instants. De plus, un
comité interne formé au ministère des Communications s'est
rendu disponible auprès des organismes et des ministères pour
échanger des informations. Différentes rencontres ont eu lieu sur
la question.
La réponse est encourageante. Vous le
savez, tout près d'une trentaine d'organismes sont inscrits
à la commission parlementaire. Les mémoires que nous avons pu
consulter à ce jour sont d'une excellente qualité. Ils justifient
à eux seuls la tenue de la commission parlementaire. Nos travaux seront
assurément charqés et fort intéressants. Ils nous
permettront, j'en suis sûr, de mieux mesurer l'impact d'une proposition
de loi conférant les droits d'accès aux citoyens à
l'information gouvernementale et à la protection des renseignements
personnels.
Dix-neuf organismes nous ont fait connaître leurs réactions
sans pour autant avoir jugé pertinent de se présenter à la
commission parlementaire. Je déposerai aussi à l'intention des
membres les accusés de réception, lettres et mémoires que
les organismes m'ont autorisé à rendre publics. J'invite mes
collègues à prendre connaissance de cette documentation. Elle
contient, entre autres, des points de vue dont il faudra tenir compte, de la
Corporation professionnelle des médecins du Québec, de la
Commission de police du Québec, de la bibliothèque de la
Législature, du bureau du Vérificateur général, de
l'Office de la langue française, du Conseil consultatif du travail et de
la main-d'oeuvre, du comité de gestion des documents du Conseil du
trésor et de l'Office des professions.
Quant aux ministères du gouvernement du Québec, la
consultation se poursuit. Un certain nombre de rapports sont entrés et
actuellement analysés au sein du ministère des Communications. Il
s'agit, pour l'essentiel, d'échanges de renseignements et d'avis entre
fonctionnaires.
Comme vous le constatez, les efforts n'ont donc pas été
ménagés pour s'assurer que la consultation actuelle remplisse ses
objectifs. Je souhaite vivement que nous déposions un projet de loi
à l'Assemblée nationale dès cet automne. Pour autant, il
n'est pas question de déposer un projet qui ne traduirait pas un
consensus minimum et essentiel des organismes et des représentants des
citoyens quant aux modalités d'application de la proposition de loi
soumise par la commission présidée par M. Jean Paré. La
commission nous laisse un bel héritage, mais aussi une très
lourde responsabilité. En neuf mois, elle est parvenue à relever
le pari que d'aucuns jugeaient impossible, soit de rallier l'opinion autour
d'un cadre législatif, libérant l'information gouvernementale et
assurant la protection des renseignements personnels. Nous avons la chance de
travailler sur des bases solides; le chemin nous est tracé. Pour ma
part, je peux vous assurer que je suis ici pour entendre, pour comprendre et
pour accueillir toute suggestion qui permettrait au gouvernement de
réaliser le mariaqe le plus parfait possible entre les principes et les
modalités.
M. le Président, je voudrais donc, à la suite des
remarques que je viens de faire, déposer à l'intention des
membres de la commission parlementaire, dans un premier temps, une revue de
presse qui a été constituée, dans laquelle nous avons non
seulement tenté d'inclure à peu près tout ce qui a
été publié dans la presse écrite relativement au
projet d'accès à l'information gouvernementale au Québec
mais aussi, dans une deuxième partie, toute une série de coupures
de presse relatives au projet d'une loi fédérale d'accès
à l'information. Je pense que ce document, qui est constitué de
communiqués, de positions gouvernementales, d'éditoraux,
d'études, de mémoires, de prises de position diverses autant pour
ce qui est de la loi sur l'accès du citoyen à l'information
gouvernementale au Québec que de la loi sur l'accès à
l'information gouvernementale présentée au niveau
fédéral, sera d'une très grande utilité pour
l'ensemble des parlementaires.
Je dépose aussi, M. le Président, un document qui a pour
titre Cheminement de la préparation de la commission Paré et des
suites données au rapport de la commission dans lequel on retrouve
l'ensemble des éléments dont j'ai fait mention tout à
l'heure. On indique, entre autres, très précisément quel
était le décret gouvernemental sur la base duquel la commission
d'étude a fait son travail, de septembre 1980 jusqu'au mois de mai 1981,
et aussi la liste d'un certain nombre de textes qui peuvent être utiles:
par exemple, la décision du Conseil des ministres sur les suites
à donner au rapport Paré, les textes de conférences de
presse de la commission Paré ainsi que les déclarations du
ministre des Communications sur le sujet, les avis qui ont été
publiés dans les journaux relativement à la tenue de cette
commission parlementaire, la copie des organismes auxquels des lettres ont
été envoyées au niveau des ministères et organismes
relevant du Conseil exécutif, copie de la lettre que j'ai fait parvenir
à 120 organismes qui avaient déjà fait parvenir des
mémoires à la commission Paré ainsi que la liste, bien
sûr, de ces organismes, copie d'autres communiqués de presse
rappelant la tenue de cette commission parlementaire, etc., avec, à la
toute fin, la liste des ministères avec lesquels le groupe de travail du
ministère des Communications a eu des rencontres au cours des mois de
juillet et août. Alors, ce document, qui ajoute à l'information
des membres de la commission, pourra être d'une certaine utilité
pour la poursuite des travaux de la commission.
J'ajoute à cela un autre document qui est la liste des organismes
publics qui ne participeront pas aux travaux de la commission parlementaire;
c'est-à-dire la liste des 120 organismes à qui j'avais
écrit.
II y en a plusieurs parmi ceux-là qui vont se retrouver devant la
commission parlementaire. Il y en a un certain nombre qui m'ont transmis des
accusés de réception; dans certains cas, un bref mémoire;
dans d'autres cas, un mémoire plus élaboré. J'ai donc
pensé qu'il serait intéressant pour les membres de la commission
de rendre accessible l'ensemble de ces réponses. Nous avons
communiqué avec tous les groupes qui nous ont fait parvenir ces
commentaires et ils nous ont donné l'autorisation, bien sûr, de
rendre publics ces documents. Je dépose donc ce troisième
document, M. le Président, pour les membres de la commission
parlementaire et, sur ce, j'inviterais mon collègue, le
député de Westmount, probablement, à dire quelques mots
avant que nous entendions les différents groupes qui ont
décidé de se présenter devant nous pour nous faire
connaître leurs commentaires aujourd'hui.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. Avant
de donner la parole au député de Westmount, je voudrais souligner
aux membres de la commission que ce n'est pas un dépôt de
documents auquel nous assistons ce matin, mais une distribution de documents
que le ministre veut bien donner aux membres de la commission. Tel que le
prévoit notre règlement, il n'y a pas de dépôt de
documents officiel en commission parlementaire.
Pour des remarques préliminaires au nom de l'Opposition, M. le
député de Westmount. (10 h 30)
M. Richard French
M. French: Je vous remercie, M. le Président. On est
frappé de nouveau par le nombre d'arbres qui donnent leur vie pour
alimenter les programmes de publicité du gouvernement. On
apprécie beaucoup la bonne volonté du ministre de nous fournir
autant de données, ainsi que ses bons voeux à l'endroit du
député de Jeanne-Mance. Je veux d'abord exprimer le regret du
député de Jeanne-Mance qui, pour des raisons que nous connaissons
tous, ne peut être avec nous aujourd'hui. En tant que porte-parole des
communications de l'Opposition, le député de Jeanne-Mance a fait
beaucoup de travail en prévision des séances de cette commission
parlementaire. Il est très déçu de ne pas être en
mesure de se mettre à l'oeuvre aujourd'hui et il attend avec le plus
grand intérêt les résultats de nos
délibérations.
Je veux, de la part de l'Opposition officielle, souhaiter la bienvenue
parmi nous à tous les représentants des organismes qui ont pris
la peine d'étudier le rapport de la commission et qui se sont rendus ici
afin de nous aider dans nos propres délibérations. Nous
anticipons avec plaisir l'occasion de vous entendre et de discuter des
propositions qu'a faites la commission à propos d'un régime
d'accès à l'information gouvernementale et de la protection des
renseignements personnels.
Le rapport Paré nous fournit une excellente base de travail. Sans
s'engager à endosser tous les détails du rapport et toutes les
modalités proposées, nous reconnaissons, dans sa clarté,
sa brièveté, la ponctualité avec laquelle il a
été soumis malgré la modestie des ressources, un
modèle du genre.
Le tout est au plus grand crédit des membres de la commission
ainsi que de son personnel. La commission Paré a été
particulièrement perspicace dans son évaluation des
expériences vécues par d'autres "juridictions" et dans sa
décision d'ajouter une proposition de loi en annexe au rapport.
Étant donné la clarté et la sophistication de la
proposition de loi, et étant donné que le ministre s'est
déjà déclaré "un ardent défenseur" des
principes du rapport, nous comprenons que nos travaux cette semaine porteront
surtout sur les considérations très concrètes qui se
dégagent de l'implantation de ces principes dans un contexte
politico-administratif où leur manque s'est avéré
sérieux depuis des années.
Nous comptons sur le ministre pour déposer un projet de loi
devant l'Assemblée nationale cet automne car 90% du travail est fait.
Advenant le cas, nous offrirons notre sincère collaboration. Par contre
un retour à l'attitude dilatoire qui a caractérisé le
gouvernement jusqu'à l'automne dernier serait plus éloquent
qu'une douzaine de professions de foi du ministre.
Quant à nous, cela fait quelques années maintenant que
nous revendiquons l'accès du citoyen à l'information
gouvernementale et la protection des renseignements personnels. Des
propositions à cette fin se trouvent dans notre programme politique.
Cinq points nous paraissent capitaux. Premièrement, les
exceptions au principe général d'accès méritent un
examen scrupuleux car c'est là vraiment que se situe le noeud du
fonctionnement d'un régime de la liberté de l'information. Des
exceptions doivent se limiter aux besoins réels de
l'intérêt public dans la confidentialité gouvernementale et
ne pas se prêter aux abus qui peuvent tenter un homme politique ou un
fonctionnaire.
Deuxièmement, si l'importance des exceptions est facile à
saisir, il s'agit aussi d'un régime où les détails
juridigues ou administratifs peuvent nuire à la vraie mise en
application des grands principes. Les délais à répondre,
la définition d'une application, la publication d'un document où
seulement une partie est protégée par la loi, voilà autant
de détails d'une portée extrêmement significative
malgré leur
caractère apparemment technique et ésotérique.
Troisièmement, nous tiendrons mordicus à ce que cette
réforme soit accomplie sans aucune augmentation budgétaire aux
crédits actuellement alloués aux communications ou ailleurs. On
sait que les dépenses publicitaires du gouvernement
québécois ont monté en flèche. Depuis 1977, la
hausse est de l'ordre de 300%, de sorte que le Québec a sauté du
28e rang qu'il occupait parmi les principaux annonceurs du Canada au
quatrième. Et par l'abondance et par le manque d'objectivité
politique avec lesquelles elles sont souvent effectuées, ces
dépenses représentent autant de ressources potentielles pour un
régime d'accès à l'information gouvernementale et de la
protection des renseignements personnels. Il n'y a donc aucune raison pour
laquelle cette réforme doive augmenter le fardeau du contribuable
québécois. Une simple réaffectation des ressources
s'impose.
Quatrièmement, on sait que le ministre commence à patiner
autour de la question de l'étendue de l'application de la loi, à
savoir, par exemple, si les municipalités devraient être
assujetties ou non à la loi. Nous reconnaissons le défi
d'encadrer dans la trame d'un unique projet de loi la diversité des
institutions visées dans le rapport de la commission Paré.
Cependant, nous sommes persuadés à ce propos qu'il ne faut pas
retarder le dépôt d'un projet de loi ni laisser tomber les
institutions non ministérielles de son étendue. Un projet de loi
déposé cet automne devrait viser toutes les institutions
recommandées par la commission, mais avec des échéanciers
d'un an ou deux pour les organismes qui en démontrent la
nécessité.
Enfin, nous porterons, bien sûr, une attention particulière
à tout ce qui a trait à la protection de la vie privée. Il
s'agit là d'une des préoccupations fondamentales de notre
formation politique. Notre lutte contre le projet de loi 3, qui envisageait un
fichier central de renseignements personnels, et notre programme politique sont
la preuve de nos préoccupations à cet égard. Nous trouvons
que, dans ce dossier, le rapport de la commission Paré n'est pas moins
valable qu'ailleurs et nous n'épargnerons aucun effort pour
l'améliorer davantage afin que le citoyen soit protégé
d'un gouvernement centralisateur et peu soucieux des droits et libertés
individuels.
Le bilan du gouvernement actuel dans les dossiers de l'accès
à l'information et de la protection des renseignements personnels est
celui d'un double discours cynique qui ne se distingue nullement des records
d'autres juridictions. Le gouvernement a toujours été plus
enthousiaste pour l'idée de l'accès à l'information qu'il
ne l'a été pour la réalité d'une loi à ce
sujet. Si les professions de foi du ministre d'aujourd'hui sont fondées,
on serait des plus contents, on retirerait ces paroles. Il n'a jamais
sacrifié ses besoins partisans à court terme au principe de
l'accès public dans le passé. Le moment est venu pour le parti au
pouvoir de se montrer non seulement un parti épris de publicité,
mais aussi un gouvernement de l'information. Jusque là, la fameuse
transparence restera un slogan vide à moins que cette preuve ne soit
faite.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le
député. Maintenant, nous entendrons les représentants de
la Chambre de commerce de la province de Québec. Je demanderais au
porte-parole de s'identifier et d'identifier les personnes qui
l'accompagnent.
Mémoires
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Tremblay (Pierre): Merci, M. le Président. Mon nom est
Pierre Tremblay. Je suis président de la chambre.
M'accompagnent ce matin, à ma gauche: Me John Moody, qui est
directeur de notre service de la législation, M. Pierre Morin, directeur
général aux affaires publiques, M. Jean-Paul Létourneau,
vice-président exécutif de la chambre, et Me Michel Racicot, chef
adjoint des services juridiques à Bell Canada.
Je voudrais vous remercier de nous avoir permis de faire entendre
certains points de vue et je voudrais également vous remercier de
l'accueil qui nous est accordé. Je voudrais souligner également
que les copies d'un bulletin sur la législation que nous publions
régulièrement et qui ont été distribuées
tout à l'heure sont pour une meilleure compréhension de notre
mémoire, puisque nous y référerons un peu plus loin dans
le texte. Je me permettrai de sauter à quelques endroits pour
accélérer la présentation, étant donné qu'il
v a affluence et pour donner une chance un peu à tout le monde de se
faire entendre.
Qu'il me soit permis de vous souligner que notre
fédération compte plus de 200 chambres dans la province de
Québec, regroupant environ 40 000 membres, ainsi que 2700 membres
corporatifs.
Comme nous le soulignons dans notre mémoire, M. le
Président, la chambre est tout à fait d'accord avec les grands
objectifs qui sous-tendent le rapport de la commission, soit la protection de
la vie privée et l'accès aux renseignements gouvernementaux non
confidentiels. Ces préoccupations sont essentielles dans une
société libre.
Permettez-nous, d'ailleurs, d'observer que si le gouvernement est
vraiment sincère et conséquent dans son désir de
protéger la vie privée des citoyens, il devra abroger l'article
523 du nouveau Code de la sécurité
routière qui oblige les médecins à dénoncer
à la Régie de l'assurance automobile du Québec les
déficiences physiques et mentales de leurs patients. Permettre que le
fichier de la régie contienne le répertoire des
déficiences physiques et mentales des citoyens constitue probablement
une plus grande atteinte à la vie privée que les périls
que la commission Paré se propose de prévenir. Les
récentes révélations au sujet de la vente d'information
par le Bureau des véhicules automobiles sont aussi
révélatrices.
Nous croyons cependant, à l'instar de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne, que la
protection de la vie privée est un droit non seulement pour les
personnes physiques, mais aussi pour les personnes morales que sont les
associations, sociétés et compagnies. Or, le rapport de la
commission a négligé ce corollaire.
Les renseignements confidentiels des compagnies sont, à notre
avis, mal protégés. Nous sommes fort surpris et fort
déçus que les commissaires, qui ont pris tant de
précautions pour protéger la vie privée des individus,
aient fait si peu de cas de la protection des renseignements confidentiels des
personnes morales. Sous le régime de la loi proposée par la
commission, les renseignements que les sociétés commerciales sont
forcées de révéler au gouvernement seront moins bien
protégés qu'auparavant. Si le projet de loi est adopté tel
quel, certains documents commerciaux, dont la confidentialité est
vitale, pourront être exposés devant tous et chacun.
Je sauterai un peu plus loin pour dire -dans nos remarques à la
page 5 - que selon l'avant-projet de loi, tous les documents détenus par
le gouvernement seraient publics sauf exception expressément
prévue dans la loi même. L'article 46 stipule même que
toutes les dispositions des autres lois assurant la confidentialité des
documents deviendront sans effet deux ans après l'adoption de la loi.
Ainsi, tous les renseignements fournis par les compagnies en vertu, par
exemple, de la Loi sur les accidents du travail, de la Loi sur l'aide au
développement industriel, de la Loi sur les compagnies, de la Loi sur
les bureaux de la statistique et même les rapports d'impôt
deviendront, en principe, des documents publics accessibles à tous.
La confidentialité de ces documents des compagnies sera
réévaluée par la Commission d'accès aux documents
des organismes publics au cours des deux années suivant l'adoption de la
loi. Mais on risque, la confidentialité étant l'exception, que
plusieurs dispositions actuelles soient abrogées. C'est la commission
qui fera des recommandations au gouvernement, et rien ne garantit que les
personnes intéressées pourront faire valoir leur point de vue
devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale.
L'article 56 précise, en effet, que les représentations se
feront devant la Commission d'accès aux documents des organismes
publics. C'est là une délégation abusive de pouvoir
à des fonctionnaires, a notre avis.
C'est d'ailleurs l'article 46 qui distinque le plus nettement le projet
de loi proposé du projet de loi fédéral sur le sujet.
L'article 25 du projet de loi C-43 stipule au contraire que le gouvernement
doit refuser de communiquer des renseignements qu'une loi interdit de
divulguer. L'interdiction de l'article 25 est catégorique et lie tous
les fonctionnaires.
Nous soulignons ensuite certaines protections accordées par les
articles 27 et 52, évidemment. Nous les citons. À notre avis,
cette protection est insuffisante. D'abord, s'il demeure évident qu'un
rapport d'impôt est un document confidentiel, la confidentialité
de certains autres documents ne sera pas nécessairement évidente
aux yeux du fonctionnaire de service. Si celui-ci ne juge pas un document
confidentiel, il en permettra l'accès sans même en aviser la
compagnie concernée. N'est-il pas inquiétant que le
législateur accorde un tel pouvoir à un fonctionnaire?
Si, d'autre part, le fonctionnaire juge que le document visé
revêt bien un caractère confidentiel, c'est la compagnie
concernée qui devra faire valoir son opposition dans les 20 jours de la
réception d'un avis l'informant d'une demande d'accès. Si elle ne
répond pas à cet avis dans les délais prescrits, elle est
réputée avoir accepté la divulgation des renseignements
demandés. Ainsi, si quelqu'un demande le rapport d'impôt d'une
compagnie et que l'avis est éqaré par la poste ou qu'en raison
d'un déménagement, par exemple, l'avis ne peut être
livré dans les courts délais prescrits, ou encore qu'on
néglige d'y répondre par erreur, alors, des renseignements d'une
valeur inestimable pour la compagnie risquent d'être
divulgués.
Le sort réservé aux personnes morales par l'avant-projet
de loi est donc inacceptable. La seule manière de corriger effectivement
le problème consiste à inclure les personnes morales à
l'article 56, afin qu'elles jouissent de la même protection que celle
accordée aux personnes physiques.
Il importe aussi de protéger les renseignements confidentiels de
nature industrielle, financière, commerciale, scientifique, technique ou
syndicale, en modifiant l'article 52 afin que le consentement explicite et
écrit de la personne morale concernée soit nécessaire pour
qu'un organisme public soit autorisé à les divulguer. (10 h
45)
Puant à l'échange d'information entre les organismes
gouvernementaux, nous notons ceci. Comme un des principaux objectifs de
la proposition de loi est de mettre un frein aux échanges de
renseignements nominatifs entre les organismes gouvernementaux, nous
suggérons que toute entente prévoyant de tels échanges
soit soumise à l'assentiment de l'Assemblée nationale. Le simple
dépôt de l'entente, tel que préconisé par l'article
67, ne nous semble pas une garantie suffisante contre les abus possibles en ce
domaine.
Quant à la composition de la Commission de l'accès aux
documents des organismes publics, la chambre s'oppose fortement à ce que
les décisions de la commission sur une question de fait soient finales
et sans appel. Cette façon de procéder est d'autant plus
inquiétante qu'un membre de la commission peut connaître seul une
demande de révision. Le seul appel possible serait un appel sur une
question de droit, avec la permission de la Cour d'appel. Or, on sait comment
il est difficile d'obtenir cette permission.
Nous recommandons donc que les décisions de la commission
puissent être portées en appel auprès des tribunaux de
droit commun sur toute question de fait ou de droit.
Le problème de l'accessibilité à l'information
actuellement disponible. Comme le fait remarquer le rapport de la commission,
l'accessibilité à l'information gouvernementale est souvent
déjà difficile même quand il n'existe aucune
barrière de confidentialité. En effet, quand il s'agit d'obtenir
rapidement les textes des projets de loi (particulièrement en fin de
session) ou les textes définitifs des lois ou les déclarations
ministérielles ou d'autres documents sessionnels, les
intéressés qui n'ont pas la chance ou la possibilité
financière d'être constamment sur les lieux du Parlement sont
lourdement handicapés, car, pour qui veut réagir rapidement,
l'information en retard équivaut souvent a l'absence d'information. Pour
plusieurs, donc, une accessibilité lente à certaines informations
équivaut en fait à de l'inaccessibilité.
De même, il arrive souvent que l'appareil administratif
gouvernemental ne soit pas capable de répondre aux demandes
d'information dont le citoyen a un besoin urgent. Il y a quelque temps, par
exemple, on ne pouvait se procurer chez l'Éditeur du Québec
même le texte de la loi 17 (santé et sécurité du
travail ni le Code du travail. Cette situation chronique est-elle
admissible?N'est-ce pas là un déni
d'accessibilité? Et nous n'avons pas parlé de
l'accessibilité à l'information gouvernementale du Québec
en langue anglaise. Là aussi, se posent de sérieux
problèmes. Au fond de tout cela, le principal problème
réside dans l'inflation législative et réglementaire qui
entraîne une quantité énorme d'information gouvernementale
à diffuser. Il devient physiquement impossible, même pour le
citoyen le mieux intentionné, ne serait-ce que de parcourir (on ne parle
pas ici de comprendre) toutes les lois et tous les règlements qu'il doit
respecter.
L'accessibilité n'est plus bloquée par la
non-disponibilité; elle est parfois bloquée tout simplement par
la quantité d'information disponible.
Le principal remède à ce mal est que les
législateurs s'autodisciplinent. Entre-temps, on pourrait
améliorer la situation en simplifiant davantage et diffusant mieux
l'information gouvernementale. On pourrait, par exemple, utiliser
l'informatique pour la codification des lois et créer un fichier
informatisé des textes législatifs.
Ajoutons à ce sujet qu'il serait dangereux de permettre, comme le
veut l'article 20 de la proposition de loi, que certains décrets
n'apparaissent pas in extenso dans la Gazette officielle. Cette publication
demeure notre meilleure garantie d'accessibilité.
Nous nous en voudrions de ne pas souligner ici l'heureuse initiative
qu'a eue la commission en incluant à sa proposition de loi les
dispositions de l'article 8, selon lesquelles la loi proposée cesserait
automatiquement d'être en vigueur après cinq ou six ans si elle
n'était pas alors reconduite par l'Assemhlée nationale. La
chambre a toujours préconisé l'adoption de telles dispositions,
communément appelées "sunset clauses", afin d'éliminer les
législations désuètes et inefficaces.
Une autre sorte de solution consisterait à simplifier le jargon
juridique qui constitue une barrière à l'accessibilité de
l'information législative et réglementaire. Nous suggérons
dans les textes réglementaires l'abandon du langage juridigue en faveur
d'un langage semblable à celui des bulletins d'interprétation des
lois fiscales. Ces bulletins auraient force de loi et seraient diffusés
directement dans le public.
Nous suggérons aussi que tout projet de loi soit
accompagné d'une explication vulgarisée et d'une étude
d'impact sur ses conséquences prévues. De telles études
d'impact nous permettraient d'éviter le scénario loufoque que
nous avons observé lors de l'adoption du projet de loi no 11, le
printemps dernier. On avait alors camouflé, dans un projet de loi
hautement technique, certaines dispositions qui changeaient complètement
le mode de financement des écoles privées et qui
menaçaient même la survie de ces institutions. À la veille
de l'adoption du projet en commission parlementaire, même le ministre et
ses hauts fonctionnaires n'arrivaient pas à évaluer son
véritable impact financier. Il a fallu mettre sur pied un comité
ad hoc pour étudier la question. Si les hauts fonctionnaires qui ont
passé des mois à étudier un projet de loi
n'arrivent pas à saisir tous ses aspects importants, comment
voulez-vous que le public puisse en saisir toutes les conséquences? La
préparation d'études d'impact permettrait d'éviter
pareilles situations.
Voici maintenant quelles sont nos conclusions et nos recommandations. La
Chambre de commerce du Québec approuve les objectifs de la proposition
de loi de la commission Paré et le but du présent mémoire
est de présenter des suggestions constructives pour améliorer les
propositions de la Commission sur la protection des renseignements
confidentiels.
En effet, la confidentialité des documents des compagnies serait
gravement menacée si la proposition de loi était retenue telle
quelle. La chambre demande que les documents des compagnies soient
traités avec le même égard que l'on porte aux documents
concernant les personnes physiques.
Sur cette question ainsi que sur certains sujets connexes, nos
principales recommandations peuvent être résumées comme
suit: 1- que soit acceptée la proposition de loi de la commission
Paré, mais amendée de manière que les renseignements
confidentiels des personnes morales jouissent de la même protection que
les renseignements confidentiels concernant les personnes physiques; 2- que
soit biffé l'article 46 de la proposition de loi, qui abroge a priori
toutes les dispositions de confidentialité d'autres lois; 3- que le
qualificatif "physique" soit biffé de l'article 56, afin que les
personnes autant morales que physigues jouissent de la protection de leurs
renseignements confidentiels; 4- qu'un organisme public ne puisse divulguer des
renseignements confidentiels de nature industrielle, financière,
commerciale, scientifique, technique ou syndicale, sans en avoir obtenu au
préalable l'autorisation écrite de la personne concernée
et que l'article 52 soit modifié en conséquence; 5- que soit
soumis à l'assentiment de l'Assemblée nationale tout projet
d'échange de renseignements nominatifs entre organismes publics et que
l'article 67 soit modifié en ccnséquence; 6- que les
décisions de la Commission de l'accès aux documents des
organismes publics, sur toute question de fait ou de droit, puissent être
portées en appel auprès des tribunaux de droit commun; 7- que
soit ralenti et simplifié le flux des nouvelles lois et nouveaux
règlements et que des moyens modernes soient étudiés pour
codifier et diffuser efficacement les textes existants; 8- que l'article 20 de
la proposition de loi soit modifié pour maintenir l'obligation du
gouvernement de publier tout décret in extenso dans la Gazette
officielle; 9- que le jargon législatif soit vulgarisé et que des
bulletins d'interprétation ayant force de loi expliquent en langage
ordinaire le contenu des règlements; 10- que tout projet de loi soit
accompagné d'une explication vulgarisée et d'une étude
d'impact.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
telles sont les grandes lignes de nos réflexions faisant suite à
l'analyse que nous avons faite du rapport de la commission Paré,
commission que nous aimerions féliciter à notre tour pour la
qualité, l'excellence et la rapidité du travail
exécuté. Nous croyons devoir la féliciter
sincèrement.
Ce bulletin sur la législation que nous publions depuis plusieurs
années est chez nous un effort de vulgarisation pour nos membres et nous
sommes informés que mêmes plusieurs cabinets d'avocats et notaires
au Québec sont souvent très heureux d'en prendre connaissance.
C'est un effort que nous poursuivons avec de maigres ressources mais qui se
veut un effort de vulgarisation et surtout de meilleure compréhension
face à la multitude de lois et règlements qui sont publiés
dans l'ordre de notre présentation au cabinet il y a un an. Nous avions
déposé devant les membres du cabinet la pile physique des lois et
règlements de l'année et, si ma mémoire est bonne, cela
excédait vingt pouces de haut, et c'était la production d'une
seule année, d'où le besoin d'une codification de plus en plus
efficace et rapide, ce que nous proposons. En terminant, vous comprendrez qu'il
est de notre responsabilité et de notre devoir de faire un appel
particulier pour et au nom des personnes morales, puisque, même si, dans
notre cas, nous regroupons un grand nombre d'individus dans le secteur
économique que nous représentons, les personnes morales ont aussi
une très grande importance et vous comprendrez que la
confidentialité est d'une très grande importance dans certains
cas et c'est pourquoi nous avons voulu soulever le problème.
Nous vous remercions de votre accueil et nous sommes à votre
disposition, mes collègues et moi, pour toutes questions que vous
aimeriez nous poser et, avec votre permission, M. le Président, vous
comprendrez qu'étant un président bénévole et
forcément à temps partiel, il puisse m'être
nécessaire à l'occasion de faire appel à nos
collègues de la permanence de la chambre.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre des
Communications.
M. Bertrand: Merci, M. Tremblay. Je voudrais souligner d'abord
à quel point je
trouve plaisant de discuter avec un président de la Chambre de
commerce qui oeuvre dans le milieu des communications et vous dire aussi que,
comme ministre des
Communications, je trouve que cette idée que la Chambre de
commerce de la province de Québec a de publier périodiquement un
bulletin sur la législation provinciale est certainement une idée
fort appréciée par les membres de la Chambre de commerce. Je le
feuilletais, tout à l'heure, et me rendais à l'évidence
que vous y donnez des renseignements de nature tout à fait objective
pour permettre à vos membres de se retrouver à travers cette
succession de lois que nous adoptons et très souvent l'effort de
vulgarisation et d'explication, n'est peut-être pas suffisamment bien
accompli.
Je vous remercie aussi pour l'accord de principe que vous
réitérez aux grandes conclusions de la commission Paré.
Vous soulevez un certain nombre de problèmes qui, bien sûr, sont
particulièrement reliés aux groupes que vous représentez.
Il y a toute cette question, entre autres, des personnes morales. Je voudrais
vous entendre développer un peu plus cette notion de protection des
renseignements que le gouvernement, que les ministères ou que les
différents organismes oubliés pourraient détenir sur les
personnes morales et savoir de votre part, premièrement, si vous n'avez
pas le sentiment que des membres de ces compagnies qui courraient avoir, ici au
gouvernement dans l'un ou l'autre ministère, des documents qui sont
jugés de nature confidentielle, ne pourraient pas, sur le plan
individuel, accomplir une démarche pour s'assurer de la protection du
caractère confidentiel des données que nous avons et s'assurer
aussi de l'exactitude des informations qui sont contenues dans ces documents et
dans les renseignements que nous détenons relativement aux personnes
morales. C'est le premier aspect de ma question.
Deuxième aspect de la question, j'aurais beaucoup aimé
entendre la Chambre de commerce - c'est une question qui débordre un peu
votre mémoire - dire un certain nombre de choses relativement à
l'extension d'une éventuelle loi sur l'accès à
l'information pour les sociétés d'État. Je sais que vous
ne représentez pas les sociétés d'État, mais vous
représentez des organismes, des entreprises, des personnes morales qui
oeuvrent dans le domaine de l'industrie, du commerce et de la finance et qui,
à l'occasion, sont placés en situation de concurrence avec des
sociétés d'État. Je voudrais savoir, premièrement,
si vous trouvez qu'il est normal et souhaitable que le gouvernement aille
jusqu'au bout pour que la loi puisse rejoindre les sociétés
d'État en ce qui concerne l'accès aux documents oubliés.
(11 heures)
Deuxièmement, il n'y a aucune obligation qui est faite dans la
proposition de loi à ce sujet, concernant l'entreprise privée.
Or, je pose la question très simplement. Qui aura intérêt,
entre autres choses, à aller chercher des renseignements ou avoir
accès à des documents détenus par SIDBEC,
société d'État, sinon par exemple, une compagnie comme
Stelco, entreprise privée?
J'aimerais connaître votre réaction face à ce
problème qui m'apparaît réel et qui doit être
analysé à son mérite. Et à l'inverse, les
commissaires nous demandent dans leur rapport - non pas au niveau de la
proposition de loi, mais dans le rapport -d'analyser, au cours des prochains
mois, des prochaines années, la possibilité d'introduire ce
concept de démocratie économique qui ferait que les entreprises
privées, elles aussi, comme les syndicats, pourraient être
amenées éventuellement - vous allez me dire que je fais un peu de
prospective - à voir les documents qu'elles détiennent rendus
publics...
Voilà un certain nombre de questions que j'aimerais vous adresser
et sur lesquelles j'aimerais connaître votre opinion.
M. Tremblay (Pierre): M. le ministre, M. le Président, je
me permettrai une couple de remarques personnelles, puis je demanderai à
mes collaborateurs d'ajouter les leurs dans un instant.
Si vous analysez la politique de notre groupement, nous sommes
totalement dédiés à la promotion des intérêts
privés. Notre mémoire de cette année, remis au cabinet il
y a à peine quelques mois, soulignait notre désir de voir le
gouvernement s'engager dans une opération de
désétatisation.
Nous croyons et considérons que la dimension de l'État est
rendue à un point tel qu'il nous faut alléger un peu et que, dans
plusieurs domaines, le secteur privé pourrait accomplir des tâches
qui ne lui sont pas présentement confiées. De la même
façon, en ce qui nous concerne, nous avons tendance à
considérer que les sociétés d'État, dans leurs
opérations, doivent être considérées comme des
sociétés privées.
Il existe déjà un grand nombre de mécanismes,
règlements, lois, permettant à un actionnaire d'obtenir des
informations de sa compagnie et je ne crois pas qu'il soit dans
l'intérêt public d'ouvrir tout à tout le monde.
Il y a aussi les demandes que voudraient avoir des personnes ou des
individus non rattachés à des entreprises privées. Notre
style, notre système de fonctionnement fait qu'un certain nombre de
données d'information sont, de leur nature même, très
confidentielles. Les procédés de fabrication, les recettes, de
par leur nature,
constituent un actif pour un grand nombre d'entreprises et, par
conséquent, doivent être protégés, sous peine de
faire tomber tout le système de libre entreprise et de libre concurrence
dans lequel nous vivons.
Qluant à votre première question, M. le ministre, je pense
que mon collègue, M. Morin, pourrait apporter quelques points de vue.
Mais encore une fois, avant de lui céder le micro, ie voudrais bien
spécifier que l'occasion était unique de faire valoir ce point de
vue qui concerne les sociétés morales, les personnes morales,
parce qu'il est peu probable qu'avant un certain temps, il faudra un certain
temps pour ajouter cette notion à un projet de loi comme celui que vous
étudiez, si cela n'est pas inclus maintenant. De plus, nous voudrions
protéger les personnes morales. Et comme vous avez remarqué, nous
avons voulu y donner une extension la plus considérable possible, pour
inclure le secteur scientifique, professionnel et nous avons même dit
syndical, ce qui n'est pas très fréquent chez nous, le fait de
prendre la défense de ce secteur de notre société, mais
nous avons cru devoir le faire dans un effort d'être aussi complet et
aussi général que possible.
J'inviterais M. Morin, avec votre permission, à faire quelques
commentaires additionnels.
M. Morin (Pierre): M. le Président...
M. Bertrand: Avant que M. Morin réponde à cette
question sur les personnes morales, M. Tremblay, vous m'avez semblé
indiquer qu'étant donné que, dans votre esprit de chambre de
commerce, les sociétés d'État doivent avoir les
mêmes objectifs de rentabilisation que l'entreprise privée en
général, étant donné votre conception d'ailleurs
sur les sociétés d'État en général, - vous
considérez peut-être qu'il y en a trop, que l'État
intervient dans trop de secteurs économiques, etc. - ai-je bien compris
que, dans votre esprit, la loi ne devrait pas couvrir les documents
détenus par les sociétés d'État à cause du
contexte de concurrence dans lequel elles sont placées?Je
pense au cas typique de SIDBEC versus Stelco. Est-ce bien le sens de votre
réponse?C'est ce que je voudrais savoir.
M. Tremblay (Pierre): À notre avis, les
sociétés d'État devraient être totalement
assimilées aux entreprises privées. M. le ministre, vous
mentionnez l'exemple de SIDBEC; il y a certainement, à certains moments,
des négociations qui sont en cours, des ententes qui peuvent se faire.
Évidemment, d'autres lois et règlements demandent à ces
sociétés d'État de faire rapport aux élus ou au
gouvernement, mais que tous leurs documents ou qu'un grand nombre de leurs
documents puissent et deviennent automatiquement publics nous apparaît
danqereux. D'ailleurs, vous savez, chaque fois que nous avons à traiter
de la question des sociétés d'État, nous aimons bien les
voir assumer les mêmes obligations et les mêmes
responsabilités que nos sociétés privées. Je ne
voudrais pas, en disant cela, qu'on glisse sur un terrain qui est très
chaud ces jours-ci concernant une grande société d'État au
Québec, mais si elles sont conçues pour fonctionner comme les
entreprises privées, elles devraient être des entreprises
privées. À ce point de vue, il y a peut-être des taxes
qu'elles peuvent payer, mais je ne pense pas que ce soit leur rôle d'en
percevoir. C'est une autre prise de position de notre organisme.
M. Marx: M. le Président, je voudrais seulement poser une
petite question. L'Opposition a les mêmes droits que le gouvernement?
D'accord. Le ministre semble favorable à une distinction entre une
personne morale et une personne physique. Il me semble que souvent la
distinction entre une personne morale et une personne physique est une
distinction sans différence. Je m'explique. Il arrive souvent que les
personnes physiques s'incorporent, si je peux m'expliquer de cette
façon, et qu'une seule personne forme une corporation. Donc, je ne vois
pas la différence entre une seule personne qui s'incorpore et une
personne physique. Effectivement, c'est la même chose dans beaucoup de
cas. Mais j'aimerais que la chambre discute de cette question, parce qu'elle a
beaucoup d'expérience, j'imagine, dans ce domaine.
M. Bertrand: M. le Président, je veux dire au
député que ce n'est pas moi qui fais la distinction entre les
personnes morales et les personnes physiques. C'est la chambre de commerce qui
nous invite à faire la distinction et à faire en sorte que,
lorsqu'on parle de personnes physiques, dans son esprit, c'est un type de
personne qui est couvert et elle voudrait qu'on introduise cette donnée
qui est celle des perspnnes morales. Ce n'est pas moi qui fais la distinction.
C'est la chambre qui nous invite à voir qu'il y a une distinction et que
la loi ne couvre pas les personnes morales. Elle voudrait que la loi couvre les
personnes morales.
M. Marx: Donc, vous voulez que les personnes morales ne soient
pas couvertes.
M. Bertrand: Je veux comprendre pourquoi la chambre de
commerce... Moi, ce que je leur dis, justement, c'est un peu dans le sens de ce
que vous dites comme député. Puisque, de toute façon,
personne physique, personne morale, derrière des personnes morales il y
a souvent des personnes physiques qui sont incorporées
elles-mêmes,
pourquoi la chambre de commerce insiste-t-elle pour que la notion de
personne morale soit clairement indiquée à l'intérieur de
la loi? Est-ce qu'il n'y a pas possibilité, par les mécanismes
déjà prévus dans la loi, que ce qu'elle appelle des
personnes morales puissent s'assurer de la protection des renseignements
confidentiels, au même titre que les personnes physiques?
M. Morin (Pierre): En fait, M. le Président, si vous me
permettez, cela pourrait répondre directement à la question en
cours. Ce que nous souhaitons, c'est que la loi, si elle devait être
adoptée, ne fasse pas de distinction entre la personne morale et la
personne physique. On se base sur les dix premiers articles de la Charte des
droits et libertés de la personne qui confère à la
personne certains droits dont, entre autres, la jouissance de la vie,
l'intégrité de sa propriété, de son foyer et tout
cela. Ces droits s'appliquent indifféremment à la personne morale
et à la personne physique. Or, l'avant-projet de loi fait une
distinction entre les personnes physiques et les personnes morales, se justifie
d'une argumentation pour la protection des personnes physiques et limite cette
protection aux documents confidentiels, aux documents nominatifs des personnes
physiques.
C'est précisément ce que l'on souliqne à cette
commission: En vertu de la Charte des droits et libertés de la personne,
cette protection est accordée aussi bien aux personnes physiques qu'aux
personnes morales; cependant, l'avant-projet de loi, lui, fait une distinction.
Nous voudrions, entre autres, que cette distinction soit abolie. Autrement dit,
que les documents confidentiels ou nominatifs touchant toutes les personnes
sans qualificatif soient protégés dans le contexte de la
protection des renseignements personnels. J'espère que ce point peut
répondre aux interrogations des membres de la commission.
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, une
autre intervention en référence à une question du ministre
au sujet d'introduire le concept de démocratie, d'ouverture ou
d'information à tout ce qui s'appelle entreprise privée. Le
gouvernement perçoit déjà une multitude d'informations de
l'entreprise privée. Le gouvernement est le juge ultime de
l'intérêt public. Il reçoit beaucoup d'informations sur la
personne morale qu'on appelle entreprise privée. Il peut, selon ce qu'il
voit, prendre certaines décisions, publier certaines informations. Il le
fait déjà de manière reqroupée, de sorte qu'il ne
dévoile pas des informations spécifiques à certaines
entreprises, mais nous ne croyons pas qu'il soit d'intérêt public
que le gouvernement dévoile toute l'information qu'il possède sur
les entreprises privées.
Au sujet de cette intention d'aller plus loin dans le
dévoilement, nous voulons bien exprimer notre pensée sur ce
sujet, à savoir que nous doutons qu'il soit d'intérêt
public de dévoiler tout ce que le gouvernement connaît par les
informations qu'il reçoit sur l'entreprise. C'est pourquoi, dans la
proposition de loi, nous nous inquiétons du fait qu'étant
donné la multitude des informations que recueille le gouvernement on
dise tout à coup: Après deux ans toutes les lois qui n'auront pas
été revues seront réputées ne pus protéger
la confidentialité des personnes. Nous préférerions
l'approche fédérale qui dit: Nous allons d'abord adopter les
principes selon lesquels on va ouvrir, on va implanter la transparence et,
ensuite, nous allons considérer une à une chacune des lois
où la confidentialité est prévue et, selon le cas, on va
oui ou non l'ouvrir ou permettre de continuer la confidentialité. C'est
une approche qui nous apparaît tout à fait logique.
Lorsque la commission Paré recommande que, tout à coup,
tout ce qui n'a pas été protégé devienne ouvert,
nous croyons qu'on pourrait facilement oublier des choses importantes sans
même s'en rendre compte, tellement est considérable le nombre de
lois et règlements. On ferait mieux de les ouvrir en les examinant et
non pas de les déclarer toutes ouvertes à un moment donné,
même si on n'a pas fini d'en faire l'examen exhaustif.
M. Morin (Pierre): M. le Président, me permettriez-vous
simplement d'illustrer ça par un exemple très bref? Le service
général des achats du gouvernement du Québec
procède réqulièrement à des appels d'offres publics
pour la fourniture de biens ou leur fabrication. Ces documents sont fournis au
gouvernement. En l'occurrence, ils pourraient être
considérés comme étant des documents confidentiels, mais
non protégés, c'est-à-dire qu'on pourrait demander de les
libérer et de les fournir à quelqu'un d'autre. Or, la plupart de
ces documents, en plus de demander une information extrêmement
détaillée sur le soumissionnaire, que ce soit une personne
physique ou une personne morale, vont aussi demander des détails
très complexes et très complets sur les procédés de
fabrication, comment on arrive au prix, sur la situation financière de
l'entreprise, essentiellement une entreprise ou un soumissionnaire se met
à nu. Vous pouvez fort bien voir que, même s'il ne s'aqissait pas
pour une tierce partie de soumissionner auprès du gouvernement, mais
simplement de lui faire concurrence dans d'autres domaines ou voir comment il
pourrait améliorer ses propres procédés de fabrication de
façon à mieux concurrencer cette entreprise, il lui serait alors
facile de faire appel à ces documents réputés publics,
que devrait lui fournir, à ce moment-là, le
préposé à l'information. Voilà que tous et chacun
pourraient obtenir des renseignements sur cette entreprise ou un groupe
d'entreprises, à savoir ses secrets de fabrication, même ses
secrets d'administration. (11 h 15)
M. Bertrand: Vous admettrez avec moi qu'il y a déjà
l'article ?7 qui est prévu dans la proposition de loi qui dit que "un
organisme public ne peut communiquer un renseignement industriel, financier,
commercial, scientifique, technique ou syndical - pour revenir à cette
expression chère au président - de nature confidentielle fourni
par un tiers et traité de façon constante comme confidentielle,
sans le consentement de ce tiers. "
M. Morin (Pierre): Oui.
M. Bertrand: II y a quand même là un article...
M. Morin (Pierre): Sauf que vous verrez un peu plus loin que ce
consentement peut fort bien s'obtenir par défaut et c'est justement la
troisième partie.
M. Tremblay (Pierre): Cela, c'est un autre point majeur.
M. Létourneau: L'article 52 est très fragile, M. le
Président, la protection est extrêmement fragile avec l'article
52. Il faudrait qu'il y ait permission écrite de la personne, de
l'entreprise concernée et pour laquelle on juge, a priori, que le
renseignement est confidentiel, n'est pour ça qu'on communique avec
cette entreprise et, à ce moment-là, il suffit que l'avis
s'égare, qu'il ne soit pas reçu par la bonne personne, que cette
personne soit absente ou en vacances et tout à coup, simplement parce
qu'il n'y a pas eu réponse, l'entreprise est réputée avoir
accepté. Franchement, c'est une protection très fragile, trop
fragile.
M. Racicot (Michel): II y a peut-être une deuxième
faiblesse, M. le Président, à l'article 52, c'est que, pour que
le mécanisme de l'article 52 soit mis en branle, il faut d'abord qu'un
fonctionnaire décide que le document est susceptible de contenir un
renseignement qui est visé à l'article 27. Cette
discrétion du fonctionnaire nous apparaît hautement dangereuse. Je
pense que ce qu'il faudrait peut-être, c'est de laisser tomber cette
discrétion et dire que, dans tous les cas où on demande des
renseignements qui ont été fournis par un tiers, on donne un avis
au tiers, et qu'il puisse se faire entendre dans tous les cas.
M. Bertrand: Brièvement, je vais résumer
là-dessus, et je veux dire ceci à la chambre de commerce -
d'ailleurs, vous ne serez pas le seul organisme à revenir
continuellement à cette notion de tiers, il y a plusieurs des
mémoires qui vont nous parler de cette notion. Quand le tiers
accorde-t-il son consentement? Quand le fonctionnaire porte-t-il le jugement
sur le caractère confidentiel ou pas? Comment le fonctionnaire
s'enquiert-il auprès du tiers, par quelle modalité d'application
de sa volonté rend-il public ou pas le document? Il y a là un
problème très sérieux, mais ce que je veux signaler, c'est
que, si on veut une loi d'accès à l'information gouvernementale
qui couvre l'ensemble des organismes publics dont il est fait mention, il faut
se dire qu'il y a une foule de documents qui appartiennent à ces
organismes publics et qui viennent de tiers.
Alors, il ne faudrait pas non plus, en voyant le problème,
trouver une façon habile de contourner la difficulté en rendant
tout à fait inaccessible tout document possédé par les
organismes publics et qui proviennent d'un tiers.
M. Létourneau: M. le Président, il faudra sans
doute bien examiner l'aspect intérêt public. Ce que nous voulons
prévenir, c'est que, surtout pour des fins d'intérêt
privé, cette transparence existe alors qu'il n'y a pas vraiment
d'intérêt public à ce que les gens connaissent un tas de
choses, un tas de détails sur des entreprises et leur fonctionnement.
Par ailleurs, le danger est grand que ça serve strictement les fins
d'intérêt privé, finalement.
M. Bertrand: Vous posez là le problème très
précis - je laisserai ensuite la parole à mon collègue de
Westmount qui a sans doute l'intention de poser ses questions - entre autres,
d'un syndicat. Prenons le syndicat de la boulangerie Vaillancourt à
Québec.
M. Tremblay (Pierre): Vous n'auriez pas un exemple de compagnie,
M. le ministre, on serait plus familier.
M. Bertrand: Vous allez voir, je vais venir à la compagnie
très rapidement. La Société de développement
industriel détient un certain nombre de documents qui ont
été présentés par la compagnie Samson, le groupe
Samson, et qui font état d'un ensemble d'informations de toute nature,
financière, commerciale, plans de développement, etc. Il y a
fermeture tout à coup. Le syndicat veut obtenir auprès de la
Société de développement industriel des documents qui ont
été produits par le groupe Samson pour essayer de comprendre un
peu mieux dans quel contexte toutes ces décisions ont été
prises, dans quel contexte le gouvernement lui-même avait pris ses
décisions relativement à l'allocation de certains
prêts pour le développement du groupe Samson.
Il y a là un problème très concret, très
réel, qui pourrait être vécu. Vous avez justement le
problème des tiers qui est posé. Vous avez justement ce
problème des documents de nature commerciale, financière,
scientifique, technique, etc., sur lesquels un fonctionnaire, à un
moment donné, devrait prendre une décision sur le
caractère confidentiel ou pas, et ensuite, établir une
procédure sur la façon de rendre publics ou de ne pas rendre
publics, si c'est le cas, des documents qui justement auraient
été demandés par la partie syndicale. C'est un cas
très concret. C'est là que je vous dis que, sur les principes sur
lesquels vous dites depuis le début être d'accord, on tombe
maintenant dans l'application. C'est sur l'application qu'on va se faire
évaluer, non pas sur les principes.
M. Tremblay (Pierre): M. le Président, je voudrais dire
à M. le ministre, en commençant, que je suis un peu
embarrassé puisque le groupe Samson est un client de la firme que je
possède et que, par conséquent, votre exemple m'embarrasse
doublement.
M. Bertrand: C'est un hasard, je ne le savais vraiment pas.
M. Tremblay (Pierre): À ce sujet, en toute franchise, je
vais laisser mes collègues répondre. Cela va être
clair.
M. Bertrand: Conflit d'intérêts:
M. Morin (Pierre): C'est délicat: À cet effet,
précisément, dans le contexte où le mentionne M. le
ministre, l'article 42 dans le chapitre des renseignements reliés
à la prise de décision au sein des organismes publics est
particulièrement éloquent. Autrement dit, dans ce cas, un
organisme public peut refuser de communiquer une recommandation que lui a faite
un organisme qui en relève ou qui l'a faite à un autre organisme
public, jusqu'à ce que la décision finale sur la matière
faisant l'objet de la recommandation ait été rendue publique par
l'autorité compétente. Il y a déjà là une
protection pour l'organisme public sensiblement dans le même sens que
l'indique l'exemple de M. le ministre. On voit mal pourquoi, tout en acceptant
les principes directeurs du rapport Paré et étant d'accord avec
cet article, il ne pourrait pas se transposer de la même façon
dans l'exemple que vient de citer le ministre.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Je voudrais continuer à essayer de clarifier
les sources d'inquiétude que ressent la chambre de commerce. Il y a
d'abord l'article 46 qui doit lui faire chaud au coeur, il me semble, parce que
c'est une espèce de "sunset law" - peut-être que je me trompe sur
le chiffre précis - c'est la clause qui laisse tomber toute autre
protection de renseignements dans d'autres lois d'ici deux ans, mais c'est un
genre de "sunset law" que n'aime pas la chambre de commerce, parce que...
M. Bertrand: Vous avez raison. M. Morin (Pierre): Je
m'excuse.
M. French: J'ai remarqué cela. Je lis cette clause et je
voudrais avoir des précisions, même si ce n'est pas une mesure
gouvernementale. Je vois cette clause comme une incitation absolue au ministre
resoonsable de l'administration de ces lois de réexaminer les besoins,
de revenir à la charge avant l'échéancier en question et
de justifier précisément ce besoin de confidentialité ou
non. Je pense déceler deux autres inquiétudes. La
deuxième, c'est que la protection des renseignements
déposés au gouvernement et l'interrogation d'un tiers qui a
déposé ce renseignement, quand une application vise ces
données, sont insuffisantes. Entre autres, vous voudriez qu'une
permission écrite soit déposée auprès du
gouvernement avant que le document soit oublié.
Le troisième problème - je ne suis pas sûr du tout
si c'est bien un problème ou non - c'est l'exception comme telle qui est
censée être, la première ligne de défense des
intérêts commerciaux dans le régime. L'article 26 est
insuffisant en soi. Est-ce que c'est juste, ces trois... C'est celui qu'a lu le
ministre tantôt.
M. Morin (Pierre): Les articles 26 et 52. En fait, l'article 26
donne un pouvoir de jugement individuel à quelqu'un de déterminer
si c'est confidentiel ou non une fois qu'on aura déterminé... Si
on détermine que ce n'est pas confidentiel, le fonctionnaire, le
préposé peut laisser aller l'information.
M. French: D'abord, M. Morin, sur ce sujet, je pense qu'il s'agit
- les avocats ici, les anciens des facultés de droit à ma gauche
et devant moi vont me corriger -pour les fonctionnaires de prendre des
décisions au nom du ministre. On est toujours dans la démocratie
britannique. C'est donc une décision qui relève de la
responsabilité individuelle du ministre. Elle peut être prise par
un commis, elle peut être prise par un sous-ministre, on ne sait pas
comment, mais la responsabilité demeure celle du ministre.
L'évocation d'un
fonctionnaire anonyme quelque part qui veut faire tort à
quelqu'un ou qui n'a pas assez de jugement, cela relève toujours de la
responsabilité du ministre. On ne donne pas le pouvoir au fonctionnaire
qui ne l'a pas déjà d'agir au nom du ministre.
M. Morin (Pierre): II faudrait préciser que dans le texte
de loi ce n'est pas le ministre qui est en cause, c'est la commission...
M. French: Je m'excuse, ce n'est pas du tout la commission qui
prend une décision au sein du ministère.
M. Bertrand: Je pense que le député de Westmount a
raison, ce dont on parle, c'est de la personne qui, dans les organismes, aurait
la responsabilité de rendre publics les documents. Le
député pose la question. Cela peut être quelqu'un qui a
tout intérêt, pour des raisons diverses, de rendre public un
document ou de faire tort à quelqu'un. Je voudrais simplement signaler
que, dans la proposition de loi, il est très nettement fait mention que
la personne qui a la responsabilité de rendre accessible les documents,
c'est la personne en autorité, la personne...
M. French: Le ministre m'a mal compris aussi...
M. Bertrand: La délégation.
M. French:... parce que je n'ai pas posé cette question.
J'ai pu le déceler dans la présentation de la chambre. Au
contraire, j'ai voulu dire que c'est toujours la responsabilité du
ministre. On ne peut que présumer, en faisant des ébauches de
loi, qu'il y a une bonne volonté et une compétence minimale de la
part de la personne qui l'administre. J'ai un peu peur de l'évocation de
ce fonctionnaire qui n'est pas capable et la loi lui donne un pouvoir qu'il ne
devrait pas avoir. Cela me rend nerveux, parce que je pense qu'alors on est
fini, parce qu'on n'a plus confiance à qui que ce soit. En
démocratie parlementaire, dans le fond, c'est le ministre qui est
responsable et ce sera toujours le ministre, ou bien dans le cas d'un organisme
non ministériel... Pourquoi la désignation du
préposé? C'est pour les fins d'accès au public, parce que
le public doit savoir à qui faire sa demande. Mais cela ne lui donne pas
un pouvoir spécial devant la loi, c'est une exigence que l'organisme ou
le ministère désigne quelqu'un pour que le public puisse savoir
avec qui transiger dans le régime.
M. Morin (Pierre): Effectivement, il n'y a pas tellement une
différence; on accepte que la responsabilité soit
ministérielle, même si elle est exercée par
délégation par une personne désignée, mais cela ne
change pas le fond du problème, parce que le fond du problème,
c'est qu'il y a une question de jugement qui est sans appel.
M. Tremblay (Pierre): Sans appel, c'est ce que l'on n'aime
pas.
M. Morin (Pierre):... dans les faits.
M. French: Je voudrais revenir à cela, mais est-ce qu'on
peut passer à travers les trois questions que j'ai soulevées?
À l'article 46, quelle est votre réaction à ma perception,
savoir que, dans le fond, c'est une "sunset law", mais c'est une "sunset law"
que vous n'aimez pas pour des raisons tout à fait valables
peut-être, mais...
M. Létourneau: Ce n'est pas une "sunset law", c'est une
décision à laquelle un principe va s'appliquer "at large". C'est
l'ouverture de l'application.
M. French: Mais cela laisse tomber les articles de la loi; si ce
n'est pas une "sunset law", je ne sais pas ce que c'est.
M. Morin (Pierre): D'accord, mais dans ce sens, c'est une clause
crépusculaire qui coupe et qui dit: Cela ne s'applique plus, mais...
M. Bertrand: Voilà du bon français.
M. Morin (Pierre):... elle n'a pas cette mesure d'incitation que
le député lui prête.
M. French: D'accord, c'est cela, je voudrais en entendre parler
de cela.
M. Morin (Pierre): Nulle part n'y a-t-il à l'article 46,
la mesure d'incitation au niveau des chefs des ministères de
décider rapidement en dedans du délai de deux ans des documents
qui demeurent confidentiels, ceux qui sont visés... autrement dit, ceux
qui sont actuellement protéqés, comme au bureau de la statistique
au ministère du Revenu, il n'y a pas d'incitation pour les chefs de
ministères de faire rapidement une révision. On dit simplement:
En dedans de deux ans, les lois qui n'ont pas été
révisées effectivement n'offrent plus la protection à ceux
qui les offrent. Le corollaire à cela -M. le Président, c'est ce
que je voudrais faire remarquer au député - c'est que les
citoyens, les contribuables sont obligés, sous peine d'amende, de
fournir une foule de renseignements à l'État. Alors, je suis tout
à fait d'accord; autrement dit, je m'entendrais bien pour dire que cet
article prenne effet dans la mesure où il y a un corollaire du genre: Le
gouvernement ne peut exiger aucun renseignement du contribuable ou du
citoyen.
À ce moment là, vous commencez à avoir quelque
chose qui offre à la fois l'accès et la liberté de fournir
des renseignements à l'État, et la question de jugement sera avec
celui qui dispose du renseignement à savoir s'il l'a fourni ou non. (11
h 30)
M. Racicot: Puis-je ajouter une remarque? Il me semble que
l'article 156 donne une garantie suffisante qu'il y aura une révision de
toutes ces lois, puisque la commission doit étudier les dispositions des
lois visées, entre autres, à l'article 46, doit entendre les
représentations des personnes intéressées et faire au
ministre responsable de l'application de cette loi des recommandations sur
l'opportunité d'en maintenir l'application ou de les modifier. L'article
46 risque peut-être de s'appliquer automatiquement sans que le
mécanisme de l'article 156 ait pu être utilisé et que
l'article 46 puisse même avoir effet parce que, par pur accident, on
n'aura pas pu présenter un projet de loi pour maintenir certaines
dispositions prévoyant la confidentialité. Il me semble que
l'article 156 respecte peut-être plus le modèle de
démocratie, de transparence que la commission Paré
préconisait et présente des garanties suffisantes que tout cela
sera réexaminé sans qu'on ait besoin d'avoir recours à
l'article 46. C'est pourquoi nous recommandons que l'article 46 soit
biffé.
M. French: Maintenant, la deuxième, c'était 52; on
va en parler plus longuement pendant le déroulement de la séance.
Donc, on va laisser tomber cela pour le moment parce qu'on est un peu
pressé.
L'article 26 et les autres protections, exception simple, ce que j'ai
caractérisé comme la première ligne de défense, si
vous voulez, vous n'avez pas de suggestions à faire parce que votre
solution, c'est de transférer les personnes morales dans la
catégorie des personnes physiques. Les juristes parmi vous me
corrigeront, mais cela me semble un très mauvais dessein de
législation que de confondre une partie de loi qui est destinée
ou conçue dans le contexte des renseignements personnels et d'y ajouter
toutes les compagnies. On sait très bien, tout le monde autour de la
table, que c'est écarter totalement l'effet de la loi sur les
renseignements que les entreprises privées auront à
déposer auprès du gouvernement. Il me semble que c'est une
solution radicale à un problème que vous n'avez pas encore
démontré comme étant vraiment radical. Vous n'êtes
pas d'accord, M. Morin?
M. Bertrand: Quand on parle du mandat, on parle du mandat de la
commission, qui était de s'intéresser aux renseignements
personnels, aux renseignements nominatifs.
M. French: On parle de la section de la loi que vous voulez
utiliser afin de protéger les données des personnes morales;
c'était conçu afin de protéger les renseignements des
personnes physiques.
M. Morin (Pierre): Je voudrais souligner que déjà
la Loi sur les compagnies prévoit deux régimes. Elle
prévoit un régime des compagnies privées et un
régime des compagnies publiques. Or, les compagnies publiques doivent
soumettre à la Commission des valeurs mobilières une foule de
renseignements qui, eux, sont d'ordre public sur leur fonctionnement, des
renseignements concernant leurs activités d'où, pour nous,
l'importance de dire le régime des sociétés
privées, à qui la Loi sur les compagnies, que vous avez
modifiée pas plus tard que le printemps dernier, permet - enfin, il y a
certains avantages - entre autres, la confidentialité des
renseignements. Or, ici on en fait fi. Alors, c'était de souligner
à cette commission qu'il y a d'abord la Charte des droits et
libertés de la personne qui elle, indifféremment, couvre les
personnes dans ces dix premiers articles.
Deuxièmement, vous avez un régime de loi des compagnies
qui fait une distinction entre les compagnies privées et les compagnies
publiques. Pour ce qui est des compagnies privées, et même des
compagnies publiques, ce n'est pas au gouvernement à fournir ces
renseignements. Celles qui sont publiques, incluant des sociétés
d'État qui, à toutes fins utiles, ont les mêmes
règles de rapport et tout cela, il y a un autre régime qui
prévoit la divulgation des renseignements.
On croit demeurer assez loqique avec les intentions du
législateur, non seulement avec ses intentions, mais aussi avec ce qu'il
a démontré par le passé, et pas plus tard que le printemps
dernier, en acceptant des modifications à la Loi sur les compagnies.
Le Président (M. Rochefort): Cela va?Allez-y.
M. French: Sur la question de l'appel que vous avez
évoquée très brièvement dans la recommandation 6:
"Que les décisions de la commission de l'accès aux documents des
organismes publics sur toute question de fait ou de droit puissent être
portées en appel auprès des tribunaux de droit commun. " Donc, la
commission devient une étape, mais pas la dernière étape;
est-ce que j'ai bien compris?
M. Morin (Pierre): M. le Président, je voudrais souligner
au député que ce n'est pas une bataille concernant cette
commission en particulier. Cela fait au moins quinze ans qu'on demande au
gouvernement d'enlever les articles qui empêchent d'en appeler sur les
faits face aux tribunaux administratifs, aux
commissions ou aux régies.
M. Marx: Est-ce que vous êtes contre toutes les clauses
privatives dans toutes les lois? Cela va devenir impossible. Les raisons
d'avoir un tribunal administratif, c'est de ne pas avoir des appels aux cours.
Si on permet des appels de chaque tribunal administratif aux cours, on va
encombrer la Cour supérieure et la Cour provinciale et, après,
les gens vont venir en disant: Les rôles sont encombrés et
l'accès à la justice ne se réalise pas parce qu'il y a
trop de délais.
Je pense qu'il faut équilibrer tous ces intérêts. Je
pense qu'il est normal d'avoir des clauses privatives dans certaines lois et de
prévoir qu'il n'y a pas d'appel aux cours de droit commun. Je pense que
c'est tout à fait normal, partout en Amérique du Nord, en
Angleterre, en France, partout. À mon avis, ce ne serait pas sage de
dire qu'il y aurait toujours un appel aux cours de droit commun. Souvent, ce
sont des juges qui siègent aux tribunaux administratifs et ils ne sont
pas plus sages quand ils siègent dans les cours de droit commun que
lorsqu'ils siègent aux tribunaux administratifs. Je pense que de
toujours dire appel aux cours de droit commun, c'est exagérer un
peu.
M. Morin (Pierre): On peut demander, M. le Président,
qu'il y ait, dans les tribunaux de droit commun, des tribunaux
spécialisés, que les tribunaux puissent se spécialiser. Je
ne voudrais pas étendre ce débat, mais je peux vous dire tout de
suite que nous sommes en profond désaccord avec le député
sur l'aspect "normal" de son opinion, c'est-à-dire qu'il est normal que
le gouvernement, dans la plupart de ses lois, adopte des clauses privatives de
cette nature et particulièrement sur le droit d'appel.
M. French: Très brièvement, pour s'orienter un peu,
nous ne serions pas en faveur d'une loi de l'accès à
l'information qui changerait radicalement les termes de concurrence de
l'entreprise privée. Nous serons toujours prêts à entendre
les revendications des intérêts commerciaux, sauf que je pense que
les articles visés sont des exceptions comme telles.
En toute honnêteté, quant à moi, le transfert de
personnes ou l'assimilation de personnes morales avec les personnes physiques
dans le contexte de ia loi dont on parle dans le moment me semble plus radical
comme changement dans les intentions de la commission que ce que vous avez pu
justifier devant nous aujourd'hui en termes de besoin réel.
Je comprends bien qu'il y a une série de soucis tout à
fait compréhensibles, mais, en somme, ils ne s'ajoutent pas jusqu'au
point où on serait vraiment prêt à changer si radicalement
que cela la loi.
M. Morin (Pierre): M. le Président, j'aimerais
effectivement poser une question de principe. Ce n'est pas une question de
démontrer le besoin. S'il faut en démontrer le besoin, on pourra
toujours s'y attarder un peu plus tard. Mais au départ, ce que nous
posons, c'est une question de principe. Vous avez la Charte des droits et
libertés de la personne. Ou bien on l'a, ou bien on ne l'a pas. Elle
protège actuellement la confidentialité et la jouissance de la
vie de la personne, aussi bien de la personne morale que de la personne
physique. Si on commence à jouer la-dedans... Autrement dit, ce qu'on
dit à cette commission, c'est: Posez d'abord ce postulat. Après,
en fonction du besoin, il peut y avoir, par exemple, ne serait-ce que pour
confectionner le répertoire du CRIP... Celui-ci donne des renseignements
nominatifs sur les corporations, sur les produits et sur les marques de
commerce qui servent effectivement au développement économique du
Québec; on ne va pas aller s'opposer au répertoire du Centre de
recherche industrielle du Québec. C'est un outil utile qui ne contient
que des renseignements nominatifs. Il est dans l'intérêt public.
Justement, ce sont les deux postulats qu'on pose: D'abord, il y a la charte et,
deuxièmement, il faut juger du régime en fonction de
l'intérêt public. C'est ce qu'on reproche à l'avant-projet
de loi. Il part de postulats entièrement différents. Il postule
la charte pour ce qui est des renseignements nominatifs concernant les
individus et oublie complètement les personnes morales. On veut
simplement rappeler au législateur que ce n'est pas ce que dit la
charte. Postulons d'abord cela et, après, on verra en fonction du
besoin.
M. French: Ai-je manqué dans votre mémoire votre
mention de la Charte des droits? Est-ce qu'elle est là ou non?
M. Morin (Pierre): Elle est à la page "5, si ma
mémoire est bonne, en haut de la page. Nous avons fait une autre
démarche additionnelle. Nous avons communiqué avec la commission
pour savoir si, effectivement, ce que nous postulions était
véridique et avons eu l'avis affirmatif de la commission.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee, brièvement, s'il vous plaît.
M. Marx: Je peux dire quelque chose si on m'a appelé
pour...
Une voix: Vous n'êtes pas obligé?
M. Marx: Je ne suis pas obligé. J'ai posé une
question au début et j'aimerais y revenir, parce que M. Morin a
donné le cas au début d'un soumissionnaire au
gouvernement. Supposons que c'est M. Untel. Tous les renseignements
qu'il va fournir au gouvernement sont confidentiels. Supposons que M. Untel,
pour des raisons de fisc, des raisons d'impôt décide de
s'incorporer. Il s'est incorporé et s'appelle maintenant M. Untel Inc.
Il fait une autre soumission. Toute cette information qu'il va fournir au
gouvernement n'est pas confidentielle. Il y a quelque chose qui cloche
d'après moi, parce que c'est la même personne. Il s'incorpore. Il
n'a pas le droit d'avoir toute cette information qui doit rester
confidentielle.
M. Tremblay (Pierre): Ce que le député
soulève est exactement notre point de vue, que les personnes morales
doivent avoir les mêmes protections que les personnes privées.
M. Marx: Je n'ai pas dit exactement cela, mais je pense qu'il y a
une distinction à faire entre M. Untel Inc. et General Motors. Ici, on
parle en termes de compagnies. Ce sont des multinationales. Ce sont des gars
qui cachent des choses. Souvent, c'était seulement un petit gars du
coin, un dépanneur, qui s'incorpore. Il y a quelque chose qui cloche
dans cette distinction.
M. Tremblay (Pierre): Encore là, M. le
député, vous faites allusion à une société
morale privée et à une société morale publique.
General Motors, étant une société publique, doit soumettre
toute une autre série d'informations et doit aussi d'autres informations
à ses actionnaires, alors que la société privée n'a
pas les mêmes obligations vis-à-vis d'un tiers, d'un concurrent ou
d'un voisin.
M. Marx: Je pense que la distinction que M. Morin a faite
concernant les compagnies est une distinction qui se tient, soit une compagnie
privée qui a moins de 50 actionnaires et une compaqnie publique qui en a
51 et plus. Souvent, la compagnie privée est une seule personne ou deux
ou trois personnes dans la même famille et je ne vois pas pourquoi on
protège l'individu mais qu'on ne le protège pas quand il
s'incorpore. Je pense que c'est un problème sur lequel on peut se poser
des questions. (11 h 45)
M. Bertrand: M. le Président, je peux déjà
assurer les représentants de la chambre de commerce que, dans leur
mémoire, il y a évidemment de petits points qui peuvent se
régler très rapidement, entre autres toute la question du
dépôt à l'Assemblée nationale. Je pense que ce ne
sont pas des points majeurs dans vos représentations. Il ne faudrait
pas, non plus, alourdir tellement, à un moment donné, tout le
processus de mise en application d'une telle loi qu'elle soit
inopérante. Je retiens surtout deux points qui m'apparaissent
fondamentaux et sur lesquels, je pense, avec les collègues de
l'Opposition, nous allons travailler très sérieusement, c'est
toute cette question de personnes morales et de personnes physiques. Nous
allons tenter de creuser ça davantage pour essayer de bien comprendre
exactement ce qui est couvert par la loi et ce qui ne l'est pas, ce qui le
serait et comment on peut établir ce genre de distinction ou ne pas
l'établir, selon le cas, selon les interprétations juridiques
qu'on en fera.
Je peux aussi vous assurer, dans un autre secteur, que notre
préoccupation est au moins aussi évidente que la vôtre,
c'est toute la notion du tiers. Encore là, il ne faudrait pas non plus
hypothéquer l'accès à l'information gouvernementale parce
que, sans avoir fait un inventaire des documents qui existent dans l'ensemble
des quelque 4000 à 5000 organismes oubliés qu'on a
inventoriés, il y a un "mardi" paquet de documents qui proviennent de
tiers. Si, à partir du principe que ces documents vont poser des
difficultés sur le plan de leur diffusion parce qu'il y a une relation
entre un fonctionnaire en autorité qui a le pouvoir de rendre un
document public et des tiers qui doivent donner des autorisations et qui, dans
certains cas, ne les donnent pas parce que le fonctionnaire a jugé
qu'elles n'étaient pas confidentielles, il ne faudrait pas que la
conclusion de tout ça soit que tous les tiers qui produisent des
documents adressés à l'un ou l'autre des organismes publics
inscrivent en grosses lettres CONFIDENTIEL sur le document. Ce serait la
façon la plus habile, en partant, de s'assurer qu'il n'y a aucun
accès à l'information gouvernementale pour tous les documents qui
nous viennent de tiers.
Je pense que, là-dessus, il faut faire preuve de bonne foi. C'est
une des qualités que va supposer l'application de la loi, faire preuve
de bonne foi et, deuxièmement, se servir de son sens commun. Cela,
ça ne se met pas dans les lois et on ne pourra pas, par des articles
à n'en plus finir, dire ce qu'est le sens commun. Dans l'application
d'une telle loi d'accès, le sens commun, la bonne foi seront des
données drôlement importantes pour s'assurer que ça puisse
être une loi viable.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre.
M. Morin (Pierre): M. le Président, j'ai un très
court commentaire.
Le Président (M. Rochefort):
Rapidement, s'il vous plaît!
M. Morin (Pierre): En fait, cette permission des tiers n'est
aucunement différente des documents qui régissent cette
Assemblée nationale. Lorsque le ministre des Communications
d'Ottawa communique avec le ministre des Communications du Québec at que
le député de l'Opposition lui demande de déposer le
document en question, il doit habituellement demander, la tradition veut qu'il
demande à celui qui le lui a fait parvenir la permission de le
déposer, si ma mémoire me sert bien.
Maintenant, j'aurais une question très brève concernant le
chapitre V. Le 11 juin dernier, le gouvernement décidait que tous les
projets de loi devraient dorénavant être accompagnés non
pas d'une analyse d'impact, mais d'une analyse
coûts-bénéfices. Le Conseil des ministres nous en informait
cette journée-là. On voit, à l'article 37, que les
analyses effectuées au sein du Conseil exécutif sont
protégées pendant 20 ans. On se demandait si, effectivement,
l'éclairage que peut apporter une analyse
coûts-bénéfices à un projet de loi serait
protégée par cette clause ou, enfin, ne pourrait pas être
divulquée pendant un délai de 20 ans.
M. Bertrand: Je vais vous dire très franchement que, sur
tous les délais qui sont évoqués dans la loi, les dix
jours, les vingt jours, les trente jours, les cinq ans, les dix ans, les vingt
ans, la commission, bien sûr, a tenté de définir quelques
grands paramètres qui nous permettraient, sans trahir la volonté
d'accès, tout de même de satisfaire à cet objectif dont il
parle au tout début du rapport, soit de permettre à un
gouvernement d'être efficace et de gouverner. Je ne pense pas que la loi
ait comme objectif d'empêcher un gouvernement de gouverner. Dans ce
contexte, on est bien prêt à regarder ces questions de
délais avec la plus grande ouverture d'esprit possible, il s'agit
simplement de s'assurer que, quand on choisit un délai, on
n'hypothèque pas l'objectif visé, à savoir de permettre au
gouvernement d'être efficace dans son action.
M. Tremblay (Pierre): M. le Président, je voudrais
simplement, si vous le permettez, dire le mot...
Le Président (M. Rochefort): Une question, M. Tremblay,
auparavant.
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. Morin a soulevé un point qu'on n'a pas
vraiment traité. Il a dit que la charte des droits énonce le
principe, et je lis l'article 10, ou au moins le début de l'article 10:
"Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice en
pleine égalité des droits et libertés", et ça
couvre aussi, comme il l'a suggéré, les personnes morales. Si on
fait une distinction, dans une loi sur l'accès à l'information,
entre les personnes morales et les personnes physiques, peut-être cette
loi ira-t-elle à l'encontre de la Charte des droits et libertés
de la personne et ce serait nécessaire, dans cette nouvelle loi, de
mettre une clause comme celle-ci, malgré la Charte des droits et
libertés de la personne, cette loi serait en vigueur... Sinon, ça
risque d'être invalide, parce que cette loi irait à l'encontre de
la Charte. Le ministre devrait se pencher sur cette question.
M. Bertrand: On s'y penchera.
M. Tremblay (Pierre): M. le Président, je voudrais vous
remercier de l'accueil et de l'attention que vous avez portée à
notre mémoire. Je vous assure que nous transmettrons cet accueil
à nos membres. Je voudrais vous réitérer, en terminant,
comment nous sommes favorables à l'accès à l'information
gouvernementale et comment aussi nous sommes favorables à la protection
des renseignements personnels, à condition que l'intérêt
public soit également protégé.
Merci infiniment de votre accueil. Nous ferons part à nos membres
de cette très intéressante et productive rencontre. Si, dans le
cours de vos travaux, vous sentiez le besoin de nous demander d'autres
explications, il nous fera toujours plaisir de revenir.
M. Bertrand: Je tiens, M. le Président, à remercier
la chambre de commerce pour son apport extrêmement intéressant.
Vous avez soulevé des questions fort pertinentes qui vont nous obliger
à approfondir quelques-uns des points de loi contenus dans la
proposition du rapport Paré. Je tiens à vous féliciter
aussi pour l'invitation que vous faites au gouvernement d'être davantage
accessible sur le plan intellectuel. Je reprends ici les derniers mots du
rapport de la commission Paré sur le fameux jargon bureaucratique,
"débureaucratiser", c'est déjà en soi un bel objectif que
nous allons poursuivre, mais en plus de cela, vulgariser, expliquer,
simplifier, donc, tout ce qui fait partie de l'accès intellectuel
à l'information, je peux vous dire qu'au ministère des
Communications, avec mes autres collègues du Conseil des ministres, nous
allons tenter de réaliser, dans toute la mesure du possible, de tels
objectifs qui sont très louables.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Je remercie les
représentants de la Chambre de commerce de la province de
Québec.
J'inviterais maintenant les représentants du Centre pour le
journalisme d'enquête.
Le représentant du Centre pour le journalisme d'enquête
veut-il s'identifier et présenter son mémoire, s'il vous
plaît.
Centre pour le journalisme d'enquête
M. Gaudet (Roland): M. le Président, merci de votre
accueil. Je m'appelle Roland Gaudet, je suis journaliste à Radio-Canada
international à Ottawa. Je représente le Centre pour le
journalisme d'enquête, qui s'est penché sur ce rapport,
Information et liberté, qui a fait quelques recherches et qui a quelques
commentaires à vous proposer aujourd'hui.
D'abord, quelques mots sur le centre. C'est un organisme qui
représente à peu près 500 journalistes à travers le
pays, qui a été fondé il y a trois ans et qui s'occupe
principalement, bien sûr, de promouvoir le journalisme d'enquête au
Canada. C'est à ce titre que l'accès à l'information, de
même que la protection de la vie privée nous intéressent
particulièrement.
Là-dessus, je dirais que les recommandations que l'on retrouve
dans ce rapport de la commission Paré sont assez innovatrices, à
notre avis, d'abord, parce qu'elles proposent une loi qui s'appliquerait non
seulement au niveau provincial, mais également au niveau municipal,
scolaire, soins de santé et services sociaux. C'est une chose vraiment
utile, évidemment, pour nous.
Deuxièmement, elles sont innovatrices. On a parlé tout
à l'heure du principe "sunset", j'y reviendrai à la conclusion de
ma présentation. C'est un principe assez innovateur, parce que ce n'est
pas très fréquent dans la loi canadienne. Il y a aussi le
principe qui nous touche de près, qui est américain, "government
in the sunshine", c'est-à-dire qui oblige les autorités
municipales, gouvernementales, de quelque niveau que ce soit, à tenir
leurs réunions en public plutôt que derrière les portes
closes.
Finalement, en guise d'avant-propos, je voudrais dire que nous tenons
à souligner que la commission Paré a accompli son travail en un
temps record, à peu près six mois. Cela a vraiment
été très rapide, si on compare au niveau
fédéral et à d'autres niveaux comme, par exemple, en
Ontario ou en Colombie britannique, où la question est à
l'étude depuis très longtemps. On n'y a vu encore aucun
résultat.
Nous avons été édifiés également par
la réaction très rapide du gouvernement provincial qui a plus ou
moins laissé entendre qu'une loi pouvait peut-être être
espérée d'ici Noël. C'est possible. J'espère que
cette bonne volonté se traduira assez bientôt, avant Noël,
par un projet de loi.
Maintenant, je voudrais vous faire part de quelques commentaires. Nous
avons fait des commentaires assez brefs sur certains points seulement. Je
voudrais d'abord commencer par l'article 10 qui parle du droit d'accès
à un document, qui "s'exerce par consultation sur place pendant les
heures habituelles de travail. Il s'adresse également par l'obtention
d'une copie du document, à moins que sa reproduction ne nuise à
la conservation du document ou ne soulève des difficultés
pratiques sérieuses, en raison de sa forme ou de sa longueur. "
Là-dessus, notre commentaire serait simplement que la longueur du
document ne devrait pas constituer un motif de refus du document puisque, de
toute façon, c'est le requérant qui paie le coût de
reproduction, même si le document est très volumineux. Si le
requérant le demande, il devrait pouvoir l'obtenir.
J'ajouterai que le requérant devrait, si cela lui suffit, obtenir
copie de seulement une partie du document. On ne l'a pas retrouvé dans
l'avant-projet de loi. Donc, on recommande ici qu'on biffe simplement les mots
"ou de sa longueur" nour ce qui est de l'accès, donc que la longueur du
document ne soit pas un motif pour en refuser l'accès et qu'on ajoute
simplement les quelques mots "ou d'une partie du document". Que ce ne soit pas
limité, qu'on ne soit pas obligé de payer les frais de
reproduction de tout le document s'il est très volumineux, mais que si
une dizaine de pages suffit, on puisse y avoir accès.
On passe maintenant à l'article 22. Je vais vous le lire, puisque
c'est assez bref: "Un organisme public ne peut communiquer un renseignement
accepté à titre confidentiel et obtenu d'un autre gouvernement,
d'un organisme de ce gouvernement ou d'une organisation internationale,
à moins que ce gouvernement, cet organisme ou cette organisation
internationale n'y consente ou ne publie ce renseignement. " On se
réfère à la loi suédoise sur la liberté de
la presse que tout le monde connaît, où tous les documents
officiels sont accessibles à la population, sans distinction s'il s'agit
de documents créés sur place ou reçus de
l'étranger. Cette ouverture générale qu'on retrouve dans
la loi suédoise est sujette quand même, évidemment, "aux
restrictions qui s'imposent soit pour des considérations de
sécurité du royaume ou de ses relations avec des puissances
étrangères. " C'est assez général, mais c'est quand
même une protection minimale, alors qu'au contraire, dans le rapport de
la commission Paré, on propose une exemption générale pour
tous les documents provenant de d'autres juridictions.
On se dit que ces renseignements, qui sont utilisés au
Québec, sont tout aussi aptes à être d'intérêt
public ou nuisibles à l'intérêt public que les
renseignements créés sur place. Par conséquent, on trouve
que les restrictions à l'accès, qui se retrouvent ailleurs dans
le document, à la section II, sont suffisantes pour tout souci qu'on
pourrait avoir sur ces renseignements venant d'outre-frontière. Plus
particulièrement, le prochain article, l'article 23, offre une
protection justement avec l'espèce d'équivalent suédois
concernant le préjudice que la divulgation pourrait porter.
L'article
23 dit: "Un organisme public peut refuser de communiquer un
renseignement lorsque, vraisemblablement, sa divulgation
révélerait une stratégie de relations intergouvemementales
ou porterait préjudice à la conduite des relations entre le
gouvernement du Québec et un autre gouvernement ou une organisation
internationale. " (12 heures)
Là-dessus, j'ai deux commentaires à faire. D'abord, les
mots qui "révélerait une stratégie de relations
intergouvernementales" semblent être de trop, parce que, si justement un
renseignement qui "révélerait une stratégie de relations
intergouvemementales" ne venait pas pour autant "porter préjudice
à la conduite des relations entre le gouvernement du Québec et un
autre gouvernement", il me semble que la stratégie de relations
intergouvernementales ne mérite pas de prime abord une protection
spéciale. Le critère, qui est déjà dans l'article
23, qui dit "porterait préjudice à" quelque chose de très
précis, cela suffit. Ici, on recommande de rayer les mots:
"révélerait une stratégie de relations
intergouvernementales".
Quelque chose sur l'article 30 qui dit: "Un organisme public peut
refuser de confirmer l'existence ou de communiquer un renseignement obtenu ou
traité de façon conforme à la loi par une personne
chargée, en vertu de la loi, de prévenir, détecter ou
réprimer le crime ou les infractions aux lois, lorsque sa divulgation
serait susceptible: "51 de communiguer un renseignement transmis à titre
confidentiel par un corps de police ayant compétence au Québec.
"
On trouve que, dans cet avant-projet de loi, il y a suffisamment de
protection pour les informations policières confidentielles. Il y a les
articles 89 et 90 notamment qui prévoient la création de fichiers
confidentiels avec certains contrôles. On trouve que c'est amplement
suffisant pour protéger les renseignements qui sont dans les fichiers
des services policiers ou de tout autre organisme de protection qui s'occupe de
réprimer le crime ou les infractions aux lois, parce qu'il y a beaucoup
d'agences gouvernementales qui ne sont pas nécessairement
policières, mais qui s'occupent également de la même
chose.
Si ce projet de loi ne permet pas à la police du Québec,
par exemple aux forces policières du Québec de transmettre ou
d'accumuler des renseignements nominatifs sur les personnes, il ne devrait pas
non plus leur permettre d'en recevoir de l'étranger gratuitement et en
étant totalement protéqées. On recommande ici simplement
de rayer le paragraphe 5, puisque, comme je l'ai mentionné
déjà, ce souci est déjà amplement prévu
ailleurs dans le projet de loi.
De manière générale maintenant, je voudrais vous
parler des articles 37, 38 et 39 qui prévoient, pour certains documents
ou analyses au sein du ministère du Conseil exécutif ou du
secrétariat du Conseil du trésor, etc., un délai de vingt
ans pour la divulgation de ces renseignements; même chose, encore un
délai de vingt ans pour la communication de mémoires ou de
délibérations d'une séance du conseil d'administration de
tout organisme gouvernemental et un délai de dix ans pour la
communication d'un avis ou d'une recommandation de l'un de ses membres ou d'un
membre de son personnel sur une matière de sa compétence. Il nous
est apparu que ce délai de dix ou de vingt ans, qui revient, d'ailleurs,
ailleurs que dans ces trois articles, était plutôt arbitraire et
un peu exagéré. On a recommandé le chiffre de cinq ans qui
correspond justement au mandat d'un Parlement et qui serait amplement suffisant
ici pour protéger la confidentialité qui s'impose pour la
durée de ce mandat.
Je voudrais maintenant passer brièvement à l'article 33
qui dit: "Le Conseil exécutif peut refuser de révéler
l'existence ou de communiquer une décision résultant de ses
délibérations. "
Cela prévoit ici que les décisions du Conseil
exécutif peuvent être gardées secrètes. Je ne vois
aucune raison, il n'y a aucune justification pour ce secret absolu sur les
décisions. Je comprends que les informations peuvent être
gardées secrètes jusqu'à ce que la décision soit
prise, mais que la décision elle-même soit gardée
secrète, je trouve que c'est un peu exagéré, d'autant plus
que, dans les articles 40, 42 et 43, il y a les dispositions que les
renseignements peuvent être gardés confidentiels jusqu'à ce
que la décision finale soit prise. Par conséguent, nous
recommandons que l'article 33 soit rayé de cet avant-projet de loi.
Maintenant, l'article 118. Cela porte sur les pouvoirs de la commission
qui est proposée dans cet avant-projet de loi. On trouve que la
commission devrait avoir un rôle additionnel à ce qui est inscrit
à l'article 118, c'est-à-dire qu'elle devrait pouvoir se
substituer au citoyen qui n'a pas accès aux fichiers confidentiels
prévus à l'article 89 et 90. Évidemment, il y a lieu
d'avoir des fichiers confidentiels, il y a lieu de limiter l'accès; il
ne faut pas avoir un accès complet, ce n'est pas possible. Il faudrait y
avoir un mécanisme pour assurer qu'il y a un contrôle
indépendant de tout refus de communiquer des renseignements. C'est
là qu'on voudrait que la commission puisse avoir ce rôle de se
substituer à la personne qui demande un renseignement qu'on lui refuse
soi-disant parce que c'est dans un dossier confidentiel. Le citoyen n'a pas
accès au dossier, la commission devrait pouvoir le faire pour lui. C'est
là qu'on recommande qu'on ajoute à la fin du premier
paragraphe
de l'article 118 que la commission peut, de sa propre initiative ou sur
plainte d'une personne intéressée, faire enquête sur un
fichier confidentiel pour déterminer si les renseignements nominatifs
qui s'y trouvent y ont été versés conformément aux
dispositions du décret de classement ou si leur utilisation est faite
conformément à la loi et aux règlements. Ici on
ajouterait: ou s'ils ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 71 qui
prévoit que ces renseignements dans ces fichiers soient à jour,
exacts et complets. On voudrait que la commission puisse avoir ce rôle,
également de pouvoir contrôler, à savoir
précisément si l'article 71 est en vigueur. On ajouterait aussi,
un peu plus loin dans le deuxième paragraphe, que l'enquête est
secrète et que seul un membre de la commission ou un membre de son
personnel peut prendre connaissance des renseignements nominatifs versés
aux fichiers. On ajouterait: sauf si ces renseignements ne sont pas conformes
aux dispositions de l'article 71, parce que je ne vois pas pourquoi on
protéqerait les renseignements qui ne sont pas à jour, exacts et
complets. Le cas échéant, la commission peut communiquer ces
renseignements à la personne intéressée. Je ne vois pas,
encore une fois, pourquoi ces renseignements seraient secrets et que la
personne qui en est l'objet n'en serait pas informée.
Pour terminer, je voudrais parler brièvement de l'article 119.
Encore cela touche le mandat ou les pouvoirs de la commission. L'article 119
dit que la commission peut, après avoir fourni à l'organisme
public dont relève le fichier l'occasion de présenter ses
observations écrites: 1) ordonner de retrancher un renseignement
nominatif du fichier ou de cesser d'utiliser le fichier confidentiel
contrairement à la loi ou aux règlements; 2) recommander au
gouvernement de modifier ou d'abroger le décret de classement.
Notre commentaire là-dessus, c'est une recommandation, c'est tout
ce que la commission peut faire et on trouve que ce n'est pas suffisant ou pas
nécessairement suffisant pour assurer que justice sera faite. La
commission devrait disposer des pouvoirs de s'assurer que la protection de la
vie privée est bel et bien respectée. Donc, on ajouterait
à ces deux pouvoirs de la commission un troisième qui serait le
pouvoir de divulguer au requérant ou à la personne
intéressée tout renseignement qui ne soit pas conforme à
l'article 71, c'est-à-dire encore une fois à jour, exact et
complet, et voir à ce que les corrections soient effectuées
conformément à l'article 85.
J'avais aussi mentionné au tout début le principe
crépuscule, "sunset"; c'est un principe qu'on retrouve dans la loi
américaine, je trouve que c'est un principe innovateur, c'est assez
intéressant.
Cependant, comme le qroupe qui m'a précédé l'a bien
souligné, cela s'applique généralement à des lois
désuètes et inutiles, et je suis d'accord, c'est très
utile. Lorsqu'il est question, par contre, d'une loi sur l'accès
à l'information et la protection de la vie privée, qui à
mon avis sont des droits fondamentaux inaliénables, la clause "sunset"
n'a pas sa place, parce qu'il s'agit d'un principe fondamental.
Je voudrais simplement ajouter à ce que j'ai dit jusqu'à
présent, on ne l'a pas mentionné, mais ce serait peut-être
une chose intéressante à souligner, que l'approche de la loi
fédérale, la proposition de loi fédérale qui
prévoit une révision obligatoire après un certain
délai, qui est trois ans au niveau fédéral dans la
proposition, serait préférable au principe de la clause "sunset"
qui prévoirait que, six ans après l'entrée en vigueur de
cette loi, la loi n'aurait plus effet si l'Assemblée nationale ne
décidait pas de la "relégiférer", si vous voulez. Je ne
pense pas qu'après six ans ce sera le cas, mais on ne sait jamais. Je
pense que le principe "sunset" ne devrait pas s'appliquer ici, dans cette
loi.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: Merci, M. Gaudet. Je ne vous reprocherai pas de nous
avoir remis le document juste avant la commission parce que, de toute
façon, c'était déjà indiqué, cela faisait
partie des règles du jeu, nous voulions que le plus de groupes possible
se fassent entendre.
Je revois de toute façon dans votre document un ensemble de
remarques que j'ai cru avoir lues dans le document qui sera produit par la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Il
y a là un certain nombre de recoupements, puisque vous dites même
représenter quelque 500 journalistes d'un peu partout. Vous avez
dû communiquer ensemble et échanger un certain nombre d'avis sur
cette proposition de loi d'accès à l'information gouvernementale.
Je passerai assez rapidement, quitte à revenir plus substantiellement
lorsque la fédération professionnelle déposera son rapport
sur certains autres aspects.
Je veux simplement dire, entre autres en ce qui concerne l'article 10
sur ce concept de forme et de longueur des documents, qu'il s'agit encore
là, de ne pas à ce point détailler la loi ou de faire
d'avocasseries autour de la loi, qu'on ne puisse plus utiliser son sens commun.
Je pense bien que tout le monde aura compris que dans l'article 10,
précédé de l'article 9, le voeu qui est exprimé
à travers tout cela, c'est que vraiment les documents soient
accessibles, sur place, qu'ils soient transmis. Ce sont des
possibilités, mais il faut voir des
situations très concrètes aussi. Par exemple, quelqu'un
veut obtenir une carte, une immense carte qui représente un territoire
quelconque qui a été photoqraphié pour des fins d'analyse
pour le ministère de l'énergie et des Ressources. Il y a
effectivement un problème de longueur, dans tous les sens du terme, qui
pose des difficultés. On peut suggérer à la personne
d'aller le consulter sur place.
Il y a des documents d'archives. Il y a des archives qui, si elles ne
sont pas consultées sur place, entre autres choses, peuvent vraiment
conduire à des problèmes considérables. Il y a même
des documents d'archives qui, si vous les placez dans des situations de
reprographie, peuvent subir des dommages.
Encore une fois, je pense qu'il s'agit de se servir de son sens commun
et l'article m'apparaît suffisamment large dans son esprit pour que
toutes les possibilités soient accordées à ceux et celles
qui voudront avoir accès aux documents pour le faire.
Sur les restrictions relatives aux relations intergouvernementales,
effectivement, la commission Paré nous suggère à peine
trois articles faisant état de restrictions à ce sujet. Vous
noterez cependant qu'il est bien fait mention que l'organisme public peut
rendre ces documents accessibles. Et ce "peut", c'est une façon que les
commissaires ont trouvée d'indiquer aux organismes publics qu'ils ne
veulent pas en faire une obligation puisqu'il s'agit effectivement d'un
chapitre restrictif, mais il y a une possibilité de les rendre publics.
Et je crois qu'encore là, il s'agit, dans le contexte de la dynamique
politique qu'on connaît, de comprendre qu'il y a des situations
où, effectivement, un organisme peut décider qu'il en va de
l'intérêt public de rendre ce document accessible que, dans
d'autres cas, pour des raisons qui sont mentionnées là,
c'est-à-dire la stratégie de relations intergouvernementales, un
préjudice à la conduite de relations intergouvernementales, il
peut effectivement y avoir un danger pour ce qui est non seulement de
l'intérêt public, mais aussi de l'intérêt national,
de l'intérêt d'un gouvernement, de rendre de telles choses
publiques. (12 h 15)
Je vous avoue que je ne me battrai pas à ne plus finir sur cette
question: Est-ce qu'on doit qarder ce que révélerait une
stratégie, enlever révélerait une stratégie, porter
préjudice... Tout cela fait partie de l'ensemble des relations
intergouvernementales. À l'heure actuelle, le premier ministre du Canada
et le premier ministre de l'Alberta se rencontrent pour parler de toute la
question du pétrole et, quand on pense à toutes les rencontres
qui ont eu lieu entre MM. Lalonde et Leitch et à toutes les rencontres
entre les fonctionnaires, à l'occasion desquelles il y avait
forcément des documents publics qui étaient en circulation, je
comprends cela et je comprends même que le règlement de certaines
négociations en cours entre gouvernements et l'établissement de
relations entre les gouvernements supposent que tant et aussi longtemps, en
tout cas, que ces choses n'ont pas abouti, les gouvernements soient
extrêmement prudents dans la façon de garder le huis clos autour
des documents qu'ils détiennent.
C'est à peu près les deux remarques que j'ai à
faire, parce que j'ai l'impression que la commission là-dessus a
vraiment fait l'effort nécessaire pour dire: L'accès est
là. Il faut quand même établir un certain nombre de
restrictions. Les commissaires n'en ont pas fait des chapitres interminables.
Ils ont évoqué quatre grands secteurs de restrictions et, pour
chacun, ils n'ont pas non plus voulu y aller dans le détail en faisant
état de tous les documents qu'on pourrait rendre inaccessibles, mais
simplement indiqué l'esprit dans lequel on devait comprendre ces
restrictions. Je suis tout à fait d'accord là-dessus avec les
recommandations de la commission Paré.
M. Marx: M. le Président, seulement un mot. Je trouve
souvent illogique la prise de position du gouvernement. Quand il s'agit de ce
gouvernement, vous voulez garder certains renseignements confidentiels. Quand
il s'agit du gouvernement fédéral, tout ce qu'il y a dans les
fichiers de la Gendarmerie royale du Canada doit être mis sur la table.
Il y a quelques jours, vos collègues au Conseil des ministres ont
demandé que toute l'information que la Gendarmerie royale du Canada a
dans ses fichiers soit rendue publique. Il y a même un ministre qui a
menacé de poursuivre le premier ministre du Canada pour que la
vérité sorte. Là, on veut que toute...
M. Bertrand: Mais depuis...
M. Marx:... la vérité sorte. Ici, on veut...
M. Bertrand:... qu'on sait que le Parti libéral aussi a
été espionné pendant ces années-là, il me
semble que vous devriez aussi être très intéressés
à obtenir toute la documentation sur la question.
M. Marx: Ce serait bon de vérifier si on n'est pas
espionné par le gouvernement actuel, au Québec.
N'y a-t-il pas un illogisme quelque part? Pour les autres, on veut que
tout sorte sur la table, mais ici, il faut que certains renseignements restent
confidentiels.
M. Bertrand: Non, je crois qu'il faut quand même faire une
distinction. Il ne faudrait quand même pas non plus déborder le
cadre des travaux de la commission, mais il était question
d'illégalité qui avait été commise par des
responsables au niveau de la GRC. Dans les cas d'illégalité,
c'est-à-dire où on outrepasse les droits et les devoirs qui sont
normalement dévolus à un corps policier, la commission
d'enquête qui elle-même a fait l'analyse de tout le dossier
soulignait qu'effectivement, la GRC avait fonctionné dans un cadre
d'illégalité qui, justement, lui apparaissait devoir être
réprimée.
M. Marx: Dans le rapport Keable, on a dit qu'il y avait aussi des
illégalités au Québec de la part des membres des corps
policiers québécois.
Le Président (M. Rochefort): Messieurs, je voudrais vous
rappeler le mandat de la commission qui est d'entendre les mémoires de
certains organismes et de discuter avec eux. Je pense que nous aurons
l'occasion de tenir une discussion comme celle que nous tenons à
d'autres moments. M. le député de Westmount.
M. French: Je voudrais remercier M. Gaudet et son organisme. Il y
a un certain nombre de suqqestions très valables qu'on va garder
à l'esprit.
J'ai une seule question brève. Il s'agit du délai
prévu par la loi pour la publication des documents. Il s'agit
particulièrement pour les journalistes de nous faire savoir s'ils sont
d'accord avec ce délai, s'ils pensent que c'est trop long. Je sais que
depuis longtemps, une des revendications de votre homologue américain,
justement, c'est l'histoire du délai bureaucratique, du retard
bureaucratique, je me demande si vous avez les mêmes soucis.
M. Gaudet: Évidemment, vous avez mentionné les
États-Unis, ils ont le délai de dix jours.
M. French: Dix jours de travail?
M. Gaudet: Dix jours de travail, oui, c'est ça.
Ici, c'est plus long, quoique c'est déjà plus court que ce
qu'on nous propose au niveau fédéral. C'est une
amélioration en ce sens. Evidemment, le plus vite possible, c'est
forcément la norme.
Pour ce qui est du journalisme d'enquête, quand il s'agit
d'approfondir des dossiers, ce n'est pas du reportage quotidien qu'on fait. Par
conséquent, un délai de dix ou vingt jours, si ce n'est pas
reporté à nouveau de dix jours et encore de dix jours, il y a
toujours moyen de le faire. On n'a pas eu de réaction précise
là-dessus dans notre mémoire parce que les vingt jours, pour
l'instant, ça va, on essaiera pour voir et, quand il y aura une
révision de la loi, on verra s'il y a lieu de prendre d'autres positions
là-dessus. Pour l'instant, vingt jours, à partir du moment
où c'est sincère et qu'il n'y a pas de tentative de contournement
en allant chercher dix autres jours, comme c'est prévu dans
l'avant-projet de loi, on verra.
Puis-je quand même réagir brièvement aux
commentaires du ministre? Je pense que, pour ce qui est des exemples que le
ministre a donnés à l'article 10, quand il a parlé de
cartes géographiques et que ça posait des problèmes, il
est question de la forme du document et on ne conteste pas ça. Pour ce
qui est des archives, il se rapportait, je crois, à un principe de
conservation du document et on ne s'y oppose pas non plus. C'est simplement "ou
de sa longueur", c'est tout. Je pense, par exemple, à la commission
MacDonald qui, lorsqu'elle faisait ses travaux, avait des documents, mais ce
n'était pas trois pieds, mais bien dix pieds, vingt pieds et quarante
pieds de documents. Je pense que si jamais on avait voulu aller chercher une
copie de ce document et l'étudier vraiment à fond, si quelqu'un
s'y intéresserait, il devrait y avoir droit, bien sûr, s'il est
prêt à payer les frais de reproduction. Je ne vois Das pourquoi on
ne lui ferait pas copie de 10 000 pages, s'il le veut, à la condition
qu'il ait aussi l'occasion, dans cette loi, d'aller vérifier sur place
les documents et de demander seulement les dix pages qui l'intéressent;
c'est tout.
Vous avez aussi parlé, M. le ministre, de l'article 22 et vous
avez dit que l'orqanisme pouvait rendre public, parce qu'il y avait l'emploi du
mot "peut". Mais je vous signalerai que le libellé de l'article 22 est:
"Un organisme public ne peut communiquer... ", ce n'est pas "... peut ne pas
communiquer... ", c'est "... ne peut communiquer... ", donc il n'y a aucun
choix là-dedans.
Je suis d'accord avec l'exemple que vous avez donné à
l'article 23 sur les rencontres Lalonde-Leitch. Evidemment, il y a des
documents qui circulent et qui sont légitimement confidentiels pour
l'instant, puisqu'on est en train de prendre une décision, mais
ça ne révèle pas une stratégie de relations
intergouvernementales ou, si ça le fait, ça devrait être
protégé seulement si ça portait préjudice à
la conduite des relations. Évidemment, si on avait rendu publics les
documents Lalonde-Leitch, ces derniers temps, cela aurait porté
préjudice à la conduite des relations, forcément, et c'est
là un critère valable pour garder la confidentialité. Par
contre, révéler une stratégie de relations
intergouvernementales, je ne vois pas - sans apporter le test du
préjudice - pourquoi ce serait exclu. C'étaient simplement les
commentaires que
j'avais à formuler.
M. Bertrand: Je m'excuse, M. Gaudet, si effectivement j'ai
évoqué la notion de pouvoir pour l'article 22, c'est purement par
erreur, je faisais mention de l'article 23. Si je l'ai mentionné pour
l'article 22, je m'en excuse; j'aime bien que vous ayez apporté la
précision sur le caractère très spécifique de la
notion de longueur. Je pense que, a priori, on n'est pas fermé à
l'idée de préciser davantage. Je comprends très bien, en
fait, ce que vous voulez évoquer. Il y a des sommes théologiques
qui sont produites par les organismes publics et qui, à l'occasion,
poseraient des problèmes de délais, parce que, si vous voulez
qu'on racourcisse les délais le plus possible, il faut aussi prendre en
considération que s'il s'agit de documents fort importants, ça
peut prendre un certain temps avant d'arriver à en faire la
reprographie. On peut peut-être regarder s'il n'y a pas une
possibilité de préciser cette notion de longueur.
Je voudrais aussi vous dire - là-dessus en total accord avec
l'Opposition, et nous le ferons d'une façon générale - que
le principe qui nous guidera est de faire en sorte que les délais soient
les plus courts possible pour que l'accès soit le plus rapide possible,
mais qu'en même temps nous tenions compte de la contrainte qui est celle
de permettre au gouvernement d'agir, d'être efficace et d'être un
bon gouvernement, comme le soulignent les commissaires eux-mêmes. Il
s'agit de trouver cette espèce de délai qui se situe à la
fois entre l'accès qui doit être facilité et, d'autre part,
la protection des documents pendant le temps nécessaire pour que le
gouvernement ait le sentiment que son droit de gouvernement n'est pas
brimé à cause même de la nature des documents dont il est
fait mention, selon le cas, cela dépend si on parle de documents de
nature politique ou autres. Là-dessus, je peux vous dire qu'on est
très ouvert et j'attendrai, d'ailleurs, de l'Opposition des suggestions
à ce point de vue là, qui pourront certainement nous guider.
Pour le reste, sans vouloir entrer dans toutes les autres
recommandations que vous faites, je voudrais simplement vous souligner celle
relative à l'article 119 où la commission exerce un rôle en
ce qui concerne l'invitation à un organisme public de retrancher des
renseignements nominatifs et de recommander au gouvernement de modifier ou
d'abroger des décrets de classement. Vous dites: II faut que ce soit
plus fort que ça pour la protection des renseignements personnels.
Encore là, je voudrais vous dire que mon impression
générale, en me servant du sens commun dont il faudra s'inspirer
continuellement, c'est que, lorsqu'une commission - on verra si ce doit
être la
Commission d'accès aux documents des organismes publics;
l'Opposition nous invite a ne pas bureaucratiser davantage la fonction publique
et à faire ça avec un objectif probablement très louable,
mais que vous m'aiderez, par vos suggestions, à rencontrer, que
ça ne coûte pas un sou - fera des recommandations au gouvernement,
elles auront un impact moral considérable. Quand une commission ou
quelque organisme que ce soit que le gouvernement décidera de mettre sur
pied pour s'occuper d'appliquer cette loi recommandera au gouvernement de
modifier ou d'abroger des décrets de classement ou demandera à un
organisme public de retrancher des renseignements nominatifs dans des fichiers,
c'est mon impression très nette que le pouvoir moral, à toutes
fins utiles, de ce tribunal administratif va être très grand.
Je ne crois pas qu'il faudrait, non plus, compliquer la procédure
inutilement, d'autant plus que l'organisme qui sera mandaté pour
appliquer la loi aura aussi un pouvoir d'information auprès du public.
Faire état devant l'opinion publique d'une recommandation qui a
été faite et de l'acceptation ou du refus de l'organisme public
de se plier à la recommandation, ça aussi fait partie du
débat public et il faut le prendre, je crois, dans ce contexte.
Simplement pour dire que je comprends bien le sens de votre invitation, mais
qu'il faudrait peut-être aussi savoir le poids moral qu'auront des
recommandations qui viendraient de l'éventuelle commission
d'accès aux documents des organismes publics.
M. Gaudet: Là-dessus, il va évidemment falloir se
fier au bon sens et à la bonne volonté du gouvernement et des
fonctionnaires qui vont mettre cette loi en application. Cette recommandation
sur 11. '', c'est simplement pour préciser dans la loi que cette bonne
volonté, justement, sera un peu plus forte que simplement des bonnes
intentions.
Je voudrais peut-être ajouter juste deux ou trois points qu'on a
discutés en comité et qui ne sont pas mentionnés dans le
mémoire qu'on vous présente aujourd'hui, parce que ce n'est pas
très très très précis. C'est simplement une
invitation à y penser peut-être. On a toujours
préconisé que le recours du requérant devrait se faire
devant les tribunaux et ici on a une commission qui est proposée, qui
serait quasi judiciaire, évidemment. Par contre, pourquoi avoir une
commission qui, en fait, se substituerait aux tribunaux plutôt que
d'aller directement aux tribunaux eux-mêmes? C'est simplement une
préférence qu'on voulait souligner soit que les tribunaux
seraient préférables, il me semble, et peut-être moins
encombrants. C'est un nouvel organisme qui va être créé
alors que les tribunaux existent déjà; toutes les
règles de la preuve et le reste, toutes les protections pour la
sécurité des citoyens sont déjà établies
dans les règles des tribunaux. C'était simplement une
réflexion. (12 h 30)
Une deuxième porte sur le délai d'application de cette
loi. L'avant-projet de loi prévoit que la loi ne s'appliquera pleinement
rétroactivement que deux ans après l'entrée en vigueur de
la loi. Je me demande dans quelle mesure il est nécessaire d'attendre
deux ans; il me semble que c'est un délai un peu long pour la pleine
application de cette loi. Il me semble que c'est un peu exagéré,
les deux ans.
M. Bertrand: M. Gaudet, j'aurai une réponse très
simple là-dessus. Si c'était possible, je vous inviterais
à venir travailler au ministère des Communications. C'est
possible, n'est-ce pas? On peut le faire?
M. French:... tous des bons journalistes, mais oui!
M. Bertrand: Oui, c'est vrai, on engage souvent des journalistes
comme cela. Je l'inviterais à venir faire le travail qu'effectue en ce
moment le comité qui étudie toutes les implications de l'adoption
d'une éventuelle loi d'accès à l'information
gouvernementale et de protection des renseignements personnels. Je peux vous
assurer que déjà, au départ, ces deux ans établis
pour la mise en application sont véritablement 24 mois qui seront
absolument nécessaires pour faire l'ensemble du travail.
En tout cas, si on retenait l'ensemble des recommandations, l'ensemble
du travail qui nous est demandé dans le cadre d'une telle proposition de
loi, ce serait un travail considérable. Si vous faites l'étude
article par article, toute cette idée des répertoires, des
cataloques, de l'analyse des fichiers gouvernementaux, de l'émission des
certificats, etc., je crois qu'il est préférable de faire en
sorte que la loi, lorsqu'elle viendra, puisse devenir opérationnelle
dans les meilleures conditions possible et qu'on ne bouscule pas inutilement
tout l'appareil administratif, parce qu'il y a quand même quelque chose
comme 4000 à 5000 organismes qui sont touchés par la loi. Qu'on
se dise qu'il faut prendre le temps nécessaire pour que ça
devienne véritablement une loi efficace lorsqu'elle sera en vigueur.
Le Président (M. Rochefort): Merci, avez-vous d'autres
commentaires?
M. Gaudet: Non, cela va. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie.
J'inviterais les représentants de la société
Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la Baie
James à prendre place, s'il vous plaît. Je vous inviterais
à identifier les représentants de votre organisme.
Hydro-Québec et SEBJ
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, mon nom est Joseph
Bourbeau, je suis le président du conseil d'administration
d'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la
Baie James. J'ai, à ma droite immédiate, M. Marcel Couture, le
vice-président de l'information à Hydro-Québec; plus loin,
M. Daniel Granger, membre du contentieux d'Hydro-Québec; à ma
gauche immédiate, M. Jean Bernier, le secrétaire du conseil
d'administration d'Hydro-Québec et de la SEBJ et, plus loin, M.
René Boily, conseiller à la planification générale
d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Rochefort): Vous êtes invité
à présenter votre mémoire en vous soulignant que vous avez
environ 20 minutes pour le faire.
M. Bourbeau (Joseph): Je le ferai en moins de 20 minutes, M. le
Président.
Le Président (M. Rochefort): Excellent.
M. Bertrand: M. le Président, si vous me le permettez,
est-ce qu'on peut déjà s'entendre, parce que je crois savoir que
les gens d'Hydro-Québec doivent rencontrer d'autres personnes cet
après-midi, pour que nous terminions l'étude de leur rapport
même si nous avons dépassé l'heure de 13 heures et je
tenterai d'être le premier à faire l'effort nécessaire pour
raccourcir mes commentaires.
M. French: Je suis convaincu que le président va regarder
le ministre faire son boulot.
Le Président (M. Rochefort): M.
Bourbeau, vous avez la parole.
M. Bourbeau (Joseph): M. le Président, M. le ministre et
MM. les membres de la commission permanente des communications, je voudrais
tout d'abord vous remercier d'avoir convoqué une commission
parlementaire au sujet de la proposition de loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels. Je suis heureux, à titre de président des conseils
d'administration d'Hydro-Québec et de la Société
d'énergie de la Raie James, de vous faire part de notre position sur un
projet de loi qui nous concerne et qui intéresse également la
communauté québécoise tout entière.
La loi, une fois adoptée, pourrait avoir,
en effet, pour tous les organismes d'État des
répercussions importantes, non seulement sur l'information qu'ils
dispensent, mais aussi sur leur mode de fonctionnement.
Ce serait une erreur de séparer l'information de la gestion. Dans
une entreprise moderne, information et gestion vont de pair et c'est pour nous
le point crucial qui est à l'origine de toutes les observations que je
vais vous faire.
Pour plus de clarté, mon exposé sera divisé en deux
parties.
Je vous ferai part, en premier lieu, de la position
d'Hydro-Québec et de la SEBJ quant aux principes et aux grandes
orientations de la proposition de loi et, plus généralement, en
matière d'information.
J'énoncerai ensuite les préoccupations qui sous-tendent
les réserves et les suggestions d'Hydro-Québec quant à
certaines modalités d'application de la proposition de loi.
En ce qui a trait aux principes et aux grandes orientations de la
proposition de loi, nous y souscrivons parce que l'information est un besoin
social de plus en plus ressenti et que la population désire être
plus et mieux informée. Ces dernières années, le
désir d'information des citoyens s'est particulièrement
accentué et cette loi s'inscrit donc dans le sens de l'évolution
des sociétés démocratiques.
Hydro-Québec et la SEBJ poursuivent d'ailleurs des efforts dans
ce sens. Comme la société québécoise, elles
évoluent et l'information qu'elles dispensent à la
collectivité reflètent l'accroissement des exigences de leurs
publics.
La préoccupation de l'information est formellement reconnue dans
les règlements d'Hydro-Québec. Ces règlements
déterminent avec précision le rôle et les
responsabilités du président du conseil d'administration de
l'entreprise et du vice-président de l'information pour que
l'information émise par Hydro-Québec réponde aux besoins
de ses publics.
De plus, en 1978, l'entreprise s'est donné une politique
d'interaction avec ses publics qui vise à intégrer dans son
processus décisionnel le résultat de ses communications avec la
population.
La vice-présidence Clientèle et Régions entretient
aussi des relations permanentes avec les abonnés et, à l'heure
actuelle, tout abonné d'Hydro-Québec peut obtenir l'information
contenue dans son dossier et les explications nécessaires pour en
comprendre la teneur. Il peut de plus faire corriger les inscriptions
erronées.
Certaines lois, par ailleurs, obligent déjà
Hydro-Québec à publier diverses informations. Ainsi, l'entreprise
doit rendre publics les résultats des études avant-projet de ses
installations, c'est-à-dire l'ensemble des données techniques,
économiques et d'environnement, de même que les résultats
de la communication avec le public, les organismes et ministères
concernés. À partir de ces mêmes documents, le conseil
d'administration prend des décisions en vue de la réalisation des
projets et sollicite les autorisations gouvernementales requises
conformément à sa loi constitutive et compte tenu principalement
de trois lois et des règlements qui les accompaqnent. Ce sont les lois
sur la protection du territoire agricole, sur la qualité de
l'environnement et sur l'aménagement et l'urbanisme. Pour
améliorer la prise de décision et mieux intégrer les
projets dans le milieu, les projets relatifs aux équipements de
production, aux postes et aux lignes de transport donnent ainsi lieu, chaque
année, à une information de plus en plus systématique et
ouverte ainsi qu'à une consultation de plus en plus suivie. Celle-ci a,
par exemple, amené l'entreprise à modifier certains de ses choix
d'emplacement de postes ou de tracés de lignes.
L'entreprise est donc bien consciente de la nécessité
d'informer ses publics. Elle le fait à l'occasion de commissions
parlementaires et dans de nombreux et importants domaines. Les résultats
de ces communications avec les publics sont intégrés aux prises
de décisions et à la gestion.
Cependant, le mémoire d'Hydro-Québec qui vous a
été soumis formule des réserves à l'égard de
certaines dispositions particulières de la proposition de loi. Ces
réserves sont inspirées de plusieurs préoccupations, dont
la commission Paré a d'ailleurs reconnu l'importance dans son rapport,
notamment dans ce passage que je citerai: "L'extension du secteur public s'est
faite également par des entreprises d'État. La logique de cette
participation à l'économie suppose que ces entreprises jouissent
d'avantages équivalents à ceux de leurs partenaires ou de leurs
concurrents et qu'elles ne soient pas soumises à des contraintes qui ne
sont pas imposées à ces derniers. "
C'est ainsi que la divulgation de certains renseignements risquent
d'apporter des avantages indus à des personnes ou à des
organismes particuliers, par exemple, à l'occasion des expropriations ou
dans le cas de recherches faites par Hydro-Québec à son institut
de recherche.
La divulgation de certains renseignements risque aussi de miner la
confiance nécessaire entre Hydro-Québec et ses divers partenaires
et de compromettre le droit des tiers.
À titre d'exemple, la divulgation des conditions des contrats
entre l'entreprise et ses abonnés mettrait en danger la
confidentialité de certains renseignements personnels tels que la
solvabilité de l'abonné et les demandes judiciaires de
recouvrement. Hydro-Québec est d'ailleurs en train de
mettre au point un code de déontologie à l'intention du
personnel habilité à traiter ces données afin d'assurer
une plus grande protection à ses abonnés.
En ce qui concerne les droits des tiers, Hydro-Québec admet
volontiers que la loi s'applique à ses propres documents, mais souhaite
qu'elle ne l'oblige pas à donner accès à des documents ou
à des renseignements qui ne lui appartiennent pas, et qu'elle
détient en vertu de ses relations avec des tiers, en particulier, ses
fournisseurs et ses bailleurs de fonds. Ces relations sont fondées sur
une très grande confiance envers Hydro-Québec et la certitude
morale que tout renseignement, privilégié ou non, sera
traité avec la discrétion qu'exige le monde des affaires. La loi
devrait éviter à Hydro-Québec de juger les motifs de
confidentialité invoqués par ses correspondants commerciaux
à propos de documents qui leur appartiennent, mais qui sont
détenus par Hydro-Québec.
L'application de la loi aura enfin des conséquences sur le
fonctionnement interne de l'entreprise. Il serait ainsi nécessaire que
certains projets de transactions financières et commerciales puissent
demeurer secrets après leur conclusion. Hydro-Québec
suggère ainsi d'éviter l'embûche que constitue
l'appréciation de la valeur d'un secret industriel et de le
protéger dans tous les cas. Elle souhaite également que les
renseignements économiques et stratégiques qui revêtent un
caractère particulièrement important pour elle, en raison de leur
incidence sur l'orientation même de sa gestion, soient inclus dans la
liste des renseignements dont l'accès peut faire l'objet d'une
restriction.
Dans le même ordre d'idées, la protection accordée
aux délibérations du conseil d'administration devrait aussi
s'étendre à celles des comités du conseil, puisque leurs
activités sont indissociables de celles du conseil d'administration. Il
nous semble aussi que l'information qui s'achemine vers le cabinet d'un
ministre ou le bureau d'un membre de l'Assemblée nationale devrait
être protégée de la même manière que celle qui
en émane. De plus, les décisions adoptées au conseil
d'administration et sujettes à l'approbation du gouvernement devraient
être protégées jusqu'à ce qu'elles aient
été approuvées par le gouvernement.
Enfin, nous tenons à souligner les problèmes pratigues et
administratifs que va soulever la mise en application de la loi au sein de
l'entreprise. La quantité de travail a prévoir est en effet
considérable. L'information existe mais, fréquemment, elle n'est
ni inventoriée, ni répertoriée. Les dossiers et fichiers
que possède HydroQuébec offrent une très grande
disparité quant à leur contenu, leur informatisation, leur
gestion, leur utilisation et leur accessibilité. Certains exigeront
beaucoup de travail d'uniformisation et de classement.
Étant donné l'importance des modifications administratives
qu'entraînera, sur une période de cinq ans, l'application de la
loi, Hydro-Québec souhaiterait qu'on procède à son
implantation par étapes.
La question des coûts ne doit pas non plus être
négligée. Selon la proposition de loi, l'accès à un
document est gratuit. Hydro-Québec souscrit à ce principe, mais
lorsque la demande entraîne des frais de repérage ou de
préparation, nous suggérons de faire payer ces frais selon les
dépenses engagées. Il nous semble que l'intérêt
général réclame que ce ne soit pas la collectivité
qui paie le prix réel de la transmission, mais plutôt la personne
ou le groupe qui fait la demande et qui apprécie la valeur de
l'information obtenue.
Information et liberté, accès à l'information,
ouverture de l'entreprise aux besoins d'information des citoyens, protection
des renseignements personnels, autant de notions qu'Hydro-Québec accepte
sans restrictions et dont elle pense que les effets seront favorables à
la communauté québécoise et aussi à
elle-même. Mais nous souhaitons que le léqislateur prévoie,
ainsi que la commission Paré le reconnaît expressément, des
modalités d'application particulières pour les
sociétés d'État à caractère commercial afin
de respecter leurs besoins légitimes et leurs contraintes.
Je vous remercie, M. le Président. Nous serons prêts, mes
collègues et moi, à répondre aux questions des membres de
cette commission.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, merci infiniment. Je
voudrais remercier très sincèrement Radio... Je suis tellement
intéressé par le dossier de Radio-Québec par les temps qui
courent; c'est un autre ministre qui est intéressé plus
particulièrement par vos dossiers. Je voudrais remercier
Hydro-Québec d'avoir produit ce mémoire parce que nous avons
craint pendant un certain temps que les sociétés d'État ne
se présentent pas devant la commission parlementaire. Il me semble qu'il
y a des questions qui doivent être adressées aux
sociétés d'État à cause du contexte même dans
lequel elles sont placées; c'est peut-être moins le cas pour
Hydro-Québec, à cause de sa situation monopolistique sur le
territoire québécois, que pour d'autres sociétés
d'État qui sont en situation de concurrence, mais il n'en demeure pas
moins que vous êtes en relation avec le secteur privé, vous
établissez des relations à plusieurs points de vue avec
l'entreprise privée. Il me paraît important que vous nous
indiquiez jusqu'où ou
à partir de quel moment, à votre avis, l'éventuelle
loi sur l'accès à l'information gouvernementale est trop
largement ouverte et compromet la réalisation de votre mission dans le
secteur économique.
Je vous félicite au départ de dire: Nous, on est
prêts à marcher avec une loi comme cela. Mous sommes un organisme
public. L'argent que nous détenons, c'est de l'argent qui nous vient,
d'une part, des contribuables en grande partie...
M. French: Sans doute, mais par une autre source que les taxes,
par exemple.
M. Bertrand: Non, d'une autre façon. Vous parlerez de cela
à l'autre ministre.
M. Marx: Qu'ils aient le droit de taxer?
M. Bertrand: Vous êtes donc placés dans une
situation où le caractère public de votre institution vous
commande un certain nombre d'obligations, un certain nombre de
responsabilités sociales. L'information fait partie de cette
responsabilité sociale que vous sentez important de remplir. Je tiens
aussi à remarquer qu'Hydro-Québec - je pense que cela devrait
caractériser l'ensemble des organismes publics - considère que la
communication est un outil de gestion. Je crois que c'est une idée qu'il
vaudrait la peine de vendre à l'ensemble des organismes publics, entre
autres les ministères du gouvernement du Québec, que la
communication est un outil de gestion. C'est un des défis que je me
propose de relever au cours des prochains mois.
Vous faites état, comme la chambre de commerce, de toute cette
difficulté relative aux documents qui vous ont été
présentés par des tiers, de toute la relation de confiance que
vous avez établie avec ces tiers et des difficultés que cela
créerait dans la mesure où vous seriez obligés par la loi
de rendre publics les documents qui vont ont été transmis par un
tiers. Là-dessus, vous reprenez à peu près la même
argumentation que la chambre de commerce. J'avais indiqué tantôt
que nous étions préoccupés par ce point et que nous
allions tenter de circonscrire l'ensemble du problème pour trouver la
meilleure solution possible, mais j'aimerais savoir si vous avez une solution
à nous proposer très spécifiquement dans ce domaine.
Première question.
La deuxième question que j'aimerais vous poser, c'est
relativement à votre fichier de données sur l'ensemble des
abonnés. Vous dites que c'est votre intention d'établir un code
de déontologie pour les gens qui manipulent ces informations, qui
travaillent dans ces fichiers. Jusqu'où êtes-vous prêts
à aller? Quelles sont exactement les mesures que vous avez l'intention
de prendre pour assurer la confidentialité, la protection des
renseignements personnels? Ce sont certains des points sur lesquels j'aimerais
avoir des réponses.
Finalement, j'aimerais savoir si, sur le plan des principes, les
articles 25, 26, 27, 28 et 29 de la proposition de loi, c'est-à-dire
toutes les restrictions relatives aux renseignements à incidences
économiques - je sais que, dans l'autre rapport que vous nous avez
présenté, vous y allez plus en détail -vous apparaissent
vous protéger suffisamment dans le contexte particulier où vous
êtes placés ou si, à votre avis, sans pour autant tomber
dans les détails qui deviendraient fastidieux, il y a certains points de
principes qui ne sont pas touchés dans les articles 25, 26, 27, 28 et 29
et que vous aimeriez que le législateur retienne en ce qui concerne les
sociétés d'État.
M. Bourbeau (Joseph): Merci, M. le ministre. Avant de passer la
parole à M. Bernier, qui va traiter, je crois, des tiers, du
problème des tiers et de la dernière question que vous avez
posée, j'aimerais vous faire remarquer, au sujet des commissions
parlementaires auxquelles assiste Hydro-Québec qu'on aime tellement cela
que, durant le prochain mois, ce sera quatre commissions parlementaires
auxquelles assistera Hydro-Québec.
M. Bertrand: Est-ce qu'on doit prévoir une clause pour
vous soustraire à la loi d'accès à l'information
parlementaire?
M. Bourbeau (Joseph): M. Bernier.
M. Bernier (Jean): M. le Président, M. le ministre des
Communications a touché quatre grands thèmes et il nous demande
d'abord dans quelles limites ou jusqu'où nous pouvons aller.
Évidemment, nous avons mis sur la table notre accord de principe avec
les orientations de la loi. Je pense que notre réponse s'articule autour
de la suggestion que nous avons faite dans notre mémoire relativement
à l'application de la loi et au "sunset clause" qui s'y trouve. Il
semble actuellement qu'il se dégaqe un consensus très
général sur les principes de la loi et ce consensus rejoint
d'autres consensus ailleurs dans d'autres pays. Nous ne pensons pas que, dans
l'espace de cinq ans, on en vienne à penser différemment de telle
sorte qu'il vaille la peine, dès ce moment-ci, de mettre en cause et sur
la table l'existence même de la loi comme la Loi sur la protection du
consommateur, comme la Charte de la langue française, et je pense que
nous en sommes à un point d'acceptation et de vie harmonieuse avec ces
lois. Relativement à la loi d'accès à l'information, nous
prévoyons que le même phénomène va se produire. Par
voie de conséquence, nous pensons qu'il ne serait pas opportun de penser
en terme d'une
telle "sunset clause". Par ailleurs nous sommes d'accord avec les
dispositions qui suivent relativement aux rapports que la commission devra
faire à l'Assemblée nationale, aux commissions parlementaires qui
pourront en découler et éventuellement aux modifications
législatives.
Donc, la pratique même de la chose nous amène à
penser à une certaine forme de pérennité de la loi.
D'autre part, nous avons commencé à regarder les implications
pratiques de la mise en vigueur de cette législation et nous y voyons
beaucoup de travail et beaucoup d'énergie. Il serait normal que nous
entreprenions ces activités dans un cadre d'une continuité
législative.
Ce qui est important à ce moment-ci, c'est de prévoir de
façon relativement précise la mise en application de la loi par
étapes. Pour comprendre cette proposition, je vous inviterais à
considérer Hydro-Québec sous ses angles les plus importants.
Hydro-Québec est d'abord un distributeur
d'électricité. Nous avons 2 400 000 abonnés. De cette
situation découle un ensemble de techniques de gestion et de
procédures administratives pour gérer ce portefeuille.
Hydro-Québec est aussi un producteur d'électricité,
un transporteur et un distributeur. Dans ce portefeuille, des techniques de
gestion administratives sont appliquées.
Hydro-Québec est aussi, avec la Société
d'énergie de la Baie James, un constructeur, un développeur
extrêmement important du Québec. Après les recherches
préliminaires, des études comparatives, des avant-projets de
l'ingénierie, on en arrive éventuellement à construire.
Voilà un autre portefeuille d'Hydro-Québec. Hydro-Québec
est aussi chercheur scientifique. C'est son institut de recherche qui s'occupe
de ce portefeuille. (13 heures)
Je vais m'arrêter ici. J'ai situé les grands morceaux. Vous
comprendrez que la gestion de ces portefeuilles se fait de façon bien
différente. Les gens de la construction ne sont pas nos chercheurs. Nos
chercheurs ne sont pas nos gérants d'abonnés. Et toutes les
pratiques administratives, tous les documents, la paperasse, les rapports sont
d'ordre différent.
Je reviens à mon premier point, à savoir procéder
par étapes. N'y aurait-il pas lieu d'aller d'abord à l'essentiel?
Qu'est-ce que c'est l'essentiel, quant à l'avis aux documents
d'Hydro-Québec? Il nous apparaît essentiel pour l'abonné
d'avoir accès à son dossier, d'avoir le droit d'y faire apporter
des modifications, d'être assuré que l'information qu'il contient
demeure confidentielle, d'avoir le droit de connaître les tarifs qui lui
sont applicables, d'avoir le droit de connaître les conditions de
fourniture qui lui sont applicables et d'avoir aussi le droit d'obtenir de
l'entreprise toutes les explications nécessaires pour la bonne
compréhension du service qu'il reçoit et de l'argent qu'il
verse.
Ce portefeuille abonné - vous le comprendrez très bien, je
pense bien, M. le Président - est déjà de beaucoup plus
important que le portefeuille recherche comme tel. Nous pensons que, dans une
loi à caractère permanent, ce premier dossier, ce premier
portefeuille, comme je l'ai appelé tantôt, devrait être
privilégié et, dans un avenir raisonnable, nous pourrions
atteindre l'objectif que j'ai mentionné tantôt. Dans une seconde
étape, nous pourrions penser à d'autres types de documents qui
peuvent s'avérer d'une certaine utilité, non plus pour l'individu
qui paie un service, mais pour l'individu pris comme membre de la
collectivité ayant un intérêt général dans
les affaires d'Hydro-Québec.
Je ne peux pas terminer sans rappeler l'article 16, quand on impose
à un organisme public de classer ses documents selon un système
qui en facilite le repérage et de maintenir à jour un catalogue,
etc. On voit bien, par la sommaire description que je viens de faire, que si on
tente dans un délai de deux ans de régler tous les
problèmes, de tout inventorier, de tout répertorier, de tout
classer, de tout conserver, de tout archiver et de rendre tout disponible, sans
oublier les interrelations nécessaires entre les différentes
grandes unités et entre les différents grands portefeuilles, on
va carrément manquer son coup.
M. le Président, nous n'avons pas de limite. Nous voulons un
échéancier; nous avons des décisions a prendre, nous avons
de l'argent à investir et nous voulons que cela soit fait de
façon rationnelle de façon à atteindre le mieux possible
les objectifs de la loi.
Quant aux tiers, nos amis de la chambre de commerce ont parlé de
soumissions, ce matin. Je pense qu'il faut poser le problème de sa vraie
façon. Tout d'abord, les documents d'appels d'offres sont
déjà publics. N'importe qui peut s'en procurer des copies,
obtenir toutes les clauses, toutes les conditions du marché, obtenir les
plans, les devis, les cahiers de charges, etc. Cela est public. Les soumissions
publiques d'Hydro-Québec sont ouvertes en public. Nous avons convenu
d'une formule qui permet à des représentants de deux journaux -
je crois que ce sont le Daily Commercial News et la revue Constructo -
d'être présents à toutes nos ouvertures. Ils connaissent
donc, dès l'ouverture, les soumissionnaires, ils connaissent les prix
des soumissions et ils publient ces informations dans leur milieu.
Ce qu'il reste à connaître, finalement, en matière
de soumissions - parce que c'est vraiment un point très chaud - c'est
le
détail de la soumission, les prix que le soumissionnaire formule,
sa structure de prix, le détail des fiches techniques des produits qu'il
nous vend. Alors, ça m'apparaît bien clair que, d'une façon
qénérale, nous pourrions, de façon tout à fait
régulière, établir, dans chaque cas, que cette
information, qui se situe à un endroit très précis dans la
soumission, est une information qui pourrait donner à un tiers un
avantage indu et, par voie de conséquence, ne serait pas divulgable.
Je vous avouerai qu'en pratique c'est un point extrêmement
sensible. Prenons des manufacturiers d'équipement électrique; ils
doivent nous fournir des devis de performance de leur équipement, ils
doivent nous fournir les résultats de tests, ils doivent nous fournir
les méthodes suivant lesquelles on a testé. Vous imaginez bien
que ces gens vont être des plus réticents à dévoiler
ces travaux qu'ils ont faits et qui leur permettent, à un moment ou
l'autre, d'être les plus bas soumissionnaires parce qu'ils ont
raffiné leur technologie. Et en surabondance à ce que je dis
quant aux tiers, nous, à Hydro-Québec, et cela depuis 20 ans que
nous procédons par soumissions publiques - en fait c'est ça,
depuis 20 ans, depuis 1962 -nous ne considérons tellement pas que ce
sont nos documents que, subséquemment à l'ouverture des
soumissions, nous retournons en pratique à tous les soumissionnaires,
sauf aux trois plus bas, les documents qu'ils nous ont remis. Nous n'avons
jamais voulu garder ces documents chez nous pour une question de
confidentialité et pour une question d'encombrement. Ce sont des
documents que nous ne gardons que lorsque le contrat est finalement
adjugé.
C'est d'ailleurs l'esprit dans lequel nous avons rédigé
notre recommandation; quant à Hydro-Québec, la loi devrait viser
les documents qui sont la propriété et en la possession
d'Hydro-Québec. Finalement, l'objectif qu'on veut vraiment atteindre
c'est qu'Hydro-Québec puisse rendre publics ses documents. Je ne crois
pas qu'on ait voulu, par un artifice indirect, donner accès à des
documents qui autrement n'auraient pas pu être rendus publics.
Je vais demander maintenant à M. René Boily, qui est
à ma gauche, de traiter du troisième point soulevé quant
au fichier sur les abonnés.
M. Boily (René): En fait, dans le cadre de la
réalisation de notre mission commerciale auprès des clients
d'Hydro-Québec, on s'est donné des outils de gestion. Un des
principaux outils de gestion c'est celui du fichier de nos abonnés. Dans
la situation actuelle, ce fichier est celui qui est peut-être le plus
près de ce que souhaite le rapport Paré, c'est-à-dire que
ce fichier est déjà informatisé en grande partie. Tous les
renseignements nominatifs ou personnels que nous possédons sur nos
abonnés sont contenus dans ce fichier. Tous les clients
d'Hydro-Québec peuvent, en se présentant à l'un ou l'autre
de nos bureaux d'affaires, obtenir communication et interprétation de
chacun des renseignements qui est contenu sur ce fichier. Il est certain que ce
fichier n'a pas uniquement pour fonction de permettre l'information, mais il la
permet.
En ce qui concerne la confidentialité et les données qui y
sont contenues, nous avons des employés qui sont particulièrement
affectés à utiliser ces fichiers. Ces fichiers étant
informatisés, ils sont, en termes techniques, banalisés,
codés, et seuls les employés qui sont attitrés à
ces fichiers sont en mesure de décoder l'information qui y est contenue
pour la traduire et l'interpréter à l'employé. Donc, vous
avez là, de par la façon dont on conserve les informations, une
protection qui est accordée quant à la
confidentialité.
En ce qui concerne les tiers, comme nous en faisions état dans le
mémoire, les informations ne sont jamais communiquées à
des tiers à moins que l'abonné nous en fasse une demande
écrite et nous autorise à le faire.
Les informations qui ont pu être communiquées sont, par
exemple, des moyennes de consommation générale de groupes
d'abonnés, mais ça ne touche jamais l'individu.
Maintenant, l'hypothèse d'un code de déontologie: dans les
faits, il s'agit d'un projet concret. Nous allons, avec les employés et
leurs représentants syndicaux, nous donner un code de déontologie
qui va aborder l'aspect de la confidentialité, mais, aussi l'attitude,
la façon dont notre représentant au service à la
clientèle doit se comporter avec le client. Même si, à
l'heure actuelle, ces représentants, de par la tradition ou leur
éthique professionnelle, respectent les critères de
confidentialité qui sont reconnus dans le rapport Paré, le code
de déontologie va permettre d'élaborer et d'échanqer avec
eux sur des nouvelles normes, sur des attitudes, sur des règles de
fonctionnement qu'on veut se donner et nous sommes convaincus que cela va
assurer la confidentialité de l'information à l'endroit de nos
abonnés.
M. Bernier: Le quatrième point soulevé par M. le
ministre des Communications se rapporte aux articles 25, 26, 27, 28 et 29. Nous
avons fait dans notre mémoire, aux pages 13 et suivantes, des
recommandations spécifiques. Quant à l'article 25, par exemple,
on a tenté de proposer un texte qui nous apparaît correspondre de
façon plus correcte, plus précise, à la recommandation 40
du rapport.
Quant aux renseignements privilégiés de
l'article 26, on recommande de reconnaître pour les organismes
publics la possibilité de refuser de divulguer un secret industriel sans
autre justification. Je voudrais ici juste mentionner en passant que nous
pouvons refuser de communiquer un secret industriel qui appartient à
Hydro-Québec et dont la valeur commerciale actuelle ou éventuelle
est importante. Je pense que c'est un assez lourd fardeau en termes de secret
industriel que de devoir faire preuve de valeur commerciale actuelle ou
éventuelle importante. Évidemment l'importance, c'est un
critère subjectif, relatif. Est-ce important financièrement par
rapport au bilan d'Hydro-Québec ou par rapport au bilan de celui qui
réclame le papier ou le secret? C'est une embûche. Je pense qu'un
secret industriel, et là je pense spécifiquement à nos
brevets, à nos patentes, qui nous viennent de l'Institut de recherche,
je pense que cela est de la propriété d'Hydro-Québec et
que ça ne doit pas être divulgué sans que nous devions
faire preuve d'une valeur.
Nous recommandons également à l'article 26 d'ajouter les
termes "économique" et "stratégique" en plus de ceux qui s'y
trouvent, comme des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou
techniques et nous pensons qu'il y aurait intérêt à ajouter
à l'article 26 les alinéas qu'on trouve à l'article 25.
(13 h 15)
Si vous avez remarqué la rédaction des articles 25 et 26,
on y traite de choses bien importantes, mais leur divulgation obéit
à des critères différents. Nous n'avons pas vu
l'intérêt d'avoir, pour ces types de renseignements tous
importants, des critères de divulqation distincts. C'est un ensemble de
données qui doivent obéir aux mêmes critères, si on
veut faire des réserves.
M. Bertrand: Je tiens à vous dire que les articles ?5 et
26 peuvent fort probablement être travaillés; on pourrait
peut-être même tout fondre cela en un seul article, à un
moment donné, qui dirait tout ce qu'il y a à dire sur la base des
mêmes considérations. Là-dessus, il n'y a pas de fermeture
a priori, on regardera cela plus en détail.
M. Bernier: C'est cela.
M. Bertrand: Dans votre modification à l'article 25, vous
voulez y introduire "projets de tarification".
M. Bernier: Oui.
M. Bertrand: C'est-à-dire que l'organisme peut refuser de
communiquer un projet de tarification. À l'article 47, on dit: "Un
organisme public peut refuser de communiquer une analyse produite à
l'appui d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus
décisionnel en cours, jusqu'à ce qu'une décision ait
été prise sur cette recommandation. "
Vous allez venir en commission parlementaire - vous êtes des
abonnés assidus aux commissions parlementaires - sur ces questions de
tarification, je crois, vers la fin du mois de septembre. Comment
Hvdro-Québec voit-elle la possibilité pour l'organisme, si elle
peut, de rendre publics de tels renseignements relatifs à des projets de
tarification? Est-ce que, d'une certaine façon, en commission
parlementaire, déjà, à cause même des questions qui
vous seront posées, vous ne serez pas un peu poussé à
mettre sur la table des projets de tarification''
M. Bernier: C'est assez simple. Je rappelle ici le
mécanisme d'adoption des règlements. En vertu de la Loi sur
l'Hydro-Québec, les règlements de tarif doivent être
approuvés par règlement d'Hydro-Québec qui sont sujets
à l'approbation du gouvernement.
Dans un premier temps, Hvdro-Québec va approuver un tarif
à partir d'une masse d'information, je présume, et, dans une
seconde phase, nous allons demander au gouvernement l'approbation de ce
règlement. Or, c'est à ce moment-là que se situe la
commission parlementaire.
M. Bertrand: Mais l'ensemble des documents qui auront
présidé à la préparation de la décision, que
vous pouvez refuser de communiquer, mais que vous pouvez aussi communiquer, si
tel est votre loisir, jusqu'où, dans le cadre de votre fonctionnement,
tout en tenant compte des lois et des règles établies à ce
sujet, HydroQuébec est-elle disposée à rendre ces
documents accessibles?
M. Bernier: Si on se rappelle les commissions antérieures
sur les tarifs, nous avons discuté de ces tarifs, nous avons fourni
l'information demandée, nous avons produit des rapports appuyant les
conclusions de nos règlements de tarif. Cela ne pose pas de
problème. Cela se situe dans une autre problématique
complètement différente. Ici, on parle de l'accès aux
documents; on n'a pas parlé des commissions parlementaires. On a eu le
même problème avec le plan des installations; quand nous sommes
venus en commission parlementaire, en février, nous avons parlé
de ce que nous pouvions entrevoir comme plan d'installations pour les dix
prochaines années et nous avons établi nos prévisions de
demandes et les diverses alternatives. Nous sommes arrivés avec ce qui
nous paraissent être le plan d'installaions qui correspondait le mieux
à nos prévisions et à nos besoins futurs.
M. Bourbeau (Joseph): Pour la prochaine commission parlementaire
sur les hausses de tarif, nous allons envoyer au gouvernement -il sera
déposé ici - notre projet de règlement de hausse de tarif.
Il sera accompagné d'un mémoire assez volumineux qui va contenir
les informations qui nous ont servi à préparer ces hausses de
tarif. Non seulement le gouvernement, mais aussi l'Opposition recevra ces
documents, ces informations avant la tenue de la commission parlementaire, de
façon qu'on puisse avoir un échange fructueux.
M. Bertrand: Une dernière toute petite question sur le
fichier. Est-ce qu'Hydro-Québec transmet à d'autres organismes,
de quelque nature qu'ils soient, les informations qu'elles détient, que
vous détenez sur les abonnés?
M. Roily: Nous pouvons transmettre à d'autres organismes
les informations que l'on détient sur un abonné à la
demande de l'abonné, à la demande écrite de
l'abonné.
M. Bertrand: Et à la demande de qui?
M. Boily: À la demande de l'abonné lui-même
et pour autant qu'il nous y autorise par écrit.
M. Bertrand: Un exemple de cela, d'un abonné qui vous
demanderait de transmettre des informations à son sujet à
d'autres organismes, ce serait quoi?
M. Bernier: On a le cas, par exemple, de certaines
procédures judiciaires où l'abonné, pour établir
des coûts, nous autorise à divulguer à d'autres personnes,
en dehors du processus judiciaire, de l'information sur ce que cela lui
coûte d'électricité. Cela arrive.
M. Bertrand: Cela s'arrête là?
M. Bernier: Oui, cela s'arrête là. On fournit, je
pense - René aurait pu le mentionner - de l'information dite
banalisée, c'est-à-dire des rapports de statistiques sur la
consommation de façon générale, à partir du dossier
de l'abonné, mais...
M. Bertrand: Ce ne sont pas des renseignements nominatifs.
M. Bernier: Jamais. D'ailleurs, nos employés à
Hydro-Québec, M. le ministre, je peux vous en assurer, obéissent
à une discipline assez rigoureuse à cet égard et sont
fiers de ne pas divulguer à qui que ce soit de l'information concernant
des abonnés spécifiquement.
M. Bertrand: Je suis content de vous l'entendre dire parce que
c'est une question qu'on pourrait poser et qu'on posera probablement à
d'autres organismes, à commencer d'ailleurs par certains
ministères du gouvernement.
Le Président (M. Rochefort): Oui, allez- y.
M. Bernier: À moins qu'il n'y ait d'autres questions, je
ne voudrais pas omettre de mentionner, quant aux articles 37, 38, 39 qui nous
touchent de façon très spécifique, qu'il y aurait lieu,
dans le sens de notre mémoire, de réfléchir aux divers
rapports et aux modalités de divulgation des divers rapports qui sont
mentionnés. On protège les décisions du conseil
d'administration d'Hydro; évidemment, une fois rendues, elles sont
publiques. Pour cela, on n'a pas de problème. Mais je pense qu'il
faudrait essayer d'uniformiser la protection quant aux recommandations de
l'interne par rapport à ce qui est de l'analyse interne ou externe et
quant aux rapports de consultants. Peut-être qu'on aura l'occasion, M. le
ministre, d'en reparler. Je pense qu'il faut comprendre le processus de gestion
d'Hydro. Évidemment, lorsque le conseil d'administration ou même,
par délégation, des vice-présidents et le
président-directeur général décident de quelque
chose, c'est généralement dans le cadre d'une masse
d'information: l'analyse interne, l'analyse externe, rapport de consultants,
recommandations de gestionnaires et tous ces gens. Je pense qu'on serait
placé dans une situation un peu anarchique si, d'une part, l'analyse
d'un consultant externe, qui fait partie d'une recommandation qui a
donné lieu à une décision, pouvait être
divulguée ou devait être divulguée alors que la critique de
cette même opinion externe apparaissant dans une recommandation
n'était pas nécessairement divulgable.
Je pense qu'il faudrait harmoniser tout cela parce que autrement,
qu'est-ce que vous voulez, si le conseil prend une décision sur un
rapport de consultant ou prend une décision qui diffère pour
quelque raison d'un rapport de consultant, la protection accordée
à la recommandation interne serait inutile parce qu'il faudrait tout
sortir. Il faudrait essayer d'harmoniser cela et aussi essayer d'harmoniser une
certaine terminologie qu'on retrouve. Les organismes publics, à ma
connaissance, du moins chez nous à la SEBJ, à la SDBJ, à
SOQUEM, à SOQUIP, à REXFOR, les entreprises de cette nature ne
procèdent pas par mémoires de délibération. C'est
un vocabulaire qui est sui generis du conseil exécutif. Nos conseils
procèdent par voie de procès-verbaux qui, substantiellement, ont
pour objet de rapporter les décisions.
On s'accommode assez mal de ce terme, mais c'est une question de
détail
auquel on peut facilement pallier.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Westmount.
M. French: Je voudrais d'abord remercier les gens
d'Hydro-Québec qui sont venus. Je sais qu'ils sont très
occupés de ce temps-ci. Ils ont beaucoup de préoccupations de
nature un peu différente au libre accès à l'information.
On n'entrera pas dans les détails. Le ministre a frôlé le
sujet déjà. Je pense que la seule question qu'il nous reste
à poser, à part les problèmes administratifs, j'ai cru
comprendre que pour Hydro-Québec, malgré sa diversité,
malgré la gamme de ses responsabilités, le projet de loi est
vivable. Ce n'est pas impossible de vous ajuster à ces exigences, en
espérant toujours que les ajustements que vous avez recommandés
soient pris en considération. Cela ne vous crée pas de
problème impossible à résoudre.
M. Bourbeau (Joseph): M. Couture.
M. Couture (Marcel): Non seulement ça ne nous crée
pas de problème impossible, mais Hydro-Québec s'est dotée,
dès 1978, d'une politique d'interactions avec les publics qui va
beaucoup plus loin, dans certains domaines, que la proposition de la loi
actuelle. Je pense qu'Hydro-Québec a pris les devants sur ce plan:
participation intense des gestionnaires à l'information, si bien
qu'Hydro-Québec informe la communauté québécoise,
planifie ses communications avec le public pour tous ses projets, et, sur le
territoire, il n'y a pas de problème.
M. French: Malgré votre bonne volonté, par contre,
il y aurait des problèmes administratifs qui exigeraient un certain
délai pour la mise en application.
M. Bernier: Ce ne sont pas des problèmes administratifs;
c'est une question de temps, c'est une question d'inventaire, de classement, de
formation du personnel aussi.
M. French: Des problèmes pratiques plutôt que des
problèmes de principe.
M. Bernier: C'est exact.
M. French: C'est cela que je voulais évoquer par
administratifs. Quant à l'article 25, très brièvement, le
troisième sous-article que vous suggérez comme restriction
permettrait à un organisme public de ne pas dévoiler, si j'ai
bien compris, un document qui "irait à l'encontre d'un engagement
écrit ou verbal conclu avec un tiers en ce qui a trait à la
confidentialité de ce renseignement. " Je ne sais pas s'il y a une
restriction à l'étendue de ce sous-article qui découle de
l'article comme tel, mais il me semble qu'il y a là une
échappatoire énorme, en toute honnêteté, surtout si
l'engagement peut être verbal. Dans mes anciennes fonctions, il y a
à peu près six ou sept ans, j'avais de la correspondance de la
part du gouvernement fédéral avec le Federal Bureau of
Investigation aux États-Unis. De façon routinière, ils
nous appelaient et nous suggéraient de leur demander de couvrir la
correspondance par un tel engagement; sinon, c'était
immédiatement disponible aux journalistes et à toutes sortes
d'autres bêtes dangereuses.
Je me demande si ça ne deviendrait pas tout simplement une
habitude pour tous les gens avec lesquels vous correspondez de demander un tel
engagement de sorte que, finalement, par une telle technicité, on
nuirait aux objectifs fondamentaux de l'exercice d'un régime
d'accès à l'information.
M. Bernier: Vous faites référence à
l'article 27, je crois; vous avez mentionné l'article 25.
M. French: En haut de la page 14.
M. Bertrand: À la page 13, vous dites qu'il y aurait lieu
d'ajouter un autre alinéa à l'article 25 pour le cas où
des tiers exigeraient absolument la confidentialité d'un renseignement.
En pages 13 et 14.
M. Bernier: En fait, si j'ai fait allusion à cette
question tantôt, c'est que...
M. French: Est-ce que c'est que, dans le fond, vous croyez que
l'objectif de la loi est de révéler vos documents et tout
simplement de ne pas toucher les documents qui seront déposés
chez vous ou tous les renseignements qui touchent les tiers? Est-ce que c'est
ça, dans le fond?
M. Bernier: Fondamentalement, notre position, à ce
moment-ci, compte tenu de notre approche d'une loi qui se continuera dans le
temps et qui se fera par étapes, c'est de dire: Dans un premier temps,
à tout le moins, visons les documents d'Hydro-Québec; ne visons
pas les documents qu'elle obtient des tiers à moins, évidemment,
que ces documents de tiers ne soient ses propres documents. Par exemple,
lorsque nous commandons une étude, une recherche et que nous payons
pour, cela devient notre document et il doit être traité comme
tel. Nous faisons allusion ici aux documents de tiers, à toutes ces
communications que nous recevons, aux documents que nous recevons par le
truchement des soumissions, aux documents d'information que nous recevons de
tiers sur leur situs financier, sur leur capacité de produire, etc. Des
documents, nous les demandons pour notre bonne gestion,
nous pensons qu'ils ne devraient pas être, par notre entremise,
rendus publics. Si on veut vraiment qu'ils soient rendus publics, à ce
moment-là, on pourra le demander aux tiers ou éventuellement,
dans d'autres étapes à venir, le tiers lui-même, comme
entreprise commerciale, pourrait être visé. (13 h 30)
Le Président (M. Rochefort): M. Bourbeau.
M. Bourbeau (Joseph): II s'agit surtout, à ce moment-ci,
pour couvrir ce troisième paragraphe, d'ententes conclues souvent
verbalement avec nos bailleurs de fonds. Lorsqu'on commence à discuter
d'un emprunt, il y a des renseignements qui nous sont donnés par nos
bailleurs de fonds et on voudrait avoir ce paragraphe no 3.
M. French: Je ne suis pas avocat, mais il me semble que ça
toucherait beaucoup plus qu'un engagement oral avec un bailleur de fonds. Ca
va, dans le fond, beaucoup plus loin que ça et ça touche beaucoup
plus d'interactions possibles entre vous et vos collègues dans le
même milieu financier.
M. Bourbeau (Joseph): Cela pourrait être écrit ou
oral, parce que, dans le cas d'emprunts, on a des ententes orales, mais il
pourrait y avoir, dans d'autres cas, des engagements écrits.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Pour faire suite à la discussion
qu'Hydro-Québec a eue avec le député de Westmount, en
fait, sur l'article 1, vous faites une distinction très nette entre
l'appartenance des documents et la détention de documents. Vous avez un
peu levé le voile sur ce que vous entendiez par ça, lorsque M.
Bernier a dit, par exemple, qu'une soumission d'un entrepreneur, il
considère que ça appartient à l'entrepreneur et non pas
à Hydro-Québec. J'aimerais ça, si c'était possible,
que vous précisiez un peu la portée de cette distinction dans
d'autres cas qui vous viendraient à l'esprit. Une entreprise qui vous
soumettrait des catalogues sur ses produits, catalogues que vous utilisez dans
le cadre de vos activités d'achats et de transactions, est-ce que
ça appartient à Hydro-Québec ou à l'entreprise qui
vous les a soumis? Cela devient un peu difficile de voir quelle serait la
portée du projet de loi qui est devant nous si on acceptait cette
distinction, à savoir qu'il y a des documents qui tout en étant
en possession d'Hydro-Québec ne lui appartiennent pas.
Remarquez que je ne doute pas des remarques préliminaires que
vous avez faites dans votre rapport concernant la volonté
d'Hydro-Québec de faire de l'information.
Étant moi-même employé d'Hydro-Québec depuis
au-delà de 21 ans maintenant et ayant eu à m'absenter pendant une
période de sept ans, entre l969 et 1976 pour des activités
syndicales, à mon retour, j'ai pu constater l'effort considérable
qu'Hydro-Québec faisait en vue d'informer convenablement le public.
J'ai même eu l'occasion de participer à des sessions
d'information qui, comme le disait M. Couture, dépassent de beaucoup ce
que la loi impose à Hydro-Québec sur des projets d'étude
préliminaire. Ce n'était même pas rendu à
l'étape d'avant-projet et, déjà, on informait les
Amérindiens de la Côte-Nord de tout ce qu'Hydro-Québec
pouvait avoir comme projet ou idée de projet sur la Côte-Nord.
Cela a été poussé très loin, tout ça. Je
pense bien que, de ce côté, il n'y a personne qui doute de la
volonté d'Hydro-Québec, mais, quand on introduit des distinctions
comme l'appartenance ou la détention de documents, j'y vois un risque
que l'esprit et la volonté de la loi puissent être
contournés.
M. Bemier: Évidemment, on essaie de prendre les cas qui
sont les plus significatifs où on parle d'un catalogue d'un fournisseur;
vous imaginez un catalogue de 1500 pages dont nous avons la possession;
quelqu'un nous demande d'avoir le catalogue, je pense que notre réflexe
va être de dire: Allez donc voir le fournisseur, il va le rendre
disponible pour vous si vous êtes intéressé à
l'acheter.
M. Rodrique:... exemples, mais ce sont surtout les distinctions
que vous faites entre les notions d'appartenance et de propriété.
Est-ce qu'il vous appartient, le catalogue ou s'il appartient au fournisseur?
Disons que je comprends que c'est 1500 pages. Où est-ce qu'elle passe,
cette ligne-là? C'est ça qui est difficile à saisir, c'est
ça qui rend difficile de comprendre la portée des remarques et
des suggestions que vous faites à cet égard, vis-à-vis des
tiers en particulier. Cela a été soulevé par la chambre de
commerce ce matin, vous le soulevez à votre tour, je pense que c'est un
problème important, en relation avec les contrats, en relation avec les
soumissions publiques en particulier. C'est évident, dans l'esprit de
tout le monde, qu'il v a des renseignements qui sont de nature très
confidentielle et qui pourraient faire en sorte que tout le système de
la concurrence qu'on connaît dans notre système de libre
entreprise serait mis en cause si on ne respectait pas une certaine
confidentialité. C'est difficile de saisir où passe la ligne
entre ces deux notions, ces deux concepts.
M. Bernier: II me semble qu'à première vue,
le critère suivant serait valable: lorsque Hydro commande ou demande et
paie pour un document, ce document devient le sien, ce document lui appartient.
Ce n'est pas le
cas dans les soumissions, au contraire. C'est le soumissionnaire qui
vient payer pour avoir le document. À ce moment, le document est
à lui. Ce serait peut-être là la balise, quand c'est notre
document ou quand cela demeure le document d'un tiers. Prenons par exemple un
cas assez délicat: on va demander à un entrepreneur... Il est
arrivé récemment des fusions très importantes de gros
fabricants. On s'est drôlement questionné à savoir ce
qu'était la fusion, qui était dans cela, quels sont les
intérêts, comment c'est contrôlé, parce que cela neut
mettre en cause notre politique d'achat préférentielle. Ce serait
trop facile d'attribuer un contrat à une compagnie
québécoise qui, demain matin, devient une compagnie
américaine, française ou suédoise et qui empoche les
fruits d'un contrat au détriment d'entreprises
québécoises. Alors, on questionne les gens et les gens nous
fournissent l'information. C'est à nous de juger, à ce moment. Je
pense que l'information qui nous est fournie est tout à fait
confidentielle, ce n'est pas de l'information à divulguer. D'ailleurs,
si celui à qui on demande de l'information a des raisons de penser que
l'information qu'il va nous donner va sortir, il ne nous la donnera pas. C'est
aussi simple que cela.
M. Couture: Vous avez un avis d'un bureau
d'ingénieurs-conseils sur les projets d'Hydro-Québec qui devient
la propriété d'Hydro-Québec. Après décision,
je ne vois pas de problème. Vous avez, par exemple, l'avis d'un
contentieux, d'un bureau de spécialistes de l'extérieur sur le
dossier des négociations de Churchill Falls; je ne pense pas que le
bureau qui aurait travaillé sur le dossier va nous permettre de le
rendre public.
M. Rodrigue: Vous avez cependant des articles dans la loi,
à cet égard, qui vous permettent d'obtenir les renseignements et
de ne pas les divulguer, 26 et 27. Dans ce sens, je pense bien que c'est
couvert. À l'article 28, on nous demande d'exiger de celui qui se
prévaut de l'article qu'il démontre l'existence d'un risque
sérieux. La question qui vient immédiatement à l'esprit,
c'est comment une personne qui veut démontrer qu'il y a un risque
sérieux peut-elle le faire sans avoir accès à certains
documents qui lui permettraient d'établir sa preuve? Cette
recommandation m'a frappé, parce que, parfois, l'établissement de
la preuve du risque pourrait exiger justement que cette personne ait
accès au document.
Le Président (M. Rochefort): M.
Bernier.
M. Bernier: On en a discuté longuement. Il y a deux mots
clés dans ce paragraphe, à la troisième ligne de la
proposition de loi, les mots "connaître" ou "confirmer". Un renseignement
qui permet de connaître. Donc, on ne connaît pas le danger. On fait
une excursion de chasse, de pêche. On cherche, on essaie de
connaître, évidemment, le projet de loi ne doit pas nous amener
non plus dans un processus d'inquisition. Par ailleurs, le mot "confirmer" nous
paraît exact. Il y a au départ des éléments
raisonnables de penser qu'il peut exister un risque. La divulgation des
documents viendra confirmer ou infirmer ce risque. On imagine très bien
dans le corps de la procédure devant la commission que, dans
l'hypothèse où le renseignement est refusépar
Hydro, on fera au préalable la démonstration d'une vraisemblance
de risque qui existe et que l'objet du document est pour faire confirmer ou
faire infirmer l'existence de ce risque. Je pense que le citoyen va atteindre
son objectif, sans pour autant exposer d'autre part l'entreprise à un
processus d'inquisition pour rechercher s'il n'y aurait pas des risques quelque
part. C'est ce qu'on vise substantiellement.
M. Rodrigue: M. le Président, concernant les dossiers des
employés. Ceux-ci ont déjà accès à leur
dossier, conformément aux dispositions des conventions collectives. Or,
vous semblez dire dans votre mémoire qu'il serait difficile de colliger
ces renseignements qui seraient dans des dossiers séparés. Compte
tenu des renseignements qui étaient inscrits dans le projet de loi, j'ai
consulté mon dossier à Hydro-Québec à quelques
reprises au cours des quatre dernières années et ces
renseignements, au niveau du service, apparaissaient au dossier. Je me demande
quelle serait la difficulté; je ne vois pas la difficulté en ce
qui concerne ces renseignements.
M. Boily: Dans une de nos conventions collectives, plus
particulièrement celle qui régissait vos conditions de travail,
celle des ingénieurs d'Hydro-Québec, nous avons une disposition
qui prévoit que l'employé peut avoir accès à son
dossier officiel et qu'il peut demander des rectifications. Nous avons fait un
effort particulier pour mettre prioritairement de l'ordre dans ces dossiers
d'ingénieurs, compte tenu du nouveau droit qui leur est advenu lors de
la dernière négociation.
Cependant, nous avons un grand nombre d'employés à
Hydro-Québec, y compris des employés temporaires de chantier.
D'après, la situation actuelle des dossiers, on peut retrouver, dans au
moins vingt unités administratives distinctes, des informations
concernant M. Tremblay ou M. Lapierre. Ce que la loi présuppose, c'est
la constitution de fichiers ordonnés, la constitution de fichiers qui
permettraient à l'employé de connaître rapidement tout ce
que l'entreprise possède
comme information personnelle sur ce dernier. Pour cela, il y a du
travail que nous devrons faire d'uniformisation, d'ordonnancement, de
même changer des mentalités, d'enlever dans certains dossiers des
jugements de valeur qui n'ont pas nécessairement leur place et qui
devraient être complètement retirés des dossiers, qui
datent quelquefois de plusieurs années. Simplement pour vous donner une
idée de l'envergure des travaux, pour faire actuellement certains
travaux d'ordonnancement dans le dossier de nos retraités, en
conformité avec les prescriptions de la Loi sur les régimes de
rente, nous devrons investir près de 800 000 $ et 27 mois de travail
pour informatiser ces dossiers. Il est certain que ce que nous recherchons, ce
n'est pas uniquement de permettre l'information et de permettre l'accès
aux dossiers, mais aussi d'en faire un instrument de gestion pour l'ensemble de
l'entreprise. Cela veut dire qu'on doit y mettre des efforts pour que le
dossier soit non seulement accessible, mais utile dans la gestion des
ressources de l'entreprise.
M. Rodrigue: M. le Président, j'aurais une autre question,
c'est la dernière cependant. À l'article 58, vous soulignez une
contradiction apparente entre cet article et les articles 38 et 39 qui
restreignent pendant dix ou vingt ans les avis ou recommandations concernant
certains documents. Il me semble qu'il n'y a pas de contradiction
effectivement, parce que l'article 58 définit le caractère public
d'un renseignement, tandis que les articles 38 et 39 donnent des règles
de divulgation. Il y en a un qui définit un terme et l'autre donne des
règles de divulgation. J'aimerais que vous nous expliquiez, si je me
trompe, quelle serait la contradiction, parce que je ne la vois pas.
M. Boily: Si on regarde plus précisément l'article
58, on y dit qu'il y a des informations qui sont de caractère public,
dont la communication doit être faite, la publication doit être
faite. Ces informations sont, entre autres, au paragraphe 3 de l'article 58,
"les opinions ou les recommandations exprimées par une personne
visée au paragraphe 1", soit un membre d'un organisme public, de son
conseil d'administration ou du personnel. On dit...
M. Rodrigue: Êtes-vous d'accord avec moi qu'il s'agit
là d'une définition de ce qu'est un renseignement de
caractère public?
M. Boily: Oui.
M. Rodrigue: L'autre article traite plutôt des conditions
en vertu desquelles ce renseignement pourrait être divulgué.
M. Boily: Peut-être avons-nous mal interprété
l'article 58. Nous y avons vu une disposition de la proposition de loi disant
que les recommandations exprimées par une personne visée au
paragraphe 1 avaient un caractère public et, ayant un caractère
public, elles devaient être rendues publiques, sur demande et, à
ce moment-là, cet article venait en contradiction avec les articles 38
et 39 plus particulièrement qui prévoient que les recommandations
d'un employé ou d'un membre d'un conseil d'administration peuvent ne pas
être divulguées, si l'entreprise le juge opportun, pendant un
certain délai. (13 h 45)
M. Rodrigue: Je pense qu'il n'y aurait pas contradiction, il y
aurait effectivement complémentarité entre les deux.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais poser une question assez hypothétique,
mais vous êtes tellement bien préparés que vous pourrez
peut-être nous donner une réponse. Avez-vous une idée
combien cela pourrait coûter de se conformer à la loi sur
l'accès à l'information? Admettons que la proposition de loi est
adoptée et vous devez vous conformer à cette loi, il y aura,
j'imagine, beaucoup de demandes d'information de la part des
Québécois. Combien cela pourrait-il coûter à
Hydro-Québec de fournir toute cette information? J'aimerais avoir une
idée, un ordre de grandeur. Est-ce que cela va coûter 100 000 $
par année, 1 000 000 $, 3 000 000 $, 5 000 000 $? Et si vous n'avez pas
pensé au coût, avez-vous des chiffres ou est-ce que des chiffres
existent, des États-Unis, en France, en Suède, ou ailleurs au
monde?
Le Président (M. Rochefort): M. Couture.
M. Couture: Au niveau de la vice-présidence
Clientèle et Régions, il y a un budget global d'information de 2
200 000 $ pour l'ensemble du territoire québécois. Au niveau de
l'information générale, institutionelle d'Hydro-Québec, il
y a un budget annuel d'environ 1 850 000 $ pour la production des documents
d'information. Il m'a été donné de rencontrer les membres
de la commission Paré et, selon les expériences qu'on m'a
relatées, il s'est avéré que cela n'a pas
été si terrible que cela, l'application d'une loi sur
l'information. Au départ, il y a eu, bien sûr, un moment où
cela a été difficile, mais je ne crois pas
qu'Hydro-Québec, avec les documents qu'elle publie, l'information
générale qu'elle imprime, l'information à toute la
clientèle sur le territoire, sauf les documents d'étude et de
recherche que nous publions pour nous conformer aux lois sur
l'aménagement du territoire, l'environnement etc., doive rendre les
documents plus publics qu'elle ne le fait. Nous les rendons publics par le fait
que nous les déposons à l'Assemblée nationale. Je ne crois
pas que cela nous amène des frais énormes. Il y aura des frais au
niveau du secrétariat, parce qu'il y a une codification et des travaux
à terminer; on me dit que 50%, 60% de cette codification est en marche.
Il y aura des frais au niveau des ressources humaines et peut-être un peu
au niveau de l'information, mais cela ne m'apparaît pas si coûteux
que cela une fois le travail fini dans le laps de temps nécessaire pour
tout mettre en place.
M. Marx: II n'y aura pas d'augmentation de tarifs pour cela.
M. Couture: Je ne permettrai pas cela.
M. Marx: Seulement pour la taxe Parizeau. Si je comprends bien,
vous dépensez maintenant 4 000 000 $ pour fournir de l'information et,
advenant l'adoption de la loi sur l'accès à l'information, cela
coûtera peut-être quelque 200 000 $1 de plus.
M. Couture: Je tiens compte du fait que les organismes, les
associations, les mouvements, ceux qui voudront avoir des documents devront
payer pour la reproduction.
M. Marx: Mais ce sera obligatoire pour vous d'embaucher plus
d'employés.
M. Couture: Nous n'avons pas évalué cette
partie-là encore. Je ne crois pas que ce soit si volumineux que
cela.
M. Marx: Donc, le coût ne sera pas important, cela ne
coûtera pas trop cher à des organisations comme
Hydro-Québec de fournir cette information parce qu'ils sont
déjà...
M. Bourbeau (Joseph): M. Bernier a un élément de
réponse très court.
M. Bernier: Nous avons déjà à
Hydro-Québec un service de gestion de documents qui n'a pas de relation
avec l'aspect de la communication, de l'information de l'entreprise; ce sont
deux choses différentes. Le service de gestion de documents à
Hydro-Québec s'occupe de classer, de conserver, d'archiver les textes,
les documents administratifs de la maison. Il a un budget d'exploitation de 1
200 000 $. On a une équipe présentement. Évidemment, si on
implante la loi rapidement dans toutes ses facettes et qu'on a des
délais très courts, il y aura des coûts.
Si, par ailleurs, on peut intéqrer graduellement la loi à
notre processus de gestion normal, qu'on orientera dans les finalités de
la loi, à ce moment-là les coûts vont être
réduits.
La réponse à votre question, on pourra vous la formuler
lorsque nous serons devant un échéancier et des objectifs
précis. Tout va dépendre de ces paramètres.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie.
M. Rodrigue: M. le Président, suite à la
dernière remarque du député de D'Arcy McGee, il me semble
que, quand on est pour la liberté d'information, on est prêt
à en payer le prix.
M. Marx: On aime à être informé, c'est
tout.
Le Président (M. Rochefort): Je tiens à remercier
les représentants de la société Hydro-Québec de
s'être présentés. Est-ce que M. le ministre aurait quelques
mots à ajouter?
M. Bertrand: Oui. Je tiens à remercier aussi, au nom du
gouvernement, Hydro-Québec et la SEBJ, surtout de ce commentaire fort
important pour l'avancement de nos travaux, à savoir que vous êtes
d'accord avec les principes de la loi. J'avais pris note ce matin que la
chambre de commerce disait qu'il serait peut-être
préférable d'exclure les sociétés d'État de
l'application d'une loi sur l'accès à l'information
gouvernementale. Je pense que la façon dont vous avez
démontré votre ouverture d'esprit est symptomatique de la
volonté des organismes publics de permettre aux citoyens d'avoir
accès au maximum d'information sur votre fonctionnement.
M. Bourbeau (Joseph): À mon tour, j'aimerais remercier les
membres de la commission de nous avoir écoutés avec patience
puisque nous avons dépassé déjà l'heure, je crois.
Il est malheureux qu'à cause d'une difficulté de parcours
à HydroQuébec, on ait dû retarder votre sieste.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie. La
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 52)
(Reprise de la séance à 15 h 08)
Le Président (M. Rochefort): J'inviterais les
représentants de STOP à se présenter. Si vous voulez vous
identifier, s'il vous plaît!
STOP
M. Walker (Bruce): Merci, M. le Président. Je m'appelle
Bruce Walker. Je suis le directeur de la recherche de STOP.
Incorporé au Québec en septemhre 1970 à titre
d'organisme écologique à but non lucratif formé de
citoyens, STOP oeuvre pour la protection de l'environnement et la
rationalisation de l'exploitation et de la consommation des ressources
naturelles. STOP est bien placé pour exprimer les inquiétudes des
citoyens désireux de combattre la pollution.
Depuis plusieurs années, STOP a essayé en vain d'obtenir
de la Communauté urbaine de Montréal, la CUM, les données
concernant certains pollueurs en particulier. Au cours de l'été
1980, la CUM a refusé d'accéder à notre demande de nous
fournir les données concernant la qualité, la quantité ou
la concentration des contaminants émis, dégagés,
rejetés ou déposés dans les égouts publics. Je
voudrais citer une partie de la réponse de M. Pierre Des Marais II, le
président du comité exécutif de la Communauté
urbaine de Montréal, lettre datée du 12 août 1980 qui est
attachée en annexe à notre mémoire. Je cite: "Nous croyons
qu'une meilleure collaboration et une plus grande efficacité pourront
être obtenues de la majorité des industries si l'échange
d'informations entre l'industrie et la communauté peut se faire sans la
crainte d'une publicité négative. "
Les autorités de la CUM refusent donc de nous fournir les
chiffres concernant certains pollueurs spécifiques ou encore nous devons
nous contenter des chiffres qu'ils veulent bien nous donner: C'est une
situation intolérable, selon nous. Les citoyens devraient avoir le droit
de juger par eux-mêmes les changements affectant la qualité de
leur environnement, la provenance de la contamination et le degré
d'efficacité des mesures de contrôle.
Depuis le mois de décembre 1978, le ministère de
l'Environnement du Québec nous garantit l'accès à
l'information, selon l'article 118d de la Loi sur la qualité de
l'environnement, et je le cite: "Toute personne a droit d'obtenir des services
de protection de l'environnement copie de tout renseignement disponible
concernant la quantité, la qualité ou la concentration des
contaminants émis, dégagés, rejetés ou
déposés par une source de contamination. "
Enfin, il existe maintenant un double standard au Québec; les 4
000 000 de Québécois qui demeurent en dehors de l'île de
Montréal ont accès à ces données au
ministère de l'Environnement; par contre, les 2 000 000 de
résidents de la Communauté urbaine de Montréal n'ont pas
accès à ces données dans les classeurs du service de
l'assainissement des eaux de la Communauté urbaine de Montréal,
c'est-à-dire qu'ils sont actuellement des citoyens de deuxième
classe.
Nos recommandations sont, premièrement, que la Communauté
urbaine de Montréal devrait être soumise aux mêmes
règles; deuxièmement, que le coût des photocopies des
documents en provenance des archives de la Communauté urbaine de
Montréal devrait être réduit de 0, 50 $ la page à 0,
10 $ ou 0, 15 $ la page, et, troisièmement, que l'on voie à
définir "personne" et "environnement".
Merci beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, mes propos seront
extrêmement brefs. Je veux remercier le groupe STOP d'avoir
présenté ce très bref document qui, à lui seul,
illustre un cas typique, qui sera, à mon avis, couvert par
l'éventuelle loi sur l'accès à l'information
gouvernementale.
Au niveau de vos recommandations, vous indiquez que vous
apprécieriez que la CUM soit soumise aux mêmes règles. Dans
la proposition de loi, il est fait mention de la Communauté urbaine de
Montréal. Je croyais savoir qu'elle devait présenter un
mémoire demain; le secrétariat des commissions parlementaires m'a
laissé entendre qu'elle ne présenterait pas ce mémoire,
probablement s'est-elle associée à l'Union des
municipalités du Québec pour présenter le même
mémoire. Enfin, ça, on l'apprendra plus précisément
demain.
En ce qui concerne le coût des photocopies des documents, il est
très évident que si nous devons établir des coûts
pour les photocopies, pour la repographie de certains documents, cela sera fait
par voie de réglementation. D'ailleurs, en ce sens, la proposition de
loi nous invite à définir un règlement relativement aux
coûts de reproduction et aux frais que devraient encourir les personnes
qui voudraient se prévaloir de l'accès à
l'information.
Dans ce contexte, ma seule remarque est de vous remercier d'être
venus ici témoigner d'un cas vécu de problèmes
d'accès à l'information gouvernementale et de vous dire que
justement, l'un des objectifs de la proposition de loi, si nous la retenons,
c'est de suppléer à ce genre de lacune et de carence au niveau de
l'information d'un organisme public.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Westmount.
M. French: Je voudrais demander à M. Walker si
l'étendue de la loi telle que proposée dans le rapport
Paré lui semble suffisante pour atteindre les objectifs qu'il
vise dans ce mémoire. (15 h 15)
En d'autres mots, en citant le cas de la CUM, est-ce qu'on n'exige pas
d'ajustement dans l'essentiel de la proposition de loi? Est-ce qu'on essaie
vraiment de changer la teneur de la proposition telle qu'elle est
actuellement?
M. Walker: On peut dire plus ou moins que oui, mais pour une
réponse plus détaillée, malheureusement, nous ne pouvions
pas préparer un long mémoire. Nous en avons préparé
un bref et j'ai des remarques plus détaillées.
En réponse à votre question, M. French, les deux articles
qui nous touchent le plus directement sont les articles 27 et 28. L'article 28
n'est pas aussi clair que l'article 118d de la Loi sur la qualité de
l'environnement. Il faut prouver une atteinte significative à son droit
à la qualité de l'environnement, mais à qui est-ce
laissé de déterminer si ces documents risquent une atteinte
significative? Est-ce laissé aux fonctionnaires de la CUM, à M.
Des Marais, au ministre des Communications?
M. French: En premier lieu, c'est laissé, si j'ai bien
compris, à l'organisme public qui prend une décision en tant
qu'organisme public et non en tant qu'individu, fonctionnaire dans l'organisme.
Dans l'hypothèse que c'est vous qui faites une demande, vous avez
toujours le droit de porter cette question en appel à la commission. Le
cas échéant, l'organisme est obligé de transmettre les
documents en question au moins sous la protection d'une confidentialité
initiale à la commission pour que le personnel et le ou les membres de
la commission décident eux-mêmes si ce standard est applicable ou
non.
Si j'ai bien compris, dans le moment, vous n'avez pas suscité une
réponse négative au niveau de la commission, vous n'aurez pas de
recours à la cour, à moins que ce ne soit sur une question de
droit, pas sur une question de fait, c'est-à-dire pas sur les
mérites de l'application d'une exception quelconque. Donc, votre
problème est toujours le même: savoir quelle serait la
portée de l'exception, qui est quand même assez
générale, et quel en serait l'effet sur vos activités, sur
les renseignements que vous visez, vous, dans vos activités. Dans le
fond, vous n'êtes pas vraiment en mesure, vu le court terme, le temps
limité que vous avez eu pour préparer votre mémoire, de
répondre à cela.
M. Walker: C'est cela, je pourrais donner un autre exemple d'une
compagnie, la compagnie Domtar. Je n'ai rien contre Domtar, c'est juste un
exemple. Il y a des usines de Domtar sur l'île de Montréal et,
évidemment, il y a d'autres usines ailleurs, au Québec. Si un
individu ou une personne morale, comme STOP, veut savoir quel est le taux de
pollution de l'usine de Domtar d'East Angus, on peut aller au centre
Innovation, au ministère de l'Environnement, pour obtenir qratuitement
ces données. Aucun problème, je l'ai déjà fait, pas
pour Domtar, mais pour d'autres pollueurs.
Pour les usines de Domtar, par exemple, qui se trouvent sur l'île
de Montréal, il existe des données sur les affluents, mais elles
se trouvent dans les dossiers de la Communauté urbaine de
Montréal et on n'a pas accès à ces données.
M. French: II est clair qu'il y a une espèce de
discontinuité dans un article en particulier, visant la protection de
l'environnement, entre la Communauté urbaine de Montréal et
ailleurs au Québec.
M. Walkers C'est cela.
M. French: Si on pouvait arriver à régler cela,
vous seriez assez satisfait du reste de la loi?
M. Walker: Absolument, nous appuyons fortement le rapport
Paré.. Éévidemment, la question peut-être la plus
chaude au point de vue politique est d'obliger toutes les communautés
urbaines au Québec a respecter une telle loi-cadre. Évidemment,
c'est une question politique. Je suis ici pour démontrer que c'est
urgent que ces organismes rendent publiques ces données.
Le Président (M. Rochefort): Merci, une autre
question?
M. le député de Gaspé.
M. Le May: Vous avez déjà une loi, la Loi sur la
qualité de l'environnement, qui vous permet d'aller chercher des
données. Est-ce que vous croyez, si un nouveau projet de loi sur
l'information nous arrivait; est-ce que vous n'avez pas l'impression que cela
va recouper cette loi qu'on a déjà sur la qualité de
l'environnement et que cela va tout simplement vous donner un outil de plus?
Vous attendez-vous à ce que les résultats soient plus positifs,
en tout cas, que ceux que vous avez eus dans votre démarche?
M. Walker: L'article 118d ne s'applique qu'au ministère de
l'Environnement du Québec. Cela ne s'applique pas à d'autres
ministères, à d'autres organismes publics, évidemment,
tels que la CUM. Ce serait un ajout important. Comme je l'ai dit tantôt,
il existe maintenant un double standard au Québec et c'est normal
d'avoir les mêmes règles du jeu pour tout le monde. Ce qui arrive
maintenant, c'est qu'au ministère de l'Environnement on a accès
à ces données.
En réponse aux personnes qui disent: Bon, l'accès à
l'information va inonder les fonctionnaires de requêtes pour ces
données, je suggère à M. Bertrand de discuter cela avec
son collègue, M. Léger, le ministre de l'Environnement, afin de
savoir si depuis l'entrée en vigueur de cet article, c'est-à-dire
décembre 1978, le ministère de l'Environnement a
été véritablement inondé par des demandes pour
l'accès à ces données et je crois que la réponse
est vraiment non.
M. Bertrand: D'ailleurs, je crois que c'est un peu la crainte
générale que certains ont quand ils voient une loi sur
l'accès à l'information gouvernementale. Ils s'imaginent que
demain matin il y a 6 000 000 de Québécois et de
Québécoises qui vont se présenter un peu partout pour
demander des documents qui émanent de quelque organisme que ce soit. Ce
qui a été vérifié, c'est que dans les autres pays -
on a des chiffres qui varient d'un pays à l'autre - il n'y a pas eu une
affluence considérable au point de déranger le fonctionnement
normal des organismes publics. Je pense bien que, de ce côté, il
n'y a pas lieu de craindre d'ouvrir très grandes les portes. Il n'y a
pas d'affluence très très grande, en tout cas à
l'expérience vérifiée dans certains autres pays. Je pense
qu'on peut dire qu'on peut aller de l'avant.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? Je vous remercie.
J'inviterais maintenant les représentants de l'Office des personnes
handicapées du Québec.
Office des personnes handicapées du
Québec
Mme Champigny-Robillard (Laurette): Je suis la
présidente-directrice générale de l'Office des personnes
handicapées du Québec. Se joindra à moi bientôt, je
l'espère, Gaston Perreault, qui est vice-président de l'office.
Mes collègues sont Jean-Marc Roussel, responsable d'une direction
générale à l'Office des personnes handicapées, et
Jan Zawilski, qui est l'agent de recherche spécialisé dans les
dossiers concernés par notre mémoire.
Le Président (M. Rochefort): Je vous inviterais à
présenter votre mémoire en vous rappelant que vous avez environ
15 à 20 minutes pour le faire.
Mme Champiqny-Robillard: Je tâcherai d'être aussi
fidèle à vos instructions que l'ont été nos
prédécesseurs.
C'est un peu particulier qu'un organisme gouvernemental constitué
comme le nôtre se présente en commission parlementaire pour faire
des recommandations qui pourront avoir une influence sur des décisions
gouvernementales. Notre conseil d'administration nous donne déjà
un mode de consultation horizontale a l'intérieur du gouvernement, dans
le sens que notre conseil d'administration est composé de personnes
handicapées, de parents d'enfants handicapés et aussi de
sous-ministres de plusieurs ministères.
Par ailleurs, nous avons administrativement déjà
donné certaines informations et fait certaines représentations
à la commission Paré. Mais il nous est apparu, quand nous avons
pris connaissance de ce rapport, qui est par ailleurs d'une excellente
qualité et sur lequel nous n'avons aucune difficulté
philosophique, qu'il y avait une absence et qu'on ne s'est pas beaucoup
préoccupé de l'accès, dans le sens le plus strict du
terme, à l'information gouvernementale pour une catégorie de
citoyens du Québec qui ont été assez efficacement,
jusqu'à maintenant, écartés de toutes les structures et
qui n'ont pas eu l'occasion, même avec la création de la Loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, d'exercer
leurs droits comme les autres citoyens, les citoyens dits ordinaires.
On a pensé aussi que ce qui avait peut-être un peu
manqué à la commission Paré, c'est d'avoir eu l'occasion
ou le privilège de se mettre dans la peau de personnes
handicapées. M. le ministre des Communications a eu, lui, cette
occasion, nous avons passé une journée ensemble en fauteuil
roulant, au printemps. C'est une sensibilisation qui est nécessaire.
Comme c'est aussi cette année l'année internationale des
personnes handicapées, on a pensé qu'il aurait été
impensable qu'avec une commission de l'importance de celle-ci et avec les
retombées de la communication, de diffuseurs qui en découlent,
les citoyens que nous représentons ne soient pas présents dans
les préoccupations de cette commission parlementaire.
Le premier paragraphe du rapport de la commission Paré m'a
beaucoup impressionnée. On y dit: "La connaissance est une des sources
de la liberté. De tout temps, l'information a été au coeur
de la lutte pour le pouvoir: les hommes y ont reconnu l'arme
privilégiée de la conquête de leur liberté, en
même temps que l'instrument de la limitation de celle de leurs
semblables. " C'est donc vraiment en regard des limitations à cet
accès à l'information gouvernementale pour une certaine
catégorie de citoyens que nous voulons attirer votre attention.
Nous avons, dans la courte vie et la courte expérience de
l'Office des personnes handicapées, une expérience et une
expertise de consultation qui, dans le moment, s'inscrivent dans un cadre
très large d'un mandat gouvernemental en préparation à un
sommet socio-économique. L'échéancier dont
a fait état le ministre des Communications tout à l'heure
nous a amenés à vouloir réagir et à vouloir
peut-être influencer, sinon la législation, du moins les
intentions du léqislateur en novembre. Mais ces questions pourront aussi
être amenées d'une façon très visible dans le cadre
d'un sommet socio-économique du gouvernement du Québec sur la
situation de vie des personnes handicapées et qui doit se tenir au
début de décembre.
Nos réflexions fidèles comportent -c'est le miroir du
rapport de la commission et du mandat de la commission - deux grands volets:
l'accès à l'information gouvernementale et la
confidentialité des dossiers personnels. Sous le premier volet, il y a
cinq objets d'analyse qui s'attachent véritablement au véhicule
de la communication beaucoup plus qu'à la philosophie ou aux moyens
législatifs de cet accès. On touche donc les communications
téléphoniques, l'information imprimée, l'audio-visuel, les
contacts personnels avec les fonctionnaires et l'accessibilité aux
édifices publics. Le rapport de la commission parle de
l'accessibilité aux documents dans les lieux où ces documents
sont conservés pour une certaine catégorie de personnes. Cela,
c'est presque impossible de le faire. Dans chacun de ces volets, on a
étudié les besoins des personnes handicapées et nous
proposons des solutions qui n'ont pas nécessairement, comme je le disais
tout à l'heure, une conséquence sur la législation, mais
qui pourraient certainement, dans un des cas, être actualisées par
des mesures administratives et des directives, et surtout, une volonté
de l'État.
Pour ce qui est des communications téléphoniques, personne
ne pourrait comprendre le fonctionnement d'une société comme la
nôtre, sans compter sur les communications téléphoniques.
Il y a cependant des citoyens pour qui le téléphone
représente encore une machine pour les autres, à savoir les
personnes sourdes ou celles qui ont des problèmes de la parole et qui
doivent résoudre ce problème en utilisant des
téléscripteurs pour communiquer. (15 h 30)
II faut aussi pouvoir songer à faciliter les communications
téléphoniques entre les personnes qui présentent des
limitations sur le plan mental et les services d'information du gouvernement.
Pour ces personnes qui ont une déficience auditive ou verbale, le
médium téléphonique de la voix ne convient aucunement. Il
faut alors opter pour une solution technologique et faire appel aux appareils
de transmission de données par médium imprimé, comme le
téléscripteur. Pour d'autres personnes handicapées, il
faut intervenir sur le plan des interlocuteurs, puisque le problème
réside souvent dans la façon de converser des individus.
Nous sommes d'avis que le réseau téléphonique du
gouvernement du Québec doit devenir accessible aux personnes qui doivent
utiliser des téléscripteurs pour communiquer par
téléphone. Nous sommes également conscients de la
nécessité de sensibiliser le personnel concerné au contact
téléphonique avec les personnes déficientes sur le plan
mental ou qui ont de sérieux problèmes d'élocution.
Nous recommandons que
Communication-Québec et quelques ministères et organismes
publics offrant des services aux personnes handicapées se procurent des
téléscripteurs pour permettre à ces personnes de rejoindre
les services d'information du gouvernement, ce qui aurait d'ailleurs un effet
d'entraînement et permettrait que plus de personnes puissent être
outillées, puisqu'il faut un poste émetteur et un poste
récepteur.
Il y a aussi la question de l'accès à l'information
imprimée. Lorsque la commission traite de la demande de documents, elle
considère qu'un organisme public devrait communiquer un document
informatisé en langage clair, sous la forme d'une transcription
écrite. Par cette recommandation, la commission reconnaît
l'inaccessibilité de données informatisées à toute
personne non initiée. Sans vouloir caricaturer, il faut prendre
conscience qu'un imprimé, dans sa forme la plus simple et comme moyen de
communication, n'a pas besoin d'être informatisé pour rester
inacessible à un nombre assez important de citoyens.
Il y a trois grandes catégories. Le mémoire vous donne des
tableaux de personnes handicapées susceptibles d'éprouver des
difficultés avec l'imprimé. Les personnes qui ont une
déficience visuelle, celles qui ont des limitations physiques
importantes et enfin, les personnes qui ont une déficience auditive de
naissance ou divers troubles d'apprentissage.
Les personnes handicapées de la vue rencontrent des obstacles a
la lecture du médium de l'imprimé selon leur niveau
d'incapacité visuelle. Les aides visuelles peuvent compenser pour un
manque de vision, dans le cas des personnes semi-voyantes, mais cet
équipement n'est pas toujours accessible. Certaines limitations
physiques, notamment celles enqendrées par des amputations, malformation
des membres supérieurs ou encore la paralysie cérébrale,
présentent des difficultés d'importance pour la lecture et
l'écriture, le plus souvent, dans la manipulation des textes. Encore
ici, les appareils peuvent pallier la situation, mais comme dans le cas des
personnes handicapées de la vue, l'équipement reste souvent
inaccessible pour des raisons financières, malgré certains
programmes gouvernementaux qui ne sont pas encore universels.
Ce qu'il faut cependant retenir, c'est
que l'éventail des catégories de personnes
handicapées face à l'imprimé, suite à des
déficiences d'ordre physique, est plus important que celui compris sous
la rubrique déficience visuelle. À ce chapitre, l'étude du
CRTC, sous le titre La radiodiffusion et les handicapés, fournit des
informations intéressantes concernant la dimension quantitative de cette
population.
Lorsqu'on réfléchit aux problèmes vécus par
les personnes déficientes sur le plan auditif dès la naissance ou
ceux qui sont affectés de troubles d'apprentissage face à
l'imprimé, on dépasse les problèmes d'accessibilité
physique aux documents pour faire face à des difficultés d'ordre
conceptuel. Pour une personne atteinte de surdité dès la
naissance ou à un très jeune âge, par exemple, le
problème réside dans la façon de conceptualiser une
idée, une expression ou une situation donnée. Souvent, la
personne concernée ne maîtrisera pas la signification même
du vocabulaire utilisé. Pour les gens qui ont une déficience
mentale, des troubles notoires d'apprentissage, la signification du vocabulaire
est encore plus obscure. Il faut alors songer à des simplifications et
à des vulgarisations de textes, afin de les rendre accessibles à
cette catégorie de la population. Enfin, il y a les analphabètes,
ceux pour qui le langage écrit est totalement inaccessible.
Est-il besoin de souligner une fois de plus que les projections du
nombre de citoyens qui éprouvent des difficultés de
compréhension face à l'imprimé nous apparaissent encore en
deçà de la réalité? La conclusion aux besoins des
personnes qui ont une déficience visuelle est relativement simple. Ces
citoyens ont besoin d'appareillages adéquats pour lire ou écrire.
Il faudrait de plus en plus songer à des médias substituts
à l'imprimé, en livre parlé et en braille, afin
d'élargir le champ de l'information et les connaissances à
l'ensemble de la population.
La solution aux besoins des personnes ayant une déficience
motrice les limitant dans leur accès à l'imprimé nous
ramène aux mêmes conclusions que celles identifiées pour la
déficience visuelle. La plupart de ces gens ont besoin d'appareillages
adéquats ou de médias substituts, comme le livre
parlé.
Pour les gens qui possèdent une connaissance primaire de la
lecture et de l'écriture, il faut alors songer à des documents
simplifiés et vulgarisés. Pour ceux qui ne savent ni lire ni
écrire, il faut penser à des médias substituts, visuels ou
auditifs.
La Commission d'étude sur l'accès du citoyen à
l'information gouvernementale soulève un point qui nous apparaît
fort important dans la problématique qui nous intéresse, quand
elle aborde le problème du jargon bureaucratique. Nous devons viser la
simplification du contenu des documents publiés par le gouvernement.
Tous les citoyens en bénéficieraient, pas seulement ceux avec des
capacités mentales réduites. Nos prestigieux collègues de
la chambre de commerce ont réclamé la vulgarisation, nous aussi
on la recommande, peut-être pour d'autres raisons, je n'en suis pas
certaine.
Aussi, il devient nécessaire de produire un certain nombre de
documents stratégiques sous forme de médias substituts à
l'imprimé. Dans cet esprit, nous recommandons à la commission
d'inclure le texte suivant à l'article 10 de la proposition de loi: "Un
document imprimé doit être transcrit sous forme de médium
substitut, lu sur bande magnétique ou transcrit en braille, à la
demande d'une personne handicapée incapable de lire l'imprimé.
Dans le cas de documents relativement courts, le droit à l'information
gouvernementale pourra se réaliser par la lecture du document
concerné à la personne incapable de lire l'imprimé. "
Dans la même veine, nous recommandons à la commission de
modifier l'article 79 pour assurer une meilleure accessibilité au
dossier personnel d'une personne handicapée incapable de lire
l'imprimé en lui ajoutant les mêmes précisions.
Évidemment, ces recommandations sous-tendent un principe
essentiel à la loi: celui d'assurer le respect des droits des personnes
incapables de lire l'imprimé. Si ce principe reçoit l'assentiment
de la commission - nous ne voyons guère comment il en serait autrement -
il faudrait modifier également les articles traitant des délais
pour satisfaire les demandes de renseignements. Forts du principe que la
société québécoise doit assumer collectivement les
frais additionnels associés au handicap d'une personne - c'était
déjà l'intention du gouvernement dans le livre blanc
publié il y a déjà plusieurs années - nous croyons
de plus qu'il ne devrait pas y avoir de coûts additionnels à un
individu incapable de lire un imprimé pour l'obtention d'un document
sous forme de substitut.
Nous pensons, dans un contexte de restrictions budgétaires -
évidemment, les personnes handicapées ont toujours
été très raisonnables - que la politique ne serait pas
aussi onéreuse qu'on peut l'envisager à première vue. La
plupart des producteurs actuels de médias substituts réalisent
toujours une copie maîtresse des documents, ce qui permet de produire un
seul exemplaire à chaque demande. Il ne s'agit donc pas de
prévoir un pourcentage X des publications gouvernementales traduites
d'office pour chaque production.
Au plan des priorités d'information, il est difficile pour le
moment d'en établir la liste tellement le dossier est nouveau dans les
préoccupations gouvernementales. On n'a qu'à penser au Guide du
citoyen qui n'est
pas encore disponible sur cassette. Chose certaine, c'est qu'il faudrait
débuter par tous les textes d'information qui concernent l'exercice des
droits des citoyens dans notre société.
L'accès a l'audio-visuel. Les personnes handicapées
affectées par l'inaccessibilité de l'audio-visuel sont souvent
les mêmes qui apprécieraient la présence de
téléscripteurs dans les bureaux du gouvernement, à savoir
celles qui ont des limitations sévères de l'ouïe. Le
gouvernement utilise fréquemment l'audio-visuel, principalement à
la télévision, pour communiquer de l'information sur les services
qui sont offerts par ses divers organismes publics et ministères. Il en
est de même des divers ministères qui produisent des
émissions sur des contenus de leur juridiction. Évidemment, ceux
qui n'entendent pas la partie sonore de ces documents
télévisés sont laissés pour compte quant à
la qualité de l'information.
Il y a dans toute évolution sociale un effet
d'entraînement. S'il est jugé souhaitable, un jour, que la
télévision devienne un médium accessible à toutes
les catégories de citoyens, le gouvernement doit montrer l'exemple en
rendant ses communications télévisuelles accessibles aux
personnes sourdes et, notamment, par procédé de sous-titraqe
visible par tous les téléspectateurs, au nom même de cet
effet d'entraînement. En ce qui concerne les émissions plus
longues et spécialisées, notamment celles produites par divers
ministères, il y aurait lieu de mener une expérimentation selon
trois scénarios: le sous-titrage du texte intégral, visible
à tous, le sous-titrage invisible avec un adaptateur spécial et,
enfin, le sous-titrage du texte abrégé, visible à
tous.
En ce qui concerne la radio, on peut envisager une autre solution,
surtout pour les messages publicitaires du gouvernement dont on a dit qu'ils
étaient toujours en nombre croissant. Le procédé consiste
à télédiffuser le texte écrit de ces messages par
l'intermédiaire d'un diffuseur, notamment un câblodiffuseur. Dans
cette éventualité, il faudrait, bien sûr, faire
connaître les horaires des télétextes aux personnes
concernées.
Un autre aspect important et fondamental, ce sont les contacts
personnels avec les fonctionnaires. Sur ce sujet, deux constats s'imposent: les
personnes qui ont une déficience sévère de l'ouïe ou
de la parole ne peuvent communiquer adéquatement avec les
fonctionnaires. D'autre part, il y a un manque flagrant de sensibilisation du
personnel gouvernemental à la situation particulière de chaque
catégorie de personnes handicapées.
En effet, il n'y a apparemment pas de personnel de première ligne
qui soit entraîné à converser en langage gestuel, sauf au
ministère de la Justice qui fournit des interprètes aux personnes
sourdes qui se retrouvent devant le tribunal. Dans certaines officines
gouvernementales, on ne orendra même pas la peine d'assister une personne
aveugle ou demi-voyante à remplir un formulaire. Beaucoup de
fonctionnaires - sur ce point, ils ne font pas exception à la
majorité de la population - sont décontenancés devant une
personne handicapée physiquement et surtout mentalement, ne sachant trop
comment réagir.
Le dossier concernant les contacts des personnes handicapées avec
les fonctionnaires relève essentiellement de la nécessité
de mettre en place des programmes de formation et de sensibilisation des
fonctionnaires. Dans cet esprit, nous recommandons à la commission: -
que des sessions de formation sur la situation particulière de chaque
catégqorie de personnes handicapées soient offertes à tous
les employés de la fonction publique; qu'on attache une importance
particulière à la formation des employés de
première ligne (réceptionnistes, agents de bureau,
secrétaires) dans l'élaboration d'une telle politique; que l'on
sélectionne quelques employés de première ligqne dans les
ministères ou organismes clés pour apprendre le langage gestuel
de base, afin de répondre aux demandes de personnes sourdes qui
communiquent par ce médium.
Cinquièmement, l'accessibilité aux lieux physiques.
Apparemment hors contexte, les difficultés rencontrées par les
personnes handicapées pour se rendre sur les lieux physiques des
services publics font partie intégrante du dossier actuel, notamment
lorsqu'on stipule le droit du citoyen de consulter les documents. L'article 10,
par exemple, traite du mode de consultation des documents soit sur place ou en
obtenant une copie.
Comme on peut l'imaginer, le fait de consulter un document pendant les
heures habituelles de travail présuppose d'abord la possibilité
d'entrer dans les bureaux gouvernementaux. Or, la plupart des édifices
publics construits avant 1976 - date d'entrée en vigueur des normes
d'accessibilité physique - sont complètement ou partiellement
inaccessibles aux chaises roulantes pour ne prendre que le cas d'une
accessibilité le plus classique, le plus évident. Le second
paragraphe de l'article 16 est tout aussi explicite: "Toute personne qui en
fait la demande peut consulter ce catalogue - classification ou
répertoire des documents - sur place pendant les heures habituelles de
bureau. "
Nous recommandons donc de reformuler les articles de loi projetés
et d'y enlever toutes les allusions précisant un mode de
consultation sur place. Dans cet esprit et plus globalement nous croyons
qu'un exercice des droits des personnes handicapées devrait être
garanti en inscrivant dorénavant à même toutes les lois qui
seront sanctionnées par l'Assemblée nationale les modifications
nécessaires pour faciliter tous les principaux aspects impliqués
dans l'exercice d'un droit par une personne handicapée.
Cela dit, nous avons travaillé étroitement avec le
ministère des Travaux publics, qui a un plan de développement
d'une accessibilité des principaux édifices publics, mais c'est
une considération, cette accessibilité physique, qu'il faut
toujours constamment reporter à la mémoire de ceux qui prennent
les décisions.
Telles sont, à ce stade-ci de notre analyse, les principales
réflexions et recommandations concernant l'accessiblité des
personnes handicapées à l'information gouvernementale.
L'Office des personnes handicapées a, comme organisme
gouvernemental, une responsabilité de la confidentialité des
dossiers personnels des personnes qui sont en demande de services à
l'office. La prise de position qui est contenue dans le mémoire serait
tout aussi contraingnante pour nous, dans notre rôle de fonctionnaires,
qu'elle pourrait l'être pour d'autres organismes gouvernementaux.
Lors d'une communication antérieure avec la commission, nous
avons souligné que la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées, par son article 20, consacre le principe de la
confidentialité des dossiers constitués par l'Office des
personnes handicapées. Nous sommes d'avis que chaque organisme public
devrait assurer le droit à la confidentialité d'un dossier
personnel et celui de faire corriger un renseignement erroné. Dans notre
cas, les dossiers sont souvent constitués de documents privés et
très personnels. Ces informations sont nécessaires à
l'élaboration d'un plan de services répondant aux besoins
réels d'intégration de la personne handicapée. Certains
intervenants considèrent que l'article 70 de la Loi assurant l'exercice
des droits des personnes handicapées est légitimé par
l'aspect délicat des renseignements contenus aux dossiers de notre
clientèle. Nous sommes d'avis contraire et pensons qu'il serait
illogique que seulement les cas délicats puissent
bénéficier de ce droit à la confidentialité. Le
citoyen doit avoir accès à son dossier, pouvoir le consulter et,
s'il y a lieu, le corriger, peu importe la nature des renseignements.
Les renseignements recueillis. Une bonne partie des propositions de la
commission concerne les exigences auxquelles les organismes publics devront se
plier pour s'assurer que des renseignements personnels ne seront pas
demandés inutilement, que le répondant sera bien informé
de l'usage auquel les renseignements sont destinés, ainsi que des
personnes qui auront accès à son dossier et de ses droits
d'accès. Les organismes devront, par ailleurs, justifier les types de
renseignements demandés et les fins pour lesquelles ils seront
conservés. À l'office, nous avons déjà
constaté que les renseignments demandés ne sont pas toujours
indispensables pour arriver aux fins prévues. Nous avons même
condensé le questionnaire servant à monter les dossiers
personnels. Il serait sûrement souhaitable que chaque organisme fasse cet
exercice de réflexion régulièrement au profit de la vie
privée de nos citoyens. (15 h 45)
L'article 72 sur la destruction ou l'archivage des dossiers rend bien
l'idée que les renseignements obtenus doivent être utiles
uniquement aux fins prévues.
L'accès au dossier complet et la correction des erreurs. Dans
l'ensemble, nous sommes d'accord sur la philosophie qui sous-tend les articles
concernant la compilation, la consultation et la correction des dossiers. Nous
insistons notamment sur la valeur de l'article 68 qui statue sur la nature des
documents que les organismes doivent verser dans un fichier.
Dans cet esprit, nous pensons que les citoyens doivent avoir
accès à tous les documents qui ont servi à une
décision les concernant au nom même du plein exercice du droit
d'accès à l'information. Si cette procédure est
rigoureusement suivie, les décisions seront moins entachées des
lois du hasard et de l'arbitraire, et les fonctionnaires concernés
seront plus méticuleux dans leurs prises de décisions, contraints
qu'ils seront de bien étoffer leurs dossiers.
Nous sommes également sensibles à l'article 85, qui donne
le droit à une personne d'exiger qu'un organisme communique un
renseignement corriqé à tout organisme à qui le
renseignement aurait pu être transmis ou dont il a pu provenir depuis
deux ans. Avec la création d'un registre de fichiers de renseignements
personnels, les organismes qui auront pu recevoir ou émettre des
renseignements fautifs seront plus facilement identifiables. Cette disposition
devrait permettre au citoyen de contrer les multiplications d'erreurs qui, une
fois inscrites au système, sont quasi impossibles à rectifier, du
moins actuellement.
À cet égard, il serait peut-être approprié
d'exiger de l'organisme responsable ou coupable qu'il effectue lui-même
les corrections aux informations qui auront été transmises
à d'autres instances gouvernementales. La procédure, si elle est
conforme aux autres dispositions de la loi, assurerait peut-être plus
systématiquement la rectification des renseignements erronés
transmis d'un organisme à un autre car, dans
l'état actuel des choses et selon les présentes
dispositions, cette rectification ne se réalisera pas si l'individu
concerné ne prend pas l'initiative de la faire lui-même.
En conclusion, notre propos vise essentiellement à mieux servir
les personnes handicapées dans la loi proposée. Nous aimerions
que cette loi soit modifiée en fonction de ce que nous appelons la
différence de certains Québécois et
Québécoises de notre société. L'année
internationale des personnes handicapées tire à sa fin. Elle aura
été un moyen pour provoquer des actions qui permettront un jour
aux personnes handicapées de se sentir des citoyens à part
entière et de s'intégrer vraiment à la vie du
Québec.
Nous sommes convaincus, dans le cadre de nos propres
responsabilités, que l'information gouvernementale constitue l'une des
principales voies d'accès aux nombreux services offerts par
l'État et, conséquemment, et plus important encore, une voie
d'accès à la participation sociale de tous les citoyens sans
exception. C'est une question de justice et de démocratie. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: Merci beaucoup, Mme la présidente. Je crois
que tous les parlementaires auront apprécié la contribution de
l'Office des personnes handicapées du Québec, surtout dans le
cadre de l'étude de cette loi d'accès à l'information
gouvernementale.
En partant, je pense que tout le monde mesure les difficultés
nombreuses devant lesquelles les personnes handicapées sont
placées lorsqu'il s'agit d'avoir accès à l'information. Je
pense que vous mesurez aussi, parce que vous l'avez, depuis un certain temps
déjà, la responsabilité de mener ou de forcer des
organismes à mener à terme un certain nombre d'actions pour
faciliter l'intégration des personnes handicapées dans notre
société; je crois que vous mesurez aussi l'ampleur qu'il faudrait
faire valoir dans le cadre de cette loi pour que vraiment tous les documents
auxquels les personnes handicapées qui souffriraient de
déficiences auditives, orales ou visuelles, puissent avoir accès
à l'information, vous savez toutes les difficultés nombreuses
qu'il faudra surmonter. Vous l'évoquez vous-même en termes de
formation, d'abord des ressources humaines qui oeuvrent au sein des
différents organismes pour accueillir plus favorablement les personnes
handicapées, mais aussi l'introduction d'un certain nombre d'instruments
de travail. Vous parlez de téléscripteurs, par exemple, dans les
bureaux de Communication-Québec. Vous parlez aussi de sous-titrage et de
plusieurs autres solutions de ce genre. Vous souhaitez même que nous
ajoutions à l'article 10 un élément qui ferait mention de
la nécessité de trouver une façon de rendre davantage
accessible l'information pour les personnes handicapées, soit sous forme
de lecture sur bande magnétique, ou de transcription en braille.
J'ai pris connaissance de votre mémoire avec beaucoup
d'intérêt, conscient qu il v a quelque chose à faire et que
nous devons le faire. Je vous pose la question et c'est la seule que je vous
poserai, parce que je suis tout à fait commis aux intentions
manifestées dans votre mémoire et je pense que nous devons les
épouser. La question tend à savoir si à chacun des
articles où on pense qu'il se pose un problème pour les personnes
handicapées, on doit introduire sur le plan législatif des
amendements qui indiquent très clairement le procédé
retenu ou qui indiquent que le gouvernement pour tel ou tel aspect de sa loi
verrait à tenir compte des personnes handicapées.
J'avais à l'esprit - croyez-moi bien, ce n'est certainement pas
pour que nous nous défilions devant nos responsabilités - le fait
d'introduire un article général qui pourrait se situer
peut-être à l'article 116 au niveau des fonctions et pouvoirs de
la Commission de l'accès aux documents des organismes publics, c'est
l'organisme qui est retenu ici par la commission pour prendre charge de
l'application de la loi. À l'article 116, on dit: "La commission a
également pour fonctions... " Et là, on en énumère
un certain nombre: information du public, recommandations aux organismes
publics pour favoriser l'exercice du droit d'accès... Il me semblerait
qu'il serait opportun d'ajouter à cette liste des huit
éléments dont il est fait mention, un élément
spécifique qui serait de nature générale et qui confierait
à la commission la responsabilité de pousser sur les organismes
publics et de les amener, sur la base d'un certain travail de recherche qui
aurait été effectué préalablement pour indiquer que
tel moyen serait préférable à tel autre, qu'il y aurait
telle technique qui pourrait être utilisée dans telle situation ou
d'autres cas et que cet élément général à
l'intérieur d'un article serait peut-être susceptible de
répondre, je ne dis pas à toutes les demandes que vous formulez,
mais à l'ensemble ou à une grande partie des demandes que vous
formulez dans votre mémoire...
Je vous le suggère, je vous le pose comme question, de
préférence à des modifications article par article qui,
à la longue, deviendraient peut-être un peu fastidieuses et qui
auraient, pour effet de faire encore davantage prendre conscience aux personnes
handicapées qu'il faut toujours qu'on leur mette un petit amendement
pour les caractériser encore davantage. J'aimerais que ce soit quelque
chose de plus général, de
plus global, et que cela fasse partie des fonctions et pouvoirs de
l'éventuelle commission. J'aimerais vous entendre à ce sujet pour
savoir si ce genre d'approche répondrait un peu aux demandes que vous
nous formulez.
Mme Champiqny-Robillard: Je pense que notre mémoire s'est
écarté volontairement, contrairement à d'autres qui ont
été présentés aujourd'hui, d'un aspect
législatif. D'abord, ce qu'on a voulu surtout faire valoir, c'est notre
connaissance à ce jour de ce dossier qui, d'ailleurs, a
été développé avec des fonctionnaires de votre
ministère et des besoins exprimés par nos clientèles, par
nos commettants. On n'a justement pas pris une approche juridique. Cela veut
peut-être dire que je n'ai pas une réponse en blanc et noir
à votre question. Ce qui nous intéresse surtout, c'est
l'engagement du gouvernement. Il y aura, comme vous le savez, d'autres
occasions pour le gouvernement de manifester cet engagement.
Par ailleurs, on aimerait Deut-être rester en consultation dans le
cheminement que vous avez indiqué au début, à l'ouverture
de la commission ce matin. Nous avons volontairement évité
l'approche juridique, parce qu'on n'était pas prêt non plus
à faire ce genre de recommandations précises.
M. Bertrand: En d'autres mots, ce que vous nous indiquez, c'est
que vous ne fermez pas la porte à ce genre d'hypothèse, mais ce
dont vous voulez vous assurer, c'est que le gouvernement prenne en très
sérieuse considération la situation particulière devant
laquelle les personnes handicapées sont placées, quitte à
ce que nous trouvions le moyen juridique sur le plan législatif
d'arriver à réaliser vos objectifs.
Mme Champigny-Robillard: Pour que je ne me fasse pas attacher les
mains en public, votre article 116 dit quand même: "La commission a
également pour fonctions... " C'est un peu après coup. On
pourrait peut-être insérer notre préoccupation au
début ou dans un mandat plus large ou plus noble.
M. Bertrand: Mais le problème, c!est que le mot
"également", on pourrait le modifier, mais l'article 115 ne fait
état que des demandes de révision; c'est un aspect très
parcellaire des responsabilités qu'aura la commission. Je dois vous dire
qu'à ce point de vue, à toutes fins utiles, l'article 116 devrait
presque venir avant l'article 1. 15, tellement c'est là que se sont
vraiment placées, à mon avis, les responsabilités les plus
importantes de la commission. Les demandes de révision sont
forcément très importantes aussi, mais je crois que l'article 116
- quant à moi, en tout cas - fait état de l'ensemble des
responsabilités qui doivent normalement être dévolues
à la commission.
Mme Champiqny-Robillard: Tout ça pour dire que les
personnes handicapées ne devraient pas, dans une loi, avoir l'air d'un
cas difficile, d'une espèce de: tout à coup, on y a pensé
après.
M. Bertrand: Je serais même prêt, pour vous
manifester à quel point je trouve la question fort importante... On a
marqué, premièrement, d'informer le public sur l'accès aux
documents. On pourrait très bien - trop fort ne casse pas - en faire
l'un des éléments prioritaires de la réflexion et de
l'action de la commission, quitte même, madame, à avoir un article
spécial là-dessus. C'est tout simplement pour vous dire que,
plutôt que de modifier les articles de loi cas par cas,
j'apprécierai une approche globale, mais à condition bien
sûr qu'on s'assure, au fil des mois et des années, qu'on avance
dans ce sens.
Mme Champigny-Robillard: Je pense qu'intellectuellement on serait
d'accord avec ça.
M. Bertrand: Merci, madame.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: II ne me reste qu'à remercier à mon
tour, de la part de l'Opposition, l'Office des personnes handicapées
d'être venu nous rappeler que nos présomptions confortables d'un
peu ce qu'est un Québécois ou une Québécoise ne
sont pas toujours valables. On apprécie énormément le
rapport que vous avez fait, le rapport est très complet. J'allais
moi-même suggérer une clause générale; pour les
mêmes raisons qu'a invoquées le ministre, on serait tout à
fait d'accord de notre côté aussi.
Il y a beaucoup de questions de nature pratique et, chaque fois, ces
questions se posent dans un contexte de politique sociale qui est très
important, mais peut-être n'est-ce pas le forum pour ces questions. Tout
ça pour dire tout simplement que nous, de notre côté,
appuyons totalement les objectifs visés dans votre mémoire et,
encore une fois, on vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Gaspé.
M. Le May: Mme la présidente, d'abord je tiens à
vous féliciter. Vous avez un rapport qui est très concret, vous
apportez même des solutions quand vous nous parlez de
téléscripteurs, ou encore de braille ou de bandes
magnétiques, c'est très bien. Si vous vous êtes
présentés devant nous aujourd'hui
c'est pour qu'on vous écoute, parce que les handicapés au
Québec ont besoin d'aide. Mais j'aimerais vous relancer la balle.
Peut-être aurions-nous aussi besoin de vous, aurions-nous besoin de votre
aide. Je pense, par exemple, aux modifications à apporter à
certains articles d'un éventuel projet de loi. Je suis sûr que
vous répondrez oui à cela; vous le prouvez d'ailleurs aujourd'hui
par votre présence.
Sur un autre sujet, vous parlez d'une espèce de recyclage de la
fonction publique qui pourrait apporter de l'aide chez vous. De votre
côté - je sais que vous avez déjà des personnes
spécialisées dans ces différents domaines, quand on parle
du braille, quand on parle du langage gestuel - l'Office des personnes
handicapées serait-il prêt à aider le gouvernement à
peut-être suppléer au manque de fonctionnaires et sous quelle
forme?
Mme Champigny-Robillard: Dans le contexte actuel des compressions
budgétaires, tous les sous-ministres sont très prudents à
répondre à des questions comme celles-là.
L'office demeure, de par son mandat et de par sa vocation, un consultant
privilégié du gouvernement. Sur ces questions, nous avons
travaillé - comme je l'ai dit tout à l'heure - de très
près avec les fonctionnaires du ministère des Communications.
Pour ce qui est de la formation de personnel, etc., il est bien
sûr que notre expertise est disponible, c'est notre mandat, c'est pour
ça que nous travaillons. (16 heures)
Pour ce qui est d'affecter des personnes, j'aimerais mieux vous en
reparler autour de la table du Conseil du trésor.
Le Président (M. Rochefort): Cela va?
M. Bertrand: Merci beaucoup, Mme la présidente. Soyez
assurée que ce que vous nous avez transmis comme suggestions ne
demeurera pas lettre morte.
Mme Champigny-Robillard: Ne tombera pas dans l'oreille d'un
sourd.
M. Bertrand: J'ai trop bien vécu l'expérience
pendant une journée avec vous pour ne pas y donner suite.
Mme Champigny-Robillard: Merci beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): Je remercie les
représentants de l'Office des personnes handicapées du
Québec et j'inviterais maintenant les représentants de la Ligue
des droits et libertés à prendre place à la table. Je vous
inviterais à vous identifier, s'il vous plaît.
Ligue des droits et libertés
M. Tardif (Gilles): Je suis Gilles Tardif, président de la
Ligue des droits et libertés. À ma droite, c'est Mme Christiane
Sauvé et, à ma gauche, qui sera absent malheureusement à
cause de circonstances techniques, il devait y avoir M. Pierre-Louis Guertin,
de la CEQ. En effet, la Ligue des droits et libertés, comme elle l'a
fait pour la commission Paré, ne se présente pas seule. La ligue
présente un mémoire qui est appuyé par l'Institut canadien
d'éducation des adultes qui regroupe des membres provenant des services
publics d'éducation, des milieux populaires et syndicaux, de la Centrale
de l'enseignement du Québec, qui, comme vous le savez, a plus de 85 000
membres travaillant dans le secteur de l'enseignement et du loisir, presque
tous du secteur public, de la Confédération des syndicats
nationaux dont plusieurs membres sont privés du droit à
l'information sous prétexte que certains documents sont confidentiels.
Un groupe qui était présent à la commission Paré
sera absent aujourd'hui, mais viendra plus tard à cette commission, il
s'agit du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec qui a un
mémoire distinct et spécial à présenter à
cette commission.
La ligue, quant à elle, est, si vous ne le savez pas, un
organisme sans but lucratif voué à la défense, à la
promotion et à l'élargissement des droits individuels et
collectifs au Québec et au Canada. Elle est membre de la
Fédération internationale des droits de l'homme,
accréditée à l'ONU, et de la Fédération
canadienne des droits et libertés.
Mme Christiane Sauvé fera mention d'éléments
importants de notre mémoire. Elle a suivi depuis déjà
quelques années des travaux de commissions d'enquête
fédérales ou provinciales et a aidé, avec les groupes
cosignataires, à la préparation des mémoires à la
commission Paré et à celle-ci.
Mme Sauvé (Christiane): Je vais vous faire grâce de
la lecture des principes qu'on avait mis de l'avant dans le rapport qu'on avait
soumis à la commission Paré. De toute façon, au fur et
à mesure, on va voir dans quelle mesure les principes qu'on avait mis de
l'avant à ce moment-là ont été ou non retenus par
la commission Paré.
On va commencer à la page 8. Nous avons noté qu'il n'y
avait pas, contrairement à beaucoup de projets de loi, de
définitions au début du projet de loi. Par exemple, dans le
rapport, on explique ce qu'est un document, mais, quand on arrive au niveau du
projet de loi, il n'y a pas de définition. Il n'y a pas de
définition non plus du mot "personne". On a vu que cela peut poser
certains problèmes, la distinction entre personne morale et personne
physique. Je ne
sais pas s'il n'y aurait pas lieu qu'il y ait certaines
définitions sans tomber dans le travers de trop de définitions.
Il y a certains mots clés qui, d'après nous, devraient être
définis, comme, par exemple, les mots "sécurité publique",
etc.; ce n'est pas défini non plus.
On recommande, en deuxième lieu, que les services policiers
fassent l'objet d'une disposition explicite de la loi d'accès. Ce n'est
un secret pour personne: les corps policiers ont pris l'habitude de fonctionner
dans le secret. Cette loi devrait marquer, selon nous, une coupure nette et
sans équivoque avec ce passé.
Plusieurs personnes ayant étudié le projet de loi ont
été surprises d'apprendre que le mot "ministère" incluait
la Sûreté du Québec; que les mots "organismes
institués en vertu de lois constitutives" couvraient les corps policiers
municipaux. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas évident.
Vis-à-vis de l'appareil gouvernemental, la police occupe un statut
spécial; il doit y avoir une certaine distanciation. On trouve un peu
déplacé le fait d'inclure la Sûreté du Québec
dans l'appareil gouvernemental. Par cette exigence de mention explicite, nous
voulons également éviter des contestations judiciaires aussi
inutiles que coûteuses. Ce danger est loin d'être théorique
quand on sonqe qu'un corps de police municipal, le SPCUM, pour ne pas le
nommer, traîne le gouvernement du Québec devant les tribunaux et
jusqu'à la Cour suprême du Canada en prétendant que les
policiers, lorsqu'ils appliquent le Code criminel, ne relèvent que de la
juridiction du fédéral ceci, bien sûr, afin de se
soustraire aux questions fort embarrassantes de la commission Keable.
Nous pensons que la future commission d'accès doit être
à l'abri de telles mesures dilatoires, c'est pour cela qu'on demande que
les corps policiers fassent l'objet d'une disposition très explicite. On
sait que c'est dans l'esprit du gouvernement et des rédacteurs du projet
de loi d'inclure les corps policiers, mais on tient à ce qu'il y ait une
disposition explicite.
Sans tomber dans le travers d'une trop longue nomenclature, la
commission Paré a quand même pris soin de nommer des organismes
publics qui dispensent des services, les organismes scolaires, les organismes
de santé. On ne voit pas pourquoi les organismes qui dispensent les
services policiers ne feraient pas l'objet d'une clause particulière eux
aussi. Comme je l'ai dit, c'était de toute façon dans l'intention
du gouvernement d'inclure les corps de police. On voudrait aussi que les
Commissions de transport des Communautés urbaines de Montréal et
de Québec soient incluses nommément.
On a beaucoup parlé ce matin du principe "sunset". Au
départ, nous aussi trouvions cela très novateur et très
intéressant. Cependant, il nous semble que ça peut être
potentiellement dangereux, le fait de mettre fin obligatoirement à la
loi après un certain temps, soit que le gouvernement change
d'idée et trouve, à un moment donné, que la loi
d'accès à l'information est trop compliquée et on
décide de changer, ou un autre gouvernement serait élu et aurait
une mentalité plus cachotière. Cela pourrait nous obliger
à recommencer la bataille pour faire reconnaître cette chose qui
est pourtant élémentaire dans toute démocratie. Cela a
pris beaucoup d'années, cela fait au moins dix ans qu'on parle de la loi
d'accès à l'information. Nous aimerions bien ne pas avoir
à recommencer cette bataille.
Au lieu de mettre fin à l'application de la loi, le gouvernement
devrait inclure une disposition obligeant l'Assemblée nationale à
revoir la loi. On est tout à fait d'accord avec le principe qu'il faut
revoir la loi, qu'obligatoirement la loi soit revue après une
période de temps fixée à l'avance et qu'il y ait aussi un
débat public au moment de la révision de la loi. Cela concerne le
premier chapitre.
Pour ce qui est de la procédure d'accès, en
général, on est très satisfait des recommandations de la
commission Paré. La procédure est simple et assez rapide;
malgré qu'elle soit de dix jours supérieure à celle des
États-Unis, on est prêt à accepter que cela prenne vingt
jours pour obtenir une réponse.
Pour la question du catalogue, on vous suggérerait d'aller faire
un tour au ministère des Postes, dans les bureaux de poste pour essayer
d'avoir accès à l'information gouvernementale
fédérale, de consulter les bottins qui ne sont absolument pas
pratiques et les formulaires pour ne pas faire la même chose. Allez faire
un tour dans les bureaux de poste. Il y a déjà une loi
fédérale qui donne accès à certaines parties de la
documentation fédérale et aux renseignements personnels que
l'Ftat fédéral détient sur les citoyens; sauf que ce n'est
pas pratiques, les bottins, c'est inouï, c'est impossible de se retrouver
là-dedans. D'ailleurs, il y a très peu de citoyens canadiens qui
se servent de cette loi. Il s'agirait d'aller faire un tour par là et de
ne pas faire la même chose que le gouvernement fédéral pour
avoir des bottins qui soient vraiment accessibles.
L'autre point, c'est un point auquel nous tenons
énormément: Nous demandons que les titres des documents qui sont
exemptés apparaissent dans les répertoires. Pas des descriptions
à ne plus finir, mais au moins le titre des documents. Cela, tout
simplement parce que les droits de recours sont complètement illusoires;
quand on ne sait même pas qu'un document existe, il est tout à
fait impossible d'en contester la
classification. Souvent, ces documents ont été
classifiés il y a cinq ou dix ans alors que le droit à
l'information était un concept qui n'existait même pas. Pour
éviter que ces classifications soient ad vitam eaternam, il faudrait que
les répertoires mentionnent le titre des documents exemptés avec
ce sur quoi s'appuie l'exemption, l'article de loi qui permet l'exemption.
L'obligation d'inclure le titre des documents exemptés de
même que les articles autorisant cette restriction est fondamentale pour
éviter que la règle du secret ayant prévalu aux
classifications antérieures ne puisse être révisée
par la commission à la suite d'une plainte d'un citoyen. Cette
constatation est virtuellement impossible si les documents exemptés sont
exclus du répertoire. Encore une fois, j'attire votre attention sur le
fait qu'on ne demande pas des descriptions du contenu des documents, mais au
moins les titres.
À l'article 20, il est prévu que les décrets du
gouvernement doivent être publiés au plus tard 30 jours
après leur adoption. Cet article devrait selon nous être assorti
de l'obligation de rendre accessibles les procès-verbaux et les
décrets qui consignent les décisions du cabinet 48 heures
après la tenue de ces séances. Ceci est loin d'être une
exemption exorbitante ou contraire au bon sens. En Suède, par exemple,
le compte rendu des décisions du cabinet est accessible. Là,
j'insiste sur le mot décision. Il ne s'agit pas des
délibérations. Il s'agit vraiment des procès-verbaux, si
le cabinet a décidé telle ou telle chose. Pour nous, cela devrait
être accessible le plus rapidement possible aux journalistes, aux
députés de l'Opposition et à la population tout
entière de manière qu'on puisse porter un jugement
éclairé sur les décisions que les élus prennent au
moment où elles se prennent et non pas 30 jours après.
D'autre part, les possibilités de prolonger le délai de
publication devraient disparaître, car la notion d'intérêt
public qui est évoquée est beaucoup trop vague. Si le
gouvernement fait retarder la publication de ces décrets, il doit le
faire pour une raison précise et couverte par les restrictions. Il doit
donc démontrer un préjudice démontrable et non pas
simplement invoquer l'intérêt public pour retarder la publication
des décrets du gouvernement.
Là on aborde évidemment la partie la moins
intéressante de ce projet de loi: les restrictions au droit
d'accès. Tout d'abord, une remarque d'ordre général avant
d'aborder chacune des restrictions prévues. Dans un premier temps, nous
étions très satisfaits de la recommandation de la commission
Paré visant à ce que les exceptions soient en principe
facultatives. Ce principe fondamental est cependant écarté dans
un trop grand nombre d'articles du projet de loi.
En effet, une interdiction formelle de communication des documents est
prévue aux articles 22, 27, 37, 34, 36, 37 et 45. Les articles 30, 33 et
34 permettent même de refuser la révélation de l'existence
d'un document.
Autrement dit, pour les questions qui sont vraiment importantes,
l'approche se révèle presque aussi restrictive que le projet de
loi fédéral et c'est peu dire. C'est dommage.
Les renseignements ayant des incidences sur les relations
intergouvernementales ou sur les négociations entre organismes. Les
documents confidentiels sont protégés par une interdiction
formelle de divulgation. L'article 22 stipule en effet que tout renseignement
accepté à titre confidentiel d'un autre gouvernement demeurera
secret. Les autorités politiques ont toute la discrétion voulue
pour juqer de ce qui est confidentiel ou non. Il faut donc prévoir une
augmentation considérable des documents, dossiers, renseignements
estampillés d'avance "confidentiel". Il est même à
prévoir que toutes les relations entre les gouvernements vont être
d'office confidentielles et, finalement, risquent d'échapper à
l'application de la loi.
Sans nier la complexité du problème, il faut bien
constater que le libellé proposé ne brisera pas le cercle
vicieux. Les gouvernements, par définition, sont cachotiers et s'en
excusent toujours en invoquant l'argument de la crédibilité et/ou
l'intérêt national, ce qui n'a jamais empêché quelque
gouvernement que ce soit ayant intérêt à ce qu'une certaine
information, même acceptée confidentiellement, sorte malgré
tout lors de fuites calculées.
À noter qu'il n'y a aucune limite de temps pour cette
catégorie de renseignements confidentiels. C'est ad vitam eaternam, donc
un document qui aurait été estampillé confidentiel, il n'y
a pas de limite de temps, cela va demeurer confidentiel ad vitam eaternam. Il
faudrait à tout le moins contrebalancer ces discrétions en
garantissant que, lorsque la santé, la sécurité ou les
droits d'une personne ou d'une collectivité sont en cause, l'orqanisme
public ait l'obligation de révéler les renseignements
demandés. (16 h 15)
À l'article 23, on trouve que ça consacre le jeu de
cache-cache auquel le débat sur le renouvellement de la constitution et
les sempiternelles querelles fédérales-provinciales ont
donné lieu. Le projet de loi propose en effet de protéqer les
tactiques et les stratégies de relations intergouvemementales qui seront
secrètes ad vitam eaternam puisque, encore une fois, il n'y a aucune
limite dans le temps. Toutes ces tergiversations sur notre avenir collectif
resteront inconnues, même pour les
historiens.
Sur les renseignements à incidence économique, l'article
26 qui restreint la communication de renseignements à caractère
économique reprend presque textuellement le projet de loi
fédéral. Ici aussi on introduit un nouveau critère pour
exclure certaines informations, celui de la valeur. Toute information a
nécessairement une valeur, surtout pour celui qui la demande. Ce
critère est donc inadéquat et dangereux, car il risque de servir
de justification systématique pour refuser tout renseignement à
caractère économique. Au maintien, pour quelque prétexte
que ce soit, du secret industriel, nous privilégions sans
équivoque la transparence. Pour nous, le supposé préjudice
causé à une entreprise par le dévoilement de ses
états financiers n'a aucune commune mesure avec le préjudice
causé au bien public par la non-divulgation de ces renseignements.
On pense, par exemple, aux travailleurs qui ont intérêt
à connaître à l'avance les plans de développement de
leur employeur, de leur compagnie. Le projet de loi actuel ne fait que
consacrer le statu quo; les entreprises pourront continuer à
n'être que des agents économiques, alors que tout le monde sait
que les entreprises sont aussi des agents sociaux et qu'elles ont des
responsabilités à ce niveau. Malheureusement, le fait qu'elles
vont pouvoir continuer à garder secrètes toutes les informations
sur leur développement futur, c'est extrêmement regrettable, selon
nous. On aurait aimé, même si c'est difficile, même si ce
sont des questions nouvelles - la démocratie économique, c'est
une chose qui commence à être étudiée - que la
commission aille beaucoup plus loin dans ce sens. On espère qu'on en
discutera pendant les trois prochaines années et que, lorsqu'on reverra
cette loi, il y aura plus de transparence économique. Dans plusieurs
pays capitalistes hautement industrialisés, des lois existent
déjà pour obliger les entreprises à révéler
leurs états financiers. On aimerait qu'au gouvernement du Québec
on aille dans ce sens également.
La définition du mot "tiers", on en a parlé ce matin,
commande beaucoup de précisions. Le texte très large fait que
n'importe quel pourvoyeur d'informations gouvernementales n'aura qu'à
apposer le sceau "confidentiel" pour qu'elles soient automatiquement exclues du
champ d'application de la loi. Par exemple, quand une compagnie va transmettre
à la Communauté urbaine de Montréal des informations sur
les quantités de contaminants qu'elle émet dans
l'atmosphère, est-ce que la compagnie va pouvoir simplement dire
à la communauté urbaine: Les renseignements qu'on vous donne sont
confidentiels? La Communauté urbaine de
Montréal va dire: Nous avons reçu ces renseignements d'un
tiers qui refuse qu'ils soient diffusés au public, tout simplement, pour
que ces renseignements ne soient pas accessibles. Il y a des dangers dans
l'expression "tiers" et il n'y a pas de garantie et pas beaucoup de limite. Je
pense qu'il faudrait revoir ça.
La seule protection offerte à l'article 28 - et encore, ce n'est
pas obligatoire -touche à l'existence d'un risque sérieux pour la
santé ou la sécurité d'une personne ou une atteinte
injustifiée à l'environnement. Cette protection devrait
être obligatoire et élargie de manière à inclure les
violations aux droits reconnus des personnes et des collectivités. Tout
document qui contient des preuves d'infractions ou d'illégalités
devrait être accessible de manière à préserver les
recours des personnes ou associations qui en seraient les victimes. Il n'y a
pas d'article, dans la loi, qui prévoit l'obligation d'avertir le
Procureur général du Québec ou les personnes visées
s'il y a eu des infractions ou des illégalités.
Renseignements ayant des incidences sur l'administration de la justice
et la sécurité publique. Cette partie très importante,
surtout pour le futur, traite des restrictions que la police pourra utiliser
pour continuer de soustraire une grande partie de ses activités à
l'examen public. Or, nous le savons, le secret a favorisé les pratiques
illégales et illégitimes de la police.
Le texte de l'article 30 contient très peu d'ouverture. Un
organisme public - tout le long, il s'agit essentiellement de la police - peut
refuser de confirmer l'existence ou de communiquer un renseignement obtenu ou
traité de façon conforme à la loi évidemment, les
pratiques illégales sont clandestines par définition et donc
très difficiles à déceler - par une personne
chargée par la loi de prévenir, détecter, réprimer
le crime ou les infractions aux lois. On sait que c'est sous le grand manteau
de la prévention du crime que les corps policiers ont couvert leur
surveillance indue des progressistes. C'est supposément pour surveiller,
pour prévenir le crime lors de conflits ouvriers qu'on surveille les
syndicats, etc., etc.
Il est donc interdit de communiquer un document qui entraverait le
déroulement d'une poursuite judiciaire ou d'une enquête. Or, il y
a un très grand nombre de personnes qui sont des sujets d'enquête
permanente, tel que le démontre le rapport de la commission Keable: "Les
principes tacites qui nous ont apparu, à l'analyse, guider la
discrétion policière dans la constitution et l'enrichissement des
dossiers sont au nombre de cinq. " Ce n'est pas nous qui le disons; c'est une
commission d'enquête provinciale, la commission Keable.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il serait possible
que vous accélériez la présentation, compte tenu que les
membres ont reçu votre mémoire, ont eu le temps de le lire et que
le délai de 20 minutes normalement accordé pour présenter
le mémoire est échu en ce qui vous concerne?
Mme Sauvé: Toute la section qui concerne la
sécurité publique devrait faire l'objet d'une révision de
la part du ministère des Communications et de la présente
commission parlementaire. Il y a énormément de trous
là-dedans, il y a énormément de possibilités
d'échappatoire pour les corps de police, d'échapper même
à une commission d'enquête que le gouvernement mettrait sur pied
pour essayer d'examiner comment fonctionne la police. Ils vont pouvoir -
à partir de l'adoption de cette loi, si elle est adoptée telle
quelle - s'appuyer sur des articles qui sont dans cette loi pour refuser de
communiquer au gouvernement même des documents. C'est extrêmement
dangereux. Il n'y a aucune définition, par exemple, de ce qu'est la
sécurité publique, etc.
On pense que toute cette section devrait être revue et
resserrée, de manière à éviter que la police
continue à abrier ses pratiques illégales et illégitimes.
Il faut ramener cette partie également à l'article 90 qui
autorise le gouvernement à décréter un fichier
confidentiel s'il est constitué principalement de renseignements
nominatifs destinés à être utilisés par une personne
chargée, en vertu de la loi, de prévenir ou réprimer le
crime. On sait que la commission ne peut que donner un avis avant que le
gouvernement adopte un décret de classement confidentiel.
Pour nous, ça veut dire clairement que tous les dossiers que la
police a accumulés sur les citoyens québécois seront
classés dans ces fichiers confidentiels. Les citoyens n'y auront pas
accès pour y corriger les innombrables erreurs de perception qu'ont les
policiers sur les opinions politiques des gens et leur danger pour la
sécurité nationale. La possibilité pour le gouvernement de
décréter ces renseignements confidentiels, nous sommes tout
à fait en désaccord avec ça et on trouve que la commission
n'a qu'un pouvoir de recommandation et c'est dommage,
L'embargo de vingt ans prévu sur les mémoires, tout le
monde a dit que ce délai était trop long. On est tout à
fait d'accord nous aussi pour que ce soit ramené à cinq ans, soit
le délai d'un mandat, pour que la population puisse porter un jugement
sur la performance de ses élus avant de les réélire. Je
pense qu'un délai de cinq ans serait tout à fait de mise. Vingt
ans, c'est beaucoup trop long. Encore une fois, on fait la distinction. Qu'on
veuille assurer ic secret des délibérations avant la prise de
décision est une chose, mais un embargo de vingt ans sur toute cette
catégorie de documents vient empêcher, à toutes fins
utiles, la population de porter un jugement éclairé sur la
performance des élus.
Aussi, un document du cabinet d'un ministre ou d'un membre de
l'Assemblée nationale n'est pas accessible à moins que le
ministre ne le juge opportun. C'est souvent le ministre qui a pris la
décision qui va être dans une espèce de conflit
d'intérêts, puisque c'est lui qui va prendre la décision de
rendre le document accessible ou non. À propos de n'importe quelle
contestation d'une décision d'un ministre, c'est lui qui va avoir
à prendre la décision, à savoir si le document devrait
être public ou non. Il se retrouve fatalement dans la position
d'être juge et partie. Bien sûr, il y a la bonne foi, mais souvent
il y a des situations conflictuelles et, à ce moment-là, la bonne
foi, on ne peut plus tellement y compter.
Pour tous les renseignements qui sont reliés à la prise de
décision au sein d'organismes publics, le délai de 20 ans devrait
être réduit à 5 ans.
À l'article 41, on permet à un organisme public de refuser
la communication d'une opinion juridique, toujours payée à l'aide
de taxes des citoyens. Souvent, des règlements adoptés par des
municipalités sont illégaux; il y a une multitude de
règlements qui sont ultra vires et, souvent, des personnes vont
être arrêtées en vertu de ces règlements et elles ne
peuvent même pas obtenir l'avis juridique, l'expertise légale qui
a été faite à leurs frais. On pense que les opinions
juridiques devraient être disponibles, même quand elles disent
qu'un règlement est illégal ou ultra vires.
La question des 2 ans. On est d'accord avec le principe, mais, à
l'expiration du délai de 2 ans, on aimerait une formule plus souple.
S'il y a un litige qui survient, et qu'un document est refusé à
un citoyen parce qu'une loi actuelle en interdit la divulgation, on pense que
la commission pourrait prendre cette plainte et, si la clause restrictive n'est
plus justifiée, au lieu d'attendre les deux ans, que l'Assemblée
nationale puisse voter la disparition de cette clause restrictive.
On a remarqué aussi - ce n'est pas indiqué dans notre
mémoire - qu'il n'y a aucun délai prévu pour
l'enquête de la commission. Cela va prendre combien de temps à la
commission pour répondre à une plainte d'un citoyen à qui
un document aurait été refusé? Il n'y a aucun
délai. On sait que parfois les questions de temps sont vitales. Il nous
semble qu'un délai d'un mois serait approprié pour
répondre à une plainte.
Il est essentiel que le fardeau de la preuve repose sur l'organisme qui
refuse l'accès. Ce n'est pas clair dans le projet de loi. Cela devrait
être obligatoire pour le
gouvernement ou un organisme public qui refuse l'accès d'invoquer
un préjudice démontrable. Il y a beaucoup de parties, surtout les
documents à incidence politique, où le gouvernement n'a pas
à démontrer qu'il y a un préjudice. Il peut refuser la
communication simplement en s'appuyant sur les articles du projet de loi, sans
avoir à démontrer qu'il y a un préjudice.
On est satisfait de la procédure d'accès qui a
été réduite à sa plus simple expression. Cependant,
on est contre toute possibilité pour un organisme public de refuser de
confirmer l'existence de renseignements. On est aussi contre le fait que les
documents exemptés ne soient pas répertoriés; sinon les
recours, ça ne veut plus rien dire.
La protection des renseignements personnels. On aurait aimé qu'on
affirme que les personnes sont propriétaires des renseignements qu'elles
transmettent au gouvernement, soit les renseignements à caractère
privé qui portent sur elles et leurs enfants. On aurait aimé
également que le projet de loi ne vise pas simplement les organismes du
gouvernement, mais aussi tous les cueilleurs de données, que cette loi
constitue une espèce de code d'éthique pour toutes les
entreprises privées et publiques qui recueillent des données
à caractère confidentiel. Actuellement, on n'a aucune garantie
sur tous les renseignements que les compagnies d'assurance recueillent sur nous
ou les agences d'investigation privées, etc. On sait que cela se
multiplie à un rythme effrayant. On aurait aimé que la loi couvre
l'ensemble de tous les organismes qui recueillent des données à
caractère confidentiel. (16 h 30)
Pour le reste, on a remarqué que les mêmes restrictions au
droit d'accès avaient été reproduites textuellement en ce
qui concerne l'accès de la personne aux renseignements que l'État
détient sur elle. Les commentaires que nous formulions s'appliquent a
fortiori lorsqu'il s'agit d'interdire à une personne le droit
d'accès à des informations qui la concernent et qui devraient lui
appartenir. On trouve cela un peu dommage qu'on ait reproduit
systématiquement les mêmes restrictions. Que ce soit les dossiers
gouvernementaux et les dossiers personnels, on a appliqué exactement le
même pattern, les mêmes restrictions. Dommage!
La commission n'a qu'un pouvoir de consultation sur certaines choses
très sensibles, sur les projets de règlement ou d'ententes de
transfert de renseignements et sur les décrets de classement de fichiers
confidentiels. On pense qu'en cas de mésentente entre le gouvernement et
la commission, celle-ci devrait pouvoir soumettre le litige devant les
tribunaux de droit commun.
Pour terminer, on aimerait faire une remarque positive sur la
façon dont le projet de loi a été écrit. J'ai
travaillé à plusieurs projets de loi. C'est la première
fois que j'ai du plaisir à travailler à un projet de loi qui est
écrit simplement, qui est accessible, qui ne fait pas de
référence. D'article en article, la commission Paré a
vraiment fait un effort de vulgarisation sur ce projet de loi. On espère
que tous les projets de loi vont nous être présentés sous
cette facture très intéressante.
Une dernière chose que j'aimerais dire, c'est qu'on souhaite
qu'il y ait une campagne d'information, lorsque le projet de loi va être
enfin adopté, sur cette nouvelle loi, parce qu'il y a très peu de
gens qui sont vraiment informés de ce que cela va donner aux citoyens
ordinaires, cette loi. Elle devrait donc être accompagnée d'une
campagne d'information et de sensibilisation qui indiquerait aux citoyens
comment ils peuvent se servir de cette nouvelle loi.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, s'il vous
plaît!
M. Bertrand: Je voudrais remercier les représentants de la
ligue et, par l'intermédiaire de la Ligue des droits, les
différents organismes qui se sont associés à vous pour
préparer ce document. Je dois vous dire que j'ai l'impression que vous
n'avez absolument rien laissé de côté. Vous avez
touché à presque tout. L'impression générale - je
vous le dis aussi simplement que je le pense - c'est qu'à la lecture
d'un certain nombre de commentaires que vous faites - je ne sais pas si c'est
volontairement que vous avez évoqué à la fin une remarque
positive, cette fois - je note, pour une très grande partie des articles
contenus dans la proposition de loi, que vous demandez carrément qu'on
ouvre davantage. Entre autres, dans tout le chapitre des restrictions, que ce
soit des restrictions à incidence économique, incidence
politique, le processus de décision, la police, en particulier, sur
laquelle vous avez un long exposé. On a un peu l'impression à un
moment donné que vous partez du principe que la commission Paré
se serait donné comme objectif, non seulement de préparer une loi
sur l'accès à l'information gouvernementale, mais de
définir pour l'ensemble de la société de nouvelles
règles du jeu. Or, je crois qu'au départ les gens qui ont
travaillé, les commissaires, ont tenu pour acquis qu'il v a des
règles du jeu, dans cette société qui est la nôtre,
qu'on peut vouloir changer. Je crois que là-dessus la Ligue des droits
et libertés, la Commission des droits de la personne, différents
groupes syndicaux, plusieurs organismes ont à coeur de voir cette
société évoluer, modifier les règles du jeu, etc.,
situer différemment toute la
fonction police dans une société, mais toujours est-il
qu'ils sont partis avec les règles du jeu existantes, avec le principe
de la responsabilité ministérielle devant le Parlement, la
solidarité ministérielle, en ne remettant pas en cause
l'existence d'organismes comme, par exemple, le Conseil du trésor, et
tenant aussi pour acquis que, dans le contexte, entre autres, sur le plan des
relations internationales, des échanges d'informations et de documents
qui se font entre les gouvernements, il y a des règles un peu tacites
entendues sur le plan des échanges.
Ils sont donc partis du principe que la société est ce
qu'elle est et que les organismes publics fonctionnent dans une
société organisée selon des règles de jeu sur
lesquelles, pour l'instant, il y a un certain consensus. Je pense que c'est
à partir de là qu'il faut mesurer les restrictions au projet de
loi, non pas à partir d'un modèle autre, mais à partir du
modèle qui est celui dans lequel on vit et, considérant ce
modèle, évaluer jusqu'où on peut aller pour rendre
accessible l'information et à partir de quel moment on doit
établir un certain nombre de restrictions.
Pendant que vous faisiez vos commentaires tantôt, je trouvais
qu'effectivement, à la limite, vous sembliez tellement dire que la loi
sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale
finalement, à cause des restrictions et des conditions qu'elle pose,
etc., est vidée de son essence. Je retournais à
l'éditorial de Gilles Lesage, qui a paru le lendemain de la
conférence de presse des commissaires qui ont rédigé le
rapport Paré et qui titrait "Un rapport qui est une vraie bombe. "
Là, il s'en allait là-dedans avec toute une série de
considérations entre autres sur les restrictions, aussi sur l'ouverture
faite, disant à un moment donné que la commission avait pris le
parti pris de la générosité et invitant le gouvernement
à agir dans les plus brefs délais. Il appelait même cela un
bombe à retardement, mais il dit que ce serait le test de la
transparence du gouvernement.
Dans ce contexte, je crois qu'il y a deux approches qu'on peut prendre.
Il y a l'approche de ceux qui disent: Voici quelles sont les règles du
jeu dans notre société. À partir de là, comment
peut-on ouvrir au maximum tous ces organismes publics, au nombre d'à peu
près 4000 à 5O00, pour rendre accessibles les documents en
protégeant en même temps la confidentialité des
renseignements que nous détenons sur les personnes et où sont ces
quelques secteurs restrictifs où il nous apparaît que, dans le
contexte socio-politique que nous connaissons, économique aussi, il nous
faille quand même indiquer qu'il va de soi qu'il y a des documents qui
doivent demeurer confidentiels, qui ne doivent pas être accessibles?
J'ai l'impression - je ne sais pas si vous l'admettrez - que vos
recommandations et celles contenues dans la proposition de loi partent d'une
analyse de la société qui n'est pas la même, avec chez vous
une volonté probablement de vivre un cadre social différent, donc
une politique d'accès à l'information gouvernementale
forcément différente, alors que les commissaires sont partis en
disant: Les règles du jeu sont ce qu'elles sont. À partir de
là, jusqu'où peut-on aller pour permettre l'accès à
l'information gouvernementale?
C'est le commentaire que j'aurai en vous posant deux questions.
Évidemment, je serais très heureux que vous commentiez ce
commentaire. Vous avez une position concernant la distinction que vous voulez
qu'on fasse pour les services policiers, c'est-à-dire que, dans les
premiers articles, on parle des organismes scolaires, du réseau
scolaire, du réseau de santé, des établissements de
santé et des services sociaux. On a aussi quelques articles relatifs aux
municipalités, etc. Vous voudriez, je pense, qu'on introduise un article
très spécifique à cet endroit. Est-ce que, dans votre
esprit, mettre l'article spécifique, c'est pour ouvrir le plus largement
possible l'accès aux documents ou est-ce pour nous permettre ensuite de
travailler sur le chapitre de la restriction"? Si on fait mention des corps
policiers, c'est parce que évidemment on a quelque chose à dire
à leur sujet.
Vous admettrez au départ qu'il semble bien que ceux qui regardent
cela disent: Connaissant la police, comme elle a toujours fonctionné,
savoir que la commission va pouvoir d'abord être mise au courant des
fichiers qu'elle détient, émettre des certificats pour qu'on
continue de gérer de tels fichiers et s'assurer ensuite de pouvoir faire
enquête sur la façon dont sont administrés ces fichiers, il
y a quand même un début d'introduction dans ie fonctionnement
régulier des services policiers qui est relativement plus important que
tout ce qui existe à l'heure actuelle. Il y a déjà cela.
Vous souhaitez aller beaucoup plus loin, alors j'aimerais, sur la police, que
vous disiez dans quel esprit vous voulez qu'on introduise cet article un peu
spécial.
Mme Sauvé: On veut simplement éviter, que, lorsque
la police se trouvera dans l'eau chaude, elle intente des poursuites contre le
gouvernement du Québec comme elle l'a fait quand elle a
été placée devant la commission Keable. Quand on l'a
interrogée sur ses informateurs, la police de Montréal est
allée jusqu'à la Cour suprême, avec notre argent, pour
contester la juridiction du gouvernement du Québec. Il faut le faire. Ce
qui va arriver, c'est que dans un an, on aura une décision de la Cour
suprême qui dira: Oui, le
gouvernement du Québec a juridiction, mais le gouvernement du
Québec ne rouvrira probablement pas l'enquête Keable, et la police
de Montréal aura gaqné même si elle aura perdu
juridiquement, elle aura gaqné, parce que les dossiers seront
fermés. Alors, ce que l'on veut éviter, c'est que, lorsque la
police sera dans l'eau chaude, elle soutienne qu'elle n'est pas couverte par ce
projet de loi, qu'elle n'est pas nommée, etc. Dans une loi
d'accès à l'information, il faut favoriser l'information au
maximum. Beaucoup de gens ont lu ce projet de loi et leur première
réaction était: Comment cela se fait-il que les corps de police
ne sont pas nommés? On nomme tout le monde, mais la police n'est pas
nommée.
Comme c'est dans votre intention de couvrir les corps policiers, on
trouve que ce serait facile d'ajouter un petit article pour éviter toute
contestation possible.
M. Bertrand: Je pose la question, parce que je ne vous cacherai
pas que je suis loin d'être fermé à cette hypothèse,
qu'on puisse avoir un article spécifique qui fasse mention des corps
policiers.
M. Marx: Ce qu'elle demande, c'est une précision. Qu'on ne
change pas le projet mais qu'on précise, parce que le problème
qu'elle a soulevé est réel. II y a au Québec des gens qui
stoppent l'affaire pendant des années et à la fin, on va nulle
part. S'il y a une façon de préciser la loi quant aux corps
policiers, cela n'ira pas à l'encontre des principes.
M. Bertrand: D'autant plus qu'aux articles 4, 5 et 6 on fait
mention d'organismes particuliers. Je me suis posé la même
question, quand j'ai lu la proposition de loi. Vous demandez qu'à
l'article 4, les Commissions de transport des Communautés urbaines de
Montréal et de Québec soient incluses. À moins que je ne
me trompe, selon mes informations - je connais la Communauté urbaine de
Québec - la Commission de transport de la Communauté urbaine de
Québec est sous la responsabilité de la Communauté urbaine
de Québec, alors c'est implicite.
Mme Sauvé: La terminologie, "organismes institués
par les lois constitutives de ces organismes publics" n'est pas
évidente. Quelqu'un qui voudrait demander des renseignements à la
Commission de transport, en lisant le projet de loi, il ne sait pas
nécessairement que cela couvre tel type d'institution.
M. Bertrand: Oui, mais on le sait de toute façon et on
peut vous le certifier. Dans le cas de la Communauté urbaine de
Montréal et de la Communauté urbaine de
Québec, dans la loi constitutive de ces communautés
urbaines, une de leurs responsabilités, c'est le transport en commun par
la CTCUQ ici et la CTCUM à Montréal. Je suis d'avis qu'il est
préférable de ne pas l'ajouter, parce qu'il y a un effet de
redondance; et non seulement cela mais, s'il fallait pour chacun des organismes
qui sont institués par les lois constitutives de ces organismes en faire
la nomenclature, alors on en aurait un joli paquet qui manque à
l'intérieur de la loi.
Mme Sauvé: C'est peut-être parce que je suis
Montréalaise. Je vous garantis que ce n'est pas facile d'obtenir des
informations de la part de la municipalité et des organismes que la
municipalité contrôle. C'est pourquoi on est chatouilleux et on
veut que tout soit écrit dans les projets de loi. (16 h 45)
M. Bertrand: C'était simplement pour apporter une petite
précision là-dessus. C'est un renseignement que je vous demande,
parce que vous semblez avoir tellement bien fouillé la proposition de
loi. J'aimerais savoir comment vous avez réagi quand vous avez pris note
des articles qui font référence aux catalogues et aux
répertoires. Vous avez entre autres souligné cette idée du
bottin qui existe au niveau fédéral sur les renseignements
personnels.
Ce matin, j'ai pris connaissance de la déclaration qui a
été communiquée par le député de Westmount.
Entre autres, on nous invite à ne pas augmenter les ressources humaines,
l'effectif, dans la mise en application de la loi et que cela ne coûte
rien.
M. French: J'ai dit qu'il y a amplement d'espace dans le budget
actuel, pour la publicité et autres, on peut trouver l'argent
nécessaire. Ce n'est pas la même chose.
M. Bertrand: C'est cela. Pas de nouveaux crédits.
M. French: C'est cela.
M. Bertrand: Pas de nouveaux crédits pour mettre la loi en
application.
Or, les catalogues - et je vous jure qu'on s'est réuni plusieurs
fois là-dessus au ministère des Communications, parce qu'on veut
réfléchir sur cette idée de catalogues et de
répertoires, on nous fait des obligations dans la proposition de loi,
entre autres, de publier un répertoire annuel mis à jour quelque
part en juillet ou à l'automne, je ne le sais pas trop. Et il y a le
catalogue.
Dans votre esprit, est-ce que vous avez réfléchi à
cette idée de catalogues ou de répertoires et est-ce que vous
avez mesuré ce que cela voulait dire demain matin,
quelque chose comme 4000 à 5000 organismes qui se mettent
à faire des catalogues et des répertoires, sur le plan de la
paperasse, de la bureaucratie, de l'effectif humain qu'il faut mettre au
travail pour constituer de tels répertoires et catalogues? Non pas que
je sois contre car, pour mettre en application la loi, il va falloir recourir
à des instruments comme ceux-là, pas nécessairement
ceux-là, mais des instruments qui s'apparentent à ceux-là.
Est-ce que vous avez réfléchi sur cette question de catalogues et
de répertoires?
Mme Sauvé: Non. Notre seule préoccupation, c'est
que ce ne soit pas comme au gouvernement fédéral, parce que cela
est impraticable, que ce soit le plus accessible et le plus facile possible. Je
n'ai pas de recette miracle pour synthétiser en dix pages cela
d'épais d'information. Je n'ai pas encore trouvé la recette.
M. Bertrand: Et ce ne sont que les renseignements personnels.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral administre une
loi sur les renseignements personnels...
Mme Sauvé:... des données fédérales,
mais c'est compliqué. Cela n'a pas vraiment de bon sens.
M. Bertrand:... connaissances aussi.
Mme Sauvé: D'ailleurs, il y a très peu de citoyens
canadiens qui se sont prévalus de cette loi.
M. Bertrand: On m'a dit qu'il y avait eu 13 000 demandes de
vérification au cours...
Mme Sauvé: C'est cela.
M. French: À peu près 12 000, des prisons. Des gens
qui ont le temps.
Mme Sauvé: II y a à peu près juste les
prisonniers qui savent que cela existe.
M. French: C'est cela. C'est exactement cela.
M. Tardif (Gilles): Là-dessus, peut-être que vous
pourriez vous adresser au gouvernement fédéral qui fait des
recherches en communications, qui fait des expériences au Québec,
d'ailleurs, sur les projets des nouveaux concepts de communications. Il y a
peut-être moyen, dans le temps, d'ici deux ou trois ans...
Mme Sauvé: Que ce soit informatisé...
M. Bertrand: Je ne voudrais pas faire d'annonce. Il n'y a pas de
journalistes, je pense qu'on peut parler. Il y a une chose... Mais l'Opposition
est là, il pourrait y avoir des fuites. Quoiqu'on peut les trouver de
notre côté aussi.
Il y a une chose qui m'intéresse énormément.
Effectivement, en ce moment, on voit à quel point les innovations
technoloqiques se développent à un rythme extrêmement
rapide. On peut réfléchir sur une période à moyen
et à long terme, plutôt que de constituer des bibliothèques
de documents, de voir à informatiser plusieurs des documents que nous
possédons, parce que tantôt il sera possible, par des
systèmes d'information à domicile, sur lesquels des groupes
travaillent en ce moment, que quelqu'un, chez lui, par les systèmes
télétex ou vidéotex, commande directement, par exemple, un
fichier, une information relative à un dossier, ou ait accès
directement à une banque, un centre d'information documentaire, qui lui
transmettrait le renseignement qu'il veut obtenir sur le document de tel
ministère ou tel organisme public.
Je crois qu'il faut, dans le but de rationaliser l'ensemble des
ressources qui seront mises à contribution pour l'application de la loi
et dans le but aussi de s'adapter à la technologie qui nous impose de
plus en plus de laisser tomber les procédés traditionnels de
gestion des documents, trouver les moyens qui feront en sorte que d'ici cinq
ans, sept ans, huit ans, ou dix ans, nous soyons déjà prêts
à fournir pratiquement à domicile l'ensemble des informations que
les gens voudront obtenir sur les documents des organismes publics. Je crois
que c'est un des efforts vers lesquels nous allons tenter...
Mme Sauvé: II va rester la période
intermédiaire. Entre le moment où tout le monde aura son
ordinateur dans sa maison et la période actuelle, il va y avoir une
période où on va encore continuer à fonctionner avec du
papier et là il va falloir travailler à ce que ce soit facilement
utilisable entre-temps.
M. Tardif (Gilles): II y a, d'ailleurs, un autre aspect qu'il
faudrait peut-être remarquer; c'est que, comme certains gouvernements
font des transferts technologiques, il est possible aussi, malgré les
lois d'accès à l'information, de faire des transferts
d'information éventuellement dans le futur.
C'est pour cette raison, en répondant à vos commentaires
du début, qu'il y aurait peut-être des choses à faire
remarquer. C'est vrai qu'on fait beaucoup de critiques ou qu'on essaie de
critiquer les points importants. Ce n'est sûrement pas pour
détruire des choses. C'est peut-être pour les améliorer.
D'une part, des bombes, il y en a de toutes sortes. Si on se
réfère à 1970, il y en a des vraies et des pas vraies et
on se
ramasse, onze ou douze ans après, à avoir des rapports qui
commencent à faire un peu de lumière, de loin. Bien sûr,
nous essayons de vérifier que les nouveaux projets de loi essaient de
toucher tous les aspects possibles, mais c'est pour s'apercevoir que le
Québec n'est pas le nombril du monde. Il y a d'autres pays où les
lois d'accès à l'information ont été
adoptées bien avant et où on a essayé de régler des
problèmes. Nous pouvons profiter de l'expérience des autres. On
n'est pas obligé de partir exclusivement de ce qui est
québécois, d'une part.
D'autre part, je pense que, pour nous, cela fait déjà
plusieurs fois qu'on se présente au fédéral sur des
projets de loi d'accès à l'information. On sait à quel
point les choses partent de beaux principes pour être réduites,
à cause des circonstances, à de petites souris. Ce qu'on
espère, c'est qu'au Québec la même chose n'arrive pas,
d'autant plus qu'on sait que, par expérience, le Québec sert
souvent de terre-plein ou de plongeoir pour d'autres provinces au niveau de
l'imitation ou de l'implantion de nouvelles lois. On ne voudrait pas qu'on
serve de modèle résiduaire, mais qu'au contraire on soit un des
meilleurs modèles possible. C'est seulement pour ajouter aux
commentaires qu'on fait nous-mêmes.
D'autre part aussi, on essaie, évidemment, d'avoir l'ouverture la
plus large possible à ce projet d'accès à l'information.
Les récents événements nous démontrent à
quel point c'est important, mais aussi l'augmentation des services, des
projets, des programmes des sociétés d'État, la
complexité ou la confusion qui peut exister entre le privé et le
public, entre le commercial, l'industriel et le gouvernement, je pense que cela
exige que, si on fait un projet d'accès à l'information, on
essaie de couvrir l'ensemble des angles possibles pour peut-être passer
moins de temps à essayer de trouver des points-virgules dans les projets
de loi mais peut-être plus de temps à informer les gens sur leurs
droits et à améliorer la qualité de vie si c'est
possible.
M. Bertrand: Ma dernière question sera très courte.
Vous avez évoqué, au niveau des restrictions, que les articles
étaient très généraux et qu'il n'y avait pas
beaucoup de précisions qui étaient apportées; que
c'était un peu vague et qu'on laissait beaucoup de place
là-dessus, finalement, à l'interprétation. En
Suède, ils ont décidé, eux, au niveau des restrictions,
d'établir une nomenclature de tous les documents qui étaient
exclus. Aux États-Unis, ils ont décidé de s'en tenir
à la définition de certaines catégories
générales de documents qui seraient exclues. Est-ce que je
comprends bien que le sens un peu de vos remarques est de nous inviter à
nous orienter davantage de ce côté plutôt que de
privilégier l'approche de la commission qui était de dire: On va
définir les restrictions en disant: Voici sur la base de quels
principes, de quelles valeurs on doit restreindre l'accès, et non pas:
Voici la liste des documents, voici la liste des catégories qui ne
seront pas accessibles?
Mme Sauvé: Non. Ce qu'on aurait aimé, c'est que,
pour chaque catégorie de documents qui sont exemptés, il y ait
une espèce de test: l'intérêt public est-il mieux servi par
la divulgation que par la retenue de tels documents? II n'y a pas de
préjudice à démontrer. Il y a des catégories: les
documents à caractère politique, à incidence
économique et à incidence sur la sécurité publique,
mais chaque document qui serait demandé ne doit pas subir le test du
préjudice; il n'y a pas de garantie. Il y a des phrases là-dedans
qui, pour quelqu'un qui veut cacher de l'information, vont lui permettre de
continuer à cacher cette information.
Je pense, par exemple, à un corps de police - moi, les corps
policiers, ça m'intéresse beaucoup - qui est sous enquête.
On en a vu des enquêtes et il va peut-être y en avoir d'autres.
J'ai l'impression qu'avec le projet de loi tel qu'il est rédigé -
surtout la section sur la sécurité publique - on va s'appuyer sur
ce projet de loi, non pas pour donner accès à l'information, mais
pour restreindre, parce qu'avant il n'y avait pas de raison, il n'y avait pas
de loi sur laquelle s'appuyer pour empêcher le gouvernement du
Québec d'essayer de voir comment fonctionnent les corps de police;
maintenant on va en avoir. Je trouve qu'il faudrait revoir ce texte, c'est beau
la bonne foi, on est pour ça, sauf qu'un organisme public qui refuse un
document, il a souvent de très bonnes raisons pour refuser; on pense
à la police, mais aussi à tous les autres organismes publics
où il y aurait de la malversation de la part des titulaires en poste qui
vont pouvoir s'appuyer sur ces restrictions pour dire: Nous avons le droit, en
tant qu'organisme public, de retenir cette information. Je pense qu'il faut
malheureusement toujours procéder comme ça et, quand on fait des
projets de loi, essayer de voir les portes ou les contournements que les
organismes publics vont pouvoir utiliser pour cacher l'information, parce qu'on
ne changera pas la mentalité des organismes publics du jour au
lendemain; des cachotiers, il va continuer à en exister et, avant que la
transparence soit entrée dans les moeurs...
Alors, je pense que le texte aurait intérêt à
être revu dans le sens qu'on le fait, pour éviter que des
organismes refusent de se soumettre à la loi, malgré le fait
qu'ils disent qu'ils sont d'accord avec les principes. Qu'ils ne puissent pas
contourner la loi, finalement.
M. French: M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Là-dessus, je pense qu'on risque un peu de
mêler les cartes, parce qu'il y a quand même tout un cadre
législatif dans lequel fonctionnent les commissions d'enquête. Si
ce cadre législatif est inadéquat, c'est à changer, mais
cette loi n'est pas faite pour les commissions d'enquête, c'est fait pour
le simple citoyen. S'il y a des problèmes, d'accord, il faut les viser,
mais il ne faut pas évoquer une situation dans laquelle un corps de
police refuse de transmettre des documents à une commission
d'enquête, parce que c'est une bête tout à fait
différente juridiquement d'un citoyen dans le sens de la loi ici; donc
je pense qu'il ne faut pas mêler les deux situations.
Je trouve très intéressantes, par exemple, vos critiques
au sujet du bottin du fédéral. Par contre, vous nous laissez avec
des conseils de perfection, mais pas trop de suggestions pratiques à ce
plan. Vous n'êtes pas satisfaits de ces bottins, moi aussi et tout le
monde, y compris le fédéral. Par contre le problème du
gouvernement du Québec, face à cette loi, est beaucoup plus
sérieux que le problème du fédéral face à la
loi en question; eux vont venir avec leur loi sur le libre accès
à l'information et ce serait absolument fou, a mon avis, d'essayer de
faire des bottins semblables à ceux qu'ils ont déjà faits.
En toute honnêteté, je pense que l'idée même ne s'y
prête à peu près pas, parce que la diversité et le
manque d'organisation des dossiers, dans les ministères gouvernementaux,
sont tels qu'il est à peu près impossible de faire plus qu'un
catalogue général. Par exemple, aux États-Unis, on a
accepté ça et leur principe est le suivant: Est-ce la
responsabilité du fonctionnaire préposé à
l'accès à l'information d'aider, avec tous les moyens dont il
dispose, le requérant?
J'ai pu déceler une certaine méfiance à l'endroit
des autorités publiques et je me demande si vous serez d'accord avec ce
genre d'approche, même s'il y avait un article dans la loi qui dirait que
l'obligation de ce préposé, de cette personne
désignée est d'aider le requérant à formuler sa
demande. (17 heures)
Mme Sauvé: Le principal reproche qu'on peut faire à
ces bottins c'est qu'on a tout mis dans des volumes difficiles à
manipuler. Ce n'est pas nécessaire de répéter cette
affaire. Cela peut être des catalogues qui sont plus facilement
utilisables et ça peut être ailleurs que dans un bureau de poste
pour consultation parce que ce n'est pas pratique pour les gens de consulter
ça là.
C'est dans ce sens qu'on faisait ces remarques.
M. French: Vous croyez toujours aux possibilités d'un
catalogque ou d'un répertoire quelconque? Vous croyez toujours que ce
serait possible de le faire dans un livre, comme les bandes dessinées ou
je ne sais trop, dramatiser ces possibilités aux citoyens et leur en
permettre l'accès facilement?
Mme Sauvé: Premièrement, il faudrait qu'ils sachent
que cela existe. J'espère qu'il va y avoir une campagne d'information
télévisée là-dessus pour dire aux citoyens: Vous
avez maintenant des moyens. La procédure est assez simple dans le projet
de loi, ce n'est pas compliqué, il s'agit juste que la partie bottin
où on peut savoir que tel document existe soit facilement
accessible.
M. Bertrand: Premièrement, l'article 116 définit
très clairement d'ailleurs le rôle de la commission à ce
sujet, d'informer le public non seulement de l'existence de la loi, mais aussi
de la façon de procéder pour exercer ce droit.
Ce n'est pas tout de donner un droit d'accès, il faut permettre
que l'exercice du droit se fasse, et c'est une grosse différence.
Mme Sauvé: II y a aussi une chose que j'ai oublié
de mentionner. Dans le rapport, on parle de renseignements personnels à
contenu discriminatoire, les opinions politiques, l'appartenance syndicale,
etc., etc. Malheureusement, au niveau du projet de loi, il n'y a pas de
disposition qui interdise la cueillette de renseignements discriminatoires. On
aimerait qu'il y en ait une. On pense, par exemple, que tous les fichiers de
police sur les opinions politiques des gens c'est discriminatoire par essence
et que ça ne devrait même pas exister. S'il y avait une
disposition claire dans le projet de loi interdisant la collecte de
renseignements de cette nature, il y aurait beaucoup de problèmes de
réglés.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscaminque.
M. Baril: Ma question serait dans le sens que j'attendrais des
commentaires de votre part. Vous êtes bien placée pour en parler.
On a dit que les commissions scolaires et les universités seraient
assujetties probablement à la loi et on sait que, pour les jeunes
à l'école élémentaire et même plus
particulièrement au niveau secondaire et, par la suite, au niveau du
CEGEP et de l'université, des dossiers sont constitués sur les
individus. On sait parfois que, pour avoir moi-même travaillé dans
un Centre de main-d'oeuvre du Canada
l'employeur, souvent, l'été, téléphone
à la polyvalente ou ailleurs pour avoir des renseignements sur ces
jeunes, etc. Il y a parfois des commentaires assez négatifs par rapport
à l'étudiant, et, d'après moi, que ça commence
assez mal sa vie.
Cela se perpétue parfois au niveau universitaire, car on sait
qu'à l'université il y a des chasses aux sorcières qui se
font même parmi les étudiants qui s'accentuent vers un
militantisme, etc.
Auriez-vous des commentaires vis-à-vis de la commission face au
rapport pour trouver un mécanisme de façon que l'étudiant
puisse, dès le niveau secondaire particulièrement,
peut-être entre les années touchant la fin des années
secondaires ou peut-être même à son entrée à
l'université, obtenir des informations sur son compte?
Mme Sauvé: Dans notre esprit, on avait compris que la loi
sur la protection des renseignements personnels allait interdire justement de
tels types de pratique, que les renseignements qui sont dans les dossiers
cumulatifs scolaires d'un étudiant sont des renseignements personnels.
On avait souhaité que cette loi apporte une garantie de
confidentialité et que n'importe quel employeur ne puisse pas appeler
pour avoir des informations ou des renseignements personnels sur un
étudiant.
On comprenait que cette loi allait protéger ce type de
renseignements, que c'était compris dans la définition de ce
qu'on appelle les renseignements personnels.
J'espère que le ministre ne nous contredira pas là-dessus
et que c'est vraiment couvert.
M. Bertrand: Je m'excuse, madame, je posais une question à
un de mes conseillers pendant que vous passiez votre remarque.
Mme Sauvé: M. Baril me demandait ce qu'on pensait du fait
que les renseignements contenus dans les dossiers scolaires soient transmis,
par exemple, à des employeurs. Nous avions compris que ce type de
renseignements serait protégé par la loi sur la protection des
renseignements personnels; que ce serait seulement des renseignements
nominatifs et que les renseignements qui concernent la personne seraient
protégés. Est-ce exact?
M. Bertrand: Oui, il y a différentes lois qui touchent
à cela. Il y a la Charte des droits et libertés de la personne
d'abord; ensuite, il y a cette loi d'accès à l'information ou de
protection des renseignements personnels. L'article 63 dit: "Nul ne peut, au
nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est
pas nécessaire à l'exécution du mandat de cet organisme
public ou à la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion. "
Cela veut dire qu'il ne le fait pas pour d'autres objets que cela. La
non-discrimination est implicite à l'intérieur de cet article. Il
y a la Loi sur la protection de la jeunesse aussi qui, à ce point de
vue, dit un certain nombre de choses.
Mme Sauvé: Oui, mais cette loi est une loi-cadre.
M. Tardif (Gilles): De toute façon, on pourrait aussi
ajouter, puisqu'on en parle, la transparence pour le monde étudiant. Le
fait d'inclure les universités et les collèges pour
l'accès à l'information permettrait peut-être aux
étudiants d'apprendre à travers leurs études que les
universités auxquelles ils appartiennent font des travaux en
Amérique du Sud ou des échanges d'expertise; ils pourraient faire
mieux comprendre les liens entre certaines exploitations à
l'étranger, et ce qui se passe ici, par exemple.
Quand on parlait tantôt d'une ouverture la plus large possible,
c'est pour permettre entre autres l'exercice des autres droits -l'accès
à l'information aussi serait exercé -afin qu'ils soient mieux
respectés et mieux reconnus. Dans ce sens-là, si, par exemple, on
se limite moins à l'accès à l'information des personnes ou
des individus et davantage aussi des universités, des organismes publics
et ainsi de suite, cela permettrait de faire des liens et de comprendre
davantage où se situe notre société et dans quelle
démarche elle pourrait aller aussi.
M. Bertrand: Je vous réfère à l'article 56
aussi.
Mme Sauvé: Mais comme vous le dites, c'est implicite.
M. Bertrand: Oui, mais l'article 56 est plus clair encore.
Mme Sauvé: Oui?
M. Bertrand: L'article 56 indique: "Les renseignements nominatifs
sont confidentiels, à moins que leur divulgation ne soit
autorisée par la loi ou par la personne qu'ils concernent. "
Mme Sauvé: Oui, mais cela n'empêche pas un organisme
public de recueillir des données qui sont discriminatoires. Prenons les
dossiers de police; on ne se racontera pas de peurs, on sait que cela existe,
cela vient d'être confirmé, il y a 800 000 dossiers
accumulés par la GRC. On sait que la SPCUM et la Sûreté du
Québec font la même chose. C'est un dossier où les gens
sont étiquetés selon quoi? Selon leurs opinions politiques, selon
ce que la police juge des opinions politiques de ces citoyens.
On sait que parfois ils peuvent avoir un jugement assez bizarre sur ce
genre de questions. En partant, on étiquette des personnes selon leurs
opinions politiques; c'est discriminatoire et c'est interdit à l'article
10 de la charte et pourtant, cela se fait depuis de nombreuses années et
cela continue de se faire.
Si un article, dans cette loi, interdisait formellement la cueillette de
renseignements à contenu discriminatoire, cela nous donnerait une arme
supplémentaire pour combattre ce genre de pratique. C'est pour cela
qu'on le demande.
M. Bertrand: Des fois, il faut vraiment qu'ils pensent n'importe
quoi pour aller même, espionner le Parti libéral pensant pouvoir y
trouver quelque chose.
M. Marx: Une minute! L'ancien Solliciteur général
du Canada a nié que le fédéral ait espionné le
Parti libéral du Québec, c'était sur les individus.
Des voix: Sur les citoyens.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre! M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai trouvé votre mémoire fort
intéressant surtout parce que vous avez soulevé des
problèmes qui ne l'ont pas été par d'autres intervenants.
Ce serait une bonne idée que le ministre étudie vraiment ce
mémoire et consulte peut-être le groupe des onze ou un autre
groupe du caucus plus libéral que le Conseil des ministres.
Je n'ai que deux ou trois questions. Premièrement, à la
page 4 de votre mémoire, vous avez écrit que "la loi
d'accès à l'information doit avoir primauté sur toute
autre loi et affirmer le droit fondamental à l'information comme
étant la règle de fonctionnement. " En 1975, le
précédent gouvernement fédéral a fait adopter la
Charte des droits et libertés de la personne et dans cette charte on a
donné préséance à la charte sur toute autre loi.
D'accord?
Mme Sauvé: Postérieure.
M. Marx: Dans la charte. En 1976, arrive un autre gouvernement
qui a voulu donner préséance sur toute loi à la Charte de
la langue française. Cette disposition n'a pas été
adoptée. Mais vous voulez qu'on donne préséance à
la loi sur l'accès à l'information sur toute autre loi. Si on
fait cela dans chaque loi, on va arriver enfin avec cinq ou six lois, chacune
ayant préséance sur toute autre loi. Cela devient un peu
compliqué. Où est-ce qu'on tire la ligne? Est-ce que ce n'est pas
assez que la charte ait préséance sur toute autre loi? Si on met
une telle disposition que la loi sur l'accès à l'information a
primauté sur toute autre loi, est-ce qu'elle va avoir primauté
sur la Charte des droits et libertés de la personne, est-ce que celle-ci
va continuer d'avoir préséance sur un tel genre de loi et ainsi
de suite"?
Mme Sauvé: Normalement, cette loi-ci ne devrait pas entrer
en contradiction avec la charte.
M. Marx: Donc, vous voulez qu'il y ait une hiérarchie des
lois au Québec. La charte, la loi sur l'accès à
l'information et ainsi de suite.
Mme Sauvé: Pour les lois consacrant des droits
fondamentaux de la personne, oui, on aimerait cela, c'est sûr. Concernant
le droit à l'information, on aurait aimé que le principe... Quand
on dit: Doit avoir primauté sur toute autre loi, on pense aux nombreuses
clauses restrictives qu'il y a dans de nombreux projets de loi. On sait que
cela va être révisé, que dans deux ans toutes ces clauses
restrictives vont automatiquement tomber et on est tout à fait d'accord
avec ça, mais dans l'introduction de ce projet de loi on aurait
aimé qu'il y ait des affirmations de principe très très
fortes pour accentuer le caractère innovateur et obligatoire de cette
loi et consacrer les principes de façon que cela ne soit pas un droit
théorique, mais bien un droit réel.
M. Marx: Je pense que dans la Charte des droits et
libertés de la personne, on a exprimé le principe du droit
d'accès à l'information et dans ce projet de loi, dans cette loi,
si on l'adopte cette année, on va donner les moyens pour qu'on puisse
bénéficier du principe, si vous voulez. Je pense que, sur le plan
pratique, on ne peut pas donner préséance une année
à une loi, une autre année à une autre loi, ainsi de
suite, c'est quelque chose qui est à considérer.
À la page 11, cela m'a beaucoup frappé, - mais
peut-être que c'est une question que je dois poser au ministre - vous
avez souligné que les décrets du gouvernement doivent être
publiés au plus 30 jours après leur adoption. Quand un
règlement, un décret est adopté, le règlement a
force de loi. Il faut le respecter. Tout le monde est censé
connaître et respecter la loi. Si un règlement n'est pas
publié, comment peut-on connaître un règlement ou un
décret qui n'est pas publié? Deuxièmement, s'il n'est pas
publié, si on ne peut pas prendre connaissance d'un règlement,
comment peut-on le respecter? On a déjà eu au Canada des
règlements, des décrets secrets durant la deuxième guerre
mondiale, c'étaient des décrets qui étaient adoptés
par le gouvernement fédéral à
l'époque, ils n'étaient pas rendus publics et on a
arrêté des gens en vertu des règlements secrets.
Je pense qu'il y a quelque chose qui cloche ici.
M. Bertrand: J'aimerais un peu savoir ce que le
député veut dire parce qu'il est prévu à l'article
20 que les décrets du gouvernement doivent être publiés.
Décrets, règlements, là...
M. Marx: Un décret ou un règlement, c'est la
même chose.
M. Bertrand: Non, non. (17 h 1 5)
M. Marx: On a changé, au Québec, l'appellation
d'ordre en conseil pour décret en conseil...
M. Bertrand: Non, je vais vous donner un exemple d'un
décret. La semaine dernière, au Conseil des ministres, on a
voté un décret... On n'a pas voté, on ne vote jamais au
Conseil des ministres, mais un décret a été...
M. Marx: Ah, c'est un secret du cabinet! On ne vote pas au
Conseil des ministres, c'est très intéressant.
M. Bertrand: Ce n'est pas un secret parce qu'il a
été rendu public cet après-midi même. Un
décret a été décidé par le Conseil des
ministres relatif à la nomination, par exemple, des deux comités
régionaux de Radio-Québec, dans le Bas-Saint-Laurent et en
Gaspésie. Ces décrets, comme bien d'autres décrets, font
souvent l'objet d'annonces publiques immédiatement, mais il n'est pas
indiqué qu'ils doivent paraître à la Gazette
officielle.
Les règlements, c'est une tout autre question. Par exemple, pour
le zonage agricole, il y avait un projet de réglementation. II y aura de
la réglementation, entre autres, sur cette loi d'accès à
l'information gouvernementale, c'est prévu dans un des articles. Il y a
sept projets de règlements, semble-t-il, qu'il faut préparer pour
donner suite à cette loi d'accès à l'information
gouvernementale. Ces règlements doivent être publiés dans
la Gazette officielle, mais, il n'y a rien dans la procédure actuelle
des décisions prises au Conseil des ministres qui fixe une
procédure à suivre pour la publication de décrets dans la
Gazette officielle.
M. Marx: Le secret que vous avez dévoilé, c'est
qu'on ne vote pas au Conseil des ministres. En langage juridique, je pense
qu'un décret en conseil, c'est comme un règlement. Il y a des
décrets en conseil qui comportent des sanctions. On peut vérifier
s'il y a des décrets qui comportent des sanctions ou des décrets
que le peuple est appelé à suivre. Si un décret qui
comporte une sanction n'est pas publié et qu'on ne peut pas en prendre
connaissance pendant 30 jours, comment peut-on le respecter? C'est
déjà arrivé.
Mme Sauvé: Juste pour répondre. Ce qui est
prévu ici, c'est que, 30 jours après leur adoption, ça va
être publié dans la Gazette officielle. Cela, c'est une chose,
mais ça ne veut pas dire qu'un compte rendu des décisions du
cabinet ne pourrait pas être accessible bien avant 30 jours.
M. Marx: C'est ça, tout de suite.
Mme Sauvé: Tout de suite, 48 heures, comme en
Suède. Cela permettrait aux journalistes et aux membres de l'Opposition
de vraiment...
M. Marx: II n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas
disponible tout de suite. Une fois que c'est adopté, on peut le rendre
public.
Passons à votre dossier préféré - c'est mon
dossier préféré aussi - le dossier de la police. Je pense
que le problème, au Québec, c'est que le ministre de la Justice
ne s'occupe pas de ce dossier, mais je vais soulever ça à une
autre commission, pas à celle-ci, M. le ministre des Communications.
C'est un dossier qui m'intéresse beaucoup parce que c'est un
dossier-problème, je pense, comme vous l'avez souligné. En ce qui
concerne la police, il y a deux intérêts publics en
présence. On veut avoir un corps policier efficace - si on est pour un
corps policier, on veut que ce soit efficace - et, d'autre part, on veut que le
public ait accès à l'information. Je trouve que dans votre
mémoire vous n'avez pas vraiment "balancé" ces deux
intérêts, ou que la balance penche d'un bord et fait
"débalancer. " On ne peut pas avoir un corps policier efficace si on va
ouvrir tous les tiroirs sur la rue Parthenais. C'est ça que vous voulez,
finalement; vous voulez que tout soit transparent dans les dossiers de la
police. Est-ce que j'ai raison de dire ça? Peut-être ai-je tort,
mais c'est le sens que j'attribue à vos interventions.
Mme Sauvé: Le constat qu'on peut faire, c'est qu'avec
leurs méthodes de fonctionnement actuelles où, vraiment, ils sont
très fermés, ils ne sont pas efficaces. Avec un taux de solution
de crimes d'à peine 20%, on ne peut pas parler d'efficacité; il
n'y a aucune entreprise privée qui fonctionnerait à ce rythme.
Ils ne sont pas efficaces; on est d'accord sur ce constat. Ce n'est pas
nécessairement en continuant sur cette voie qu'ils vont être plus
efficaces. Ce n'est pas nécessairement parce qu'ils vont
être plus ouverts qu'ils seraient moins efficaces non plus. Les
policiers n'ont pas le monopole à savoir comment on peut combattre le
crime dans une société. Il y a bien des gens qui pourraient
réfléchir à cela. Il y a bien des chercheurs, des
criminologues qui, si les dossiers de la police... Pas les dossiers
d'enquête en cours, on n'a jamais demandé qu'un dossier
d'enquête en cours soit révélé, mais toutes les
analyses qui se font au sein même des corps de police sur comment
combattre le crime et tout le reste devraient l'être.
À chaque année le corps de police de la communauté
urbaine nous remet un petit rapport, très mince. On nous donne
très peu d'information, on est obligé de s'en contenter. La
Sûreté du Québec aussi. Les rapports annuels de ces corps
de police ne sont vraiment pas des outils pour des chercheurs, des
criminologues ou des organismes comme la Ligue des droits et libertés
pour savoir si les méthodes qui sont actuellement employées pour
combattre le crime sont vraiment les meilleures. Ce n'est pas en continuant de
fonctionner dans une tour d'ivoire que cette situation va changer et
peut-être même que les corps de police seraient beaucoup plus
efficaces s'ils étaient plus ouverts. Nous, c'est le pari qu'on fait et
c'est pour ça qu'on pousse dans cette direction.
M. Marx: Oui, je suis d'accord pour pousser dans cette direction,
mais le problème c'est où arrêter, où tirer la
ligne, c'est ça le problème. Je prends un problème
spécifique que vous avez soulevé. Vous avez dit que dans la
Charte des droits, à l'article 10, il y a une série de
critères sur lesquels on ne peut pas faire la discrimination, à
cause de la race, l'origine ethnique, les convictions politiques, et ainsi de
suite, des Québécois. Est-ce que vous voulez dire à la
commission que la police ne doit pas recueillir l'information en ce qui
concerne la citoyenneté des gens qui se trouvent au Québec ou en
ce qui concerne les origines ethniques?
Supposons que la police est en train de constituer un dossier sur
quelqu'un. Avec un corps policier, on aura des dossiers sur des gens. Je pense
que c'est inévitable. J'espère qu'ils ont un dossier sur moi et
je vais faire ma demande tout de suite après que la loi sera
adoptée. Mais si on garde le système de police, il y aura des
gens qui vont constituer des dossiers sur des personnes différentes. Je
pense que c'est inévitable. Est-ce que vous voulez dire que dans ces
dossiers il ne faut pas qu'il y ait des éléments qui se trouvent
à l'article 10 de la charte, dont l'origine ethnique des personnes sur
lesquelles on constitue un dossier? Ce n'est pas discriminatoire.
Mme Sauvé: On étiquette des gens selon leur opinion
politique. Il y en a tellement finalement qui sont embourbés dans leurs
dossiers et qui ne se retrouvent plus. De toute façon, les services de
sécurité n'ont pas démontré que c'est absolument
nécessaire que la population du Quéhec soit
catégorisée et étiquetée selon ses opinions
politiques. Cela n'a pas aidé au règlement des situations
où quelques individus ont posé des gestes, ça n'a pas
aidé, ces dossiers et depuis 1970 il y en a d'accumulés.
Nous, on pense que ce n'est pas dans le rôle de la police de
porter un jugement de cette nature sur les opinions politiques. Cela ne regarde
pas la police de savoir à quel syndicat appartient quelqu'un qui est
arrêté pour quelque infraction que ce soit. Pourtant ce sont des
questions qui se posent. On pose même des questions aux gens sur leur
orientation sexuelle. On reçoit beaucoup de gens qui passent dans les
postes de police et on sait les questions qui sont posées, pas seulement
les dissidents politiques, mais les simples citoyens. La police se permet de
poser des questions sur beaucoup de choses qui ne la reqardent pas finalement.
Ils accumulent ça dans leurs dossiers et la personne n'a absolument
aucun accès pour corriger ce type d'information. Il y a des erreurs et
des énormités qui se retrouvent dans ces dossiers de police. Il
n'y a absolument aucun moyen pour les citoyens de vérifier, alors que
des gens qui ont des casiers judiciaires, par ailleurs, eux autres peuvent
consulter leur casier judiciaire et vérifier si c'est vraiment conforme
aux accusations portées. Mais les gens qui sont fichés par la
police n'ont même pas ce droit. Alors, il y a une espèce...
M. Marx: Je suis d'accord qu'il y a des...
Le Président (M. Rochefort): Dernière question, M.
le député de D'Arcy McGee.
M. Marx:... abus policiers, je pense que tout le monde va
admettre que ça existe, qu'il y a des policiers qui font des choses qui
sont illégales, cela arrive. Dans la charte, à l'article 1. 0, on
dit que la discrimination à cause du sexe de quelqu'un est interdite,
mais, si dans un fichier policier on indique le sexe de la personne je n'y vois
rien de mal. Je pense que ça...
Mme Sauvé: Je ne pense pas qu'on puisse utiliser ce type
d'information pour couler une personne...
M. Marx: C'est ça, mais vous...
Mme Sauvé:... alors que la police le fait.
M. Marx:... avez parlé de l'orientation sexuelle, disant
qu'il ne faut pas que ce soit inscrit dans un dossier, l'orientation sexuelle.
Cela peut être utile, quand on fait une enquête...
M. Rrassard: Ce n'est pas la même chose.
M. Marx: Je pense que cette information peut aussi être
utile pour le policier qui fait une enquête quelconque. Pour moi, c'est
discriminatoire si on donne effet en ce qui concerne les renseignements qu'on a
dans le dossier. Mais de là à dire que les policiers ne peuvent
pas garder telle et telle information, ça devient...
Mme Sauvé: Le problème, c'est l'utilisation que
certains policiers font de ces informations. Il y a des policiers qui se
permettent d'appeler des employeurs pour dire: Saviez-vous que tel de vos
employés est un pédé, c'est un homosexuel? Saviez-vous
M. Marx: Cela, c'est illéqal.
Mme Sauvé: II y a des policiers qui font ça,
imaginez-vous! Il n'y a pas de contrôle sur l'utilisation,
malheureusement, de tels renseignements.
M. Marx: Je comprends, mais je pense que vouloir interdire aux
corps policiers d'avoir des informations sur des gens est illusoire. Je ne
pense pas que ça pourrait être réalisé, dans notre
système au moins.
Mme Sauvé: Mais le droit d'accès pourrait
contrebalancer cela peut-être. Si c'est vrai que les policiers vont
toujours accumuler des informations sur les citoyens, peut-être que les
citoyens pourraient avoir au moins accès à ce type d'informations
et en corriqer les erreurs.
Le Président (M. Rochefor): Cela va? Merci.
M. Bertrand: Je veux remercier les représentants, surtout
sur le chapitre police, de nous avoir apporté beaucoup
d'éléments de réflexion. Il y a des articles qui, à
notre point de vue, permettent déjà de circonscrire les
différents problèmes que vous avez soulevés. Il y en a
peut-être, par contre, qui sont encore trop vaques, trop
qénéraux, un peu imprécis. À la lumière des
renseignements que vous nous avez apportés, on va essayer de travailler
ça un peu mieux et voir si on ne peut pas préciser vraiment pour
que, sur la confidentialité des renseignements détenus dans ces
fichiers, là aussi, il y ait un contrôle exercé par
l'éventuelle commission.
M. Tardif (Gilles): Nous voudrions aussi vous remercier de nous
avoir entendus et vous assurer que nous ferons plus qu'être disponibles,
nous vous surveillerons, comme par le passé.
Le Président (M. Rochefort): Je remercie les
représentants de la Ligue des droits et libertés. J'appelle
maintenant les représentants de la Société de
radiotélévision du Québec.
Je vous demanderais de vous identifier.
Société de
radio-télévision du Québec
M. Benoist (Bernard): Certainement, M. le Président,
Bernard Benoist, secrétaire général de
Radio-Québec.
Le Président (M. Rochefort): Vous avez, au plus, vingt
minutes pour présenter votre mémoire.
M. Benoist: On sera certainement plus bref que ça.
M. le Président, en comparaissant aujourd'hui devant la
commission permanente des communications, la Société de
radiotélévision du Québec n'entend traiter ni de la
philosophie, ni de l'esprit, ni du bien-fondé du rapport Paré et
du projet de loi qui en découle. Contrairement à ce qui se
produit lorsqu'elle se présente devant vous - cela s'est produit
à plusieurs reprises - pour traiter de sa loi constitutive ou de ses
appropriations budgétaires, la société ne se
considère pas la plus immédiatement visée par ces deux
documents et dans les circonstances, elle laisse à des voix plus
autorisées - et plusieurs l'ont fait avant nous aujourd'hui - que la
sienne, dans les circonstances, de se prononcer sur le soin de
développer des arguments plus substantiels. La société
tient cependant à déclarer qu'à son point de vue, les
résultats des travaux effectués par les commissaires se
révèlent marqués au coin d'une volonté
démocratique enrichissante, doublée d'une attention soutenue
envers la réalité des institutions en cause.
Ceci étant dit, la société entend limiter ses
propos à des considérations de deux ordres: celles qui
découlent de son statut d'organisme d'État et celles qui
découlent de ses fonctions spécifiques dans le domaine de la
radio-télévision. (17 h 30)
À titre de société d'État, tel que je
l'évoquais précédemment, Radio-Québec
considère que bien des ministères et bien d'autres organismes
publics se trouvent plus foncièrement touchés qu'elle par les
recommandations du rapport Paré. Dans les circonstances, et de
façon lapidaire, elle se plaît à croire que ce que vous
considérerez
utile de retenir après avoir entendu les représentations
des autres intervenants, tant du domaine public que privé, saura se
révéler approprié à sa propre réalité
et à ses propres exigences. Tout au plus, la société vous
suggérerait-elle d'examiner l'opportunité de remplacer, dans le
second paragraphe de l'article 27 de l'avant-projet de loi, l'expression
"renseignements fournis par un tiers" par l'expression "renseignements
concernant un tiers", permettant ainsi d'étendre la discrétion
dont sont entourés les renseignements à incidence
économique aux données qui résultent également de
pourparlers entre ce tiers et l'organisme visé, de même qu'aux
données obtenues d'autres sources. La portée de cette
modification serait peut-être également rendue plus explicite par
l'ajout, au tout début de l'article 58, comme c'est le cas d'ailleurs
dans le cadre de l'article 87 déjà, du membre de phrase "sous
réserve des dispositions de l'article 27" avant les mots "ont un
caractère public".
D'autre part, cependant, et c'est là vraiment l'essentiel de ce
mémoire, et en sa qualité de producteur comme de diffuseur de
documents audio-visuels de nature éducative, la société
considère essentiel d'attirer votre attention sur une implication
relevant de l'interprétation du projet ou de l'avant-projet de loi, tel
que rédigé dans sa forme actuelle, implication qui risque
d'entraver sérieusement la poursuite rationnelle des activités de
Radio-Québec.
Cette préoccupation soulève la portée pratique de
l'article 9 du projet de loi ou de l'avant-projet de loi, lorsqu'il est dit:
"Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents
d'un organisme public. "
Si l'on entend par là se limiter aux documents qui ont un
caractère institutionnel, administratif, fonctionnel ou contractuel, et
compte tenu de la portée des autres dispositions du projet de loi, la
société n'éprouve aucune difficulté à se
rallier à cette interprétation quelle que soit par ailleurs la
forme que revêt ce document: "écrit, graphique, sonore, visuel,
informatisé ou autres", tel que le précise d'ailleurs l'article 1
du projet de loi.
S'il s'agit par contre d'inclure au nombre des documents visés
par le projet de loi les émissions et les documents audiovisuels
produits ou diffusés par la société, il en va fort
différemment, bien que tout semble indiquer que telle ne soit pas
l'intention des commissaires. En effet, à la dernière phrase du
second paragraphe de la page 22 du rapport, il est dit, sous l'intitulé
L'information visée: "La définition - sous-entendue du mot
"document" - doit s'appliquer quel que soit le contenu du document: dossier,
rapport, compte rendu, étude, note, directive, mémoire, avis,
analyse, correspondance, décision, statistique, calcul, etc. "
Il est clair que ces diverses formes de contenu ne peuvent logiquement
s'appliquer qu'à des documents de caractère institutionnel,
administratif, fonctionnel ou contractuel. De plus, devant la
spécificité, l'importance et le volume des documents
audio-visuels de nature éducative ou culturelle, en possession, non
seulement de Radio-Québec, mais encore des ministères et autres
organismes publics, il apparaît invraisemblable que les commissaires
aient voulu soumettre l'application du projet de loi sans l'avoir jamais
spécifié ni même donné à entendre
implicitement.
Il n'en reste pas moins qu'une interprétation littérale de
cet article porterait à croire que toute personne peut, sans
justification préalable obtenir le visionnement gratuit de tout document
audio-visuel dont Radio-Québec dispose, si ce n'est la
possibilité d'en obtenir copie, tout au plus à des frais
n'excédant pas le coût réel de la transcription, de la
reproduction et de la transmission du document. Il s'agit de se
référer aux articles 10 et 11. De plus, selon cette
interprétation littérale, la société devrait, pour
se conformer aux dispositions de l'article 13, déposer à titre
gratuit deux exemplaires de chacune des ses émissions à la
bibliothèque de la Législature.
Il serait fastidieux, voire inutile, d'évoquer ici la multitude
des cas d'espèces susceptibles de découler d'une semblable
interprétation. La société tient cependant à faire
valoir les principaux arguments qui militent, selon elle, en faveur de
l'exclusion explicite de ces documents audio-visuels et de ces émissions
de l'emprise du projet de loi.
Au premier chef, il importe de retenir, tel que je viens de l'invoquer,
que ni la lettre ni l'esprit du rapport Paré ne permettent de croire que
les commissaires entendaient soumettre les documents audiovisuels de nature
éducative ou culturelle à l'application du projet de loi. C'est
là d'ailleurs une affirmation que la commission permanente des
communications pourrait sans doute vérifier aisément
auprès des auteurs du rapport.
En second lieu, il convient de souligner que tout document audio-visuel
de nature éducative ou culturelle est, de par son caractère
même, essentiellement destiné à la publication, que ce soit
par la voie des ondes ou autrement, et non pas à un traitement ou
à une consultation discrétionnaire, au double sens du mot.
Dès lors et à l'opposé du sort qui peut être
réservé à un document de caractère institutionnel,
administratif, fonctionel ou contractuel, ce ne sera jamais sa conservation
obscure ou son utilisation occulte qui sera de nature à causer des
torts, des préjudices, des iniquités, voire des
illégalités.
En troisième part, il ne faudrait pas oublier que toute personne
qui se considère lésée par la publication d'un document
audiovisuel ou d'une émission de radio-télévision dispose
déjà de tous les recours prévus, en pareil cas, tant au
Code civil qu'au Code criminel, recours auxquels on doit ajouter, en ce qui a
trait à Radio-Québec, ceux que prévoit la Loi sur la
programmation éducative et ceux qui peuvent être formulés
par voie de plainte au Conseil de presse du Québec.
Au quatrième et dernier titre, la société se dit
convaincue que les abus que serait susceptible d'entraîner un
accès intempestif à ses documents audio-visuels et à ses
émissions s'avéreraient beaucoup plus imminents, nombreux,
coûteux et dommageables que ceux que l'on pourrait souhaiter voir
réprimés en assujettissant ces documents et ces émissions
à l'emprise du projet de loi. Il suffit de songer, pour un instant,
à l'attrait que représente, sans autre motif que
l'agrément, le visionnement ou la possession d'un exemplaire de ces
documents ou de ces émissions et, en contrepartie, ce que cela implique
pour Radio-Québec en immobilisation de personnel, d'équipement,
en frais directs, de même qu'en redevances de droits d'auteur et d'autres
droits intellectuels, en présumant, bien sûr, que ces droits
puissent être libérés.
Pour ces motifs, la Société de
radiotélévision du Québec invite respectueusement la
commission permanente des communications de l'Assemblée nationale
à examiner la perspective de modifier l'article 9 du projet de loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels pour qu'il se lise: "Toute personne qui en fait la
demande a droit d'accès aux documents institutionnels, administratifs,
fonctionnels ou contractuels d'un organisme public. "
Je vous prie de croire, M. le Président, que la
Société de radio-télévision du Québec
demeure à l'entière disposition de cette commission pour lui
apporter tout complément d'information qu'elle souhaiterait obtenir sur
ce qui fait l'objet du présent mémoire.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bertrand: Je voudrais vous remercier du point surtout que vous
avez soulevé relativement à l'article 9. Je laisse de
côté la suggestion que vous nous faites concernant le fameux
problème du tiers. J'ai l'impression que, voulant peut-être nous
soumettre une suggestion qui aurait été véritablement la
solution toute désirée pour régler le problème,
cela ne règle rien quant à moi. Si on inscrivait "renseignements
concernant un tiers", je pense qu'il y a beaucoup de documents et j'oserais
dire que la grande majorité de tous les documents qui se produisent
partout dans tous les organismes concernent très souvent des tiers. Les
gens aiment beaucoup manger du prochain et j'ai l'impression que, dans les
organismes publics, on doit manger beaucoup de prochain. Alors, il doit y avoir
beaucoup de tiers dans tous les documents qu'ils produisent. Cela nous laisse
le problème tout entier et il va falloir trouver une façon de
traiter cette question.
Par contre, en ce qui concerne très directement non seulement les
activités de Radio-Québec, mais je pense, les activités de
tout diffuseur de radio-télévision, il y a un problème
très réel que vous soulevez. J'imagine, par exemple, qu'hier soir
quelqu'un qui a visionné les Lundis de Pierre Nadeau. Ce matin, vous
recevez un coup de téléphone et le responsable aux renseignements
se fait demander: Faites-moi parvenir la bobine de l'émission d'hier et
je veux avoir cela dans un délai - je ne me souviens plus exactement -
de vingt jours.
Il y a deux ou trois façons de régler le problème.
Je vous les soulève et je vous demande comment vous réagissez. Il
y en a une qui moi, m'apparaît la plus naturelle et qui est de dire: Cela
tombe tellement sous le sens commun qu'une émission produite par
Radio-Québec et qui a été diffusée, est un document
déjà rendu public qu'à toutes fins utiles cela ne vaut
même pas la peine de l'évoquer dans la loi. Vous allez me dire:
Oui, mais l'esprit, la lettre, ces choses-là, à un moment
donné, on ne sait plus et cela peut être interprété
de façon très spécifique et, comme c'est un document, un
membre de la commission, un commissaire, un juge, éventuellement
pourrait dire: II va falloir que Radio-Québec le rende accessible.
Alors, moi, ce serait mon idée personnellement de dire: Cela tombe sous
le sens commun.
Par exemple, au ministère des Communications, on vient de
publier, donc de rendre public, un répertoire des médias
québécois; il coûte 25 $. Il se peut que demain quelqu'un
appelle au ministère des Communications et dise: Je veux avoir le
répertoire des médias québécois. Oui, mais dans
tous les bureaux de l'Éditeur officiel il se vend 25 $ l'exemplaire. Je
pense que ce n'est pas cela que la loi veut couvrir, non plus que tous les
documents qui déjà, par définition, dans leur essence
même, sont diffusés, sont rendus publics: une émission de
radio, une émission de télévision, un article qui
paraît dans un journal, etc. Alors, ce serait mon approche.
Il y en a une autre qui pourrait être -et on devra, de toute
façon, l'évoquer - tout le problème des droits d'auteur et
des droits de suite. Si une personne décidait qu'elle
veut avoir accès à une émission qui a
été produite par Radio-Québec, un spectacle, par exemple,
de Gilles Vigneault, et que la personne fait sa demande, Radio-Québec
transpose sur bande magnétoscopique d'un demi-pouce pour utilisation
à domicile l'émission en question. Il reste, par contre, que, sur
le plan des coûts, vous avez le droit non seulement de facturer le prix
coûtant de l'opération qui vous a permis de faire la
transcription, la transposition, mais aussi les droits d'auteur et les droits
de suite attachés finalement à la remise de ce document. Alors,
c'est une autre façon qui nous permettrait de contourner la
difficulté.
L'autre façon, c'est, un peu comme vous le proposez, d'être
plus explicite dans la définition de ce qu'est un document. Cela nous a
été dit par d'autres groupes. Quand on commence à entrer
dans la définition du document... J'ai vu que vous avez une
définition que vous nous soumettez: documents de caractère
institutionnel, administratif, fonctionnel ou contractuel. On se demande si on
a été exhaustif là-dedans, si on a couvert l'ensemble des
documents qu'on voulait viser.
Je vous dirai que mon approche serait la première, quitte
à introduire un article qu'il nous faudra, de toute façon,
introduire relativement aux droits d'auteur et aux droits de suite. Mais j'ai
l'impression que cela tombe tellement sous le sens commun que c'est un document
qui, dans son essence même, n'est pas de nature confidentielle et ne fait
pas partie de ces documents que l'administration a tendance à garder
pour des fins d'administration interne que la commission va
l'interpréter dans ce sens-là. (17 h 45)
Voilà un peu l'impression que je retiens de votre
présentation. Est-ce que cela vous satisfait comme interprétation
ou si vous pensez qu'il y a vraiment lieu d'aller beaucoup plus loin et de
préciser tout cela davantage?
M. Benoist: Je vous répondrais que d'homme à homme
ou de société à ministre j'adhère totalement
à ce que vous venez de formuler. Cependant, la question que je me pose,
c'est au nom du simple citoyen qui pourrait avoir l'impression fautive que,
pour rien ou presque rien, - il peut obtenir une émission de
Radio-Québec.
Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, que par règlement qui
découlerait de la loi on pourrait pratiquement régler tous les
problèmes que vous évoquez et que Radio-Québec aurait pu
se contenter de laisser passer le projet de loi et aller vous consulter au
moment où les règlements seront votés.
Mais ce que je veux, c'est de ne pas donner cette impression fautive que
les documents, cela comprend des émissions de
radio-télévision. D'après les articles 1 et 9, c'est ce
que comprendra le simple citoyen d'après moi, qu'il a le droit à
l'accès gratuit à tout visionnement. Moyennant tout simplement le
prix de la copie, il peut toujours en obtenir une copie. Qu'on n'ait pas
l'impression de le léser en lui disant: Oui, mais cela va vous
coûter 1800 $. Cela il ne s'y attendait pas en lisant la loi.
Au fond, je me demande, d'un point de vue qui ne me concerne
peut-être pas directement, mais d'un point de vue politique, s'il est bon
de lui donner l'impression qu'il va pouvoir l'obtenir et qu'administrativement,
après cela, on lui soumette une facture de 1800 $, 2000 $, 3000 $, 4000
$. C'est le simple point qu'on soulève, parce que c'est évident
que d'un point de vue purement administratif on peut régler cela par des
règlements. Je suis entièrement d'accord.
M. Bertrand: Les méchantes langues diraient qu'avec le
taux de reprise des émissions de Radio-Québec il faudrait
simplement appeler le lendemain matin pour se faire dire que la semaine
suivante on va pouvoir le revoir.
Le problème que vous soulevez est un problème
effectivement réel et il va falloir trouver un moyen, si ce n'est pas
simplement de dire: Tout le monde, de bonne foi, comprend que cela tombe sous
le sens commun. Il faudra trouver un moyen de régler cela.
M. Benoist: Je pense aussi à ces personnes - cela
relèverait peut-être un peu de problèmes psychologiques -
qui, systématiquement, manquent les émissions de
Radio-Québec et qui, le lendemain, arrivent en studio pour se les faire
visionner privément. Je pense aux gens également qui pourraient
vouloir voler le scoop d'une émission et se faire sortir quinze jours
avant qu'une émission ne soit diffusée une copie qu'ils feraient
visionner par des amis. Cela volerait un peu le show, si vous voulez.
Ce sont un peu nos préoccupations de penser non pas à
l'ensemble des citoyens, mais peut-être à un groupe de gens qui,
systématiguement, vont se retrouver le lendemain matin au bureau de
Radio-Québec à Montréal ou dans les bureaux
régionaux pour demander des visionnements d'émissions. Sur ce
plan, nous avons fait une petite enquête financière qui nous
permet de dire que des visionnements de ce genre pourraient
éventuellement, si cela devenait systématigue, nous obliger
à des investissements qui pourraient atteindre peut-être le
million.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Westmount.
M. French: Je pense, pour poursuivre un peu sur ce thème,
parce qu'il me semble que c'est le plus important élément qui se
dégage du mémoire, que peut-être la première chose
à faire, c'est de décider que les choses qui ont
été publiées soient bien publiées dans le sens
anglais du terme, c'est-à-dire imprimées ou bien exposées,
et constituent une catégorie à part, parce qu'elles ne sont
évidemment pas les produits culturels ou intellectuels qui sont
visés par la loi. Donc, cela règle une grande partie de votre
problème, cela règle une grande partie du problème des
services d'accès à l'information de ministères qui se font
utiliser comme des bibliothécaires, finalement, parce qu'ils vont
chercher des choses déjà publiées, et que si le
requérant était prêt à aller à leur
bibliothèque, il importe qu'il prenne les mesures nécessaires
pour y avoir accès lui-même.
Il y a quand même un deuxième problème, c'est le
problème de tous les autres films que vous possédez, qui n'ont
pas été exposés et que, souvent, vous n'aurez pas à
exposer. Vous n'avez pas de plan pour les exposer, les "out-takes", comme on
dit en anglais, et toutes sortes de programmes dont vous avez
décidé pour une raison ou une autre qu'ils n'intéressent
pas assez de gens, etc. Je pense que, pour cette catégorie, il y aurait
aussi un problème potentiel.
J'imagine un parti politique insatisfait d'une émission en
particulier qui pourrait peut-être voir le "footage", si vous voulez. Je
ne nomme pas de parti politique en particulier, mais c'est possible, je pense.
Tout cela, il me semble, devient important aussi. Je n'ai pas de réponse
et je n'ai pas de solution très facile à cela, mais une serait
sûrement d'envisager un article qu'on a au fédéral
d'ailleurs pour les coûts exceptionnels dans les cas exceptionnels. Je ne
voudrais pas, par exemple, éliminer tout film ou éliminer toute
information informatisée ou autrement enregistrée de
l'étendue de la loi. Ce serait dangereux, je pense. Je ne voudrais pas
faire cela. Par contre, il me semble évident que les coûts
impliqués quand on veut visionner un film ou utiliser des données
informatisées doivent naturellement être beaucoup plus
élevés que le fait d'avoir accès à un document,
surtout si on se rend sur place. Donc, encore une fois, je n'ai pas de solution
à proposer, mais je pense que ce sont deux questions qui sont assez
importantes. Donc, je suis d'accord avec le fond du problème. Je pense
que la grande partie du problème, on peut la régler assez
facilement. Il y a quand même un autre élément qui est
important et qu'il faudrait envisager à un moment donné. Pour
régler le reste du problème, je ne voudrais pas adopter les
solutions proposées dans le mémoire, parce qu'elles me semblent
aller beaucoup trop loin et mettre en danger beaucoup d'autres objectifs qu'on
vise dans le rapport de la commission.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: II y a des organes de diffusion qui donnent
accès aux émissions d'affaires publiques et aux émissions
de nouvelles aux groupes ou organismes qui veulent en faire la transcription.
Ils vont les installer sur place et les personnes peuvent prendre les passages
qui les intéressent, dactylographier tout cela et en faire des dossiers.
Est-ce que Radio-Québec offre cette possibilité actuellement?
M. Benoist: La réponse, dans la grande majorité des
cas, est affirmative. Quand on ne le fait pas, on explique aux
intéressés que ça coûterait beaucoup plus cher et,
très souvent, ils l'admettent eux-mêmes; en principe ce droit
existe, mais non pas sur les émissions d'affaires publiques. Ce à
quoi nous pensons, c'est le grand "spectacular", le grand film ou le
superspectacle de Gilles Vigneault que quelqu'un a manqué et qui se
présenterait chez nous pour nous le demander.
II reste un point certain - je l'évoquais dans mon mémoire
- que, du fait que nous sommes soumis au Code civil, en cas de libelle, en cas
de poursuite ou en cas de diffamation sur une personne, puisque la cour
pourrait requérir de toute façon une copie du film, jamais nous
ne nous opposerions, avant même qu'une poursuite ne soit entamée,
à donner une copie à la partie qui se sent lésée;
ce n'est pas du tout l'idée de restreindre, sur ce plan, lorsque, au
fond, nos documents peuvent devenir de caractère administratif ou
d'atteinte à la personne. Là, il n'y a absolument aucun doute;
d'ailleurs, de toute façon, les tribunaux peuvent nous ordonner de
déposer une copie du film. Il n'y a donc pas de problème de ce
côté.
C'est simplement une espèce de visionnement systématique
de la part de certains citoyens que nous redoutons, c'est tout.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? Je vous remercie. La
commission ajourne ses travaux...
M. Bertrand: M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le ministre.
M. Bertrand: Je voudrais indiquer immédiatement que j'ai
consulté M. le député de Westmount sur le programme qui
nous attend demain et jeudi. Puisqu'il y a deux organismes semble-t-il - on va
vérifier - qui ont indiqué qu'ils ne viendraient pas
demain, la Communauté urbaine de Montréal et le
Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal, nous tenterons
d'inviter deux ou trois organismes qui devaient venir jeudi à venir
demain et nous ferions une journée plus remplie demain, quitte ensuite
à terminer à 18 heures, jeudi. M. le député de
Westmount m'a dit que cette formule lui convenait, alors, on peut fonctionner
ainsi, si c'est possible de ramener des groupes. D'accord? Merci.
Le Président (M. Rochefort): D'accord. La commission
ajourne ses travaux pour les reprendre demain matin à I0 heures.
(Fin de la séance à 17 h 55)