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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Rochefort): A l'ordre!
La commission élue permanente des communications est
réunie pour étudier l'avant-projet de loi contenu dans le
document intitulé: Information et liberté -Rapport de la
Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information
gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels.
L'ordre des travaux d'aujourd'hui est le suivant. Nous entendrons dans
l'ordre les organismes qui suivent: l'Union des municipalités, la
Corporation des secrétaires municipaux du Québec Inc., l'Union
des conseils de comté et des municipalités locales du
Québec Inc., les Amputés de guerre du Canada, le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec, l'Association des directeurs de
départements de santé communautaire, la Caisse de
dépôt et placement du Québec, le Directeur
général des élections du Québec et la
Fédération de l'informatique du Québec.
J'inviterais les représentants de l'Union des
municipalités à prendre place et à s'identifier, s'il vous
plaît.
Union des municipalités du
Québec
M. O'Bready (Jacques): Je vous remercie M. le Président et
MM. les membres de la commission. Je me présente: Jacques O'Bready,
maire de Sherbrooke, président de l'Union des municipalités du
Québec. Je suis accompagné de Me Neuville Lacroix et de Mme
Louise Marchand qui sont ici à titre de personnes-ressources. Je
demanderais, M. le Président, que le mémoire intégral de
l'Union des municipalités fasse partie du rapport de la commission.
Le Président (M. Rochefort): Là-dessus, je vous
soulignerai que cette tradition ne se pratique plus parce que ça
coûtait très cher à l'État de mettre les
mémoires en annexe dans les procès-verbaux, sauf qu'ils seront
disponibles en tout temps pour tout organisme qui voudrait les consulter.
Juste avant d'entendre votre mémoire, j'ai oublié de
nommer les membres de la commission, je vais donc le faire
immédiatement.
Les membres de la commission aujourd'hui sont: MM. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Beaumier (Nicolet), Bertrand
(Vanier), Bissonnet (Jeanne-Mance), Brassard (Lac-Saint-Jean), M.
Lalonde qui remplace M. French (Westmount)...
M. Lalonde: Je vais remplacer M. Bissonnet. M. French...
Le Président (M. Rochefort): MM.
LeMay (Gaspé), Rivest (Jean-Talon), Rodrigue (Vimont), Sirros
(Laurier), Vaugeois (Trois-Rivières). Peuvent aussi intervenir MM. Baril
(Arthabaska), Charbonneau (Verchères), Fortier (Outremont), Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), Marx (D'Arcy McGee), Payne (Vachon), Perron
(Duplessis), Picotte (Maskinongé) et M. Tremblay (Chambly).
M. Lalonde: II ne faut pas m'inscrire comme intervenant, sans
cela j'aurai deux votes.
Le Président (M. Rochefort): Oui, excusez-moi! Vous suivez
cela attentivement.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je pourrais
peut-être remplacer.
Le Président (M. Rochefort): Oui.
M. de Bellefeuille: Est-ce qu'on attend M. Vaugeois, M. le
ministre? Je pourrais le remplacer.
M. Bertrand: II doit venir.
M. de Bellefeuille: II doit venir, mais qui ne doit pas
venir?
Le Président (M. Rochefort): Je peux vous inscrire de
toute façon dans les intervenants.
M. Lalonde: Ce n'est pas grave. On vous donne notre consentement
pour votre présence et vos interventions.
Le Président (M. Rochefort): Dans les intervenants, il y a
M. Baril (Arthabaska) qui ne sera sûrement pas ici.
M. de Bellefeuille remplace M. Baril (Arthabaska).
J'invite maintenant les représentants de l'Union des
municipalités...
M. Marx: Qui sont nos quatre membres? Le Président (M.
Rochefort): Excusez-
moi. Ce sont MM. Lalonde, French, Rivest et Sirros.
M. Marx: Bon. Je vais remplacer M. Rivest.
Le Président (M. Rochefort): Vous allez remplacer M.
Rivest, parfait. M. Marx, qui était intervenant, remplace M. Rivest
comme membre.
Ces ajustements étant faits, j'invite les représentants de
l'Union des municipalités à nous présenter leur
mémoire, en vous rappelant que vous avez environ 20 minutes pour le
faire.
M. O'Bready: Je vous remercie, M. le Président et MM. les
membres de la commission. En réponse à l'invitation
formulée par le ministre québécois des Communications, M.
Jean-Francois Bertrand, l'Union des municipalités du Québec tient
à se prévaloir de l'occasion qui lui est fournie de
présenter ses commentaires sur le rapport déposé par la
commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information
gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels,
présidée par M. Jean Paré.
L'Union des municipalités du Québec est, en effet,
très surprise de constater que la commission Paré ait
résolu d'élargir le mandat que lui confiait originellement le
décret du 3 septembre 1980 et que de nombreuses recommandations du
rapport touchent nommément les municipalités dans leur
administration quotidienne. Par ailleurs, nous voulons dès maintenant
souligner à la commission parlementaire que nos commentaires porteront
uniquement sur les principes et les recommandations du document Paré. Il
nous semble, en effet, absolument prématuré d'étudier la
proposition de loi qu'y a annexé la commission d'étude et il est
important, croyons-nous, que tous les intervenants se mettent d'accord sur les
grands principes, sur la philosophie qui gouvernerait une intervention
gouvernementale en cette matière avant d'en arriver à
élaborer un cadre législatif.
L'introduction. Les deux grands objectifs que s'est tracés la
commission Paré rencontrent de toute évidence l'assentiment de
tous les élus de bonne volonté. L'Union des municipalités
du Québec a déjà clairement annoncé ses couleurs en
cette matière en écrivant, en mai 1980, que "l'information est un
droit fondamental du citoyen et que, par ailleurs, nulle démocratie
n'est vraiment possible sans la prémisse de la connaissance (acquise
nécessairement par l'information)". Nous nous rallions donc
d'emblée à l'affirmation de la commission qui fait de ce droit
à l'information un droit politique, une des assises de notre vie en
société. Le citoyen qui choisit ses dirigeants verra son choix
aliéné s'il ne peut disposer de tous les éléments
pertinents à la compréhension globale des affaires publiques.
L'outil de base de notre système municipal contemporain est d'autant
plus indispensable que le rôle des autorités locales a
considérablement évolué depuis quelques années.
La protection des renseignements personnels, qu'en toute confiance le
citoyen divulgue à l'État, devient dès lors une autre des
conditions indispensables de la liberté et il nous semble
particulièrement pertinent que l'État scrute les deux volets
indissociables de cette question. Nous croyons aussi que ce qui appartient
à tous n'appartient pas à chacun et ce dont l'État se
porte garant, soit les renseignements personnels divulgués à
l'État en vue de l'atteinte du bien commun, doit être assorti de
la protection nécessaire. Par ailleurs, il faut malheureusement
constater que les recommandations de la commission Paré ne peuvent
absolument pas s'appliquer à la pratique courante de la vie des
municipalités. Il serait en effet erroné d'articuler la politique
en cette matière sur une comparaison des structures et
procédures, sur un parallèle entre les ressources et les besoins.
Même si nous acceptons de toute évidence qu'il ne saurait
être question de démocratie sans l'accès à
l'information, il reste que les moyens pour transmettre cette information ne
sauraient être les mêmes pour tous les niveaux de gouvernement. Il
est totalement prématuréd'envisager que les
modalités d'application de la philosophie du rapport Paré
puissent correspondre au vécu local.
Alors que la ville des années cinquante avait un rôle
limité, la municipalité de cette fin de siècle intervient
presque quotidiennement dans la vie des citoyens pour voir à la
salubrité de leur air, de l'eau qui les alimente, des logis qu'ils
habitent, du sol qu'ils occupent. Elle influence leurs loisirs, elle leur
prodigue le transport, bref, il n'est pas exagéré de dire que les
citoyens se choisissent des délégués qui doivent veiller
à la qualité de leur vie.
Ce pouvoir politique est à notre avis assorti de la charge du
partage de la connaissance et, dans la mesure où la communication
devient le lieu privilégié de ce partage, il ressort clairement
que les élus municipaux consentent à cet idéal.
Cette communication est par ailleurs, et ce d'autant plus que la
diversification des tendances et des idéologies a engendré une
profonde modification des rôles, des rapports internationaux comme des
rapports interpersonnels, une clé dont une organisation publique
adéquate et efficace ne saurait désormais se passer. Si les
gouvernants entendent que les gestes posés correspondent authentiquement
aux virages qu'a amorcés notre société, ils devront
inévitablement se prêter à cette démarche de
communication.
Dans un récent essai, M. Paul Dumont-Frenette, spécialiste
en communications, cite le professeur Sullivan de l'École de
communication sociale de l'Université de Boston qui écrivait un
jour: "Quel est le lien qui fait d'une communauté un tout
cohésif? Mon terme préféré est celui de
communication. La communication relie entre eux les membres d'une
communauté. C'est le processus qui établit les relations entre
les personnes et les intègre dans un ensemble organique, chacun
demeurant libre tout en étant solidaire des autres d'une certaine
façon. " Nous ne pouvons dissocier le volet de l'information de
l'entreprise globale qu'est la communication. C'est à ce titre que nous
adhérons à la définition que donne le professeur
Sullivan.
D'autre part, un des principes de notre législation en
présuppose justement la connaissance. Il devient donc de la
responsabilité de l'État d'assurer que l'information soit
diffusée. La municipalité, à ce chapitre, doit elle aussi
assumer son devoir de "bon père de famille".
En outre, l'information dont nous disions qu'elle est inhérente
au sain exercice de la démocratie fait du citoyen un
élément plus dynamique et plus participant de la cité
qu'il se construit. En 1978, dans une étude sur la participation
municipale au Québec, le ministère des Affaires municipales
démontrait que le citoyen valorise indubitablement cet aspect de la vie
publique et qu'il peut ainsi devenir un meilleur utilisateur des services et
ressources que dispense sa ville.
Tout en démontrant que les habitants des villes sont d'avis, dans
90, 5% des cas, "qu'un bon conseil municipal, c'est celui qui informe et
consulte régulièrement", cette étude affirme que 76, 2%
des gens interrogés se sont déclarés satisfaits de
l'ensemble des services offerts par leur municipalité.
Il serait illusoire, par contre, de croire que le fragile
équilibre de la démocratie peut se maintenir si les citoyens ne
sont pas convaincus que l'administration ne peut protéger ce qu'en toute
confiance, ils lui confient comme un bien personnel. Ce que la commission
Paré appelle "un fragment de sa personnalité", ce dont elle dit
que, colligés, "ils (les renseignements personnels) peuvent devenir - il
en existe des exemples classiques - la malédiction d'une personne, la
Némésis qui la suit, qui l'empêche d'accéder
à une fonction, d'obtenir certains avantages, sans que jamais cette
personne sache les raisons de son malheur" une administration municipale
estimera de son devoir de le conserver jalousement, en tout bien tout honneur.
Multipliées, accessibles, divulguées, les notes personnelles
deviennent une menace à l'autonomie des personnes physiques ou morales.
Nulle liberté ne pourrait en effet résister sans la garantie du
secret absolu.
L'information, nous croyons qu'elle est déjà dans les
moeurs municipales. Depuis plusieurs années déjà, de
nombreuses municipalités ont suivi le courant contemporain de diffusion
de l'information, de la communication entre l'administrateur et les
administrés. Ce dynamisme interne s'est matérialisé soit
par l'embauche de personnes préposées à cette fonction,
intrégrées de façon permanente à l'organigramme de
la ville, dans le cas des mieux nanties, et/ou par l'affectation d'une partie
du budget annuel à la publication de documents visant à informer
les citoyens. Certaines collectivités ont constitué des services
complets de communication, information ou relations avec les citoyens.
Il faut voir maintenant la montagne de documents, brochures, bulletins,
rapports, dépliants, périodiques, etc., publiés par les
administrations municipales. Les villes qui ne disposent pas des ressources
nécessaires à l'embauche d'un permanent, choisissent, pour la
plupart, d'intervenir par le biais des journaux locaux ou de lettres aux
citoyens, souvent rédigées par le maire ou par un officier
à la plume facile, pour rendre compte aux commettants des faits et
gestes des édiles.
En 1979 et en 1980, lors de ses congrès annuels, l'Union des
municipalités du Québec a permis à ses membres de discuter
en atelier du phénomène de l'information municipale. La
présence de nombreux délégués a
démontré hors de tout doute le vif intérêt
suscité chez les élus des quatre coins du Québec. En 1980,
un montage audiovisuel sur la télévision des assemblées de
conseil a démontré que certaines municipalités utilisent
cette technique depuis plus de dix ans et que bien que rencontrant certains
écueils, cette formule s'avère éminemment rentable pour la
vie politique interne.
On ne peut certes nier que beaucoup de chemin reste à parcourir.
Mais qu'on reconnaisse au moins que plusieurs administrations municipales ont
fait et font des efforts manifestes sans toujours disposer de l'expertise et
des moyens sophistiqués, dont bénéficie l'administration
supérieure, pour entrer dans le courant de la communication et que des
mesures incitatives ont souvent beaucoup plus d'effet qu'une batterie de
dispositions coercitives qui, au bout du compte, ne contribuent qu'à
raidir les gens dans une attitude défensive.
Il ne faut pas croire qu'il faille faire table rase de tout ce qui a
déjà été accompli pour faire progresser une
idéologie. Nous soumettons qu'il serait peut-être plus sage et
plus rationnel de bâtir sur les fondations déjà en
place.
Il faut, de plus, noter que tout en étant dispensatrices
d'information, les cités et les villes en sont aussi consommatrices et
que les normes, décrets, ordonnances,
directives, etc., qui régentent obligatoirement leur vie ne sont
pas toujours facilement accessibles par la voie des canaux naturels, la Gazette
officielle du Québec. Toutes ces normes ne devraient pas faire l'objet
d'une procédure d'accès, mais l'être sans effort. De plus,
aucune loi ou règlement d'application d'une loi ne devrait entrer en
vigueur avant que les textes ne soient disponibles. Le monde municipal a
été plus d'une fois l'objet de cette situation ces
dernières années. Le gouvernement supérieur n'a pas
toujours prêché par l'exemple.
Inadéquation des recommandations. Tout en reconnaissant la
pertinence des objectifs de la commission Paré, l'Union des
municipalités du Québec estime que les recommandations sont
inapplicables au cadre municipal et que même certains principes qui
sous-tendent ces recommandations sont éminemment discutables.
Lorsque les commissaires ont rédigé leur rapport, le but
qu'ils poursuivaient était d'ouvrir l'administration gouvernementale aux
citoyens québécois en conformité avec le décret
qu'avait adopté le Conseil exécutif, le 3 septembre 1980.
Nous ignorons quels sont les motifs qui les ont incités à
élargir soudainement leur mandat pour englober les collectivités
municipales. Ce que nous savons, par contre, c'est qu'ils ne possédaient
certainement pas les données requises pour faire des recommandations qui
soient applicables, concrètement, par les élus municipaux ou
leurs officiers, des recommandations qui collent adéquatement au
contexte municipal.
Il ne nous viendrait jamais à l'esprit de nier à la
commission son expertise incontestée en matière d'information et
de protection des renseignements personnels, mais nous devons souligner que le
rapport dénote une méconnaissance absolue du milieu municipal,
particulièrement, de la vie des municipalités de taille moyenne
et réduite, qui constituent la majorité de la clientèle
municipale du Québec.
Méconnaissance du milieu. À la page 9 de son rapport, la
commission écrit, et je cite: "... Un régime d'accès
à l'information gouvernementale ne doit pas être conçu dans
l'abstrait, sans souci de la nature des institutions, des traditions et des
attitudes. Il doit éviter de les modifier par inadvertance. " En
serait-il autrement, dans l'esprit des commissaires, d'un régime
d'accès à l'information municipale? Sinon, comment expliquer que
la commission souhaite que les municipalités se soumettent à des
règles qui n'ont aucune mesure avec leur réalité?
À preuve, une recommandation obligeant les municipalités
à donner accès à l'ensemble de leur documentation ou de
leurs documents, soit la recommandation 4, et celles qui en découlent
proposeraient un changement profond non seulement d'attitude, mais aussi de la
pratique municipale et surtout forceraient les villes à consentir
immédiatement temps, énergie et deniers publics
nécessaires à réorganiser fondamentalement tant la
collecte des données que la gestion documentaire. Les recommandations
qui concernent la publication de catalogues, de documents, de guides
d'interprétation, d'instructions, de manuels et l'obligation pour le
maire de se rendre responsable de l'application de la loi sont autant de
mécanismes terriblement compliqués et coûteux à
instaurer et à maintenir quand on connaît les ressources de la
plupart des municipalités. Les villes sont conscientes des
problèmes vécus lorsque des citoyens essaient de s'y retrouver
dans le dédale des législations. Mais il est singulier de noter
que les commissaires iqnorent que, dans la plupart des municipalités, le
maire agit à temps partiel et le secrétaire-trésorier ou
greffier est souvent le seul fonctionnaire habilité à traiter de
ces matières et, en plus, il est responsable de plusieurs autres
facettes de l'administration publique. La plupart des villes du Québec
sont présentement confrontées à un grave problème
de gestion documentaire et il faudrait que la commission en prenne conscience.
(10 h 30)
Une des recommandations qui ne laissent pas d'étonner les
municipalités concerne l'abolition des huis clos des séances des
conseils municipaux. Si l'on tient pour acquis que le législateur ne
parle pas pour ne rien dire, il convient donc d'interpréter cette
recommandation comme une disposition nouvelle et différente des articles
6(5) et 322 de la Loi sur les cités et villes qui rendent les
séances ordinaires générales ou spéciales
obligatoirement publiques. La commission reconnaît, d'ailleurs,
spécifiquement que déjà les conseils municipaux sont
légalement tenus à des séances publiques. Elle vise donc
les autres réunions de conseil, soit les réunions des
comités exécutifs, des comités pléniers, des
ateliers de travail, selon le vocabulaire employé dans chaque
région.
A l'appui de ces recommandations, le rapport allègue que "le
temps est venu de s'assurer que les séances de
délibération des membres des conseils municipaux, des conseils
des communautés urbaines ou régionales, des conseils des
municipalités régionales de comté... se tiennent vraiment
au grand jour. Les électeurs doivent pouvoir vérifier ce qui
préoccupe leurs représentants et mieux évaluer leur
travail. "
Nous comprenons mal que l'on dise plus loin: "La solidarité
ministérielle n'est possible que si la discussion d'un sujet peut se
faire dans un climat de liberté assuré par le secret des
délibérations du Conseil des ministres et la protection des
documents que
le conseil examine. Une loi sur l'accès à l'information ne
doit pas empêcher la franchise et l'intégrité de ces
discussions en rendant leur déroulement public. Il importe donc de
garantir la confidentialité des délibérations du Conseil
des ministres et des avis et recommandations des ministres et des
comités ministériels. "
La commission se permettrait-elle de juger avec deux poids deux mesures?
Les conseils municipaux ne pourraient-ils pas également discuter
librement des matières de leur compétence sans qu'on les accuse
implicitement de vouloir occulter leurs faits et gestes? Nous dirons
plutôt que le temps est venu de cesser ce qui ressemble à une
chasse aux sorcières et de commencer de croire que les élus
municipaux ne sont pas nécessairement intéressés à
cette charge pour en tirer des avantages indus. La commission aurait-elle
négligé de considérer qu'à l'instar des élus
provinciaux, tous les quatre ans, ces femmes et ces hommes qui assument le
mandat municipal retournent sur la place publique pour recevoir l'aval ou le
blâme de leurs pairs?
Il est de nombreux sujets, pour lesquels la commission n'autorise pas le
maintien du huis clos, qui requièrent que les conseils
délibèrent en privé. De la même façon, il est
de nombreux documents dont l'accès devrait être restreint, parce
que de nature politique, et qui devraient jouir des mêmes
privilèges que ceux qui sont accordés aux textes émanant
du Conseil exécutif, des cabinets des ministres et des bureaux des
membres de l'Assemblée nationale. Je cite: "Comme, pour l'essentiel, il
s'agit de documents politiques, ils devraient être exemptés de
l'exercice du droit d'accès. Toutefois, leur divulgation devrait en tout
temps pouvoir être autorisée par le ministre ou le
député car il s'agit là d'un jugement politique dont ils
doivent assumer la responsabilité. "
La commission néglige-t-elle de considérer que les
conseils municipaux sont élus démocratiquement par leurs
citoyens, qu'ils sont mandatés pour assumer un pouvoir politique
légitime à l'instar des députés et ministres?
Aurait-elle tendance à croire que les autorités municipales ne
sont que de lointaines émanations d'un pouvoir central à qui l'on
consent quelques droits? Ignorerait-elle que le législateur
considère les conseils municipaux comme le premier palier de
gouvernement?
Avant d'attacher la pierre au cou des élus municipaux, nous
sommes d'avis qu'il conviendrait de scruter avec plus d'objectivité ce
qu'est réellement la pratique municipale en ce domaine et de cesser de
céder au chantage exercé par une certaine démagogie. On
verrait que les élus des villes sont animés d'un réel
désir d'administrer sainement les affaires qui leur sont confiées
et que, s'ils réclament de pouvoir discuter en privé de leurs
dossiers, c'est qu'ils savent qu'une certaine discrétion est
généralement nécessaire à leur bonne marche et que
la mise à jour prématurée de ces éléments
n'entraînerait que la confusion et souvent l'annulation de projets au
demeurant fort valables et rentables pour le bien-être de la population.
Que l'on songe à la venue des partis politiques au sein des conseils de
ville, venue que semble manifestement souhaiter le législateur, et l'on
conviendra que la démagogie s'installera en maîtresse au sein des
débats de conseils s'ils sont tous ouverts au public.
Les élus locaux gouvernent, règle générale,
de façon intègre et honnête et, s'ils dérogent, des
mécanismes de contrôle, tels la Commission municipale ou les
tribunaux de droit commun, viennent les remettre dans le droit chemin. Mais il
y a pis. Ils doivent, s'ils manquent à leur serment d'office, subir le
jugement des leurs et c'est là le pire des châtiments.
En outre, il serait sot de négliger les lois déjà
en place qui font obligation en matière d'information aux corporations
municipales. Ainsi, compte tenu des amendements qui lui ont été
apportés dans un passé récent, la Loi sur les cités
et villes fourmille d'articles qui prévoient à ce chapitre des
règles bien précises en matière d'information. Les
articles 38, 89, 91, 92, 102, 103, 129, 147, 156, 171, 240, 322, 333, 334, 335,
344, 345, 347, 353, 362, 386, 474. 1 et 513 touchent toutes les facettes de la
vie municipale, que réglemente cette loi, qui peuvent être l'objet
d'avis publics, d'accès aux archives et documents, de conservation ou
d'examen de ceux-ci, de séances publiques, de période de
questions, d'accès aux listes d'électeurs ou aux
procès-verbaux de séances publiques de conseil, de discours du
budget, etc. Il ne faudrait pas oublier que d'autres lois qui régissent
la vie des villes contiennent également des dispositions précises
à ce sujet. Ainsi, la Loi sur la fiscalité municipale, loi 57, la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, loi 125, la Loi sur la
qualité de l'environnement, loi 69, pour ne nommer que celles-là,
contiennent des articles précis auxquels se soumettent les
autorités municipales.
Échéancier irréaliste. Nous sommes d'avis que
l'échéancier d'application proposé par la commission est
de loin complètement irréaliste même si les recommandations
n'avaient pour la plupart force de loi qu'en juin 1982, au plus tard. La
gymnastique organisationnelle à laquelle devraient se soumettre en si
peu de temps les villes pour s'y conformer relève du pur vaudeville. Une
enquête voulant faire le point sur la situation des archives municipales
au Québec, menée récemment par le Service des archives de
la ville de Québec auprès de
toutes les municipalités de 10 000 habitants et plus ainsi que
d'une dizaine sélectionnées parmi celles de 10 000 habitants et
moins, révèle un sensible progrès dans le traitement des
documents municipaux depuis cinq ans ainsi qu'une volonté presque
unanime de l'améliorer davantage. Les officiers et élus sont de
toute évidence confrontés aux problèmes engendrés
par la lourdeur de la législation qui est sous-jacente à leur
administration et ils tentent de s'extirper du fouillis. Mais il faut quand
même y mettre le temps.
Cette enquête a démontré en outre que le traitement
des documents municipaux est mieux structuré dans les villes à
forte concentration de population. Les petites agglomérations, qui
constituent le bassin le plus important de production d'archives municipales au
Québec, ne disposent que de faibles ressources à consacrer
à ce secteur.
Les sommes requises d'autre part pour consentir à ces exigences
viendraient s'ajouter au fardeau déjà suffisamment lourd qu'ont
à supporter les collectivités locales. On nous recommande sans
cesse de comprimer les dépenses municipales; lors de discours
politiques, on objecte que la réforme de la fiscalité municipale
n'a pas donné les effets escomptés parce que les administrations
locales ont été trop prodigues des deniers publics.
Mais nous disons que les coûts générés par
toute la réglementation des récentes législations en
matière municipale s'ajoutent à la note de frais des
contribuables municipaux du Québec et que bien que le gouvernement
persiste à dire qu'il veut bonifier la réforme de la
fiscalité municipale, les autorités locales sont toujours
responsables de réduire les services ou de taxer davantage pour joindre
les deux bouts de leurs budgets sans jouir de ressources nouvelles.
Nous aimerions que la commission note que M. Jean Hétu,
professeur de droit municipal à la faculté de droit de
l'Université de Montréal, dans un article publié dans le
quotidien Le Devoir du 9 septembre 1980, dénombrait quatre-vingt-seize
projets de loi concernant les affaires municipales, adoptés par
l'Assemblée nationale entre le 8 mars 1977 et le 22 mars 1979, soit en
deux ans.
Depuis ce temps, plusieurs autres textes législatifs sont venus
s'ajouter à la Loi sur la fiscalité municipale, sur
l'aménagement et l'urbanisme, la Loi sur la démocratie
municipale, pour ne citer que les plus importantes. Ne serait-il pas plus
logique de digérer toutes ces lois et la réglementation qui en
émane avant de s'attaquer à autre chose?
La commission a-t-elle quelque idée des coûts d'application
de la réforme pour les villes? Il est bien de dire "le droit à
l'information n'est pas un simple service. Il s'agit, nous l'avons vu, d'un
droit fondamental. On se résoudrait mal à le marchander".
Mais le droit à l'air frais, à l'eau pure, le droit
à la protection du sol qui nourrit, le droit à l'habitation
décente ne sont pas non plus de simples services et ils doivent
être assurés en grande partie par les instances municipales. Le
législateur parle même maintenant du droit au loisir dont les
municipalités devront assumer la maîtrise d'oeuvre. Les
élus locaux veulent bien protéger tous ces droits. Mais les
citoyens le voudront-ils quand on leur présentera la facture? C'est
curieux! On établit les obligations, on trace les paramètres
à un niveau et c'est le palier inférieur qui doit en assumer les
basses considérations pécuniaires. L'Union des
municipalités du Québec se demande qui aura le courage de choisir
entre tous ces droits fondamentaux pour établir une liste de
priorités.
Autonomie municipale, information et liberté.
Depuis la conférence Québec-municipalités de 1978,
le discours politique du gouvernement fait état de la
nécessité de revaloriser le pouvoir local. Je cite: "L'objectif
gouvernemental des réformes envisagées en matière de
démocratie municipale vise d'abord une revalorisation du pouvoir local.
Cet objectif s'inscrit d'ailleurs dans la perspective de
décentralisation politique et administrative gue le gouvernement entend
mettre progressivement en oeuvre. "
Par ailleurs, le législateur reconnaissait très
explicitement la légitimité du pouvoir politique municipal et la
pertinence de ce palier de gouvernement pour orchestrer les conditions
essentielles à la vie quotidienne des citoyens: " Le gouvernement du
Québec est très conscient que c'est au niveau des
municipalités que se trouvent les conditions fondamentales de la vie
démocratique d'une société. C'est le niveau de
gouvernement le plus près des citoyens qui traduit le plus clairement
les problèmes réels de la population et les solutions qui
s'imposent".
D'autre part, de par sa déclaration d'intention tout à
fait précise sur un objectif de décentralisation du pouvoir, le
gouvernement proposait un réaménagement des compétences
basé sur une option de décentralisation, c'est-à-dire une
revalorisation du pouvoir local et un accroissement de l'autonomie des
organisations de la base, celles qui sont les plus proches des citoyens.
Et bien que le gouvernement souhaitât inciter fortement les
municipalités à adhérer à certaines
réformes, il semblait convenir, pour respecter ce principe de
l'autonomie, qu'il reviendrait aux instances locales d'établir la liste
de leurs priorités et la
cadence des changements adoptés: " Le rythme de la mise en oeuvre
des réformes proposées, notamment en matière de
démocratisation des mécanismes de prise de décision dans
les gouvernements locaux, sera avant tout l'affaire des collectivités
locales concernées, "disait-on. " C'est en effet la dynamique des
rapports politiques, au niveau local, qui devrait prévaloir dans le
processus du choix des priorités dans l'ensemble des propositions
envisagées par le gouvernement à ce sujet. "
Or, le législateur semble avoir la mémoire courte,
puisque, depuis 1978, ses gestes concrets n'ont pas toujours été
à la hauteur de ses objectifs fondamentaux et chaque régie,
commission ou organisme du même acabit empiète plus avant sur le
pouvoir local.
Pourquoi confier à une autre commission, formée de gens
compétents certes, mais de gens qui ne sont pas responsables de leurs
gestes sur le plan politique, de personnes qui n'ont pas de compte à
rendre à la population, de gens qui ne sont pas des élus, la
tâche de préserver les droits des citoyens? Sans tomber dans la
pure paranoïa, il faut se demander si notre société a
totalement perdu confiance en ses élus pour vouloir créer une
énième instance de surveillance... A quoi sert-il, en effet, de
se voir confier un pouvoir si une normalisation constante, des contrôles,
des mécanismes de surveillance se juxtaposent, s'additionnent, se
multiplient pour ne laisser aux élus que le pouvoir d'apposer une
signature en bas d'une page toute écrite à l'avance? Mais, il y a
un mais. Lorsque vient le temps de faire sonner le tiroir-caisse, les
administrations municipales sont tout ce qu'il y a de plus autonomes.
À plusieurs reprises, lors de mémoires sur des projets de
loi précis, l'Union des municipalités du Québec a fait
savoir au gouvernement provincial qu'elle s'opposait à une tendance
marquée vers la bureaucratisation et la normalisation des
administrations locales. Nous continuons de dire que nous nous opposerons
à tout organisme, régie, société ou instance
bureaucratique qui imposerait un tel carcan aux administrations locales
qu'elles ne sauraient plus rien contrôler pour, par ailleurs, leur
laisser l'odieux de piger constamment dans le pécule du
contribuable.
Nous ne voulons aucunement faire de procès d'intention à
la commission Paré. Nous tenons seulement à souligner que les
recommandations ressortissent de cette même philosophie de normalisation
excessive, d'encadrement de plus en plus rigide qui tend à confirmer que
les administrations municipales ne seront bientôt plus que les pantins du
gouvernement du Québec et de ses diverses commissions.
(10 h 45)
Conclusion: L'Union des municipalités du Québec se permet
de réitérer qu'elle adhère sans réserve aux grands
objectifs d'information et de liberté qui sont les prémisses du
rapport de la commission Paré. Les villes du Québec ont
établi une longue tradition de démocratie et il ne saurait
être question de renier cette philosophie. À ce titre, le
passé fait foi de l'avenir et si nous concevons que des
améliorations sont à apporter comme au niveau du gouvernement,
comme au niveau de toute notre société, il reste qu'il faut
regarder le problème avec plus de pondération et de confiance
dans nos institutions. Ainsi, les objectifs ont plus de chance d'être
finalement atteints, tout en respectant les besoins et les ressources des
collectivités locales.
Nous sommes d'avis que la recommandation 127, qui suggère qu'on
fasse l'analyse des dispositions des autres lois en matière
d'accès aux documents des organismes publics, devrait s'appliquer avant
l'entrée en vigueur d'une éventuelle loi. Nous avons
déjà eu à vivre à quelques reprises sous
l'égide de lois adoptées à la vapeur et, en
procédant tel que recommandé par la commission Paré, on
risquerait simplement de créer un fouillis inextricable de dispositions
législatives contradictoires ou répétitives.
En conséquence, l'Union des municipalités du Québec
souhaite fortement que la recommandation no 7, qui dit - et je cite - "que le
gouvernement devrait faire étudier les effets d'une éventuelle
application de cette loi aux organismes qu'il subventionne à plus de
50%", recouvre également toutes les municipalités du
Québec.
L'Union des municipalités du Québec est fermement
convaincue que cette réflexion profonde serait un fleuron de plus au
blason de la démocratie.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre des
Communications.
M. Bertrand: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
le maire de Sherbrooke et président de l'Union des municipalités
du Québec de nous avoir présenté son mémoire. On ne
peut pas dire que vous ayez péché par manque de clarté et
de franchise. Si j'ai bien compris, vous êtes "de contre".
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bertrand: II y a, bien sûr, tout un long débat
qu'on pourrait faire sur l'opportunité ou non d'étendre
l'application d'une éventuelle loi d'accès à l'information
gouvernementale et de protection des renseignements personnels aux
municipalités, parce que vous représentez beaucoup de
monde, beaucoup d'organismes. Une évaluation rapide, mais
suffisamment précise, nous permet de constater qu'à peu
près 3156 organismes sont visés, si on décide d'inclure
les municipalités dans une éventuelle loi d'accès à
l'information gouvernementale: 1530 municipalités; 305 offices
municipaux d'habitation; 315 comités consultatifs d'urbanisme et 812
corporations de loisir; 11 000 élus; 40 000 fonctionnaires.
C'est donc dire que si on prenait la décision politique d'aller
de l'avant et d'accepter la recommandation qui nous est faite par la commission
Paré, on rejoindrait énormément de fonctionnaires,
énormément d'élus, énormément de citoyens,
bien sûr, parce que de toute façon on est tous membres d'une
ville, d'un village, d'une municipalité. Donc, la loi prend une
connotation tout à fait différente selon qu'on la limite aux
ministères, aux organismes gouvernementaux, para et péri-
gouvernementaux et qu'on exclut l'ensemble des municipalités du
Québec. Il y a donc là un problème de fond très
important, à mon avis et je suis très content de constater que
vous êtes vraiment "de contre", pour qu'on puisse établir un
véritable débat là-dessus. Il y a, par contre, d'autres
éléments qui me paraissent devoir être pris en
considération. De façon préliminaire, je vous ferai
remarquer qu'il me semble que, lorsque la commission Paré a
effectué ses travaux, elle avait adressé à l'Union des
municipalités du Québec une demande de présenter un
rapport pour l'éclairer dans ses délibérations. A moins
que je ne me trompe, d'après les informations qui m'ont
été communiquées, il ne semble pas que l'Union des
municipalités ait jugé bon de produire devant la commission
Paré un mémoire qui aurait permis de faire valoir ce point de vue
avant qu'on présente les recommandations et la proposition de loi.
Peut-être avez-vous déjà une réponse
là-dessus?
M. O'Bready: Voici, M. le ministre, c'est que ce n'était
pas dans le mandat de la commission Paré au début. Les
municipalités n'étaient pas incluses. Alors, personne ne pouvait
présumer que les recommandations étaient pour conclure, que les
municipalités soient éventuellement intégrées
à cela, parce qu'au départ on ne retrouvait pas cela dans le
mandat de la commission Paré. Les municipalités ne devaient pas
être couvertes, si ma mémoire est fidèle.
M. Bertrand: Si je me rappelle bien, le décret voté
par le Conseil des ministres indiquait très clairement: "Attendu qu'il
est opportun de créer une commission d'étude sur
l'accessibilité à l'information gouvernementale... " Vous allez
me dire gouvernementale... Là-dessus, on n'entamera pas, on ne
commencera pas un débat qui nous mènerait très loin sur le
plan constitutionnel, mais tant et aussi longtemps que cette fameuse
constitution demeure ce qu'elle est, à l'article 92, on indique bien
que, dans chaque province, la Législature pourra exclusivement
légiférer sur les matières entrant dans les
catégories de sujets ci-dessous énumérées, à
savoir - et on arrive à huitièmement - "les institutions
municipales dans la province". Je ne veux pas remonter jusqu'à ce texte,
mais - je l'ai fait quand même - il y a une indication qui nous est
donnée d'abord dans l'introduction que la commission fait à son
rapport, enfin dans les premières remarques. Au niveau des organismes
visés, on indique à ce moment: "Nous l'avons vu, l'extension
considérable du rôle de l'État et son intervention dans la
vie économique et les rapports sociaux ne sont pas le fait des seuls
ministères. Un grand nombre d'agences, de commissions, de régies,
d'offices et de sociétés d'État détiennent des
informations importantes qui appartiennent au public. Une partie de plus en
plus considérable de la gestion de la chose publique se fait
également par des corps politiques représentatifs
créés par l'État; municipalités, communautés
régionales ou urbaines, commissions et conseils scolaires. Enfin,
d'autres organismes dépendant directement de l'État ont
été créés pour assurer la distribution de services:
maisons d'enseignement, hôpitaux et cliniques. "
Alors, c'est à partir de cette prémisse que l'action
publique, l'action gouvernementale se traduit non seulement par la
présence de ministères et d'organismes directement reliés
au gouvernement, avec des ministres qui ont une espèce de
responsabilité de tutelle, mais il y a aussi tout ce réseau des
organismes municipaux, des organismes scolaires, des organismes de santé
et de services sociaux. La commission a jugé bon de donner au terme
gouvernemental une extension qui se rend même jusqu'aux
sociétés d'État. On a eu une partie du débat, hier,
qui a porté justement, sur les sociétés d'État.
Est-ce qu'elles doivent ou pas être couvertes par la loi?
Il y a d'autres éléments aussi qui m'amènent
à prendre en considération votre mémoire à la
lumière d'un certain nombre d'autres avis qui nous sont
communiqués. La ville de Québec, par exemple, a soumis à
la commission Paré un mémoire au moment où la commission
préparait ses recommandations et sa proposition de loi. Ce qui a
été indiqué là-dedans, c'est que "de façon
générale, il nous apparaît opportun et pertinent que le
gouvernement du Québec se dote d'une loi-cadre de l'information,
établissant clairement les politiques à suivre dans la
divulgation des renseignements qu'il possède sur son administration,
celle des organismes publics
et parapublics, de même que sur les entreprises privées et
les simples citoyens. Une telle loi devrait établir les principes
régissant la divulgation des informations que possèdent les
municipalités sur leur administration et les affaires de leurs citoyens
contribuables, même si les municipalités ont bien moins de
renseignements que les organismes provinciaux sur ces derniers. "D'une
façon un peu générale, du moins si je m'en
réfère au mémoire produit par la ville de Québec,
il ne semblait pas y avoir d'opposition de fond, au niveau des principes, en
tout cas, quant a l'assujettissement à une éventuelle loi
d'accès à l'information gouvernementale.
Celle-là, c'était peut-être la plus succulente.
C'est une coupure de presse, qui figure dans la revue de presse que j'ai remise
hier à l'ensemble des parlementaires, où il était dit: "Si
le gouvernement du Québec légifère dans le sens des
recommandations de la commission Paré, la ville de Montréal fera
en sorte de les appliquer à l'hôtel de ville. C'est ce qu'a
déclaré le président du comité exécutif, M.
Yvon Lamarre, lundi soir au conseil municipal. " Je le cite, c'est entre
guillemets, j'espère que ses propos ont été
rapportés fidèlement: "Nous nous conformerons à ce qui
sera adopté par le gouvernement québécois même si
notre administration est l'une des plus transparentes qui soient. "
À la page 15 de votre mémoire, M. le président,
vous indiquez dans une phrase: "Les petites agglomérations, qui
constituent le bassin le plus important de production d'archives municipales au
Québec, ne disposent que de faibles ressources à consacrer
à ce secteur. " Là-dessus, je suis bien prêt à vous
croire. La municipalité de Saint-André-d'Acton a certainement
moins de ressources humaines pour donner suite à une telle proposition
de loi que ne peuvent en avoir des municipalités comme Montréal,
Québec, Laval, Sherbrooke, Trois-Rivières, Chicoutimi et bien
d'autres. Mais - et là-dessus ce sera intéressant de questionner
tantôt le représentant de l'Union des conseils de comté du
Québec - dans le mémoire de l'Union des conseils de comté
du Québec, à moins que je ne me trompe, si j'ai bien lu leur
mémoire, il ne semble pas y avoir d'opposition de principe à ce
que l'éventuelle loi puisse s'appliquer aux municipalités.
On dit, à un certain moment donné: "L'Union des conseils
de comté croit qu'il est temps que la province suive l'exemple des
autres pays et se dote d'une loi sur l'accessibilité à
l'information et sur la protection des renseignements personnels. Mais un tel
projet de loi doit être envisagé avec prudence; - ce avec quoi
d'ailleurs on est d'accord. - II doit permettre au citoyen de requérir
l'information voulue, mais tout en laissant une certaine autonomie de gestion
aux organismes assujettis à une telle loi. À notre avis, de
telles mesures devraient aussi s'appliquer aux organismes privés telles
les compagnies de finance et compagnies d'assurance. " On pourrait
peut-être en discuter un peu plus tard. On ajoute: "Les organismes dont
les décisions touchent de près ou de loin le grand public
devraient être soumis à une loi sur l'accessibtlité
à l'information". J'insiste beaucoup sur cette phrase: "... touchent de
près ou de loin le grand public... " Parce qu'un des autres aspects de
votre mémoire c'est de dire: Nous sommes le palier d'administration
publique qui est probablement le plus près des citoyens.
Dans ce contexte je me dis: S'il y a un niveau où on devrait
d'emblée être ouvert aux principes de l'accès à
l'information gouvernementale et de la protection des renseignements
personnels, c'est bien dans ces administrations qui sont justement très
proches des citoyens, les commissions scolaires, les municipalités et
les établissements de santé et de services sociaux qui desservent
la population dans chacune des localités ou régions du
Québec. Mon Dieu, oserais-je ajouter - si ça peut vous amener
à réagir à ces commentaires -la position que
déjà nous a annoncée hier l'Opposition dans le document
qu'elle a présenté. À la page 4: "Quatrièmement, on
sait que le ministre commence à patiner autour de la question de
l'étendue de l'application de la loi, à savoir, par exemple, si
les municipalités devraient être assujetties ou non à la
loi. " D'abord, une parenthèse et une question de privilège.
J'aimerais indiquer que la seule remarqua que j'ai faite publiquement,
relativement à l'extension d'une loi d'accès à
l'information gouvernementale, portait sur les sociétés
d'État et non pas sur les municipalités. Je disais que dans le
cas des sociétés d'État, qui sont pour plusieurs d'entre
elles, sinon la très grande majorité, en position de concurrence
avec le secteur privé, il y a certainement des éléments
dont il faut savoir tenir compte et agir avec prudence dans ce secteur. Je
n'avais fait aucune déclaration sur les municipalités; de toute
façon, je poursuis le texte de l'Opposition officielle. "Nous
reconnaissons le défi d'encadrer dans la trame d'un unique projet de loi
la diversité d'institutions visées dans le rapport de la
commission Paré. Cependant nous sommes persuadés à ce
propos qu'il ne faut ni retarder le dépôt d'un projet de loi, ni
laisser tomber les institutions "non ministérielles" de son
étendue. Un projet de loi déposé cet automne devrait viser
toutes les institutions recommandées par la commission, mais avec des
échéanciers d'un an ou deux pour les organismes qui en
démontrent la nécessité. " Là-dessus, je pense que
ce sont des choses qu'on peut très
probablement discuter entre nous.
Voilà, M. le Président, quelques remarques que je fais
tout en sachant que vous posez un problème de taille. J'admets avec
vous, par exemple - là-dessus, je suis prêt à me mettre
d'accord avec vous très rapidement - que la commission, pour certaines
de ses recommandations et certains des articles de la proposition de loi, les
formule très souvent en ne tenant compte que de l'existence du Conseil
des ministres. Or, il y a tout un processus décisionnel qui a cours dans
les administrations municipales, en particulier au comité
exécutif, où, à mon avis, une éventuelle loi, si
jamais on décide de retenir les municipalités, devrait aussi, par
analogie, faire les mêmes réserves que pour le Conseil des
ministres. Cela m'apparaît une des recommandations fort positives qui est
contenue dans votre mémoire. Il y en a d'autres relatives au travail sur
le plan des ressources humaines et ensuite toutes les ressources
matérielles nécessitées, les ressources
financières. Je vous avoue, là-dessus, que nous sommes encore
à l'étape d'exploration, parce que effectivement, il est
très difficile, à ce moment-ci, de donner des chiffres
très précis sur le coût d'une telle réforme, car,
effectivement, il y a toute cette question de création d'une commission
pour l'établissement de répertoires, de catalogues. (11
heures)
On a l'impression qu'il y a beaucoup de paperasse là-dedans et je
vous avoue que mon objectif de départ est de me dire: Est-ce qu'on peut
réfléchir en se disant qu'il n'est pas nécessaire de
créer un nouvel organisme? Est-ce qu'on peut réfléchir en
se disant que les ressources qui existent déjà peuvent suffire?
Est-ce qu'on peut réfléchir en se disant qu'à même
les crédits budgétaires qui existent dans chacun des
ministères et organismes publics, on peut réussir à
atteindre les objectifs de la commission Paré? C'est, je pense, le point
de départ à partir duquel il faut réfléchir et non
pas en se disant: II faut maintenant construire une nouvelle bureaucratie et
retomber finalement dans un vice qu'on veut, jusqu'à un certain point,
éviter par une telle loi d'accès à l'information
gouvernementale.
Voilà quelques remarques. Je vous indique un
élément sur lequel je suis prêt, a priori, à vous
donner raison et je vous demande aussi de réagir, parce que ce n'est pas
contenu dans votre rapport, sur toute la dimension de la protection des
renseignements personnels. Que font les municipalités en ce moment?
Est-ce que les municipalités considèrent que les dispositions
contenues dans la proposition de loi pourraient être applicables au
niveau des municipalités, parce que, quand il s'agit de protéger
le caractère confidentiel des renseignements que nous détenons,
quelque administration que ce soit sur les individus, il m'apparaît qu'il
y a là un droit fondamental en cause?
Qu'est-ce que vous pensez aussi de cette protection, de cette
confidentialité à préserver en ce qui regarde les services
policiers municipaux, parce qu'il y a des articles qui s'appliquent, entre
autres, sur le plan québécois, pour la Sûreté du
Québec? Qu'est-ce que vous pensez de l'extension qui sera faite aux
municipalités, si on inclut les services policiers municipaux?
J'ajouterai même que, dans la liste qui nous a été fournie
par le ministère des Affaires municipales, on ne parlait pas des
services de police. Ce qui ferait que le chiffre de 3156 pourrait monter
à quelque chose comme 3400 ou 3500.
Vous voyez donc que je suis sensible à vos
représentations, parce que je mesure l'envergure de la réforme,
si jamais on décide d'y inclure les municipalités, je vous avoue
que je me serais attendu, avec, bien sûr, toutes les réserves
nécessaires, que l'Union des municipalités indique qu'elle
était prête à aller de l'avant avec une réforme qui
ne peut qu'être bénéfique finalement, non seulement aux
citoyens pour l'accès à l'information et pour la protection de
leurs renseignements, mais aussi même pour les municipalités, dans
leur fonctionnement. Je pense qu'il y a, à l'occasion de cette
réforme, de nombreuses réformes qu'on peut effectuer, et Dieu
sait que le gouvernement du Québec peut en faire un grand nombre
à ce point de vue sur le plan de la gestion des documents, entre autres,
qui vont être extrêmement bénéfiques à
l'administration gouvernementale.
Je sais aussi qu'il y a des lois qui existent, entre autres, dans le
Code municipal, il y a des articles de loi qui définissent un certain
nombre d'éléments de renseignements à donner au public,
d'archivage, de gestion des documents, etc., et qu'il va falloir, bien
sûr, là-dessus, la commission Paré nous y invite, voir
à établir des concordances et savoir si vraiment la loi a
prépondérance sur toutes les autres lois qui traitent du
même sujet.
M. le Président, j'ai peut-être été un peu
long, mais votre mémoire est tellement important dans le contexte des
décisions que nous allons prendre, qu'il m'apparaissait fondamental
d'établir un certain nombre de choses au niveau des principes,
d'indiquer notre volonté de voir comment tout ça pourrait
être travaillé pour répondre à certaines de vos
demandes, mais j'aimerais quand même sentir si l'Union des
municipalités est un peu plus ouverte tout de même que ne le
laisse voir le mémoire.
M. O'Bready: Je pense, M. le ministre, si vous me permettez une
réponse aussi brève que possible, que l'Union des
municipalités n'a jamais dit qu'elle était contre le
principe: on dit exactement l'opposé de ça, nous sommes d'accord
avec la philosophie et les objectifs de la commission Paré. Ce que nous
avons voulu démontrer, c'est que comme dans le mandat original -
personne ne peut le nier, j'ai l'arrêté en conseil 2807-80, du 3
septemhre -il n'était pas question des municipalités du
Québec, je ne nie pas que ce soit certainement de bonne foi que la
commission Paré ait dit: II serait peut-être opportun de
l'appliquer aux municipalités du Québec. Vous avez indiqué
vous-même tantôt qu'il y avait au-delà de 3000
municipalités, organismes, etc., qui seraient affectés. Nous
pensons que c'est quand même suffisamment important pour qu'on puisse
retarder l'application des recommandations pour regarder spécifiquement
- parce qu'il y a 3000 municipalités, organismes, conseils
exécutifs, comités de loisirs - ce que cela peut donner en termes
d'échéancier réaliste, en termes de priorités pour
les municipalités, en termes de moyens financiers pour le faire.
Je ne voudrais surtout pas donner à la commission l'impression
que nous sommes contre l'accès à l'information. On le dit,
d'ailleurs, si vous regardez les conclusions de notre mémoire, l'avis
des municipalités a démontré dans le passé que nous
n'avons pas d'objection à informer. Cela se fait de plus en plus dans
toutes les municipalités, à la mesure de leurs moyens.
C'était là essentiellement ce que nous voulions dire.
D'ailleurs, on ouvre la porte, dans la conclusion, en suggérant
qu'une des recommandations que la commission propose, c'est d'étudier
l'éventuelle application de ces trois organismes, etc. On est d'accord
avec cela. On pense que de prolonger d'un trait toutes les recommandations de
la commission Paré aux municipalités du Québec, sans que
les municipalités, de bonne foi, je le répète, n'aient
peut-être participé plus activement aux travaux de la commission -
on pourrait nous en faire le reproche - il faut dire que nous avions
interprété l'arrêté en conseil comme ne regardant
pas les municipalités. Au moment où cette commission s'est mise
en marche, elle arrivait en même temps que nous effectuions des travaux
en matière de fiscalité, en matière d'aménagement
du territoire, en matière d'assainissement des eaux, en matière
de transport en commun, en matière de loisirs, en matière
d'habitation, et j'en passe. Vous comprendrez qu'avec les ressources dont nous
disposions, il était peut-être difficile pour nous autres de
réagir à ce moment.
Ce que je voudrais dire, en terminant, c'est que l'Union des
municipalités ne s'opposera jamais à travailler, soit avec le
ministère des Communications ou avec la commission Paré ou une
autre commission, à regarder l'application des dispositions sur
l'accès à l'information dans le monde municipal.
Très rapidement, également, sur la protection des droits
des personnes en matière de documents, on n'a pas tellement
touché à cela. Encore là, il y a certainement des choses
qui s'appliquent aux municipalités, je vous le concède.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Marguerite-Rourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, le ministre, en terminant,
s'est excusé d'être un peu long. Je voudrais le rassurer, il n'est
jamais un peu long.
M. Bertrand: C'est un vrai chum, ce gars-là!
M. Lalonde: Je vais essayer d'être court, tout simplement.
Je voudrais remercier M. O'Bready et ses collègues pour le
mémoire qu'ils ont présenté, qui constitue sûrement
un jugement assez sévère. On semble reconnaître un certain
nombre de conséquences de réformes qui ont été
apportées depuis quelques années de façon assez
accélérée au monde municipal. En ce qui nous concerne, du
Parti libéral, nous avons au départ présumé que le
gouvernement allait sauter sur l'occasion pour donner l'effet le plus large
possible à une législation qui semble être attendue par
à peu près tout le monde. C'est pourquoi dans notre
mémoire, nous n'avons exprimé aucune opposition, au contraire,
à ce que de telles dispositions législatives s'appliquent aux
différents niveaux de gouvernement, et davantage - je partage
là-dessus l'avis du ministre - aux gouvernements qui sont les plus
près des citoyens, les gouvernements municipaux. La seule crainte que
nous avions, c'est que nous prévoyions les problèmes, les
préoccupations, et nous ne voulions pas que, compte tenu de
l'étendue de ces problèmes qui peuvent se résumer à
des coûts, le gouvernement craigne de légiférer maintenant
en prenant prétexte de ces problèmes pour dire: On va remettre
cela à plus tard.
Je pense que les assurances que nous avons obtenues du ministre, soit
dans ses remarques préliminaires d'hier, ou encore dans ses questions,
ses commentaires, sont jusqu'à maintenant rassurantes. Votre
préoccupation, à part du fait que le mandat de la commission - en
fait, ce n'était pas une commission d'enquête, mais une
espèce de groupe d'étude - ne semblait pas de façon
explicite comprendre les municipalités, je m'aperçois, en lisant
votre mémoire, qu'il s'agit d'une question de coût, entre autres.
Dans tout votre mémoire, vous acceptez le principe d'emblée; en
fait, vous dites que vous êtes non seulement en faveur, mais que vous
avez été dans ce sens d'informer les
citoyens le plus possible jusqu'à maintenant. Vous faites donc un
acte de foi, mais vous dites: On est obligé de payer, et les coûts
ne sont pas évalués. Je ne pense pas -d'ailleurs, vous l'avez dit
explicitement - que vous soyez en mesure... Vous demandez: La commission
a-t-elle calculé des coûts d'application de la réforme pour
les villes? Je présume que l'union n'a aucune idée précise
de ces coûts.
J'ai été un peu surpris de voir ça parce que
j'avais cru que la réforme de la fiscalité municipale vous avait
donné des ressources additionnelles tellement considérables que
ça devait devenir une préoccupation secondaire de savoir combien
ça coûterait, ces choses. Peut-être pourriez-vous nous dire
si vous êtes rendus tellement serrés que vous devrez augmenter les
taxes ou faire des coupures. Si vous voulez avoir des idées à
savoir comment on fait ça, allez voir le groupe des onze; eux le savent,
mais ils sont plutôt du côté d'augmenter les taxes.
J'aimerais savoir si vous avez une idée, au moins, de l'ampleur
des coûts. Deuxièmement, quelle période d'application ou de
transition serait nécessaire, pour une municipalité moyenne, pour
que les coûts soient réduits de façon considérable,
de sorte qu'on n'oblige pas les municipalités à faire soit de la
chirurgie, d'un côté, ou d'augmenter les taxes, de l'autre?
M. O'Bready: Écoutez, M. le député, sur le
plan des coûts c'est sûr que nous n'avons pas eu le temps
d'établir une facture globale. Lorsqu'on parle, par exemple, de gestion
documentaire et tout ça, pour les petites municipalités - je le
soulignais - qui n'ont qu'un secrétaire-trésorier ou un greffier,
bien souvent, comme fonctionnaire, ça pourrait être
compliqué. Il faudrait voir quel serait le coût pour la
municipalité, mais je pense qu'il serait quand même important, eu
égard à toutes les autres priorités auxquelles on doit
quand même faire face dans le vécu de tous les jours.
Deuxièmement, je suppose qu'une période de transition de
cinq ans serait réaliste, mais une période aussi courte qu'une
année ne serait certainement pas réaliste. En traînant sur
cinq ans, il pourrait peut-être y avoir un moyen terme, mais je pense
bien qu'on ne pourrait pas demander... Au Québec, la ville de
Montréal, la ville de Laval, la ville de Longueuil, la ville de
Québec sont très bien structurées, mais il y a de toutes
petites municipalités. Je n'ai pas d'idée. De plus, avec la mise
en place des municipalités régionales de comté, avec
toutes les autres réformes dans le monde municipal - certaines
étaient attendues depuis longtemps, on ne le conteste pas - il faut
quand même une période pour digérer tout ça. C'est
un peu le sens de nos représentations dans ce domaine.
M. Lalonde: Alors, vous parlez de cinq ans...
M. O'Bready: Je donne ça comme ordre de grandeur parce
que...
M. Lalonde: Oui, on parlait, nous, d'un an ou deux, mais
seulement en hypothèse. Il faut se rappeler - le ministre sera
sûrement prêt à le faire - que dans les réformes en
profondeur pour diminuer les coûts la question de temps est un
élément absolument essentiel. Qu'on prenne, par exemple, un
exercice auquel les gouvernements successifs se sont adonnés, c'est la
francisation des entreprises. L'élément coût était
justement influencé, mais d'une façon majeure, par le temps qu'on
donne aux entreprises pour s'ajuster. Il y a des programmes de francisation sur
des périodes de deux, trois, quatre ou cinq ans. Ce que je veux dire,
c'est qu'il ne faut pas s'inquiéter de cette période
d'application de cinq ans ou de quatre ans. Le plus vite, c'est le mieux mais,
d'un autre côté, la question de coût est tellement
importante qu'il est réaliste de penser en termes d'années. (11 h
15)
M. Bertrand: Je veux indiquer au député de
Marguerite-Bourgeoys, et devant l'Union des municipalités - je l'ai dit
hier, d'ailleurs - que toutes les questions de délai d'application de la
loi et tous les autres délais à chacun des articles ont
été placés là par la commission comme points de
repère, j'ai l'impression, en se fiant sur une analyse sommaire. Mais
cela implique effectivement - on s'en rend compte de plus en plus en prenant
connaissance de toutes les difficultés d'application d'une telle loi pas
simplement pour l'Union des municipalités et l'ensemble des
municipalités, mais aussi pour le gouvernement, ses ministères,
ses organismes - des changements non seulement au niveau des mentalités,
ce qui est très important, mais au niveau des structures, au niveau de
l'utilisation des ressources humaines, matérielles et
financières.
Alors, il faut quand même, je pense, pour que la réforme
soit sérieuse, qu'elle soit vraiment opérationnelle et qu'elle
puisse partir sur le bon pied, qu'on y mette le temps nécessaire, pas ce
temps qui justement, à toutes fins pratiques, équivaudrait
à dire: On n'y croit pas vraiment et on n'a pas vraiment l'intention
d'aller de l'avant avec une telle réforme. Je pense que notre
volonté est là; elle est là partagée autant par
l'Opposition que par le gouvernement. Il s'agit, cependant, d'avoir
l'intelligence nécessaire pour comprendre qu'il y a un certain nombre de
contraintes et qu'il faut en tenir compte dans l'établissement des
délais.
M. Lalonde: Je vous remercie, en
terminant, M. O'Bready et vos collègues. Je voudrais être
bien sûr que le ministre nous a compris. Quand on parle de temps, on ne
parle pas d'attendre une période de quatre ans avant de
légiférer. Il faut légiférer maintenant mais que
cela entre en vigueur sur une période de temps.
M. Bertrand: J'ai compris cela aussi. C'est cela.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Moi, je suis heureux, dans un certain sens, de
constater que, contrairement à la tradition, l'Union des
municipalités, qui systématiquement, dans le passé,
demandait au gouvernement des changements, demande maintenant qu'il n'y en ait
plus. Il y a eu un changement à ce niveau; même que l'Opposition
reconnaît que les changements sont arrivés en assez grand nombre
récemment.
Je voudrais m'attarder un peu à une autre partie du
mémoire qui traite des huis clos. J'ai vécu pendant quatre ans la
vie de conseiller municipal et j'ai débattu, à ce
moment-là, la nécessité ou le manque de
nécessité des huis clos. Même, je considérais,
pendant toute cette période de temps là, que les huis clos
étaient effectivement une perte de temps, puisque les discussions qui
ont lieu à huis clos sont reprises dans la salle si on veut donner
l'information à la population quand le public est là. Je voudrais
demander à l'Union des municipalités si elle ne serait pas
prête à accepter qu'il y a effectivement des domaines où le
huis clos est non seulement nécessaire, mais obligatoire. Qu'on pense,
par exemple, à une discussion qui aurait lieu dans un conseil de ville
sur la qualité du travail d'un cadre municipal ou dans un domaine
où il y aurait des possibilités de spéculations
foncières. Est-ce que l'Union des municipalités serait
prête à accepter qu'il y a des domaines qui peuvent et qui doivent
être traités à huis clos et d'autres dont les discussions
devraient avoir lieu face à la population?
M. O'Bready: Je pense que je l'ai mentionné tantôt:
La Loi sur les cités et villes fait que les conseils de ville
siègent publiquement; donc, toutes les décisions ou toutes les
discussions se font publiquement. Vous semblez être d'accord avec nous
quand on dit qu'il y a des dossiers ou des sphères d'activité qui
doivent être discutés à huis clos. On pourrait penser, par
exemple, aux négociations des conventions collectives, à la
préparation de budgets, à l'étude de projets
d'implantation immobilière où les promotteurs ne sont pas
nécessairement intéressés à ce qu'on laisse savoir
à tout le monde ce qu'ils envisagent. En fin de compte, je sais qu'il y
en a d'énumérés, il y a déjà des exceptions
prévues dans la loi. On dit: Pour certains de ces sujets, les conseils
de ville pourraient siéger à huis clos. Mais vous savez, il est
fort risqué parfois de faire des énumérations parce qu'on
risque d'oublier des choses et cela peut faire tout un paquet d'histoires. On
va demander aux municipalités, incidemment, de mettre en vigueur un
nouveau rôle d'évalutation. Vous allez me dire: À
première vue, le rôle d'évaluation ne comporte
peut-être pas de discussions à huis clos, mais cela peut en
comporter sur certains aspects, sans vouloir jouer au spécialiste de
l'évalutation. Il y a certaines discussions qu'on désire avoir
avec le directeur financier d'une ville ou avec le directeur des ressources
humaines; vous l'avez souligné vous-même tantôt, en
matière de discipline, par exemple, d'un fonctionnaire, d'un
salarié, quoi que ce soit.
Je vous dirai que j'ai dix ans, presque onze ans, de vie politique
municipale, maintenant, quatre ans comme conseiller et sept ans comme maire, et
90% de nos affaires peuvent se discuter publiquement. C'est ce qu'on fait
d'ailleurs. Et je l'ai mentionné tantôt. Il ne faut quand
même pas faire une chasse aux sorcières et penser que les conseils
de ville concoctent dans des endroits mal famés des choses au
détriment de la population. Je ne pense pas que ce soit le cas.
Il y a des choses qui doivent être discutées à huis
clos et je pense que quand on parle d'autonomie municipale, M. le
député, quand on parle de valorisation du pouvoir municipal, si
on veut nous valoriser, les collectivités locales ou les élus
municipaux, il faut quand même penser qu'on est assez intelligent pour
faire la part des choses à un moment donné. Si un conseil
siège à huis clos et ne dévoile strictement rien à
sa population, j'ai bien l'impression qu'aux prochaines élections il va
faire un bout de chemin dans la direction de la porte.
Je pense que les conseils doivent être assez grands garçons
pour s'autodiscipliner. Qu'il y ait des règles du jeu d'établies,
j'en suis. On dit qu'il y en a déjà pour le monde municipal.
Qu'on les bonifie, je n'ai pas objection. Mais pas tout changer d'un trait de
plume comme cela.
M. Tremblay: Je pense que là où il pourrait y avoir
une divergence, c'est qu'il y a une partie de la population qui croit que les
délibérations des conseils et de l'administration publique
devraient se faire d'une façon ouverte et d'autres qui croient, comme
vous l'avez dit, que le conseil devrait pouvoir dévoiler. Et il n'est
pas question de dévoiler. Il est question que toute cette administration
se fasse au vu et au su de tout le monde.
Vous notiez au début de votre réponse que les conseils
municipaux étaient obligés
de par la loi de tenir leurs séances en public. C'est très
vrai et c'est reconnu. Ce qu'ils ne sont pas obligés de faire, c'est de
tenir leurs délibérations, leurs discussions en public. C'est
souvent là que c'est important; pour un citoyen, par exemple, qui se
présente à une assemblée d'un conseil municipal, il est
beaucoup plus important pour sa compréhension de connaître les
discussions, parce que bien souvent la décision arrive et il n'est pas
au courant des discussions qui ont eu lieu. Sa position n'est pas la
même. S'il peut participer et connaître les raisons pour lesquelles
les conseillers et le maire sont allés dans une direction, à ce
moment-là, il va mieux comprendre la décision.
Je pense que ce serait faux de dire que présentement les
délibérations des conseils municipaux - en général,
il y en a qui siègent publiquement et je ne pense pas que cela leur
fasse grand mal - sont publiques. Les décisions, une fois prises en
caucus, sont rendues publiques à l'assemblée face aux
électeurs. Mais les discussions comme telles n'ont pas lieu
là.
M. O'Bready: Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a quand
même d'autres moyens qui ont été pris. La promotion des
partis politiques municipaux, par exemple, va certainement faire que des
délibérations vont avoir lieu plus fréquemment en
public.
Deuxièmement, la période de questions qui nous a
été imposée par la loi 105, il y a peut-être un an,
est une autre façon pour le citoyen de s'informer.
Ce que je veux simplement vous souligner, c'est qu'il y a quand
même des situations où il y absolument nécessité
d'avoir des délibérations privées. Je pense que le Conseil
des ministres, le cabinet, doit délibérer privément. Je
pense que, lorsqu'il y a des caucus de députés, vous souhaitez
délibérer privément. Je ne sais pas si les membres d'un
conseil de ville n'ont pas affaire à délibérer
privément également.
M. Tremblay: On publie nos documents d'avance, nous, par
exemple.
M. O'Bready: Vous ne publiez pas vos délibérations
d'avance, j'imagine, M. le député.
M. Tremblay: Bien sûr que les partis politiques, au niveau
municipal, peuvent avoir un caucus des conseillers de ce parti avant une
réunion. Mais ces réunions, comme c'est le cas du caucus qu'on
vient de tenir, c'est tenu en dehors des lieux et non couvert par les
fonctionnaires du gouvernement. Un caucus, c'est payé par le parti et
par les membres du parti qui y assistent. Ce n'est pas le gouvernement qui
participe à cela. Bien sûr, dans les municipalités, les
partis politiques municipaux trouveront sûrement la
nécessité de tenir un caucus à l'occasion pour s'entendre
d'abord sur l'orientation qu'ils devront favoriser au conseil. Mais ce dont on
parle, ce sont les caucus de tous les conseillers à l'intérieur
du conseil et avec la participation des fonctionnaires municipaux.
M. O'Bready: Je vous répète simplement que,
d'après moi, ça se fait dans la majorité des cas qui
regardent les dossiers municipaux, sauf qu'il y a évidemment certaines
situations où les délibérations - je vous en ai
mentionné quelques-unes tantôt, il peut y en avoir d'autres
malheureusement -... ce n'est pas que nous soyons contre le principe d'ouvrir
l'administration de nos villes, ce n'est pas ça, mais il y a des
situations, je vous le répète, qui font qu' il y a quand
même besoin d'une certaine "privacy", d'une certaine
confidentialité.
M. Tremblay: C'est reconnu - je fais juste remarquer ça en
terminant - par l'avant-projet de loi, à l'article 21.
M. O'Bready: II y a des choses qui sont... Je vous l'ai
mentionné tantôt, mais on risque toujours, avec des exclusions
comme ça, d'en oublier parfois et ça peut créer des
situations embarrassantes.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Gaspé.
M. LeMay: M. le maire, je tiens d'abord à vous
féliciter pour votre rapport. La première fois que je l'ai lu, je
dois vous avouer que je l'ai trouvé très négatif.
Après une seconde lecture, je me suis aperçu que c'était
peut-être un des rapports qui nous faisaient le plus
réfléchir - la commission -peut-être par la contestation de
certains éléments. C'est de ce côté-là que je
le trouve positif.
On a parlé tout à l'heure de la ville de Québec
qui, quand même, acquiesçait au rapport Paré. On a
même parlé de la ville de Montréal et de sa transparence,
même du rapport de l'Union des conseils de comté, qu'on aura le
plaisir d'entendre tout à l'heure. Je suis d'accord pour que, même
à l'intérieur de différentes villes, il y ait des
contestations différentes, des divergences de vue, mais ce qui me
surprend, ce qui m'a le plus surpris à l'intérieur de votre
rapport, c'est que vous contestez la solidité, si vous voulez, de la
commission Paré pour porter des jugements sur les municipalités.
Vous dites même que la commission Paré ne possède pas les
données nécessaires pour faire des recommandations
adéquates et applicables au milieu municipal.
Je me demande sincèrement comment il se fait que, ce matin, vous
venez mettre des boules dans l'arbre de Noël alors que vous
contestez le tronc.
M. O'Bready: Voici! Je vais répéter ce que j'ai dit
tantôt, je n'ai peut-être pas été assez clair, M. le
député. Je vous répète qu'au début, dans le
mandat de la commission Paré, il était question du gouvernement
et absolument pas des municipalités. C'est par interprétation,
comme l'a fait M. Bertrand tantôt - je ne me lancerai pas dans des
débats constitutionnels moi non plus - que les municipalités, on
ne le nie pas, mais en tout cas... Bon!
On n'était pas là au début, donc, les
municipalités n'ont pas senti le besoin d'intervenir au moment des
travaux de la commission et je précise que la ville de Québec n'a
pas réagi sur le rapport avant, elle a réagi sur le
bien-fondé d'avoir une commission et de rendre l'information accessible
à tous. La ville de Québec est absolument d'accord avec notre
mémoire ce matin que si, maintenant, on veut l'étendre aux
municipalités sans faire une recherche plus profonde, je pense qu'elle
dit: Hold the phone. C'est la même chose que nous autres. C'est ça
qu'on dit dans ça, premièrement.
Quand j'ai dit que la commission Paré n'avait pas l'"input" ou
les données pour parler du monde municipal, c'est forcément que
le monde municipal, n'étant pas concerné dans le mandat original,
il n'y a personne qui se soit trop trop préoccupé de lui donner
de l"'input". Si la commission Paré avait su que cela affectait, comme
M. le ministre Bertrand l'a dit tantôt, 3186 municipalités,
organismes, associations municipales, conseils exécutifs, d'urbanisme ou
autres, je ne sais pas ce que cela aurait donné si on n'avait pas dit
à ce moment-là: II n'est peut-être pas aussi facile que
ça d'appliquer toutes les recommandations.
Je pense qu'il est important qu'on précise cela bien clairement.
Le mandat original de la commission ne comprenait pas les municipalités,
et c'est pour ça que les municipalités n'ont pas réagi. La
ville de Québec a dit: C'est beau d'avoir une commission sur
l'information, c'est beau de faire un rapport, mais elle est d'accord avec nous
autres qu'il ne doit pas s'appliquer aux municipalités. Au début,
il ne s'appliquait pas aux municipalités.
Écoutez, je peux bien dire que c'est beau, la loi 101, parce que
ça ne me concerne pas, mais si, à un moment donné, ce qui
me concerne dans ça, je suis obligé d'y réagir... C'est
évident qu'on aurait peut-être préféré
réagir avant la production du rapport qu'après, parce qu'on a
l'air de faire des batailles d'arrière-garde, ce qu'on n'aime pas
nécessairement, mais c'est parce qu'au début on n'était
pas concerné. Ce n'est pas plus compliqué.
M. LeMay: Dans la conclusion de votre rapport, vous dites quand
même que vous êtes d'accord avec le principe...
M. O'Bready: Je l'ai dit tantôt, on est d'accord avec
l'accès du citoyen. Tout le monde est pour la vertu, on est
d'accord...
M. LeMay: Vous êtes d'accord, mais vous êtes...
M. O'Bready:... pour l'accès du citoyen à
l'information. On dit que cela ne peut pas se faire exactement comme c'est
préconisé ici dans le monde municipal et on dit pourquoi. On dit
aussi qu'on est prêt à poursuivre la recherche. Je pense qu'il y a
toute une différence. On n'est pas contre l'information, je ne voudrais
jamais qu'on nous fasse dire ça...
M. LeMay: Non, non, non! (11 h 30)
M. O'Bready: D'ailleurs, on en fait, de l'information. J'ai
cité à peu près quinze articles de la Loi des cités
et villes, de la loi 57 et de la loi 116 qui démontrent qu'on fait de
l'information. Rappelez-vous des fameux débats - je ne sais pas si vous
étiez ici - de la fameuse période des questions à la fin
des assemblées municipales; je peux vous dire que ça n'a pas
été facile. La période des questions à la fin des
assemblées municipales, cela existe quand même maintenant et c'est
une façon d'informer le monde. La publication de données
préliminaires à la préparation du budget, ça existe
également. Le contenu du compte de taxes, il existe également. Le
contenu de l'avis d'évaluation, il existe également. La
publication de bulletins mensuels, trimestriels et autres dans les
municipalités, ça existe également. Il ne faudrait pas
dire que les municipalités du Québec n'informent pas; là,
je ne suis pas d'accord.
M. LeMay: Je suis d'accord avec vous, il y a de l'information qui
est donnée. Je voudrais savoir. Vous semblez dire que vous êtes
d'accord avec le principe de la loi, mais que vous ne voulez pas être
inclus dans la loi.
M. O'Bready: On dit qu'on ne veut pas être inclus dans la
loi comme elle est faite; on propose, par la recommandation 7, de poursuivre
les études pour voir l'impact ou les implications de cette application
au monde municipal et à ses organismes paramunicipaux. Qu'est-ce que
cela pourrait donner? Qu'est-ce que cela pourrait coûter? Combien cela
peut-il prendre de temps? Comment cela vient-il en contradiction avec ce qui
existe actuellement? C'est ce qu'on veut dire, dans le fond.
M. LeMay: En fait, votre contestation se situe au niveau des
coûts et des délais?
M, O'Bready: Des coûts et des délai-, c'est cela.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Étant donné que le ministre nous a dit
qu'il ne patine pas sur l'application de la loi sur les municipalités,
étant donné aussi que vous dites être d'accord sur les
principes de la loi mais qu'un des problèmes semble être le fait
qu'il n'y a pas eu de données fournies à la commission
Paré, est-ce que je peux en conclure que l'Union des
municipalités serait prête, à ce moment-ci, à faire
des données concernant l'application de cette loi-cadre pour les
municipalités possiblement au moment de l'adoption d'un projet de loi en
commission parlementaire, par exemple? Est-ce que vous êtes prêt,
à ce moment-ci, à nous fournir ce que vous croyez être la
réalité municipale?
M. O'Bready: Si la loi est adoptée et qu'elle est
appliquée par le gouvernement du Québec dans une première
étape comme telle, on vivra des expériences, ce qui
n'empêchera pas le gouvernement du Québec de continuer son travail
avec les municipalités pour en étendre éventuellement
l'application aux municipalités du Québec, comme c'est
probablement arrivé pour d'autres lois qui ont commencé quelque
part et qui, à un moment donné, se sont étendues aux
municipalités, aux commissions scolaires, aux sociétés
d'État et autres. C'est ce que je dis.
Je ne suis pas contre l'adoption de la loi immédiatement; qu'on
l'applique au gouvernement, comme c'était prévu dans le mandat
original, et qu'on continue le travail pour l'appliquer éventuellement
aux municipalités.
M. Sirros: Êtes-vous prêt, à ce moment-ci,
à nous fournir les données qui permettraient que cette loi
s'applique aux municipalités le plus vite possible?
M. O'Bready: Je ne peux pas vous les donner aujourd'hui.
M. Sirros: Je me dis qu'une fois qu'on est d'accord sur le
principe de quelque chose, il faut prendre les moyens pour l'appliquer. Il faut
reconnaître aussi que chaque domaine a sa propre réalité,
il y a une réalité particulière concernant les
municipalités, vous êtes les personnes les plus directement
concernées et il nous semblerait logique, si vous êtes d'accord
avec le principe de l'application de la loi, que vous nous fournissiez votre
point de vue, un aperçu de vos besoins dans ce domaine-là le plus
rapidement possible.
M. O'Bready: Cela pourrait être fait.
M. Sirros: Si on avait un projet de loi dès l'automne,
est-ce qu'on pourrait s'attendre, s'il y avait des audiences en commission
parlementaire concernant l'adoption de cette loi, à vous revoir ici?
M. O'Bready: II faudrait regarder, il faudrait mesurer
l'application ou les implications de l'application de la loi aux
municipalités. Cela, on peut le faire, nous, mais remarquez qu'il y a
quand même 1600 municipalités au Québec. Je ne veux pas
parler pour mon collègue, M. Moreau, qui va venir ici tantôt, mais
il faudrait également vérifier ce que veut dire, pour les petites
municipalités, l'application de cette loi ou de ses dispositions. Que
les deux unions fassent leur travail, elles vont le faire, j'imagine.
Maintenant, est-ce qu'on peut le faire pour octobre? Vous me posez une question
à laquelle je ne peux pas répondre ce matin.
M. Sirros: Ma prochaine question a été
touchée un peu par le ministre tout à l'heure. Pourriez-vous
expliciter un peu sur le domaine de la protection de l'information concernant
les citoyens? Qu'est-ce que les municipalités font dans ce domaine?
Quels sont vos points de vue concernant cet aspect de la loi?
M. O'Bready: Très rapidement, il y a des secteurs
où c'est très précis. Je pense, par exemple, aux fiches en
ce qui concerne la confection des rôles d'évaluation. Je pense
également aux dossiers. M. le ministre parlait tantôt des dossiers
des services de police municipaux. Il est évident que ces dossiers
doivent demeurer confidentiels. Les fiches qui ont servi à la confection
des rôles d'évaluation ne doivent quand même pas être
accessibles à tout le monde. Il y a quand même des informations
confidentielles en matière de droit de la propriété. Il y
a, par contre, des documents qui sont parfois fournis aux administrateurs
municipaux. Là, je ne sais pas jusqu'à quel point on pourrait en
faire le tri. Il y a certainement des dispositions adoptées pour
protéger les droits des individus, la confidentialité de certains
documents qui peuvent regarder la vie personnelle des individus. On l'a
mentionné dans le document mais, encore là, il faudrait, je vous
le répète, faire une recherche plus poussée pour se
prononcer de façon vraiment rationnelle.
Le Président (M. Rochefort): Dernière question, M.
le député de Nicolet-Yamaska.
M. Beaumier: M. le Président, j'apprécie beaucoup,
comme tous les membres de la commission votre participation ce matin et la
qualité de votre intervention, c'est bien sûr. Je retiens, comme
tout le monde, l'essentiel, c'est que vous seriez prêt à
suggérer ou à aider la commission dans ses procédures
d'application de la présente loi. Sauf qu'il y a une petite
interrogation - j'espère que cela fait partie d'une boutade - concernant
le fait que vous vous prononcez, selon toute évidence, contre la
création d'une commission d'accès puisque, selon vous-même
et votre union, les membres de la commission ne sont pas responsables de leurs
gestes sur le plan politique. Cela m'inquiète un petit peu. Est-ce que
cela voudrait dire que - j'aurais deux volets à la question - cela
pourrait s'étendre à toutes les commissions existantes, comme la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, la
Commission des droits de la personne, la Commission de protection du territoire
agricole qui, selon votre opinion, ne sont pas responsables de leurs gestes sur
le plan politique?
Je pense à l'article 102 de la loi, où il est
créé justement cette commission d'accès; on voit que les
membres sont nommés sur proposition du premier ministre par une
résolution de l'Assemblée nationale du Québec. Je
m'inquiète un petit peu. Je vous dis, j'ai pris cela comme une boutade.
Je pense que cela peut rester à ce niveau. J'espère, d'une part,
que cela ne s'étendrait pas, votre opinion, aux autres commissions
existantes. D'autre part, il y a une responsabilité, selon le mandat et
selon la nomination, devant l'Assemblée nationale. J'aimerais que vous
m'expliquiez cela un petit peu.
M. O'Bready: J'aurais presque envie d'invoquer un amendement
quelconque pour protéger mes propres droits en répondant
là-dessus, mais de toute façon voici. Je pense que l'union n'est
pas nécessairement contre les commissions et ne traite pas les
commissions, quelles qu'elles soient, d'incompétence. Ce qui nous
inquiète, M. le député, c'est la prolifération de
commissions, de régies, d'organismes de contrôle et cela, je l'ai
déjà souligné lors du congrès de l'Union des
municipalités, peut-être un peu au grand désarroi de mon
ministre des Affaires municipales, M. Léonard, mais nous sommes
maintenant confrontés à de plus en plus de commissions. On parle
d'une commission sur l'accès à l'information. On nous parle aussi
d'une commission éventuelle pour la formation des adultes, il y a la
Commission de protection du territoire agricole, il y a la Commission de
l'aménagement du territoire. Je vous retourne la question. Il faudrait
peut-être qu'on fasse un débat de fond parce que ce n'est
peut-être pas ni le temps ni le lieu ce matin, ce n'est pas le sujet en
tout cas.
Il faudrait peut-être regarder comment le rôle des
municipalités du Québec va s'exercer dans cinq ans d'ici à
travers l'ensemble de toutes ces commissions. Il va nous rester quoi? Je vous
retourne la question. Je ne peux cas y répondre ce matin. Je n'ai pas
nécessairement de préjugés défavorables envers les
régies, commissions ou organismes, mais il faudra tantôt qu'on
fasse le partage si nous sommes ou si nous devons rester des élus.
Comment exercera-t-on notre rôle et comment la commission pourra-t-elle
exercer le sien sans qu'on se pile sur les pieds et sans qu'on soit
placés en contradiction? Je ne peux pas vous donner une réponse
plus précise que cela. Mais oui, nous sommes inquiets. Non, nous ne
sommes pas nécessairement anticommissions, mais tout dépendra de
la manière dont et les commissions et les municipalités pourront
fonctionner à l'intérieur de ce système.
M. Beaumier: À ce sujet, c'est la prolifération que
vous craignez plutôt que le fait qu'elles ne soient pas responsables.
M. O'Bready: Une commission, ce n'est pas responsable. Dans mon
texte, responsable est entre guillemets, "responsable devant des
électeurs". Il y a une différence, vous savez, des fois, dans la
façon de poser des gestes...
M. Beaumier: Devant des élus, c'est aussi bon des
fois.
M. O'Bready: Devant des élus, cela peut être bon
aussi. C'est cela que je vous dis. Il faudrait regarder les mécanismes.
Souvent, pour les fonctionnaires, c'est peut-être plus facile de poser un
geste que quand tu es élu. Je pense que vous en savez quelque chose. Moi
j'en sais quelque chose, en tout cas, comme maire.
Le Président (M. Rochefort):
Rapidement, M. le ministre.
M. Bertrand: Je voudrais remercier le président de l'Union
des municipalités du Québec et je veux qu'on se comprenne
très bien. Je suis de ceux qui croient que les municipalités,
dans leur très grande majorité, font des efforts de plus en plus
considérables pour mieux informer leur population. Déjà,
il y a des prescriptions de prévues dans les lois faisant obligation aux
municipalités d'informer la population et d'ouvrir les séances du
conseil municipal au public. Je note et je retiens de votre
présentation, ce matin, que, tout en nous invitant à prendre en
considération la situation particulière dans laquelle vous vous
trouvez, vous n'avez pas d'opposition de principe, mais vous voulez que nous
soyons suffisamment perspicaces
pour regarder de très près les problèmes que peut
poser l'application d'une telle loi sur le plan des coûts, sur le plan
des ressources humaines, sur le plan des délais et de
l'échéancier d'application. À ce point de vue, je tiens
à vous dire que je suis très content de voir que vous êtes
ici ce matin parce que je craignais que vous ne veniez pas. Vous n'aviez pas
transmis de mémoire à la commission Paré. Vous nous avez
dit pourquoi et je respecte votre opinion là-dessus. Mais j'avais
émis un communiqué de presse - si ma mémoire est bonne,
c'est autour du 13 août dernier; c'est exactement ça d'ailleurs,
le 13 août 1981 - pour dire qu'à la commission parlementaire, qui
devait siéger hier, aujourd'hui et demain, il n'y avait à cette
époque que cinq ou six organismes inscrits et qu'il manquait justement
des groupes comme le vôtre qui représentent des organismes
municipaux. Je regrette, d'ailleurs, qu'il ne viendra pas à la
commission des groupes qui représentent tout le monde scolaire. J'avais
fait une invitation spéciale en disant: II y a des organismes, comme les
sociétés d'État, les organismes municipaux, les organismes
scolaires, les établissements publics de santé et de services
sociaux, qui devraient se faire entendre à cette commission
parlementaire. En effet, comment peut-on aller de l'avant avec un tel projet si
on n'a pas votre point de vue et si on ne peut pas savoir exactement les
difficultés que ça pose pour vous autres? Je peux vous assurer
qu'on prend bonne note des remarques que vous nous avez faites et qu'on
essaiera, dans toute la mesure du possible, d'en tenir compte dans la
préparation du projet de loi.
M. O'Bready: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Rochefort): Je remercie les
représentants de l'Union des municipalités du Québec.
J'inviterais maintenant les représentants de la Corporation des
secrétaires municipaux du Québec à prendre place, s'il
vous plaît.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): Avant de donner la parole aux
représentants de la
Corporation des secrétaires municipaux, le député
de Marguerite-Bourgeoys aimerait se faire entendre.
M. Lalonde: Je voudrais simplement réagir aux derniers
propos du ministre en ce qui concerne le monde scolaire. Je pense que c'est
extrêmement important pour la protection des renseignements personnels,
etc., qu'ils se fassent entendre avant que la loi soit rédigée.
Je n'ai aucune idée pourquoi ils n'ont pas accepté l'invitation.
Peut-être que la coïncidence des séances de la commission
avec la rentrée est une des raisons, mais j'aimerais que le ministre
nous assure qu'il fera une autre invitation au moment de la préparation
du projet de loi au moins pour avoir la communication de ce monde scolaire qui
est extrêmement importante pour le sujet.
M. Bertrand: Je peux assurer le député de
Marguerite-Bourgeoys, comme je l'ai fait d'ailleurs en écrivant à
tous les organismes qui avaient déjà présenté un
mémoire à la commission Paré, que je vais communiquer -je
voudrais qu'on en prenne bonne note -avec, entre autres, la
Fédération des commissions scolaires du Québec pour qu'on
nous envoie au moins un mémoire que je pourrai faire remettre aux
députés de l'Opposition. De toute façon, il y a beaucoup
de mémoires que nous recevons au fur et à mesure de groupes qui
nous disent: On n'ira pas en commission parlementaire, mais on vous envoie nos
remarques. J'en ai remis hier toute une série à l'Opposition et
aux députés ministériels. Là-dessus, je pense que
vous avez tout à fait raison. J'aimerais beaucoup connaître leur
point de vue pour l'application de la loi, en ce qui concerne le réseau
scolaire.
Le Président (M. Rochefort): J'inviterais les
représentants de la Corporation des secrétaires municipaux
à s'identifier et à présenter leur mémoire, en vous
rappelant que vous avez tout au plus 20 minutes pour le faire.
Corporation des secrétaires municipaux du
Québec
M. Bélanger (Charles-Aimé): M. le Président,
MM. les commissaires, nous vous remercions de l'opportunité d'être
entendus auprès de votre commission. J'ai avec moi M. Gaétan
Lemieux, le deuxième vice-président de la Corporation des
secrétaires municipaux, Mme Marie-Andrée Levasseur, la
secrétaire administrative de la corporation, et moi-même, le
nouveau président de la corporation, Charles-Aimé
Bélanger.
M. le Président, MM. les membres de la commission, la Corporation
des secrétaires municipaux du Québec est un organisme sans but
lucratif dont la fondation remonte à 1939. La Corporation des
secrétaires municipaux, telle qu'elle est connue à l'heure
actuelle, a obtenu ses premières lettres patentes en 1967,
succédant ainsi à l'ancienne Association des secrétaires
de municipalités. Je vais aller aux principaux objectifs pour respecter
le temps qui m'est alloué. (11 h 45)
La Corporation des secrétaires municipaux du Québec compte
actuellement 967 membres et dans les principaux objectifs
qu'elle poursuit il y a les suivants: promouvoir, par l'étude et
la recherche, l'amélioration des méthodes administratives et
financières des corporations municipales; ajuster le cahier de charges
du secrétaire-trésorier en fonction des nouvelles exigences en
réévaluant les tâches, devoirs et responsabilités du
secrétaire-trésorier; orqaniser et tenir des conqrès,
conférences et journées d'étude pour la promotion et le
développement de la gestion municipale; de façon
générale, donner tous les renseignements pertinents à la
fonction de secrétaire-trésorier en particulier et
d'administrateur municipal plus généralement.
Pour atteindre ses objectifs, la Corporation des secrétaires
municipaux s'appuie sur divers comités, dont les principaux sont: le
comité exécutif, le conseil d'administration. Il y a aussi les
comités de travail qui sont au nombre de neuf, bien que la charte laisse
entière liberté en ce domaine; les comités formés
en 1980-1981 s'occuperont de l'organisation, du fonctionnement et de
l'animation des 17 zones, du statut du secrétaire-trésorier, de
son milieu de travail, des relations de travail, de l'information, de
publicité et de marketing, de la législation, du perfectionnement
de ses membres, de finances municipales, et enfin, de l'organisation du
congrès annuel, des colloques et autres activités
spéciales.
Le comité permanent, Union des conseils de comté du
Québec et Corporation des secrétaires municipaux du
Québec, comité où siègent, comme son nom l'indique,
des représentants de l'Union des conseils de comté du
Québec et des représentants de la Corporation des
secrétaires municipaux du Québec, vise à établir
entre ces deux organismes du monde municipal un dialogue constant sur des
problèmes communs.
La Corporation des secrétaires municipaux du Québec est
aussi membre de la Fédération des officiers municipaux du
Québec. Le but de notre intervention auprès de la commission
aujourd'hui est de vous faire savoir que la corporation se préoccupe
grandement de gestion de documents. Ainsi, le comité de perfectionnement
a mis sur pied cette année quatre cours de perfectionnement dont un de
ces cours porte justement sur la gestion des documents municipaux. Ces cours
ont été créés suite à des demandes
répétées de la part de nos membres, lesquels sont aux
prises avec l'obligation de garder les documents municipaux sans avoir jamais
eu de directives précises sur la manière précise dont ceci
doit être fait. Une archiviste professionnelle a analysé la nature
exacte des problèmes auxquels sont confrontés les
secrétaires municipaux face à la gestion des documents
confiés à leur garde. Le système de classement
proposé s'avère assez souple pour que chacun puisse l'appliquer
au sein de sa propre administration municipale. Un guide de classement est
disponible et comprend les instructions de classement et un plan de classement
suivant lequel les documents doivent être ordonnés. Un index de
sujets accompagne aussi le plan de classement afin de permettre à
l'utilisateur de repérer la cote exacte du dossier dans lequel il doit
classer le document.
Ce cours qui s'est donné jusqu'à maintenant à trois
endroits différents de la province répond manifestement à
un besoin urqent et semble s'avérer un moyen efficace de répondre
aux exigences de garde des documents municipaux, exigences stipulées
dans le Code municipal et dans la Loi sur les cités et villes.
Nous en venons à la problématique, M. le Président.
La Commission d'étude sur l'accès du citoyen à
l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements
personnels, la commission Paré, dans son rapport intitulé
Information et liberté, met en relief certains articles du Code
municipal qui définissent déjà les devoirs et obligations
du secrétaire-trésorier en regard des documents publics. À
l'article 139, il est dit: "Tout officier qui a cessé d'exercer sa
charge doit livrer dans les huit jours suivants, au bureau de la corporation,
les deniers, clés, livres, papiers, objets, insignes, documents et
archives ressortissant à cette charge. "Au cas de décès ou
d'absence de la province de la part de cet officier, ses représentants
doivent faire telle livraison dans un mois de ce décès ou de
cette absence. "
Article 140. "La corporation possède, en sus de tout autre
recours légal, un droit d'action pour recouvrer par saisie
revendication, de tel officier ou de ses représentants, tous tels
deniers, clés, livres, papiers, objets, insignes, documents ou archives,
avec frais, dommages et intérêts. "Tout jugement obtenu sur une
semblable action peut être exécuté par contrainte par corps
contre la personne condamnée. "La corporation peut exercer les
mêmes droits et recours contre toute personne détenant lesdits
effets et refusant de les rendre. "
Article 161, paragraphe a) et b). "Le ministre des Affaires municipales
peut, par règlement, après consultation avec le ministre des
Affaires culturelles: "a) établir des règles concernant la
conservation et la destruction des pièces dont le
secrétaire-trésorier a la garde; "b) déterminer lesquelles
de ces pièces, sur résolution du conseil, peuvent être
distraites de la garde du secrétaire-trésorier ou autrement
conservées, aliénées ou détruites, nonobstant toute
disposition
législative au contraire, mais sous réserve, toutefois, de
la Loi sur les biens culturels. "
À l'article 169: "Le secrétaire-trésorier doit
tenir un répertoire dans lequel il indique sommairement et par ordre de
date tous les rapports, procès-verbaux, actes d'accord, actes de
répartition, rôles d'évaluation, rôles de perception,
jugements, cartes, plans, états, avis, lettres, papiers et documents
quelconques qui sont en sa possession durant l'exercice de sa charge. "
À l'article 170: "Les livres de comptes du
secrétaire-trésorier, les pièces justificatives de ses
dépenses, de même que tous les registres ou documents en sa
possession comme archives de la corporation peuvent être consultés
par toute personne qui en fait la demande les jours de bureau, entre neuf
heures et seize heures. "
À l'article 171: "Le secrétaire-trésorier est tenu
de délivrer à quiconque en fait la demande, sur paiement des
honoraires exigibles en vertu du tarif fixé par le conseil et qui
doivent être versés dans le fonds général de la
corporation, des copies ou des extraits de tout livre, rôle,
régistre ou autre document faisant partie des archives. "Le ministre des
Affaires municipales est autorisé à établir, par
décret, les honoraires exigibles en vertu du premier alinéa.
À compter de la date de ce décret et a l'intérieur du
cadre ainsi fixé, le conseil peut exiger le tarif qu'il juge convenable,
à défaut de quoi la délivrance de ces documents est
gratuite. À la demande du conseil, le ministre peut autoriser celui-ci
à fixer un tarif comportant des honoraires plus élevés que
ceux faisant l'objet du décret. "Il est aussi de son devoir de
transmettre sans délai, par la malle, à la place principale
d'affaires de toute corporation, compagnie de chemin de fer, ou de tout autre
contribuable qui n'a pas sa place d'affaires ou son domicile dans la
municipalité, et qui aura produit au bureau de la corporation une
demande générale à cet effet, et fait connaître
telle place principale d'affaires, une copie certifiée de tout avis
public, règlement, résolution, procès-verbal,
déposé pour homologation ou homologué, qui affecte cette
corporation, cette compagnie ou ce contribuable, ainsi qu'un extrait
certifié du rôle d'évaluation, comprenant
l'évaluation des biens imposables de telle corporation, telle compagnie,
ou tel contribuable avec un mémoire des honoraires exigibles en vertu de
l'alinéa précédent, que la corporation, la compagnie ou le
contribuable est tenu de payer aussitôt après la réception
du document transmis. "Néanmoins, toute copie ou extrait demandé
par le lieutenant-gouverneur ou par la corporation doit être donné
gratuitement par le secrétaire-trésorier. "
M. le Président, pour toutes les corporations municipales
régies par la Loi sur les cités et villes, les articles suivants
définissent les obligations du greffier quant à la gestion des
documents: les articles 91, 103, 79, 80, 81, 87 et 88.
Selon l'article 107, paragraphe 1, du Code municipal, le maire a comme
responsabilité première: "Le chef du conseil exerce le droit de
surveillance, d'investigation et de contrôle sur les affaires et les
officiers de la corporation, voit spécialement à ce que les
revenus de la corporation soient perçus et dépensés
suivant la loi, veille à l'accomplissement fidèle et impartial
des règlements et des résolutions et communique au conseil les
informations et les recommandations qu'il croit convenables dans
l'intérêt de la municipalité ou de ses habitants. "
Un des buts de la commission Paré serait donc de mettre en
évidence les articles du Code municipal qui, dans le passé, ont
peut-être été en veilleuse. La commission Paré veut
donc que soient mises au service du public les informations émanant du
conseil municipal et/ou de ses commissions.
Les buts poursuivis sont en soi très louables, mais qu'il nous
soit permis d'en regarder brièvement les implications sur la tâche
et les responsabilités du secrétaire-trésorier: c'est le
maire qui reçoit, de par la loi, le mandat de rendre publics les
documents municipaux. Cependant, le maire déléquera ce mandat
à son secrétaire municipal, ce qui accroît sa charge de
travail, et en vertu des articles 148 et 148a, qui disent: "Le
secrétaire-trésorier reste en fonction durant le bon plaisir du
conseil, quoiqu'il ait été engagé pour un temps
déterminé; cependant, il ne peut être destitué et
son traitement ne peut être diminué que par le vote affirmatif de
la majorité absolue des membres du conseil. "La résolution
destituant le secrétaire-trésorier ou diminuant son traitement
doit lui être signifiée en lui en remettant copie en mains
propres: le secrétaire-trésorier qui a été en
fonction pendant au moins vingt-quatre mois consécutifs peut interjeter
appel d'une telle décision à la Commission municipale du
Québec qui décide en dernier ressort, après enquête.
"Cet appel doit être formé dans les quinze jours qui suivent le
moment où la décision du conseil de la corporation a
été signifiée. "Si l'appel est maintenu, la commission
peut aussi ordonner à la corporation de payer à l'appelant une
somme d'argent qu'elle détermine pour l'indemniser des dépenses
qu'il a encourues pour cet appel; l'ordonnance à cette fin est
homologuée sur requête de l'appelant par la Cour provinciale ou,
si le montant en jeu est de 1000 $ ou
plus, par la Cour supérieure; l'appelant peut ensuite
exécuter le jugement contre la corporation. "Une disposition d'une
charte d'une corporation qui abroge, remplace ou modifie directement ou
indirectement l'article 148, en totalité ou en partie, ou qui
édicté un article 148a n'exclut pas l'application du
présent article. "
Le secrétaire-trésorier ne peut, à toutes fins
utiles, se soustraire à cette déléqation de mandat. De
plus, au chapitre 6 du rapport, il est mentionné, à l'article 142
du rapport Paré, que "quiconque refuse ou entrave sciemment
l'accès à un document ou à un renseignement auquel
l'accès ne peut être refusé en vertu de la loi commet une
infraction et est passible, en outre du paiement des frais, d'une amende d'au
moins 200 $ et d'au plus 1000 $, et pour toute récidive dans les deux
ans, d'une amende d'au moin 500 $ et d'au plus 2500 $. " Nous posons donc la
question: Qui serait coupable d'une infraction advenant le refus ou l'entrave
à l'accès à un document?
De plus, la Corporation des secrétaires municipaux du
Québec, soucieuse du bien-être de ses membres et de
l'amélioration de leurs conditions de travail, se demande quelle
garantie lui offrira cette nouvelle loi, si elle est adoptée, afin que
le secrétaire-trésorier, désireux d'agir en professionnel
et de se conformer aux lois, ait à sa disposition les moyens et les
ressources indispensables à l'accomplissement de sa tâche. Une
fois de plus, il y aura augmentation de la tâche du
secrétaire-trésorier aura-t-il augmentation adéquate de la
rémunération et mise à la disposition de locaux et
d'équipements nécessaires à l'application de la nouvelle
loi, exigences recommandées dans le présent rapport? Que l'on
songe un instant que les membres de la Corporation des secrétaires
municipaux, soit 967 membres, sont secrétaires de corporations
municipales dont le budget moyen oscille entre 300 000 $ et 350 000 $. Qui
paiera la note de ce surplus d'équipements?
Rémunérera-t-on le secrétaire-trésorier en
conséquence, quand on sait que 50% de nos membres gagnaient, en 1981,
moins de 12 500 % par année? M. le ministre des Finances aera-t-il
prêt à accompagner cette nouvelle réforme d'une enveloppe
budgétaire équitable? La question demeure présentement
sans réponse à la lecture du présent rapport.
M. le Président, vous trouverez en annexe des tableaux
synoptiques sur le profil du secrétaire municipal qui sauront vous
éclairer sur les membres de notre corporation.
Nous nous posons la question suivante. À la lecture du rapport,
Information et liberté, beaucoup de questions nous sont venues à
l'esprit, sur lesquelles nous aimerions avoir des éclaircissements.
La première: Quel sens donne-t-on au mot "édité"
quand on dit qu'un organisme public, donc un organisme municipal, qui
édite un document doit, dans les "50 jours qui suivent sa publication,
en déposer à titre gratuit deux exemplaires à la
bibliothèque de la Législature? De quelle sorte de document
s'agit-il ici? Par exemple, les comptes de taxes informatisés
devraient-ils être édités?
Deuxième question: Dans leur rapport, les commissaires ont
recommandé que les exemptions au droit d'accès soient en principe
facultatives. On mentionne que les documents exclus du régime
d'accès par la loi devraient néanmoins être rendus publics
si un organisme public le juge à propos. Ces propositions nous incitent
à croire qu'il y aura là place à l'arbitraire. De plus,
qui, à l'intérieur de cet organisme public, aura
l'autorité pour juger à propos?
Une autre question: Au chapitre des renseignements personnels
protégés, il est dit: "Les renseignements nominatifs sont
confidentiels et, dans un document, sont réputés nominatifs les
renseignements concernant une personne physique et permettant de l'identifier.
" Or, ces renseignements peuvent-ils être obtenus de façon
détournée? Par exemple, une institution financière
demandant à la personne responsable des documents un renseignement sur
un contribuable qui serait en arrérage sur ses taxes. Si le responsable
refuse l'accès à l'information, l'institution financière
peut l'obtenir en demandant l'accès au rôle de perception et
à la caisse-recette.
Une autre question encore au chapitre des renseignements personnels
protégés. On mentionne que la loi permettra le transfert des
renseignements nominatifs dans certains cas entre organismes sans le
consentement de la personne concernée, mais cette communication devra
s'effectuer dans le cadre d'une entente écrite entre ces organismes.
Nous posons la question à savoir pourquoi la personne concernée
ne serait pas avisée que de tels organismes se concertent à son
sujet.
Cinquième question: Au chapitre du classement et
répertoire, le rapport, à l'article 154, stipule qu'"un organisme
municipal devra classer ses documents selon un système qui en facilitera
le repérage. " Jusqu'à quelle date, le responsable de la gestion
des documents remontera-t-il dans le temps pour établir son
système? Est-ce depuis la fondation de la municipalité ou
à partir de l'entrée en vigueur de la loi? En un mot, s'agit-il
de documents anciens ou nouveaux? Encore une fois, la charge de travail
pourrait être très lourde. Nous demandons à cet effet que
l'article 154 du rapport Paré soit défini en termes plus clairs
et plus précis. (12 heures)
Une sixième question. Le rapport Paré préconise
qu'un organisme municipal devra, avant le 1er mars de chaque année,
publier un répertoire. Nous demandons instamment que le choix de cette
date soit révisé, car pour le secrétaire municipal - la
plupart du temps l'unique employé - cette date correspond à la
date de la perception des taxes. De toute évidence, un seul
employé ne peut mener à bien deux tâches aussi
imposantes.
Une autre question. Si une mise à jour de ce répertoire
doit être réalisée en cours d'année, elle sera faite
par un bulletin d'information qui fera état des modifications qui seront
nécessaires. Cette mise à jour se fera entre le 1er juillet et le
1er septembre de chaque année. Comme nous l'avons mentionné tout
au cours de ce rapport, les petites municipalités, qui sont majoritaires
au Québec, auront-elles les moyens, les ressources et les outils pour se
conformer à une telle demande? Si tel n'est pas le cas, nous nous
verrons dans l'impossibilité de nous y conformer.
Huitième question. À l'article 150 du rapport Paré,
il est mentionné que "les obligations qu'impose cette loi à un
organisme public relativement à la gestion des documents et à la
publication d'un répertoire peuvent être assumées par un
autre organisme public dans le cadre d'une entente approuvée par la
commission". Dans le cas où effectivement un secrétaire municipal
ne pourrait s'acquitter de ses tâches nouvelles, il pourrait y avoir
délégation de responsabilités et, de ce fait, perte
d'autonomie locale et de services personnalisés pour les contribuables.
Ce à quoi les membres de la Corporation des secrétaires
municipaux du Québec aspirent, ce n'est pas de déléguer
leurs responsabilités, bien au contraire, mais plutôt d'obtenir
les ressources pour les bien accomplir.
En conclusion, nous espérons, M. le Président et messieurs
les commissaires, que le message que nous vous adressons dans ce mémoire
sera bien compris. La proposition législative dont il est question ici
comporte quantité d'éléments positifs visant à
faire de tout citoyen un être bien informé, afin qu'il soit en
mesure de jouer pleinement son rôle social. Beaucoup de recommandations
se retrouvaient d'ailleurs implicitement dans le Code municipal ou dans la Loi
sur les cités et villes. Ces recommandations les remettent en
lumière et forceront les responsables de la gestion des documents
à s'y conformer sous peine de pénalité.
En nous adressant à vous aujourd'hui, nous reposons le
problème: Qui, en dernier ressort, paiera la note d'une telle
réforme? Nous vous enjoignons instamment de clarifier le mandat qui sera
confié au gestionnaire des documents et de définir les moyens et
les ressources qui devraient normalement accompagner la réforme. Ayez en
mémoire que le bureau municipal, dans la plupart des
municipalités rurales au Québec, est encore situé dans la
résidence même du secrétaire-trésorier. Comment
alors mettre un local à la disposition du public pour la lecture des
documents? Afin de vous éclairer sur la personnalité actuelle et
le cadre de travail du secrétaire municipal, nous vous joignons en
annexe des tableaux statistiques de même qu'un communiqué de
presse émis lors de notre dernier congrès annuel sur le profil du
secrétaire-trésorier.
Nous vous remercions, M. le Président et messieurs les
commissaires, de l'attention que vous avez apportée à
l'écoute de notre mémoire et nous tenons à vous souligner
que nous demeurons à l'entière disposition des membres de la
commission parlementaire et des autorités du ministère des
Communications pour poursuivre ou approfondir cette proposition
législative.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre des
Communications.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais très
très sincèrement remercier la Corporation des secrétaires
municipaux du Québec. Vous avez fait là le travail que nous
attendions d'un organisme comme le vôtre. Vous êtes directement
touchés, vous serez, vous seriez directement touchés par
l'application d'une éventuelle loi sur l'accès à
l'information. Vous êtes, à toutes fins utiles, les gens qui
appréhendez une décision des autorités municipales
à savoir que les maires vous confieront l'application de la loi et vous
demanderont d'être ses agents qui rendront possible l'accès
à l'information. Je pense surtout à ces petites
municipalités où très souvent, comme vous le dites,
l'hôtel de ville, quand il existe, c'est peu de choses et les bureaux du
secrétaire-trésorier, c'est souvent le sous-sol de sa maison
aménagé en conséquence. Vous nous ramenez à des
réalités très brutales qui nous obligent, comme je le
disais tantôt à M. O'Bready, à prendre en très
sérieuse considération les difficultés d'application de la
loi pour les municipalités. Et toutes les remarques que vous faites sont
des remarques sur lesquelles nous nous posions déjà des
questions. Vous nous aidez à apporter des éclaircissements sur
bon nombre d'entre elles.
Je ne reviens pas sur l'exposé que vous avez fait sur l'ensemble
des articles qui déjà permettent l'information, vous confient des
devoirs et des obligations, face aux citoyens que vous représentez, en
regard des documents publics dont vous avez la charge.
Je prends note, par contre, qu'il semble y avoir chez vous une
volonté de vivre avec une éventuelle loi d'accès à
l'information gouvernementale. Vous nous demandez, dans ce contexte, de
préciser un certain
nombre de choses pour que vous sachiez à quoi vous en tenir, la
plus importante de ces questions étant, évidemment, celle
relative aux ressources, aux outils, aux coûts d'une telle
réforme. Je ne vous cacherai pas que c'est un sujet sur lequel nous
travaillons très fort par les temps qui courent, parce que, justement,
il est très difficile d'évaluer les coûts d'implantation
d'une telle réforme.
Je prends vos questions les unes après les autres et j'essaie d'y
répondre rapidement sans, pour autant, vous dire d'avance que nous
retenons ou ne retenons pas les articles auxquels vous faites
référence. Quand vous faites référence au mot
"édité" dans votre première question, quel est le sens
qu'on donne au mot "édité" pour savoir justement quels sont ces
documents qui devront être remis à la bibliothèque de la
Législature en deux exemplaires, je ne vous cache pas que
là-dessus aussi nous avons une difficulté et que nous avons
demandé à nos juristes de donner un sens à ce mot
"édité". Est-ce que cela veut dire tout document? Est-ce que cela
veut dire un document qui, dans son essence même, a été
publié et qui, de toute façon, jusqu'à un certain point,
devait presque faire l'objet d'un dépôt à la
Bibliothèque nationale?
En d'autres mots, jusqu'où pouvons-nous aller quand nous parlons
de documents édités? J'ai l'impression que, s'il s'agit de faire
transmettre deux exemplaires de tous les documents que détiennent les
organismes publics - 4000 à 5000 que nous avons dénombrés
à la bibliothèque de la
Législature, ce serait tout à fait loufoque. Et la
bibliothèque de la Législature ne souhaite pas voir arriver cet
amoncellement de documentation.
Les juristes nous disent qu'éditer, cela veut dire faire
paraître ou publier. Une édition signifie la reproduction et la
diffusion d'une oeuvre intellectuelle ou l'impression et la diffusion de toute
espèce d'oeuvre qui comprend l'ensemble des exemplaires imprimés
d'un ouvrage, et qu'une publication est l'action de publier,
c'est-à-dire de faire connaître, divulguer, répandre ou
faire paraître. Voyez-vous, c'est le texte d'un avis juridique qui nous
est donné pour tenter de circonscrire un peu mieux le sens de la notion
d'édition. Mais je vous avoue que moi, comme ministre qui a à
faire une proposition relative à cet article, c'est loin de me
satisfaire. Je ne sais pas plus, après avoir lu un tel avis juridique,
quel genre de documents, effectivement, devront être soumis à ces
articles.
Vous faites allusion au fait que les exemptions au droit d'accès
soient, en principe, facultatives. Vous nous demandez qui va juger de
l'à-propos. C'est la personne qui est en autorité, d'après
la proposition de loi, pour l'application de la loi. Par exemple, c'est le
maire d'une municipalité qui a la possibilité de
déléguer l'exercice de cette responsabilité à une
personne en autorité qui a le pouvoir nécessaire pour le faire;
donc, comme vous le dites, cela pourrait être très souvent le
secrétaire-trésorier. C'est cette personne qui est placée
en situation de porter un jugement, d'après le sens de la proposition de
loi.
Vous dites ensuite: Les renseignements personnels sont confidentiels et,
dans un document, sont réputés nominatifs les renseignements
concernant une personne physique et permettant de l'identifier. Vous dites que
"ces renseignements peuvent être obtenus de façon
détournée; par exemple, une institution financière
demandant à la personne responsable des documents un renseignement sur
un contribuable qui serait en arrérages sur ses taxes". J'aimerais que
vous développiez tantôt. Vous semblez soulever une question fort
intéressante. Est-ce que effectivement, au niveau des
municipalités, il y a de telles situations qui sont vécues quant
à des renseignements que vous détenez, qui, normalement,
devraient être confidentiels, n'appartenir qu'aux corporations
municipales, et être gérés de façon très
sévère par les responsables pour s'assurer qu'effectivement on ne
puisse pas y avoir accès à moins qu'il n'y ait une justification
quelconque dans l'exercice de vos fonctions? Est-ce qu'il y a des
problèmes qui se posent effectivement de ce côté-là?
J'aimerais beaucoup que vous me répondiez tout à l'heure.
Quant au transfert de renseignements nominatifs, dans certains cas,
entre organismes, sans le consentement de la personne concernée, il faut
savoir que les transferts de renseignements entre organismes devront d'abord
faire l'objet d'une entente entre les organismes, entente qui devra être
sanctionnée par l'éventuelle commission, et, si ma mémoire
est bonne, il y a une décision qui est prise par le gouvernement et
dépôt à l'Assemblée nationale.
Il y a donc plusieurs étapes qui sont suivies de telle sorte
qu'on peut informer le public qu'il y a effectivement des renseignements
nominatifs qui sont échangés entre certains organismes publics.
Je ne peux pas vous référer à chacun des articles de la
proposition de loi, mais il en est fait mention dans certains des articles.
Vous nous demandez ensuite, qguant à la gestion des documents...
Là-dessus, d'ailleurs, j'aimerais beaucoup que vous nous donniez des
renseignements sur cette expérience que vous vivez en ce moment, sur la
gestion des documents, sur les cours, la formation qui sont donnés et
sur les méthodes que vous avez décidé d'utiliser. Si la
Corporation des secrétaires municipaux pouvait nous faire parvenir au
ministère des Communications un rapport sur la façon dont vous
avez mené
ces cours de perfectionnement et les différentes méthodes
que vous avez utilisées, ainsi que les résultats que cela peut
donner et les outils de classement, de gestion, la façon dont vous
constituez vos index et toutes ces notions de répertoire et de catalogue
qu'il faut constituer pour être en mesure de répondre à un
besoin d'accès à l'information gouvernementale. J'aimerais
beaucoup là-dessus que vous nous envoyiez un rapport au
ministère, si c'est possible. Je ferais parvenir à l'ensemble de
mes collègues copie des notes qui pourraient être
extrêmement pertinentes là-dessus.
Vous demandez à partir de quel moment les documents sont
accessibles et quels documents sont accessibles, c'est-à-dire est-ce
qu'il y a un effet de rétroactivité? Je vous
référerais à l'article 154 qui dit: "Un organisme public
peut, dans les deux ans de l'entrée en vigueur de cette loi, refuser de
donner accès à un document daté de plus de deux ans lors
de cette entrée en vigueur. "
Si on se comprend bien, il peut arriver, par exemple, qu'en
théorie la loi soit sanctionnée le 1er janvier 1982, que
l'application, parce qu'il y a toute une période où il faut
qu'une éventuelle commission rode les mécanismes entre autres au
niveau des fichiers, au niveau de la définition des documents, au niveau
de la gestion des documents, etc. Disons que le 1er janvier 1984, deux ans
après, la loi entre en application. Un organisme pourrait, dans les deux
ans de l'entrée en vigueur de cette loi, refuser de donner accès
à un document daté de plus de deux ans de cette entrée en
vigueur. Cela donne presque quatre ans d'écart finalement entre
l'accès qui est donné à un document et le moment où
ce document était déjà en possession d'un organisme
public.
Là-dessus aussi je suis d'accord avec vous, c'est un des articles
qui méritent d'être précisés parce qu'on peut lui
donner différentes interprétations selon qu'on se place à
partir de la sanction de la loi elle-même, de son application comme telle
dans une période d'un an, deux ans ou trois ans, ça reste
à définir, et quel est cet effet de rétroactivité
pour que les organismes publics le comprennent un peu mieux. Là-dessus,
nous allons tenter aussi d'apporter des éclaircissements.
Vous faites une remarque tout à fait intéressante aussi
relativement à cette fameuse date du 1er mars pour la publication d'un
répertoire. Vous nous dites: Nous autres, à cette
période-là - et j'imagine ce que ça doit être au
niveau des petites municipalités entre autres où les ressources
humaines sont souvent insuffisantes même pour faire ce travail, c'est
toute la période de perception des taxes et vous êtes très
occupés dans cette opération... Voilà le genre de remarque
très précise, très concrète, comme le disait
tantôt le député de Laurier, qui mérite justement
qu'on analyse votre rapport pour prendre conscience de la réalité
municipale et voir comment, dans un éventuel projet de loi, on tiendra
compte de ce genre de contraintes vécues localement. (12 h 15)
La mise à jour du répertoire durant l'année, je
n'ai pas besoin de vous dire que, quand j'ai pris connaissance de cette
proposition dans le rapport de la commission Paré, j'ai dit: II y a une
limite. Il y a la question des catalogues, des répertoires sur laquelle
déjà il va falloir se poser de très sérieuses
questions parce qu'on s'embarque -enfin, je n'en sais trop rien - ou on risque
de s'embarquer dans une opération de bureaucratie, de paperasse
considérable. Il va falloir trouver des moyens de simplifier
l'opération de la constitution de répertoires et de catalogues.
Je n'ai pas besoin de vous dire que, a priori, je ne suis pas très
ouvert à l'idée d'une réédition du
répertoire en cours d'année avec des modifications qui y seraient
apportées à cause de l'ajout de nouveaux documents.
Là-dessus, je pense qu'on va s'entendre très vite.
Vous faites état, bien sûr - c'est un problème
très important - de toute cette question des coûts des ressources
humaines, des instruments, des coûts en argent. Là-dessus, votre
problème est le nôtre. Nous allons le regarder très
franchement et j'ai pris comme principe qu'au départ, nous voulons
vraiment que la réforme entre en application le plus vite possible, mais
on ne va pas partir d'une position de principe qui serait à peu
près la suivante: II n'y a rien de trop beau pour effectuer la
réforme de l'accès à l'information gouvernementale et la
protection des renseignements personnels! Des commissions, en veux-tu? En
v'là! Des répertoires, des catalogues, en veux-tu"? En
v'là! De l'argent nouveau, en veux-tu? En v'là!
Le principe qui doit nous guider pour appliquer cette réforme est
un principe zéro. Est-ce qu'il est possible de partir en se disant qu'il
n'est même pas nécessaire d'avoir une nouvelle commission ou de
créer une nouvelle commission? On va se poser la question très
sérieusement. Est-il possible de se dire qu'il n'est pas
nécessaire d'ajouter des ressources humaines additionnelles? Là,
je pense aux ministères du gouvernement en particulier, je ne pense pas
aux corporations municipales. Je sais qu'à votre niveau le
problème se pose peut-être plus, mais, ici, chez nous, dans
l'ensemble de l'appareil gouvernemental, je crois qu'on peut, avec les
ressources humaines existantes, donner suite à la loi. Donc, même
principe.
Au niveau des coûts en argent, même question: Est-ce qu'on
peut, à même les crédits qui existent, réussir
à réaliser la réforme? Donc, partir du principe
zéro et, à
partir de là, je veux que les gens qui travaillent au
comité qui nous fait des propositions, au ministère des
Communications, me justifient vraiment, avec une argumentation
serrée, solide, fouillée et approfondie, qu'il n'est pas possible
de le faire sans ajouter un peu de ceci ou de cela. Au point de départ,
mon principe est de partir en disant: On n'a pas besoin d'ajouter d'organismes,
on n'a pas besoin d'ajouter de ressources humaines additionnelles, on n'a pas
besoin d'ajouter de ressources financières, de crédits
additionnels.
Je ne vous annonce pas que la réponse, au bout de la ligne, sera
qu'on a pu atteindre cet objectif, mais je préfère partir de cet
objectif, quitte à arriver à une conclusion qui s'en
éloigne quelque peu, que de partir en me disant: II faut qu'on mette du
nouveau monde, il faut qu'on mette beaucoup d'argent là-dedans et il
faut qu'on crée de nouveaux organismes, c'est absolument indispensable,
sinon, le ministre ne pourra pas se targuer d'avoir fait une véritable
réforme de l'accès à l'information gouvernementale. Je
pense qu'en bons gestionnaires aujourd'hui, il faut se poser des questions en
ces termes-là. J'avoue qu'à votre niveau, peut-être bien
que vous n'êtes pas capables de les formuler de la même
façon parce que vous partez déjà de rien et vous vous
dites: On ne peut quand même pas faire quelque chose à partir de
rien, quoique je reconnaisse qu'au départ vous avez peut-être
aussi la possibilité de vous poser quand même un minimum de
questions du même ordre. Là-dessus, j'aimerais peut-être
vous entendre réagir.
M. Bélanger (Charles-Aimé): Pour ce qui est de la
question à laquelle vous m'avez demandé de répondre, au
sujet des renseignements, nous sommes, dans un bureau municipal, une
espèce de banque de renseignements, surtout le
secrétaire-trésorier, qui est là depuis plusieurs
années. Beaucoup de gens nous appellent pour savoir toutes sortes de
choses et on se demande assez souvent si on doit répondre.
Nécessairement, il faut dire la vérité, mais est-ce qu'on
doit répondre? Que ce soit un bureau de crédit ou quelqu'un qui
nous demande quelque chose sur un incendie qui s'est produit, parce que dans
une petite municipalité, le secrétaire-trésorier est celui
vers qui on se tourne, si le chef pompier est à temps partiel ou
bénévole, eh bien, c'est le secrétare-trésorier qui
va être contacté. Au niveau des mutations, des transactions qu'il
peut y avoir, on sait une foule de renseignements. On se demande très
souvent: Est-ce qu'on doit répondre? Là il n'y a rien qui nous
dit nécessairement si on le doit ou non. C'est à ce niveau qu'on
se pose des questions. On voudrait que ce soit précisé. On veut
savoir exactement sur quoi on doit répondre et jusqu'à quel point
on doit répondre. C'est un peu ça notre idée.
M. Sirros: Je tiens à mon tour à remercier les
représentants de la Corporation des secrétaires municipaux pour
leur mémoire. Je trouve franchement que ce sont des gens qui sont
appelés à exécuter les décisions prises par
d'autres personnes, qui ont la capacité de trouver des moyens pour
effectivement mettre en vigueur quelque chose d'une façon beaucoup plus
précise et exacte. On voit cela par les questions que vous soulevez.
Elles sont effectivement très précises et très exactes.
Elles soulèvent des problèmes concrets sur lesquels il va falloir
qu'on se penche, ainsi que le ministre, avant la rédaction du projet de
loi. Effectivement, comme cela a déjà été
soulevé dans votre mémoire, je trouve que la réforme ou la
loi-cadre viendra mettre ensemble toutes les différentes lois qui
régissent la gestion des documents et l'accès à
l'information. Donc, dans un certain sens, cela va faciliter peut-être le
travail que vous avez à faire surtout s'il y a des précisions qui
sont apportées aux questions que vous soulevez.
Deuxièmement, on a parlé également de
l'éternelle question des coûts. C'est très valable aussi de
votre part de soulever cette question, parce que effectivement c'est vous qui
serez aux prises avec les problèmes de cette loi. J'étais
très content aussi d'entendre le ministre dire qu'il s'inscrit dans la
démarche qu'on a proposée, hier, à savoir qu'on trouve des
moyens pour implanter et appliquer cette loi sans nouveaux crédits. On a
sûrement des moyens à vous recommander. On est convaincu que c'est
possible de réaliser cette réforme.
Je voudrais simplement vous remercier, encore une fois, et vous dire
que, de notre part, on est très soucieux du genre de questions que vous
soulevez. On veillera à faire en sorte que la loi soit la plus
précise possible pour que les gens puissent l'appliquer d'une
manière claire et précise. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il d'autres questions?
Cela va. Je remercie les représentants de la Corporation des
secrétaires municipaux du Québec.
J'inviterais maintenant les représentants de l'Union des conseils
de comté et des municipalités locales du Québec à
prendre place, s'il vous plaît.
Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît.
Union des conseils de comté et des
muncipalités locales
M. Moreau (Jean-Marie): Je dois, au nom de l'Union des conseils
de comté et des municipalités locales du Québec, remercier
cette commission de nous permettre d'exprimer notre point de vue sur la
commission Paré, sur l'accès du citoyen à
l'information. Je voudrais également profiter de cette occasion pour
présenter à la commission, Me Gaétane Martel, qui est
directeur général adjoint à l'Union des conseils de
comté, ou directrice générale adjointe, appelez cela comme
vous voudrez elle est là.
Au sein des organismes gouvernementaux, les citoyens se retrouvent
souvent démunis de toutes ressources pour obtenir de l'information. La
plupart d'entre eux ignorent même jusqu'à quel point des
institutions publiques et privées détiennent des renseignements
sur leur vie privée. L'Union des conseils de comté croit qu'il
est temps que la province de Québec suive l'exemple des autres pays,
qu'elle se dote d'une loi sur l'accessibilité à l'information et
sur la protection des renseignements personnels. Mais un tel projet de loi doit
être envisagé avec prudence. Il doit permettre au citoyen de
requérir l'information voulue tout en laissant une certaine autonomie de
gestion aux organismes assujettis à une telle loi. À notre avis,
de telles mesures devraient aussi s'appliquer aux organismes privés tels
que les compagnies de finance, les compagnies d'assurances - je cite des
exemples.
L'étude d'un tel projet de loi soulève plusieurs
interventions comme nous vous en ferons part dans ce mémoire. Les
organismes dont les décisions touchent de près ou de loin le
grand public devraient être soumis à une loi sur
l'accessibilité à l'information. Nous croyons, comme le rapport
de la commission Paré le mentionne, que l'Assemblée nationale,
les ministères, offices, régies, commissions,
sociétés d'État, les commissions scolaires et les
établissements du réseau des affaires sociales doivent être
assujettis à une telle loi. Devraient aussi être soumises à
cette loi, les communautés urbaines ou régionales et les
municipalités locales.
Notre union considère qu'une telle loi doit aussi inclure les
organismes privés. En effet, nous croyons que de telles institutions
possèdent des banques de données très
élaborées sur la population. Chaque individu impliqué
devrait pouvoir consulter son dossier. Il est malheureux que, dans la
proposition de loi, on ne retrouve pas, M. le Président, des
dispositions touchant les organismes privés.
Délibérations de l'organisme. La commission d'étude
sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la
protection des renseignements personnels souhaite, dans son rapport, que les
délibérations des conseils municipaux se tiennent au grand jour.
Or, le Code municipal prévoit déjà, à l'article
113, que les séances sont publiques. "Les sessions commencent à
dix heures du matin, s'il n'en est pas autrement ordonné par l'avis de
convocation, par un ajournement, par un règlement ou par une
résolution. "Elles sont publiques et ne durent qu'une seule
séance, à moins qu'elles ne soient ajournées; les
délibérations y doivent être faites à haute et
intelligible voix. "La session du conseil comprend une période au cours
de laquelle les personnes présentes peuvent poser des questions aux
membres du conseil. "Le conseil peut, par règlement, prescrire la
durée de cette période, le moment où elle a lieu et la
procédure à suivre pour poser une question. "
De plus, la loi 105 sur la démocratie municipale impose plusieurs
obligations au conseil municipal. Tout d'abord, le maire et les conseillers
doivent déposer annuellement au conseil une déclaration
d'intérêt. Ils doivent prévoir une période de
questions à chaque séance du conseil. Enfin, le maire doit faire
rapport annuellement des finances de la municipalité et rendre public le
budget.
L'Union des conseils de comté s'interroge sur
l'opportunité de rendre publiques les délibérations des
conseils municipaux. Nous croyons que le conseil municipal doit
bénéficier d'une certaine autonomie pour accomplir ses
travaux.
Qui devrait avoir accès à l'information? Toute personne,
peu importe qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, doit
bénéficier du droit d'accessibilité à l'information
et de la protection des renseignements personnels.
En effet, comme le rapport de la commission Paré le mentionne, il
serait difficile de viser uniquement les citoyens canadiens et exclure les
étrangers, car ces données sont fréquemment
impliquées dans des décisions d'organismes publics. Nous croyons
donc logique qu'ils puissent y avoir accès.
Qui peut utiliser l'information? L'Union des conseils de comté
croit que toute personne a droit d'être informée et de consulter
des documents contenant des renseignements personnels. Elle a, de plus, le
droit de savoir qui a consulté son dossier et pour quels motifs. De
plus, toute personne habilitée à la représenter peut aussi
obtenir les renseignements demandés.
Quelle information doit être accessible? Toute documentation ayant
servi à une prise de décision de la part d'un organisme peut
être consultée après que ladite décision a
été rendue. Par contre, certains documents devraient
obligatoirement être tenus secrets tels, premièrement, certains
renseignements ayant des implications sur les relations intergouvernementales;
deuxièmement, les documents ayant des implications sur les
négociations entre les organismes publics; troisièmement, les
renseignements à
caractère économique tel que le mentionne la commission
Paré, dont la divulgation aurait pour effet de révéler
pour une municipalité, des projets d'emprunt ou de taxation ou
d'alinéation de biens, alors que ces projets ne sont pas encore rendus
publics; 4° renseignements relatifs aux secrets industriels et commerciaux;
5° renseignements relatifs aux dossiers de police; 6° ceux relatifs
à la sécurité de l'État. L'Union des conseils de
comté du Québec appuie les recommandations de la commission sur
ce sujet. (12 h 30)
Comment doit-on procéder pour obtenir certains renseignements? La
procédure d'accès se doit d'être simple. Elle ne doit pas,
non plus, entraîner une surcharge de travail pour l'administration
municipale. Cette future loi devrait laisser une certaine liberté aux
organismes quant à la procédure à suivre pour obtenir une
information. Il en va de même pour les frais à payer afin
d'obtenir des documents. Le coût de reproduction n'est sûrement pas
le même pour tous les organismes. De plus, ces derniers n'ont pas tous
les moyens financiers nécessaires.
Dans l'hypothèse d'un refus, à qui peut-on en appeler?
Nous pouvons envisager plusieurs solutions: les tribunaux de droit commun, une
régie ou l'ombudsman. Le rapport de la commission Paré propose
une commission de l'accès aux documents des organismes publics. À
notre avis, cette solution s'impose. L'individu qui se voit lésé
pourra alors s'adresser à un palier supérieur afin de faire
valoir ses droits. La commission Paré a, de plus, prévu des
possibilités d'en appeler à la Cour d'appel sur toute question de
droit. Nous croyons que cette solution semble celle qui protège les
droits des individus.
En conclusion, M. le Président, l'Union des conseils de
comté du Québec se réjouit du fait que le gouvernement ait
entrepris une telle démarche. Une loi sur l'accessibilité
à l'information est nécessaire dans notre monde actuel afin de
protéger les renseignements privés des contribuables. Nous
souhaitons, de plus, qu'une telle loi sur l'accessibilité à
l'information, entraîne comme conséquence une augmentation de la
bureaucratie... n'entraîne pas, dois-je dire, une augmentation de la
bureaucratie au sein de nos municipalités et ne diminue pas la
liberté de gestion de nos dirigeants municipaux.
L'Union des conseils de comté du Québec formule le
désir que le projet de loi s'étende aussi au domaine
privé. Nous souhaitons que ces quelques remarques seront prises en
considération par l'Assemblée nationale et par le
gouvernement.
Ceci dit, M. le Président, j'aimerais ajouter que l'Union des
conseils de comté du
Québec est à la disposition du gouvernement et
particulièrement du ministère des Communications à
l'avenir, si, évidemment, le rapport de la commission Paré prend
la forme d'un projet de loi. Nous voulons également nous réserver
le droit d'intervenir à nouveau, quand ce projet de loi aura pris forme,
sur les dispositions du projet de loi comme telles, soit devant une commission
parlementaire ou par tout autre moyen, s'il y a des dispositions dans le projet
de loi qui nous semblent préjudiciables à l'administration
municipale.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. Moreau. M. le
ministre des Communications.
M. Bertrand: M. le Président, je vais faire plaisir au
député de Marguerite-Bourgeoys comme ce n'est pas possible et je
vais simplement dire: Je constate que vous êtes "de" pour et que vous
seriez même prêts à nous inviter à aller beaucoup
plus loin et à recouvrir l'ensemble du secteur privé.
Là-dessus, j'en réfère simplement aux remarques de la
commission Paré qui dit: Nous n'avons pas eu le temps d'étudier
tout ce secteur, mais il y a certainement matière à
réflexion. Dieu sait que vous avez raison. Alors, ce sera probablement
un autre dossier qui viendra un jour, de voir s'il n'y a pas lieu de commencer
à réfléchir sur la notion de démocratie
financière, économique et commerciale au niveau de l'accès
à l'information et de la protection des renseignements personnels.
Pour le reste, je vous remercie infiniment pour la teneur et la tenue de
votre mémoire. J'apprécie hautement de savoir qu'une Union des
conseils de comté du Québec, qui représente tout
près de 1200 municipalités, donne ainsi, de façon
très claire, son accord au principe et j'oserais même dire
à l'ensemble des modalités du rapport Paré, quitte
à ce que nous soyons sensibles aux problèmes particuliers que
vous pouvez rencontrer. Merci beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, loin de moi l'intention de
museler le ministre, mais je le remercie de sa brièveté. On a
quand même une dizaine d'organismes à entendre aujourd'hui. En
effet, votre mémoire ne provoque pas beaucoup de questions - je vous en
remercie - étant donné l'appui général que vous
donnez au rapport Paré, à cette démarche, et même
vous vous permettez d'aller plus loin en ce qui concerne les organismes
privés. De notre part, j'aurais peut-être des questions, mais
à ce moment... J'en ai une, mais je ne veux pas non plus pécher
de la même façon que le ministre l'a
fait autrefois. C'est simplement en ce qui concerne les
délibérations du conseil. Vous dites, à la page 2,
"l'Union des conseils de comté s'interroge sur l'opportunité de
rendre publiques les délibérations des conseils municipaux. "
Déjà, les séances de ces conseils sont publiques.
Qu'est-ce que vous voulez toucher de façon précise que vous
souhaiteriez qui demeure confidentiel?
M. Moreau: M. le Président, je ne voudrais pas
répéter tout ce qui a été dit ce matin en ce qui
concerne la confidentialité de certaines délibérations
dans ce que j'appellerais les caucus d'un conseil municipal. Il y a des caucus
de conseillers municipaux où on traite particulièrement des
individus, des questions qu'on a mentionnées comme étant des
projets ou des choses comme celles-là, qui sont en gestation. Je pense
qu'à ce moment la confidentialité doit être
respectée. C'est pour cela qu'on dit dans ce document - qui pourrait
être plus clair, mais on se réserve de revenir sur ce point, si le
gouvernement nous le permet, quand le projet de loi va avoir pris forme -avoir
certaines réserves quant aux discussions d'un caucus dans un conseil
municipal. D'ailleurs, les décisions d'un conseil municipal, à
mon sens, sont toujours des décisions publiques. Que je sache,
même dans le monde municipal rural, dans les petites
municipalités, les assemblées de conseils municipaux, la plupart
du temps - il y a peut-être des exceptions - sont des assemblées
où les décisions se prennent publiquement. Cela ne veut pas dire
qu'à un moment donné les conseils municipaux ne tiennent pas
d'assemblées privées, mais il ne se prend pas de
décisions. La plupart du temps, durant les périodes de questions,
quand les décisions sont prises officiellement par le conseil municipal,
il y a des gens qui posent des questions, surtout quand les deniers publics
sont impliqués.
Il reste tout de même - c'est pour cela qu'on le dit au
début de notre rapport - qu'il faut être prudent, même si on
est d'accord avec tous les principes de l'accessibilité à
l'information. Il y a des discussions qui se font au niveau des conseils
municipaux. Je cite l'exemple de la liste des retardataires quant au paiement
des taxes. Tant et aussi longtemps que la municipalité ne décide
pas de faire vendre à l'enchère publique le bien-fonds, cela doit
demeurer confidentiel, par exemple, quelqu'un qui a des problèmes
à payer ses taxes. Ce n'est pas la façon d'aller vraiment
percevoir le paiement des taxes que de déclarer à
l'assemblée publique que M. Untel est en retard dans le paiement de ses
taxes. C'est dans ce sens que nous parlons d'assemblées qui devraient
être à certains moments des assemblées à huis clos,
dans le sens également qu'il ne faudrait pas non plus... J'incite le
gouvernement à la prudence dans ce domaine. Qu'on établisse bien
clairement, noir sur blanc, dans un projet de loi, que tout doit être
rendu public, c'est beau d'avoir des documents où c'est bien
tranché, mais il reste tout de même qu'il ne faudrait pas pousser
les conseils municipaux, et sans préjudice, à la
clandestinité. Je pense bien qu'on s'entend là-dessus. C'est ma
réponse.
M. Lalonde: Seulement un dernier mot là-dessus, parce que
cela a été soulevé par l'Union des municipalités.
La fonction d'un élu municipal est moins clairement
catégorisée que, par exemple, au niveau du gouvernement,
où vous avez la fonction administrative, ou qu'on appelle
exécutive, qui est exercée par le Conseil des ministres, et la
fonction élective de député, qui est exercée
à l'Assemblée nationale, alors que l'échevin, pour un
conseil municipal, ou un conseiller fait de l'administration, participe
à des décisions administratives. C'est dans ce sens, je pense,
que vous faites une distinction. Quant à nous, nous sommes d'accord que
cette distinction doit être faite, et nous espérons que le
ministre, lorsque la loi sera proposée, aura réussi à
faire justement cette distinction entre les deux fonctions électives et
administratives.
M. Bertrand: Là-dessus, je suis moi aussi très
préoccupé par le problème. La seule difficulté,
c'est qu'il y a un certain nombre de municipalités au Québec qui
ont des comités exécutifs; toutes les municipalités n'en
ont pas. Dans le cas des comités exécutifs, ça va
très bien, ce qui est fait au comité exécutif, c'est, par
analogie, ce qui se fait au Conseil des ministres. Mais des centaines de
municipalités n'ont pas de comité exécutif, et le
comité exécutif, c'est le conseil municipal. J'aimerais beaucoup,
M. le président, que vous puissiez nous faire parvenir, à
l'ensemble des parlementaires et aux ministères en particulier, ces
détails requis pour qu'on puisse travailler ça un peu mieux -
vous parlez des délibérations - où se situe la
frontière, où est la limite, pour quel type de dossiers, pour
quel type de problèmes il faudrait, à moment donné, qu'on
ait la prudence élémentaire de protéger le processus
décisionnel qui peut être pris par rapport au processus
délibératif du conseil municipal.
Je vous avoue que c'est très délicat, et il n'y a pas de
limite facile à cerner. J'aimerais beaucoup que vous nous fassiez
parvenir, là-dessus, un élément de réponse plus
fouillé.
M. Moreau: On le fera certainement, M. le Président.
D'ailleurs, c'est très vrai, ce que M. le député de
Marguerite-Bourgeoys disait. Je voudrais citer un autre exemple.
Dans les municipalités rurales, souvent, le maire ou des
conseillers municipaux - ça dépend qui le citoyen ou le
contribuable a adopté et trouve le plus sympathique pour lui -
reçoivent des appels téléphoniques, des confidences de la
part d'un contribuable qui, souvent, ont des répercussions au niveau de
l'administration municipale. Je tiens pour acquis, que ce soit le premier
ministre du Québec ou que ce soit un simple citoyen qui m'appelle ou me
rend visite à ma résidence, que ça doit toujours
être tenu sous l'aspect de la confidence. C'est quelque chose qui ne doit
pas être rendu public, à mon avis.
C'est dans ce sens que - je pense que M. le ministre l'a bien
cerné tout à l'heure -il va falloir qu'on trouve vraiment la
démarcation où la confidence doit être
préservée par rapport à ce qui doit être
publicisé. Je pense bien que notre union se fera un devoir, d'ici
quelques semaines, de vous faire parvenir son point de vue là-dessus, si
ça peut aider.
Je voudrais aussi, avant de vous quitter, M. le Président,
apporter une correction à ce document, à la page 3 où on
dit: "L'Union des conseils de comté croit que toute personne a droit
d'être informée et de consulter des documents...
Mme Martel (Gaétane):... contenant des renseignements
personnels la concernant. "
M. Moreau: Je voudrais ajouter "la concernant" à ce
mémoire.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Gaspé.
M. LeMay: M. Moreau, il me fait plaisir de vous rencontrer. On a
souvent travaillé ensemble comme préfet de comté, on va
sûrement le faire encore. Je tiens à souligner que votre rapport
est peut-être un des seuls - on n'a pas terminé - qui
représente un organisme prêt à aller plus loin qu'un
éventuel projet de loi tel que présenté.
M. Bertrand: La Ligue des droits.
M. LeMay: Oui, la Ligue des droits, mais dans un domaine bien
précis.
Une voix: A l'ordre! À l'ordre!
Le Président (M. Rochefort): Vous avez raison, M. le
député de Gaspé. (12 h 45)
M. LeMay: J'aimerais quand même vous entendre sur un sujet,
M. Moreau. On retrouve dans votre introduction: "II doit permettre au citoyen
de requérir l'information voulue, mais tout en laissant une certaine
autonomie de gestion aux organismes. " À la page 4, vous revenez et vous
dites: "Cette future loi devrait laisser une certaine liberté aux
organismes... "
Vous parlez d'une certaine autonomie, d'une certaine liberté.
Est-ce qu'on doit deviner à l'intérieur de cela que vous aimeriez
avoir un article assez flou, assez vague, incolore, inodore et sans saveur qui
vous permettrait de faire à peu près ce que vous voulez?
M. Moreau: II ne faudrait pas, M. le Président, me faire
dire des choses que je n'ai pas dites. Cela est toujours relié à
cette question que même la commission n'a pas définie,
c'est-à-dire ce qui doit être confidentiel et ce qui doit
être divulgué; on en a parlé tout à l'heure.
Évidemment, il est bien entendu que le monde municipal, formé des
élus au suffrage universel, doit conserver une certaine autonomie dans
le domaine de l'administration publique. C'est dans ce sens qu'on doit
interpréter les propos tenus dans ce mémoire. Ce n'est pas dans
le sens de dire que le conseil municipal pourra, quand on aura défini ce
qui doit être publié et ce qui doit rester confidentiel, quand le
projet de loi aura pris forme, autoriser la municipalité à
déroger au projet de loi. La commission, avec tout le respect que le lui
dois, n'a pas cerné d'une façon très précise -je ne
veux pas parler des autres organismes qui sont impliqués - les relations
d'un conseil municipal ou des conseillers municipaux avec des citoyens, des
contribuables par rapport à ce qui doit être rendu public.
J'imagine que le citoyen qui entre dans le bureau du maire, ou d'un conseiller,
qui sollicite une rencontre, une entrevue, au départ, c'est
confidentiel. Vous citiez tout à l'heure la question des taxes.
J'imagine que lorsque le conseil municipal délibère sur les
arriérés de taxes, ce ne doit pas être publié. On
peut dire qu'il y a un montant X de taxes impayées, mais on ne peut pas
nommer, identifier des personnes, surtout dans le milieu rural, c'est encore
plus grave. Des personnes ont des difficultés à faire leur
paiement de taxe, sauf dans le cas... et là je pense qu'on retrouve la
distinction qui doit se faire entre ce qui doit être confidentiel et ce
qui doit être public. Quand le conseil municipal décide de faire
vendre la propriété pour taxes, cela, c'est public, mais tant
qu'on n'est pas rendu là... Je pense bien que lorsqu'un conseil
municipal demande au secrétaire-trésorier de lui fournir la liste
des personnes qui ont des arréraqes, ce doit être confidentiel.
C'est un exemple.
M. LeMay: Mais M. Moreau, ce n'était pas
nécessairement le but de ma question. Vous dites que la commission a mal
cerné ce qui devrait être publié ou non publié.
Est-ce que vous souhaiteriez qu'à l'intérieur d'un
éventuel projet de loi ce soit énuméré très
clairement?
M. Moreau: Au maximum.
M. LeMay: À ce moment-là, votre autonomie ou votre
supposée certaine liberté aux organismes n'a plus sa raison
d'être, si c'est précisé dans la loi.
M. Moreau: Quand on l'aura clarifié dans la loi, je pense
bien que cette partie de notre mémoire n'aura plus sa raison
d'être.
M. LeMay: Merci.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Plusieurs fois, dans les discussions depuis deux
jours, on a laissé sous-entendre que les membres de l'Assemblée
nationale avaient un certain secret professionnel, des choses que les citoyens
leur disaient dans le cours de leurs travaux. Je voudrais juste noter que ce
secret est loin d'être garanti présentement par les lois. Il y a
eu effectivement des cas, un en Ontario, où un député a
été accusé, si je ne m'abuse, de délit de justice,
pour ne pas avoir voulu divulguer des informations qu'il avait recueillies dans
le cours de son travail.
Mon intervention vise une autre chose, c'est-à-dire à
vérifier si j'ai bien compris votre position face à la
divulgation d'information que posséderaient des entreprises
privées. Ce que j'ai compris, c'est que vous désirez que des
entreprises privées qui détiennent des informations sur un
citoyen soient forcées de les divulguer à ce citoyen.
Est-ce que, dans votre pensée, vous voudriez forcer cette
entreprise à divulguer d'autres informations, par exemple, ses bilans
financiers, ses droits, ses patentes ou ses formules? Est-ce que vous iriez
aussi loin que cela?
M. Moreau: M. le Président, en ce qui concerne le
côté financier des entreprises, ce n'est pas cela qui est
visé, le fisc s'en charge de façon très efficace.
Il y a des données que certaines entreprises privées ont
sur les citoyens - je veux parler de certaines corporations - et le citoyen
n'est même pas au courant des dossiers que certaines entreprises
privées possèdent sur sa personne. Je pense que, si ce n'est pas
au niveau du citoyen, ce devrait certainement être au niveau de la
commission ou devant un organisme quelconque que ces entreprises privées
devraient répondre de la façon dont elles se sont procuré
ces dossiers et ces informations-là et dire ce qu'elles en font, de
quelle façon elles les utilisent. C'est dans ce sens-là.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Beaumier: Pas de questions.
Le Président (M. Rochefort): Je remercie les
représentants de l'Union des conseils de comté et des
municipalités locales du Québec de s'être
présentés devant nous.
J'inviterais maintenant les représentants des Amputés de
guerre du Canada à prendre place et à s'identifier, s'il vous
plaît.
Amputés de guerre du Canada
M. Tremblay (Léonard): M. le Président, mon nom est
Léonard Tremblay; je suis le représentant de la succursale de
Québec de l'association des Amputés de guerre du Canada. À
ma droite, M. Paul Bédard qui est trésorier régional de
cette association et Mlle Quijada qui est adjointe administrative à nos
quartiers généraux à Ottawa et, à ma gauche, M.
Jean Bergeron qui est le gérant du service de porte-clés des
Amputés de guerre du Canada et, à mon extrême gauche, M.
Vallières qui est le directeur général de cet
organisme-là.
Je n'ai pas de préambule; j'ai le mémoire dont vous avez
probablement copie. Comme préambule je dirais ceci: Après avoir
prêté une oreille très attentive à ce qui s'est dit
ici ce matin, je me suis demandé à un moment donné: Est-ce
que notre mémoire n'est pas, quand même de nature trop restreinte
pour être livré à une assemblée comme la
vôtre. De toute façon, il a été accepté, nous
avons été demandés ici, ce matin, j'ai la
réponse.
Si vous me le permettez, sans autre préambule, je vais lire ce
mémoire qui touche un aspect bien particulier du rapport de la
commission Paré. Le sujet, comme l'indique mon mémoire, est
l'utilisation confidentielle de la liste des détenteurs de permis de
conduire pour distribution et retour des porte-clés codés
confidentiels. Cela peut paraître un galimatias. Je présume que la
plupart d'entre vous avez reçu, au cours des années
antérieures et même depuis plusieurs années, des
porte-clés fabrigués par les amputés de guerre du Canada.
Il s'agissait, pour quiconque trouvait ce porte-clés, de le mettre
à la poste et il vous était retourné.
Je vais procéder à la lecture de mon mémoire et je
pense que tout s'éclaircira au fur et à mesure. Il est
très court, d'ailleurs, il est très bref. Je suis conscient que
l'heure avance.
Nous croyons comprendre que le gouvernement du Québec entend
restreindre l'utilisation de la liste des conducteurs d'automobile,
c'est-à-dire des détenteurs de permis de conduire. Depuis
plusieurs années
déjà, depuis 1948, les amputés de guerre du Canada
reçoivent la liste en question. On nous remettait même auparavant
une liste de tous les propriétaires de véhicules motorisés
enregistrés. Ces listes nous sont utiles lorsque nous mettons nos
porte-clés à la poste. Si on nous refusait l'utilisation de la
liste susmentionnée, les conséquences s'avéreraient
très sérieuses pour notre programme des porte-clés, sans
oublier nos autres activités à caractère charitable dans
la province de Québec.
Informations relatives aux amputés. Nous sommes le seul organisme
à dispenser une gamme de renseignements aussi complets en langue
française au sujet de l'amputation et de ses séquelles. Une
grande partie des données ont trait à la prothétique et
regardent directement tous les amputés et non pas seulement ceux qui ont
subi des blessures lors de conflits armés. Notre organe officiel,
Fragment, ce qui est assez explicite, offre en outre une information de nature
générale sur les pensions. Cette publication est sans doute la
seule source de renseignements qui traite en langue française de ces
détails de la plus haute importance pour les amputés.
À titre confidentiel. Il est entendu que cette liste de noms et
adresses est strictement confidentielle. Nous sommes en quelque sorte les
gardiens de ces listes que nous envoient les gouvernements provinciaux depuis
1948 et, pour autant que nous le sachions, jamais il n'y a eu de plainte eu
égard à l'usage abusif de la liste en question. Nous ne
prêtons ladite liste à aucune personne ni aucun organisme et nous
l'utilisons exclusivement lors de la mise à la poste des
porte-clés ou pour retourner les clés perdues. Depuis 1975, nous
utilisons l'expression "porte-clés codé confidentiel" et nous
croyons que le public a confiance en nous, car il sait que nous prenons les
précautions nécessaires contre toute indiscrétion envers
nos bienfaiteurs. C'est un fait, nous avons dans la province de Québec,
de nombreux usagers qui ont recours à nos services, ce qui semble bien
prouver la grande confiance dont le public nous honore.
Les amputés de guerre ont toujours cru que chaque individu a
droit à la discrétion et que ce même droit doit être
protégé. Encore une fois, nous affirmons prendre toutes les
précautions possibles pour nous assurer que les noms qu'on nous remet ne
serviront pas à un double usage et nous signalons un engagement
attestant qu'on ne vendra ou ne prêtera ces listes et qu'aucun
renseignement ne sera transmis à d'autres personnes ou organismes. Qui
plus est, notre ordinateur confidentiel rend impossible à qui que ce
soit tout accès aux renseignements que renferment ces listes.
Autres provinces: Les autres provinces du Canada ont des lois
restrictives quant à la divulgation des noms et adresses des
détenteurs de permis de conduire. À cet égard, toutes les
provinces ont fait exception dans le cas des amputés de guerre du
Canada. Pour ce faire, la réputation que nous avons de protéger
le caractère confidentiel de tout renseignement y est sans doute pour
quelque chose, en outre, évidemment, du service que nous rendons aux
automobilistes à savoir leur rendre leurs clés perdues. (13
heures)
Les divers programmes à caractère charitable que nos mises
à la poste des plaques porte-clés rendent possibles sont sans
doute une autre raison pour laquelle les gouvernements provinciaux nous
permettent l'accès à ces listes. En outre, mis à part tous
autres aspects de la présente question, le fait de rendre service aux
automobilistes nous semble être une justification satisfaisante pour
qu'on remette à nos organismes les noms et adresses de tous les
conducteurs de véhicules motorisés.
Activités à caractère charitable. Un trait
distinctif de nos activités pour l'année internationale des
personnes handicapées fut la production d'un film primé ayant
pour titre: Comme les autres... et un peu plus.
Ce film, dont le tournage se terminait l'automne dernier, a comme
vedette principale, Louis Bourassa, amputé d'une jambe, de Sherbrooke,
Québec. Louis est âgé de neuf ans. Il est un des meilleurs
exemples de courage et de succès en réadaptation que nous
connaissions au pays.
Le film suit l'évolution de Louis, à partir de son
accident, alors qu'il avait quatre ans. Nous le voyons progresser
jusqu'à aujourd'hui. On a, en outre, filmé des entrevues avec ses
parents qui témoignent des luttes qu'ils ont dû livrer, non
seulement lors de la réadaptation de Louis, mais contre la
société elle-même.
Beaucoup d'autres enfants amputés ont figuré dans le film
et des entrevues avec leurs parents se sont avérées une mine de
renseignements quant à leur réaction. On a aussi filmé des
entrevues avec d'autres parents d'enfants amputés.
On a, en outre, interviewé et filmé des
spécialistes, chefs de file des soins de la santé pour
amputés du Centre de réadaptation de Montréal et d'autres
cliniques québécoises pour amputation, bien connues au pays. Ces
témoignages dévoilent une information poussée et nous
révèlent que le grand public n'est pas conscient des conditions
de vie des amputés et autres personnes handicapées dans la
société actuelle.
L'association avait auparavant tourné un autre film, primé
lui aussi, qui avait pour titre: Jouez prudemment. Ce film a
mérité une médaille d'argent au Festival international du
film et de la télévision, à
New York, sans oublier la médaille de bronze remportée au
Festival international du film, à Miami.
Conçu pour les étudiants, ce film utilise une technique
dite d'enfants à enfants. Le film fut tourné dans les environs de
Québec et au lac Delage, dans les Laurentides. Les enfants racontent
brièvement leur accident et démontrent l'importance de la
sécurité au jeu.
Les amputés de guerre du Canada ont tourné un
troisième film intitulé: Jason et ses amis. Ce serait assez
difficile de vous dire ça en français. Ce film raconte l'histoire
de trois fillettes et huit garçons, tous amputés, qui arrivent de
tous les coins du Canada pour prendre part au défilé de la coupe
Grey sur le char allégorique des amputés de guerre et pour
assister au match de la coupe Grey. Ce film démontre bien que ces
enfants peuvent jouer et jouir de la vie en général, tout autant
que les enfants non amputés.
Tous ces films sont offerts à titre gratuit, soit comme
prêts ou dons aux commissions scolaires, aux bibliothèques, ou
encore à d'autres maisons distributrices de films que l'amputation
intéresse.
Avantage pour le public. Nous croyons qu'il est juste d'affirmer que
notre service des plaques porte-clés a considérablement
aidé le grand public. Nous offrons aux Canadiens un service bien
rodé par le truchement duquel leurs clés perdues sont
retournées. Au cours des 33 dernières années, ce service
nous a permis de retourner sans aucuns frais des centaines de milliers de
trousseaux de clés perdues. Grâce au service des plaques
porte-clés, on peut embaucher des amputés et autres citoyens
sérieusement handicapés de par tout le Canada. Pour desservir
à temps plein nos clients du Québec, nous avons cette
année ouvert un bureau d'affaires dans cette province.
Menace à la continuation des services. Nous devons compter sur
les provinces pour obtenir les listes des noms et adresses des automobilistes.
Sans ces listes, nous n'aurons d'autre choix que de discontinuer le service des
plaques porte-clés. Il serait peut-être possible d'acheter de
telles listes d'une source non officielle, mais ce serait là aller
à l'encontre de la nature même de notre organisme qui se veut une
institution de charité.
Nous sommes au service du public depuis 1948 et ce, du mieux que nous le
pouvons. Nous croyons qu'une partie de la confiance que nous accorde ce
même public provient de cette entente que nous avons pu, jusqu'ici,
maintenir avec les gouvernements provinciaux qui nous procurent ces listes de
noms et adresses nécessaires à notre oeuvre. Je m'excuse, j'ai
dû errer dans mon intonation.
Nous comprenons très bien les préoccupations actuelles, eu
égard à la protection des données relativement à la
liste d'enregistrement des conducteurs de véhicules motorisés.
Par contre, pour autant que nous le sachions, personne n'a
présenté de plaintes du fait que les amputés de guerre du
Canada ont accès à cette liste de noms et adresses. Il appert que
la confiance et l'appui que nous témoignent les gouvernements
provinciaux reposent sur nombre de facteurs, entre autres: premièrement,
nous avons fait nos preuves sur le plan de la discrétion;
deuxièmement, nous offrons un service de valeur, grâce au retour
des clés perdues; troisièmement, nous offrons du travail en
atelier protégé à des personnes handicapées;
quatrièmement, nos fonds servent à des programmes d'aide
très bien connus.
Dépenses pour oeuvres de charité. Les fonds qu'on
dépense directement pour le mieux-être des amputés
québécois sont administrés par nos succursales des villes
de Québec et de Montréal. Qui plus est, des sept membres du
conseil national, deux sont des membres francophones de la province de
Québec. Le personnel de notre siège social est entièrement
bilingue. Ce dernier traite avec le public dans la langue de son choix.
Autres activités à caractère charitable: a) Le
bureau des services où oeuvre un personnel qualifié en vue
d'aider les handicapés lorsqu'ils présentent des demandes de
compensations monétaires aux termes de la Loi sur les pensions aux
anciens combattants, pour obtenir la pension d'invalidité
octroyée en vertu du régime de pensions du Canada ou encore toute
autre pension à laquelle la personne handicapée aurait droit,
qu'elle soit accordée par les gouvernements fédéral,
provincial ou municipal. Le personnel en question voit aussi au logement et
à l'embauche de certains handicapés sans oublier des services
d'orientation lorsque c'est nécessaire. b) Un programme
prothétique de nature à renseigner les intéressés
sur les récentes mises au point touchant les membres artificiels et pour
subventionner des projets de recherche que l'association dirige et confie
à un groupe de personnes ou à des organismes qualifiés. c)
La publication de la revue de l'association qui se donne comme objet de
renseigner les handicapés canadiens, eu égard aux
dédommagements versés pour une personne handicapée
physique, sur toute aide technique mise à sa disposition, en sus
d'offrir une information pertinente sur "la prothétique" et sur tout ce
qui existe oour aider la personne handicapée à faire face
à ses incapacités physiques. d) La mise sur pied d'un programme
de liaisons civiles par l'entremise duquel les Amputés de guerre
fournissent des services d'orientation et une aide financière
à
d'autres amputés (civils) dont l'infirmité n'est pas
imputable à la guerre. e) Le programme pour enfants amputés offre
aux jeunes amputés une aide spécialisée partant de dons de
prothèses de tout genre jusqu'au financement de hautes études,
selon le cas. Le programme susmentionné comprend, en outre, des services
d'orientation pour encourager et aider ces enfants, victimes de l'amputation,
à faire face à leur handicap. f) Le maintien d'un service de
renseignements pour les amputés de guerre et autres personnes. Ce
service permet de profiter des recherches effectuées à
l'échelle mondiale, comprend une bibliothèque, réelle mine
de renseignements sur tout ce que peut représenter l'amputation et ses
répercussions. Le service en question comprend en outre nombre de films
produits par l'association. g) Assurer des subventions aux amputés en
cas de déboursés inattendus, qu'ils soient directement
liés ou non à l'amputation. h) La mise sur pied d'un programme
d'allocations de subsistance aux survivants pour aider financièrement
les veuves et veufs dans le besoin. i) Lancer un programme de subventions
destinées au domaine de la santé et des loisirs pour certains
membres actifs qui en ont besoin pour faire face à leur handicap lorsque
leurs propres moyens financiers ne suffisent pas. j) Le programme de prudence
dédié aux enfants. Par l'entremise de ce programme, on a produit
des films, des rubans sonores et rédigé des publications en vue
de prévenir les accidents qui peuvent entraîner une amputation. k)
Au cours des quatre dernières années, environ 40 000 $ furent
dépensés en subventions pour les prothésistes afin de leur
permettre de se perfectionner, À compter de 1981, une somme d'environ 10
000 $ est mise de côté spécifiquement pour répondre
aux besoin des prothésistes.
Accès aux listes dans d'autres provinces. Nous avons accès
aux listes des détenteurs de permis de conduire dans les autres
provinces. A titre d'information, nous nous sommes permis d'annexer au
présent mémoire de la correspondance avec la province de la
Nouvelle-Écosse, de la Saskatchewan et du Manitoba.
Conclusions. Nous croyons vraiment rendre un service valable, un service
qui en vaut la peine aux automobilistes et autres citoyens du Québec,
tout en assurant que leurs nom et adresse seront traités
confidentiellement et avec la plus grande discrétion. Nous croyons en
outre que ces fonds perçus grâce à notre service de plaques
porte-clés nous ont permis de rendre des services exceptionnels et
uniques aux amputés du Québec. Nous espérons pouvoir
continuer d'avoir accès à cette liste des conducteurs de
véhicules motorisés. Naturellement, nous sommes prêts
à payer tous les frais inhérents à cette même liste.
Si nécessaire, il nous fera plaisir de rencontrer vos
représentants pour discuter plus à fond de cette question. 11 y a
les trois annexes dont je vous ferai grâce. J'ajouterai en terminant, M.
le Président, qu'il nous fera plaisir de mettre à la disposition
de cette commission tout renseignement additionnel qui n'aurait pas
été couvert dans le présent mémoire. Je vous
remercie de l'occasion que vous m'avez fourni de faire cet exposé.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: M. Tremblay, vous vous excusiez presque tantôt
de présenter un mémoire après l'Union des
municipalités, l'Union des conseils de comté et la Corporation
des secrétaires municipaux. Je dois vous dire au contraire que votre
mémoire est tout à fait à propos, parce que vous
êtes effectivement le seul groupe inscrit à cette commission
parlementaire qui vient nous poser le problème de la transmission
d'informations contenues dans nos fichiers à des organismes qui
poursuivent des objectifs d'oeuvres charitables et je ne connais pas
exactement, je ne connaissais même pas l'existence de ce service. J'ai
une voiture. Je ne sais pas. Peut-être que je n'ouvre jamais mon casier
postal pour prendre mes factures, mais on m'a parlé depuis de
l'existence de ce service et plusieurs personnes en profitent.
Vous posez par votre organisme un problème beaucoup plus
général, il faudra prendre une décision pour savoir si des
organismes comme le vôtre pourraient avoir le droit de signer avec des
organismes publics des ententes qui seraient entérinées par une
éventuelle commission d'accès aux documents des organismes
publics en s'assurant qu'on puisse avoir tous les moyens pour vérifier
la confidentialité des renseignements que vous obtenez grâce
à cette entente et en s'assurant que vous vous en servez bien pour les
objectifs pour lesquels vous les avez obtenus.
C'est un problème de principe, global, que vous posez et vous
êtes le seul organisme à nous inviter à
réfléchir très sérieusement sur cette
possibilité. Je ne sais pas à priori, si tout ce que vous nous
avez dit dans votre mémoire est exact, je ne suis pas porté
à en douter, je vous fais confiance là-dessus, vous semblez
prendre toutes les précautions nécessaires pour que les
informations que vous obtenez soient vraiment protégées,
gardées très confidentiellement et vous semblez même avoir
établi une appellation où nous sommes tous appelés entre
nous des gens codés.
(13 h 15)
Vous avez même un ordinateur confidentiel; je voudrais le
rencontrer, savoir comment vous faites, parce que nous autres nous avons des
problèmes. On a des ordinateurs qui ne le sont pas, il y a effectivement
des organismes qui reçoivent des renseignements du gouvernement, cela a
paru dans les journaux et pose des problèmes, c'est ce que nous voulons
régler.
Le problème de fond est là. Est-ce qu'on doit ouvrir, par
un article dans la loi, la possibilité qu'il y ait des organismes comme
le vôtre qui profitent de l'obtention de ces renseignements nominatifs
à des fins très particulières? Je vous avoue que mon
idée n'est pas faite là-dessus. Si on le fait pour les
amputés de guerre, il faut accepter de le faire à priori pour
toute organisation, toute oeuvre charitable, dont les objectifs seraient aussi
louables que les vôtres et qui, profitant de ces renseignements,
pourraient aller chercher certaines sources de revenus.
En passant, la vente de ces porte-clés, l'offre que vous faites
au public de vous verser des montants d'argent à la suite de la
réception de ces porte-clés, rapporte combien aux amputés
de guerre du Canada et en particulier, aux amputés de guerre du
Québec? Est-ce que vous avez une réponse à ce sujet?
Est-ce qu'il y a un montant?
M. Tremblay (Léonard): Voilà une excellente
question, M. le ministre. Nous n'avons pas apporté avec nous notre
dernier bilan financier, mais je m'en remettrais à M. Bergeron pour
répondre à cette question, c'est le gérant de cette
manufacture, si on peut l'appeler ainsi.
M. Bergeron (Jean): M. le ministre, la meilleure manière
de répondre à cette question serait de vous dire que nous
suggérons 1 $ pour un jeu de plaques porte-clés. Au Québec
même, nous recevons une réponse pour cinq jeux que nous postons.
Le montant exact pour le Québec, c'est le problème. Nos rapports
sont pour le Canada au complet.
M. Bertrand: Combien pour le Canada?
M. Bergeron: Environ 3 500 000 $ par année que nous
recevons.
M. Bertrand: Par les porte-clés? M. Bergeron: Par
les porte-clés.
M. Bertrand: Je vais en parler à M. Parizeau.
M. Tremblay (Léonard): Ce n'est pas un montant net.
M. Bergeron: Ce n'est pas un montant net. C'est le chiffre brut.
Nous devons soustraire les frais de poste, les salaires de nos employés,
de nos usines, etc.
M. Bertrand: Vous n'avez pas le chiffre pour le
Québec?
M. Bergeron: Non. Je n'ai pas le montant pour le Québec.
On pourrait le fournir au prochain rapport.
M. Bertrand: Oui, si ce n'est pas confidentiel.
M. Bergeron: Non. Nos livres sont ouverts.
M. Bertrand: D'accord. Et ces revenus sont utilisés pour
l'ensemble des services ou si l'opération porte-clés va pour
certaines fins très particulières. Est-ce que cela va dans
l'ensemble des revenus des amputés de guerre du Canada ou si c'est
affecté à des postes particuliers?
M. Bergeron: C'est pour l'association du Canada. Cela va aux
programmes des enfants amputés, les mini-bus dans les plus grandes
villes et programmes semblables.
M. Tremblay (Léonard): Si vous le permettez, M. le
ministre, j'aimerais peut-être compléter. Quand vous parlez de
postes, en tant qu'ancien fonctionnaire, je vois où vous voulez en
venir. Nous avons divers programmes, comme M. Bergeron vient de le dire,
auxquels sont attribués certaines sommes d'argent. Il y a un budget
annuel qui est fabriqué et, dans ce mémoire, nous avons
essayé de décrire brièvement que nous étions
producteurs de films éducatifs, comme: Jouez prudemment, Jason et ses
amis, Les autres... et un peu plus. Produire des films, si vous avez une petite
idée, c'est quelque chose qui coûte assez cher.
Nous avons également entre 250 et 275 jeunes enfants qui font
partie d'un programme qui, malheureusement, ne se traduit pas en
français. En anglais, on l'appelle CHAMP. On se sert des deux
premières lettres du mot enfant, "child" et AMP pour "amputee".
Malheureusement, je n'ai jamais pu trouver de définition
française à cela. Ce programme fournit de l'aide. Cela peut aller
d'une jambe qui sert à la natation jusqu'à des études
universitaires. Nous avons des cas patents présentement à qui
nous offrons ces services. Nous avons fourni des chaises, des fauteuils
roulants, par exemple, à des personnes qui, autrement, n'étaient
pas admissibles. La recherche sur les prothèses est un
élément assez considérable de notre budget. Des
subventions ont été offertes à certaines
universités - Laval, jusqu'ici, non, mais cela viendra - d'assez grosses
sommes d'argent afin de permettre de la recherche
dans le domaine des prothèses, qui est un domaine en
évolution comme tous les autres domaines J'espère que cela
répond un peu à votre question, M. le ministre.
M. Bertrand: Oui, là-dessus, cela va. Notre
problème est total. Il nous appartient de décider si, oui ou non,
on accepte le principe selon lequel les organismes publics peuvent transmettre
certaines informations contenues dans des banques de données à
des organismes comme le vôtre, qui ont des objectifs fort louables, et de
savoir qu'en ouvrant cette porte il faut effectivement avoir une politique
où il y aurait forcément des ententes de conclues et une
espèce de responsabilité de la commission de s'assurer de la
confidentialité des fichiers. C'est un problème de fond. Je vous
avoue qu'a priori je n'ai pas d'idée arrêtée
là-dessus. Je ne suis pas fermé, mais je me dis que si jamais on
ouvrait la porte, il faudrait préciser très clairement dans quel
contexte cela s'effectuerait. Sinon, cela peut donner lieu à toutes
sortes de problèmes tels que ceux qui ont été
révélés par la voie des journaux, d'organismes publics qui
transmettent des informations à des compagnies privées et qui,
elles, s'en servent à des fins... L'Union des conseils de comtés
nous en a parlé tantôt. Ce sont les compagnies d'assurances. Ce
sont les compagnies de crédit. Cela peut être n'importe quel
organisme qui, lui, a des objectifs commerciaux, très profitables. Pour
l'instant, j'en suis là, mais je vous remercie d'avoir
présenté votre mémoire pour, justement, soulever la
question et nous forcer à trouver la réponse.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, étant donné
l'heure tardive, je vais essayer d'être bref. Comme le ministre le
mentionnait tout à l'heure, la présentation de ce mémoire
est l'occasion de poser un certain nombre de questions concernant la
deuxième partie du mandat de la commission Paré, à savoir
la protection des renseignements personnels. Je vous remercie donc, M.
Tremblay, d'avoir présenté votre mémoire et j'aurais
quelques questions.
Par exemple, vous dites à la page 2: "Notre ordinateur
confidentiel... - vous avez souligné le mot "confidentiel" -... rend
impossible à qui que ce soit tout accès aux renseignements que
renferment ces listes. " J'aimerais savoir comment vous définissez un
ordinateur confidentiel. La crainte que partagent beaucoup de personnes ou
d'organismes devant le développement de l'informatique, des fichiers
dans divers gouvernements, organismes n'est pas seulement ici. On sait qu'en
France, récemment, il y a eu une loi adoptée pour tenter de
cerner cette question. Cette crainte vient du fait qu'un ordinateur est quand
même quoi? C'est un magasin. C'est une machine. C'est un appareil et ce
qu'on lui donne, il peut nous le rendre. Il s'agit d'y avoir accès. Cet
accès est relativement facile à trouver. Comment pouvez-vous nous
assurer de la confidentialité de votre ordinateur?
M. Tremblay (Léonard): M. Lalonde, je puis vous l'assurer
pour autant que l'on peut assurer la confidentialité de n'importe quel
renseignement qui peut filtrer en dehors de quelque organisme que ce soit, y
compris les sources gouvernementales. Vous êtes mieux placé que
moi pour savoir que des fuites, il s'en produit à peu près
partout. Si vous me demandez de vous assurer la confidentialité de notre
système d'ordinateur, je vous avoue franchement que je suis un peu
embêté de vous répondre.
M. Lalonde: Je vais être plus précis. Je
présume que l'organisme qui vous prête ces renseignements, qui
transmet ces renseignements a la confiance la plus absolue dans votre
caractère de franchise, d'honnêteté, à partir du
président de votre organisme jusqu'à votre personnel. Je
présume qu'on vous fait confiance à titre d'individus, de
personnes.
Maintenant, si un tiers voulait aller chercher des renseignements,
quelqu'un qui n'est pas de votre organisation, est-ce qu'il peut avoir
accès à votre ordinateur? Par exemple, est-ce que les
renseignements qui sont enregistrés quelque part, sur une bobine ou sur
une cassette - je ne sais pas quelle sorte d'ordinateur vous avez - sont
ensuite prêtés à un ordinateur d'un autre organisme, par
exemple, d'une université où vous achetez du temps? Quelqu'un
d'autre aurait alors accès à ces bobines.
M. Bergeron: Oui.
M. Tremblay (Léonard): M. Bergeron peut répondre
très pertinemment à cette question.
M. Bergeron: Oui, d'accord. Une fois qu'on reçoit les
rubans magnétiques de la province, on fait affaires avec une compagnie
pour changer les noms et les mettre dans notre ordinateur. Une fois qu'on a
cela, l'ordinateur est toujours sous clé, les rubans sont
enfermés tous les soirs et c'est seulement notre personnel qui a
accès aux rubans. Pour qu'une tierce personne ait la chance d'avoir ces
informations, il faudrait que quelqu'un les vole. À ce point, on a le
même contrôle que les banques avec leur argent.
M. Lalonde: Je vous remercie de cette
réponse. Cela nous situe un peu sur votre façon de
procéder. L'autre question - et je vais m'en tenir là, à
ce moment-ci - c'est que vous recevez ces renseignements-là,
actuellement, de diverses provinces, y compris le Québec; vous les avez
reçus depuis un certain nombre d'années. Quelles sont les
dispositions qui sont prises, actuellement, par le gouvernement pour s'assurer
de la confidentialité de ces renseignements? Est-ce que vous donnez
accès aux représentants du gouvernement à vos locaux pour
qu'ils puissent s'assurer de l'organisation physique et des précautions
que vous prenez? Est-ce qu'il y a un contrat qui a été
signé entre les deux?
M. Bergeron: Oui, il y a un contrat de ne pas divulguer
l'information qu'on reçoit de la province. Je ne crois pas qu'on ait
jamais eu une visite d'un représentant d'aucune province. On a un
contrat avec toutes les provinces de ne pas divulguer l'information qu'on
reçoit. Mais nos portes sont toujours ouvertes.
M. Lalonde: Les renseignements que vous recevez ne renferment que
le nom d'un individu, avec son adresse comme étant propriétaire
d'une automobile?
M. Bergeron: Les dossiers qu'on reçoit comportent le nom
et l'adresse complète des détenteurs de permis de conduire.
M. Lalonde: Des détenteurs de permis de conduire?
M. Bergeron: Oui.
M. Lalonde: Ah, bon! Pas des propriétaires d'une
automobile?
M. Bergeron: Pas des propriétaires.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez aussi tous les autres
renseignements qui sont inscrits sur le permis de conduire?
M. Bergeron: Non.
M. Lalonde: Comme le numéro d'assurance sociale, etc.
?
M. Bergeron: Non. Quelques provinces nous fournissent aussi le
numéro du permis même et on garantit de ne pas s'en servir.
M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup de vos renseignements.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Votre organisme compte combien de
bénéficiaires des services que vous offrez au Québec? Un
ordre de grandeur.
M. Tremblay (Léonard): Chiffrer cela, c'est passablement
difficile. Mais tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on pourrait
procéder par déduction si l'on part du point que nous en mettons
à la poste aux environs de 10 000 000 pour tout le pays.
M. Rodrigue: Je parle des bénéficiaires, de ceux
qui reçoivent de l'aide en vertu de vos divers programmes. Je ne parle
pas de ceux qui achètent ou qui vous subventionnent par l'achat des
porte-clés, mais de ceux qui reçoivent de l'aide et qui sont
bénéficiaires de vos programmes d'aide. (13 h 30)
M. Tremblay (Léonard): Est-ce que je peux vous demander de
reformuler votre question, s'il vous plaît? Vous me parlez d'un nombre
mais d'un nombre qui est un peu nébuleux pour le moment.
M. Rodrigue: Ce que j'essaie de voir c'est combien de personnes
au Québec, par exemple, bénéficient des programmes d'aide
que vous offrez pour mesurer un peu l'impact auprès de la population de
ces services que vous offrez. S'il y avait quinze personnes au Québec
qui bénéficiaient de ces services, disons quant à moi que
ça m'inciterait à considérer que c'est marginal comme
nombre de personnes qui sont bénéficiaires de ces services,
d'autant plus qu'un certain nombre de ces personnes reçoivent
probablement de l'aide en vertu des programmes qu'on a ici au Québec
pour l'aide aux handicapés. C'est un peu cela que j'essaie
d'établir, l'ampleur ou l'étendue de vos services et l'effet de
vos services ici au Québec.
M. Tremblay (Léonard): M. le député, il est
quand même assez difficile de mettre un chiffre sur ce que vous me
demandez, pour diverses raisons. Je vais essayer d'en énumérer
deux ou trois.
J'ai dit tout à l'heure que l'on affectait des sommes assez
considérables à la recherche sur les prothèses, qu'on
affectait aussi des sommes assez considérables au perfectionnement des
prothésistes, chose qui n'existe pas au Canada. Même le
gouvernement fédéral ne s'occupe pas de mettre ces gens-là
au fait des derniers développements.
En termes de chiffres c'est difficile de dire combien de personnes
bénéficient de ça. En fait, je dirais que tous les
amputés, de façon qénérale, finissent un jour ou
l'autre par profiter de l'avancement que nous créons dans ce
domaine-là.
M. Rodrigue: II faut faire une distinction. Il y a des services
qui sont
rendus directement à une personne; c'était l'objet de ma
question. Je comprends que certains de vos programmes ont des
conséquences pour l'ensemble des handicapés parce que c'est de la
recherche, mais ceux qui sont bénéficiaires directs...
M. Tremblay (Léonard): Bon! J'ai parlé tantôt
d'environ 250 enfants. Pour ce qui est des adultes...
M. Rodrigue: Pour l'ensemble du Canada.
M. Vallières (Stuart): Notre association au Québec
compte plus de 200 membres qui bénéficient aussi des sommes qu'on
ramasse. C'est-à-dire qu'il y a environ 500 personnes, si c'est le
nombre de personnes que vous voulez savoir. Je dois ajouter qu'ici, au
Québec, il y a au moins 500 personnes qui bénéficient de
nos programmes et ça varie tous les ans.
M. Rodrigue: En aide directe à des individus.
M. Vallières (Stuart): Oui. Les membres de l'association
Les amputés de guerre au Québec, on sait qu'il y en a plus de
250. Les jeunes à qui on offre de l'aide, c'est environ 300
personnes.
Dans les hôpitaux, les personnes âgées qui ont besoin
de chaises roulantes, c'est difficile à évaluer, mais à
Montréal on a aidé plus de 50 personnes l'année
dernière seulement. Si on est un peu vaque c'est parce qu'on cherche
à être exact dans nos réponses.
M. Rodrigue: Je vous remercie.
M. Tremblay (Léonard): M. le député, est-ce
que vous me permettez d'ajouter à ce que vient de dire M.
Vallières? Lorsque j'ai tenté de répondre à votre
question j'ai totalement oublié - on dit que généralement
charité bien ordonnée commence par soi-même - les membres
de l'association Les amputés de guerre du Canada qui, eux, sont, je ne
dirais pas les premiers, mais qui bénéficient de façon
automatique des travaux de notre bureau central à Ottawa. Par là,
j'entends, par exemple, les augmentations de pensions, les revendications, les
appels, les décisions qui sont rendues par la Cour
fédérale d'appel. Tout cela entre dans le processus des
dépenses que nous effectuons.
Nous devons nous assurer, par exemple, des services d'un conseiller
juridique. Tout de suite, vous voyez un petit peu l'ampleur de l'affaire.
Chaque ancien combattant, non seulement les amputés de guerre, mais
chaque ancien combattant peut être amené à
bénéficier du travail que nous faisons. C'est pour ça que
c'était un peu embêtant pour moi de vous répondre par un
chiffre de 200, 300, 500, 1000 ou 5000.
M. Rodrigue: Le chiffre qui a été mentionné
nous donne quand même un ordre de grandeur, même si c'est 575 ou
425 au lieu de 500, cela nous situe. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: M. le Président, j'aimerais d'abord dire que je
souhaite franchement qu'on puisse trouver une solution à ce
problème. C'est un problème, mais je pense que ce doit être
possible de le faire parce que aussi, je crois que c'est un excellent exemple
que donne votre association de l'action positive que peut avoir le domaine
privé, bénévole ou non lucratif, si vous voulez, dans le
secteur des services sociaux. C'est une formule qui intéresserait
peut-être le ministre des Finances, cela ne coûte pas beaucoup
à l'État et cela permet aussi d'avoir des bénéfices
positifs pour les citoyens comme tels. Je voulais simplement poser une autre
question. À la page 5 de votre rapport, quelque chose a piqué mon
attention; vous dites qu'il serait peut-être possible d'acheter de telles
listes de source non officielle, etc. J'aimerais savoir si vous êtes au
courant que ces listes circulent pour d'autres fins que les vôtres, par
exemple, puisque vous semblez dire que ce serait possible d'avoir accès
aux listes d'une autre façon. Pas pour savoir si vous allez le faire. Je
crois que vous avez tout à fait raison quand vous dites que c'est
à l'encontre de la nature même de votre organisme, mais toute la
problématique de la confidentialité de ces listes qui a
été soulevée tout à l'heure m'intrique et je me dis
qu'il serait intéressant de savoir si vous êtes au courant que ces
mêmes listes servent pour d'autres fins, peut-être à but
lucratif, mais pouvez-vous préciser votre pensée
là-dessus?
M. Vallières (Stuart): Les listes dont on a parlé,
c'étaient les listes qui sont mises en circulation par la compagnie
Hunt, par exemple. Ce sont les listes que n'importe qui peut acheter pour faire
sa distribution par le courrier.
M. Sirros: Ce sont des listes qui contiennent des informations
qui se trouvent au ministère des Transports?
M. Vallières (Stuart): Non, cela ne concerne pas cela. Ce
sont des listes qui sont préfabriquées par les compagnies
privées. Ce n'est pas le même genre de listes. On
préfère avoir des listes comme on a eu dans le passé,
mais, à l'avenir, si on ne peut pas avoir ce genre de listes, on va
être
obligé de trouver des listes de deuxième qualité,
pas aussi bonnes.
M. Sirros: Merci.
M. Bédard (Paul): M. le Président, il y a quinze
jours je me suis rendu à la demande du conseil de Chicoutimi pour
remettre à l'hôpital de Chicoutimi un minibus pour le transport de
ses handicapés. Il paraît que l'hôpital n'en avait pas dans
son budget. Depuis ce temps, l'hôpital de Chicoutimi nous demande une
subvention de 85 000 $ pour lui permettre de refaire, de rebâtir ses
services de prothèses parce que actuellement l'hôpital de
Chicoutimi est à court dans ses finances. À l'hôpital de
Chicoutimi, nous avons un dénommé Jack Hughes, qui est en charge
du comité pour recueillir de l'argent pour aider cet hôpital
à prendre de l'expansion. M. Hughes est un amputé de la
Deuxième grande guerre et il nous a fait parvenir cette demande.
Actuellement, c'est à l'étude et je pense qu'on va payer une
partie de la transformation qui doit se faire à l'hôpital de
Chicoutimi afin que ses services de prothèses soient capables de
fonctionner mieux. Actuellement, nous avons été informés
qu'en plus des réparations sur les prothèses à Chicoutimi,
celles qui sont faites dans la province de Québec sont payées par
ces services.
Le type qui est là fait 160 nouvelles prothèses chaque
année. Cela veut dire que si une personne a besoin d'une
prothèse, il la fait. Il était réellement
débordé. Il n'avait pas la place, il n'avait pas l'organisation
pour le faire, ce qui fait qu'on nous a demandé une subvention vu
qu'actuellement, avec les coupures budgétaires, etc., ces services
n'auraient pas les finances nécessaires. On étudie la question
afin de leur venir en aide. C'est un des seuls hôpitaux dans le district
de Québec qui nous a demandé guelque chose. Moi, je m'occupe
personnellement du district de Québec; en plus d'être
trésorier général. Si vous voyiez l'argent qu'on
dépense à travers le pays, à aider à fournir ce que
le gouvernement ou d'autres personnes ne fournissent pas! Nous autres, on
fournit ces fonds.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Les membres de la
commission vous remercient de vous être présentés devant
eux et la commission suspend ses travaux pour les reprendre à quinze
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 40)
(Reprise de la séance à 15 h 12)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux. J'inviterais maintenant les
représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec à prendre place et à s'identifier.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
M. Saint-Jean (Roland): M. le Président, MM. les membres
de la commission, je vous présente, à ma droite, le
trésorier général du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux, Marcel Ledoux, et moi-même, vice-président à
l'exécutif provincial, Roland Saint-Jean.
Le Président (M. Rochefort): Votre mémoire, s'il
vous plaît.
M. Saint-Jean: Mémoire à la commission
parlementaire chargée d'étudier le rapport Information et
liberté soumis par la commission d'étude sur l'accès
à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements
personnels.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc., a
soumis à la commission une étude sur l'accès à
l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements
personnels un mémoire qui est joint en annexe au présent
mémoire. Je crois qu'il y aurait une petite correction, vous l'avez
déjà eu avant, ce mémoire soumis à la commission
Paré, alors, il n'était pas joint à ce mémoire qui
est un complément du mémoire présenté à la
commission Paré.
Dans ce mémoire, nous indiquons que, selon nous, le principe
devant guider une loi sur l'accès à l'information gouvernementale
et sur la protection des renseignements personnels devrait être que
toutes les informations, toute la documentation, toutes les décisions
que détient le gouvernement devraient être publiques et faciles
d'accès.
Nous avions également indiqué à la commission que
l'on devait prévoir certains cas d'exception afin de protéger la
vie privée des individus, également, et ce, dans une optique de
protection de nos membres qui pourraient être appelés à
appliquer une telle loi, nous avions soumis à la commission qu'une
personne chargée de l'application de la loi et l'ayant fait de bonne
foi, devrait être indemne de toute responsabilité ou de toute
mesure pouvant les affecter dans leur lien d'emploi avec leur employeur.
Nous constatons que dans son rapport, Information et liberté, la
commission semble avoir retenu les principes que nous avions soumis. Cependant,
force nous est de constater que l'application de ces principes par
l'intermédiaire d'une proposition de projet de loi est insatisfaisante
à certains égards.
Nous tenterons donc brièvement de soumettre à la
commission parlementaire les
points sur lequels nous devons exprimer notre désaccord.
La publication des décisions des organismes publics. Par la
proposition de loi, seul le Conseil exécutif se voit obligé de
publier des décrets et encore, il peut refuser pour certains motifs de
le faire ou retarder à le faire. Nous considérons que toutes les
décisions des organismes publics devraient être publiées.
Ainsi, devraient être publiées toutes les décisions du
Conseil exécutif, du Conseil du trésor, des ministres et des
organismes gouvernementaux. (15 h 15)
Nous considérons comme inacceptable que ne soit faite aucune
obligation au Conseil du trésor de publier les décisions qu'il
rend. Nous considérons comme tout à fait inacceptable que le
Conseil exécutif puisse refuser de révéler l'existence ou
de communiquer une décision résultant de ses
délibérations. Nous sommes d'accord que certains cas d'exception
peuvent exister, mais nous croyons qu'il y aurait lieu de les déterminer
clairement par la loi et de ne pas laisser place à l'arbitraire.
Nous avons remarqué que certaines exceptions prévues par
la proposition de loi pourraient être acceptables. Nous croyons,
cependant, qu'elles sont trop peu nombreuses et qu'elles n'assurent pas aux
citoyens une accessibilité véritable aux documents publics.
Le problème des renseignements nominatifs. Ce problème
s'inscrit dans l'optique de la protection de la vie privée et des
renseignements personnels. La commission détermine que seule la personne
concernée peut prendre connaissance des dossiers qui comprennent des
renseignements nominatifs. Une autre personne n'a pas le droit de les obtenir.
Nous sommes d'accord avec cette idée. Cependant, nous constatons que la
définition d'un renseignement nominatif est très large et qu'en
définitive, la seule chose que nous pourrions peut-être savoir, si
une personne est intéressée à le savoir, c'est le nom
d'une autre personne.
Cependant, ce que nous considérons comme totalement inacceptable,
ce sont les restrictions imposées au droit d'accès des
renseignements nominatifs pour la personne concernée. Qu'une personne ne
puisse prendre connaissance des dossiers la concernant, car on risquerait de
révéler certaines autres informations, ne respecte d'aucune
façon la protection de la vie privée de cette personne et ne
permet pas la correction d'erreurs.
Nous recommandons que ces dispositions restreignant le droit
d'accès ne figurent pas dans toute la loi qui pourrait être
adoptée par l'Assemblée nationale et ce, même si la
commission a un pouvoir d'enquête très général
concernant ces dossiers personnels. Les enquêtes peuvent être
lonques et la personne concernée pourrait subir un préjudice
sérieux si une telle enquête est trop longue.
Également, tenant compte de certaines expériences
vécues, nous tenons à rappeler qu'il ne doit pas y avoir de
dossiers parallèles et que cela doit être clair. Le droit
d'accès du citoyen aux dossiers personnels que détiennent les
organismes publics sur lui ne peut et ne doit pas être restreint. Il doit
lui permettre d'avoir une idée complète sur les informations que
possèdent les organismes publics sur lui.
La protection des personnes chargées de l'application de la loi.
Comme nous l'avions souligné à la commission d'étude, nous
croyons important que la personne chargée d'appliquer une telle loi soit
protégée pour les actes qu'elle pourrait poser de bonne foi. La
commission semble avoir retenu ce principe et ce, à l'article 147 et par
les dispositions des articles 142 et 143. Nous tenons simplement à
recommander fortement à la commission parlementaire que toute loi
semblable devra comporter des garanties suffisantes pour assurer la protection
des personnes chargées de l'appliquer, afin de pouvoir obtenir la
collaboration adéquate de ces personnes.
Les délais prévus par le projet de loi. Nous croyons que
les délais prévus sont trop longs. En effet, lorsqu'une personne
désire avoir une information, elle ne devrait pas normalement avoir
à attendre 20 jours, mais devrait pouvoir l'obtenir le plus rapidement
possible.
Considérations générales. Nous sommes d'accord avec
la création de répertoires pour chaque organisme public afin que
les citoyens sachent qu'elles sont les informations possédées par
ceux-ci. Nous croyons également qu'il serait très utile qu'un
répertoire général existe et nous sommes d'accord avec les
propositions que fait la commission d'étude à ce niveau.
Conclusion. La proposition de loi et le rapport de la commission
révèlent un souci constant de faire en sorte que les organismes
publics soient le plus accessibles possible aux citoyens. Nous partageons ce
point de vue. Nous croyons, cependant, que plusieurs améliorations
peuvent encore être faites à ce niveau et également
à la proposition de loi. Nous sommes certains que les personnes qui
seront chargées d'appliquer la loi et, en particulier, nos membres qui
pourraient être appelés à le faire le feront dans un esprit
de service à la communauté, à chaque citoyen, et nous
pouvons vous assurer de l'ouverture d'esprit qu'auront nos membres face
à une telle loi. Nous espérons qu'une telle loi sera
adoptée le plus rapidement possible et qu'elle assurera une
véritable accessibilité aux documents publics et une protection
adéquate de la vie privée. Cela, bien sûr, MM. les membres
de la commission, toujours en tenant compte du mémoire que nous avons
déposé sur certains points que nous tenons à
voir insérer ou préciser, tel que mentionné dans
notre mémoire, afin que nos membres puissent accepter l'ensemble de ce
projet sans trop de difficultés. Il semble que ce serait notre position
en tant que représentants des membres du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bertrand: M. le vice-président, bien que bref, votre
mémoire n'en est pas moins très clair. Je crois que ça
mérite d'être souligné: le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec, donc, finalement, l'ensemble des fonctionnaires
provinciaux du Québec se montre très ouvert à une telle
loi et annonce d'avance à la population qu'il entend collaborer et
participer à sa mise en application avec, véritablement, les
meilleures intentions du monde. Vous n'êtes pas sans savoir, au
départ, qu'on avait indiqué, dès que la commission
Paré eut rendu son rapport public, que la mise en application de la
proposition de loi, si elle était retenue, allait supposer des
chanqements de mentalités considérables et souvent, même,
des attitudes qui méritent d'être changées et qui pouvaient
avoir cours à l'intérieur de la fonction publique.
Votre mémoire donne une réponse plus que satisfaisante
à cette question. La fonction publique est prête à vivre
avec cette loi. Non seulement elle est prête à vivre avec cette
loi, mais elle est prête à apporter son concours pour que la
population ait le sentiment que les fonctionnaires sont les premiers
intéressés à apporter leur contribution pour faciliter
l'accès à l'information et aussi pour protéger les
renseignements que nous détenons dans l'administration des fichiers
gouvernementaux.
Vous faites, par contre, un certain nombre de remarques
spécifiques qui méritent d'être relevées. L'un a
trait au processus décisionnel. Effectivement, la commission Paré
a jugé bon dans ses restrictions de protéger tous les
renseignements à incidence politique et tous les renseignements qui sont
reliés à la prise de décision au sein des organismes
publics.
Vous indiquez quant à vous que vous préféreriez que
toutes ces décisions ou l'ensemble des documents faisant
référence aux délibérations, aux mémoires
qui avaient été transmis que ce soit au niveau du Conseil des
ministres ou du Conseil du trésor, soient rendus publics. J'indiquerai
au départ que bon nombre de ces documents sont déjà rendus
publics: les règlements le sont, plusieurs décrets le sont,
plusieurs décisions ministérielles sont rendues publiques.
D'ailleurs, d'une façon générale les personnes politiques
veulent faire connaître les décisions qu'elles ont prises. Donc,
il y a de l'information qui est donnée.
Je pense qu'il faut aussi situer le Conseil du trésor dans son
contexte très particulier. Le Conseil du trésor participe
à la prise de décision, fournit des avis et des recommandations
aux ministères, au Conseil des ministres pour faciliter la prise de
décision. Je ne pense pas qu'on puisse dissocier les mémoires,
les délibérations, les décisions du Conseil du
trésor de tout le processus décisionnel de l'ensemble du
gouvernement. Dans ce contexte, en me référant aux articles 32 et
37, je crois qu'il y a quand même là des éléments de
réponse, c'est-à-dire qu'on considère que ces documents
peuvent être gardés confidentiels pendant un certain temps, mais
il y a une période à partir de laquelle ils doivent être
communiqués à l'ensemble du public.
On peut peut-être discuter sur les délais. À
l'article 32, il est fait mention d'un délai de 20 ans pour les
mémoires et délibérations du Conseil exécutif.
À l'article 37, il est fait mention de 20 ans aussi pour le Conseil du
trésor en particulier. Il y a peut-être possibilité de
discuter de cette question de délai, mais je me rallie à la
pensée des commissaires qui ne se sont pas étendus très
loin au niveau des restrictions. Ils l'ont fait dans le contexte où ils
jugent que l'action gouvernementale pour être efficace, pour être
possible, a besoin de ce genre de protection.
Vous dites: II nous semble que ce n'est pas absolument indispensable et
qu'on devrait permettre que ce soit rendu public dès lors que les
décisions sont prises et dès lors que les mémoires qui ont
été soumis pour analyse ont fait l'objet de décisions du
Conseil exécutif ou du Conseil du trésor.
Là-dessus, j'aimerais vous entendre argumenter un peu plus, pour
tenter de nous convaincre de la nécessité d'aller de l'avant avec
cela.
Sur les autres articles, cela m'intéresserait d'avoir votre
réaction, entre autres aux articles 142, 143, 144, plus
particulièrement ceux où il y aurait des sanctions pour les
personnes ou les organismes qui auraient enfreint les dispositions de la loi.
Je me demandais justement comment un syndicat de fonctionnaires provinciaux du
Québec voyait l'introduction de sanctions à des infractions qui
seraient commises lorsque quelqu'un entraverait sciemment l'accès
à un document public. J'avais l'impression que c'était
peut-être un certain nombre d'articles qui pourraient vous choquer, dans
la mesure où on partirait du principe qu'on ne peut pas faire confiance
à ceux qui auront la responsabilité de la chose. Vous semblez
indiquer, au contraire, dans votre mémoire, que vous êtes d'accord
avec ces articles, parce que vous croyez que, si on veut vraiment que le
travail soit fait
sérieusement, il faut que les gens qui en ont la
responsabilité sentent qu'il y a des possibilités de sanctions
dans la mesure où des infractions seraient commises. Là-dessus
aussi j'aimerais avoir votre commentaire.
Enfin, sur la notion de dossiers parallèles, vous voudriez que la
loi indique très clairement qu'il ne doit pas y avoir de dossiers
parallèles. J'aimerais savoir ce que vous entendez plus
spécifiquement par un dossier parallèle. Est-ce que vous voulez
dire qu'il ne devrait pas y avoir possibilité d'échanqe de
renseignements entre deux organismes publics? Dans quels cas il peut
effectivement y avoir, dans un organisme et dans un autre, des dossiers qui,
à toutes fins pratiques, sont parallèles? Est-ce votre intention
ou si vous faites référence à un autre problème
auquel je n'ai pas pensé pour l'instant?
M. Saint-Jean: Quand on parle dans notre mémoire de ce
qu'on a à l'esprit, on est peut-être dans un domaine particulier.
C'est que nous avons personnellement à négocier avec l'employeur
des conventions collectives. C'est pourquoi on était favorable à
ce moment-là à une loi.
Lors des négociations, nous aimons avoir des renseignements, des
données ou des chiffres. Nous avons toujours eu de la difficulté
à les obtenir dans ce domaine; les CT, par exemple, qui sont
adoptés, qu'on ne reçoit pas ou qu'on n'a pas. Lorsqu'on se met
à la table de négociations, il y a un CT qui existe. Cela couvre
les gens. On ne l'a pas eu. On n'en a jamais entendu parler. On aurait
peut-être dû faire des recherches davantage avant, mais
malheureusement, au moment où c'est arrivé, on ne couvrait pas
ces employés. C'est dans ce sens que toute loi qui ferait en sorte quant
à nous ou tout CT, par exemple, qui serait sanctionné, qui aurait
une implication directe ou indirecte sur les conditions de travail des membres
que nous représentons qu'il soit public et avisé.
C'est la réponse que je peux donner à la première
question, quant à l'accès. Bien sûr, on était
d'accord pour avoir certaines restrictions, comme vous l'avez souligné.
On n'a pas objection à cela. Il y a certaines choses qui ne peuvent pas
être officielles, tel qu'on pourrait le demander à
l'extrême. On aimerait cela, mais c'est le domaine particulier dans
lequel on travaille.
Quant à votre point, le dossier parallèle, c'est ce qu'on
vit à l'heure actuelle dans certains ministères. C'est encore
notre crainte que ce soit un troisième dossier d'information sur
l'employé travaillant pour le gouvernement. On a déjà,
à l'heure actuelle, dans certains ministères, un dossier officiel
et un dossier officieux. Quand l'employé va vérifier, il y a le
dossier officiel et quand il arrive pour une question d'arbitrage ou de grief,
il y a des choses qui sortent des dossiers officieux, dont l'employé n'a
pas eu connaissance, malgré que c'est prévu dans les conventions
collectives. Ce sont des à-côtés qui se cassent et qu'on ne
peut pas corriger facilement.
M. Bertrand: Là-dessus, la proposition de loi
prévoit bien que pour constituer un fichier, il faudra ohtenir
l'autorisation de la commission. J'ai bien l'impression que si jamais un
organisme voulait constituer des fichiers parallèles qui, finalement,
recueillent les mêmes informations sur les mêmes personnes, il y
aurait probablement là un refus de la commission de donner suite
à une telle demande. J'ai cru interpréter ainsi, en tout cas, le
sens des différents articles de la proposition de loi. Il ne me
semblerait pas qu'il soit normal qu'une commission donne à un
ministère l'autorisation de constituer des fichiers officiels qui, eux,
seraient autorisés par la commission et, à côté de
cela, des fonctionnaires qui mettraient sur pied des fichiers
parallèles, comme vous dites, officieux, qui n'auraient pas fait l'objet
d'une autorisation de la part de la commission. Cela, à mon avis, serait
refusé, réprimandé par la commission. (15 h 30)
M. Saint-Jean: Si tel est le cas, cela nous donnerait
satisfaction.
M. Bertrand: Je crois avoir senti que votre message, c'est de le
préciser et de s'assurer que ce soit très clair.
M. Saint-Jean: C'est ça, clairement. Sur les sanctions aux
articles 142 et 143, il n'y a pas d'inconvénient. Notre mémoire
portait sur la fonction de l'employé, à savoir que cet
employé, malgré toute la bonne volonté qu'il y met,
échapperait une information qui causerait un préjudice à
un citoyen. À ce moment-là, le citoyen pourrait s'en prendre
à lui et prendre des mesures en cour civile ou n'importe où.
C'est fait de bonne foi, il n'y a pas eu de mauvaise foi de la part de
l'employé, alors on ne voudrait pas que l'employé soit
obligé de payer les pots cassés. Il faut que ce soit l'employeur
qui en soit responsable. C'est dans ce sens-là qu'on voyait les choses,
qu'il n'y ait pas de mesures, de représailles ou de choses
imposées à l'employé.
M. Bertrand: Je crois comprendre...
M. Saint-Jean: Aux articles 142 et 143, on n'a pas eu de remarque
précise là-dessus, cela n'a pas posé de
problème.
M. Bertrand: Là-dessus les fonctionnaires comprennent que
si quelqu'un, sciemment, dans le cadre de l'exercice de ses
responsabilités, entrave le fonctionnement
du service pour ce qui est de rendre accessibles les documents, il peut
y avoir effectivement des sanctions.
M. Saint-Jean: II n'y a pas de problème là. On n'en
a pas soulevé, on n'en a pas parlé du tout, c'est-à-dire
qu'on n'a rien dans nos commentaires qui précise ces points sur les
articles 142 et 143. Nous n'avons aucune crainte que nos fonctionnaires mettent
des entraves. Nous n'avons pas porté d'accusation, si on en avait, ce
serait parmi les hauts fonctionnaires. Parmi les nôtres, je ne pense
pas.
M. Bertrand: De toute façon, enfin...
M. Rodrigue: Les hauts fonctionnaires vont venir tout à
l'heure et ils vont nous expliquer ça.
M. Bertrand:... vous ne représentez pas les hauts
fonctionnaires, vous ne représentez pas non plus les professionnels du
gouvernement, mais si on comprend bien l'esprit de la loi et les propositions
qui sont faites, d'abord c'est la personne qui est en autorité qui a la
responsabilité de l'application de la loi dans l'organisme public. Au
ministère des Communications, par exemple, c'est le ministre des
Communications. Il peut toujours décider de
déléguer cette responsabilité, mais il faut que ce soit
une personne qui est en autorité pour le faire et qui a le pouvoir
nécessaire pour accomplir cette responsabilité. Dans ce
contexte-là, je crois que la question s'adresse beaucoup moins aux
fonctionnaires que vous représentez.
M. Saint-Jean: Je suis peut-être d'accord avec vous, M. le
ministre, sauf que connaissant les délégations et les
sous-délégations qui peuvent se faire, ça peut même
se rendre à des membres que nous représentons.
M. Bertrand: Je vous donne une opinion personnelle, je trouverais
très regrettable qu'un organisme public ne soit pas suffisamment
conscient de l'importance de la mise en application de cette loi qu'il n'en
confie pas la responsabilité, même par délégation,
à une personne qui est très proche du centre de décisions
de l'organisme public.
Tantôt, on parlait avec les corporations municipales. Là,
il y a un cas particulier; les secrétaires municipaux sont souvent des
personnes à tout faire avec le gérant municipal, dans les
municipalités où il y a des gérants municipaux, en
passant. Dans les ministères du gouvernement - là, je pense que
c'est la situation qui vous touche plus particulièrement - je trouverais
cela un peu inquiétant qu'à partir de la personne qui est en
autorité, tout au haut de la pyramide, à savoir le ministre
responsable, il n'y ait pas, quelque part autour, dans les postes de
sous-ministres ou de cadres ou d'adjoints aux cadres supérieurs, une
personne qui se voie confier la responsabilité de la mise en application
de cette politique d'accès à l'information gouvernementale. C'est
notre test à nous, ça. On verra bien à l'usage et à
l'usure, comme on dit, comment on se comportera.
M. Saint-Jean: Si c'est l'orientation que vous avez, M. le
ministre, on n'est pas contre cela. On est entièrement d'accord parce
que déjà on trouve qu'il y a trop de délégation
dans certains autres domaines et c'est ce qu'on voulait resserrer.
M. Bertrand: D'accord.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Westmount.
M. French: Je pense que, quand on parle des fonctionnaires qui se
trouvent dans une situation de faire fonctionner une loi comme celle-là,
c'est toujours plus efficace si on leur donne une espèce d'incitation de
se faire valoir "en faisant l'accès public de façon plus ouverte.
" Je n'ai pas réussi vraiment à rendre ce que je voulais dire. La
situation actuelle, sans une telle loi, ne donne aucune incitation à un
fonctionnaire de publier un document ou de répondre positivement
à une demande d'accès. Vous vous trouverez, du jour au lendemain,
avec l'arrivée de cette loi, dans une situation où le monde est
un peu à l'envers face aux habitudes typiques des fonctionnaires. Vous
cherchez une protection, mais, si j'ai bien compris, vous êtes tout
à fait satisfaits des assurances que le ministre vous a données
tantôt quant à cette protection pour le fonctionnaire.
Maintenant, s'il fait une erreur, cela devrait être une erreur
conservatrice, c'est-à-dire qu'il ne laisse pas aller un document. Avec
cette loi, c'est une injonction presque à faire l'erreur inverse,
c'est-à-dire à publier le document. S'il fait cela de bonne foi,
vous voulez qu'il soit protégé. Êtes-vous satisfaits des
articles qui touchent cette question?
M. Saint-Jean: C'est bien sûr que l'employé
étant obligé, à ce moment, d'accomplir une fonction,
l'accomplit selon les directives qu'on lui donne. Il a des supérieurs.
Cette personne, recevant des directives, ayant à appliquer une loi, il
pourrait arriver qu'il y ait un document qui sorte et que cela crée un
préjudice à quelqu'un. Ce n'est pas de mauvaise foi. Alors, on a
demandé que ce soit précisé dans la loi que cette personne
soit protégée. C'est bien sûr que, dans plusieurs autres
domaines,
on a à appliquer des lois, tous nos fonctionnaires ont à
faire appliquer des lois. On essaie d'obtenir à ce moment une certaine
protection, peu importent les lois.
M. French: Oui, d'accord.
M. Ledoux (Marcel): II faut aussi mentionner que l'encadrement
que nous recherchons, c'est un peu ce que M. le ministre a mentionné
tantôt, c'est que des personnes autoriseront à donner ces
informations, et nos fonctionnaires le feront avec cette autorisation. La
protection qu'on demande pour ces employés a été
reçue par la commission Paré à la suite d'un
mémoire qu'on lui avait fait parvenir et on y a touché dans
l'article 147.
Pour nous, on sait que cette protection est déjà là
et est aussi à l'intérieur de conventions collectives. Admettons
que dans d'autres secteurs, public, parapublic ou péripublic, cette
protection n'est pas dans les conventions collectives. On voulait que la loi le
touche et à l'article 147, ça a été touché.
Par contre, dans des décisions d'ordre politique et public, il y a
toujours le code d'éthique professionnelle qui lie chaque fonctionnaire
à une confidentialité. C'est cet encadrement qu'on veut obtenir
du personnel de direction. Aussitôt que les autorisations seront
données, c'est évident que nos fonctionnaires vont se faire un
plaisir d'exécuter, parce que en somme ils les ont souvent à leur
disponibilité et ils savent beaucoup plus où se trouvent ces
paperasseries que d'autres personnes.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Vimont.
M. Rodrigue: Dans votre mémoire, vous nous invitez
à créer une obligation au Conseil du trésor de publier les
décisions qu'il rend. Est-ce que ce sont des décisions qui
concernent directement les conditions de travail de vos membres? Est-ce que les
décisions du Conseil du trésor pourraient, jusqu'à un
certain point, ajouter ou retrancher de la convention collective retrancher, ce
serait difficile parce que la convention collective est quand même
prévue par une loi du Québec - mais est-ce que ce sont des
décisions qui pourraient directement affecter des conditions de travail
non prévues à la convention collective?
M. Saint-Jean: Oui.
M. Rodrigue: Avez-vous des exemples de ça?
M. Saint-Jean: Je peux prendre le dernier exemple qu'on a
vécu où, à ce moment-là, un CT avait
été adopté par le
Conseil du trésor, dont nous n'étions pas en possession
et, comme j'ai mentionné tout à l'heure, nous ne couvrions pas
ces gens.
Par contre, par la dernière négqociation, nous avons,
à ce moment-là, couvert ces gens qui sont employés a
l'extérieur du Québec. Bien sûr, il y a certaines
conditions qui sont couvertes par notre convention collective, mais il y avait
déjà un CT qui couvrait ces gens de l'extérieur, avec des
conditions spéciales. N'ayant pas vu de publication à notre
connaissance et n'ayant pas de document, nous n'étions pas en mesure de
discuter. Nous l'avons obtenu lors de la négociation; ils nous ont dit,
à ce moment là: C'est un document, un CT qui a été
adopté au Conseil du trésor. Certains des CT qui sont
adoptés ont une implication directe sur les conditions de travail de nos
employés et peuvent faire en sorte, un moment donné, de modifier
un salaire ou les frais d'automobile, si vous voulez. Toutes sortes de choses
qui pourraient arriver ou une directive qui changerait l'orientation d'une
décision qui est en cours, si vous voulez.
M. Rodrigue: Votre exemple, ce sont des employés qui
n'étaient pas couverts par votre syndicat, donc pour qui vous ne
négociiez pas auparavant.
M. Saint-Jean: C'est ça.
M. Rodrigue: Évidemment, le gouvernement, par le Conseil
du trésor, a adopté des conditions de travail qui s'appliquent
à ces gens. Par la suite, il y a eu entente où vous avez obtenu
une accréditation pour ces gens et, ensuite, vous avez commencé
à néqocier pour eux. Il est normal, évidemment, que le
gouvernement établisse des conditions de travail pour ceux qui ne sont
pas couverts par des conventions collectives. C'est un cas où la
situation de ces gens-là par rapport au syndicat a évolué.
C'est-à-dire qu'ils n'étaient pas couverts avant et ils le
deviennent tout à coup, mais là, évidemment, vous reprenez
toute la question de leurs conditions de travail et vous voulez les inscrire
dans votre convention collective. Mais j'essaie de voir s'il y a des situations
qui auraient pu se produire où une réglementation adoptée
par le Conseil du trésor, ce que vous appelez des CT, aurait pu modifier
des conditions de travail déjà prévues à la
convention collective, ou du moins venir en préciser un certain nombre.
Si ce n'est pas le cas, cela me paraît moins qrave. Si c'est le cas, cela
me paraîtrait assez grave.
M. Saint-Jean: Comme le souligqne le trésorier, c'est bien
sûr qu'il y a des exemples, mais directs, comme vous le voulez, je n'en
ai pas à formuler.
M. Rodrigue: Vous n'en avez pas à l'esprit.
M. Saint-Jean: Sauf qu'on a vécu des situations où
il y a eu des CT adoptés et on a appris, lorsqu'on rencontrait la
direction générale des relations de travail, que cela
existait.
M. Rodrigue: Mais est-ce que cela avait un impact sur les
conditions de travail prévues à vos conventions collectives? Un
impact direct, j'entends?
M. Saint-Jean: Direct et indirect, oui.
M. Rodrigue: Parce que le budget a un impact sur vos conditions
de travail, c'est évident, mais j'appelle ça un impact
indirect.
M. Saint-Jean: Si on prend certains CT qui peuvent être
adoptés ou certaines directives qui peuvent être émises, en
plus des CT, il faut ajouter les directives. Si j'en prends une, à
l'heure actuelle, émise dans la région de Montréal, nous
avions des infirmières au Centre Desjardins, pour les premiers soins. Il
y a eu une directive qui a été émise, qu'on a apprise par
la bande à ce moment-là, qu'on retirait ces infirmières,
qu'il y avait des réductions budgétaires. Ce sont des situations
comme ça qui font en sorte qu'on veut avoir accès à
l'information autant que possible au maximum, concernant ça, car cela
pourrait toucher directement nos membres.
M. Rodrigue: Sur la protection des personnes chargées
d'appliquer la loi, est-ce que, dans votre convention collective, je sais que
cela existe ailleurs, pour l'avoir négocié moi-même
à certains endroits, il y a des clauses de responsabilité civile
qui protègent vos membres, sauf en cas de faute lourde? C'est
l'expression normalement utilisée dans les conventions collectives.
M. Saint-Jean: C'est la seule qu'il y a dans notre convention
collective, ce qui fait en sorte que, dès que l'un de nos membres aurait
posé des qestes qui ne seraient pas de faute lourde, l'employeur doit le
défendre et, à ce moment-là, lui fournir les avocats, si
vous voulez, en conséquence. C'est prévu.
M. Rodrigue: Très bien. Si un de vos membres avait
à appliquer le projet de loi qui est devant nous, qui deviendra
éventuellement une loi, à ce moment-là, cette clause
continuera de s'appliquer, c'est-à-dire que votre membre sera
protégé, sauf en cas de faute lourde.
M. Saint-Jean: Ce à quoi nous tenons c'est que ce soit
précisé dans le projet de loi, de manière assez formelle
pour que tous les gens le sachent et qu'on n'ait pas de problème.
M. Rodrigue: Si vous l'avez dans la convention collective, j'ai
l'impression qu'à ce moment-là, de toute façon, vous
êtes couverts, c'est le gouvernement qui assume le coût de la
responsabilité, s'il y a responsabilité. Cela va.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Gaspé.
M. LeMay: Non, merci, c'est la même question que mon
collègue.
Le Président (M. Rochefort): Je remercie les
représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec. J'inviterais maintenant les représentants de
l'Association des directeurs de départements de santé
communautaire à prendre place à la barre et à
s'identifier, s'il vous plaît.
Association des directeurs de DSC
M. Dionne (Marc): Mon nom est Marc Dionne. Je suis
président de l'Association des directeurs de DSC et chef du
département de santé communautaire à Beauceville. Je suis
accompagné de Pierre Joubert, qui est responsable en recherche au
département de santé communautaire du Centre hospitalier de
l'Université Laval, à ma droite, et d'Aline Émond, qui
occupe la même fonction de responsable de recherche à
l'hôpital Cité de la santé à Laval. -(15 h 45)
Le Président (M. Rochefort): Je vous inviterais à
présenter votre mémoire en vous rappelant que vous avez environ
20 minutes pour le faire.
M. Dionne: Je vous remercie. Pour situer un peu notre groupe,
permettez-moi de vous rappeler qu'il existe au Québec 37 hôpitaux
ayant un département de santé communautaire qui se sont vus
confier par la Loi sur les services de santé et des services sociaux des
responsabilités précises en matière de protection et de
promotion de la santé publique au Québec. En particulier, nous
avons des responsabilités de recherche en matière de
santé. Nous avons aussi des responsabilités d'élaboration
de programmes qui visent à promouvoir la santé et le
bien-être physique des populations qui sont sous notre
responsabilité. Nous avons des responsabilités précises en
ce qui concerne le contrôle des épidémies. Avec la Loi sur
la santé et la sécurité du travail adoptée
récemment par le gouvernement du Québec, nos départements
de santé communautaire se sont vus confier des responsabilités
précises aussi en cette matière, dont l'organisation des services
de santé. Là aussi, la conduite
d'études épidémiologiques nous permet de
connaître l'impact des conditions de travail sur la santé des
travailleurs. Il y a aussi la Loi sur la protection de la santé publique
qui confie aux médecins hygiénistes des responsabilités
précises en termes de protection de santé publique.
Vous comprenez donc que des organismes comme le nôtre sont
très préoccupés de toute législation qui
concernerait le contrôle et la transmission de l'information, puisqu'il
s'agit là d'un outil indispensable à notre action. C'est en ce
sens que nous avions présenté à la commission Paré
un mémoire où nous soulignions notre accord avec les principes
d'une telle loi et précisions certaines modalités d'application
que nous voulons y voir incluses. En particulier, nous voulons souligner, avant
de présenter notre mémoire, que dans certains pays, actuellement,
certains contrôles amenés à la transmission de
l'information entravent grandement les études à des fins de
protection de la santé publique ou de connaissance d'impact, soit de
l'environnement, soit des milieux de travail sur la santé des
travailleurs. Il y a peut-être le risque à vouloir, dans certains
cas, protéger des droits individuels - on verra des exemples - qu'on
néglige les droits des collectivités.
Les préoccupations que nous voulons vous présenter, cet
après-midi, ne sont pas exclusives à nos organisations. Il est
bien clair que tous les milieux qui font de la recherche en matière de
santé, qui ne sont pas représentés ici, ont le même
type de préoccupations, et, dans certains cas, je pense en particulier
au département de la médecine sociale et préventive ries
universités, les remarques que nous ferons s'appliquent à eux
aussi.
Avant de passer la parole à mes collaborateurs pour vous
présenter nos réactions au projet de loi, permettez-moi quand
même de souligner notre accord presque inconditionnel aux principes que
sous-tend la loi et notre satisfaction de la façon dont le rapport est
présanté et de sa facilité de compréhension.
Maintenant, je vais laisser mes collaborateurs vous présenter nos
réactions plus particulières.
M. Joubert (Pierre): La première série de
réactions porte sur la relation qu'on voit s'établir entre
l'accessibilité à l'information et la confidentialité et
notre rôle, rattaché à la protection de la santé
publique. Je n'insisterai pas tellement sur l'élargissement qu'a
créé la réforme sur les services de santé et les
services sociaux. La seule chose que je voudrais mentionner, c'est qu'avec
l'arrivée de la réforme sur les services de santé et les
services sociaux, il y a eu un élargissement important du concept de
santé qu'on utilisait jusqu'alors, avant la réforme.
Plus précisément, au départ, on parlait de
santé individuelle, mais maintenant, on parle davantage de santé
et de bien-être d'une collectivité. Pour nous, professionnels de
la santé communautaire, il importe de nous assurer que ceux qui
utilisent les services publics ou des services privés payés
à même les fonds publics, puissent le faire dans les meilleures
conditions possible. Il nous importe également que l'influence des
conditions ambiantes, c'est-à-dire du milieu, de l'environnement, ne
viennent pas perturber constamment la qualité de vie des individus,
n'est dans ce cadre très général que nous parlons de
protection de la santé publique et d'accès à l'information
pour des fins de santé publique. Tomme nous avons besoin d'informations
très variées pour réaliser notre mandat, nous ne pouvons
que souscrire à la recommandation émise par la commission
Paré, d'élargir le droit d'accès à l'ensemble des
documents détenus par un organisme public. En même temps, nous
devons reconnaître l'importance de protéger les renseignements qui
sont contenus dans ces documents. Toutefois, nous aimerions, dans un premier
temps, discuter deux articles de la proposition de loi qui comportent des
mesures d'exception à cette règle, celle de la protection des
renseignements personnels, et qui peuvent nous poser des problèmes
d'application, compte tenu de la nature de notre mandat, soit celui de la
protection de la santé publique. Il s'agit de l'article 28 et de
l'alinéa ou du paragraphe 3 de l'article 59, selon le jargon qu'on veut
employer.
Dans les deux cas, on propose de communiquer des renseignements
personnels quand la situation présente un risque pour la santé ou
la sécurité d'une personne, ou un caractère d'urgence qui
met en danger la vie, la santé ou la sécurité d'une
personne. Ce sont à peu près les termes des articles en
question.
Tout en étant d'accord avec ces propositions de base, nous
constatons qu'elles sont centrées sur la personne - on pourrait
l'appeler la personne individuelle, par opposition à une personne
collective, si on me prête l'expression - alors que, dans plusieurs cas,
la protection de la santé publique touche des regroupements de
personnes. Dans les cas d'épidémie, par exemple, la situation
commande l'accès immédiat à des informations personnelles
qui portent sur plusieurs personnes. Or, il nous semble qu'il y aurait avantaqe
à donner plus d'extension à ces deux articles.
C'est pourquoi nous souhaitons que les mesures d'exception qui sont
prévues à ces deux articles, l'article 28 de la proposition de
loi et l'article 59, spécialement le paragraphe 3, s'appliquent
également aux collectivités ou à des groupes de personnes,
quand la situation l'exigqe. Peut-être est-ce
dû à un manque de compréhension de notre part, mais
il nous semble vraiment que ces deux mesures d'exception sont trop
centrées sur la personne et ne nous permettent pas, dans des cas
d'urgence, véritablement, d'avoir des renseignements rapides sur des
groupes de personnes ou des collectivités complètes. C'est le
premier grand point sur lequel nous voulions attirer votre attention.
Le deuxième, ce sont les organismes visés par la
proposition de loi. Un autre point sur lequel la proposition de loi ne rejoint
pas suffissamment nos préoccupations concerne les recommandations de la
première partie du rapport - ce sont les recommandations qui sont
contenues dans le projet de réforme plus que dans la proposition de loi
- où on limite l'application de cet éventuel projet aux
organismes publics.
La commission Paré propose que, dans un premier temps, la loi ne
s'applique pas aux organismes traditionnellement reconnus comme privés.
Bien sûr, on reconnaît qu'il y a une certaine ambiguïté
au terme "privé". Cependant, nous considérons que tout organisme
qui tire 50% et plus de ses revenus des fonds publics devrait être soumis
à une telle loi. On pense aux universités, on pense à
d'autres organismes comme les polycliniques, par exemple.
Ceci s'applique tout particulièrement, dans notre esprit, aux
milieux privés de pratique médicale où les actes
médicaux sont rémunérés à même les
fonds publics. À moins qu'on ne comprenne mal l'esprit de ce rapport, il
ne semble pas que ce soit suffisamment explicité. Il serait logique que
les mesures d'exception prévues, encore une fois, aux articles 28 et 59
s'appliquent également à ces formes d'organisation, toujours dans
la mesure où la transmission de renseignements nominatifs concernant une
personne peut avoir une incidence significative sur la santé publique.
L'exemple des maladies à déclaration obligatoire, qu'à peu
près personne ne déclare correctement, peut s'appliquer ici. Il
s'agit essentiellement des maladies transmises sexuellement, donc, on est
censé recevoir une déclaration obligatoire à partir du
moment où quelqu'un détient une information à ce sujet.
Or, il se fait que l'information ne rentre à peu près pas, sinon
très mal, et que les médecins qui sont tenus, en principe, et
même de façon précise, de déclarer ces maladies ne
le font pas toujours à l'avantage de la santé publique.
Nous tenons par ailleurs à indiquer que, sur ce dernier point, il
ne s'agit pas pour nous de lever la règle du secret professionnel. Il
s'agit d'abord et avant tout de prendre les moyens appropriés pour
assurer, encore une fois, la protection de la santé publique quand la
situation l'exige. Nous proposons finalement, toujours en regard de ces mesures
d'exception, qu'on indique le plus clairement possible ce que peut
représenter "un risque sérieux pour la santé" ou une
"atteinte significative à son droit à la qualité de
l'environnement. " Cette terminologie nous semble très
générale et laisse place à trop
d'interprétation.
Pour résumer cette partie, nous souhaitons donc que les mesures
d'exception prévues aux articles 28 et 59 s'appliquent à toute
forme d'organisation dont les revenus ou subventions proviennent à 50%
et plus de l'État. Deuxièmement, nous souhaitons que soient
définis dans la loi, ou dans une réglementation
subséquente, les termes "risques sérieux pour la santé" et
"atteinte significative à son droit à la qualité de
l'environnement".
M. Dionne: C'est un élément important de notre
proposition que la définition qu'on donne à "risques
sérieux pour la santé" et "qualité de l'environnement" ne
soit pas basée uniquement sur des exemples précis
d'épidémie où il y a une situation d'urgence. On voudrait
que soient inclus là-dedans, aussi, les effets de l'environnement sur la
santé à plus Iong terme. Qu'on pense aux différents
contaminants qu'on peut retrouver dans l'environnement. Il sera
nécessaire, si on veut réellement savoir ce qui se passe, de
pouvoir avoir des renseignements qui n'ont peut-être pas un
caractère d'urgence, mais qui ont un certain caractère d'atteinte
à la qualité de vie des individus concernés.
Mme Émond (Aline): Enfin, le troisième point
porterait sur les documents qui sont concernés par la proposition de loi
elle-même. Il nous semble que le projet de loi ne couvre pas l'ensemble
des documents des organismes publics qui faisaient l'objet des recommandations
du rappport. Le mot "document", tel que défini dans la première
partie, a une extension considérable. On a essayé de faire un
lien entre la première partie du rapport où on étendait le
sens du mot "document" en parlant de l'accès à tous les documents
possibles, alors que dans la loi il y a un article qui vient restreindre un peu
la portée de la première partie du rapport. II s'applique quel
que soit le contenu de l'information et le support utilisé. La
recommandation disait: "le droit d'accès devrait s'étendre
à l'ensemble des documents détenus par un organisme public, que
ces documents soient sous forme écrite, graphigue, sonore, visuelle,
informatisée ou autre. " Nulle part dans la première partie du
rapport et de ses recommandations on ne restreint le sens du mot "document. "
On retrouve plutôt des phrases comme: "Tout document est accessible...
L'existence de tout fichier de données personnelles doit être
publique. "
Par ailleurs, des recommandations qui
visent "le droit à la protection des renseignements personnels
à toute personne physique" deviendraient irréalisables si un
article de loi, tel l'article 77 que l'on retrouve un peu plus loin, permet
qu'un grand nombre de documents ne soient pas soumis à la loi. Tel que
le rapport le recommande "la loi devrait s'appliquer à tous les
renseignements concernant une personne physique et permettant de l'identifier.
"
L'article 77 de la proposition de loi dit: "Les articles 63 à 76
ne s'appliquent pas au traitement manuel de renseignements nominatifs qui
servent d'instrument de travail à une personne physique pour autant que
ces renseignements ne soient pas communiqués et qu'il n'en soit pas fait
usage au détriment de la personne concernée. " On pense que cet
article-là, 77, vient beaucoup restreindre la portée des
documents qui sont visés par la loi.
Cet article, identifié en marge par les rédacteurs de la
proposition de loi comme portant sur le traitement manuel, nous pose des
questions. Il nous semble que la portée même de la proposition de
loi s'en trouve diminuée. Notre compréhension nous laisse
supposer qu'un grand nombre de renseignements personnels ne seront pas
accessibles, puisqu'ils ne peuvent être communiqués selon cet
article. On peut même y lire qu'ils ne seront soumis à la loi
qu'en cas d'infraction, soit qu'ils aient été communiqués
indûment ou qu'on s'en sera servi au détriment de la personne
concernée. Et puisque la loi ne couvre pas ce type de document, à
qui pourrait-on s'en plaindre?
Ce genre de données nominatives forme un ensemble important des
informations que recueillent les praticiens de l'intervention sociale ou de
santé.
Certains domaines de la santé publique comportent des
interventions individualisées incluant la cueillette d'informations
nominatives. Comme l'informatique est trop peu développée dans
les milieux de santé publique québécois, le traitement
manuel de l'information est requis pour les programmes de dépistage
individuel, les fichiers de vaccination, les fichiers d'enfants à
risque, les fichiers de cours prénatals. Ce sont tous des fichiers qui
sont traités manuellement et qui ont aussi une fin de travail quotidien
pour le praticien qui s'en sert.
Ces informations nominales sont facilement recouvertes par l'article 77
en ce que le traitement est manuel et qu'elles servent d'instrument de travail
à différents travailleurs. Si la plupart de nos fichiers de
santé publique sont exclus de la loi par l'article 77, on se trouve
libéré des inconvénients et lourdeurs de certains
mécanismes que la loi va nous imposer, mais on se trouve aussi
privé des avantages de certains autres articles, tel l'article 65 qui
portait sur les ententes entre organismes et qui favoriserait nos
échanges d'informations entre CLSC-DSC ou commissions scolaires et
CLSC.
Toutefois, nous comprenons bien les difficultés d'appliquer
l'ensemble de cette loi à des données à traitement manuel
et qui ont souvent un caractère fonctionnel et quotidien. Les
procédures d'accès pour les individus eux-mêmes, la mise
à jour des fichiers demandent des mécanismes particuliers. Par
ailleurs, la précision des contenus et des fins prévues
d'utilisation, la désignation d'un responsable et des normes connues
d'accessibilité à ces fichiers, aux articles 63 à 76, nous
apparaissent des avantages qui nous font souhaiter le retrait de l'article 77.
On courrait tout au moins le remplacer par un article qui limite la
portée de certains articles quand il s'agit de fichiers à
traitement manuel et dont l'information sert au travail quotidien des
professionnels concernés.
Nous souhaitons que l'article 77 soit retiré ou limité
pour rendre les articles 63 à 76 opérants pour l'ensemble des
données personnelles et nominatives qui existent.
Enfin, la dernière partie de notre document porte vraiment sur
des questions d'applicabilité de certains articles qui nous ont
semblé poser des problèmes. En termes d'applicabilité de
la proposition de loi, nous avons certaines interrogations. Par exemple,
l'enregistrement des consultations au fichier de renseignement personnel. (16
heures1)
C'est inscrit l'article 77 dans le texte, mais c'est l'article 75.
Celui-ci précise que chaque consultation d'un fichier de renseignements
personnels est enregistrée et que cet enregistrement indique le nom de
la personne concernée par les renseignements consultés. Cet
article nous semble très pertinent. Cependant, cette tâche peut
devenir considérable lorsqu'un grand nombre de données
nominatives sont consultées en même temps. Nous souhaitons que le
projet de loi précise à l'article 75 les alternatives permettant
de prévoir le cas où un fichier de données personnelles
est consulté en tout ou en partie. Par exemple, si on a à
consulter le fichier des vaccinations qui existe dans un autre
établissement, où il faut voir tous les enfants qui sont
nés durant l'année 1977, il deviendrait un peu lourd d'avoir
à enregistrer chacun des 1500 ou 2000 enfants qui étaient au
fichier à ce moment-là.
Durée de certains délais. Il y a deux ou trois questions
sur les délais qui pourraient être remaniées
éventuellement lors de la proposition de loi, mais on tenait à
faire savoir nos arguments là-dessus.
L'article 51 prévoit l'accès aux documents d'organismes
publics dans les 20 jours ou au plus dans les 30 jours. La nature de notre
mandat nous impose parfois la
consultation rapide d'un certain nombre de documents, y compris les
fichiers informatisés. Dans le cas des documents susceptibles
d'être consultés rapidement, ce délai de 20 à 30
jours nous apparaît élevé.
Nous souhaitons que, lors de mesures d'urgence, les délais
prescrits à l'article 51 ne s'appliquent pas, qu'il y ait une mesure qui
permette qu'ils ne s'appliquent pas.
Délai de délivrance du certificat. L'article 69
précise, que pour établir un fichier de renseignements
personnels, un organisme doit obtenir un certificat de la commission.
Cependant, le délai et les modalités d'obtention d'un certificat
ne sont pas spécifiés.
Nous suggérons que le projet de loi soit davantage explicite sur
le délai et l'obtention d'un certificat de la commission en ce sens que
si l'article 77 était retiré et que l'ensemble de nos fichiers
faisaient partie de la loi... On a souvent besoin, par exemple, pour septembre
de monter un fichier des enfants qui entrent à l'école. Or, s'il
faut des délais de six mois pour avoir le droit de monter ce fichier, il
vaut mieux le savoir plutôt que de le prévoir au mois de juin ou
au mois de juillet, pour être sûr de pouvoir mettre à jour
un fichier en septembre.
Délai de certification. L'article 155 stipule qu'au moment de
l'entrée en vigueur de cette loi un organisme qui détient des
renseignements nominatifs doit, dans les douze mois qui suivent, constituer un
fichier de renseignements personnels et demander à la commission un
certificat de conformité. Ce délai nous paraît trop court
et risque de rendre la loi inopérante. Il nous semble qu'effectivement,
en dedans d'un an, il va être difficile à tous les organismes de
mettre à jour tous les fichiers qu'ils ont en leur possession. La
commission ne pourra pas répondre aux délais de certification de
toute façon.
Nous souhaitons alors que ce délai soit étendu dans
l'article 155 du projet de loi.
Mise à jour des dossiers. L'article 71 -on a peut-être mal
compris le sens de cet article, mais c'est la compréhension qu'on en
avait - du projet de loi demande que les renseignements nominatifs soient
à jour, exacts et complets. Or, dans le domaine de la santé
publique, les informations personnelles recueillies le sont souvent pour une
période très limitée. Le temps d'une grossesse, par
exemple. On suit une personne le temps d'une grossesse, ensuite, on ne fait pas
des fichiers qui durent toute une vie. Il y a aussi la période de vie
d'un enfant de zéro à deux ans, ou la période scolaire,
par exemple. Or, la mise à jour deviendrait irréalisable.
Nous souhaitons donc que soit retirée de l'article 71
l'obligation de la mise à jour, au moins pour certains types de
fichiers.
M. Dionne: En conclusion, nous tenons à souligner notre
admiration aux rédacteurs du rapport qui ont su rendre accessible
à tous le jargon bureaucratique que l'on retrouve habituellement dans ce
genre de rapport et dans les textes de loi.
Aussi, tel que nous l'indiquions dans notre mémoire à la
commission Paré, nous considérons comme essentielle une loi
visant à rendre l'information accessible à tous, tout en
protégeant la confidentialité de l'information personnelle.
Comme il s'agit d'une première loi sur le sujet, il faut noter la
grande souplesse que prévoit la proposition en laissant la porte ouverte
à des modifications et à une remise en cause de l'ensemble de la
loi après cinq ans. C'est un projet de loi qui veut s'adapter à
une société en évolution plutôt que de forcer la
société à se plier à une loi trop
contraignante.
Finalement, nous appuyons fortement l'évaluation
générale de la loi après cinq ans, autant quant à
l'efficacité des mécanismes supposés qu'à la
capacité à rendre l'information plus accessible dans le respect
de la vie privée de chacun. Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre, s'il
vous plaît.
M. Bertrand: Je tiens à remercier les représentants
de l'Association des directeurs de départements de santé
communautaire, saluer un bon ami et camarade de l'Université Laval,
indiquer aussi que votre mémoire est très intéressant pour
nous, parce que vous êtes un des seuls organismes à venir nous
parler de tout ce secteur qui est recouvert par la proposition de loi qui est
celui des services de santé et services sociaux. C'est fort
apprécié de la commission.
Vous faites allusion, en ce qui concerne les articles 28 et 59, à
cette notion de personnes. C'est toute la question que vous avez longuement
développée de permettre que ce puisse être un ensemble de
personnes, un groupe ou une collectivité qui se prévalent des
exceptions prévues dans la mesure où, effectivement, il y a un
risque sérieux pour la santé et la sécurité ou
qu'il y a une atteinte significative à son droit à la
qualité de l'environnement. Ce qu'on me dit, ce sont des avis
juridiques, et Dieu sait qu'on peut se battre longtemps sur la base d'avis
juridiques, mais quand le contexte s'y prête et que cela va de soi selon,
justement, le contexte qui est défini par l'article de loi, le singulier
égale le pluriel. Le singulier permet d'inclure le pluriel et, dans les
cas où des personnes regroupées au sein d'une même
collectivité ont le sentiment que certains renseignements devraient
être disponibles parce qu'ils permettraient de
connaître ou de confirmer l'existence d'un risque sérieux
pour la santé, etc., dans ces cas, l'interprétation qu'on ferait
de ce genre d'article serait que les personnes peuvent obtenir ce genre de
renseignements et que donc - mais encore là, on vérifiera deux
fois avant de s'en limiter à la rédaction de l'article tel qu'il
est formulé - les personnes pourraient invoquer ce type de contexte
particulier pour obtenir le renseignement. C'est une forme d'application du
recours collectif par l'intermédiaire d'une loi d'accès à
l'information gouvernementale.
On vérifiera en tout cas cette question, parce qu'elle
m'apparaît importante. Il pourrait effectivement arriver que ce soit un
ensemble de personnes qui veuillent obtenir de tels renseignements. Il faudrait
donc que la loi soit suffisamment claire à ce sujet. On poursuivra notre
réflexion juridique à ce sujet, mais je voulais simplement vous
confier qu'il apparaît que les règles d'interprétation des
lois nous permettent d'inclure le pluriel dans le singulier à
l'occasion, quand le contexte s'y prête. Oui, madame.
Mme Émond: Quand vous dites "la personne
concernée", je crois que c'est à l'article 59 qu'on dit bien "la
personne concernée" je pourrais donner un exemple où ce n'est pas
la personne concernée qui est en cause. Par exemple, on aurait une
épidémie pour n'importe quoi dans une région, à la
suite d'un problème alimentaire. Les informations qui sont recueillies
sont sur certaines personnes qui ont été malades et l'information
qu'on veut avoir, c'est sur ces personnes qui, pourtant, ne sont plus
concernées puis que c'est pour d'autres personnes qu'on veut
l'information. Les premières sont déjà malades. Le
problème ne se pose plus. On veut avoir des informations sur ce qui
s'est passé sur ces personnes nommément, parce qu'on veut aller
les revoir souvent, pour éviter que d'autres subissent la même
maladie ou le même problème. Donc, si c'est seulement quand la
personne concernée elle-même est en cause qu'on peut avoir des
informations nominatives sur le problème, on a un problème. Vous
comprenez?
M. Bertrand: Oui, mais il n'en demeure pas moins que vous iriez
chercher dans ces cas des renseignements sur des personnes qui ont
été atteintes et qui...
Mme Émond: Oui, qui pourraient avoir été
touchées.
M. Bertrand:... ont donc...
Mme Émond: Et qui ont été concernées
à un moment donné.
M. Bertrand:... été concernées à une
certaine époque et sur lesquelles nous détenons des
renseignements. Il s'agit quand même de protéger ces personnes
malgré tout. Je comprends votre préoccupation, vous qui vous
occupez de prévention dans le domaine de la santé, de pouvoir
utiliser les informations qui ont servi pour le cas de ces personnes en vue de
prévenir d'autres situations semblables, mais il faut quand même
être conscient que, lorsque vous allez chercher ces données, elles
se rapportent, bien sûr, non pas aux personnes que vous voulez
prévenir ou auxquelles vous voulez donner des renseignements pour
prévenir de nouvelles situations du même genre, mais ce sont des
renseignements sur des personnes qui ont vécu ces problèmes. Il
m'apparaît que là, il y a une protection très importante
à obtenir pour ces gens. C'est le sens, si je le comprends bien, de
l'article 59.
Pour ce qui était de l'article 28, je crois qu'il s'aqira de voir
sur le plan juridique comment on peut interpréter la rédaction
d'un tel article.
Plus loin, vous évoquez cette notion de difficulté
à définir les mots "document", "risques à la
santé", "qualité de l'environnement", etc. Il faut faire
attention. Je reviens encore sur une chose que je répète depuis
deux jours, le sens commun et la nécessité de ne pas tenter de
toujours donner, chaque fois qu'on utilise un mot, des définitions
à n'en plus finir, malgré que je reconnaisse que le mot
"document", de la façon dont il est utilisé dans la proposition
de loi, comprend plusieurs choses en même temps et, tout à coup,
on ne sait plus ce que c'est.
On ne sait plus, en d'autres mots, à partir de quel moment un
document est un document, donc, doit être public et un document n'est pas
un document, et on ne se préoccupe même pas de le cataloguer, de
le répertorier et d'en faire une certaine gestion. Cela pose
probablement une difficulté qu'on aura à cerner, soit la
définition la plus précise possible de ce qu'est le document.
Quand vous avez à l'esprit le besoin de clarifier le "document"
à cause même du travail que vous effectuez, comment voyez-vous
cette difficulté, pour ce qui est des départements de
santé communautaire?
M. Joubert: Cela est lié beaucoup à la distinction
qu'on faisait tantôt entre données au fichier manuel et au fichier
informatisé. Dans le contexte actuel, on travaille surtout avec des
fichiers manuels. Il nous semble que dans la première partie du rapport,
quand on parle de document, on inclut ce genre d'information, alors que dans la
proposition de loi, il nous semble qu'on la restreigne
énormément.
Si on définit très bien ce qu'on entend
par "document", ça pourrait être une façon, entre
autres, de préciser ou de donner plus d'extension dans la proposition de
loi, toujours, aux données qu'on voudrait y voir incluses. Quant
à nous, il ne fait aucun doute que si l'article 77 s'applique, d'une
façon ça nous rend service parce qu'on n'est pas soumis à
certains contrôles, étant donné que la plupart de nos
fichiers sont manuels et que les documents qu'on utilise sont souvent sous
forme non informatisée, pour prendre un terme assez
général. Donc, ça nous rend service, d'un certain
côté, et d'un autre point de vue, ça nous pose
énormément d'embêtements parce qu'on doit travailler avec
des organismes du milieu, par exemple, les commissions scolaires. Des
échanges d'information se font. Si on exclut ce genre de document,
document de type manuel, graphique, sonore ou peu importe, selon les termes de
la commission, on se trouve nécessairement pénalisé.
M. Bertrand: À l'article 77, on ne fait pas
référence aux documents publics qu'on veut rendre accessibles
pour l'ensemble de la population, on fait allusion à des renseignements
nominatifs qui sont détenus par des organismes et qu'on veut voir
protégés. C'est là que je trouve votre argumentation un
peu curieuse. Parce qu'il me semble que l'article 77 en est un sur lequel vous
devriez vous prononcer favorablement, parce qu'il suppose justement que les
personnes dont c'est la fonction de travailler avec ces renseignements
nominatifs, ces renseignements personnels, et qui, quotidiennement, doivent
traiter manuellement ces dossiers, ne devraient pas se sentir astreintes
à respecter les articles 63 à 76 qui sont des articles
prévus pour des situations tout à fait différentes des
vôtres. Ce sont des situations où vraiment tout est tellement
informatisé et tout est tellement bien imbrigué dans un fichier,
que là, on veut s'assurer que les gens qui en ont la gestion et qui en
font la collecte, la conservation et l'utilisation, respectent un certain
nombre de règles élémentaires pour en protéger la
confidentialité.
L'article 77, c'était justement en tenant pour acquis qu'il y
avait des situations où des gens, de minute en minute, d'heure en heure,
de jour en jour, doivent manuellement avoir accès, vous n'êtes pas
pour aller demander continuellement des autorisations pour effectuer le travail
que vous avez à faire... Il me semblait que ça vous
protégeait, que ça vous aidait à mieux réaliser
votre travail que l'inverse, que vous semblez soutenir.
M. Dionne: De toute façon, dans le mémoire qu'on
avait présenté à la commission Paré, on soulevait
un peu cette question de ne pas entraver le fonctionnement des équipes
multidisciplinaires, mais tout dépend de quelle façon on
interprète l'article 77. Est-ce qu'on dit: Cet article va permettre la
transmission facile de données entre les différents
professionnels d'une même équipe? Si c'est ça, tant mieux,
on n'a pas besoin de demander la permission pour s'échanger des
données entre les professionnels au sein d'une équipe.
Par contre, on ne voudrait pas non plus qu'on se serve de l'article 77
pour limiter dans certains cas notre accès à des renseignements
nécessaires à la protection de la santé publique. (16 h
15)
Je prendrais comme exemple, rapidement, les examens de laboratoire. Si
un laboratoire fait des examens pour une maladie contagieuse quelconque, cela
ne sera probablement pas informatisé. Il peut arriver, par contre, dans
le cadre d'une autre responsabilité, qu'on ait une fois par mois ou une
fois par année à y aller.
M. Bertrand: Oui, c'est cela. L'article 77, c'est pour vous
permettre de faire votre travail. C'est aussi un des aspects de l'article 77,
pour autant que ces renseignements ne soient pas communiqués et qu'il
n'en soit pas fait usage au détriment de la personne concernée.
Quand vous faites le traitement manuel de ces renseignements -c'est justement
votre cas typique de laboratoire - pour les fins des responsabilités que
vous remplissez, vous avez besoin d'avoir le renseignement, de vous en servir
et, à l'occasion, de traiter ce renseignement pour les fins auxguelles
vous vous en êtes servis. La question, c'est de s'assurer par contre que,
même si vous traitez ces renseignements, vous ne les traitiez pas en
prenant pour acquis que vous avez la faculté de les communiquer et d'en
faire usage au détriment de la personne concernée ce qui, je
pense bien, n'est justement pas votre objectif.
M. Joubert: C'est le sens de cet article. Nous, on est tout
à fait d'accord. Ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait que cela soit clair,
que ce soit compris en fin de compte, parce que là on ne l'avait
vraiment pas saisi dans cet esprit.
M. Dionne: On ne voudrait pas qu'un autre organisme, à qui
on demanderait de l'information, nous dise: Non, non, en vertu de l'article 77,
on ne vous la donne pas parce que c'est manuel, parce qu'on ne peut pas vous la
communiquer. Il peut être interprété des deux
façons.
M. Bertrand: Je comprends votre préoccupation et on en
prend bonne note. Dans notre esprit, en tout cas, l'article 77 tel que
rédigé est suffisamment clair, mais
on va regarder cela pour voir s'il y a des possibilités de
l'améliorer et aussi d'obtenir les avis qui nous permettent de dire:
Non, très clairement, l'article 77 veut dire l'article 77 et rien
d'autre. On ira de l'avant avec 77.
M. Dionne: C'est cela.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: À la page 14, sur la durée de certains
délais, si j'ai bien compris, vous vous placez dans la situation d'un
requérant. Là encore, je me demande et je ne sais pas, est-ce que
vous ne lisez pas peut-être la loi un peu trop littéralement parce
qu'en tant qu'organisme professionnel, ou travailleurs professionnels, vous
devez avoir accès à certains renseignements. Est-ce que vous vous
trouveriez dans une situation où vous seriez obligés d'utiliser
la loi pour justifier un tel accès? Est-ce que cela est
inévitable ou est-ce que j'ai tout à fait manqué le sens
de votre recommandation?
Mme Émond: Si on fait des demandes à des organismes
publics, l'organisme public en question aura toujours l'avantage de se
protéger par la loi en disant qu'il a 20 jours pour répondre
à notre demande et au maximum 30; tels sont les délais
indiqués en ce moment dans la proposition de loi.
M. Dionne: Ce sont les difficultés que nous avons
fréquemment; où on demande à des organismes publics des
informations qui nous apparaissent nécessaires à notre travail et
il s'écoule de longs délais avant qu'on puisse les avoir.
M. French: C'est-à-dire que les raisons que vous donnez de
vouloir consulter ces dossiers n'apportent apparemment aucun résultat,
ne sont pas convaincantes pour vos collègues dans les autres organismes
publics. Vous êtes frustrés et vous prévoyez utiliser la
loi comme n'importe quel autre citoyen pour avoir plus d'accès.
Mme Émond: Cela arrive, oui.
M. Frenchs Je dois vous avouer que je pense - cela se peut que je
me trompe - que la commission et la loi ne sont pas rédigées en
vue d'une telle situation. Maintenant, vous savez que si la commission avait en
vue un simple citoyen qui peut être curieux, un journaliste, etc., il y a
un certain nombre d'exigences qui doivent être remplies dans l'examen de
documents, etc. Si, par contre, on se trouve dans une situation où la
santé de quelqu'un est menacée, il y a des raisons un peu plus
fortes que la curiosité, le bien public, un journaliste bien
informé, il y a un intérêt public un peu plus fort que cela
en arrière, dans l'application, il peut toujours y avoir un article en
particulier qui viserait une telle situation. Est-ce que c'est ça que
vous voulez? Vous savez, vous nous demandez de changer un délai qui a
été conçu avec un objectif en esprit, mais vous invoquez
ou vous introduisez tout à fait une autre raison.
M. Dionne: C'était un élément qu'on avait
fait valoir dans notre premier mémoire à la commission
Paré que, malgré une législation qui pourrait être
intéressante, on se heurtait actuellement à des lenteurs
administratives qui nous empêchaient d'avoir accès, dans des
délais raisonnables, à l'information qui était
déjà dans les mains d'organismes gouvernementaux.
Il est certain - et on le comprend -que l'esprit de la loi
n'était pas de permettre à des organismes comme le nôtre
d'avoir accès à de l'information. On pensait que, quand
même, par le biais d'une telle législation, si on pouvait
faciliter le travail de nos organismes qui sont voués à la
protection et à la promotion de la santé de la population, tant
mieux. On comprend que la loi n'est pas faite d'abord pour des organismes comme
les nôtres.
M. French: II me semble que votre présomption a
été correcte, sauf que je ne sais pas si votre recommandation est
pratico-pratique dans le contexte. Je me demande si ce ne serait pas possible
de formuler un article ou une recommandation qui viserait spécifiquement
une situation où l'intérêt public incorporé dans
l'activité d'organismes tels que ceux que vous représentez ne
pourrait pas avoir un peu plus de statut selon la loi, face à un
organisme public, qu'un simple citoyen. C'est seulement cette question
là que je veux soulever.
M. Joubert: Cependant, il ne faudrait pas qu'on s'appuie sur ce
délai pour refuser de l'information en situation de crise. C'est
ça qui nous effraie un peu. S'il y a des problèmes de
santé réels appréhendés pour une
collectivité, exemple des intoxications alimentaires, et qu'on a besoin
d'une information pour vraiment enrayer ce problème, il ne faudrait pas
qu'on s'appuie là-dessus pour nous limiter l'accès à
l'information.
M. French: C'est exactement ça qui m'inquiète un
peu dans le sens où suivant. J'ai déjà été
fonctionnaire à une certaine période de ma vie. Il me semble que
la dernière chose que je vous conseillerais de faire, ce serait
d'utiliser cette loi - je parle de vous dans le sens professionnel - pour avoir
accès à de l'information parce que vous allez entrer dans une
espèce de rouage ou de processus plus ou moins axé sur les 20
jours ou les 30 jours, exigeant plus ou moins un certain nombre
d'interventions des gens de niveau assez supérieur, comme on vient de
l'entendre, qui garantirait, en effet, que ça prendrait un mois ou deux
mois. C'est pour ça que je me demande si vous vous placez bien en vous
plaçant dans la situation d'un requérant comme n'importe quel
autre requérant. C'est aussi simple que ça.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay (Chambly): Je pense que ce mémoire fait
très bien ressortir l'importance de cet avant-projet de loi et
potentiellement de cette loi. En considérant les nombreux dossiers qui
traînent sur chacun des citoyens dans le paysage, c'est bien
évident - en tout cas pour moi, comme nouveau député qui
ne faisait pas partie de cette machine gouvernementale auparavant -que
ça me conscientise au fait qu'il y a effectivement beaucoup de dossiers
qui touchent les citoyens, que ceux-ci pourraient être
intéressés à connaître.
Une simple petite question. Vous avez parlé dans votre
mémoire des maladies qu'il faut déclarer obligatoirement. Je me
demandais si présentement, lorsqu'un professionnel de la santé
doit faire cette déclaration obligatoire, il doit aussi déclarer
au patient, en l'occurrence, qu'il fera cette déclaration.
M. Dionne: Normalement, il le devrait. Dans sa pratique, il
devrait indiquer que la maladie dont la personne est atteinte peut se propager
et qu'il y a certaines mesures, certaines précautions à prendre
pour s'assurer que l'entourage immédiat, c'est-à-dire la famille,
n'a pas été contaminé, que les collègues de travail
n'ont pas été contaminés. Prenons l'exemple de la
tuberculose en milieu de travail. Si on découvre une tuberculose chez un
travailleur, il est normal qu'on dise au travailleur: Écoutez, votre
condition peut avoit été transmise aux autres travailleurs; donc,
moi, je vais en informer le médecin de la compagnie - dans cet exemple -
pour qu'il fasse les investigations auprès des autres travailleurs. La
même chose dans une école. Il y a beaucoup de situations de ce
type où la déclaration va se faire. Je pense qu'il est tout
à fait normal que l'individu soit informé de ce qui va se passer
après une déclaration.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: C'est un peu dans le même sens, concernant
encore les déclarations obligatoires. Est-ce que j'interprète
bien? La loi, telle qu'est rédigée actuellement, dit qu'un
organisme public peut communiquer certains renseignements. Vous demandez
d'étendre aussi l'application à des polycliniques, ou des
médecins de cabinet privé, étant donné qu'ils sont
subventionnés. Est-ce que ça vous intéresse plus d'avoir
une obligation pour ces organismes de transmettre certaines informations
concrètes ou spécifiques? Si c'est le cas, de quoi est-ce qu'on
parle? Ou est-ce que vous êtes d'accord de laisser ça comme
ça, que le professionnel ou l'orqanisme public "peut" transmettre
l'information?
M. Dionne: C'est une question qu'on n'a pas complètement
fini d'étudier, toute la mécanique à mettre en branle pour
avoir accès à ce type d'information. De qu'on ne voudrait pas,
par contre, c'est qu'une loi réqissant l'accès à
l'information gouvernementale ou à la protection des renseignements
personnels entrave davantage notre travail. Il est difficile actuellement, mais
on arrive à travailler avec les pratiques et les lois actuelles, en
particulier celles qui touchent les maladies à déclaration
obligatoire. Mais on ne voudrait pas qu'il y ait une contradiction entre ce
type de loi et une loi sur la protection des renseignements personnels qui
interdirait, à toutes fins utiles, ou qui entraverait grandement la
divulgation de ce type de renseignement.
Par contre, on est tout à fait d'accord de s'astreindre ou qu'on
nous indique dans quelle mesure on doit fonctionner pour protéger des
renseignements qui nous seraient divulgués dans ce contexte.
M. Sirros: Donc, à ce moment-là, on peut presgue
définir d'avance dans quel domaine une loi d'accès à
l'information prime sur la protection des renseignements personnels, dans quel
domaine on doit avoir accès à certaines choses, même si
certaines choses...
M. Dionne: Ce qu'on a voulu souligner dans cet article,
c'était surtout que les établissements où il y a des
médecins subventionnés, à toutes fins utiles,
complètement par l'État pouvaient dans certains cas être
soumis à certaines des dispositions de la loi. On ne veut pas
l'étendre d'une façon aussi générale que l'esprit
de la loi, mais dans certains cas particuliers, aux situations d'urgence.
M. Joubert: Ce qu'il faut dire, de façon plus
spécifique, c'est que souvent les médecins ou certains
médecins se retranchent derrière le secret professionnel pour
éviter de déclarer des problèmes qui peuvent se propager
dans la population. Cela nous cause des problèmes. Non pas qu'on veuille
toucher au secret professionnel, ce n'est pas notre intention, sauf que pour un
type de renseignement, lorsqu'il y a une possibilité
que cette information ait un effet sur la santé de la population,
on aurait besoin au moins d'échanger avec le médecin
là-dessus. C'est très difficile; même si la loi le
prévoit actuellement, il y a des problèmes d'application assez
importants.
Il y a une question de principe qu'on ne voudrait pas voir
disparaître.
M. Bertrand: La Cour suprême a rendu sa
décision.
M. Sirros: Ce que je voulais dire, c'est que finalement il
faudrait définir le type de renseignement dont on parle pour qu'on
puisse trancher entre le secret professionnel et les besoins de la
collectivité, en termes d'information.
M. Dionne: Parce qu'on est conscient qu'autrement on risquerait
de créer un tollé avec les professionnels.
M. Sirros: Seulement une clarification pour moi. Concernant
l'article 77 dont vous parlez, si j'ai bien compris, il s'agit surtout de vous
assurer que vous allez avoir les renseignements d'un organisme public, que
l'organisme détienne des renseignements qui sont traités
manuellement dans le cadre des ententes ou des contrats de services que vous
pouvez avoir avec lui pour accomplir votre mandat finalement, comme
département de santé communautaire.
Mme Émond: On voudrait, entre autres, que ce genre de
données soit soumis à la loi. Je pense, par exemple, à des
fichiers très simples; par exemple, des dames s'inscrivent à des
cours prénataux, et on a certaines informations sur l'état de
santé de la patiente. De plus en plus, ces services sont rendus par des
organismes qui sont les CLSC. On voudrait bien que, pour ce genre de fichier,
traité manuellement, jamais informatisé et jamais mis à
jour quand la patiente a mis au monde l'enfant, il y ait un échange
entre le DSC et le CLSC, pour qu'on puisse continuer de faire des ententes pour
les échanger, qu'ils ne soient pas soumis à l'article 77 en
disant qu'ils n'ont pas le droit de les communiquer.
M. Sirros: Vous voulez, par exemple, avoir les nom et les adresse
pour pouvoir...
Mme Émond: C'est ça.
M. Sirros:... contacter ces personnes, évidemment.
Mme Émond: C'est ça. Entre autres, dans des
processus d'évaluation de la santé de la population, qu'il y ait
des mécanismes comme ceux-là.
M. Sirros: Merci.
M. Bertrand: Une seule petite question, si vous me permettez,
à l'article 86. Vous n'avez pas fait de commentaires là-dessus,
mais j'aimerais avoir votre point de vue. Il se lit comme suit: "Lorsque
l'exercice du droit d'accès porte sur un renseignement nominatif
à caractère médical, l'organisme public peut le
communiquer à la personne concernée par l'intermédiaire
d'un médecin que cette dernière désiqne à cette
fin. " C'est tout le problème de la transmission des informations de
caractère médical qui concernent une personne en particulier et
pour lesquels il faudrait d'abord passer par l'intermédiaire d'un
médecin que la personne aurait désigné elle-même.
Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?(16 h 30)
M. Dionne: On a peu élaboré sur cela dans les
mémoires qu'on a présentés, d'abord parce que les
hôpitaux et les médecins nous paraissaient beaucoup plus
concernés que nous; deuxièmement, parce que, à notre avis,
la Loi sur les services de santé et les services sociaux a
déjà plusieurs dispositions à cet effet. Cet article
limiterait - une opinion bien rapide - certains des articles de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux qui prévoit
l'accès des individus à leur dossier sans intermédiaire,
sauf dans des circonstances exceptionnelles où le directeur
médical, ou le directeur des services professionnels peut refuser
à l'individu l'accès à son dossier. Là, il peut y
avoir intermédiaire. Oui?
M. Bertrand: II paraîtrait que l'article 7 de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux interdirait que ce
renseignement soit donné à une personne, si le médecin s'y
oppose. Peut-être que vous ne l'avez pas à la mémoire?
M. Dionne: J'ai été directeur des services
professionnels dans un établissement pendant plusieurs années. Il
n'appartenait pas aux médecins de décider cela. Il appartenait
réellement au directeur des services professionnels de surveiller la
divulgation du dossier, évidemment, si le médecin lui indiguait
qu'il y avait des contre-indications à la divulgation du dossier,
possiblement que le directeur des services professionnels pouvait ne pas le
divulguer, mais...
M. Bertrand: II n'y a pas automatiquement un accès de la
personne à son dossier sans l'intermédiaire du directeur des
services professionnels qui peut, à l'occasion, se faire conseiller par
le médecin qui traite la personne?
M. Dionne: Je vous avoue qu'en pratique, dans plusieurs
hôpitaux, si la
personne vient elle-même consulter son dossier, on va lui
permettre de le consulter. Ce n'est pas automatique qu'on demande au directeur
des services professionnels de se prononcer. Si le cas semble clair, peu
litigieux, il va le faire. Ce sera sûrement à revoir, cet article,
avec les dispositions de la Loi sur les services de santé et des
services sociaux, et aussi la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, où on prévoit des
mécanismes de transmission et de divulgation du dossier médical
aux travailleurs ou aux patients.
Le Président (M. Rochefort): Je remercie les
représentants de l'Association des directeurs de départements de
santé communautaire.
J'inviterais maintenant les représentant de la Caisse de
dépôt et placement du Québec à prendre place
à la barre et à s'identifier, s'il vous plaît! Voulez-vous
vous identifier, s'il vous plaît?
Caise de dépôt et placement du
Québec
M. Campeau (Jean): Oui, mon nom est Jean Campeau,
président et directeur général de la Caisse de
dépôt et placement du Québec; je suis accompagné de
M. Jean-Claude Scraire, qui est le conseiller juridique de la caisse.
Si vous voulez, je vais lire la première partie du mémoire
et, pour la deuxième partie, je laisserai lire M. Scraire. Nous serons
disposés à répondre à vos questions par la
suite.
Si je fais un bref sommaire de notre mémoire, on va
premièrement parler de la Caisse de dépôt, par la suite, de
la philosophie qénérale de la Caisse de dépôt en
matière d'accès aux documents publics, troisièmement, nous
voudrions vous parler de la position de la Caisse de dépôt quant
aux recommandations de la commission Paré, et, quatrièmement, des
propositions de la Caisse de dépôt, et enfin, des projets de
rédaction.
La Caisse de dépôt et placement du Québec a
été constituée en corporation en 1965 par une loi
spéciale de la Législature du Québec. Elle est un aqent de
la couronne aux droits du Québec. Son siège social est à
Sainte-Foy, Québec, mais sa principale place d'affaires est à
Montréal. Elle est administrée par un conseil d'administration
composé de son directeur général, du président de
la Régie des rentes du Québec, de sept membres nommés pour
trois ans par le gouvernement du Québec et de trois membres adjoints qui
siègent sans droit de vote.
La Caisse de dépôt a pour objet de recevoir en
dépôt et d'administrer des fonds dont le dépôt est
autorisé par législation.
À l'heure actuelle, la Caisse de dépôt gère
les fonds qu'elle reçoit de la Régie des rentes du Québec,
de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec, de la
Régie de l'assurance automobile du Québec, de la Régie des
marchés agricoles du Québec, du Fonds d'indemnisation automobile
du Québec, du Fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers, de
la Commission de la santé et de la sécurité du travail, de
la Régie des assurances agricoles du Québec, de l'Office de la
construction du Québec, de la Commission administrative du régime
de retraite et du Régime supplémentaire des rentes de
l'Université du Québec.
Au 31 décembre 1980, le montant total des biens sous gestion de
la Caisse de dépôt s'élevait à 11 750 000 000 $,
soit une augmentation de 20, 5% par rapport à l'année
précédente, augmentation provenant des revenus de 1 130 000 000 $
et de dépôts nets de 888 100 000 $. De ces biens, 8 714 500 000 $,
ou 74, 20% du portefeuille de l'organisme étaient
représentés par des obligations; 1 496 400 000 $ ou 12, 70% par
des actions ou titres convertibles émis par 283 sociétés
dont 184 étaient cotées en Bourse; 951 000 000 $ ou 8, 10% par
des prêts hypothécaires; 31 000 000 $ ou 0, 30% par des
investissements immobiliers et 314 700 000 $ ou 2, 70% par des placements
à court terme.
La Caisse de dépôt avait en outre des
éléments d'actif de 241 700 000 $ ou 2, 0% constitués
principalement de revenus de placements courus et à recevoir.
Le montant total des biens administrés par la Caisse de
dépôt s'élève maintenant à 13 000 000 000 $,
ce qui en fait l'une des grandes institutions financières
nord-américaines.
La Caisse de dépôt doit assurer la protection du capital,
un rendement proportionnel au risque assumé et une saine
diversité dans les placements, tout en visant à favoriser l'essor
économique du Québec. Dans son activité, tout en
étant à maints égards en concurrence avec d'autres
institutions financières, elle doit entretenir des relations d'affaires
avec de nombreux partenaires financiers, commerciaux et industriels. Elle
respecte les règles du milieu économique dans lequel elle
évolue et elle agit de façon à conserver la confiance que
lui témoignent les milieux d'affaires et des finances et la
crédibilité dont elle y jouit.
En matière d'information, en plus de respecter les diverses
dispositions légales qui lui sont applicables, la Caisse de
dépôt publie et diffuse un rapport annuel de gestion
détaillé et elle fournit des rapports périodiques à
ses déposants. Ces services spécifiques aux déposants et
sa direction des communications sont attentifs aux besoins d'information des
déposants et du public, respectivement.
Deuxièmement, la philosophie générale
de la Caisse de dépôt en matière d'accès aux
documents publics.
En qualité de société d'État, responsable de
la gestion des patrimoines d'organismes représentant collectivement la
très grande majorité des citoyens du Québec, la caisse
considère essentiel d'assurer une information adéquate sur ses
activités.
Elle croit toutefois que sa fonction information doit être
exercée de façon qu'aucun préjudice ne soit porté
à sa mission fondamentale qui est de rechercher légitimement la
rentabilité maximum des divers patrimoines sous sa gestion, en d'autres
termes, de procurer à ses déposants les revenus les plus
élevés possible.
En termes concrets, la Caisse de dépôt estime que
n'étant pas propriétaire des biens sous sa gestion, elle doit
protéger les intérêts de ses déposants en
évitant ou en refusant, le cas échéant, la diffusion
d'information non essentielle à la transparence de sa gestion et qui
serait au contraire non appropriée ou inopportune.
De plus, la caisse doit toujours être consciente de
l'extrême importance du respect des règles d'éthique en
vigueur dans le milieu des affaires, en particulier aux fins de conserver sa
crédibillité et la confiance de ses partenaires qui
n'accepteraient pas de se trouver à son égard en position
différente que s'ils transigeaient avec une autre institution
financière.
Enfin, elle est d'avis que sa capacité concurrentielle ne devrait
pas être affaiblie ou exposée à l'être par une
diffusion non justifiée d'informations ou de renseignements.
De façon très apparente, la commission Paré
était d'ailleurs animée des mêmes préoccupations.
C'est ainsi qu'elle précise à la page 8 de son rapport:
"L'extension du secteur public s'est faite également par des entreprises
d'État. La logique de cette participation à l'économie
suppose que ces entreprises jouissent d'avantages équivalents à
ceux de leurs partenaires ou de leurs concurrents et qu'elles ne soient pas
soumises à des contraintes qui ne sont pas imposées à ces
derniers. "
Puis, à la page 41 du même rapport: "II n'était pas
du mandat de la commission de modifier les règles du jeu
économique par une loi sur l'accès aux documents des organismes
publics. Si l'État estime que les entreprises doivent donner
publiquement certaines informations additionnelles, il conviendra de le faire
directement par une loi spécifique, après un débat public
sur la question. "
Mais la rédaction de la proposition de loi ainsi que la
très large part d'interprétation laissée à la
commission de l'accès ne permettent pas d'assurer un organisme
visé que les règles du jeu économique seront
respectées. Il y a plutôt une porte ouverte à une
modification de ces règles, mais seulement en ce qui concerne les
organismes gouvernementaux oeuvrant en matière financière,
commerciale ou indistrielle et, par conséquent, en ce qui a trait aux
partenaires avec lesquels ils font affaires. Cela a pour effet de nuire
à leur rentabilité, à leur crédibilité,
à leurs opérations, le tout au désavantage de la
collectivité à l'égard de laquelle chacun d'eux est
redevable.
La caisse est également d'avis que la responsabilité
principale de la décision de diffuser ou non une information, ou du
moment de la diffusion, doit incomber au dirigeant de l'organisme public et que
l'évaluation du préjudice qui peut être causé ne
devrait pas être révisable sans motif très grave par un
organisme extérieur comme la commission d'accès.
Un tel organisme d'ailleurs, à moins d'avoir un personnel
nombreux et spécialisé, pourrait difficilement avoir, du moins
à ses débuts, les compétences requises pour substituer
valablement son opinion à celle du dirigeant de l'organisme public. Le
dirigeant d'organisme public répond de sa gestion et une décision
en matière d'accès à l'information peut être prise
de façon tout aussi responsable qu'en toute autre matière
confiée à sa gestion.
En substance, la caisse est d'avis que les cas où, en
matière financière, commerciale et industrielle, l'accès
à un renseignement peut être refusé devraient être
plus nombreux mais traités avec la souplesse requise par une
évaluation ad hoc des motifs dont le dirigeant d'organisme
répondrait. Par ailleurs, ces refus pourraient être plus
circonstanciés en leur accordant un effet d'une durée
limitée et déterminée à l'expiration de laquelle un
nouveau traitement de la demande serait fait.
La position de la Caisse de dépôt quant aux recommandations
de la commission Paré. La Caisse de dépôt est
généralement en accord avec les objectifs poursuivis et les
modalités pour y parvenir proposées par la commission
Paré.
Ses commentaires principaux et ses propositions spécifiques
porteront sur les restrictions au droit d'accès aux renseignements
à incidences économiques et, quoique de façon plus
sommaire, sur certaines autres dispositions particulières de la
proposition de loi contenue au rapport de la commission d'étude.
Si vous me le permettez, je demanderai à M. Scraire de
continuer.
M. Scraire (Jean-Claude): Les propositions de la Caisse de
dépôt. La caisse est d'avis que la proposition de loi contenue au
rapport de la commission Paré aurait avantage à être
modifiée de la façon suivante: 4. 1 qu'un organisme public ait
non seulement le droit de refuser un
renseignement, mais également celui de refuser d'en confirmer
l'existence. On se réfère ici aux articles 25 à 27. (16 h
45) 4. 2 que le refus puisse s'appliquer non seulement à un "projet" au
sens de l'article 25, mais aussi à un contrat, une entente, une
opération, une transaction, une analyse, le tout à certaines
conditions. On réfère à nouveau à l'article 25. 4.
3 qu'au nombre des motifs de refus visés à l'article 25, on
considère également, et de façon expresse, les cas
où une telle divulgation: 1. nuirait d'une façon
appréciable à la compétitivité de l'organisme
public; 2. serait susceptible de produire un effet sur le prix des biens
visés, les taux d'intérêt ou toute autre
rémunération du capital concerné, ou l'offre ou la demande
pour ces biens ou pour les titres relatifs à ces biens; 3. ne serait pas
faite, en pareilles circonstances et selon les règles et coutumes
habituelles, par un organisme non public oeuvrant en semblable matière,
imposant ainsi à l'organisme public des obligations additionnelles
à celles des organismes non publics oeuvrant en semblable
matière, si le dirigeant de l'organisme public est d'avis que cette
divulgation serait susceptible de nuire pour ce motif à la
crédibilité et à la confiance dont jouit l'organisme
public; 4. 4 que la détermination de la gravité de l'atteinte aux
intérêts de l'organisme ou de la collectivité appartienne
au dirigeant de l'organisme public ou, le cas échéant, que le
critère de gravité soit remplacé par un critère
moins exigeant et plus précis (article 25); 4. 5 que la valeur,
même non commerciale, d'un renseignement financier soit un motif de refus
(article 26); 4. 6 qu'un refus soit fait et valable pour une durée
déterminée maximum; 4. 7 que l'exigence pour le tiers d'avoir
traité le renseignement comme confidentiel "de façon constante",
comme on y réfère à l'article 27, soit retirée ou
remplacée par une notion moins exigeante comme "habituellement"; 4. 8
que les arguments à l'appui d'une recommandation ou d'un avis soient
traités de la même façon que l'avis ou la recommandation
auxquels on réfère à l'article 37 et qu'ils soient
distincts de l'analyse à laquelle on réfère à
l'article 43; 4. 9 que le responsable de l'accès aux documents puisse
exiger une demande écrite. On réfère à l'article
47. 4. 10 que le délai de prorogation de l'article 51 soit de 30 jours
plutôt que de 10; 4. 11 que le responsable informe le tiers
concerné de la demande et non de "l'intention de donner suite". On
réfère ici aux expressions employées à l'article
52. 4. 12 que les coûts directs et indirects de l'accès aux
documents publics soient à la charge de celui qui requiert cet
accès. On réfère à l'article 11.
À la partie 5, on a annexé un projet de rédaction
aux fins d'éclairer la portée des propositions qui sont faites et
non pas aux fins de soumettre un texte formel.
Les remarques et les propositions de la Caisse de dépôt
sont motivées par son rôle et ses opérations en
matières financière et commerciale et ne s'appliquent
peut-être pas à tous les organismes publics visés notamment
aux articles 25, 26 et 27 du projet.
En conséquence, la Caisse de dépôt soumet deux
projets de rédaction relativement à l'article 25, l'un
étant une modification à l'article 25, l'autre étant un
ajout à l'article 25 par un article 25a. Les projets de rédaction
qui suivent ont pour but d'éclairer la portée des modifications
proposées. 5. 11. Modification de l'article 25 de sorte qu'il se lise de
la façon suivante: "Un organisme public peut refuser de confirmer
l'existence d'un renseignement ou de communiquer un renseignement dont la
divulgation aurait pour effet de révéler un projet d'emprunt ou
de modification des termes d'un emprunt, un projet de taxation ou de
modification de taxation, un projet d'acquisition, de location ou
d'aliénation d'un bien, une entente, un contrat, une opération,
une transaction ou une analyse financière lorsque, vraisemblablement,
une telle divulgation: 1. procurerait un avantage indu à une personne ou
pourrait causer une perte ou un préjudice sérieux à
celle-ci ou à l'organisme public; 2. serait susceptible de produire un
effet sur le prix des biens visés, sur les taux d'intérêt
ou de toute autre rémunération du capital concerné, ou sur
l'offre et la demande pour ces biens ou pour les titres relatifs à ces
biens; 3. ne serait pas faite, en pareilles circonstances et selon les
règles et coutumes habituelles, par une personne ou par un "organisme
non public" oeuvrant en semblable matière, imposant ainsi à
l'organisme public des obligations additionnelles à celles d'une telle
personne ou d'un tel organisme, et que le dirigeant de l'organisme public est
d'avis que cette divulgation serait susceptible pour ce motif de nuire à
la crédibilité et à la confiance dont jouit l'organisme
public; ou 4. de l'avis du dirigeant de l'organisme public, porterait gravement
atteinte aux intérêts économiques de l'organisme public ou
de la collectivité à l'égard de laquelle il est
compétent, ou nuirait à la compétitivité de
l'organisme public.
La formule alternative, 5. 12, ajout d'un
nouvel article 25a: "Un organisme gouvernemental ayant en
totalité ou en partie une vocation financière, commerciale ou
industrielle de nature comparable à celle de personnes ou d'organismes
non publics, ou un organisme gouvernemental dont la conduite des affaires
requiert des opérations financières, commerciales ou
industrielles de cette nature peut, en plus, refuser de confirmer l'existence
d'un renseignement ou de communiquer un renseignement ayant trait à ses
opérations financières, commerciales ou industrielles lorsque,
vraisemblablement, une telle divulgation... " Et là, c'est le même
texte que dans le texte précédent, les quatre causes. 5. 2,
modification de l'article 26: "Un organisme public peut refuser de communiquer
un secret industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou
technique qui lui appartient et dont la valeur actuelle ou la valeur
commerciale éventuelle est importante. "
Modification de l'article 27: "Un organisme public ne peut communiquer
un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou
syndical fourni par un tiers de façon confidentielle et habituellement
traité par lui comme confidentiel sans le consentement de ce tiers.
"
De même, il ne peut, sans le consentement du tiers
concerné, communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa
divulgation risquerait vraisemblablement, de l'avis du tiers concerné ou
du dirigeant de l'organisme public, d'entraver une négociation en vue de
la conclusion d'un contrat, de causer une perte ou un préjudice à
ce tiers, de procurer un profit appréciable à une autre personne
ou de nuire de façon appréciable à la
compétitivité de ce tiers.
Ajout d'un article 27a ou 57a: "Le refus d'un organisme public
fondé sur un des motifs prévus aux articles 25, 26 et 27 - ou,
selon le cas, 25, 25a, 26 et 27 - est fait pour une durée
déterminée qui ne peut excéder deux ans. "La demande ayant
fait l'objet de ce refus demeure pendante durant ce délai à
l'expiration duquel elle doit faire l'objet d'une acceptation ou d'un nouveau
refus assujetti aux mêmes règles, " et ainsi de suite. "Une telle
demande n'est cependant valable pour une période de plus de cinq ans de
la date où elle a été initialement formulée. La
durée pour laquelle le refus est valable doit être indiquée
au requérant par le responsable. "
Quant aux modifications aux articles 39, 47, 51, 52 et 11,
conformément aux propositions 4. 8 à 4. 12, étant
donné qu'il ne s'agit pas de modifications qui sont de nature
substantielle, on n'a pas suggéré de projet de rédaction
aux fins d'en éclairer la portée.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: Pourrais-je demander à M. le président
s'il y a un document qui sera accessible si on adopte vos amendements?
M. Scraire: La proposition de loi qui est dans le document de la
commission Paré essaie de définir le type de documents auxquels
l'accès pourrait être refusé. L'approche que la Caisse de
dépôt suggère est de ne pas avoir la prétention de
définir ce type de documents, mais plutôt de dire dans quel cas
l'accès à des documents pourrait être refusé, de
mieux définir, à cause de la gravité des cas ou de
l'importance des répercussions que cela pourrait avoir, ces
critères à propos desquels l'accès à un document
serait refusé. C'est ainsi que dans la rédaction alternative 25a,
par exemple, on ne définit absolument pas le type de renseignement
auquel l'accès pourrait être refusé, mais on définit
les critères à partir desquels l'accès à quelque
renseignement pourrait être refusé. Alors, il s'agit qu'un
renseignement obéisse à ces critères-là pour que
l'accès en soit refusé.
Dans un sens, ça peut être plus large et dans un autre,
ça peut être plus restreint que les propositions initiales, les
critères employés sont différents.
D'autre part, si la possibilité de refus à l'accès
d'un document est effectivement élargie par l'addition d'un certain
nombre de critères comme la concurrence ou la
compétitivité des organismes qui oeuvrent en matière
financière, si les possibilités de refus, dis-je, sont
élargies dans un sens, on a voulu les restreindre dans un autre en
limitant la portée des refus à une période
déterminée à la suite de laquelle, automatiquement,
l'organisme qui a refusé devrait réévaluer les motifs qui
avaient prévalu à son refus pour voir si ces motifs-là
sont toujours existants.
M. Bertrand: Je comprends bien. Ma question était à
la fois sérieuse et aussi un peu sur le ton de la blague, parce que j'ai
l'impression que vous trouvez des moyens fort astucieux pour que, même
sur cette question de rendre publics certains documents - j'y reviendrai
tantôt - vous nous faites votre proposition de l'article 57a pour montrer
jusqu'à quel point on peut aller très très loin avec ce
type de procédure.
Pour être vraiment sérieux sur la question, hier, quand les
gens d'Hydro-Québec et de la SEBJ sont venus, j'avais
évoqué le problème que posait pour le gouvernement
l'application d'une telle loi aux sociétés d'État. La
Caisse de dépôt et placement, c'est le moins qu'on puisse dire,
est placée
dans une situation fort délicate. Elle est en contact permanent
avec des entreprises privées. Vous effectuez au nom de la
collectivité un certain nombre de transactions, vous décidez de
participer comme actionnaires, vous avez des décisions dont les impacts
commercial, financier, économique sont "redoutables". On entend parler
un peu tout le monde de ce qui se passe en ce moment au niveau d'un certain
secteur que je ne nommerai pas et je suis très préoccupé
par la nécessité de protéger les sociétés
d'État dans un tel contexte. S'il m'apparaît qu'il y a un secteur
qui doive, malgré l'ouverture qui est quand même faite par la
proposition de loi, être protégé, c'est bien celui des
sociétés d'État qui sont placées dans des
situations où elles transigent continuellement avec le secteur
privé, alors que le secteur privé, lui, n'est assujetti à
aucune des obligations, à aucun des devoirs qu'une loi d'accès
à l'information gouvernementale formule pour le secteur public.
Vous êtes l'organisme qui, jusqu'à maintenant, en tout cas
on n'en a pas reçu beaucoup, mais je suis content que la Caisse de
dépôt et placement vienne, nous produit le plus clairement
possible des propositions d'amendement aux articles 25, 26, 27 et autres, qui,
à votre point de vue, vous placeraient dans une situation où vous
vous sentiriez capables de fonctionner et de remplir adéquatement votre
mission de société d'État dans le contexte particulier de
concurrence avec le secteur privé.
Tout en reconnaissant cela et en étant d'accord pour que vous
adressiez vous-même à la commission les suggestions les plus
pertinentes à ce sujet, on a l'impression, à un moment
donné, que ce chapitre qui consacre les restrictions relatives aux
renseignements à incidence économique va faire en sorte
qu'à toutes fins utiles les documents qui sont détenus par les
sociétés d'État sont des documents qui vont être
inaccessibles.
Je prends un exemple comme celui des tiers. Pour ce qui est des tiers,
vous dites à l'article 27: " Un organisme public ne peut communiquer un
renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou
syndical fourni par un tiers de façon confidentielle et habituellement
traité par lui comme confidentiel sans le consentement de ce tiers. "
C'est plus large que constant, ça vous permet une interprétation
beaucoup plus libérale du refus de rendre public un document. Si
j'ajoute au paragraphe: "De même, il ne peut, sans le consentement du
tiers concerné, communiquer un renseignement fourni par une tiers
lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement, de l'avis du tiers
concerné - alors déjà vous fermez une porte - ou du
dirigeant de l'organisme public - deuxième porte d'entraver une
négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte ou
un préjudice à ce tiers, etc. " (17 heures)
Pour ce qui est des tiers, je vous pose la question: Est-ce qu'il y a
des cas où les documents des tiers vont être accessibles dans un
contexte comme celui-là? Ou bien, si vous considérez que pour le
fonctionnement d'une société comme la Caisse de
dépôt et placement, il faut absolument introduire ce genre de
protection, parce que cela nuirait au fonctionnement de l'organisme, porterait
préjudice, non seulement au tiers, non seulement à l'organisme
public, mais aussi à l'intérêt public, parce que, dans le
fond, la Caisse de dépôt et placement est un organisme de
l'État.
M. Scraire: Vous avez référé, M. le
ministre, à l'intervention d'Hydro-Québec, d'hier, je crois. Ces
gens ont fait valoir également que dans beaucoup de cas, ils
n'étaient pas propriétaires de documents qui étaient en
leur possession, mais détenteurs d'information ou de documents qui ne
leur appartiennent pas. C'est le même cas à cet égard pour
la Caisse de dépôt et placement. À cet égard, dans
nos lignes générales développées dans notre
mémoire, quand on dit que les tiers qui font affaires avec la caisse ne
devraient pas être pénalisés ou placés dans une
position différente que s'ils le faisaient affaires avec une autre
institution financière, c'est certain qu'on veut limiter l'accès
aux documents des tiers, du moins en ce qui nous concerne, dans le sens
suivant: c'est-à-dire que si on est détenteur d'un document qui
appartient à un tiers et que le fait de notre détention permette
que la demande nous soit adressée, est-ce qu'il nous appartient à
nous de se prononcer sur l'accessibilité à ce document? Est-ce
que la commission d'accès... La demande ne devrait-elle pas être
renvoyée à ce moment carrément à l'organisme en
question, au tiers concerné? Est-ce que c'est à nous d'agir comme
fournisseur de renseignements sur les tiers?
On n'a pas répondu d'une façon catégorique en
disant: Non. Il peut arriver beaucoup de cas où l'information fournie
par des tiers et qui est en notre possession puisse être divulguée
sans problème.
M. Bertrand: Dans le cas où cela n'entrave pas une
négociation en vue de la conclusion d'un contrat. Dans le cas où
cela ne cause pas une perte ou un préjudice à ce tiers. Dans le
cas où cela procure un profit appréciable à une autre
personne ou que cela nuit de façon appréciable à la
compétitivité de ce tiers...
M. Scraire: C'est une énumération de
cas qui étaient déjà là. Ce qu'on a
ajouté à ce paragraphe, c'est un critère permettant
d'établir qui décide que cela se passe de cette façon.
Actuellement, par la seule interprétation possible, c'est la commission
d'accès à l'information qui va décider cela. Or, et c'est
une des notes dans notre mémoire, on pense qu'on devrait faire un peu
plus confiance aux dirigeants des organismes concernés pour
décider eux-mêmes si effectivement cela entrave ou non une
négociation, si telle ou telle chose se présente. De la
même façon qu'on leur fait confiance pour d'autres
décisions qui ont au moins autant d'importance.
Par ailleurs, vous avez souligné le remplacement ou la suggestion
de remplacer l'expression "de façon constante" par l'adverbe
"habituellement" dans le premier paragraphe de cet article. De façon
constante est interprétable comme ne souffrant aucune dérogation.
Or, c'est peu réaliste, parce qu'un tiers qui fait affaires avec la
Caisse de dépôt et placement fait généralement
affaires aussi avec des banques. Il va fournir à des banques ou à
d'autres institutions financières le même type de renseignements
qu'il nous fournit, mais toujours de façon confidentielle. C'est dans ce
sens qu'on a suggéré de remplacer "habituellement" par "de
façon constante", c'est à cause d'une interprétation
juridique qui peut être faite de l'expression "de façon constante"
comme ne souffrant aucune dérogation. Si cela devait être
interprété ainsi, ce paragraphe ne veut plus rien dire. Il
n'offre aucune protection pour le tiers.
M. Bertrand: Je me fais un peu l'avocat du diable, parce que
j'essaie de voir où vont demeurer les portes ouvertes pour
l'accès aux documents publics, mais je comprends, en tout cas, je suis
très ouvert à ce que nous précisions davantage les
articles 25, 26, 27 et quelques autres que vous mentionnez un peu plus loin
dans votre mémoire, parce que vous êtes dans un contexte
économique où ce n'est pas le collectivisme d'État qui a
force de loi. Il y a la participation du secteur privé et la Caisse de
dépôt et placement négocie continuellement, travaille
continuellement avec ces gens. Vous avez besoin de sentir qu'on ne vous fait
pas, à vous, des obligations qu'on ne fait pas en partant à
l'entreprise privée et ce, à aucun point de vue, non seulement en
ce qui a trait à l'accès aux documents, mais aussi à la
protection des renseignements personnels.
C'est un peu la raison pour laquelle, il y a quelques semaines, j'avais
indiqué - et ce n'est pas sur la question des municipalités, j'y
reviens, mais sur la question des sociétés d'État - que je
me posais des questions à savoir si la loi devait s'appliquer aux
sociétés d'État justement dans le contexte très
particulier où elles sont placées. C'est plus vrai, à mon
avis, pour les sociétés d'État.
Je vais vous donner un exemple. L'Université du Québec est
rejointe par la loi; mais on parle de protection des renseignements personnels,
on parle d'accès à l'information pour l'Université du
Québec, mais il y a pendant ce temps d'autres universités
subventionnées par l'État et pour lesquelles ça ne
s'appliquera pas. On va l'appliquer aux commissions scolaires, mais on ne
l'appliquera pas aux institutions du réseau privé qui sont
financées à 60% et à 80% par l'État.
Il me semble y avoir un problème de fond. La commission nous
invite à réfléchir là-dessus, mais pendant qu'on y
réfléchit, je me dis: Est-ce qu'on va ouvrir toute grande la
porte à des organismes, entre autres les sociétés
d'État, qui, sur le plan stratégique, dans ce difficile contexte
des relations entre intervenants économiques, ont besoin d'un minimum de
protection pour faire face à ces objectifs et pour servir
l'intérêt public, parce que, dans le fond, vous recevez vos
mandats, à toutes fins utiles, de l'État québécois,
donc de la collectivité.
Je vous remercie de nous aider à préciser davantage ces
articles; je suis conscient en même temps qu'effectivement ça ne
rend pas très accessibles, les documents qui sont détenus par les
sociétés d'État, mais ça aussi peut être
compréhensible dans le contexte où on n'a pas encore
décidé d'étendre à l'ensemble du secteur
économique cette loi de démocratie qui est celle de
l'accès à l'information et de la protection des renseignements
personnels. À ce point de vue, j'accueille vos suggestions avec beaucoup
d'ouverture.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Marguerite-Rourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais saluer M.
Campeau, M. Scraire et souhaiter les meilleurs succès à ce
dernier dans ses nouvelles fonctions; je le félicite d'avoir
remporté le concours d'accès à ses fonctions. Cela prouve
que les cabinets politiques sont d'excellentes écoles de formation.
J'ai lu avec intérêt votre mémoire, il y a,
naturellement - et je pense que vous n'avez pas beaucoup de difficulté
à en faire la démonstration - une situation tout à fait
particulière pour une société comme la Caisse de
dépôt qui est en affaires, comme on dit dans le milieu. Vous
êtes en concurrence avec des sociétés qui font le
même genre de métier, de commerce que vous et ce n'est pas la loi
de l'efficacité qui tolérerait que vous fassiez affaires sur la
place publique. Là-dessus, je pense que le ministre a réagi un
peu dans ce sens, c'est vrai que c'est une situation un peu
spéciale.
Je crois que tous vos arguments ne sont pas d'égale valeur. Je
prends, par exemple, la page 5, où vous dites qu'un tel organisme - et
vous parlez de la commission d'accès - "à moins d'avoir un
personnel nombreux et spécialisé, pourrait difficilement avoir,
du moins à ses débuts, les compétences requises pour
substituer valablement son opinion à celle du dirigeant de l'organisme
public. " C'est un argument un peu spécieux à moins que vous
n'ayez des expériences à nous communiquer, mais cela laisse
croire à l'incompétence présumée des organismes
même nouveaux, mis sur pied par le gouvernement.
La deuxième phrase du paraqraphe est à peu près
d'égale valeur. "Le dirigeant d'organisme public répond de sa
gestion et une décision en matière d'accès à
l'information peut être prise de façon tout aussi responsable
qu'en toute autre matière confiée à sa gestion. " Il me
semble que, si c'est un jugement valable, ça vaudrait aussi pour les
autres organismes du gouvernement, y compris les ministères. À ce
moment-là, la loi ne serait qu'un voeu pieux et on prierait, justement,
dans cette loi-là les ministères de bien vouloir divulguer les
renseignements qui sont demandés par la population. Heureusement qu'on a
compris rapidement que vous êtes dans une situation un peu
spéciale.
Mon impression, à la lecture assez rapide des textes que vous
proposez, c'est que vous pourriez toujours et indéfiniment, à peu
près éternellement, refuser à peu près n'importe
quoi. C'est l'impression que j'ai, puisque la question des deux ans, cela peut
être de la poudre aux yeux, parce qu'au bout de deux ans, vous dites: On
refuse encore pour deux ans et, au bout de deux ans, encore deux ans, à
moins que les cinq années ne soient la fin de ce refus. Vous pourrez
m'expliquer ça tout à l'heure.
M. Bertrand: Non, parce qu'on dit à la fin: "La
durée pour laquelle le refus est valable doit être indiguée
au requérant par le responsable. " Alors, il y a encore...
M. Lalonde: Même pas les raisons, la durée.
M. Bertrand: C'est une question qu'il faudrait...
M. Lalonde: II y a une autre chose, par exemple, il ne faudrait
quand même pas que cette attitude de confidentialité, qu'on
comprend, au départ, devienne une seconde nature chez vous, non plus. Je
sais, parce que cela a été publié, que la Commission des
valeurs mobilières cherche à vous traiter simplement comme vos
concurrents, c'est-à-dire que la Caisse de dépôt soit
appelée à faire les divulgations qu'on appelle des divulgations
de dirigeants, je pense. C'est "insiders" en anglais; je ne me souviens plus si
c'est dirigeants; c'est initiés. Lorsque cet initié fait le
commerce dans certaines valeurs, il est soit un officier, un administrateur ou
même un actionnaire à 10%.
Or, on sait que la caisse est actionnaire à 10% au moins d'un
certain nombre d'entreprises - et ce n'est pas le nombre qui compte, en fait,
c'est l'existence - dont les valeurs sont transigées à la Bourse
et que la Caisse de dépôt fait ces transactions sans se conformer
aux dispositions de la loi qui, peut-être, ne s'appliquent pas,
strictement parlant, juridiquement parlant, à la Caisse de
dépôt, mais qui, quand même, situent la Caisse de
dépôt dans une espèce de tour d'ivoire ou la mettent dans
une situation différente et plus favorable que celle de ses concurrents.
Je me demande si, par le biais de cette intervention que vous faites à
la commission parlementaire, vous pourriez nous donner des indications sur
votre volonté de vous conformer au moins aux mêmes lois qui
frappent vos concurrents.
M. Campeau: Je pense que ce n'est pas aussi simple que ça.
De la façon dont vous l'exposez, on réalise pleinement que vous
avez aussi une expérience. Vous êtes probablement un ancien
sous-ministre aux Institutions financières, ça vous facilite la
compréhension de la Commission des valeurs mobilières. Pour nous,
on discute évidemment avec la Commission des valeurs
mobilières...
M. Lalonde: Entre sous-ministres, on s'entend.
M. Campeau: Peut-être. En tout cas, on est en discussion
avec la Commission des valeurs mobilières, on comprend ses exigences,
ses préoccupations, mais on regarde aussi la complexité de toutes
ces demandes, on regarde aussi comment sont traitées d'autres
sociétés d'État par tout le Canada, évidemment, on
espère arriver à une conclusion et à une bonne
compréhension avec la Commission des valeurs mobilières. Mais je
pense que, dans ce cas-ci, ça n'a pas d'affaire au mémoire qu'on
présente du tout.
M. Lalonde: Mon. D'ailleurs, je l'ai bien indiqué. Je
voulais simplement profiter de l'occasion pour que vous nous expliquiez
pourquoi la Caisse de dépôt - qui aurait probablement
d'excellentes raisons de ne pas se conformer exactement comme un
ministère, parce qu'elle est en affaires, qu'elle fait des transactions
commerciales, des opérations commerciales quotidiennement - ne veut pas
se conformer aux dispositions qui s'appliquent justement à ces personnes
qui font ces transactions commerciales.
M. Campeau: On reviendra à une autre commission
parlementaire. (17 h 15)
M. Lalonde: Naturellement, je sais que vous ne voulez pas refuser
de répondre. Vous savez que nous sommes tout oreilles. On attend un
certain nombre d'indications. Cela aussi est confidentiel?
M. Campeau: Non, je pense que ce n'est pas approprié.
M. Lalonde: Ce n'est pas à sens unique, vous savez, on a
le droit de poser des questions.
M. Campeau: Ce n'est pas approprié aujourd'hui. On est
à l'heure actuelle en pourparlers avec la Commission des valeurs
mobilières. On discute avec elle sur le projet de loi. C'est difficile
pour nous d'arriver ici aujourd'hui et d'émettre une opinion
là-dessus.
M. Lalonde: Vous n'êtes pas en train d'acheter les 40% de
Domtar, vous êtes en train d'informer les parlementaires qui sont
appelés à voter pour ou contre ou à changer les lois pour
le bien commun. On vous demande seulement de nous indiquer ce qui arrive entre
vous, président d'une société qui appartient à tout
le monde, et la Commission des valeurs mobilières, un organisme du
gouvernement qui appartient à tout le monde. Il n'est pas question
d'affecter les valeurs de Domtar - j'espère que cela ne baissera plus -
il s'agit simplement de faire preuve de transparence. Est-ce que vous
êtes prêts à vous conformer aux lois que nous avons
adoptées ici, qui sont en vigueur, non pas une loi tout à fait
spéciale qui pourrait affecter vos transactions commerciales, mais
celles auxquelles sont soumis tous vos concurrents, ceux qui achètent
10% des actions des compagnies cotées en Bourse?
M. Campeau: Pour nous, c'est une étude que nous sommes en
train de faire. Il n'est pas sûr que tous nos concurrents doivent faire
ces rapports.
M. Lalonde:... initiés au moins.
M. Campeau: Pour vous, est-ce que toutes ces
sociétés d'État deviennent des initiés?
M. Lalonde: Je ne sache pas que la Loi sur les valeurs
mobilières fasse une différence entre le caractère public
ou privé de l'actionnaire qui détient 10%. Peut-être
qu'elle ne frappe pas spécifiquement telle société,
étant société d'État, Caisse de dépôt
et placement, mais, si cette distinction existe dans la loi, à ce moment
vous êtes exemptés. Il doit y avoir une raison pour laquelle la
Caisse de dépôt comme actionnaire de Domtar, pour ne pas la
nommer, ou autres. Parce que vous avez la qualité d'initié dans
d'autres sociétés dont les valeurs sont transigées
à la Bourse... Vous ne devriez pas faire ces divulgations? C'est cela
que je voudrais savoir tout simplement, la justification.
M. Scraire: M. le député de Marguerite-Bourgeoys,
d'abord, je suis heureux de vous retrouver vous aussi à la même
place.
M. Bertrand: À la même place!
M. Scraire: Pour quelle raison la Caisse de dépôt ne
remplit-elle pas les rapports d'initiés? D'abord, j'aimerais corriger
votre première remarque, à savoir que la caisse ne se conformait
pas à la loi. Vous l'avez dit par ailleurs aussi, mais je voudrais que
ce soit bien clair. La caisse se conforme à la loi à cet
égard. La loi n'exige pas qu'elle remplisse des rapports
d'initiés, ce qui est différent. La loi a été faite
postérieurement - elle a été amendée à
plusieurs reprises - à la loi créant la Caisse de
dépôt. On peut aussi supposer que, si le législateur avait
voulu que la caisse se conforme à cette loi, le législateur
l'aurait décidé. Il est évident que, si le
législateur l'avait décidé, la caisse remplirait les
rapports d'initiés. Maintenant, les raisons qui ont inspiré le
législateur pour ne pas obliger la Caisse de dépôt à
remplir ces rapports, je n'oserais pas entrer dedans. Mais parmi les raisons
qu'on peut envisager, quand on regarde dans tout le Canada - c'est au nombre
des études qu'on est en train de faire, auxquelles
référait le président tantôt - il est loin
d'être clair que la plupart des sociétés de la couronne au
Canada remplissent ces formules ou se conforment aux différentes
commissions des valeurs mobilières. C'est ce qu'on est en train de
regarder. À ce moment, comme les gouvernements provinciaux et
fédéral interviennent par différentes
sociétés de plus en plus dans l'économie, il n'y aurait
pas de raison, pourrions-nous soumettre, que la Caisse de dépôt
soit placée dans une position non concurrentielle par rapport à
ces autres sociétés d'État qui interviendraient dans
l'économie qui, elles, ne rempliraient pas ces formules. C'est au nombre
des études qui sont en cours, mais, comme le disait M. le
président tantôt, il n'y a pas une décision finale de la
caisse de ne rien faire ou de faire quelque chose là-dedans. C'est
à l'étude et en discussion avec la Commission des valeurs
mobilières.
M. Lalonde: À partir des discussions, il y a
possibilité que la caisse fasse une ouverture de transparence plus
grande que celle qui existe actuellement, sans quoi vous
ne discuteriez pas? Si vous vouliez refuser simplement, il n'y aurait
pas de discussion.
M. Campeau: Cela ne donne aucun indice. Nous sommes en train
d'essayer de comprendre leur demande et d'informer. Discuter ne veut pas dire
qu'on va accepter ni qu'on va refuser.
M. Lalonde: Ou ne pas admettre l'existence d'une
possibilité, comme dans votre projet de loi, ne même pas admettre
l'existence d'un renseignement.
M. Campeau: Quand on négocie une transaction, quelle
qu'elle soit, on commence sûrement par ne rien donner.
M. Lalonde: Si vous traitez ça comme une transaction, je
pense qu'il faudrait que vous vous rendiez compte que la Caisse de
dépôt ne fait pas de transactions commerciales avec la Commission
des valeurs mobilières. Quant à M. Scraire, je voudrais
simplement lui dire que si je suis à cette place-ci, c'est qu'on n'a pas
les mêmes amis, sûrement, et que je ne changerais pas pour la
sienne. Je ne suis pas très satisfait des réponses, mais, pour
revenir à la matière qui nous occupe, je vous remercie de votre
mémoire, il est très clair. Il est très clair que vous ne
voulez donner aucun renseignement. Vous avez aussi une justification, je pense,
au départ, que je comprends.
Le Président (M. Rochefort): Merci. D'autres
questions?
Je remercie les représentants de la Caisse de dépôt
et de placement du Québec. J'inviterais maintenant les
représentants du Directeur général des élections du
Québec à prendre place à la barre et à
s'identifier.
À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous inviterais à
vous identifier, s'il vous plaît!
Directeur général des élections
du Québec
M. Côté (Pierre): Mon nom est Pierre
Côté, je suis Directeur général des
élections. À ma droite, il y a Me Guy Giguère, adjoint au
bureau de Québec et, à ma gauche, M. Jean-Pierre Bédard,
du contentieux, et M. François Casgrain, également du contentieux
de mon bureau.
M. le Président, je suis très heureux de l'occasion qui
m'est offerte de présenter devant la commission permanente des
communications mes réflexions concernant le rapport intitulé
Information et liberté.
Comme on l'apprend à la lecture de ce rapport, j'ai
personnellement rencontré les membres de la Commission d'étude
sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la
protection des renseignements personnels, et je leur ai soumis un
mémoire.
Les séances de la présente commission parlementaire
constituent une autre étape importante dans l'évolution du
dossier de l'accessibilité à l'information gouvernementale et de
la protection des renseignements personnels. En tant qu'institution directement
visée par la proposition de loi contenue dans le rapport, je crois
nécessaire de vous souligner quelques réflexions qu'a
suscitées chez moi la lecture de cette proposition.
Je désire en premier lieu exprimer sans équivoque mon
accord sur la substance du rapport et de la proposition de loi qui fait l'objet
de l'étude de la présente commission parlementaire. Il serait
à tout le moins étonnant que le responsable de la mise en
application de notre système électoral soit en désaccord
avec ce volet sine qua non d'une saine démocratie que représente
l'accès à l'information. Qu'on me permette à cet
égard de citer le rapport: "Sans accès aux faits, sans
information, la liberté d'opinion est vidée de sa substance. Le
savoir conditionne l'exercice du droit d'expression. Il est essentiel à
celui des libertés politiques. Pour juger ses représentants, les
choisir ou les renvoyer, il faut disposer de tous les éléments
des dossiers. La qualité de la participation à la vie politique
dépend de la qualité de l'information. "
Les principes qui ont inspiré les recommandations du rapport sont
les mêmes que ceux qui sont à la base de notre système
électoral, à savoir l'exercice démocratique de droits
fondamentaux et une participation plus éclairée des citoyens
à la vie politique.
Il va donc de soi que toute mesure visant à assurer à
chaque individu son droit à l'information et au respect de sa vie
privée obtienne l'assentiment de toute personne responsable de la bonne
marche du système démocratique dans lequel nous
évoluons.
L'Assemblée nationale du Québec m'a confié le
mandat d'assurer à chaque électeur l'exercice de son droit de
vote. C'est donc dans le but d'assurer la conjonction de l'ensemble de ces
droits fondamentaux que je me retrouve devant vous aujourd'hui.
En premier lieu, une considération importante que je
désire soumettre à votre attention a trait à la
prépondérance du projet de loi sur toute autre loi. Cette
prépondérance est exprimée dans la deuxième
recommandation du rapport qui se lit comme suit: "Afin d'assurer le
caractère fondamental des deux droits qu'elle énonce, la loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels, à l'instar de certaines dispositions de la
Charte des droits et libertés de la
personne, devrait prévaloir sur les autres lois. "
Cette recommandation ne laisse évidemment planer aucun doute sur
l'intention des commissaires de conférer à la loi qu'ils
proposent une prépondérance sur toute autre loi. On peut
cependant se demander si cette intention se traduit clairement dans la
proposition de loi. D'un point de vue purement juridique, je me permets d'en
douter. Il s'agit là vraisemblablement d'une lacune de la proposition de
loi, lacune qui peut être facilement corrigée. Pour ma part, je
crois nécessaire de formuler mes commentaires sur la base de la
deuxième recommandation de la commission Paré.
En tant que Directeur général des élections,
l'Assemblée nationale m'a confié, par le biais de la Loi
électorale et de la Loi sur les listes électorales, des
responsabilités précises sur la façon d'assurer la bonne
marche des élections. S'il y a véritablement
prépondérance de cette loi sur toute autre, cela modifiera
considérablement le modus operandi du système électoral
actuel en soumettant certains mécanismes électoraux au
contrôle d'une institution autre que le Directeur général
des élections. Cela peut être éventuellement l'intention
des membres de l'Assemblée nationale. Je crois cependant être de
mon devoir d'attirer votre attention sur de profondes modifications - pour ne
pas dire un chambardement considérable - du processus électoral
qu'entraînerait l'adoption de la proposition de loi telle que
rédigée.
La proposition de loi comporte un certain nombre
d'incompatibilités en regard de la Loi sur les listes électorales
et de la Loi électorale, dont voici quelques exemples.
La Loi sur les listes électorales, comme son nom l'indique, est
une loi particulière concernant la confection et la révision des
listes électorales. Elle est, à ma connaissance, la seule loi
actuellement en vigueur à prévoir avec autant de précision
les modalités concernant la confection d'un fichier de renseignements
nominatifs tel que l'entend la proposition de loi.
Cette législation prévoit, entre autres, les
renseignements qui doivent être recueillis, la manière de les
recueillir, les jours et heures des visites des recenseurs, la façon
dont des corrections peuvent être apportées à ces listes
électorales, etc.. L'Assemblée nationale a ainsi voulu que l'on
encadre dans une loi la confection des listes électorales, outil
fondamental de notre droit électoral, du fait qu'elles comportent les
noms des personnes qui auront à élire ceux qui nous
représenteront à l'Assemblée nationale.
La confection de ces listes électorales a toujours retenu
l'attention des parlementaires, puisqu'elle a été soumise
à plusieurs modifications qui ont souvente fois soulevé des
débats animés. Ainsi, l'Assemblée nationale n'a jamais
voulu laisser l'établissement de cet encadrement à la
discrétion de quiconque, mais plutôt a toujours cherché
à en être le maître d'oeuvre. Le Directeur
général des élections est le dépositaire et le
gardien de ce processus.
Voyons maintenant plus en détails quelques-unes des
difficultés que soulève la proposition de loi à l'encontre
de la Loi sur les listes électorales.
L'article 64 deuxième alinéa de la proposition de loi
prévoit que les modalités suivant lesquelles la collecte de
renseignements nominatifs doit être faite sont prescrites par
règlement.
Ces règlements, selon les dispositions de l'article 138 de la
proposition de loi, seront adoptés par le gouvernement. Les
modalités actuelles pour la confection des listes électorales
sont exprimées de façon détaillée dans la Loi sur
les listes électorales. Le gouvernement pourrait donc les changer
après avoir pris l'avis de la commission. On modifierait ainsi
unilatéralement la Loi sur les listes électorales sans que
l'Assemblée nationale puisse se prononcer.
Les articles 65, 66 et 67 de la proposition de loi prévoient
qu'avant de communiquer un renseignement nominatif à un autre organisme
public, il est nécessaire qu'une entente écrite soit
signée entre ces organismes. Cette entente doit ensuite être
approuvée par le gouvernement après avis de la Commission de
l'accès aux documents des organismes publics et ensuite
déposée à l'Assemblée nationale du
Québec.
Ainsi, cette procédure impliquerait que le Directeur
général des élections devrait conclure une entente avec
toutes les municipalités et commissions scolaires avant de pouvoir
fournir les listes électorales tel que prévu par la Loi sur les
listes électorales aux articles 77 et 120.
Dans le cas où une municipalité ou une commission scolaire
refuserait de signer une entente à cet effet, ce refus
empêcherait, à toutes fins utiles, le Directeur
général des élections de remplir l'obligation stricte qui
lui est faite par la Loi sur les listes électorales de fournir des
listes à l'organisme en question. Par ailleurs, semblable entente ne
serait pas nécessaire pour distribuer les mêmes listes
électorales aux partis politiques, aux shérifs et aux
électeurs, à qui la Loi sur les listes électorales
prescrit d'en remettre copie. (17 h 30)
Puisque chaque recensement implique la création d'un nouveau
fichier nominatif, les articles 69 et 70 obligent le Directeur
général des élections à obtenir chaque année
un certificat de conformité avant de pouvoir confectionner ses listes
électorales. Ce certificat doit attester que le fichier
projeté
satisfait aux exigences de la loi et des règlements.
Or, comme nous venons de le voir, la liste électorale est
confectionnée suivant les modalités prévues par la Loi sur
les listes électorales. Il serait donc possible pour la commission de
l'accès aux documents des organismes publics, du moins en
théorie, de refuser un semblable certificat avec la conséquence
qu'un recensement annuel ne pourrait être effectué et ce,
contrairement à la loi qui l'édicte.
Il pourrait également se produire que, conformément
à l'article 73 de la proposition de loi, un certificat en vigueur soit
suspendu, rendant ainsi inopérantes les listes électorales alors
en vigueur. Le premier devoir du Directeur général des
élections étant d'être en mesure de tenir une
élection en tout temps, il serait placé dans la situation
où il ne pourrait remplir cette obligation essentielle que la loi lui
impose.
En tenant pour acquis que la proposition de loi est
prépondérante sur toute autre loi, elle prévaudrait
évidemment sur la Loi sur les listes électorales. Il faut alors
vraiment se demander si le contenu de la section IV de la proposition de loi ne
fait pas disparaître la révision des listes électorales
telle qu'elle existe présentement.
La proposition de loi prévoit en effet une façon de
corriger les fichiers qui n'est pas celle prescrite pour les listes
électorales dans la Loi sur les listes électorales. La
révision deviendrait alors illégale, parce que comportant une
façon de corriger un fichier qui n'est pas celle édictée
par la loi prépondérante que serait la loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels.
Dans l'hypothèse contraire, c'est-à-dire dans le cas ou
les mécanismes actuels de révision ne disparaîtraient pas,
et selon qu'on se retrouve ou non en période électorale,
l'électeur pourrait se trouver en présence de deux
systèmes de correction. Dès lors, on imagine facilement le
fouillis et le risque d'erreurs qui résulteraient des corrections
apportées simultanément par deux autorités
différentes, soit une commission de révision et le Directeur
général des élections.
La Loi sur les listes électorales prévoit une
révision des listes à des moments bien déterminés,
à l'occasion d'un recensement ou d'un scrutin. Elle prévoit
également toute une procédure du traitement des demandes par un
organisme quasi judiciaire: une commission de révision. Cette
procédure existe afin de posséder des listes tout à fait
à date en vue d'un scrutin.
La proposition de loi, quant à elle, ne couvre pas tout le champ
d'application prévu par la Loi sur les listes électorales. En
effet, elle ne prévoit pas qu'une nouvelle inscription puisse être
faite et ne permet pas à des tiers et à des parents d'effectuer
une demande, comme cela est permis dans le système actuel de
révision. Le système ainsi proposé aurait pour effet de
faire disparaître l'un des avantages de la procédure actuelle,
soit la surveillance que les partis politiques et les électeurs exercent
les uns sur les autres.
Comme il y a quelques centaines de milliers de changements d'adresse
tous les ans au Québec, cela implique la possibilité d'autant de
demandes de rectification. Soulignons également que la
possibilité d'une correction en tout temps implique une modification des
listes en conséquence. Comme la Loi sur les listes électorales
prévoit le traitement manuel des listes, il faudra normalement
redactylographier une nouvelle liste chaque fois qu'une correction est
demandée.
Il faut surtout se rappeler que les listes électorales
constituent un fichier d'une grande importance: elles comprennent en effet
au-delà de 4 000 000 de noms d'électeurs et, de plus, leur
durée est limitée.
La proposition de loi soulève également quelques
difficultés en regard de la Loi électorale. L'article 3 de la
proposition de loi stipule que le Directeur général des
élections est réputé être un organisme
gouvernemental. Ceci va à l'encontre de la notion bien établie
à l'effet que le Directeur général des élections a
toujours été et doit rester indépendant du pouvoir
exécutif puisqu'il agit comme personne désignée de
l'Assemblée nationale, donc indépendant de tous les partis
politiques. Il doit être en conséquence à l'abri des
directives d'un gouvernement quel qu'il soit. Je me permettrai de revenir plus
loin sur cette notion de personne désignée.
L'article 62 de la proposition de loi rend inopérantes deux
dispositions de la Loi électorale se rapportant au secret du vote.
À moins qu'il ne s'agisse là d'une erreur cléricale, je
crois que le secret du vote est un principe fondamental dans notre
système démocratique et qu'il doit naturellement être
protégé.
L'article 62 de la proposition de loi stipule que les articles de loi
mentionnés à l'annexe A seront inopérants deux ans
après la sanction de la loi. Cette annexe retient, dans le cas de la Loi
électorale, deux articles qui font référence à
l'ancienne Loi électorale remplacée en 1979. J'évite la
lecture de ces deux articles de loi qui concernent le secret du vote. Le
principe de ces deux articles se retrouve toutefois dans la nouvelle Loi
électorale. On retrouve sensiblement les mêmes dispositions aux
articles 8I et 139 de la présente Loi électorale.
Comme on le constate, ces articles touchent le secret du vote. Il serait
très
étonnant que les commissaires jugent opportun de remettre en
cause le secret du vote et confient à la commission de l'accès
aux documents des organismes publics le soin de faire au ministre responsable
de l'application de cette loi "des recommandations sur l'opportunité
d'en maintenir l'application ou de les modifier".
Sur la base de ces commentaires, vous avez pu constater avec moi
l'incompatibilité de certaines dispositions de la proposition de loi
avec différents articles de la législation électorale. N'y
a-t-il pas lieu alors de s'interroger sur la pertinence de lier une institution
comme celle du Directeur général des élections à un
organisme relevant également de l'Assemblée nationale? Ce serait
le cas, nous l'avons vu, si le Directeur général des
élections voyait certains mécanismes dont il a la
responsabilité soumis au contrôle de la commission de
l'accès aux documents des organismes publics.
J'ai déjà mentionné que le Directeur
général des élections est une personne
désignée par l'Assemblée nationale. Les
caractéristiques de la personne désignée ont
évé évoquées par l'honorable juge Jules
Deschênes dans un jugement qu'il rendait en 1973. Il s'exprimait alors
ainsi: "Nous sommes en matière électorale. De temps
immémorial dans le régime parlementaire britannique et au
début du régime parlementaire canadien, le Parlement
s'était jalousement réservé le contrôle de sa propre
procédure et de son propre mécanisme électoral. Cependant,
on constate que, peu après la Confédération au Canada, la
Législature du Québec et d'autres également à
travers le pays, mais en particulier la Législature du Québec, a
commencé de transférer certains de ses pouvoirs dans ce domaine
à des personnes extérieures qu'elle a chargées à
tour de rôle de fonctions bien précises, qu'elle a rendues
responsables a elle-même seule, la Législature, et qu'elle a mises
à l'abri des recours judiciaires. "Le Conseil privé a fait
l'analyse de la situation, il a rappelé cette tradition parlementaire du
contrôle exclusif par le Parlement de tout le processus électoral,
de l'exclusion des tribunaux en ce domaine et il a rappelé que, quand la
Législature décide à un moment donné de se
départir de l'une de ses prérogatives et d'en confier l'exercice
à une personne extérieure, fût-elle un juge, cette personne
agit alors comme personne désignée, et non pas comme tribunal et
que, quand la Léqislature décide que cette personne a le pouvoir
de décision, celle-là seule le possède et sa
décision est à l'abri des recours devant les tribunaux. Le seul
appel possible, c'est l'appel à la Législature elle-même.
"
Il faut donc se demander sérieusement si une personne
désignée peut être redevable à d'autres - une
commission, par exemple - qu'aux parlementaires eux-mêmes. Gardien de
l'exercice du droit de vote, outil fondamental de notre système
politique, le Directeur général des élections n'a de
comptes à rendre qu'à l'Assemblée nationale. Au fil des
réformes, le législateur a toujours veillé à ce
qu'aucune entrave ne vienne porter atteinte à la bonne marche des
élections, en préservant l'autonomie de l'institution
chargée d'appliquer les lois électorales. A ce propos, le rapport
de la commission Paré mentionne qu'"un régime d'accès
à l'information gouvernementale ne doit pas être conçu dans
l'abstrait, sans souci de la nature des institutions, des traditions et des
attitudes. Il doit éviter de les modifier par inadvertance. "
C'est précisément pour éviter que les us et
coutumes électoraux ne soient modifiés par inadvertance que j'ai
voulu souligner les conséquences que la proposition de loi à
l'étude aurait sur le système électoral.
L'Assemblée nationale confère exclusivement à une
personne ses propres pouvoirs en matière électorale. Elle le fait
en déterminant avec beaucoup de soin les procédures, les
règles et les moyens que doit utiliser cette personne
désignée pour assurer le renouvellement des membres de
l'Assemblée nationale.
Décider qu'un organisme - lui-même créé par
l'Assemblée nationale - pourrait intervenir dans le processus
électoral confié au Directeur général des
élections, cela est incompatible avec la nature même de la
fonction d'un Directeur général des élections et la
modifie profondément. Cela se peut -l'Assemblée nationale est
souveraine - mais je dis: Cela ne se doit pas.
La proposition de loi présentement à l'étude
incorpore les droits fondamentaux qui sont l'apanage des pays les plus
évolués, soit le droit à l'information, la liberté
d'opinion et le respect de la vie privée.
Personnellement et à titre de Directeur général des
élections, je ne peux que souscrire à toute mesure visant
l'amélioration de la participation des citoyens au processus
démocratique ou visant une protection accrue de leur vie
privée.
Mais en tant que gardien du système électoral par lequel
la démocratie s'exerce, j'ai le strict devoir et l'obligation de vous
mettre en garde contre les embûches que la législation
proposée comporte à l'égard du système
électoral actuel, lequel vient d'être complètement rajeuni
et renouvelé par les nouvelles lois électorales.
Je crois qu'un tel chambardement ne peut et ne doit pas être
apporté indirectement par le biais d'une loi générale
visant d'autres buts, ayant d'autres objectifs.
Les listes électorales entrent pourtant dans le champ
d'activités visé par la proposition de loi. La confection et
l'utilisation des listes électorales sont donc
directement concernées par les principes de cette proposition de
loi.
Je soumets respectueusement cependant que c'est à même les
lois électorales que ces principes essentiels devraient être
imbriqués afin d'assurer un système électoral complet par
lui-même, indépendant de tout autre organisme gouvernemental et du
pouvoir exécutif comme il l'a traditionnellement toujours
été.
Ce sont les pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière
électorale qui sont confiés au Directeur général
des élections, qui est alors, comme nous l'avons vu, "personne
désignée" au sens du droit public anglais. Toute loi qui aurait
préséance sur cette délégation législative
des pouvoirs que l'Assemblée nationale s'est toujours
réservée depuis l'origine du système parlementaire
britannigue pourrait constituer une brèche dans l'autonomie et
l'indépendance du responsable du système électoral par
rapport au pouvoir exécutif et même au pouvoir judiciaire.
Je m'empresse cependant d'ajouter qu'à mon humble avis toute
matière qui ne mettrait pas en cause les mécanismes vitaux des
lois électorales, comme le secret du vote, le recensement, la
révision, la mise en vigueur des listes électorales, pourrait
être réglementée par la loi proposée.
M. le Président et messieurs, je soumets le tout à votre
haute considération. Je vous remercie de m'avoir permis de
comparaître devant vous et d'avoir bien voulu m'accorder votre
attention.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, je n'irai pas par quatre
chemins et je vais être très clair non seulement pour le Directeur
général des élections, mais pour rassurer toutes les
personnes qui travaillent dans son entourage et la population dans son
ensemble. Nous allons apporter des modifications, puisque cela semble
être votre souhait, parce qu'il n'est clairement pas de l'intention du
gouvernement de faire en sorte qu'une loi d'accès à l'information
gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels
empêche le Directeur général des élections de faire
son travail.
À la lecture de votre mémoire, il tombe sous le sens
commun que, s'il fallait vous soumettre au même type de contrôle,
de surveillance, d'entente que pour les organismes publics qu'on voudrait voir
assujettis à la loi, ça rendrait tout à fait
inopérationnel le bureau du Directeur général des
élections.
À cause de cela, nous allons regarder le deuxième
paragraphe de l'article 3, puisgue dans le fond c'est ce paragraphe qui pose un
problème au Directeur général des élections,
puisqu'il dit: "Une personne désignée par l'Assemblée
nationale du Québec pour exercer une fonction en relevant est
réputée constituer, avec le personnel qu'elle dirige, un
organisme gouvernemental. Il en est de même d'un organisme dont
l'Assemblée nationale du Québec nomme les membres. " C'est le cas
du Directeur général des élections.
Par exemple, la confection des listes électorales.
Déjà il est prévu que les listes électorales sont
confectionnées à partir d'un modèle qui a
été entériné par l'Assemblée nationale. Il
ne faudrait pas que l'article 138 de la proposition de loi vienne de quelque
façon modifier les modalités prévues dans la Loi
électorale, d'autant plus que c'est un organisme relevant à
toutes fins utiles de l'Exécutif qui aurait la responsabilité
d'administrer une telle loi et l'organisme lui-même serait loin
d'être un organisme qui ressemblerait un tant soit peu a
l'Assemblée nationale du Québec. Il m'apparaîtrait mal
placé pour venir dire au Directeur général des
élections quelque chose de différent de ce qui a
été dit par l'Assemblée nationale du Québec
elle-même, en tout cas en ce qui regarde le travail particulier du
Directeur général des élections.
C'est la même chose pour toutes les fameuses ententes concernant
l'échange des renseignements. On a voté à
l'Assemblée nationale une loi qui dit que le directeur doit mettre
à la disposition des municipalités et des commissions scolaires
les renseignements qu'il détient sur les individus, à savoir les
listes électorales, et si l'Assemblée nationale le dit, il
m'apparaîtrait malencontreux qu'un organisme relevant d'un
ministère ou enfin de l'Exécutif vienne dire par-dessus
l'Assemblée nationale que ce n'est plus comme ça que cela
fonctionne au niveau de la Loi électorale. Vous avez tout à fait
raison de soulever la situation un peu absurde d'une entente qui devrait
être signée et d'une municipalité qui refuserait d'apposer
sa signature sur le protocole d'entente alors qu'il est de votre
responsabilité de transmettre ce genre de données. La même
remarque vaut pour la constitution du fichier nominatif. (17 h 45)
Je suis aussi tout à fait d'accord avec votre
interprétation de l'article 62 ou vous dites: "Puisque l'article 62
indique que, dans la mesure où elles sont incompatibles avec cette loi,
les dispositions législatives mentionnées à l'annexe A)
deviennent inopérantes. " Or, les dispositions législatives dont
il est question dans votre cas ont trait entre autres au secret du vote et
à la possibilité pour quelqu'un de ne pas dire pour qui il a
voté. Dieu sait que cela est sacré.
Une voix: C'est de valeur.
M. Bertrand: Pardon? Il y en a qui disent que c'est de valeur de
ne pas pouvoir dire pour qui on a voté. Mais il y en a qui le font.
Une voix: Librement.
M. Bertrand: II y en a qui le font, et qui mettent même
beaucoup d'argent là-dessus pour faire savoir pour qui ils ont
voté ou qu'ils n'ont pas voté pour tel ou tel parti. Je pense
qu'on déborde le caractère de neutralité qui doit
caractériser nos discussions avec le Directeur général des
élections. Je pense que, là aussi, il serait tout à fait
inacceptable que l'article 62 vienne empêcher le respect de ces articles
qui sont prévus dans la Loi électorale. Et j'ajoute, comme
position de principe plus générale, qu'effectivement le Directeur
général est une personne désignée par
l'Assemblée nationale. C'est l'argumentation que vous soutenez, que,
là aussi, il est tout à fait normal qu'on préserve
l'autonomie du Directeur général des élections. Comme j'ai
dit que je ne passerais pas par quatre chemins pour vous dire toutes ces
choses, je vais donc prendre immédiatement le quatrième.
Tout en comprenant que les dispositions de la proposition de loi peuvent
être incompatibles avec la loi que vous administrez et votée par
l'Assemblée nationale, étant donné aussi que
déjà la Loi électorale prévoit toutes les
modalités sur le plan de la cueillette des renseignements, sur le plan
de la confection des listes électorales, sur la transmission de ces
renseignements à d'autres organismes publics, et comprenant qu'il sera
peut-être nécessaire d'apporter une modification quelconque au
projet de loi qui sera celui du gouvernement pour clarifier toutes ces choses,
est-ce que, pour autant, c'est la question que je vous poserai après
vous avoir donné les assurances que je vous ai fournies, vous ne croyez
pas que l'organisme lui-même que vous constituez au niveau en tout cas de
ce qui s'appelle ces dossiers de fonctionnement, comme pour l'ensemble des
ministères et organismes publics, il y a des dossiers de fonctionnement,
il y a des dossiers qui sont produits au bureau du Directeur
général des élections et qui n'ont rien à voir avec
la cueillette des renseignements, la confection des listes, la transmission de
ces listes à d'autres organismes. Est-ce que vous ne croyez pas que,
comme pour les ministères et autres organismes publics, ces dossiers
pourraient être sujets à une loi sur l'accès? En d'autres
mots, tout en prenant bien garde de protéger ce qui constitue
l'essentiel de vos opérations et pour lesquelles vous considérez
qu'un certain nombre d'articles de cette proposition de loi seraient
inadéquats et viendraient contrecarrer finalement la volonté
exprimée par l'Assemblée nationale, est-ce que vous ne
considérez pas, dis-je, que pour les aspects de fonctionnement interne,
les dossiers administratifs que vous avez, les différentes
études, analyses que vous faites effectuer d'un sujet ou pour un autre,
puissent être soumis à la loi sur l'accès à
l'information gouvernementale? Est-ce que vous comprenez bien le sens de ma
question, M. le directeur?
M. Côté: Oui, ma réponse est
évidemment affirmative. La seule suggestion - je ne dis peut-être
pas clairement cet aspect dans mon mémoire - que je fais à cet
égard, je tiens pour acquis les réserves que vous avez
mentionnées tout à l'heure, les précautions qui seront
prises, mais pour l'accès aux informations et aux documents
administratifs de l'institution - on parle d'institution en désignant le
Directeur général des élections, parce qu'on ne doit pas
dire un organisme - que constitue mon bureau, je ne vois pas d'objection de
fond à ce qu'il y ait une communication de ces informations. Sauf
peut-être pour vous donner un autre exemple que je n'ai pas
mentionné dans mon mémoire et qui m'a été
souligné il y a quelques temps et qui illustre peut-être avec
quelle précaution il faudra le faire.
Quand on parle d'accès au document, par exemple, si on comprend
bien la proposition de loi, même le papier du bulletin de vote peut
être considéré comme un document. Alors, c'est un document
qui est bien protégé dans la Loi électorale, parce qu'on
n'a pas le droit de révéler le filigrane du papier du bulletin de
vote; enfin, je vous donne ça simplement comme exemple de
précaution qu'il faudra certainement prendre même quand il y a
très peu de documents. Il y a le papier du bulletin de vote, il y a les
bulletins de vote utilisés et ce sont des documents qui contiennent des
renseignements nominatifs également et qui ne doivent pas être
remis à n'importe qui. Ils ne peuvent être remis, une fois que
l'élection a eu lieu, comme on le sait, qu'à un juge.
Alors, cela dit, pour l'ensemble de l'administration
générale, je ne vois pas d'objection de fond, au contraire,
ça rejoint ce que j'ai dit au début de mon mémoire, que je
suis d'accord avec les principes du rapport Paré. La suggestion que je
faisais, tout dépend quelle forme la législation va prendre,
serait d'imbriquer ces mêmes principes dans la léqislation
électorale. Cependant, pour cet aspect, pour autant que les
réserves que j'ai mentionnées sont bien assurées, je n'ai
pas d'objection.
M. Bertrand: On va regarder les différentes formules. On
peut indiquer clairement que le Directeur général des
élections n'est pas assujetti, que tous les
organismes relevant de l'Assemblée nationale ne sont pas
assujettis, mais je pense qu'ils ne sont pas tous de la même nature que
la vôtre.
M. Côté: Non.
M. Bertrand: Alors il ne faudrait quand même pas les
traiter de façon analogique, mais il y aurait peut-être une clause
générale à prévoir pour le Directeur
général des élections avec cette mention qu'en ce qui
concerne les documents administratifs ou enfin, les documents auxquels vous ne
référez pas dans vos remarques, qu'il puisse tout de même y
avoir accès à cette information...
M. Côté: Si vous me permettez un autre exemple, dans
la Loi électorale actuelle, il faudrait certainement apporter une
modification pour protéger le relevé du dépouillement du
vote des détenus. Actuellement, la Loi électorale prévoit
qu'on doit remettre copie, ce que je ne fais pas, parce qu'il y a des raisons
très simples de sécurité et de survie même des
détenus, on ne remet même pas le relevé du
dépouillement parce qu'on pourrait identifier les détenus, ce
qu'il ne faut pas faire. On a su, par notre expérience du vote des
détenus, que ça peut être très dangereux de le
faire. C'est un autre exemple d'un document qui doit être
préservé jalousement.
M. Bertrand: Quelle peut être la nature des documents que
vous détenez et qui n'ont rien à voir avec tout ce dont vous avez
fait mention, qui constituent en fait l'essentiel de votre travail, des listes
électorales, des bulletins de vote?
M. Côté: II y a, par exemple, les renseignements qui
se rapportent aux sections de vote, il n'y a pas de problème, au
contraire, à les faire connaître; il y a les directives que l'on
émet à l'intention de tout le personnel électoral.
M. Bertrand: C'est déjà public, tout ça.
M. Côté: Ce sont des choses déjà
connues. Il n'y en a pas d'autres, sauf quelques exemples...
M. Bertrand: Faites-vous des études, est-ce qu'il y a des
analyses qui sont préparées chez vous?
M. Côté: Oui. Par ailleurs, on considère...
Par exemple, si les mêmes dispositions que celles contenues dans la
proposition s'appliquaient, il y a un certain secret, pendant une certaine
période de temps, qui peut être observé face à des
travaux d'analyse ou de recherche qui peuvent être faits. Parce que
ça peut aboutir sous forme de proposition, à un moment
donné.
M. Bertrand: Oui, allez-y.
M. Côté: II y a également le pouvoir
d'enquête. Là aussi...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: M. le Président, pour enchaîner,
étant donné les engagements du ministre, si j'ai bien compris le
Directeur général des élections, il ne prétend pas
qu'il y a un problème de fond constitutionnel à ce que son
organisme soit réglementé par une autre personne
désignée?
M. Côté: Je m'excuse, ce n'est pas ce que j'ai
dit.
M. French: Exactement, je veux simplement faire confirmer
ça. Il n'y a pas de problème constitutionnel de fond, ça
crée un certain nombre de problèmes que vous n'avez pas
réussi à faire valoir, apparemment, devant la commission
Paré. Donc, il s'agit d'un mécanisme pour éviter ces
problèmes. Il me semble que c'est dangereux d'essayer d'écarter,
de quelque façon que ce soit, les autres organismes de nature
parlementaire, si vous voulez, les "creatures of Parliament", en droit public
anglais, mais plutôt de prévoir que, possiblement, la loi ne prime
pas sur la loi constitutive du bureau du Directeur général des
élections.
M. Bertrand: Cela pourrait être ça.
M. French: À ce moment-là, on peut toujours amender
cette loi pour couvrir ce qui n'est pas couvert dans les exceptions actuelles.
Mais dans la mesure où vous détenez des documents non couverts,
soit par votre loi constitutive ou bien par les exceptions envisagées
dans la proposition de loi qui est devant nous aujourd'hui, vous seriez
toujours assujetti non seulement à une demande, mais à une
révision de votre décision face à cette demande, si c'est
un refus, par la commission de l'accès.
M. Côté: Si je comprends bien, vous rejoignez - j'ai
mal saisi ce que vous avez dit au début, M. le député - au
départ les remarques qui ont été faites par M. le ministre
concernant la protection ou les réserves qu'il faut apporter, en
particulier, à l'égard des listes électorales et des
remarques que je fais.
M. French: On parle des mécanismes maintenant qui seraient
convenables à cette
fin. J'ai énoncé un certain nombre de réserves face
à une exclusion totale de votre bureau, de votre organisme, de
l'application de la loi. J'avais entendu parler de la possibilité d'un
article qui donnerait un statut spécial aux organismes relevant du
Parlement québécois, ce que je trouve dangereux aussi.
M. Côté: Dans le mémoire, je suis assez
précis à cet égard. Ce que je dis, c'est que, comme
personne désignée, le Directeur général des
élections ne doit pas être assujetti à une autre commission
nommée par l'Assemblée nationale. Je dis, à mon humble
avis, qu'il devrait y avoir une distinction très nette et que la
commission d'accès à l'information, aux documents des organismes
gouvernementaux, qui va être créée par la proposition de
loi, ne doit pas avoir autorité...
M. French: Est-ce que c'est un avis qui prétend être
basé sur une pratique constitutionnelle ou si c'est un avis
pratico-pratique? Il me semble que cela ne tient pas debout, si l'argument est
fait dans le contexte constitutionnel comme tel. Comme votre mémoire le
dit, encore une fois, le Parlement est souverain. Si nous décidons, dans
notre souveraineté - j'aime tellement utiliser ce mot...
M. Bertrand: Quand il s'agit du Parlement!
M. French:... de vous inclure dans l'application de la loi,
c'est-à-dire de vous assujettir à d'autres personnes
désignées qui seraient les trois commissaires, on peut toujours
le faire. Je pensais qu'on était d'accord. Avec ce que vous venez de me
dire, je me demande si on est toujours d'accord et si ce serait possible, dans
la mesure où le noyau de vos responsabilités serait
protégé d'une façon quelconque. Il n'y a personne ici qui
conteste le fait que c'est nécessaire que le processus électoral
reste sacré. Tout le monde est d'accord maintenant. Je comprends mal
pourquoi la commission Paré n'a pas pris les dispositions
nécessaires, mais, en tout cas, on va laisser cela de côté.
Pour le reste, disons que d'ici cinq ans vous faites des sondages pour savoir
ce que pensent les citoyens au sujet de votre organisme, s'ils savent que cela
existe, quelle perception ils ont de la neutralité de votre bureau,
etc., si moi, comme professeur, je fais une demande et que vous me refusez,
est-ce que vous prévoyez une situation, dans la loi, où j'aurai
toujours accès - pour ce qui ne touche pas le processus
électoral, bien entendu, du moins quant à cette hypothèse
que je mets devant vous - à la commission, qui pourrait rejeter votre
refus et me donner accès au document?
M. Côté: Je dis que cet aspect de la proposition de
loi et du rapport qui voit à la connaissance des documents, je n'ai pas
objection à cela.
M. French: Sauf que, si j'ai bien compris, vous voudriez que la
révision de vos décisions soit faite par un autre organisme
qu'une commission ou une personne désignée?C'est
cela.
M. Côté: Pas nécessairement. M. French:
D'accord.
M. Côté: Vous avez mentionné que
l'Assemblée nationale est souveraine pour modifier... Ce que je veux
souligner dans mon rapport, c'est l'aspect particulier suivant. Dans l'exercice
de mes fonctions, que ce soient mes fonctions immédiates ou mes
fonctions les plus officielles ou les plus immédiatement
rattachées à ma tâche, qui est la tenue d'un recensement ou
d'un scrutin, je ne dois pas être assujetti à un autre organisme.
Il y a des raisons juridiques, mais aussi des raisons très pratiques. On
ne pourrait pas tenir une élection si... Dans les autres cas, je prends
l'exemple que vous venez de mentionner, soit des sondages ou d'autres
recherches que je peux faire, dans le cadre des propositions qui sont contenues
dans le rapport, je ne m'opposerai pas à ça.
M. French: Mais vous seriez prêt à voir votre
décision révisée par une autre personne
désiqnée par la commission.
M. Côté: Dans ce cas, oui.
M. French: C'est ça... (18 heures)
M. Bertrand: Je pense qu'on se comprend bien. Il ne s'agit pas
d'exclure le Directeur général des élections de
l'application de la loi, il s'agit de prévoir que, pour ce qui concerne
certaines des opérations que doit mener le Directeur
général des élections, il y a des articles de la
proposition de loi qui deviennent inopérants pour lui. Pour tout le
reste, je pense que le Directeur général doit comprendre, comme
tous les autres organismes publics, qu'il puisse y avoir, à un moment
donné, un organisme qui dise: II me semble que dans ce cas-là
vous devriez rendre public le document que vous détenez et qui n'a rien
à voir avec la constitution de vos fichiers, avec la transmission de ces
renseignements aux paliers scolaire et municipal, au secret de vote, etc.
M. Côté: Je suis parfaitement d'accord
là-dessus.
M. French: Brièvement, pour terminer,
M. le Directeur général, je regrette, sans vous viser,
mais en temps d'austérité je trouve que le luxe avec lequel vous
nous avez "briefés", c'était un peu exagéré et je
me trouve ici autour de la table avec quelques membres des onze apôtres,
je suis le douzième. Le ministre m'a demandé hier de l'aider dans
ses fonctions, de trouver dans le budget publicitaire actuel du gouvernement
les moyens de financer le régime d'accès aux documents et la
protection des renseignements personnels voilà le premier cas et le
deuxième cas, c'est votre revue de presse sur l'information. Je vous
recommande un peu plus de...
Une voix: C'est d'ailleurs important, c'est pour
l'Assemblée nationale.
M. French: C'est l'argent des contribuables et je ne veux pas
blâmer le ministre pour les décisions du Directeur
général mais faire valoir que, dans les deux cas, il me semble
qu'il y a un peu de luxe.
M. Bertrand: Du moment que ce n'est pas de la luxure!
Le Président (M. Rochefort): Je remercie le Directeur
général et son équipe. J'inviterais maintenant les
représentants de la Fédération de l'informatique du
Québec. Je vous demanderais de vous identifier, s'il vous
plaît!
Fédération de l'informatique du
Québec
M. Fortier (Jules): M. le Président, mon nom est Jules
Fortier, je suis ici en tant que conseiller auprès de la section de
Québec de la Fédération de l'informatique. À ma
gauche, Me Jean Goulet, professeur titulaire à la faculté de
droit de l'Université Laval. À ma droite, M. Jean-Pierre Forest,
consultant en informatique du bureau Raymond, Chabot, Martin, Paré et
Associés, tous deux également membres de la section de
Québec de la Fédération de l'informatique.
M. le Président, la fédération, organisme qui
regroupe à travers ses sections plus de mille cinq cents professionnels
de l'informatique, remercie le ministre des Communications du Québec, M.
Jean-François Bertrand, de son invitation et profite de l'occasion ainsi
fournie pour faire connaître à la commission parlementaire ses
réactions à la proposition de loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels.
En premier lieu, la fédération tient à souligner la
haute qualité du rapport Information et liberté issu de la
commission d'étude qui s'est penchée sur la question.
Rédigé dans un langage clair et précis, le rapport situe
le problème dans sa perspective exacte, en fait une analyse
compréhensive et formule un ensemble de recommandations des plus
pertinentes qui, par la suite, sont transcrites dans une proposition de loi
visant à faciliter au citoyen l'accès à l'information
gouvernementale et à la protection des renseignements personnels que
l'État détient à son sujet. La fédération
désire à ce moment non seulement féliciter les membres de
la commission d'étude pour l'excellence du travail accompli mais aussi
les en remercier chaleureusement.
La loi proposée est d'autant plus la bienvenue qu'elle vient
consacrer des droits indéniables des particuliers face à
l'information qui les concerne directement, information à
caractère nominatif, ou indirectement, décisions,
délibérations d'organismes publics, parapublics, municipaux, etc.
Ces droits, au nombre de cinq, rappelons-les brièvement, sont le droit
de consultation, le droit de contrôle de l'utilisation des renseignements
personnels, le droit de correction des erreurs, le droit de porter plainte et
le droit à la protection de la vie privée.
La proposition de loi prévoit certaines restrictions au droit
d'accès à l'information. Il va de soi que ces restrictions
s'imposent de facto et la fédération ne croit pas qu'il y ait
lieu de restreindre davantage ce droit ou de l'élargir de façon
démesurée.
La loi impose aux organismes gouvernementaux l'obligation de
démontrer la pertinence de constituer de nouveaux fichiers de
renseignements personnels et de justifier l'usage qu'on se propose d'en faire.
La même obligation s'étendra aux fichiers déjà
existants. Des dispositions de cette loi visent de plus à garantir
l'intégrité des renseignements recueillis et à en
protéger la confidentialité. La fédération ne peut
que se réjouir de cet ensemble de mesures qui rejoignent entre autres
ses préoccupations de protection du public dans les systèmes
informatiques qui viennent l'affecter de plus en plus. Elle souhaite que le
secteur privé emboîte le pas au secteur gouvernemental et mette
fin de lui-même à sa demande abusive de renseignements personnels
sous le moindre des prétextes.
Considérée dans son ensemble, la loi proposée ne
soulève pas d'objection majeure ou fondamentale de la part de la
fédération. Bien au contraire, elle lui apparaît dans sa
forme actuelle répondre adéquatement et de façon pratique
à ce besoin de faciliter aux citoyens un accès raisonnable aux
documents de l'État et à la nécessité de
protéger les renseignements personnels détenus par les organismes
gouvernementaux. La fédération s'en réjouit et ne peut que
souhaiter vivement la mise en application de cette loi dans un avenir
rapproché.
Nonobstant ce qui précède, la fédération
désire porter à l'attention de la
commission parlementaire les réflexions et commentaires suivants
sur quelques-uns des articles de la loi proposée qui, dans son opinion,
suscitent des interrogations ou encore, invitent à des mises en
garde.
Au sujet de l'article 8 sur la prolongation de la période, la
fédération constate avec satisfaction que les dispositions de cet
article du projet de loi proposé par la commission suggère un
mécanisme de révision du régime légal ordonnant
l'accès à l'information gouvernementale et à la protection
de la confidentialité. Rien n'est plus sage dans ce domaine où
intervient l'effet de la plus fine recherche en matière de traitement de
l'information et à propos de ce nouveau programme d'action
gouvernementale qui risque de bouleverser bien des procédures acquises
et de susciter même à l'occasion la tentation du rejet à
l'expérience.
Il nous semblerait dès lors, nous vous en soumettons
l'idée, qu'il soit préférable de ne pas gqarder la
suggestion qui nous est faite de terminer l'effet de mise en vigueur de la loi
après une période de cinq ans. Il serait trop dangereux que tant
d'efforts accumulés jusqu'ici ne produisent en fin de course que
l'étrange paradoxe d'un vide juridique, choquant même s'il
n'était que temporaire. Nous souhaitons dès lors que le citoyen
québécois soit régi par une loi imparfaite durant la
période de révision du régime de protection dont il sera
bénéficiaire, plutôt que de le retrouver encore à ce
moment-là dans le vacuum juridique qu'il souffre
présentement.
L'article 10. Exercice du droit d'accès.
Le droit d'accès peut s'exercer par l'obtention d'une copie du
document. Il ne faudrait pas que cet article s'interprète comme une
obligation au demandeur de se rendre sur place pour obtenir un
fac-similé. En plus de la photocopie qui peut s'expédier par
courrier, d'autres modes de transmission sont possibles, vidéo,
terminal, particulièrement pour ce qui est des documents
informatisés. Dans tous les cas, la copie transmise devrait être
accompagnée d'une attestation de sa conformité au document
original quant au contenu et ce, à partir de la mise à jour la
plus récente.
Article 20. Publication des décrets.
Les dispositions de cet article du projet de loi suggéré
n'ont pas manqué non plus d'attirer notre attention. La norme qu'on y
décrète, viendrait en effet combler une carence reqrettable dans
notre législation actuelle et confirmerait ainsi au citoyen son droit
à l'écoute officielle des voix autorisées des pouvoirs
législatifs et exécutifs. Vu dans la perspective d'une saine
démocratie, le sujet est donc important.
De fait, il nous semble l'être d'ailleurs tellement, que nous nous
demandons s'il ne serait pas même préférable que la
publication des lois, règlements et ordres en conseil de toutes natures,
ne fasse l'objet d'une loi spécifique qui en réglemente
soigneusement tous les aspects. D'autres législateurs ont agi
déjà en ce sens et, peut-être, nous le souhaitons, non sans
sagesse.
Article 56. Confidentialité des renseignements nominatifs et
article 63, interdiction de collecte des renseignements nominatifs. Ces deux
articles viennent concrétiser dans un texte de loi le droit fondamental
de tout citoyen à la protection de sa vie privée. La
fédération désire souligner l'importance de ces deux
articles clés.
Article 65, les ententes entre les organismes. Lorsqu'en vertu d'une
loi, arrêté en conseil ou règlement, un organisme
gouvernemental est tenu de fournir à un autre organisme gouvernemental
des renseignements personnels, le citoyen peut difficilement connaître
les catégories de personnes ainsi visées de même que les
modalités de cet échange.
De plus, les mécanismes modernes de transmission de
données font qu'elles ont été souvent produites à
la suite de croisements successifs de différents ensembles de
données. Apparaissant alors le problème de
l'intégrité des données de base et celui de
l'intégrité du mécanisme utilisé pour colliger les
informations. Un autre problème se présente à la
réception des données par l'organisme demandeur car les
données transmises sont dans bien des cas validées,
corrigées ou tout simplement rejetées. C'est alors que devient
plausible la censure arbitraire ou subjective, la possibilité
d'omissions volontaires ou involontaires.
La question est de savoir jusqu'où la commission pourrait
s'impliquer dans ce processus pour assurer, d'une part, la fiabilité des
données transmises et, d'autre part, l'utilisation qu'on en fait. Cette
question est d'autant plus importante qu'en maintes circonstances ces
informations sont finalement la base sur laquelle est déterminé
le droit à des subventions ou toute autre aide financière, comme
dans le cas des prestations de l'aide sociale. La fédération
croit que la commission devrait se pencher sur ces problèmes et tenter
de les résoudre dans sa réglementation.
Approbation des ententes d'échanges de renseignements nominatifs,
à l'article 67. La fédération se réjouit que les
échanges de renseignements nominatifs entre organismes gouvernementaux
soient limités et sujets au contrôle de la commission. Elle
encourage non seulement le maintien de cette disposition, mais également
son application rigoureuse. La fédération ne croit pas que cet
article ouvre la porte à un dédoublement inutile de cueillette
d'informations. Au contraire, elle y voit un moyen de faciliter les
échanges justifiables entre les organismes
tout en prévenant les abus criants.
À l'article 72, destruction et archivage des fichiers de
renseignements personnels. Un certificat de la commission est requis pour
établir un fichier de renseignements personnels. Ne devrait-il pas en
être de même pour sa destruction ou son archivage? Sans doute, la
réglementation à venir y pourvoira-t-elle?
Chapitre VI, section 1, infractions. La fédération
suggère que cette section couvre également tout acte
d'altération, de falsification, de tronquage de renseignements
nominatifs lorsque ces actes sont perpétrés dans le but d'en
retirer des avantages personnels ou dans le cas de faute lourde.
À l'article 102, composition de la commission de l'accès
aux documents des organismes publics. Cette commission sera composée de
trois membres. La Fédération de l'informatique du Québec
souhaite qu'au moins un des membres soit un informaticien chevronné issu
du milieu des informaticiens professionnels. La fédération
souhaiterait également être consultée dans le choix de
cette personne.
Ceci complète les commentaires de la fédération sur
les articles de la loi proposée.
Cependant, il apparaît primordial à la
fédération que la protection accordée par le projet de loi
aux renseignements personnels détenus par les organismes gouvernementaux
soit étendue aux renseignements personnels détenus par les
institutions financières. L'avènement des systèmes de
paiement électronique aura non seulement de lourdes conséquences
sur les habitudes de consommation des citoyens, mais permettra en même
temps à ceux qui les utiliseront de colliger rapidement et facilement
des informations sur leur clientèle, informations qui seront
conservées sous une forme qui en permettra la consultation et la
diffusion de façon quasi instantanée.
L'aisance avec laquelle des renseignements personnels pourront alors
être recueillis et diffusés pose le problème de la
protection du citoyen contre les abus possibles à la fois des agents
payeurs et des institutions financières tant dans la quantité
d'informations personnelles ainsi colligées que dans l'usage qu'on en
fait par la suite.
En terminant, la Fédération de l'informatique du
Québec fait sienne la recommandation no 68 du rapport à l'effet
que le gouvernement devrait faire étudier les moyens d'assurer la
protection des renseignements personnels détenus par les institutions
privées.
À ce sujet, la fédération recommande fortement au
gouvernement de s'attaquer dans un premier temps au problème des
renseignements personnels détenus par les institutions
financières.
La Fédération de l'information du Québec vous
remercie de l'avoir entendue et se tient à votre disposition pour aider
à la mise en application de la législation proposée, si sa
collaboration peut vous être utile de quelque façon que ce soit.
Merci. (18 h 15)
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais remercier les
représentants de la Fédération de l'informatique du
Québec, d'abord, d'avoir accepté de venir aujourd'hui
plutôt que demain, et plus tôt dans la journée qu'ils ne le
prévoyaient puisqu'on avait cru, au départ, qu'on
siégerait peut-être après huit heures. Je les remercie de
s'être prêtés aussi gentiment à l'horaire de la
commission. Je veux leur indiquer aussi que j'aurai grand plaisir à me
rendre à leur demande de les visiter le 22 septembre prochain à
Montréal, à la suite d'une invitation qu'ils m'ont transmise.
Nous aurons probablement l'occasion, à ce moment-là, de parler
encore une fois du rapport Paré, parce que je crois que les
informaticiens sont des gens extrêmement intéressés par ce
dossier, on le comprend, à cause, évidemment, de toute cette
question des fichiers et de leur gestion.
Vous nous suggérez de ne pas créer de vide juridique
après la période de cinq ans fixée par la proposition de
loi. Il y en a quelques-uns, dans notre équipe de travail, qui ne sont
pas de cet avis; il y en a un qui se sent très isolé dans cette
position et je pense que vous lui faites chaud au coeur de lui dire qu'il
serait probablement préférable qu'il n'y ait pas de vide
juridique, d'autant plus que vous n'êtes pas le seul organisme à
avoir fait mention de cette demande.
Vous devez comprendre que l'article 10, qui fait référence
à la façon de consulter les documents, n'est pas une obligation
faite pour les gens de se rendre consulter les documents sur place, mais
qu'effectivement on peut prévoir différentes façons de
rendre l'information accessible, que ce soit par l'envoi postal, quand le
service des postes fonctionne ou - là-dessus, les suggestions des
informaticiens sont tout à fait intéressantes - par des
procédés modernes qui peuvent être utilisés et qui
permettront dans l'avenir, à mon avis, de rendre acessible cette
information. C'est ce que j'évoquais hier, je ne me rappelle pas
exactement devant quel groupe c'était, la Ligue des droits et
libertés. Vous êtes probablement un des groupes qui devraient
être le plus susceptible de nous suggérer des moyens nouveaux de
communiquer l'information. Le gouvernement tente d'établir une meilleure
relation entre I'État et le citoyen; la loi d'accès à
l'information va nous obliger à trouver des mécanismes nouveaux
pour rendre l'État davantage accessible. On parle de plus en plus de
procédés, de type Télidon ou autres,
avec les systèmes vidéotex et télétex qui,
demain, pourraient permettre d'introduire un véritable système
d'information à domicile où les gens, à domicile,
pourraient eux-mêmes demander leurs informations à toute une
série de banques constituées ou de renseignements nominatifs,
dans certains cas, ou de documents dans d'autres cas.
Je serais très heureux, quant à moi, que la
Fédération de l'informatique, au-delà du document qu'elle
nous présente, achemine des suggestions au gouvernement du
Québec, au ministère des Communications en particulier. J'aurai
l'occasion de vous le dire lorsque je vous rencontrerai le 22 septembre, mais
peut-être qu'on peut se passer le message immédiatement. Ce serait
peut-être difficile d'application à court terme, puisqu'on en est
encore à l'étape de l'expérimentation de ces
différents procédés et de leur utilisation à
domicile, mais je pense que le temps n'est pas loin - peut-être cinq ans,
au gros maximum, dix ans - où les citoyens pourront, à domicile,
consulter un ensemble de documents grâce au développement des
systèmes vidéo et télétex. J'aimerais beaucoup
connaître vos opinions là-dessus.
À l'article 20, vous demandez qu'on exclue de la proposition de
loi toute la question de la publication des lois, règlements et
décrets et qu'on en fasse peut-être un chapitre à part. Je
sais qu'au ministère de la Justice toute une opération est en
cours sur la déréglementation, et ce dans un objectif tout
à fait sain de débureaucratisation de l'appareil gouvernemental;
c'est quelque chose qui doit être fait. La proposition de loi nous
invite, tout de même, à certains gestes concernant la publication
des décrets. En ce qui concerne les règlements,
déjà, il y a des obligations qui sont faites de les publier dans
la Gazette officielle. Quant aux décrets, on peut prendre l'initiative
de les rendre publics, mais on a la possibilité, à
l'intérieur de cette proposition, de retenir ceux qui nous apparaissent
ne pas devoir être rendus publics à cause de la notion très
large d'intérêt public, mais on peut regarder ça. Ce n'est
pas, je pense, l'aspect fondamental de votre mémoire. Il y en a un, par
contre, qui est drôlement important, c'est votre référence
à l'article 65.
Dans les échanges de données qu'autoriserait l'article 65,
il peut être difficile pour le citoyen de connaître les
catégories de personnes visées, les modalités de
l'échange. Les données produites à la suite de croisements
successifs peuvent altérer, dans un sens ou dans l'autre, les
données qui étaient contenues dans un premier fichier.
Lorsqu'elles se transportent dans un deuxième fichier, on ne retrouve
pas exactement les mêmes renseignements, parce que, quelque part,
quelqu'un a fait le tri et quelqu'un a décidé, de façon
plus ou moins arbitraire, d'en retenir quelques-uns ou d'en ajouter d'autres.
Vous demandez que la commission se penche sur ce problème et trouve une
façon, que ce soit par voie réglementaire ou carrément
dans la loi, au niveau des articles, de préciser l'identité qui
doit exister entre les renseignements contenus dans le premier fichier et les
renseignements contenus dans le deuxième fichier, au moment de la
transmission des données.
À la toute fin, vous nous invitez, au niveau des articles 142,
143, 144, à faire en sorte que des gens qui tenteraient, d'une
façon ou d'une autre, ce sont vos termes que j'essaie de reprendre,
d'altérer, de falsifier ou de tronquer des renseignements nominatifs
soient passibles de sanctions, parce que vous voyez là un
problème. J'aimerais peut-être vous entendre développer un
peu plus là-dessus. Est-ce qu'effectivement c'est un problème qui
se pose, que vous avez déjà constaté, qui est
déjà apparu comme étant réel ou si c'est un
problème théorique, pour lequel vous voudriez qu'on
prévoie déjà un certain nombre de règlements ou
d'articles de loi?
M. Forest (Jean-Pierre): Sans vouloir citer des cas particuliers,
par exemple, dans les administrations publiques ou parapubliques, en ce qui a
trait à des renseignements de caractère financier, à cause
des différents mécanismes qui sont en place, des
différentes corporations professionnelles, des vérificateurs qui
passent à différents paliers, on peut dire qu'à 99% les
renseignements de caractère financier sont exacts à la demi-cent
près. La demi-cent est partie et va peut-être se ramasser dans un
compte clé.
Quand on arrive à d'autres types de fichiers, où ce sont
des informations plutôt qualitatives, des renseignements personnels, des
renseignements sur des étudiants, des renseignements sur d'autres
personnes, où le Vérificateur général ne passe pas
pour vérifier l'authenticité ou la qualité des
données, il y a toujours des possibilités d'erreur, justement
à cause de certains mécanismes de validation successive, les
organismes requérants n'ayant pas les mêmes critères. Dans
certains cas, les personnes qui colligent les données, ça
pourrait être des étudiants qu'on emploie l'été; ils
n'auront pas le souci d'exactitude ou la compréhension du
problème que le personnel en place aurait, par exemple, dans le
recensement des équipements.
Au moment de la saisie de la donnée, il existe déjà
un déphasage, c'est-à-dire une possibilité d'omission.
Cette omission est amplifiée une fois que les validations successives
traitent ces données; il y a différentes données qui vont
être rejetées pour telle ou telle raison, ça les
amenuise.
Lorsqu'elles sont transmises à un autre organisme, il a
également ses règles de validation, ses normes, ses
procédures, ses significations. On a seulement à mentionner la
tâche dans l'enseignement. Je vous mets au défi, lorsqu'on parle
de poste ou de charge d'emploi, d'essayer de trouver une définition
uniforme dans tous les milieux, du primaire jusqu'à
l'université.
Ce sont peut-être ces données, ces notions, lorsqu'elles
sont transférées d'un organisme à l'autre, qui perdent
certaines de leurs significations et, de façon involontaire ou sans trop
d'exactitude, il y a une perte de l'information initiale. Et c'est ce
mécanisme, qu'on appelle la qualité des données, qui subit
des amputations successives et qui, à la fin, perd un certain sens.
À ce moment, il y aurait peut-être une possibilité qu'on
avait discutée lorsqu'on s'était rencontré, M. Goulet et
M. Fortier, de voir que la commission pourrait éventuellement s'attacher
à l'aspect qualitatif des données et laisser au
Vérificateur général le caractère financier des
informations. On est conscient que c'est un mécanisme très lourd,
parce que, par expérience, on sait que lorsque le Vérificateur
général a passé partout, sur les fichiers à
caractère financier, il ne reste plus ou très peu de temps pour
s'attaquer à d'autres fichiers qui, comme on le dit, vont
peut-être donner des subventions, des contrats, ou autres...
M. Bertrand: N'oubliez pas que la proposition de loi
prévoit que les émissions de certificat doivent être faites
par la commission à l'ensemble des organismes qui fonctionnent avec des
fichiers. Chaque fois qu'il y a une entente qui intervient entre deux
organismes publics pour s'échanger des données, il faut que
l'organisme demandeur indique à la commission les raisons pour
lesquelles il veut obtenir ces données et l'utilisation qu'il compte en
faire. Prenons le cas où les bureaux d'aide sociale ont besoin d'obtenir
des renseignements qui leur viennent de la Régie de l'assurance-maladie,
de la Régie de l'assurance automobile ou d'un autre organisme, ils
devront, à ce moment, indiquer très clairement à la
commission pourquoi ils veulent obtenir ces données, quelles sont les
qualités de ces données qui les intéressent, parce qu'il
peut y avoir des caractéristiques dans le renseignement nominatif qui
n'intéressent pas l'organisme demandeur. Il peut donc y avoir
jusqu'à un certain point, sur un ensemble de renseignements contenus sur
une même personne, 25 renseignements contenus sur une même
personne, et il peut y en avoir cinq, trois ou huit qui intéressent
l'organisme demandeur. Je pense que ce n'est pas là-dessus que vous en
avez. Ce sur quoi vous en avez, c'est sur des modifications qualitatives dans
l'appréciation de ces renseignements nominatifs qui seraient
altérés au fur et à mesure que se transmettent les
informations d'un organisme à l'autre.
M. Fortier (Jules): Si vous permettez, le problème qu'on y
voit aussi, c'est qu'un organisme montre un fichier, recueille quinze points
d'information sur une personne, mais en réalité, il y a
peut-être la moitié de ces informations auxquelles il tient
particulièrement, qu'il va soigner dans la qualité de la
cueillette et de l'enregistrement, les autres, c'est indicatif, mais c'est plus
ou moins nécessaire. On va être un peu plus large
là-dessus, on va laisser passer des erreurs; on ne sera pas aussi
rigoureux sur la cueillette et l'enregistrement. Un an ou deux ans
après, un autre organisme vient et dit: Tiens, regarde l'organisme A a
des informations; mais elles se trouvent dans le bloc où on n'a pas
été très scrupuleux pour les enregistrer. De cela, on tire
des compilations, on refait des validations et on se base là-dessus pour
prendre des décisions. La fédération pense qu'il y a un
danger là-dedans. Ce problème, la commission devrait y voir. Ce
n'est pas un problème facile, mais je pense qu'on se devait d'attirer
l'attention là-dessus. C'est dans les transformations, les validations
et les codifications successives qui se font.
M. Bertrand: Un dernier point, pour ce qui est de la destruction
des fichiers ou de certains des renseignements contenus dans les fichiers, vous
demandez qu'on prévoie une clause de destruction.
M. Fortier (Jules): C'est tout simplement...
M. Bertrand: II y en a tellement que...
M. Fortier (Jules): II y a un certificat d'exigé pour le
créer. Il faut au moins qu'on avise la commission, lorsqu'on le
détruit.
M. Bertrand: Enfin, là aussi, il faut se servir de son
sens commun. On imagine que, lorsque ce n'est plus nécessaire de s'en
servir, les organismes, plutôt que de les vendre à profit à
des organismes qui eux, seraient intéressés à faire de
l'argent avec cela s'en départissent. Maintenant, il faut savoir aussi
qu'il faudra accorder l'éventuelle loi d'accès à
l'information gouvernementale à la Loi sur les archives. Là
aussi, les spécialistes en la matière distinguent toujours entre
ce qu'on appelle des dossiers actifs, des dossiers semi-actifs, des dossiers
d'archives et des dossiers de destruction. Cela fait partie du "pataclan" dans
lequel on s'embarque. Il faudrait faire concorder notre loi non seulement avec
la loi sur les droits d'auteur et les droits de suite, mais aussi
avec la Loi sur les archives qui provient du ministère des
Affaires culturelles. (18 h 30)
M. Fortier (Jules): On y voyait simplement une question
administrative pour la commission. Elle a autorisé la création
d'un fichier. Qu'elle soit avisée au moins, lorsqu'on le détruit,
qu'elle le sache, parce qu'il pourrait arriver, si on ne dit absolument rien,
que le fichier soit détruit et que, plus tard, on réalise qu'on
n'aurait pas dû le détruire pour d'autres raisons.
M. French: Je voudrais profiter de l'occasion...
M. Bertrand: Excusez-moi, M. le député de
Westmount, parce que cela peut peut-être nous aider. Il y a
déjà un élément qui vous aide, c'est l'article 138,
paragraphe 5. "Le gouvernement peut adopter des règlements pour fixer
les délais de conservation des catégories de renseignements qu'il
détermine et les conditions auxquelles un organisme public peut en
disposer par destruction ou archivage. "
M. Fortier (Jules): Dans les cas où cela a
été prévu, il y a peut-être d'autres cas où
cela ne l'est pas.
M. Bertrand: Mais il n'est peut-être pas nécessaire
qu'il y ait un certificat à ce moment-là, simplement de
dire...
M. Fortier (Jules): Oui, cela peut être implicite dans le
certificat d'origine, s'il est créé pour une telle période
de temps et qu'il doit se détruire après tant de temps.
M. Bertrand: Mais c'est prévu que le certificat est
émis pour une certaine période de temps aussi. D'accord.
Le Président (Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Je suis frappé par le fait que cela
nécessite quand même d'exercer une certaine vigilance face aux
coûts-bénéfices des mesures recommandées, surtout
celles qu'on vient d'évoquer ou de toucher; mais je voudrais profiter de
votre présence pour vous poser une question qui touche elle aussi aux
coûts, mais sur un sujet que vous n'avez pas, je pense,
évoqué directement dans votre mémoire.
Il me semble que les renseignements de nature non personnelle, mais
quand même informatisés peuvent être légitimement
l'objet de demande de la part d'un citoyen ou d'un recherchiste, enfin la
clientèle visée par la loi. Il me semble que c'est possible que
cette requête ou demande soit constituée d'une façon qui
permettrait justement à un fonctionnaire d'expérience,
d'identifier les données en question, mais vu que ce n'est pas un
document dans le sens littéral plutôt que dans le sens
législatif, la production de ce document peut coûter
extrêmement cher. D'abord, est-ce que j'ai raison? Et si oui, y a-t-il
des possibilités d'imaginer un système de réglementation
ou un système de contrôle de coûts pour contrôler ce
genre de situation?
M. Fortier (Jules): Quand vous dites qu'il y a un document
informatisé, tout dépend de la nature de ce document, de son
volume. Si on entend par document informatisé un fichier complet et
qu'on veut avoir une copie intéqrale en clair d'un fichier, cela peut
coûter joliment cher. À ce moment-là, je pense que la
commission doit juqer la demande qui lui est faite, si elle est pertinente. On
voit aussi dans la loi qu'à un moment donné on peut mettre un
prix à cela sans que ce soit prohibitif pour empêcher une demande
raisonnable, mais que les demandes abusives et irraisonnables, on les
empêche, on y mette un frein.
M. French: Est-ce que je me trompe en faisant deux constatations
à ce moment-ci? D'abord, il n'y a pas de possibilité de refuser
une demande, parce que c'est de nature abusive, dans le moment, n'est-ce pas?
Ce n'est pas prévu par la loi.
Deuxièmement, la commission n'est pas impliquée dans le
premier "interchange", la demande originale parvient à un
préposé dans un ministère en particulier et, il se peut
fort bien que je me trompe, je profite de votre présence pour soulever
une question, je pense, extrêmement importante, c'est que je peux
imaginer une demande qui mobiliserait les équipements et les personnels
du gouvernement spécialisés en informatique et qui profiterait
des investissements faits dans le passé dans le recueil de
données et le "cross tabulation" etc., ce qui, par contre, me
coûterait en tant que requérant très bon marché, un
prix très raisonnable, mais énormément cher au
gouvernement. Il n'y a pas, je pense, de possibilité que le
ministère exige des frais réalistes, de sorte que cela me
forcerait, en tant que requérant, à avoir recours à la
commission, en premier lieu, parce que j'aurais le droit d'avoir ces documents
directement, sans que cela devienne...
Maintenant, c'est une question que je vous pose. Vous avez
confirmé que cela peut coûter cher. Le ministre serait
peut-être en mesure de nous informer tous les deux.
M. Fortier (Jules): Cela peut coûter cher. Tout
dépend des opérations qu'il y a à faire sur ces
choses.
M. French: On crée le document, finalement.
M. Fortier (Jules): Oui, si ma mémoire est bonne, je ne
pourrais pas spécifier le point exact dans la loi, mais je pense qu'il
est dit quelque part que le renseignement qu'on doit fournir ne doit pas
nécessiter de calcul, d'opération, de transformation, de
modification. J'en ai déduit que c'est une copie intégrale de ce
qui existe déjà.
M. French: Ah, bon!
M. Fortier (Jules): On n'a pas à fabriquer quelque
chose.
M. French: J'ai vu cela, mais il me semblait que cela voulait
dire que je ne pouvais pas demander au ministre des Finances de créer un
nouveau document pour mes propres fins. Mais cela ne m'a jamais frappé
qu'on ne puisse demander à quelqu'un qui fait fonctionner un programme
polyvalent, de sortir quelques données que je voudrais avoir et qui sont
toujours facilement productibles.
La question légale de ce qu'est un calcul entre en ligne de
compte. Moi, je ne sais pas si j'hésiterais, j'irais à la
commission et je dirais: "Ce n'est pas un calcul, c'est le fonctionnement d'un
ordinateur qui a été fait pour cela.
M. Bertrand: Quel est le cas concret que vous voulez invoquer?
Supposons que vous vouliez avoir accès à un renseignement sur
votre personne.
M. French: Non, je m'excuse, vous avez manqué...
M. Bertrand: Ce n'est pas cela.
M. French: Non. L'hypothèse est que l'on parle de
données non personnelles, informatisées, mais non
personnelles.
M. Bertrand: Un document informatisé.
M. French: Oui, mais pas personnel. Cela ne touche pas du tout
les renseignements personnels.
M. Bertrand: C'est cela. Dans le cas du renseignement personnel,
il n'y a pas de problème. Dans le cas du document informatisé, il
y a une façon d'y avoir accès. Cela ne demande ni comparaison de
renseignements, ni calcul. Je pense qu'à ce moment-là...
M. Fortier (Jules): II n'y a aucun problème, à ce
moment-là.
M. Bertrand: La loi prévoirait qu'il y a accès.
M. French: II n'est pas question d'accès pour le moment,
j'invoque la question des coûts et la possibilité pour une
entreprise privée ou un syndicat d'utiliser les équipements, le
personnel spécialisé en informatique et l'investissement du
gouvernement dans le passé d'un recueil de données, de faire la
recherche à très bon marché.
M. Fortier (Jules): Si je comprends bien...
M. French: Je sais que nos invités ne sont pas
responsables de cette loi. Je profite de leur présence pour invoquer un
problème que je crois être important.
M. Fortier (Jules): Ce que vous entendez par document
informatisé, ce que je vois là-dedans, ce sont des données
qui, à un moment donné, sont ramassées dans le contexte,
d'une négociation de convention collective, puisqu'on parle de syndicat.
Je sais par expérience qu'il se fait sur des ordinateurs des programmes
de simulation.
Mais si quelqu'un se présentait en invoquant la loi sur
l'accès à l'information et disait: À l'aide des
renseignements que vous avez, faites-moi une simulation dans tel et tel cas,
selon tel et tel paramètre, je ne pense pas que la loi soit fonction de
fournir ce genre d'information, parce que cela va impliquer des calculs, du
rebrassement d'information., du travail de l'ordinateur.
Par contre, si un modèle mathématique a été
fait, les résultats sont publiés, ils sont quelque part. À
ce moment, qu'ils soient dans la mémoire de l'ordinateur ou qu'ils
soient en clair sur des papiers, on en fait des photocopies ou on en tire
simplement un extrait qui est une liste provenant directement de la
mémoire de l'ordinateur, d'un ruban magnétique, et on dit:
Imprime-moi cela. C'est une simple impression, à ce
moment-là.
Si j'ai bien compris l'esprit de la loi, toute demande impliquant des
calculs, des recherches, des modifications, des transformations, ce n'est pas
compris là-dedans.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. French: Oui, cela y répond sûrement. Je suis
d'accord avec vous sur l'esprit de la loi. Il n'est pas question de cela. On
parle d'une considération plutôt pratique que d'une question de
principe. Mais je voudrais juste dire que vous avez choisi les deux
extrêmes, le produit du programme est celui que l'on utilise couramment
dans les ministères, évidemment; on fait une photocopie et c'est
assez simple. L'autre extrême, c'est la simulation qu'on peut
évidemment qualifier de calcul, en quelque sorte. Je ne suis pas
informaticien, mais
j'aurais pensé qu'il y aurait des usages, par exemple, des
programmes et des banques de données qui ne seraient pas vraiment
prévus dans l'objectif pour lequel cette banque de données a
été créée, mais qui pourraient quand même
être susceptibles de faire l'objet d'une requête d'un syndicat,
d'une corporation ou d'un entrepreneur, qui feraient fonctionner le programme
d'une façon différente, mais extrêmement chère, et
qui manipuleraient énormément de données face un objectif
qui n'était pas, je le répète, prévu originalement
dans la construction de la banque.
À ce moment-là, je me demande tout simplement - c'est une
question que je pose beaucoup plus au ministre et à ses fonctionnaires
qu'à vous - si on est protégé contre ce genre d'approche
vu l'approche plutôt libérale qu'on va utiliser quant aux
coûts, c'est-à-dire qu'on va les minimiser absolument pour ne pas
créer une barrière d'entrée pour le programme.
M. Bertrand: Quand il s'agit d'un programme où on peut
faire immédiatement l'impression et qu'il s'agit véritablement
d'un document informatisé dont l'importance n'est quand même pas
très grande en termes de volume et de papier, je crois qu'il n'y a pas
de problème.
M. French: Cela peut être très facile du point de
vue du document et du papier, mais ça peut être très cher
au point de vue du temps de l'ordinateur.
M. Bertrand: Oui. Il paraît qu'à Ottawa, au niveau
du gouvernement fédéral, on fait payer au demandeur les frais des
cinq premières heures de fonctionnement.
M. French: C'est pour cela que j'ai évoqué le
problème. On l'avait rencontré à Ottawa,
effectivement.
M. Bertrand: Oui.
M. French: Et ils nous ont dit que ce n'était tout
simplement pas possible de prévoir... Prenons le cas du syndicat. C'est
évident que le gars qui fait fonctionner l'ordinateur est probablement
membre du syndicat et c'est lui qui connaît, plus que n'importe qui
d'autre, quelles sont ses capacités. Il y a toutes sortes de
génies de "computers" ou d'ordinateurs un peu partout qui sont capables
d'imaginer ou de bâtir toutes sortes de projets de façon abusive.
C'est peut-être un problème assez mineur, mais, à un moment
donné, ça peut coûter extrêmement cher.
M. Bertrand: Est-ce que l'article 97 répondrait en partie
à votre préoccupation'' "La commission peut autoriser le
responsable à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par
leur nombre, leur caractère répétitif ou leur
caractère systématique et qui sont faites à des fins non
conformes à l'objet de cette loi. " Cela y touche un peu, en tout
cas.
M. French: Par exemple, je me demande ce que veut dire le
caractère systématique. Dans la mesure où on n'aurait pas
deux avocats devant la commission, dans la mesure où ce sera le
personnel de la commission qui va prendre le cas du requérant et qu'on
se base sur le gros bon sens, on est peut-être protéqé avec
cet article. Mais si jamais on commence avec un droit d'appel sur le
bien-fondé de la décision plutôt que la question de droit
devant une cour, vous pouvez être certain qu'une corporation, un
entrepreneur ou un syndicat va invoquer toutes sortes de raisons contre
cela.
M. Bertrand: En tout cas, j'ai bien compris qu'il ne s'agissait
pas de renseignements personnels; il s'agissait de documents
informatisés. Il y a peut-être un petit vide là qu'il
s'agirait de combler.
M. French: En tout cas, je veux remercier nos invités.
M. Bertrand: Si les gens de la Fédération de
l'informatique ont des suggestions à nous communiquer là-dessus,
ils sont bienvenus.
M. Fortier (Jules): Si vous le permettez, il y a aussi les
programmes du gouvernement, dans le sens de programmes d'ordinateur. Est-ce
qu'on peut dire que l'accès à l'information permettrait à
n'importe quel citoyen de dire: Sortez-moi donc votre programme que je
l'examine et que je le regarde? Cela peut être passablement
dispendieux.
M. Bertrand: Très.
M. Fortier (Jules): Un programme qui gère tout un complexe
d'ordinateurs. Ils diraient: C'est de l'information gouvernementale. Je ne
pense pas qu'on veuille se rendre jusque-là. Par contre, il y a dans ces
programmes des éléments qui intéressent drôlement le
citoyen, qui sont la codification des formules utilisées pour calculer
son impôt, pour verser une subvention. De quelle façon tout cela
est-il amené? Ces parties-là, moi, j'y vois un droit, mais
à toute la technique qui régit un ensemble d'ordinateurs, au
système à accès direct avec des consoles dans toute la
province... Le programme est épais comme ça.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? Alors, je remercie
les représentants de la Fédération d'informatique du
Québec.
La commission suspend ses travaux jusqu'à demain matin, dix
heures.
(Fin de la séance à 18 h 45)