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Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le mercredi 2 septembre 1981 - Vol. 25 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur l'avant-projet de loi contenu dans le rapport Information et liberté


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Rochefort): A l'ordre!

La commission élue permanente des communications est réunie pour étudier l'avant-projet de loi contenu dans le document intitulé: Information et liberté -Rapport de la Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels.

L'ordre des travaux d'aujourd'hui est le suivant. Nous entendrons dans l'ordre les organismes qui suivent: l'Union des municipalités, la Corporation des secrétaires municipaux du Québec Inc., l'Union des conseils de comté et des municipalités locales du Québec Inc., les Amputés de guerre du Canada, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, l'Association des directeurs de départements de santé communautaire, la Caisse de dépôt et placement du Québec, le Directeur général des élections du Québec et la Fédération de l'informatique du Québec.

J'inviterais les représentants de l'Union des municipalités à prendre place et à s'identifier, s'il vous plaît.

Union des municipalités du Québec

M. O'Bready (Jacques): Je vous remercie M. le Président et MM. les membres de la commission. Je me présente: Jacques O'Bready, maire de Sherbrooke, président de l'Union des municipalités du Québec. Je suis accompagné de Me Neuville Lacroix et de Mme Louise Marchand qui sont ici à titre de personnes-ressources. Je demanderais, M. le Président, que le mémoire intégral de l'Union des municipalités fasse partie du rapport de la commission.

Le Président (M. Rochefort): Là-dessus, je vous soulignerai que cette tradition ne se pratique plus parce que ça coûtait très cher à l'État de mettre les mémoires en annexe dans les procès-verbaux, sauf qu'ils seront disponibles en tout temps pour tout organisme qui voudrait les consulter.

Juste avant d'entendre votre mémoire, j'ai oublié de nommer les membres de la commission, je vais donc le faire immédiatement.

Les membres de la commission aujourd'hui sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Beaumier (Nicolet), Bertrand

(Vanier), Bissonnet (Jeanne-Mance), Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Lalonde qui remplace M. French (Westmount)...

M. Lalonde: Je vais remplacer M. Bissonnet. M. French...

Le Président (M. Rochefort): MM.

LeMay (Gaspé), Rivest (Jean-Talon), Rodrigue (Vimont), Sirros (Laurier), Vaugeois (Trois-Rivières). Peuvent aussi intervenir MM. Baril (Arthabaska), Charbonneau (Verchères), Fortier (Outremont), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Marx (D'Arcy McGee), Payne (Vachon), Perron (Duplessis), Picotte (Maskinongé) et M. Tremblay (Chambly).

M. Lalonde: II ne faut pas m'inscrire comme intervenant, sans cela j'aurai deux votes.

Le Président (M. Rochefort): Oui, excusez-moi! Vous suivez cela attentivement.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je pourrais peut-être remplacer.

Le Président (M. Rochefort): Oui.

M. de Bellefeuille: Est-ce qu'on attend M. Vaugeois, M. le ministre? Je pourrais le remplacer.

M. Bertrand: II doit venir.

M. de Bellefeuille: II doit venir, mais qui ne doit pas venir?

Le Président (M. Rochefort): Je peux vous inscrire de toute façon dans les intervenants.

M. Lalonde: Ce n'est pas grave. On vous donne notre consentement pour votre présence et vos interventions.

Le Président (M. Rochefort): Dans les intervenants, il y a M. Baril (Arthabaska) qui ne sera sûrement pas ici.

M. de Bellefeuille remplace M. Baril (Arthabaska).

J'invite maintenant les représentants de l'Union des municipalités...

M. Marx: Qui sont nos quatre membres? Le Président (M. Rochefort): Excusez-

moi. Ce sont MM. Lalonde, French, Rivest et Sirros.

M. Marx: Bon. Je vais remplacer M. Rivest.

Le Président (M. Rochefort): Vous allez remplacer M. Rivest, parfait. M. Marx, qui était intervenant, remplace M. Rivest comme membre.

Ces ajustements étant faits, j'invite les représentants de l'Union des municipalités à nous présenter leur mémoire, en vous rappelant que vous avez environ 20 minutes pour le faire.

M. O'Bready: Je vous remercie, M. le Président et MM. les membres de la commission. En réponse à l'invitation formulée par le ministre québécois des Communications, M. Jean-Francois Bertrand, l'Union des municipalités du Québec tient à se prévaloir de l'occasion qui lui est fournie de présenter ses commentaires sur le rapport déposé par la commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels, présidée par M. Jean Paré.

L'Union des municipalités du Québec est, en effet, très surprise de constater que la commission Paré ait résolu d'élargir le mandat que lui confiait originellement le décret du 3 septembre 1980 et que de nombreuses recommandations du rapport touchent nommément les municipalités dans leur administration quotidienne. Par ailleurs, nous voulons dès maintenant souligner à la commission parlementaire que nos commentaires porteront uniquement sur les principes et les recommandations du document Paré. Il nous semble, en effet, absolument prématuré d'étudier la proposition de loi qu'y a annexé la commission d'étude et il est important, croyons-nous, que tous les intervenants se mettent d'accord sur les grands principes, sur la philosophie qui gouvernerait une intervention gouvernementale en cette matière avant d'en arriver à élaborer un cadre législatif.

L'introduction. Les deux grands objectifs que s'est tracés la commission Paré rencontrent de toute évidence l'assentiment de tous les élus de bonne volonté. L'Union des municipalités du Québec a déjà clairement annoncé ses couleurs en cette matière en écrivant, en mai 1980, que "l'information est un droit fondamental du citoyen et que, par ailleurs, nulle démocratie n'est vraiment possible sans la prémisse de la connaissance (acquise nécessairement par l'information)". Nous nous rallions donc d'emblée à l'affirmation de la commission qui fait de ce droit à l'information un droit politique, une des assises de notre vie en société. Le citoyen qui choisit ses dirigeants verra son choix aliéné s'il ne peut disposer de tous les éléments pertinents à la compréhension globale des affaires publiques. L'outil de base de notre système municipal contemporain est d'autant plus indispensable que le rôle des autorités locales a considérablement évolué depuis quelques années.

La protection des renseignements personnels, qu'en toute confiance le citoyen divulgue à l'État, devient dès lors une autre des conditions indispensables de la liberté et il nous semble particulièrement pertinent que l'État scrute les deux volets indissociables de cette question. Nous croyons aussi que ce qui appartient à tous n'appartient pas à chacun et ce dont l'État se porte garant, soit les renseignements personnels divulgués à l'État en vue de l'atteinte du bien commun, doit être assorti de la protection nécessaire. Par ailleurs, il faut malheureusement constater que les recommandations de la commission Paré ne peuvent absolument pas s'appliquer à la pratique courante de la vie des municipalités. Il serait en effet erroné d'articuler la politique en cette matière sur une comparaison des structures et procédures, sur un parallèle entre les ressources et les besoins. Même si nous acceptons de toute évidence qu'il ne saurait être question de démocratie sans l'accès à l'information, il reste que les moyens pour transmettre cette information ne sauraient être les mêmes pour tous les niveaux de gouvernement. Il est totalement prématuréd'envisager que les modalités d'application de la philosophie du rapport Paré puissent correspondre au vécu local.

Alors que la ville des années cinquante avait un rôle limité, la municipalité de cette fin de siècle intervient presque quotidiennement dans la vie des citoyens pour voir à la salubrité de leur air, de l'eau qui les alimente, des logis qu'ils habitent, du sol qu'ils occupent. Elle influence leurs loisirs, elle leur prodigue le transport, bref, il n'est pas exagéré de dire que les citoyens se choisissent des délégués qui doivent veiller à la qualité de leur vie.

Ce pouvoir politique est à notre avis assorti de la charge du partage de la connaissance et, dans la mesure où la communication devient le lieu privilégié de ce partage, il ressort clairement que les élus municipaux consentent à cet idéal.

Cette communication est par ailleurs, et ce d'autant plus que la diversification des tendances et des idéologies a engendré une profonde modification des rôles, des rapports internationaux comme des rapports interpersonnels, une clé dont une organisation publique adéquate et efficace ne saurait désormais se passer. Si les gouvernants entendent que les gestes posés correspondent authentiquement aux virages qu'a amorcés notre société, ils devront inévitablement se prêter à cette démarche de communication.

Dans un récent essai, M. Paul Dumont-Frenette, spécialiste en communications, cite le professeur Sullivan de l'École de communication sociale de l'Université de Boston qui écrivait un jour: "Quel est le lien qui fait d'une communauté un tout cohésif? Mon terme préféré est celui de communication. La communication relie entre eux les membres d'une communauté. C'est le processus qui établit les relations entre les personnes et les intègre dans un ensemble organique, chacun demeurant libre tout en étant solidaire des autres d'une certaine façon. " Nous ne pouvons dissocier le volet de l'information de l'entreprise globale qu'est la communication. C'est à ce titre que nous adhérons à la définition que donne le professeur Sullivan.

D'autre part, un des principes de notre législation en présuppose justement la connaissance. Il devient donc de la responsabilité de l'État d'assurer que l'information soit diffusée. La municipalité, à ce chapitre, doit elle aussi assumer son devoir de "bon père de famille".

En outre, l'information dont nous disions qu'elle est inhérente au sain exercice de la démocratie fait du citoyen un élément plus dynamique et plus participant de la cité qu'il se construit. En 1978, dans une étude sur la participation municipale au Québec, le ministère des Affaires municipales démontrait que le citoyen valorise indubitablement cet aspect de la vie publique et qu'il peut ainsi devenir un meilleur utilisateur des services et ressources que dispense sa ville.

Tout en démontrant que les habitants des villes sont d'avis, dans 90, 5% des cas, "qu'un bon conseil municipal, c'est celui qui informe et consulte régulièrement", cette étude affirme que 76, 2% des gens interrogés se sont déclarés satisfaits de l'ensemble des services offerts par leur municipalité.

Il serait illusoire, par contre, de croire que le fragile équilibre de la démocratie peut se maintenir si les citoyens ne sont pas convaincus que l'administration ne peut protéger ce qu'en toute confiance, ils lui confient comme un bien personnel. Ce que la commission Paré appelle "un fragment de sa personnalité", ce dont elle dit que, colligés, "ils (les renseignements personnels) peuvent devenir - il en existe des exemples classiques - la malédiction d'une personne, la Némésis qui la suit, qui l'empêche d'accéder à une fonction, d'obtenir certains avantages, sans que jamais cette personne sache les raisons de son malheur" une administration municipale estimera de son devoir de le conserver jalousement, en tout bien tout honneur. Multipliées, accessibles, divulguées, les notes personnelles deviennent une menace à l'autonomie des personnes physiques ou morales. Nulle liberté ne pourrait en effet résister sans la garantie du secret absolu.

L'information, nous croyons qu'elle est déjà dans les moeurs municipales. Depuis plusieurs années déjà, de nombreuses municipalités ont suivi le courant contemporain de diffusion de l'information, de la communication entre l'administrateur et les administrés. Ce dynamisme interne s'est matérialisé soit par l'embauche de personnes préposées à cette fonction, intrégrées de façon permanente à l'organigramme de la ville, dans le cas des mieux nanties, et/ou par l'affectation d'une partie du budget annuel à la publication de documents visant à informer les citoyens. Certaines collectivités ont constitué des services complets de communication, information ou relations avec les citoyens.

Il faut voir maintenant la montagne de documents, brochures, bulletins, rapports, dépliants, périodiques, etc., publiés par les administrations municipales. Les villes qui ne disposent pas des ressources nécessaires à l'embauche d'un permanent, choisissent, pour la plupart, d'intervenir par le biais des journaux locaux ou de lettres aux citoyens, souvent rédigées par le maire ou par un officier à la plume facile, pour rendre compte aux commettants des faits et gestes des édiles.

En 1979 et en 1980, lors de ses congrès annuels, l'Union des municipalités du Québec a permis à ses membres de discuter en atelier du phénomène de l'information municipale. La présence de nombreux délégués a démontré hors de tout doute le vif intérêt suscité chez les élus des quatre coins du Québec. En 1980, un montage audiovisuel sur la télévision des assemblées de conseil a démontré que certaines municipalités utilisent cette technique depuis plus de dix ans et que bien que rencontrant certains écueils, cette formule s'avère éminemment rentable pour la vie politique interne.

On ne peut certes nier que beaucoup de chemin reste à parcourir. Mais qu'on reconnaisse au moins que plusieurs administrations municipales ont fait et font des efforts manifestes sans toujours disposer de l'expertise et des moyens sophistiqués, dont bénéficie l'administration supérieure, pour entrer dans le courant de la communication et que des mesures incitatives ont souvent beaucoup plus d'effet qu'une batterie de dispositions coercitives qui, au bout du compte, ne contribuent qu'à raidir les gens dans une attitude défensive.

Il ne faut pas croire qu'il faille faire table rase de tout ce qui a déjà été accompli pour faire progresser une idéologie. Nous soumettons qu'il serait peut-être plus sage et plus rationnel de bâtir sur les fondations déjà en place.

Il faut, de plus, noter que tout en étant dispensatrices d'information, les cités et les villes en sont aussi consommatrices et que les normes, décrets, ordonnances,

directives, etc., qui régentent obligatoirement leur vie ne sont pas toujours facilement accessibles par la voie des canaux naturels, la Gazette officielle du Québec. Toutes ces normes ne devraient pas faire l'objet d'une procédure d'accès, mais l'être sans effort. De plus, aucune loi ou règlement d'application d'une loi ne devrait entrer en vigueur avant que les textes ne soient disponibles. Le monde municipal a été plus d'une fois l'objet de cette situation ces dernières années. Le gouvernement supérieur n'a pas toujours prêché par l'exemple.

Inadéquation des recommandations. Tout en reconnaissant la pertinence des objectifs de la commission Paré, l'Union des municipalités du Québec estime que les recommandations sont inapplicables au cadre municipal et que même certains principes qui sous-tendent ces recommandations sont éminemment discutables.

Lorsque les commissaires ont rédigé leur rapport, le but qu'ils poursuivaient était d'ouvrir l'administration gouvernementale aux citoyens québécois en conformité avec le décret qu'avait adopté le Conseil exécutif, le 3 septembre 1980.

Nous ignorons quels sont les motifs qui les ont incités à élargir soudainement leur mandat pour englober les collectivités municipales. Ce que nous savons, par contre, c'est qu'ils ne possédaient certainement pas les données requises pour faire des recommandations qui soient applicables, concrètement, par les élus municipaux ou leurs officiers, des recommandations qui collent adéquatement au contexte municipal.

Il ne nous viendrait jamais à l'esprit de nier à la commission son expertise incontestée en matière d'information et de protection des renseignements personnels, mais nous devons souligner que le rapport dénote une méconnaissance absolue du milieu municipal, particulièrement, de la vie des municipalités de taille moyenne et réduite, qui constituent la majorité de la clientèle municipale du Québec.

Méconnaissance du milieu. À la page 9 de son rapport, la commission écrit, et je cite: "... Un régime d'accès à l'information gouvernementale ne doit pas être conçu dans l'abstrait, sans souci de la nature des institutions, des traditions et des attitudes. Il doit éviter de les modifier par inadvertance. " En serait-il autrement, dans l'esprit des commissaires, d'un régime d'accès à l'information municipale? Sinon, comment expliquer que la commission souhaite que les municipalités se soumettent à des règles qui n'ont aucune mesure avec leur réalité?

À preuve, une recommandation obligeant les municipalités à donner accès à l'ensemble de leur documentation ou de leurs documents, soit la recommandation 4, et celles qui en découlent proposeraient un changement profond non seulement d'attitude, mais aussi de la pratique municipale et surtout forceraient les villes à consentir immédiatement temps, énergie et deniers publics nécessaires à réorganiser fondamentalement tant la collecte des données que la gestion documentaire. Les recommandations qui concernent la publication de catalogues, de documents, de guides d'interprétation, d'instructions, de manuels et l'obligation pour le maire de se rendre responsable de l'application de la loi sont autant de mécanismes terriblement compliqués et coûteux à instaurer et à maintenir quand on connaît les ressources de la plupart des municipalités. Les villes sont conscientes des problèmes vécus lorsque des citoyens essaient de s'y retrouver dans le dédale des législations. Mais il est singulier de noter que les commissaires iqnorent que, dans la plupart des municipalités, le maire agit à temps partiel et le secrétaire-trésorier ou greffier est souvent le seul fonctionnaire habilité à traiter de ces matières et, en plus, il est responsable de plusieurs autres facettes de l'administration publique. La plupart des villes du Québec sont présentement confrontées à un grave problème de gestion documentaire et il faudrait que la commission en prenne conscience. (10 h 30)

Une des recommandations qui ne laissent pas d'étonner les municipalités concerne l'abolition des huis clos des séances des conseils municipaux. Si l'on tient pour acquis que le législateur ne parle pas pour ne rien dire, il convient donc d'interpréter cette recommandation comme une disposition nouvelle et différente des articles 6(5) et 322 de la Loi sur les cités et villes qui rendent les séances ordinaires générales ou spéciales obligatoirement publiques. La commission reconnaît, d'ailleurs, spécifiquement que déjà les conseils municipaux sont légalement tenus à des séances publiques. Elle vise donc les autres réunions de conseil, soit les réunions des comités exécutifs, des comités pléniers, des ateliers de travail, selon le vocabulaire employé dans chaque région.

A l'appui de ces recommandations, le rapport allègue que "le temps est venu de s'assurer que les séances de délibération des membres des conseils municipaux, des conseils des communautés urbaines ou régionales, des conseils des municipalités régionales de comté... se tiennent vraiment au grand jour. Les électeurs doivent pouvoir vérifier ce qui préoccupe leurs représentants et mieux évaluer leur travail. "

Nous comprenons mal que l'on dise plus loin: "La solidarité ministérielle n'est possible que si la discussion d'un sujet peut se faire dans un climat de liberté assuré par le secret des délibérations du Conseil des ministres et la protection des documents que

le conseil examine. Une loi sur l'accès à l'information ne doit pas empêcher la franchise et l'intégrité de ces discussions en rendant leur déroulement public. Il importe donc de garantir la confidentialité des délibérations du Conseil des ministres et des avis et recommandations des ministres et des comités ministériels. "

La commission se permettrait-elle de juger avec deux poids deux mesures? Les conseils municipaux ne pourraient-ils pas également discuter librement des matières de leur compétence sans qu'on les accuse implicitement de vouloir occulter leurs faits et gestes? Nous dirons plutôt que le temps est venu de cesser ce qui ressemble à une chasse aux sorcières et de commencer de croire que les élus municipaux ne sont pas nécessairement intéressés à cette charge pour en tirer des avantages indus. La commission aurait-elle négligé de considérer qu'à l'instar des élus provinciaux, tous les quatre ans, ces femmes et ces hommes qui assument le mandat municipal retournent sur la place publique pour recevoir l'aval ou le blâme de leurs pairs?

Il est de nombreux sujets, pour lesquels la commission n'autorise pas le maintien du huis clos, qui requièrent que les conseils délibèrent en privé. De la même façon, il est de nombreux documents dont l'accès devrait être restreint, parce que de nature politique, et qui devraient jouir des mêmes privilèges que ceux qui sont accordés aux textes émanant du Conseil exécutif, des cabinets des ministres et des bureaux des membres de l'Assemblée nationale. Je cite: "Comme, pour l'essentiel, il s'agit de documents politiques, ils devraient être exemptés de l'exercice du droit d'accès. Toutefois, leur divulgation devrait en tout temps pouvoir être autorisée par le ministre ou le député car il s'agit là d'un jugement politique dont ils doivent assumer la responsabilité. "

La commission néglige-t-elle de considérer que les conseils municipaux sont élus démocratiquement par leurs citoyens, qu'ils sont mandatés pour assumer un pouvoir politique légitime à l'instar des députés et ministres? Aurait-elle tendance à croire que les autorités municipales ne sont que de lointaines émanations d'un pouvoir central à qui l'on consent quelques droits? Ignorerait-elle que le législateur considère les conseils municipaux comme le premier palier de gouvernement?

Avant d'attacher la pierre au cou des élus municipaux, nous sommes d'avis qu'il conviendrait de scruter avec plus d'objectivité ce qu'est réellement la pratique municipale en ce domaine et de cesser de céder au chantage exercé par une certaine démagogie. On verrait que les élus des villes sont animés d'un réel désir d'administrer sainement les affaires qui leur sont confiées et que, s'ils réclament de pouvoir discuter en privé de leurs dossiers, c'est qu'ils savent qu'une certaine discrétion est généralement nécessaire à leur bonne marche et que la mise à jour prématurée de ces éléments n'entraînerait que la confusion et souvent l'annulation de projets au demeurant fort valables et rentables pour le bien-être de la population. Que l'on songe à la venue des partis politiques au sein des conseils de ville, venue que semble manifestement souhaiter le législateur, et l'on conviendra que la démagogie s'installera en maîtresse au sein des débats de conseils s'ils sont tous ouverts au public.

Les élus locaux gouvernent, règle générale, de façon intègre et honnête et, s'ils dérogent, des mécanismes de contrôle, tels la Commission municipale ou les tribunaux de droit commun, viennent les remettre dans le droit chemin. Mais il y a pis. Ils doivent, s'ils manquent à leur serment d'office, subir le jugement des leurs et c'est là le pire des châtiments.

En outre, il serait sot de négliger les lois déjà en place qui font obligation en matière d'information aux corporations municipales. Ainsi, compte tenu des amendements qui lui ont été apportés dans un passé récent, la Loi sur les cités et villes fourmille d'articles qui prévoient à ce chapitre des règles bien précises en matière d'information. Les articles 38, 89, 91, 92, 102, 103, 129, 147, 156, 171, 240, 322, 333, 334, 335, 344, 345, 347, 353, 362, 386, 474. 1 et 513 touchent toutes les facettes de la vie municipale, que réglemente cette loi, qui peuvent être l'objet d'avis publics, d'accès aux archives et documents, de conservation ou d'examen de ceux-ci, de séances publiques, de période de questions, d'accès aux listes d'électeurs ou aux procès-verbaux de séances publiques de conseil, de discours du budget, etc. Il ne faudrait pas oublier que d'autres lois qui régissent la vie des villes contiennent également des dispositions précises à ce sujet. Ainsi, la Loi sur la fiscalité municipale, loi 57, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, loi 125, la Loi sur la qualité de l'environnement, loi 69, pour ne nommer que celles-là, contiennent des articles précis auxquels se soumettent les autorités municipales.

Échéancier irréaliste. Nous sommes d'avis que l'échéancier d'application proposé par la commission est de loin complètement irréaliste même si les recommandations n'avaient pour la plupart force de loi qu'en juin 1982, au plus tard. La gymnastique organisationnelle à laquelle devraient se soumettre en si peu de temps les villes pour s'y conformer relève du pur vaudeville. Une enquête voulant faire le point sur la situation des archives municipales au Québec, menée récemment par le Service des archives de la ville de Québec auprès de

toutes les municipalités de 10 000 habitants et plus ainsi que d'une dizaine sélectionnées parmi celles de 10 000 habitants et moins, révèle un sensible progrès dans le traitement des documents municipaux depuis cinq ans ainsi qu'une volonté presque unanime de l'améliorer davantage. Les officiers et élus sont de toute évidence confrontés aux problèmes engendrés par la lourdeur de la législation qui est sous-jacente à leur administration et ils tentent de s'extirper du fouillis. Mais il faut quand même y mettre le temps.

Cette enquête a démontré en outre que le traitement des documents municipaux est mieux structuré dans les villes à forte concentration de population. Les petites agglomérations, qui constituent le bassin le plus important de production d'archives municipales au Québec, ne disposent que de faibles ressources à consacrer à ce secteur.

Les sommes requises d'autre part pour consentir à ces exigences viendraient s'ajouter au fardeau déjà suffisamment lourd qu'ont à supporter les collectivités locales. On nous recommande sans cesse de comprimer les dépenses municipales; lors de discours politiques, on objecte que la réforme de la fiscalité municipale n'a pas donné les effets escomptés parce que les administrations locales ont été trop prodigues des deniers publics.

Mais nous disons que les coûts générés par toute la réglementation des récentes législations en matière municipale s'ajoutent à la note de frais des contribuables municipaux du Québec et que bien que le gouvernement persiste à dire qu'il veut bonifier la réforme de la fiscalité municipale, les autorités locales sont toujours responsables de réduire les services ou de taxer davantage pour joindre les deux bouts de leurs budgets sans jouir de ressources nouvelles.

Nous aimerions que la commission note que M. Jean Hétu, professeur de droit municipal à la faculté de droit de l'Université de Montréal, dans un article publié dans le quotidien Le Devoir du 9 septembre 1980, dénombrait quatre-vingt-seize projets de loi concernant les affaires municipales, adoptés par l'Assemblée nationale entre le 8 mars 1977 et le 22 mars 1979, soit en deux ans.

Depuis ce temps, plusieurs autres textes législatifs sont venus s'ajouter à la Loi sur la fiscalité municipale, sur l'aménagement et l'urbanisme, la Loi sur la démocratie municipale, pour ne citer que les plus importantes. Ne serait-il pas plus logique de digérer toutes ces lois et la réglementation qui en émane avant de s'attaquer à autre chose?

La commission a-t-elle quelque idée des coûts d'application de la réforme pour les villes? Il est bien de dire "le droit à l'information n'est pas un simple service. Il s'agit, nous l'avons vu, d'un droit fondamental. On se résoudrait mal à le marchander".

Mais le droit à l'air frais, à l'eau pure, le droit à la protection du sol qui nourrit, le droit à l'habitation décente ne sont pas non plus de simples services et ils doivent être assurés en grande partie par les instances municipales. Le législateur parle même maintenant du droit au loisir dont les municipalités devront assumer la maîtrise d'oeuvre. Les élus locaux veulent bien protéger tous ces droits. Mais les citoyens le voudront-ils quand on leur présentera la facture? C'est curieux! On établit les obligations, on trace les paramètres à un niveau et c'est le palier inférieur qui doit en assumer les basses considérations pécuniaires. L'Union des municipalités du Québec se demande qui aura le courage de choisir entre tous ces droits fondamentaux pour établir une liste de priorités.

Autonomie municipale, information et liberté.

Depuis la conférence Québec-municipalités de 1978, le discours politique du gouvernement fait état de la nécessité de revaloriser le pouvoir local. Je cite: "L'objectif gouvernemental des réformes envisagées en matière de démocratie municipale vise d'abord une revalorisation du pouvoir local. Cet objectif s'inscrit d'ailleurs dans la perspective de décentralisation politique et administrative gue le gouvernement entend mettre progressivement en oeuvre. "

Par ailleurs, le législateur reconnaissait très explicitement la légitimité du pouvoir politique municipal et la pertinence de ce palier de gouvernement pour orchestrer les conditions essentielles à la vie quotidienne des citoyens: " Le gouvernement du Québec est très conscient que c'est au niveau des municipalités que se trouvent les conditions fondamentales de la vie démocratique d'une société. C'est le niveau de gouvernement le plus près des citoyens qui traduit le plus clairement les problèmes réels de la population et les solutions qui s'imposent".

D'autre part, de par sa déclaration d'intention tout à fait précise sur un objectif de décentralisation du pouvoir, le gouvernement proposait un réaménagement des compétences basé sur une option de décentralisation, c'est-à-dire une revalorisation du pouvoir local et un accroissement de l'autonomie des organisations de la base, celles qui sont les plus proches des citoyens.

Et bien que le gouvernement souhaitât inciter fortement les municipalités à adhérer à certaines réformes, il semblait convenir, pour respecter ce principe de l'autonomie, qu'il reviendrait aux instances locales d'établir la liste de leurs priorités et la

cadence des changements adoptés: " Le rythme de la mise en oeuvre des réformes proposées, notamment en matière de démocratisation des mécanismes de prise de décision dans les gouvernements locaux, sera avant tout l'affaire des collectivités locales concernées, "disait-on. " C'est en effet la dynamique des rapports politiques, au niveau local, qui devrait prévaloir dans le processus du choix des priorités dans l'ensemble des propositions envisagées par le gouvernement à ce sujet. "

Or, le législateur semble avoir la mémoire courte, puisque, depuis 1978, ses gestes concrets n'ont pas toujours été à la hauteur de ses objectifs fondamentaux et chaque régie, commission ou organisme du même acabit empiète plus avant sur le pouvoir local.

Pourquoi confier à une autre commission, formée de gens compétents certes, mais de gens qui ne sont pas responsables de leurs gestes sur le plan politique, de personnes qui n'ont pas de compte à rendre à la population, de gens qui ne sont pas des élus, la tâche de préserver les droits des citoyens? Sans tomber dans la pure paranoïa, il faut se demander si notre société a totalement perdu confiance en ses élus pour vouloir créer une énième instance de surveillance... A quoi sert-il, en effet, de se voir confier un pouvoir si une normalisation constante, des contrôles, des mécanismes de surveillance se juxtaposent, s'additionnent, se multiplient pour ne laisser aux élus que le pouvoir d'apposer une signature en bas d'une page toute écrite à l'avance? Mais, il y a un mais. Lorsque vient le temps de faire sonner le tiroir-caisse, les administrations municipales sont tout ce qu'il y a de plus autonomes.

À plusieurs reprises, lors de mémoires sur des projets de loi précis, l'Union des municipalités du Québec a fait savoir au gouvernement provincial qu'elle s'opposait à une tendance marquée vers la bureaucratisation et la normalisation des administrations locales. Nous continuons de dire que nous nous opposerons à tout organisme, régie, société ou instance bureaucratique qui imposerait un tel carcan aux administrations locales qu'elles ne sauraient plus rien contrôler pour, par ailleurs, leur laisser l'odieux de piger constamment dans le pécule du contribuable.

Nous ne voulons aucunement faire de procès d'intention à la commission Paré. Nous tenons seulement à souligner que les recommandations ressortissent de cette même philosophie de normalisation excessive, d'encadrement de plus en plus rigide qui tend à confirmer que les administrations municipales ne seront bientôt plus que les pantins du gouvernement du Québec et de ses diverses commissions.

(10 h 45)

Conclusion: L'Union des municipalités du Québec se permet de réitérer qu'elle adhère sans réserve aux grands objectifs d'information et de liberté qui sont les prémisses du rapport de la commission Paré. Les villes du Québec ont établi une longue tradition de démocratie et il ne saurait être question de renier cette philosophie. À ce titre, le passé fait foi de l'avenir et si nous concevons que des améliorations sont à apporter comme au niveau du gouvernement, comme au niveau de toute notre société, il reste qu'il faut regarder le problème avec plus de pondération et de confiance dans nos institutions. Ainsi, les objectifs ont plus de chance d'être finalement atteints, tout en respectant les besoins et les ressources des collectivités locales.

Nous sommes d'avis que la recommandation 127, qui suggère qu'on fasse l'analyse des dispositions des autres lois en matière d'accès aux documents des organismes publics, devrait s'appliquer avant l'entrée en vigueur d'une éventuelle loi. Nous avons déjà eu à vivre à quelques reprises sous l'égide de lois adoptées à la vapeur et, en procédant tel que recommandé par la commission Paré, on risquerait simplement de créer un fouillis inextricable de dispositions législatives contradictoires ou répétitives.

En conséquence, l'Union des municipalités du Québec souhaite fortement que la recommandation no 7, qui dit - et je cite - "que le gouvernement devrait faire étudier les effets d'une éventuelle application de cette loi aux organismes qu'il subventionne à plus de 50%", recouvre également toutes les municipalités du Québec.

L'Union des municipalités du Québec est fermement convaincue que cette réflexion profonde serait un fleuron de plus au blason de la démocratie.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier le maire de Sherbrooke et président de l'Union des municipalités du Québec de nous avoir présenté son mémoire. On ne peut pas dire que vous ayez péché par manque de clarté et de franchise. Si j'ai bien compris, vous êtes "de contre".

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bertrand: II y a, bien sûr, tout un long débat qu'on pourrait faire sur l'opportunité ou non d'étendre l'application d'une éventuelle loi d'accès à l'information gouvernementale et de protection des renseignements personnels aux municipalités, parce que vous représentez beaucoup de

monde, beaucoup d'organismes. Une évaluation rapide, mais suffisamment précise, nous permet de constater qu'à peu près 3156 organismes sont visés, si on décide d'inclure les municipalités dans une éventuelle loi d'accès à l'information gouvernementale: 1530 municipalités; 305 offices municipaux d'habitation; 315 comités consultatifs d'urbanisme et 812 corporations de loisir; 11 000 élus; 40 000 fonctionnaires.

C'est donc dire que si on prenait la décision politique d'aller de l'avant et d'accepter la recommandation qui nous est faite par la commission Paré, on rejoindrait énormément de fonctionnaires, énormément d'élus, énormément de citoyens, bien sûr, parce que de toute façon on est tous membres d'une ville, d'un village, d'une municipalité. Donc, la loi prend une connotation tout à fait différente selon qu'on la limite aux ministères, aux organismes gouvernementaux, para et péri- gouvernementaux et qu'on exclut l'ensemble des municipalités du Québec. Il y a donc là un problème de fond très important, à mon avis et je suis très content de constater que vous êtes vraiment "de contre", pour qu'on puisse établir un véritable débat là-dessus. Il y a, par contre, d'autres éléments qui me paraissent devoir être pris en considération. De façon préliminaire, je vous ferai remarquer qu'il me semble que, lorsque la commission Paré a effectué ses travaux, elle avait adressé à l'Union des municipalités du Québec une demande de présenter un rapport pour l'éclairer dans ses délibérations. A moins que je ne me trompe, d'après les informations qui m'ont été communiquées, il ne semble pas que l'Union des municipalités ait jugé bon de produire devant la commission Paré un mémoire qui aurait permis de faire valoir ce point de vue avant qu'on présente les recommandations et la proposition de loi. Peut-être avez-vous déjà une réponse là-dessus?

M. O'Bready: Voici, M. le ministre, c'est que ce n'était pas dans le mandat de la commission Paré au début. Les municipalités n'étaient pas incluses. Alors, personne ne pouvait présumer que les recommandations étaient pour conclure, que les municipalités soient éventuellement intégrées à cela, parce qu'au départ on ne retrouvait pas cela dans le mandat de la commission Paré. Les municipalités ne devaient pas être couvertes, si ma mémoire est fidèle.

M. Bertrand: Si je me rappelle bien, le décret voté par le Conseil des ministres indiquait très clairement: "Attendu qu'il est opportun de créer une commission d'étude sur l'accessibilité à l'information gouvernementale... " Vous allez me dire gouvernementale... Là-dessus, on n'entamera pas, on ne commencera pas un débat qui nous mènerait très loin sur le plan constitutionnel, mais tant et aussi longtemps que cette fameuse constitution demeure ce qu'elle est, à l'article 92, on indique bien que, dans chaque province, la Législature pourra exclusivement légiférer sur les matières entrant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérées, à savoir - et on arrive à huitièmement - "les institutions municipales dans la province". Je ne veux pas remonter jusqu'à ce texte, mais - je l'ai fait quand même - il y a une indication qui nous est donnée d'abord dans l'introduction que la commission fait à son rapport, enfin dans les premières remarques. Au niveau des organismes visés, on indique à ce moment: "Nous l'avons vu, l'extension considérable du rôle de l'État et son intervention dans la vie économique et les rapports sociaux ne sont pas le fait des seuls ministères. Un grand nombre d'agences, de commissions, de régies, d'offices et de sociétés d'État détiennent des informations importantes qui appartiennent au public. Une partie de plus en plus considérable de la gestion de la chose publique se fait également par des corps politiques représentatifs créés par l'État; municipalités, communautés régionales ou urbaines, commissions et conseils scolaires. Enfin, d'autres organismes dépendant directement de l'État ont été créés pour assurer la distribution de services: maisons d'enseignement, hôpitaux et cliniques. "

Alors, c'est à partir de cette prémisse que l'action publique, l'action gouvernementale se traduit non seulement par la présence de ministères et d'organismes directement reliés au gouvernement, avec des ministres qui ont une espèce de responsabilité de tutelle, mais il y a aussi tout ce réseau des organismes municipaux, des organismes scolaires, des organismes de santé et de services sociaux. La commission a jugé bon de donner au terme gouvernemental une extension qui se rend même jusqu'aux sociétés d'État. On a eu une partie du débat, hier, qui a porté justement, sur les sociétés d'État. Est-ce qu'elles doivent ou pas être couvertes par la loi?

Il y a d'autres éléments aussi qui m'amènent à prendre en considération votre mémoire à la lumière d'un certain nombre d'autres avis qui nous sont communiqués. La ville de Québec, par exemple, a soumis à la commission Paré un mémoire au moment où la commission préparait ses recommandations et sa proposition de loi. Ce qui a été indiqué là-dedans, c'est que "de façon générale, il nous apparaît opportun et pertinent que le gouvernement du Québec se dote d'une loi-cadre de l'information, établissant clairement les politiques à suivre dans la divulgation des renseignements qu'il possède sur son administration, celle des organismes publics

et parapublics, de même que sur les entreprises privées et les simples citoyens. Une telle loi devrait établir les principes régissant la divulgation des informations que possèdent les municipalités sur leur administration et les affaires de leurs citoyens contribuables, même si les municipalités ont bien moins de renseignements que les organismes provinciaux sur ces derniers. "D'une façon un peu générale, du moins si je m'en réfère au mémoire produit par la ville de Québec, il ne semblait pas y avoir d'opposition de fond, au niveau des principes, en tout cas, quant a l'assujettissement à une éventuelle loi d'accès à l'information gouvernementale.

Celle-là, c'était peut-être la plus succulente. C'est une coupure de presse, qui figure dans la revue de presse que j'ai remise hier à l'ensemble des parlementaires, où il était dit: "Si le gouvernement du Québec légifère dans le sens des recommandations de la commission Paré, la ville de Montréal fera en sorte de les appliquer à l'hôtel de ville. C'est ce qu'a déclaré le président du comité exécutif, M. Yvon Lamarre, lundi soir au conseil municipal. " Je le cite, c'est entre guillemets, j'espère que ses propos ont été rapportés fidèlement: "Nous nous conformerons à ce qui sera adopté par le gouvernement québécois même si notre administration est l'une des plus transparentes qui soient. "

À la page 15 de votre mémoire, M. le président, vous indiquez dans une phrase: "Les petites agglomérations, qui constituent le bassin le plus important de production d'archives municipales au Québec, ne disposent que de faibles ressources à consacrer à ce secteur. " Là-dessus, je suis bien prêt à vous croire. La municipalité de Saint-André-d'Acton a certainement moins de ressources humaines pour donner suite à une telle proposition de loi que ne peuvent en avoir des municipalités comme Montréal, Québec, Laval, Sherbrooke, Trois-Rivières, Chicoutimi et bien d'autres. Mais - et là-dessus ce sera intéressant de questionner tantôt le représentant de l'Union des conseils de comté du Québec - dans le mémoire de l'Union des conseils de comté du Québec, à moins que je ne me trompe, si j'ai bien lu leur mémoire, il ne semble pas y avoir d'opposition de principe à ce que l'éventuelle loi puisse s'appliquer aux municipalités.

On dit, à un certain moment donné: "L'Union des conseils de comté croit qu'il est temps que la province suive l'exemple des autres pays et se dote d'une loi sur l'accessibilité à l'information et sur la protection des renseignements personnels. Mais un tel projet de loi doit être envisagé avec prudence; - ce avec quoi d'ailleurs on est d'accord. - II doit permettre au citoyen de requérir l'information voulue, mais tout en laissant une certaine autonomie de gestion aux organismes assujettis à une telle loi. À notre avis, de telles mesures devraient aussi s'appliquer aux organismes privés telles les compagnies de finance et compagnies d'assurance. " On pourrait peut-être en discuter un peu plus tard. On ajoute: "Les organismes dont les décisions touchent de près ou de loin le grand public devraient être soumis à une loi sur l'accessibtlité à l'information". J'insiste beaucoup sur cette phrase: "... touchent de près ou de loin le grand public... " Parce qu'un des autres aspects de votre mémoire c'est de dire: Nous sommes le palier d'administration publique qui est probablement le plus près des citoyens.

Dans ce contexte je me dis: S'il y a un niveau où on devrait d'emblée être ouvert aux principes de l'accès à l'information gouvernementale et de la protection des renseignements personnels, c'est bien dans ces administrations qui sont justement très proches des citoyens, les commissions scolaires, les municipalités et les établissements de santé et de services sociaux qui desservent la population dans chacune des localités ou régions du Québec. Mon Dieu, oserais-je ajouter - si ça peut vous amener à réagir à ces commentaires -la position que déjà nous a annoncée hier l'Opposition dans le document qu'elle a présenté. À la page 4: "Quatrièmement, on sait que le ministre commence à patiner autour de la question de l'étendue de l'application de la loi, à savoir, par exemple, si les municipalités devraient être assujetties ou non à la loi. " D'abord, une parenthèse et une question de privilège. J'aimerais indiquer que la seule remarqua que j'ai faite publiquement, relativement à l'extension d'une loi d'accès à l'information gouvernementale, portait sur les sociétés d'État et non pas sur les municipalités. Je disais que dans le cas des sociétés d'État, qui sont pour plusieurs d'entre elles, sinon la très grande majorité, en position de concurrence avec le secteur privé, il y a certainement des éléments dont il faut savoir tenir compte et agir avec prudence dans ce secteur. Je n'avais fait aucune déclaration sur les municipalités; de toute façon, je poursuis le texte de l'Opposition officielle. "Nous reconnaissons le défi d'encadrer dans la trame d'un unique projet de loi la diversité d'institutions visées dans le rapport de la commission Paré. Cependant nous sommes persuadés à ce propos qu'il ne faut ni retarder le dépôt d'un projet de loi, ni laisser tomber les institutions "non ministérielles" de son étendue. Un projet de loi déposé cet automne devrait viser toutes les institutions recommandées par la commission, mais avec des échéanciers d'un an ou deux pour les organismes qui en démontrent la nécessité. " Là-dessus, je pense que ce sont des choses qu'on peut très

probablement discuter entre nous.

Voilà, M. le Président, quelques remarques que je fais tout en sachant que vous posez un problème de taille. J'admets avec vous, par exemple - là-dessus, je suis prêt à me mettre d'accord avec vous très rapidement - que la commission, pour certaines de ses recommandations et certains des articles de la proposition de loi, les formule très souvent en ne tenant compte que de l'existence du Conseil des ministres. Or, il y a tout un processus décisionnel qui a cours dans les administrations municipales, en particulier au comité exécutif, où, à mon avis, une éventuelle loi, si jamais on décide de retenir les municipalités, devrait aussi, par analogie, faire les mêmes réserves que pour le Conseil des ministres. Cela m'apparaît une des recommandations fort positives qui est contenue dans votre mémoire. Il y en a d'autres relatives au travail sur le plan des ressources humaines et ensuite toutes les ressources matérielles nécessitées, les ressources financières. Je vous avoue, là-dessus, que nous sommes encore à l'étape d'exploration, parce que effectivement, il est très difficile, à ce moment-ci, de donner des chiffres très précis sur le coût d'une telle réforme, car, effectivement, il y a toute cette question de création d'une commission pour l'établissement de répertoires, de catalogues. (11 heures)

On a l'impression qu'il y a beaucoup de paperasse là-dedans et je vous avoue que mon objectif de départ est de me dire: Est-ce qu'on peut réfléchir en se disant qu'il n'est pas nécessaire de créer un nouvel organisme? Est-ce qu'on peut réfléchir en se disant que les ressources qui existent déjà peuvent suffire? Est-ce qu'on peut réfléchir en se disant qu'à même les crédits budgétaires qui existent dans chacun des ministères et organismes publics, on peut réussir à atteindre les objectifs de la commission Paré? C'est, je pense, le point de départ à partir duquel il faut réfléchir et non pas en se disant: II faut maintenant construire une nouvelle bureaucratie et retomber finalement dans un vice qu'on veut, jusqu'à un certain point, éviter par une telle loi d'accès à l'information gouvernementale.

Voilà quelques remarques. Je vous indique un élément sur lequel je suis prêt, a priori, à vous donner raison et je vous demande aussi de réagir, parce que ce n'est pas contenu dans votre rapport, sur toute la dimension de la protection des renseignements personnels. Que font les municipalités en ce moment? Est-ce que les municipalités considèrent que les dispositions contenues dans la proposition de loi pourraient être applicables au niveau des municipalités, parce que, quand il s'agit de protéger le caractère confidentiel des renseignements que nous détenons, quelque administration que ce soit sur les individus, il m'apparaît qu'il y a là un droit fondamental en cause?

Qu'est-ce que vous pensez aussi de cette protection, de cette confidentialité à préserver en ce qui regarde les services policiers municipaux, parce qu'il y a des articles qui s'appliquent, entre autres, sur le plan québécois, pour la Sûreté du Québec? Qu'est-ce que vous pensez de l'extension qui sera faite aux municipalités, si on inclut les services policiers municipaux? J'ajouterai même que, dans la liste qui nous a été fournie par le ministère des Affaires municipales, on ne parlait pas des services de police. Ce qui ferait que le chiffre de 3156 pourrait monter à quelque chose comme 3400 ou 3500.

Vous voyez donc que je suis sensible à vos représentations, parce que je mesure l'envergure de la réforme, si jamais on décide d'y inclure les municipalités, je vous avoue que je me serais attendu, avec, bien sûr, toutes les réserves nécessaires, que l'Union des municipalités indique qu'elle était prête à aller de l'avant avec une réforme qui ne peut qu'être bénéfique finalement, non seulement aux citoyens pour l'accès à l'information et pour la protection de leurs renseignements, mais aussi même pour les municipalités, dans leur fonctionnement. Je pense qu'il y a, à l'occasion de cette réforme, de nombreuses réformes qu'on peut effectuer, et Dieu sait que le gouvernement du Québec peut en faire un grand nombre à ce point de vue sur le plan de la gestion des documents, entre autres, qui vont être extrêmement bénéfiques à l'administration gouvernementale.

Je sais aussi qu'il y a des lois qui existent, entre autres, dans le Code municipal, il y a des articles de loi qui définissent un certain nombre d'éléments de renseignements à donner au public, d'archivage, de gestion des documents, etc., et qu'il va falloir, bien sûr, là-dessus, la commission Paré nous y invite, voir à établir des concordances et savoir si vraiment la loi a prépondérance sur toutes les autres lois qui traitent du même sujet.

M. le Président, j'ai peut-être été un peu long, mais votre mémoire est tellement important dans le contexte des décisions que nous allons prendre, qu'il m'apparaissait fondamental d'établir un certain nombre de choses au niveau des principes, d'indiquer notre volonté de voir comment tout ça pourrait être travaillé pour répondre à certaines de vos demandes, mais j'aimerais quand même sentir si l'Union des municipalités est un peu plus ouverte tout de même que ne le laisse voir le mémoire.

M. O'Bready: Je pense, M. le ministre, si vous me permettez une réponse aussi brève que possible, que l'Union des

municipalités n'a jamais dit qu'elle était contre le principe: on dit exactement l'opposé de ça, nous sommes d'accord avec la philosophie et les objectifs de la commission Paré. Ce que nous avons voulu démontrer, c'est que comme dans le mandat original - personne ne peut le nier, j'ai l'arrêté en conseil 2807-80, du 3 septemhre -il n'était pas question des municipalités du Québec, je ne nie pas que ce soit certainement de bonne foi que la commission Paré ait dit: II serait peut-être opportun de l'appliquer aux municipalités du Québec. Vous avez indiqué vous-même tantôt qu'il y avait au-delà de 3000 municipalités, organismes, etc., qui seraient affectés. Nous pensons que c'est quand même suffisamment important pour qu'on puisse retarder l'application des recommandations pour regarder spécifiquement - parce qu'il y a 3000 municipalités, organismes, conseils exécutifs, comités de loisirs - ce que cela peut donner en termes d'échéancier réaliste, en termes de priorités pour les municipalités, en termes de moyens financiers pour le faire.

Je ne voudrais surtout pas donner à la commission l'impression que nous sommes contre l'accès à l'information. On le dit, d'ailleurs, si vous regardez les conclusions de notre mémoire, l'avis des municipalités a démontré dans le passé que nous n'avons pas d'objection à informer. Cela se fait de plus en plus dans toutes les municipalités, à la mesure de leurs moyens. C'était là essentiellement ce que nous voulions dire.

D'ailleurs, on ouvre la porte, dans la conclusion, en suggérant qu'une des recommandations que la commission propose, c'est d'étudier l'éventuelle application de ces trois organismes, etc. On est d'accord avec cela. On pense que de prolonger d'un trait toutes les recommandations de la commission Paré aux municipalités du Québec, sans que les municipalités, de bonne foi, je le répète, n'aient peut-être participé plus activement aux travaux de la commission - on pourrait nous en faire le reproche - il faut dire que nous avions interprété l'arrêté en conseil comme ne regardant pas les municipalités. Au moment où cette commission s'est mise en marche, elle arrivait en même temps que nous effectuions des travaux en matière de fiscalité, en matière d'aménagement du territoire, en matière d'assainissement des eaux, en matière de transport en commun, en matière de loisirs, en matière d'habitation, et j'en passe. Vous comprendrez qu'avec les ressources dont nous disposions, il était peut-être difficile pour nous autres de réagir à ce moment.

Ce que je voudrais dire, en terminant, c'est que l'Union des municipalités ne s'opposera jamais à travailler, soit avec le ministère des Communications ou avec la commission Paré ou une autre commission, à regarder l'application des dispositions sur l'accès à l'information dans le monde municipal.

Très rapidement, également, sur la protection des droits des personnes en matière de documents, on n'a pas tellement touché à cela. Encore là, il y a certainement des choses qui s'appliquent aux municipalités, je vous le concède.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Marguerite-Rourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre, en terminant, s'est excusé d'être un peu long. Je voudrais le rassurer, il n'est jamais un peu long.

M. Bertrand: C'est un vrai chum, ce gars-là!

M. Lalonde: Je vais essayer d'être court, tout simplement. Je voudrais remercier M. O'Bready et ses collègues pour le mémoire qu'ils ont présenté, qui constitue sûrement un jugement assez sévère. On semble reconnaître un certain nombre de conséquences de réformes qui ont été apportées depuis quelques années de façon assez accélérée au monde municipal. En ce qui nous concerne, du Parti libéral, nous avons au départ présumé que le gouvernement allait sauter sur l'occasion pour donner l'effet le plus large possible à une législation qui semble être attendue par à peu près tout le monde. C'est pourquoi dans notre mémoire, nous n'avons exprimé aucune opposition, au contraire, à ce que de telles dispositions législatives s'appliquent aux différents niveaux de gouvernement, et davantage - je partage là-dessus l'avis du ministre - aux gouvernements qui sont les plus près des citoyens, les gouvernements municipaux. La seule crainte que nous avions, c'est que nous prévoyions les problèmes, les préoccupations, et nous ne voulions pas que, compte tenu de l'étendue de ces problèmes qui peuvent se résumer à des coûts, le gouvernement craigne de légiférer maintenant en prenant prétexte de ces problèmes pour dire: On va remettre cela à plus tard.

Je pense que les assurances que nous avons obtenues du ministre, soit dans ses remarques préliminaires d'hier, ou encore dans ses questions, ses commentaires, sont jusqu'à maintenant rassurantes. Votre préoccupation, à part du fait que le mandat de la commission - en fait, ce n'était pas une commission d'enquête, mais une espèce de groupe d'étude - ne semblait pas de façon explicite comprendre les municipalités, je m'aperçois, en lisant votre mémoire, qu'il s'agit d'une question de coût, entre autres. Dans tout votre mémoire, vous acceptez le principe d'emblée; en fait, vous dites que vous êtes non seulement en faveur, mais que vous avez été dans ce sens d'informer les

citoyens le plus possible jusqu'à maintenant. Vous faites donc un acte de foi, mais vous dites: On est obligé de payer, et les coûts ne sont pas évalués. Je ne pense pas -d'ailleurs, vous l'avez dit explicitement - que vous soyez en mesure... Vous demandez: La commission a-t-elle calculé des coûts d'application de la réforme pour les villes? Je présume que l'union n'a aucune idée précise de ces coûts.

J'ai été un peu surpris de voir ça parce que j'avais cru que la réforme de la fiscalité municipale vous avait donné des ressources additionnelles tellement considérables que ça devait devenir une préoccupation secondaire de savoir combien ça coûterait, ces choses. Peut-être pourriez-vous nous dire si vous êtes rendus tellement serrés que vous devrez augmenter les taxes ou faire des coupures. Si vous voulez avoir des idées à savoir comment on fait ça, allez voir le groupe des onze; eux le savent, mais ils sont plutôt du côté d'augmenter les taxes.

J'aimerais savoir si vous avez une idée, au moins, de l'ampleur des coûts. Deuxièmement, quelle période d'application ou de transition serait nécessaire, pour une municipalité moyenne, pour que les coûts soient réduits de façon considérable, de sorte qu'on n'oblige pas les municipalités à faire soit de la chirurgie, d'un côté, ou d'augmenter les taxes, de l'autre?

M. O'Bready: Écoutez, M. le député, sur le plan des coûts c'est sûr que nous n'avons pas eu le temps d'établir une facture globale. Lorsqu'on parle, par exemple, de gestion documentaire et tout ça, pour les petites municipalités - je le soulignais - qui n'ont qu'un secrétaire-trésorier ou un greffier, bien souvent, comme fonctionnaire, ça pourrait être compliqué. Il faudrait voir quel serait le coût pour la municipalité, mais je pense qu'il serait quand même important, eu égard à toutes les autres priorités auxquelles on doit quand même faire face dans le vécu de tous les jours.

Deuxièmement, je suppose qu'une période de transition de cinq ans serait réaliste, mais une période aussi courte qu'une année ne serait certainement pas réaliste. En traînant sur cinq ans, il pourrait peut-être y avoir un moyen terme, mais je pense bien qu'on ne pourrait pas demander... Au Québec, la ville de Montréal, la ville de Laval, la ville de Longueuil, la ville de Québec sont très bien structurées, mais il y a de toutes petites municipalités. Je n'ai pas d'idée. De plus, avec la mise en place des municipalités régionales de comté, avec toutes les autres réformes dans le monde municipal - certaines étaient attendues depuis longtemps, on ne le conteste pas - il faut quand même une période pour digérer tout ça. C'est un peu le sens de nos représentations dans ce domaine.

M. Lalonde: Alors, vous parlez de cinq ans...

M. O'Bready: Je donne ça comme ordre de grandeur parce que...

M. Lalonde: Oui, on parlait, nous, d'un an ou deux, mais seulement en hypothèse. Il faut se rappeler - le ministre sera sûrement prêt à le faire - que dans les réformes en profondeur pour diminuer les coûts la question de temps est un élément absolument essentiel. Qu'on prenne, par exemple, un exercice auquel les gouvernements successifs se sont adonnés, c'est la francisation des entreprises. L'élément coût était justement influencé, mais d'une façon majeure, par le temps qu'on donne aux entreprises pour s'ajuster. Il y a des programmes de francisation sur des périodes de deux, trois, quatre ou cinq ans. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas s'inquiéter de cette période d'application de cinq ans ou de quatre ans. Le plus vite, c'est le mieux mais, d'un autre côté, la question de coût est tellement importante qu'il est réaliste de penser en termes d'années. (11 h 15)

M. Bertrand: Je veux indiquer au député de Marguerite-Bourgeoys, et devant l'Union des municipalités - je l'ai dit hier, d'ailleurs - que toutes les questions de délai d'application de la loi et tous les autres délais à chacun des articles ont été placés là par la commission comme points de repère, j'ai l'impression, en se fiant sur une analyse sommaire. Mais cela implique effectivement - on s'en rend compte de plus en plus en prenant connaissance de toutes les difficultés d'application d'une telle loi pas simplement pour l'Union des municipalités et l'ensemble des municipalités, mais aussi pour le gouvernement, ses ministères, ses organismes - des changements non seulement au niveau des mentalités, ce qui est très important, mais au niveau des structures, au niveau de l'utilisation des ressources humaines, matérielles et financières.

Alors, il faut quand même, je pense, pour que la réforme soit sérieuse, qu'elle soit vraiment opérationnelle et qu'elle puisse partir sur le bon pied, qu'on y mette le temps nécessaire, pas ce temps qui justement, à toutes fins pratiques, équivaudrait à dire: On n'y croit pas vraiment et on n'a pas vraiment l'intention d'aller de l'avant avec une telle réforme. Je pense que notre volonté est là; elle est là partagée autant par l'Opposition que par le gouvernement. Il s'agit, cependant, d'avoir l'intelligence nécessaire pour comprendre qu'il y a un certain nombre de contraintes et qu'il faut en tenir compte dans l'établissement des délais.

M. Lalonde: Je vous remercie, en

terminant, M. O'Bready et vos collègues. Je voudrais être bien sûr que le ministre nous a compris. Quand on parle de temps, on ne parle pas d'attendre une période de quatre ans avant de légiférer. Il faut légiférer maintenant mais que cela entre en vigueur sur une période de temps.

M. Bertrand: J'ai compris cela aussi. C'est cela.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Moi, je suis heureux, dans un certain sens, de constater que, contrairement à la tradition, l'Union des municipalités, qui systématiquement, dans le passé, demandait au gouvernement des changements, demande maintenant qu'il n'y en ait plus. Il y a eu un changement à ce niveau; même que l'Opposition reconnaît que les changements sont arrivés en assez grand nombre récemment.

Je voudrais m'attarder un peu à une autre partie du mémoire qui traite des huis clos. J'ai vécu pendant quatre ans la vie de conseiller municipal et j'ai débattu, à ce moment-là, la nécessité ou le manque de nécessité des huis clos. Même, je considérais, pendant toute cette période de temps là, que les huis clos étaient effectivement une perte de temps, puisque les discussions qui ont lieu à huis clos sont reprises dans la salle si on veut donner l'information à la population quand le public est là. Je voudrais demander à l'Union des municipalités si elle ne serait pas prête à accepter qu'il y a effectivement des domaines où le huis clos est non seulement nécessaire, mais obligatoire. Qu'on pense, par exemple, à une discussion qui aurait lieu dans un conseil de ville sur la qualité du travail d'un cadre municipal ou dans un domaine où il y aurait des possibilités de spéculations foncières. Est-ce que l'Union des municipalités serait prête à accepter qu'il y a des domaines qui peuvent et qui doivent être traités à huis clos et d'autres dont les discussions devraient avoir lieu face à la population?

M. O'Bready: Je pense que je l'ai mentionné tantôt: La Loi sur les cités et villes fait que les conseils de ville siègent publiquement; donc, toutes les décisions ou toutes les discussions se font publiquement. Vous semblez être d'accord avec nous quand on dit qu'il y a des dossiers ou des sphères d'activité qui doivent être discutés à huis clos. On pourrait penser, par exemple, aux négociations des conventions collectives, à la préparation de budgets, à l'étude de projets d'implantation immobilière où les promotteurs ne sont pas nécessairement intéressés à ce qu'on laisse savoir à tout le monde ce qu'ils envisagent. En fin de compte, je sais qu'il y en a d'énumérés, il y a déjà des exceptions prévues dans la loi. On dit: Pour certains de ces sujets, les conseils de ville pourraient siéger à huis clos. Mais vous savez, il est fort risqué parfois de faire des énumérations parce qu'on risque d'oublier des choses et cela peut faire tout un paquet d'histoires. On va demander aux municipalités, incidemment, de mettre en vigueur un nouveau rôle d'évalutation. Vous allez me dire: À première vue, le rôle d'évaluation ne comporte peut-être pas de discussions à huis clos, mais cela peut en comporter sur certains aspects, sans vouloir jouer au spécialiste de l'évalutation. Il y a certaines discussions qu'on désire avoir avec le directeur financier d'une ville ou avec le directeur des ressources humaines; vous l'avez souligné vous-même tantôt, en matière de discipline, par exemple, d'un fonctionnaire, d'un salarié, quoi que ce soit.

Je vous dirai que j'ai dix ans, presque onze ans, de vie politique municipale, maintenant, quatre ans comme conseiller et sept ans comme maire, et 90% de nos affaires peuvent se discuter publiquement. C'est ce qu'on fait d'ailleurs. Et je l'ai mentionné tantôt. Il ne faut quand même pas faire une chasse aux sorcières et penser que les conseils de ville concoctent dans des endroits mal famés des choses au détriment de la population. Je ne pense pas que ce soit le cas.

Il y a des choses qui doivent être discutées à huis clos et je pense que quand on parle d'autonomie municipale, M. le député, quand on parle de valorisation du pouvoir municipal, si on veut nous valoriser, les collectivités locales ou les élus municipaux, il faut quand même penser qu'on est assez intelligent pour faire la part des choses à un moment donné. Si un conseil siège à huis clos et ne dévoile strictement rien à sa population, j'ai bien l'impression qu'aux prochaines élections il va faire un bout de chemin dans la direction de la porte.

Je pense que les conseils doivent être assez grands garçons pour s'autodiscipliner. Qu'il y ait des règles du jeu d'établies, j'en suis. On dit qu'il y en a déjà pour le monde municipal. Qu'on les bonifie, je n'ai pas objection. Mais pas tout changer d'un trait de plume comme cela.

M. Tremblay: Je pense que là où il pourrait y avoir une divergence, c'est qu'il y a une partie de la population qui croit que les délibérations des conseils et de l'administration publique devraient se faire d'une façon ouverte et d'autres qui croient, comme vous l'avez dit, que le conseil devrait pouvoir dévoiler. Et il n'est pas question de dévoiler. Il est question que toute cette administration se fasse au vu et au su de tout le monde.

Vous notiez au début de votre réponse que les conseils municipaux étaient obligés

de par la loi de tenir leurs séances en public. C'est très vrai et c'est reconnu. Ce qu'ils ne sont pas obligés de faire, c'est de tenir leurs délibérations, leurs discussions en public. C'est souvent là que c'est important; pour un citoyen, par exemple, qui se présente à une assemblée d'un conseil municipal, il est beaucoup plus important pour sa compréhension de connaître les discussions, parce que bien souvent la décision arrive et il n'est pas au courant des discussions qui ont eu lieu. Sa position n'est pas la même. S'il peut participer et connaître les raisons pour lesquelles les conseillers et le maire sont allés dans une direction, à ce moment-là, il va mieux comprendre la décision.

Je pense que ce serait faux de dire que présentement les délibérations des conseils municipaux - en général, il y en a qui siègent publiquement et je ne pense pas que cela leur fasse grand mal - sont publiques. Les décisions, une fois prises en caucus, sont rendues publiques à l'assemblée face aux électeurs. Mais les discussions comme telles n'ont pas lieu là.

M. O'Bready: Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a quand même d'autres moyens qui ont été pris. La promotion des partis politiques municipaux, par exemple, va certainement faire que des délibérations vont avoir lieu plus fréquemment en public.

Deuxièmement, la période de questions qui nous a été imposée par la loi 105, il y a peut-être un an, est une autre façon pour le citoyen de s'informer.

Ce que je veux simplement vous souligner, c'est qu'il y a quand même des situations où il y absolument nécessité d'avoir des délibérations privées. Je pense que le Conseil des ministres, le cabinet, doit délibérer privément. Je pense que, lorsqu'il y a des caucus de députés, vous souhaitez délibérer privément. Je ne sais pas si les membres d'un conseil de ville n'ont pas affaire à délibérer privément également.

M. Tremblay: On publie nos documents d'avance, nous, par exemple.

M. O'Bready: Vous ne publiez pas vos délibérations d'avance, j'imagine, M. le député.

M. Tremblay: Bien sûr que les partis politiques, au niveau municipal, peuvent avoir un caucus des conseillers de ce parti avant une réunion. Mais ces réunions, comme c'est le cas du caucus qu'on vient de tenir, c'est tenu en dehors des lieux et non couvert par les fonctionnaires du gouvernement. Un caucus, c'est payé par le parti et par les membres du parti qui y assistent. Ce n'est pas le gouvernement qui participe à cela. Bien sûr, dans les municipalités, les partis politiques municipaux trouveront sûrement la nécessité de tenir un caucus à l'occasion pour s'entendre d'abord sur l'orientation qu'ils devront favoriser au conseil. Mais ce dont on parle, ce sont les caucus de tous les conseillers à l'intérieur du conseil et avec la participation des fonctionnaires municipaux.

M. O'Bready: Je vous répète simplement que, d'après moi, ça se fait dans la majorité des cas qui regardent les dossiers municipaux, sauf qu'il y a évidemment certaines situations où les délibérations - je vous en ai mentionné quelques-unes tantôt, il peut y en avoir d'autres malheureusement -... ce n'est pas que nous soyons contre le principe d'ouvrir l'administration de nos villes, ce n'est pas ça, mais il y a des situations, je vous le répète, qui font qu' il y a quand même besoin d'une certaine "privacy", d'une certaine confidentialité.

M. Tremblay: C'est reconnu - je fais juste remarquer ça en terminant - par l'avant-projet de loi, à l'article 21.

M. O'Bready: II y a des choses qui sont... Je vous l'ai mentionné tantôt, mais on risque toujours, avec des exclusions comme ça, d'en oublier parfois et ça peut créer des situations embarrassantes.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Gaspé.

M. LeMay: M. le maire, je tiens d'abord à vous féliciter pour votre rapport. La première fois que je l'ai lu, je dois vous avouer que je l'ai trouvé très négatif. Après une seconde lecture, je me suis aperçu que c'était peut-être un des rapports qui nous faisaient le plus réfléchir - la commission -peut-être par la contestation de certains éléments. C'est de ce côté-là que je le trouve positif.

On a parlé tout à l'heure de la ville de Québec qui, quand même, acquiesçait au rapport Paré. On a même parlé de la ville de Montréal et de sa transparence, même du rapport de l'Union des conseils de comté, qu'on aura le plaisir d'entendre tout à l'heure. Je suis d'accord pour que, même à l'intérieur de différentes villes, il y ait des contestations différentes, des divergences de vue, mais ce qui me surprend, ce qui m'a le plus surpris à l'intérieur de votre rapport, c'est que vous contestez la solidité, si vous voulez, de la commission Paré pour porter des jugements sur les municipalités. Vous dites même que la commission Paré ne possède pas les données nécessaires pour faire des recommandations adéquates et applicables au milieu municipal.

Je me demande sincèrement comment il se fait que, ce matin, vous venez mettre des boules dans l'arbre de Noël alors que vous

contestez le tronc.

M. O'Bready: Voici! Je vais répéter ce que j'ai dit tantôt, je n'ai peut-être pas été assez clair, M. le député. Je vous répète qu'au début, dans le mandat de la commission Paré, il était question du gouvernement et absolument pas des municipalités. C'est par interprétation, comme l'a fait M. Bertrand tantôt - je ne me lancerai pas dans des débats constitutionnels moi non plus - que les municipalités, on ne le nie pas, mais en tout cas... Bon!

On n'était pas là au début, donc, les municipalités n'ont pas senti le besoin d'intervenir au moment des travaux de la commission et je précise que la ville de Québec n'a pas réagi sur le rapport avant, elle a réagi sur le bien-fondé d'avoir une commission et de rendre l'information accessible à tous. La ville de Québec est absolument d'accord avec notre mémoire ce matin que si, maintenant, on veut l'étendre aux municipalités sans faire une recherche plus profonde, je pense qu'elle dit: Hold the phone. C'est la même chose que nous autres. C'est ça qu'on dit dans ça, premièrement.

Quand j'ai dit que la commission Paré n'avait pas l'"input" ou les données pour parler du monde municipal, c'est forcément que le monde municipal, n'étant pas concerné dans le mandat original, il n'y a personne qui se soit trop trop préoccupé de lui donner de l"'input". Si la commission Paré avait su que cela affectait, comme M. le ministre Bertrand l'a dit tantôt, 3186 municipalités, organismes, associations municipales, conseils exécutifs, d'urbanisme ou autres, je ne sais pas ce que cela aurait donné si on n'avait pas dit à ce moment-là: II n'est peut-être pas aussi facile que ça d'appliquer toutes les recommandations.

Je pense qu'il est important qu'on précise cela bien clairement. Le mandat original de la commission ne comprenait pas les municipalités, et c'est pour ça que les municipalités n'ont pas réagi. La ville de Québec a dit: C'est beau d'avoir une commission sur l'information, c'est beau de faire un rapport, mais elle est d'accord avec nous autres qu'il ne doit pas s'appliquer aux municipalités. Au début, il ne s'appliquait pas aux municipalités.

Écoutez, je peux bien dire que c'est beau, la loi 101, parce que ça ne me concerne pas, mais si, à un moment donné, ce qui me concerne dans ça, je suis obligé d'y réagir... C'est évident qu'on aurait peut-être préféré réagir avant la production du rapport qu'après, parce qu'on a l'air de faire des batailles d'arrière-garde, ce qu'on n'aime pas nécessairement, mais c'est parce qu'au début on n'était pas concerné. Ce n'est pas plus compliqué.

M. LeMay: Dans la conclusion de votre rapport, vous dites quand même que vous êtes d'accord avec le principe...

M. O'Bready: Je l'ai dit tantôt, on est d'accord avec l'accès du citoyen. Tout le monde est pour la vertu, on est d'accord...

M. LeMay: Vous êtes d'accord, mais vous êtes...

M. O'Bready:... pour l'accès du citoyen à l'information. On dit que cela ne peut pas se faire exactement comme c'est préconisé ici dans le monde municipal et on dit pourquoi. On dit aussi qu'on est prêt à poursuivre la recherche. Je pense qu'il y a toute une différence. On n'est pas contre l'information, je ne voudrais jamais qu'on nous fasse dire ça...

M. LeMay: Non, non, non! (11 h 30)

M. O'Bready: D'ailleurs, on en fait, de l'information. J'ai cité à peu près quinze articles de la Loi des cités et villes, de la loi 57 et de la loi 116 qui démontrent qu'on fait de l'information. Rappelez-vous des fameux débats - je ne sais pas si vous étiez ici - de la fameuse période des questions à la fin des assemblées municipales; je peux vous dire que ça n'a pas été facile. La période des questions à la fin des assemblées municipales, cela existe quand même maintenant et c'est une façon d'informer le monde. La publication de données préliminaires à la préparation du budget, ça existe également. Le contenu du compte de taxes, il existe également. Le contenu de l'avis d'évaluation, il existe également. La publication de bulletins mensuels, trimestriels et autres dans les municipalités, ça existe également. Il ne faudrait pas dire que les municipalités du Québec n'informent pas; là, je ne suis pas d'accord.

M. LeMay: Je suis d'accord avec vous, il y a de l'information qui est donnée. Je voudrais savoir. Vous semblez dire que vous êtes d'accord avec le principe de la loi, mais que vous ne voulez pas être inclus dans la loi.

M. O'Bready: On dit qu'on ne veut pas être inclus dans la loi comme elle est faite; on propose, par la recommandation 7, de poursuivre les études pour voir l'impact ou les implications de cette application au monde municipal et à ses organismes paramunicipaux. Qu'est-ce que cela pourrait donner? Qu'est-ce que cela pourrait coûter? Combien cela peut-il prendre de temps? Comment cela vient-il en contradiction avec ce qui existe actuellement? C'est ce qu'on veut dire, dans le fond.

M. LeMay: En fait, votre contestation se situe au niveau des coûts et des délais?

M, O'Bready: Des coûts et des délai-, c'est cela.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Étant donné que le ministre nous a dit qu'il ne patine pas sur l'application de la loi sur les municipalités, étant donné aussi que vous dites être d'accord sur les principes de la loi mais qu'un des problèmes semble être le fait qu'il n'y a pas eu de données fournies à la commission Paré, est-ce que je peux en conclure que l'Union des municipalités serait prête, à ce moment-ci, à faire des données concernant l'application de cette loi-cadre pour les municipalités possiblement au moment de l'adoption d'un projet de loi en commission parlementaire, par exemple? Est-ce que vous êtes prêt, à ce moment-ci, à nous fournir ce que vous croyez être la réalité municipale?

M. O'Bready: Si la loi est adoptée et qu'elle est appliquée par le gouvernement du Québec dans une première étape comme telle, on vivra des expériences, ce qui n'empêchera pas le gouvernement du Québec de continuer son travail avec les municipalités pour en étendre éventuellement l'application aux municipalités du Québec, comme c'est probablement arrivé pour d'autres lois qui ont commencé quelque part et qui, à un moment donné, se sont étendues aux municipalités, aux commissions scolaires, aux sociétés d'État et autres. C'est ce que je dis.

Je ne suis pas contre l'adoption de la loi immédiatement; qu'on l'applique au gouvernement, comme c'était prévu dans le mandat original, et qu'on continue le travail pour l'appliquer éventuellement aux municipalités.

M. Sirros: Êtes-vous prêt, à ce moment-ci, à nous fournir les données qui permettraient que cette loi s'applique aux municipalités le plus vite possible?

M. O'Bready: Je ne peux pas vous les donner aujourd'hui.

M. Sirros: Je me dis qu'une fois qu'on est d'accord sur le principe de quelque chose, il faut prendre les moyens pour l'appliquer. Il faut reconnaître aussi que chaque domaine a sa propre réalité, il y a une réalité particulière concernant les municipalités, vous êtes les personnes les plus directement concernées et il nous semblerait logique, si vous êtes d'accord avec le principe de l'application de la loi, que vous nous fournissiez votre point de vue, un aperçu de vos besoins dans ce domaine-là le plus rapidement possible.

M. O'Bready: Cela pourrait être fait.

M. Sirros: Si on avait un projet de loi dès l'automne, est-ce qu'on pourrait s'attendre, s'il y avait des audiences en commission parlementaire concernant l'adoption de cette loi, à vous revoir ici?

M. O'Bready: II faudrait regarder, il faudrait mesurer l'application ou les implications de l'application de la loi aux municipalités. Cela, on peut le faire, nous, mais remarquez qu'il y a quand même 1600 municipalités au Québec. Je ne veux pas parler pour mon collègue, M. Moreau, qui va venir ici tantôt, mais il faudrait également vérifier ce que veut dire, pour les petites municipalités, l'application de cette loi ou de ses dispositions. Que les deux unions fassent leur travail, elles vont le faire, j'imagine. Maintenant, est-ce qu'on peut le faire pour octobre? Vous me posez une question à laquelle je ne peux pas répondre ce matin.

M. Sirros: Ma prochaine question a été touchée un peu par le ministre tout à l'heure. Pourriez-vous expliciter un peu sur le domaine de la protection de l'information concernant les citoyens? Qu'est-ce que les municipalités font dans ce domaine? Quels sont vos points de vue concernant cet aspect de la loi?

M. O'Bready: Très rapidement, il y a des secteurs où c'est très précis. Je pense, par exemple, aux fiches en ce qui concerne la confection des rôles d'évaluation. Je pense également aux dossiers. M. le ministre parlait tantôt des dossiers des services de police municipaux. Il est évident que ces dossiers doivent demeurer confidentiels. Les fiches qui ont servi à la confection des rôles d'évaluation ne doivent quand même pas être accessibles à tout le monde. Il y a quand même des informations confidentielles en matière de droit de la propriété. Il y a, par contre, des documents qui sont parfois fournis aux administrateurs municipaux. Là, je ne sais pas jusqu'à quel point on pourrait en faire le tri. Il y a certainement des dispositions adoptées pour protéger les droits des individus, la confidentialité de certains documents qui peuvent regarder la vie personnelle des individus. On l'a mentionné dans le document mais, encore là, il faudrait, je vous le répète, faire une recherche plus poussée pour se prononcer de façon vraiment rationnelle.

Le Président (M. Rochefort): Dernière question, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Beaumier: M. le Président, j'apprécie beaucoup, comme tous les membres de la commission votre participation ce matin et la qualité de votre intervention, c'est bien sûr. Je retiens, comme tout le monde, l'essentiel, c'est que vous seriez prêt à suggérer ou à aider la commission dans ses procédures d'application de la présente loi. Sauf qu'il y a une petite interrogation - j'espère que cela fait partie d'une boutade - concernant le fait que vous vous prononcez, selon toute évidence, contre la création d'une commission d'accès puisque, selon vous-même et votre union, les membres de la commission ne sont pas responsables de leurs gestes sur le plan politique. Cela m'inquiète un petit peu. Est-ce que cela voudrait dire que - j'aurais deux volets à la question - cela pourrait s'étendre à toutes les commissions existantes, comme la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la Commission des droits de la personne, la Commission de protection du territoire agricole qui, selon votre opinion, ne sont pas responsables de leurs gestes sur le plan politique?

Je pense à l'article 102 de la loi, où il est créé justement cette commission d'accès; on voit que les membres sont nommés sur proposition du premier ministre par une résolution de l'Assemblée nationale du Québec. Je m'inquiète un petit peu. Je vous dis, j'ai pris cela comme une boutade. Je pense que cela peut rester à ce niveau. J'espère, d'une part, que cela ne s'étendrait pas, votre opinion, aux autres commissions existantes. D'autre part, il y a une responsabilité, selon le mandat et selon la nomination, devant l'Assemblée nationale. J'aimerais que vous m'expliquiez cela un petit peu.

M. O'Bready: J'aurais presque envie d'invoquer un amendement quelconque pour protéger mes propres droits en répondant là-dessus, mais de toute façon voici. Je pense que l'union n'est pas nécessairement contre les commissions et ne traite pas les commissions, quelles qu'elles soient, d'incompétence. Ce qui nous inquiète, M. le député, c'est la prolifération de commissions, de régies, d'organismes de contrôle et cela, je l'ai déjà souligné lors du congrès de l'Union des municipalités, peut-être un peu au grand désarroi de mon ministre des Affaires municipales, M. Léonard, mais nous sommes maintenant confrontés à de plus en plus de commissions. On parle d'une commission sur l'accès à l'information. On nous parle aussi d'une commission éventuelle pour la formation des adultes, il y a la Commission de protection du territoire agricole, il y a la Commission de l'aménagement du territoire. Je vous retourne la question. Il faudrait peut-être qu'on fasse un débat de fond parce que ce n'est peut-être pas ni le temps ni le lieu ce matin, ce n'est pas le sujet en tout cas.

Il faudrait peut-être regarder comment le rôle des municipalités du Québec va s'exercer dans cinq ans d'ici à travers l'ensemble de toutes ces commissions. Il va nous rester quoi? Je vous retourne la question. Je ne peux cas y répondre ce matin. Je n'ai pas nécessairement de préjugés défavorables envers les régies, commissions ou organismes, mais il faudra tantôt qu'on fasse le partage si nous sommes ou si nous devons rester des élus. Comment exercera-t-on notre rôle et comment la commission pourra-t-elle exercer le sien sans qu'on se pile sur les pieds et sans qu'on soit placés en contradiction? Je ne peux pas vous donner une réponse plus précise que cela. Mais oui, nous sommes inquiets. Non, nous ne sommes pas nécessairement anticommissions, mais tout dépendra de la manière dont et les commissions et les municipalités pourront fonctionner à l'intérieur de ce système.

M. Beaumier: À ce sujet, c'est la prolifération que vous craignez plutôt que le fait qu'elles ne soient pas responsables.

M. O'Bready: Une commission, ce n'est pas responsable. Dans mon texte, responsable est entre guillemets, "responsable devant des électeurs". Il y a une différence, vous savez, des fois, dans la façon de poser des gestes...

M. Beaumier: Devant des élus, c'est aussi bon des fois.

M. O'Bready: Devant des élus, cela peut être bon aussi. C'est cela que je vous dis. Il faudrait regarder les mécanismes. Souvent, pour les fonctionnaires, c'est peut-être plus facile de poser un geste que quand tu es élu. Je pense que vous en savez quelque chose. Moi j'en sais quelque chose, en tout cas, comme maire.

Le Président (M. Rochefort):

Rapidement, M. le ministre.

M. Bertrand: Je voudrais remercier le président de l'Union des municipalités du Québec et je veux qu'on se comprenne très bien. Je suis de ceux qui croient que les municipalités, dans leur très grande majorité, font des efforts de plus en plus considérables pour mieux informer leur population. Déjà, il y a des prescriptions de prévues dans les lois faisant obligation aux municipalités d'informer la population et d'ouvrir les séances du conseil municipal au public. Je note et je retiens de votre présentation, ce matin, que, tout en nous invitant à prendre en considération la situation particulière dans laquelle vous vous trouvez, vous n'avez pas d'opposition de principe, mais vous voulez que nous soyons suffisamment perspicaces

pour regarder de très près les problèmes que peut poser l'application d'une telle loi sur le plan des coûts, sur le plan des ressources humaines, sur le plan des délais et de l'échéancier d'application. À ce point de vue, je tiens à vous dire que je suis très content de voir que vous êtes ici ce matin parce que je craignais que vous ne veniez pas. Vous n'aviez pas transmis de mémoire à la commission Paré. Vous nous avez dit pourquoi et je respecte votre opinion là-dessus. Mais j'avais émis un communiqué de presse - si ma mémoire est bonne, c'est autour du 13 août dernier; c'est exactement ça d'ailleurs, le 13 août 1981 - pour dire qu'à la commission parlementaire, qui devait siéger hier, aujourd'hui et demain, il n'y avait à cette époque que cinq ou six organismes inscrits et qu'il manquait justement des groupes comme le vôtre qui représentent des organismes municipaux. Je regrette, d'ailleurs, qu'il ne viendra pas à la commission des groupes qui représentent tout le monde scolaire. J'avais fait une invitation spéciale en disant: II y a des organismes, comme les sociétés d'État, les organismes municipaux, les organismes scolaires, les établissements publics de santé et de services sociaux, qui devraient se faire entendre à cette commission parlementaire. En effet, comment peut-on aller de l'avant avec un tel projet si on n'a pas votre point de vue et si on ne peut pas savoir exactement les difficultés que ça pose pour vous autres? Je peux vous assurer qu'on prend bonne note des remarques que vous nous avez faites et qu'on essaiera, dans toute la mesure du possible, d'en tenir compte dans la préparation du projet de loi.

M. O'Bready: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Rochefort): Je remercie les représentants de l'Union des municipalités du Québec. J'inviterais maintenant les représentants de la Corporation des secrétaires municipaux du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): Avant de donner la parole aux représentants de la

Corporation des secrétaires municipaux, le député de Marguerite-Bourgeoys aimerait se faire entendre.

M. Lalonde: Je voudrais simplement réagir aux derniers propos du ministre en ce qui concerne le monde scolaire. Je pense que c'est extrêmement important pour la protection des renseignements personnels, etc., qu'ils se fassent entendre avant que la loi soit rédigée. Je n'ai aucune idée pourquoi ils n'ont pas accepté l'invitation. Peut-être que la coïncidence des séances de la commission avec la rentrée est une des raisons, mais j'aimerais que le ministre nous assure qu'il fera une autre invitation au moment de la préparation du projet de loi au moins pour avoir la communication de ce monde scolaire qui est extrêmement importante pour le sujet.

M. Bertrand: Je peux assurer le député de Marguerite-Bourgeoys, comme je l'ai fait d'ailleurs en écrivant à tous les organismes qui avaient déjà présenté un mémoire à la commission Paré, que je vais communiquer -je voudrais qu'on en prenne bonne note -avec, entre autres, la Fédération des commissions scolaires du Québec pour qu'on nous envoie au moins un mémoire que je pourrai faire remettre aux députés de l'Opposition. De toute façon, il y a beaucoup de mémoires que nous recevons au fur et à mesure de groupes qui nous disent: On n'ira pas en commission parlementaire, mais on vous envoie nos remarques. J'en ai remis hier toute une série à l'Opposition et aux députés ministériels. Là-dessus, je pense que vous avez tout à fait raison. J'aimerais beaucoup connaître leur point de vue pour l'application de la loi, en ce qui concerne le réseau scolaire.

Le Président (M. Rochefort): J'inviterais les représentants de la Corporation des secrétaires municipaux à s'identifier et à présenter leur mémoire, en vous rappelant que vous avez tout au plus 20 minutes pour le faire.

Corporation des secrétaires municipaux du Québec

M. Bélanger (Charles-Aimé): M. le Président, MM. les commissaires, nous vous remercions de l'opportunité d'être entendus auprès de votre commission. J'ai avec moi M. Gaétan Lemieux, le deuxième vice-président de la Corporation des secrétaires municipaux, Mme Marie-Andrée Levasseur, la secrétaire administrative de la corporation, et moi-même, le nouveau président de la corporation, Charles-Aimé Bélanger.

M. le Président, MM. les membres de la commission, la Corporation des secrétaires municipaux du Québec est un organisme sans but lucratif dont la fondation remonte à 1939. La Corporation des secrétaires municipaux, telle qu'elle est connue à l'heure actuelle, a obtenu ses premières lettres patentes en 1967, succédant ainsi à l'ancienne Association des secrétaires de municipalités. Je vais aller aux principaux objectifs pour respecter le temps qui m'est alloué. (11 h 45)

La Corporation des secrétaires municipaux du Québec compte actuellement 967 membres et dans les principaux objectifs

qu'elle poursuit il y a les suivants: promouvoir, par l'étude et la recherche, l'amélioration des méthodes administratives et financières des corporations municipales; ajuster le cahier de charges du secrétaire-trésorier en fonction des nouvelles exigences en réévaluant les tâches, devoirs et responsabilités du secrétaire-trésorier; orqaniser et tenir des conqrès, conférences et journées d'étude pour la promotion et le développement de la gestion municipale; de façon générale, donner tous les renseignements pertinents à la fonction de secrétaire-trésorier en particulier et d'administrateur municipal plus généralement.

Pour atteindre ses objectifs, la Corporation des secrétaires municipaux s'appuie sur divers comités, dont les principaux sont: le comité exécutif, le conseil d'administration. Il y a aussi les comités de travail qui sont au nombre de neuf, bien que la charte laisse entière liberté en ce domaine; les comités formés en 1980-1981 s'occuperont de l'organisation, du fonctionnement et de l'animation des 17 zones, du statut du secrétaire-trésorier, de son milieu de travail, des relations de travail, de l'information, de publicité et de marketing, de la législation, du perfectionnement de ses membres, de finances municipales, et enfin, de l'organisation du congrès annuel, des colloques et autres activités spéciales.

Le comité permanent, Union des conseils de comté du Québec et Corporation des secrétaires municipaux du Québec, comité où siègent, comme son nom l'indique, des représentants de l'Union des conseils de comté du Québec et des représentants de la Corporation des secrétaires municipaux du Québec, vise à établir entre ces deux organismes du monde municipal un dialogue constant sur des problèmes communs.

La Corporation des secrétaires municipaux du Québec est aussi membre de la Fédération des officiers municipaux du Québec. Le but de notre intervention auprès de la commission aujourd'hui est de vous faire savoir que la corporation se préoccupe grandement de gestion de documents. Ainsi, le comité de perfectionnement a mis sur pied cette année quatre cours de perfectionnement dont un de ces cours porte justement sur la gestion des documents municipaux. Ces cours ont été créés suite à des demandes répétées de la part de nos membres, lesquels sont aux prises avec l'obligation de garder les documents municipaux sans avoir jamais eu de directives précises sur la manière précise dont ceci doit être fait. Une archiviste professionnelle a analysé la nature exacte des problèmes auxquels sont confrontés les secrétaires municipaux face à la gestion des documents confiés à leur garde. Le système de classement proposé s'avère assez souple pour que chacun puisse l'appliquer au sein de sa propre administration municipale. Un guide de classement est disponible et comprend les instructions de classement et un plan de classement suivant lequel les documents doivent être ordonnés. Un index de sujets accompagne aussi le plan de classement afin de permettre à l'utilisateur de repérer la cote exacte du dossier dans lequel il doit classer le document.

Ce cours qui s'est donné jusqu'à maintenant à trois endroits différents de la province répond manifestement à un besoin urqent et semble s'avérer un moyen efficace de répondre aux exigences de garde des documents municipaux, exigences stipulées dans le Code municipal et dans la Loi sur les cités et villes.

Nous en venons à la problématique, M. le Président. La Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels, la commission Paré, dans son rapport intitulé Information et liberté, met en relief certains articles du Code municipal qui définissent déjà les devoirs et obligations du secrétaire-trésorier en regard des documents publics. À l'article 139, il est dit: "Tout officier qui a cessé d'exercer sa charge doit livrer dans les huit jours suivants, au bureau de la corporation, les deniers, clés, livres, papiers, objets, insignes, documents et archives ressortissant à cette charge. "Au cas de décès ou d'absence de la province de la part de cet officier, ses représentants doivent faire telle livraison dans un mois de ce décès ou de cette absence. "

Article 140. "La corporation possède, en sus de tout autre recours légal, un droit d'action pour recouvrer par saisie revendication, de tel officier ou de ses représentants, tous tels deniers, clés, livres, papiers, objets, insignes, documents ou archives, avec frais, dommages et intérêts. "Tout jugement obtenu sur une semblable action peut être exécuté par contrainte par corps contre la personne condamnée. "La corporation peut exercer les mêmes droits et recours contre toute personne détenant lesdits effets et refusant de les rendre. "

Article 161, paragraphe a) et b). "Le ministre des Affaires municipales peut, par règlement, après consultation avec le ministre des Affaires culturelles: "a) établir des règles concernant la conservation et la destruction des pièces dont le secrétaire-trésorier a la garde; "b) déterminer lesquelles de ces pièces, sur résolution du conseil, peuvent être distraites de la garde du secrétaire-trésorier ou autrement conservées, aliénées ou détruites, nonobstant toute disposition

législative au contraire, mais sous réserve, toutefois, de la Loi sur les biens culturels. "

À l'article 169: "Le secrétaire-trésorier doit tenir un répertoire dans lequel il indique sommairement et par ordre de date tous les rapports, procès-verbaux, actes d'accord, actes de répartition, rôles d'évaluation, rôles de perception, jugements, cartes, plans, états, avis, lettres, papiers et documents quelconques qui sont en sa possession durant l'exercice de sa charge. "

À l'article 170: "Les livres de comptes du secrétaire-trésorier, les pièces justificatives de ses dépenses, de même que tous les registres ou documents en sa possession comme archives de la corporation peuvent être consultés par toute personne qui en fait la demande les jours de bureau, entre neuf heures et seize heures. "

À l'article 171: "Le secrétaire-trésorier est tenu de délivrer à quiconque en fait la demande, sur paiement des honoraires exigibles en vertu du tarif fixé par le conseil et qui doivent être versés dans le fonds général de la corporation, des copies ou des extraits de tout livre, rôle, régistre ou autre document faisant partie des archives. "Le ministre des Affaires municipales est autorisé à établir, par décret, les honoraires exigibles en vertu du premier alinéa. À compter de la date de ce décret et a l'intérieur du cadre ainsi fixé, le conseil peut exiger le tarif qu'il juge convenable, à défaut de quoi la délivrance de ces documents est gratuite. À la demande du conseil, le ministre peut autoriser celui-ci à fixer un tarif comportant des honoraires plus élevés que ceux faisant l'objet du décret. "Il est aussi de son devoir de transmettre sans délai, par la malle, à la place principale d'affaires de toute corporation, compagnie de chemin de fer, ou de tout autre contribuable qui n'a pas sa place d'affaires ou son domicile dans la municipalité, et qui aura produit au bureau de la corporation une demande générale à cet effet, et fait connaître telle place principale d'affaires, une copie certifiée de tout avis public, règlement, résolution, procès-verbal, déposé pour homologation ou homologué, qui affecte cette corporation, cette compagnie ou ce contribuable, ainsi qu'un extrait certifié du rôle d'évaluation, comprenant l'évaluation des biens imposables de telle corporation, telle compagnie, ou tel contribuable avec un mémoire des honoraires exigibles en vertu de l'alinéa précédent, que la corporation, la compagnie ou le contribuable est tenu de payer aussitôt après la réception du document transmis. "Néanmoins, toute copie ou extrait demandé par le lieutenant-gouverneur ou par la corporation doit être donné gratuitement par le secrétaire-trésorier. "

M. le Président, pour toutes les corporations municipales régies par la Loi sur les cités et villes, les articles suivants définissent les obligations du greffier quant à la gestion des documents: les articles 91, 103, 79, 80, 81, 87 et 88.

Selon l'article 107, paragraphe 1, du Code municipal, le maire a comme responsabilité première: "Le chef du conseil exerce le droit de surveillance, d'investigation et de contrôle sur les affaires et les officiers de la corporation, voit spécialement à ce que les revenus de la corporation soient perçus et dépensés suivant la loi, veille à l'accomplissement fidèle et impartial des règlements et des résolutions et communique au conseil les informations et les recommandations qu'il croit convenables dans l'intérêt de la municipalité ou de ses habitants. "

Un des buts de la commission Paré serait donc de mettre en évidence les articles du Code municipal qui, dans le passé, ont peut-être été en veilleuse. La commission Paré veut donc que soient mises au service du public les informations émanant du conseil municipal et/ou de ses commissions.

Les buts poursuivis sont en soi très louables, mais qu'il nous soit permis d'en regarder brièvement les implications sur la tâche et les responsabilités du secrétaire-trésorier: c'est le maire qui reçoit, de par la loi, le mandat de rendre publics les documents municipaux. Cependant, le maire déléquera ce mandat à son secrétaire municipal, ce qui accroît sa charge de travail, et en vertu des articles 148 et 148a, qui disent: "Le secrétaire-trésorier reste en fonction durant le bon plaisir du conseil, quoiqu'il ait été engagé pour un temps déterminé; cependant, il ne peut être destitué et son traitement ne peut être diminué que par le vote affirmatif de la majorité absolue des membres du conseil. "La résolution destituant le secrétaire-trésorier ou diminuant son traitement doit lui être signifiée en lui en remettant copie en mains propres: le secrétaire-trésorier qui a été en fonction pendant au moins vingt-quatre mois consécutifs peut interjeter appel d'une telle décision à la Commission municipale du Québec qui décide en dernier ressort, après enquête. "Cet appel doit être formé dans les quinze jours qui suivent le moment où la décision du conseil de la corporation a été signifiée. "Si l'appel est maintenu, la commission peut aussi ordonner à la corporation de payer à l'appelant une somme d'argent qu'elle détermine pour l'indemniser des dépenses qu'il a encourues pour cet appel; l'ordonnance à cette fin est homologuée sur requête de l'appelant par la Cour provinciale ou, si le montant en jeu est de 1000 $ ou

plus, par la Cour supérieure; l'appelant peut ensuite exécuter le jugement contre la corporation. "Une disposition d'une charte d'une corporation qui abroge, remplace ou modifie directement ou indirectement l'article 148, en totalité ou en partie, ou qui édicté un article 148a n'exclut pas l'application du présent article. "

Le secrétaire-trésorier ne peut, à toutes fins utiles, se soustraire à cette déléqation de mandat. De plus, au chapitre 6 du rapport, il est mentionné, à l'article 142 du rapport Paré, que "quiconque refuse ou entrave sciemment l'accès à un document ou à un renseignement auquel l'accès ne peut être refusé en vertu de la loi commet une infraction et est passible, en outre du paiement des frais, d'une amende d'au moins 200 $ et d'au plus 1000 $, et pour toute récidive dans les deux ans, d'une amende d'au moin 500 $ et d'au plus 2500 $. " Nous posons donc la question: Qui serait coupable d'une infraction advenant le refus ou l'entrave à l'accès à un document?

De plus, la Corporation des secrétaires municipaux du Québec, soucieuse du bien-être de ses membres et de l'amélioration de leurs conditions de travail, se demande quelle garantie lui offrira cette nouvelle loi, si elle est adoptée, afin que le secrétaire-trésorier, désireux d'agir en professionnel et de se conformer aux lois, ait à sa disposition les moyens et les ressources indispensables à l'accomplissement de sa tâche. Une fois de plus, il y aura augmentation de la tâche du secrétaire-trésorier aura-t-il augmentation adéquate de la rémunération et mise à la disposition de locaux et d'équipements nécessaires à l'application de la nouvelle loi, exigences recommandées dans le présent rapport? Que l'on songe un instant que les membres de la Corporation des secrétaires municipaux, soit 967 membres, sont secrétaires de corporations municipales dont le budget moyen oscille entre 300 000 $ et 350 000 $. Qui paiera la note de ce surplus d'équipements? Rémunérera-t-on le secrétaire-trésorier en conséquence, quand on sait que 50% de nos membres gagnaient, en 1981, moins de 12 500 % par année? M. le ministre des Finances aera-t-il prêt à accompagner cette nouvelle réforme d'une enveloppe budgétaire équitable? La question demeure présentement sans réponse à la lecture du présent rapport.

M. le Président, vous trouverez en annexe des tableaux synoptiques sur le profil du secrétaire municipal qui sauront vous éclairer sur les membres de notre corporation.

Nous nous posons la question suivante. À la lecture du rapport, Information et liberté, beaucoup de questions nous sont venues à l'esprit, sur lesquelles nous aimerions avoir des éclaircissements.

La première: Quel sens donne-t-on au mot "édité" quand on dit qu'un organisme public, donc un organisme municipal, qui édite un document doit, dans les "50 jours qui suivent sa publication, en déposer à titre gratuit deux exemplaires à la bibliothèque de la Législature? De quelle sorte de document s'agit-il ici? Par exemple, les comptes de taxes informatisés devraient-ils être édités?

Deuxième question: Dans leur rapport, les commissaires ont recommandé que les exemptions au droit d'accès soient en principe facultatives. On mentionne que les documents exclus du régime d'accès par la loi devraient néanmoins être rendus publics si un organisme public le juge à propos. Ces propositions nous incitent à croire qu'il y aura là place à l'arbitraire. De plus, qui, à l'intérieur de cet organisme public, aura l'autorité pour juger à propos?

Une autre question: Au chapitre des renseignements personnels protégés, il est dit: "Les renseignements nominatifs sont confidentiels et, dans un document, sont réputés nominatifs les renseignements concernant une personne physique et permettant de l'identifier. " Or, ces renseignements peuvent-ils être obtenus de façon détournée? Par exemple, une institution financière demandant à la personne responsable des documents un renseignement sur un contribuable qui serait en arrérage sur ses taxes. Si le responsable refuse l'accès à l'information, l'institution financière peut l'obtenir en demandant l'accès au rôle de perception et à la caisse-recette.

Une autre question encore au chapitre des renseignements personnels protégés. On mentionne que la loi permettra le transfert des renseignements nominatifs dans certains cas entre organismes sans le consentement de la personne concernée, mais cette communication devra s'effectuer dans le cadre d'une entente écrite entre ces organismes. Nous posons la question à savoir pourquoi la personne concernée ne serait pas avisée que de tels organismes se concertent à son sujet.

Cinquième question: Au chapitre du classement et répertoire, le rapport, à l'article 154, stipule qu'"un organisme municipal devra classer ses documents selon un système qui en facilitera le repérage. " Jusqu'à quelle date, le responsable de la gestion des documents remontera-t-il dans le temps pour établir son système? Est-ce depuis la fondation de la municipalité ou à partir de l'entrée en vigueur de la loi? En un mot, s'agit-il de documents anciens ou nouveaux? Encore une fois, la charge de travail pourrait être très lourde. Nous demandons à cet effet que l'article 154 du rapport Paré soit défini en termes plus clairs et plus précis. (12 heures)

Une sixième question. Le rapport Paré préconise qu'un organisme municipal devra, avant le 1er mars de chaque année, publier un répertoire. Nous demandons instamment que le choix de cette date soit révisé, car pour le secrétaire municipal - la plupart du temps l'unique employé - cette date correspond à la date de la perception des taxes. De toute évidence, un seul employé ne peut mener à bien deux tâches aussi imposantes.

Une autre question. Si une mise à jour de ce répertoire doit être réalisée en cours d'année, elle sera faite par un bulletin d'information qui fera état des modifications qui seront nécessaires. Cette mise à jour se fera entre le 1er juillet et le 1er septembre de chaque année. Comme nous l'avons mentionné tout au cours de ce rapport, les petites municipalités, qui sont majoritaires au Québec, auront-elles les moyens, les ressources et les outils pour se conformer à une telle demande? Si tel n'est pas le cas, nous nous verrons dans l'impossibilité de nous y conformer.

Huitième question. À l'article 150 du rapport Paré, il est mentionné que "les obligations qu'impose cette loi à un organisme public relativement à la gestion des documents et à la publication d'un répertoire peuvent être assumées par un autre organisme public dans le cadre d'une entente approuvée par la commission". Dans le cas où effectivement un secrétaire municipal ne pourrait s'acquitter de ses tâches nouvelles, il pourrait y avoir délégation de responsabilités et, de ce fait, perte d'autonomie locale et de services personnalisés pour les contribuables. Ce à quoi les membres de la Corporation des secrétaires municipaux du Québec aspirent, ce n'est pas de déléguer leurs responsabilités, bien au contraire, mais plutôt d'obtenir les ressources pour les bien accomplir.

En conclusion, nous espérons, M. le Président et messieurs les commissaires, que le message que nous vous adressons dans ce mémoire sera bien compris. La proposition législative dont il est question ici comporte quantité d'éléments positifs visant à faire de tout citoyen un être bien informé, afin qu'il soit en mesure de jouer pleinement son rôle social. Beaucoup de recommandations se retrouvaient d'ailleurs implicitement dans le Code municipal ou dans la Loi sur les cités et villes. Ces recommandations les remettent en lumière et forceront les responsables de la gestion des documents à s'y conformer sous peine de pénalité.

En nous adressant à vous aujourd'hui, nous reposons le problème: Qui, en dernier ressort, paiera la note d'une telle réforme? Nous vous enjoignons instamment de clarifier le mandat qui sera confié au gestionnaire des documents et de définir les moyens et les ressources qui devraient normalement accompagner la réforme. Ayez en mémoire que le bureau municipal, dans la plupart des municipalités rurales au Québec, est encore situé dans la résidence même du secrétaire-trésorier. Comment alors mettre un local à la disposition du public pour la lecture des documents? Afin de vous éclairer sur la personnalité actuelle et le cadre de travail du secrétaire municipal, nous vous joignons en annexe des tableaux statistiques de même qu'un communiqué de presse émis lors de notre dernier congrès annuel sur le profil du secrétaire-trésorier.

Nous vous remercions, M. le Président et messieurs les commissaires, de l'attention que vous avez apportée à l'écoute de notre mémoire et nous tenons à vous souligner que nous demeurons à l'entière disposition des membres de la commission parlementaire et des autorités du ministère des Communications pour poursuivre ou approfondir cette proposition législative.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais très très sincèrement remercier la Corporation des secrétaires municipaux du Québec. Vous avez fait là le travail que nous attendions d'un organisme comme le vôtre. Vous êtes directement touchés, vous serez, vous seriez directement touchés par l'application d'une éventuelle loi sur l'accès à l'information. Vous êtes, à toutes fins utiles, les gens qui appréhendez une décision des autorités municipales à savoir que les maires vous confieront l'application de la loi et vous demanderont d'être ses agents qui rendront possible l'accès à l'information. Je pense surtout à ces petites municipalités où très souvent, comme vous le dites, l'hôtel de ville, quand il existe, c'est peu de choses et les bureaux du secrétaire-trésorier, c'est souvent le sous-sol de sa maison aménagé en conséquence. Vous nous ramenez à des réalités très brutales qui nous obligent, comme je le disais tantôt à M. O'Bready, à prendre en très sérieuse considération les difficultés d'application de la loi pour les municipalités. Et toutes les remarques que vous faites sont des remarques sur lesquelles nous nous posions déjà des questions. Vous nous aidez à apporter des éclaircissements sur bon nombre d'entre elles.

Je ne reviens pas sur l'exposé que vous avez fait sur l'ensemble des articles qui déjà permettent l'information, vous confient des devoirs et des obligations, face aux citoyens que vous représentez, en regard des documents publics dont vous avez la charge.

Je prends note, par contre, qu'il semble y avoir chez vous une volonté de vivre avec une éventuelle loi d'accès à l'information gouvernementale. Vous nous demandez, dans ce contexte, de préciser un certain

nombre de choses pour que vous sachiez à quoi vous en tenir, la plus importante de ces questions étant, évidemment, celle relative aux ressources, aux outils, aux coûts d'une telle réforme. Je ne vous cacherai pas que c'est un sujet sur lequel nous travaillons très fort par les temps qui courent, parce que, justement, il est très difficile d'évaluer les coûts d'implantation d'une telle réforme.

Je prends vos questions les unes après les autres et j'essaie d'y répondre rapidement sans, pour autant, vous dire d'avance que nous retenons ou ne retenons pas les articles auxquels vous faites référence. Quand vous faites référence au mot "édité" dans votre première question, quel est le sens qu'on donne au mot "édité" pour savoir justement quels sont ces documents qui devront être remis à la bibliothèque de la Législature en deux exemplaires, je ne vous cache pas que là-dessus aussi nous avons une difficulté et que nous avons demandé à nos juristes de donner un sens à ce mot "édité". Est-ce que cela veut dire tout document? Est-ce que cela veut dire un document qui, dans son essence même, a été publié et qui, de toute façon, jusqu'à un certain point, devait presque faire l'objet d'un dépôt à la Bibliothèque nationale?

En d'autres mots, jusqu'où pouvons-nous aller quand nous parlons de documents édités? J'ai l'impression que, s'il s'agit de faire transmettre deux exemplaires de tous les documents que détiennent les organismes publics - 4000 à 5000 que nous avons dénombrés à la bibliothèque de la

Législature, ce serait tout à fait loufoque. Et la bibliothèque de la Législature ne souhaite pas voir arriver cet amoncellement de documentation.

Les juristes nous disent qu'éditer, cela veut dire faire paraître ou publier. Une édition signifie la reproduction et la diffusion d'une oeuvre intellectuelle ou l'impression et la diffusion de toute espèce d'oeuvre qui comprend l'ensemble des exemplaires imprimés d'un ouvrage, et qu'une publication est l'action de publier, c'est-à-dire de faire connaître, divulguer, répandre ou faire paraître. Voyez-vous, c'est le texte d'un avis juridique qui nous est donné pour tenter de circonscrire un peu mieux le sens de la notion d'édition. Mais je vous avoue que moi, comme ministre qui a à faire une proposition relative à cet article, c'est loin de me satisfaire. Je ne sais pas plus, après avoir lu un tel avis juridique, quel genre de documents, effectivement, devront être soumis à ces articles.

Vous faites allusion au fait que les exemptions au droit d'accès soient, en principe, facultatives. Vous nous demandez qui va juger de l'à-propos. C'est la personne qui est en autorité, d'après la proposition de loi, pour l'application de la loi. Par exemple, c'est le maire d'une municipalité qui a la possibilité de déléguer l'exercice de cette responsabilité à une personne en autorité qui a le pouvoir nécessaire pour le faire; donc, comme vous le dites, cela pourrait être très souvent le secrétaire-trésorier. C'est cette personne qui est placée en situation de porter un jugement, d'après le sens de la proposition de loi.

Vous dites ensuite: Les renseignements personnels sont confidentiels et, dans un document, sont réputés nominatifs les renseignements concernant une personne physique et permettant de l'identifier. Vous dites que "ces renseignements peuvent être obtenus de façon détournée; par exemple, une institution financière demandant à la personne responsable des documents un renseignement sur un contribuable qui serait en arrérages sur ses taxes". J'aimerais que vous développiez tantôt. Vous semblez soulever une question fort intéressante. Est-ce que effectivement, au niveau des municipalités, il y a de telles situations qui sont vécues quant à des renseignements que vous détenez, qui, normalement, devraient être confidentiels, n'appartenir qu'aux corporations municipales, et être gérés de façon très sévère par les responsables pour s'assurer qu'effectivement on ne puisse pas y avoir accès à moins qu'il n'y ait une justification quelconque dans l'exercice de vos fonctions? Est-ce qu'il y a des problèmes qui se posent effectivement de ce côté-là? J'aimerais beaucoup que vous me répondiez tout à l'heure.

Quant au transfert de renseignements nominatifs, dans certains cas, entre organismes, sans le consentement de la personne concernée, il faut savoir que les transferts de renseignements entre organismes devront d'abord faire l'objet d'une entente entre les organismes, entente qui devra être sanctionnée par l'éventuelle commission, et, si ma mémoire est bonne, il y a une décision qui est prise par le gouvernement et dépôt à l'Assemblée nationale.

Il y a donc plusieurs étapes qui sont suivies de telle sorte qu'on peut informer le public qu'il y a effectivement des renseignements nominatifs qui sont échangés entre certains organismes publics. Je ne peux pas vous référer à chacun des articles de la proposition de loi, mais il en est fait mention dans certains des articles.

Vous nous demandez ensuite, qguant à la gestion des documents... Là-dessus, d'ailleurs, j'aimerais beaucoup que vous nous donniez des renseignements sur cette expérience que vous vivez en ce moment, sur la gestion des documents, sur les cours, la formation qui sont donnés et sur les méthodes que vous avez décidé d'utiliser. Si la Corporation des secrétaires municipaux pouvait nous faire parvenir au ministère des Communications un rapport sur la façon dont vous avez mené

ces cours de perfectionnement et les différentes méthodes que vous avez utilisées, ainsi que les résultats que cela peut donner et les outils de classement, de gestion, la façon dont vous constituez vos index et toutes ces notions de répertoire et de catalogue qu'il faut constituer pour être en mesure de répondre à un besoin d'accès à l'information gouvernementale. J'aimerais beaucoup là-dessus que vous nous envoyiez un rapport au ministère, si c'est possible. Je ferais parvenir à l'ensemble de mes collègues copie des notes qui pourraient être extrêmement pertinentes là-dessus.

Vous demandez à partir de quel moment les documents sont accessibles et quels documents sont accessibles, c'est-à-dire est-ce qu'il y a un effet de rétroactivité? Je vous référerais à l'article 154 qui dit: "Un organisme public peut, dans les deux ans de l'entrée en vigueur de cette loi, refuser de donner accès à un document daté de plus de deux ans lors de cette entrée en vigueur. "

Si on se comprend bien, il peut arriver, par exemple, qu'en théorie la loi soit sanctionnée le 1er janvier 1982, que l'application, parce qu'il y a toute une période où il faut qu'une éventuelle commission rode les mécanismes entre autres au niveau des fichiers, au niveau de la définition des documents, au niveau de la gestion des documents, etc. Disons que le 1er janvier 1984, deux ans après, la loi entre en application. Un organisme pourrait, dans les deux ans de l'entrée en vigueur de cette loi, refuser de donner accès à un document daté de plus de deux ans de cette entrée en vigueur. Cela donne presque quatre ans d'écart finalement entre l'accès qui est donné à un document et le moment où ce document était déjà en possession d'un organisme public.

Là-dessus aussi je suis d'accord avec vous, c'est un des articles qui méritent d'être précisés parce qu'on peut lui donner différentes interprétations selon qu'on se place à partir de la sanction de la loi elle-même, de son application comme telle dans une période d'un an, deux ans ou trois ans, ça reste à définir, et quel est cet effet de rétroactivité pour que les organismes publics le comprennent un peu mieux. Là-dessus, nous allons tenter aussi d'apporter des éclaircissements.

Vous faites une remarque tout à fait intéressante aussi relativement à cette fameuse date du 1er mars pour la publication d'un répertoire. Vous nous dites: Nous autres, à cette période-là - et j'imagine ce que ça doit être au niveau des petites municipalités entre autres où les ressources humaines sont souvent insuffisantes même pour faire ce travail, c'est toute la période de perception des taxes et vous êtes très occupés dans cette opération... Voilà le genre de remarque très précise, très concrète, comme le disait tantôt le député de Laurier, qui mérite justement qu'on analyse votre rapport pour prendre conscience de la réalité municipale et voir comment, dans un éventuel projet de loi, on tiendra compte de ce genre de contraintes vécues localement. (12 h 15)

La mise à jour du répertoire durant l'année, je n'ai pas besoin de vous dire que, quand j'ai pris connaissance de cette proposition dans le rapport de la commission Paré, j'ai dit: II y a une limite. Il y a la question des catalogues, des répertoires sur laquelle déjà il va falloir se poser de très sérieuses questions parce qu'on s'embarque -enfin, je n'en sais trop rien - ou on risque de s'embarquer dans une opération de bureaucratie, de paperasse considérable. Il va falloir trouver des moyens de simplifier l'opération de la constitution de répertoires et de catalogues. Je n'ai pas besoin de vous dire que, a priori, je ne suis pas très ouvert à l'idée d'une réédition du répertoire en cours d'année avec des modifications qui y seraient apportées à cause de l'ajout de nouveaux documents. Là-dessus, je pense qu'on va s'entendre très vite.

Vous faites état, bien sûr - c'est un problème très important - de toute cette question des coûts des ressources humaines, des instruments, des coûts en argent. Là-dessus, votre problème est le nôtre. Nous allons le regarder très franchement et j'ai pris comme principe qu'au départ, nous voulons vraiment que la réforme entre en application le plus vite possible, mais on ne va pas partir d'une position de principe qui serait à peu près la suivante: II n'y a rien de trop beau pour effectuer la réforme de l'accès à l'information gouvernementale et la protection des renseignements personnels! Des commissions, en veux-tu? En v'là! Des répertoires, des catalogues, en veux-tu"? En v'là! De l'argent nouveau, en veux-tu? En v'là!

Le principe qui doit nous guider pour appliquer cette réforme est un principe zéro. Est-ce qu'il est possible de partir en se disant qu'il n'est même pas nécessaire d'avoir une nouvelle commission ou de créer une nouvelle commission? On va se poser la question très sérieusement. Est-il possible de se dire qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter des ressources humaines additionnelles? Là, je pense aux ministères du gouvernement en particulier, je ne pense pas aux corporations municipales. Je sais qu'à votre niveau le problème se pose peut-être plus, mais, ici, chez nous, dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental, je crois qu'on peut, avec les ressources humaines existantes, donner suite à la loi. Donc, même principe.

Au niveau des coûts en argent, même question: Est-ce qu'on peut, à même les crédits qui existent, réussir à réaliser la réforme? Donc, partir du principe zéro et, à

partir de là, je veux que les gens qui travaillent au comité qui nous fait des propositions, au ministère des

Communications, me justifient vraiment, avec une argumentation serrée, solide, fouillée et approfondie, qu'il n'est pas possible de le faire sans ajouter un peu de ceci ou de cela. Au point de départ, mon principe est de partir en disant: On n'a pas besoin d'ajouter d'organismes, on n'a pas besoin d'ajouter de ressources humaines additionnelles, on n'a pas besoin d'ajouter de ressources financières, de crédits additionnels.

Je ne vous annonce pas que la réponse, au bout de la ligne, sera qu'on a pu atteindre cet objectif, mais je préfère partir de cet objectif, quitte à arriver à une conclusion qui s'en éloigne quelque peu, que de partir en me disant: II faut qu'on mette du nouveau monde, il faut qu'on mette beaucoup d'argent là-dedans et il faut qu'on crée de nouveaux organismes, c'est absolument indispensable, sinon, le ministre ne pourra pas se targuer d'avoir fait une véritable réforme de l'accès à l'information gouvernementale. Je pense qu'en bons gestionnaires aujourd'hui, il faut se poser des questions en ces termes-là. J'avoue qu'à votre niveau, peut-être bien que vous n'êtes pas capables de les formuler de la même façon parce que vous partez déjà de rien et vous vous dites: On ne peut quand même pas faire quelque chose à partir de rien, quoique je reconnaisse qu'au départ vous avez peut-être aussi la possibilité de vous poser quand même un minimum de questions du même ordre. Là-dessus, j'aimerais peut-être vous entendre réagir.

M. Bélanger (Charles-Aimé): Pour ce qui est de la question à laquelle vous m'avez demandé de répondre, au sujet des renseignements, nous sommes, dans un bureau municipal, une espèce de banque de renseignements, surtout le secrétaire-trésorier, qui est là depuis plusieurs années. Beaucoup de gens nous appellent pour savoir toutes sortes de choses et on se demande assez souvent si on doit répondre. Nécessairement, il faut dire la vérité, mais est-ce qu'on doit répondre? Que ce soit un bureau de crédit ou quelqu'un qui nous demande quelque chose sur un incendie qui s'est produit, parce que dans une petite municipalité, le secrétaire-trésorier est celui vers qui on se tourne, si le chef pompier est à temps partiel ou bénévole, eh bien, c'est le secrétare-trésorier qui va être contacté. Au niveau des mutations, des transactions qu'il peut y avoir, on sait une foule de renseignements. On se demande très souvent: Est-ce qu'on doit répondre? Là il n'y a rien qui nous dit nécessairement si on le doit ou non. C'est à ce niveau qu'on se pose des questions. On voudrait que ce soit précisé. On veut savoir exactement sur quoi on doit répondre et jusqu'à quel point on doit répondre. C'est un peu ça notre idée.

M. Sirros: Je tiens à mon tour à remercier les représentants de la Corporation des secrétaires municipaux pour leur mémoire. Je trouve franchement que ce sont des gens qui sont appelés à exécuter les décisions prises par d'autres personnes, qui ont la capacité de trouver des moyens pour effectivement mettre en vigueur quelque chose d'une façon beaucoup plus précise et exacte. On voit cela par les questions que vous soulevez. Elles sont effectivement très précises et très exactes. Elles soulèvent des problèmes concrets sur lesquels il va falloir qu'on se penche, ainsi que le ministre, avant la rédaction du projet de loi. Effectivement, comme cela a déjà été soulevé dans votre mémoire, je trouve que la réforme ou la loi-cadre viendra mettre ensemble toutes les différentes lois qui régissent la gestion des documents et l'accès à l'information. Donc, dans un certain sens, cela va faciliter peut-être le travail que vous avez à faire surtout s'il y a des précisions qui sont apportées aux questions que vous soulevez.

Deuxièmement, on a parlé également de l'éternelle question des coûts. C'est très valable aussi de votre part de soulever cette question, parce que effectivement c'est vous qui serez aux prises avec les problèmes de cette loi. J'étais très content aussi d'entendre le ministre dire qu'il s'inscrit dans la démarche qu'on a proposée, hier, à savoir qu'on trouve des moyens pour implanter et appliquer cette loi sans nouveaux crédits. On a sûrement des moyens à vous recommander. On est convaincu que c'est possible de réaliser cette réforme.

Je voudrais simplement vous remercier, encore une fois, et vous dire que, de notre part, on est très soucieux du genre de questions que vous soulevez. On veillera à faire en sorte que la loi soit la plus précise possible pour que les gens puissent l'appliquer d'une manière claire et précise. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il d'autres questions? Cela va. Je remercie les représentants de la Corporation des secrétaires municipaux du Québec.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Union des conseils de comté et des municipalités locales du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît.

Union des conseils de comté et des muncipalités locales

M. Moreau (Jean-Marie): Je dois, au nom de l'Union des conseils de comté et des municipalités locales du Québec, remercier cette commission de nous permettre d'exprimer notre point de vue sur la

commission Paré, sur l'accès du citoyen à l'information. Je voudrais également profiter de cette occasion pour présenter à la commission, Me Gaétane Martel, qui est directeur général adjoint à l'Union des conseils de comté, ou directrice générale adjointe, appelez cela comme vous voudrez elle est là.

Au sein des organismes gouvernementaux, les citoyens se retrouvent souvent démunis de toutes ressources pour obtenir de l'information. La plupart d'entre eux ignorent même jusqu'à quel point des institutions publiques et privées détiennent des renseignements sur leur vie privée. L'Union des conseils de comté croit qu'il est temps que la province de Québec suive l'exemple des autres pays, qu'elle se dote d'une loi sur l'accessibilité à l'information et sur la protection des renseignements personnels. Mais un tel projet de loi doit être envisagé avec prudence. Il doit permettre au citoyen de requérir l'information voulue tout en laissant une certaine autonomie de gestion aux organismes assujettis à une telle loi. À notre avis, de telles mesures devraient aussi s'appliquer aux organismes privés tels que les compagnies de finance, les compagnies d'assurances - je cite des exemples.

L'étude d'un tel projet de loi soulève plusieurs interventions comme nous vous en ferons part dans ce mémoire. Les organismes dont les décisions touchent de près ou de loin le grand public devraient être soumis à une loi sur l'accessibilité à l'information. Nous croyons, comme le rapport de la commission Paré le mentionne, que l'Assemblée nationale, les ministères, offices, régies, commissions, sociétés d'État, les commissions scolaires et les établissements du réseau des affaires sociales doivent être assujettis à une telle loi. Devraient aussi être soumises à cette loi, les communautés urbaines ou régionales et les municipalités locales.

Notre union considère qu'une telle loi doit aussi inclure les organismes privés. En effet, nous croyons que de telles institutions possèdent des banques de données très élaborées sur la population. Chaque individu impliqué devrait pouvoir consulter son dossier. Il est malheureux que, dans la proposition de loi, on ne retrouve pas, M. le Président, des dispositions touchant les organismes privés.

Délibérations de l'organisme. La commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels souhaite, dans son rapport, que les délibérations des conseils municipaux se tiennent au grand jour. Or, le Code municipal prévoit déjà, à l'article 113, que les séances sont publiques. "Les sessions commencent à dix heures du matin, s'il n'en est pas autrement ordonné par l'avis de convocation, par un ajournement, par un règlement ou par une résolution. "Elles sont publiques et ne durent qu'une seule séance, à moins qu'elles ne soient ajournées; les délibérations y doivent être faites à haute et intelligible voix. "La session du conseil comprend une période au cours de laquelle les personnes présentes peuvent poser des questions aux membres du conseil. "Le conseil peut, par règlement, prescrire la durée de cette période, le moment où elle a lieu et la procédure à suivre pour poser une question. "

De plus, la loi 105 sur la démocratie municipale impose plusieurs obligations au conseil municipal. Tout d'abord, le maire et les conseillers doivent déposer annuellement au conseil une déclaration d'intérêt. Ils doivent prévoir une période de questions à chaque séance du conseil. Enfin, le maire doit faire rapport annuellement des finances de la municipalité et rendre public le budget.

L'Union des conseils de comté s'interroge sur l'opportunité de rendre publiques les délibérations des conseils municipaux. Nous croyons que le conseil municipal doit bénéficier d'une certaine autonomie pour accomplir ses travaux.

Qui devrait avoir accès à l'information? Toute personne, peu importe qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, doit bénéficier du droit d'accessibilité à l'information et de la protection des renseignements personnels.

En effet, comme le rapport de la commission Paré le mentionne, il serait difficile de viser uniquement les citoyens canadiens et exclure les étrangers, car ces données sont fréquemment impliquées dans des décisions d'organismes publics. Nous croyons donc logique qu'ils puissent y avoir accès.

Qui peut utiliser l'information? L'Union des conseils de comté croit que toute personne a droit d'être informée et de consulter des documents contenant des renseignements personnels. Elle a, de plus, le droit de savoir qui a consulté son dossier et pour quels motifs. De plus, toute personne habilitée à la représenter peut aussi obtenir les renseignements demandés.

Quelle information doit être accessible? Toute documentation ayant servi à une prise de décision de la part d'un organisme peut être consultée après que ladite décision a été rendue. Par contre, certains documents devraient obligatoirement être tenus secrets tels, premièrement, certains renseignements ayant des implications sur les relations intergouvernementales; deuxièmement, les documents ayant des implications sur les négociations entre les organismes publics; troisièmement, les renseignements à

caractère économique tel que le mentionne la commission Paré, dont la divulgation aurait pour effet de révéler pour une municipalité, des projets d'emprunt ou de taxation ou d'alinéation de biens, alors que ces projets ne sont pas encore rendus publics; 4° renseignements relatifs aux secrets industriels et commerciaux; 5° renseignements relatifs aux dossiers de police; 6° ceux relatifs à la sécurité de l'État. L'Union des conseils de comté du Québec appuie les recommandations de la commission sur ce sujet. (12 h 30)

Comment doit-on procéder pour obtenir certains renseignements? La procédure d'accès se doit d'être simple. Elle ne doit pas, non plus, entraîner une surcharge de travail pour l'administration municipale. Cette future loi devrait laisser une certaine liberté aux organismes quant à la procédure à suivre pour obtenir une information. Il en va de même pour les frais à payer afin d'obtenir des documents. Le coût de reproduction n'est sûrement pas le même pour tous les organismes. De plus, ces derniers n'ont pas tous les moyens financiers nécessaires.

Dans l'hypothèse d'un refus, à qui peut-on en appeler? Nous pouvons envisager plusieurs solutions: les tribunaux de droit commun, une régie ou l'ombudsman. Le rapport de la commission Paré propose une commission de l'accès aux documents des organismes publics. À notre avis, cette solution s'impose. L'individu qui se voit lésé pourra alors s'adresser à un palier supérieur afin de faire valoir ses droits. La commission Paré a, de plus, prévu des possibilités d'en appeler à la Cour d'appel sur toute question de droit. Nous croyons que cette solution semble celle qui protège les droits des individus.

En conclusion, M. le Président, l'Union des conseils de comté du Québec se réjouit du fait que le gouvernement ait entrepris une telle démarche. Une loi sur l'accessibilité à l'information est nécessaire dans notre monde actuel afin de protéger les renseignements privés des contribuables. Nous souhaitons, de plus, qu'une telle loi sur l'accessibilité à l'information, entraîne comme conséquence une augmentation de la bureaucratie... n'entraîne pas, dois-je dire, une augmentation de la bureaucratie au sein de nos municipalités et ne diminue pas la liberté de gestion de nos dirigeants municipaux.

L'Union des conseils de comté du Québec formule le désir que le projet de loi s'étende aussi au domaine privé. Nous souhaitons que ces quelques remarques seront prises en considération par l'Assemblée nationale et par le gouvernement.

Ceci dit, M. le Président, j'aimerais ajouter que l'Union des conseils de comté du

Québec est à la disposition du gouvernement et particulièrement du ministère des Communications à l'avenir, si, évidemment, le rapport de la commission Paré prend la forme d'un projet de loi. Nous voulons également nous réserver le droit d'intervenir à nouveau, quand ce projet de loi aura pris forme, sur les dispositions du projet de loi comme telles, soit devant une commission parlementaire ou par tout autre moyen, s'il y a des dispositions dans le projet de loi qui nous semblent préjudiciables à l'administration municipale.

Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. Moreau. M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, je vais faire plaisir au député de Marguerite-Bourgeoys comme ce n'est pas possible et je vais simplement dire: Je constate que vous êtes "de" pour et que vous seriez même prêts à nous inviter à aller beaucoup plus loin et à recouvrir l'ensemble du secteur privé. Là-dessus, j'en réfère simplement aux remarques de la commission Paré qui dit: Nous n'avons pas eu le temps d'étudier tout ce secteur, mais il y a certainement matière à réflexion. Dieu sait que vous avez raison. Alors, ce sera probablement un autre dossier qui viendra un jour, de voir s'il n'y a pas lieu de commencer à réfléchir sur la notion de démocratie financière, économique et commerciale au niveau de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels.

Pour le reste, je vous remercie infiniment pour la teneur et la tenue de votre mémoire. J'apprécie hautement de savoir qu'une Union des conseils de comté du Québec, qui représente tout près de 1200 municipalités, donne ainsi, de façon très claire, son accord au principe et j'oserais même dire à l'ensemble des modalités du rapport Paré, quitte à ce que nous soyons sensibles aux problèmes particuliers que vous pouvez rencontrer. Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, loin de moi l'intention de museler le ministre, mais je le remercie de sa brièveté. On a quand même une dizaine d'organismes à entendre aujourd'hui. En effet, votre mémoire ne provoque pas beaucoup de questions - je vous en remercie - étant donné l'appui général que vous donnez au rapport Paré, à cette démarche, et même vous vous permettez d'aller plus loin en ce qui concerne les organismes privés. De notre part, j'aurais peut-être des questions, mais à ce moment... J'en ai une, mais je ne veux pas non plus pécher de la même façon que le ministre l'a

fait autrefois. C'est simplement en ce qui concerne les délibérations du conseil. Vous dites, à la page 2, "l'Union des conseils de comté s'interroge sur l'opportunité de rendre publiques les délibérations des conseils municipaux. " Déjà, les séances de ces conseils sont publiques. Qu'est-ce que vous voulez toucher de façon précise que vous souhaiteriez qui demeure confidentiel?

M. Moreau: M. le Président, je ne voudrais pas répéter tout ce qui a été dit ce matin en ce qui concerne la confidentialité de certaines délibérations dans ce que j'appellerais les caucus d'un conseil municipal. Il y a des caucus de conseillers municipaux où on traite particulièrement des individus, des questions qu'on a mentionnées comme étant des projets ou des choses comme celles-là, qui sont en gestation. Je pense qu'à ce moment la confidentialité doit être respectée. C'est pour cela qu'on dit dans ce document - qui pourrait être plus clair, mais on se réserve de revenir sur ce point, si le gouvernement nous le permet, quand le projet de loi va avoir pris forme -avoir certaines réserves quant aux discussions d'un caucus dans un conseil municipal. D'ailleurs, les décisions d'un conseil municipal, à mon sens, sont toujours des décisions publiques. Que je sache, même dans le monde municipal rural, dans les petites municipalités, les assemblées de conseils municipaux, la plupart du temps - il y a peut-être des exceptions - sont des assemblées où les décisions se prennent publiquement. Cela ne veut pas dire qu'à un moment donné les conseils municipaux ne tiennent pas d'assemblées privées, mais il ne se prend pas de décisions. La plupart du temps, durant les périodes de questions, quand les décisions sont prises officiellement par le conseil municipal, il y a des gens qui posent des questions, surtout quand les deniers publics sont impliqués.

Il reste tout de même - c'est pour cela qu'on le dit au début de notre rapport - qu'il faut être prudent, même si on est d'accord avec tous les principes de l'accessibilité à l'information. Il y a des discussions qui se font au niveau des conseils municipaux. Je cite l'exemple de la liste des retardataires quant au paiement des taxes. Tant et aussi longtemps que la municipalité ne décide pas de faire vendre à l'enchère publique le bien-fonds, cela doit demeurer confidentiel, par exemple, quelqu'un qui a des problèmes à payer ses taxes. Ce n'est pas la façon d'aller vraiment percevoir le paiement des taxes que de déclarer à l'assemblée publique que M. Untel est en retard dans le paiement de ses taxes. C'est dans ce sens que nous parlons d'assemblées qui devraient être à certains moments des assemblées à huis clos, dans le sens également qu'il ne faudrait pas non plus... J'incite le gouvernement à la prudence dans ce domaine. Qu'on établisse bien clairement, noir sur blanc, dans un projet de loi, que tout doit être rendu public, c'est beau d'avoir des documents où c'est bien tranché, mais il reste tout de même qu'il ne faudrait pas pousser les conseils municipaux, et sans préjudice, à la clandestinité. Je pense bien qu'on s'entend là-dessus. C'est ma réponse.

M. Lalonde: Seulement un dernier mot là-dessus, parce que cela a été soulevé par l'Union des municipalités. La fonction d'un élu municipal est moins clairement catégorisée que, par exemple, au niveau du gouvernement, où vous avez la fonction administrative, ou qu'on appelle exécutive, qui est exercée par le Conseil des ministres, et la fonction élective de député, qui est exercée à l'Assemblée nationale, alors que l'échevin, pour un conseil municipal, ou un conseiller fait de l'administration, participe à des décisions administratives. C'est dans ce sens, je pense, que vous faites une distinction. Quant à nous, nous sommes d'accord que cette distinction doit être faite, et nous espérons que le ministre, lorsque la loi sera proposée, aura réussi à faire justement cette distinction entre les deux fonctions électives et administratives.

M. Bertrand: Là-dessus, je suis moi aussi très préoccupé par le problème. La seule difficulté, c'est qu'il y a un certain nombre de municipalités au Québec qui ont des comités exécutifs; toutes les municipalités n'en ont pas. Dans le cas des comités exécutifs, ça va très bien, ce qui est fait au comité exécutif, c'est, par analogie, ce qui se fait au Conseil des ministres. Mais des centaines de municipalités n'ont pas de comité exécutif, et le comité exécutif, c'est le conseil municipal. J'aimerais beaucoup, M. le président, que vous puissiez nous faire parvenir, à l'ensemble des parlementaires et aux ministères en particulier, ces détails requis pour qu'on puisse travailler ça un peu mieux - vous parlez des délibérations - où se situe la frontière, où est la limite, pour quel type de dossiers, pour quel type de problèmes il faudrait, à moment donné, qu'on ait la prudence élémentaire de protéger le processus décisionnel qui peut être pris par rapport au processus délibératif du conseil municipal.

Je vous avoue que c'est très délicat, et il n'y a pas de limite facile à cerner. J'aimerais beaucoup que vous nous fassiez parvenir, là-dessus, un élément de réponse plus fouillé.

M. Moreau: On le fera certainement, M. le Président. D'ailleurs, c'est très vrai, ce que M. le député de Marguerite-Bourgeoys disait. Je voudrais citer un autre exemple.

Dans les municipalités rurales, souvent, le maire ou des conseillers municipaux - ça dépend qui le citoyen ou le contribuable a adopté et trouve le plus sympathique pour lui - reçoivent des appels téléphoniques, des confidences de la part d'un contribuable qui, souvent, ont des répercussions au niveau de l'administration municipale. Je tiens pour acquis, que ce soit le premier ministre du Québec ou que ce soit un simple citoyen qui m'appelle ou me rend visite à ma résidence, que ça doit toujours être tenu sous l'aspect de la confidence. C'est quelque chose qui ne doit pas être rendu public, à mon avis.

C'est dans ce sens que - je pense que M. le ministre l'a bien cerné tout à l'heure -il va falloir qu'on trouve vraiment la démarcation où la confidence doit être préservée par rapport à ce qui doit être publicisé. Je pense bien que notre union se fera un devoir, d'ici quelques semaines, de vous faire parvenir son point de vue là-dessus, si ça peut aider.

Je voudrais aussi, avant de vous quitter, M. le Président, apporter une correction à ce document, à la page 3 où on dit: "L'Union des conseils de comté croit que toute personne a droit d'être informée et de consulter des documents...

Mme Martel (Gaétane):... contenant des renseignements personnels la concernant. "

M. Moreau: Je voudrais ajouter "la concernant" à ce mémoire.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Gaspé.

M. LeMay: M. Moreau, il me fait plaisir de vous rencontrer. On a souvent travaillé ensemble comme préfet de comté, on va sûrement le faire encore. Je tiens à souligner que votre rapport est peut-être un des seuls - on n'a pas terminé - qui représente un organisme prêt à aller plus loin qu'un éventuel projet de loi tel que présenté.

M. Bertrand: La Ligue des droits.

M. LeMay: Oui, la Ligue des droits, mais dans un domaine bien précis.

Une voix: A l'ordre! À l'ordre!

Le Président (M. Rochefort): Vous avez raison, M. le député de Gaspé. (12 h 45)

M. LeMay: J'aimerais quand même vous entendre sur un sujet, M. Moreau. On retrouve dans votre introduction: "II doit permettre au citoyen de requérir l'information voulue, mais tout en laissant une certaine autonomie de gestion aux organismes. " À la page 4, vous revenez et vous dites: "Cette future loi devrait laisser une certaine liberté aux organismes... "

Vous parlez d'une certaine autonomie, d'une certaine liberté. Est-ce qu'on doit deviner à l'intérieur de cela que vous aimeriez avoir un article assez flou, assez vague, incolore, inodore et sans saveur qui vous permettrait de faire à peu près ce que vous voulez?

M. Moreau: II ne faudrait pas, M. le Président, me faire dire des choses que je n'ai pas dites. Cela est toujours relié à cette question que même la commission n'a pas définie, c'est-à-dire ce qui doit être confidentiel et ce qui doit être divulgué; on en a parlé tout à l'heure. Évidemment, il est bien entendu que le monde municipal, formé des élus au suffrage universel, doit conserver une certaine autonomie dans le domaine de l'administration publique. C'est dans ce sens qu'on doit interpréter les propos tenus dans ce mémoire. Ce n'est pas dans le sens de dire que le conseil municipal pourra, quand on aura défini ce qui doit être publié et ce qui doit rester confidentiel, quand le projet de loi aura pris forme, autoriser la municipalité à déroger au projet de loi. La commission, avec tout le respect que le lui dois, n'a pas cerné d'une façon très précise -je ne veux pas parler des autres organismes qui sont impliqués - les relations d'un conseil municipal ou des conseillers municipaux avec des citoyens, des contribuables par rapport à ce qui doit être rendu public. J'imagine que le citoyen qui entre dans le bureau du maire, ou d'un conseiller, qui sollicite une rencontre, une entrevue, au départ, c'est confidentiel. Vous citiez tout à l'heure la question des taxes. J'imagine que lorsque le conseil municipal délibère sur les arriérés de taxes, ce ne doit pas être publié. On peut dire qu'il y a un montant X de taxes impayées, mais on ne peut pas nommer, identifier des personnes, surtout dans le milieu rural, c'est encore plus grave. Des personnes ont des difficultés à faire leur paiement de taxe, sauf dans le cas... et là je pense qu'on retrouve la distinction qui doit se faire entre ce qui doit être confidentiel et ce qui doit être public. Quand le conseil municipal décide de faire vendre la propriété pour taxes, cela, c'est public, mais tant qu'on n'est pas rendu là... Je pense bien que lorsqu'un conseil municipal demande au secrétaire-trésorier de lui fournir la liste des personnes qui ont des arréraqes, ce doit être confidentiel. C'est un exemple.

M. LeMay: Mais M. Moreau, ce n'était pas nécessairement le but de ma question. Vous dites que la commission a mal cerné ce qui devrait être publié ou non publié. Est-ce que vous souhaiteriez qu'à l'intérieur d'un éventuel projet de loi ce soit énuméré très clairement?

M. Moreau: Au maximum.

M. LeMay: À ce moment-là, votre autonomie ou votre supposée certaine liberté aux organismes n'a plus sa raison d'être, si c'est précisé dans la loi.

M. Moreau: Quand on l'aura clarifié dans la loi, je pense bien que cette partie de notre mémoire n'aura plus sa raison d'être.

M. LeMay: Merci.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Plusieurs fois, dans les discussions depuis deux jours, on a laissé sous-entendre que les membres de l'Assemblée nationale avaient un certain secret professionnel, des choses que les citoyens leur disaient dans le cours de leurs travaux. Je voudrais juste noter que ce secret est loin d'être garanti présentement par les lois. Il y a eu effectivement des cas, un en Ontario, où un député a été accusé, si je ne m'abuse, de délit de justice, pour ne pas avoir voulu divulguer des informations qu'il avait recueillies dans le cours de son travail.

Mon intervention vise une autre chose, c'est-à-dire à vérifier si j'ai bien compris votre position face à la divulgation d'information que posséderaient des entreprises privées. Ce que j'ai compris, c'est que vous désirez que des entreprises privées qui détiennent des informations sur un citoyen soient forcées de les divulguer à ce citoyen.

Est-ce que, dans votre pensée, vous voudriez forcer cette entreprise à divulguer d'autres informations, par exemple, ses bilans financiers, ses droits, ses patentes ou ses formules? Est-ce que vous iriez aussi loin que cela?

M. Moreau: M. le Président, en ce qui concerne le côté financier des entreprises, ce n'est pas cela qui est visé, le fisc s'en charge de façon très efficace.

Il y a des données que certaines entreprises privées ont sur les citoyens - je veux parler de certaines corporations - et le citoyen n'est même pas au courant des dossiers que certaines entreprises privées possèdent sur sa personne. Je pense que, si ce n'est pas au niveau du citoyen, ce devrait certainement être au niveau de la commission ou devant un organisme quelconque que ces entreprises privées devraient répondre de la façon dont elles se sont procuré ces dossiers et ces informations-là et dire ce qu'elles en font, de quelle façon elles les utilisent. C'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Beaumier: Pas de questions.

Le Président (M. Rochefort): Je remercie les représentants de l'Union des conseils de comté et des municipalités locales du Québec de s'être présentés devant nous.

J'inviterais maintenant les représentants des Amputés de guerre du Canada à prendre place et à s'identifier, s'il vous plaît.

Amputés de guerre du Canada

M. Tremblay (Léonard): M. le Président, mon nom est Léonard Tremblay; je suis le représentant de la succursale de Québec de l'association des Amputés de guerre du Canada. À ma droite, M. Paul Bédard qui est trésorier régional de cette association et Mlle Quijada qui est adjointe administrative à nos quartiers généraux à Ottawa et, à ma gauche, M. Jean Bergeron qui est le gérant du service de porte-clés des Amputés de guerre du Canada et, à mon extrême gauche, M. Vallières qui est le directeur général de cet organisme-là.

Je n'ai pas de préambule; j'ai le mémoire dont vous avez probablement copie. Comme préambule je dirais ceci: Après avoir prêté une oreille très attentive à ce qui s'est dit ici ce matin, je me suis demandé à un moment donné: Est-ce que notre mémoire n'est pas, quand même de nature trop restreinte pour être livré à une assemblée comme la vôtre. De toute façon, il a été accepté, nous avons été demandés ici, ce matin, j'ai la réponse.

Si vous me le permettez, sans autre préambule, je vais lire ce mémoire qui touche un aspect bien particulier du rapport de la commission Paré. Le sujet, comme l'indique mon mémoire, est l'utilisation confidentielle de la liste des détenteurs de permis de conduire pour distribution et retour des porte-clés codés confidentiels. Cela peut paraître un galimatias. Je présume que la plupart d'entre vous avez reçu, au cours des années antérieures et même depuis plusieurs années, des porte-clés fabrigués par les amputés de guerre du Canada. Il s'agissait, pour quiconque trouvait ce porte-clés, de le mettre à la poste et il vous était retourné.

Je vais procéder à la lecture de mon mémoire et je pense que tout s'éclaircira au fur et à mesure. Il est très court, d'ailleurs, il est très bref. Je suis conscient que l'heure avance.

Nous croyons comprendre que le gouvernement du Québec entend restreindre l'utilisation de la liste des conducteurs d'automobile, c'est-à-dire des détenteurs de permis de conduire. Depuis plusieurs années

déjà, depuis 1948, les amputés de guerre du Canada reçoivent la liste en question. On nous remettait même auparavant une liste de tous les propriétaires de véhicules motorisés enregistrés. Ces listes nous sont utiles lorsque nous mettons nos porte-clés à la poste. Si on nous refusait l'utilisation de la liste susmentionnée, les conséquences s'avéreraient très sérieuses pour notre programme des porte-clés, sans oublier nos autres activités à caractère charitable dans la province de Québec.

Informations relatives aux amputés. Nous sommes le seul organisme à dispenser une gamme de renseignements aussi complets en langue française au sujet de l'amputation et de ses séquelles. Une grande partie des données ont trait à la prothétique et regardent directement tous les amputés et non pas seulement ceux qui ont subi des blessures lors de conflits armés. Notre organe officiel, Fragment, ce qui est assez explicite, offre en outre une information de nature générale sur les pensions. Cette publication est sans doute la seule source de renseignements qui traite en langue française de ces détails de la plus haute importance pour les amputés.

À titre confidentiel. Il est entendu que cette liste de noms et adresses est strictement confidentielle. Nous sommes en quelque sorte les gardiens de ces listes que nous envoient les gouvernements provinciaux depuis 1948 et, pour autant que nous le sachions, jamais il n'y a eu de plainte eu égard à l'usage abusif de la liste en question. Nous ne prêtons ladite liste à aucune personne ni aucun organisme et nous l'utilisons exclusivement lors de la mise à la poste des porte-clés ou pour retourner les clés perdues. Depuis 1975, nous utilisons l'expression "porte-clés codé confidentiel" et nous croyons que le public a confiance en nous, car il sait que nous prenons les précautions nécessaires contre toute indiscrétion envers nos bienfaiteurs. C'est un fait, nous avons dans la province de Québec, de nombreux usagers qui ont recours à nos services, ce qui semble bien prouver la grande confiance dont le public nous honore.

Les amputés de guerre ont toujours cru que chaque individu a droit à la discrétion et que ce même droit doit être protégé. Encore une fois, nous affirmons prendre toutes les précautions possibles pour nous assurer que les noms qu'on nous remet ne serviront pas à un double usage et nous signalons un engagement attestant qu'on ne vendra ou ne prêtera ces listes et qu'aucun renseignement ne sera transmis à d'autres personnes ou organismes. Qui plus est, notre ordinateur confidentiel rend impossible à qui que ce soit tout accès aux renseignements que renferment ces listes.

Autres provinces: Les autres provinces du Canada ont des lois restrictives quant à la divulgation des noms et adresses des détenteurs de permis de conduire. À cet égard, toutes les provinces ont fait exception dans le cas des amputés de guerre du Canada. Pour ce faire, la réputation que nous avons de protéger le caractère confidentiel de tout renseignement y est sans doute pour quelque chose, en outre, évidemment, du service que nous rendons aux automobilistes à savoir leur rendre leurs clés perdues. (13 heures)

Les divers programmes à caractère charitable que nos mises à la poste des plaques porte-clés rendent possibles sont sans doute une autre raison pour laquelle les gouvernements provinciaux nous permettent l'accès à ces listes. En outre, mis à part tous autres aspects de la présente question, le fait de rendre service aux automobilistes nous semble être une justification satisfaisante pour qu'on remette à nos organismes les noms et adresses de tous les conducteurs de véhicules motorisés.

Activités à caractère charitable. Un trait distinctif de nos activités pour l'année internationale des personnes handicapées fut la production d'un film primé ayant pour titre: Comme les autres... et un peu plus.

Ce film, dont le tournage se terminait l'automne dernier, a comme vedette principale, Louis Bourassa, amputé d'une jambe, de Sherbrooke, Québec. Louis est âgé de neuf ans. Il est un des meilleurs exemples de courage et de succès en réadaptation que nous connaissions au pays.

Le film suit l'évolution de Louis, à partir de son accident, alors qu'il avait quatre ans. Nous le voyons progresser jusqu'à aujourd'hui. On a, en outre, filmé des entrevues avec ses parents qui témoignent des luttes qu'ils ont dû livrer, non seulement lors de la réadaptation de Louis, mais contre la société elle-même.

Beaucoup d'autres enfants amputés ont figuré dans le film et des entrevues avec leurs parents se sont avérées une mine de renseignements quant à leur réaction. On a aussi filmé des entrevues avec d'autres parents d'enfants amputés.

On a, en outre, interviewé et filmé des spécialistes, chefs de file des soins de la santé pour amputés du Centre de réadaptation de Montréal et d'autres cliniques québécoises pour amputation, bien connues au pays. Ces témoignages dévoilent une information poussée et nous révèlent que le grand public n'est pas conscient des conditions de vie des amputés et autres personnes handicapées dans la société actuelle.

L'association avait auparavant tourné un autre film, primé lui aussi, qui avait pour titre: Jouez prudemment. Ce film a mérité une médaille d'argent au Festival international du film et de la télévision, à

New York, sans oublier la médaille de bronze remportée au Festival international du film, à Miami.

Conçu pour les étudiants, ce film utilise une technique dite d'enfants à enfants. Le film fut tourné dans les environs de Québec et au lac Delage, dans les Laurentides. Les enfants racontent brièvement leur accident et démontrent l'importance de la sécurité au jeu.

Les amputés de guerre du Canada ont tourné un troisième film intitulé: Jason et ses amis. Ce serait assez difficile de vous dire ça en français. Ce film raconte l'histoire de trois fillettes et huit garçons, tous amputés, qui arrivent de tous les coins du Canada pour prendre part au défilé de la coupe Grey sur le char allégorique des amputés de guerre et pour assister au match de la coupe Grey. Ce film démontre bien que ces enfants peuvent jouer et jouir de la vie en général, tout autant que les enfants non amputés.

Tous ces films sont offerts à titre gratuit, soit comme prêts ou dons aux commissions scolaires, aux bibliothèques, ou encore à d'autres maisons distributrices de films que l'amputation intéresse.

Avantage pour le public. Nous croyons qu'il est juste d'affirmer que notre service des plaques porte-clés a considérablement aidé le grand public. Nous offrons aux Canadiens un service bien rodé par le truchement duquel leurs clés perdues sont retournées. Au cours des 33 dernières années, ce service nous a permis de retourner sans aucuns frais des centaines de milliers de trousseaux de clés perdues. Grâce au service des plaques porte-clés, on peut embaucher des amputés et autres citoyens sérieusement handicapés de par tout le Canada. Pour desservir à temps plein nos clients du Québec, nous avons cette année ouvert un bureau d'affaires dans cette province.

Menace à la continuation des services. Nous devons compter sur les provinces pour obtenir les listes des noms et adresses des automobilistes. Sans ces listes, nous n'aurons d'autre choix que de discontinuer le service des plaques porte-clés. Il serait peut-être possible d'acheter de telles listes d'une source non officielle, mais ce serait là aller à l'encontre de la nature même de notre organisme qui se veut une institution de charité.

Nous sommes au service du public depuis 1948 et ce, du mieux que nous le pouvons. Nous croyons qu'une partie de la confiance que nous accorde ce même public provient de cette entente que nous avons pu, jusqu'ici, maintenir avec les gouvernements provinciaux qui nous procurent ces listes de noms et adresses nécessaires à notre oeuvre. Je m'excuse, j'ai dû errer dans mon intonation.

Nous comprenons très bien les préoccupations actuelles, eu égard à la protection des données relativement à la liste d'enregistrement des conducteurs de véhicules motorisés. Par contre, pour autant que nous le sachions, personne n'a présenté de plaintes du fait que les amputés de guerre du Canada ont accès à cette liste de noms et adresses. Il appert que la confiance et l'appui que nous témoignent les gouvernements provinciaux reposent sur nombre de facteurs, entre autres: premièrement, nous avons fait nos preuves sur le plan de la discrétion; deuxièmement, nous offrons un service de valeur, grâce au retour des clés perdues; troisièmement, nous offrons du travail en atelier protégé à des personnes handicapées; quatrièmement, nos fonds servent à des programmes d'aide très bien connus.

Dépenses pour oeuvres de charité. Les fonds qu'on dépense directement pour le mieux-être des amputés québécois sont administrés par nos succursales des villes de Québec et de Montréal. Qui plus est, des sept membres du conseil national, deux sont des membres francophones de la province de Québec. Le personnel de notre siège social est entièrement bilingue. Ce dernier traite avec le public dans la langue de son choix.

Autres activités à caractère charitable: a) Le bureau des services où oeuvre un personnel qualifié en vue d'aider les handicapés lorsqu'ils présentent des demandes de compensations monétaires aux termes de la Loi sur les pensions aux anciens combattants, pour obtenir la pension d'invalidité octroyée en vertu du régime de pensions du Canada ou encore toute autre pension à laquelle la personne handicapée aurait droit, qu'elle soit accordée par les gouvernements fédéral, provincial ou municipal. Le personnel en question voit aussi au logement et à l'embauche de certains handicapés sans oublier des services d'orientation lorsque c'est nécessaire. b) Un programme prothétique de nature à renseigner les intéressés sur les récentes mises au point touchant les membres artificiels et pour subventionner des projets de recherche que l'association dirige et confie à un groupe de personnes ou à des organismes qualifiés. c) La publication de la revue de l'association qui se donne comme objet de renseigner les handicapés canadiens, eu égard aux dédommagements versés pour une personne handicapée physique, sur toute aide technique mise à sa disposition, en sus d'offrir une information pertinente sur "la prothétique" et sur tout ce qui existe oour aider la personne handicapée à faire face à ses incapacités physiques. d) La mise sur pied d'un programme de liaisons civiles par l'entremise duquel les Amputés de guerre fournissent des services d'orientation et une aide financière à

d'autres amputés (civils) dont l'infirmité n'est pas imputable à la guerre. e) Le programme pour enfants amputés offre aux jeunes amputés une aide spécialisée partant de dons de prothèses de tout genre jusqu'au financement de hautes études, selon le cas. Le programme susmentionné comprend, en outre, des services d'orientation pour encourager et aider ces enfants, victimes de l'amputation, à faire face à leur handicap. f) Le maintien d'un service de renseignements pour les amputés de guerre et autres personnes. Ce service permet de profiter des recherches effectuées à l'échelle mondiale, comprend une bibliothèque, réelle mine de renseignements sur tout ce que peut représenter l'amputation et ses répercussions. Le service en question comprend en outre nombre de films produits par l'association. g) Assurer des subventions aux amputés en cas de déboursés inattendus, qu'ils soient directement liés ou non à l'amputation. h) La mise sur pied d'un programme d'allocations de subsistance aux survivants pour aider financièrement les veuves et veufs dans le besoin. i) Lancer un programme de subventions destinées au domaine de la santé et des loisirs pour certains membres actifs qui en ont besoin pour faire face à leur handicap lorsque leurs propres moyens financiers ne suffisent pas. j) Le programme de prudence dédié aux enfants. Par l'entremise de ce programme, on a produit des films, des rubans sonores et rédigé des publications en vue de prévenir les accidents qui peuvent entraîner une amputation. k) Au cours des quatre dernières années, environ 40 000 $ furent dépensés en subventions pour les prothésistes afin de leur permettre de se perfectionner, À compter de 1981, une somme d'environ 10 000 $ est mise de côté spécifiquement pour répondre aux besoin des prothésistes.

Accès aux listes dans d'autres provinces. Nous avons accès aux listes des détenteurs de permis de conduire dans les autres provinces. A titre d'information, nous nous sommes permis d'annexer au présent mémoire de la correspondance avec la province de la Nouvelle-Écosse, de la Saskatchewan et du Manitoba.

Conclusions. Nous croyons vraiment rendre un service valable, un service qui en vaut la peine aux automobilistes et autres citoyens du Québec, tout en assurant que leurs nom et adresse seront traités confidentiellement et avec la plus grande discrétion. Nous croyons en outre que ces fonds perçus grâce à notre service de plaques porte-clés nous ont permis de rendre des services exceptionnels et uniques aux amputés du Québec. Nous espérons pouvoir continuer d'avoir accès à cette liste des conducteurs de véhicules motorisés. Naturellement, nous sommes prêts à payer tous les frais inhérents à cette même liste. Si nécessaire, il nous fera plaisir de rencontrer vos représentants pour discuter plus à fond de cette question. 11 y a les trois annexes dont je vous ferai grâce. J'ajouterai en terminant, M. le Président, qu'il nous fera plaisir de mettre à la disposition de cette commission tout renseignement additionnel qui n'aurait pas été couvert dans le présent mémoire. Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez fourni de faire cet exposé.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: M. Tremblay, vous vous excusiez presque tantôt de présenter un mémoire après l'Union des municipalités, l'Union des conseils de comté et la Corporation des secrétaires municipaux. Je dois vous dire au contraire que votre mémoire est tout à fait à propos, parce que vous êtes effectivement le seul groupe inscrit à cette commission parlementaire qui vient nous poser le problème de la transmission d'informations contenues dans nos fichiers à des organismes qui poursuivent des objectifs d'oeuvres charitables et je ne connais pas exactement, je ne connaissais même pas l'existence de ce service. J'ai une voiture. Je ne sais pas. Peut-être que je n'ouvre jamais mon casier postal pour prendre mes factures, mais on m'a parlé depuis de l'existence de ce service et plusieurs personnes en profitent.

Vous posez par votre organisme un problème beaucoup plus général, il faudra prendre une décision pour savoir si des organismes comme le vôtre pourraient avoir le droit de signer avec des organismes publics des ententes qui seraient entérinées par une éventuelle commission d'accès aux documents des organismes publics en s'assurant qu'on puisse avoir tous les moyens pour vérifier la confidentialité des renseignements que vous obtenez grâce à cette entente et en s'assurant que vous vous en servez bien pour les objectifs pour lesquels vous les avez obtenus.

C'est un problème de principe, global, que vous posez et vous êtes le seul organisme à nous inviter à réfléchir très sérieusement sur cette possibilité. Je ne sais pas à priori, si tout ce que vous nous avez dit dans votre mémoire est exact, je ne suis pas porté à en douter, je vous fais confiance là-dessus, vous semblez prendre toutes les précautions nécessaires pour que les informations que vous obtenez soient vraiment protégées, gardées très confidentiellement et vous semblez même avoir établi une appellation où nous sommes tous appelés entre nous des gens codés.

(13 h 15)

Vous avez même un ordinateur confidentiel; je voudrais le rencontrer, savoir comment vous faites, parce que nous autres nous avons des problèmes. On a des ordinateurs qui ne le sont pas, il y a effectivement des organismes qui reçoivent des renseignements du gouvernement, cela a paru dans les journaux et pose des problèmes, c'est ce que nous voulons régler.

Le problème de fond est là. Est-ce qu'on doit ouvrir, par un article dans la loi, la possibilité qu'il y ait des organismes comme le vôtre qui profitent de l'obtention de ces renseignements nominatifs à des fins très particulières? Je vous avoue que mon idée n'est pas faite là-dessus. Si on le fait pour les amputés de guerre, il faut accepter de le faire à priori pour toute organisation, toute oeuvre charitable, dont les objectifs seraient aussi louables que les vôtres et qui, profitant de ces renseignements, pourraient aller chercher certaines sources de revenus.

En passant, la vente de ces porte-clés, l'offre que vous faites au public de vous verser des montants d'argent à la suite de la réception de ces porte-clés, rapporte combien aux amputés de guerre du Canada et en particulier, aux amputés de guerre du Québec? Est-ce que vous avez une réponse à ce sujet? Est-ce qu'il y a un montant?

M. Tremblay (Léonard): Voilà une excellente question, M. le ministre. Nous n'avons pas apporté avec nous notre dernier bilan financier, mais je m'en remettrais à M. Bergeron pour répondre à cette question, c'est le gérant de cette manufacture, si on peut l'appeler ainsi.

M. Bergeron (Jean): M. le ministre, la meilleure manière de répondre à cette question serait de vous dire que nous suggérons 1 $ pour un jeu de plaques porte-clés. Au Québec même, nous recevons une réponse pour cinq jeux que nous postons. Le montant exact pour le Québec, c'est le problème. Nos rapports sont pour le Canada au complet.

M. Bertrand: Combien pour le Canada?

M. Bergeron: Environ 3 500 000 $ par année que nous recevons.

M. Bertrand: Par les porte-clés? M. Bergeron: Par les porte-clés.

M. Bertrand: Je vais en parler à M. Parizeau.

M. Tremblay (Léonard): Ce n'est pas un montant net.

M. Bergeron: Ce n'est pas un montant net. C'est le chiffre brut. Nous devons soustraire les frais de poste, les salaires de nos employés, de nos usines, etc.

M. Bertrand: Vous n'avez pas le chiffre pour le Québec?

M. Bergeron: Non. Je n'ai pas le montant pour le Québec. On pourrait le fournir au prochain rapport.

M. Bertrand: Oui, si ce n'est pas confidentiel.

M. Bergeron: Non. Nos livres sont ouverts.

M. Bertrand: D'accord. Et ces revenus sont utilisés pour l'ensemble des services ou si l'opération porte-clés va pour certaines fins très particulières. Est-ce que cela va dans l'ensemble des revenus des amputés de guerre du Canada ou si c'est affecté à des postes particuliers?

M. Bergeron: C'est pour l'association du Canada. Cela va aux programmes des enfants amputés, les mini-bus dans les plus grandes villes et programmes semblables.

M. Tremblay (Léonard): Si vous le permettez, M. le ministre, j'aimerais peut-être compléter. Quand vous parlez de postes, en tant qu'ancien fonctionnaire, je vois où vous voulez en venir. Nous avons divers programmes, comme M. Bergeron vient de le dire, auxquels sont attribués certaines sommes d'argent. Il y a un budget annuel qui est fabriqué et, dans ce mémoire, nous avons essayé de décrire brièvement que nous étions producteurs de films éducatifs, comme: Jouez prudemment, Jason et ses amis, Les autres... et un peu plus. Produire des films, si vous avez une petite idée, c'est quelque chose qui coûte assez cher.

Nous avons également entre 250 et 275 jeunes enfants qui font partie d'un programme qui, malheureusement, ne se traduit pas en français. En anglais, on l'appelle CHAMP. On se sert des deux premières lettres du mot enfant, "child" et AMP pour "amputee". Malheureusement, je n'ai jamais pu trouver de définition française à cela. Ce programme fournit de l'aide. Cela peut aller d'une jambe qui sert à la natation jusqu'à des études universitaires. Nous avons des cas patents présentement à qui nous offrons ces services. Nous avons fourni des chaises, des fauteuils roulants, par exemple, à des personnes qui, autrement, n'étaient pas admissibles. La recherche sur les prothèses est un élément assez considérable de notre budget. Des subventions ont été offertes à certaines universités - Laval, jusqu'ici, non, mais cela viendra - d'assez grosses sommes d'argent afin de permettre de la recherche

dans le domaine des prothèses, qui est un domaine en évolution comme tous les autres domaines J'espère que cela répond un peu à votre question, M. le ministre.

M. Bertrand: Oui, là-dessus, cela va. Notre problème est total. Il nous appartient de décider si, oui ou non, on accepte le principe selon lequel les organismes publics peuvent transmettre certaines informations contenues dans des banques de données à des organismes comme le vôtre, qui ont des objectifs fort louables, et de savoir qu'en ouvrant cette porte il faut effectivement avoir une politique où il y aurait forcément des ententes de conclues et une espèce de responsabilité de la commission de s'assurer de la confidentialité des fichiers. C'est un problème de fond. Je vous avoue qu'a priori je n'ai pas d'idée arrêtée là-dessus. Je ne suis pas fermé, mais je me dis que si jamais on ouvrait la porte, il faudrait préciser très clairement dans quel contexte cela s'effectuerait. Sinon, cela peut donner lieu à toutes sortes de problèmes tels que ceux qui ont été révélés par la voie des journaux, d'organismes publics qui transmettent des informations à des compagnies privées et qui, elles, s'en servent à des fins... L'Union des conseils de comtés nous en a parlé tantôt. Ce sont les compagnies d'assurances. Ce sont les compagnies de crédit. Cela peut être n'importe quel organisme qui, lui, a des objectifs commerciaux, très profitables. Pour l'instant, j'en suis là, mais je vous remercie d'avoir présenté votre mémoire pour, justement, soulever la question et nous forcer à trouver la réponse.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, étant donné l'heure tardive, je vais essayer d'être bref. Comme le ministre le mentionnait tout à l'heure, la présentation de ce mémoire est l'occasion de poser un certain nombre de questions concernant la deuxième partie du mandat de la commission Paré, à savoir la protection des renseignements personnels. Je vous remercie donc, M. Tremblay, d'avoir présenté votre mémoire et j'aurais quelques questions.

Par exemple, vous dites à la page 2: "Notre ordinateur confidentiel... - vous avez souligné le mot "confidentiel" -... rend impossible à qui que ce soit tout accès aux renseignements que renferment ces listes. " J'aimerais savoir comment vous définissez un ordinateur confidentiel. La crainte que partagent beaucoup de personnes ou d'organismes devant le développement de l'informatique, des fichiers dans divers gouvernements, organismes n'est pas seulement ici. On sait qu'en France, récemment, il y a eu une loi adoptée pour tenter de cerner cette question. Cette crainte vient du fait qu'un ordinateur est quand même quoi? C'est un magasin. C'est une machine. C'est un appareil et ce qu'on lui donne, il peut nous le rendre. Il s'agit d'y avoir accès. Cet accès est relativement facile à trouver. Comment pouvez-vous nous assurer de la confidentialité de votre ordinateur?

M. Tremblay (Léonard): M. Lalonde, je puis vous l'assurer pour autant que l'on peut assurer la confidentialité de n'importe quel renseignement qui peut filtrer en dehors de quelque organisme que ce soit, y compris les sources gouvernementales. Vous êtes mieux placé que moi pour savoir que des fuites, il s'en produit à peu près partout. Si vous me demandez de vous assurer la confidentialité de notre système d'ordinateur, je vous avoue franchement que je suis un peu embêté de vous répondre.

M. Lalonde: Je vais être plus précis. Je présume que l'organisme qui vous prête ces renseignements, qui transmet ces renseignements a la confiance la plus absolue dans votre caractère de franchise, d'honnêteté, à partir du président de votre organisme jusqu'à votre personnel. Je présume qu'on vous fait confiance à titre d'individus, de personnes.

Maintenant, si un tiers voulait aller chercher des renseignements, quelqu'un qui n'est pas de votre organisation, est-ce qu'il peut avoir accès à votre ordinateur? Par exemple, est-ce que les renseignements qui sont enregistrés quelque part, sur une bobine ou sur une cassette - je ne sais pas quelle sorte d'ordinateur vous avez - sont ensuite prêtés à un ordinateur d'un autre organisme, par exemple, d'une université où vous achetez du temps? Quelqu'un d'autre aurait alors accès à ces bobines.

M. Bergeron: Oui.

M. Tremblay (Léonard): M. Bergeron peut répondre très pertinemment à cette question.

M. Bergeron: Oui, d'accord. Une fois qu'on reçoit les rubans magnétiques de la province, on fait affaires avec une compagnie pour changer les noms et les mettre dans notre ordinateur. Une fois qu'on a cela, l'ordinateur est toujours sous clé, les rubans sont enfermés tous les soirs et c'est seulement notre personnel qui a accès aux rubans. Pour qu'une tierce personne ait la chance d'avoir ces informations, il faudrait que quelqu'un les vole. À ce point, on a le même contrôle que les banques avec leur argent.

M. Lalonde: Je vous remercie de cette

réponse. Cela nous situe un peu sur votre façon de procéder. L'autre question - et je vais m'en tenir là, à ce moment-ci - c'est que vous recevez ces renseignements-là, actuellement, de diverses provinces, y compris le Québec; vous les avez reçus depuis un certain nombre d'années. Quelles sont les dispositions qui sont prises, actuellement, par le gouvernement pour s'assurer de la confidentialité de ces renseignements? Est-ce que vous donnez accès aux représentants du gouvernement à vos locaux pour qu'ils puissent s'assurer de l'organisation physique et des précautions que vous prenez? Est-ce qu'il y a un contrat qui a été signé entre les deux?

M. Bergeron: Oui, il y a un contrat de ne pas divulguer l'information qu'on reçoit de la province. Je ne crois pas qu'on ait jamais eu une visite d'un représentant d'aucune province. On a un contrat avec toutes les provinces de ne pas divulguer l'information qu'on reçoit. Mais nos portes sont toujours ouvertes.

M. Lalonde: Les renseignements que vous recevez ne renferment que le nom d'un individu, avec son adresse comme étant propriétaire d'une automobile?

M. Bergeron: Les dossiers qu'on reçoit comportent le nom et l'adresse complète des détenteurs de permis de conduire.

M. Lalonde: Des détenteurs de permis de conduire?

M. Bergeron: Oui.

M. Lalonde: Ah, bon! Pas des propriétaires d'une automobile?

M. Bergeron: Pas des propriétaires.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez aussi tous les autres renseignements qui sont inscrits sur le permis de conduire?

M. Bergeron: Non.

M. Lalonde: Comme le numéro d'assurance sociale, etc. ?

M. Bergeron: Non. Quelques provinces nous fournissent aussi le numéro du permis même et on garantit de ne pas s'en servir.

M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup de vos renseignements.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Votre organisme compte combien de bénéficiaires des services que vous offrez au Québec? Un ordre de grandeur.

M. Tremblay (Léonard): Chiffrer cela, c'est passablement difficile. Mais tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on pourrait procéder par déduction si l'on part du point que nous en mettons à la poste aux environs de 10 000 000 pour tout le pays.

M. Rodrigue: Je parle des bénéficiaires, de ceux qui reçoivent de l'aide en vertu de vos divers programmes. Je ne parle pas de ceux qui achètent ou qui vous subventionnent par l'achat des porte-clés, mais de ceux qui reçoivent de l'aide et qui sont bénéficiaires de vos programmes d'aide. (13 h 30)

M. Tremblay (Léonard): Est-ce que je peux vous demander de reformuler votre question, s'il vous plaît? Vous me parlez d'un nombre mais d'un nombre qui est un peu nébuleux pour le moment.

M. Rodrigue: Ce que j'essaie de voir c'est combien de personnes au Québec, par exemple, bénéficient des programmes d'aide que vous offrez pour mesurer un peu l'impact auprès de la population de ces services que vous offrez. S'il y avait quinze personnes au Québec qui bénéficiaient de ces services, disons quant à moi que ça m'inciterait à considérer que c'est marginal comme nombre de personnes qui sont bénéficiaires de ces services, d'autant plus qu'un certain nombre de ces personnes reçoivent probablement de l'aide en vertu des programmes qu'on a ici au Québec pour l'aide aux handicapés. C'est un peu cela que j'essaie d'établir, l'ampleur ou l'étendue de vos services et l'effet de vos services ici au Québec.

M. Tremblay (Léonard): M. le député, il est quand même assez difficile de mettre un chiffre sur ce que vous me demandez, pour diverses raisons. Je vais essayer d'en énumérer deux ou trois.

J'ai dit tout à l'heure que l'on affectait des sommes assez considérables à la recherche sur les prothèses, qu'on affectait aussi des sommes assez considérables au perfectionnement des prothésistes, chose qui n'existe pas au Canada. Même le gouvernement fédéral ne s'occupe pas de mettre ces gens-là au fait des derniers développements.

En termes de chiffres c'est difficile de dire combien de personnes bénéficient de ça. En fait, je dirais que tous les amputés, de façon qénérale, finissent un jour ou l'autre par profiter de l'avancement que nous créons dans ce domaine-là.

M. Rodrigue: II faut faire une distinction. Il y a des services qui sont

rendus directement à une personne; c'était l'objet de ma question. Je comprends que certains de vos programmes ont des conséquences pour l'ensemble des handicapés parce que c'est de la recherche, mais ceux qui sont bénéficiaires directs...

M. Tremblay (Léonard): Bon! J'ai parlé tantôt d'environ 250 enfants. Pour ce qui est des adultes...

M. Rodrigue: Pour l'ensemble du Canada.

M. Vallières (Stuart): Notre association au Québec compte plus de 200 membres qui bénéficient aussi des sommes qu'on ramasse. C'est-à-dire qu'il y a environ 500 personnes, si c'est le nombre de personnes que vous voulez savoir. Je dois ajouter qu'ici, au Québec, il y a au moins 500 personnes qui bénéficient de nos programmes et ça varie tous les ans.

M. Rodrigue: En aide directe à des individus.

M. Vallières (Stuart): Oui. Les membres de l'association Les amputés de guerre au Québec, on sait qu'il y en a plus de 250. Les jeunes à qui on offre de l'aide, c'est environ 300 personnes.

Dans les hôpitaux, les personnes âgées qui ont besoin de chaises roulantes, c'est difficile à évaluer, mais à Montréal on a aidé plus de 50 personnes l'année dernière seulement. Si on est un peu vaque c'est parce qu'on cherche à être exact dans nos réponses.

M. Rodrigue: Je vous remercie.

M. Tremblay (Léonard): M. le député, est-ce que vous me permettez d'ajouter à ce que vient de dire M. Vallières? Lorsque j'ai tenté de répondre à votre question j'ai totalement oublié - on dit que généralement charité bien ordonnée commence par soi-même - les membres de l'association Les amputés de guerre du Canada qui, eux, sont, je ne dirais pas les premiers, mais qui bénéficient de façon automatique des travaux de notre bureau central à Ottawa. Par là, j'entends, par exemple, les augmentations de pensions, les revendications, les appels, les décisions qui sont rendues par la Cour fédérale d'appel. Tout cela entre dans le processus des dépenses que nous effectuons.

Nous devons nous assurer, par exemple, des services d'un conseiller juridique. Tout de suite, vous voyez un petit peu l'ampleur de l'affaire. Chaque ancien combattant, non seulement les amputés de guerre, mais chaque ancien combattant peut être amené à bénéficier du travail que nous faisons. C'est pour ça que c'était un peu embêtant pour moi de vous répondre par un chiffre de 200, 300, 500, 1000 ou 5000.

M. Rodrigue: Le chiffre qui a été mentionné nous donne quand même un ordre de grandeur, même si c'est 575 ou 425 au lieu de 500, cela nous situe. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Laurier.

M. Sirros: M. le Président, j'aimerais d'abord dire que je souhaite franchement qu'on puisse trouver une solution à ce problème. C'est un problème, mais je pense que ce doit être possible de le faire parce que aussi, je crois que c'est un excellent exemple que donne votre association de l'action positive que peut avoir le domaine privé, bénévole ou non lucratif, si vous voulez, dans le secteur des services sociaux. C'est une formule qui intéresserait peut-être le ministre des Finances, cela ne coûte pas beaucoup à l'État et cela permet aussi d'avoir des bénéfices positifs pour les citoyens comme tels. Je voulais simplement poser une autre question. À la page 5 de votre rapport, quelque chose a piqué mon attention; vous dites qu'il serait peut-être possible d'acheter de telles listes de source non officielle, etc. J'aimerais savoir si vous êtes au courant que ces listes circulent pour d'autres fins que les vôtres, par exemple, puisque vous semblez dire que ce serait possible d'avoir accès aux listes d'une autre façon. Pas pour savoir si vous allez le faire. Je crois que vous avez tout à fait raison quand vous dites que c'est à l'encontre de la nature même de votre organisme, mais toute la problématique de la confidentialité de ces listes qui a été soulevée tout à l'heure m'intrique et je me dis qu'il serait intéressant de savoir si vous êtes au courant que ces mêmes listes servent pour d'autres fins, peut-être à but lucratif, mais pouvez-vous préciser votre pensée là-dessus?

M. Vallières (Stuart): Les listes dont on a parlé, c'étaient les listes qui sont mises en circulation par la compagnie Hunt, par exemple. Ce sont les listes que n'importe qui peut acheter pour faire sa distribution par le courrier.

M. Sirros: Ce sont des listes qui contiennent des informations qui se trouvent au ministère des Transports?

M. Vallières (Stuart): Non, cela ne concerne pas cela. Ce sont des listes qui sont préfabriquées par les compagnies privées. Ce n'est pas le même genre de listes. On préfère avoir des listes comme on a eu dans le passé, mais, à l'avenir, si on ne peut pas avoir ce genre de listes, on va être

obligé de trouver des listes de deuxième qualité, pas aussi bonnes.

M. Sirros: Merci.

M. Bédard (Paul): M. le Président, il y a quinze jours je me suis rendu à la demande du conseil de Chicoutimi pour remettre à l'hôpital de Chicoutimi un minibus pour le transport de ses handicapés. Il paraît que l'hôpital n'en avait pas dans son budget. Depuis ce temps, l'hôpital de Chicoutimi nous demande une subvention de 85 000 $ pour lui permettre de refaire, de rebâtir ses services de prothèses parce que actuellement l'hôpital de Chicoutimi est à court dans ses finances. À l'hôpital de Chicoutimi, nous avons un dénommé Jack Hughes, qui est en charge du comité pour recueillir de l'argent pour aider cet hôpital à prendre de l'expansion. M. Hughes est un amputé de la Deuxième grande guerre et il nous a fait parvenir cette demande. Actuellement, c'est à l'étude et je pense qu'on va payer une partie de la transformation qui doit se faire à l'hôpital de Chicoutimi afin que ses services de prothèses soient capables de fonctionner mieux. Actuellement, nous avons été informés qu'en plus des réparations sur les prothèses à Chicoutimi, celles qui sont faites dans la province de Québec sont payées par ces services.

Le type qui est là fait 160 nouvelles prothèses chaque année. Cela veut dire que si une personne a besoin d'une prothèse, il la fait. Il était réellement débordé. Il n'avait pas la place, il n'avait pas l'organisation pour le faire, ce qui fait qu'on nous a demandé une subvention vu qu'actuellement, avec les coupures budgétaires, etc., ces services n'auraient pas les finances nécessaires. On étudie la question afin de leur venir en aide. C'est un des seuls hôpitaux dans le district de Québec qui nous a demandé guelque chose. Moi, je m'occupe personnellement du district de Québec; en plus d'être trésorier général. Si vous voyiez l'argent qu'on dépense à travers le pays, à aider à fournir ce que le gouvernement ou d'autres personnes ne fournissent pas! Nous autres, on fournit ces fonds.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Les membres de la commission vous remercient de vous être présentés devant eux et la commission suspend ses travaux pour les reprendre à quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 h 40)

(Reprise de la séance à 15 h 12)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. J'inviterais maintenant les représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec à prendre place et à s'identifier.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

M. Saint-Jean (Roland): M. le Président, MM. les membres de la commission, je vous présente, à ma droite, le trésorier général du Syndicat des fonctionnaires provinciaux, Marcel Ledoux, et moi-même, vice-président à l'exécutif provincial, Roland Saint-Jean.

Le Président (M. Rochefort): Votre mémoire, s'il vous plaît.

M. Saint-Jean: Mémoire à la commission parlementaire chargée d'étudier le rapport Information et liberté soumis par la commission d'étude sur l'accès à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels.

Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc., a soumis à la commission une étude sur l'accès à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels un mémoire qui est joint en annexe au présent mémoire. Je crois qu'il y aurait une petite correction, vous l'avez déjà eu avant, ce mémoire soumis à la commission Paré, alors, il n'était pas joint à ce mémoire qui est un complément du mémoire présenté à la commission Paré.

Dans ce mémoire, nous indiquons que, selon nous, le principe devant guider une loi sur l'accès à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels devrait être que toutes les informations, toute la documentation, toutes les décisions que détient le gouvernement devraient être publiques et faciles d'accès.

Nous avions également indiqué à la commission que l'on devait prévoir certains cas d'exception afin de protéger la vie privée des individus, également, et ce, dans une optique de protection de nos membres qui pourraient être appelés à appliquer une telle loi, nous avions soumis à la commission qu'une personne chargée de l'application de la loi et l'ayant fait de bonne foi, devrait être indemne de toute responsabilité ou de toute mesure pouvant les affecter dans leur lien d'emploi avec leur employeur.

Nous constatons que dans son rapport, Information et liberté, la commission semble avoir retenu les principes que nous avions soumis. Cependant, force nous est de constater que l'application de ces principes par l'intermédiaire d'une proposition de projet de loi est insatisfaisante à certains égards.

Nous tenterons donc brièvement de soumettre à la commission parlementaire les

points sur lequels nous devons exprimer notre désaccord.

La publication des décisions des organismes publics. Par la proposition de loi, seul le Conseil exécutif se voit obligé de publier des décrets et encore, il peut refuser pour certains motifs de le faire ou retarder à le faire. Nous considérons que toutes les décisions des organismes publics devraient être publiées. Ainsi, devraient être publiées toutes les décisions du Conseil exécutif, du Conseil du trésor, des ministres et des organismes gouvernementaux. (15 h 15)

Nous considérons comme inacceptable que ne soit faite aucune obligation au Conseil du trésor de publier les décisions qu'il rend. Nous considérons comme tout à fait inacceptable que le Conseil exécutif puisse refuser de révéler l'existence ou de communiquer une décision résultant de ses délibérations. Nous sommes d'accord que certains cas d'exception peuvent exister, mais nous croyons qu'il y aurait lieu de les déterminer clairement par la loi et de ne pas laisser place à l'arbitraire.

Nous avons remarqué que certaines exceptions prévues par la proposition de loi pourraient être acceptables. Nous croyons, cependant, qu'elles sont trop peu nombreuses et qu'elles n'assurent pas aux citoyens une accessibilité véritable aux documents publics.

Le problème des renseignements nominatifs. Ce problème s'inscrit dans l'optique de la protection de la vie privée et des renseignements personnels. La commission détermine que seule la personne concernée peut prendre connaissance des dossiers qui comprennent des renseignements nominatifs. Une autre personne n'a pas le droit de les obtenir. Nous sommes d'accord avec cette idée. Cependant, nous constatons que la définition d'un renseignement nominatif est très large et qu'en définitive, la seule chose que nous pourrions peut-être savoir, si une personne est intéressée à le savoir, c'est le nom d'une autre personne.

Cependant, ce que nous considérons comme totalement inacceptable, ce sont les restrictions imposées au droit d'accès des renseignements nominatifs pour la personne concernée. Qu'une personne ne puisse prendre connaissance des dossiers la concernant, car on risquerait de révéler certaines autres informations, ne respecte d'aucune façon la protection de la vie privée de cette personne et ne permet pas la correction d'erreurs.

Nous recommandons que ces dispositions restreignant le droit d'accès ne figurent pas dans toute la loi qui pourrait être adoptée par l'Assemblée nationale et ce, même si la commission a un pouvoir d'enquête très général concernant ces dossiers personnels. Les enquêtes peuvent être lonques et la personne concernée pourrait subir un préjudice sérieux si une telle enquête est trop longue.

Également, tenant compte de certaines expériences vécues, nous tenons à rappeler qu'il ne doit pas y avoir de dossiers parallèles et que cela doit être clair. Le droit d'accès du citoyen aux dossiers personnels que détiennent les organismes publics sur lui ne peut et ne doit pas être restreint. Il doit lui permettre d'avoir une idée complète sur les informations que possèdent les organismes publics sur lui.

La protection des personnes chargées de l'application de la loi. Comme nous l'avions souligné à la commission d'étude, nous croyons important que la personne chargée d'appliquer une telle loi soit protégée pour les actes qu'elle pourrait poser de bonne foi. La commission semble avoir retenu ce principe et ce, à l'article 147 et par les dispositions des articles 142 et 143. Nous tenons simplement à recommander fortement à la commission parlementaire que toute loi semblable devra comporter des garanties suffisantes pour assurer la protection des personnes chargées de l'appliquer, afin de pouvoir obtenir la collaboration adéquate de ces personnes.

Les délais prévus par le projet de loi. Nous croyons que les délais prévus sont trop longs. En effet, lorsqu'une personne désire avoir une information, elle ne devrait pas normalement avoir à attendre 20 jours, mais devrait pouvoir l'obtenir le plus rapidement possible.

Considérations générales. Nous sommes d'accord avec la création de répertoires pour chaque organisme public afin que les citoyens sachent qu'elles sont les informations possédées par ceux-ci. Nous croyons également qu'il serait très utile qu'un répertoire général existe et nous sommes d'accord avec les propositions que fait la commission d'étude à ce niveau.

Conclusion. La proposition de loi et le rapport de la commission révèlent un souci constant de faire en sorte que les organismes publics soient le plus accessibles possible aux citoyens. Nous partageons ce point de vue. Nous croyons, cependant, que plusieurs améliorations peuvent encore être faites à ce niveau et également à la proposition de loi. Nous sommes certains que les personnes qui seront chargées d'appliquer la loi et, en particulier, nos membres qui pourraient être appelés à le faire le feront dans un esprit de service à la communauté, à chaque citoyen, et nous pouvons vous assurer de l'ouverture d'esprit qu'auront nos membres face à une telle loi. Nous espérons qu'une telle loi sera adoptée le plus rapidement possible et qu'elle assurera une véritable accessibilité aux documents publics et une protection adéquate de la vie privée. Cela, bien sûr, MM. les membres de la commission, toujours en tenant compte du mémoire que nous avons déposé sur certains points que nous tenons à

voir insérer ou préciser, tel que mentionné dans notre mémoire, afin que nos membres puissent accepter l'ensemble de ce projet sans trop de difficultés. Il semble que ce serait notre position en tant que représentants des membres du Syndicat des fonctionnaires provinciaux.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bertrand: M. le vice-président, bien que bref, votre mémoire n'en est pas moins très clair. Je crois que ça mérite d'être souligné: le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, donc, finalement, l'ensemble des fonctionnaires provinciaux du Québec se montre très ouvert à une telle loi et annonce d'avance à la population qu'il entend collaborer et participer à sa mise en application avec, véritablement, les meilleures intentions du monde. Vous n'êtes pas sans savoir, au départ, qu'on avait indiqué, dès que la commission Paré eut rendu son rapport public, que la mise en application de la proposition de loi, si elle était retenue, allait supposer des chanqements de mentalités considérables et souvent, même, des attitudes qui méritent d'être changées et qui pouvaient avoir cours à l'intérieur de la fonction publique.

Votre mémoire donne une réponse plus que satisfaisante à cette question. La fonction publique est prête à vivre avec cette loi. Non seulement elle est prête à vivre avec cette loi, mais elle est prête à apporter son concours pour que la population ait le sentiment que les fonctionnaires sont les premiers intéressés à apporter leur contribution pour faciliter l'accès à l'information et aussi pour protéger les renseignements que nous détenons dans l'administration des fichiers gouvernementaux.

Vous faites, par contre, un certain nombre de remarques spécifiques qui méritent d'être relevées. L'un a trait au processus décisionnel. Effectivement, la commission Paré a jugé bon dans ses restrictions de protéger tous les renseignements à incidence politique et tous les renseignements qui sont reliés à la prise de décision au sein des organismes publics.

Vous indiquez quant à vous que vous préféreriez que toutes ces décisions ou l'ensemble des documents faisant référence aux délibérations, aux mémoires qui avaient été transmis que ce soit au niveau du Conseil des ministres ou du Conseil du trésor, soient rendus publics. J'indiquerai au départ que bon nombre de ces documents sont déjà rendus publics: les règlements le sont, plusieurs décrets le sont, plusieurs décisions ministérielles sont rendues publiques. D'ailleurs, d'une façon générale les personnes politiques veulent faire connaître les décisions qu'elles ont prises. Donc, il y a de l'information qui est donnée.

Je pense qu'il faut aussi situer le Conseil du trésor dans son contexte très particulier. Le Conseil du trésor participe à la prise de décision, fournit des avis et des recommandations aux ministères, au Conseil des ministres pour faciliter la prise de décision. Je ne pense pas qu'on puisse dissocier les mémoires, les délibérations, les décisions du Conseil du trésor de tout le processus décisionnel de l'ensemble du gouvernement. Dans ce contexte, en me référant aux articles 32 et 37, je crois qu'il y a quand même là des éléments de réponse, c'est-à-dire qu'on considère que ces documents peuvent être gardés confidentiels pendant un certain temps, mais il y a une période à partir de laquelle ils doivent être communiqués à l'ensemble du public.

On peut peut-être discuter sur les délais. À l'article 32, il est fait mention d'un délai de 20 ans pour les mémoires et délibérations du Conseil exécutif. À l'article 37, il est fait mention de 20 ans aussi pour le Conseil du trésor en particulier. Il y a peut-être possibilité de discuter de cette question de délai, mais je me rallie à la pensée des commissaires qui ne se sont pas étendus très loin au niveau des restrictions. Ils l'ont fait dans le contexte où ils jugent que l'action gouvernementale pour être efficace, pour être possible, a besoin de ce genre de protection.

Vous dites: II nous semble que ce n'est pas absolument indispensable et qu'on devrait permettre que ce soit rendu public dès lors que les décisions sont prises et dès lors que les mémoires qui ont été soumis pour analyse ont fait l'objet de décisions du Conseil exécutif ou du Conseil du trésor.

Là-dessus, j'aimerais vous entendre argumenter un peu plus, pour tenter de nous convaincre de la nécessité d'aller de l'avant avec cela.

Sur les autres articles, cela m'intéresserait d'avoir votre réaction, entre autres aux articles 142, 143, 144, plus particulièrement ceux où il y aurait des sanctions pour les personnes ou les organismes qui auraient enfreint les dispositions de la loi. Je me demandais justement comment un syndicat de fonctionnaires provinciaux du Québec voyait l'introduction de sanctions à des infractions qui seraient commises lorsque quelqu'un entraverait sciemment l'accès à un document public. J'avais l'impression que c'était peut-être un certain nombre d'articles qui pourraient vous choquer, dans la mesure où on partirait du principe qu'on ne peut pas faire confiance à ceux qui auront la responsabilité de la chose. Vous semblez indiquer, au contraire, dans votre mémoire, que vous êtes d'accord avec ces articles, parce que vous croyez que, si on veut vraiment que le travail soit fait

sérieusement, il faut que les gens qui en ont la responsabilité sentent qu'il y a des possibilités de sanctions dans la mesure où des infractions seraient commises. Là-dessus aussi j'aimerais avoir votre commentaire.

Enfin, sur la notion de dossiers parallèles, vous voudriez que la loi indique très clairement qu'il ne doit pas y avoir de dossiers parallèles. J'aimerais savoir ce que vous entendez plus spécifiquement par un dossier parallèle. Est-ce que vous voulez dire qu'il ne devrait pas y avoir possibilité d'échanqe de renseignements entre deux organismes publics? Dans quels cas il peut effectivement y avoir, dans un organisme et dans un autre, des dossiers qui, à toutes fins pratiques, sont parallèles? Est-ce votre intention ou si vous faites référence à un autre problème auquel je n'ai pas pensé pour l'instant?

M. Saint-Jean: Quand on parle dans notre mémoire de ce qu'on a à l'esprit, on est peut-être dans un domaine particulier. C'est que nous avons personnellement à négocier avec l'employeur des conventions collectives. C'est pourquoi on était favorable à ce moment-là à une loi.

Lors des négociations, nous aimons avoir des renseignements, des données ou des chiffres. Nous avons toujours eu de la difficulté à les obtenir dans ce domaine; les CT, par exemple, qui sont adoptés, qu'on ne reçoit pas ou qu'on n'a pas. Lorsqu'on se met à la table de négociations, il y a un CT qui existe. Cela couvre les gens. On ne l'a pas eu. On n'en a jamais entendu parler. On aurait peut-être dû faire des recherches davantage avant, mais malheureusement, au moment où c'est arrivé, on ne couvrait pas ces employés. C'est dans ce sens que toute loi qui ferait en sorte quant à nous ou tout CT, par exemple, qui serait sanctionné, qui aurait une implication directe ou indirecte sur les conditions de travail des membres que nous représentons qu'il soit public et avisé.

C'est la réponse que je peux donner à la première question, quant à l'accès. Bien sûr, on était d'accord pour avoir certaines restrictions, comme vous l'avez souligné. On n'a pas objection à cela. Il y a certaines choses qui ne peuvent pas être officielles, tel qu'on pourrait le demander à l'extrême. On aimerait cela, mais c'est le domaine particulier dans lequel on travaille.

Quant à votre point, le dossier parallèle, c'est ce qu'on vit à l'heure actuelle dans certains ministères. C'est encore notre crainte que ce soit un troisième dossier d'information sur l'employé travaillant pour le gouvernement. On a déjà, à l'heure actuelle, dans certains ministères, un dossier officiel et un dossier officieux. Quand l'employé va vérifier, il y a le dossier officiel et quand il arrive pour une question d'arbitrage ou de grief, il y a des choses qui sortent des dossiers officieux, dont l'employé n'a pas eu connaissance, malgré que c'est prévu dans les conventions collectives. Ce sont des à-côtés qui se cassent et qu'on ne peut pas corriger facilement.

M. Bertrand: Là-dessus, la proposition de loi prévoit bien que pour constituer un fichier, il faudra ohtenir l'autorisation de la commission. J'ai bien l'impression que si jamais un organisme voulait constituer des fichiers parallèles qui, finalement, recueillent les mêmes informations sur les mêmes personnes, il y aurait probablement là un refus de la commission de donner suite à une telle demande. J'ai cru interpréter ainsi, en tout cas, le sens des différents articles de la proposition de loi. Il ne me semblerait pas qu'il soit normal qu'une commission donne à un ministère l'autorisation de constituer des fichiers officiels qui, eux, seraient autorisés par la commission et, à côté de cela, des fonctionnaires qui mettraient sur pied des fichiers parallèles, comme vous dites, officieux, qui n'auraient pas fait l'objet d'une autorisation de la part de la commission. Cela, à mon avis, serait refusé, réprimandé par la commission. (15 h 30)

M. Saint-Jean: Si tel est le cas, cela nous donnerait satisfaction.

M. Bertrand: Je crois avoir senti que votre message, c'est de le préciser et de s'assurer que ce soit très clair.

M. Saint-Jean: C'est ça, clairement. Sur les sanctions aux articles 142 et 143, il n'y a pas d'inconvénient. Notre mémoire portait sur la fonction de l'employé, à savoir que cet employé, malgré toute la bonne volonté qu'il y met, échapperait une information qui causerait un préjudice à un citoyen. À ce moment-là, le citoyen pourrait s'en prendre à lui et prendre des mesures en cour civile ou n'importe où. C'est fait de bonne foi, il n'y a pas eu de mauvaise foi de la part de l'employé, alors on ne voudrait pas que l'employé soit obligé de payer les pots cassés. Il faut que ce soit l'employeur qui en soit responsable. C'est dans ce sens-là qu'on voyait les choses, qu'il n'y ait pas de mesures, de représailles ou de choses imposées à l'employé.

M. Bertrand: Je crois comprendre...

M. Saint-Jean: Aux articles 142 et 143, on n'a pas eu de remarque précise là-dessus, cela n'a pas posé de problème.

M. Bertrand: Là-dessus les fonctionnaires comprennent que si quelqu'un, sciemment, dans le cadre de l'exercice de ses responsabilités, entrave le fonctionnement

du service pour ce qui est de rendre accessibles les documents, il peut y avoir effectivement des sanctions.

M. Saint-Jean: II n'y a pas de problème là. On n'en a pas soulevé, on n'en a pas parlé du tout, c'est-à-dire qu'on n'a rien dans nos commentaires qui précise ces points sur les articles 142 et 143. Nous n'avons aucune crainte que nos fonctionnaires mettent des entraves. Nous n'avons pas porté d'accusation, si on en avait, ce serait parmi les hauts fonctionnaires. Parmi les nôtres, je ne pense pas.

M. Bertrand: De toute façon, enfin...

M. Rodrigue: Les hauts fonctionnaires vont venir tout à l'heure et ils vont nous expliquer ça.

M. Bertrand:... vous ne représentez pas les hauts fonctionnaires, vous ne représentez pas non plus les professionnels du gouvernement, mais si on comprend bien l'esprit de la loi et les propositions qui sont faites, d'abord c'est la personne qui est en autorité qui a la responsabilité de l'application de la loi dans l'organisme public. Au ministère des Communications, par exemple, c'est le ministre des

Communications. Il peut toujours décider de déléguer cette responsabilité, mais il faut que ce soit une personne qui est en autorité pour le faire et qui a le pouvoir nécessaire pour accomplir cette responsabilité. Dans ce contexte-là, je crois que la question s'adresse beaucoup moins aux fonctionnaires que vous représentez.

M. Saint-Jean: Je suis peut-être d'accord avec vous, M. le ministre, sauf que connaissant les délégations et les sous-délégations qui peuvent se faire, ça peut même se rendre à des membres que nous représentons.

M. Bertrand: Je vous donne une opinion personnelle, je trouverais très regrettable qu'un organisme public ne soit pas suffisamment conscient de l'importance de la mise en application de cette loi qu'il n'en confie pas la responsabilité, même par délégation, à une personne qui est très proche du centre de décisions de l'organisme public.

Tantôt, on parlait avec les corporations municipales. Là, il y a un cas particulier; les secrétaires municipaux sont souvent des personnes à tout faire avec le gérant municipal, dans les municipalités où il y a des gérants municipaux, en passant. Dans les ministères du gouvernement - là, je pense que c'est la situation qui vous touche plus particulièrement - je trouverais cela un peu inquiétant qu'à partir de la personne qui est en autorité, tout au haut de la pyramide, à savoir le ministre responsable, il n'y ait pas, quelque part autour, dans les postes de sous-ministres ou de cadres ou d'adjoints aux cadres supérieurs, une personne qui se voie confier la responsabilité de la mise en application de cette politique d'accès à l'information gouvernementale. C'est notre test à nous, ça. On verra bien à l'usage et à l'usure, comme on dit, comment on se comportera.

M. Saint-Jean: Si c'est l'orientation que vous avez, M. le ministre, on n'est pas contre cela. On est entièrement d'accord parce que déjà on trouve qu'il y a trop de délégation dans certains autres domaines et c'est ce qu'on voulait resserrer.

M. Bertrand: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Westmount.

M. French: Je pense que, quand on parle des fonctionnaires qui se trouvent dans une situation de faire fonctionner une loi comme celle-là, c'est toujours plus efficace si on leur donne une espèce d'incitation de se faire valoir "en faisant l'accès public de façon plus ouverte. " Je n'ai pas réussi vraiment à rendre ce que je voulais dire. La situation actuelle, sans une telle loi, ne donne aucune incitation à un fonctionnaire de publier un document ou de répondre positivement à une demande d'accès. Vous vous trouverez, du jour au lendemain, avec l'arrivée de cette loi, dans une situation où le monde est un peu à l'envers face aux habitudes typiques des fonctionnaires. Vous cherchez une protection, mais, si j'ai bien compris, vous êtes tout à fait satisfaits des assurances que le ministre vous a données tantôt quant à cette protection pour le fonctionnaire.

Maintenant, s'il fait une erreur, cela devrait être une erreur conservatrice, c'est-à-dire qu'il ne laisse pas aller un document. Avec cette loi, c'est une injonction presque à faire l'erreur inverse, c'est-à-dire à publier le document. S'il fait cela de bonne foi, vous voulez qu'il soit protégé. Êtes-vous satisfaits des articles qui touchent cette question?

M. Saint-Jean: C'est bien sûr que l'employé étant obligé, à ce moment, d'accomplir une fonction, l'accomplit selon les directives qu'on lui donne. Il a des supérieurs. Cette personne, recevant des directives, ayant à appliquer une loi, il pourrait arriver qu'il y ait un document qui sorte et que cela crée un préjudice à quelqu'un. Ce n'est pas de mauvaise foi. Alors, on a demandé que ce soit précisé dans la loi que cette personne soit protégée. C'est bien sûr que, dans plusieurs autres domaines,

on a à appliquer des lois, tous nos fonctionnaires ont à faire appliquer des lois. On essaie d'obtenir à ce moment une certaine protection, peu importent les lois.

M. French: Oui, d'accord.

M. Ledoux (Marcel): II faut aussi mentionner que l'encadrement que nous recherchons, c'est un peu ce que M. le ministre a mentionné tantôt, c'est que des personnes autoriseront à donner ces informations, et nos fonctionnaires le feront avec cette autorisation. La protection qu'on demande pour ces employés a été reçue par la commission Paré à la suite d'un mémoire qu'on lui avait fait parvenir et on y a touché dans l'article 147.

Pour nous, on sait que cette protection est déjà là et est aussi à l'intérieur de conventions collectives. Admettons que dans d'autres secteurs, public, parapublic ou péripublic, cette protection n'est pas dans les conventions collectives. On voulait que la loi le touche et à l'article 147, ça a été touché. Par contre, dans des décisions d'ordre politique et public, il y a toujours le code d'éthique professionnelle qui lie chaque fonctionnaire à une confidentialité. C'est cet encadrement qu'on veut obtenir du personnel de direction. Aussitôt que les autorisations seront données, c'est évident que nos fonctionnaires vont se faire un plaisir d'exécuter, parce que en somme ils les ont souvent à leur disponibilité et ils savent beaucoup plus où se trouvent ces paperasseries que d'autres personnes.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Dans votre mémoire, vous nous invitez à créer une obligation au Conseil du trésor de publier les décisions qu'il rend. Est-ce que ce sont des décisions qui concernent directement les conditions de travail de vos membres? Est-ce que les décisions du Conseil du trésor pourraient, jusqu'à un certain point, ajouter ou retrancher de la convention collective retrancher, ce serait difficile parce que la convention collective est quand même prévue par une loi du Québec - mais est-ce que ce sont des décisions qui pourraient directement affecter des conditions de travail non prévues à la convention collective?

M. Saint-Jean: Oui.

M. Rodrigue: Avez-vous des exemples de ça?

M. Saint-Jean: Je peux prendre le dernier exemple qu'on a vécu où, à ce moment-là, un CT avait été adopté par le

Conseil du trésor, dont nous n'étions pas en possession et, comme j'ai mentionné tout à l'heure, nous ne couvrions pas ces gens.

Par contre, par la dernière négqociation, nous avons, à ce moment-là, couvert ces gens qui sont employés a l'extérieur du Québec. Bien sûr, il y a certaines conditions qui sont couvertes par notre convention collective, mais il y avait déjà un CT qui couvrait ces gens de l'extérieur, avec des conditions spéciales. N'ayant pas vu de publication à notre connaissance et n'ayant pas de document, nous n'étions pas en mesure de discuter. Nous l'avons obtenu lors de la négociation; ils nous ont dit, à ce moment là: C'est un document, un CT qui a été adopté au Conseil du trésor. Certains des CT qui sont adoptés ont une implication directe sur les conditions de travail de nos employés et peuvent faire en sorte, un moment donné, de modifier un salaire ou les frais d'automobile, si vous voulez. Toutes sortes de choses qui pourraient arriver ou une directive qui changerait l'orientation d'une décision qui est en cours, si vous voulez.

M. Rodrigue: Votre exemple, ce sont des employés qui n'étaient pas couverts par votre syndicat, donc pour qui vous ne négociiez pas auparavant.

M. Saint-Jean: C'est ça.

M. Rodrigue: Évidemment, le gouvernement, par le Conseil du trésor, a adopté des conditions de travail qui s'appliquent à ces gens. Par la suite, il y a eu entente où vous avez obtenu une accréditation pour ces gens et, ensuite, vous avez commencé à néqocier pour eux. Il est normal, évidemment, que le gouvernement établisse des conditions de travail pour ceux qui ne sont pas couverts par des conventions collectives. C'est un cas où la situation de ces gens-là par rapport au syndicat a évolué. C'est-à-dire qu'ils n'étaient pas couverts avant et ils le deviennent tout à coup, mais là, évidemment, vous reprenez toute la question de leurs conditions de travail et vous voulez les inscrire dans votre convention collective. Mais j'essaie de voir s'il y a des situations qui auraient pu se produire où une réglementation adoptée par le Conseil du trésor, ce que vous appelez des CT, aurait pu modifier des conditions de travail déjà prévues à la convention collective, ou du moins venir en préciser un certain nombre. Si ce n'est pas le cas, cela me paraît moins qrave. Si c'est le cas, cela me paraîtrait assez grave.

M. Saint-Jean: Comme le souligqne le trésorier, c'est bien sûr qu'il y a des exemples, mais directs, comme vous le voulez, je n'en ai pas à formuler.

M. Rodrigue: Vous n'en avez pas à l'esprit.

M. Saint-Jean: Sauf qu'on a vécu des situations où il y a eu des CT adoptés et on a appris, lorsqu'on rencontrait la direction générale des relations de travail, que cela existait.

M. Rodrigue: Mais est-ce que cela avait un impact sur les conditions de travail prévues à vos conventions collectives? Un impact direct, j'entends?

M. Saint-Jean: Direct et indirect, oui.

M. Rodrigue: Parce que le budget a un impact sur vos conditions de travail, c'est évident, mais j'appelle ça un impact indirect.

M. Saint-Jean: Si on prend certains CT qui peuvent être adoptés ou certaines directives qui peuvent être émises, en plus des CT, il faut ajouter les directives. Si j'en prends une, à l'heure actuelle, émise dans la région de Montréal, nous avions des infirmières au Centre Desjardins, pour les premiers soins. Il y a eu une directive qui a été émise, qu'on a apprise par la bande à ce moment-là, qu'on retirait ces infirmières, qu'il y avait des réductions budgétaires. Ce sont des situations comme ça qui font en sorte qu'on veut avoir accès à l'information autant que possible au maximum, concernant ça, car cela pourrait toucher directement nos membres.

M. Rodrigue: Sur la protection des personnes chargées d'appliquer la loi, est-ce que, dans votre convention collective, je sais que cela existe ailleurs, pour l'avoir négocié moi-même à certains endroits, il y a des clauses de responsabilité civile qui protègent vos membres, sauf en cas de faute lourde? C'est l'expression normalement utilisée dans les conventions collectives.

M. Saint-Jean: C'est la seule qu'il y a dans notre convention collective, ce qui fait en sorte que, dès que l'un de nos membres aurait posé des qestes qui ne seraient pas de faute lourde, l'employeur doit le défendre et, à ce moment-là, lui fournir les avocats, si vous voulez, en conséquence. C'est prévu.

M. Rodrigue: Très bien. Si un de vos membres avait à appliquer le projet de loi qui est devant nous, qui deviendra éventuellement une loi, à ce moment-là, cette clause continuera de s'appliquer, c'est-à-dire que votre membre sera protégé, sauf en cas de faute lourde.

M. Saint-Jean: Ce à quoi nous tenons c'est que ce soit précisé dans le projet de loi, de manière assez formelle pour que tous les gens le sachent et qu'on n'ait pas de problème.

M. Rodrigue: Si vous l'avez dans la convention collective, j'ai l'impression qu'à ce moment-là, de toute façon, vous êtes couverts, c'est le gouvernement qui assume le coût de la responsabilité, s'il y a responsabilité. Cela va.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Gaspé.

M. LeMay: Non, merci, c'est la même question que mon collègue.

Le Président (M. Rochefort): Je remercie les représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. J'inviterais maintenant les représentants de l'Association des directeurs de départements de santé communautaire à prendre place à la barre et à s'identifier, s'il vous plaît.

Association des directeurs de DSC

M. Dionne (Marc): Mon nom est Marc Dionne. Je suis président de l'Association des directeurs de DSC et chef du département de santé communautaire à Beauceville. Je suis accompagné de Pierre Joubert, qui est responsable en recherche au département de santé communautaire du Centre hospitalier de l'Université Laval, à ma droite, et d'Aline Émond, qui occupe la même fonction de responsable de recherche à l'hôpital Cité de la santé à Laval. -(15 h 45)

Le Président (M. Rochefort): Je vous inviterais à présenter votre mémoire en vous rappelant que vous avez environ 20 minutes pour le faire.

M. Dionne: Je vous remercie. Pour situer un peu notre groupe, permettez-moi de vous rappeler qu'il existe au Québec 37 hôpitaux ayant un département de santé communautaire qui se sont vus confier par la Loi sur les services de santé et des services sociaux des responsabilités précises en matière de protection et de promotion de la santé publique au Québec. En particulier, nous avons des responsabilités de recherche en matière de santé. Nous avons aussi des responsabilités d'élaboration de programmes qui visent à promouvoir la santé et le bien-être physique des populations qui sont sous notre responsabilité. Nous avons des responsabilités précises en ce qui concerne le contrôle des épidémies. Avec la Loi sur la santé et la sécurité du travail adoptée récemment par le gouvernement du Québec, nos départements de santé communautaire se sont vus confier des responsabilités précises aussi en cette matière, dont l'organisation des services de santé. Là aussi, la conduite

d'études épidémiologiques nous permet de connaître l'impact des conditions de travail sur la santé des travailleurs. Il y a aussi la Loi sur la protection de la santé publique qui confie aux médecins hygiénistes des responsabilités précises en termes de protection de santé publique.

Vous comprenez donc que des organismes comme le nôtre sont très préoccupés de toute législation qui concernerait le contrôle et la transmission de l'information, puisqu'il s'agit là d'un outil indispensable à notre action. C'est en ce sens que nous avions présenté à la commission Paré un mémoire où nous soulignions notre accord avec les principes d'une telle loi et précisions certaines modalités d'application que nous voulons y voir incluses. En particulier, nous voulons souligner, avant de présenter notre mémoire, que dans certains pays, actuellement, certains contrôles amenés à la transmission de l'information entravent grandement les études à des fins de protection de la santé publique ou de connaissance d'impact, soit de l'environnement, soit des milieux de travail sur la santé des travailleurs. Il y a peut-être le risque à vouloir, dans certains cas, protéger des droits individuels - on verra des exemples - qu'on néglige les droits des collectivités.

Les préoccupations que nous voulons vous présenter, cet après-midi, ne sont pas exclusives à nos organisations. Il est bien clair que tous les milieux qui font de la recherche en matière de santé, qui ne sont pas représentés ici, ont le même type de préoccupations, et, dans certains cas, je pense en particulier au département de la médecine sociale et préventive ries universités, les remarques que nous ferons s'appliquent à eux aussi.

Avant de passer la parole à mes collaborateurs pour vous présenter nos réactions au projet de loi, permettez-moi quand même de souligner notre accord presque inconditionnel aux principes que sous-tend la loi et notre satisfaction de la façon dont le rapport est présanté et de sa facilité de compréhension.

Maintenant, je vais laisser mes collaborateurs vous présenter nos réactions plus particulières.

M. Joubert (Pierre): La première série de réactions porte sur la relation qu'on voit s'établir entre l'accessibilité à l'information et la confidentialité et notre rôle, rattaché à la protection de la santé publique. Je n'insisterai pas tellement sur l'élargissement qu'a créé la réforme sur les services de santé et les services sociaux. La seule chose que je voudrais mentionner, c'est qu'avec l'arrivée de la réforme sur les services de santé et les services sociaux, il y a eu un élargissement important du concept de santé qu'on utilisait jusqu'alors, avant la réforme.

Plus précisément, au départ, on parlait de santé individuelle, mais maintenant, on parle davantage de santé et de bien-être d'une collectivité. Pour nous, professionnels de la santé communautaire, il importe de nous assurer que ceux qui utilisent les services publics ou des services privés payés à même les fonds publics, puissent le faire dans les meilleures conditions possible. Il nous importe également que l'influence des conditions ambiantes, c'est-à-dire du milieu, de l'environnement, ne viennent pas perturber constamment la qualité de vie des individus, n'est dans ce cadre très général que nous parlons de protection de la santé publique et d'accès à l'information pour des fins de santé publique. Tomme nous avons besoin d'informations très variées pour réaliser notre mandat, nous ne pouvons que souscrire à la recommandation émise par la commission Paré, d'élargir le droit d'accès à l'ensemble des documents détenus par un organisme public. En même temps, nous devons reconnaître l'importance de protéger les renseignements qui sont contenus dans ces documents. Toutefois, nous aimerions, dans un premier temps, discuter deux articles de la proposition de loi qui comportent des mesures d'exception à cette règle, celle de la protection des renseignements personnels, et qui peuvent nous poser des problèmes d'application, compte tenu de la nature de notre mandat, soit celui de la protection de la santé publique. Il s'agit de l'article 28 et de l'alinéa ou du paragraphe 3 de l'article 59, selon le jargon qu'on veut employer.

Dans les deux cas, on propose de communiquer des renseignements personnels quand la situation présente un risque pour la santé ou la sécurité d'une personne, ou un caractère d'urgence qui met en danger la vie, la santé ou la sécurité d'une personne. Ce sont à peu près les termes des articles en question.

Tout en étant d'accord avec ces propositions de base, nous constatons qu'elles sont centrées sur la personne - on pourrait l'appeler la personne individuelle, par opposition à une personne collective, si on me prête l'expression - alors que, dans plusieurs cas, la protection de la santé publique touche des regroupements de personnes. Dans les cas d'épidémie, par exemple, la situation commande l'accès immédiat à des informations personnelles qui portent sur plusieurs personnes. Or, il nous semble qu'il y aurait avantaqe à donner plus d'extension à ces deux articles.

C'est pourquoi nous souhaitons que les mesures d'exception qui sont prévues à ces deux articles, l'article 28 de la proposition de loi et l'article 59, spécialement le paragraphe 3, s'appliquent également aux collectivités ou à des groupes de personnes, quand la situation l'exigqe. Peut-être est-ce

dû à un manque de compréhension de notre part, mais il nous semble vraiment que ces deux mesures d'exception sont trop centrées sur la personne et ne nous permettent pas, dans des cas d'urgence, véritablement, d'avoir des renseignements rapides sur des groupes de personnes ou des collectivités complètes. C'est le premier grand point sur lequel nous voulions attirer votre attention.

Le deuxième, ce sont les organismes visés par la proposition de loi. Un autre point sur lequel la proposition de loi ne rejoint pas suffissamment nos préoccupations concerne les recommandations de la première partie du rapport - ce sont les recommandations qui sont contenues dans le projet de réforme plus que dans la proposition de loi - où on limite l'application de cet éventuel projet aux organismes publics.

La commission Paré propose que, dans un premier temps, la loi ne s'applique pas aux organismes traditionnellement reconnus comme privés. Bien sûr, on reconnaît qu'il y a une certaine ambiguïté au terme "privé". Cependant, nous considérons que tout organisme qui tire 50% et plus de ses revenus des fonds publics devrait être soumis à une telle loi. On pense aux universités, on pense à d'autres organismes comme les polycliniques, par exemple.

Ceci s'applique tout particulièrement, dans notre esprit, aux milieux privés de pratique médicale où les actes médicaux sont rémunérés à même les fonds publics. À moins qu'on ne comprenne mal l'esprit de ce rapport, il ne semble pas que ce soit suffisamment explicité. Il serait logique que les mesures d'exception prévues, encore une fois, aux articles 28 et 59 s'appliquent également à ces formes d'organisation, toujours dans la mesure où la transmission de renseignements nominatifs concernant une personne peut avoir une incidence significative sur la santé publique. L'exemple des maladies à déclaration obligatoire, qu'à peu près personne ne déclare correctement, peut s'appliquer ici. Il s'agit essentiellement des maladies transmises sexuellement, donc, on est censé recevoir une déclaration obligatoire à partir du moment où quelqu'un détient une information à ce sujet. Or, il se fait que l'information ne rentre à peu près pas, sinon très mal, et que les médecins qui sont tenus, en principe, et même de façon précise, de déclarer ces maladies ne le font pas toujours à l'avantage de la santé publique.

Nous tenons par ailleurs à indiquer que, sur ce dernier point, il ne s'agit pas pour nous de lever la règle du secret professionnel. Il s'agit d'abord et avant tout de prendre les moyens appropriés pour assurer, encore une fois, la protection de la santé publique quand la situation l'exige. Nous proposons finalement, toujours en regard de ces mesures d'exception, qu'on indique le plus clairement possible ce que peut représenter "un risque sérieux pour la santé" ou une "atteinte significative à son droit à la qualité de l'environnement. " Cette terminologie nous semble très générale et laisse place à trop d'interprétation.

Pour résumer cette partie, nous souhaitons donc que les mesures d'exception prévues aux articles 28 et 59 s'appliquent à toute forme d'organisation dont les revenus ou subventions proviennent à 50% et plus de l'État. Deuxièmement, nous souhaitons que soient définis dans la loi, ou dans une réglementation subséquente, les termes "risques sérieux pour la santé" et "atteinte significative à son droit à la qualité de l'environnement".

M. Dionne: C'est un élément important de notre proposition que la définition qu'on donne à "risques sérieux pour la santé" et "qualité de l'environnement" ne soit pas basée uniquement sur des exemples précis d'épidémie où il y a une situation d'urgence. On voudrait que soient inclus là-dedans, aussi, les effets de l'environnement sur la santé à plus Iong terme. Qu'on pense aux différents contaminants qu'on peut retrouver dans l'environnement. Il sera nécessaire, si on veut réellement savoir ce qui se passe, de pouvoir avoir des renseignements qui n'ont peut-être pas un caractère d'urgence, mais qui ont un certain caractère d'atteinte à la qualité de vie des individus concernés.

Mme Émond (Aline): Enfin, le troisième point porterait sur les documents qui sont concernés par la proposition de loi elle-même. Il nous semble que le projet de loi ne couvre pas l'ensemble des documents des organismes publics qui faisaient l'objet des recommandations du rappport. Le mot "document", tel que défini dans la première partie, a une extension considérable. On a essayé de faire un lien entre la première partie du rapport où on étendait le sens du mot "document" en parlant de l'accès à tous les documents possibles, alors que dans la loi il y a un article qui vient restreindre un peu la portée de la première partie du rapport. II s'applique quel que soit le contenu de l'information et le support utilisé. La recommandation disait: "le droit d'accès devrait s'étendre à l'ensemble des documents détenus par un organisme public, que ces documents soient sous forme écrite, graphigue, sonore, visuelle, informatisée ou autre. " Nulle part dans la première partie du rapport et de ses recommandations on ne restreint le sens du mot "document. " On retrouve plutôt des phrases comme: "Tout document est accessible... L'existence de tout fichier de données personnelles doit être publique. "

Par ailleurs, des recommandations qui

visent "le droit à la protection des renseignements personnels à toute personne physique" deviendraient irréalisables si un article de loi, tel l'article 77 que l'on retrouve un peu plus loin, permet qu'un grand nombre de documents ne soient pas soumis à la loi. Tel que le rapport le recommande "la loi devrait s'appliquer à tous les renseignements concernant une personne physique et permettant de l'identifier. "

L'article 77 de la proposition de loi dit: "Les articles 63 à 76 ne s'appliquent pas au traitement manuel de renseignements nominatifs qui servent d'instrument de travail à une personne physique pour autant que ces renseignements ne soient pas communiqués et qu'il n'en soit pas fait usage au détriment de la personne concernée. " On pense que cet article-là, 77, vient beaucoup restreindre la portée des documents qui sont visés par la loi.

Cet article, identifié en marge par les rédacteurs de la proposition de loi comme portant sur le traitement manuel, nous pose des questions. Il nous semble que la portée même de la proposition de loi s'en trouve diminuée. Notre compréhension nous laisse supposer qu'un grand nombre de renseignements personnels ne seront pas accessibles, puisqu'ils ne peuvent être communiqués selon cet article. On peut même y lire qu'ils ne seront soumis à la loi qu'en cas d'infraction, soit qu'ils aient été communiqués indûment ou qu'on s'en sera servi au détriment de la personne concernée. Et puisque la loi ne couvre pas ce type de document, à qui pourrait-on s'en plaindre?

Ce genre de données nominatives forme un ensemble important des informations que recueillent les praticiens de l'intervention sociale ou de santé.

Certains domaines de la santé publique comportent des interventions individualisées incluant la cueillette d'informations nominatives. Comme l'informatique est trop peu développée dans les milieux de santé publique québécois, le traitement manuel de l'information est requis pour les programmes de dépistage individuel, les fichiers de vaccination, les fichiers d'enfants à risque, les fichiers de cours prénatals. Ce sont tous des fichiers qui sont traités manuellement et qui ont aussi une fin de travail quotidien pour le praticien qui s'en sert.

Ces informations nominales sont facilement recouvertes par l'article 77 en ce que le traitement est manuel et qu'elles servent d'instrument de travail à différents travailleurs. Si la plupart de nos fichiers de santé publique sont exclus de la loi par l'article 77, on se trouve libéré des inconvénients et lourdeurs de certains mécanismes que la loi va nous imposer, mais on se trouve aussi privé des avantages de certains autres articles, tel l'article 65 qui portait sur les ententes entre organismes et qui favoriserait nos échanges d'informations entre CLSC-DSC ou commissions scolaires et CLSC.

Toutefois, nous comprenons bien les difficultés d'appliquer l'ensemble de cette loi à des données à traitement manuel et qui ont souvent un caractère fonctionnel et quotidien. Les procédures d'accès pour les individus eux-mêmes, la mise à jour des fichiers demandent des mécanismes particuliers. Par ailleurs, la précision des contenus et des fins prévues d'utilisation, la désignation d'un responsable et des normes connues d'accessibilité à ces fichiers, aux articles 63 à 76, nous apparaissent des avantages qui nous font souhaiter le retrait de l'article 77. On courrait tout au moins le remplacer par un article qui limite la portée de certains articles quand il s'agit de fichiers à traitement manuel et dont l'information sert au travail quotidien des professionnels concernés.

Nous souhaitons que l'article 77 soit retiré ou limité pour rendre les articles 63 à 76 opérants pour l'ensemble des données personnelles et nominatives qui existent.

Enfin, la dernière partie de notre document porte vraiment sur des questions d'applicabilité de certains articles qui nous ont semblé poser des problèmes. En termes d'applicabilité de la proposition de loi, nous avons certaines interrogations. Par exemple, l'enregistrement des consultations au fichier de renseignement personnel. (16 heures1)

C'est inscrit l'article 77 dans le texte, mais c'est l'article 75. Celui-ci précise que chaque consultation d'un fichier de renseignements personnels est enregistrée et que cet enregistrement indique le nom de la personne concernée par les renseignements consultés. Cet article nous semble très pertinent. Cependant, cette tâche peut devenir considérable lorsqu'un grand nombre de données nominatives sont consultées en même temps. Nous souhaitons que le projet de loi précise à l'article 75 les alternatives permettant de prévoir le cas où un fichier de données personnelles est consulté en tout ou en partie. Par exemple, si on a à consulter le fichier des vaccinations qui existe dans un autre établissement, où il faut voir tous les enfants qui sont nés durant l'année 1977, il deviendrait un peu lourd d'avoir à enregistrer chacun des 1500 ou 2000 enfants qui étaient au fichier à ce moment-là.

Durée de certains délais. Il y a deux ou trois questions sur les délais qui pourraient être remaniées éventuellement lors de la proposition de loi, mais on tenait à faire savoir nos arguments là-dessus.

L'article 51 prévoit l'accès aux documents d'organismes publics dans les 20 jours ou au plus dans les 30 jours. La nature de notre mandat nous impose parfois la

consultation rapide d'un certain nombre de documents, y compris les fichiers informatisés. Dans le cas des documents susceptibles d'être consultés rapidement, ce délai de 20 à 30 jours nous apparaît élevé.

Nous souhaitons que, lors de mesures d'urgence, les délais prescrits à l'article 51 ne s'appliquent pas, qu'il y ait une mesure qui permette qu'ils ne s'appliquent pas.

Délai de délivrance du certificat. L'article 69 précise, que pour établir un fichier de renseignements personnels, un organisme doit obtenir un certificat de la commission. Cependant, le délai et les modalités d'obtention d'un certificat ne sont pas spécifiés.

Nous suggérons que le projet de loi soit davantage explicite sur le délai et l'obtention d'un certificat de la commission en ce sens que si l'article 77 était retiré et que l'ensemble de nos fichiers faisaient partie de la loi... On a souvent besoin, par exemple, pour septembre de monter un fichier des enfants qui entrent à l'école. Or, s'il faut des délais de six mois pour avoir le droit de monter ce fichier, il vaut mieux le savoir plutôt que de le prévoir au mois de juin ou au mois de juillet, pour être sûr de pouvoir mettre à jour un fichier en septembre.

Délai de certification. L'article 155 stipule qu'au moment de l'entrée en vigueur de cette loi un organisme qui détient des renseignements nominatifs doit, dans les douze mois qui suivent, constituer un fichier de renseignements personnels et demander à la commission un certificat de conformité. Ce délai nous paraît trop court et risque de rendre la loi inopérante. Il nous semble qu'effectivement, en dedans d'un an, il va être difficile à tous les organismes de mettre à jour tous les fichiers qu'ils ont en leur possession. La commission ne pourra pas répondre aux délais de certification de toute façon.

Nous souhaitons alors que ce délai soit étendu dans l'article 155 du projet de loi.

Mise à jour des dossiers. L'article 71 -on a peut-être mal compris le sens de cet article, mais c'est la compréhension qu'on en avait - du projet de loi demande que les renseignements nominatifs soient à jour, exacts et complets. Or, dans le domaine de la santé publique, les informations personnelles recueillies le sont souvent pour une période très limitée. Le temps d'une grossesse, par exemple. On suit une personne le temps d'une grossesse, ensuite, on ne fait pas des fichiers qui durent toute une vie. Il y a aussi la période de vie d'un enfant de zéro à deux ans, ou la période scolaire, par exemple. Or, la mise à jour deviendrait irréalisable.

Nous souhaitons donc que soit retirée de l'article 71 l'obligation de la mise à jour, au moins pour certains types de fichiers.

M. Dionne: En conclusion, nous tenons à souligner notre admiration aux rédacteurs du rapport qui ont su rendre accessible à tous le jargon bureaucratique que l'on retrouve habituellement dans ce genre de rapport et dans les textes de loi.

Aussi, tel que nous l'indiquions dans notre mémoire à la commission Paré, nous considérons comme essentielle une loi visant à rendre l'information accessible à tous, tout en protégeant la confidentialité de l'information personnelle.

Comme il s'agit d'une première loi sur le sujet, il faut noter la grande souplesse que prévoit la proposition en laissant la porte ouverte à des modifications et à une remise en cause de l'ensemble de la loi après cinq ans. C'est un projet de loi qui veut s'adapter à une société en évolution plutôt que de forcer la société à se plier à une loi trop contraignante.

Finalement, nous appuyons fortement l'évaluation générale de la loi après cinq ans, autant quant à l'efficacité des mécanismes supposés qu'à la capacité à rendre l'information plus accessible dans le respect de la vie privée de chacun. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bertrand: Je tiens à remercier les représentants de l'Association des directeurs de départements de santé communautaire, saluer un bon ami et camarade de l'Université Laval, indiquer aussi que votre mémoire est très intéressant pour nous, parce que vous êtes un des seuls organismes à venir nous parler de tout ce secteur qui est recouvert par la proposition de loi qui est celui des services de santé et services sociaux. C'est fort apprécié de la commission.

Vous faites allusion, en ce qui concerne les articles 28 et 59, à cette notion de personnes. C'est toute la question que vous avez longuement développée de permettre que ce puisse être un ensemble de personnes, un groupe ou une collectivité qui se prévalent des exceptions prévues dans la mesure où, effectivement, il y a un risque sérieux pour la santé et la sécurité ou qu'il y a une atteinte significative à son droit à la qualité de l'environnement. Ce qu'on me dit, ce sont des avis juridiques, et Dieu sait qu'on peut se battre longtemps sur la base d'avis juridiques, mais quand le contexte s'y prête et que cela va de soi selon, justement, le contexte qui est défini par l'article de loi, le singulier égale le pluriel. Le singulier permet d'inclure le pluriel et, dans les cas où des personnes regroupées au sein d'une même collectivité ont le sentiment que certains renseignements devraient être disponibles parce qu'ils permettraient de

connaître ou de confirmer l'existence d'un risque sérieux pour la santé, etc., dans ces cas, l'interprétation qu'on ferait de ce genre d'article serait que les personnes peuvent obtenir ce genre de renseignements et que donc - mais encore là, on vérifiera deux fois avant de s'en limiter à la rédaction de l'article tel qu'il est formulé - les personnes pourraient invoquer ce type de contexte particulier pour obtenir le renseignement. C'est une forme d'application du recours collectif par l'intermédiaire d'une loi d'accès à l'information gouvernementale.

On vérifiera en tout cas cette question, parce qu'elle m'apparaît importante. Il pourrait effectivement arriver que ce soit un ensemble de personnes qui veuillent obtenir de tels renseignements. Il faudrait donc que la loi soit suffisamment claire à ce sujet. On poursuivra notre réflexion juridique à ce sujet, mais je voulais simplement vous confier qu'il apparaît que les règles d'interprétation des lois nous permettent d'inclure le pluriel dans le singulier à l'occasion, quand le contexte s'y prête. Oui, madame.

Mme Émond: Quand vous dites "la personne concernée", je crois que c'est à l'article 59 qu'on dit bien "la personne concernée" je pourrais donner un exemple où ce n'est pas la personne concernée qui est en cause. Par exemple, on aurait une épidémie pour n'importe quoi dans une région, à la suite d'un problème alimentaire. Les informations qui sont recueillies sont sur certaines personnes qui ont été malades et l'information qu'on veut avoir, c'est sur ces personnes qui, pourtant, ne sont plus concernées puis que c'est pour d'autres personnes qu'on veut l'information. Les premières sont déjà malades. Le problème ne se pose plus. On veut avoir des informations sur ce qui s'est passé sur ces personnes nommément, parce qu'on veut aller les revoir souvent, pour éviter que d'autres subissent la même maladie ou le même problème. Donc, si c'est seulement quand la personne concernée elle-même est en cause qu'on peut avoir des informations nominatives sur le problème, on a un problème. Vous comprenez?

M. Bertrand: Oui, mais il n'en demeure pas moins que vous iriez chercher dans ces cas des renseignements sur des personnes qui ont été atteintes et qui...

Mme Émond: Oui, qui pourraient avoir été touchées.

M. Bertrand:... ont donc...

Mme Émond: Et qui ont été concernées à un moment donné.

M. Bertrand:... été concernées à une certaine époque et sur lesquelles nous détenons des renseignements. Il s'agit quand même de protéger ces personnes malgré tout. Je comprends votre préoccupation, vous qui vous occupez de prévention dans le domaine de la santé, de pouvoir utiliser les informations qui ont servi pour le cas de ces personnes en vue de prévenir d'autres situations semblables, mais il faut quand même être conscient que, lorsque vous allez chercher ces données, elles se rapportent, bien sûr, non pas aux personnes que vous voulez prévenir ou auxquelles vous voulez donner des renseignements pour prévenir de nouvelles situations du même genre, mais ce sont des renseignements sur des personnes qui ont vécu ces problèmes. Il m'apparaît que là, il y a une protection très importante à obtenir pour ces gens. C'est le sens, si je le comprends bien, de l'article 59.

Pour ce qui était de l'article 28, je crois qu'il s'aqira de voir sur le plan juridique comment on peut interpréter la rédaction d'un tel article.

Plus loin, vous évoquez cette notion de difficulté à définir les mots "document", "risques à la santé", "qualité de l'environnement", etc. Il faut faire attention. Je reviens encore sur une chose que je répète depuis deux jours, le sens commun et la nécessité de ne pas tenter de toujours donner, chaque fois qu'on utilise un mot, des définitions à n'en plus finir, malgré que je reconnaisse que le mot "document", de la façon dont il est utilisé dans la proposition de loi, comprend plusieurs choses en même temps et, tout à coup, on ne sait plus ce que c'est.

On ne sait plus, en d'autres mots, à partir de quel moment un document est un document, donc, doit être public et un document n'est pas un document, et on ne se préoccupe même pas de le cataloguer, de le répertorier et d'en faire une certaine gestion. Cela pose probablement une difficulté qu'on aura à cerner, soit la définition la plus précise possible de ce qu'est le document.

Quand vous avez à l'esprit le besoin de clarifier le "document" à cause même du travail que vous effectuez, comment voyez-vous cette difficulté, pour ce qui est des départements de santé communautaire?

M. Joubert: Cela est lié beaucoup à la distinction qu'on faisait tantôt entre données au fichier manuel et au fichier informatisé. Dans le contexte actuel, on travaille surtout avec des fichiers manuels. Il nous semble que dans la première partie du rapport, quand on parle de document, on inclut ce genre d'information, alors que dans la proposition de loi, il nous semble qu'on la restreigne énormément.

Si on définit très bien ce qu'on entend

par "document", ça pourrait être une façon, entre autres, de préciser ou de donner plus d'extension dans la proposition de loi, toujours, aux données qu'on voudrait y voir incluses. Quant à nous, il ne fait aucun doute que si l'article 77 s'applique, d'une façon ça nous rend service parce qu'on n'est pas soumis à certains contrôles, étant donné que la plupart de nos fichiers sont manuels et que les documents qu'on utilise sont souvent sous forme non informatisée, pour prendre un terme assez général. Donc, ça nous rend service, d'un certain côté, et d'un autre point de vue, ça nous pose énormément d'embêtements parce qu'on doit travailler avec des organismes du milieu, par exemple, les commissions scolaires. Des échanges d'information se font. Si on exclut ce genre de document, document de type manuel, graphique, sonore ou peu importe, selon les termes de la commission, on se trouve nécessairement pénalisé.

M. Bertrand: À l'article 77, on ne fait pas référence aux documents publics qu'on veut rendre accessibles pour l'ensemble de la population, on fait allusion à des renseignements nominatifs qui sont détenus par des organismes et qu'on veut voir protégés. C'est là que je trouve votre argumentation un peu curieuse. Parce qu'il me semble que l'article 77 en est un sur lequel vous devriez vous prononcer favorablement, parce qu'il suppose justement que les personnes dont c'est la fonction de travailler avec ces renseignements nominatifs, ces renseignements personnels, et qui, quotidiennement, doivent traiter manuellement ces dossiers, ne devraient pas se sentir astreintes à respecter les articles 63 à 76 qui sont des articles prévus pour des situations tout à fait différentes des vôtres. Ce sont des situations où vraiment tout est tellement informatisé et tout est tellement bien imbrigué dans un fichier, que là, on veut s'assurer que les gens qui en ont la gestion et qui en font la collecte, la conservation et l'utilisation, respectent un certain nombre de règles élémentaires pour en protéger la confidentialité.

L'article 77, c'était justement en tenant pour acquis qu'il y avait des situations où des gens, de minute en minute, d'heure en heure, de jour en jour, doivent manuellement avoir accès, vous n'êtes pas pour aller demander continuellement des autorisations pour effectuer le travail que vous avez à faire... Il me semblait que ça vous protégeait, que ça vous aidait à mieux réaliser votre travail que l'inverse, que vous semblez soutenir.

M. Dionne: De toute façon, dans le mémoire qu'on avait présenté à la commission Paré, on soulevait un peu cette question de ne pas entraver le fonctionnement des équipes multidisciplinaires, mais tout dépend de quelle façon on interprète l'article 77. Est-ce qu'on dit: Cet article va permettre la transmission facile de données entre les différents professionnels d'une même équipe? Si c'est ça, tant mieux, on n'a pas besoin de demander la permission pour s'échanger des données entre les professionnels au sein d'une équipe.

Par contre, on ne voudrait pas non plus qu'on se serve de l'article 77 pour limiter dans certains cas notre accès à des renseignements nécessaires à la protection de la santé publique. (16 h 15)

Je prendrais comme exemple, rapidement, les examens de laboratoire. Si un laboratoire fait des examens pour une maladie contagieuse quelconque, cela ne sera probablement pas informatisé. Il peut arriver, par contre, dans le cadre d'une autre responsabilité, qu'on ait une fois par mois ou une fois par année à y aller.

M. Bertrand: Oui, c'est cela. L'article 77, c'est pour vous permettre de faire votre travail. C'est aussi un des aspects de l'article 77, pour autant que ces renseignements ne soient pas communiqués et qu'il n'en soit pas fait usage au détriment de la personne concernée. Quand vous faites le traitement manuel de ces renseignements -c'est justement votre cas typique de laboratoire - pour les fins des responsabilités que vous remplissez, vous avez besoin d'avoir le renseignement, de vous en servir et, à l'occasion, de traiter ce renseignement pour les fins auxguelles vous vous en êtes servis. La question, c'est de s'assurer par contre que, même si vous traitez ces renseignements, vous ne les traitiez pas en prenant pour acquis que vous avez la faculté de les communiquer et d'en faire usage au détriment de la personne concernée ce qui, je pense bien, n'est justement pas votre objectif.

M. Joubert: C'est le sens de cet article. Nous, on est tout à fait d'accord. Ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait que cela soit clair, que ce soit compris en fin de compte, parce que là on ne l'avait vraiment pas saisi dans cet esprit.

M. Dionne: On ne voudrait pas qu'un autre organisme, à qui on demanderait de l'information, nous dise: Non, non, en vertu de l'article 77, on ne vous la donne pas parce que c'est manuel, parce qu'on ne peut pas vous la communiquer. Il peut être interprété des deux façons.

M. Bertrand: Je comprends votre préoccupation et on en prend bonne note. Dans notre esprit, en tout cas, l'article 77 tel que rédigé est suffisamment clair, mais

on va regarder cela pour voir s'il y a des possibilités de l'améliorer et aussi d'obtenir les avis qui nous permettent de dire: Non, très clairement, l'article 77 veut dire l'article 77 et rien d'autre. On ira de l'avant avec 77.

M. Dionne: C'est cela.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: À la page 14, sur la durée de certains délais, si j'ai bien compris, vous vous placez dans la situation d'un requérant. Là encore, je me demande et je ne sais pas, est-ce que vous ne lisez pas peut-être la loi un peu trop littéralement parce qu'en tant qu'organisme professionnel, ou travailleurs professionnels, vous devez avoir accès à certains renseignements. Est-ce que vous vous trouveriez dans une situation où vous seriez obligés d'utiliser la loi pour justifier un tel accès? Est-ce que cela est inévitable ou est-ce que j'ai tout à fait manqué le sens de votre recommandation?

Mme Émond: Si on fait des demandes à des organismes publics, l'organisme public en question aura toujours l'avantage de se protéger par la loi en disant qu'il a 20 jours pour répondre à notre demande et au maximum 30; tels sont les délais indiqués en ce moment dans la proposition de loi.

M. Dionne: Ce sont les difficultés que nous avons fréquemment; où on demande à des organismes publics des informations qui nous apparaissent nécessaires à notre travail et il s'écoule de longs délais avant qu'on puisse les avoir.

M. French: C'est-à-dire que les raisons que vous donnez de vouloir consulter ces dossiers n'apportent apparemment aucun résultat, ne sont pas convaincantes pour vos collègues dans les autres organismes publics. Vous êtes frustrés et vous prévoyez utiliser la loi comme n'importe quel autre citoyen pour avoir plus d'accès.

Mme Émond: Cela arrive, oui.

M. Frenchs Je dois vous avouer que je pense - cela se peut que je me trompe - que la commission et la loi ne sont pas rédigées en vue d'une telle situation. Maintenant, vous savez que si la commission avait en vue un simple citoyen qui peut être curieux, un journaliste, etc., il y a un certain nombre d'exigences qui doivent être remplies dans l'examen de documents, etc. Si, par contre, on se trouve dans une situation où la santé de quelqu'un est menacée, il y a des raisons un peu plus fortes que la curiosité, le bien public, un journaliste bien informé, il y a un intérêt public un peu plus fort que cela en arrière, dans l'application, il peut toujours y avoir un article en particulier qui viserait une telle situation. Est-ce que c'est ça que vous voulez? Vous savez, vous nous demandez de changer un délai qui a été conçu avec un objectif en esprit, mais vous invoquez ou vous introduisez tout à fait une autre raison.

M. Dionne: C'était un élément qu'on avait fait valoir dans notre premier mémoire à la commission Paré que, malgré une législation qui pourrait être intéressante, on se heurtait actuellement à des lenteurs administratives qui nous empêchaient d'avoir accès, dans des délais raisonnables, à l'information qui était déjà dans les mains d'organismes gouvernementaux.

Il est certain - et on le comprend -que l'esprit de la loi n'était pas de permettre à des organismes comme le nôtre d'avoir accès à de l'information. On pensait que, quand même, par le biais d'une telle législation, si on pouvait faciliter le travail de nos organismes qui sont voués à la protection et à la promotion de la santé de la population, tant mieux. On comprend que la loi n'est pas faite d'abord pour des organismes comme les nôtres.

M. French: II me semble que votre présomption a été correcte, sauf que je ne sais pas si votre recommandation est pratico-pratique dans le contexte. Je me demande si ce ne serait pas possible de formuler un article ou une recommandation qui viserait spécifiquement une situation où l'intérêt public incorporé dans l'activité d'organismes tels que ceux que vous représentez ne pourrait pas avoir un peu plus de statut selon la loi, face à un organisme public, qu'un simple citoyen. C'est seulement cette question là que je veux soulever.

M. Joubert: Cependant, il ne faudrait pas qu'on s'appuie sur ce délai pour refuser de l'information en situation de crise. C'est ça qui nous effraie un peu. S'il y a des problèmes de santé réels appréhendés pour une collectivité, exemple des intoxications alimentaires, et qu'on a besoin d'une information pour vraiment enrayer ce problème, il ne faudrait pas qu'on s'appuie là-dessus pour nous limiter l'accès à l'information.

M. French: C'est exactement ça qui m'inquiète un peu dans le sens où suivant. J'ai déjà été fonctionnaire à une certaine période de ma vie. Il me semble que la dernière chose que je vous conseillerais de faire, ce serait d'utiliser cette loi - je parle de vous dans le sens professionnel - pour avoir accès à de l'information parce que vous allez entrer dans une espèce de rouage ou de processus plus ou moins axé sur les 20

jours ou les 30 jours, exigeant plus ou moins un certain nombre d'interventions des gens de niveau assez supérieur, comme on vient de l'entendre, qui garantirait, en effet, que ça prendrait un mois ou deux mois. C'est pour ça que je me demande si vous vous placez bien en vous plaçant dans la situation d'un requérant comme n'importe quel autre requérant. C'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Chambly.

M. Tremblay (Chambly): Je pense que ce mémoire fait très bien ressortir l'importance de cet avant-projet de loi et potentiellement de cette loi. En considérant les nombreux dossiers qui traînent sur chacun des citoyens dans le paysage, c'est bien évident - en tout cas pour moi, comme nouveau député qui ne faisait pas partie de cette machine gouvernementale auparavant -que ça me conscientise au fait qu'il y a effectivement beaucoup de dossiers qui touchent les citoyens, que ceux-ci pourraient être intéressés à connaître.

Une simple petite question. Vous avez parlé dans votre mémoire des maladies qu'il faut déclarer obligatoirement. Je me demandais si présentement, lorsqu'un professionnel de la santé doit faire cette déclaration obligatoire, il doit aussi déclarer au patient, en l'occurrence, qu'il fera cette déclaration.

M. Dionne: Normalement, il le devrait. Dans sa pratique, il devrait indiquer que la maladie dont la personne est atteinte peut se propager et qu'il y a certaines mesures, certaines précautions à prendre pour s'assurer que l'entourage immédiat, c'est-à-dire la famille, n'a pas été contaminé, que les collègues de travail n'ont pas été contaminés. Prenons l'exemple de la tuberculose en milieu de travail. Si on découvre une tuberculose chez un travailleur, il est normal qu'on dise au travailleur: Écoutez, votre condition peut avoit été transmise aux autres travailleurs; donc, moi, je vais en informer le médecin de la compagnie - dans cet exemple - pour qu'il fasse les investigations auprès des autres travailleurs. La même chose dans une école. Il y a beaucoup de situations de ce type où la déclaration va se faire. Je pense qu'il est tout à fait normal que l'individu soit informé de ce qui va se passer après une déclaration.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Laurier.

M. Sirros: C'est un peu dans le même sens, concernant encore les déclarations obligatoires. Est-ce que j'interprète bien? La loi, telle qu'est rédigée actuellement, dit qu'un organisme public peut communiquer certains renseignements. Vous demandez d'étendre aussi l'application à des polycliniques, ou des médecins de cabinet privé, étant donné qu'ils sont subventionnés. Est-ce que ça vous intéresse plus d'avoir une obligation pour ces organismes de transmettre certaines informations concrètes ou spécifiques? Si c'est le cas, de quoi est-ce qu'on parle? Ou est-ce que vous êtes d'accord de laisser ça comme ça, que le professionnel ou l'orqanisme public "peut" transmettre l'information?

M. Dionne: C'est une question qu'on n'a pas complètement fini d'étudier, toute la mécanique à mettre en branle pour avoir accès à ce type d'information. De qu'on ne voudrait pas, par contre, c'est qu'une loi réqissant l'accès à l'information gouvernementale ou à la protection des renseignements personnels entrave davantage notre travail. Il est difficile actuellement, mais on arrive à travailler avec les pratiques et les lois actuelles, en particulier celles qui touchent les maladies à déclaration obligatoire. Mais on ne voudrait pas qu'il y ait une contradiction entre ce type de loi et une loi sur la protection des renseignements personnels qui interdirait, à toutes fins utiles, ou qui entraverait grandement la divulgation de ce type de renseignement.

Par contre, on est tout à fait d'accord de s'astreindre ou qu'on nous indique dans quelle mesure on doit fonctionner pour protéger des renseignements qui nous seraient divulgués dans ce contexte.

M. Sirros: Donc, à ce moment-là, on peut presgue définir d'avance dans quel domaine une loi d'accès à l'information prime sur la protection des renseignements personnels, dans quel domaine on doit avoir accès à certaines choses, même si certaines choses...

M. Dionne: Ce qu'on a voulu souligner dans cet article, c'était surtout que les établissements où il y a des médecins subventionnés, à toutes fins utiles, complètement par l'État pouvaient dans certains cas être soumis à certaines des dispositions de la loi. On ne veut pas l'étendre d'une façon aussi générale que l'esprit de la loi, mais dans certains cas particuliers, aux situations d'urgence.

M. Joubert: Ce qu'il faut dire, de façon plus spécifique, c'est que souvent les médecins ou certains médecins se retranchent derrière le secret professionnel pour éviter de déclarer des problèmes qui peuvent se propager dans la population. Cela nous cause des problèmes. Non pas qu'on veuille toucher au secret professionnel, ce n'est pas notre intention, sauf que pour un type de renseignement, lorsqu'il y a une possibilité

que cette information ait un effet sur la santé de la population, on aurait besoin au moins d'échanger avec le médecin là-dessus. C'est très difficile; même si la loi le prévoit actuellement, il y a des problèmes d'application assez importants.

Il y a une question de principe qu'on ne voudrait pas voir disparaître.

M. Bertrand: La Cour suprême a rendu sa décision.

M. Sirros: Ce que je voulais dire, c'est que finalement il faudrait définir le type de renseignement dont on parle pour qu'on puisse trancher entre le secret professionnel et les besoins de la collectivité, en termes d'information.

M. Dionne: Parce qu'on est conscient qu'autrement on risquerait de créer un tollé avec les professionnels.

M. Sirros: Seulement une clarification pour moi. Concernant l'article 77 dont vous parlez, si j'ai bien compris, il s'agit surtout de vous assurer que vous allez avoir les renseignements d'un organisme public, que l'organisme détienne des renseignements qui sont traités manuellement dans le cadre des ententes ou des contrats de services que vous pouvez avoir avec lui pour accomplir votre mandat finalement, comme département de santé communautaire.

Mme Émond: On voudrait, entre autres, que ce genre de données soit soumis à la loi. Je pense, par exemple, à des fichiers très simples; par exemple, des dames s'inscrivent à des cours prénataux, et on a certaines informations sur l'état de santé de la patiente. De plus en plus, ces services sont rendus par des organismes qui sont les CLSC. On voudrait bien que, pour ce genre de fichier, traité manuellement, jamais informatisé et jamais mis à jour quand la patiente a mis au monde l'enfant, il y ait un échange entre le DSC et le CLSC, pour qu'on puisse continuer de faire des ententes pour les échanger, qu'ils ne soient pas soumis à l'article 77 en disant qu'ils n'ont pas le droit de les communiquer.

M. Sirros: Vous voulez, par exemple, avoir les nom et les adresse pour pouvoir...

Mme Émond: C'est ça.

M. Sirros:... contacter ces personnes, évidemment.

Mme Émond: C'est ça. Entre autres, dans des processus d'évaluation de la santé de la population, qu'il y ait des mécanismes comme ceux-là.

M. Sirros: Merci.

M. Bertrand: Une seule petite question, si vous me permettez, à l'article 86. Vous n'avez pas fait de commentaires là-dessus, mais j'aimerais avoir votre point de vue. Il se lit comme suit: "Lorsque l'exercice du droit d'accès porte sur un renseignement nominatif à caractère médical, l'organisme public peut le communiquer à la personne concernée par l'intermédiaire d'un médecin que cette dernière désiqne à cette fin. " C'est tout le problème de la transmission des informations de caractère médical qui concernent une personne en particulier et pour lesquels il faudrait d'abord passer par l'intermédiaire d'un médecin que la personne aurait désigné elle-même. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?(16 h 30)

M. Dionne: On a peu élaboré sur cela dans les mémoires qu'on a présentés, d'abord parce que les hôpitaux et les médecins nous paraissaient beaucoup plus concernés que nous; deuxièmement, parce que, à notre avis, la Loi sur les services de santé et les services sociaux a déjà plusieurs dispositions à cet effet. Cet article limiterait - une opinion bien rapide - certains des articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui prévoit l'accès des individus à leur dossier sans intermédiaire, sauf dans des circonstances exceptionnelles où le directeur médical, ou le directeur des services professionnels peut refuser à l'individu l'accès à son dossier. Là, il peut y avoir intermédiaire. Oui?

M. Bertrand: II paraîtrait que l'article 7 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux interdirait que ce renseignement soit donné à une personne, si le médecin s'y oppose. Peut-être que vous ne l'avez pas à la mémoire?

M. Dionne: J'ai été directeur des services professionnels dans un établissement pendant plusieurs années. Il n'appartenait pas aux médecins de décider cela. Il appartenait réellement au directeur des services professionnels de surveiller la divulgation du dossier, évidemment, si le médecin lui indiguait qu'il y avait des contre-indications à la divulgation du dossier, possiblement que le directeur des services professionnels pouvait ne pas le divulguer, mais...

M. Bertrand: II n'y a pas automatiquement un accès de la personne à son dossier sans l'intermédiaire du directeur des services professionnels qui peut, à l'occasion, se faire conseiller par le médecin qui traite la personne?

M. Dionne: Je vous avoue qu'en pratique, dans plusieurs hôpitaux, si la

personne vient elle-même consulter son dossier, on va lui permettre de le consulter. Ce n'est pas automatique qu'on demande au directeur des services professionnels de se prononcer. Si le cas semble clair, peu litigieux, il va le faire. Ce sera sûrement à revoir, cet article, avec les dispositions de la Loi sur les services de santé et des services sociaux, et aussi la Loi sur la santé et la sécurité du travail, où on prévoit des mécanismes de transmission et de divulgation du dossier médical aux travailleurs ou aux patients.

Le Président (M. Rochefort): Je remercie les représentants de l'Association des directeurs de départements de santé communautaire.

J'inviterais maintenant les représentant de la Caisse de dépôt et placement du Québec à prendre place à la barre et à s'identifier, s'il vous plaît! Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

Caise de dépôt et placement du Québec

M. Campeau (Jean): Oui, mon nom est Jean Campeau, président et directeur général de la Caisse de dépôt et placement du Québec; je suis accompagné de M. Jean-Claude Scraire, qui est le conseiller juridique de la caisse.

Si vous voulez, je vais lire la première partie du mémoire et, pour la deuxième partie, je laisserai lire M. Scraire. Nous serons disposés à répondre à vos questions par la suite.

Si je fais un bref sommaire de notre mémoire, on va premièrement parler de la Caisse de dépôt, par la suite, de la philosophie qénérale de la Caisse de dépôt en matière d'accès aux documents publics, troisièmement, nous voudrions vous parler de la position de la Caisse de dépôt quant aux recommandations de la commission Paré, et, quatrièmement, des propositions de la Caisse de dépôt, et enfin, des projets de rédaction.

La Caisse de dépôt et placement du Québec a été constituée en corporation en 1965 par une loi spéciale de la Législature du Québec. Elle est un aqent de la couronne aux droits du Québec. Son siège social est à Sainte-Foy, Québec, mais sa principale place d'affaires est à Montréal. Elle est administrée par un conseil d'administration composé de son directeur général, du président de la Régie des rentes du Québec, de sept membres nommés pour trois ans par le gouvernement du Québec et de trois membres adjoints qui siègent sans droit de vote.

La Caisse de dépôt a pour objet de recevoir en dépôt et d'administrer des fonds dont le dépôt est autorisé par législation.

À l'heure actuelle, la Caisse de dépôt gère les fonds qu'elle reçoit de la Régie des rentes du Québec, de la Régie de l'assurance-dépôts du Québec, de la Régie de l'assurance automobile du Québec, de la Régie des marchés agricoles du Québec, du Fonds d'indemnisation automobile du Québec, du Fonds d'assurance-prêts agricoles et forestiers, de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, de la Régie des assurances agricoles du Québec, de l'Office de la construction du Québec, de la Commission administrative du régime de retraite et du Régime supplémentaire des rentes de l'Université du Québec.

Au 31 décembre 1980, le montant total des biens sous gestion de la Caisse de dépôt s'élevait à 11 750 000 000 $, soit une augmentation de 20, 5% par rapport à l'année précédente, augmentation provenant des revenus de 1 130 000 000 $ et de dépôts nets de 888 100 000 $. De ces biens, 8 714 500 000 $, ou 74, 20% du portefeuille de l'organisme étaient représentés par des obligations; 1 496 400 000 $ ou 12, 70% par des actions ou titres convertibles émis par 283 sociétés dont 184 étaient cotées en Bourse; 951 000 000 $ ou 8, 10% par des prêts hypothécaires; 31 000 000 $ ou 0, 30% par des investissements immobiliers et 314 700 000 $ ou 2, 70% par des placements à court terme.

La Caisse de dépôt avait en outre des éléments d'actif de 241 700 000 $ ou 2, 0% constitués principalement de revenus de placements courus et à recevoir.

Le montant total des biens administrés par la Caisse de dépôt s'élève maintenant à 13 000 000 000 $, ce qui en fait l'une des grandes institutions financières nord-américaines.

La Caisse de dépôt doit assurer la protection du capital, un rendement proportionnel au risque assumé et une saine diversité dans les placements, tout en visant à favoriser l'essor économique du Québec. Dans son activité, tout en étant à maints égards en concurrence avec d'autres institutions financières, elle doit entretenir des relations d'affaires avec de nombreux partenaires financiers, commerciaux et industriels. Elle respecte les règles du milieu économique dans lequel elle évolue et elle agit de façon à conserver la confiance que lui témoignent les milieux d'affaires et des finances et la crédibilité dont elle y jouit.

En matière d'information, en plus de respecter les diverses dispositions légales qui lui sont applicables, la Caisse de dépôt publie et diffuse un rapport annuel de gestion détaillé et elle fournit des rapports périodiques à ses déposants. Ces services spécifiques aux déposants et sa direction des communications sont attentifs aux besoins d'information des déposants et du public, respectivement.

Deuxièmement, la philosophie générale

de la Caisse de dépôt en matière d'accès aux documents publics.

En qualité de société d'État, responsable de la gestion des patrimoines d'organismes représentant collectivement la très grande majorité des citoyens du Québec, la caisse considère essentiel d'assurer une information adéquate sur ses activités.

Elle croit toutefois que sa fonction information doit être exercée de façon qu'aucun préjudice ne soit porté à sa mission fondamentale qui est de rechercher légitimement la rentabilité maximum des divers patrimoines sous sa gestion, en d'autres termes, de procurer à ses déposants les revenus les plus élevés possible.

En termes concrets, la Caisse de dépôt estime que n'étant pas propriétaire des biens sous sa gestion, elle doit protéger les intérêts de ses déposants en évitant ou en refusant, le cas échéant, la diffusion d'information non essentielle à la transparence de sa gestion et qui serait au contraire non appropriée ou inopportune.

De plus, la caisse doit toujours être consciente de l'extrême importance du respect des règles d'éthique en vigueur dans le milieu des affaires, en particulier aux fins de conserver sa crédibillité et la confiance de ses partenaires qui n'accepteraient pas de se trouver à son égard en position différente que s'ils transigeaient avec une autre institution financière.

Enfin, elle est d'avis que sa capacité concurrentielle ne devrait pas être affaiblie ou exposée à l'être par une diffusion non justifiée d'informations ou de renseignements.

De façon très apparente, la commission Paré était d'ailleurs animée des mêmes préoccupations. C'est ainsi qu'elle précise à la page 8 de son rapport: "L'extension du secteur public s'est faite également par des entreprises d'État. La logique de cette participation à l'économie suppose que ces entreprises jouissent d'avantages équivalents à ceux de leurs partenaires ou de leurs concurrents et qu'elles ne soient pas soumises à des contraintes qui ne sont pas imposées à ces derniers. "

Puis, à la page 41 du même rapport: "II n'était pas du mandat de la commission de modifier les règles du jeu économique par une loi sur l'accès aux documents des organismes publics. Si l'État estime que les entreprises doivent donner publiquement certaines informations additionnelles, il conviendra de le faire directement par une loi spécifique, après un débat public sur la question. "

Mais la rédaction de la proposition de loi ainsi que la très large part d'interprétation laissée à la commission de l'accès ne permettent pas d'assurer un organisme visé que les règles du jeu économique seront respectées. Il y a plutôt une porte ouverte à une modification de ces règles, mais seulement en ce qui concerne les organismes gouvernementaux oeuvrant en matière financière, commerciale ou indistrielle et, par conséquent, en ce qui a trait aux partenaires avec lesquels ils font affaires. Cela a pour effet de nuire à leur rentabilité, à leur crédibilité, à leurs opérations, le tout au désavantage de la collectivité à l'égard de laquelle chacun d'eux est redevable.

La caisse est également d'avis que la responsabilité principale de la décision de diffuser ou non une information, ou du moment de la diffusion, doit incomber au dirigeant de l'organisme public et que l'évaluation du préjudice qui peut être causé ne devrait pas être révisable sans motif très grave par un organisme extérieur comme la commission d'accès.

Un tel organisme d'ailleurs, à moins d'avoir un personnel nombreux et spécialisé, pourrait difficilement avoir, du moins à ses débuts, les compétences requises pour substituer valablement son opinion à celle du dirigeant de l'organisme public. Le dirigeant d'organisme public répond de sa gestion et une décision en matière d'accès à l'information peut être prise de façon tout aussi responsable qu'en toute autre matière confiée à sa gestion.

En substance, la caisse est d'avis que les cas où, en matière financière, commerciale et industrielle, l'accès à un renseignement peut être refusé devraient être plus nombreux mais traités avec la souplesse requise par une évaluation ad hoc des motifs dont le dirigeant d'organisme répondrait. Par ailleurs, ces refus pourraient être plus circonstanciés en leur accordant un effet d'une durée limitée et déterminée à l'expiration de laquelle un nouveau traitement de la demande serait fait.

La position de la Caisse de dépôt quant aux recommandations de la commission Paré. La Caisse de dépôt est généralement en accord avec les objectifs poursuivis et les modalités pour y parvenir proposées par la commission Paré.

Ses commentaires principaux et ses propositions spécifiques porteront sur les restrictions au droit d'accès aux renseignements à incidences économiques et, quoique de façon plus sommaire, sur certaines autres dispositions particulières de la proposition de loi contenue au rapport de la commission d'étude.

Si vous me le permettez, je demanderai à M. Scraire de continuer.

M. Scraire (Jean-Claude): Les propositions de la Caisse de dépôt. La caisse est d'avis que la proposition de loi contenue au rapport de la commission Paré aurait avantage à être modifiée de la façon suivante: 4. 1 qu'un organisme public ait non seulement le droit de refuser un

renseignement, mais également celui de refuser d'en confirmer l'existence. On se réfère ici aux articles 25 à 27. (16 h 45) 4. 2 que le refus puisse s'appliquer non seulement à un "projet" au sens de l'article 25, mais aussi à un contrat, une entente, une opération, une transaction, une analyse, le tout à certaines conditions. On réfère à nouveau à l'article 25. 4. 3 qu'au nombre des motifs de refus visés à l'article 25, on considère également, et de façon expresse, les cas où une telle divulgation: 1. nuirait d'une façon appréciable à la compétitivité de l'organisme public; 2. serait susceptible de produire un effet sur le prix des biens visés, les taux d'intérêt ou toute autre rémunération du capital concerné, ou l'offre ou la demande pour ces biens ou pour les titres relatifs à ces biens; 3. ne serait pas faite, en pareilles circonstances et selon les règles et coutumes habituelles, par un organisme non public oeuvrant en semblable matière, imposant ainsi à l'organisme public des obligations additionnelles à celles des organismes non publics oeuvrant en semblable matière, si le dirigeant de l'organisme public est d'avis que cette divulgation serait susceptible de nuire pour ce motif à la crédibilité et à la confiance dont jouit l'organisme public; 4. 4 que la détermination de la gravité de l'atteinte aux intérêts de l'organisme ou de la collectivité appartienne au dirigeant de l'organisme public ou, le cas échéant, que le critère de gravité soit remplacé par un critère moins exigeant et plus précis (article 25); 4. 5 que la valeur, même non commerciale, d'un renseignement financier soit un motif de refus (article 26); 4. 6 qu'un refus soit fait et valable pour une durée déterminée maximum; 4. 7 que l'exigence pour le tiers d'avoir traité le renseignement comme confidentiel "de façon constante", comme on y réfère à l'article 27, soit retirée ou remplacée par une notion moins exigeante comme "habituellement"; 4. 8 que les arguments à l'appui d'une recommandation ou d'un avis soient traités de la même façon que l'avis ou la recommandation auxquels on réfère à l'article 37 et qu'ils soient distincts de l'analyse à laquelle on réfère à l'article 43; 4. 9 que le responsable de l'accès aux documents puisse exiger une demande écrite. On réfère à l'article 47. 4. 10 que le délai de prorogation de l'article 51 soit de 30 jours plutôt que de 10; 4. 11 que le responsable informe le tiers concerné de la demande et non de "l'intention de donner suite". On réfère ici aux expressions employées à l'article 52. 4. 12 que les coûts directs et indirects de l'accès aux documents publics soient à la charge de celui qui requiert cet accès. On réfère à l'article 11.

À la partie 5, on a annexé un projet de rédaction aux fins d'éclairer la portée des propositions qui sont faites et non pas aux fins de soumettre un texte formel.

Les remarques et les propositions de la Caisse de dépôt sont motivées par son rôle et ses opérations en matières financière et commerciale et ne s'appliquent peut-être pas à tous les organismes publics visés notamment aux articles 25, 26 et 27 du projet.

En conséquence, la Caisse de dépôt soumet deux projets de rédaction relativement à l'article 25, l'un étant une modification à l'article 25, l'autre étant un ajout à l'article 25 par un article 25a. Les projets de rédaction qui suivent ont pour but d'éclairer la portée des modifications proposées. 5. 11. Modification de l'article 25 de sorte qu'il se lise de la façon suivante: "Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence d'un renseignement ou de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler un projet d'emprunt ou de modification des termes d'un emprunt, un projet de taxation ou de modification de taxation, un projet d'acquisition, de location ou d'aliénation d'un bien, une entente, un contrat, une opération, une transaction ou une analyse financière lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation: 1. procurerait un avantage indu à une personne ou pourrait causer une perte ou un préjudice sérieux à celle-ci ou à l'organisme public; 2. serait susceptible de produire un effet sur le prix des biens visés, sur les taux d'intérêt ou de toute autre rémunération du capital concerné, ou sur l'offre et la demande pour ces biens ou pour les titres relatifs à ces biens; 3. ne serait pas faite, en pareilles circonstances et selon les règles et coutumes habituelles, par une personne ou par un "organisme non public" oeuvrant en semblable matière, imposant ainsi à l'organisme public des obligations additionnelles à celles d'une telle personne ou d'un tel organisme, et que le dirigeant de l'organisme public est d'avis que cette divulgation serait susceptible pour ce motif de nuire à la crédibilité et à la confiance dont jouit l'organisme public; ou 4. de l'avis du dirigeant de l'organisme public, porterait gravement atteinte aux intérêts économiques de l'organisme public ou de la collectivité à l'égard de laquelle il est compétent, ou nuirait à la compétitivité de l'organisme public.

La formule alternative, 5. 12, ajout d'un

nouvel article 25a: "Un organisme gouvernemental ayant en totalité ou en partie une vocation financière, commerciale ou industrielle de nature comparable à celle de personnes ou d'organismes non publics, ou un organisme gouvernemental dont la conduite des affaires requiert des opérations financières, commerciales ou industrielles de cette nature peut, en plus, refuser de confirmer l'existence d'un renseignement ou de communiquer un renseignement ayant trait à ses opérations financières, commerciales ou industrielles lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation... " Et là, c'est le même texte que dans le texte précédent, les quatre causes. 5. 2, modification de l'article 26: "Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique qui lui appartient et dont la valeur actuelle ou la valeur commerciale éventuelle est importante. "

Modification de l'article 27: "Un organisme public ne peut communiquer un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical fourni par un tiers de façon confidentielle et habituellement traité par lui comme confidentiel sans le consentement de ce tiers. "

De même, il ne peut, sans le consentement du tiers concerné, communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement, de l'avis du tiers concerné ou du dirigeant de l'organisme public, d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte ou un préjudice à ce tiers, de procurer un profit appréciable à une autre personne ou de nuire de façon appréciable à la compétitivité de ce tiers.

Ajout d'un article 27a ou 57a: "Le refus d'un organisme public fondé sur un des motifs prévus aux articles 25, 26 et 27 - ou, selon le cas, 25, 25a, 26 et 27 - est fait pour une durée déterminée qui ne peut excéder deux ans. "La demande ayant fait l'objet de ce refus demeure pendante durant ce délai à l'expiration duquel elle doit faire l'objet d'une acceptation ou d'un nouveau refus assujetti aux mêmes règles, " et ainsi de suite. "Une telle demande n'est cependant valable pour une période de plus de cinq ans de la date où elle a été initialement formulée. La durée pour laquelle le refus est valable doit être indiquée au requérant par le responsable. "

Quant aux modifications aux articles 39, 47, 51, 52 et 11, conformément aux propositions 4. 8 à 4. 12, étant donné qu'il ne s'agit pas de modifications qui sont de nature substantielle, on n'a pas suggéré de projet de rédaction aux fins d'en éclairer la portée.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: Pourrais-je demander à M. le président s'il y a un document qui sera accessible si on adopte vos amendements?

M. Scraire: La proposition de loi qui est dans le document de la commission Paré essaie de définir le type de documents auxquels l'accès pourrait être refusé. L'approche que la Caisse de dépôt suggère est de ne pas avoir la prétention de définir ce type de documents, mais plutôt de dire dans quel cas l'accès à des documents pourrait être refusé, de mieux définir, à cause de la gravité des cas ou de l'importance des répercussions que cela pourrait avoir, ces critères à propos desquels l'accès à un document serait refusé. C'est ainsi que dans la rédaction alternative 25a, par exemple, on ne définit absolument pas le type de renseignement auquel l'accès pourrait être refusé, mais on définit les critères à partir desquels l'accès à quelque renseignement pourrait être refusé. Alors, il s'agit qu'un renseignement obéisse à ces critères-là pour que l'accès en soit refusé.

Dans un sens, ça peut être plus large et dans un autre, ça peut être plus restreint que les propositions initiales, les critères employés sont différents.

D'autre part, si la possibilité de refus à l'accès d'un document est effectivement élargie par l'addition d'un certain nombre de critères comme la concurrence ou la compétitivité des organismes qui oeuvrent en matière financière, si les possibilités de refus, dis-je, sont élargies dans un sens, on a voulu les restreindre dans un autre en limitant la portée des refus à une période déterminée à la suite de laquelle, automatiquement, l'organisme qui a refusé devrait réévaluer les motifs qui avaient prévalu à son refus pour voir si ces motifs-là sont toujours existants.

M. Bertrand: Je comprends bien. Ma question était à la fois sérieuse et aussi un peu sur le ton de la blague, parce que j'ai l'impression que vous trouvez des moyens fort astucieux pour que, même sur cette question de rendre publics certains documents - j'y reviendrai tantôt - vous nous faites votre proposition de l'article 57a pour montrer jusqu'à quel point on peut aller très très loin avec ce type de procédure.

Pour être vraiment sérieux sur la question, hier, quand les gens d'Hydro-Québec et de la SEBJ sont venus, j'avais évoqué le problème que posait pour le gouvernement l'application d'une telle loi aux sociétés d'État. La Caisse de dépôt et placement, c'est le moins qu'on puisse dire, est placée

dans une situation fort délicate. Elle est en contact permanent avec des entreprises privées. Vous effectuez au nom de la collectivité un certain nombre de transactions, vous décidez de participer comme actionnaires, vous avez des décisions dont les impacts commercial, financier, économique sont "redoutables". On entend parler un peu tout le monde de ce qui se passe en ce moment au niveau d'un certain secteur que je ne nommerai pas et je suis très préoccupé par la nécessité de protéger les sociétés d'État dans un tel contexte. S'il m'apparaît qu'il y a un secteur qui doive, malgré l'ouverture qui est quand même faite par la proposition de loi, être protégé, c'est bien celui des sociétés d'État qui sont placées dans des situations où elles transigent continuellement avec le secteur privé, alors que le secteur privé, lui, n'est assujetti à aucune des obligations, à aucun des devoirs qu'une loi d'accès à l'information gouvernementale formule pour le secteur public.

Vous êtes l'organisme qui, jusqu'à maintenant, en tout cas on n'en a pas reçu beaucoup, mais je suis content que la Caisse de dépôt et placement vienne, nous produit le plus clairement possible des propositions d'amendement aux articles 25, 26, 27 et autres, qui, à votre point de vue, vous placeraient dans une situation où vous vous sentiriez capables de fonctionner et de remplir adéquatement votre mission de société d'État dans le contexte particulier de concurrence avec le secteur privé.

Tout en reconnaissant cela et en étant d'accord pour que vous adressiez vous-même à la commission les suggestions les plus pertinentes à ce sujet, on a l'impression, à un moment donné, que ce chapitre qui consacre les restrictions relatives aux renseignements à incidence économique va faire en sorte qu'à toutes fins utiles les documents qui sont détenus par les sociétés d'État sont des documents qui vont être inaccessibles.

Je prends un exemple comme celui des tiers. Pour ce qui est des tiers, vous dites à l'article 27: " Un organisme public ne peut communiquer un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical fourni par un tiers de façon confidentielle et habituellement traité par lui comme confidentiel sans le consentement de ce tiers. " C'est plus large que constant, ça vous permet une interprétation beaucoup plus libérale du refus de rendre public un document. Si j'ajoute au paragraphe: "De même, il ne peut, sans le consentement du tiers concerné, communiquer un renseignement fourni par une tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement, de l'avis du tiers concerné - alors déjà vous fermez une porte - ou du dirigeant de l'organisme public - deuxième porte d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte ou un préjudice à ce tiers, etc. " (17 heures)

Pour ce qui est des tiers, je vous pose la question: Est-ce qu'il y a des cas où les documents des tiers vont être accessibles dans un contexte comme celui-là? Ou bien, si vous considérez que pour le fonctionnement d'une société comme la Caisse de dépôt et placement, il faut absolument introduire ce genre de protection, parce que cela nuirait au fonctionnement de l'organisme, porterait préjudice, non seulement au tiers, non seulement à l'organisme public, mais aussi à l'intérêt public, parce que, dans le fond, la Caisse de dépôt et placement est un organisme de l'État.

M. Scraire: Vous avez référé, M. le ministre, à l'intervention d'Hydro-Québec, d'hier, je crois. Ces gens ont fait valoir également que dans beaucoup de cas, ils n'étaient pas propriétaires de documents qui étaient en leur possession, mais détenteurs d'information ou de documents qui ne leur appartiennent pas. C'est le même cas à cet égard pour la Caisse de dépôt et placement. À cet égard, dans nos lignes générales développées dans notre mémoire, quand on dit que les tiers qui font affaires avec la caisse ne devraient pas être pénalisés ou placés dans une position différente que s'ils le faisaient affaires avec une autre institution financière, c'est certain qu'on veut limiter l'accès aux documents des tiers, du moins en ce qui nous concerne, dans le sens suivant: c'est-à-dire que si on est détenteur d'un document qui appartient à un tiers et que le fait de notre détention permette que la demande nous soit adressée, est-ce qu'il nous appartient à nous de se prononcer sur l'accessibilité à ce document? Est-ce que la commission d'accès... La demande ne devrait-elle pas être renvoyée à ce moment carrément à l'organisme en question, au tiers concerné? Est-ce que c'est à nous d'agir comme fournisseur de renseignements sur les tiers?

On n'a pas répondu d'une façon catégorique en disant: Non. Il peut arriver beaucoup de cas où l'information fournie par des tiers et qui est en notre possession puisse être divulguée sans problème.

M. Bertrand: Dans le cas où cela n'entrave pas une négociation en vue de la conclusion d'un contrat. Dans le cas où cela ne cause pas une perte ou un préjudice à ce tiers. Dans le cas où cela procure un profit appréciable à une autre personne ou que cela nuit de façon appréciable à la compétitivité de ce tiers...

M. Scraire: C'est une énumération de

cas qui étaient déjà là. Ce qu'on a ajouté à ce paragraphe, c'est un critère permettant d'établir qui décide que cela se passe de cette façon. Actuellement, par la seule interprétation possible, c'est la commission d'accès à l'information qui va décider cela. Or, et c'est une des notes dans notre mémoire, on pense qu'on devrait faire un peu plus confiance aux dirigeants des organismes concernés pour décider eux-mêmes si effectivement cela entrave ou non une négociation, si telle ou telle chose se présente. De la même façon qu'on leur fait confiance pour d'autres décisions qui ont au moins autant d'importance.

Par ailleurs, vous avez souligné le remplacement ou la suggestion de remplacer l'expression "de façon constante" par l'adverbe "habituellement" dans le premier paragraphe de cet article. De façon constante est interprétable comme ne souffrant aucune dérogation. Or, c'est peu réaliste, parce qu'un tiers qui fait affaires avec la Caisse de dépôt et placement fait généralement affaires aussi avec des banques. Il va fournir à des banques ou à d'autres institutions financières le même type de renseignements qu'il nous fournit, mais toujours de façon confidentielle. C'est dans ce sens qu'on a suggéré de remplacer "habituellement" par "de façon constante", c'est à cause d'une interprétation juridique qui peut être faite de l'expression "de façon constante" comme ne souffrant aucune dérogation. Si cela devait être interprété ainsi, ce paragraphe ne veut plus rien dire. Il n'offre aucune protection pour le tiers.

M. Bertrand: Je me fais un peu l'avocat du diable, parce que j'essaie de voir où vont demeurer les portes ouvertes pour l'accès aux documents publics, mais je comprends, en tout cas, je suis très ouvert à ce que nous précisions davantage les articles 25, 26, 27 et quelques autres que vous mentionnez un peu plus loin dans votre mémoire, parce que vous êtes dans un contexte économique où ce n'est pas le collectivisme d'État qui a force de loi. Il y a la participation du secteur privé et la Caisse de dépôt et placement négocie continuellement, travaille continuellement avec ces gens. Vous avez besoin de sentir qu'on ne vous fait pas, à vous, des obligations qu'on ne fait pas en partant à l'entreprise privée et ce, à aucun point de vue, non seulement en ce qui a trait à l'accès aux documents, mais aussi à la protection des renseignements personnels.

C'est un peu la raison pour laquelle, il y a quelques semaines, j'avais indiqué - et ce n'est pas sur la question des municipalités, j'y reviens, mais sur la question des sociétés d'État - que je me posais des questions à savoir si la loi devait s'appliquer aux sociétés d'État justement dans le contexte très particulier où elles sont placées. C'est plus vrai, à mon avis, pour les sociétés d'État.

Je vais vous donner un exemple. L'Université du Québec est rejointe par la loi; mais on parle de protection des renseignements personnels, on parle d'accès à l'information pour l'Université du Québec, mais il y a pendant ce temps d'autres universités subventionnées par l'État et pour lesquelles ça ne s'appliquera pas. On va l'appliquer aux commissions scolaires, mais on ne l'appliquera pas aux institutions du réseau privé qui sont financées à 60% et à 80% par l'État.

Il me semble y avoir un problème de fond. La commission nous invite à réfléchir là-dessus, mais pendant qu'on y réfléchit, je me dis: Est-ce qu'on va ouvrir toute grande la porte à des organismes, entre autres les sociétés d'État, qui, sur le plan stratégique, dans ce difficile contexte des relations entre intervenants économiques, ont besoin d'un minimum de protection pour faire face à ces objectifs et pour servir l'intérêt public, parce que, dans le fond, vous recevez vos mandats, à toutes fins utiles, de l'État québécois, donc de la collectivité.

Je vous remercie de nous aider à préciser davantage ces articles; je suis conscient en même temps qu'effectivement ça ne rend pas très accessibles, les documents qui sont détenus par les sociétés d'État, mais ça aussi peut être compréhensible dans le contexte où on n'a pas encore décidé d'étendre à l'ensemble du secteur économique cette loi de démocratie qui est celle de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. À ce point de vue, j'accueille vos suggestions avec beaucoup d'ouverture.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Marguerite-Rourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais saluer M. Campeau, M. Scraire et souhaiter les meilleurs succès à ce dernier dans ses nouvelles fonctions; je le félicite d'avoir remporté le concours d'accès à ses fonctions. Cela prouve que les cabinets politiques sont d'excellentes écoles de formation.

J'ai lu avec intérêt votre mémoire, il y a, naturellement - et je pense que vous n'avez pas beaucoup de difficulté à en faire la démonstration - une situation tout à fait particulière pour une société comme la Caisse de dépôt qui est en affaires, comme on dit dans le milieu. Vous êtes en concurrence avec des sociétés qui font le même genre de métier, de commerce que vous et ce n'est pas la loi de l'efficacité qui tolérerait que vous fassiez affaires sur la place publique. Là-dessus, je pense que le ministre a réagi un peu dans ce sens, c'est vrai que c'est une situation un peu spéciale.

Je crois que tous vos arguments ne sont pas d'égale valeur. Je prends, par exemple, la page 5, où vous dites qu'un tel organisme - et vous parlez de la commission d'accès - "à moins d'avoir un personnel nombreux et spécialisé, pourrait difficilement avoir, du moins à ses débuts, les compétences requises pour substituer valablement son opinion à celle du dirigeant de l'organisme public. " C'est un argument un peu spécieux à moins que vous n'ayez des expériences à nous communiquer, mais cela laisse croire à l'incompétence présumée des organismes même nouveaux, mis sur pied par le gouvernement.

La deuxième phrase du paraqraphe est à peu près d'égale valeur. "Le dirigeant d'organisme public répond de sa gestion et une décision en matière d'accès à l'information peut être prise de façon tout aussi responsable qu'en toute autre matière confiée à sa gestion. " Il me semble que, si c'est un jugement valable, ça vaudrait aussi pour les autres organismes du gouvernement, y compris les ministères. À ce moment-là, la loi ne serait qu'un voeu pieux et on prierait, justement, dans cette loi-là les ministères de bien vouloir divulguer les renseignements qui sont demandés par la population. Heureusement qu'on a compris rapidement que vous êtes dans une situation un peu spéciale.

Mon impression, à la lecture assez rapide des textes que vous proposez, c'est que vous pourriez toujours et indéfiniment, à peu près éternellement, refuser à peu près n'importe quoi. C'est l'impression que j'ai, puisque la question des deux ans, cela peut être de la poudre aux yeux, parce qu'au bout de deux ans, vous dites: On refuse encore pour deux ans et, au bout de deux ans, encore deux ans, à moins que les cinq années ne soient la fin de ce refus. Vous pourrez m'expliquer ça tout à l'heure.

M. Bertrand: Non, parce qu'on dit à la fin: "La durée pour laquelle le refus est valable doit être indiguée au requérant par le responsable. " Alors, il y a encore...

M. Lalonde: Même pas les raisons, la durée.

M. Bertrand: C'est une question qu'il faudrait...

M. Lalonde: II y a une autre chose, par exemple, il ne faudrait quand même pas que cette attitude de confidentialité, qu'on comprend, au départ, devienne une seconde nature chez vous, non plus. Je sais, parce que cela a été publié, que la Commission des valeurs mobilières cherche à vous traiter simplement comme vos concurrents, c'est-à-dire que la Caisse de dépôt soit appelée à faire les divulgations qu'on appelle des divulgations de dirigeants, je pense. C'est "insiders" en anglais; je ne me souviens plus si c'est dirigeants; c'est initiés. Lorsque cet initié fait le commerce dans certaines valeurs, il est soit un officier, un administrateur ou même un actionnaire à 10%.

Or, on sait que la caisse est actionnaire à 10% au moins d'un certain nombre d'entreprises - et ce n'est pas le nombre qui compte, en fait, c'est l'existence - dont les valeurs sont transigées à la Bourse et que la Caisse de dépôt fait ces transactions sans se conformer aux dispositions de la loi qui, peut-être, ne s'appliquent pas, strictement parlant, juridiquement parlant, à la Caisse de dépôt, mais qui, quand même, situent la Caisse de dépôt dans une espèce de tour d'ivoire ou la mettent dans une situation différente et plus favorable que celle de ses concurrents. Je me demande si, par le biais de cette intervention que vous faites à la commission parlementaire, vous pourriez nous donner des indications sur votre volonté de vous conformer au moins aux mêmes lois qui frappent vos concurrents.

M. Campeau: Je pense que ce n'est pas aussi simple que ça. De la façon dont vous l'exposez, on réalise pleinement que vous avez aussi une expérience. Vous êtes probablement un ancien sous-ministre aux Institutions financières, ça vous facilite la compréhension de la Commission des valeurs mobilières. Pour nous, on discute évidemment avec la Commission des valeurs mobilières...

M. Lalonde: Entre sous-ministres, on s'entend.

M. Campeau: Peut-être. En tout cas, on est en discussion avec la Commission des valeurs mobilières, on comprend ses exigences, ses préoccupations, mais on regarde aussi la complexité de toutes ces demandes, on regarde aussi comment sont traitées d'autres sociétés d'État par tout le Canada, évidemment, on espère arriver à une conclusion et à une bonne compréhension avec la Commission des valeurs mobilières. Mais je pense que, dans ce cas-ci, ça n'a pas d'affaire au mémoire qu'on présente du tout.

M. Lalonde: Mon. D'ailleurs, je l'ai bien indiqué. Je voulais simplement profiter de l'occasion pour que vous nous expliquiez pourquoi la Caisse de dépôt - qui aurait probablement d'excellentes raisons de ne pas se conformer exactement comme un ministère, parce qu'elle est en affaires, qu'elle fait des transactions commerciales, des opérations commerciales quotidiennement - ne veut pas se conformer aux dispositions qui s'appliquent justement à ces personnes qui font ces transactions commerciales.

M. Campeau: On reviendra à une autre commission parlementaire. (17 h 15)

M. Lalonde: Naturellement, je sais que vous ne voulez pas refuser de répondre. Vous savez que nous sommes tout oreilles. On attend un certain nombre d'indications. Cela aussi est confidentiel?

M. Campeau: Non, je pense que ce n'est pas approprié.

M. Lalonde: Ce n'est pas à sens unique, vous savez, on a le droit de poser des questions.

M. Campeau: Ce n'est pas approprié aujourd'hui. On est à l'heure actuelle en pourparlers avec la Commission des valeurs mobilières. On discute avec elle sur le projet de loi. C'est difficile pour nous d'arriver ici aujourd'hui et d'émettre une opinion là-dessus.

M. Lalonde: Vous n'êtes pas en train d'acheter les 40% de Domtar, vous êtes en train d'informer les parlementaires qui sont appelés à voter pour ou contre ou à changer les lois pour le bien commun. On vous demande seulement de nous indiquer ce qui arrive entre vous, président d'une société qui appartient à tout le monde, et la Commission des valeurs mobilières, un organisme du gouvernement qui appartient à tout le monde. Il n'est pas question d'affecter les valeurs de Domtar - j'espère que cela ne baissera plus - il s'agit simplement de faire preuve de transparence. Est-ce que vous êtes prêts à vous conformer aux lois que nous avons adoptées ici, qui sont en vigueur, non pas une loi tout à fait spéciale qui pourrait affecter vos transactions commerciales, mais celles auxquelles sont soumis tous vos concurrents, ceux qui achètent 10% des actions des compagnies cotées en Bourse?

M. Campeau: Pour nous, c'est une étude que nous sommes en train de faire. Il n'est pas sûr que tous nos concurrents doivent faire ces rapports.

M. Lalonde:... initiés au moins.

M. Campeau: Pour vous, est-ce que toutes ces sociétés d'État deviennent des initiés?

M. Lalonde: Je ne sache pas que la Loi sur les valeurs mobilières fasse une différence entre le caractère public ou privé de l'actionnaire qui détient 10%. Peut-être qu'elle ne frappe pas spécifiquement telle société, étant société d'État, Caisse de dépôt et placement, mais, si cette distinction existe dans la loi, à ce moment vous êtes exemptés. Il doit y avoir une raison pour laquelle la Caisse de dépôt comme actionnaire de Domtar, pour ne pas la nommer, ou autres. Parce que vous avez la qualité d'initié dans d'autres sociétés dont les valeurs sont transigées à la Bourse... Vous ne devriez pas faire ces divulgations? C'est cela que je voudrais savoir tout simplement, la justification.

M. Scraire: M. le député de Marguerite-Bourgeoys, d'abord, je suis heureux de vous retrouver vous aussi à la même place.

M. Bertrand: À la même place!

M. Scraire: Pour quelle raison la Caisse de dépôt ne remplit-elle pas les rapports d'initiés? D'abord, j'aimerais corriger votre première remarque, à savoir que la caisse ne se conformait pas à la loi. Vous l'avez dit par ailleurs aussi, mais je voudrais que ce soit bien clair. La caisse se conforme à la loi à cet égard. La loi n'exige pas qu'elle remplisse des rapports d'initiés, ce qui est différent. La loi a été faite postérieurement - elle a été amendée à plusieurs reprises - à la loi créant la Caisse de dépôt. On peut aussi supposer que, si le législateur avait voulu que la caisse se conforme à cette loi, le législateur l'aurait décidé. Il est évident que, si le législateur l'avait décidé, la caisse remplirait les rapports d'initiés. Maintenant, les raisons qui ont inspiré le législateur pour ne pas obliger la Caisse de dépôt à remplir ces rapports, je n'oserais pas entrer dedans. Mais parmi les raisons qu'on peut envisager, quand on regarde dans tout le Canada - c'est au nombre des études qu'on est en train de faire, auxquelles référait le président tantôt - il est loin d'être clair que la plupart des sociétés de la couronne au Canada remplissent ces formules ou se conforment aux différentes commissions des valeurs mobilières. C'est ce qu'on est en train de regarder. À ce moment, comme les gouvernements provinciaux et fédéral interviennent par différentes sociétés de plus en plus dans l'économie, il n'y aurait pas de raison, pourrions-nous soumettre, que la Caisse de dépôt soit placée dans une position non concurrentielle par rapport à ces autres sociétés d'État qui interviendraient dans l'économie qui, elles, ne rempliraient pas ces formules. C'est au nombre des études qui sont en cours, mais, comme le disait M. le président tantôt, il n'y a pas une décision finale de la caisse de ne rien faire ou de faire quelque chose là-dedans. C'est à l'étude et en discussion avec la Commission des valeurs mobilières.

M. Lalonde: À partir des discussions, il y a possibilité que la caisse fasse une ouverture de transparence plus grande que celle qui existe actuellement, sans quoi vous

ne discuteriez pas? Si vous vouliez refuser simplement, il n'y aurait pas de discussion.

M. Campeau: Cela ne donne aucun indice. Nous sommes en train d'essayer de comprendre leur demande et d'informer. Discuter ne veut pas dire qu'on va accepter ni qu'on va refuser.

M. Lalonde: Ou ne pas admettre l'existence d'une possibilité, comme dans votre projet de loi, ne même pas admettre l'existence d'un renseignement.

M. Campeau: Quand on négocie une transaction, quelle qu'elle soit, on commence sûrement par ne rien donner.

M. Lalonde: Si vous traitez ça comme une transaction, je pense qu'il faudrait que vous vous rendiez compte que la Caisse de dépôt ne fait pas de transactions commerciales avec la Commission des valeurs mobilières. Quant à M. Scraire, je voudrais simplement lui dire que si je suis à cette place-ci, c'est qu'on n'a pas les mêmes amis, sûrement, et que je ne changerais pas pour la sienne. Je ne suis pas très satisfait des réponses, mais, pour revenir à la matière qui nous occupe, je vous remercie de votre mémoire, il est très clair. Il est très clair que vous ne voulez donner aucun renseignement. Vous avez aussi une justification, je pense, au départ, que je comprends.

Le Président (M. Rochefort): Merci. D'autres questions?

Je remercie les représentants de la Caisse de dépôt et de placement du Québec. J'inviterais maintenant les représentants du Directeur général des élections du Québec à prendre place à la barre et à s'identifier.

À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous inviterais à vous identifier, s'il vous plaît!

Directeur général des élections du Québec

M. Côté (Pierre): Mon nom est Pierre Côté, je suis Directeur général des élections. À ma droite, il y a Me Guy Giguère, adjoint au bureau de Québec et, à ma gauche, M. Jean-Pierre Bédard, du contentieux, et M. François Casgrain, également du contentieux de mon bureau.

M. le Président, je suis très heureux de l'occasion qui m'est offerte de présenter devant la commission permanente des communications mes réflexions concernant le rapport intitulé Information et liberté.

Comme on l'apprend à la lecture de ce rapport, j'ai personnellement rencontré les membres de la Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels, et je leur ai soumis un mémoire.

Les séances de la présente commission parlementaire constituent une autre étape importante dans l'évolution du dossier de l'accessibilité à l'information gouvernementale et de la protection des renseignements personnels. En tant qu'institution directement visée par la proposition de loi contenue dans le rapport, je crois nécessaire de vous souligner quelques réflexions qu'a suscitées chez moi la lecture de cette proposition.

Je désire en premier lieu exprimer sans équivoque mon accord sur la substance du rapport et de la proposition de loi qui fait l'objet de l'étude de la présente commission parlementaire. Il serait à tout le moins étonnant que le responsable de la mise en application de notre système électoral soit en désaccord avec ce volet sine qua non d'une saine démocratie que représente l'accès à l'information. Qu'on me permette à cet égard de citer le rapport: "Sans accès aux faits, sans information, la liberté d'opinion est vidée de sa substance. Le savoir conditionne l'exercice du droit d'expression. Il est essentiel à celui des libertés politiques. Pour juger ses représentants, les choisir ou les renvoyer, il faut disposer de tous les éléments des dossiers. La qualité de la participation à la vie politique dépend de la qualité de l'information. "

Les principes qui ont inspiré les recommandations du rapport sont les mêmes que ceux qui sont à la base de notre système électoral, à savoir l'exercice démocratique de droits fondamentaux et une participation plus éclairée des citoyens à la vie politique.

Il va donc de soi que toute mesure visant à assurer à chaque individu son droit à l'information et au respect de sa vie privée obtienne l'assentiment de toute personne responsable de la bonne marche du système démocratique dans lequel nous évoluons.

L'Assemblée nationale du Québec m'a confié le mandat d'assurer à chaque électeur l'exercice de son droit de vote. C'est donc dans le but d'assurer la conjonction de l'ensemble de ces droits fondamentaux que je me retrouve devant vous aujourd'hui.

En premier lieu, une considération importante que je désire soumettre à votre attention a trait à la prépondérance du projet de loi sur toute autre loi. Cette prépondérance est exprimée dans la deuxième recommandation du rapport qui se lit comme suit: "Afin d'assurer le caractère fondamental des deux droits qu'elle énonce, la loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, à l'instar de certaines dispositions de la Charte des droits et libertés de la

personne, devrait prévaloir sur les autres lois. "

Cette recommandation ne laisse évidemment planer aucun doute sur l'intention des commissaires de conférer à la loi qu'ils proposent une prépondérance sur toute autre loi. On peut cependant se demander si cette intention se traduit clairement dans la proposition de loi. D'un point de vue purement juridique, je me permets d'en douter. Il s'agit là vraisemblablement d'une lacune de la proposition de loi, lacune qui peut être facilement corrigée. Pour ma part, je crois nécessaire de formuler mes commentaires sur la base de la deuxième recommandation de la commission Paré.

En tant que Directeur général des élections, l'Assemblée nationale m'a confié, par le biais de la Loi électorale et de la Loi sur les listes électorales, des responsabilités précises sur la façon d'assurer la bonne marche des élections. S'il y a véritablement prépondérance de cette loi sur toute autre, cela modifiera considérablement le modus operandi du système électoral actuel en soumettant certains mécanismes électoraux au contrôle d'une institution autre que le Directeur général des élections. Cela peut être éventuellement l'intention des membres de l'Assemblée nationale. Je crois cependant être de mon devoir d'attirer votre attention sur de profondes modifications - pour ne pas dire un chambardement considérable - du processus électoral qu'entraînerait l'adoption de la proposition de loi telle que rédigée.

La proposition de loi comporte un certain nombre d'incompatibilités en regard de la Loi sur les listes électorales et de la Loi électorale, dont voici quelques exemples.

La Loi sur les listes électorales, comme son nom l'indique, est une loi particulière concernant la confection et la révision des listes électorales. Elle est, à ma connaissance, la seule loi actuellement en vigueur à prévoir avec autant de précision les modalités concernant la confection d'un fichier de renseignements nominatifs tel que l'entend la proposition de loi.

Cette législation prévoit, entre autres, les renseignements qui doivent être recueillis, la manière de les recueillir, les jours et heures des visites des recenseurs, la façon dont des corrections peuvent être apportées à ces listes électorales, etc.. L'Assemblée nationale a ainsi voulu que l'on encadre dans une loi la confection des listes électorales, outil fondamental de notre droit électoral, du fait qu'elles comportent les noms des personnes qui auront à élire ceux qui nous représenteront à l'Assemblée nationale.

La confection de ces listes électorales a toujours retenu l'attention des parlementaires, puisqu'elle a été soumise à plusieurs modifications qui ont souvente fois soulevé des débats animés. Ainsi, l'Assemblée nationale n'a jamais voulu laisser l'établissement de cet encadrement à la discrétion de quiconque, mais plutôt a toujours cherché à en être le maître d'oeuvre. Le Directeur général des élections est le dépositaire et le gardien de ce processus.

Voyons maintenant plus en détails quelques-unes des difficultés que soulève la proposition de loi à l'encontre de la Loi sur les listes électorales.

L'article 64 deuxième alinéa de la proposition de loi prévoit que les modalités suivant lesquelles la collecte de renseignements nominatifs doit être faite sont prescrites par règlement.

Ces règlements, selon les dispositions de l'article 138 de la proposition de loi, seront adoptés par le gouvernement. Les modalités actuelles pour la confection des listes électorales sont exprimées de façon détaillée dans la Loi sur les listes électorales. Le gouvernement pourrait donc les changer après avoir pris l'avis de la commission. On modifierait ainsi unilatéralement la Loi sur les listes électorales sans que l'Assemblée nationale puisse se prononcer.

Les articles 65, 66 et 67 de la proposition de loi prévoient qu'avant de communiquer un renseignement nominatif à un autre organisme public, il est nécessaire qu'une entente écrite soit signée entre ces organismes. Cette entente doit ensuite être approuvée par le gouvernement après avis de la Commission de l'accès aux documents des organismes publics et ensuite déposée à l'Assemblée nationale du Québec.

Ainsi, cette procédure impliquerait que le Directeur général des élections devrait conclure une entente avec toutes les municipalités et commissions scolaires avant de pouvoir fournir les listes électorales tel que prévu par la Loi sur les listes électorales aux articles 77 et 120.

Dans le cas où une municipalité ou une commission scolaire refuserait de signer une entente à cet effet, ce refus empêcherait, à toutes fins utiles, le Directeur général des élections de remplir l'obligation stricte qui lui est faite par la Loi sur les listes électorales de fournir des listes à l'organisme en question. Par ailleurs, semblable entente ne serait pas nécessaire pour distribuer les mêmes listes électorales aux partis politiques, aux shérifs et aux électeurs, à qui la Loi sur les listes électorales prescrit d'en remettre copie. (17 h 30)

Puisque chaque recensement implique la création d'un nouveau fichier nominatif, les articles 69 et 70 obligent le Directeur général des élections à obtenir chaque année un certificat de conformité avant de pouvoir confectionner ses listes électorales. Ce certificat doit attester que le fichier projeté

satisfait aux exigences de la loi et des règlements.

Or, comme nous venons de le voir, la liste électorale est confectionnée suivant les modalités prévues par la Loi sur les listes électorales. Il serait donc possible pour la commission de l'accès aux documents des organismes publics, du moins en théorie, de refuser un semblable certificat avec la conséquence qu'un recensement annuel ne pourrait être effectué et ce, contrairement à la loi qui l'édicte.

Il pourrait également se produire que, conformément à l'article 73 de la proposition de loi, un certificat en vigueur soit suspendu, rendant ainsi inopérantes les listes électorales alors en vigueur. Le premier devoir du Directeur général des élections étant d'être en mesure de tenir une élection en tout temps, il serait placé dans la situation où il ne pourrait remplir cette obligation essentielle que la loi lui impose.

En tenant pour acquis que la proposition de loi est prépondérante sur toute autre loi, elle prévaudrait évidemment sur la Loi sur les listes électorales. Il faut alors vraiment se demander si le contenu de la section IV de la proposition de loi ne fait pas disparaître la révision des listes électorales telle qu'elle existe présentement.

La proposition de loi prévoit en effet une façon de corriger les fichiers qui n'est pas celle prescrite pour les listes électorales dans la Loi sur les listes électorales. La révision deviendrait alors illégale, parce que comportant une façon de corriger un fichier qui n'est pas celle édictée par la loi prépondérante que serait la loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Dans l'hypothèse contraire, c'est-à-dire dans le cas ou les mécanismes actuels de révision ne disparaîtraient pas, et selon qu'on se retrouve ou non en période électorale, l'électeur pourrait se trouver en présence de deux systèmes de correction. Dès lors, on imagine facilement le fouillis et le risque d'erreurs qui résulteraient des corrections apportées simultanément par deux autorités différentes, soit une commission de révision et le Directeur général des élections.

La Loi sur les listes électorales prévoit une révision des listes à des moments bien déterminés, à l'occasion d'un recensement ou d'un scrutin. Elle prévoit également toute une procédure du traitement des demandes par un organisme quasi judiciaire: une commission de révision. Cette procédure existe afin de posséder des listes tout à fait à date en vue d'un scrutin.

La proposition de loi, quant à elle, ne couvre pas tout le champ d'application prévu par la Loi sur les listes électorales. En effet, elle ne prévoit pas qu'une nouvelle inscription puisse être faite et ne permet pas à des tiers et à des parents d'effectuer une demande, comme cela est permis dans le système actuel de révision. Le système ainsi proposé aurait pour effet de faire disparaître l'un des avantages de la procédure actuelle, soit la surveillance que les partis politiques et les électeurs exercent les uns sur les autres.

Comme il y a quelques centaines de milliers de changements d'adresse tous les ans au Québec, cela implique la possibilité d'autant de demandes de rectification. Soulignons également que la possibilité d'une correction en tout temps implique une modification des listes en conséquence. Comme la Loi sur les listes électorales prévoit le traitement manuel des listes, il faudra normalement redactylographier une nouvelle liste chaque fois qu'une correction est demandée.

Il faut surtout se rappeler que les listes électorales constituent un fichier d'une grande importance: elles comprennent en effet au-delà de 4 000 000 de noms d'électeurs et, de plus, leur durée est limitée.

La proposition de loi soulève également quelques difficultés en regard de la Loi électorale. L'article 3 de la proposition de loi stipule que le Directeur général des élections est réputé être un organisme gouvernemental. Ceci va à l'encontre de la notion bien établie à l'effet que le Directeur général des élections a toujours été et doit rester indépendant du pouvoir exécutif puisqu'il agit comme personne désignée de l'Assemblée nationale, donc indépendant de tous les partis politiques. Il doit être en conséquence à l'abri des directives d'un gouvernement quel qu'il soit. Je me permettrai de revenir plus loin sur cette notion de personne désignée.

L'article 62 de la proposition de loi rend inopérantes deux dispositions de la Loi électorale se rapportant au secret du vote. À moins qu'il ne s'agisse là d'une erreur cléricale, je crois que le secret du vote est un principe fondamental dans notre système démocratique et qu'il doit naturellement être protégé.

L'article 62 de la proposition de loi stipule que les articles de loi mentionnés à l'annexe A seront inopérants deux ans après la sanction de la loi. Cette annexe retient, dans le cas de la Loi électorale, deux articles qui font référence à l'ancienne Loi électorale remplacée en 1979. J'évite la lecture de ces deux articles de loi qui concernent le secret du vote. Le principe de ces deux articles se retrouve toutefois dans la nouvelle Loi électorale. On retrouve sensiblement les mêmes dispositions aux articles 8I et 139 de la présente Loi électorale.

Comme on le constate, ces articles touchent le secret du vote. Il serait très

étonnant que les commissaires jugent opportun de remettre en cause le secret du vote et confient à la commission de l'accès aux documents des organismes publics le soin de faire au ministre responsable de l'application de cette loi "des recommandations sur l'opportunité d'en maintenir l'application ou de les modifier".

Sur la base de ces commentaires, vous avez pu constater avec moi l'incompatibilité de certaines dispositions de la proposition de loi avec différents articles de la législation électorale. N'y a-t-il pas lieu alors de s'interroger sur la pertinence de lier une institution comme celle du Directeur général des élections à un organisme relevant également de l'Assemblée nationale? Ce serait le cas, nous l'avons vu, si le Directeur général des élections voyait certains mécanismes dont il a la responsabilité soumis au contrôle de la commission de l'accès aux documents des organismes publics.

J'ai déjà mentionné que le Directeur général des élections est une personne désignée par l'Assemblée nationale. Les caractéristiques de la personne désignée ont évé évoquées par l'honorable juge Jules Deschênes dans un jugement qu'il rendait en 1973. Il s'exprimait alors ainsi: "Nous sommes en matière électorale. De temps immémorial dans le régime parlementaire britannique et au début du régime parlementaire canadien, le Parlement s'était jalousement réservé le contrôle de sa propre procédure et de son propre mécanisme électoral. Cependant, on constate que, peu après la Confédération au Canada, la Législature du Québec et d'autres également à travers le pays, mais en particulier la Législature du Québec, a commencé de transférer certains de ses pouvoirs dans ce domaine à des personnes extérieures qu'elle a chargées à tour de rôle de fonctions bien précises, qu'elle a rendues responsables a elle-même seule, la Législature, et qu'elle a mises à l'abri des recours judiciaires. "Le Conseil privé a fait l'analyse de la situation, il a rappelé cette tradition parlementaire du contrôle exclusif par le Parlement de tout le processus électoral, de l'exclusion des tribunaux en ce domaine et il a rappelé que, quand la Législature décide à un moment donné de se départir de l'une de ses prérogatives et d'en confier l'exercice à une personne extérieure, fût-elle un juge, cette personne agit alors comme personne désignée, et non pas comme tribunal et que, quand la Léqislature décide que cette personne a le pouvoir de décision, celle-là seule le possède et sa décision est à l'abri des recours devant les tribunaux. Le seul appel possible, c'est l'appel à la Législature elle-même. "

Il faut donc se demander sérieusement si une personne désignée peut être redevable à d'autres - une commission, par exemple - qu'aux parlementaires eux-mêmes. Gardien de l'exercice du droit de vote, outil fondamental de notre système politique, le Directeur général des élections n'a de comptes à rendre qu'à l'Assemblée nationale. Au fil des réformes, le législateur a toujours veillé à ce qu'aucune entrave ne vienne porter atteinte à la bonne marche des élections, en préservant l'autonomie de l'institution chargée d'appliquer les lois électorales. A ce propos, le rapport de la commission Paré mentionne qu'"un régime d'accès à l'information gouvernementale ne doit pas être conçu dans l'abstrait, sans souci de la nature des institutions, des traditions et des attitudes. Il doit éviter de les modifier par inadvertance. "

C'est précisément pour éviter que les us et coutumes électoraux ne soient modifiés par inadvertance que j'ai voulu souligner les conséquences que la proposition de loi à l'étude aurait sur le système électoral.

L'Assemblée nationale confère exclusivement à une personne ses propres pouvoirs en matière électorale. Elle le fait en déterminant avec beaucoup de soin les procédures, les règles et les moyens que doit utiliser cette personne désignée pour assurer le renouvellement des membres de l'Assemblée nationale.

Décider qu'un organisme - lui-même créé par l'Assemblée nationale - pourrait intervenir dans le processus électoral confié au Directeur général des élections, cela est incompatible avec la nature même de la fonction d'un Directeur général des élections et la modifie profondément. Cela se peut -l'Assemblée nationale est souveraine - mais je dis: Cela ne se doit pas.

La proposition de loi présentement à l'étude incorpore les droits fondamentaux qui sont l'apanage des pays les plus évolués, soit le droit à l'information, la liberté d'opinion et le respect de la vie privée.

Personnellement et à titre de Directeur général des élections, je ne peux que souscrire à toute mesure visant l'amélioration de la participation des citoyens au processus démocratique ou visant une protection accrue de leur vie privée.

Mais en tant que gardien du système électoral par lequel la démocratie s'exerce, j'ai le strict devoir et l'obligation de vous mettre en garde contre les embûches que la législation proposée comporte à l'égard du système électoral actuel, lequel vient d'être complètement rajeuni et renouvelé par les nouvelles lois électorales.

Je crois qu'un tel chambardement ne peut et ne doit pas être apporté indirectement par le biais d'une loi générale visant d'autres buts, ayant d'autres objectifs.

Les listes électorales entrent pourtant dans le champ d'activités visé par la proposition de loi. La confection et l'utilisation des listes électorales sont donc

directement concernées par les principes de cette proposition de loi.

Je soumets respectueusement cependant que c'est à même les lois électorales que ces principes essentiels devraient être imbriqués afin d'assurer un système électoral complet par lui-même, indépendant de tout autre organisme gouvernemental et du pouvoir exécutif comme il l'a traditionnellement toujours été.

Ce sont les pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière électorale qui sont confiés au Directeur général des élections, qui est alors, comme nous l'avons vu, "personne désignée" au sens du droit public anglais. Toute loi qui aurait préséance sur cette délégation législative des pouvoirs que l'Assemblée nationale s'est toujours réservée depuis l'origine du système parlementaire britannigue pourrait constituer une brèche dans l'autonomie et l'indépendance du responsable du système électoral par rapport au pouvoir exécutif et même au pouvoir judiciaire.

Je m'empresse cependant d'ajouter qu'à mon humble avis toute matière qui ne mettrait pas en cause les mécanismes vitaux des lois électorales, comme le secret du vote, le recensement, la révision, la mise en vigueur des listes électorales, pourrait être réglementée par la loi proposée.

M. le Président et messieurs, je soumets le tout à votre haute considération. Je vous remercie de m'avoir permis de comparaître devant vous et d'avoir bien voulu m'accorder votre attention.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bertrand: M. le Président, je n'irai pas par quatre chemins et je vais être très clair non seulement pour le Directeur général des élections, mais pour rassurer toutes les personnes qui travaillent dans son entourage et la population dans son ensemble. Nous allons apporter des modifications, puisque cela semble être votre souhait, parce qu'il n'est clairement pas de l'intention du gouvernement de faire en sorte qu'une loi d'accès à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels empêche le Directeur général des élections de faire son travail.

À la lecture de votre mémoire, il tombe sous le sens commun que, s'il fallait vous soumettre au même type de contrôle, de surveillance, d'entente que pour les organismes publics qu'on voudrait voir assujettis à la loi, ça rendrait tout à fait inopérationnel le bureau du Directeur général des élections.

À cause de cela, nous allons regarder le deuxième paragraphe de l'article 3, puisgue dans le fond c'est ce paragraphe qui pose un problème au Directeur général des élections, puisqu'il dit: "Une personne désignée par l'Assemblée nationale du Québec pour exercer une fonction en relevant est réputée constituer, avec le personnel qu'elle dirige, un organisme gouvernemental. Il en est de même d'un organisme dont l'Assemblée nationale du Québec nomme les membres. " C'est le cas du Directeur général des élections.

Par exemple, la confection des listes électorales. Déjà il est prévu que les listes électorales sont confectionnées à partir d'un modèle qui a été entériné par l'Assemblée nationale. Il ne faudrait pas que l'article 138 de la proposition de loi vienne de quelque façon modifier les modalités prévues dans la Loi électorale, d'autant plus que c'est un organisme relevant à toutes fins utiles de l'Exécutif qui aurait la responsabilité d'administrer une telle loi et l'organisme lui-même serait loin d'être un organisme qui ressemblerait un tant soit peu a l'Assemblée nationale du Québec. Il m'apparaîtrait mal placé pour venir dire au Directeur général des élections quelque chose de différent de ce qui a été dit par l'Assemblée nationale du Québec elle-même, en tout cas en ce qui regarde le travail particulier du Directeur général des élections.

C'est la même chose pour toutes les fameuses ententes concernant l'échange des renseignements. On a voté à l'Assemblée nationale une loi qui dit que le directeur doit mettre à la disposition des municipalités et des commissions scolaires les renseignements qu'il détient sur les individus, à savoir les listes électorales, et si l'Assemblée nationale le dit, il m'apparaîtrait malencontreux qu'un organisme relevant d'un ministère ou enfin de l'Exécutif vienne dire par-dessus l'Assemblée nationale que ce n'est plus comme ça que cela fonctionne au niveau de la Loi électorale. Vous avez tout à fait raison de soulever la situation un peu absurde d'une entente qui devrait être signée et d'une municipalité qui refuserait d'apposer sa signature sur le protocole d'entente alors qu'il est de votre responsabilité de transmettre ce genre de données. La même remarque vaut pour la constitution du fichier nominatif. (17 h 45)

Je suis aussi tout à fait d'accord avec votre interprétation de l'article 62 ou vous dites: "Puisque l'article 62 indique que, dans la mesure où elles sont incompatibles avec cette loi, les dispositions législatives mentionnées à l'annexe A) deviennent inopérantes. " Or, les dispositions législatives dont il est question dans votre cas ont trait entre autres au secret du vote et à la possibilité pour quelqu'un de ne pas dire pour qui il a voté. Dieu sait que cela est sacré.

Une voix: C'est de valeur.

M. Bertrand: Pardon? Il y en a qui disent que c'est de valeur de ne pas pouvoir dire pour qui on a voté. Mais il y en a qui le font.

Une voix: Librement.

M. Bertrand: II y en a qui le font, et qui mettent même beaucoup d'argent là-dessus pour faire savoir pour qui ils ont voté ou qu'ils n'ont pas voté pour tel ou tel parti. Je pense qu'on déborde le caractère de neutralité qui doit caractériser nos discussions avec le Directeur général des élections. Je pense que, là aussi, il serait tout à fait inacceptable que l'article 62 vienne empêcher le respect de ces articles qui sont prévus dans la Loi électorale. Et j'ajoute, comme position de principe plus générale, qu'effectivement le Directeur général est une personne désignée par l'Assemblée nationale. C'est l'argumentation que vous soutenez, que, là aussi, il est tout à fait normal qu'on préserve l'autonomie du Directeur général des élections. Comme j'ai dit que je ne passerais pas par quatre chemins pour vous dire toutes ces choses, je vais donc prendre immédiatement le quatrième.

Tout en comprenant que les dispositions de la proposition de loi peuvent être incompatibles avec la loi que vous administrez et votée par l'Assemblée nationale, étant donné aussi que déjà la Loi électorale prévoit toutes les modalités sur le plan de la cueillette des renseignements, sur le plan de la confection des listes électorales, sur la transmission de ces renseignements à d'autres organismes publics, et comprenant qu'il sera peut-être nécessaire d'apporter une modification quelconque au projet de loi qui sera celui du gouvernement pour clarifier toutes ces choses, est-ce que, pour autant, c'est la question que je vous poserai après vous avoir donné les assurances que je vous ai fournies, vous ne croyez pas que l'organisme lui-même que vous constituez au niveau en tout cas de ce qui s'appelle ces dossiers de fonctionnement, comme pour l'ensemble des ministères et organismes publics, il y a des dossiers de fonctionnement, il y a des dossiers qui sont produits au bureau du Directeur général des élections et qui n'ont rien à voir avec la cueillette des renseignements, la confection des listes, la transmission de ces listes à d'autres organismes. Est-ce que vous ne croyez pas que, comme pour les ministères et autres organismes publics, ces dossiers pourraient être sujets à une loi sur l'accès? En d'autres mots, tout en prenant bien garde de protéger ce qui constitue l'essentiel de vos opérations et pour lesquelles vous considérez qu'un certain nombre d'articles de cette proposition de loi seraient inadéquats et viendraient contrecarrer finalement la volonté exprimée par l'Assemblée nationale, est-ce que vous ne considérez pas, dis-je, que pour les aspects de fonctionnement interne, les dossiers administratifs que vous avez, les différentes études, analyses que vous faites effectuer d'un sujet ou pour un autre, puissent être soumis à la loi sur l'accès à l'information gouvernementale? Est-ce que vous comprenez bien le sens de ma question, M. le directeur?

M. Côté: Oui, ma réponse est évidemment affirmative. La seule suggestion - je ne dis peut-être pas clairement cet aspect dans mon mémoire - que je fais à cet égard, je tiens pour acquis les réserves que vous avez mentionnées tout à l'heure, les précautions qui seront prises, mais pour l'accès aux informations et aux documents administratifs de l'institution - on parle d'institution en désignant le Directeur général des élections, parce qu'on ne doit pas dire un organisme - que constitue mon bureau, je ne vois pas d'objection de fond à ce qu'il y ait une communication de ces informations. Sauf peut-être pour vous donner un autre exemple que je n'ai pas mentionné dans mon mémoire et qui m'a été souligné il y a quelques temps et qui illustre peut-être avec quelle précaution il faudra le faire.

Quand on parle d'accès au document, par exemple, si on comprend bien la proposition de loi, même le papier du bulletin de vote peut être considéré comme un document. Alors, c'est un document qui est bien protégé dans la Loi électorale, parce qu'on n'a pas le droit de révéler le filigrane du papier du bulletin de vote; enfin, je vous donne ça simplement comme exemple de précaution qu'il faudra certainement prendre même quand il y a très peu de documents. Il y a le papier du bulletin de vote, il y a les bulletins de vote utilisés et ce sont des documents qui contiennent des renseignements nominatifs également et qui ne doivent pas être remis à n'importe qui. Ils ne peuvent être remis, une fois que l'élection a eu lieu, comme on le sait, qu'à un juge.

Alors, cela dit, pour l'ensemble de l'administration générale, je ne vois pas d'objection de fond, au contraire, ça rejoint ce que j'ai dit au début de mon mémoire, que je suis d'accord avec les principes du rapport Paré. La suggestion que je faisais, tout dépend quelle forme la législation va prendre, serait d'imbriquer ces mêmes principes dans la léqislation électorale. Cependant, pour cet aspect, pour autant que les réserves que j'ai mentionnées sont bien assurées, je n'ai pas d'objection.

M. Bertrand: On va regarder les différentes formules. On peut indiquer clairement que le Directeur général des élections n'est pas assujetti, que tous les

organismes relevant de l'Assemblée nationale ne sont pas assujettis, mais je pense qu'ils ne sont pas tous de la même nature que la vôtre.

M. Côté: Non.

M. Bertrand: Alors il ne faudrait quand même pas les traiter de façon analogique, mais il y aurait peut-être une clause générale à prévoir pour le Directeur général des élections avec cette mention qu'en ce qui concerne les documents administratifs ou enfin, les documents auxquels vous ne référez pas dans vos remarques, qu'il puisse tout de même y avoir accès à cette information...

M. Côté: Si vous me permettez un autre exemple, dans la Loi électorale actuelle, il faudrait certainement apporter une modification pour protéger le relevé du dépouillement du vote des détenus. Actuellement, la Loi électorale prévoit qu'on doit remettre copie, ce que je ne fais pas, parce qu'il y a des raisons très simples de sécurité et de survie même des détenus, on ne remet même pas le relevé du dépouillement parce qu'on pourrait identifier les détenus, ce qu'il ne faut pas faire. On a su, par notre expérience du vote des détenus, que ça peut être très dangereux de le faire. C'est un autre exemple d'un document qui doit être préservé jalousement.

M. Bertrand: Quelle peut être la nature des documents que vous détenez et qui n'ont rien à voir avec tout ce dont vous avez fait mention, qui constituent en fait l'essentiel de votre travail, des listes électorales, des bulletins de vote?

M. Côté: II y a, par exemple, les renseignements qui se rapportent aux sections de vote, il n'y a pas de problème, au contraire, à les faire connaître; il y a les directives que l'on émet à l'intention de tout le personnel électoral.

M. Bertrand: C'est déjà public, tout ça.

M. Côté: Ce sont des choses déjà connues. Il n'y en a pas d'autres, sauf quelques exemples...

M. Bertrand: Faites-vous des études, est-ce qu'il y a des analyses qui sont préparées chez vous?

M. Côté: Oui. Par ailleurs, on considère... Par exemple, si les mêmes dispositions que celles contenues dans la proposition s'appliquaient, il y a un certain secret, pendant une certaine période de temps, qui peut être observé face à des travaux d'analyse ou de recherche qui peuvent être faits. Parce que ça peut aboutir sous forme de proposition, à un moment donné.

M. Bertrand: Oui, allez-y.

M. Côté: II y a également le pouvoir d'enquête. Là aussi...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, pour enchaîner, étant donné les engagements du ministre, si j'ai bien compris le Directeur général des élections, il ne prétend pas qu'il y a un problème de fond constitutionnel à ce que son organisme soit réglementé par une autre personne désignée?

M. Côté: Je m'excuse, ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. French: Exactement, je veux simplement faire confirmer ça. Il n'y a pas de problème constitutionnel de fond, ça crée un certain nombre de problèmes que vous n'avez pas réussi à faire valoir, apparemment, devant la commission Paré. Donc, il s'agit d'un mécanisme pour éviter ces problèmes. Il me semble que c'est dangereux d'essayer d'écarter, de quelque façon que ce soit, les autres organismes de nature parlementaire, si vous voulez, les "creatures of Parliament", en droit public anglais, mais plutôt de prévoir que, possiblement, la loi ne prime pas sur la loi constitutive du bureau du Directeur général des élections.

M. Bertrand: Cela pourrait être ça.

M. French: À ce moment-là, on peut toujours amender cette loi pour couvrir ce qui n'est pas couvert dans les exceptions actuelles. Mais dans la mesure où vous détenez des documents non couverts, soit par votre loi constitutive ou bien par les exceptions envisagées dans la proposition de loi qui est devant nous aujourd'hui, vous seriez toujours assujetti non seulement à une demande, mais à une révision de votre décision face à cette demande, si c'est un refus, par la commission de l'accès.

M. Côté: Si je comprends bien, vous rejoignez - j'ai mal saisi ce que vous avez dit au début, M. le député - au départ les remarques qui ont été faites par M. le ministre concernant la protection ou les réserves qu'il faut apporter, en particulier, à l'égard des listes électorales et des remarques que je fais.

M. French: On parle des mécanismes maintenant qui seraient convenables à cette

fin. J'ai énoncé un certain nombre de réserves face à une exclusion totale de votre bureau, de votre organisme, de l'application de la loi. J'avais entendu parler de la possibilité d'un article qui donnerait un statut spécial aux organismes relevant du Parlement québécois, ce que je trouve dangereux aussi.

M. Côté: Dans le mémoire, je suis assez précis à cet égard. Ce que je dis, c'est que, comme personne désignée, le Directeur général des élections ne doit pas être assujetti à une autre commission nommée par l'Assemblée nationale. Je dis, à mon humble avis, qu'il devrait y avoir une distinction très nette et que la commission d'accès à l'information, aux documents des organismes gouvernementaux, qui va être créée par la proposition de loi, ne doit pas avoir autorité...

M. French: Est-ce que c'est un avis qui prétend être basé sur une pratique constitutionnelle ou si c'est un avis pratico-pratique? Il me semble que cela ne tient pas debout, si l'argument est fait dans le contexte constitutionnel comme tel. Comme votre mémoire le dit, encore une fois, le Parlement est souverain. Si nous décidons, dans notre souveraineté - j'aime tellement utiliser ce mot...

M. Bertrand: Quand il s'agit du Parlement!

M. French:... de vous inclure dans l'application de la loi, c'est-à-dire de vous assujettir à d'autres personnes désignées qui seraient les trois commissaires, on peut toujours le faire. Je pensais qu'on était d'accord. Avec ce que vous venez de me dire, je me demande si on est toujours d'accord et si ce serait possible, dans la mesure où le noyau de vos responsabilités serait protégé d'une façon quelconque. Il n'y a personne ici qui conteste le fait que c'est nécessaire que le processus électoral reste sacré. Tout le monde est d'accord maintenant. Je comprends mal pourquoi la commission Paré n'a pas pris les dispositions nécessaires, mais, en tout cas, on va laisser cela de côté. Pour le reste, disons que d'ici cinq ans vous faites des sondages pour savoir ce que pensent les citoyens au sujet de votre organisme, s'ils savent que cela existe, quelle perception ils ont de la neutralité de votre bureau, etc., si moi, comme professeur, je fais une demande et que vous me refusez, est-ce que vous prévoyez une situation, dans la loi, où j'aurai toujours accès - pour ce qui ne touche pas le processus électoral, bien entendu, du moins quant à cette hypothèse que je mets devant vous - à la commission, qui pourrait rejeter votre refus et me donner accès au document?

M. Côté: Je dis que cet aspect de la proposition de loi et du rapport qui voit à la connaissance des documents, je n'ai pas objection à cela.

M. French: Sauf que, si j'ai bien compris, vous voudriez que la révision de vos décisions soit faite par un autre organisme qu'une commission ou une personne désignée?C'est cela.

M. Côté: Pas nécessairement. M. French: D'accord.

M. Côté: Vous avez mentionné que l'Assemblée nationale est souveraine pour modifier... Ce que je veux souligner dans mon rapport, c'est l'aspect particulier suivant. Dans l'exercice de mes fonctions, que ce soient mes fonctions immédiates ou mes fonctions les plus officielles ou les plus immédiatement rattachées à ma tâche, qui est la tenue d'un recensement ou d'un scrutin, je ne dois pas être assujetti à un autre organisme. Il y a des raisons juridiques, mais aussi des raisons très pratiques. On ne pourrait pas tenir une élection si... Dans les autres cas, je prends l'exemple que vous venez de mentionner, soit des sondages ou d'autres recherches que je peux faire, dans le cadre des propositions qui sont contenues dans le rapport, je ne m'opposerai pas à ça.

M. French: Mais vous seriez prêt à voir votre décision révisée par une autre personne désiqnée par la commission.

M. Côté: Dans ce cas, oui.

M. French: C'est ça... (18 heures)

M. Bertrand: Je pense qu'on se comprend bien. Il ne s'agit pas d'exclure le Directeur général des élections de l'application de la loi, il s'agit de prévoir que, pour ce qui concerne certaines des opérations que doit mener le Directeur général des élections, il y a des articles de la proposition de loi qui deviennent inopérants pour lui. Pour tout le reste, je pense que le Directeur général doit comprendre, comme tous les autres organismes publics, qu'il puisse y avoir, à un moment donné, un organisme qui dise: II me semble que dans ce cas-là vous devriez rendre public le document que vous détenez et qui n'a rien à voir avec la constitution de vos fichiers, avec la transmission de ces renseignements aux paliers scolaire et municipal, au secret de vote, etc.

M. Côté: Je suis parfaitement d'accord là-dessus.

M. French: Brièvement, pour terminer,

M. le Directeur général, je regrette, sans vous viser, mais en temps d'austérité je trouve que le luxe avec lequel vous nous avez "briefés", c'était un peu exagéré et je me trouve ici autour de la table avec quelques membres des onze apôtres, je suis le douzième. Le ministre m'a demandé hier de l'aider dans ses fonctions, de trouver dans le budget publicitaire actuel du gouvernement les moyens de financer le régime d'accès aux documents et la protection des renseignements personnels voilà le premier cas et le deuxième cas, c'est votre revue de presse sur l'information. Je vous recommande un peu plus de...

Une voix: C'est d'ailleurs important, c'est pour l'Assemblée nationale.

M. French: C'est l'argent des contribuables et je ne veux pas blâmer le ministre pour les décisions du Directeur général mais faire valoir que, dans les deux cas, il me semble qu'il y a un peu de luxe.

M. Bertrand: Du moment que ce n'est pas de la luxure!

Le Président (M. Rochefort): Je remercie le Directeur général et son équipe. J'inviterais maintenant les représentants de la Fédération de l'informatique du Québec. Je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît!

Fédération de l'informatique du Québec

M. Fortier (Jules): M. le Président, mon nom est Jules Fortier, je suis ici en tant que conseiller auprès de la section de Québec de la Fédération de l'informatique. À ma gauche, Me Jean Goulet, professeur titulaire à la faculté de droit de l'Université Laval. À ma droite, M. Jean-Pierre Forest, consultant en informatique du bureau Raymond, Chabot, Martin, Paré et Associés, tous deux également membres de la section de Québec de la Fédération de l'informatique.

M. le Président, la fédération, organisme qui regroupe à travers ses sections plus de mille cinq cents professionnels de l'informatique, remercie le ministre des Communications du Québec, M. Jean-François Bertrand, de son invitation et profite de l'occasion ainsi fournie pour faire connaître à la commission parlementaire ses réactions à la proposition de loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

En premier lieu, la fédération tient à souligner la haute qualité du rapport Information et liberté issu de la commission d'étude qui s'est penchée sur la question. Rédigé dans un langage clair et précis, le rapport situe le problème dans sa perspective exacte, en fait une analyse compréhensive et formule un ensemble de recommandations des plus pertinentes qui, par la suite, sont transcrites dans une proposition de loi visant à faciliter au citoyen l'accès à l'information gouvernementale et à la protection des renseignements personnels que l'État détient à son sujet. La fédération désire à ce moment non seulement féliciter les membres de la commission d'étude pour l'excellence du travail accompli mais aussi les en remercier chaleureusement.

La loi proposée est d'autant plus la bienvenue qu'elle vient consacrer des droits indéniables des particuliers face à l'information qui les concerne directement, information à caractère nominatif, ou indirectement, décisions, délibérations d'organismes publics, parapublics, municipaux, etc. Ces droits, au nombre de cinq, rappelons-les brièvement, sont le droit de consultation, le droit de contrôle de l'utilisation des renseignements personnels, le droit de correction des erreurs, le droit de porter plainte et le droit à la protection de la vie privée.

La proposition de loi prévoit certaines restrictions au droit d'accès à l'information. Il va de soi que ces restrictions s'imposent de facto et la fédération ne croit pas qu'il y ait lieu de restreindre davantage ce droit ou de l'élargir de façon démesurée.

La loi impose aux organismes gouvernementaux l'obligation de démontrer la pertinence de constituer de nouveaux fichiers de renseignements personnels et de justifier l'usage qu'on se propose d'en faire. La même obligation s'étendra aux fichiers déjà existants. Des dispositions de cette loi visent de plus à garantir l'intégrité des renseignements recueillis et à en protéger la confidentialité. La fédération ne peut que se réjouir de cet ensemble de mesures qui rejoignent entre autres ses préoccupations de protection du public dans les systèmes informatiques qui viennent l'affecter de plus en plus. Elle souhaite que le secteur privé emboîte le pas au secteur gouvernemental et mette fin de lui-même à sa demande abusive de renseignements personnels sous le moindre des prétextes.

Considérée dans son ensemble, la loi proposée ne soulève pas d'objection majeure ou fondamentale de la part de la fédération. Bien au contraire, elle lui apparaît dans sa forme actuelle répondre adéquatement et de façon pratique à ce besoin de faciliter aux citoyens un accès raisonnable aux documents de l'État et à la nécessité de protéger les renseignements personnels détenus par les organismes gouvernementaux. La fédération s'en réjouit et ne peut que souhaiter vivement la mise en application de cette loi dans un avenir rapproché.

Nonobstant ce qui précède, la fédération désire porter à l'attention de la

commission parlementaire les réflexions et commentaires suivants sur quelques-uns des articles de la loi proposée qui, dans son opinion, suscitent des interrogations ou encore, invitent à des mises en garde.

Au sujet de l'article 8 sur la prolongation de la période, la fédération constate avec satisfaction que les dispositions de cet article du projet de loi proposé par la commission suggère un mécanisme de révision du régime légal ordonnant l'accès à l'information gouvernementale et à la protection de la confidentialité. Rien n'est plus sage dans ce domaine où intervient l'effet de la plus fine recherche en matière de traitement de l'information et à propos de ce nouveau programme d'action gouvernementale qui risque de bouleverser bien des procédures acquises et de susciter même à l'occasion la tentation du rejet à l'expérience.

Il nous semblerait dès lors, nous vous en soumettons l'idée, qu'il soit préférable de ne pas gqarder la suggestion qui nous est faite de terminer l'effet de mise en vigueur de la loi après une période de cinq ans. Il serait trop dangereux que tant d'efforts accumulés jusqu'ici ne produisent en fin de course que l'étrange paradoxe d'un vide juridique, choquant même s'il n'était que temporaire. Nous souhaitons dès lors que le citoyen québécois soit régi par une loi imparfaite durant la période de révision du régime de protection dont il sera bénéficiaire, plutôt que de le retrouver encore à ce moment-là dans le vacuum juridique qu'il souffre présentement.

L'article 10. Exercice du droit d'accès.

Le droit d'accès peut s'exercer par l'obtention d'une copie du document. Il ne faudrait pas que cet article s'interprète comme une obligation au demandeur de se rendre sur place pour obtenir un fac-similé. En plus de la photocopie qui peut s'expédier par courrier, d'autres modes de transmission sont possibles, vidéo, terminal, particulièrement pour ce qui est des documents informatisés. Dans tous les cas, la copie transmise devrait être accompagnée d'une attestation de sa conformité au document original quant au contenu et ce, à partir de la mise à jour la plus récente.

Article 20. Publication des décrets.

Les dispositions de cet article du projet de loi suggéré n'ont pas manqué non plus d'attirer notre attention. La norme qu'on y décrète, viendrait en effet combler une carence reqrettable dans notre législation actuelle et confirmerait ainsi au citoyen son droit à l'écoute officielle des voix autorisées des pouvoirs législatifs et exécutifs. Vu dans la perspective d'une saine démocratie, le sujet est donc important.

De fait, il nous semble l'être d'ailleurs tellement, que nous nous demandons s'il ne serait pas même préférable que la publication des lois, règlements et ordres en conseil de toutes natures, ne fasse l'objet d'une loi spécifique qui en réglemente soigneusement tous les aspects. D'autres législateurs ont agi déjà en ce sens et, peut-être, nous le souhaitons, non sans sagesse.

Article 56. Confidentialité des renseignements nominatifs et article 63, interdiction de collecte des renseignements nominatifs. Ces deux articles viennent concrétiser dans un texte de loi le droit fondamental de tout citoyen à la protection de sa vie privée. La fédération désire souligner l'importance de ces deux articles clés.

Article 65, les ententes entre les organismes. Lorsqu'en vertu d'une loi, arrêté en conseil ou règlement, un organisme gouvernemental est tenu de fournir à un autre organisme gouvernemental des renseignements personnels, le citoyen peut difficilement connaître les catégories de personnes ainsi visées de même que les modalités de cet échange.

De plus, les mécanismes modernes de transmission de données font qu'elles ont été souvent produites à la suite de croisements successifs de différents ensembles de données. Apparaissant alors le problème de l'intégrité des données de base et celui de l'intégrité du mécanisme utilisé pour colliger les informations. Un autre problème se présente à la réception des données par l'organisme demandeur car les données transmises sont dans bien des cas validées, corrigées ou tout simplement rejetées. C'est alors que devient plausible la censure arbitraire ou subjective, la possibilité d'omissions volontaires ou involontaires.

La question est de savoir jusqu'où la commission pourrait s'impliquer dans ce processus pour assurer, d'une part, la fiabilité des données transmises et, d'autre part, l'utilisation qu'on en fait. Cette question est d'autant plus importante qu'en maintes circonstances ces informations sont finalement la base sur laquelle est déterminé le droit à des subventions ou toute autre aide financière, comme dans le cas des prestations de l'aide sociale. La fédération croit que la commission devrait se pencher sur ces problèmes et tenter de les résoudre dans sa réglementation.

Approbation des ententes d'échanges de renseignements nominatifs, à l'article 67. La fédération se réjouit que les échanges de renseignements nominatifs entre organismes gouvernementaux soient limités et sujets au contrôle de la commission. Elle encourage non seulement le maintien de cette disposition, mais également son application rigoureuse. La fédération ne croit pas que cet article ouvre la porte à un dédoublement inutile de cueillette d'informations. Au contraire, elle y voit un moyen de faciliter les échanges justifiables entre les organismes

tout en prévenant les abus criants.

À l'article 72, destruction et archivage des fichiers de renseignements personnels. Un certificat de la commission est requis pour établir un fichier de renseignements personnels. Ne devrait-il pas en être de même pour sa destruction ou son archivage? Sans doute, la réglementation à venir y pourvoira-t-elle?

Chapitre VI, section 1, infractions. La fédération suggère que cette section couvre également tout acte d'altération, de falsification, de tronquage de renseignements nominatifs lorsque ces actes sont perpétrés dans le but d'en retirer des avantages personnels ou dans le cas de faute lourde.

À l'article 102, composition de la commission de l'accès aux documents des organismes publics. Cette commission sera composée de trois membres. La Fédération de l'informatique du Québec souhaite qu'au moins un des membres soit un informaticien chevronné issu du milieu des informaticiens professionnels. La fédération souhaiterait également être consultée dans le choix de cette personne.

Ceci complète les commentaires de la fédération sur les articles de la loi proposée.

Cependant, il apparaît primordial à la fédération que la protection accordée par le projet de loi aux renseignements personnels détenus par les organismes gouvernementaux soit étendue aux renseignements personnels détenus par les institutions financières. L'avènement des systèmes de paiement électronique aura non seulement de lourdes conséquences sur les habitudes de consommation des citoyens, mais permettra en même temps à ceux qui les utiliseront de colliger rapidement et facilement des informations sur leur clientèle, informations qui seront conservées sous une forme qui en permettra la consultation et la diffusion de façon quasi instantanée.

L'aisance avec laquelle des renseignements personnels pourront alors être recueillis et diffusés pose le problème de la protection du citoyen contre les abus possibles à la fois des agents payeurs et des institutions financières tant dans la quantité d'informations personnelles ainsi colligées que dans l'usage qu'on en fait par la suite.

En terminant, la Fédération de l'informatique du Québec fait sienne la recommandation no 68 du rapport à l'effet que le gouvernement devrait faire étudier les moyens d'assurer la protection des renseignements personnels détenus par les institutions privées.

À ce sujet, la fédération recommande fortement au gouvernement de s'attaquer dans un premier temps au problème des renseignements personnels détenus par les institutions financières.

La Fédération de l'information du Québec vous remercie de l'avoir entendue et se tient à votre disposition pour aider à la mise en application de la législation proposée, si sa collaboration peut vous être utile de quelque façon que ce soit. Merci. (18 h 15)

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais remercier les représentants de la Fédération de l'informatique du Québec, d'abord, d'avoir accepté de venir aujourd'hui plutôt que demain, et plus tôt dans la journée qu'ils ne le prévoyaient puisqu'on avait cru, au départ, qu'on siégerait peut-être après huit heures. Je les remercie de s'être prêtés aussi gentiment à l'horaire de la commission. Je veux leur indiquer aussi que j'aurai grand plaisir à me rendre à leur demande de les visiter le 22 septembre prochain à Montréal, à la suite d'une invitation qu'ils m'ont transmise. Nous aurons probablement l'occasion, à ce moment-là, de parler encore une fois du rapport Paré, parce que je crois que les informaticiens sont des gens extrêmement intéressés par ce dossier, on le comprend, à cause, évidemment, de toute cette question des fichiers et de leur gestion.

Vous nous suggérez de ne pas créer de vide juridique après la période de cinq ans fixée par la proposition de loi. Il y en a quelques-uns, dans notre équipe de travail, qui ne sont pas de cet avis; il y en a un qui se sent très isolé dans cette position et je pense que vous lui faites chaud au coeur de lui dire qu'il serait probablement préférable qu'il n'y ait pas de vide juridique, d'autant plus que vous n'êtes pas le seul organisme à avoir fait mention de cette demande.

Vous devez comprendre que l'article 10, qui fait référence à la façon de consulter les documents, n'est pas une obligation faite pour les gens de se rendre consulter les documents sur place, mais qu'effectivement on peut prévoir différentes façons de rendre l'information accessible, que ce soit par l'envoi postal, quand le service des postes fonctionne ou - là-dessus, les suggestions des informaticiens sont tout à fait intéressantes - par des procédés modernes qui peuvent être utilisés et qui permettront dans l'avenir, à mon avis, de rendre acessible cette information. C'est ce que j'évoquais hier, je ne me rappelle pas exactement devant quel groupe c'était, la Ligue des droits et libertés. Vous êtes probablement un des groupes qui devraient être le plus susceptible de nous suggérer des moyens nouveaux de communiquer l'information. Le gouvernement tente d'établir une meilleure relation entre I'État et le citoyen; la loi d'accès à l'information va nous obliger à trouver des mécanismes nouveaux pour rendre l'État davantage accessible. On parle de plus en plus de procédés, de type Télidon ou autres,

avec les systèmes vidéotex et télétex qui, demain, pourraient permettre d'introduire un véritable système d'information à domicile où les gens, à domicile, pourraient eux-mêmes demander leurs informations à toute une série de banques constituées ou de renseignements nominatifs, dans certains cas, ou de documents dans d'autres cas.

Je serais très heureux, quant à moi, que la Fédération de l'informatique, au-delà du document qu'elle nous présente, achemine des suggestions au gouvernement du Québec, au ministère des Communications en particulier. J'aurai l'occasion de vous le dire lorsque je vous rencontrerai le 22 septembre, mais peut-être qu'on peut se passer le message immédiatement. Ce serait peut-être difficile d'application à court terme, puisqu'on en est encore à l'étape de l'expérimentation de ces différents procédés et de leur utilisation à domicile, mais je pense que le temps n'est pas loin - peut-être cinq ans, au gros maximum, dix ans - où les citoyens pourront, à domicile, consulter un ensemble de documents grâce au développement des systèmes vidéo et télétex. J'aimerais beaucoup connaître vos opinions là-dessus.

À l'article 20, vous demandez qu'on exclue de la proposition de loi toute la question de la publication des lois, règlements et décrets et qu'on en fasse peut-être un chapitre à part. Je sais qu'au ministère de la Justice toute une opération est en cours sur la déréglementation, et ce dans un objectif tout à fait sain de débureaucratisation de l'appareil gouvernemental; c'est quelque chose qui doit être fait. La proposition de loi nous invite, tout de même, à certains gestes concernant la publication des décrets. En ce qui concerne les règlements, déjà, il y a des obligations qui sont faites de les publier dans la Gazette officielle. Quant aux décrets, on peut prendre l'initiative de les rendre publics, mais on a la possibilité, à l'intérieur de cette proposition, de retenir ceux qui nous apparaissent ne pas devoir être rendus publics à cause de la notion très large d'intérêt public, mais on peut regarder ça. Ce n'est pas, je pense, l'aspect fondamental de votre mémoire. Il y en a un, par contre, qui est drôlement important, c'est votre référence à l'article 65.

Dans les échanges de données qu'autoriserait l'article 65, il peut être difficile pour le citoyen de connaître les catégories de personnes visées, les modalités de l'échange. Les données produites à la suite de croisements successifs peuvent altérer, dans un sens ou dans l'autre, les données qui étaient contenues dans un premier fichier. Lorsqu'elles se transportent dans un deuxième fichier, on ne retrouve pas exactement les mêmes renseignements, parce que, quelque part, quelqu'un a fait le tri et quelqu'un a décidé, de façon plus ou moins arbitraire, d'en retenir quelques-uns ou d'en ajouter d'autres. Vous demandez que la commission se penche sur ce problème et trouve une façon, que ce soit par voie réglementaire ou carrément dans la loi, au niveau des articles, de préciser l'identité qui doit exister entre les renseignements contenus dans le premier fichier et les renseignements contenus dans le deuxième fichier, au moment de la transmission des données.

À la toute fin, vous nous invitez, au niveau des articles 142, 143, 144, à faire en sorte que des gens qui tenteraient, d'une façon ou d'une autre, ce sont vos termes que j'essaie de reprendre, d'altérer, de falsifier ou de tronquer des renseignements nominatifs soient passibles de sanctions, parce que vous voyez là un problème. J'aimerais peut-être vous entendre développer un peu plus là-dessus. Est-ce qu'effectivement c'est un problème qui se pose, que vous avez déjà constaté, qui est déjà apparu comme étant réel ou si c'est un problème théorique, pour lequel vous voudriez qu'on prévoie déjà un certain nombre de règlements ou d'articles de loi?

M. Forest (Jean-Pierre): Sans vouloir citer des cas particuliers, par exemple, dans les administrations publiques ou parapubliques, en ce qui a trait à des renseignements de caractère financier, à cause des différents mécanismes qui sont en place, des différentes corporations professionnelles, des vérificateurs qui passent à différents paliers, on peut dire qu'à 99% les renseignements de caractère financier sont exacts à la demi-cent près. La demi-cent est partie et va peut-être se ramasser dans un compte clé.

Quand on arrive à d'autres types de fichiers, où ce sont des informations plutôt qualitatives, des renseignements personnels, des renseignements sur des étudiants, des renseignements sur d'autres personnes, où le Vérificateur général ne passe pas pour vérifier l'authenticité ou la qualité des données, il y a toujours des possibilités d'erreur, justement à cause de certains mécanismes de validation successive, les organismes requérants n'ayant pas les mêmes critères. Dans certains cas, les personnes qui colligent les données, ça pourrait être des étudiants qu'on emploie l'été; ils n'auront pas le souci d'exactitude ou la compréhension du problème que le personnel en place aurait, par exemple, dans le recensement des équipements.

Au moment de la saisie de la donnée, il existe déjà un déphasage, c'est-à-dire une possibilité d'omission. Cette omission est amplifiée une fois que les validations successives traitent ces données; il y a différentes données qui vont être rejetées pour telle ou telle raison, ça les amenuise.

Lorsqu'elles sont transmises à un autre organisme, il a également ses règles de validation, ses normes, ses procédures, ses significations. On a seulement à mentionner la tâche dans l'enseignement. Je vous mets au défi, lorsqu'on parle de poste ou de charge d'emploi, d'essayer de trouver une définition uniforme dans tous les milieux, du primaire jusqu'à l'université.

Ce sont peut-être ces données, ces notions, lorsqu'elles sont transférées d'un organisme à l'autre, qui perdent certaines de leurs significations et, de façon involontaire ou sans trop d'exactitude, il y a une perte de l'information initiale. Et c'est ce mécanisme, qu'on appelle la qualité des données, qui subit des amputations successives et qui, à la fin, perd un certain sens. À ce moment, il y aurait peut-être une possibilité qu'on avait discutée lorsqu'on s'était rencontré, M. Goulet et M. Fortier, de voir que la commission pourrait éventuellement s'attacher à l'aspect qualitatif des données et laisser au Vérificateur général le caractère financier des informations. On est conscient que c'est un mécanisme très lourd, parce que, par expérience, on sait que lorsque le Vérificateur général a passé partout, sur les fichiers à caractère financier, il ne reste plus ou très peu de temps pour s'attaquer à d'autres fichiers qui, comme on le dit, vont peut-être donner des subventions, des contrats, ou autres...

M. Bertrand: N'oubliez pas que la proposition de loi prévoit que les émissions de certificat doivent être faites par la commission à l'ensemble des organismes qui fonctionnent avec des fichiers. Chaque fois qu'il y a une entente qui intervient entre deux organismes publics pour s'échanger des données, il faut que l'organisme demandeur indique à la commission les raisons pour lesquelles il veut obtenir ces données et l'utilisation qu'il compte en faire. Prenons le cas où les bureaux d'aide sociale ont besoin d'obtenir des renseignements qui leur viennent de la Régie de l'assurance-maladie, de la Régie de l'assurance automobile ou d'un autre organisme, ils devront, à ce moment, indiquer très clairement à la commission pourquoi ils veulent obtenir ces données, quelles sont les qualités de ces données qui les intéressent, parce qu'il peut y avoir des caractéristiques dans le renseignement nominatif qui n'intéressent pas l'organisme demandeur. Il peut donc y avoir jusqu'à un certain point, sur un ensemble de renseignements contenus sur une même personne, 25 renseignements contenus sur une même personne, et il peut y en avoir cinq, trois ou huit qui intéressent l'organisme demandeur. Je pense que ce n'est pas là-dessus que vous en avez. Ce sur quoi vous en avez, c'est sur des modifications qualitatives dans l'appréciation de ces renseignements nominatifs qui seraient altérés au fur et à mesure que se transmettent les informations d'un organisme à l'autre.

M. Fortier (Jules): Si vous permettez, le problème qu'on y voit aussi, c'est qu'un organisme montre un fichier, recueille quinze points d'information sur une personne, mais en réalité, il y a peut-être la moitié de ces informations auxquelles il tient particulièrement, qu'il va soigner dans la qualité de la cueillette et de l'enregistrement, les autres, c'est indicatif, mais c'est plus ou moins nécessaire. On va être un peu plus large là-dessus, on va laisser passer des erreurs; on ne sera pas aussi rigoureux sur la cueillette et l'enregistrement. Un an ou deux ans après, un autre organisme vient et dit: Tiens, regarde l'organisme A a des informations; mais elles se trouvent dans le bloc où on n'a pas été très scrupuleux pour les enregistrer. De cela, on tire des compilations, on refait des validations et on se base là-dessus pour prendre des décisions. La fédération pense qu'il y a un danger là-dedans. Ce problème, la commission devrait y voir. Ce n'est pas un problème facile, mais je pense qu'on se devait d'attirer l'attention là-dessus. C'est dans les transformations, les validations et les codifications successives qui se font.

M. Bertrand: Un dernier point, pour ce qui est de la destruction des fichiers ou de certains des renseignements contenus dans les fichiers, vous demandez qu'on prévoie une clause de destruction.

M. Fortier (Jules): C'est tout simplement...

M. Bertrand: II y en a tellement que...

M. Fortier (Jules): II y a un certificat d'exigé pour le créer. Il faut au moins qu'on avise la commission, lorsqu'on le détruit.

M. Bertrand: Enfin, là aussi, il faut se servir de son sens commun. On imagine que, lorsque ce n'est plus nécessaire de s'en servir, les organismes, plutôt que de les vendre à profit à des organismes qui eux, seraient intéressés à faire de l'argent avec cela s'en départissent. Maintenant, il faut savoir aussi qu'il faudra accorder l'éventuelle loi d'accès à l'information gouvernementale à la Loi sur les archives. Là aussi, les spécialistes en la matière distinguent toujours entre ce qu'on appelle des dossiers actifs, des dossiers semi-actifs, des dossiers d'archives et des dossiers de destruction. Cela fait partie du "pataclan" dans lequel on s'embarque. Il faudrait faire concorder notre loi non seulement avec la loi sur les droits d'auteur et les droits de suite, mais aussi

avec la Loi sur les archives qui provient du ministère des Affaires culturelles. (18 h 30)

M. Fortier (Jules): On y voyait simplement une question administrative pour la commission. Elle a autorisé la création d'un fichier. Qu'elle soit avisée au moins, lorsqu'on le détruit, qu'elle le sache, parce qu'il pourrait arriver, si on ne dit absolument rien, que le fichier soit détruit et que, plus tard, on réalise qu'on n'aurait pas dû le détruire pour d'autres raisons.

M. French: Je voudrais profiter de l'occasion...

M. Bertrand: Excusez-moi, M. le député de Westmount, parce que cela peut peut-être nous aider. Il y a déjà un élément qui vous aide, c'est l'article 138, paragraphe 5. "Le gouvernement peut adopter des règlements pour fixer les délais de conservation des catégories de renseignements qu'il détermine et les conditions auxquelles un organisme public peut en disposer par destruction ou archivage. "

M. Fortier (Jules): Dans les cas où cela a été prévu, il y a peut-être d'autres cas où cela ne l'est pas.

M. Bertrand: Mais il n'est peut-être pas nécessaire qu'il y ait un certificat à ce moment-là, simplement de dire...

M. Fortier (Jules): Oui, cela peut être implicite dans le certificat d'origine, s'il est créé pour une telle période de temps et qu'il doit se détruire après tant de temps.

M. Bertrand: Mais c'est prévu que le certificat est émis pour une certaine période de temps aussi. D'accord.

Le Président (Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: Je suis frappé par le fait que cela nécessite quand même d'exercer une certaine vigilance face aux coûts-bénéfices des mesures recommandées, surtout celles qu'on vient d'évoquer ou de toucher; mais je voudrais profiter de votre présence pour vous poser une question qui touche elle aussi aux coûts, mais sur un sujet que vous n'avez pas, je pense, évoqué directement dans votre mémoire.

Il me semble que les renseignements de nature non personnelle, mais quand même informatisés peuvent être légitimement l'objet de demande de la part d'un citoyen ou d'un recherchiste, enfin la clientèle visée par la loi. Il me semble que c'est possible que cette requête ou demande soit constituée d'une façon qui permettrait justement à un fonctionnaire d'expérience, d'identifier les données en question, mais vu que ce n'est pas un document dans le sens littéral plutôt que dans le sens législatif, la production de ce document peut coûter extrêmement cher. D'abord, est-ce que j'ai raison? Et si oui, y a-t-il des possibilités d'imaginer un système de réglementation ou un système de contrôle de coûts pour contrôler ce genre de situation?

M. Fortier (Jules): Quand vous dites qu'il y a un document informatisé, tout dépend de la nature de ce document, de son volume. Si on entend par document informatisé un fichier complet et qu'on veut avoir une copie intéqrale en clair d'un fichier, cela peut coûter joliment cher. À ce moment-là, je pense que la commission doit juqer la demande qui lui est faite, si elle est pertinente. On voit aussi dans la loi qu'à un moment donné on peut mettre un prix à cela sans que ce soit prohibitif pour empêcher une demande raisonnable, mais que les demandes abusives et irraisonnables, on les empêche, on y mette un frein.

M. French: Est-ce que je me trompe en faisant deux constatations à ce moment-ci? D'abord, il n'y a pas de possibilité de refuser une demande, parce que c'est de nature abusive, dans le moment, n'est-ce pas? Ce n'est pas prévu par la loi.

Deuxièmement, la commission n'est pas impliquée dans le premier "interchange", la demande originale parvient à un préposé dans un ministère en particulier et, il se peut fort bien que je me trompe, je profite de votre présence pour soulever une question, je pense, extrêmement importante, c'est que je peux imaginer une demande qui mobiliserait les équipements et les personnels du gouvernement spécialisés en informatique et qui profiterait des investissements faits dans le passé dans le recueil de données et le "cross tabulation" etc., ce qui, par contre, me coûterait en tant que requérant très bon marché, un prix très raisonnable, mais énormément cher au gouvernement. Il n'y a pas, je pense, de possibilité que le ministère exige des frais réalistes, de sorte que cela me forcerait, en tant que requérant, à avoir recours à la commission, en premier lieu, parce que j'aurais le droit d'avoir ces documents directement, sans que cela devienne...

Maintenant, c'est une question que je vous pose. Vous avez confirmé que cela peut coûter cher. Le ministre serait peut-être en mesure de nous informer tous les deux.

M. Fortier (Jules): Cela peut coûter cher. Tout dépend des opérations qu'il y a à faire sur ces choses.

M. French: On crée le document, finalement.

M. Fortier (Jules): Oui, si ma mémoire est bonne, je ne pourrais pas spécifier le point exact dans la loi, mais je pense qu'il est dit quelque part que le renseignement qu'on doit fournir ne doit pas nécessiter de calcul, d'opération, de transformation, de modification. J'en ai déduit que c'est une copie intégrale de ce qui existe déjà.

M. French: Ah, bon!

M. Fortier (Jules): On n'a pas à fabriquer quelque chose.

M. French: J'ai vu cela, mais il me semblait que cela voulait dire que je ne pouvais pas demander au ministre des Finances de créer un nouveau document pour mes propres fins. Mais cela ne m'a jamais frappé qu'on ne puisse demander à quelqu'un qui fait fonctionner un programme polyvalent, de sortir quelques données que je voudrais avoir et qui sont toujours facilement productibles.

La question légale de ce qu'est un calcul entre en ligne de compte. Moi, je ne sais pas si j'hésiterais, j'irais à la commission et je dirais: "Ce n'est pas un calcul, c'est le fonctionnement d'un ordinateur qui a été fait pour cela.

M. Bertrand: Quel est le cas concret que vous voulez invoquer? Supposons que vous vouliez avoir accès à un renseignement sur votre personne.

M. French: Non, je m'excuse, vous avez manqué...

M. Bertrand: Ce n'est pas cela.

M. French: Non. L'hypothèse est que l'on parle de données non personnelles, informatisées, mais non personnelles.

M. Bertrand: Un document informatisé.

M. French: Oui, mais pas personnel. Cela ne touche pas du tout les renseignements personnels.

M. Bertrand: C'est cela. Dans le cas du renseignement personnel, il n'y a pas de problème. Dans le cas du document informatisé, il y a une façon d'y avoir accès. Cela ne demande ni comparaison de renseignements, ni calcul. Je pense qu'à ce moment-là...

M. Fortier (Jules): II n'y a aucun problème, à ce moment-là.

M. Bertrand: La loi prévoirait qu'il y a accès.

M. French: II n'est pas question d'accès pour le moment, j'invoque la question des coûts et la possibilité pour une entreprise privée ou un syndicat d'utiliser les équipements, le personnel spécialisé en informatique et l'investissement du gouvernement dans le passé d'un recueil de données, de faire la recherche à très bon marché.

M. Fortier (Jules): Si je comprends bien...

M. French: Je sais que nos invités ne sont pas responsables de cette loi. Je profite de leur présence pour invoquer un problème que je crois être important.

M. Fortier (Jules): Ce que vous entendez par document informatisé, ce que je vois là-dedans, ce sont des données qui, à un moment donné, sont ramassées dans le contexte, d'une négociation de convention collective, puisqu'on parle de syndicat. Je sais par expérience qu'il se fait sur des ordinateurs des programmes de simulation.

Mais si quelqu'un se présentait en invoquant la loi sur l'accès à l'information et disait: À l'aide des renseignements que vous avez, faites-moi une simulation dans tel et tel cas, selon tel et tel paramètre, je ne pense pas que la loi soit fonction de fournir ce genre d'information, parce que cela va impliquer des calculs, du rebrassement d'information., du travail de l'ordinateur.

Par contre, si un modèle mathématique a été fait, les résultats sont publiés, ils sont quelque part. À ce moment, qu'ils soient dans la mémoire de l'ordinateur ou qu'ils soient en clair sur des papiers, on en fait des photocopies ou on en tire simplement un extrait qui est une liste provenant directement de la mémoire de l'ordinateur, d'un ruban magnétique, et on dit: Imprime-moi cela. C'est une simple impression, à ce moment-là.

Si j'ai bien compris l'esprit de la loi, toute demande impliquant des calculs, des recherches, des modifications, des transformations, ce n'est pas compris là-dedans.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. French: Oui, cela y répond sûrement. Je suis d'accord avec vous sur l'esprit de la loi. Il n'est pas question de cela. On parle d'une considération plutôt pratique que d'une question de principe. Mais je voudrais juste dire que vous avez choisi les deux extrêmes, le produit du programme est celui que l'on utilise couramment dans les ministères, évidemment; on fait une photocopie et c'est assez simple. L'autre extrême, c'est la simulation qu'on peut évidemment qualifier de calcul, en quelque sorte. Je ne suis pas informaticien, mais

j'aurais pensé qu'il y aurait des usages, par exemple, des programmes et des banques de données qui ne seraient pas vraiment prévus dans l'objectif pour lequel cette banque de données a été créée, mais qui pourraient quand même être susceptibles de faire l'objet d'une requête d'un syndicat, d'une corporation ou d'un entrepreneur, qui feraient fonctionner le programme d'une façon différente, mais extrêmement chère, et qui manipuleraient énormément de données face un objectif qui n'était pas, je le répète, prévu originalement dans la construction de la banque.

À ce moment-là, je me demande tout simplement - c'est une question que je pose beaucoup plus au ministre et à ses fonctionnaires qu'à vous - si on est protégé contre ce genre d'approche vu l'approche plutôt libérale qu'on va utiliser quant aux coûts, c'est-à-dire qu'on va les minimiser absolument pour ne pas créer une barrière d'entrée pour le programme.

M. Bertrand: Quand il s'agit d'un programme où on peut faire immédiatement l'impression et qu'il s'agit véritablement d'un document informatisé dont l'importance n'est quand même pas très grande en termes de volume et de papier, je crois qu'il n'y a pas de problème.

M. French: Cela peut être très facile du point de vue du document et du papier, mais ça peut être très cher au point de vue du temps de l'ordinateur.

M. Bertrand: Oui. Il paraît qu'à Ottawa, au niveau du gouvernement fédéral, on fait payer au demandeur les frais des cinq premières heures de fonctionnement.

M. French: C'est pour cela que j'ai évoqué le problème. On l'avait rencontré à Ottawa, effectivement.

M. Bertrand: Oui.

M. French: Et ils nous ont dit que ce n'était tout simplement pas possible de prévoir... Prenons le cas du syndicat. C'est évident que le gars qui fait fonctionner l'ordinateur est probablement membre du syndicat et c'est lui qui connaît, plus que n'importe qui d'autre, quelles sont ses capacités. Il y a toutes sortes de génies de "computers" ou d'ordinateurs un peu partout qui sont capables d'imaginer ou de bâtir toutes sortes de projets de façon abusive. C'est peut-être un problème assez mineur, mais, à un moment donné, ça peut coûter extrêmement cher.

M. Bertrand: Est-ce que l'article 97 répondrait en partie à votre préoccupation'' "La commission peut autoriser le responsable à ne pas tenir compte de demandes manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique et qui sont faites à des fins non conformes à l'objet de cette loi. " Cela y touche un peu, en tout cas.

M. French: Par exemple, je me demande ce que veut dire le caractère systématique. Dans la mesure où on n'aurait pas deux avocats devant la commission, dans la mesure où ce sera le personnel de la commission qui va prendre le cas du requérant et qu'on se base sur le gros bon sens, on est peut-être protéqé avec cet article. Mais si jamais on commence avec un droit d'appel sur le bien-fondé de la décision plutôt que la question de droit devant une cour, vous pouvez être certain qu'une corporation, un entrepreneur ou un syndicat va invoquer toutes sortes de raisons contre cela.

M. Bertrand: En tout cas, j'ai bien compris qu'il ne s'agissait pas de renseignements personnels; il s'agissait de documents informatisés. Il y a peut-être un petit vide là qu'il s'agirait de combler.

M. French: En tout cas, je veux remercier nos invités.

M. Bertrand: Si les gens de la Fédération de l'informatique ont des suggestions à nous communiquer là-dessus, ils sont bienvenus.

M. Fortier (Jules): Si vous le permettez, il y a aussi les programmes du gouvernement, dans le sens de programmes d'ordinateur. Est-ce qu'on peut dire que l'accès à l'information permettrait à n'importe quel citoyen de dire: Sortez-moi donc votre programme que je l'examine et que je le regarde? Cela peut être passablement dispendieux.

M. Bertrand: Très.

M. Fortier (Jules): Un programme qui gère tout un complexe d'ordinateurs. Ils diraient: C'est de l'information gouvernementale. Je ne pense pas qu'on veuille se rendre jusque-là. Par contre, il y a dans ces programmes des éléments qui intéressent drôlement le citoyen, qui sont la codification des formules utilisées pour calculer son impôt, pour verser une subvention. De quelle façon tout cela est-il amené? Ces parties-là, moi, j'y vois un droit, mais à toute la technique qui régit un ensemble d'ordinateurs, au système à accès direct avec des consoles dans toute la province... Le programme est épais comme ça.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? Alors, je remercie les représentants de la Fédération d'informatique du Québec.

La commission suspend ses travaux jusqu'à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 45)

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