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(Vingt heures onze minutes)
Le Président (M. Gagnon): La commission des communications
se réunit aux fins de poursuivre article par article l'étude du
projet de loi no 65, Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels.
Les membres sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Baril
(Arthabaska), Bertrand (Vanier), Bissonnet (Jeanne-Mance), Blais (Terrebonne),
Brassard (Lac-Saint-Jean), French (Westmount), Guay (Taschereau), LeMay
(Gaspé), Rivest (Jean-Talon) remplacé par Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie), Sirros (Laurier) remplacé par Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys).
Les intervenants sont: MM.Charbonneau (Verchères), Dean
(Prévost), Fortier (Outremont), Marx (D'Arcy McGee), Payne (Vachon),
Perron (Duplessis), Picotte (Maskinongé), Rodrigue (Vimont).
Le rapporteur de la commission est le député
d'Arthabaska.
M. French: Je l'ai vu tantôt. Je lui ai dit qu'il faudrait
bien qu'il passe faire un tour ici avant qu'on ne termine.
M. Guay: Mais il va faire un rapport d'autant plus objectif, s'il
n'est pas présent.
M. Lalonde: II faudrait aller le chercher.
Le Président (M. Gagnon): On va voir à ce qu'il
arrive au plus vite. Alors, lors de la suspension de nos travaux, nous
étions rendus à l'article 156 et la parole était...
Non?
M. French: "Close but no cigar", M. le Président.
Renseignements nominatifs Une voix:Quel article avez-vous
dit?
Le Président (M. Gagnon): L'article 63. Je présume
que la parole était au ministre?
M. Bertrand: Le ministre ne prend jamais la parole, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce que l'article 63
est adopté?
M. Lalonde: M. le Président, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... j'aimerais que le ministre nous explique les
coordonnées de l'article 63.
M. Bertrand: Alors, l'article 63, d'abord, reproduit
intégralement l'article proposé par la commission Paré. La
commission Paré, dans son document, justifiait de la façon
suivante cet article. "Les renseignements personnels recueillis par un
organisme doivent être pertinents et nécessaires à
l'exercice du mandat dévolu à cet organisme par la loi. Il s'agit
là d'une limitation essentielle au pouvoir bureaucratique." En d'autres
mots, c'est vraiment l'article qui dit qu'un organisme, en dehors de la mission
que la loi lui confie ou de sa vocation, peut, bien sûr, aller chercher
des renseignements, mais ne peut aller chercher un renseignement qui ne serait
pas nécessaire à l'exercice de ses fonctions, qui ne
correspondrait pas à sa mission, à sa vocation. C'est un article
limitatif pour bien indiquer que l'organisme public ne peut pas recueillir des
renseignements qui n'ont absolument rien à voir avec ses pouvoirs, ses
fonctions, ses attributions et la mise en oeuvre de programmes dont il aurait
la gestion, la responsabilité.
M. Lalonde: J'aimerais poser une question, M. le
Président. Quand on parle de recueillir un renseignement, est-ce qu'on
comprend la cueillette de renseignements auprès de l'individu ou de la
personne concernée ou auprès d'un autre fichier?
M. Bertrand: Auprès des personnes. Quand on parlera des
fichiers, on verra tout à l'heure que, pour aller chercher des
renseignements dans d'autres fichiers il faudra passer par une certaine
procédure qui est couverte par le droit de regard de la Commision
d'accès à l'information et assujettie à des
modalités d'application très précises.
M. Lalonde: J'aime bien la réponse du ministre. Serait-il
possible de préciser ce que le ministre vient de nous dire?
M- Bertrand: Oui, il y a d'autres articles, 66, par exemple: "Sauf dans
les cas visés dans les articles 59 et 60, un organisme public ne peut,
sans le consentement de la personne concernée, communiquer un
renseignement nominatif à un autre organisme public si ce n'est..."
M. Lalonde: Mais c'est la communication des renseignements qui
sont déjà obtenus.
M. Bertrand: Oui, oui.
M. Lalonde: Mais, pour recueillir un renseignement nominatif, ce
n'est pas clair dans l'article 63 que c'est auprès de chaque personne.
Par l'interprétation de l'article 67, on pourrait conclure
qu'étant donné que cela prend une entente pour recueillir un
renseignement nominatif auprès d'un autre fichier, suivant l'article 63,
nécessairement, c'est la cueillette de renseignements auprès
d'une personne, mais il me semble qu'on pourrait le faire d'une façon un
peu plus claire.
M. Guay: Bien, je soulignerai au député de
Marguerite-Bourgeoys - je me réfère à l'article 66
plutôt qu'à l'article 67 - qu'à partir du moment où
on dit qu'un organisme ne peut, sans consentement de la personne
concernée - donc la personne qui a fourni les renseignements,
présumément - communiquer un renseignement nominatif à un
autre organisme public situé dans le cadre d'une entente écrite,
et là, on décrit la procédure, à ce
moment-là, il me semble que c'est peut-être la communication qui
est visée. Que ce soit la communication ou la cueillette, c'est que le
renseignement existe déjà, a été cueilli en vertu
de 63 dans le cadre des fonctions dévolues à l'organisme et cet
organisme ne peut pas donner, céder à un autre organisme,
à moins qu'il y ait une entente sous la supervision de la commission...
Alors, le renseignement se trouve à être protégé de
cette manière.
M. Lalonde: M. le Président, je me suis mal
expliqué. En ce qui concerne la communication, je suis parfaitement
d'accord que 66 couvre la situation. "Un organisme public ne peut, sans le
consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement
nominatif à un autre organisme, etc." Mais, à 63, on parle de la
cueillette, est-ce qu'on veut couvrir strictement la cueillette du
renseignement auprès de l'individu?
M. Bertrand: Pour l'instant.
M. Lalonde: Pourquoi ne pas le dire? Parce qu'on peut recueillir
un renseignement nominatif ailleurs.
M. Guay: Si ce n'est pas auprès d'un individu, c'est
auprès d'un organisme.
M. Lalonde: C'est cela.
M. Guay: Auprès d'un organisme, on ne peut pas, à
moins de se conformer à 66 et 67.
M. French: Je voudrais faire remarquer au député de
Taschereau et au ministre que 66 et 67 empêchent un organisme public de
communiquer, mais le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait
facilement viser une source qui serait un organisme privé.
M. Bertrand: Privé, c'est ailleurs.
M. French: La collecte d'un organisme privé.
M. Lalonde: II me semble que ce serait plus clair si on disait:
Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir auprès d'une
personne un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire. Si
c'est cela que vous voulez couvrir, pourquoi ne pas le dire? Étant
donné qu'on a déjà ouvert la porte ailleurs dans la
loi...
M. Guay: C'est marqué dans 64 d'ailleurs, au premier
paragraphe de 64.
Le Président (M. Gagnon): Excusez, ou vous allez
rapprocher un peu votre micro ou vous allez parler un peu plus fort.
M. Lalonde: Je vais même mettre deux micros, M. le
Président. Je pourrai ainsi être entendu en
stéréophonie.
M. Bertrand: Bien. Avec la manifestation qui s'en vient, vous
allez peut-être avoir besoin de trois micros...
M. French: Mais les libéraux manifestent ce soir.
M. Lalonde: Est-ce qu'on peut répondre à ma
question?
M. Guay: Si on veut bien me permettre, je pense que l'article 63
peut être nuancé quant à sa portée. C'est
effectivement, en principe, auprès de la personne concernée. Mais
si on le lit à la lumière de l'article 64...
M. Lalonde: Oui, l'article 64...
M. Guay: ... on introduit la notion d'un tiers, ce qui veut donc
dire qu'effectivement le renseignement nominatif pourrait être cueilli
auprès d'un tiers.
M. Lalonde: Je suis d'accord avec le
député de Taschereau que l'article 64 précise le
concept de cueillette, à savoir que recueillir un renseignement
nominatif est nécessairement auprès de la personne. L'article 64
semble vouloir rétrécir, ce que l'article 63 ne fait pas.
M. Bertrand: Attention: L'article 63, c'est le principe
général d'application. "Nul ne peut, ... recueillir un
renseignement nominatif..." On ne dit pas auprès de qui. Cela peut
être auprès de la personne elle-même, cela peut être
auprès d'un organisme. Quand on le lit comme ça, cela peut
être auprès de n'importe qui, "recueillir un renseignement
nominatif".
M. Lalonde: Vous ouvrez la porte, là!
M. Bertrand: Un instant!
M. Lalonde: Je vous laisse terminer.
M. Bertrand: On va fermer les portes après, d'accord?
"Quiconque, au nom d'un organisme public, recueille un renseignement nominatif
auprès de la personne concernée -c'est l'article 64 - ou d'un
tiers doit au préalable s'identifier et l'informer", de toute une
série de choses. Donc, dire "recueillir un renseignement nominatif
auprès de la personne concernée ou d'un tiers", l'article 64
vient vous préciser l'article 63. L'article 65 dit: "Avant de recueillir
auprès d'une personne ou d'un organisme privé - tenez,
l'organisme privé vient d'entrer - un ensemble de renseignements... un
organisme public doit en informer la commission." D'accord? On précise
toujours. Article 66: "...un organisme public ne peut, sans le consentement de
la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à
un autre organisme public - donc, là, la notion de communication de
renseignement entre organismes - si ce n'est dans le cadre d'une entente
écrite entre ces organismes." D'accord? Article 67: "Un organisme public
peut conclure une entente avec un autre organisme public... pour permettre la
communication de renseignements nominatifs en vue de l'application d'une loi ou
de la tenue d'enquêtes. "Il peut également conclure une entente
avec une personne pu un organisme privé pour permettre la communication
d'une liste de noms de personnes physiques ou de renseignements permettant de
les identifier."
Article 68: "Une entente conclue... doit prévoir les mesures
nécessaires pour assurer le caractère confidentiel des
renseignements nominatifs visés par cette entente." Article 69: "Une
entente conclue en vertu de l'article 66 ou 67 doit être soumise à
la commission pour avis. Elle entre en vigueur sur approbation du gouvernement.
"Cette entente, ainsi que l'avis de la commission, sont déposés
à l'Assemblée nationale du Québec..." Quand on lit les
articles 63 à 69, si on trouve qu'il y a un aspect qui n'est pas
couvert, il faut s'assurer de le couvrir entre l'article 63 et l'article 69. On
ne peut pas prendre l'article 63 isolément sans considérer les
articles 64 à 69. Si on pense qu'il y a un trou dans les articles 64
à 69, à partir du principe général
énoncé à l'article 63, il faut le boucher quelque
part.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je remercie le ministre d'avoir fait cette
démonstration, sauf qu'en revenant à l'article 63, est-ce qu'il
ne serait pas nécessaire ou désirable de préciser de qui
l'organisme peut recueillir un renseignement nominatif? On dit que "Nul ne
peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si
cela n'est pas nécessaire..." Mais si on fait la démonstration de
la nécessité, on peut recueillir un renseignement nominatif.
M. Bertrand: C'est ça, "à l'exercice des
attributions de cet organisme...
M. Lalonde: Oui, mais nécessaire, je l'ai laissé
porter.
M. Bertrand: ... ou à la mise en oeuvre d'un programme
dont il a la gestion."
M. Lalonde: De qui peut-on recueillir le renseignement nominatif?
D'un autre fichier, d'un autre organisme privé ou public? Ou est-ce
qu'on veut dire simplement que personne, aucun individu n'est obligé de
donner les renseignements nominatifs à un organisme, à moins que
ce ne soit nécessaire "à l'exercice des attributions de cet
organisme..." comme on le voit ici.
M. Bertrand: Je reviens à ce que je disais, M. le
Président, l'article 63 est limitatif en ce qui a trait à la
raison sur la base de laquelle un organisme doit fonder la cueillette de son
renseignement nominatif, mais il n'est pas limitatif en ce qui a trait à
l'éventail des sources de renseignements. C'est par le croisement des
articles suivants que l'article 63 va chercher sa portée, ses limites et
ses conditions d'application. C'est comme ça que je le lis.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: L'article 63 effectivement vise non seulement le recueil
de renseignements auprès d'une personne physique, mais auprès
d'autres ressources, y inclus auprès d'autres organismes publics.
M. Lalonde: Oui, c'est général.
M. Guay: C'est ça. Alors, si on limite l'article en
disant...
M. Lalonde: Non, je suis d'accord, mon problème, on va le
régler à l'article 64.
M. Guay: Voilà.
Le Président (M. Gagnon): L'article 63 est-il
adopté?
M. Lalonde: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Article 64. Est-il
adopté?
M. Bertrand: Ce que cet article dit, M. le Président,
c'est que l'organisme public qui va aller recueillir un renseignement
nominatif, là, on dit bien "auprès de la personne
concernée ou d'un tiers" va devoir fournir un certain nombre
d'informations qui sont préalables à la cueillette même de
l'information. Les conditions qui sont exposées ici font que la personne
ou le tiers sait, en gros, ce que sont les attributions de l'organisme et
pourquoi les renseignements sont recueillis, en vertu de quel programme qui
doit être mis en oeuvre, de quel service qui doit être
implanté, etc. Les conditions qui sont posées là sont tout
de même extrêmement exigeantes; c'est là qu'on peut dire
qu'effectivement il y a beaucoup de travail à faire, sur le plan
bureaucratique...
M. French: De la paperasse.
M. Bertrand: ... pour indiquer à la personne
concernée tous ces éléments.
Si on pense qu'il y en a trop et que quelques-uns parmi les six
suffiraient, on peut réduire, mais ça va dans le sens de la
préoccupation qu'on a sur ce volet de la protection des renseignements
personnels; on veut assurer les personnes chez qui on va chercher l'information
de l'utilisation qui sera faite de ces informations.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Westmount.
M. French: M. le Président, dans le souci de
réduire la bureaucratie et la paperasse, je ne voudrais pas
réduire les exigences normatiques.
M. Bertrand: Oui. (20 h 30)
M. French: Je voudrais cependant éviter quelques
programmes de grande envergure, qui impliquent inévitablement la
cueillette de renseignements nominatifs, qu'on pourrait inclure dans le
paragraphe. Je pense au réseau des affaires sociales; je pense un peu au
réseau scolaire, mais c'est moins important, peut-être à
l'administration des permis de conduire, plaques d'immatriculation, etc. Je
serais pour cela et j'inviterais le ministre à demander à ses
recherchistes de trouver les dix ou les cinq plus importants programmes de
cette nature, afin de réduire toute la paperasse additionnelle que
l'article 64 impliquerait dans son application de ces gros programmes. Je ne
sais pas si cela tombe...
M. Bertrand: Entre vous et moi, on m'informe de cela et je pense
que c'est tout à fait exact si on regarde les six points. Je pense que
cela pourrait être contenu sur une feuille de cette grandeur.
Écoutez, le nom, l'adresse de l'organisme...
M. French: Oui, mais je ne pense pas, M. le ministre, que vous
ayez déjà évalué le coût d'inclure une
feuille de cette grandeur dans tous les envois, tout le courrier. Il se peut
que je me trompe, mais...
M. Bertrand: Si ce n'est pas cela, cela veut dire, en d'autres
mots, qu'on ne s'astreint pas à fournir aux individus des informations
relativement aux raisons qui incitent l'organisme à recueillir
auprès de ces personnes les informations qui sont recueillies.
M. French: Justement, M. le Président, je doute fort que
la population québécoise s'interroge sur les raisons pour
lesquelles elle est obligée de donner certains renseignements personnels
dans le contexte d'un programme d'aide sociale, d'asssurance-maladie, de
plaques d'immatriculation, etc. D'autant plus que, si la feuille est
réellement de la grandeur que le ministre a indiquée, je ne pense
pas qu'il y ait vraiment de possibilité d'informer bien des gens de
façon très approfondie.
M. Bertrand: Cela peut même être un paragraphe, M. le
député, un paragraphe qui se lirait à peu près
comme ceci: La Régie de l'assurance automobile du Québec
(adresse) veut utiliser les informations recueillies pour tel usage; seules les
catégories de personnes suivantes auront accès à ce
renseignement. Par ailleurs, vous n'êtes pas obligé de fournir des
renseignements demandés, du caractère obligatoire ou facultatif
de la demande...
M. Lalonde: Obligatoire ou...
M. Bertrand: C'est cela, mais j'essaie de construire un texte en
prenant les six points.
M. French: M. le Président, je veux interrompre le
ministre, je peux facilement
imaginer comment écrire la chose. Ce n'est pas mon
problème et je ne veux pas insister non plus pour que le ministre adopte
ma suggestion qui est faite par souci d'économie. Si, par exemple, le
ministre n'est pas d'accord qu'on peut réduire de 50% le volume total de
ces feuilles-là, en identifiant les plus grands programmes et en les
éliminant, en les écrivant dans le projet de loi, s'assurant
ainsi que ce ne serait pas par décret, par règlement ou par une
décision prise quelque part tout à fait arbitraire que cette
exemption se fera. Je ne voudrais pas insister plus que cela. C'est une
suggestion que je fais afin d'alléger l'administration.
M. Bertrand: J'essaie d'imaginer le caractère de
faisabilité de l'opération que vous voudriez qu'on mène,
qui consisterait à prendre les 5000 organismes et à
évaluer pour chacun quels sont les...
M. French: Je ne parle pas de 5000 organismes, M. le
Président. Je parle des plus vastes programmes du gouvernement du
Québec qu'on identifierait très vite si on en parlait aux
sous-ministres des grands ministères sectoriels. Mais...
M. Bertrand: Si je comprends bien votre idée, c'est que
64, vous vous dites c'est un article qui devrait s'appliquer pour un certain
nombre de programmes, de fichiers.
M. French: C'est cela.
Quantitativement, M. le ministre, je crois que vous allez enlever la
moitié du volume sans enlever ce qui est important dans l'article 64 en
exemptant les programmes majeurs auxquels les Québécois sont
très habitués. Ils comprennent l'enjeu en question, ils n'ont pas
peur que quelqu'un ait de façon non légitime accès
à leurs renseignements. Encore une fois, je ne veux pas faire un long
débat. C'est dans l'intérêt de l'efficacité de
l'administration, ce n'est pas sur le plan des principes que je fais la
suggestion.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: En ce qui a trait aux programmes majeurs, je pense
à un formulaire qu'il me semble avoir vu il y a quelque temps dans le
domaine de l'habitation, je crois, où les renseignements qu'on demandait
allaient au-delà de ce qui était strictement nécessaire
pour les fins du programme. C'était voulu, d'ailleurs. C'était
pour compiler des statistiques. Il est peut-être bon qu'on fasse cette
distinction, même pour un programme majeur.
M. French: Ce qu'elle a déjà fait.
M. Guay: Oui, mais, enfin, cela peut se reproduire, c'est que
l'appétit de l'administration publique à cet égard est
énorme et fort varié, d'ailleurs.
Deuxièmement, je signale - cela il me chicote un peu sans vouloir
en faire un plat - le dernier paragraphe de l'article où, encore une
fois, les policiers sont exempts. A priori, on lit ça, on dit oui, cela
saute aux yeux. Après cela, on le regarde de nouveau et on dit: Prenons
le cas d'un policier qui se présente chez quelqu'un. Il est normal, me
semble-t-il, qu'il dise le nom, peut-être pas l'adresse, de l'organisme,
surtout s'il n'est pas en uniforme. Si un agent de la Sûreté du
Québec se présente chez moi, il me semble que c'est d'abord non
seulement de la civilité, mais c'est mon droit comme citoyen de savoir
qui il est. "De l'usage auquel ce renseignement est destiné;" II vient
me poser des questions, j'ai le droit de savoir pourquoi, sans quoi, il me
semble que j'ai le droit de lui dire d'aller se faire cuire un oeuf.
Pour ce qui est "des catégories de personnes qui auront
accès à ce renseignement", je veux bien que, dans le cas de la
police, ce soit peut-être moins nécessaire; "du caractère
obligatoire ou facultatif de la demande;" Justement, aux États-Unis - je
reviens souvent avec le cas des États-Unis - on est allé
très loin avec les jugements de la Cour suprême dans le sens des
libertés fondamentales. Le caractère obligatoire ou facultatif de
répondre à un officier de police qui vient m'interroger, je pense
qu'il est bon de le préciser à un citoyen, parce que le citoyen
normal, quand il voit un officier de police en uniforme, doit avoir les
réflexes de lui répondre pouvant possiblement s'incriminer ce
faisant sans qu'on le lui ait dit. Il me semble qu'on devrait d'abord le
prévenir de ses droits constitutionnels, comme on appelle ça aux
États-Unis. "Des conséquences pour la personne concernée
ou, selon le cas, pour le tiers d'un refus de répondre à la
demande;" On en est là. Elle peut s'incriminer en répondant. Pour
ce qui est "des droits d'accès et de rectification prévus par la
loi", possiblement, mais enfin... Il y a au moins quatre des six alinéas
dans cet article dont je ne comprends pas très bien pourquoi ils ne
s'appliqueraient pas aux corps de police. Je ne veux pas en faire un plat, mais
cela me semble assez normal, je le répète, qu'un corps de police
remplisse au moins quatre des six conditions, celles que j'ai indiquées,
lorsqu'il se présente chez un citoyen.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je ne puis m'empêcher de
partager, sinon d'appuyer, les inquiétudes du
député de Taschereau. On sait que ce qui est important pour le
citoyen lorsqu'il se fait interroger par un représentant d'un corps
policier, c'est de connaître ses droits, qu'on lui rappelle ses droits,
parce qu'il y a justement cet aspect un peu inquiétant pour l'individu,
pour le citoyen. Je me demande pourquoi on créerait une exception
à savoir que le représentant du corps policier ne serait pas
obligé d'abord de s'identifier, d'informer le citoyen du nom et de
l'adresse de l'organisme public au nom de qui il collecte la demande, c'est une
demande de renseignements, de l'usage, du caractère obligatoire aussi.
Je m'excuse de répéter ce que dit le député de
Taschereau, mais je pense qu'il a raison. Aussi les conséquences, quels
sont ses droits. Je pense que le dernier alinéa ouvre une porte pour
légaliser des habitudes policières qu'on ne connaît pas
actuellement y compris l'obligation statutaire qui existe en vertu d'autres
lois pour un membre d'un corps policier de donner à quelqu'un qui est
interrogé, l'avertissement qu'il n'est pas obligé de
répondre, mais que, s'il répond, il peut s'incriminer et que tout
ce qu'il va dire peut être retenu contre lui. Or, on vient, avec le
dernier alinéa, de mettre cela de côté.
M. Guay: Je comprends, M. le Président, le but visé
par l'alinéa. On veut dire que les enquêtes policières ont
un caractère un peu particulier, c'est certain. Comme nous le dit le
député de Marguerite-Bourgeoys, on se trouve à aller bien
au-delà de la pratique actuelle, mais, dans la mesure où on veut
consacrer la pratique actuelle, la pratique qui pourrait découler de
l'ouverture qui se trouve au dernier paragraphe ressemblerait
étrangement à certains événements qu'on a connus en
octobre 1970, où des policiers arrivaient chez des gens, ne
s'identifiaient pas et leur disaient de les suivre.
M. Bertrand: Je ferais motion, M. le Président, pour que
le dernier alinéa soit suspendu.
Le Président (M. Gagnon): Le dernier alinéa de
l'article 64 est suspendu. Est-ce que l'article...
M. Lalonde: J'aurais une autre question, M. le Président.
Lorsqu'une personne, au nom d'un organisme public, recueille un renseignement
nominatif, non pas auprès de la personne concernée, mais d'un
tiers, elle doit l'informer du caractère obligatoire ou facultatif de la
demande. Mais où la personne concernée se retrouve-t-elle
à ce moment-là?
M. Bertrand: II faut qu'on interprète bien le "tiers" dans
le cas présent. Il peut s'agir...
M. Lalonde: De n'importe quoi.
M. Bertrand: ... de la femme pour son mari, du mari pour la
femme...
M. Lalonde: D'un organisme.
M. Bertrand: ... du père pour les enfants, de la
mère pour les enfants.
M. Lalonde: Du voisin ou d'un organisme. Le tiers, c'est tout ce
qui n'est pas la personne concernée.
M. Bertrand: On n'est pas encore à l'organisme, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, je m'excuse. Si on continue dans
notre formule entonnoir et que vous avez le sentiment qu'on n'est pas
arrivé à l'organisme avant l'article 70, à ce
moment-là, je dis que votre question...
M. Lalonde: Je regrette, M. le ministre, je vous fais confiance
dans une certaine mesure. Je cherche les définitions dans votre loi et
je n'en trouve pas. Je suis rendu à l'article 7 et je n'en trouve pas.
D'habitude c'est au début, cela peut être à la fin. Il n'y
a pas de définition du "tiers". Le ministre nous dit: C'est le
père, c'est le voisin, c'est la belle-mère, etc. Je regrette de
contredire le ministre, mais c'est toute personne physique ou morale qui n'est
pas la personne concernée. Donc, cela peut inclure un autre organisme.
Je ne veux pas jeter le désarroi dans votre structure qui, d'autre part,
semble bien faite, mais c'est plus large que ce que le ministre nous dit, je
pense.
M. Bertrand: On va arriver tantôt à l'organisme
public et à l'organisme privé et on va parler d'entente.
M. Lalonde: On est au tiers, là.
Le Président (M. Gagnon): M...
M. Bertrand: Quant au tiers, pour l'instant, vous n'avez pas le
droit de parler d'un organisme public ou privé.
M. Lalonde: Oui, j'ai le droit de parler de n'importe qui quand
je parle de tiers. C'est toute personne physique ou morale autre que la
personne concernée. Quand on lit très bien le premier
alinéa de l'article 64, on voit: "... auprès de la personne
concernée ou d'un tiers..." Un tiers, c'est n'importe qui ou n'importe
quoi d'autre que la personne concernée. Donc, cela comprend un
organisme, cela comprend n'importe quoi.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, M. le ministre, compte tenu que le dernier
alinéa de l'article 64 est suspendu, l'article 64 se trouve suspendu
automatiquement. Est-ce qu'on pourrait...
M. Lalonde: Si, de consentement, on ne veut suspendre que le
dernier alinéa, on peut continuer à discuter du reste, parce que
j'aimerais bien qu'on règle des problèmes à mesure qu'on
continue.
Le Président (M. Gagnon): D'accord. (20 h 45)
M. Bertrand: Supposons que le tiers est un organisme privé
ou public. Je lis l'article 65. Supposons que quiconque, au nom d'un organisme
public, recueille un renseignement nominatif auprès d'un organisme
privé, d'accord. Vous allez à 65: "Avant de recueillir
auprès d'une personne ou d'un organisme privé un ensemble de
renseignements nominatifs déjà colligés, un organisme
public doit en informer la commission."
M. Lalonde: Qu'est-ce que cela donne? Qu'est-ce que cela ajoute?
On en informe la commission, puis on va recueillir; la personne
concernée n'a aucune idée de ce qui se passe, parce que c'est un
tiers.
M. Bertrand: 66: ... "un organisme public ne peut, sans le
consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement
nominatif à un autre organisme public." Cela, ça va.
M. Lalonde: Nous ne parlons pas de communication, nous parlons
de...
M. Bertrand: Recueillir.
M. Lalonde: ... recueillir. Est-ce qu'on peut dire au personnel
du journal des Débats que le ministre réfléchit?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, en vertu de l'article 64...
Pour qu'un fichier puisse être constitué, il faut d'abord que
l'organisme public soit allé chercher des renseignements auprès
d'un certain nombre de personnes, pas auprès d'organismes, auprès
de personnes. Quand un organisme public ira chercher des informations
auprès d'un autre organisme, c'est parce que cet autre organisme en aura
lui-même recueilli auprès des personnes concernées. Non
seulement aura-t-il respecté l'article 64 parce qu'il sera allé
recueillir des renseignements auprès des personnes concernées,
mais il ne pourra même pas communiquer les renseignements qu'un autre
organisme lui demande, parce que lui veut en recueillir. Dans la notion de
communication, il y a la notion de recueillir. Je demeure à l'article
64, là.
M. Lalonde: Ce n'est pas de communication, c'est de recueillir;
c'est la cueillette.
M. Bertrand: Je demeure à l'article 64 et je recommence
mon argumentation, si je me suis mal fait comprendre.
Si je suis un organisme public et que je veux constituer un fichier, il
est évident que je vais aller chercher des renseignements auprès
des personnes concernées.
M. Lalonde: C'est évident.
M. Bertrand: Attendez-moi un peu. Si je vais chez un tiers, qui
n'est pas la personne concernée, qui est un organisme public, cet
organisme public, quand on remonte quelque part dans le temps, doit bien avoir
pris ses renseignements auprès de personnes concernées. Il y a
donc un moment dans l'histoire où un organisme public est allé
chercher des renseignements auprès des personnes concernées, et
toute étape ultérieure au renseignement qui se fait auprès
des personnes concernées devient une communication entre organismes.
Quand ça devient une communication entre organismes, il y en a un qui
recueille, parce que l'autre lui communique. À partir de là,
ça prend des ententes.
Quand on va à l'article 79, M. le Président, je pense que
ça nous aide à comprendre un peu mieux ce que je suis en train de
dire. "79. Un organisme public doit fournir à la commission, au cours du
mois de juin de chaque année, la liste de ses fichiers de renseignements
personnels en donnant pour chacun les indications suivantes: "2. la provenance
des renseignements versés au fichier."
Si la provenance, c'est un organisme public, il est impossible qu'il ait
pu obtenir ces renseignements sans que la Commission d'accès à
l'information l'ait autorisé, dans le cadre d'une entente intervenue
entre les deux organismes.
Le Président (M. Gagnon): Pour les fins du journal des
Débats, là, tout le monde réfléchit!
M. Lalonde: Si je comprends bien...
M. Bertrand: On devrait peut-être inscrire au journal des
Débats: réflexion.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... le ministre, le mot "tiers" ne comprend pas un
organisme public,
parce que le phénomène d'organisme public est couvert par
d'autres articles.
M. Bertrand: Non, je dis que si, dans l'esprit du
député de Marguerite-Bourgeoys...
M. Lalonde: Là, vous allez chercher loin.
M. Bertrand: Vous n'êtes pas gentil pour
vous-même.
Si le "tiers", c'est un organisme public...
M. Lalonde: "Je me les sers moi-même avec assez de verve,
mais je ne permets pas qu'un autre me les serve", disait Cyrano!
M. Bertrand: II avait le nez long, mais la mémoire
courte.
M. Lalonde: II avait un grand nez.
M. Bertrand: Si le "tiers", c'est l'organisme public, celui-ci
doit avoir recueilli des renseignements auprès de personnes, mais il
vient un moment où, dans le cours normal des choses, des organismes vont
s'échanger des informations, des renseignements sur des personnes.
À partir de là, il y a toute une série d'articles qui vont
forcer ces organismes, au moment de la communication des renseignements,
à établir des ententes qui devront être autorisées
par la commission. Si le tiers, c'est l'organisme, l'article 65 entre en ligne
de compte.
M. Lalonde: Oui, mais si la situation d'un organisme public et la
situation de communication de renseignements sont couvertes par d'autres
articles du projet de loi, pourquoi inclure la notion de tiers dans cet
article?
M. Bertrand: II est possible qu'un organisme aille recueillir des
renseignements autrement qu'auprès de la personne concernée.
M. Lalonde: Mais c'est ce qui est inquiétant. Pourquoi un
organisme, qui a de façon tout à fait légitime, à
cause d'une mission qui lui a été confiée par la loi,
à recueillir un certain nombre de renseignements personnels, irait-il
voir le voisin, la belle-mère, ou qui encore? Pourquoi ne pas
restreindre la portée de l'article 64 à la personne
concernée? J'essaie de trouver la raison pour laquelle on introduit la
notion de tiers, ici parce qu'à partir du moment où vous
introduisez la notion de tiers, la personne concernée n'a aucune
connaissance de tous les renseignements personnels qui la concernent et qui
s'empilent dans les registres, dans les fichiers, un peu partout. Comme le but
de la loi est de restreindre, justement, cette avalanche de renseignements
personnels nominatifs qui se multiplient dans les fichiers, pourquoi ne pas
restreindre la portée de l'article 64 à la personne
concernée seulement?
M. Bertrand: Pour des raisons pratiques qui me paraissent
évidentes et qui tombent sous le sens.
M. Lalonde: Lesquelles?
M. Bertrand: Même quand on fait le recensement, par
exemple, on ne prend pas toujours tous les renseignements auprès de la
personne directement concernée. On va souvent les prendre auprès
d'un membre de la famille et le membre de la famille qui est en mesure de
fournir les renseignements va les fournir.
M. Lalonde: Mais les lois électorales sont exclues de
l'application de celle-ci...
M. Bertrand: Oui, c'est exact. La Loi électorale est
exclue, parce qu'il y a une méthode, un système...
M. Lalonde: Le recensement se fait autrement.
M. Bertrand: ... de recensement qui existe et il a ses propres
modalités, etc.
M. Lalonde: Oui. On ouvre la porte et on parle à une
personne.
M. Bertrand: C'est cela.
M. Lalonde: Là, il y a peut-être quatre
électeurs...
M. Bertrand: C'est cela.
M. Lalonde: ... et on prend les renseignements personnels.
M. Bertrand: C'est cela.
M. Lalonde: Mais au-delà de la Loi électorale, que
voulez-vous couvrir par l'article 64?
M. Bertrand: La situation d'organismes qui, ne faisant pas
nécessairement le même travail que le Directeur
général des élections, vont aller dans une famille
recueillir des renseignements et n'ont pas absolument besoin de parler aux cinq
personnes membres de la famille pour avoir des renseignements sur les cinq
personnes. Si le renseignement, par exemple, consiste à aller, en vertu
d'un programme social, obtenir l'âge des enfants, il est bien
évident que le père ou la mère peut très bien
donner
ces renseignements.
M. Lalonde: Pourquoi ne pas restreindre, justement, la
portée de cet article à la famille, si c'est ce que vous voulez
couvrir?
M. Bertrand: Parce qu'il n'y a pas seulement la famille qui peut
être concernée. Si les renseignements nominatifs que l'organisme
veut recueillir sont détenus par un autre organisme, on lui fait
obligation de donner ces renseignements, peut-être pas tous
nécessairement, parce qu'à cause des droits d'accès et de
rectification prévus par la loi, l'organisme public n'ira quand
même pas voir dans l'autre organisme public pour savoir s'il y a
nécessité d'accès ou de rectification. Par contre, cet
organisme public qui aura fourni des renseignements est drôlement
assujetti à des conditions pour donner de tels renseignements, pour
communiquer de tels renseignements. Il faut absolument qu'il le fasse dans le
cadre d'une entente écrite. L'organisme donneur, c'est l'organisme qui
communique et l'organisme demandeur, c'est celui qui recueille.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Westmount. (21 heures)
M. French: M. le Président, je voudrais, avant de terminer
64 ou le suspendre, poser une question assez simple mais, je pense, importante.
Je voudrais me faire assurer par le ministre que les mots "au nom d'un
organisme public" ne s'appliqueraient pas à un chercheur universitaire
qui voudrait, pour des fins de recherche, recueillir des renseignements
nominatifs.
M. Bertrand: Non, absolument pas, ça ne s'appliquerait
pas. "Quiconque, au nom d'un organisme public", c'est quelqu'un qui est
habilité par l'organisme public qui, dans le fond, est un des membres,
des employés de l'organisme public et qui, par ses fonctions, est
amené à aller chercher des renseignements.
M. French: Tout cela touche le chercheur. Jusqu'ici, on n'a pas
éliminé le chercheur universitaire. Il est employé, il est
habilité à collecter, etc.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Bertrand: On a couvert d'ailleurs cette question de chercheur
dans un article précédent.
M. French: Non, je m'excuse. La question de chercheur, dans un
article précédent, c'était là où le
chercheur voulait, dans un fichier déjà existant, prendre en vrac
des renseignements personnels. Mais, d'après ce que je viens d'entendre,
on parle ici d'approcher des personnes de façon ponctuelle ou
systématique.
M. Bertrand: II n'aurait pas le droit de le faire.
M. French: Qui, M. le ministre?
M. Bertrand: Cela m'apparaît tellement tomber sous le sens
que l'article 64 veut bien indiquer que c'est un organisme public qui s'en va
recueillir des renseignements.
M. French: M. le Président, je ne me...
M. Bertrand: Un organisme, ça ne se promène pas
dans la rue. La Régie de l'assurance automomobile du Québec ne se
promène pas dans la rue. Il y a un quiconque...
M. French: M. le Président...
M. Bertrand: ... qui, au nom de l'organisme, va le faire.
M. French: Je ne sais pas si le ministre a saisi mon...
M. Bertrand: Vous, vous dites: Si un chercheur se fait autoriser
par un organisme public...
M. French: Non, pas nécessairement. D'abord, je
présume que le ministre ne veut pas limiter la capacité des
chercheurs universitaires d'aller recueillir des renseignements nominatifs dans
ce projet de loi. Il ne veut pas limiter. Je suis un professeur de sociologie,
je fais une recherche auprès d'un certain groupe de personnes ethniques
et, à cette fin, je fais une entrevue avec 125 questions et quelques
centaines de variables. Est-ce que je suis contraint, dans mon approche de ces
personnes, d'observer ou de remplir les exigences de l'article 64?
M. Lalonde: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. French: Dans ce cas, le député de
Marguerite-Bourgeoys a une suggestion à faire. J'attendrai donc.
M. Lalonde: L'inquiétude que nous avons, c'est qu'un tas
de renseignements personnels puissent être communiqués à
des organismes publics par des tiers hors de la connaissance de la personne
concernée. Je comprends naturellement les problèmes pratiques que
l'article veut couvrir. Est-ce
qu'on pourrait quand même ne pas empêcher un tiers de donner
des renseignements nominatifs sur la personne concernée? Compte tenu de
toutes les précautions qu'on doit prendre, en vertu de la loi, je pense
que c'est fort acceptable. Est-ce qu'on pourrait, dans un petit alinéa,
indiquer que lorsqu'un organisme obtient des renseignements nominatifs sur une
personne concernée, mais les obtient d'un tiers, il doit en aviser la
personne concernée.
M. Bertrand: Le député de Marguerite-Bourgeoys
vient bien de dire que, lorsque l'organisme public obtient ces informations
d'un tiers...
M. Lalonde: Oui, qu'il en avise la personne concernée.
M. Bertrand: ... il doit...
M. Lalonde: II doit aviser la personne concernée qu'il a
obtenu les renseignements nominatifs suivants...
M. Bertrand: Alors, supposons qu'il les a obtenus auprès
d'un organisme; supposons que le tiers, c'est un organisme public.
M. Lalonde: Ah oui!
M. Bertrand: Imaginez donc la situation de l'organisme public qui
va maintenant écrire à...
M. Lalonde: Ce serait excellent, au moins à partir
de...
M. Bertrand: Alors, là, la bureaucratie...
M. Lalonde: ... l'application de cette loi, les
Québécois apprendront dans combien de dizaines de fichiers les
renseignements nominatifs sont fichés et combien il y a
d'échanges.
M. Guay: Partiellement...
M. Lalonde: Partiellement, oui...
M. Guay: ... parce qu'il y a un autre niveau de gouvernement qui
en a encore plus.
M. Lalonde: ... mais au moins ici, et espérons qu'on
pourra les avoir des autres gouvernements.
M. Bertrand: Ce sont des informations que, après un
certain nombre d'années, la Commission d'accès à
l'information va être capable de donner; elle va d'abord avoir
autorisé les organismes publics à gérer des fichiers et
ensuite elle va avoir autorisé des ententes entre les organismes pour
l'échange de renseignements. Elle va avoir les informations relativement
au nombre d'ententes qui existent, le nombre de fichiers...
M. Lalonde: Elle va les avoir, le citoyen ne les aura pas.
M. Bertrand: Oui, mais elle peut le faire savoir publiquement;
ça peut figurer dans le rapport annuel, les ententes sont
déposées à l'Assemblée nationale.
M. Guay: Si vous voulez me permettre. Concernant la suggestion du
député de Marguerite-Bourgeoys - qui est dans l'esprit du
mécanisme de la commission - d'aviser la personne concernée,
lorsqu'il s'agit d'un tiers, c'est un problème épouvantable que
ça pose. Par exemple, vous remplissez une formule dans laquelle, pour je
ne sais trop quelle raison, vous devez donner le numéro d'assurance
sociale de votre épouse; l'organisme qui vient de le recevoir d'un
tiers, qui est le mari, devra aviser votre épouse. C'est aussi ridicule
que ça.
M. Lalonde: Je prends la perche qui m'est tendue par le
député de Taschereau. Je pense qu'on pourrait avoir une exception
en ce qui concerne les membres de la famille. Lorsque le père ou la
mère communique des renseignements personnels sur son enfant à
l'assurance-maladie ou...
M. Guay: Dans le cas des enfants, ce sont des mineurs.
M. Lalonde: ... des enfants ou de l'épouse, ça
pourrait être exclu de l'obligation de communiquer, parce que le concept
de famille reste, je pense, tout à fait acceptable.
M. Guay: Votre voisine de gauche semble...
Mme Lavoie-Roux: Vis-à-vis des enfants mineurs,
peut-être...
M. Lalonde: Oui, mineurs, parce que...
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais, vis-à-vis de l'époux et
de l'épouse, je ne suis pas sûre.
M. Guay: C'est le problème pratique de...
M. Lalonde: Pourquoi pas? Est-ce que la famille n'est pas quand
même la cellule fondamentale de la société, Mme la
députée de L'Acadie?
Le Président (M. Gagnon): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Alors, qu'est-ce qui arrive dans les unions de
fait?
M. Lalonde: Ah ça! bonne question!
M. Bertrand: Je vous demande de ne pas parler de ma vie
personnelle!
M. Lalonde: M. le député de Taschereau va
répondre à ça!
Mme Lavoie-Roux: J'ignorais!
M. Lalonde: Non mais c'est qu'on peut, comme le Code civil le
fait, élargir à ce concept l'union de fait aussi.
M. Guay: Mais, si ma mémoire est bonne, dans le Code
civil, c'est l'union de fait au bout d'un certain temps, n'est-ce pas?
Mme Lavoie-Roux: Après un an.
M. Bertrand: Là, le droit de la famille...
M. Guay: L'union de fait, au-delà d'un an...
M. Bertrand: ... vous changez de commission, là!
M. Guay: Tout ce temps-là, il faut penser au nombre de
fonctionnaires qui peuvent taper des lettres ou à l'ordinateur qui va en
imprimer.
M. Lalonde: C'est pour ça que je veux restreindre. Mais
si, à l'usine, je suis le travailleur no 778 sur les 2420 et que mon
employeur a communiqué à tel organisme des renseignements
personnels qu'il peut trouver dans mes dossiers, j'aime bien le savoir.
M. Guay: Avec raison. À ce moment-là, est-ce que
ça ne devrait pas être le tiers qui aurait obligation? Sauf que si
c'est un individu...
M. Lalonde: Si c'est le voisin? M. Guay: Voilà.
M. Bertrand: C'est parce que le député de Westmount
m'a dit, à un moment donné, en aparté...
M. Lalonde: Où ça?
M. Bertrand: ... - pas dans un "party", en aparté - qu'il
ne fallait pas que cette loi soit une loi bureaucratique et tellement lourde
d'application qu'à toutes fins utiles, au nom de beaux objectifs qu'on
cherche à atteindre, on rende inopérant tout le volet de la
protection des renseignements personnels. Je comprends très bien les
objectifs du député de Marguerite-Bourgeoys, mais, en même
temps, je me pose des questions importantes sur le côté pratique,
pragmatique, faisable de ce qu'il souhaite.
M. Lalonde: J'essaie seulement de m'ajuster à ce que le
ministre propose à l'article 64. Il injecte la notion d'un tiers. S'il
l'enlève, on n'a plus aucun problème, parce qu'à ce
moment-là la cueillette de renseignements se fait auprès de la
personne concernée. On n'a pas besoin de lui donner un avis.
M. Bertrand: Je lui réitère que...
M. Lalonde: Oui, je sais que le ministre va me
réitérer que les organismes publics sont couverts par d'autres
articles. Parfait! Mais, justement, si c'est couvert par d'autres articles,
point n'est besoin d'en parler maintenant à l'article 64.
M. Bertrand: Oui, la raison pour laquelle on en parle à
l'article 64, c'est pour indiquer que les renseignements doivent être
fournis.
M. Lalonde: Oui, c'est-à-dire non, je regrette. L'article
64 ne crée pas d'obligation de fournir des renseignements, il
crée une obligation à la personne qui, au nom d'un organisme
public, veut recueillir des renseignements.
M. Bertrand: C'est ce que je dis.
M. Lalonde: Bon. Alors, pourquoi ne pas couvrir par un autre
article la situation où c'est un organisme public qui veut recueillir
des renseignements auprès d'un autre organisme public. J'aimerais qu'on
restreigne l'article 64 à la cueillette de renseignements auprès
de la personne concernée. Le problème, c'est que vous ouvrez une
immense porte en incluant "ou d'un tiers", parce que la notion de tiers en
droit -ce n'est pas une question de faire un cours de droit- c'est tout le
monde sauf la personne. Cela peut être n'importe qui et, quoique vous
ayez l'intention de restreindre la notion de tiers à des organismes dans
les autres articles, vous ne le dites pas à 64. Si vous enlevez "ou d'un
tiers", vous atteignez l'objectif que vous recherchez, ce que l'article 64 veut
faire, c'est-à-dire donner des obligations aux représentants de
l'organisme d'informer la personne à savoir quel est l'organisme qu'elle
représente, à quel usage les renseignements seront recueillis,
quelles catégories de personnes auront accès à ces
renseignements, si la personne concernée a l'obligation de
donner ce renseignement ou si c'est facultatif. Il me semble que ce
devrait être restreint à la personne concernée. Je ne vois
pas pourquoi vous ouvrez une porte avec la notion de tiers dans cet
article.
M. Guay: Encore une fois, même à l'intérieur
d'une famille, cela peut se produire. Ce sont des situations de fait. La
préoccupation que je partage avec le député de
Marguerite-Bourgeoys, tout compte fait, est réglée ailleurs dans
la loi, aux articles 84, 85 et 86, qui sont déjà adoptés,
sur le droit d'accès. À 84, on dit: "Toute personne a le droit
d'être informée de l'existence, dans un fichier de renseignements
personnels, d'un renseignement nominatif la concernant. "Elle a le droit de
recevoir communication de tout renseignement nominatif la concernant."
En d'autres mots, si quelqu'un veut le savoir, il peut demander et
obtenir du fichier le dossier le concernant et même le corriger. Plus on
y va, plus on explore les possibilités de colmater les
brèches.
Mme La voie-Roux: Ce n'est pas la même chose.
M. Guay: Non, ce n'est pas la même chose, Mme la
députée, vous avez raison, mais plus on cherche à colmater
les brèches, plus je pense qu'on s'enlise dans une mer de paperasse
épouvantable, tandis qu'on devrait le prendre sous un autre angle et
dire: D'accord, en vertu de l'article 64, l'organisme peut recueillir des
renseignements nominatifs. Maintenant, ces renseignements nominatifs sont
publics au sens qu'ils sont publics pour la personne impliquée; la
personne concernée a toujours accès au dossier la concernant dans
un fichier. Elle peut toujours le voir, elle peut toujours le faire corriger,
le cas échéant. À ce moment-là, si on veut vraiment
savoir s'il se peut qu'un tiers ait donné des renseignements me
concernant dans le fichier de X - il y en a tellement qu'on...
M. Lalonde: 5000 organismes. (21 h 15)
M. Guay: Bien oui! Sauf que comme j'habite dans une
municipalité, cela exclut les 1600 autres municipalités. On peut
déjà en éliminer...
M. Lalonde: On en vient à tomber à 3000.
M. Guay: C'est ça. Même chose pour les commissions
scolaires, on pourrait en éliminer un bon nombre. Je veux vraiment
savoir si un tiers... Si on a des renseignements sur moi qui viennent d'un
tiers, à ce moment, je n'ai qu'à me présenter à
l'endroit...
M. Lalonde: On écrit aux 2000, 3000 organismes...
M. Guay: Non, mais, écoutez, il y a un certain nombre de
fichiers principaux, d'ailleurs, ils vont être identifiés par la
commission de toute façon. C'est évident que je n'irai pas
écrire à la ville de Gaspé pour savoir si elle a un
renseignement sur moi. Je n'y ai jamais habité et je pense que j'y suis
peut-être passé deux fois dans ma vie. Je n'ai pas eu de
contravention ces fois-là. Il n'y a pas de raison qu'il y ait une fiche,
et ainsi de suite, dans tout le Québec. Les municipalités dans
lesquelles j'habite ou j'ai pu habiter, enfin, c'est quand même un nombre
relativement restreint, le gouvernement du Québec...
M. Lalonde: Les organismes.
M. Guay: ... les organismes publics relevant du gouvernement du
Québec, mais on a restreint considérablement le nombre des
organismes municipaux et on restreint considérablement celui des
organismes scolaires. On restreint considérablement aussi les organismes
de santé, parce qu'ayant habité à certains endroits, je me
suis probablement présenté à certains hôpitaux, mais
comme je n'ai jamais habité en Abitibi, je n'y suis jamais allé
non plus, il y a de fortes chances que l'hôpital de Val-d'Or n'ait pas de
dossier sur moi. De cette manière, je pense qu'on circonscrit autant que
l'on peut, sans avoir une armée de fonctionnaires qui vont être
constamment en train d'avertir parfois de choses bien banales et qu'il vaut
mieux donner la responsabilité au citoyen qui est concerné. Il y
a accès. C'est voté, ça.
M. Lalonde: Je sais, M. le député de Taschereau, je
vous remercie de nous avoir éclairés là-dessus, sauf
qu'à partir du moment où vous aurez reçu quelques
fichiers, peut-être une dizaine, une vingtaine, les renseignements
personnels qui sont contenus dans ces fichiers vous concernant, vous ne
réglez pas le problème parce que, le lendemain de la
réponse qui vous est parvenue, il peut y avoir un tiers qui contribue
à ajouter dans un fichier un de ces peu nombreux fichiers, si vous
voulez, un autre renseignement et il faudrait que vous le demandiez toutes les
semaines pour suivre. Si vous receviez chaque fois un avis qu'un renseignement
personnel a été ajouté à votre fichier,
c'est-à-dire votre dossier dans le fichier, à ce moment, je
comprends que cela fait très lourd au point de vue...
M. Guay: J'ajoute que, chaque fois, cela veut dire que, chaque
fois...
M. Bertrand: Ils sont en train d'engager un dialogue...
Le Président (M. Gagnon): C'est ça.
M. Bertrand: ... et je vous ai demandé la parole, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. M. le
député de Taschereau, votre exemple...
M. Bertrand: On n'est pas ici pour dialoguer, M. le
Président.
M. Guay: Chaque fois que l'un ou l'autre d'entre nous va chez le
médecin, c'est un tiers, le médecin; ensuite, il envoie son
compte à la Régie de l'assurance-maladie. Il communique sur moi,
sur vous, sur son patient, un renseignement nominatif. Il faudrait maintenant
que la Régie de l'assurance-maladie non seulement paie le compte du
médecin, mais m'avise que je suis allé chez le médecin et
que le médecin en conséquence de quoi a envoyé un compte
me concernant. À un moment donné, le principe est peut-être
bon, mais cela devient inapplicable.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, ou avant,
j'avais reconnu M. le député de Westmount.
M. French: On va régler notre chance tôt ou
tard.
Le Président (M. Gagnon): Oui. M. le ministre.
M. Bertrand: Qu'est-ce que le député de
Marguerite-Bourgeoys dirait si l'alinéa introductif de l'article 64 se
lisait de la façon suivante: "Quiconque, au nom d'un organisme public,
recueille un renseignement nominatif auprès de la personne
concernée doit au préalable s'identifer et l'informer, etc."?
M. Lalonde: Parfait. Adopté.
M. Guay: Qu'est-ce qui arrive si le renseignement nominatif
provient d'un tiers?
M. Bertrand: Je vous envoie la question en pleine face.
M. Lalonde: Un instant.
M. French: Non, je sais exactement ce qui se passe.
M. Lalonde: M. le Président, je vous demande votre
protection. On sait ce qui est arrivé ici cet après-midi.
M. Bertrand: Je vous envoie la question directement. Si je suis
allé recueillir le renseignement auprès d'un tiers qui n'est pas
la personne concernée ou un organisme public, vous rendez-vous compte
que la personne concernée n'a aucune protection, alors que, si je le lis
comme je vous l'ai lu, seule la personne concernée ou seules les
situations où je suis allé auprès de la personne
concernée m'ont obligé à donner des renseignements de
cette nature...
M. Lalonde: Le ministre ne me fait pas confiance et ça me
déçoit beaucoup. J'allais proposer un article additionnel qui
donne le droit à un tiers de refuser de donner un renseignement
personnel sur toute autre personne.
M. Bertrand: C'est-à-dire que... M. Lalonde: Si on
vient me dire...
M. Bertrand: ... quiconque, au nom d'un organisme public,
recueille... ou quiconque, lorsqu'un tiers...
M. Lalonde: Un tiers, pas deux tiers. M. Guay: ... quatre
tiers.
M. Bertrand: C'est parce que je veux placer le
député de Marguerite-Bourgeoys devant la situation où,
à toutes fins utiles, il dit qu'il achète mon amendement.
M. Lalonde: Oui.
M. Bertrand: À ce moment-là, la...
M. Lalonde: J'en propose un nouveau à savoir qu'aucune
personne n'est tenue de communiquer un renseignement personnel sur d'autres
personnes. Il n'y a pas d'obligation de donner un renseignement personnel
à un organisme. Pourquoi devrais-je dire, si quelqu'un vient me voir,
quel est l'âge de ma voisine et quel est son nom, sauf quand on entre
chez moi pour faire le recensement électoral et que je pense... Je ne
sais pas si la loi y oblige, mais si je suis très
intéressé à ce que tous les gens qui ont le droit de vote
chez mot soient inscrits sur la liste, à ce moment-là, je
communique leur nom, leur âge. Ils ont leur adresse, fatalement, mais
pourquoi devrais-je répondre à un bonhomme ou à une bonne
femme qui arrive chez moi et qui me dit: Je représente la régie
de quelque chose et j'aimerais que vous me disiez le nom de votre voisine?
Aucune obligation là-dessus.
M. Bertrand: Même si le "quiconque" va auprès de la
personne directement concernée, elle-même n'est pas
obligée, d'après l'article 64, de répondre.
M. Lalonde: C'est-à-dire que s'il y a un caractère
obligatoire, oui. Si la loi...
M. Bertrand: Oui, d'accord.
M. Guay: II y a un cas qu'on me signale, le formulaire
d'impôt, où vous communiquez en le remplissant - c'est c'est
obligatoire - le numéro d'assurance sociale du conjoint. Vous vous
trouvez à communiquer... C'est une obligation qui est faite.
M. Lalonde: On revient au concept de la famille.
M. Guay: On peut peut-être faire, effectivement, un
deuxième alinéa à votre amendement.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que ce serait possible -
je pense que vous êtes en train de trouver un terrain d'entente - de
suspendre l'article?
M. Lalonde: Pas du tout, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Non?
M. Lalonde: J'aimerais qu'on règle quelques
problèmes, parce qu'on en rencontre plusieurs. Je pense qu'on devrait,
à un moment donné...
M. Bertrand: Oui, d'accord. On est tous d'accord pour
régler des problèmes, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Alors, continuons.
M. Bertrand: II n'y a rien de plus agaçant qu'un
problème, pour moi quand je me couche.
Mme Lavoie-Roux: II se couche toujours sans problème.
M. Bertrand: Je ne couche jamais avec un problème.
M. Lalonde: Non? M. Bertrand: Jamais! M. Lalonde:
Ah bon!
Une voix: ... et se réveiller avec un problème.
M. Lalonde; Je ne veux plus poser de questions au ministre. Cela
me paraît être un renseignement personnel qui...
M. Bertrand: Je me couche dans des situations
problématiques, mais jamais avec un problème.
Mme Lavoie-Roux: Toujours avec une solution.
M. Lalonde: Est-ce qu'on fait l'amendement du ministre avec un
autre article?
M. Bertrand: Non, il faudrait que je connaisse votre article
d'abord.
M. Lalonde: "Nul n'est tenu de communiquer à un organisme
public un renseignement nominatif sur un tiers." Là, on met l'exception
du rapport d'impôt et vous avez la protection... On aura fait un bon
geste, malgré le fait qu'il y a des milliers de personnes, de citoyens
en colère qui manifestent devant le parlement et qu'en toute
quiétude..
Une voix: Est-ce qu'il y en a beaucoup? 200?
M. Lalonde: Ils viennent ici.
M. Bertrand: Ils ne sont pas arrivés encore. Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Ils sont 12 000. Une voix: II y en a
quelques milliers.
M. Bertrand: Voulez-vous qu'on arrête, qu'on suspende et
qu'on aille voir?
M. Lalonde: Non, non, pas du tout.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut revenir
à notre...
M. Lalonde: C'est très bien. Est-ce qu'on fait
l'amendement?
M. Bertrand: Voulez-vous qu'on aille recueillir des
renseignements nominatifs?
M. Lalonde: Je suis convaincu que la police s'en charge.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: L'ancien sous-ministre des Institutions
financières sera sensible à une dimension... Je vous
trouve...
M. Bertrand: ... l'article, M. le Président.
M. Guay: Attendez! Attendez!
L'ancien sous-ministre des Institutions financières va être
sensible au problème qui peut se créer, nul n'étant
tenu... Quelqu'un qui fait une demande d'incorporation doit donner le nom de
ses associés en vertu...
M. Lalonde: II n'y est pas tenu, il le peut.
M. Guay: Sauf que, s'il ne le fait pas, il n'y a pas
d'incorporation.
M. Lalonde: C'est cela; il n'y est pas tenu, mais il peut le
faire.
M. Guay: En fait, il y est tenu.
M. Lalonde: Non.
M. Guay: La loi l'oblige à le faire.
M. Lalonde: S'il ne veut pas le faire, il n'y a pas
d'incorporation. Maintenant, avec la nouvelle loi - je ne sais pas si vous avez
pu prendre un certain recul - on peut avoir une incorporation avec une personne
seulement.
M. Bertrand: Je trouve que plus on gratte, plus on se rend compte
que l'article 64 n'est pas un article qui fait problème.
M. Lalonde: Le tiers fait problème. Vous avez fait une
proposition tout à l'heure. Est-ce que vous...
M. Bertrand: Oui, parce que je voulais vous renvoyer le
problème.
M. Lalonde: Erreur, j'ai accepté votre proposition.
M. Bertrand: Vous ne réglez pas mon problème. Vous
rendez la loi impraticable.
M. Lalonde: Je ne vois pas comment.
M. Guay: Est-ce qu'on ne crée pas une situation où
quelqu'un pourrait - je comprends que c'est assez théorique et marginal
- faire valoir, cette loi-ci ayant prépondérance sur les lois
ultérieures - disons qu'on a une nouvelle loi des compagnies, ce qui est
loin d'être impensable à moyen terme - quelqu'un peut dire: Je
peux m'incorporer seul et vous me demandez le nom de mes associés? Je ne
vous donne pas le nom de mes associés, même si vous m'obligez
à les donner. Vous dites: Tant pis, vous n'aurez pas d'incorporation. La
personne dit: Un instant, vous ne pouvez pas me refuser de m'incorporer, parce
que vous allez à l'encontre de la loi 65.
M. Lalonde: Clause nonobstant chaque loi, il faut l'accepter.
À ce moment-là, le législateur mesure les
conséquences et crée l'exception. Nonobstant la loi sur
l'accès à l'information...
En fait, je pense que nous sommes au coeur même du problème
de la protection des renseignements personnels. Cela ne vient pas
nécessairement et uniquement de la confidentialité des fichiers;
c'est un phénomène qui m'échappe un peu de savoir
jusqu'à quel point cela peut être confidentiel. Cela commence dans
la cueillette des renseignements personnels. Si l'on peut réduire cette
cueillette au minimum, à ce moment-là, on a déjà
réglé une bonne partie du problème. Au moins, la personne
dont les renseignements personnels se retrouvent dans des fichiers sait qu'elle
est fichée. Si vous confiez à un tiers le soin ou donnez à
un tiers le droit et la liberté de communiquer des renseignements
personnels sur quiconque, à ce moment-là, la personne
concernée - et j'emploie la terminologie de l'article 64 - ne le sait
pas. La connaissance est le commencement de la sagesse. Quelqu'un a
déjà dû dire cela.
M. Guay: II me semble que j'ai déjà entendu
cela.
M. Lalonde: Je pensais avoir inventé quelque chose, M. le
Président.
M. Bertrand: Quand dans un autre article, comme je l'ai dit
tantôt, on indique que l'organisme doit faire savoir à la
commission auprès de qui il a recueilli ses renseignements... (21 h
30)
M. Lalonde: La commission ne les communique pas à la
personne concernée. La commission est un organisme, il me semble que...
Je ne veux pas créer plus de problèmes que le ministre en a.
Quelle est la situation? Je demanderais au ministre de nous décrire
concrètement une situation qui serait rendue impossible, si on enlevait
les mots "ou d'un tiers" à l'article 64.
M. Bertrand: II peut être pratiquement impensable de
s'imaginer que, dans toutes les situations et on sait qu'on en a un bon paquet
couvert par la loi... Vous allez toujours être capable d'aller chercher
vos informations directement auprès de la personne concernée.
M. Lalonde: On ne peut pas en faire une obligation; à un
moment donné, les individus vont arrêter d'être des
numéros, on ira leur poser ces questions à chacun et chacune
d'entre eux et d'entre elles. Méfiez-vous de la bureaucratie.
M. Guay: Oui.
M. Bertrand: Ce n'est pas là la raison.
M. Lalonde: Non, si vous enlevez "d'un tiers", vous n'aurez pas
besoin d'envoyer d'avis.
M. Bertrand: Vous allez être obligé
d'aller voir la personne concernée. Si ce n'est pas cela, la
bureaucratie...
M. Lalonde: Pourquoi pas?
Naturellement nous sommes tous des gens importants ici dans cette salle,
très importants, au point où nous pensons que quiconque a besoin
d'un renseignement sur chacun de nous devrait l'obtenir de chacun de nous.
Mais, il y a 6 000 000 de Québécois aussi importants que nous et
je ne vois pas pourquoi le travailleur, l'assisté social, la dame
âgée ne serait pas maître ou maîtresse des
renseignements qui sont inclus dans les fichiers qui les concernent. Pourquoi
pas? Est-ce que le ministre veut dire que la majorité des renseignements
qui sont obtenus sur les personnes concernées viennent de tiers?
M. Bertrand: Je n'en sais rien.
M. Lalonde: Si vous n'en savez rien, M. le ministre, à ce
moment-là, j'en suis fort confus.
M. Bertrand: En savez-vous quelque chose?
M. Lalonde: Je vous pose la question, c'est vous qui proposez la
loi.
Mme Lavoie-Roux: On espère que non, en tout cas.
M. Bertrand: Pensez-vous que j'ai fait une investigation sur les
5000 organismes qu'on couvre par la loi pour savoir...
M. Lalonde: Si vous insistez pour garder les mots "ou d'un
tiers", je présume que...
M. Bertrand: Parce que, pour moi, ça tombe sous le
sens.
M. Lalonde: Quel sens?
M. Bertrand: Je ne veux pas une loi qui soit inopérante,
je veux une loi qui fonctionne.
M. Lalonde: Un instant, la loi qui fonctionne, je m'en
méfie. N'oubliez pas, M. le ministre, que la première partie de
la loi ou enfin le chapitre concernant l'accès à l'information,
aux renseignements des gouvernements, il faut l'ouvrir au maximum, compte tenu
des coûts, mais on vient d'aborder un chapitre où on veut fermer.
Fermons. Là, vous semblez inspiré par un désir d'ouvrir la
possibilité d'obtenir des renseignements personnels. Il me semble qu'il
faudrait fermer, et si cela ne fonctionne pas, dans un an on changera mais au
moins, on va commencer au bas de l'échelle.
M. Guay: Si je peux me permettre de nouveau de donner cet
exemple-là au député de Marguerite-Bourgeoys, l'exemple
que je citais tantôt, celui de la Régie de l'assurance-maladie et
des médecins, peut-être que, maintenant, avec la nouvelle version,
la régie n'est pas obligée de m'aviser que j'ai vu le
médecin, mais elle ne peut pas recevoir de renseignements me concernant
de la part du médecin. Alors, comment le médecin va-t-il pouvoir
facturer la régie?
M. Lalonde: Le député de Taschereau pose des
questions extrêmement pertinentes. À ce moment-là, on
pourrait dire "ou d'un tiers, avec la permission de la personne
concernée", parce que le médecin qui transmet des informations
sur son patient reçoit toujours son autorisation.
M. Guay: Est-ce que vous avez toujours signé une formule
d'autorisation, chaque fois que vous alliez chez le médecin, vous?
M. Lalonde: Quand vous remettez votre carte.
M. Guay: D'accord, mais c'est un tiers qui donne un
renseignement.
M. Lalonde: Oui, mais avec l'autorisation de la personne
concernée.
M. Guay: Où est-elle, l'autorisation? Non, la carte, ce
n'est pas une autorisation, la carte est une formule de paiement.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais même pas si j'ai droit de
parole.
Le Président (M. Gagnon): Oui, effectivement, vous avez
été enregistrée comme membre.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le cas de l'assurance-maladie est le
seul cas où ceci pourrait se présenter? D'abord, les informations
qui sont transmises à la régie sont très limitées
quant au type d'informations qui sont transmises à la Régie de
l'assurance-maladie. Est-ce qu'il y a d'autres informations, peut-être au
ministère du Revenu?
M. Guay: Oui, je pensais justement au ministère du Revenu.
J'essaie de voir comment cela affectait le fonctionnement du remboursement
d'impôt foncier qui implique propriétaires et locataires et
où il risque fort d'y avoir des informations sur l'un qui
viennent de l'autre et inversement. J'imagine que si on faisait une
analyse plus exhaustive, on trouverait sans doute un certain nombre de
situations comme celles-là qui risquent simplement de compliquer
l'existence des individus. Il ne faut pas s'imaginer qu'un renseignemnt
provenant d'un tiers est automatiquement un mauvais renseignement ou un
renseignement qui nuit à l'individu. Evidemment, cela se peut, mais,
dans certains cas, c'est simplement pour donner le service que l'État ou
ses ramifications donnent à la population, il faut passer par là.
Je ne pense pas que, dans l'ensemble, la population s'oppose à cette
façon de fonctionner. En tout cas, je ne pense pas que, dans le
comté de Vanier...
Mme Lavoie-Roux: Non, mais...
M. Guay: ... ou dans le comté de Taschereau, cela
crée des manifestations dans les rues.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce que je voudrais faire
remarquer au député de Taschereau, c'est que, dans ces deux
cas-là, ceux de la Régie de l'assurance-maladie et du
ministère du Revenu, le type d'informations que l'on transmet, c'est
quand même circonscrit, si je peux dire, et le ministère du Revenu
ne doit pas transmettre à d'autres, d'après nos lois, les
informations qu'il reçoit. Il y a quand même des balises
très précises dans ces deux cas.
M. Guay: Non seulement le ministère du Revenu ne doit pas le
faire mais les articles qui, plus loin, concernent le transfert de
renseignements d'organismes publics sont très balisés et on ne
peut pas promener les renseignements d'un organisme à l'autre. Il y ades conditions très précises. Si on accepte la demande du
député de Marguerite-Bourgeoys, cela irait même
jusqu'à dire que si vous êtes témoin d'une fraude d'aide
sociale, et si vous portez à l'attention de l'aide sociale un cas de
fraude, ce renseignement ne serait pas recevable de la part de l'aide sociale
parce qu'il provient d'un tiers. En d'autres mots, la personne concernée
n'est pas allée se rapporter comme fraudeur.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que, dans le cas du bien-être
social, il ne s'agit pas davantage pour l'enquêteur du bien-être
social de vérifier le bien-fondé d'une plainte? Il s'agit d'une
plainte et non pas de...
M. Guay: II s'agit d'un renseignement nominatif aussi. Si je dis:
M. Larivière, prestataire de l'aide sociale, a un emploi à tel
endroit, je viens de donner sur son compte un renseignement nominatif qu'on n'a
sans doute pas à l'aide sociale de toute évidence, puisqu'on lui
verse des prestations d'aide sociale. Or, ce renseignement ne serait pas
recevable par l'aide sociale parce qu'il est fourni par un tiers. Il faudrait
que M. Larivière, de son propre chef, aille à l'aide sociale se
dénoncer comme étant quelqu'un qui fraude l'aide sociale.
Écoutez, cela n'a ni queue ni tête. Je comprends le but, je
partage le souci, mais, quand on regarde certaines applications
concrètes et pratiques, on s'aperçoit qu'on va compliquer
l'existence des citoyens beaucoup plus qu'on ne va leur faciliter la vie.
M. Bertrand: Le monde n'en demande pas tant que cela.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, M. le Président,
quand vous avez répondu à la question du député de
Westmount, est-ce que cela inclut ou exclut un chercheur provenant d'une
université?
M. Bertrand: La réponse est à l'article 80.
Mme Lavoie-Roux: Cela l'exclut?
M. French: On en parlera à l'article 80 effectivement. Ce
sera le moment d'en parler à 80, Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Si je pose la question, c'est que le tiers prend
une importance. Si, par exemple, un chercheur d'université peut frapper
chez mon voisin parce que je suis absente et lui poser une série de
questions qui peuvent être...
M. French: Ce qui est malheureux, c'est que c'est justement le
cas, si c'est Mme Unetelle, qui ne travaille pas pour un organisme public, ce
n'est pas du tout touché par ce projet de loi. Elle peut le faire dans
tous les cas, c'est-à-dire que ce n'est pas une loi pour la protection
de la vie privée, c'est une loi pour réglementer les
renseignements personnels et l'accès aux documents des organismes
publics. Mais cela ne touche tout simplement pas l'échange
d'informations entre deux citoyens privés. Mon souci à moi, c'est
tout simplement d'assurer que, sur ce plan, le chercheur universitaire est un
citoyen privé comme un autre plutôt qu'un membre d'un organisme
public. Votre problème reste entier dans la mesure où l'univers
des personnes non affectées par la loi est assez grand.
Mme Lavoie-Roux: Ma question est plus précise. Est-ce
qu'un professeur d'université n'est pas considéré comme
provenant d'un organisme public ou parapublic?
M. French: Encore une fois, c'est à l'article 80 qu'on va
en discuter, au
troisième paragraphe.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'article 64 est
adopté?
M. Guay: Quant à nous, l'article 64 demeure malgré
tout préférable, malgré des soucis que je partage, mais je
pense quand même qu'il vaut mieux s'en tenir au texte tel qu'il est
là. Cela m'apparaît, tout compte fait...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'il est
adopté?
M. Lalonde: Sur division.
Le Président (M. Gagnon): Sur division.
M. French* M. le Président, le dernier alinéa est
suspendu.
Le Président (M. Gagnon): Le dernier alinéa est
suspendu.
M. Lalonde: L'article 64 est adopté sur division sans le
dernier alinéa.
Le Président (M. Gagnon): C'est ça. L'article 65
est-il adopté?
M. Lalonde: J'aurais une question à poser au ministre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Quelle est la définition pour le ministre des
mots "ensemble de renseignements nominatifs"? Qu'est-ce qu'un ensemble de
renseignements?
M. Bertrand: Ici, on fait état de personnes ou
d'organismes privés qui n'ont pas systématiquement réuni
des renseignements nominatifs, mais qui, dans un contexte quelconque, en ont
recueilli. Un organisme public n'a pas nécessairement besoin de tous les
renseignements qui ont été recueillis par cette personne ou cet
organisme privé mais d'un certain nombre qui lui apparaissent plus
pertinents à sa vocation, à sa mission et à l'utilisation
qui peut en être faite dans le cadre de sa loi. Un ensemble de
renseignements peut vouloir dire une partie du tout de ce qui est détenu
par la personne ou l'organisme privé. Encore là, il y a une
obligation qui est faite d'en informer la commission.
M. Lalonde: Quand ce n'est pas un ensemble, c'est quoi?
M. Bertrand: Quand quoi?
M. Lalonde: Quand ce n'est pas un ensemble, c'est quoi?
Excusez-moi, M. le Président, on me dit qu'ils sont 10 000?
Mme Lavoie-Roux: Ils sont 8000.
M. Lalonde: Ils sont 8000. Il pleut, à part cela, et c'est
vendredi soir.
M. Guay: À part cela, c'est contradictoire.
M. Bertrand: C'est une bonne source. À part cela, il
pleut.
M. Guay: Cela est un ensemble de renseignements de bonne
source!
M. Lalonde: Pour revenir à nos oignons, si un organisme
public recueille auprès d'une personne ou d'un organisme privé le
nom et l'adresse, laisse de côté le numéro de
téléphone, l'âge, le sexe, etc., cela est-il un
ensemble?
M. Bertrand: C'est un ensemble de renseignements. Je vais vous
donner un exemple très concret. Le ministère des Communications
enfin, c'était le cas, avait une revue qui s'appelait Antennes, il n'y
en a plus maintenant: compressions budgétaires. On voulait l'envoyer
disons à 12 000 personnes. Il fallait aller chercher les noms et les
adresses de ces 12 000 personnes, dans certains cas, auprès d'organismes
privés. Je peux vous donner un cas, une agence de publicité.
Est-ce qu'on pourrait avoir votre liste de noms et d'adresses, parce qu'on
voudrait envoyer une revue aux gens de votre agence de publicité. Ou
bien je m'adresse à l'Association de la recherche en communications du
Québec et je dis: Je voudrais avoir la liste de vos noms et adresses,
parce qu'on voudrait envoyer la revue Antennes à vos membres. C'est ce
dont il est fait état ici. (21 h 45)
M. Lalonde: Le ministre ne répond pas à ma
question. Si un organisme public détient des renseignements nominatifs
sur une personne, au nombre de six, soit le nom, l'adresse, l'âge, le
sexe, le numéro de téléphone et la profession, et qu'un
autre organisme veut recueillir auprès de cet organisme public le nom et
l'adresse, est-ce un ensemble? Il laisse quatre éléments de
côté et on prend deux. Est-ce un ensemble, cela?
M. Bertrand: Vous parlez d'un organisme public?
M. Lalonde: Oui. On parle toujours d'un organisme public.
M. Bertrand: Mais là, il va les chercher auprès
d'une personne ou d'un
organisme privé.
M. Lalonde: Ou d'un organisme, c'est cela, ou d'un organisme
privé. Est-ce un ensemble, cela?
M. Bertrand: Quand c'est deux ou quand c'est six?
M. Lalonde: Oui, deux sur six?
M. Bertrand: Un ensemble, pour moi, si je me reporte à ma
théorie des ensembles, cela peut être deux, quatre, six ou
dix.
M. Lalonde: Et si c'est un? Un ensemble, d'après le Petit
ou le Grand Robert, c'est défini comme suit: "La totalité des
éléments constituant un tout." La totalité - je ne sais
pas si le ministre m'écoute - des éléments constituant un
tout. Il semblerait qu'un ensemble soit la totalité. Si s'agit de six
renseignements sur une personne, l'organisme public qui va recueillir
auprès d'une personne ou d'un organisme privé cinq des six
renseignements n'est pas obligé d'en informer la commission.
M. Bertrand: Oui, mais ce qu'on pourrait indiquer dans un cas
semblable, c'est "un ou plusieurs renseignements nominatifs".
M. Lalonde: C'est parfait.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce un amendement, M. le
ministre?
M. Bertrand: Est-ce que cela rend l'esprit de "un ou plusieurs
renseignements nominatifs" plutôt qu'"un ensemble"?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, si on introduisait les mots
"un ou plusieurs renseignements nominatifs", il faudrait aussi introduire un
autre élément déjà corrigé et concernant
plusieurs personnes, parce que si ce n'est qu'une personne sur qui on veut
obtenir un ou plusieurs renseignements, c'est l'article 64 qui s'applique.
Comprenez-vous?
M. Lalonde: Non. Si cela concerne seulement une personne, c'est
quoi?
M. Bertrand: C'est l'article 64 qui s'applique.
M. Lalonde: C'est le tiers.
M. Bertrand: Ce n'est même pas le tiers, c'est la personne
concernée. C'est l'article 64 qui s'applique. Il s'agit d'aller chercher
un ou plusieurs renseignements, mais sur plusieurs personnes, sur un ensemble
de personnes. C'est cela.
M. Lalonde: À ce moment-là, il aurait fallu le
dire, cela aurait été bien plus simple.
M. Bertrand: Disons-le.
M. Lalonde: Vous dites: Recueillir auprès d'une personne
ou d'un organisme les ou des renseignements nominatifs d'un ensemble de
personne. Ce n'est pas l'ensemble des renseignements, votre problème,
c'est l'ensemble des personnes.
M. Bertrand: Les légistes vont le rédiger.
J'introduis les notions du député de Marguerite-Bourgeoys et on
va le corriger, on va l'écrire.
Le Président (M. Gagnon): Alors, on suspend l'article 65
pour le moment, si je comprends bien?
M. Bertrand: Pas longtemps, M. le Président, le temps
d'avoir l'écriture.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut passer
à l'article 66?
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Gagnon): À l'article 66, M. le
député de Westmount, vous m'avez dit que vous aviez une
question?
M. French: Je ne sais pas si mon collègue de
Marguerite-Bourgeoys...
M. Lalonde: Allez-y, mon collègue.
M. French: M. le Président, il y a un problème
extrêmement sérieux à l'article 66 du projet de loi.
L'article contrôle les échanges de renseignements nominatifs, ce
qui n'est pas inquiétant, au contraire. Par la suite, dans
l'éventualité d'un désaccord entre deux organismes,
à défaut d'entente, on a recours à la commission pour
obtenir son avis sur le contenu de l'entente proposée.
M. Bertrand: C'est exact.
M. French: Maintenant, on doit présumer que c'est un des
organismes qui propose une entente à l'autre.
M. Bertrand: C'est cela.
M. French: Autrement dit, lorsqu'on va à l'autre, on lui
demande de nous donner cette banque de données. On présume que
c'est une proposition d'entente.
M. Bertrand: C'est cela.
M. French: Troisième alinéa. "Après avoir
fourni à l'autre organisme public l'occasion de présenter ses
observations, la commission donne son avis aux organismes en cause."
M. Bertrand: C'est cela.
M. French: Alors la commission est appelée, en quelque
sorte, à arbitrer le désaccord, le confit entre les deux
organismes ou les conflits d'opinions entre les deux organismes. "So far, so
good", M. le Président. Mais, dans le dernier paragraphe, on nous dit:
"Après considération de cet avis, le gouvernement peut
déterminer le contenu de l'entente par décret; ce décret
lie les organismes publics en cause et constitue une entente aux fins de la
présente loi."
M. le Président, le ministère des Affaires municipales
veut avoir de la ville de Hull accès à une banque de
renseignements nominatifs détenus par la ville de Hull. La ville de Hull
refuse, la commission étudie le dossier, la commission dit que la ville
de Hull a raison de refuser. Le gouvernement, par décret, tranche le
conflit, non seulement tranche-t-il le conflit, mais il le tranche dans le sens
inverse de l'avis de la commission, comme il a le pouvoir de le faire
grâce au dernier paragraphe de l'article. Le gouvernement se donne - il
donne à un de ses organismes, en l'occurrence le ministère des
Affaires municipales - accès aux renseignements personnels
détenus dans la ville de Hull. On peut multiplier les exemples. On peut
même imaginer le gouvernement en train d'arbitrer les conflits entre
organismes publics, tels que l'Université McGill et la ville de
Montréal, tels que dans un comté d'une ville de la
Gaspésie et une ville, un municipalité située à
côté. Tout comme à l'article 146, le gouvernement se dote
des outils qui sont en soi une invitation à s'ingérer dans
l'administration des organismes publics qui n'ont jamais jusqu'ici
été assujettis à un tel degré d'intervention de la
part du gouvernement du Québec.
M. Bertrand: M. le Président, on a un amendement à
apporter à l'article 66.
M. French: Vous auriez dû demander cela au...
M. Lalonde: C'est l'intensité du plaidoyer qui a
inspiré...
M. French: Au contraire, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, c'est parce que je l'ai mentionné dans mon
discours de deuxième lecture.
M. Bertrand: M. le Président, avant que Mme la
députée de L'Acadie ne se pose des questions sur elle-même
- je rectifie, Mme la Présidente - nous avons un amendement à
apporter à l'article 66. Nous remplacerions le premier alinéa par
le suivant: - les premiers mots que je vais prononcer sont d'importance et vont
répondre, je crois, j'espère "Lorsque la loi autorise - donc, il
n'y a pas d'arbitraire - autrement que dans les cas visés dans les
articles 59 et 60 de la présente loi, un organisme public à
communiquer un renseignement nominatif à un autre organisme public sans
le consentement de la personne concernée, la communication s'effectue
dans le cadre d'une entente écrite entre ces organismes". Nous
remplacerions les mots qui apparaissent dans la première ligne du
deuxième alinéa "Lorsque ces renseignements nominatifs" par
"Lorsque les renseignements nominatifs dont la communication est ainsi
autorisée..."
M. Lalonde: Le quatrième alinéa, vous le laissez
tomber?
M. Bertrand: Non, parce que là on a au moins le cadre
juridique dans lequel toute l'opération se déroule.
Le Président (M. Gagnon): C'est un amendement à
l'article 66? Est-ce que vous voulez lire l'amendement, M. le ministre, pour
qu'on le replace? Cela remplace l'article 66...
M. Bertrand: Oui. Alors, le premier amendement remplace le
premier alinéa de 66 et le deuxième amendement remplace les mots
"Lorsque ces renseignements nominatifs" par "Lorsque les renseignements
nominatifs dont la communication est ainsi autorisée..." Donc, le
paragraphe se lit: Lorsque les renseignements nominatifs dont la communication
est ainsi autorisée sont requis pour l'application d'une loi, un
organisme public peut, etc.."
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. French: L'amendement est adopté en soi, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Adopté.
M. French: Maintenant, je voudrais entendre le ministre un peu
plus parce que je n'ai pas saisi précisément le lien qu'il fait
entre les amendements et le quatrième paragraphe. Je veux bien que ce
soit une meilleure formulation, qu'il y ait plus de protection, c'est bien
correct, mais mon problème demeure.
M. Bertrand: Qu'est-ce que vous avez contre cela?
M. Lalonde: C'est que la commission s'est prononcée sur le
contenu de l'entente...
M. Bertrand: Oui, elle a donné son avis.
M. Lalonde: Elle a donné son avis "Après
considération de cet avis, le gouvernement peut déterminer le
contenu de l'entente par décret..." Mais rien dans l'article ne dit que
le gouvernement est lié par l'avis de la commission. Cela ressemble
à l'autre article un peu plus loin qui dit que... (22 heures)
M. French: L'article 146.
M. Lalonde: C'est l'article 146 qui dit que, après tout ce
projet de loi, après les quelques centaines d'articles, quoi que vous
fassiez, le gouvernement peut faire ce qu'il veut; ça ressemble un petit
peu à ça. On n'en est pas encore là, on y verra à
ce moment-là.
M. French: C'est un petit avant-goût de l'article 146.
Une voix: Oui. On veut simplement vous faire comprendre qu'on l'a
lu.
M. French: Autrement dit, M. le Président, pourquoi la loi
donne-t-elle le pouvoir au gouvernement?
M. Bertrand: C'est parfait, parfait!
M. French: M. le Président, le ministre me dit que c'est
parfait. Je suis prêt à être persuadé, mais ça
prendrait un peu plus que les mots "c'est parfait".
M. Bertrand: C'est parce que je vais laisser le
député de Westmount parler.
M. French: Non, allez-y, M. le ministre, je vous prie.
M. Bertrand: C'est parce que, quand l'article 66 est
appliqué, l'article 69 arrive: "Une entente conclue en vertu de
l'article 66... - donc, ce dont on vient de parler -doit être soumise
à la commission pour avis - c'est évident, on vient de le dire -
. Elle entre en vigueur sur approbation du gouvernement - ça aussi.
"Cette entente, ainsi que l'avis de la commission, sont
déposés... " Vous dites que je ne comprends pas?
M. French: Non, je ne pense pas que vous ayez saisi ce que je
veux dire, M. le ministre. Puis-je l'expliquer? C'est que, à l'article
69, on parle d'une entente et l'on parle d'un avis...
M. Bertrand: Oui.
M. French: Je ne suis préoccupé ni par l'entente ni
par l'avis, je suis préoccupé par le décret.
M. Bertrand: Oui, mais il faut bien que, à un moment
donné, il y ait une décision relative à l'entente.
M. French: Pourquoi?
M. Bertrand: Parce que, s'il n'y a pas entente entre les deux
organismes, il faut bien à un moment donné que quelqu'un prenne
une décision.
M. French: Pourquoi, M. le ministre? Si mon organisme
détient des renseignements personnels...
M. Bertrand: Parce que la loi l'autorise.
M. Lalonde: C'est justement la loi qu'on fait. Elle autorise
à communiquer, cette loi, elle n'oblige pas.
M. Bertrand: Deuxième alinéa: "Lorsque ces
renseignements nominatifs sont requis pour l'application d'une loi..." Par
exemple, une commission scolaire pourrait, en refusant de signer une entente
avec le ministère de l'Éducation pour le transfert de
renseignements nominatifs, empêcher le ministère de
l'Éducation d'obtenir les renseignements nécessaires pour
l'allocation des subventions et la gestion de la sécurité
d'emploi. Les lois actuelles obligent la transmission de ces informations.
M. French: M. le Président, on cherche des exemples assez
faciles; je veux dire que le gouvernement n'est quand même pas
obligé de transférer l'argent non plus. Ce n'est pas du tout un
cas banal comme ça qui nous préoccupe, M. le ministre, ce n'est
pas du tout un cas comme ça. On parle d'un cas où peut-être
deux organismes du gouvernement du Québec, tous les deux relativement
indépendants, ont un conflit quelconque, ont un malentendu
quelconque...
M. Bertrand: Très bien.
M. French: ... et le gouvernement vient trancher cela par
décret. Il n'est même pas obligé de suivre l'avis de la
commission là-dessus, il a la discrétion parfaite dans ce cas.
Qu'est-ce que le gouvernement du Québec vient faire
là-dedans?
M. Bertrand: Oui, mais il y a deux éléments. On
introduit la notion de "lorsque la loi autorise" et on a maintenu la notion de
"requis pour l'application d'une loi". Allez-vous me faire croire à moi
que, lorsque deux organismes qui devraient normalement arriver à
s'entendre pour
échanger des renseignements ne s'entendent pas, alors que la loi
l'autorise et que c'est même requis pour l'application d'une loi,
à un moment donné il n'y a pas quelqu'un qui doive trancher?
M. Lalonde: Oui, mais pourquoi, à ce moment-là,
consulter la commission?
M. French: Pourquoi ne pas laisser la commission trancher, si
vous êtes absolument à la recherche d'un organisme pour trancher?
J'aimerais bien mieux que ce soit la commission qui ait autorité pour
décider d'une telle question plutôt que le député de
Saguenay ou le député de Lévis.
M. Lalonde: Même le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. French: S'il fallait se rendre là. M. Guay: Que
Dieu nous préserve!
M. Lalonde: En fait, M. le Président, je ne sais pas si on
peut inspirer le ministre dans sa réflexion. Le gouvernement propose au
législateur un cheminement un peu exigeant, disons, c'est celui de
consulter la commission. Vous avez cela dans le deuxième alinéa.
Il n'y a pas d'entente, on s'adresse à la commission pour obtenir son
avis. La commission fournit l'avis après avoir même fourni
à l'autre organisme public l'occasion de présenter ses
observations. Il y a la règle audi alteram partem et même...
M. Bertrand: Ah! Mettez-en!
M. French: Non, non, ce n'est pas, M. le Président.
M. Lalonde: ... respecter... On donne l'occasion à l'autre
organisme de se faire entendre et, là, la commission donne son avis et
tout ce que le gouvernement est obligé de faire c'est de
considérer et de trancher. Pourquoi le gouvernement ne serait-il pas
obligé d'entériner l'avis? Pourquoi ne pas rendre l'avis de la
commission exécutoire. Il n'y a pas d'entente. La commission est
consultée. Elle dit: Voici quel genre de communication de renseignements
il devrait y avoir entre l'organisme A et l'organisme B. C'est dans la
perspective où le législateur pense même de forcer les
organismes à faire une entente. On pourrait même plaider dans
l'autre sens, à savoir que si les organismes ne s'entendent pas,
même après l'avis de la commission, ils ne sont pas obligés
de signer une entente parce que chaque organisme est dépositaire de ces
noms, de renseignements qu'il croit ne pas devoir communiquer à un autre
organisme. Dans la perspective d'une entente absolument nécessaire, que
ce soit la commission qui la dicte l'entente et non pas le gouvernement?
Pourquoi le gouvernement passerait-il par dessus la commission?
M. Bertrand: Qu'est-ce qui vous agace là-dedans?
M. Lalonde: C'est le gouvernement.
M. Bertrand: Qu'est-ce que vous avez contre le gouvernement?
M. Lalonde: Beaucoup, beaucoup. Avez-vous deux heures?
M. French: On peut débuter.
M. Lalonde: Ce serait simplement le préambule.
M. French: Non, mais, voyons, M. le Président, je pense
que c'est évident...
M. Bertrand: Sauf si c'est...
M. French: ... c'est dans l'esprit de la loi que...
Le Président (M. Gagnon): Pas deux, s'il vous plaît,
en même temps.
M. French: Je pense que c'est éminemment dans l'esprit de
la loi qu'on laisse le pouvoir de trancher à la commission. Si, à
la limite, il faut absolument avoir recours à un décret, il ne
devrait pas être possible d'en avoir un contre l'avis de la
commission.
M. Bertrand: C'est cela qui est formidable, c'est qu'à
l'article 69...
M. Lalonde: Ah oui! on dépose...
M. Bertrand: ... Richard French apprend que le gouvernement a ou
n'a pas suivi l'avis de la commission.
M. Lalonde: Et après, c'est déposé. C'est
beau.
M. French: Parlez-moi de cela!
M. Bertrand: C'est public, pas caché, public. Comme les
dossiers confidentiels.
M. Lalonde: Cela me fait penser à ce que le ministre de
l'Education me disait après le dépôt du rapport annuel de
la Commission de surveillance de la langue française, alors que ledit
président faisait des reproches extrêmement sévères
au ministre. Il a dit: Ah! vous savez, c'est son idée, ce qui lui
passait par la tête à ce moment-là. Non, le
dépôt à l'Assemblée nationale, c'était
très important, cela l'est devenu moins; plus il y en a, plus cela
devient une espèce d'habitude...
M. Bertrand: Oui, mais c'est public.
M. Lalonde: C'est public, oui. J'aime mieux laisser le soin
à la commission, dont c'est la principale préoccupation,
d'appliquer la lettre et l'esprit de la loi. Le gouvernement a d'autres
préoccupations, y compris du patronage, etc. En tout cas, je n'irai pas
là-dedans, M. le Président, il ne nous reste pas assez de temps
ce soir.
Le Président (M. Gagnon): Cela, ce serait contraire au
règlement.
M. Lalonde: Oui, ce serait contraire au règlement.
M. French: M. le Président, je voudrais entendre
l'inverse, c'est-à-dire l'élément rationnel. Pourquoi
impliquer le gouvernement là-dedans? Pourquoi le gouvernement est-il
meilleur pour décider que la commission, dans un tel cas?
M. Bertrand: Dans la mesure où deux organismes,
conformément à la loi, dans des conditions où ils sont
requis pour l'application d'une loi d'échanger des renseignements ne le
font pas, quoi de plus normal que de voir un gouvernement s'occuper de faire en
sorte que les lois soient respectées?
M. French: Et à l'encontre de l'avis de la commission, sa
propre commission?
M. Bertrand: Qui vous a dit qu'il allait à l'encontre de
l'avis?
M. French: On demande, M. le ministre, que vous changiez le
dernier paragraphe pour que le décret puisse entériner l'avis de
la commission, mais ne puisse pas aller à l'encontre de l'avis de la
commission.
M. Bertrand: Si le gouvernement n'interprète pas de la
même façon que la commission...
M. Lalonde: Ah bon! il a tort!
M. Bertrand: S'il a tort, vous le lui direz, mais vous allez le
savoir, par exemple...
Mme Lavoïe-Roux: II va être trop tard. M. Lalonde:
Oui, trop tard.
M. French: Ce serait déjà fait, M. le ministre.
M. Lalonde: Je ne vois pas pourquoi le ministre s'entête.
Je pense que, dans l'esprit qui nous anime de faire la meilleure loi possible
pour la protection des renseignements personnels, on devrait éloigner le
gouvernement des décisions puisque le gouvernement et le
législateur se donnent la peine de créer une commission. Le
ministre dit, je l'entends, cela fait deux ou trois fois qu'il se
répète: Lorsque les renseignements nominatifs sont requis. Mais
ce n'est pas l'entente qui est requise par la loi. Ce sont les renseignements
nominatifs que l'organisme peut obtenir d'une autre source, que l'organisme
peut aller chercher auprès de chacune des personnes. Ce serait plus
commode de les obtenir d'un autre organisme. On cherche à faire une
entente, mais ce n'est pas l'entente qui est requise par la loi.
M. Bertrand: Mme la députée de L'Acadie a-t-elle
une opinion là-dessus?
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Non, j'interrogeais mon collègue. (22 h
15)
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Bertrand: Oui. On a apporté deux amendements.
M. French: Vous avez deux amendements?
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
L'article 66 est-il adopté?
M. Lalonde: On vote, M. le Président. Mme Lavoie-Roux:
Vote nominal.
M. Lalonde: Vote nominal, M. le Président, sur l'article
66. Vote, M. le Président.
M. Guay: Pouvez-vous m'indiquer, M. le Président, avant
qu'on vote, qui sont les membres de la commission?
Mme Lavoie-Roux: Moi, je remplace M. Sirros.
Le Président (M. Gagnon): L'indiquer? D'après le
changement qui est survenu ce soir, lors de la nomination des membres, nous
avions M. Baril (Arthabaska), M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M.
Bertrand (Vanier), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Blais (Terrebonne), M.
Brassard (Lac-Saint-Jean), M. French (Westmount), M. Guay (Taschereau), M.
LeMay (Gaspé), Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie) et M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).
M. Lalonde: Vote, M. le Président. Une voix: Une
minute!
Mme Lavoie-Roux: Vote! Vote, M. le Président! Vote!
M. Lalonde: Quand on demande le vote... à moins que
quelqu'un veuille parler. Est-ce que voulez vos vingt minutes?
Le Président (M. Gagnon): On va attendre que le ministre
ait fini sa consultation.
M. French: M. le Président, je voudrais proposer une
motion d'amendement. Je propose donc de retrancher le quatrième
paragraphe de l'article 66 pour le remplacer par le paragraphe suivant: "Le
gouvernement peut décréter une entente pourvu que cette entente
respecte intégralement l'avis de la commission." Donc, le gouvernement a
deux choix: laisser les choses comme elles sont ou entériner l'avis de
la commission. C'est éminemment dans l'esprit de la loi. M. le
Président, je demande le vote sur cet amendement.
M. Guay: Qu'est-ce qu'on entend par là? On peut avoir des
explications?
M. Bertrand: Oui, expliquez donc votre choix.
M. Guay: Oui. Qu'est-ce qu'on entend par... Pouvez-vous le
relire?
M. Bertrand: Est-ce que je peux avoir un texte?
M. Guay: Oui, mais...
M. French: Vous venez de l'écrire.
M. Guay: II peut faire deux choses: laisser les choses comme
elles sont...
M. French: Oui.
M. Guay: ... c'est-à-dire pas d'entente...
M. French: C'est-à-dire amender les lois qui touchent les
deux organismes pour que ce soit plus clair ou, deuxièmement,
entériner l'avis de la commission, mais il ne peut pas
décréter une entente allant à l'encontre de l'avis de la
commission.
M. Lalonde: S'il veut en faire une, la seule qu'il peut faire,
c'est conformément à l'avis de la commission.
M. Bertrand: En attendant que la photocopie soit faite,
peut-être qu'il faudrait faire envoyer une photocopie. On est rendu
à l'article 68, on peut peut-être prendre...
Mme Lavoie-Roux: Non, on règle cela tout de suite.
M. French: On n'est pas le moindrement intéressé
à progresser, M. le Président, on veut régler l'article
66.
Le Président (M. Gagnon): Je suggère qu'on suspende
les travaux pour cinq minutes, le temps qu'on reçoive les
photocopies.
Mme Lavoie-Roux: On aime travailler.
M. Lalonde: ... pour attendre, pour qu'il puisse terminer les
affaires.
Le Président (M. Gagnon): Actuellement, on tient tout le
monde aux aguets et on ne travaille quand même pas.
(Suspension de la séance à 22 h 23)
(Reprise de la séance à 22 h 24)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! L'amendement.
Oui, M. le député d'Abitibi-Est.
M. Bordeleau: M. le Président, remarquez que j'arrive, je
reconnais que je n'ai pas participé à vos travaux auparavant,
mais on me dit que vous avez accepté tantôt d'autres
membres...
Mme Lavoie-Roux: Au début de la séance.
M. French: M. le Président, le député
d'Abitibi-Est est mal informé. D'abord...
M. Bordeleau: Est-ce que je pourrais finir ma question, M. le
Président?
Le Président (M. Gagnon): Oui, on va lui laisser terminer
sa question.
M. Bordeleau: Je voudrais tout simplement demander aux membres de
la commission s'ils veulent bien m'accepter comme membre.
Mme Lavoie-Roux: Non. M. Lalonde: Non. M. French:
Non.
Le Président (M. Gagnon): M. le député
d'Abitibi-Est, c'est malheureux, vous n'êtes même pas
intervenant.
M. Bordeleau: Même pas intervenant? Cela me surprend.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement, juste pour
corriger: c'est un fait qu'au début de la séance on a
accepté deux nouveaux membres: à la place de MM. Rivest et
Sirros, on a accepté Mme Lavoie-Roux et M. Lalonde. C'est la commission
qui décide si on accepte... Oui.
M. Bordeleau: M. le Président, je m'excuse, mais est-ce
que c'est vraiment au début de la séance que vous avez
accepté Mme la députée de L'Acadie?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. French: Elle est arrivée par la suite, mais elle a
été acceptée au début.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, s'il vous
plaît. C'est un fait, au début.
M. Bordeleau: Parce que, justement, j'étais
président d'une autre commission et Mme la députée de
L'Acadie était là.
Mme Lavoie-Roux: J'ai le don d'ubiquité.
M. Bordeleau: Mais, cela me surprenait qu'elle puisse être
présente à deux commissions en même temps.
M. Bertrand: A-t-on reçu l'amendement?
M. Guay: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Taschereau, s'il vous plaît.
M. Guay: Puisque le député d'Abitibi-Est
était président d'une autre commission à laquelle
participait Mme la députée de L'Acadie, on pensait qu'elle
poursuivrait ses travaux plus tard que l'heure qu'il est et même plus
tard que l'heure où elle a ajourné ses travaux
prématurément. Bien que je reconnaisse que nous n'avions pas
prévu que le député d'Abitibi-Est se joindrait à
nous pour cette raison, je demanderais qu'il y ait consentement de la
commission pour qu'il puisse devenir membre de la commission.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que la commission donne
son consentement?
M. Lalonde: Non.
Le Président (M. Gagnon): Pas de consentement, je
regrette.
M. Lalonde: Maintenant, M. le Président, si vous
permettez, nous avons un amendement dont la copie a été
distribuée à tous les membres. L'amendement a été
largement expliqué avant d'être déposé; alors,
à moins qu'il y ait d'autres opinants, je demanderais qu'on vote.
Le Président (M. Gagnon): Je vais d'abord disposer de
l'amendement.
M. Bertrand: Non, est-ce qu'on peut...
Le Président (M. Gagnon): Non, d'accord. J'ai...
M. Bertrand: Sur la recevabilité.
Le Président (M. Gagnon): Sur la recevabilité. Je
voudrais le lire". En remplaçant le quatrième paragraphe de
l'article 66 par le suivant: "Le gouvernement peut décréter une
entente pourvu que cette entente respecte intégralement l'avis de la
commission." L'amendement est absolument recevable. M. le ministre.
M. Lalonde: Acceptez cela au moins.
Mme Lavoie-Roux: Acceptez cela, on ne serait même pas
obligé de voter. Franchement!
M. Guay: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: ... je vais vous dire, avec beaucoup de candeur, la
raison pour laquelle j'ai des réserves. Au terme de ce projet de loi, il
y aura d'instituée cette commission qui fait partie du projet de loi.
Cette loi, une fois inscrite dans nos livres de loi, peut devenir un instrument
extrêmement positif, extrêmement progressiste pour la population du
Québec ou, à l'encontre, ça peut demeurer une loi bien
bonne, au fond, mais qui n'aura jamais décollé. J'en veux pour
exemple - sans vouloir faire de personnalité, mais, enfin,
inévitablement, je pense bien qu'on va y arriver - certaines lois qui
ont été adoptées par l'Assemblée nationale ou
l'Assemblée législative, à l'époque... J'aimerais
bien me faire entendre par le député de Westmount sur cette
question...
M. French: Je m'excuse.
M. Guay: Je n'essaie pas de tuer le temps.
Le Président (M. Gagnon): On vous écoute, M. le
député.
M. Guay: Je pense à la Loi sur le Protecteur du citoyen.
À l'époque, à partir
de la loi, il y avait deux façons de concevoir le rôle du
Protecteur du citoyen. Ce pouvait être un rôle effacé, ce
pouvait être un rôle fort actif- À titre de comparaison, je
pense au premier commissaire aux langues officielles à Ottawa qui a
été fort actif, qui ne mâchait pas ses mots et qui
était fort coloré, mais au moins il disait ce qu'il avait
à dire à l'encontre d'autres commissaires, d'autres organismes de
nature analogue, qui adoptent parfois des attitudes conservatrices. Il s'ensuit
qu'une loi comme celle-là devient une loi qui ne décolle jamais.
(22 h 30)
Ce que je veux dire par là, c'est que la nomination des trois
membres de la commission dès le départ, m'apparaît
revêtir une importance aussi fondamentale que le projet lui-même.
Selon les personnes nommées, le projet de loi peut en être un qui
va décoller, qui va être un instrument extrêmement actif ou
alors il peut devenir une loi, qui, sans être une lettre morte,
connaît une application fort conservatrice. Inévitablement, dans
certaines circonstances, si on place le gouvernement - je le dis d'autant plus
facilement que je n'en fais pas partie - dans une position de réflexe de
prudence, il peut être porté à nommer comme commissaires
des gens très prudents, alors qu'à l'encontre, tout en donnant
à la commission des pouvoirs réels, on ne place pas le
gouvernement dans une position d'une certaine prudence, méfiance
à l'endroit de cette nouvelle commission, on peut recruter des personnes
à l'extérieur du gouvernement qui seraient avantageusement
connues dans la société. Je n'ai pas de noms en tête, mais
on peut aller chercher des personnes qui sont à l'extérieur du
gouvernement, des personnes qui vont justement remplir le rôle qui,
à mon avis, est dévolu à cette commission, dans l'esprit
dans lequel je vois personnellement cette commission, c'est-à-dire des
gens qui ne se gêneront pas pour brasser les choses et le dire d'une
manière ou d'une autre, le cas échéant.
Les premiers rapports annuels de la commission et la jurisprudence
qu'elle va établir pendant les premières années vont
déterminer toute l'orientation de la commission pour des années
futures, selon qu'on a des gens extrêmement prudents ou des gens beaucoup
plus réceptifs. Cela fera toute la différence au monde. Les
rapports annuels que nous allons devoir étudier en commission de
l'Assemblée nationale peuvent être des rapports très
techniques, relativement ternes ou des rapports qui, au contraire, posent des
problèmes, qu'on ne se gêne pas pour expliquer, qu'on ne se
gêne pas pour lancer au Parlement et au gouvernement en invitant celui-ci
à régler ces problèmes.
Tout cela pour dire en toute candeur, que ce que je crains, c'est
qu'à placer le gouvernement dans une situation de réflexe de
prudence à l'endroit de la commission, on va se retrouver avec une
commission dont les membres vont être des gens extrêmement prudents
et on va aller carrément à l'encontre de ce que l'on vise,
c'est-à-dire d'avoir non seulement la meilleure loi, mais d'avoir la
commission la plus dynamique, la plus critique au sens positif et celle qui va
effectivement faire réfléchir l'Assemblée nationale
annuellement par son rapport et non pas lui soumettre simplement une
série de statistiques plus ou moins intéressantes qui risquent de
faire bâiller les membres d'une commission qui devront étudier ce
rapport.
Pour cette raison, je pense qu'il faut reconnaître qu'il y a un
certain équilibre. La loi n'est pas parfaite. J'ai déjà eu
l'occasion même de critiquer certains articles, mais je pense que, dans
l'ensemble, telle qu'elle est, il est préférable, sous
réserve de certains autres amendements à apporter, de ne pas
placer le gouvernement dans une position de réflexe défensif et
de prudence et se servir de notre gouvernement comme se servir de n'importe
quel autre gouvernement qui serait au pouvoir, mais de lui permettre, au
contraire, en toute confiance, d'aller recruter à l'extérieur du
gouvernement, idéalement, des gens avantageusement connus dans la
société et qui, par leur nom, par leur expérience, vont
faire en sorte de constituer une commission exceptionnelle et qui va
créer une jurisprudence également exceptionnelle; ainsi cette loi
pourra véritablement prendre son plein envol pour l'avantage des
citoyens du Québec. Ce sont les considérations que je souhaitais
porter à l'attention de la commission.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, je lis en même temps
les articles 67, 68, 69. J'essaie de voir comment ils s'enchaînent les
uns avec les autres.
M. Lalonde: M. le Président, qu'est-ce qu'on fait?
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous voulez ajourner ou faire quelque
chose?
M. Lalonde: Ce n'est pas l'Opposition qui fait un "filibuster",
M. le Président.
M. Bertrand: C'est tellement, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Faites-moi une suggestion parce
que là...
M. Lalonde: On est entre deux eaux.
Le President (M. Gagnon): ... on est entre deux eaux.
M. Lalonde: Vous essayez de comprendre?
M. Bertrand: Je comprends, mais j'essaie de mesurer les
implications, je pense, entre autres, au moment où vous serez au
gouvernement. Je me dis: Comment vont-ils faire pour vivre avec leurs
amendements?
M. Lalonde: Ne vous inquiétez pas pour nous.
M. Bertrand: Oui, vous allez simplement décider de
modifier la loi.
M. Lalonde: Même si on essayait, on ne pourrait pas faire
pire.
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qu'on fait, M. le
Président?
M. Lalonde: M. le ministre parle ou est-ce qu'il...
Mme Lavoie-Roux: On demande le vote. S'il a quelque chose
à dire, qu'il parle. S'il n'a rien à dire, on va prendre le vote.
On demande le vote, M. le Président.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que vous devez faire
prendre le vote.
Le Président (M. Gagnon): Je suis entièrement
d'accord, parce que si j'applique le règlement à ce moment, je
voudrais donner la chance au ministre d'intervenir.
M. Lalonde: Cela fait dix minutes qu'il en a la chance.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre n'a pas étudié sa
loi.
M. Lalonde: Écoutez...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Taschereau.
M. Guay: Je signale à Mme la députée de
L'Acadie, qui vient pour la première fois à cette commission -
j'invite le député de Westmount à en témoigner -
que nous avons eu, jusqu'à ce matin, une des commissions les plus
intéressantes à laquelle m'a été donné de
participer depuis mon élection en 1976 et qui a été
dépourvue de partisanerie et de niaiserie. Je ne pense qu'on puisse
dire...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Gagnon): Question de règlement,
Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II reste que cela fait un quart d'heure... Au
moins, qu'ils réagissent, qu'ils nous donnent une argumentation. On est
là à attendre, on a suspendu tout à l'heure pour leur
faire plaisir. Alors, écoutez...
Le Président (M. Gagnon): Je dois vous expliquer, Mme la
députée de L'Acadie, que si j'ai été assez
tolérant, c'est que, depuis le début de l'étude de cette
loi, c'est un peu de cette façon que cela a fonctionné. Je vais
avoir à peu près la même tolérance, mais je suis
d'accord qu'à un moment donné, il va falloir appliquer le
règlement.
M. le ministre.
M. Bertrand: Si le quatrième alinéa dont on parle
se lisait de la façon suivante: "Sur recommandation de la commission, le
gouvernement peut déterminer le contenu de l'entente par
décret?"
M. Lalonde: M. le ministre, vous savez ce que c'est des
recommandations, cela ne lie personne. Vous avez déjà les
recommandations dans l'avis. L'avis, je présume, sera
considéré par le gouvernement, n'importe quel gouvernement, comme
une recommandation. Cela n'ajoute absolument rien. Ce que nous voulons, c'est
que le gouvernement ne puisse pas faire d'entente autre que celle qui est
décidée par la commission, parce qu'on prend la peine de
créer une commission dont les membres sont nommés aux deux tiers
de l'Assemblée nationale. Pourquoi passer par-dessus la commission?
M. Bertrand: Prenons une situation où on a suivi tout le
processus qui est énuméré à 66, c'est-à-dire
que, premièrement, deux organismes ont tenté d'en arriver
à une entente écrite pour échanger des renseignements
nominatifs. L'entente n'est pas possible. Un des organismes s'adresse à
la commission pour obtenir son avis sur le contenu de l'entente. La commission,
après avoir entendu l'autre organisme, donne son avis aux organismes en
cause pour les inviter à procéder à l'entente ou bien
à ne pas procéder à l'entente. En fin de compte, alors
qu'une loi autorise un organisme à communiquer un renseignement et que
ces renseignements nominatifs sont requis pour l'application d'une loi,
qu'est-ce qu'on fait, si la Commission d'accès à l'information ne
prend pas une décision qui favorise l'entente?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Westmount.
M. Lalonde: L'organisme va chercher ses renseignements nominatifs
d'une autre
façon.
M. Bertrand: Comment?
M. Lalonde: L'organisme va chercher ses renseignements nominatifs
d'une autre façon.
M. Bertrand: Illégale?
M. Lalonde: Non, quand il y a un organisme qui communique des
renseignements nominatifs à un autre, il y a un demandeur, l'autre, et
un détenteur des renseignements qui devra les lui communiquer. Il n'y a
pas entente et, dans l'hypothèse décrite par le ministre, la
commission décide qu'il ne peut pas y avoir d'entente. Elle ne
décide pas qu'il devrait y avoir entente. Si j'ai bien compris, c'est
l'hypothèse qui est proposée par le ministre. À ce moment,
le gouvernement ne peut pas passer par-dessus la tête de la commission,
ne peut pas décréter une entente, l'organisme qui détient
les renseignements ne les communique pas et l'organisme qui a besoin des
renseignements va les chercher autrement.
M. Bertrand: Malgré le fait que la loi l'autorise à
obtenir ces renseignements qui sont requis pour l'application de sa loi?
M. Lalonde: Oui, tout ce qu'elle a, c'est le pouvoir d'aller
chercher des renseignements.
M. Bertrand: C'est l'impasse.
M. Lalonde: Ce n'est pas l'impasse.
M. Bertrand: Vous empêchez les lois d'être
opérantes.
M. Lalonde: Pas du tout. M. Bertrand: Oui.
M. Lalonde: Les organismes qui ont des renseignements sont
allés les chercher quelque part. Ces renseignements n'ont pas
été nécessairement communiqués par d'autres
organismes?
M. Bertrand: Non, ils sont peut-être communiqués par
les personnes concernées.
M. Lalonde: C'est cela, alors, on recommence et, si la
commission, dans sa sagesse et avec toute la connaissance qu'elle a de la loi
et des problèmes, décide que l'organisme détenteur n'a pas
le devoir de communiquer les renseignements, je pense que le gouvernement doit
respecter la décision de la commission. C'est la commission que vous
proposez vous-même de créer. Pourquoi lui passer par-dessus la
tête?
M. Bertrand: Non, ce qui n'est pas correct là-dedans,
c'est que vous donnez le pouvoir à la commission, a toutes fins utiles,
de dire au législateur que des lois ont été votées
par le législateur autorisant des organismes à faire un certain
nombre de choses, mais que le pouvoir requis pour l'application des lois
votées par le législateur n'est pas possible. C'est une
commission qui va décider cela.
M. Lalonde: Vous lisez mal votre propre loi. Votre propre
amendement dit ceci: Lorsque la loi autorise un organisme public à
communiquer, elle l'autorise à communiquer -elle ne l'oblige pas
à communiquer, elle autorise un renseignement nominatif à un
autre organisme sans le consentement de la personne concernée. La
communication s'effectue dans le cadre d'une entente écrite. (22 h
45)
Si les deux organismes qui ont pour mission de recueillir des
renseignements ne peuvent pas s'entendre et si, au-delà de cette
mésentente, la commission qui a pour mission de voir à ce que ce
soit possible qu'il y ait une entente décide qu'il ne peut pas y en
avoir, je ne vois pas par quelle sagesse infuse, je dirais, le gouvernement va
forcer une entente. À ce moment, l'organisme qui n'a pas ces
renseignements, qui ne peut pas les obtenir de l'organisme détenteur des
renseignements, va aller les chercher ailleurs. C'est tout. Mais l'essence,
l'esprit de la loi, c'est de réduire au minimum la communication des
renseignements. Il faut franchir deux étapes. La première, c'est
une entente possible entre les deux organismes; or, il n'y en a pas. La
deuxième, c'est la commission qui décide s'il peut y en avoir une
et elle décide s'il ne peut pas y en avoir une. Je ne vois pas comment
le gouvernement pourrait dire: Tout le monde n'a pas été capable
de s'entendre, mais moi, je vais leur dire de s'entendre. Non, je ne vois
pas.
M. Bertrand: C'est le rôle d'un gouvernement,
finalement...
M. Lalonde: D'avoir tort.
M. French: D'aller à rencontre de ces lois.
M. Bertrand: Non, c'est le rôle d'un gouvernement de
s'assurer qu'en vertu des lois existantes...
M. Lalonde: Vous viendrez devant l'Assemblée nationale
à ce moment et vous essaierez de faire voter une loi pour obliger
l'organisme à faire une entente. À ce moment, on pourra en
discuter devant le
peuple.
M. Bertrand: Mais la discussion est loin d'être
empêchée puisque l'article 69 prévoit toutes les
dispositions pour que le décret du gouvernement soit
déposé à l'Assemblée nationale, et même
l'avis de la commission.
M. Lalonde: Le dépôt à l'Assemblée
nationale'
M. Bertrand: Le dépôt à l'Assemblée
nationale. Vous avez...
M. Lalonde: C'est une information qui ne donne aucun pouvoir
à l'Assemblée nationale de se prononcer, vous le savez
très bien. C'est une information, c'est tout.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
M. Bertrand: Cela ne donne pas la possibilité à un
député à l'Assemblée nationale de poser toutes les
questions, pour savoir comment il se fait que le gouvernement a pris cette
décision?
M. Lalonde: Puis, après?
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je vois mal pourquoi la commission proposerait
à dessein quelque chose qui empêcherait les lois de s'appliquer,
à moins qu'elle n'ait des raisons très sérieuses de le
faire. À ce moment, la commission, vous lui reconnaissez une certaine
autorité morale, un certain jugement, enfin, légitime, et je ne
vois vraiment pas qu'elle s'exercerait délibérément
à empêcher que les lois s'appliquent, à moins qu'elle n'ait
des raisons extrêmement sérieuses.
M. Lalonde: N'ayez pas peur de prendre des initiatives qui
réduisent le pouvoir du lieutenant-gouverneur en conseil.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole.
M. Bertrand: Je reviens à la même question, M. le
Président. Si, effectivement, on accepte l'amendement du
député de Westmount, le gouvernement peut décréter
une entente pourvu que cette entente respecte intégralement l'avis de la
commission.
M. French: Si...
M. Bertrand: Si, à un moment donné, l'avis de la
commission est de ne pas autoriser l'entente qui pourtant devrait aller
d'elle-même, en vertu des lois existantes...
M. Lalonde: La commission, à ce moment, c'est une "gang"
de stupides. C'est cela?
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je vous redonnerai la parole après. M. le ministre va
terminer.
M. le ministre.
M. Bertrand: Je pose la question au député de
Westmount.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Westmount.
M. French: M. le Président, je ne pense pas qu'il est
probable qu'il y ait conflit entre organismes si la loi est aussi claire que le
prétend le ministre. Deuxièmement, je doute fort que la
commission va d'une façon aberrante opter pour un avis qui va à
l'encontre des lois et, finalement, dans la mesure où la commission fait
cela, ce n'est pas le législateur qui dit que les lois ne s'appliquent
pas, c'est à l'Exécutif de le dire. Et si l'Exécutif veut
par la suite proposer une clarification des lois applicables à
l'Assemblée nationale, il a tout le loisir de le faire.
M. Bertrand: Ce que je trouve extrêmement grave dans la
proposition que fait le député de Westmount, c'est qu'à
toutes fins utiles, on risque d'être placé dans des impasses
invraisemblables.
M. French: Combien de fois, M. le Président, le ministre
pense-t-il qu'il y aura des démarches poursuivies, jusqu'au
quatrième paragraphe de l'article 66? Combien de fois en cinq ans?
M. Bertrand: Probablement pas souvent.
M. French: Moi, je dirais une ou deux fois dans un mandat du
gouvernement, si les lois sont si ambiguës, si le conflit est si soutenu
qu'il faille se rendre jusqu'à la fin du processus visé à
66. Très rare. Je n'arrive pas d'ailleurs à comprendre
l'hésitation du ministre, qui a déjà
démontré beaucoup plus d'ouverture d'esprit sur des choses
beaucoup plus importantes que celles-là, comme les restrictions qu'on a
changées d'une façon fondamentale. On a nettement
amélioré le projet de loi dans ce domaine.
M. Bérubé: M. le Président, je vois le
député de Westmount...
Le Président (M. Gagnon): M. le président du
Conseil du trésor...
M. Bérubé: Oui, j'aimerais justement
vous demander si la commission m'accepterait comme membre, parce que
j'aurais aimé intervenir sur l'intervention du député de
Westmount, qui m'apparaît un peu déplacée. Et il
m'apparaît...
M. French: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
président du Conseil du trésor, vous n'êtes pas membre et
la commission refuse de vous accepter.
M. Bérubé: En êtes-vous absolument certain,
M. le Président? Est-ce que vous avez vérifié
auprès de...
M. Lalonde: Cela nous fait beaucoup de peine. Je me souviens d'un
certain débat où j'aurais voulu le faire.
M. Bérubé: M. le Président, il me semble
qu'il y a violation d'une tradition. Nous faisons toujours preuve d'une
très grande ouverture d'esprit face aux demandes de l'Opposition.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
président du Conseil du trésor, vous n'êtes pas non plus
intervenant.
M. Bérubé: M. le Président, j'aurais
beaucoup è dire et je suis convaincu que je pourrais amender le
député de Westmount à modifier son attitude.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. Je ne doute pas que
vous ayez beaucoup de choses à dire et les membres de la commission non
plus, mais, malheureusement, je suis obligé de vous enlever votre droit
de parole... c'est-à-dire que vous n'avez pas le droit de parole.
M. Bérubé: Vous ne feriez pas cela, M. le
Président?
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement. Je ne veux pas
être désagréable...
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: ... je trouve généralement gentil
le député...
M. Lalonde: II est comme le ministre des Finances, il est
amusant, mais il est cher.
Mme Lavoie-Roux: ... mais il n'a vraiment pas le droit de
parole.
Le Président (M. Gagnon): Non, il n'a pas le droit de
parole.
M. Lalonde: Avec toutes les coupures que vous avez faites au
Québec depuis quelque temps, on peut bien vous couper cela.
Mme Lavoie-Roux: Avec toutes les coupures que vous faites...
Le Président (M. Gagnon): Nous sommes plusieurs
présidents et, je vous le dis, M. le président du Conseil du
trésor, je regrette, mais vous n'avez pas le droit de parole.
M. Lalonde: Est-ce qu'on peut demander le vote?
M. French: S'il vous plaît! Cela fait plus d'une
demi-heure...
M. Lalonde: II me semble qu'un ministre est censé
comprendre rapidement et se décider aussi rapidement.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Lalonde: Un vote, M. le Président. M. Bertrand:
On n'a pas quorum.
M. Lalonde: À ce moment, on sort. Est-ce que vous invoquez
le quorum? Le gouvernement invoque le quoruml Vous n'avez pas été
capables d'avoir plus de deux membres? Où sont vos
députés? Nous avons trois membres sur quatre, nous.
Mme Lavoie-Roux: On nous a dit hier, M. le Président, que
le président compte pour le quorum, alors, nous sommes six.
Le Président (M. Gagnon): Je regrette. Le quorum est de
six, vous êtes trois.
Mme Lavoie-Roux: Avec vous, nous sommes six. Vous nous avez fait
le même...
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez, on va
s'entendre.
M. Lalonde: Est-ce que le député de Taschereau se
serait sauvé, par hasard?
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez, on va
s'entendre.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Taschereau s'est
sauvé? C'est une honte!
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!
M. Lalonde: Le gouvernement ne veut même pas étudier
sa loi, ce n'est pas possible!
Mme Lavoie-Roux: C'est une honte!
M. Lalonde: Le député de Taschereau est
irremplaçable, surtout quand vous êtes son remplaçant.
Le Président (M. Gagnon): Comme nous
n'avons pas quorum, est-ce que vous exigez le quorum?
M. Lalonde: J'exige le quorum ou on s'en va chez nous.
Mme Lavoie-Roux: Le vote. M. Bertrand: On votera.
M. Lalonde: Non, c'est le vote maintenant.
M. Bertrand: Vous ne voulez pas qu'on discute d'autres
articles?
M. Lalonde: On discutera après, quand on aura voté
celui-là. M. le Président, c'est la question, en fait...
J'espère qu'on ne me forcera pas à invoquer la question
préalable.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement, il y a plusieurs
questions de règlement. Vous avez soulevé la question du quorum.
Est-ce que vous maintenez qu'on n'a pas quorum?
M. Bertrand: II y a un article très clair de notre
règlement, M. le Président, qui dit_
Le Président (M. Gagnon): À ce moment, je suspends
les travaux. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Avant que vous...
Le Président (M. Gagnon): Je dois suspendre les travaux
tout simplement.
La commission des communications ajourne ses travaux jusqu'à
lundi, dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 07)