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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 20 avril 1983 - Vol. 27 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude de la réorganisation de la structure corporative et des projets de développement au Québec de Bell Canada


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente des communications commence ses travaux, ce matin. Le mandat de la commission est d'étudier la réorganisation de la structure corporative de Bell Canada et ses projets de développement au Québec.

Les membres de la commission aujourd'hui sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Bertrand (Vanier), M. Blais (Terrebonne), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. French (Westmount), M. LeMay (Gaspé), remplacé par M. Vaugeois (Trois-Rivières); M. Maciocia (Viger); M. O'Gallagher (Robert Baldwin) remplacé par M. Fortier (Outremont); M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplacé par M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges); M. Payne (Vachon), M. Proulx (Saint-Jean).

Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Charbonneau (Verchères), M. Dean (Prévost), M. Gratton (Gatineau), M. Kehoe (Chapleau), M. Rodrigue (Vimont), M. Sirros (Laurier).

Messieurs, est-ce que vous voulez nommer un rapporteur?

M. Bertrand: M. Payne, député de Vachon.

Le Président (M. Champagne): Cela va aller?

Des voix: Cela va.

Le Président (M. Champagne): D'accord. M. Payne sera le rapporteur. Voici l'ordre du jour du mercredi, 20 avril 1983: nous entendons, ce matin, Bell Canada, représentée par M. Albert-Jean de Grandpré, président du conseil d'administration de Bell Canada; M. Léonce Montambault, vice-président exécutif pour la région de Québec: M. Claude Duhamel, M. André Boutin et M. James Thackray.

M. Payne: Je voudrais qu'on remplace le député de Lac-Saint-Jean par le député d'Iberville.

Le Président (M. Champagne): Le député de Lac-Saint-Jean, M. Brassard, sera remplacé par le député Beauséjour (Iberville).

Cela va?

Peut-être des remarques préliminaires de la part du ministre, avant de commencer.

M. Bertrand: Une simple question de procédure, M. le Président. Pour faciliter le travail des représentants de Bell Canada qui sont avec nous, ce matin, et pour manifester concrètement une forme de rapprochement entre les parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec et les représentants de cette importante entreprise canadienne, j'aimerais que M. de Grandpré, M. Montambault et les personnes qui l'accompagnent qui ont l'intention de prendre la parole au cours de cette commission parlementaire puissent s'asseoir au bout de la table ici même et ainsi être plus près des tableaux qu'ils ont apportés. Je crois que cela faciliterait probablement nos communications.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, l'Opposition n'a, évidemment, pas d'objection à enregistrer face à cette proposition, bien que nous ne sentions pas, non plus, le besoin de nous rapprocher davantage de Bell Canada. Nous sommes déjà très rapprochés de Bell Canada.

M. Fortier: Par téléphone. M. French: C'est cela.

Le Président (M. Champagne): Alors, messieurs, il y a un consentement. Si vous voulez bien vous approcher ici autour de cette table.

M. Fortier: C'est une faveur qu'on ne fait même pas à Hydro-Québec.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Westmount, une question de procédure?

M. French: M. le Président, j'avais demandé hier à l'Assemblée nationale, avec l'indulgence du leader parlementaire du gouvernement quant à la procédure, si c'était possible de siéger ce soir et ce, aux fins de simplifier la tâche de nos invités et non pas de simplifier la tâche de l'Opposition. Le

ministre a pris note de la question. Je présume qu'il a maintenant une réponse, à savoir si on peut siéger de 20 heures à 22 heures ce soir.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Je suis tout à fait d'accord avec cette proposition qui m'est faite par l'Opposition et je sais que cela répond, d'ailleurs, aux désirs des représentants de Bell Canada. Tout en prenant tout le temps nécessaire pour que les parlementaires puissent poser les questions, je crois qu'ils préféreraient que nous prenions les deux heures et demie ou trois heures prévues vendredi matin et que nous les transportions ce soir. Alors, nous sommes tout à fait d'accord avec cette proposition.

Le Président (M. Champagne): Est-ce que vous siégez demain matin?

M. Bertrand: Oui, nous siégeons demain matin.

Le Président (M. Champagne): Demain matin, nous siégeons quand même?

M. Bertrand: Mais nous ne siégerions pas vendredi matin.

Le Président (M. Champagne): Vendredi matin. Alors, cela irait? Il y a un consentement à ce sujet?

M. French: Cela va.

Le Président (M. Champagne): Alors M. le ministre, des remarques préliminaires, peut-être, de votre part?

Remarques préliminaires M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, j'essaierai de faire des remarques préliminaires qui soient les plus brèves possible parce que nous ne disposerons même pas de dix heures pour discuter avec les dirigeants de Bell Canada, mais il m'apparaît tout de même important de situer cette commission parlementaire dans son contexte.

D'abord, je voudrais dire que c'est avec énormément de plaisir que je souhaite la plus cordiale des bienvenues aux dirigeants de Bell Canada, qui ont bien voulu venir participer aux travaux de cette commission parlementaire qui portera plus spécifiquement sur la réorganisation corporative projetée par la compagnie et aussi sur ses projets de développement au Québec.

Le 12 août 1982, quelque deux semaines après l'annonce du projet de réorganisation de la compagnie Bell Canada, j'ai reçu une lettre qui s'adressait au leader parlementaire du gouvernement dans laquelle les dirigeants de la compagnie demandaient à rencontrer les représentants de la population afin de discuter des activités de l'entreprise. C'est avec grand intérêt que j'ai accueilli cette ouverture des dirigeants et c'est sur cette lancée que, le 7 octobre dernier, lors d'une conférence de presse, je les invitais à venir discuter publiquement de leurs activités dans une commission parlementaire qui leur serait entièrement consacrée.

Je suis très heureux d'avoir misé sur cette ouverture des dirigeants de la compagnie, ouverture qui, je l'espère, apportera des engagements concrets de Bell Canada face à son développement au Québec. Il importe, avant d'entamer les travaux de cette commission, de présenter très rapidement le développement de la téléphonie sur le territoire québécois. En effet, combien de gens savent que le Québec a déjà compté plus de 250 compagnies de téléphone sur son territoire au milieu du siècle dernier? Combien sauraient dire qu'on n'en dénombre plus aujourd'hui que 19 qui, d'ailleurs, sont d'importance fort inégale? C'est bien là pourtant la réalité.

Ainsi, le développement de la téléphonie sur le territoire québécois s'est fait par un nombre très important de petites entreprises. Au fil des ans, plusieurs de ces entreprises furent achetées par des entreprises de taille supérieure. Ces transactions passées ont irrémédiablement façonné la réalité d'aujourd'hui qui se caractérise par le fait que la quasi-totalité des immobilisations dans le secteur de la téléphonie sont maintenant accaparées par trois grandes entreprises: Bell Canada: 88%, Québec-Téléphone: 7%, et Télébec, filiale entière de Bell Canada: 4%. À la lumière de ces données, nous sommes à même de constater que Bell Canada fut la compagnie qui réalisa le plus grand nombre d'acquisitions au cours de ces années. La résultante de ces transactions corporatives, en termes juridiques, fut d'éroder progressivement la juridiction provinciale sur ce secteur en faveur du gouvernement fédéral, puisque Bell Canada relève de cette juridiction.

La situation serait sans doute encore pire aujourd'hui si, face à cette évolution et devant l'importance grandissante que revêtaient les communications dans notre organisation sociale et économique, le gouvernement, au milieu des années soixante, n'était intervenu en refusant que les entreprises sous sa juridiction ne soient acquises par Bell Canada. Ce geste du gouvernement fut suivi - faut-il le dire - par une réflexion en profondeur sur le rôle et l'état des communications au Québec. Cette réflexion fut l'amorce d'une volonté du gouvernement, depuis lors jamais éteinte, d'être le responsable du développement des

communications au Québec.

La publication, en 1973, du livre Québec, maître d'oeuvre de la politique des communications sur son territoire articula cette volonté du Québec d'exercer, dans le secteur de la téléphonie, sa juridiction globale et entière. Cet énoncé de politique fut repris dans le livre blanc sur le développement culturel et, de nouveau, le gouvernement réitéra sa volonté d'exercer sa juridiction sur les moyens de communication afin de maximiser ainsi l'épanouissement de sa collectivité, en particulier, bien sûr, sur le plan économique.

Quant à moi, je veux être clair et dissiper tout doute possible. Un éventuel transfert de la compétence de cette société d'Ottawa à Québec, si une telle hypothèse devait se réaliser, pourrait recevoir mon appui. Toutefois, cette hypothèse devra contribuer au développement du Québec sur les plans social, culturel et économique. L'abonné du service téléphonique, ainsi que toute la collectivité québécoise devront y trouver profit directement ou indirectement.

L'année qui vient est particulièrement propice au déroulement de ce débat. En effet, de plus en plus, les spécialistes reconnaissent l'importance croissante des communications comme secteur économique. Les prospectivistes nous prédisent que ce secteur d'activité, en particulier dans le secteur des télécommunications, aura un effet structurant majeur sur le reste de l'économie dans l'avenir. Certains nous disent même que nous sommes au seuil d'une troisième révolution industrielle qui aura une ampleur sans précédent. Cette révolution s'articulera précisément autour du secteur des communications et des nouvelles technologies qui s'y rattachent.

L'importance du changement en cours, le gouvernement l'a clairement saisie. En effet, différents documents sont venus camper la problématique et les vastes objectifs que le gouvernement du Québec devrait poursuivre. Pensons ici à l'énoncé de politique économique 1982-1986, intitulé Le virage technologique, pensons au document produit pour le ministère des Communications intitulé Bâtir l'avenir qui dresse le portrait de la recherche et du développement dans le secteur des communications au Québec.

De plus, en cette Année mondiale des communications, le ministère, en vue d'échafauder une politique nationale des communications, mènera une vaste consultation auprès de différents intervenants du milieu pendant tout l'année. Le point de convergence de cette consultation sera un sommet économique sur les communications qui se tiendra l'automne prochain. Je tiens, d'ailleurs, à signaler la présence active de Bell Canada à la préparation de ce sommet sur les communications.

Comme nous le constatons, cette année sera riche en échanges de toutes sortes. Sans vouloir présumer du résultat de ces échanges, il ne fait aucun doute dans mon esprit que tous reconnaîtront le rôle majeur qu'ont joué et que joueront les télécommunications dans le développement économique et, plus particulièrement, dans l'épanouissement d'activités diverses, telles la recherche et le développement, ainsi que la fabrication.

Au Québec, compte tenu de la place relative qu'elle occupe dans le secteur des télécommunications, c'est la compagnie Bell Canada qui a principalement assumé ce rôle de développement. Le groupe de Bell Canada, qui rassemble plus de 80 entreprises, représente le quatrième groupe en importance au Canada, avec des actifs de plus de 12 000 000 000 $. Les revenus de 7 400 000 000 $ réalisés en 1981 le situaient au 7e rang canadien, tandis que les bénéfices nets de 550 000 000 $ le plaçaient au 2e rang. L'entreprise est à la fois le plus important fournisseur de services d'équipement de télécommunication au Canada. Ce niveau d'activité découle d'un groupe industriel qui a réalisé une intégration verticale de ces activités - d'ailleurs, acceptée par la Commission fédérale sur les pratiques - tout en diversifiant progressivement ses activités au cours des ans avec comme résultat une croissance remarquable au niveau du développement de cette entreprise.

Les activités des entreprises du groupe Bell se répartissent essentiellement en quatre grands secteurs d'activité, plus ou moins reliés au monde des communications. Premièrement, la fourniture de services de télécommunication; deuxièmement, la fabrication d'équipements de télécommunication et de bureautique; troisièmement, la recherche et le développement; quatrièmement, les autres activités qui incluent, entre autres, les services d'experts-conseils, la vente et l'impression des annuaires et la vente d'équipements terminaux.

Les services de télécommunication sont principalement le fait de la société mère, soit Bell Canada, qui dessert 95% des téléphones du Québec et de l'Ontario, en plus d'offrir ses services dans les Territoires du Nord-Ouest. Le domaine de la fabrication relève de Northern Telecom qui appartient présentement à 55,1% à Bell Canada. Cette entreprise, avec des ventes de 2 531 000 000 $ en 1981, occupait le deuxième rang des fabricants nord-américains. À ce duo, on peut ajouter la société les Recherches Bell-Northern appartenant en copropriété à Bell Canada et à Northern Telecom Limitée, qui représente le plus grand organisme de recherche et de développement au Canada.

Le groupe Bell Canada exploite 10 000 000 de téléphones, soit approxi-

mativement 60% des appareils en service au pays. Cette activité a engendré plus de 4 000 000 000 $ de revenus en 1981.

Le territoire du Québec apporte une contribution importante aux revenus de Bell Canada dans le domaine des télécommunications, puisqu'il compte pour 35% de ceux-ci. En fait, Bell exploite près de 90% des terminaux du Québec et ce, sur 52% du territoire organisé. Ainsi, Bell est une entreprise choyée dans le secteur des télécommunications au Québec, dans la mesure où elle dessert presque exclusivement les régions urbaines, donc les plus lucratives. Par exemple, dans 43 municipalités de plus de 15 000 téléphones, Bell en revendiquait 41 en 1980.

Concernant le siège social, on remarque un déplacement de certaines de ses activités qui sont passées de Montréal à la région Hull-Ottawa, notamment la réglementation, le groupe de communications informatiques et les activités reliées au réseau téléphonique transcanadien.

Les activités de fabrication du groupe relèvent de Northern Telecom. Parmi les produits fabriqués et vendus par cette dernière, se retrouve la gamme complète d'équipements de télécommunication auxquels s'ajoutent depuis quelques années des équipements électroniques de bureau. On évalue à 70% environ la part du marché canadien et québécois des équipements de télécommunication qu'accapare Northern Telecom. D'une entreprise concentrée au Canada au début des années soixante, Northern Telecom est devenue une multinationale qui exploite 42 usines de fabrication répartie dans six pays différents, mais concentrées surtout au Canada et aux États-Unis qui sont ses principaux marchés. Elle a vu ses revenus d'exploitation se multiplier par plus de quatre de 1970 à 1981.

Parmi les principales filiales de Northern Telecom, signalons Northern Telecom Canada, responsable des activités canadiennes, Northern Telecom Inc., pour ses activités aux États-Unis et Northern Telecom International, pour ses activités à l'extérieur de l'Amérique du Nord, sans oublier les Recherches Bell-Northern.

Face à l'histoire à succès que constitue Northern Telecom, on ne peut passer sous silence l'apport considérable joué par Bell Canada, donc par le marché québécois dans une moindre mesure, dans cette croissance spectaculaire.

Môme si proportionnellement les achats de Bell Canada auprès de Northern Telecom ont décru, il demeure le client le plus important. En effet, de 57% qu'il était en 1960, le ratio des achats de Bell auprès de Northern est passé à 33%. Une autre façon de faire ressortir le niveau élevé d'intégration verticale entre les deux entreprises est d'analyser la part des achats de Bell Canada en biens d'équipements de télécommunication qui va à Northern Telecom Ltée. Ce ratio est passé de 86% à 81% en 1981.

Présentement, Northern Telecom exploite six usines de fabrication au Québec j'ai eu le privilège d'en visiter une récemment - en plus de maintenir un atelier de réparation, ce qui en fait le neuvième plus important employeur dans le secteur manufacturier au Québec. Malgré ces faits, il faut noter que l'expansion de l'entreprise s'est accompagnée d'une dispersion des activités de fabrication en faveur d'autres régions.

En termes d'emplois, cela signifie qu'au début des années soixante le Québec accaparait la majorité des emplois de Northern Telecom, alors qu'en 1980 il n'en obtenait plus que 20%. À la décharge de la compagnie, il faut signaler que si, en 1971, le Québec représentait 26% des ventes de la compagnie, en 1981, ce pourcentage n'était plus de 13,3%.

En terminant, on peut signaler que le siège social de la compagnie, qui était localisé à Montréal, a été progressivement déplacé vers l'Ontario au cours des dernières années.

Le groupe Bell Canada a accordé depuis quelques années une attention prioritaire - je les comprends - à la recherche et au développement, faisant passer les dépenses du groupe pour cette activité de 27 000 000 $ en 1966 à 256 300 000 $ en 1981. Cette importance accordée à la recherche explique l'existence d'une filiale, les Recherches Bell-Northern, dédiée à cette activité. RBN effectue de la recherche à la fois pour Bell Canada et pour Northern Telecom qui en sont les propriétaires à 30% et 70% respectivement. Ce sont ces entreprises qui fournissent à Recherches Bell-Northern la quasi-totalité de ses revenus d'exploitation à même leur budget de recherche et développement qui n'est pas dépensé à l'intérieur de ces entreprises.

L'efficacité des Recherches Bell-Northern est une des raisons qui expliquent la croissance remarquable de Northern Telecom au cours des dernières années, car elle lui a permis d'introduire continuellement de nouveaux produits. À titre d'exemple, en 1970, les produits de sa propre conception ne comptaient que pour 10% de sa fabrication; en 1980, ce ratio se situait à 82%.

Le Québec a toujours fait figure de parent pauvre dans les activités de recherche et de développement du groupe Bell Canada. De 1970 à 1981 le nombre d'employés du groupe Bell Canada oeuvrant dans le domaine de la recherche au Québec est passé de 250 à 570, soit à peine le double, alors que le budget de dépenses totales du groupe, lui, passait de 38 000 000 $ à 256 000 000 $,

soit presque sept fois plus.

Dans le cas plus spécifique des Recherches Bell-Northern, le Québec ne pouvait revendiquer en 1978 qu'environ 5% des activités canadiennes de Recherches Bell-Northern mesurées en termes de budget ou d'employés. Ainsi, en août 1981, on comptait 2840 employés au Canada. Ottawa récoltait la plus grosse part du gâteau avec 2084 personnes contre 106 pour Montréal. Depuis lors, on a construit un nouveau laboratoire à Edmonton dont la surface de plancher est de plus d'une fois et demie celle de Montréal, environ 60 000 pieds carrés contre 38 000, et surtout on a annoncé la construction pour 1984 d'un nouveau laboratoire à Ottawa dont la superficie serait de 375 000 pieds carrés. Ces ajouts laisseront la part du Québec à un peu plus de 3% du total canadien.

Ainsi, le Québec se retrouve dans une situation particulière face à Bell Canada. Premièrement, le Québec n'a pas la juridiction sur l'ensemble du secteur de la téléphonie sur son territoire et doit se contenter de réglementer 12% des téléphones en service. Deuxièmement, les retombées économiques de l'activité du groupe Bell qui profitent au Québec ont connu un glissement progressif en faveur d'autres régions, notamment l'Ontario, tant pour les sièges sociaux que pour les activités de fabrication ou de recherche et développement. À cette problématique, il faut ajouter le projet de réorganisation corporative du groupe Bell Canada qui vise à créer une nouvelle société mère appelée Entreprises Bell Canada. Rappelons que, selon le projet de Bell, cette nouvelle entreprise est essentiellement une société de portefeuille qui contrôlerait l'ensemble du groupe, dont le nouveau Bell Canada amputé de la majeure partie de son portefeuille en faveur de la nouvelle société mère. Ce sera donc, d'après ce projet, Entreprises Bell Canada qui deviendra la charnière entre les actionnaires et le groupe Bell.

Les travaux de cette commission parlementaire devraient nous amener à obtenir des éclaircissements sur deux ordres de questions. Premièrement, nous devrions être en mesure de cerner toute la complexité de la réorganisation projetée et, surtout, d'en mesurer les effets sur les abonnés et sur l'économie québécoise en général. Deuxièmement, nous chercherons à évaluer jusqu'à quel point la présence de Bell au Québec a été, est et continuera, je l'espère, d'être bénéfique pour l'économie du Québec et ses citoyens.

J'ose espérer, M. le Président, que les travaux de cette commission se dérouleront sous le sceau de la sérénité la plus complète. En effet, l'importance des questions à l'étude commande un climat calme, sérieux et objectif qui privilégiera, j'en suis sûr, des échanges fructueux avec les dirigeants de Bell Canada, que je remercie, d'ailleurs, à l'avance pour la collaboration dont ils sauront faire preuve.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Westmount, vous avez des commentaires?

M. Richard French

M. French: Merci, M. le Président. L'Opposition est extrêmement heureuse également d'avoir l'occasion d'accueillir la compagnie Bell Canada et le président de son conseil de direction M. Jean de Grandpré. Ce n'est que rarement que nous avons l'occasion d'avoir parmi nous des gens aussi expérimentés en affaires et surtout aussi expérimentés dans un secteur clé des technologies de pointe. Nous espérons donc profiter de l'occasion pour en apprendre autant que possible sur les défis économiques et technologiques des années quatre-vingt. (10 h 30)

L'opération qui s'est amorcée avec l'échange entre le ministre et Bell Canada ii y a quelques mois et qui a abouti à la séance d'aujourd'hui nous semble soulever trois questions. Premièrement, bien sûr, la compétence québécoise sur les services téléphoniques à l'intérieur des frontières provinciales est-elle souhaitable? Je me doute fort que nous allons en discuter en détail. Il faudrait, quand même, reconnaître que, sous-jacente à la présence de Bell Canada ici, il y a sûrement cette question de fond. Voilà une question qui, comme le ministre ne se lasse pas de le répéter, fait l'unanimité à l'Assemblée nationale et cela, depuis des années. Effectivement, il s'agit d'un des éléments de la prise de position traditionnelle de tous les gouvernements récents dans le domaine des communications et le Parti libéral du Québec a affirmé dans son livre beige sur la réforme constitutionnelle qu'il croit toujours que les provinces doivent avoir ces compétences. Mais le Parti libéral n'est pas, pour autant, obligé d'endosser les tactiques souvent infructueuses du gouvernement actuel dans la poursuite des juridictions qu'il revendique.

D'ailleurs, le ministère nous a dit, aussi récemment que lors de l'étude des crédits qui a eu lieu dans cette salle-ci hier, que sa tactique est l'"occupation du terrain" en ce qui a trait aux revendications d'ordre constitutionnel. Mais, encore faut-il, M. le Président, que le gouvernement choisisse le bon terrain à occuper. Il ne faudrait pas que l'indécision et l'incompétence manifestées dans le dossier de la télévision payante au Québec se répètent. Cet exercice s'est soldé par un gouvernement québécois, maintenant maître suprême d'un espace vide, alors que la vraie action dans le dossier se poursuit entièrement sur un autre terrain.

Pour ce qui est de la réorganisation corporative de Bell Canada et compte tenu de la décision rendue cette semaine par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, c'est à se demander si le gouvernement du Québec ne s'apprête pas à nous livrer un autre coup de théâtre encore lamentablement à côté des vrais enjeux. On verra.

C'est sûrement le ministère des Communications du Québec, dans un document que lui-même s'apprête à rendre public la semaine prochaine et qui a fait le sujet d'une fuite, qui résume le mieux la situation: "C'est le débat sur l'architecture conflictuelle des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement qui a pris le haut du pavé au cours des dix dernières années. C'est la partie la plus visible, la plus spectaculaire et peut-être aussi la plus stérile du vaste dossier des communications dont l'aspect contentieux a fait les manchettes." Et on ne peut qu'espérer, contre toute attente d'ailleurs, que le gouvernement comprenne le mot "stérile", puisqu'il résume parfaitement sa stragégie de négociation constitutionnelle.

Passons à la deuxième question importante: La compétence québécoise sur les services téléphoniques à l'intérieur de la province est-elle faisable, compte tenu des développements économiques et technologiques des années quatre-vingt? J'ai fort apprécié que le ministre, dans ses remarques préliminaires, ait fait état de ses préoccupations quant à toute une gamme de considérations qui doivent peser dans la balance alors qu'on prend une telle décision. Le constat no 1 dans ce dossier est que, comme le dirait notre ministre des Finances, qui nous est si cher à ce temps-ci de l'année, les Québécois ne se battent pas dans les autobus à savoir lequel de leurs gouvernements va réglementer leur service téléphonique.

Il s'agit donc d'évaluer de façon très serrée le coût aux abonnés d'un transfert de juridiction, ainsi que toutes les autres implications. Là-dessus, l'étude Tamec que le ministre a, quelque peu tardivement aux yeux de l'Opposition, décidé de rendre publique récemment est assez claire. Les tarifs monteraient, semble-t-il, de façon significative dans une éventuelle compagnie québécoise de service téléphonique. Force nous est de constater qu'il y a là un défi de taille pour n'importe quel gouvernement. Il semble exister actuellement, à toutes fins utiles, une subvention informelle Ontario-Québec qui joue nettement en faveur des Québécois. Ce serait curieux qu'un gouvernement, qui se plaît à trouver toutes les structures nationales qui jouent, semble-t-il, contre le Québec, veuille bousculer radicalement une structure qui semble jouer pour le bénéfice des Québécois aussi nettement que le rapport Tamec semble le faire ressortir. Le fardeau de la preuve repose sur celui qui veut changer cet état de choses.

La troisième question - M. le Président, je vous avoue qu'elle est, pour l'Opposition, la plus importante et de loin - n'a strictement rien à faire avec la revendication des compétences ou la tarification des abonnés, strictement rien à faire avec l'amour-propre du ministre, avec l'orgueil du gouvernement, avec les revendications continuelles contre le fédéralisme et le système actuel de partage de juridictions. La question clé est la suivante: Comment se fait-il que les entreprises de secteurs de pointe ne veulent pas investir au Québec? Comment se fait-il que les entreprises de secteurs de pointe ne choisissent pas d'établir leurs laboratoires, leurs installations de recherche et de développement au Québec?

D'aucuns pourraient imaginer qu'aujourd'hui c'est la compagnie Bell Canada qui se trouve, en quelque sorte, sur la sellette, mais ce serait mal comprendre les vrais enjeux du développement technologique d'aujourd'hui. Ce qui est en cause, aujourd'hui, c'est la compréhension de la prise de décision au sein des corporations à haut degré technologique. C'est la reconnaissance que le développement économique ne saurait se faire par règlements et par revendications. Encore une fois, à moins qu'il ne fasse attention, le gouvernement du Québec risque d'occuper le mauvais terrain. C'est donc la totalité de son approche face aux industries technologiques qui est en cause aujourd'hui. Tamec résume bien cette situation à la page 72 de son rapport sommaire lorsqu'on dit: La réglementation n'a pas perdu tout son pouvoir, "mais le bâton dont dispose l'État et l'organisme de réglementation a été réduit à des proportions qui sont, à notre avis, déjà modestes et qui continueront de décroître." Ceci a été écrit avant le succès quelque peu mitigé d'une réglementation québécoise dans le domaine de la télévision payante.

La question qui se pose à nous aujourd'hui est la suivante: Le gouvernement du Québec va-t-il continuer à faire face à la problématique économique et technologique des années quatre-vingt avec une mentalité vétuste issue des années soixante-dix?

Le Président (M. Champagne): Merci. Maintenant, la parole est à nos invités, la compagnie Bell Canada. Je demanderais au président du conseil d'administration de Bell Canada, M. Albert-Jean de Grandpré, de présenter les personnes qui l'accompagnent et, ensuite, de faire lecture de son mémoire.

M. de Grandpré.

Audition des représentants de Bell Canada

M. de Grandpré (Albert-Jean): Merci, M. le Président.

M. le Président et MM. les membres de la commission, qu'il me soit permis, d'abord, de présenter ceux qui sont avec moi. M. Léonce Montambault, vice-présicent exécutif pour la région du Québec, et M. Claude Beauregard qui verra à ce nous ayons les bons documents au bon moment. A l'arrière, M. Claude Duhamel qui est un des vice-présidents de la compagnie, M. Claude Saint-Onge qui est en charge du réseau, M. Jean Monty qui est en charge du service des abonnés. Je voudrais également noter la présence de M. Paul Hurtubise, qui est le président de Télébec. Il y a, évidemment, d'autres employés de la compagnie qui sont ici, mais ceux-ci sont les principaux collaborateurs qui sont avec moi aujourd'hui.

Mon exposé sera peut-être un peu répétitif après ce que le ministre a dit, mais je voudrais le replacer dans un contexte de 1982 plutôt que dans un contexte de 1981 ou d'auparavant. Avant de commencer, je voudrais vous remercier de l'invitation qui m'a été faite. Je l'ai acceptée avec plaisir quand elle m'a été transmise avec les délais que le ministre a notés, délais qui ont été le résultat de toute une série de circonstances, puisqu'il était difficile pour nous d'être à la fois devant la Cour supérieure, devant la Cour d'appel, devant la commission de la radio et de la télévision et devant votre commission à peu près au même moment. Comme la Cour d'appel a rendu sa décision en notre faveur, comme le CRTC a également publié son rapport lundi dernier, je pense que la chronologie des événements nous a donné raison d'attendre à aujourd'hui, puisque le dialogue sera beaucoup plus facile.

Avant de parler de la réorganisation, je voudrais faire un tour d'horizon sur la présence québécoise du groupe Bell Canada en 1982 et indiquer que les revenus d'exploitation sont de l'ordre de 2 100 000 000 $ au Québec, que nous avons 30 045 employés ici au Québec et que les salaires payés à ces employés et à tout le personnel sont de l'ordre de 835 000 000 $. En 1982, comme vous le voyez, nous avons acheté ici 800 000 000 $ d'équipement ou d'accessoires ou d'immeubles et achats de toutes sortes. Nous avons également payé en taxes et impôts 375 000 000 $, ce qui comprend à la fois les taxes fédérales, provinciales et municipales. Comme vous le voyez la présence du groupe au titre du personnel, soit 30 045 employés en 1982 nous place au premier rang comme employeur après l'État. Si vous vouliez détailler les achats de 800 000 000 $, vous verriez qu'il y a 353 000 000 $ d'achats par Bell chez Northern, il y a 206 000 000 $ d'achats par Bell chez d'autres fournisseurs que Northern et environ 123 000 000 $ de Northern chez divers fournisseurs à travers la province.

Maintenant, si on rétrécit notre champ de vision et qu'au lieu de regarder la présence québécoise du groupe Bell Canada, groupe qui, comme l'a fait remarquer le ministre tantôt, représente la compagnie de télécommunication, la compagnie de fabrication, les recherches et la fabrication, distribution et compilation de livres de téléphone, nous regardons seulement la présence de Bell Canada, nous nous rendons compte qu'au point de vue des revenus d'exploitation le Québec représente 34% des revenus globaux de Bell Canada qui sont de l'ordre de 4 400 000 000 $. Cela veut dire que nous recevons du Québec en termes de revenus à peu près 1 490 000 000 $. Quant aux achats de Bell Canada, sur un total de 1 400 000 000 $, nous en achetons 559 000 000 $ au Québec, soit 40%. (10 h 45)

Je voudrais vous faire remarquer tout de suite que le pourcentage qui doit être, à mon avis, retenu comme point de repère pour évaluer si la présence de Bell au Québec est représentative par rapport aux revenus qui sont reçus du Québec par Bell, c'est 34%. Donc, les achats étant de 40%, ils dépassent d'une façon importante le pourcentage des revenus d'exploitation. Quant aux dépenses en capitalisation qui, en 1982, se sont chiffrées à 1 400 000 000 $, nous en avons dépensé 567 000 000 $ au Québec, à savoir, encore une fois, 40%, soit six points de pourcentage de plus que la base des revenus.

Maintenant, si nous regardons le personnel, nous avions, en 1982, 55 761 employés à Bell Canada et le Québec représentait 39% de ce groupe, soit 21 675 employés.

Au point de vue fiscal, nous avons payé en taxes et en impôts, en 1982, un total de 800 000 000 $ et le Québec en a reçu 38%, soit 300 000 000 $. J'ai exclu des taxes de 300 000 000 $ les 114 000 000 $ de taxes que nous percevons par le truchement de la compagnie, mais comme percepteur d'impôt, si vous voulez, pour le gouvernement en ce qui a trait à la taxe sur les télécommunications; un montant de 114 000 000 $.

Les achats qui s'élevaient, comme je l'ai noté tantôt, à 559 000 000 $, représentent 350 000 000 $ chez Northern.

Maintenant laissant de côté Bell Canada, mais concentrant notre attention sur Northern Telecom, nous voyons que le chiffre d'affaires de Northern Telecom Canada - je parle de Northern Telecom Canada et non pas de Northern Telecom sur une base consolidée et ce sont les chiffres de 1982 -était de 1 200 000 000 $ et que le chiffre d'affaires de Northern Telecom Canada, au Québec, était de 380 000 000 $, soit environ

32% du chiffre d'affaires de Northern au Canada.

La valeur commerciale de la production était de 1 159 000 000 $ et cette valeur commerciale, pour le Québec, représentait environ 50%, soit 578 000 000 $. Lorsque vous regardez sur la carte, si vous voulez, de droite qui réfère aux achats de 473 000 000 $, vous voyez un total de 123 000 000 $ représentant les achats de Northern au Québec, soit 26% seulement de ses activités totales. La raison de cette différence en 1982, c'est que nous avons eu à subir une grève d'un de nos fournisseurs en cuivre. Si le fournisseur en cuivre n'avait pas été en grève à ce moment, le pourcentage d'achats au Québec aurait été d'environ 35%, soit légèrement supérieur de 32% au chiffre d'affaires dans le Québec.

Quant au personnel, sur un total de 15 369 employés de Northern Telecom Canada toujours, nous en avons 38% au Québec, soit 5800; et, sur les 5800 qui travaillent au Québec, vous voyez qu'il y a un astérisque qui indique qu'environ 2000 de ces employés sont impliqués dans des activités d'exportation, soit l'exportation de composantes ou de produits finis.

Regardant maintenant la partie inférieure du tableau, quant aux taxes et impôts, Northern a payé 150 000 000 $ d'impôts au total: 55 000 000 $ au Québec, soit environ 37% du montant global d'impôts payé par Northern au Canada. Ce montant est réparti à 22% pour le fédéral et à 15% pour les taxes provinciales et municipales. Maintenant, laissant de côté Northern Telecom Canada, mais me plaçant surtout sur le plan de Northern Telecom International et Northern Telecom États-Unis, à savoir les trois grandes divisions de Northern Telecom, le chiffre d'affaires total en 1982 était d'environ 3 000 000 000 $, soit 2 986 000 000 $ pour être exact. La part du Québec, 380 000 000 $, qu'on retrouve dans la partie supérieure de la carte. Si, au lieu de faire la relation entre Northern Telecom Canada, on fait plutôt la relation entre Northern Telecom Ltée., et la compagnie consolidée, on se rend compte que le chiffre d'affaires au Québec est d'environ 12,7%.

Quant à la recherche et au développement, nous avons au Québec 134 employés à l'île des Soeurs, dont 46 employés qui sont à l'INRS-Télécom-munications. Nous avons également un total de 525 employés qui s'occupent de recherche et de développement au Québec au cours de l'année 1982, et de ce total de la recherche de 340 000 000 $ environ, nous en dépensons 37 000 000 $ au Québec, soit 11% par rapport à 12,7% qui est le montant global des affaires de Northern Telecom. Je veux souligner ceci parce qu'à mon sens il est d'importance capitale de retenir que le pourcentage général du Québec par rapport au total des activités de Northern Telecom est de 12,7% et que, quand on regarde la recherche, nous sommes à 11%, ce qui ne nous place pas sur une base tellement déficitaire.

Ayant maintenant regardé quelle était la présence et l'importance du groupe Bell, de Bell Canada et de Northern, je voudrais dire quelques mots seulement sur l'importance de la capitalisation de Bell et sur l'importance du nombre d'actionnaires que Bell représente au pays. Nous avons environ 300 000 actionnaires qui détiennent à peu près 190 000 000 $ d'actions et le pourcentage du Québec est d'environ 15% sur la capitalisation totale de l'entreprise. Le pourcentage varie d'année en année et se maintient toujours à environ 7% à 8% pour les actionnaires qui désirent recevoir les rapports et les communications de la compagnie en langue française, ce qui me laisse croire que cela représente à peu près le chiffre de 7% à 8% qui seraient des actionnaires d'expression française.

Maintenant, l'an dernier, à peu près à ce moment-ci, j'annonçais à l'assemblée annuelle de la compagnie que Bell Canada avait été prorogée en vertu de la Loi sur les entreprises canadiennes, premier pas dans une restructuration dont nous ferons le tracé ensemble, si vous le voulez bien. Le 23 juin 1982, nous annoncions une restructuration qui créait les Entreprises Bell Canada et qui faisait de Bell Canada une filiale à part entière des Entreprises Bell Canada.

Les raisons qui nous avaient poussés, à ce moment, à restructurer l'entreprise étaient de trois ordres. Premièrement, nous devions faire face à une concurrence qui allait grandissante puisque la commission de la radio et de télévision nous avait imposé ou avait ordonné, si vous le voulez, qu'une concurrence ait lieu dans le domaine des terminaux, que ce soit les standards téléphoniques ou que ce soit les téléphones ordinaires, ce qui nous amenait, évidemment, à être en concurrence avec les géants du monde sur notre propre terrain. Et quand je parle de géants mondiaux, je parle de Western Electric, de Siemens, en Allemagne, de Ericsson en Suède, de Nippon Electric au Japon, et de AT&T aux Etats-Unis. Nous faisions face à une concurrence internationale qui n'avait pas les restrictions et les contraintes auxquelles nous devions faire face puisque la compagnie qui était la compagnie mère et qui était à la fois la compagnie de télécommunications était réglementée par le CRTC.

La deuxième raison pour laquelle nous voulions faire cette restructuration, c'est qu'à notre bureau - je parle des gestionnaires principaux de l'entreprise, de mes collaborateurs immédiats, le président et les vice-présidents exécutifs qui sont, sans qu'on

les appelle comme cela, le bureau du président du conseil - nous avions à faire face non seulement à des décisions qui nous appelaient à exploiter notre système de télécommunications d'une façon aussi efficace que possible, mais nous devions également et plus particulièrement à ce niveau prendre des décisions qui avaient des implications sur l'entreprise générale, à savoir sur toutes les composantes auxquelles je ferai allusion un peu plus tard, à telle enseigne que, pendant une période d'environ deux ans et demi, de 1980 à 1982, j'étais à la fois le président du conseil et le chef de la direction de Bell Canada, mais j'étais également président du conseil de Northern Telecom. C'est, évidemment, un fardeau que je ne pouvais continuer à assumer d'une façon indéfinie. L'an dernier, M. Light est devenu président du conseil et chef de la direction et M. Fitzgerald est devenu président de Northern Telecom et je suis revenu à mes anciennes fonctions, qui étaient celles d'être le chef de la direction à la fois de l'entreprise d'exploitation et de l'entreprise de portefeuille qu'était Bell Canada. Dans notre perspective, cela nous donnait un meilleur contrôle sur les exploitations de télécommunications qui vont après la réorganisation être exclusivement la responsabilité de Bell Canada, alors que toute la coordination de l'entreprise en général reposera sur les épaules des Entreprises Bell Canada.

Le troisième volet est que la réglementation était devenue très complexe, puisque tous les investissements étaient faits par l'entreprise réglementée. Cela voulait dire que Bell Canada était l'investisseur dans une foule d'entreprises d'exploitation qui n'avaient rien à voir du tout avec l'offre de services de télécommunications dans le Québec, l'Ontario et dans les Territoires du Nord-Ouest. Par exemple, nous avions le contrat pour publier, distribuer et coordonner les annuaires téléphoniques au New Jersey, nous avions le contrat pour faire la même chose sur à peu près 40% du territoire de l'Australie, nous avions également le contrat en Arabie Saoudite, je ne parle pas du contrat principal, mais du contrat pour les annuaires téléphoniques. (11 heures)

Tout ceci se faisait par des investissements qui étaient filtrés par Bell Canada et cela rendait la charge de la commission de réglementation très difficile, avec le résultat qu'on était souvent obligé d'interposer toutes sortes de théories pour isoler les abonnés des risques additionnels que nous avions nécessairement pris lorsque nous nous étions rendus sur les territoires étrangers, soit comme consultants, comme fabricants, ou comme producteurs de bottins téléphoniques ou, par exemple, quand nous étions impliqués dans du "packaging" pour des compagnies qui offrent des produits de consommation.

Pour tenter de rationaliser leurs positions, les offices de réglementation ont pris des attitudes telles qu'on imputait, dès la première année, un rendement qui devait être supérieur au rendement sur le capital-actions de l'entreprise de télécommunications, un taux de rendement qui était de 1 point de plus que le rendement sur les activités réglementées. Le résultat de cela, c'est que, par exemple, lorsque nous avions investi 100 000 000 $ dans Northern Telecom dans les années quatre-vingt, nous étions présumés avoir gagné au comptant 15 1/2% sur notre investissement de Northern. Je ne sache pas qu'il y ait un seul investissement qui puisse vous donner un rendement de 15 1/2% comptant, la première année; le rendement peut être de 15 1/2%, mais vous ne le recevrez pas en dividendes la première année. Alors, cela créait toute une série de complications au point de vue de la réglementation et c'est ce qui nous a amenés à présenter cette restructuration des Entreprises Bell Canada.

Comment regardions-nous la structuration actuelle? Aujourd'hui, les actionnaires de Bell Canada détiennent les actions de Bell Canada et Bell Canada détient 55,2% des actions de Northern Telecom avant l'éparpillement qui résultera de certaines actions ou de certaines débentures qui comprennent une convertibilité. Si les actions étaient toutes converties, le pourcentage de Bell Canada serait d'environ 51%.

Northern Telecom contrôle 70% des recherches de Bell-Northern et Bell Canada contrôle 30% du centre de recherches de Bell-Northern. C'est la partie fabrication et recherches. À côté de cela, vous avez les compagnies de téléphone réglementées par un organisme provincial et, vous avez, à l'intérieur de ce groupe d'entreprises, Télébec, Northern Telecom, New Brunswick Telephone, Newfoundland Telephone, Maritime Telephone and Telegraph et Island Telephone. Les pourcentages que nous détenons dans ces entreprises sous réglementation provinciale varient de 38% à 70%. Nous avons environ 38% dans les compagnies des provinces maritimes et environ 70% dans la compagnie de Terre-Neuve, 100% dans Télébec et presque 100% dans Northern Telephone, quelque chose comme 99,8% ou 99,9%, simplement des actionnaires qui n'ont pas présenté leurs actions lorsque nous avons fait l'acquisition de Northern Telephone.

Les Entreprises Bell Canada, c'est tout le groupe qui était auparavant connu sous le nom de Télé Direct. Le changement de nom a eu lieu pour nous permettre de faire la transposition subséquente d'appeler Bell Canada les Entreprises Bell Canada et de

faire sauter les Entreprises Bell Canada en haut plutôt que là au centre du tableau. À l'intérieur de cela, vous avez Ronalds Federated, la compagnie d'impression, vous avez la publication des annuaires dans le Québec et l'Ontario et vous avez également certaines autres publications qui sont tout de même au Canada. Nous les avons laissées sous le nom de Télé-Direct Publications et vous verrez pourquoi dans un instant. Toutes les autres entreprises qui ne sont pas de la publication dans l'Ontario et le Québec et au Canada sont maintenant logées dans les Entreprises Bell Canada Inc. Les Entreprises Bell Canada Inc. contrôlaient également Télé-Direct Canada - je veux parler de Télé-Direct Publications - et les Systèmes de communication Bell, une filiale que nous avons formée lorsque le CRTC nous a imposé un choix pour les abonnés, à savoir que nous devions concurrencer directement toutes les compagnies internationales et canadiennes qui voulaient vendre leurs terminaux aux abonnés. La Société internationale de gestion, c'est la compagnie qui est présente dans une quarantaine de pays. Nous avons eu, comme vous le savez, le contrat pour regarder le système de télécommunications de l'OTAN. Nous avons eu également, par le truchement de Bell Canada, mais par l'entremise de la Société internationale de gestion, le contrat en Arabie Saoudite, qui était au nom de Bell Canada en 1978, mais les démarches avaient été faites par la Société internationale de gestion. Finalement, vous avez Télésat Canada, qui est une compagnie de la couronne dans laquelle nous avons 24,6% des actions, les autres actions étant détenues par les autres transporteurs canadiens et 49% des actions étant détenues par le gouvernement fédéral.

Vous pouvez peut-être laisser le tableau sur une des chaises pour qu'on puisse voir l'évolution. Après la restructuration, les anciens actionnaires de Bell Canada deviennent les actionnaires des Entreprises Bell Canada Inc., et vous voyez que Bell Canada, je dirais purifiée, libérée de tous les investissements qu'on voyait sur le premier tableau, ne s'occupe que de la production de services et de la livraison de services à ses abonnés dans son territoire. Comme vous le voyez, il ne lui reste que des investissements dans Télésat Canada et dans Télé-Direct Publications et voici pourquoi. Nous avons gardé les 24,6% de nos intérêts dans Télésat parce que, en vertu de la loi, c'était Bell Canada qui était mentionnée en annexe comme étant l'actionnaire autorisé de Télésat Canada et il ne nous était pas possible, évidemment, de faire la restructuration et de mettre cela de côté, d'autant plus que cela fait partie intégrante des opérations de Bell Canada au Canada.

Nous avons également laissé les 30% dans les Recherches Bell-Northern pour une excellente raison à notre avis, c'est que nous voulions, tout au moins au départ, garder l'intégration qui nous avait si bien servis depuis fort longtemps. Nous ne voulions pas créer l'impression que les recherches étaient quelque chose qui n'était plus partie intégrante, si vous voulez, de Bell Canada.

Finalement, nous avons mis les publications de Télé-Direct comme filiale directe de Bell Canada parce que le CRTC, dans sa décision de 1981, avait décidé que les publications Télé-Direct étaient partie intégrante de Bell Canada et qu'il était nécessaire pour les abonnés d'avoir accès à des bottins téléphoniques. Pour cette raison-là, nous avons préféré laisser la structure que vous voyez avec Télé-Direct Publications, filiale à part entière de Bell Canada.

On pourrait discuter longtemps à savoir si c'est une position qui est défendable puisqu'il est fort possible que Bell Canada offre les mêmes services de télécommunications et qu'au lieu de faire publier ses annuaires par Télé-Direct elle les fasse publier par une autre entreprise. À mon sens, ce n'est pas partie intégrante, mais, comme le CRTC l'avait déjà décidé, je n'ai pas voulu m'engager dans une autre bataille avec le CRTC pour voir si c'était ou si ce n'était pas partie intégrante de la livraison du service téléphonique. Northern Telecom devient donc filiale d'Entreprises Bell Canada et vous voyez que Télé-Direct Canada, qui s'occupe de toute la publication, l'impression, le "packaging", qui n'a rien à faire avec la livraison de services de télécommunications, devient une filiale d'Entreprises Bell Canada; la même chose pour les Sytèmes de communication qui, eux, vendent des systèmes de communication aux abonnés directement; la Société internationale de gestion, également, puisque, de par sa définition même, elle gère des entreprises de télécommunications, comme ce qui se passe à Trinidad, à Tobago et dans plusieurs autres pays que je pourrai nommer plus tard si la commission le désire.

Quel sera l'impact des Entreprises Bell Canada sur l'activité économique du groupe Bell? Cela ne peut être que positif parce que, si nous atteignons nos objectifs, notre capacité concurrentielle sera augmentée, nous extrairons le maximum de toutes nos ressources et, puisque nous grandirons, il nous sera possible de créer plus d'emplois. Le siège social des Entreprises Bell Canada étant au Québec, il est difficile de prévoir dans quelle mesure on peut quantifier l'impact que la restructuration aura, mais je pense que ce qu'il est important de garder en tête, c'est que, si la restructuration n'avait pas eu lieu, il y aurait eu une perte importante pour le Québec puisque nous aurions été forcés de limiter nos investissements dans Northern Telecom à

l'avenir.

Ceci, je pense, résume notre position sur la restructuration. Si nous avons pu faire ces percées dont je parlais tantôt, c'est parce que nous avions acquis une réputation comme, premièrement, fournisseur de services de télécommunication chez Bell et fabricant d'équipement de télécommunication de très haute qualité chez Northern. Les Recherches Bell-Northern représentent, comme on l'a indiqué tantôt, le plus grand centre privé de recherche au pays. Il ne se passe pas une semaine, j'allais dire une journée, sans que des autorités gouvernementales étrangères visitent les laboratoires, que ce soit à Ottawa, que ce soit sur place dans les usines ou que ce soit ici au Québec. Nous avons réussi à acquérir cette réputation parce que nous avions une relation intime avec le fabricant et avec le centre de recherche et nous ne voulons pas perdre cette intégration, mais nous voulons acquérir une plus grande flexibilité. C'est la raison pour laquelle je disais tantôt que le centre de recherche demeure une filiale, indirectement si vous le voulez, des Entreprises Bell Canada par le truchement de Northern Telecom, mais les 30% demeurent chez Bell Canada.

Ayant fait ce tour d'horizon, si les membres de la commission ont quelques questions ou qu'ils désireraient avoir quelques clarifications, mes collègues et moi-même serons heureux de tenter d'y apporter des réponses. Merci. (11 h 15)

Le Président (M. Champagne): Merci, M. de Grandpré. Maintenant, il faudrait peut-être s'entendre sur la procédure à suivre. Je ne sais pas si on devrait accepter qu'il y ait des remarques de part et d'autre dans un premier temps, ensuite, M. le député de Vachon m'a demandé le droit de parole. Est-ce que vous avez quelque chose à proposer? M. le député d'Outremont... M. le ministre, est-ce que vous avez des remarques préliminaires?

Période de questions

M. Bertrand: Les remarques préliminaires ont été faites. Je veux d'abord remercier M. de Grandpré pour cet exposé-synthèse des activités. Doit-on dire de Bell Canada ou d'Entreprises Bell Canada? Nous verrons quels sont maintenant les délais que se sont fixés les dirigeants de Bell Canada pour procéder à la conversion, mais, de toute façon, je voudrais les remercier de nous livrer ces informations, ce matin, et faire en sorte que nous puissions aborder le débat dans une perspective dynamique. En d'autres mots, je voudrais rassurer le député de Westmount immédiatement sur la question qui terminait son exposé préliminaire et qu'il formulait de la façon suivante - et je suis tout à fait d'accord pour la formuler dans les mêmes termes - la question qui se pose à nous aujourd'hui est la suivante: Le gouvernement - dans le fond on dit le gouvernement, mais on devrait dire l'État québécois, nous tous ensemble - allons-nous continuer à envisager la problématique économique et technologique des années quatre-vingt avec une mentalité vétuste des années soixante-dix?"

Je tiens à le féliciter pour l'absence de partisanerie dans la question posée puisque, effectivement, la mentalité vétuste des années soixante-dix, cela veut dire, dans le fond, la mentalité qui a toujours animé l'ensemble des gouvernements depuis que le ministère des Communications existe. Mais nous étions loin - là-dessus, je veux démontrer jusqu'à quel point je ne fais de reproches à personne - d'imaginer - je pense que même les gens de Bell Canada étaient loin d'imaginer - en 1965 ou en 1970 ou en 1972, l'essor phénoménal qu'allait connaître le développement des télécommunications dans les années quatre-vingt dans un contexte nouveau. Un contexte nouveau d'ailleurs qui, si je le comprends bien, d'après l'exposé de M. de Grandpré, les amène aujourd'hui à concevoir la structuration de leur entreprise d'une autre façon.

On a parlé du contexte de concurrence, on a parlé de cette notion de compétitivité, on a parlé de cette nécessité de déréglementation pour faciliter à l'entreprise sa position de compétiteur dans un marché extrêmement concurrentiel. Ce sont tous des concepts qui, bien sûr, existaient dans les années soixante-dix, mais qui prennent toute leur signification dans les années quatre-vingt, étant donné les développements technologiques très importants auxquels nous assistons. Je voudrais tout de même, et là-dessus, je veux qu'on me comprenne très bien, le député de Westmount a cité seulement un extrait, il n'a pas cité l'ensemble des paragraphes qui font état de ces querelles constitutionnelles que nous avons eues au cours des quinze dernières années avec le gouvernement fédéral, que ce soit un gouvernement de l'Union Nationale, un gouvernement libéral ou un gouvernement du Parti québécois, finalement, cela a toujours été un dossier sur lequel on s'est continuellement buté à une fin de non-recevoir de la part du gouvernement fédéral sur ce qu'on pourrait appeler une redistribution des pouvoirs.

Mais ceci étant dit, je voudrais demander au président de Bell Canada, et justement dans cette perspective nouvelle de réorganisation corporative, dans la perspective qu'il annonce pour le développement de son entreprise au cours des années quatre-vingt, si le type de discours qu'il tenait devant l'assemblée des

actionnaires, à Toronto, le 17 avril 1980, si ma mémoire est bonne, demeure encore valable aujourd'hui, à la lumière des faits nouveaux. Je lis à la page 12 du document présenté par M. de Grandpré: "Ces remaniements structurels suggèrent une hypothèse de solution au problème que pose la redistribution des pouvoirs fédéraux et provinciaux en matière de télécommunication. Premièrement, l'autorité fédérale pourrait s'exercer sur des questions comme l'attribution des fréquences, sur la gestion du spectre et la définition de standards techniques nationaux. Deuxièmement, toutes les questions ayant trait aux tarifs, à la qualité du service et aux activités de nature locale ou intraprovinciale seraient du ressort exclusif de la province. Troisièmement, les questions de nature interprovinciale comme les tarifs et le partage des revenus pour l'échange des trafics seraient du ressort d'un comité interprovincial qui pourrait être composé de régulateurs provinciaux représentant les cinq régions du Canada avec ou sans représentation du niveau fédéral."

J'aimerais savoir - première question -du président du conseil d'administration de Bell Canada si les propos qu'il tenait en 1980, dans son esprit, aujourd'hui, trois ans plus tard, en 1983, demeurent pertinents. Si oui, est-ce que le projet de réorganisation corporative de Bell Canada va dans le sens du maintien de ce type de discours, je dirais même, dans le sens de l'accentuation de ce type de discours? J'aurai par la suite d'autres questions dépendant, bien sûr, des réponses de M. de Grandpré.

M. de Grandpré: Dans la première question que vous me posez, j'ai dit, à ce moment-là, ce que je pensais et je pense encore que c'est la façon peut-être de régler un problème politique. Mais il ne m'appartient pas de régler le problème politique. Je dis que si une approche doit être faite par les divers niveaux de gouvernement, cela me semble en être une qui nous permettrait d'évoluer dans le sens que j'ai mentionné dans mes remarques. Je ne savais pas, à ce moment-là, quelle était l'ampleur de l'impact qu'une telle restructuration pourrait avoir sur les abonnés parce que nous n'avions pas fait d'étude précise. Je dois vous dire que j'ai pris connaissance du rapport Tamec, la semaine dernière. J'ai été surpris de voir l'ampleur de l'impact que cela aurait sur les abonnés québécois. Je me demande si, nonobstant toutes les discussions du niveau politique dans lesquelles je ne veux pas me faire entraîner, je me demande si cela jouerait tellement à l'avantage des Québécois puisqu'il y aurait une surcharge qui irait de 85 000 000 $ à 190 000 000 $, je n'ai pas les chiffres exactement, mais je peux les trouver facilement.

M. Bertrand: 90 000 000 $ à 180 000 000 $.

M. de Grandpré: 90 000 000 $ à 180 000 000 $. Si c'était le chiffre qu'on devait retenir - et je n'ai aucune raison de croire que ce n'est pas le chiffre à retenir -je pense que cela jouerait à l'encontre du développement économique du Québec parce que les télécommunications, comme vous l'avez mentionné au début, prennent une part de plus en plus importante dans des activités économiques et que cela représente une tête de chapitre au budget des entreprises qui devient très importante. À cause de cela, si ce fardeau devenait excessif, je pense que les gens regarderaient, avant de s'établir, l'ampleur de leurs dépenses en télécommunication et hésiteraient peut-être à venir s'établir au Québec. Ceci étant dit, les principes que j'ai énoncés ont trait exclusivement - et je ne me dédis pas - à une redistribution des pouvoirs qui permettrait d'avoir un contrôle unique sur la santé financière de l'entreprise. Comme je l'ai dit à vos prédécesseurs et comme je l'ai dit à M. Lesage, à M. Johnson, à M. Bourassa - je les vois tous ici - à votre père...

M. Bertrand: II ne m'en a pas parlé!

M. de Grandpré: Vous étiez trop jeune à ce moment-là.

J'ai toujours souligné qu'il y avait un impact d'une importance quelconque que je n'avais pas évaluée et c'est ce qui avait toujours, à la suite de ces entretiens, mis une douche d'eau froide sur les désirs qu'il pouvait avoir, à ce moment-là, de faire des efforts additionnels pour renvendiquer d'une façon plus agressive la juridiction sur le domaine des télécommunications.

Cela étant dit, la réorganisation n'a aucun impact sur les principes que j'ai énoncés. Elle est absolument neutre, puisque, Bell Canada, demeurant la compagnie de télécommunication sous juridiction fédérale, si on devait la faire passer sous juridiction provinciale avec une compagnie et Bell Canada avec deux filiales, Bell Québec et Bell Ontario, il ne serait évidemment pas question de liquider l'entreprise qui s'appelle Bell Canada, mais il s'agirait plutôt de créer deux compagnies de gestion qui pourraient s'appeler Bell Ontario et Bell Québec, compagnies de gestion qui loueraient de Bell Canada les équipements qui sont en place. Autrement, on ferait une liquidation de Bell Canada qui s'avérerait extrêmement coûteuse pour les abonnés et pour le pays en général.

La seule solution, si on devait s'orienter de ce côté, ce serait de garder Bell Canada et de faire deux compagnies de gestion qui loueraient les actifs.

M. Bertrand: M. le Président, comme je n'ai pas l'intention quant à moi - je l'ai indiqué dans mes propos - de faire de la question du partage des juridictions l'essentiel des débats que nous aurions avec les dirigeants de Bell Canada puisque, effectivement, il y a un certain nombre de contraintes politiques qui ne sont pas du ressort des dirigeants de Bell Canada, mais qui sont du ressort des gouvernements fédéral et provincial, ce sont des questions que nous pourrons discuter à un autre niveau, dans la mesure où ce sera évidemment possible de le faire.

Je voudrais davantage m'attarder au projet de restructuration corporative de Bell Canada, dans un premier temps. On nous dit, c'est à la page 18 de votre exposé, M. de Grandpré: "C'est un fait que Bell Canada, compagnie de télécommunications, ne retirera plus, après la restructuration, les revenus qu'elle est actuellement réputée retirer de ses opérations autres que ses opérations de télécommunications, mais cette perte de revenus pourra être compensée par un rendement moindre que celui qui, lui, est actuellement autorisé par le CRTC, réduisant les revenus requis."

Plus loin, vous indiquez: "C'est que les risques plus élevés inhérents aux opérations non réglementées étant reportés au niveau d'Entreprises Bell Canada, on pourra réduire le taux de rendement autorisé, peut-être de quelque 1/4 à 1/2%, ce qui, encore une fois, compensera à peu près exactement les revenus qui ne reviendront plus à la compagnie de télécommunications qui se sera départie de plusieurs de ses investissements."

Il est évident qu'à partir du moment où la réorganisation s'effectue et que le CRTC n'a plus un pouvoir aussi étendu en termes de réglementation ou, en tout cas, voudrait voir ce pouvoir redéfini - c'est la demande qu'ii a transmise au gouvernement fédéral -dans un contexte qui lui permettrait tout de même de bénéficier du maximum d'information et de connaître les projets d'interfinancement entre les différentes filiales d'Entreprises Bell Canada, à partir de ce moment, le dossier réglementé directement par le CRTC se résume exclusivement à l'exploitation du service téléphonique, c'est-à-dire aux activités de Bell Canada conçue dans la nouvelle structure.

M. de Grandpré: Je voudrais tout d'abord corriger une déclaration que vous venez de faire, à savoir que le CRTC réglemente Bell Canada. Le CRTC ne réglemente pas Bell Canada. La seule juridiction que le CRTC a, c'est une juridiction sur les taux que nous facturons...

M. Bertrand: La facturation.

M. de Grandpré: C'est la seule juridiction du CRTC. C'est pourquoi, lorsque le CRTC ou d'autres personnes disent que la commission a juridiction sur la compagnie, je pense que c'est donner un prolongement à la loi que la loi n'a pas donnée. J'ai dit devant la commission, lors de ma comparution au début du mois de février, que le CRTC gardait une juridiction complète et entière sur Bell Canada, après la réorganisation, et que le CRTC gardait juridiction entière sur les tarifs sur lesquels elle devait se prononcer. (11 h 30)

Comme les relations entre Bell Canada, post-réorganisations, la nouvelle entreprise purifiée de Bell Canada, comme les tarifs doivent être déterminés en prenant en considération les dépenses capitales, les dépenses courantes, les revenus et toutes les activités financières de Bell Canada, j'ai dit, et je le répète aujourd'hui: Le CRTC aura entière juridiction pour regarder les contrats, les ententes qui interviendront entre Bell Canada et les compagnies avec lesquelles elle fait affaires, que ce soit des compagnies à l'intérieur du groupe ou des compagnies à l'extérieur du groupe, parce que ces ententes, ces contrats peuvent avoir une conséquence sur les tarifs.

Je ne sache pas que la juridiction du CRTC aille au-delà de cela et que si, par exemple, Northern Telecom vend des produits en Arabie Saoudite, aux États-Unis, en Iraq, en Australie, pourquoi le CRTC aurait-il accès à cette information qui n'a rien à voir avec les contrats existant entre Northern Telecom et Bell Canada. Si Northern Telecom vend des produits à Bell Canada, Northern Telecom doit les vendre selon un contrat qui est devant la commission à un prix égal ou inférieur à toute vente faite par Northern Telecom à d'autres acheteurs, compte tenu des circonstances. C'est à cause de cela que le CRTC peut avoir un droit de regard sur Bell Canada dans ses relations avec toutes les entreprises du groupe lorsque ces relations peuvent avoir un effet sur les tarifs. Lorsque les relations n'ont rien à voir avec les tarifs, je vous suggère bien respectueusement que le CRTC, pas plus qu'un autre système de réglementation, ne doit avoir accès à cette information de nature confidentielle parce que concurrentielle.

M. Bertrand: En d'autres mots, si je comprends bien, quand je lis le communiqué émis par le CRTC, ces derniers jours, au niveau des recommandations du CRTC on y lit: Au chapitre de l'accès à l'information, le conseil a conclu qu'il doit être investi du pouvoir d'accès et aux contrats intervenus entre des tierces parties et Entreprises Bell Canada ou ses filiales dans les circonstances où ces contrats sont pertinents aux

transactions entre Bell Canada et ses filiales. Le conseil est convaincu que, faute de ce pouvoir, sa capacité actuelle de déceler des cas d'interfinancement sera affaiblie et qu'il pourrait en résulter des majorations des tarifs pour les abonnés. Vous endossez cet énoncé?

M. de Grandpré: Dans la mesure où le pouvoir d'enquête a trait à l'impact que cela pouvait avoir sur les abonnés, je suis parfaitement d'accord avec cette conclusion. Seulement dans cette mesure.

M. Bertrand: Ce n'est pas à vous, évidemment, vous n'avez pas à dresser d'hypothèses ou à faire de procès d'intentions relativement aux demandes qui seront acheminées par le CRTC ou le gouvernement fédéral...

M. de Grandpré: Le rapport dit ce qu'il dit et le gouvernement prendra ses décisions et moi je prendrai les miennes.

M. Bertrand: Vous comprenez, de la recommandation faite par le CRTC, qu'à partir des lignes que je viens de vous lire, Bell Canada, au niveau de ce qu'on pourrait appeler le caractère réglementaire quant à la tarification, sera placée dans une situation où le CRTC aura toutes les informations pertinentes quant aux décisions les plus appropriées à prendre pour s'assurer que les abonnés ne seraient pas perdants à l'activité que constitue cette réorganisation.

M. de Grandpré: Vous avez parfaitement raison.

M. Bertrand: II y a un certain nombre de phrases aussi que je voudrais voir expliciter davantage par M. de Grandpré. À la page 18, relativement à la restructuration et à l'impact sur l'économie. Le président de Bell Canada indique: "Je dirai enfin, en réponse à la deuxième préoccupation du ministre, que la restructuration du groupe Bell n'aura aucun impact négatif sur l'activité économique du groupe au Québec." Il ajoute: "Elle aura plutôt un impact positif dans la mesure où elle permettra d'atteindre les objectifs visés par la réorganisation, notamment l'amélioration de notre capacité concurrentielle ainsi que l'optimisation de toutes nos ressources. La présence du groupe Bell, avec ses compagnies de haute technologie, continuera donc d'être d'emblée à l'avantage du Québec." Et un peu plus loin - quand je dis un peu plus loin, je veux dire un peu plus avant, je m'excuse - vous ajoutez, et pour moi, c'est très important parce que, effectivement... À la page 10: "Nous avons de plus - c'est le troisième paragraphe - l'intention d'accélérer le développement du laboratoire de l'île des Soeurs. Il nous faudra cependant surmonter certains obstacles, dont une pénurie de chercheurs qualifiés, détenteurs de doctorat dans certains domaines. Nous pourrions employer à nous seuls plus de diplômés à ce niveau qu'il ne s'en prépare actuellement dans les universités québécoises." À la page 11: "II faudra, avec la collaboration du gouvernement, créer un climat et des conditions de nature à attirer ici des chercheurs et à retenir ceux qui s'y trouvent déjà."

Ces phrases m'apparaissent très importantes dans la mesure où effectivement le Québec se pose des questions quant à l'impact qu'aura le projet de réorganisation corporative sur le développement de Entreprises Bell Canada sur le territoire québécois et, en particulier, dans le secteur de la recherche et du développement, mais aussi dans le secteur manufacturier, cela va de soi. Mais vous définissez ici un certain nombre de conditions qui doivent être rencontrées après avoir discuté avec des gens de Northern Telecom et de Recherches Bell-Northern, on m'a effectivement sensibilisé au problème d'une pénurie de chercheurs qualifiés, au problème de la formation de nos diplômés dans nos universités québécoises. Vous engagez le plus souvent - enfin, je dirai la plupart du temps - des gens qui ont des formations de deuxième et de troisième cycles; en tout cas, vous encouragez très fortement les jeunes qui se dirigent du côté des technologies de pointe, en particulier dans le secteur des télécommunications, à poursuivre leurs études au niveau du deuxième et du troisième cycle et vous nous invitez à créer un climat, des conditions de nature à attirer ici des chercheurs et à retenir ceux qui s'y trouvent déjà. Je voudrais vous entendre là-dessus, M. de Grandpré, avec toute la franchise dont je vous sais capable.

M. Fortier: On vous donne trois heures.

M. Bertrand: Voyez, je pose même les questions que l'Opposition aurait souhaité poser à ma place.

M. de Grandpré: Ne voulant pas prendre les trois heures qui m'ont été accordées, je pense que le rapport Tamec donne la réponse aux questions que vous posez et qui sont soulevées dans ma présentation aux pages 64 et suivantes et, plus particulièrement, au bas de la page 65 où on parle des variables indépendantes sur lesquelles le Québec exerce un certain contrôle, c'est le sous-paragraphe 4.2.4. Je note en particulier que le rapport qui a été fait pour le ministère des Communications par les experts retenus par le ministère indique la fiscalité des entreprises, la fiscalité des individus, les politiques linguistiques et les autres

politiques. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les experts qui sont retenus par le ministère et qui font un peu écho à ce que j'ai dit à plusieurs reprises dans le passé. C'est ce climat général qui nous permettra d'attirer des chercheurs ici.

J'ai déjà eu l'occasion de dire que même si, par décret ou par édit, le conseil d'administration ou moi-même ou mes collègues, nous décidions d'autorité d'agrandir le cadre de nos recherches au Québec, nous ne pourrions attirer les chercheurs que dans la mesure où s'améliorerait le climat général, climat qui est constitué des quatre variantes dont le rapport Tamec fait mention.

M. Bertrand: J'ai ici devant moi une étude qui a été menée par le directeur adjoint du Centre de recherche en rémunération du Conference Board du Canada relativement à la fiscalité au niveau des individus et des familles. Cette étude, qui a été réalisée en 1982, conclut à la position intéressante de Montréal sur le plan de la fiscalité. Les tableaux qui sont présentés dans cette étude - je pourrais en remettre une copie aux parlementaires ainsi qu'aux dirigeants de Bell Canada, peut-être en ont-ils déjà pris connaissance - font une comparaison entre les villes de Saint-Jean, à Terre-Neuve, de Montréal, de Toronto, de Calgary et de Vancouver. On analyse, pour chacune de ces villes et pour un individu qui gagne 40 000 $ par année et dont la famille, puisqu'il s'agit d'une personne mariée, comprend trois enfants, les dépenses de consommation d'une telle famille dans certaines villes canadiennes; il y a un tableau où, après avoir fait le calcul de l'ensemble des dépenses totales de la famille, incluant l'habitation, les taxes, la nourriture, le transport, l'habillement, les fournitures pour la maison et autres, on situe Montréal au deuxième rang parmi les villes au Canada où, après avoir fait, dis-je, le calcul de l'ensemble des dépenses reliées à la consommation, y compris les taxes, le revenu disponible demeure le plus élevé.

Effectivement, quand on fait la comparaison, on arrive à moins 670 $ à Toronto, à plus 2542 $ à Montréal. Est-ce que ce sont des données dont vous avez déjà eu l'occasion de prendre connaissance, M. de Grandpré? Est-ce que vos analyses au point de vue de la fiscalité des individus, des familles vous amènent à considérer - j'ai l'impression que ce doit être, en tout cas, un facteur important - que la présence de Bell au Québec demeure intéressante, en tout cas, en ce qui a trait à la fiscalité au niveau des individus?

M. de Grandpré: Vous partez d'une base bien différente. Vous partez du revenu net de l'individu. Moi, je pars du revenu brut de l'individu et je vous dis qu'à 40 000 $, l'impôt total en Ontario est de 13 446 $, soit 44,4% du revenu, alors que le montant total dans le Québec est de 16 750 $. Je prends ces chiffres dans un aide-mémoire produit par Raymond Chabot, et le Conseil du patronat a également soumis des données identiques dans un mémoire du mois de mars 1983. Je pense que c'est se leurrer que de croire que le taux d'imposition au Québec est inférieur aux taux d'imposition dans les autres provinces, les chiffres démentent cela. (11 h 45)

M. Bertrand: Je veux bien que nous discutions du taux d'imposition, M. de Grandpré, mais je considère que quel que soit le point de départ: revenu brut, revenu net et incluant la taxation, il faut aussi, quand on fait l'analyse des conditions dans lesquelles travaillent des gens, dans quelque province que ce soit, dans quelque ville que ce soit, tenir compte des dépenses reliées à la consommation. Il est évident qu'on peut tenir compte du facteur taxation mais aussi des facteurs reliés à la consommation. Ces facteurs m'apparaissent devoir être appréciés lorsque vient le temps de prendre une décision quant à des investissements qui permettraient, comme vous le dites dans votre texte, de retenir ici ou d'amener ici des chercheurs ou des gens qui oeuvrent dans le secteur manufacturier ou autre.

M. de Grandpré: Peu importe le jeu des statistiques, M. le ministre, il reste un fait précis. Quand vous désirez ramener quelqu'un ici que vous avez déjà envoyé à l'extérieur pour travailler, c'est extrêmement difficile pour ne pas dire impossible de le ramener ici. De la même façon, si vous envoyez quelqu'un aux États-Unis pour y travailler, c'est extrêmement difficile de le ramener ici. Je ne vous dis pas que c'est un phénomène qui est exclusivement québécois, je vous dis que le phénomène existe dans tout le Canada et il existe au surplus partout au Québec. C'est la perception de tous les gens qui ont travaillé à l'extérieur. Ils en arrivent à la conclusion que cela coûte plus cher ici qu'ailleurs, quand vous regardez le revenu brut et ce qui vous reste à dépenser. C'est le cash flow de l'individu qui est important. Même quand vous prenez le régime d'investissement dans les actions, ça donne un crédit d'impôt, mais cela n'augmente pas le cash flow de l'individu. L'individu est obligé d'investir à même son revenu pour pouvoir bénéficier d'un dégrèvement fiscal. C'est cette conjoncture générale qui fait que c'est extrêmement difficile, sinon impossible de ramener les gens ici.

M. Bertrand: Je suis convaincu qu'en tenant ces propos, M. de Grandpré, vous ne dissuadez pas le gouvernement de poursuivre

ce programme d'épargne-actions, d'autant plus que le ministre...

M. de Grandpré: Je vais écrire au ministre des Finances, je vais l'inciter à le continuer, parce que autrement ce serait pire.

M. Bertrand: Et le ministre fédéral des Finances, hier soir, dans son budget, vient d'introduire à peu près le même concept, si j'ai bien compris les informations qui me sont transmises.

M. de Grandpré: Je rentre de New York, ce matin; j'ai tout simplement lu un article très bref dans le Wall Street Journal à bord de l'avion. Alors, je ne peux pas vous dire ce qu'il y a dans le budget, je n'en ai aucune idée. Je ne sais pas si je suis plus riche ou plus pauvre ce matin.

M. Fortier: Sûrement plus pauvre.

M. Bertrand: Bien non, la Presse titre en disant qu'on remet davantage aux sociétés en prenant davantage dans la poche des individus, mais il ne s'agit que d'un titre de journal.

M. French: M. de Grandpré a parlé à titre d'individu.

M. Bertrand: C'est un titre de journal. Je voudrais mesurer l'ampleur de la déclaration que vous faites lorsque vous dites à la page 10 de votre document, M. de Grandpré: "Nous avons de plus l'intention d'accélérer le développement du laboratoire de l'île des Soeurs."

M. de Grandpré: Oui, je voudrais me reporter à ce que nous avons fait dans le passé et vous indiquer l'historique du développement de nos recherches qui ont commencé d'une façon globale, à Ottawa. Le 25 mars dernier, un expert nous mettait en garde contre la prolifération des centres de recherches. Il s'agissait de M. Doyle, le président de Doyletech Corporation d'Ottawa. Nous avons également le même problème, parce que ce que vous désirez pour le Québec, ce n'est pas quelque chose qui est absent des préoccupations de M. Lougheed en Alberta, de M. Devine en Saskatchewan ou de M. Buchanan dans les Maritimes. C'est une préoccupation qui est toujours présente chez les gens qui ont la responsabilité d'attirer des investisseurs dans leur province.

Nous devons faire attention de ne pas balkaniser nos recherches à tel point que la qualité de la recherche s'en ressente. C'est ce que M. Doyle disait dans ce communiqué remis à la presse le 25 mars ou la veille, le 24 mars, et le seul texte que j'ai, c'est le texte anglais où on dit ceci: "While the development of technology continues in various parts of Canada, the pioneering Ottawa-Carleton region has warned the Federal Government not to spread its resources too thinly over the rest of the country. While various governments and the media have portrayed the Ottawa Valley technology industry as a type of economic saviour, the private sector is concerned that the issue has been overplayed. Compared with the real Silicone Valley in California, the Ottawa Valley industry is fragile and the federal aid should not be distributed across the country just for political reasons. Canada now has a 9 000 000 000 $ trade deficit in technology products including 2 000 000 000 $ in computers and office products and more than 5 000 000 000 $ in electronics, said Mr Doyle, president of Doyletech Corporation. "By comparison, he says, the Ottawa Valley is responsible for only hundreds of millions of dollars in annual revenue. Further, the Silicone Valley appellation is considered a misnomer since the valley consists mostly of companies that use rather than make chips for various applications in software and communications." C'est un rapport qui était dans le Globe and Mail du 25 mars.

Ce que nous avons fait. Nous avons concentré nos recherches au départ à Ottawa parce que, à ce moment-là, c'était le centre de recherche par excellence, étant donné la présence importante du Centre national de recherche. Il y avait également un centre de recherche en télécommunications et nous avons été au coeur de ce centre de recherche. Nous avons créé de toutes pièces notre centre de recherche, mais nous avons créé par diffusion 26 ou 28 autres entreprises qui ont été fondées soit par des employés de Bell, soit par des employés des laboratoires de recherche ou des employés de Northern Telecom qui nous ont laissés pour partir leurs entreprises. Mitel, dont tout le monde parle aujourd'hui, est une entreprise qui a été fondée par deux anciens employés de Northern. La liste est longue de 26 ou 28 noms. C'est ce qui a fait la force du centre de recherche.

Maintenant que nous avons établi le coeur du centre de recherche, nous avons atteint le maximum de la concentration que nous voulions établir à Ottawa. Maintenant que nous avons ce maximum de concentration et ce maximum de productivité au point de vue de la recherche, nous nous dirigeons vers des laboratoires satellites. Comme le laboratoire de Montréal est le plus grand des laboratoires satellites que nous ayons, il est clair que la distribution des satellites va se faire là où nous avons des centres d'excellence dans la mesure où, je le dis encore une fois, le climat sera tel qu'on pourra attirer les chercheurs ici pour faire de l'expansion à l'île des Soeurs. C'est vous

qui avez la réponse, ce sont vos collègues qui ont la réponse. Comment va-t-on traiter les gens qui viendront travailler ici au point de vue fiscal, au point de vue des services dans leur langue, au point de vue de l'enseignement, toutes choses qui font que le climat va favoriser l'épanouissement dans le Québec d'un centre de recherche qui va vous permettre d'atteindre les objectifs que vous avez signalés dans votre document qui s'appelle Le virage technologique?

M. Bertrand: Si je comprends bien, M. de Grandpré, l'investissement de 35 000 000 $ qui a été annoncé, si ma mémoire est bonne...

M. de Grandpré: À Ottawa?

M. Bertrand: ...à Ottawa, pour une superficie d'environ 350 000 pieds carrés...

M. de Grandpré: II s'agit d'une restructuration. Nous avions des gens dans des locaux loués...

M. Bertrand: On a regroupé l'ensemble des...

M. de Grandpré: C'est ça, mais on n'augmentera pas le nombre d'employés.

M. Bertrand: II y a un investissement...

M. de Grandpré: II y a un investissement pour relocaliser les gens. Au lieu de le payer en loyer, on va le payer en taxes et en rendement sur le capital.

M. Bertrand: Très bien. Vous dites: À partir de ce moment-là, nous pensons que nous aurons atteint un plafond, un seuil, au-delà duquel il nous apparaîtrait inutile d'amplifier notre présence dans ce petit Silicone Valley, maintenant constitué autour d'Ottawa. Donc, vous auriez des projets qui pourraient permettre, par exemple, au laboratoire de l'île des Soeurs, qui développe certains secteurs d'excellence, dont j'ai eu l'occasion de prendre connaissance trop rapidement, malheureussement, il y a quelques semaines, de faire en sorte qu'il puisse y avoir une accélération du développement.

Que peut signifier, tout en retenant les messages que vous nous passez et que, de toute façon, la firme Tamec nous passait et qu'on se passera entre nous, que l'Opposition nous passera, quelle est l'ampleur? cela peut être difficile à évaluer à ce moment-ci, mais...

M. de Grandpré: II m'est difficile de vous donner des chiffres, parce que je pourrais vous induire en erreur, soit en étant trop bas ou trop haut. Je n'ai aucune idée de l'ampleur, mais je peux vous dire que la première partie de votre constat est juste, à savoir que nous avons atteint à Ottawa à peu près le maximum de ce que nous voulons avoir comme concentration dans un seul endroit, le restant de la recherche au Canada se fera dans les laboratoires qui sont déjà en place de façon à éviter la balkanisation dont M. Doyle faisait mention dans son communiqué du 25 mars.

M. Bertrand: Bien. Comme ce n'est pas ma commission parlementaire, M. le Président, j'ai d'autres questions à poser à M. de Grandpré, mais je crois qu'il serait normal que je laisse à M. French le soin de poser certaines questions.

Le Président (M. Champagne):

Considérant que le député d'Outremont ne sera pas ici cet après-midi, on m'a demandé de lui céder la parole.

M. Fortier: Je vous remercie, M. le Président, et je remercie mon collègue de Westmount. J'ai demandé d'être membre de la commission parce que c'est un sujet qui est hautement d'intérêt pour plusieurs raisons pour quiconque s'intéresse au développement économique du Québec. D'ailleurs, je vois que - peut-être un peu sur le tard, mais enfin! - le gouvernement s'intéresse davantage à cette question-là.

D'ailleurs, tous les politiciens semblent maintenant se préoccuper de la création d'emplois et du climat qu'on devrait créer pour assurer ce développement. À ce sujet, j'avais préparé un petit commentaire puisque, il y a quelques années, je crois que les gouvernements, celui du Québec et peut-être celui du Canada, entretenaient une certaine agressivité vis-à-vis de sociétés comme Bell, qui ont assuré une grande partie du développement économique du Québec. Je me souviens en particulier, et c'est là qu'on voyait la contradiction du gouvernement du Québec, que, vis-à-vis de Bell Canada, on allait jusqu'à engager des procureurs, à s'assurer que les demandes devant le CRTC, en ce qui concerne la tarification, soient étayées par des procureurs et des avocats qui faisaient valoir le point de vue des consommateurs alors que, vis-à-vis d'une société d'État comme celle d'Hydro Québec, des augmentations encore plus importantes étaient passées en douce dans les commissions parlementaires où il est à peu près impossible d'étudier tous les tenants et les aboutissants d'une situation très complexe.

Je me suis toujours demandé, à ce sujet, ce qu'on essayait de prouver en ayant deux attitudes tout à fait contraires, l'une vis-à-vis d'une société d'État où, j'imagine, parce qu'on croyait que nous étions actionnaires de cette société d'État, on était

plutôt libéral face aux augmentations qu'elle demandait, tout en ayant une attitude très agressive vis-à-vis d'une société comme Bell Canada qui, comme nous le démontre son président, par les statistiques qu'on nous donne, a peut-être une importance aussi grande ou plus grande, puisque vous avez 30 000 employés au Québec et qu'Hydro-Québec n'en a que 18 000, je crois. En ce qui concerne le volume de la taxation qui va au gouvernement, si je ne me trompe, je crois que vous parlez de 335 000 000 $ plus la taxation de 9% ou 10% sur les comptes, soit 115 000 000 $. Donc, je crois qu'on va chercher un volume de taxation qui est payé au gouvernement du Québec supérieur à ce qu'Hydro-Québec rapporte. Est-ce que je fais erreur là-dessus?

M. Bertrand: En taxes provinciales et municipales.

M. Fortier: Néanmoins, il est certain que, pour le Québec, Bell Canada a été un facteur de développement économique important. Je crois que les commentaires que le président de Bell Canada nous a faits ce matin devraient nous conduire à avoir des attitudes - les gouvernements, le gouvernement du Québec, et, j'espère, le gouvernement qui nous dirige - plus responsables et à appuyer les démarches d'une société qui, nous en sommes tous convaincus maintenant - pour les sociétés, le secteur privé ou une société comme Bell Canada - est en mesure d'apporter un développement économique. (12 heures)

J'avais plusieurs questions qui avaient trait justement aux conditions qu'il fallait créer au Québec pour avoir une plus grande part à la recherche et au développement technologiques. Tout à l'heure, vous nous avez donné une statistique, M. de Grandpré, à savoir qu'au Québec, il se fait, au total, 11% de la recherche et du développement alors que le pourcentage du chiffre d'affaires, dans l'ensemble du réseau Bell Northern, était à peu près du même ordre de grandeur. Je crois que c'était de bonne guerre de votre part de mentionner ce pourcentage, mais tout le monde devrait savoir que, normalement, lorsque le siège social est situé dans une province, la part de la recherche et du développement qui échoit à ce centre, à la ville où se trouve le siège social, devrait être plus importante.

Mais le ministre a posé plusieurs questions et je crois que cela confirme, pour ma part, les préoccupations que j'avais, à savoir que la balle, en ce qui a trait à la création d'emplois et au développement technologique, se trouve davantage dans le camp du gouvernement que dans le camp de la Compagnie Bell Canada proprement dite. Les commentaires dont vous venez de faire état - M. Doyle, je ne sais pas quel organisme il représente...

M. de Grandpré: M. Doyle est président de Doyletech Corporation, de Kanata.

M. Fortier: Cela rejoint d'ailleurs une analyse publiée récemment dans la revue Business Week du 25 mars où, justement, on disait que le développement de la haute technologie aux États-Unis ne se ferait pas dans le sens où chacun des États des États-Unis, chacune des villes des États-Unis aura son centre de recherche et un centre de développement de très haute technologie. Si c'est vrai pour les 50 États américains - je crois que vous avez vous-même fait état du fait qu'il y avait une concurrence au Canada même - c'est donc dire que tout le développement de haute technologie va se faire en concurrence entre les 50 États américains et les dix provinces canadiennes. Il faut arrêter de se leurrer pour tâcher de nous convaincre que ceci va se faire ici à moins que nous n'apportions des modifications considérables.

Le ministre a déjà posé les questions que je voulais poser à M. de Grandpré sur les conditions qui favoriseraient un plus grand développement économique, un plus grand développement de la technologie au Québec. Je crois que le message passé par Tamec elle-même sur les conditions qui doivent être créées au Québec sont des remarques extrêmement importantes et, même si on ne peut pas mesurer la différence de taxation qu'on devrait apporter pour assurer ce développement, je crois qu'une indication du gouvernement dans le prochain budget, qui irait dans ce sens-là, serait déjà une possibilité, une ouverture, qui permettrait justement aux chercheurs ou à Bell Canada d'aller plus loin. C'est la seule question que j'aimerais poser à M. de Grandpré: Même s'il n'y avait pas de correctifs d'apportés, d'une façon immédiate et brutale, qui ne soit pas dans la mesure des possibilités du ministre des Finances à ce moment-ci, est-ce qu'une déclaration du ministre des Finances ou un correctif mineur, mais avec une politique s'échelonnant sur cinq ou dix ans nous permettant, dans cinq ou six ans, de se rapprocher de la taxation de l'Ontario, est-ce qu'une politique très claire du gouvernement du Québec allant dans ce sens-là, quitte à y apporter des correctifs mineurs, mais progressifs, est-ce qu'une telle déclaration de principe nous permettrait, au Québec, d'atteindre les objectifs que, je crois, les deux côtés de la Chambre et vous-même recherchez?

M. de Grandpré: Cela tiendrait compte, évidemment, d'un des facteurs mentionnés par Tamec, mais il y en a encore trois ou quatre autres qui ne peuvent pas être laissés

de côté dans l'analyse de ce climat nécessaire pour attirer les chercheurs ici.

M. Fortier: Je vous remercie.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Vachon.

M. Payne: Je vais changer ma question parce que j'ai une autre question qui touche ce qu'on appelle les contraintes linguistigues ou fiscales. On a eu l'occasion de se rencontrer, en 1978, aux HEC, lorsque vous avez rencontré Pierre Laurin, et c'était justement le moment où on discutait des contraintes possibles par n'importe quelle loi sur la langue au Québec. On avait révisé la loi 22. On était en train de préparer le chemin pour la loi 101. On était aussi en train de discuter les modalités d'exception pour ceux qui venaient en séjour temporaire au Québec. À ce moment, vous avez fait un certain nombre de propos d'ouverture, mais aussi des propos très intéressants en ce qui concerne les dangers possibles ou les difficultés inhérentes avec toute loi à incidence linguistique. Ma question sera la suivante: Quelles sont vos démarches dans les cinq dernières années, touchant vos besoins en matière de chercheurs, en matière de doctorats auprès du gouvernement et auprès des instances éducatives au Québec pour expliquer les contraintes auxquelles vous, particulièrement, avez fait face?

J'ajouterais, en concluant, quelques discussions très intéressantes qu'on avait avec Pratt & Whitney qui exposait justement le même genre de contrainte, le même genre de difficulté de recruter. Dans leur cas, la tradition voulait que beaucoup de leurs chercheurs, de leurs ingénieurs viennent de l'Angleterre, par exemple; il y avait quasiment un pool de recrutement là. Maintenant, nos discussions avec M. Henri, dernièrement, et d'autres discussions, parce qu'une partie de leurs activités se trouve dans mon comté, me montraient qu'ils ont fait beaucoup de chemin en ce qui concerne la formation de chercheurs chez nous. Ce qui a aussi beaucoup d'effet sur la stabilité de la coopération. Elle est très nouvelle parce que la tradition veut que père et fils, souvent, partagent les mêmes préoccupations professionnelles, la même occupation professionnelle. Pouvez-vous nous dresser un bref bilan, à savoir comment vous avez attaqué positivement ces contraintes linguistiques?

M. de Grandpré: J'ai fait des représentations à plusieurs reprises au niveau gouvernemental, soit directement, soit indirectement. J'ai eu des contacts avec les gens du ministère. J'ai fait des déclarations publiques qui m'ont attiré le qualificatif de franc-parleur, tantôt. Ce n'est pas la première fois que je soulève cette question. La situation de Bell et de Northern est bien différente de celle de Canadian Pratt & Whitney parce que nous avons d'autres centres de recherche tandis que Canadian Pratt & Whitney n'a que ce seul centre de recherche ici à Longueuil.

M. Payne: Aux États-Unis.

M. de Grandpré: Aux États-Unis, oui, d'accord, mais, au Canada, c'est le seul centre de recherche qu'ils ont. Les gens qui veulent venir en Amérique et qui veulent venir ici n'ont pas le choix. S'ils veulent venir au Canada, ils ne veulent pas venir aux États-Unis, s'ils veulent travailler, ils n'ont aucun choix tandis qu'ici, par la nature de nos activités et par la redistribution de nos recherches au Canada, les gens ont cette flexibilité ou ce choix qu'ils n'ont pas quand ils vont chez Canadian Pratt & Whitney. Je sais pertinemment que des gens de Canadair se sont posé des questions pendant longtemps pour savoir s'ils étaient capables d'attirer, ici, le genre de chercheurs dont ils avaient besoin en aéronautique. Il ne faut pas oublier que vous avez ici un centre d'aéronautique. Vous avez Canadair et vous avez Canadian Pratt & Whitney. Le Centre de recherche en communication s'est développé à Ottawa parce que le gouvernement, à ce moment, avait lancé son Centre national de recherche et son Centre de recherche en télécommunications. Les deux facteurs sont venus jouer pour attirer les chercheurs du côté d'Ottawa.

M. Payne: J'aimerais être plus explicite. Je suis très au courant de vos demandes, de vos revendications, de vos affirmations, mais qu'est-ce que c'est votre programme de formation auprès, par exemple, des universités, quels sont vos besoins pour les cinq prochaines années, au niveau des chercheurs, des doctorats que vous avez mentionnés dans votre mémoire. Pour notre part, comme gouvernement, on avait explicité dans nos règlements, dans les dernières années, une série de mesures qui pourraient inciter ou faciliter l'accueil au Québec de ceux dont la langue maternelle n'était pas le français. Vous êtes au courant du règlement touchant les séjours renouvelables aux trois ans, ce qu'on appelle le "grandfather clause" pour ceux qui sont déjà ici. On l'a élargi aussi dans les cas spéciaux pour ceux qui viennent ici temporairement.

Quelles sont vos démarches directes auprès des universités, justement, pour former ici votre main-d'oeuvre? Avez-vous un volet...

M. de Grandpré: Notre association avec l'Université du Québec et l'INRS démontre

clairement un effort positif dans cette direction, un effort qui ne se retrouve nulle part ailleurs au Québec. C'est la seule entreprise que je connaisse au Québec qui ait une association aussi étroite avec l'université. À mon sens, notre recrutement sur les campus et notre participation active avec l'INRS sont deux exemples tangibles de nos efforts pour attirer des chercheurs ici. M. Montambault voudrait-il ajouter quelque chose?

M. Montambault (Léonce): II n'y a pas de doute que le genre de compétences que doivent attirer les laboratoires de recherche de Bell-Northern se situent à un niveau très élevé dans la hiérarchie universitaire. Pour vous donner simplement une idée de ce que nous avons à RBN - je parle du Canada -nous avons à notre emploi quelque 180 détenteurs de doctorat, 630 détenteurs de maîtrise. Tout cela pour dire qu'au départ, ce ne sont pas des gens que vous pouvez entraîner sur les lieux mêmes. Ils doivent acquérir une compétence universitaire. Je pense que vous le réalisez.

M. Payne: Je m'excuse, je n'ai jamais fait référence aux lieux mêmes. Je parle de la formation...

M. Montambault: D'accord. J'en viens à cela. À travers l'INRS, comme le dit le président, c'est à ma connaissance, la seule approche d'importance qu'il y a présentement entre un laboratoire pratique et une université. Nous avons quelque 46 personnes de l'INRS qui, effectivement, font de la recherche, s'entraînent et passent à travers les deuxième et troisième cycles par des expériences pratiques.

Au Québec présentement, mes sources d'information m'indiquent que nous produisons, si vous me permettez le mot, quelque chose comme quatre ou cinq détenteurs de doctorat par année. Il est bien évident que si, par exemple, nous avions comme objectif - cela pourrait être un objectif, mais cela va dépendre de ce qui peut survenir - simplement de doubler les effectifs que nous avons à l'île des Soeurs, il faudrait à ce moment pratiquement tripler le nombre de docteurs en sciences que la province de Québec produit présentement. Je pense que votre question est la suivante: Jusqu'à quel point avez-vous mis les universités au courant de ces demandes? C'est le sens de votre question? Il y a eu de nombreux contacts faits dans le passé, à la fois par Bell Canada, autant que par les gens de Northern Telecom et aussi les gens de Recherches Bell-Northern. Vous avez dans la salle, en arrière de moi, quelqu'un que la plupart d'entre vous connaissez, qui est M. Charles Perreault, qui travaille depuis longtemps dans ce secteur. Lui comme moi et comme bien d'autres, nous avons eu l'occasion dans le passé de faire ce genre de commentaires aux milieux universitaires. Il y a évidemment - je ne tiens pas à prendre leur défense ou à les blâmer - des contraintes financières, du moins, c'est ce qu'on nous dit dans les universités. Il y a aussi, bien sûr, sans essayer de faire la psychanalyse de ce qui se passe au Québec, l'éveil vers les sciences qui ne date pas chez nous de quelque 50 ans.

J'ai l'impression qu'avec la génération qui monte, cela va s'améliorer, mais, aujourd'hui, si je me fie à ce que me disent les différents recteurs d'université, l'infrastructure, de même que le nombre de professeurs que nous avons dans nos universités, ne semblent pas, pour le moment, justifier ou permettre l'espoir que nos détenteurs de troisième ou de deuxième cycle vont s'améliorer considérablement. Je ne sais pas si ça répond à votre question. (12 h 15)

M. Payne: Est-ce que je pourrais suggérer que vous nous fassiez part - je ne puis pas engager le gouvernement, mais je suis certain que ce serait intéressant pour lui - dans un mémoire de vos besoins et de vos objectifs à cet égard.

M. Montambault: Je dois vous dire que...

M. Payne: Pour appuyer mon argument, je peux faire référence à un mémoire que je lisais dernièrement touchant les activités de Northern-Telecom. Cela pourrait intéresser aussi l'Opposition, puisque c'est un problème qui existe depuis dix ans, treize ans maintenant, touchant les emplois, par exemple dans l'ensemble des activités de Northern-Telecom. Je comprends que la plupart de vos activités en recherche et en développement se retrouvent dans ce secteur. En 1970, au Québec, on comptait 14 000 employés; en 1975, c'est 8500 et, en 1980, c'est 6400. Le total...

M. de Grandpré: C'est le total des employés de Northern.

M. Payne: Oui.

M. de Grandpré: Pas seulement des centres de recherche.

M. Payne: Non. Est-ce qu'on peut avoir une certaine idée du nombre de chercheurs qu'on retrouve là-dedans? Je vais juste donner un chiffre approximatif. Il n'y a que 20% du total qui se trouvent au Québec, quoiqu'on y ait 40% d'abonnés. Cela, c'est pour Northern-Telecom. Cela a donc diminué de 56% depuis 1970, de 35% depuis 1975 et de 20% en 1980. Lorsqu'on va plus directement vers le RBN, on constate que,

de 1970 à 1981, le nombre d'employés du groupe Bell Canada oeuvrant dans le domaine de la recherche au Québec est passé de 250 à 570, soit à peine le double, alors que le budget total de dépenses du groupe passait de 38 000 000 $ à 256 000 000 $. À partir de là, on peut évidemment conclure que le Québec a une très faible partie du gâteau.

M. Montambault: Si vous me permettez encore une intervention, si on se compare au marché mondial dans la recherche, il faut bien comprendre, quand on parle de recherche chez nous, qu'on ne doit pas simplement s'attaquer au secteur de Recherches Bell-Northern. Comme on l'a dit précédemment, il y a de la recherche faite par les laboratoires, le RBN, il y a de la recherche faite par Bell Canada et il y a aussi de la recherche faite par Northern. Je pense qu'il est important, à ce moment-là, de considérer le total de la recherche faite au Canada et aussi au Québec en relation avec ces trois entreprises.

M. Payne: C'est de là que viennent vos 11%? C'est ça?

M. Montambault: Oui, c'est ça, c'est là où j'en suis. Présentement, ce facteur est de l'ordre de 11%, alors que le chiffre d'affaires au Québec est de 12,7% et les employés du secteur représentent 17%. Cela implique, comme l'a dit le président tout à l'heure, qu'il y a nécessairement lieu à amélioration de ce côté-là, si vous voulez, bien qu'à l'heure actuelle, entre 11% et 12%, on pourrait discuter longtemps à savoir si la différence est importante.

Ce qu'il faut comprendre - je reviens là-dessus, je m'en excuse - c'est qu'un laboratoire de recherche ou une série de laboratoires de recherche ou le travail de recherche, cela ne doit pas être considéré comme un travail de fabrication. Il faut établir une masse critique, comme on l'a dit tout à l'heure, et il arrive que la masse critique, en raison de la présence d'autres laboratoires dans les années 1970 et 1971, a été établie à Ottawa. Il est évident qu'une fois que vous admettez ce principe, c'est sûr que l'augmentation de volume entre 1970 et 1980 de la somme allouée à la recherche, c'est sûr que, la masse critique étant à Ottawa, la plus grande partie de cette recherche a été faite à Ottawa jusqu'à ce que nous atteignions ce que nous considérons aujourd'hui une vitesse de croisière qui nous permet une masse critique décente de ce côté-là. Le moment est venu de voir l'expansion se faire dans les satellites, comme on en parlait tantôt. C'est pour cela que, pour ma part, je vois la possibilité, comme l'a dit le président, d'une expansion dans les laboratoires de recherche de l'île des Soeurs. Dans la mesure où nous pourrons, évidemment, d'une part, obtenir des compétences venant du Québec, et, en même temps, d'autres venant de l'extérieur.

M. Payne: Lorsque vous parlez d'une masse critique, vous voulez dire une espèce de phénomène d'agglomération?

M. Montambault: C'est cela.

M. Payne: Mais le président a parlé, dans son exposé, de l'île des Soeurs et du satellite de Montréal, avec les intentions et les objectifs formels...

M. Montambault: Oui.

M. Payne: ...d'accroître le volume de la recherche à ces endroits. Quel est le plan de développement de ces satellites?

M. Montambault: Comme l'a dit le président, dans ce secteur-là, il est bien difficile de dire que nous allons doubler ou tripler en dedans de cinq ans, de huit ans ou trois ans. Ce qu'il faut dire, c'est qu'il faut réaliser, et je regrette de revenir encore là-dessus, que nous faisons affaires avec de la matière grise, une matière grise qui est extrêmement volatile, extrêmement mobile. Ce que nous disons, c'est que, dans la mesure où nous pourrons attirer chez nous les cerveaux nécessaires et, en même temps, en former dans nos universités québécoises, il est sûr qu'à ce moment-là l'expansion que pourraient prendre les opérations de l'île des Soeurs sera grandement en fonction de cet afflux de compétences. Qui dit recherche dit justement cet afflux d'intelligences qu'on ne peut pas fabriquer du jour au lendemain. Autrement dit, ce n'est pas comme implanter une usine et y embaucher des techniciens demain matin.

M. Payne: Je vais conclure ici. On établit que vous développerez les satellites ou la masse critique au Québec.

M. Montambault: La masse critique, on pense qu'on l'a établie présentement à

Ottawa. C'est le temps de faire de l'expansion ailleurs.

M. Payne: Oui, mais vous avez établi également que vous engagerez du développement au Québec. En plus, vous avez souligné les contraintes linguistiques et fiscales. En réponse à cela, on vous a signalé l'étude du Conference Board of Canada par le directeur adjoint Mark Daniel. En ce qui me concerne, je viens de vous rappeler les dispositions d'exception énoncées dans les règlements de la loi 101, qui, à mon avis, trouvent un certain équilibre nécessaire. D'ailleurs, cela a été fait en négociation avec beaucoup de personnes chez vous et vos

collègues du monde des affaires.

Au niveau politique, évidemment, cela fera toujours l'objet d'une discussion virile et viscérale. Cela concerne l'effort du gouvernement du Québec, mais je reviens à ma préoccupation que vous vous engagiez à expliciter davantage quels sont vos besoins en termes de formation ici. Je pense que cela devrait être un objectif formel, un engagement de votre part de former autant que possible votre main-d'oeuvre ici, pas "on the side, on the work side", sur les lieux nécessairement, comme vous avez dit, parce que c'est trop hautement spécialisé, mais c'est un objectif à long terme qui est réalisable, je pense. Avec les chiffres que l'on vient de voir en ce qui concerne les investissements possibles pour l'avenir concernant le RBN, c'est quelque chose de nécessaire socialement et économiquement pour le développement du Québec.

M. Montambault: Oui. D'ailleurs, M. le Président, si vous me permettez une dernière intervention là-dessus...

Le Président (M. Champagne): Oui.

M. Montambault: ...je suis d'accord avec vous. Dans le sillage de l'étude qui se fait du virage technologique, je pense que différents comités ont été formés pour essayer de donner suite et de trouver des voies de réalisation à ces principes qui ont été exprimés. Nous participons d'une façon très intime à un certain nombre de ces comités. Je pense par exemple au Conseil de la recherche scientifique - je ne suis pas sûr du nom. Il n'y a aucun doute que, faisant suite à votre propre suggestion, nous avons exprimé un certain nombre de suggestions pour, d'une part, rendre beaucoup plus étroits les contacts entre le monde universitaire et le monde de la recherche scientifique, le monde des affaires, et, en même temps, nous avons aussi suggéré certaines choses aux différents paliers de gouvernement pour aider cette formation que nous venons de mentionner.

Si vous le jugez à propos, c'est cela finalement le sens de votre question, il nous fera toujours plaisir d'indiquer aux autorités compétentes certaines pistes encore plus spécifiques que dans le domaine de la formation scolaire.

M. Payne: Je suis sensible à la différence entre deux autres technologies. Elles ne se ressemblent point ou difficilement, souvent, mais je peux dire que, dans le domaine de l'aéronautique, je pense que ce centre d'intenses activités est situé sur la rive sud de Montréal. Nous avons justement essayé d'établir - maintenant, je peux ajouter quelque chose à mon jargon - la "masse critique", avec beaucoup de négociations avec Pratt & Whitney. On revendique maintenant les retombées politiques promises du F-18. Mais nous essayons de consolider nos efforts avec la collaboration, par exemple, des chambres de commerce, de la Société pour le progrès de la rive sud. Nous faisons face régulièrement aux contraintes auxquelles vous faites allusion. Je pense que c'est seulement dans une optique de collaboration qu'on peut passer à travers.

M. Montambault: Exactement.

M. Payne: Comme citoyen corporatif, je pense que Bell est bien placée pour collaborer avec le gouvernement et avec vos partenaires.

M. Montambault: C'est exactement notre position aussi.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Westmount.

M. French: Merci, M. le Président. Je regrette de briser le rythme des questions du gouvernement, car j'ai trouvé les réponses intéressantes. Au risque de tracer un peu le même terrain, je voudrais quand même aborder certains problèmes qui me semblent se dessiner comme étant centraux et critiques, à cette commission parlementaire.

Bell Canada, et plus particulièrement Bell Northern et Northern Telecom, se trouvent en concurrence dans le domaine des ressources humaines d'une extrême rareté, sur une échelle au moins continentale sinon mondiale, avec des compagnies extrêmement sophistiquées pouvant offrir au moins autant que Montréal et Ottawa peuvent offrir sur le plan de style de vie, de la rémunération, des conditions culturelles, etc. On n'a qu'à penser à Boston et sa route 128, à la Californie et au complexe au sud de San Francisco, entre San Francisco et Stanford, au sud de Stanford également, dans la vallée de San Jose. On n'a qu'à penser à l'Arizona et au complexe en banlieue de Dallas et de Houston. Voilà au moins quatre endroits où une personne qualifiée pour travailler à Bell Northern pourrait, si elle choisissait et si elle était compétente, facilement aller et pourrait facilement trouver des emplois très intéressants.

J'imagine que, dans un tel contexte, cette personne se trouve dans ce qu'on appelle en anglais, pour ce qui est du marché du travail, un "seller's market", c'est-à-dire une situation où elle peut elle-même faire une espèce d'encan de ses propres services pour des compagnies dont ce marché est extrêmement concurrentiel.

Lorsqu'on aborde la question, à savoir quelles sont les conditions et les qualités qu'un personne comme celle-là cherche dans

son emploi, quels sont les critères qu'elle utilise pour choisir entre emplois possibles, j'imagine qu'il devrait y avoir toute une série de problèmes qui sont, ultimement, d'ordre psychologique et non pas d'ordre strictement rationnel et que l'évaluation du coût/bénéfice se fait souvent par instinct ou au pif plutôt que par une analyse détaillée et une lecture des rapports du Conference Board quant à tous et chacun de ces endroits possibles d'emplois.

Pour ce qui est de la fiscalité, je dois présumer qu'ultimement il n'y a pas de grand mystère, à savoir pourquoi le rapport du Conference Board ne fait pas en sorte que les gens voudraient venir ici puisque le revenu dont ils disposent à la fin de la journée est supérieur ou au moins égal à celui de Montréal. C'est que les gens, d'habitude - c'est une réalité psychologique -veulent disposer de leur propre argent et non pas qu'on dispose de leur argent par l'intermédiaire de leur gouvernement. (12 h 30)

Je regrette, par exemple, que ce soit le cas, puisque je trouve que Montréal a beaucoup à offrir sur tous les plans. Malheureusement, il faut le constater, il me semble que c'est ce genre de constat que Bell Canada nous offre aujourd'hui en tant que sommaire de son expérience en tentant d'attirer la main-d'oeuvre hautement qualifiée dans ces domaines de pointe dans lesquels il oeuvre à Montréal. On a fait état également sur le plan linguistique d'un certain nombre d'exceptions possibles à la loi ayant des incidences linguistiques. C'est la première question que je pose aux dirigeants de Bell Canada sur cette question linguistique. Quelle est la langue d'enseignement et quelle est la langue internationale des sciences qui vous préoccupent le plus? C'est évidemment l'anglais. N'y a-t-il pas une communauté - et je pose la question innocemment intellectuelle à l'intérieur des sciences qui vous préoccupent qui transige scientifiquement en français?

M. de Grandpré: Que je sache, non. Nous avons, dans les laboratoires de recherche et à l'intérieur du travail de recherche et de développement, une communauté qui est internationale et quand vous regardez le pays d'origine des chercheurs, vous vous rendez compte rapidement qu'ils viennent soit des États-Unis, soit d'Angleterre, soit de la Chine, soit de la Hongrie ou de la Tchécoslovaquie ou de l'Inde, ils nous viennent de partout. Ces gens n'ont que deux points d'attrait communs. La technologie des télécommunications ou de ce qu'on appelle la technologie des circuits miniaturisés, toute cette nouvelle technologie de pointe, cela est leur centre d'intérêt, c'est leur spécialité, c'est là où ils ont pris leur doctorat, leur maîtrise et toute la documentation est presque exclusivement de langue anglaise; leur communication entre eux est en langue anglaise non seulement au Canada, mais partout. J'ai eu l'occasion, en 1977, de faire une présentation devant la chambre de commerce où je disais que j'arrivais de Stockholm où j'avais assisté à un symposium international en communication pour célébrer le centenaire de L.M. Ericsson. Toutes les présentations furent faites en langue anglaise par les Français, les Brésiliens, les Américains et les Suédois.

Je n'ai rien inventé quand je dis cela aujourd'hui. Je l'ai dit en 1977. C'est un axiome économique scientifique actuel. Est-ce que ce sera la même chose dans 50 ans? Je l'ignore. Mais aujourd'hui, c'est le deuxième lien qui unit tous ces gens. Le premier, c'est évidemment la technologie et leur moyen de communication, c'est la langue anglaise dans leur milieu de travail et, souvent, ces chercheurs retournent dans leur milieu ethnique, si vous voulez, dès leur sortie du travail et on ne les revoit pas tellement dans le milieu général anglophone qu'on retrouve à Ottawa ou ailleurs. Ils retournent dans leur milieu. C'est ce qui m'avait amené à dire qu'il nous faut nécessairement avoir des accommodements quant à la langue d'éducation, la langue d'instruction et ne pas traiter sur le même pied les "immigrants" - et je mets le mot immigrant entre guillemets - à qui, à toutes fins utiles, on offre l'hospitalité parce que, chez eux, les difficultés économiques sont telles qu'ils veulent en sortir, et cet autre groupe d'immigrants qui sont des immigrants qu'on veut aller chercher pour les amener chez nous.

J'ai fait des représentations lors de l'étude de la loi 1, ici, devant la commission parlementaire. J'ai eu l'occasion de me prononcer à plusieurs reprises sur cette question. Je pense que c'est une erreur fondamentale de traiter ainsi ces deux groupes de personnes. Je ne veux pas que mes remarques soient interprétées d'une façon péjorative. C'est tout simplement que, dans un cas, vous offrez l'hospitalité chez vous pour toutes sortes de raisons, alors que, dans l'autre cas, ce n'est pas l'hospitalité, c'est presque une invitation à venir travailler chez vous et dans un milieu où le bonhomme peut aller n'importe où, comme vous le disiez tantôt. Il peut aller se loger aux États-Unis, il peut aller en Californie, il peut aller au Texas, il peut aller en Arizona, il peut aller à Nashville, Tennessee, où est notre siège social. Ce qui m'amène à faire une remarque additionnelle, parce qu'on a dit tantôt que, parce que le siège social de Northern-Telecom et de Bell était à Montréal, cela devait nécessairement dire que le centre principal de recherche devrait

être à Montréal. Ce n'est pas le cas, quant à nous, à Northern-Telecom. Notre siège social américain est à Nashville, au Tennessee. Nos principaux centres de recherche ne sont pas à Nashville, au Tennessee, mais on les retrouve à Silicone Valley, parce que c'est là qu'ils sont, c'est là qu'ils se trouvent, c'est là qu'ils veulent travailler.

M. Montambault: Un commentaire, M. le Président, concernant la langue. À titre d'exemple, nous avons à RBN quelque 26 nationalités de représentées. Il ne fait aucun doute que la langue commune quant aux activités techniques se situe autour de l'anglais. Là-dessus, je dois dire que nous n'avons pas de problème avec l'Office de la langue française concernant les activités. Nous avons eu effectivement des accommodements qui permettent justement de fonctionner avec ces chercheurs qui proviennent de toutes les parties du monde, à toutes fins utiles, en grande partie en langue anglaise, dans le domaine technique, et en français du côté administratif.

Là où je perçois un problème - c'est un argument d'appoint à ce que vient de dire le président du conseil - quand je parle aux gens qui sont dans le milieu, cela vient de la perception que les chercheurs qui seraient susceptibles de venir chez nous ont de cette langue d'enseignement. Vous avez mentionné tout à l'heure, avec raison, qu'il y a possibilité de faire des exceptions et de donner des permis spéciaux. Ce qu'il faut réaliser, c'est que les gens qui ont justement cette valeur marchande qui est leur cerveau, qui ont tellement de possibilités de venir ici, ailleurs ou dans d'autres pays, ne sont pas intéressés à même se soumettre à quelque contrôle que ce soit, à avoir à obtenir des permissions, par exemple. C'est ce qu'il faut réaliser. Ce sont des gens qui sont extrêmement mobiles, comme on l'a dit tout à l'heure. Pour notre part, c'est à ce niveau qu'il y aurait lieu de faire des accommodements, de façon à enlever cette contrainte qui ne vient finalement que nuire à cet influx de personnes qui autrement viendraient peut-être.

C'est simplement une contrainte supplémentaire. Nous avons parlé de fiscalité tout à l'heure. Il ne s'agit pas de renier tout ce qu'on a fait sur la langue. Il s'agit simplement de faire certains accommodements tels que perçus, c'est important, qu'ils aient raison ou qu'ils n'aient pas raison. Si ces gens perçoivent qu'ils ont des contraintes et décident d'aller ailleurs, c'est finalement la communauté québécoise qui en souffre. C'est à ce niveau que mon intervention voudrait être sentie.

M. French: Donc, le Québec a plus besoin de ses chercheurs que les chercheurs ont besoin du Québec. C'est au Québec...

M. Bertrand: La réponse est clairement oui.

M. French: Je pose la question maintenant. La réponse est clairement oui. En érigeant des barrières telles que les règlements de la loi 101 en ce qui concerne l'accès à l'enseignement en anglais, telles que la fiscalité personnelle, le gouvernement du Québec se trouve en quelque sorte à maintenir ou à créer des embûches à son propre projet, à créer des problèmes face à son virage technologique. Dans la mesure où le gouvernement du Québec est sérieux, qu'il veut poursuivre le virage technologique, je dois présumer que, parmi les conditions de base, devrait se trouver un réaménagement de ces politiques caractérisées comme des politiques ou les facteurs indépendants dans le rapport Tembec.

M. Payne: Si vous me permettez...

M. French: Oui, je vous le permettrai tout de suite, M. le député de Vachon.

M. Payne: Quelles sont les contraintes linguistiques pour les chercheurs qui viennent ici?

M. French: Je suis obligé de vous rappeler ce que M. Montambault vient de dire.

M. Payne: II parle de perception, mais je parle de la réalité. Je ne veux pas couper la ligne, mais c'est un dialogue assez important.

M. French: Le député de Vachon parle de réalités, mais les perceptions ne deviennent pas réelles, à ce moment-là.

M. de Grandpré: II y a une réalité importante qu'il ne faut pas négliger. Nous avons dit que ces gens venaient de tous les pays, qu'ils n'avaient que leur spécialisation et leur langue de travail jusqu'à ce moment-là. Quand vous les approchez et qu'ils ont des enfants d'un an ou deux ans, ils peuvent s'accommoder d'envoyer leurs enfants dans un milieu francophone pour leur éducation. Mais, règle générale, ce n'est pas à ce moment-là que vous allez les chercher. Ils ont des enfants de 10, 12, 14 ou 15 ans et ces enfants ne sont pas protégés par les exceptions de la loi et vous leur dites: Vous allez être obligés de faire éduquer vos enfants dans un milieu francophone de vous vous séparez d'eux.

Si vous ne voulez pas que ce soit le cas, vous allez tomber dans le cas d'exception des trois ans. Ceci étant, les gens disent: Je n'ai aucune idée si je veux

rester ici pendant trois ans ou si je veux rester ici pendant six ans, ils ne le savent pas au moment où ils viennent. Vous leur demandez de signer une formule qu'ils ne se sentent pas moralement autorisés à signer parce qu'ils ne savent pas dans quelle mesure... Ce sont des gens extrêmement mobiles. Ils peuvent rester ici pendant un an, cinq ans, sept ans, ils ne le savent pas au moment où ils arrivent, et c'est à cause de ça que la contrainte de l'exception est quelque chose dont ils ne veulent pas tenir compte. Ils disent: Si la fiscalité est supérieure, s'il y a des contraintes au point de vue de l'enseignement des enfants, et si, en plus de ça, le climat général est perçu, par eux, à tort ou à raison, comme étant non réceptif, à ce moment-là, étant donné que leurs talents sont à l'enchère sur le marché technologique, vous vous imaginez quelle est leur réponse.

C'est le problème pratique auquel nous faisons face. Vous en avez la preuve avec ce qui s'est passé dans l'industrie pharmaceutique. Combien de compagnies ont laissé, depuis deux ans, la recherche pharmaceutique? Ce n'est pas parce qu'ils voulaient s'en aller parce que, dans bien des cas, ils étaient heureux d'être ici, mais ils ont été obligés de s'en aller parce qu'ils avaient de la difficulté à recruter leur personnel.

M. French: M. le Président, une question de curiosité. Je crois, de surcroît -j'invite les représentants de Bell Canada à me contredire s'ils sont au courant - que les aptitudes des ingénieurs et des chercheurs en sciences naturelles, en physique, par exemple, en chimie, en génie physique, pour apprendre une deuxième ou une troisième langue, les aptitudes linguistiques de ces gens ne sont pas très élevées, règle générale. Cela veut dire que si on est doué pour les mathématiques... Les psychométriciens ont fait des études qui démontrent que les aptitudes ne sont peut-être pas aussi élevées à apprendre une deuxième langue et, dans bien des cas, une troisième langue. Je ne sais pas si c'est vrai, j'aimerais bien être démenti si c'est le cas.

M. de Grandpré: M. le Président, étant moi-même ingénieur, j'hésite à répondre à cette question.

M. French: Donc, vous n'avez pas de renseignements. Vous avez évoqué tantôt le climat général. On a parlé de fiscalité personnelle, on a parlé des contraintes linguistiques, peut-on parler du climat général? Quelles sont les raisons évoquées par les gens que vous voudriez attirer au Québec quant au climat général? Y a-t-il d'autres problèmes qui, d'après le député de Vachon, ne sont pas réels, mais dont on a néanmoins des perceptions importantes qui jouent dans tout ça? (12 h 45)

M. de Grandpré: Je pense que Tamec a fait connaître dans une grande mesure les points de repère qui délimitaient, si vous voulez, ce fameux climat dont tout le monde parle. Tant et aussi longtemps que tous les éléments n'auront pas été corrigés, vous resterez dans un climat d'appréhension.

Vous ne savez pas jusqu'à quel point il y a un dommage considérable fait dans le recrutement lorsque vous présentez le problème de l'hôpital St. Mary's. Je ne veux pas le déterrer ici, mais de là à savoir si on doit mourir en français ou mourir en anglais... Quand vous essayez d'expliquer cela à des gens en dehors du Québec, je vous défie d'obtenir une attitude rationnelle. Cela devient tellement émotif que ce n'est plus possible d'étayer les raisons qui pourraient les amener ici.

M. French: M. le Président, au sujet de la fiscalité des entreprises. On a assisté à une espèce de réforme ou révolution, si vous voulez, dans la fiscalité des entreprises qui fait en sorte que les charges, les ponctions fiscales de Québec sur les entreprises se font de plus en plus par des ponctions sur la masse salariale, sur le capital souscrit, etc, ce qui a eu une conséquence extrêmement importante: le gouvernement ne partage plus les risques de la conjoncture avec l'entreprise puisque, bon an mal an, l'entreprise se trouve dans la nécessité de payer les taxes qui sont, dans d'autres provinces et d'autres juridictions, basées, en quelque sorte, primordialement sur la rentabilité des entreprises qui se situent dans ces autres juridictions.

Je serais très intéressé de savoir, du président de Bell Canada, si cet aspect de la fiscalité des entreprises a quelque chose à voir dans toute cette problématique dont le rapport Tamec a fait état et qu'il a jusqu'ici largement confirmée.

M. de Grandpré: Là encore, je pense que je ne peux ajouter quoi que ce soit aux commentaires que vous retrouvez au mémoire préparé pour le Conseil du patronat par MM. Laliberté et Lanctôt, associés chez Coopers & Lybrand en date de mars 1983, à la page 1.1, Impôt sur les sociétés. On n'a pas encore fait mention de l'impôt sur les successions, mais le drainage et l'exode des gens à haut revenu, aussitôt que leur situation personnelle le permet, est sûrement une confirmation de ce que j'ai dit tantôt, que l'aspect fiscal du climat économique est tel que les gens qui ont gagné leur vie ici, qui sont nés ici, aussitôt que leur retraite arrive, vont vivre ailleurs. Pas nécessairement en Floride. Les exemples abondent.

M. French: Comme député de Westmount, j'en sais quelque chose.

M. le Président, une dernière question pour le président de Bell Canada. S'il était invité, comme il est effectivement invité par le ministre, aujourd'hui, à laisser deux ou trois idées dans l'esprit du législateur, dans l'esprit de la population du Québec, quant au défi auquel fait face le Québec aujourd'hui de rester concurrentiel dans un monde où, d'une part, les coûts de main-d'oeuvre dans l'Asie du Sud-Est et dans d'autres pays sous-développés créent de gros problèmes de compétitivité pour certaines de nos entreprises, et, d'autre part, la montée des produits de haut contenu technologique se fait de plus en plus importante dans le contexte d'aujourd'hui, quelle pensée aurait-il à laisser pour un gouvernement qui aurait à faire face à ce défi? Y a-t-il quelques idées clés dans toute cette problématique de la haute technologie des années quatre-vingt qu'il pourrait nous laisser?

M. de Grandpré: Vous me demandez presque un programme législatif dans ma réponse. Permettez-moi de vous indiquer quatre ou cinq points majeurs qui, à mon avis, permettraient au Québec de participer à l'évolution de la haute technologie qui se dessine dans le monde.

Nous avons parlé de la fiscalité des entreprises sur la masse salariale. Nous avons parlé de l'impôt sur les successions. Nous avons parlé de l'impôt sur les individus et de la différence importante qu'il y a entre les niveaux de taxation de l'Ontario et du Québec, parce que, pour les fins de la discussion, je pense que c'est plus facile de parler seulement de deux provinces. Si on se réfère à l'Alberta, c'est encore pire. Il y a la fiscalité personnelle, le milieu dans lequel les gens qu'on veut attirer ici devront faire éduquer leurs enfants, avec toutes les modifications dont on peut parler, et je ne peux pas en faire l'analyse en détail, mais je peux vous dire que la perception est telle qu'il y a des changements à apporter: remédier à un groupe de tracasseries des offices de réglementation qui concernent l'application de la loi et, en termes généraux, ne pas être perçus comme des gens qui sont contre ce qui peut être fait par d'autres milieux.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Vachon.

M. Payne: J'aimerais faire le point sur la perception des choses, sur ce dont le député de Westmount a parlé tout à l'heure, les embûches du gouvernement. On a bien constaté, avec M. Montambault, tout à l'heure, qu'il y a toujours les contraintes qui touchent la perception des choses. Je ne voudrais pas ici entrer dans une discussion de phénomènes comme, par exemple, la manière dont le Québec est perçu par ceux qui viennent de l'extérieur du Québec. Je pourrai simplement mentionner le fait que pour la plupart des pays et des nations anglophones, aux États-Unis, de Boston à Chicago, et aussi à Londres, et ailleurs chez les anglophones, la perception des choses vient des milieux qui ne sont pas politiquement trop favorables aux intérêts du Québec.

D'autre part, souvent, pour ceux qui viennent au Québec comme chercheurs, je connais très bien les règlements de l'office, ils sont très flexibles et je mets au défi n'importe quel président de dire qu'il y ait vraiment des difficultés administratives à se prévaloir des dispositions de la loi no 101. La perception peut être différente, mais, comme législateurs, on devrait y être sensibles. Mais ce n'est pas le gouvernement du Québec qui crée des embûches à ceux qui viennent de l'extérieur et qui ont l'obligation de vivre dans un milieu francophone. Ce ne sont pas les contraintes linguistiques qui font en sorte qu'on a 80% de francophones au Québec. Les législateurs peuvent faire et ils doivent faire, à mon avis, tous les efforts pour accueillir avec les assouplissements nécessaires - je ne veux pas vous lire tout cela ou vous expliquer comment ils fonctionnent - soit ceux qui viennent travailler dans les forces militaires, soit les enfants de diplomates, soit les chercheurs. Mais ils ont toute la liberté de fréquenter tout un système de réseaux d'écoles anglaises avec tous les avantages que cela comporte.

Donc, je conteste un peu ce que le président a appelé tout à l'heure la tracasserie des règlements de la loi. Cela n'existe pas, à mon avis. D'ailleurs, on parle de la perception des choses. J'ai souvent entendu le président parler de trois ans. En réalité, c'est six ans. Avec votre promotion, avec votre réflexion sur la réalité au Québec, je pense qu'on pourrait améliorer davantage le climat. Mais chaque société a ses contraintes. Chaque gouvernement, tout en respectant le voeu de la majorité, devrait être sensible à ce problème que vous soulevez ce matin. C'est un vieux problème et il ne sera pas résolu aujourd'hui, c'est sûr. Mais je pense qu'on devrait faire une nette distinction entre la perception des choses et les contraintes du législateur en ce qui concerne cette perception.

M. Montambault: Je ne suis sûrement pas en désaccord avec vous là-dessus, mais, encore une fois, j'aimerais ramener tout cela dans une optique appropriée. Nous parlons d'une denrée rare et très mobile, d'une part, je refais un peu le syllogisme. D'autre part, de ces contraintes dont nous parlions tantôt, il ne faudrait pas dire que c'est seulement la langue ou que c'est seulement la fiscalité. C'est tout un domaine de contraintes qui fait

que des gens viennent ou ne viennent pas chez nous ou ailleurs. Le fait demeure que ce n'est pas tellement ce que nous, au Québec, pensons de ces choses qui compte si on veut attirer ces gens et, quoi qu'on en dise, ce n'est pas seulement un sujet de perception. Il y a, effectivement, certaines contraintes comme celle d'obtenir, par exemple, dans ce cas particulier, un certificat provisoire, une permission spéciale. Ce que les gens de l'extérieur me demandent, c'est: Pourquoi est-ce que je n'ai pas à passer à travers ce phénomène si je demeure en Ontario ou au Manitoba qui, en plus de cela, a des avantages fiscaux et on pourrait discuter longtemps à savoir quelle est la différence? Je me souviens très bien, ayant participé au dernier sommet économique au Québec, que même les représentants du gouvernement, de concert avec le milieu des affaires, nous étions d'accord pour dire qu'il y a un écart fiscal, quel qu'il soit, que ce soit 12% ou 20%, ce n'est pas tellement cela qui importe. Ce que je vous dis pour ramener ce problème dans son ensemble, c'est que, cette denrée rare que nous désirons, si elle a la possibilité d'aller ailleurs sans subir ce genre de contrainte réelle ou perçue, elle est plus réservée à venir chez nous. C'est le sens de mon intervention.

M. Bertrand: Si je peux ajouter à la question du député de Vachon, l'érosion qu'on a sentie au cours des années, par exemple, au niveau du secteur manufacturier Northern Telecom, n'a pas commencé en 1980, n'a pas commencé en 1978, ni même en 1976, elle a commencé bien avant. Si on regarde l'évolution de Northern Telecom depuis une vingtaine d'années et on peut remonter à 1970, à ce moment, c'était la loi 63 qui s'appliquait. Ensuite, il y a eu la loi 22 et la loi 101. Après discussion avec les représentants des entreprises, des assouplissements, des améliorations ont été apportés. Je pense, d'ailleurs, que le milieu du patronat a reconnu que des assouplissements et des améliorations avaient été apportés, en particulier, en ce qui concerne les sièges sociaux et d'autres secteurs. Est-ce que, dans ce contexte, vous ne trouvez pas - je ne dis pas que c'est ce que vous faites en ce moment - que vous essayez d'expliquer l'érosion subie au niveau des emplois, par exemple, dans le secteur manufacturier, uniquement par ce type de question. J'imagine qu'il a dû y avoir aussi des décisions d'entreprises qui n'ont rien à voir avec des critères fiscaux ou linguistiques qui ont été prises au cours des dix dernières années et qui expliquent, en partie, l'érosion vécue au Québec en termes d'emplois, en particulier, dans le secteur manufacturier.

M. Montambault: Là-dessus, M. le ministre, je voudrais faire un commentaire sur ce que vous appelez l'érosion. C'est un fait que - on parle de Northern Telecom - le nombre d'emplois ou le nombre d'employés de Northern Telecom, au Québec, a diminué. Prenons, par exemple, la période de 1970 à 1982: Aucun doute là-dessus; en 1970, nous avions 13 400 employés au Québec et nous en avons présentement 5934. Je vous signale que le même phénomène s'est produit au niveau de Northern Telecom tout court ou au global où, en 1970, nous avions 22 600 employés et, en 1982, nous en avons 15 369. Je vous dis cela pour vous expliquer pourquoi il y a eu cette diminution. Cette diminution est venue, d'abord et avant tout, par un virage technologique que Northern Telecom a pris. Je dois le dire avec fierté, la plupart du temps avant d'autres. C'est ce qui a fait, par exemple, qu'en dépit de ce que vous appelez cette érosion, ou appelons-le cette diminution d'employés au Québec, le pourcentage de la production québécoise, de la production totale de Northern qui était, en 1970, avec le nombre d'employés dont on faisait allusion tout à l'heure, de 37% et véritablement, en 1982, ce pourcentage a augmenté à 50%. (13 heures)

Que s'est-il produit? Ce qui s'est produit, c'est qu'avec une diminution d'employés, par une orientation de Northern vers le secteur de la haute technologie - si on veut en discuter tout à l'heure, on sera en mesure de le faire - Northern a réussi à accroître la part de sa production totale au Québec. C'est ainsi, par exemple, que, comme résultat net de tout cela, alors que les ventes au Québec en 1982, comme on l'a dit ce matin, étaient de l'ordre de 380 000 000 $, si ma mémoire est bonne, la production de Northern au Québec est de l'ordre de 578 000 000 $, ce qui a fait qu'en dépit de cette diminution d'employés, nous avons réussi à créer au Québec l'équivalent de 2000 emplois qui sont là strictement à cause de l'exportation, c'est-à-dire du surplus de production de Northern comparativement aux besoins de la province de Québec.

Ce qui paraît être aujourd'hui une érosion voulue ou non voulue de Northern, une disparition graduelle de la province de Québec n'est en fait - je vous le soumets humblement - que le résultat d'une technologie de pointe qui s'est appliquée de plus en plus chez Northern, mais qui a eu exactement l'effet contraire, c'est-à-dire que non seulement cela n'a pas diminué au Québec en termes de production, mais que cela a augmenté et a créé des emplois additionnels.

C'est tout le problème finalement du virage technologique. J'avais l'occasion, samedi dernier, au congrès des MBA de la province de Québec, de leur parler justement

de la technologie nouvelle et de son impact sur les emplois. Ce n'est pas un facteur nouveau, ce n'est pas un problème nouveau. Il n'y a pas de doute que le Québec, comme d'autres, n'a véritablement pas le choix dans ce domaine. À l'occasion, cela va vouloir dire une diminution d'emplois, bien sûr, qui pourra être compensée dans d'autres secteurs par des emplois différents. La question qu'il faut se poser est la suivante: Si Northern n'avait pas fait cela en 1970 - cela n'a pas été le fait du hasard - si nous n'avions pas planifié ce virage technologique, ce n'est probablement plus 5000 emplois que nous aurions au Québec, mais peut-être serions-nous disparus de la carte entièrement, parce que d'autres ailleurs auraient pris la relève. Le virage technologique, on le sait, est quelque chose auquel on est tous exposés. C'est un problème mondial. Malheureusement, à l'occasion, il y a eu cette diminution d'emplois non seulement au Québec, mais aussi dans l'ensemble de la nation. C'est finalement un mal pour un bien.

Le Président (M. Champagne): Je remercie les membres de la commission. La commission élue permanente des communications ajourne ses travaux sine die.

M. Bertrand: Non, elle reprendra ses travaux après la période des questions cet après-midi.

Le Président (M. Champagne): Vous allez l'appeler peut-être?

M. Bertrand: Pour l'information de nos invités, je veux simplement signaler que ce sera probablement vers 16 heures, 16 h 15 ou 16 h 30. Cela dépend toujours de l'attitude que l'Opposition adopte à l'Assemblée à l'occasion des questions posées en vertu de l'article 34.

Le Président (M. Champagne): On se retrouvera donc vers cette heure-là.

(Suspension de la séance à 13 h 03)

(Reprise de la séance à 16 h 30)

Le Président (M. Champagne): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des communications poursuit ses travaux pour étudier la réorganisation de la structure corporative de Bell Canada et ses projets de développement au Québec.

Le ministre délégué à la Science et à la Technologie, M. Gilbert Paquette, remplace M. Yves Blais (Terrebonne). Vous n'avez pas d'objection? Cela va. Il n'y a pas d'autres changements?

M. French: Pas que je sache. Je ne sais pas s'il y a d'autres poids lourds qu'on peut attendre cet après-midi, M. le Président.

Le Président (M. Champagne): Des gens compétents ou... Enfin!

M. Paquette: C'est un compliment inattendul

Le Président (M. Champagne): C'est ça. À qui la parole? Un instant, M. le député d'Iberville, vous avez une question à poser?

M. French: La consultation, M. le Président.

M. Paquette: Si mon collègue est d'accord... Je m'excuse infiniment, j'aurais aimé assister aux travaux de la commission, parce que le groupe Bell-Northern est extrêmement important dans le système scientifique et technologique canadien et pourrait le devenir davantage dans le système scientifique et technologique québécois. Je pense qu'il y a une prise de conscience assez extraordinaire qui se fait au Québec depuis quelque temps, particulièrement dans le domaine des télécommunications, de la télématique, de l'informatique. Mon collègue, le ministre des Communications, est dans ce dossier depuis plusieurs mois. Il y a un sommet des communications qui s'en vient.

Je vais être obligé de vous quitter dans quelques minutes parce que j'ai à présider un nouveau comité ministériel qui regroupe sept collègues, y inclus mon collègue des Communications qui, lui, devra rester ici. Ce comité vise à préparer une table de concertation qui aura un certain caractère récurrent destiné à prendre en compte l'ensemble du phénomène de l'informatisation de notre société, autant le développement de l'industrie que la pénétration des technologies informatiques dans tous les secteurs industriels, les programmes de formation, les questions d'éducation, de main-d'oeuvre et même certaines questions culturelles, également, qui peuvent intéresser les Québécois.

Vous n'êtes pas, non plus, sans savoir que le gouvernement du Québec a décidé récemment de poser des gestes d'importance, je pense, qui auront un effet d'entraînement important, notamment l'introduction de 43 000 micro-ordinateurs dans les écoles au cours des cinq prochaines années et la mise sur pied de centres de recherche appliquée, le premier étant destiné aux technologies de conception et de fabrication assistées par ordinateur. Le gouvernement prépare une politique de bureautique en collaboration avec trois ministères. Il est certain que, dans tout ce développement de l'informatique et de la télématique au Québec, le groupe Bell-

Northern est extrêmement important.

J'ai été à même de constater récemment tout l'impact que peuvent avoir l'implantation et la concentration d'activités de recherche et de développement sur le développement économique. Je suis allé visiter en hélicoptère la région de Hull-Ottawa et j'ai regardé les deux côtés des rives; d'un côté, les parcs industriels sont vides, de l'autre côté, autour notamment de l'excellent centre de recherche du groupe Bell-Northern, se sont installées plusieurs entreprises de pointe. Je m'explique mal le fait que, dès 1978... On peut difficilement invoquer des questions linguistiques ou de taxation, à moins de se mettre à remonter aux gouvernements qui nous ont précédés et à les blâmer. Le mouvement a été amorcé précédemment, avant 1976, de sorte que, en 1978, on se retrouvait avec seulement 5%, dans le cas de Recherches Bell-Northern, des activités canadiennes qui se font au Québec.

Première question, est-ce dans les intentions du groupe Bell-Northern, dans ses plans d'avenir, d'accroître ses installations de recherche au Québec? Si oui, à quel rythme?

M. French: On a passé à travers tout ce terrain ce matin, très précisément, en long et en large. Des questions précises ont été posées, des réponses précises ont été données. Je ne vois pas pourquoi on devrait répéter cela.

M. Bertrand: Je ne pense pas que des réponses précises aient été données.

M. French: Ah bon! Si le ministre pense que les réponses n'étaient pas suffisamment précises, pourquoi n'a-t-il pas posé la question au moment où il a reçu les réponses supposément imprécises à ce sujet-là? Pourquoi, cet après-midi, tout à coup, par inspiration divine, a-t-il décidé que les réponses étaient insuffisamment précises?

M. Bertrand: Je ne sais pas quelle mouche a piqué le député de Westmount, je le sens comme cela depuis quelques heures aujourd'hui. Je veux simplement dire ceci: Ce matin, j'ai pris connaissance, à la lecture du document de M. le président de Bell Canada, qu'il était fait état de leur volonté d'accélérer le développement de la recherche, en particulier à l'île des Soeurs. Je me suis tourné vers le président de Bell Canada et je lui ai demandé comment on pouvait définir ce type d'accélération, comment cela pouvait se concrétiser au cours des prochaines années. M. de Grandpré m'a répondu qu'il n'était pas en mesure, à ce stade-ci, de m'apporter des éléments précis relativement à cette question. Le ministre délégué à la Science et à la Technologie a bien le droit de revenir et de demander au président ce que veut dire, exactement et concrètement, cette manifestation de bonne volonté exprimée dans son texte. C'est tout.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Rosemont, vous voulez poser une question?

M. Paquette: Oui, M. le Président, parce que, si le député est aussi à pic, on sera obligé de se remettre à renoter le nombre de fois où les députés libéraux posent sans cesse les mêmes questions. Je m'excuse infiniment de ne pas avoir été présent ce matin. C'est une première question. Si on y a déjà répondu ce matin, je demanderais aux gens de Bell-Northern d'être brefs dans leur réponse parce que j'en ai d'autres par la suite.

Le Président (M. Champagne): La question est posée.

M. de Grandpré.

M. de Grandpré: M. le Président, je me permettrai de référer à la carte no 4 que nous avons déposée ce matin devant le comité, pour rappeler qu'en 1982, au Québec, le nombre total de personnel affecté à la recherche et au développement était de 525; que la part du Québec était de 37 000 000 $ sur un total de 340 000 000 $, ce qui représentait à peu près 11% du volume total des sommes consacrées à la recherche et au développement sur un marché mondial total de 12,7% représentant la part du Québec.

Nous avons indiqué qu'il y avait peut-être là un rattrapage à faire, mais ce n'était sûrement pas un rattrapage de l'importance mentionnée dans la question du ministre et qu'au surplus, à l'île des Soeurs, nous avions 134 employés avec un budget total de 9 700 000 $ et que 46 employés travaillaient de concert avec l'INRS-Télécommunications.

Quant à la question posée par le ministre des Communications, ce matin, me demandant si je pouvais faire une projection du montant de recherches qui seraient faites dans le Québec, je lui ai dit qu'à ce moment-ci il ne m'était pas possible de faire des prédictions à ce sujet mais que, comme l'a indiqué M. Montambault, le passé était sûrement garant de l'avenir parce que la position de Bell et de Northern dans le Québec dépassait, sauf pour ce petit écart minime au Québec, la contribution que les mathématiques pourraient nous amener à déterminer. Ce matin, nous avons établi que 34% des revenus de Bell étaient reçus de la province de Québec et que les dépenses totales étaient toujours de l'ordre de 35% à 40%.

M. Paquette: En fait, je pense qu'on est d'accord que, sur le plan des activités de fabrication, l'équilibre est assez bien maintenu entre les ressources financières que tire Bell-Northern du Québec et ses dépenses. Au niveau de la recherche et du développement, on s'entend sur le fait qu'il y a un rattrapage à faire. Ce qui m'intéresse, ce sont les possibilités de coopération et de collaboration. Le gouvernement du Québec, par sa politique scientifique de 1980, mais encore plus par sa politique économique publiée l'année dernière, qui s'appelle, comme vous le savez, Le virage technologique, a décidé de mettre un accent vigoureux sur le développement de la recherche, perçu, tel qu'indiqué dans le dernier discours inaugural, comme un des deux pôles de notre développement économique au Québec. En ce sens-là, cela va de soi qu'une entreprise ou plutôt un ensemble d'entreprises de la taille, de l'importance du groupe Bell-Northern, peut avoir un impact considérable sur le redressement qu'il y a à faire dans le domaine de notre industrie électronique et informatique.

J'aimerais savoir si le groupe Bell-Northern est réceptif à une collaboration avec le gouvernement du Québec qui pourrait prendre diverses formes, évidemment. Il y a plusieurs projets à l'étude pour stimuler la recherche et le développement. Il y en a qui sont à l'étude relativement au prochain discours sur le budget, mais il y a également la possibilité de financer conjointement des recherches, d'établir, autrement dit, des conditions qui soient favorables à l'accroissement le plus rapide possible des activités de recherche et de développement de Bell-Northern au Québec.

M. de Grandpré: II est clair, M. le Président, que Bell et Northern et les laboratoires de Recherches Bell-Northern sont continuellement réceptifs à tout rapprochement qui pourrait faire du Québec un centre de recherche plus recherché, si je peux employer le mot, que ce qu'on retrouve aujourd'hui. Toutes les approches, toutes les possibilités qui seront offertes au groupe pour agrandir son centre de recherche ou son centre de fabrication seront, évidemment, examinées, pesées et si les avantages sont importants, il ne fait aucun doute que nous ferons, comme nous l'avons toujours fait, un effort particulier pour coopérer avec le gouvernement de la province quel qu'il soit et à quelque moment que ce soit de l'histoire.

M. Montambault: D'ailleurs, je dois dire qu'à cet effet nous avons déjà accepté, comme vous le savez, M. le ministre, de participer à toutes les délibérations qui entourent ce document qu'est Le virage technologique. Nous avons aussi, comme le disait le ministre des Communications ce matin, accepté de participer à 100% au prochain sommet sur les communications. Il n'y a aucun doute que, de la part de l'organisme Bell-Northern, les RBN, notre collaboration vous est acquise parce que je pense qu'il est de l'intérêt de tout le monde que nous puissions créer au Québec une situation qui soit plus favorable non seulement à former chez nous des cerveaux qui vont pouvoir faire progresser la recherche, mais en même temps à établir des conditions qui nous permettront d'en amener d'autres. Je pense que, sur ce terrain-là, vous pouvez compter à 100% sur notre collaboration.

M. Paquette: J'ai eu l'occasion de visiter une des usines de Northern Telecom, récemment, et j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs personnes qui travaillent également au centre de recherche de l'île des Soeurs. Pour ce qui est de la formation du personnel de recherche, est-ce que la compagnie utilise actuellement certaines facilités de formation qui lui sont propres? Quel est le pourcentage des personnes qui travaillent, par exemple, à l'île des Soeurs, qui sont des "produits" des universités du Québec? Quelle est votre opinion sur cette dimension du problème?

M. Montambault: Sur cette question-là, en termes de pourcentage, il m'est difficile de vous répondre. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle à l'île des Soeurs, si on inclut l'INRS, soit quelque 26 détenteurs de doctorat et environ 44 détenteurs de maîtrise, je serais porté à croire que la majorité de ces gens-là vient de l'extérieur, compte tenu que ce que j'appelle - entre guillemets, si vous me permettez encore l'expression - "la production de nos universités québécoises" est assez restreinte de ce côté-là. Je vous donne un chiffre. En termes de détenteurs de diplômes de troisième cycle, il se "produit" au Québec, actuellement, dans ce genre de science, environ deux ou trois docteurs par année. (16 h 45)

C'est évident qu'à ce moment-là nos Québécois forment encore, j'en ai l'impression, une minorité, mais une minorité qui va s'accroître si on prend les mesures pour accélérer le développement de telles compétences, parce que, comme je le disais ce matin, contrairement à une industrie de fabrication où on peut entraîner chez soi des techniciens qui deviennent ensuite un peu plus efficaces au niveau de la haute technologie, dans ce domaine de la recherche, il faut d'abord puiser, dans les universités, des gens qui ont acquis, au point de vue scolaire, une certaine excellence de deuxième ou de troisième cycle. Au départ,

le Québec, à ce moment-ci et pour toutes sortes de raisons, a du rattrapage à faire.

M. Paquette: D'accord, M. le Président. C'étaient les quelques questions que j'avais à poser, simplement pour vous témoigner l'importance que l'ensemble de mes collègues, moi-même et particulièrement le ministre des Communications accordons au développement des activités de recherche. Je note avec plaisir l'ouverture de M. de Grandpré à établir une collaboration avec le gouvernement du Québec. Pour reprendre ses termes, j'ose espérer qu'on n'aura pas à attendre qu'il y ait un autre gouvernement, qu'on pourra amorcer cela dans les jours et les semaines qui viennent.

Le Président (M. Champagne): M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: Dans la matinée, il a été question de la fiscalité des individus, entre autres. À un moment donné, vous avez donné une comparaison en parlant des chercheurs à la retraite ou des travailleurs spécialisés qui, une fois à leur retraite et compte tenu de la fiscalité en vigueur au Québec, préféraient aller vivre à l'extérieur.

M. de Grandpré: Si vous me le permettez, je n'ai pas fait allusion aux chercheurs à ce moment, mais je faisais allusion aux chefs d'entreprise qui avaient passé la majeure partie de leur vie au Québec, qui avaient été éduqués ici, qui avaient travaillé ici et qui devaient avoir leur domicile ici pendant leur période active et qui, une fois la retraite arrivée, pour des raisons de fiscalité, non seulement la fiscalité au niveau du revenu, mais au niveau de l'impôt sur les successions, se disaient qu'ils n'avaient les moyens ni de vivre, ni de mourir au Québec.

M. Beauséjour: Maintenant, sur ces chefs d'entreprise, est-ce que vous évaluez qu'il peut y avoir un certain pourcentage de gens de langue française qui cherchent un endroit où c'est plus facile au point de vue fiscal?

M. de Grandpré: Je ne peux pas vous dire s'il y a des gens de langue française ou de langue anglaise. Je peux vous dire qu'une quantité importante d'anciens chefs d'entreprise ont changé de domicile le jour de leur retraite. C'est ce que je constate. Que voulez-vous que j'y fasse? Cela n'a rien à voir, je pense, avec la langue, sauf que, dans certains cas, comme les enfants sont plus attirés vers le Québec parce qu'ils sont des enfants francophones, il est bien plus difficile pour les parents de partir du Québec alors que leurs enfants et leurs petits-enfants sont ici. Mais quand vous avez un milieu beaucoup plus mobile que le milieu francophone québécois et que les familles sont déjà dispersées, le coup de pouce est plus facile pour le père, ou le grand-père et la grand-mère de dire: À ce stade-ci, je passerai ma retraite ailleurs qu'au Québec en raison de la fiscalité dont j'ai fait mention ce matin.

M. Beauséjour: C'est pour cela que je voulais avoir cette précision parce que, des propos que vous avez tenus dans la matinée, j'avais conclu que ce qu'il y a de plus important, que la loi 101, c'est d'abord de voir l'aspect de la fiscalité parce que, s'il y a des mesures fiscales qui sont attirantes, que ce soit pour le Québec ou une autre région, à ce moment, probablement que c'est peut-être le critère premier qui peut attirer plus de gens.

M. de Grandpré: Cela dépend. Si vous parlez de gens à leur retraite, évidemment, la fiscalité est probablement le point principal qu'eux considèrent. Si vous parlez des gens qui sont actifs, mais qui ne sont pas installés au Québec, mais qu'on veut attirer au Québec parce qu'on en a besoin, soit pour de la fabrication ou de la recherche ou pour toute autre raison d'administration, à ce moment, la fiscalité est un aspect et les autres aspects que j'ai mentionnés ce matin deviennent des facteurs importants.

Le Président (M. Champagne): Y a-t-il d'autres interventions, des questions? M. le ministre.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Je voudrais continuer notre échange sur cette question de recherche et de développement. Je voudrais qu'on essaie de faire un certain nombre de calculs. Je voudrais vérifier si les chiffres que j'avance sont exacts à partir des renseignements que vous nous avez livrés ce matin ou qui figurent au rapport annuel dans les états financiers de Bell Canada. D'abord, je peux indiquer comme prémisse à ce que je vais établir comme démonstration, dans la mesure où je vais tenter de réussir à établir quelque chose - j'espère ne pas trop me tromper, vous allez me corriger, j'en suis convaincu, si je suis dans l'erreur - que les activités en recherche et développement dans le groupe Bell se financent, si j'ai bien compris essentiellement à même les revenus d'exploitation et aussi à même les revenus de fabrication du groupe Bell Canada.

M. de Grandpré: Non, ce n'est pas tout à fait exact, parce que nous avons, évidemment, toujours financé nos projets de recherche à même nos dépenses courantes. Nous n'avons jamais capitalisé nos dépenses de recherche comme d'autres entreprises ont

pu le faire. Cependant, nous avons également développé, pour des raisons de fiscalité, ce qu'on a appelé des fonds de développement et de recherche qui sont sensiblement semblables à ce qu'on a fait pour l'exploration du Grand-Nord, par exemple, pour l'énergie.

Vous vous souvenez que - je ne parle pas du dernier budget - dans les budgets antérieurs, un des critères qui étaient importants pour déterminer le degré des crédits de fiscalité était l'augmentation par rapport aux trois années antérieures. C'était la moyenne des trois années antérieures qui déterminait quelle était l'augmentation de vos dépenses de recherche. Or, c'était, à notre avis, la plus mauvaise façon pour le gouvernement fédéral d'inciter à la recherche parce que cela voulait dire que, si vous augmentiez considérablement votre recherche pendant une année et que vous la laissiez tomber le lendemain ou l'année suivante, dans l'année qui suivait, vous aviez réduit votre moyenne des trois dernières années et, par conséquent, vous aviez un avantage fiscal.

J'ai toujours prétendu que c'était ce que j'appelais du yo-yo au point de vue du crédit fiscal et que c'était une mauvaise façon d'appuyer la recherche parce que la recherche doit se faire d'une façon constante et doit être déterminée par le degré de vos ventes, la proportion que vous voulez consacrer à la recherche, proportion qui veut varier entre 7%, 8%, 9% de vos ventes selon les périodes. Nous avons toujours cru qu'il fallait que la pente soit une pente ascendante, mais qu'elle ne comporte pas de ces fluctuations graves uniquement pour des raisons fiscales.

De façon à contourner cette difficulté, nous avons créé des fonds de recherche que nous avons vendus comme les compagnies qui faisaient de l'exploration dans le domaine énergétique. Nous avons vendu des proportions de dépenses de recherche à des entreprises qui ne faisaient pas de recherche, avec le résultat que, si vous aviez une compagnie X, Y, Z qui ne dépensait absolument rien en recherche pour des raisons bien faciles à comprendre et qui avait un immense "cash flow", elle partait du point zéro et avait le maximum des avantages fiscaux en participant à nos fonds de recherche. Nous avons fait cela, ce qu'on appelait dans notre langage, des SRIC, des fonds de recherche; je ne me souviens pas au juste, mais cela s'appelait des SRIC. Ces fonds de recherche nous ont permis d'obtenir des avantages fiscaux supérieurs. Par conséquent, nous avons pu faire notre recherche non seulement en utilisant nos revenus et en les portant à nos dépenses, mais également en nous servant de ce système de fiscalité qui nous avantageait. Je pense qu'il faut ajouter ceci à la question que vous aviez posée.

M. Bertrand: Bon! Alors, en d'autres mots, au-delà du SRIC... Je ne sais pas comment cela va être écrit.

M. de Grandpré: C'est SRIC. Oui, ça, c'est la version française?

M. Bertrand: C'est pour le journal des Débats. Je me demande comment les gens vont écrire le mot au journal des Débats. On trouvera les lettres exactes pour la correction.

M. de Grandpré: C'est SRIC en anglais, mais en français, je ne sais pas comment cela s'écrit. Ce sont des fonds de recherche, en tout cas, qu'on vendait et qui permettaient aux entreprises d'avoir le maximum d'avantages au point de vue fiscal. C'est cela, oui.

Une voix: On a compris FRIC!

M. Bertrand: Cela rapporte du fric aussi. L'un ne va pas sans l'autre. Donc, M. le Président, la réponse à la question, c'est que, effectivement, vos activités de recherche et de développement ne se financent donc pas uniquement à même les revenus d'exploitation et à même les revenus de fabrication. Il y a d'autres méthodes utilisées, d'autres sources de revenus utilisées pour financer les activités de recherche et de développement.

Ce matin, par les tableaux que vous nous avez présentés autant que par la lecture de votre rapport, on apprend, effectivement - c'est vous qui l'avez souligné - que les chiffres de 1982 sont différents de ceux que nous avions et qui étaient calculés sur la base de l'année 1981, que Bell Canada avait en 1982 dépensé 95 900 000 $ en recherche et en développement, à partir des revenus d'exploitation. Vous avez aussi indiqué que le Québec représente, quant à l'exploitation, 34% de ce secteur. Si je fais un calcul rapide, s'il est vrai que le Québec représente 34% de ce secteur, c'est-à-dire le secteur de l'exploitation, et que 95 900 000 $ ont été pris à même le service d'exploitation pour être investis dans la recherche et le développement, la contribution du Québec aurait été de 32 600 000 $ en recherche et en développement. Je fais un calcul.

M. de Grandpré: Sauf que vous passez de Northern Telecom Canada à Northern Telecom Limitée sans faire les distinctions qui s'imposent. Ce qu'on vous a dit ce matin, c'est que la recherche est une entreprise globale et qu'on doit regarder le total de la recherche sur le plan mondial. C'est sur le plan mondial que nous avons

dépensé 340 000 000 $ et 340 000 000 $, comparé à 37 000 000 $ au Québec, cela représentait 11%. Les 34%, c'est la proportion de Northern Telecom Canada par rapport au Québec.

M. Montambault: Je pense que ce à quoi le ministre des Communications fait allusion, c'est au montant qui, effectivement, est déboursé par Bell Canada dans ce montant global de 340 000 000 $, soit 95 000 000 $. Il faut regarder ce montant-là comme étant divisé, d'abord, 50-50 entre Bell Canada et Northern, c'est-à-dire que 50% du montant de recherche que défraie Bell Canada est effectivement dépensé par les laboratoires RBN. D'accord? Cela fait en sorte que - si je saisis votre question - le montant global de recherche dépensé par Bell Canada, d'une façon interne à Bell Canada -c'est bien ce dont on parle, M. le ministre -est d'environ 45 000 000 $ à 47 000 000 $.

Il reste, quand même, que le point que vous soulignez est véridique, en ce sens que le pourcentage de Bell Canada au Québec devrait être de l'ordre du tiers, donc on parle de 15 000 000 $, alors qu'effectivement il est de 9 000 000 $ à 10 000 000 $. Il y a quand même une légère différence qui s'explique par le fait que le même principe que nous avons expliqué ce matin, en ce qui concerne la masse critique que nous avons établie à Ottawa au niveau des laboratoires RBN a aussi, évidemment, son pendant du côté de Bell Canada. C'est ainsi que la plus grande partie, la partie la plus importante de nos recherches internes à Bell Canada, se fait effectivement à Ottawa, de concert avec les laboratoires RBN qui sont là en majorité, comme on l'a dit ce matin. Il est donc normal que, de ces 45 000 000 $ de dépenses en recherche et développement que fait Bell Canada d'une façon interne, il y ait une partie plus importante qui se dépense à Ottawa plutôt qu'à Québec ou à Toronto ou à Edmonton. (17 heures)

Cela dit, il reste quand même que, compte tenu de la masse critique qui a été atteinte du côté RBN, nous avons aussi l'intention d'augmenter, dans les années qui viennent, la part qui sera dépensée au Québec, de façon au moins à combler l'écart de 4 000 000 $ à 5 000 000 $ qui existe aujourd'hui et probablement à l'amplifier.

M. Bertrand: Je vous remercie, M. Montambault, de m'amener à situer plus précisément ces 95 900 000 $ dépensés en recherche et développement à partir de l'exploitation du service téléphonique. Toujours pour nous amener ensemble à préciser davantage ce qui est investi en recherche et développement, je veux aussi tenter d'évaluer le raisonnement de la compagnie quant à l'étape de la fabrication.

Quant à la fabrication, on nous a dit que 8% des ventes sont investis en recherche et développement. Au Québec, en 1982, on a eu les chiffres. Les ventes de fabrication ont totalisé 384 000 000 $. Il y aurait donc un apport en recherche et développement, sur la base des 8% des ventes dont on vient de parler, de l'ordre de 30 700 000 $, selon la logique dans laquelle vous nous avez introduits ce matin. Si je fais le calcul de ces 30 700 000 $ qui, normalement, seraient investis en recherche et développement au Québec à partir des 8% des ventes en fabrication en plus de ces quelque 15 000 000 $ dont vous avez parlé relativement à l'exploitation du service téléphonique, j'arrive à un montant d'environ 45 000 000 $.

Or, les chiffres que vous nous avez donnés ce matin révèlent que ce serait environ 37 000 000 $ qui seraient dépensés en recherche et développement au Québec. Il y a donc une différence que vous attribuez, pour l'instant, à ce que vous appelez le besoin de vous conformer à cet objectif de masse critique minimale - qui, je l'espère, deviendra maximale, un jour - quant à la concentration de la recherche et du développement, afin d'éviter ce que M. de Grandpré a appelé la balkanisation de la recherche et du développement. Mais les gens de Bell Canada sont conscients, tout en prenant en considération la première réponse que m'a donnée M. de Grandpré quant aux activités de recherche et de développement non financées uniquement à partir des revenus d'exploitation et de fabrication, en prenant aussi en considération les données que vous venez de me fournir quant aux pourcentages affectés à la recherche et au développement à partir de l'exploitation du service téléphonique, ainsi qu'à partir de la fabrication, qu'il y aurait donc ce qu'on pourrait appeler une forme de plan de rattrapage sur lequel on pourrait travailler conjointement, Bell Canada et le ministère québécois des Communications, pour voir comment on pourrait arriver, tenant compte des objectifs de Bell Canada, mais aussi du potentiel existant au Québec pour répondre aux besoins de Bell Canada, à combler ce manque à gagner, si je peux le qualifier ainsi.

M. Montambault: D'ailleurs, M. le ministre, c'est pour cela qu'on disait, ce matin, qu'on ne peut pas vous donner un ordre de grandeur du temps que cela pourrait prendre pour combler cet écart si on veut le combler, compte tenu que ce même écart va être comblé par la matière grise. Dans la mesure où on pourra, d'une part, former au Québec une certaine partie des gens qui pourront nous aider à combler cet écart et, d'autre part, attirer des gens de l'extérieur -enfin, tous les principes qu'on expliquait ce

matin - le temps que cela pourra prendre pour combler l'écart en question pourra être plus ou moins long.

M. Bertrand: Maintenant, relativement à cette matière grise à laquelle vous faites allusion, M. Montambault, en visitant les laboratoires de recherche à l'île des Soeurs -tout en me réjouissant, par ailleurs, de la présence fort originale et active de l'INRS qui se joint à votre groupe dans des projets assez particuliers, ce qui est effectivement un fait unique dans le secteur de la recherche et du développement au Québec -j'ai été à même de constater, en posant un certain nombre de questions, que vous avez de la difficulté à trouver au Québec ce genre de personnes. Ce matin, le député de Vachon vous a tendu une perche en vous demandant de nous définir, du point de vue de Bell Canada, bien sûr, les besoins qui pouvaient exister à partir des priorités de développement que vous avez. Parce qu'il y a quelque chose qui caractérise Recherches Bell-Northern et Northern Telecom au niveau de la recherche qui est effectuée. C'est que vos activités de recherche sont très directement liées à vos projets de fabrication et il ne s'effectue pas ce qu'on pourrait appeler - très peu ou pas du tout; vous pourriez répondre à ma question - dans le groupe Recherches Bell-Northern de la recherche fondamentale.

M. Montambault: 10% à peu près.

M. Bertrand: À peu près 10%, mais 90% vont à la recherche appliquée.

M. Montambault: Appliquée, c'est cela.

M. Bertrand: D'où l'importance que vous attachez, d'ailleurs, dans chacune des succursales de Northern Telecom à la partie recherche et développement. Je pense qu'il n'y a pas une entreprise qui n'a pas son secteur de la recherche et du développement attaché directement au secteur de fabrication de l'entreprise. Partant de là, ce matin, le député de Vachon vous a demandé quelle genre de besoins existaient. Comme nous voudrions fonctionner dans des délais relativement rapides, êtes-vous en mesure d'indiquer aux membres de la commission quelle sorte de carences vous notez au plan de la formation d'universitaires chez nous ou de techniciens spécialisés, quel type de carences sentez-vous? En d'autres mots, quel genre d'efforts souhaiteriez-vous voir s'accomplir pour répondre aux besoin d'une entreprise comme Bell Canada?

M. Montambault: M. le ministre, je crois que vous allez reconnaître que, n'étant pas un spécialiste de la question, c'est évidemment difficile pour moi de vous dire que cela nous prend cinq docteurs en physique nucléaire ou d'autres domaines.

M. Bertrand: Est-ce que M. Terreault peut répondre à ces questions?

M. Montambault: J'allais vous dire ce sont des choses que l'on peut sûrement mettre sur papier de façon à vous donner un aperçu un peu plus spécifique de ce qui pourrait correspondre à nos besoins. Si vous le permettez, je voudrais simplement rajouter que le problème auquel nous faisions allusion n'en est pas un simplement de télécommunications. Je crois qu'il existe au Québec un problème au niveau des sciences tout court, que ce soit les sciences de la biologie, les sciences de la biotechnique ou les sciences de la robotique; nous avons besoin de former un plus grand nombre de docteurs et de maîtres en sciences naturelles. À moins que M. Charles Terreault ne puisse répondre immédiatement à votre question, j'accepte volontiers de vous soumettre une idée de ce dont nous aurions besoin dans les années à venir, vu qu'à ce moment cela ne sera que du secteur des télécommunications qu'on parle et vu que le problème est beaucoup plus vaste que cela.

M. Bertrand: Si M. Terreault...

M. Montambault: Si vous le permettez, est-ce que je peux demander à M. Charles Terreault s'il y a des commentaires sur cela?

M. Bertrand: S'il veut s'approcher de la table, lui ou quelque autre personne, M. de Grandpré, que vous désirez faire entendre.

M. de Grandpré: Dans toute cette question, je crois que M. Terreault est sûrement celui qui est le plus au fait parmi ceux qui sont ici.

M. Bertrand: On remercie M. Terreault de l'excellente collaboration qu'il apporte, d'ailleurs, au ministère des Communications pour ce qui est de la définition et de la compréhension d'un certain nombre de problèmes en télécommunications.

M. Terreault (Charles): Merci. Pour ce qui est de l'apport en chercheurs scientifiques, je crois qu'il faut distinguer les différents niveaux de formation universitaire. Au niveau des techniciens, des technologues, au niveau des ingénieurs de premier cycle, il n'y a pas de problème pour obtenir les ressources quantitatives nécessaires. On trouve d'excellentes gens à ce niveau. Où cela devient beaucoup plus difficile, c'est au deuxième cycle et surtout au troisième cycle. Oui, nous avons établi certains modèles de développement, parce qu'on voulait justement avoir une idée. Par

exemple, si on doublait le nombre de chercheurs à RBN, en supposant, évidemment, qu'on ne fait pas de la recherche pour faire de la recherche, qu'il y ait des besoins spécifiques dans tel ou tel domaine, qu'est-ce que cela représenterait, en tenant compte aussi des départs qui se font pour diverses raisons? C'est un facteur important parce qu'on constate que, dans des entreprises comme Northern et même dans certains cas à Bell Canada, une des principales sources de cadres supérieurs, que ce soit dans le marketing ou dans l'entreprise, ce sont des gens qui viennent de la recherche. Si on regarde, par exemple, du côté des dirigeants de Northern, le nombre de gens qui sont venus de la recherche est complètement disproportionné si on le compare au nombre de gens des autres secteurs. Donc, il y a un apport continuel qui doit se faire des services de recherche.

Au niveau de la maîtrise, pour reprendre mon exemple de départ, si on voulait doubler pour une période de cinq ans, il faudrait engager tous les diplômés au niveau du deuxième cycle en télécommunications et dans les domaines se rapprochant des télécommunications. Je pense qu'il n'y a que l'INRS-télécommunications qui donne une maîtrise spécifiquement en ingénierie des télécommunications. Par contre, d'autres universités québécoises donnent des maîtrises dans des domaines connexes où les gens peuvent être utilisés, ce qui, évidemment, ne laisse personne pour toute autre entreprise, que ce soit Marconi, Spar, etc., comme ressources.

Au niveau du doctorat, c'est encore beaucoup plus complexe. On estime, d'après ce qu'on a pu obtenir des universités et du ministère de l'Éducation - cela peut paraître curieux, mais c'est très difficile d'obtenir ces chiffres - qu'il y a environ cinq doctorats en télécommunications et en informatique dont, nous dit-on, à peu près un ou deux par année au niveau des télécommunications ou touchant de près ou de loin au domaine des télécommunications. Il en faudrait quatre à cinq fois plus par année pour combler les besoins. Cela, je pense que c'est vraiment un problème extrêmement important. Seulement dans un modèle, je dis qu'il faudrait doubler en quelques années, en tenant compte aussi qu'on continue à engager un certain nombre de gens de l'extérieur, parce que je pense que c'est essentiel pour une activité de recherche que tous ne proviennent pas du même milieu universitaire parce que, à ce moment-là, on perd toute la synergie qui vient du brassage d'idées venant de formations extrêmement différentes.

Donc, dans notre modèle, nous supposions qu'on devrait en recruter au moins 25% à l'extérieur du Québec. Mais, dans mes chiffres, je disais qu'au niveau de la maîtrise on engageait tous ceux qui avaient un diplôme. En pratique, on ne les engagerait pas tous parce qu'il ne suffit pas d'avoir une maîtrise pour être nécessairement un génie. Il y en a certains auxquels, de toute façon, on ne serait certainement pas intéressé. Au niveau du doctorat, on était de très loin à court.

Donc, je pense que c'est une des actions que le gouvernement peut prendre. Je pense que vous pourriez passer le message à votre confrère de l'Éducation qu'il y a un besoin extrêmement grand du côté des études avancées du deuxième, et du troisième cycle. M. Paquette était là, tout à l'heure; si on veut assurer ce virage technologique, c'est, à mon sens, la condition nécessaire, pas une condition suffisante, mais c'est certainement une condition nécessaire. Ce qui nous rend la définition de nos plans de développement tellement difficile, c'est qu'on regarde la production actuelle et on se dit: On voudrait bien doubler, mais les gens ne viennent pas. C'est pour cela qu'on a eu beaucoup de discussions internes. Est-ce qu'on peut ou non donner des chiffres? On a conclu qu'on ne peut pas parce que, si on fait des promesses et qu'ensuite on ne peut pas obtenir les gens, c'est se moquer du monde. Par contre, au niveau de la maîtrise - cela, je pense qu'on l'a fait - j'ai dit le nombre actuel de gens avec des maîtrises. Il y a quelques années, il y en avait beaucoup moins de disponibles. C'est la raison principale pour laquelle on a collaboré avec l'INRS. D'ailleurs, je veux rendre hommage à l'ouverture d'esprit qu'on a trouvée auprès de l'INRS pour établir ce programme de formation qui, à toutes fins utiles, a probablement doublé la production québécoise, dans les trois dernières années, de gens au niveau de la maîtrise dans le domaine spécifique des télécommunications. Cela ne veut pas dire qu'ils viendront tous chez nous; en fait, c'est évident, mais c'est une des mesures qu'on a voulu prendre pour collaborer a résoudre ce problème extrêmement fondamental de ressources humaines. (17 h 15)

M. Bertrand: Je crois que le député de Vachon a quelque chose à ajouter.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Vachon.

M. Payne: Ce matin, je pense qu'on a dégagé un consensus sur les besoins de ressources humaines et les lacunes, en ce domaine tout en prenant en considération les contraintes conjoncturelles ou la perception de la réalité. Deuxièmement, particulièrement avec vos suggestions et les répliques et les questions du ministre des Communications, on a aussi spécifié quels domaines aborder, avec M. Terreault, tout à l'heure. Le ministre Paquette a également

souligné la disponibilité du gouvernement. Il s'agit, à mon avis, d'explorer les moyens de combler ces lacunes. Le ministre vient de vous demander si vous avez des suggestions quant aux moyens. Est-ce que l'idée d'une table de concertation très concrète avec des objectifs réalistes serait à considérer?

Vous avez mentionné tout à l'heure que le ministre de l'Éducation et le ministre délégué à la Science et à la Technologie viennent d'offrir leur collaboration. Ces deux ministres viennent de visiter vos entreprises de l'île des Soeurs. De quelle manière, pratiquement, à court terme, envisagez-vous cela?

M. Montambault: Remarquez que je n'ai rien contre les tables de concertation, mais je ne suis pas sûr que cela produise nécessairement des résultats. De toute façon, si jamais il y en avait, on n'aurait aucune objection à y participer. Le problème - je pense qu'on vient de l'expliciter d'une façon très nette - est qu'il y a trop peu de diplômés aux deuxième et troisième cycles en sciences au Québec. Je pense que c'est une question de fait. Quant à savoir s'il devrait y en avoir cinquante ou dix, je pense qu'on peut quand même discuter là-dessus, mais le problème est qu'il faudrait augmenter le nombre de Québécois qui atteignent ce niveau d'études. Je pense que ce n'est pas en déclarant d'une façon péremptoire - ce n'est pas cela qu'on veut faire, évidemment - que cela nous en prend dix ou quinze que, nécessairement, il y en aura dix ou quinze l'année prochaine ou dans deux ans. Il y a toute une promotion à faire auprès de notre jeunesse. Il y a des professeurs à former. Il y a, évidemment, des aménagements physiques à installer. Dans la mesure où vous souhaitez, si tel est votre voeu, que l'organisation Bell-Northern aide à préciser ce genre de besoins, j'en suis. Mais, finalement, je pense qu'il ne faudrait pas s'attendre que l'industrie, par elle-même, va résoudre ces problèmes. L'industrie ne peut pas faire autre chose que dire: Voici nos besoins. Voici de quelle façon on peut collaborer, notamment par des contacts plus étroits avec l'université, s'il y a lieu. Ce processus, à mon sens, a déjà démarré. Cela existe déjà dans un certain nombre de comités, dont celui de M. Major, chez nous, et celui de M. Terreault. Nous avons déjà un certain nombre de personnes qui ont commencé à discuter de ces choses avec les milieux gouvernementaux, avec d'autres industries...

M. Payne: Des comités maisons. M. Bertrand: Internes. M. Payne: Oui, internes.

M. Montambault: Ce sont des comités qui découlent, par exemple, des organisations que vous avez autour d'un document comme Le virage technologique, des comités qui ont quelque chose à voir avec le prochain sommet des communications. Il y aussi un Conseil de la science, quelque chose comme cela.

M. Bertrand: Le Conseil de la politique scientifique.

M. Montambault: Oui, le Conseil de la politique scientifique. Donc, ces discussions sont déjà entreprises. C'est cela que je voudrais que le comité réalise. Ce n'est pas simplement aujourd'hui qu'il tombe une pierre qui dit qu'on manque de diplômés de deuxième et de troisième cycle au Québec. C'est un problème qui est déjà connu: un problème qui est non seulement connu, mais réalisé aussi par les autorités universitaires elles-mêmes qui nous disent, à nous de l'industrie: On n'a pas les moyens, entre autres, de répondre à ces besoins. Ce n'est pas un refus de collaboration, comprenez-moi. On veut bien continuer, mais il va falloir que cela débloque quelque part si on veut faire quelque chose.

M. Payne: Une des raisons de la commission est, justement, de se renseigner que les mécanismes de concertation. Vous venez d'explicité que vous avez effectivement plusieurs comités qui découlent en partie, par exemple, du virage technologique. C'est cela que vous venez d'affirmer. C'est quelque chose de très concret, très pratique à partir de vos propres expériences, et de la concertation établie dans nos propres politiques.

M. Montambault: M. le Président, me permettez-vous de faire un énoncé simplement pour les fins du journal des Débats? J'ai obtenu la traduction française du SRIC dont faisait mention le président. Il s'agit effectivement, en français, de ce qu'on appelle CIRS, c'est-à-dire les contrats d'investissements en recherche scientifique. J'ai pensé aider nos traducteurs en vous donnant cela.

M. Terreault: D'ailleurs, il y a une excellente description de ce concept dans un mémoire que le Conseil de la politique scientifique a soumis pour consultations et qui sera bientôt transmis au ministre Paquette, au mois de mai. Le document fait déjà l'objet de consultations publiques.

M. Bertrand: Très bien. Merci beaucoup. M. le président de Grandpré, relativement au siège social de l'entreprise qu'on appellera dorénavant Entreprises Bell Canada Inc., vous avez bien indiqué, évidemment, qu'il sera à

Montréal. Il m'arrive fréquemment de passer devant l'immeuble où je vous ai rencontré dans les premières semaines qui ont suivi ma nomination au poste de ministre des Communications. Nous avons eu l'occasion de discuter du problème des travailleurs de Bell Canada en Arabie Saoudite qui s'est réglé, je pense, à la satisfaction des gens de Bell Canada. Qu'arrive-t-il, par ailleurs, dans le contexte de cette réorganisation corporative, à ce qu'on pourrait appeler les autres sièges sociaux des filiales d'Entreprises Bell Canada Inc.?

M. de Grandpré: Franchement M. le Président, le nouvel immeuble que nous avons lancé, alors que la construction était à un point mort au Québec - nous avons, je pense, donné le coup de pouce qui était nécessaire pour démontrer la confiance que nous avions dans le Québec - représente des investissements de l'ordre d'à peu près 240 000 000 $ pour les deux tours qui sont immédiatement au sud de l'immeuble qui était connu auparavant comme l'immeuble de Bell. Quant à la tour Bell, il ne s'agit là que d'une relocalisation de nos employés qui étaient épars dans quatorze ou quinze immeubles que nous louions à travers la ville. Il s'agit là d'une rationalisation de nos opérations. Nous n'ajoutons pas d'une façon importante d'espace supplémentaire à l'espace que nous avions auparavant. Les immeubles qui étaient loués vont, évidemment, revenir sur le marché.

Quant aux Entreprises Bell Canada Inc., la seule personne qui a été indiquée comme passant de Bell aux Entreprises Bell Canada Inc., c'est le président du conseil. La circulaire d'information déclare spécifiquement que je laisserai Bell Canada le jour où les Entreprises Bell Canada Inc. seront fondées. À ce moment-là, je sortirai de l'immeuble où je suis et le bureau où vous m'avez rencontré deviendra le bureau de mon successeur à Bell Canada. J'irai aussi loin que possible de Bell Canada pour ne pas me faire accuser par qui que ce soit que les gens m'abritent aux dépens des abonnés, de façon à éviter toute critique que d'une façon quelconque les abonnés, que ce soit des abonnés du Québec, de l'Ontario ou des Territoires du Nord-Ouest, ont payé une partie de mes dépenses. De façon à n'éviter toute cette critique, je ne serai même pas sous le même toit que Bell Canada. La décision est irrévocable de ce côté.

M. Bertrand: Je ne pense pas que cette décision de votre part ait pour autant -comment dirais-je - annulé les craintes qu'ont les abonnés face au projet de réorganisation corporative de Bell Canada.

M. de Grandpré: Je ne vois pas pourquoi les abonnés ont des craintes. Depuis le 23 juin 1982, je dis à qui veut bien l'entendre que la réorganisation n'ajoutera pas un sou au compte des abonnés. Cette analyse a été faite par le CRTC alors que, pendant cinq ou six jours, j'ai été interrogé par une quinzaine d'avocats. Le rapport du CRTC démontre, à mon avis, d'une façon très péremptoire que la réorganisation en elle-même n'affectera en aucune façon le compte de téléphone des abonnés.

M. Bertrand: Relativement au développement de Northern Telecom - dans le rapport annuel 1982 de Northern Telecom, aux pages six et sept du rapport, on parle de nouvelles usines à San Diego, à Saskatoon, à Calgary, Winnipeg, Northern Grove aux États-Unis, Santa Clara - est-ce que, dans les projets de développement ou d'implantation d'usines nouvelles, au-delà des six usines existantes au Québec, il y a des projets à plus ou moins long terme dans les plans de développement des Entreprises Bell Canada Inc.?

M. de Grandpré: Non, les usines que nous avons au Québec sont situées à Aylmer, à Lachine, à Lasalle, à Montréal, à Montréal-Nord et nous en avons deux à Saint-Laurent pour un total de sept. Nous n'avons pas l'intention, pour le moment, d'implanter d'autres usines dans la province de Québec.

M. Bertrand: Étant donné que vous n'avez pas l'intention pour le moment d'implanter d'autres usines au Québec, dans le secteur plus spécifique de la fabrication, entrevoyez-vous de nouveaux mouvements de main-d'oeuvre? J'entends par là, bien sûr, un mouvement de main-d'oeuvre décroissant, étant donné le virage technologique dont vous nous avez parlé, M. Montambault, qui remonterait au sein de votre entreprise, puisque vous étiez à l'avant-garde, à 1975 et qui a fait que les emplois sont passés de 14 000 à 5900 entre 1970 et 1982. Est-ce que vous entrevoyez des mouvements de main-d'oeuvre additionnels et importants au cours des cinq prochaines années?

M. de Grandpré: Des mouvements de main-d'oeuvre, nous n'en entrevoyons pas qui soient des mouvements que nous déciderions parce que nous abandonnerions telle ou telle usine de fabrication au Québec. S'il y a des mouvements de main-d'oeuvre, ce seront des mouvements qui résulteront de la concurrence, de moyens additionnels pour protéger les coûts et remplacer la main-d'oeuvre par des robots ou autre chose pour maintenir notre position concurrentielle sur les marchés internationaux; ces mouvements, on les retrouvera généralement dans l'entreprise non pas parce que cela s'adonne à être au Québec, mais plutôt parce que

c'est l'évolution normale de la fabrication d'un produit ou d'une pièce d'équipement.

Pour revenir à ce fameux concept de la recherche et du développement, il y a plusieurs échelons dans la recherche et le développement. Comme M. Montambault l'indiquait, il y a la recherche pure qui représente quelque 10% de nos dépenses. Mais, il y a le développement d'un produit, le développement des procédés pour la fabrication d'un produit. Il y a des développements pour réduire les coûts de fabrication, changer la méthode de façon à réduire le nombre de composantes et, par conséquent, à réduire les inventaires et à augmenter le "management" de nos ressources en liquidité. Tout cela pour vous dire que, si on trouve une meilleure façon de fabriquer tel ou tel produit, il pourra y avoir des mouvements dans la main-d'oeuvre que nous employons. Ce ne sera pas parce que c'est implanté au Québec, mais plutôt parce que c'est la résultante de l'évolution normale des procédés de fabrication. (17 h 30)

M. Bertrand: J'ai effectivement pris connaissance de visu de l'implantation de la robotique, lorsque je suis allé visiter une de ces usines de Northern Telecom dans l'ouest de Montréal, pour me rendre compte que, effectivement, il y a certainement deux, trois, quatre ou cinq personnes qui, auparavant, menaient les mêmes opérations et qui, aujourd'hui, sont remplacées par un appareil très sophistiqué, qui semble bien faire son travail d'ailleurs. J'espère qu'il est bien payé.

M. de Grandpré: Les coûts sont fixes. M. Bertrand: Les coûts sont fixes, oui.

M. Montambault: II est surtout bien huilé.

M. Bertrand: Vous n'avez pas de problème de négociation de convention collective avec lui.

M. de Grandpré: Pas avec celui-là, en tout cas.

M. Bertrand: Oui. Donc, si je comprends bien le sens de votre réponse, c'est que, dans la mesure effectivement où la compagnie voudrait augmenter sa productivité - ce qui est en soi un objectif louable - et que cela devait impliquer des choix relativement à la conversion de main-d'oeuvre humaine en main-d'oeuvre "robotique", il pourrait y avoir des mouvements d'emploi qui continuent d'aller dans le sens de la décroissance au cours des prochaines années à Northern Telecom.

M. Montambault: J'ajouterais peut-être un élément, si vous le permettez, à celui de l'économie. Le niveau des employés de Northern au Québec, comme d'ailleurs dans le reste du Canada, est un peu et beaucoup en fonction de l'économie non seulement au Canada mais aussi aux États-Unis et ailleurs. Mais, dans la mesure où on pourrait espérer en une économie qui va reprendre son essor, à ce moment-là, cela pourrait venir compenser, à tout le moins, les pertes d'emplois que pourrait générer une technologie plus avancée dans l'avenir. Il est difficile de faire des projections, à ce moment-ci, pour savoir combien d'employés Northern aura à l'avenir, mais il n'y a aucun doute dans mon esprit que Northern n'a pas le choix. Comme on l'a dit - et c'est, d'ailleurs, le cas de toutes les industries -nous devrons suivre et même devancer la technologie. Il y a une nouvelle technologie qui fait fureur dans le moment et où Northern, entre autres, est pionnière; c'est ce qu'on appelle en français, le CAOFAO, la conception aidée par ordinateur et la fabrication aidée par ordinateur ou, en anglais, le CATCAM. Northern, de même que les laboratoires Bell, sont certainement à l'avant-garde au Canada à ce sujet. Je pense qu'on devrait s'enorgueillir de cela, mais cela veut dire en même temps, évidemment, que d'autres opérations qui étaient autrefois manuelles seront de plus en plus faites par un ordinateur qui à son tour va devenir de plus en plus intelligent.

En même temps que je dis cela, il y a aussi, et il faut le reconnaître, le fait que l'économie actuelle a sérieusement entamé la fabrication ou le volume de la fabrication dont Northern est capable, au Québec, en Ontario et ailleurs. Dans la mesure où on pourra prévoir une relance, à ce moment-là, Northern sera en mesure d'embaucher des employés additionnels. Mais il est difficile, comme cela, de vous dire, cinq ans à l'avance, quel sera l'équilibre entre les deux, compte tenu que la technologie se développe à un rythme tellement accéléré.

M. de Grandpré: II y a un autre facteur, qui n'a pas encore été mentionné, mais qu'on doit souligner devant la commission, c'est que la croissance des ventes de Northern en dehors du Canada est de beaucoup supérieure à la croissance des ventes au Canada, pour toutes sortes de raisons. L'économie américaine étant ce qu'elle est, nous sommes partis du point zéro ou à peu près zéro, il y a dix ans, aux États-Unis et, cette année, nous allons avoir des ventes dépassant 1 500 000 000 $ aux États-Unis, tout cela dans une période de dix ans. Quand vous regardez ce que nous avons au Canada, c'est à peu près 1 200 000 000 $ de ventes. Donc, on a dépassé de beaucoup le point de parfait équilibre, si vous voulez, entre les ventes

canadiennes et les ventes à l'extérieur du pays. Devant cette ascension, et quand on regarde les projections, on se rend compte que le Canada, à brève échéance, n'absorbera plus que 20% ou 25% du total des ventes de Northern. Si on replace cela dans le contexte global de Northern Telecom Canada, on se rend compte que la proportion, de façon générale, de la fabrication au Québec sera évidemment réduite, non pas en nombre absolu, mais en nombre relatif, à cause de la croissance extraordinaire aux Etats-Unis.

M. Terreault: Je pense qu'il y a un autre facteur qu'il faut considérer, c'est que la nature des emplois au cours des années a changé de façon considérable. Lorsqu'on compare avec les années soixante-dix, à ce moment il y avait probablement un travailleur intellectuel pour dix travailleurs manuels dans une usine. Autrement dit, pour un ingénieur ou un vendeur ou un cadre, il y avait dix personnes qui assemblaient, qui vissaient, qui reliaient des fils ensemble. Aujourd'hui, dans plusieurs des usines de Northern, c'est en train quasiment de devenir la norme, le rapport est rendu de un à trois. Autrement dit, il y a un cadre, un programmeur, un gérant de produit dans le marketing, un vendeur. Là encore, un vendeur; on parle de gens qui font des ventes de 5 000 000 $; quand il s'agit d'un commutateur à telle ou telle entreprise, donc ce n'est pas juste de vendre des balais. Donc, ce type d'emploi a changé considérablement. Par exemple, quand on compare les quelque 5000 employés qu'il y a au Québec, sur cela il y a une proportion extrêmement grande, plus grande que dans le passé, de gens avec une formation universitaire ou autre, beaucoup plus poussée que ce ne l'était auparavant. Cela nous indique par un autre éclairage le même problème de ressources humaines. Justement, M. de Grandpré a donné une ou deux conférences sur le sujet où il indiquait les besoins en formation - ce que Drucker a appelé les "knowledge workers", les travailleurs intellectuels - infiniment plus grands pour l'entreprise, même pour une entreprise de fabrication.

M. Bertrand: À partir des réponses que vous venez de donner à certaines des questions que je vous ai posées, il y en a une d'ordre général qui déborde Bell Canada, mais que je veux poser à des gens qui dirigent une entreprise qui, comme la vôtre, a vécu le virage technologique et vécu très intensément ces mouvements de main-d'oeuvre, en remplaçant des gens dans certains cas par des robots, mais aussi en faisant en sorte qu'on puisse, comme vous le disiez vous-même tout à l'heure, établir un rapport nouveau entre le travailleur intellectuel et le travailleur manuel: de un à dix, vous êtes passés de un à trois. Il y a des gens qui nous font des représentations sur l'introduction des technologies nouvelles, sur le virage technologique et qui développent thèse et antithèse, la thèse étant: les technologies nouvelles vont créer un chômage technologique important et l'antithèse: les technologies nouvelles vont créer des emplois d'avenir. Quand on met l'un face à l'autre, on peut penser qu'en bout de ligne il sera possible de créer davantage d'emplois qu'on n'en perdra. Si je comprends bien le développement de Northern Telecom, je voudrais savoir, si c'est un peu la rélexion qui se fait chez vous pour l'ensemble du groupe Bell Canada, qui a raison.

M. Montambault: Je pense qu'un peu tout le monde a raison, finalement. Il faut, tout de même, faire certaines différences selon le type d'industries. Si l'on prend l'exemple de Bell Canada comme tel - je parlerai de Northern Telecom tout à l'heure - je pense qu'on peut dire sans crainte de se tromper que nous avons réussi à amalgamer à ce jour, à introduire les développements technologiques sans pour cela congédier des employés. Il y a des choses qu'il a été possible de planifier de façon que la réduction d'employés qui a été amenée par ces changements technologiques - je pense, par exemple, à ce qu'on appelle TOPS, le nouveau service de téléphonistes où véritablement les résultats ont été de réduire à peu près de 40% le nombre de téléphonistes que nous avions il y a cinq ans - s'est faite sans heurt majeur chez nous. Nous avons été en mesure, en la planifiant sur une base de quatre ans, de pouvoir embaucher des gens d'une façon temporaire et de les laisser aller plus tard, protègent ainsi l'emploi de nos employés permanents. Cela a demandé, par exemple - et c'est vrai dans tous les autres domaines - une volonté de la part des employés, soit de se recycler, soit d'être plus mobiles qu'ils ou qu'elles ne l'étaient auparavant. Malheureusement, dans certains cas, je dois le dire - c'est, d'ailleurs, public - il a fallu, pour un petit nombre d'employés, mais quand même, se résoudre à des mises à la retraite anticipée, mais, dans l'ensemble, il n'y a pas eu de congédiement massif.

Par contre, si vous prenez une industrie comme Northern Telecom qui, à l'occasion, emploie des ouvriers payés à l'heure, comme on dit, et qui font fonctionner des machines, lorsque vous faites l'introduction presque instantanée d'une nouvelle méthodologie comme celle de la production assistée par ordinateur, par exemple, qui fait que les dessinateurs industriels de Northern font leurs propres dessins de circuits micro-électroniques sur un écran de télévision et simplement par la pression d'un bouton, que

l'opérateur peut transmettre ces dessins à toutes les manufactures réparties à travers le continent, là où on a un robot qui les imprime directement sur la plaquette de fabrication, c'est bien évident qu'au moment où vous introduisez cette technologie, une des plus avancées au monde à l'heure actuelle - je pense que Québec devrait s'enorgueillir d'avoir ce genre de choses chez Northern Telecom - cela crée des vacances. Le problème devient un problème de société, à savoir: qu'est-ce qu'on fait avec les employés qui ne sont plus nécessaires dans l'emploi qu'ils avaient auparavant? Je pense que l'industrie a le devoir d'essayer de les recycler, mais, finalement, il ne faut pas se le cacher, la technologie s'accélère de plus en plus.

L'introduction de toute nouveauté ne consiste pas en un choix pour nous. Si on ne le fait pas, d'autres vont le faire ailleurs, les Japonais en particulier, les Américains et les Français. Je pense qu'il faut se dire: Si on ne le faisait pas, dans quatre ou cinq ans d'ici, notre compétitivité ne serait plus ce qu'elle est présentement. À ce moment-là, on se trouverait à générer beaucoup plus de chômage que celui que l'on crée lorsqu'on introduit ces développements technologiques. Ceci étant dit, cela ne règle pas le problème de ceux et de celles qui perdent leur emploi par suite des changements technologiques, que ce soit chez Northern Telecom ou ailleurs. Je pense que cela devient de plus en plus un problème qu'il faudra discuter entre intervenants de la société et pour lequel je n'ai vraiment pas de solution à vous offrir, moi non plus.

M. Bertrand: Je vous remercie. Avez-vous quelque chose à ajouter, M. Terreault?

Le Président (M. Champagne): M.

Terreault a-t-il quelque chose à ajouter?

M. Terreault: Non, je faisais une remarque à M. Montambault.

M. Montambault: Charles me faisait remarquer que les 40% auxquels je faisais allusion quant à TOPS, c'était par rapport à la croissance; ce n'était pas nécessairement par rapport au statu quo, ce qui est une nuance quand même importante. Je le remercie. Mais le fait demeure qu'on n'a pas créé de chômage à la suite de cela. Autrement dit, il y a des façons d'introduire à l'occasion des technologies sans créer du chômage, mais en réduisant finalement le nombre d'employés que l'on aurait éventuellement, puis il y a d'autres façons où on ne peut pas l'éviter et c'est particulièrement vrai dans l'entreprise de fabrication.

M. Bertrand: Permettez-moi de revenir sur l'exploitation du service téléphonique. Je vais tenter une affirmation et je vais voir comment vous allez réagir. Je pense que la meilleure façon; c'est d'aller à la pêche. Est-ce que je peux comprendre que la réorganisation de la structure corporative de Bell Canada, réalisée, acceptée, sera complétée, j'imagine, d'ici quelques mois ou quelques semaines?

M. de Grandpré: La réaction à vos "quelques mois", cela sera moins que cela, quant à moi.

M. Bertrand: Quelques semaines? Je comprends que cela fait longtemps que vous attendez. Vous aviez promis aux actionnaires que cela se réaliserait avant la fin de l'année 1982; vous avez eu quelques petites difficultés de parcours.

M. de Grandpré: L'homme propose et le gouvernement dispose. (17 h 45)

M. Bertrand: Cette réorganisation de la structure corporative isole Bell Canada et le CRTC devra prendre des décisions relativement à la tarification, mais en isolant Bell Canada à l'intérieur, bien sûr, de ce groupe des entreprises de Bell Canada. Dois-je comprendre que cette réorganisation de la structure corporative est une forme de réponse qui correspond aux intérêts de votre groupe, alors que, il y a quelques année, peut-être n'ayant pas encore à l'esprit ce type de projet de réorganisation de la structure corporative, vous vous disiez: Peut-être qu'en plaçant l'exploitation du service téléphonique sous juridiction provinciale on arriverait à atteindre quelques-uns des objectifs qu'on se trouve à atteindre aujourd'hui avec la réorganisation de la structure corporative?

M. de Grandpré: Je dirais que les deux sont totalement indépendants. Ce qui m'a amené à penser à une réorganisation du groupe Bell, c'était la place de plus en plus importante que prenaient, dans le groupe Bell, les activités de non-télécommunications pures. Lorsque vous constatez que, il y a quelques années, par exemple, quand on regarde les données en 1972, 1973, 1974, les ventes de Northern étaient d'environ 500 000 000 $, 600 000 000 $ ou 700 000 000 $, on se rend compte que, dans une période très courte, il y a eu une augmentation de 500% ou 600% des ventes de Northern.

Lorsque, au surplus, vous considérez que Télé-Direct était une affaire d'environ 75 000 000 $ lorsque nous l'avons fondée en 1973 - si mon souvenir est exact - et que, aujourd'hui, Télé-Direct représente des ventes qui dépasseront 500 000 000 $, vous réalisez immédiatement que, indépendamment du

développement de nos activités internationales à l'intérieur de Bell Canada pour nos contrats, vous aviez une explosion de revenus qui étaient complètement indépendants des revenus dans le Québec et dans l'Ontario. Si vous superposez à cette explosion de Northern et de Télé-Direct le fait que nous avons été cherché sur les marchés internationaux depuis cinq ou six ans des contrats de consultation d'environ 2 000 000 000 $, vous vous rendez compte immédiatement que la réglementation de Bell Canada avec toutes ses tentacules tentacules qui font que nous avons à peu près 80 différentes entreprises à l'intérieur du groupe Bell Canada, filiales de filiales, filiales de financement, etc. - devenait, à mon sens, un cauchemar.

C'est en réponse à cette difficulté que nous avons cru que la création des Entreprises Bell Canada était une réponse adéquate aux difficultés de réglementation qui auraient pu, peut-être, être évitées si on avait accepté de réglementer Bell sur la base de ses actifs nets. Étant donné que, pour des raisons que j'ignore, on n'a jamais accepté de réglementer Bell sur ses actifs nets, nous avons été obligés de procéder à une réorganisation qui, à mon sens, sera meilleure que la réglementation sur les actifs nets, mais qui aurait pu, temporairement au moins, nous permettre de passer à travers cette période d'explosion de revenus.

Il faut bien l'avouer, je pense que le CRTC est le seul office de réglementation que je connaisse qui réglemente les entreprises de télécommunication sur la base du rendement sur le capital de risque au lieu de fixer les taux sur la base des actifs nets.

Le Président (M. Champagne): M. le ministre.

M. Bertrand: Personnellement, j'épouse ce type de raisonnement! Connaissant la situation dans laquelle vous êtes placé et connaissant les projets de développement de Bell, ce que vous avez voulu dire en clair au CRTC, on peut le comprendre. Quant à moi, je comprends qu'un organisme qui fonctionne en situation monopolistique au niveau de la distribution d'un service public soit tout de même forcé à comparaître devant un organisme de réglementation pour ce qui est de la tarification aux abonnés. Pour ce qui est des autres opérations de l'entreprise, là où vous êtes placé en situation de concurrence, il vous apparaît difficilement admissible qu'un organisme de réglementation ne tienne pas compte du fait que vous êtes en situation de concurrence. Donc, vous avez voulu indiquer au CRTC que, là où il y a service public, là où il y a distribution d'un service aux abonnés, là où, en d'autres mots, il y a une notion d'intérêt public qui est en cause, une entreprise privée comme la vôtre, distribuant un service public, se doit de soumettre cette partie de ses activités à la réglementation et qu'au-delà de cela, dans un contexte de concurrence et de compétition, l'organisme de réglementation doit libérer l'entreprise d'entraves réglementaires qui l'empêchent d'atteindre ses objectifs.

M. de Grandpré: Pour faire une paraphrase, M. le ministre, vous m'avez compris.

M. Bertrand: J'en ai déjà entendu une comme celle-là.

C'est une des représentations qui ont été faites par des groupes d'abonnés, entre autres, des associations de consommateurs, relativement au dédommagement qui devrait être consenti aux abonnés, étant donné ce projet de réorganisation de votre structure corporative. Je lis un des paragraphes de la décision rendue par le CRTC et je veux que vous m'expliquiez, que vous me vulgarisiez ce que ce paragraphe veut dire en clair pour les abonnés. Parce que, effectivement même si je vous comprends pour un certain nombre de choses, M. le président...

M. de Grandpré: Je ne comprends qu'une chose.

M. Bertrand: ...vous comprendrez que j'ai reçu, entre autres, un mémoire des Associations coopératives d'économie familiale, les ACEF, dont je pourrais vous lire ne serait-ce que la conclusion: "Si la restructuration de Bell Canada s'effectue, Bell deviendra une filiale des Entreprises Bell Canada Inc. Cette dernière recevra la totalité des profits des entreprises appartenant présentement à Bell Canada. Bell perdra alors une bonne part de ses revenus et présentera inévitablement un bilan financier moins intéressant. Elle pourra alors présenter des demandes d'augmentations tarifaires encore plus substantielles que le CRTC acceptera probablement de la même façon qu'il a accepté les dernières. Le résultat en sera que les actionnaires du groupe Bell verront leurs dividendes augmenter au détriment des consommateurs qui, eux, paieront la note. L'exemple de Télébec démontre ce qui peut se passer quand une compagnie n'a aucun compte à rendre autre que sur ses propres activités. Si Bell devient une filiale autonome, il est à craindre qu'elle agisse de la même façon que sa filiale actuelle Télébec et qu'elle réserve une très désagréable surprise à ses abonnés." C'est la conclusion, cela résume l'essentiel du mémoire transmis au ministre fédéral des Communications, M. Francis Fox, en date du 6 avril 1983 et qui provenait des Associations coopératives d'économie familiale.

M. de Grandpré: Ils n'ont rien compris.

M. Bertrand: Je vous lis aussi le paragraphe de la décision rendue par le CRTC. J'essaie de la relier à cette prise de position d'un groupe de gens qui veulent défendre les intérêts des abonnés. C'est à la page cinq du document d'information transmis par le CRTC à la presse qui dit ceci: "Outre ces recommandations portant sur la nécessité de modifications législatives - on verra lesquelles - le conseil en est venu aux conclusions suivantes: Relativement au projet de transfert des placements de Bell Canada aux Entreprises Bell Canada Inc. - c'est à la page cinq, M. de Grandpré - le conseil a jugé que les abonnés n'ont droit ni à une partie du gain en capital ni à un dédommagement en guise du règlement de frais d'administration passés relativement à ces placements. En outre, le conseil estime que les tarifs aux abonnés ne seront pas majorés par suite du transfert de ces placements pourvu qu'il y ait rajustement à la baisse du coût du capital propre autorisé à Bell Canada à des fins de réglementation lors de décisions éventuelles concernant des tarifs."

Voulez-vous, comme président de Bell Canada, expliquer cela au commun des mortels?

M. de Grandpré: Je comprends que vous ayez de la difficulté à comprendre cela. Ce n'est pas - je dois le dire en toute humilité - je pense, la partie la plus claire de leur sommaire. Le jugement est plus clair que le sommaire. Voici, ils ont, à mon sens, tâché de télescoper deux concepts dans un même paragraphe et c'est ce qui rend le paragraphe très difficile à comprendre. Le premier problème qui se posait, c'est le problème qui est posé dans le mémoire que vous avez cité tantôt, à savoir que, si Bell Canada, une fois la restructuration complétée, ne reçoit plus les dividendes des multiples filiales dont on a vu la composition ce matin au tableau, il doit y avoir un manque à gagner qui pourrait peut-être être de l'ordre de 50 000 000 $, parce que nous recevons de Northern 1,20 $ par action. Nous avons environ 20 000 000 d'actions et nous recevons des dividendes de Télébec, du Nouveau-Brunswick, de tous nos investissements, avec le résultat qu'il y a un manque à gagner parce que Bell Canada ne recevra plus ces dividendes.

Mais ce que les groupes de consommateurs n'ont pas saisi, c'est que, depuis que Bell Canada était à la fois une entreprise opérant dans un semi-monopole à l'intérieur du Québec et de l'Ontario et à la fois dans un milieu concurrentiel dans la fabrication, la distribution, le packaging, etc., il y avait dans la détermination du rendement sur le capital de risque, deux éléments qui entraient en ligne de compte, l'élément réglementation pure et le règlement risque additionnel. Lorsque le CRTC déterminait quel était le pourcentage de rendement que le capital de risque devait produire pour les actionnaires, il disait en substance: Vous avez droit - pour prendre des chiffres qui sont les chiffres avec lesquels on vit depuis deux ans - à un rendement de 14% sur votre capital de risque et vous avez droit à 0,5% supplémentaire pour le risque supplémentaire que vous avez, parce que vous êtes dans des entreprises qui ne sont pas aussi protégées, si vous voulez, par le fait qu'elles sont dans un milieu très concurrentiel. Lorsque vous appliquez 14% sur la base totale du capital de risque, 4 500 000 000 $ en chiffres ronds, vous avez ce qu'on appelle une demande de revenu, une exigence de revenu qui atteint un certain chiffre. Si vous ajoutez 0,5% sur l'ensemble du capital, vous avez à ce moment-là quelque chose de l'ordre de 40 000 000 $ à 50 000 000 $ de plus qui est ajouté à votre rendement de base.

En éliminant le risque, parce qu'on élimine, on purifie, si vous voulez, Bell Canada à la suite de la réorganisation - ce 0,25% à 0,5%, mais, pour les fins de la discussion, disons 0,5% - ce 0,5% n'existera plus. Alors, si, aujourd'hui, le CRTC devait regarder le rendement requis sur le capital de risque, une fois la réorganisation complétée, il dirait: C'est 14% et non 14,5%. À ce moment-là, les abonnés verraient nos exigences de revenu baisser d'une façon correspondante de 0,5% et cela viendrait contrebalancer à peu près mathématiquement la perte de dividendes que Bell Canada recevait avant la réorganisation, avant sa purification, si vous voulez, de toutes les filiales. Cela, c'est le premier point. C'est le point qui est mentionné dans le rapport lui-même au bas de la page 22, le dernier paragraphe: "De l'avis du conseil, cette méthode protégerait les abonnés contre toute augmentation tarifaire résultant de la disposition de ces placements par Bell. Toutefois, la réduction précise en pourcentage pourrait, selon le conseil, être supérieure à l'estimation de 0,25% à 0,5% mentionnée par la compagnie." (18 heures)

Là, évidemment, cela devient une question d'experts. Mais, historiquement, si on regarde les décisions antérieures et la preuve qui a été faite devant le CRTC et devant le CTC depuis plusieurs années, c'était toujours 0,25% à 0,5% qui était le pourcentage accru, en raison des risques additionnels. L'établisssement de ce pourcentage ne peut se faire qu'en raison des éléments de preuve, etc. Cela, c'est la première partie de ma réponse.

La deuxième: Qui doit participer aux

gains en capital lors du transfert des actifs qui vont passer de Bell Canada aux Entreprises Bell Canada? Il y avait un groupe d'intervenants qui ont prétendu que, s'il y avait un gain de capital, il y avait une partie de ce gain de capital qui devait profiter aux abonnés. Le CRTC, dans sa décision, a accepté notre raisonnement et il est arrivé à la conclusion que ce gain de capital était déjà quelque chose dont les offices de réglementation, au cours des années, avaient tenu compte et que ce gain de capital était la propriété des actionnaires et non la propriété des abonnés. Cela n'a rien à voir avec le manque à gagner par le retrait des dividendes. Ce sont deux problèmes totalement différents.

Le Président (M. Champagne): M. de Grandpré, je dois avoir le consentement des deux côtés de la table pour pouvoir poursuivre au-delà de dix-huit heures. Est-ce que cela irait?

M. French: M. le Président, je dois faire des excuses aux dirigeants de Bell Canada puisque, à dix-huit heures, j'ai une rencontre de la commission d'étude du contrôle parlementaire de la législation déléguée. Mais je pense que mon collègue de Vaudreuil-Soulanges serait en mesure de porter le ballon pour l'Opposition comme nous l'avons fait avec tant de présence jusqu'ici, et je remercie beaucoup les dirigeants d'être venus.

Le Président (M. Champagne): Alors, vous acceptez quand même de poursuivre les travaux? Est-ce qu'on peut se donner une limite de temps? Par exemple pour une demi-heure? Il y a consentement? Alors, nous poursuivons encore pour une demi-heure. M. le ministre. M. de Grandpré, vous aviez terminé? M. le ministre.

M. Bertrand: Je vous avoue que je suis obligé d'essayer de comprendre, comme bien d'autres, la complexité de...

M. de Grandpré: C'est complexe. Il n'y a pas d'erreur. C'est complexe.

M. Bertrand: Et je comprends les abonnés d'avoir de la difficulté à comprendre et d'être sceptiques et craintifs. Je saisis très bien que vous voulez indiquer aux abonnés que cette réorganisation qui va, bien sûr, avoir un impact sur le type de fonctionnement qu'aura dorénavant

Entreprises Bell Canada et donc, Bell Canada à l'intérieur d'Entreprises Bell Canada, ce n'est pas sans avoir, non plus, un certain impact sur les façons de fonctionner du CRTC quant aux représentations que Bell fera lors de ses comparutions pour demande d'augmentation de tarifs. Mais la dynamique, comme vous la précisez, sera nouvelle et ce sera au CRTC d'évaluer, dans le cadre de cette nouvelle dynamique, comment il doit maintenant évaluer, par exemple, la notion du taux de rendement à partir des activités que vous exercez dans les autres filiales d'Entreprises Bell Canada.

Il y a une chose sur laquelle je voudrais... On continue, M. de Grandpré, et je vous explique pourquoi: on essaie de voir s'il ne serait pas possible de...

M. de Grandpré: Est-ce qu'on pourrait finir avant le dîner?

M. Bertrand: Je pense que cela vous accommoderait beaucoup. Vous m'avez souligné...

M. de Grandpré: Je suis flexible, mais cela m'accommoderait.

M. Bertrand: Vous aimeriez travailler aussi alors?

Je voudrais vous entendre parler un peu de ce réseau planétaire pour lequel vous consentiriez des investissements d'environ 1 200 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Est-ce que le Québec est sur la planète?

M. de Grandpré: II y a sûrement des aspects de la recherche pour créer le réseau planétaire qui auront des retombées sur le Québec puisqu'il y a, dans le réseau des entreprises de Northern au Québec, des pièces, des composantes et même des systèmes qui sont fabriqués ici.

M. Bertrand: Mais vous n'avez pas, à ce stade-ci, ce que je pourrais appeler un "critical top method", un cheminement critique qui vous permet d'évaluer où, dans quelles entreprises, pour quels types de produits on aura besoin de recourir aux entreprises québécoises.

M. Montambault: Si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Champagne): M.

Montambault.

M. Montambault: Je pense d'abord qu'il faut dire que le réseau planétaire auquel vous faites allusion est avant tout un concept plutôt qu'un produit comme tel. Je m'explique en disant que de plus en plus nous allons voir le mariage de plusieurs technologies et de plusieurs besoins, par exemple entre la bureautique, entre la télématique, les communications et l'informatique. Ce que Northern veut accomplir par son concept de réseau planétaire, c'est d'être en mesure de produire des réseaux, des appareils qui soient

compatibles avec toutes ces fonctions, que ce soit avec celles de la bureautique, celles de la télécommunication encore une fois ou de l'informatique tout court. À mon sens, toutes les usines de Northern seront ensemble ou à tour de rôle touchées par ce concept. Par exemple, étant donné qu'au Québec nous avons des usines à haute teneur technologique, telle que la transmission numérique par exemple, le multiplexage, enfin je vous fais grâce de tous les termes techniques, il n'y a aucun doute que ce concept va avoir une application autant au Québec qu'en d'autres usines qui elles, à ce moment-là, produisent des appareils de standard, ce qu'on appelle les PBX à l'occasion, ou d'autres appareils qui vont faire office de bureautique, soit les machines de traitement qui vont être reliées entre elles par ordinateur. Alors la réponse à votre question, c'est effectivement oui. Le Québec va participer et participer de plein fouet à ce développement du concept qu'est le réseau planétaire, parce que nous allons agencer les produits et la technologie qui émanent de Québec dans ce concept, de façon qu'ils soient compatibles avec le reste des morceaux du casse-tête.

M. Terreault: Un exemple très concret: les travaux de recherches qui font partie des travaux de recherches plus fondamentales, du 10% dont a parlé M. Montambault et qui sont consacrés à l'analyse de la parole, donc autrement dit, de permettre à des ordinateurs quand même petits de convertir la parole parlée en texte écrit. Ce qui par exemple, pour tout ce qui est messagerie électronique, traitement de texte, etc. pourrait donner des résultats extrêmement intéressants. Ces travaux de base fondamentaux se font présentement à même le 10% de recherches fondamentales qui ont lieu au Québec. Je pense que c'est un exemple très concret d'un des domaines qui vont probablement être les plus importants dans les sept ou huit prochaines années.

Le Président (M. Champagne): Le député de Vachon.

M. Payne: Une question qui est fondamentale. Aux États-Unis, les AT & T ont décidé de séparer complètement les entités, lors de leur propre restructuration. Dans un de vos communiqués à vos actionnaires, vous avez dit que c'était plutôt une séparation, une illusion effectivement: la vraie séparation. Je cite Hudson Janisch, du Financial Post, qui fait référence à une de vos "information circulars to shareholders": Bell has frankly acknowledged the illusionary nature of the separationist proposes.

M. de Grandpré: C'est une interprétation, ce n'est pas moi qui l'ai dit.

M. Payne: Cela aurait pu être quelqu'un d'autre, peut-être.

M. de Grandpré: Non, j'ai compris que vous aviez mis ces paroles-là dans ma bouche.

M. Payne: Non, pas moi, lui.

M. de Grandpré: Je n'ai jamais dit cela. Je n'ai pas l'intention de le dire aujourd'hui non plus.

M. Payne: Avec l'école de pensée... Évidemment, il y a eu beaucoup de discussions à ce sujet, au cours des derniers mois. Il y a particulièrement une école de pensée, disant que les abonnés sont les "risk takers" dans une certaine mesure, mais pas sur le même statut que les actionnaires. Quels seront les effets directs de la réorganisation, premièrement, sur la productivité? On constate d'abord que vous allez séparer ce qu'on appelle en anglais les "regulated services from the unregulated services" les services qui sont réglementés et ceux qui ne sont pas réglementés. C'est un effet direct, je pense qu'on s'entend là-dessus. Quels en sont les effets sur la productivité, par exemple, s'il y en a, en général?

M. de Grandpré: Lorsque vous dites que nous allons séparer ce qui est monopolistique et ce qui est subordonné à la concurrence, ce n'est pas tout à fait exact non plus. Parce que nous avons sur pied, à l'intérieur de Bell Canada, à l'intérieur de l'entreprise réglementée, un secteur d'activités qui est en concurrence directe avec même une filiale de Bell Canada qui s'appelle les Entreprises...

M. Terreault: Le système de télécommunications.

M. de Grandpré: ...le système de télécommunications Bell. Nous avons également à l'intérieur de Bell Canada tout le secteur de la vente ou de la location des appareils de téléphone alors que nous concurrençons tous ceux qui sont sur le marché, comme Eaton, La Baie, Sears, Simpsons, Radio-Shack, qui vendent des appareils. Alors, il y a une combinaison à la fois de services de monopole et de services de concurrence à l'intérieur de Bell Canada. Pour le moment du moins, nous avons l'intention de continuer parce que nous avons déjà en place une base telle que nous ne pouvons pas l'abandonner du jour au lendemain.

M. Payne: L"interfinancing" est-il tout à fait impossible dans la structure telle que proposée?

M. de Grandpré: Ce sera précisément l'obligation du CRTC de s'assurer qu'il n'y a pas de contribution faite par les abonnés au profit des entreprises non réglementées.

M. Payne: Je me fais le porte-parole d'un certain nombre d'abonnés québécois, 40% à peu près, qui, par le biais des médias d'information, s'inquiètent beaucoup de ce phénomène d'"interfinancing", là où le champ de la réglementation est loin d'être suffisamment étoffé à cette étape-ci de la technologie. Je pense que vous seriez d'accord avec cela.

M. de Grandpré: Non, je ne suis pas d'accord avec cela parce que, tant et aussi longtemps que Bell Canada, à la suite de sa réorganisation, utilisera son personnel, ses actifs et ses ressources pour offrir le service à ses abonnés, et tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas de transfert de Bell Canada à une autre entreprise, que ce soit à l'intérieur du groupe ou que ce soit ailleurs qu'à l'intérieur du groupe, l'abonné ne paiera que pour le service qu'il a reçu et il appartiendra au CRTC...

M. Payne: M. de Grandpré, je disais que la réglementation s'en vient pour ce qu'on appelle maintenant les services qui ne sont pas réglementés; avec l'exclusion de Bell et la restructuration de Bell Canada, il y aura présumément beaucoup d'autres points de réglementation qui viendraient par la suite.

M. de Grandpré: Je ne comprends pas exactement le sens de votre question.

M. Payne: J'ai dit qu'avec la séparation de Bell Canada, pour les abonnés, dans la restructuration, il y a toute une gamme de services autres que ceux de votre propre organigramme qui ne sont pas actuellement couverts par le règlement du CRTC.

M. de Grandpré: Des services qui sont offerts par Bell Canada?

M. Payne: Pas les services de Bell Canada, mais la recherche. On a discuté ce matin de vos activités qui ne sont pas réglementées par le CRTC.

M. de Grandpré: C'est sûr. Les activités qui n'ont rien à voir avec l'offre des services de télécommunications au Québec ne tombent pas sous la juridiction du CRTC. Rien ne va changer au sujet de la... Le contrôle du CRTC demeure intégral après la réorganisation. (18 h 15)

M. Payne: Le point que je voulais amener est cette attente d'autres règlements qui vont, par exemple, empêcher ou limiter toute activité "interfinancing" entre les différentes parties de l'entreprise.

M. de Grandpré: Je regrette, mais j'ai de la difficulté à suivre votre question. Je ne la comprends pas.

M. Montambault: Vous dites que, dans la nouvelle réorganisation, les filiales étant complètement séparées de Bell Canada, il serait plus facile de s'assurer qu'il n'y aurait pas d'interfinancement.

M. Payne: Je peux le dire en anglais? If you want to give a subsidy to another part of the company, you can have a great number of control practices in terms of a monopoly which appear possible. Only anti-monopoly regulations can counter affect that phenomenon.

M. de Grandpré: That is the situation today and it will continue to be exactly the same way after the reorganization.

M. Payne: That is what I am saying, that regulations in a developing technology will, in fact, have to be developed.

M. de Grandpré: Sure, they will have to learn to live with a new situation and they will have to determine whether the assets and the employees are used for the provisioning of telecommunication services in Ontario and Québec.

M. Payne: To give a very practical example, if you decide to inject ficticiously 200 000 000 $ into Northern Telecom for the fabrication, for the manufacturing of potsor whatever which would directly compete against Nippon, against Siemens, ITT and other equipment in different parts of the world, obviously, you have a business monopoly problem which has to be directed or regulated...

M. de Grandpré: The investments will not be made by Bell Canada...

M. Payne: Pardon me?

M. de Grandpré: The investments will not be made by Bell Canada post reorganization, it will be made by Bell Canada Enterprises. Bell Canada will not invest in anything but telecommunication services in Ontario and Québec and the North-West Territories. It is so insignificant in the overall scheme of things that I always forget it.

M. Payne: Québec is insignificant?

M. de Grandpré: No, the Northwest Territories, in terms of revenues, not in

terms of people, but in terms of revenues.

M. Payne: C'est de combien? 2%? M. de Grandpré: 2% à 3%, oui.

M. Montambault: Ce que je me rappelle toujours en ce qui concerne les Territoires du Nord-Ouest, c'est que je perds 12 000 000 $ par année à fonctionner là-dedans.

M. Payne: What could I say? Subscribers to monopoly services should not have to subsidize entry to competitive markets. I think that there is a non-going discussion to reconcile what we have discussed this morning, the essential service of telecommunications, which means that it has to be therefore considered as a public utility and therefore has to be regulated in itself. But, there are other filiated aspects of, in this case, the Bell Empire and we have discussed the activities of Northern Telecom, for example, in terms of manufacturing. It will have to apply obviously to the same rules as any other company with respect to anti-monopoly practices, but...

Des voix: Oh sure!

M. Payne: But my point is that because it is a fastly developing technology, it seems to me that the CRTC has a lot of back regulation to make up to keep up with the technology. It seems to me that you are ahead of the game almost.

M. Montambault: The CRTC has nothing to do with the operations of Northern Telecom.

M. Payne: I agree, that is what I am saying I am not talking about the regulations as they now fall under the mandate of the CRTC, but regulations, governmental regulations.

M. Montambault: I see what you mean.

M. de Grandpré: The combine legislation, orders and regulations will still be controlling the operations of the Bell group of companies after the reorganization. There is no doubt about that.

M. Montambault: By reorganizing, we are still subject to all the laws of the country whether these laws applied to Bell Canada in terms of the regulatory aspect of rates, quality of service, etc. That is a matter which falls under the jurisdiction of the CRTC before or after the reorganization. The monopolistic aspect of Northern and Bell which has been the subject of 16 years or 17 years in investigation will still be there and we will still have to abide by whatever laws are inacted or whatever laws are now in place today.

M. Payne: Since we started in English I might as well continue for few minutes.

The second question concerns the effects on productivity.

M. Bertrand: Vous voyez que la loi 101 n'a pas changé grand-chose aux débats à l'Assemblée nationale, M. de Grandpré.

M. de Grandpré: Cela me fait bien sourire.

M. Payne: To what extent will the reorganization affect productivity?

M. Montambault: No effect whatsoever. The new organization will have nothing to do whether Bell Canada is more productive or less productive than under the present organization. As we said before, it is completely neutral in terms of Bell Canada per se.

M. de Grandpré: If there is a tilt, it is in favour of increased concentration on telecommunication problems by the senior management of the company. These managers are not being obliged to look at what I call the consolidated aspect of the operation as they are obliged to do it today. For instance, I have to be mindful all the time of the Bell Canada bottom line as a telecommunication operation but also the Bell Canada bottom line as a holding company having billions of dollars invested in Northern Telecom. This is a dual role that I have now, and the dual role that I have now will be totally eliminated as far as my successor is concerned in Bell Canada, because he will not have to concern himself with the financial performance or the economic performance of all the subsidiaries. That will be my responsibility as head of Bell Canada Enterprises. So to that extent, there is a greater effort to concentrate on Bell Canada's activities.

M. Payne: Mr. Montambault, come back a little bit to what interested me, the way in which you are tackling the ongoing technological revolution in terms of manpower and turnover of employees, long-term job security and what else. I think that society, in different aspects, has a lot to learn. I was interested in some of your experiences. We have had problems in the Government with respect to the phenomenon of job security, recycling. In the last collective agreements or decrees, we have had, for example, thirteen different measures of relocation of employees, of recycling of

expertise, of increasing mobility and so on, giving sabbaticals, time-sharing projects.

I had the opportunity recently, while making comparative studies with propositions which had been made by Air Canada, to see in more careful detail this problem of how to affect what is effectively a surplus in manpower. Do you have any tangible projects with respect to how your operation tackled the problem of - comment dit-on cela en anglais - "redressement" or pruning down the system to face the actual recession? How have your mechanisms of discussion, dialogue and negotiation with your employees developed? Will the new reorganization, in any way, departmentalize positively these problems of job security and continued positive approach to the technological revolution? You said you have had great success.

M. Montambault: Well, I do not think I said that in that respect. I said we have had a great success in minimizing the number of lay offs that were necessary because of the introduction of new technology. I think you are raising another problem and that is: what do you do or what did you do when you found out that the economy was not as good as you were expected? I guess that is...

M. Payne: That is exactly...

M. Montambault: All right. The first part is that indeed we were successfull because we were able to foresee the need for introducing that technology and develop a program over a number of years. In fact, we were able to react in terms of a number of people we were hiring or not hiring and therefore introducing the technology as we could accommodate the surplus of employees. To do so, we put forward a number of measures which centered around the need for a fair number of these employees to become mobile and therefore accept the job somewhere else within a certain radius of their homes. In other aspect, when it was impossible for these employees to move -and this was a minority of them - we also worked out with the union series of financial compensations which permitted them to either retire earlier or do something else in the meantime. Now, that deals with the introduction of the technology as we know it in Bell. And so far, I can say very proudly that we have been by a large very successfull in introducing those technologies without creating lay off. Now on the other end, we were faced, as you know, in 1982 with an economy which was going down and that was particulary true in the Province of Québec, I must sadly say. Fortunately, we were able to foresee some of it in 1981 and for that reason, we stop hiring in 1981 thus minimizing the surplus of employees we had in 1982. In spite of that, the economy went down so much, as you know, that we were face with a surplus of employees and then we modified that surplus. We entered into discussions with the unions offering the various unions we have a plan for job sharing. I must say initially that suggestion was not accepted by the unions and therefore we had to resort to some lay off, and we had in the fall of 1982 something like 200 employees which were laid off in the Province of Québec, because of the fact that the volume of work was no longer there.

Once we went through that first phase, and that was to be only the first phase, the employees and the unions came back to us and said: We would like to reconsider your offer about part timing or sharing of work. And we said: Fine, that is what we want to do with you. We finally concluded early in the year an agreement with both unions to the fact that for a certain number of people they have lost one day out of seven weeks of work which is very minor, I think, for the whole year. We are talking about a financial loss of around 400 $ to 500 $. For another group of employees, the loss was one day in five weeks. Doing so, we have been able to manage our surplus of employees without putting on the shoulders of the customers the burden of carrying those employees who had nothing to do. That is the way we work on both fronts.

M. Payne: Were they 35 000 employees in Québec?

M. Montambault: No, we are talking about Bell Canada right now. I have about 17 000 employees.

M. Payne: In Bell Canada?

M. Montambault: In Bell Canada, let us say in the Québec region. We are talking about 22 000 employees on the average if we include the headquarters and the national sales group. They are all subjected to that treatment.

Le Président (M. Champagne): Thank you.

M. Montambault: You are welcome. (18 h 30)

Le Président (M. Champagne): Avez-vous d'autres questions, M. le ministre?

Conclusions M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, les gens trouveront peut-être qu'on a la conclusion rapide, mais des paroles verbales je voudrais

passer aux gestes concrets. Je lisais un article de Michel Nadeau dans le Devoir de lundi, dont je vous cite quelques lignes: "Le ministre des Communications doit chercher à établir de nouveaux liens avec la direction de Bell pour voir comment elle assumera sa responsabilité sociale dans une collectivité qui a assuré sa croissance durant un siècle. Quelles seront les retombées de la mise en place des "Entreprises Bell Canada?" Un peu plus loin, il écrivait: "M. Bertrand ferait une erreur en abordant cette réorganisation sous l'angle des tarifs. Le débat a eu lieu à Ottawa - vous en savez quelque chose, M. de Grandpré, pour avoir passé cinq jours sur le gril - II vaudrait mieux, continue M. Nadeau, s'enquérir des intentions de la compagnie au Québec, particulièrement au chapitre de l'emploi et des investissements futurs. Il terminait en disant: "Beaucoup plus que de tirades juridico-politiques, c'est ce genre d'échanges à caractère économique que M. Bertrand doit ouvrir avec Bell Canada." Permettez-moi, à ce moment-ci, puisque le temps nous y oblige, de tirer un certain nombre de conclusions et d'essayer de voir si les conclusions que je tire collent aux attentes du groupe Bell Canada. En tout cas, les conclusions que je tire collent quant à moi aux attentes du Québec.

Premièrement, quant aux juridictions en matière de télécommunications, le Québec continue de réfléchir à ce dossier. L'étude TAMEC est un des éléments qui nous amènent à réfléchir à ce dossier. Le projet de réorganisation de la structure corporative de Bell Canada est un des éléments qui nous amènent à réfléchir à ce dossier. Vos propres déclarations, M. le Président, nous ont amenés au cours des dernières années à réfléchir à ce dossier, mais vous savez que, depuis que le ministère des Communications existe, tous les ministres des Communications ont réfléchi à ce dossier. Personne n'a encore tiré la conclusion finale. Je crois que, comment dirais-je? de toute façon à cause du contexte politico-constitutionnel qui existe en ce moment, il m'apparaîtrait assez difficile de convaincre mon homologue fédéral, M. Fox, d'éliminer sa loi fédérale relativement à Bell Canada, qui a été déclarée d'intérêt général, d'intérêt canadien et qui, par ce fait, se trouve maintenant assujettie à un organisme de réglementation fédéral.

Il y a donc encore, je pense, matière à réflexion. Il y a encore un certain temps de la coupe aux lèvres pour ce qui est du projet de Bell Québec. Encore faudra-t-il savoir de quelle Bell Québec il s'agirait si, éventuellement, cette hypothèse devait être retenue autant, bien sûr, pour satisfaire aux intérêts des actionnaires de Bell Canada ou de l'entreprise Bell Canada qu'aux intérêts des Québécois et des Québécoises, premièrement.

Deuxièmement, quant à la tarification, je n'ai pas besoin de vous dire qu'ayant indiqué ce que je pense du dossier des juridictions en matière des télécommunications, de la répartition des pouvoirs en matière de télécommunications, comme le CRTC va continuer, pour un certain temps encore, il semble que ce soit pour quelques années tout au moins, d'avoir la responsabilité de prendre des décisions quant à la tarification, je crois que je vais retenir le conseil de M. Nadeau de ne pas m'étendre plus longtemps sur l'impact de la réorganisation sous l'angle des tarifs puisque vous avez tenu ce débat à Ottawa et que, de toute façon, c'est au CRTC qu'il appartient de prendre des décisions quant à cet élément plus particulier du dossier au cours des prochaines années. Nous n'avons pas encore, comme Régie des services publics du Québec, d'autorisation constitutionnelle, juridique, légale, d'intervenir au niveau de la tarification de l'entreprise Bell Canada, au niveau de l'exploitation de son service téléphonique. Encore sommes-nous heureux tout de même de pouvoir avoir un certain droit de regard sur l'une de ses filiales, Télébec.

Troisièmement, relativement au secteur manufacturier, j'ai pris bonne note des informations claires qui m'ont été transmises par M. de Grandpré et par M. Montambault quant à ce que j'appelle l'érosion - que vous appelez la diminution - des emplois dans le secteur manufacturier au Québec au cours des dix ou quinze dernières années en particulier. Je veux bien évaluer ce dossier avec vous à la lumière de ce que vous avez appelé le virage technologique. Mais vous comprendrez très bien que, me préoccupant de développement économique dans le secteur des communications, je m'intéresse au projet de développement que pourrait avoir - et qu'aura, j'espère - Entreprises Bell Canada et, en particulier, Northern Télécom dans le secteur manufacturier québécois. Mais je tiens à vous remercier pour les informations que vous nous avez transmises à ce sujet et qui m'apparaissent claires.

Quatrièmement, dans le dossier de la recherche et du développement, je crois que nous avons réussi à nous entendre sur un certain nombre de chiffres, que nous pourrons d'ailleurs peut-être même davantage préciser dans un proche avenir, sur ce qui pourrait être appelé le manque à gagner du Québec en matière de recherche et de développement, étant donné les revenus que retirent Entreprises Bell Canada ou Bell Canada - je ne sais pas exactement à quelle date je pourrai utiliser la bonne expression -étant donné les revenus que retire Bell Canada au niveau de l'exploitation de son service téléphonique, au niveau de la fabrication et aussi au niveau de cet autre secteur auxquel a fait allusion M. de

Grandpré... Je ne me rappelle plus exactement du nom assez particulier que vous lui avez donné: Qu'est-ce que c'était déjà, M. Montambault?

M. Montambault: CIRS. M. Bertrand: CIRS.

M. Montambault: Contrats en investissement en recherche scientifique.

M. Bertrand: Merci beaucoup. Je l'aurai certainement sur le bout de la langue continuellement.

Dans ce dossier de la recherche et du développement, je retiens, comme message que vous désirez transmettre au gouvernement du Québec, un effort majeur qui doit être déployé du côté de la formation, du côté des ressources humaines. Je suis depuis fort longtemps d'ailleurs -quand je dis fort longtemps, j'entends depuis que je suis le ministre des Communications -vendu à cette idée qu'il nous faut absolument orienter les générations montantes vers les technologies de pointe, vers le grand secteur de la science et de la technologie et nous assurer que les jeunes iront cueillir ces emplois d'avenir, comme on les appelle. On ne doit pas préparer des générations qui passeront complètement à côté de la révolution des communications qui est en cours. Celle-ci est prometteuse dans la mesure évidemment où nos milieux d'éducation offrent à nos jeunes toutes les possibilités de formation qui leur permettent de se diriger dans ces différents secteurs et à condition aussi, bien sûr, que la jeunesse québécoise - et encouragée en cela j'espère, non seulement par le gouvernement, mais par les entreprises - comprenne que des études techniques qui ne dépasseraient pas le secteur collégial ne sont certainement plus ce que j'appellerais - et ce que vous avez retenu comme expression - le produit qu'on recherche aujourd'hui dans les entreprises en développement. On recherche davantage des jeunes qui auront le courage, la patience de se rendre jusqu'aux deuxième et troisième cycles. C'est ainsi que les générations montantes pourront occuper au Québec -Québécois francophones, anglophones, de quelque groupe qu'ils soient - toute la place qui leur revient dans le secteur de la recherche et du développement.

Cinquièmement, donc pour tenter d'apporter un élément concret à ces quelques réflexions que j'ai voulu vous faire relativement au partage des pouvoirs, aux questions de juridiction, aux questions de tarification, au développement industriel, développement dans le secteur manufacturier et aussi à la recherche qui est fondamentale pour le développement du secteur des télécommunications, je me demande si, au terme de ces quelques échanges que nous avons eus aujourd'hui, il ne serait pas souhaitable, je dirais même tout à fait désirable, autant pour l'entreprise Bell Canada que pour le ministère des Communications et, partant, pour la société québécoise, d'instituer d'une façon assez formelle, avec à l'esprit l'atteinte d'objectifs qui soient le plus précis possible, autant d'ailleurs pour votre entreprise que pour le gouvernement du Québec, ce que je pourrais appeler - puisqu'il nous faut maintenant sortir des sentiers battus des comités d'étude ou des groupes de travail - un groupe d'intervention et de développement, en particulier dans le secteur de la recherche et dans le secteur manufacturier. S'étant donc préoccupé de ces aspects qui, quant à moi, sont prioritaires, voir s'il n'y a pas lieu d'effectuer ensemble un bout de chemin dans la recherche d'un certain nombre de solutions qui pourraient permettre au Québec de retirer le maximum de bénéfices de la présence de Bell Canada.

Vous êtes conscients, à titre de citoyen corporatif, que vous avez des responsabilités sociales face à la société québécoise. Vous êtes présents ici depuis fort longtemps. De 250 entreprises en téléphonie que nous avions quelque part il y a longtemps, bien avant que je naisse, nous sommes aujourd'hui autour d'une vingtaine, il n'est pas dit que ce nombre ne sera pas réduit au cours des prochaines années. Je crois que nous avons intérêt, pour ce que j'appellerais un développement, pour assurer un développement intégré des télécommunications au Québec, à resserrer les liens entre Bell Canada et le gouvernement du Québec dans le respect des objectifs que nous poursuivons de part et d'autre. Mais je suis convaincu qu'il existe davantage de points de convergence que de points de divergence et qu'il y a probablement un certain nombre de difficultés qui se posent sur votre passage que nous pourrions contribuer à aplanir dans la mesure où ces difficultés peuvent être aplanies et dans la mesure où les solutions de rechange qu'on trouverait seraient à la satisfaction, à la fois de l'entreprise et du gouvernement du Québec.

Je suggère donc très humblement une façon constructive à ces partenaires de l'entreprise privée qui offrent un service public à la population québécoise d'oeuvrer de façon active dans la mesure où elle considère que ce serait pour elle un beau geste à poser au sein d'un groupe d'intervention et de développement qui, à partir de cette commission parlementaire, pourrait donner des suites concrètes à ce que j'ai cru sentir ici aujourd'hui, c'est-à-dire une volonté de votre part de continuer à contribuer au développement des télécommunications au Québec, de faire en sorte que le Québec puisse avoir sa juste part dans le secteur de la recherche-développement et,

dans la mesure où l'avenir n'est pas bloqué, à faire en sorte que le Québec puisse aussi profiter au maximum du développement d'une entreprise de l'importance de Northern Telecom. (18 h 45)

Pour le reste, ce qui est de la tarification et des batailles qu'on qualifie très souvent de stériles au niveau de la répartition des pouvoirs et des juridictions en matière de télécommunications, je vous donnerai mon avis très naïf, candide mais franc, à ce sujet. Tant et aussi longtemps que l'actuel gouvernement qui est en place à Ottawa sera là, je n'entretiens pas beaucoup d'espoir pour ce qui pourrait s'appeler la passation d'un certain nombre de pouvoirs du fédéral vers le provincial dans le secteur des communications. Bien que les gouvernements qui se sont succédé - vous les avez connus, M. de Grandpré, vous avez fait allusion à quelqu'un que j'ai bien connu ce matin -qu'ils aient porté le nom d'Union Nationale, de Parti libéral ou de Parti québécois, aient toujours tenu un discours constant et consistant en la matière, il y a une continuité dans les revendications du Québec en matière de communications qui indique une volonté politique bien claire et bien nette et qui continue de s'exprimer d'ailleurs à l'Assemblée nationale du Québec, tant il est vrai que le Parti libéral du Québec et le Parti québécois, sur cette question plus précise des communications, arrivent à s'entendre assez bien. Je crois qu'au-delà de toutes ces questions, nous pourrions probablement, de façon très concrète, sur la base d'échanges à caractère économique auxquels nous invitait un éditorialiste du Devoir, passer maintenant peut-être à du travail plus concret et à faire en sorte que nos relations s'intensifient et que nous le fassions, si possible, si tel est votre souhait, d'une façon un peu plus formelle.

C'est l'invitation que je vous lance. Je la lance de bonne foi, considérant que le gouvernement du Québec n'a pas l'intention -je parle de notre gouvernement - ni à court ni à moyen terme, de procéder à la nationalisation de Bell Canada, et que, dans la mesure où nous allons dans le sens de nos énoncés de politique contenus dans Le virage technologique, le devoir de l'État québécois en ce moment est de collaborer au maximum avec l'entreprise privée à trouver des solutions qui nous permettent de prendre ensemble le virage technologique.

Parce que vous êtes l'entreprise que vous êtes, et que vous occupez la place que vous occupez, je désirerais très sincèrement que nous puissions, au cours des prochains jours, des prochaines semaines et des prochains mois, travailler activement à des dossiers concrets en matière de recherche et de développement et en matière de développement industriel.

Le Président (M. Champagne): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition, j'aimerais remercier les gens de Bell Canada de s'être livrés à cet exercice auquel ils ont été convoqués par le gouvernement et pas par nous. Cela explique en partie notre discrétion dans ces débats. Nous avons assuré une présence ici qui a eu l'air, à certains moments, d'une chaise musicale, mais, quand on est à peu près 40 au lieu d'à peu près 80, cela impose ces mouvements de foule. On peut souhaiter que la recherche fondamentale à laquelle vous vous livrez permettra un jour de matérialiser littéralement les députés en plus d'un endroit afin qu'ils remplissent leur rôle de la façon la plus complète possible.

On a eu droit à une supervisite industrielle à mon sens. Heureusement, comme le ministre l'a souligné, on n'a pas passé notre temps à parler de juridiction constitutionnelle et de ces choses-là. On a passé très peu de temps sur le problème de la tarification, heureusement aussi. On a eu droit, comme je l'ai dit, à une super-visite industrielle, à la réaffirmation de réalités extrêmement concrètes que certains d'entre nous connaissent pour l'avoir vécue, que d'autres soupçonnent et que d'autres ignorent, c'est entendu.

Les deux éléments que j'aimerais isoler se retrouvent parmi les éléments de la conclusion du ministre, en l'occurrence la part que le Québec peut attendre des activités de Bell ici, étant donné que son siège social y est situé, et, par ailleurs, de façon plus précise quant à la recherche et au développement, la juste part, là aussi, du Québec.

En réponse aux questions qui vous ont été posées, vous avez souligné des choses importantes qu'il ne faut jamais perdre de vue. Je le dis à l'intention de ceux qui veulent bien écouter. On ne peut pas être un siège social situé au Québec avec l'ambition, pour les gens qui y travaillent, de prendre des décisions multinationales et de concentrer les activités ici. Si on est une multinationale dont le siège social est situé où que ce soit dans le monde, il est entendu que les retombées économiques de fabrication, d'activités de toutes sortes devront se répercuter dans le grand marché mondial que vous occupez. Par ailleurs, quant aux activités de recherche et de développement, il est évident qu'il y a un manque d'appariement entre l'offre et la demande sur le marché strictement du Québec. Il est entendu, par ailleurs, qu'il ne faut pas négliger le fait que pour atteindre des sommets d'excellence en quelque lieu que

ce soit, il faut absolument s'alimenter également à l'étranger où que ce soit, que les gens qui constituent les laboratoires de recherche se trouvent aussi bien à Stockholm ou à Brisbane. Personne n'en doute, on ne peut pas en arriver, quoi qu'on dise ou quoi qu'on souhaite, à une situation où 100% des effectifs de la recherche et du développement de quelque entreprise que ce soit pourraient se retrouver et se recruter localement.

Cela m'apparaît faire partie d'une nature même des choses, une réalité qu'on ne peut pas ignorer lorsque vous nous avez rappelé les obstacles. On parle de perception, on parle de réalité qui sont ceux qu'affrontent les gens, que vous aimeriez retirer au Québec, je pense que vous dites encore ce que d'autres ont dit avant vous et continueront à répéter tant que des changements fondamentaux de perception, de comportement et d'attitude de la part des Québécois et des Canadiens aussi, dans certains cas, n'auront pas eu lieu.

En terminant, je vous remercie encore une fois au nom de mes collègues de l'Opposition en général d'avoir bien voulu vous prêter, comme je le disais, à cet exercice intéressant, par ailleurs. Merci.

M. Bertrand: Une dernière remarque, M. le Président, peut-être que M. de Grandpré voudrait aussi apporter ses éléments de conclusion. Je souscris entièrement à ce que vient de dire le député de Vaudreuil-Soulanges relativement au fait que Bell Canada est une multinationale maintenant et qu'à mon avis, de toute façon, cela n'a jamais fait partie de mon raisonnement que de vouloir indiquer à Bell Canada ou à l'entreprise Bell Canada que parce qu'elle a son siège social à Montréal elle doive s'isoler, cloisonner ses activités à l'intérieur d'un territoire qui, géographiquement, soit celui du Québec et même du Canada. Je pense qu'une société qui poursuit des objectifs d'excellence se doit d'être une société qui est présente sur toute la planète et que dans le fond, sachant que les premières assises de Bell Canada se sont produites ici au Québec, c'est un objet de fierté pour le Québec de voir qu'une entreprise, qui a pris ses racines chez nous, puisse avoir développé l'excellence et l'avoir exportée sur plusieurs marchés internationaux.

En terminant, M. de Grandpré, vous qui avez vécu un peu, vous devez être un peu amusé de constater qui ont été les deux derniers intervenants à cette commission parlementaire; si cela peut faire figure de symbole, cela vous permet peut-être de sentir qu'il y a, à travers ce consensus qui se dégage autour de cette commission parlementaire, une forme de continuité dans l'histoire du Québec.

Le Président (M. Champagne): Un dernier mot.

M. Bertrand: M. de Grandpré. M. Albert-Jean de Grandpré

M. de Grandpré: Dans la même veine de vos dernières remarques, cela me rappelle également que la dernière fois que j'ai comparu dans cette salle, c'était avec Guy Favreau alors que nous tentions de mettre fin à une bataille qui durait depuis fort longtemps entre les architectes et les ingénieurs. Je ne sais pas si les architectes et les ingénieurs s'entendent mieux maintenant, mais ce fut une longue et difficile montée, presque une montée de Calvaire, mais tout de même on l'a résolue à la barre, justement là. Cela me rappelait cet agréable souvenir. En même temps, je me souvenais de ces jours avec un peu de nostalgie pour des raisons faciles à comprendre.

Notre présence, ici, aujourd'hui, M. le Président, qui n'est pas une présence uniquement symbolique - vous avez vu jusqu'à quel point les gestionnaires principaux de l'entreprise au niveau du siège social, gestionnaires au niveau de la région du Québec, se sont empressés de répondre à votre invitation avec certains délais qui ont été expliqués au début, mais qui n'avaient rien de négatif dans notre attitude - souligne et corrobore notre attitude générale à l'endroit de tous les gouvernements avec lesquels j'ai transigé depuis 1966 que je suis dans la compagnie, une attitude de collaboration, une attitude qui nous permette de cerner les problèmes, d'y trouver des solutions, problèmes qui ne sont pas faciles. On a parlé de juridiction, on a parlé de la continuité de l'attitude des gouvernements. La pierre d'achoppement a toujours été la même. Elle a été soulignée aujourd'hui un peu par ricochet, mais c'était toujours sur une question très pratique, une question de dollars et de cents à la fin, que le projet était remis à une date ultérieure. Je ne dis pas que cela continuera dans le même sens, mais cela devient extrêmement difficile de prendre une décision qui peut affecter l'avenir de tous les Québécois et de toutes les Québécoises au point de vue de la tarification.

Quant à la fabrication, je pense que nous n'avons aucune raison de changer notre attitude. Elle nous a bien servis dans le passé, je pense qu'elle a bien servi le Québec. Nous avons tenté de maintenir, compte tenu de la diversification de nos entreprises et de la transition d'entreprises nationales à la dimension d'entreprises multinationales qui a été soulignée par M. Johnson et par vous-même, cet équilibre qui est nécessaire pour que la perception - qui

est tellement importante - de nos activités dans le Québec soit positive et soit regardée et considérée par la population en général comme représentant sa juste part de l'activité générale des entreprises.

Quant à la recherche et au développement, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a un problème qu'il nous faut régler, un problème de recrutement, un problème de développement de chercheurs, un problème probablement financier au niveau des universités et des centres de formation de chercheurs indépendamment des universités. Lorsque nous nous pencherons tous sur le problème, le gouvernement, le centre de recherches, Northern, Bell, etc., je suis convaincu qu'avec la collaboration dont vous avez fait preuve dans le passé et dont nous faisons preuve continuellement, cela nous indiquera les voies à suivre. Vous pouvez compter sur notre entière collaboration aujourd'hui comme hier.

Le Président (M. Champagne): Merci, M. de Grandpré. Au nom des membres de la commission, je veux remercier M. Beauregard, M. Montambault, M. Terreault et M. de Grandpré, ainsi que les nombreux représentants de la compagnie Bell Canada de s'être présentés à cette commission parlementaire, à l'invitation de l'Assemblée nationale.

Pour ma part, je voudrais aussi remercier mes collègues de chaque côté de cette table pour leur collaboration. Je demande au rapporteur, le député de Vachon, de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais possible.

La commission élue permanente des communications ajourne ses travaux sine die, parce que la commission a accompli le mandat qui lui avait été confié. Merci, bonsoir.

(Fin de la séance à 18 h 59)

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