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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 25 mars 1997 - Vol. 35 N° 34

Étude détaillée du projet de loi n° 40 - Loi modifiant la Charte de la langue française


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Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures huit minutes)

Le Président (M. Garon): Comme nous avons quorum, la commission peut commencer ses travaux. La commission de la culture est réunie ce matin afin de procéder à l'étude détaillée du projet loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française.

M. le Secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mulcair (Chomedey) remplace M. Bissonnet (Jeanne-Mance); M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) remplace M. Cusano (Viau); Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys); et Mme Simard (La Prairie) en remplacement permanent, pour la durée du mandat, de Mme Malavoy (Sherbrooke).

(9 h 10)

Le Président (M. Garon): Alors, comme je sais que, ce matin, nous abordons un sujet qui habituellement véhicule des émotions, souvent qui sont le fait des convictions, mais, comme en commission parlementaire, au fond... Tout le monde a droit à son opinion, et je pense qu'on peut faire valoir ses opinions sans nécessairement perdre l'amitié que chacun a pour les autres. Même à l'intérieur des partis, des fois, les gens divergent d'opinion. Alors, entre partis différents, ça arrive plus souvent. Et c'est pour ça que j'aimerais ça qu'on ait un débat sur le sujet qui indique l'amitié que je pense qu'il y a entre les gens de la commission, même si parfois il y a des divergences d'opinion. Alors, je vais demander au ministre... Nous sommes à l'étape des remarques préliminaires. Je vais demander à la ministre si elle a des remarques préliminaires.


Remarques préliminaires


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Elles seront courtes, à ce moment-ci, les remarques préliminaires. Et je voudrais plutôt en venir directement à l'objet du mandat de la commission. Nous sommes donc disposés, du côté gouvernemental, à aborder l'étude détaillée du projet de loi, comme nous y enjoint le mandat que nous tenons de l'Assemblée nationale.

Alors, la première remarque que je ferais, c'est que, dès que nous serons en mesure, M. le Président, d'aborder l'étude article par article, c'est-à-dire dès que vous appellerez l'article premier, je déposerai des propositions d'amendements au projet de loi n° 40. Il y en aura huit, M. le Président, donc, que vous aurez à votre disposition, ainsi que les membres de la commission, pour en faire un examen attentif.

Ce ne sont pas des propositions que je qualifierais de majeures, M. le Président, mais certaines sont importantes parce qu'elles portent sur la langue du travail, la francisation des entreprises et la qualité de la langue. Alors, vous savez ce sur quoi porte ce projet de loi n° 40: la protection du consommateur, que nous croyons qui doit être renforcée à ce moment-ci, parce qu'on a tous connu...

Il ne s'agit que d'aller dans des grands magasins pour acheter un produit de consommation courante pour se rendre compte que très souvent le mode d'emploi, l'étiquetage, l'emballage sont soit dans un très mauvais français parce que c'est traduit par des logiciels, mot à mot, à Taïwan ou ailleurs, ou encore carrément qu'en anglais. Donc, il y a un problème de ce côté-là qui est perçu par l'ensemble de la population. Chacun a eu son expérience, et moi la première. Alors, c'est la Protection du consommateur, le renforcement donc du droit des consommateurs. D'autre part, sur les logiciels, donc, il y a un article, les nouvelles technologies de l'information étaient à peine abordées dans la loi 101, pour une bonne raison, c'est qu'il y a 20 ans c'était à peu près inexistant, alors qu'aujourd'hui c'est devenu une problématique extrêmement importante. Donc, il y a quelques articles dont on va discuter, concernant particulièrement les logiciels. Et, enfin, bien sûr, le rétablissement de la Commission de protection de la langue française. Alors, plus, bien sûr, les huit amendements, M. le Président, que je vais déposer.

Si, en cours de route, des arguments sont invoqués par les membres de la commission, d'un côté ou de l'autre, qui indiquaient que certaines améliorations sont souhaitables, on va les examiner, du côté gouvernemental, avec intérêt et nous allons tenir compte des réactions que nous allons recevoir des membres de la commission. Et, avant, bien sûr, de faire des propositions fermes au gouvernement, je vais prendre en considération les opinions, les critiques, enfin, tout ce qui aura été émis, tout ce qu'on aura entendu autour de cette table. Alors, s'il y a possibilité d'améliorer les textes, nous le ferons volontiers, M. le Président. Alors, voilà, c'étaient mes remarques préliminaires.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. D'abord, je pense qu'on peut dire en commençant ce qu'on a répété à maintes reprises à l'occasion de la tenue de la première commission parlementaire, à savoir que, sur l'objectif ultime qui est celui de renforcer le français, d'en assurer une diffusion accrue et toujours plus accrue sur le marché des produits de consommation ou à l'intérieur des entreprises ou ailleurs dans les domaines qui sont touchés par la loi 101, il est bien évident que la ministre et moi nous sommes parfaitement d'accord, je dirais même que, dans certains cas, je suis encore plus d'accord avec l'objectif que la ministre semble l'être, parce que je pense que ce projet de loi, je le mentionnerai plus tard, dans certains cas, ne va pas aussi loin qu'il devrait aller, en tout cas si on tenait compte de l'interaction qui pouvait exister entre la politique de la ministre et l'application de la loi telle qu'elle est prévue dans ce document.

Donc, je pense que, ça, c'est un appoint très important dans la ligne de défense que prendra l'opposition, c'est que, pour certains aspects du projet, la loi nous apparaît totalement inefficace, du point de vue des objectifs qui sont poursuivis. Évidemment, nous allons maintenir notre objection au rétablissement de la Commission de protection de la langue française. Nous allons longuement expliquer encore une fois les raisons pour lesquelles nous croyons que cette décision est inopportune et qu'il s'agit d'une erreur de rétablir cet organisme, en particulier dans la conjoncture actuelle. Et, deuxièmement, dans certains cas, je pense que le projet de loi demeure inefficace parce qu'il repose sur une compréhension inadéquate de ce que c'est que la dynamique des langues sur le marché et puis j'exposerai les raisons pour lesquelles je crois qu'il en est ainsi. Ce que j'ai en tête ici, c'est en particulier l'article sur les logiciels, les ludiciels et les systèmes d'exploitation. Je pense que cet article 52.1 est inspiré par une bonne intention, il ne faut pas en douter, mais, du point de vue du raisonnement sur lequel repose cet article, et je l'ai dit, du point de vue du savoir implicite sur la dynamique des langues à partir de laquelle il est fondé, à mon avis, c'est un article qui est fort insuffisant, et j'essaierai d'expliquer ultérieurement les raisons pour lesquelles je pense qu'il en est ainsi.

Pour le reste des amendements, évidemment, nous ne les possédons pas. Je pense qu'il serait peut-être opportun que, après les remarques préliminaires, M. le Président, on puisse suspendre pour regarder un peu de quoi ça vire, les amendements que va déposer la ministre. Mais pour le reste, je pense que nous avons tout avantage à procéder le plus rapidement possible, mais je répète en terminant qu'il ne s'agit pas, disons, d'un travail d'analyse et d'un rapport d'opposition entre le gouvernement et l'opposition qui repose sur le fait qu'il y a des bons puis il y a des méchants, qu'il y en a qui sont en faveur du français puis il y en a qui sont contre. À mon avis, ce n'est pas le cas, ça n'a jamais été le cas et ça ne sera jamais le cas. Et ce n'est pas non plus une opposition entre personnes qui veulent appliquer la loi et les personnes qui ne veulent pas appliquer la loi. On n'est pas plus laxiste que vous l'êtes, on n'est pas moins laxiste que vous l'êtes, et je vais essayer de vous montrer dans certains cas que vous êtes plus laxiste que vous pensez et que vous auriez peut-être avantage à vous donner des moyens que vous ne vous êtes pas donnés dans cette législation, M. le Président.

Donc, le fond du débat, ce n'est pas sur les engagements par rapport à l'objectif ultime, ce n'est pas sur la conception qu'on se fait de ce que c'est qu'une loi comme devant être un dispositif appliqué et applicable. Le fond du débat, je pense, le fond du débat de l'opposition, du désaccord, il porte sur deux terrains. D'une part, je le répète, je pense que la, comment dirais-je, méta-analyse, la métathéorie des rapports de langue qui est sur-jacente – parce que «méta», ça vient d'en haut – à ce projet-là me paraît défectueuse – je vais vous dire pourquoi tantôt – et, d'autre part, c'est évident que, pour ce qui est la Commission de protection de la langue française, eh bien, il y a une vision de société qui est en cause ici, et une vision de société que l'opposition ne partage pas. Et je pense que nous allons avoir abondamment le temps de vous dire quelle est cette vision et les raisons pour lesquelles on ne la partage pas et quelle est la vision de rechange qui nous apparaît être celle qu'on devrait adopter. Donc, ça met fin à mes remarques préliminaires, M. le Président, si vous permettez, et je vous remercie encore une fois.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui désirent faire des remarques préliminaires? Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais vous saluer tous. J'ai eu l'occasion d'intervenir sur ce projet de loi en Chambre, et si je suis là ce matin, même si je ne suis pas membre de la commission, c'est pour témoigner de l'intérêt que j'ai toujours porté, que je porte et que je continuerai de porter à la défense, à la promotion et à la diffusion du français et plus largement à la culture d'expression française.

(9 h 20)

Ceci étant dit, M. le Président, dans mes remarques en Chambre, j'avais souligné l'importance que j'accordais aux objectifs de fond qui sont à la base du projet de loi. Et j'ai également rappelé que, de notre côté, comme Parti libéral du Québec, nous avons fait du français la langue officielle et la langue de travail et, par conséquent, nous avons un bilan à défendre, nous avons une vision à défendre, nous avons des valeurs à défendre. Et quand il s'agit de défendre des valeurs, le français a toujours été au centre de nos préoccupations. J'ai également dit, et je le répète, que ce n'est pas sur les objectifs qu'on ne s'entend pas, c'est sur les moyens qui sont mis de l'avant pour, apparemment, assurer la protection du français.

Moi, j'attends toujours, M. le Président, que dans notre discours, au niveau des parlementaires, de l'opinion publique et des gens qui sont directement concernés par ce dossier, que l'on commence à parler de la qualité du français et que l'on commence à se préoccuper de mettre de l'avant des mesures concrètes pour promouvoir la qualité du français dans nos écoles, dans les milieux de travail et un peu partout, dans les moyens de communication, etc.

C'est un débat qui est comme occulté parce que nous sommes trop préoccupés, à ce que je vois, du côté gouvernemental, par les aspects plutôt apparents. C'est ce qui me chagrine quand je regarde ce projet de loi, de voir qu'on met l'emphase sur la Commission de la protection de la langue au lieu de se préoccuper et de mettre nos énergies, nos ressources et nos moyens sur la promotion de la qualité du français.

Je voudrais aussi souligner que, très souvent, lorsque ce débat-là émerge dans l'actualité, on a tendance à avoir une arrière pensée qu'il y a des efforts qui n'ont pas été faits, qu'il y a des gens qui ne souscrivent pas à l'objectif de la francisation. Or, c'est comme nier les acquis que nous avons eus depuis les dernières années; entre autres pour ce qui est, par exemple, de la francisation des nouveaux arrivants. Des progrès considérables ont été réalisés. Un accord a été signé entre le Québec et le Canada qui permettait au Québec non seulement de rapatrier des compétences, mais de rapatrier des ressources financières. Et nous avons réussi, dans une large mesure, l'intégration en français. Le visage francophone est assez prédominant partout. Je peux en parler personnellement, je représente un compté où la diversité est assez présente, et nous avons réussi à établir une harmonie entre les différentes composantes de la société québécoise.

Donc, M. le Président, il me paraît essentiel que, compte tenu des progrès réalisés dans ce domaine, compte tenu aussi de la volonté exprimée par l'opposition officielle et par l'ensemble de la société québécoise, il faudrait commencer à mettre de l'avant des projets qui vont rassembler les Québécois et non pas les diviser sur quelque point que ce soit.

La ministre a parlé tantôt dans ses remarques préliminaires de logiciels. Nous sommes d'accord dans ce cas-là. Quand il s'agit de mettre de l'avant des mesures pour assurer la protection et le rayonnement du français, des mesures concrètes comme dans le domaine de l'autoroute de l'information, on va regarder ça très sérieusement. On va regarder les finalités puis on va appuyer.

Mais quand il s'agit de mettre de l'avant des mesures coercitives qui vont entraver, endommager et mettre en péril l'équilibre linguistique, l'équilibre de notre pluralisme comme société diversifiée, M. le Président, cela m'amène à exprimer des inquiétudes. Et je les exprime en toute bonne foi, parce que, moi, je souhaite que le Québec puisse avoir une image assez positive aussi bien à l'intérieur du Canada que sur le plan international. Et la meilleure façon d'assurer cette image, c'est de pouvoir travailler pour dégager une cohésion dans la société québécoise et non pas une division. Alors, M. le Président, c'était là le sens de mon intervention au niveau des remarques préliminaires, et je reviendrai un petit peu plus tard sur les articles de projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Suite à votre demande, M. le député de Laporte, la ministre a fait distribuer immédiatement les propositions d'amendements au projet de loi. Alors, je pense que vous avez tous reçu une copie... les députés ont reçu une copie des projets d'amendements.

M. Laporte: Oui, c'est ça. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Oui, M. le Président. Je ne veux pas parler longtemps, mais je voudrais dire, au début de cette commission sur le projet de loi n° 40, l'importance que, pour un député gouvernemental qui est un député de la capitale, ce projet de loi a. La députée de La Pinière parlait de la qualité du français, à juste titre, et je voudrais rappeler ici que la qualité d'une langue, c'est d'abord sa propre identité, c'est-à-dire d'être une langue pour le monde et dans le monde, qualité venant, on le sait, du mot «quale», c'est-à-dire laquelle. Alors, je pense qu'il est très important d'identifier cette langue-là au départ. Est-ce que nous parlons français? Est-ce qu'il est bien reconnu que cette langue est la langue nationale, la langue que l'on parle? La députée de La Pinière rappelait aussi à juste titre que le gouvernement du Parti libéral avait fait, par la loi 22, du français la langue officielle du Québec. On sait, à l'époque, qu'il y avait eu un long début sur les mots «seule langue» plutôt que sur «la langue», mais enfin, passons là-dessus et reconnaissons que le Parti libéral s'était donc préoccupé de cette question. J'imagine, donc, qu'on sera sur la même longueur d'ondes, au moins, quant à la volonté de faire du Québec un pays français.

André Langevin demandait, dans les années soixante... il a d'ailleurs eu, pour l'ensemble de ses essais, le prix Liberté, pour ses essais dans le magazine Maclean's . S'il parlait français, c'était une forme d'extrémisme. Il indiquait, pour cette période-là, que, très souvent, les citoyens et citoyennes du Québec ont à se défendre pour pouvoir travailler en français, pour pouvoir parler leur langue, pour pouvoir être servis dans leur langue, ce qui, normalement, devrait être tout naturel, de se faire servir dans sa langue, quand on est Français en France, quand on est Italien en Italie. Le français, très souvent, de manière subliminale, dans un continent où on est une minorité, c'est toujours une volonté d'affirmation qui doit présider à son instauration, c'est-à-dire à sa place dans cette société-là. Et, à titre d'exemple, j'ai apporté, simplement pour montrer que même dans des comtés profonds où le français est la langue profonde, je pense – je vois mon collègue de Montmagny-L'Islet, on connaît bien ce comté-là, lui et moi, puisque je l'habite, j'ai l'occasion de croiser souvent le député Gauvin – dans n'importe quel comté du Québec, par exemple, si vous allez à la pharmacie, vous voulez des Centrum fort – je vous le recommande, d'ailleurs, sans pub, c'est bon pour la santé – vous avez nécessairement, quand c'est disposé en pharmacie, dans n'importe quelle pharmacie, que ce soit à Montréal, à Québec ou à Montmagny, vous avez la prédominance de l'anglais; le français est derrière. La prédominance de l'anglais, elle est là; les deux langues y sont, mais il y a une priorité à l'anglais.

Je ne sais pas, si vous êtes un peu comme moi, si vous remarquez comment on dispose les choses dans les épiceries, par exemple. Vous avez ici – c'est quelque chose que je n'achète pas, ça m'a été donné, je préfère peler mes patates moi-même – mais c'est de la purée de pommes de terre Shirriff. Je ne fais pas de pub, non plus, pour Shirriff, je ne connais pas le shérif. Alors, vous avez, donc, le côté anglais, le côté français. Très souvent, à l'épicerie, c'est toujours le côté anglais qui prévaut. Bien sûr, là il y a une question d'inciter les gens, peut-être, à disposer ça, dans des épiceries françaises, du côté français. On a même parfois... je pourrais vous sortir d'autres exemples. J'ai ici Tropicana, Tropics, vous avez toujours le bilinguisme institutionnel, ce qui faisait dire à Miron qu'on est bilingues de naissance. Tout à l'heure, on a parlé d'appeler les articles. C'est un anglicisme, c'est à cause de l'influence d'une langue sur l'autre.

Une voix: C'est moi qui ai fait ça.

(9 h 30)

M. Gaulin: Oui, mais c'est comme naturel, c'est passé dans le langage. Le président de l'Assemblée reconnaît toujours des députés, il reconnaît le chef de l'opposition – remarquez-le à 14 heures cet après midi – il reconnaît le chef de l'opposition. «Reconnaître» est un anglicisme. On est toujours dans les calques des deux langues. Vous l'avez sur le lait Laval, mais vous l'avez surtout – je l'ai ici, j'ai trouvé ça très intéressant – sur «Kellogg's Just Right»; et on a même des messages politiques, parce qu'ici nous sommes un bon gros bol de céréales pour vous rendre heureux, mais nous sommes différents grains, et on nous pose comme question: Différents grains peuvent-ils vraiment cohabiter dans le même bol?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: «In the same bowl», «in the» symbole, on sait quel est notre symbolique! Alors je pense que, quand on parle de la défense ou de la promotion ou de la protection du français, évidemment c'est des mesures qu'on pourrait dire protectionnistes, mais, s'il en est toujours ainsi, c'est qu'il y a là une nécessité et il y a là comme un aveu de reconnaissance du fait que nous sommes toujours obligé d'être sur un terrain défensif alors que nous devrions être tout naturellement français dans un pays, dans un territoire où le français est une langue reconnue, ce qui n'empêche pas la cohabitation fraternelle avec d'autres langues. Moi, je suis un de ceux qui prêchent pour le plurilinguisme et son enseignement, l'enseignement du plurilinguisme, c'est-à-dire de plusieurs langues dans notre système d'enseignement.

Mais je pense qu'on doit reconnaître qu'une langue ne doit pas être seulement une langue de qualité mais qu'elle doit avoir, pour pouvoir résister et s'épanouir – parce que ce n'est pas seulement la résistance et l'épanouissement de cette langue – elle doit avoir un pouvoir d'attraction. En particulier, j'ai eu l'occasion de le souligner au mois d'août, ce pouvoir d'attraction, là où il est de plus en plus difficile de l'obtenir, c'est dans la grande réalité montréalaise, de la ville de Montréal, et on sait que si Montréal basculait, eh bien, on sait que ça serait tout simplement une question de temps pour l'ensemble de la population québécoise des villes et des campagnes.

Alors, moi, je voudrais en appeler à ce que justement le député d'Outremont appelait «la dynamique des langues», et dans cette dynamique des langues je voudrais qu'on assure le pouvoir d'attraction du français. Je sais que le député d'Outremont annonçait des choses intéressantes, peut-être, au niveau de l'informatique, on pourra voir ensemble, et c'est dans une attitude d'ouverture que, moi, je viens à cette commission. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de La Prairie.


Mme Monique Simard

Mme Simard: Merci, M. le Président. Très rapidement, moi, je voudrais attirer l'attention des membres de la commission sur un aspect qui est important et qui concerne évidemment l'utilisation du français dans les milieux de travail, et que le français soit effectivement la langue de travail au Québec. On sait qu'aujourd'hui il n'y a à peu près aucun milieu qui n'est pas pénétré par l'informatique et par l'utilisation de logiciels. Tous les milieux de travail, même dans les tâches les plus simples, eh bien, on utilise de logiciels. Et s'il est vrai que tous – et, moi, je pense que tout le monde est de bonne foi ici, autour de cette table, pour faire en sorte non seulement que le français soit la langue du Québec, mais que ça soit une langue de qualité... On sait l'influence que peuvent avoir les instruments de travail dans la communication et ultimement sur la qualité de la langue qu'on va parler.

Dans ce sens-là, si, huit ou neuf heures par jour, les instruments de travail que sont les logiciels sont dans une autre langue, on sait que ça prend très peu de temps pour que tout le vocabulaire du travail soit transformé, que la façon dont on parle soit transformée. Voilà pourquoi je pense que, notamment, les amendements qui seront apportés à l'article 52 de la Charte sont extrêmement importants. Il y aurait évidemment des nuances à faire. Il y aura des exceptions, mais il est clair que si nous n'intervenons pas à ce chapitre-là, eh bien, inévitablement, l'anglais, qui est utilisé et qui est la langue de la majorité des logiciels en milieu de travail, aura un effet d'influence sur la langue qui sera extrêmement néfaste. Alors, j'invite mes collègues d'en face à porter une attention particulière à cet aspect de l'utilisation du français qui est celui des milieux de travail, notamment des logiciels.

Le Président (M. Garon): M. le député de Montmagny-L'Islet.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Juste quelques mots qui touchent évidemment le projet de loi n° 40 et en relation avec l'impact qu'il peut avoir dans une région comme celle que je représente, comme l'a mentionné notre collègue de Taschereau. Je n'ai pas eu la chance comme lui d'aller faire mon épicerie avant de venir ici ce matin; évidemment, on a reconnu qu'il a fait une démonstration que, parfois, nos commerçants de chacune de nos régions... et il n'a pas démontré que toutes ses emplettes avaient été faites sur les tablettes de la grande région de Montmagny. Si c'était le cas, je serais le premier à leur rappeler qu'ils ont peut-être des choses à améliorer sur la présentation, d'abord, des produits, d'une part; et ça, ça serait souhaitable, si ça se produit dans des régions comme la nôtre.

Un point, je pense, que j'avais soulevé... Je vais m'en tenir à porter à l'attention de Mme la ministre... On reconnaît que le gouvernement du Parti québécois, à ce moment-ci, au début de l'année 1997, a fait une priorité de voir adopter le projet de loi n° 40 dans les meilleurs délais. C'est ce qu'on a entendu dans les discours. C'était probablement un engagement, et si c'est pour corriger, comme l'ont mentionné plusieurs de mes collègues et des membres de cette commission, des deux côtés, tant mieux! corriger des faits pour améliorer la qualité de la langue française, la langue que tous les Québécois doivent dans la mesure du possible utiliser à tous les jours, dans la vie de tous les jours.

Mais le point était à savoir la formation de la Commission de la défense de la langue française, rétablir cette structure-là, les coûts reliés à ça. Et c'est là où j'en viens, Mme la ministre. Le gouvernement en a fait une priorité à ce moment-ci et, à date, après deux ans et quelques mois de responsabilité comme gouvernement, il n'a pas encore répondu à l'aspiration de chacune des régions du Québec, comme celle que je représente, d'investir les argents nécessaires ou de mettre en place les structures nécessaires qui font la démonstration que le gouvernement a l'intention de décentraliser, régionaliser, donner des moyens à chacune de nos régions du Québec pour déjà commencer à travailler en collaboration ou, du moins, aller dans le sens que souhaiterait le gouvernement, dans le sens de la décentralisation, d'une part.

On va investir dans une structure, et j'aimerais savoir s'il y a des estimés qui ont été faits sur les coûts de cette nouvelle structure là, qui va générer des coûts, comme je le mentionnais, créer certains irritants, peut-être pas nécessairement dans une région comme celle de Montmagny-L'Islet, parce que ça ne se présente pas à tous les jours. M. le député de Taschereau a fait une démonstration tantôt que ça peut se retrouver à l'occasion. Il peut y avoir des faits marquants sur l'utilisation de la langue française dans un milieu où la population est probablement à 99 % et quelque chose composée de gens qui utilisent la langue française ou qui pratiquent la langue française à tous les jours. Je ne pense pas qu'il est souhaitable qu'on ait à exposer la marchandise dans la langue anglaise pour faciliter la vie des gens à tous les jours dans le cadre de leurs achats.

Donc, ceci dit, en terminant, Mme la ministre, mon intérêt à cette commission est de voir si aujourd'hui la priorité est de faire adopter la loi n° 40. Pour une région comme la mienne, nous avons hâte de voir d'autres ministres, de vos collègues, des ministres du gouvernement qui vont vraiment démontrer à chacune de nos régions qu'il y a aussi des priorités, pour répondre aux questionnements que se font les MRC, les groupes à la défense de la mise en place d'une économie, d'une structure économique nécessaire pour nous aider à développer l'emploi, qui est, je pense, un mot employé fréquemment dans chacun de nos discours dernièrement, et c'est le discours du gouvernement, d'une part.

Donc, pourquoi aujourd'hui mettre en place une structure comme celle que vous proposez qui va créer des irritants et qui aura des coûts reliés pour une région comme celle que je représente? C'était ce que je voulais aborder, M. le Président.

(9 h 40)

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska.


M. Michel Morin

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci, M. le Président. Quelques mots à la suite des remarques de mon collègue de Montmagny-L'Islet. Moi aussi, je représente un comté en région, le comté de Nicolet-Yamaska, qui, soit dit en passant, est un comté à 99 % francophone. Donc, la problématique se manifeste peut-être un peu moins que dans la région de Montréal, l'Outaouais ou l'Estrie. Par contre, suite à l'épicerie qu'a faite mon ami de Taschereau, ça ne veut pas dire que cette problématique n'existe pas à Nicolet et dans le comté de Nicolet-Yamaska, parce qu'on a les mêmes épiceries ou à peu près que dans la région de Québec.

Vous savez, la langue française, c'est au coeur de l'identité québécoise. J'ai enseigné l'histoire du Québec durant 20 ans, et mes ancêtres sont ici depuis 1651. La langue française, c'est le ciment de notre société québécoise et elle manifeste aussi le sentiment d'appartenance à une collectivité. Je pense que le législateur ou les législateurs qui sont ici ont le devoir d'intervenir pour protéger la langue française; pas contre personne, mais pour les Québécois et pour les Québécoises, de toutes origines qu'ils soient. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci, M. le Président. Moi, je pense qu'on ouvre un débat qui nous divise, les deux formations politiques, sur une question très importante, c'est la question de la confiance dans l'avenir du fait français au Québec. Et moi, je pense... De ce côté, dans cette commission, j'ai participé à nos travaux depuis deux ans et demi maintenant, et je pense que, sur toutes les choses pour promouvoir un Québec confiant en son avenir, pour la promotion du fait français dans l'inforoute, je pense que, de notre côté de la table, nous avons travaillé pour bonifier le rapport, pour rencontrer les groupes, on a misé beaucoup sur une présence accrue du fait français sur l'inforoute, et tout ça. Dans tous les débats pour sauver Radio-Québec, qui est devenu Télé-Québec, nous étions collaborateurs, nous avons vu que c'est essentiel d'avoir un outil éducatif sur les ondes au Québec et nous avons essayé aussi d'aider la ministre avec une situation délicate quant à transformation de cette institution.

Alors, je pense qu'au niveau des gestes de confiances, des gestes pour promouvoir le fait français, nous avons travaillé et on va continuer de le faire. On va regarder attentivement les propositions dans le projet de loi qui touchent soit les logiciels, les jeux électroniques. Moi, j'ai peu de connaissances dans tout ça, mais on va essayer de voir si on va atteindre les effets désirés.

Mais cette même confiance nous a amenés, en 1993, à regarder l'avenir de la Commission de protection de la langue française, et le constat que nous avons fait, pour 1 600 000 $ à l'époque ou quelque chose comme ça, a été qu'on n'avait plus besoin de ça. Nous avons regardé d'où venaient les plaintes à la Commission, et c'étaient quelques citoyens, une demi-douzaine, qui étaient à l'origine de toutes les plaintes déposées. Alors, on va recréer une commission pour le loisir de quelques citoyens, parce que c'est avant tout ça qu'on va faire. J'ai entendu attentivement les commentaires des députés de l'autre côté, qui vantent d'autres aspects du projet de loi, mais c'est le silence sur la police de la langue; et ça, c'est la désignation de Mme Gruda dans La Presse , ce n'est pas moi qui l'invente.

Alors, on n'a pas besoin de ça, et c'est ça que je veux amener encore une fois, j'ai mentionné ça dans mon discours sur le débat sur l'adoption du principe: Mais on n'en a pas besoin. C'est vraiment un geste de méfiance au lieu de confiance, et je pense qu'il faut comprendre cette distinction et il faut dire que nous sommes, comme Québécois, peu importe notre origine, assez confiants qu'on n'a plus besoin des gestes de coercition comme ça, d'avoir des personnes avec une seule vocation: d'aller avec les billets d'infraction visiter, presque harceler souvent nos hommes et femmes d'affaires qui ont assez de gérer des petites entreprises; et je rappelle aux membres de cette commission que gérer une petite entreprise, ce n'est pas évident. Dans le secteur du détail, on est confronté avec la concurrence des grandes compagnies américaines, les Wal-Mart et les autres choses comme ça. Alors, on essaie de garder notre magasin rentable, peut-être de parler aux banquiers pour négocier une petite marge de crédit de plus pour me sauver ce printemps dans l'espoir que peut-être le monde va acheter cet été, peut-être de voir le propriétaire de notre centre d'achats pour voir si on pourrait avoir une marge de manoeuvre sur le loyer à payer, parler à nos fournisseurs pour s'assurer qu'on pourrait avoir peut-être un meilleur prix. Tout ça dans l'espoir d'arriver à sauver la situation avec la saison de Noël.

Alors, c'est très difficile pour la plupart de nos petites et moyennes entreprises. D'imposer en plus de ça une police qui va arriver avec les lettres d'avocats, les mises en demeure, compliquer l'affaire... Ce n'est pas facile, la gestion de tout ça, mais nous avons fait la gageure il y a quatre ans qu'on est assez confiants de donner cette vocation à l'intérieur de la vocation de l'Office de la langue française, c'est-à-dire de miser sur l'éducation. On est beaucoup mieux d'aller voir nos commerçants, voir nos petits entrepreneurs et leur dire: c'est comme ça, si vous voulez livrer un message à vos clients anglophones, on peut faire ça comme ça, mais c'est le respect qu'on doit avoir pour la langue française, c'est ça qui est dans la Charte, et essayer d'amener les personnes par la persuasion, par l'éducation au respect de la Charte. Je pense que les résultats sont très intéressants.

J'ai vu le témoignage des deux présidents, à la fois du Conseil de la langue française et l'Office, au moment où nous avons fait nos consultations. Ils disent: On n'a pas besoin d'une police de la langue. On a vu les témoins qui sont venus l'un après l'autre et, sauf de rares exceptions, tout le monde – on peut dire que le Conseil du patronat, ce n'est pas surprenant, mais la CSN aussi, Serge Turgeon, de l'Union des artistes – est venu pour nous dire: On n'a pas besoin de ça. Alors, oui, on a réussi à créer un large consensus. C'est une bonne nouvelle. Sauf que le gouvernement ne nous écoute pas. Et c'est ça qui est décevant, M. le Président, parce que je pense que nous avons dit qu'on a une société assez confiante maintenant pour passer à autre chose. Recréer, ressusciter – on est au temps de Pâques – alors, une résurrection de cette institution, on n'en a pas besoin.

Et c'est ça que je trouve décevant, parce que, par la loi 86, abolir tout ça, corriger quelques situations aberrantes... Il y avait une situation dont je me rappelle, entre autres, avant 1986, où un centre de ski public, comme le Mont-Sainte-Anne à l'époque, pouvait indiquer aux skieurs les règles de sécurité dans les deux langues, mais un centre de ski privé ne pouvait pas faire la même chose. Alors, il y avait beaucoup de choses à corriger. C'est ça que nous avons fait dans le projet de loi 86. Ça nous a amené un certain calme. Ce n'est pas une loi parfaite, ce n'est pas une loi à corriger, mais, quand même, on a créé un certain consensus.

Dans un contexte où on coupe partout, on regarde les crédits qui ont été déposés la semaine passée et c'est entre 600 000 000 $ et 700 000 000 $ qu'on coupe dans l'éducation... Les commissions scolaires vont être obligées de congédier les spécialistes dans l'apprentissage de la langue française, entre autres, les personnes, les aides pédagogiques qui peuvent aider nos enseignants dans nos écoles pour garantir un meilleur apprentissage de la langue française, ça, ce n'est pas une priorité! On n'a plus besoin de ça. On peut effacer tous les spécialistes qui travaillent dans les commissions scolaires. Mais fournir au monde des billets d'infraction, aller dans la rue, se promener un petit peu, ça, c'est une priorité pour le gouvernement! Ça, on a des millions! 5 000 000 $ de plus pour bonifier l'application de la loi. Aller, je dis, carrément harceler les petits entrepreneurs au lieu d'essayer de les convaincre, de les amener, de les éduquer à ce que c'est, comment la loi fonctionne. On arrête de faire tout ça... Parce que c'est évident qu'un organisme qui n'a qu'une vocation, qui est celle de donner des billets, va tout faire pour donner des billets parce qu'il faut justifier son existence après.

Alors, la Commission de protection de la langue française va être mesurée. Est-ce qu'elle a donné 3 000 billets cette année, ou peut-être 4 000 ou 5 000? Alors, elle va justifier son existence en donnant des billets, en harcelant le monde, en divisant les Québécois, surtout dans la région de Montréal. Et on n'a pas besoin de ça. On ne peut pas se payer le luxe de chicanes linguistiques à Montréal. À Montréal, tout le monde doit travailler ensemble. Tout le monde doit dire qu'il faut miser sur l'avenir, qu'il faut miser sur le fait – les ministres de ce gouvernement le disent sans le dire – qu'il y a une main-d'oeuvre bilingue à Montréal, il faut miser sur ça, il faut miser sur le fait qu'on peut attirer à la fois les marchés américains, les marchés d'Europe, les marchés de langue anglaise et les marchés de langue française. On peut miser sur tout ça. C'est ça, l'avantage de Montréal en comparaison avec Cleveland, Toronto ou une autre ville. On peut faire tout ça à Montréal. Mais on va laisser ça de côté, on va diviser de nouveau les Québécois, pour aucune raison qu'on a vue. Même la Société Saint-Jean-Baptiste de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, où supposément il y avait cette grande crise l'année passée, dit: Il n'y a pas de problème, il n'y a pas de problème. Mais on va aller de l'avant.

(9 h 50)

Et j'ai souri quand la ministre a parlé de la protection du consommateur, dans ses remarques préliminaires, parce que, ça, c'est le gouvernement qui a amputé les crédits pour l'Office de la protection du consommateur année après année. On a fermé les bureaux en région. Alors, le message est clair: On va exploiter les consommateurs, on va frauder les consommateurs, mais on va le faire en français seulement, s'il vous plaît! C'est quoi, la logique dans tout ça? Il y a d'autres gestes nettement plus importants.

Si on a 5 000 000 $ de plus pour promouvoir l'apprentissage de la langue française au Québec, je peux faire une liste, un inventaire de beaucoup d'autres projets nettement plus prometteurs pour l'avenir du Québec que de recréer la Commission de la protection de la langue française. C'est vraiment de faire fausse route. Et quand j'ai dit ça, la semaine passée, le ministre et député de Richelieu m'a traité d'extrémiste. Mais c'est un constat, que la Commission de protection de la langue française était vue comme une menace puis était vue comme un geste de méfiance envers les minorités linguistiques. Ça, c'est un constat. Je suis prêt à dire ça sur n'importe quelle tribune parce que c'est ça, le sentiment dans mon comté, dans ma région. Et de faire tout ça sans avoir une raison pour le justifier, je ne comprends pas. C'est une perte d'argent.

Et, juste en terminant, M. le Président, je trouve curieux le beau spectacle de mon collègue le député de Taschereau, mais il n'y a rien dans le projet de loi n° 40 qui traite de l'étiquetage. Alors, toutes les choses qu'il a indiquées aujourd'hui demeurent entières. Alors, c'est un beau spectacle d'amener tout ça, mais on ne traite pas ça dans le projet de loi n° 40. Ce n'est pas touché du tout.

Mais qu'est-ce qu'on va faire encore une fois, c'est de diviser davantage les Québécois. Et c'est ça, le vouloir du gouvernement, la volonté du gouvernement, de nous diviser. Alors, bonne chance! Mais je trouve ça regrettable, parce que, vraiment, pour l'objectif central qui est la promotion du fait français au Québec, on n'a pas besoin d'une Commission de protection de la langue française. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Champlain.


M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Toujours en remarques préliminaires, deux choses. La première, c'est que je rejoins parfaitement bien les propos de la députée de La Pinière quand elle a bien exprimé, d'ailleurs, la préoccupation et la nécessité d'améliorer la qualité du français. Je pense que tout le monde partage cette orientation-là.

D'ailleurs, la commission de l'éducation, dans un mandat d'initiative, d'une façon unanime, donc des deux côtés de l'Assemblée, a bien retenu que, dans les orientations, dans les améliorations, on devrait avoir dans notre curriculum, au niveau des niveaux primaire et secondaire, que la langue comme telle, la langue non seulement comme moyen de communication mais comme moyen de structurer l'esprit, de structurer aussi nos futurs citoyens et citoyennes, que la langue joue un apport absolument essentiel. Et je pense que tout le monde doit s'entendre, la députée de La Pinière également, aussi, on s'entend pour aller le plus loin possible dans l'amélioration de cette maîtrise de notre langue et de la maîtrise des langues, aussi. Alors, sur ça, je pense qu'on va bien s'entendre. J'aurai l'occasion de réintervenir. Donc, je m'arrête ici pour cet aspect-là.

Pour ce qui est des propos du député de Jacques-Cartier, j'aimerais juste peut-être dire une chose, qui est la plus simple. C'est la chose suivante – on se connaît bien; on s'entend bien aussi – c'est que la langue française, c'est vrai, dans la législation qui a été apportée par le Parti libéral dans le temps puis par le Parti québécois aussi, il y a quand même une... On parle de division. Il y a quand même un consensus à l'effet que la langue française, c'est le fondement, hein, de la cohésion de la société québécoise. Je pense qu'on s'entend sur ça: c'est le fondement de la cohésion. Et je crois qu'on doit tout faire pour s'assurer que... Et c'est assis aussi sur une charte. Alors, il faut tout faire, prendre les moyens de jugement, les moyens simples qui n'agressent personne. Moi, je ne le vois pas comme ça, comme on doit s'assurer que les lois soient appliquées...

Alors, c'est dans ce cadre-là que, si on s'entend, tout le monde, pour que le français de qualité et le français tout court deviennent davantage la cohésion de la société québécoise, rien ne devrait être négligé pour que nous nous assurions de l'atteinte de cet objectif-là. Et ce n'est pas une approche de division, c'est une approche de cohésion. Puis j'y reviendrai un peu plus tard. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député de Champlain. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Quand j'ai commencé ma carrière ici, à Québec, à la fin des années soixante-dix comme avocat dans la fonction publique, je me plaisais souvent à dire que j'étais l'anglophone de la fonction publique, parce que, à 0,48 %, qu'on était à l'époque, on avait peut-être pu comprendre comment il se fait que, à l'intérieur de la machine administrative, il y avait très peu de gens qui comprenaient la réalité des mots «linguistiques du Québec» et, inversement, peut-être la communauté dont je suis issu, pour ce qui est de ma première langue apprise et encore comprise, manquait certainement de compréhension de certaines réalités qui existaient à l'extérieur de la métropole.

Quoi qu'il en soit, j'ai passé le plus clair de ma carrière... Je ne sais pas si c'est moi qui suis le dossier ou le dossier qui me suit, mais, après avoir passé trois ans au Conseil de la langue française, je suis devenu le directeur des affaires juridiques chez Alliance Québec – léger changement! – pour, après, être responsable, à Winnipeg, suite au jugement de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba en juin 1985... j'étais responsable de la traduction de 8 000 pages de lois et règlements vers le français, au Manitoba, ce qui m'a aussi ouvert les yeux sur la réalité des minorités linguistiques, les francophones, donc, à l'extérieur du Québec. Depuis lors, M. le Président, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises d'être impliqué dans le dossier linguistique, de comprendre à quel point c'est souvent technique, ce dont il faut parler dans ces questions-là, et il faut essayer de sortir les questions proprement techniques des questions que l'on pourrait appeler émotives ou politiques au sens «partisanes».

J'ai écouté attentivement tantôt mon collègue le député de Nicolet-Yamaska. J'ai été sensible à sa référence à l'enseignement de l'histoire, et, pour l'avoir vu à plusieurs reprises, c'est un membre de cette Assemblée, M. le Président, qui apporte souvent cette sensibilité avec lui et ses remarques sont souvent dépourvues d'un aspect purement partisan mais visent justement à apprendre. J'espère qu'avec ça à l'esprit il saura apprendre à son collègue le député de Taschereau, qui s'est plu à nous faire ce qu'on appelle en anglais un «show and tell», aujourd'hui. À la maternelle, les enfants apportent un objet à l'école, on appelle ça «show and tell». Je crois que la présence ici même du député de Taschereau, c'est le «show and tell» de la ministre. Elle nous amené le député de Taschereau pour nous montrer: Vous voyez, même si Frank Magazine me traite de «language dominatrix», il y a pire que moi, vous pourriez avoir le député de Taschereau en face!

La raison pour laquelle le député de Nicolet-Yamaska pourrait faire une leçon d'histoire au député de Taschereau, c'est que, comme mon collègue le député de Jacques-Cartier l'a très correctement indiqué tantôt, il n'y a strictement rien dans le projet de loi n° 40 qui parle de ça. Non seulement ça, s'il connaissait quoi que ce soit de l'histoire, ce qui n'est pas le cas, le député de Taschereau comprendrait que la loi sur l'étiquetage en question est une loi fédérale qui a été édictée à la fin des années soixante. Pourquoi? Pour s'assurer qu'il y ait du français partout au Canada sur les produits, sur les boîtes de céréales, pour reprendre le fameux exemple. Alors, peut-être que le député de Taschereau est en voie de constituer son propre parti réformiste ici, au Québec. Ça lui ferait plaisir de faire preuve de la même fermeture d'esprit. Mais, comme Pierre Trudeau a été obligé de l'expliquer aux gens de l'Alberta à l'époque, qui détestaient autant que lui voir une autre langue sur leurs céréales le matin, on peut toujours tourner la boîte et ainsi régler le problème.

(10 heures)

L'un des problèmes les plus difficiles auxquels on va avoir à faire face dans ce dossier-ci, c'est de tenter de comprendre pourquoi le gouvernement croit opportun de réinstaurer le Commission de protection de la langue française. Lorsque la loi 101, la Charte de la langue française, fut édictée, au mois d'août 1977, une de ses caractéristiques était la création de très nombreuses entités administratives. À deux reprises, une fois sans succès et une autre, avec la loi 86, avec un peu de succès, on a tenté de mettre un petit peu d'ordre dans ces entités administratives. L'actuelle présidente de l'Office de la langue française dit publiquement qu'on n'a pas besoin de réinstaurer la Commission de protection. Les gens, donc, qui connaissent le milieu, qui connaissent l'application de la loi, qui la connaissent sous ses formes plutôt techniques s'entendent là-dessus. Alors, pourquoi, M. le Président, sommes-nous aux prises aujourd'hui avec une loi qui veut remettre en place ce que d'aucuns appellent la police de la langue? À mon sens, la réponse est assez claire. La raison pour laquelle on est en train de se livrer à cet exercice est vraiment de nature purement politique. Si la ministre réussit à nous faire hurler un peu, du côté de l'opposition, elle croit qu'elle va peut-être compter assez de points politiques. Il y a certaines tentations auxquelles le gouvernement péquiste n'a pas cédé dont une aurait été de remettre en vigueur les règles d'affichage contenues dans l'initiale loi 101.

Pour avoir vécu de très près toutes ces différentes possibilités et variantes... On parlait tantôt d'avoir certaines règles pour les personnes morales, d'autres pour les personnes physiques, certaines règles pour les compagnies de tel nombre d'employés, certaines règles pour d'autres, certaines règles pour les commerces situés dans une municipalité avec une majorité de personnes d'une langue autre que le français, et d'autres. Une fois qu'on a regardé tout ça, constatant, par exemple, que la chaîne Eaton est une fiducie familiale et donc pas une personne morale, mais bien plus une personne physique; quand on a pu regarder, par exemple, que ce serait pénaliser une entreprise qui embaucherait une autre personne si on mettait une limite sur le nombre d'employés; comprenant que deux entreprises, l'une en face de l'autre dans une rue, mais une rue mitoyenne entre deux municipalités, pourraient avoir des règles d'affichage différentes; pour autant de raisons techniques, on a cru bon, avec la loi 86, de changer les règles pour quelque chose qui pourrait être applicable mais qui ne ferait pas appel à un tel critère.

Il ne faut pas perdre de vue non plus, M. le Président, qu'une des raisons qui ont motivé l'État à modifier ces règles d'affichage là, avec le projet de loi 86 en 1983, était une décision des Nations unies disant qu'effectivement cette règle-là allait non seulement à l'encontre de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, de la Charte canadienne, mais également de la charte de l'ONU. Alors, n'en déplaise au député de Taschereau, je pense que, si on veut parler la tête haute au niveau international, il ne faut pas se couvrir de ridicule avec une loi dont l'application, justement, va nous mériter des premières pages dans les grandes revues américaines et internationales. Et cette image d'intolérance qui n'est pas un reflet valable du Québec moderne et ouvert d'aujourd'hui, cette image d'intolérance, on ne la mérite pas. Malheureusement, avec son «show and tell», le député de Taschereau est en train de nous montrer que ce ne sont pas tous les membres de la formation politique qui forme l'actuel gouvernement du Québec qui ont compris que le Québec a évolué. Il y a des aspects troublants de l'application de la Charte de la langue française qui vont continuer à faire surface à l'occasion.

Comme ça m'arrive assez souvent de regarder ces questions-là pour mes collègues députés lorsque des commettants reçoivent des mises en demeure, je suis à même de constater qu'un vent froid, un vent de resserrement, un vent d'application vraiment très détaillée et très serrée de la Charte de la langue française est en train de pousser depuis six mois sur l'appareil qui est responsable de l'application de la Charte de la langue française. Ce n'est pas sans nous rappeler, M. le Président, certains événements que j'ai déjà vus, et ce sont des cas réels. Je vous donne un cas typique de la dernière fois qu'on a vécu ça. C'était Ken Townsen's Petting Zoo, de Saint-Justin de Newton; Ken Townsen et sa famille avaient un «petting zoo», qui est un zoo où les animaux de ferme sont amenés dans des centres commerciaux dans les régions urbaines pour montrer à un enfant de quoi ça a l'air, un agneau, une chèvre, etc., – vous leur montrez les animaux – et lui et sa famille portaient tous des tee-shirts avec inscrit dessus «Ken Townsen's Petting Zoo». Ça a été suffisant pour offusquer une personne qui était présente, et ils ont reçu très officiellement une mise en demeure leur disant que leurs tee-shirts, vraiment, il fallait faire quelque chose avec ça.

J'en ai vu d'autres au cours des dernières semaines où, sous prétexte qu'en se mettant à tel angle ou de telle manière on peut manquer peut-être une partie des mots dans une phrase sur une affiche qui est néanmoins bilingue... J'en ai vu un où l'entreprise en question, la personne avait son prénom personnel avec un apostrophe s. Alors, on lui est tombé dessus à bras raccourcis, et ce, malgré le fait qu'il y avait un McDonald's, un Harvey's, dans le voisinage. Personne, à ce que je sache, va courir après Old River's ou Harvey's ou McDonald's, pour la bonne et simple raison qu'il y a des règles concernant les marques de commerce qui s'appliquent dans ces cas-là.

Mais on voit donc à quel point cet appareil-là est en train de faire un ouvrage hautement politisé qui n'a rien à voir avec la consommateur. Il semble, M. le Président, qu'ici, au Québec, on a le don, la manière de sortir et de dépoussiérer des débats que d'aucuns peuvent trouver archaïques, voire même tout à fait propres à notre historique. Je pense, par exemple, au débat qui a lieu en ce moment, à nouveau, sur la coloration de la margarine. C'est avec un grand sourire que je participe ici, à l'Assemblée nationale, en 1997, à la réouverture de cette question-là, lorsqu'on voit que ça a fait rage depuis plus d'une génération; et vous pouvez être sûrs que, d'ici une génération, ça va revenir. C'est un peu le même débat ici avec la Charte de la langue française.

La ministre était aux prises avec un rapport... le meilleur terme que j'ai jamais entendu et le seul terme parlementaire pour décrire le rapport Plourde-Legault, c'était «alarmiste». Demandant à Michel Plourde et à Josée Legault d'écrire un rapport sur la situation de la Charte de la langue française, il ne fallait vraiment pas s'étonner que le ton ait été alarmiste, hein? On connaît le résultat, en demandant à ces deux personnes-là. J'ai travaillé pendant des années avec Michel Plourde, je sais assez qu'il savait d'avance que la situation était critique, même avant d'avoir fait le premier coup de sonde, et la même chose pour Josée Legault.

Alors, la ministre est aux prises avec un rapport comme celui-là, est aux prises avec des militants pour qui la bataille de la Charte de la langue française, dans toutes ses instances, a toujours été un des éléments clés de leur activité politique et il fallait qu'ils fassent quelque chose avec ça.

Contrairement à mon collègue le député de Champlain, qui, comme son collègue de Yamaska, est très nuancé dans son propos, mais contrairement à lui, cependant, je me permets de dire que je ne crois pas que la loi 101 constitue la fondation de la cohésion dans notre société, bien que ce soit un élément important pour comprendre et faire valoir ce qui doit être le cas, que le français est et doit demeurer une langue dans laquelle tous puissent travailler, et d'une manière très générale sauf exceptions, et qui renforce et applique des droits. Cependant, je pense que c'est bien plus une fondation de la cohésion péquiste qu'une fondation de cohésion de notre société. Parce que, dans notre société, au sens large, et j'invite mon collègue de Champlain à écouter ce qu'a dit son collègue de Taschereau tantôt, parce que, dans notre société, en général, il y a des éléments de valeurs, notre compréhension de l'importance de l'aide mutuelle, nos institutions démocratiques, le respect d'autrui, des valeurs fondamentales qui existent dans notre société qui vont bien au-delà des quelque 200 articles contenus et renfermés dans la Charte de la langue française.

Au cours de la dernière année, M. le Président, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de constater qu'il y a des problèmes d'application de cette loi-là – et, avec mon collègue porte-parole en cette matière, le député d'Outremont, on a eu l'occasion d'en parler – non le moindre étant dans le domaine de l'accès à l'école anglaise, où il existe encore une autre institution prévue aux termes de la loi, qui est la Commission d'appel sur la langue d'enseignement.

J'ai été triste d'être obligé de plaider la cause d'un jeune garçon dont les parents avaient été mutés ici des États-Unis. Le père était un des plus grands experts dans le monde dans un aspect très particulier de la fabrication dans l'aéronautique. Il vivait une relation de fait avec une madame depuis des années, et elle avait un enfant, qui était son enfant propre, mais vu que lui n'avait pas encore procédé officiellement à l'adoption de l'enfant, ils se sont fait refuser le droit de l'envoyer à l'école anglaise, alors qu'ils étaient juste ici pour une couple d'années. Et, malgré l'appel devant la Commission d'appel sur la langue d'enseignement et malgré une forte dissidence de la part du seul juriste qui siège sur la Commission d'appel, il s'est fait refuser le droit d'aller à l'école anglaise, et c'est seulement la ministre, une fois que ça a été hautement médiatisé, qui est intervenue personnellement pour exercer son autorité dans un cas comme celui-là.

Pour avoir plaidé cette cause-là et bien d'autres devant la Commission d'appel sur la langue d'enseignement, je redis, M. le Président, que c'est ce genre d'incident qui nous fait très mauvaise presse à l'extérieur, à tort, parce que la Charte, sur ces aspects-là, bien appliquée, n'aurait pas besoin de donner ce résultat d'image d'intolérance du Québec. Parce que, depuis le début, un ouvrier qui vient ici d'une manière temporaire est censé, avec sa famille, donc, pouvoir envoyer ses enfants à l'école anglaise. C'est la manière de garder une entreprise comme Bombardier – parce qu'il était venu ici travailler pour Bombardier – la garder à la fine pointe et avec sa pleine capacité d'aller chercher ces gens hautement spécialisés. Ce monsieur en question, juste pour vous donner une idée, M. le Président, il quittait Gulfstream, qui est l'autre grand fabriquant d'avions à réaction pour les entreprises; il a quitté Gulfstream pour venir à Bombardier, puis c'est un contrat d'une couple d'années, parce que c'est lui qui sait faire tel détail très technique dans ces contrats-là.

(10 h 10)

Alors, comment faire pour que nos entreprises puissent rester à la fine pointe dans un marché nord-américain, alors qu'un Américain qui immigre au Québec avec sa famille, même si ses enfants sont en secondaire III, ou IV, ou V, n'a pas le droit d'envoyer ses enfants à l'école anglaise. C'est un désincitatif. On ne peut pas prétendre, d'un côté, que le fait d'être 6 000 000 dans une mer d'au-delà de 250 000 000 d'anglophones en Amérique du Nord montre qu'on a besoin de certaines protections et, par la même occasion, prétendre qu'à l'intérieur de cette même population de 6 000 000 on a toute l'expérience et les compétences requises pour garder tout l'ensemble de nos entreprises à la fine pointe du développement dans une économie nord-américaine. C'est un non-sens que de prétendre ça.

Et la raison pour laquelle il va falloir faire très attention à la démarche que nous propose le gouvernement aujourd'hui, c'est qu'effectivement il y a des empreintes digitales d'une intervention lourdement politique pour tenter d'apaiser une certaine partie des militants de base au sein de la formation politique qui est au pouvoir au Québec aujourd'hui, M. le Président.

Je crois que le ministre de la Métropole a très bien expliqué la situation lorsqu'il s'est vanté qu'une des raisons principales pour lesquelles Stone-Consol Abitibi-Price voulait garder son siège social à Montréal était le bilinguisme de la ville de Montréal et l'existence d'un réseau d'écoles anglaises.

D'ailleurs, c'est assez intrigant de constater que, dans les documents qu'envoie le ministère des Affaires internationales à l'extérieur du Québec, on se vante toujours de l'existence de ce réseau d'écoles anglaises, omettant de mentionner qu'une personne, même un Américain qui immigre au Québec avec sa famille – même avec des enfants en secondaire III, IV, V – n'a le droit de les envoyer à l'école anglaise, doit les mettre à l'école française. Obligatoirement, aucune exception. Parce que si ce n'est pas pour un séjour temporaire, si c'est un cas d'immigration: pas le choix. Et, à mon sens, M. le Président, c'est le genre de choses sur lequel on aurait pu travailler constructivement pour voir s'il n'y avait pas des choses qui auraient pu être améliorées pour aider l'ensemble de la société.

Mais nous revoilà partis sur un débat où, d'une manière tout aussi prévisible d'un côté que de l'autre, les uns sont en train de réinstaurer la Commission de protection de la langue français et, bien entendu, de ce côté-ci – pour avoir présidé à l'adoption du projet de loi 86, où on a tenté de mettre un peu de raison dans les nombreuses entités administratives visant à l'application de la Charte de la langue française – on était obligé d'expliquer pourquoi, à un moment où on a un ministre de la Justice qui coupe 91 postes aux affaires criminelles et pénales, il ne peut plus poursuivre les criminels à Hull, à Trois-Rivières, à Montréal, où on a coupé plus que 400 polices à la Sûreté du Québec, puis on n'a pas les ressources nécessaires pour mener à bien la guerre contre les motards. Et voilà qu'on a tout d'un coup 5 000 000 $ pour que le député de Taschereau puisse dormir tranquille le soir, en sachant que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...le jus d'orange dans son réfrigérateur ne viendrait pas hanter ses beaux rêves, qu'on va enfin faire quelque chose pour soulager cette angoisse qui le hante à l'égard de l'existence d'une autre langue dans son réfrigérateur. Merci, M. le Président.

M. Gaulin: M. le Président, j'invoque l'article 212...

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député.

M. Gaulin: Oui, merci. De toute manière, j'ai pris cinq minutes et j'ai le droit à 20. Je vais faire quelques commentaires...

Le Président (M. Garon): Oui, mais il faut faire attention, là. L'article 212, c'est correct. Vous avez le droit d'intervenir; pas de problème. Mais, quand il y a des remarques préliminaires, normalement ça se fait en un seul coup, à moins que les gens acceptent. Alors, il ne faudrait pas qu'on mélange les deux...

M. Gaulin: Bien. Je ne serai pas long.

Le Président (M. Garon): ...mais, en vertu de 212, vous avez le droit d'intervenir immédiatement quand vous voulez rétablir des faits.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Oui. Alors, je veux simplement rappeler à mes deux collègues de Chomedey – et particulièrement de Chomedey – et de Jacques-Cartier que je n'ai pas voulu faire de spectacle. S'ils l'ont vu comme ça et si ça les dérange, c'est un peu leur problème. Mais je dormirai tranquille, M. le député de Chomedey.

Le député de Chomedey m'a fait une petite leçon d'histoire de la langue. Je dois lui dire que je suis assez au courant de l'histoire de la langue. Ayant été un des co-présidents fondateurs du Mouvement Québec français, je sais de quoi je parle. J'ai fondé la revue Québec français , aussi, qui est toujours une revue qui porte le titre qu'elle a, et c'est un titre toujours actuel. Et quand il parle du bilinguisme qui nous a été donné généreusement par le fédéral, je voudrais lui rappeler aussi que c'est à la suite de tellement de luttes, presque séculaires, de nos compatriotes québécoises et québécois.

Et je pense, M. le Président...

Le Président (M. Garon): Bien, de rétablir les propos.

M. Gaulin: Bien, simplement rétablir le fait qu'on a voulu me faire passer pour intolérant et d'avoir voulu...

Le Président (M. Garon): O.K.

M. Gaulin: ...donner un show et d'être d'une certaine manière le complice de la ministre, c'est me faire beaucoup d'honneur. Je veux tout simplement rappeler que j'ai donné des faits. Je voyais l'attention avec laquelle m'écoutait le député de Montmagny-L'Islet. J'ai voulu rappeler que vivre en Amérique du Nord quand on est francophone, c'est une lutte de tous les instants, je n'ai pas parlé contre la présence de l'anglais sur ces boîtes – on pourra relire les galées.

Et si je suis intolérant, M. le Président, la seule intolérance que j'ai, c'est celle de ne pas être traité comme un citoyen égalitaire dans le pays qui s'appelle le Canada. Je pense que, ça, c'est très important, et c'est ça que je ne tolère pas. Et je voudrais qu'on distingue, pour terminer cette remarque, M. le Président, entre les anglophones et l'anglais comme langue. Moi, j'ai beaucoup, d'ailleurs, de sympathie, entre autres pour le député de Jacques-Cartier, je ne dirai pas la même chose du député de Chomedey, mais j'ai beaucoup d'amitié pour le député de Jacques-Cartier et je pense que les langues sont ici en présence...

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau, c'est que vous devez rétablir les faits mais sans susciter de débat. Je pense que...

M. Gaulin: Alors, je vais terminer en disant que j'ai tout simplement voulu rappeler un certain nombre de faits, entre autres que la chose la plus importante et la plus capitale qui était directement reliée à cette loi, c'est le pouvoir d'attraction du français au Québec, et je l'ai bien souligné, en particulier dans cette métropole et capitale que nous aimons qui s'appelle Montréal. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, j'aimerais prendre le temps qui m'est imparti pour faire un commentaire sur cette question de la qualité de la langue...

Le Président (M. Garon): C'est-à-dire, M. le député d'Outremont, j'ai besoin d'un consentement, puisque les remarques préliminaires se font en un seul temps, mais vous avez pris seulement cinq minutes et demie au lieu de prendre votre 20 minutes...

M. Laporte: Est-ce que je peux avoir le consentement de mes collègues pour un commentaire bref?

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Absolument.

Une voix: Bonne idée.

Le Président (M. Garon): O.K. Allez-y, M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Lorsque j'étais président de l'Office de la langue française, je me suis beaucoup intéressé à la question qu'a soulevée le député de Taschereau et j'ai, moi aussi, beaucoup regardé les boîtes de Corn Flakes, de jus de tomate, de jus d'orange et ainsi de suite, et j'ai en effet beaucoup regardé pour m'apercevoir, d'une part, qu'il ne fait aucun doute que la présence d'un français correct sur ces produits m'apparaît comme étant un objectif souhaitable, mais ce que j'ai constaté, c'est que les grandes entreprises – et je vous donnerai la preuve de ça – du Canada, des États-Unis, d'Europe et probablement de Taiwan, de Corée, de Singapour ou d'ailleurs n'ont pas d'objection à mettre sur leurs produits un français correct, un français qui correspond à la norme.

J'ai donc écrit au président de Kellogg. Un bon nombre de ses produits étaient, disons, je ne dirais pas dérogatoires, mais étaient, comment dirais-je, un peu offensants du point de vue du bon goût linguistique. J'ai rencontré le président de Kellogg et on en a discuté, et j'ai donc reçu dans les semaines qui ont suivi ma rencontre avec le président de Kellogg une immense boîte de carton dans laquelle on m'avait envoyé tous les produits de Kellogg dans le monde en me demandant si c'était possible d'en faire la correction. Alors, j'ai passé ça aux services linguistiques de l'Office de la langue française. Ils ont tout corrigé les boîtes de Kellogg, et je pense que je peux défier n'importe qui dans cette Chambre d'essayer de trouver des incorrections linguistiques sur les boîtes de Kellogg.

Donc, ce que je veux dire, c'est deux choses. D'abord, il est incontestable que la question de la qualité du français est un enjeu qui nous tient à coeur. D'autre part, la façon de s'y prendre pour atteindre cet objectif – et on ne le mentionne pas dans ce projet, on ne le mentionne pas non plus, je pense, suffisamment dans la politique linguistique de la ministre – la façon de s'y prendre, c'est d'adopter une approche, une stratégie partenariale avec les entreprises plutôt que de miser sur la surveillance et sur la coercition. J'espère qu'on ne débattra pas trop longtemps de cette question là, parce que, je vous le répète, c'est l'expérience que j'ai et je pense que c'est certainement l'expérience qu'ont les présidents et les présidentes des organismes de la langue française actuels, l'attitude des entreprises là-dessus est une attitude d'ouverture et, si on établit avec elles un rapport d'aide, de coopération et d'information, il n'y a aucun doute que General Foods, Seagrams, qui vend Tropicana, que General Foods, qui vend l'un des produits que vous avez montrés, que ces entreprises-là vont faire de leur mieux pour se conformer au bon goût linguistique qui tend à prévaloir au Québec.

(10 h 20)

Donc, je pense que c'était important que je le mentionne. J'y reviendrai à l'occasion durant nos échanges, il y a, d'une part, un enjeu qui nous est cher, mais, d'autre part, il y a une stratégie qui m'apparaît être en contradiction avec la stratégie qui est choisie par la ministre en matière d'application, et je pense que c'est important qu'on le mentionne, parce que, je le répète, l'enjeu est là, mais les obstacles sont beaucoup moins insurmontables qu'on le pense. Et mon expérience d'administrateur de la Charte m'a montré que la collaboration existe, la volonté de bien agir existe, le bon goût de la langue est même présent, il s'agit tout simplement de leur donner de l'aide, de les aider et de les encourager, et ça se fait, à mon avis, assez naturellement.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député d'Outremont. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, merci. Je pense que je n'ai pas eu besoin de me poser la question pourquoi le député de Chomedey était ici...

Le Président (M. Garon): J'ai besoin du même consentement, je pense, pour faire... Ça va? O.K.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Avant, M. le Président, je n'ai pas eu besoin de me poser la question et, à l'entendre, j'ai compris, le ton vient de changer. M. le Président, vous m'aviez dit avant le début de cette commission jusqu'à quel point les échanges étaient fructueux, sereins, intéressants à votre commission. Eh bien, j'ai compris en effet que le ton venait de changer, par les attaques personnelles que j'ai entendues.

Et j'ai aussi compris, M. le Président, je présume qu'avec ce que le député de Chomedey a dit il va présenter des amendements pour affaiblir la Charte, parce que tout son discours allait dans le sens de dire qu'il fallait un affaiblissement à la Charte, que ce soit pour la langue de l'éducation, donc la langue d'enseignement, permettre aux Américains ou à certains types d'immigrants anglophones de pouvoir aller, donc, sans dérogation et au-delà, justement, de la réglementation, à l'école anglaise. En passant, ce que ne recommande même pas le rapport de Brian Levitt, qu'il a déposé, puisqu'il a dit que ça devait se faire, tout devait se faire dans le cadre de la législation et de la réglementation actuelles.

Je voudrais aussi, M. le Président, vous rappeler et rappeler aux membres de cette commission qui a signé ce rapport, ce bilan sur la situation de la langue française 20 ans après, puisque, cet été, au mois d'août, et nous le signalerons, j'espère, en grande pompe, l'adoption de la loi 101 et de la Charte, donc, 20 ans après, le rapport est là, il a été signé, M. le Président, par Nicole René, la présidente de l'Office de la langue française, Michel Bouchard, le sous-ministre de la Justice, Henri Dorion, qui était président de la Commission de toponymie, Nicole Brodeur, sous-ministre adjointe à l'Immigration, aux Communautés culturelles, Pierre Lucier, sous-ministre au ministère de l'Éducation, Martine Tremblay, qui est sous-ministre au ministère de la Culture, Robert Thivierge, qui est le secrétaire du Secrétariat à l'autoroute de l'information, Arlindo Vieira, qui est le président du Conseil des communautés culturelles, et, M. le Président, je termine par le dernier signataire, Antoine Godbout, au nom du Conseil de la langue française, qui est, je le rencontre en tout cas assez souvent dans les corridors, recherchiste pour l'opposition officielle; il a signé ce rapport, M. le Président.

Donc, ce n'est pas un rapport alarmiste, à moins que l'opposition officielle, dont le recherchiste a signé ce rapport, soit en désaccord. Eh oui! Alors, ce rapport est signé. La signature, M. le Président, et le député de Chomedey, qui est avocat, doit considérer que c'est important, la signature. Donc, Antoine Godbout a signé ce rapport qui est un rapport qui est parfaitement équilibré du début à la fin, quand on le lit, et ça a été donc signé par la douzaine de personnes que je viens de nommer. Et ce rapport est donc ce qui nous a en effet inspirés pour toute la suite des choses.

Un certain nombre de commentaires, M. le Président, si vous me permettez, aussi. Le Parti libéral, en effet, l'opposition officielle – et, moi, je le dis et le redis souvent – a été le parti qui a rendu le français la langue officielle par la loi 22 en 1974. Mais je rappelle aussi, M. le Président, que l'opposition officielle, à l'époque, a voté contre la loi 101, contre la loi 101, et que le chef actuel du Parti libéral du Québec – et vous retrouverez ça dans les journaux de l'époque – a signé un appel contre la loi 101, avec une quarantaine de personnalités qui étaient essentiellement donc du milieu des affaires, et un appel qui était très, très dur, hein, contre la loi 101 et appelant à se mobiliser constamment et considérablement contre la loi 101.

Je pense qu'il faut aussi rappeler, quand on parle de l'historique et qu'on nous dit, de l'autre côté, M. le Président: vous savez, nous, la langue française, on a toujours été prêts à la défendre et c'est faux de prétendre que... Bien, la réalité historique démontre que la loi 101, qui a été à l'époque la loi la plus populaire, la loi la plus demandée, en quelque sorte, parce que quand le Parti québécois a pris le pouvoir, en 1976, c'était au nom justement de la promotion et de la défense et de l'illustration de la langue française. C'est la deuxième loi que le gouvernement de M. Lévesque a adoptée. La première, je vous le rappelle, puisque nous, on est en campagne de financement, c'est la loi du financement des partis politiques. La seconde, ça a été la loi 101, en août 1977, contre laquelle a voté, je le rappelle, l'opposition de l'époque, qui est toujours l'opposition aujourd'hui.

Donc, ça me semble important de bien marquer que c'est faux de prétendre que toujours le Parti libéral a été du côté de cette défense, de cette promotion, de cette illustration de la langue française. Quand ça a été le temps, au moment précis, il y a 20 ans, où on devait marquer justement cet appui, et qui était considérable parmi les francophones du Québec, c'est évident et ça demeure d'ailleurs au coeur même de la vie québécoise, cet appui à la loi 101 et à la Charte de la langue française, nos amis d'en face étaient absents, ils ont voté contre.

M. le Président, j'ajouterais sur la qualité de la langue – ça me semble extrêmement important et, franchement, ça, je trouve ça toujours un peu dur de l'entendre dire... Parce que notre politique s'intitule, pour la première fois d'ailleurs, «promouvoir l'usage et la qualité du français, langue officielle et langue commune». Et je vous rappelle... Pardon! Je ne vous ai pas interrompue, Mme la députée de La Pinière, tantôt, même si j'en avais bien le goût et même si, l'autre jour, vous avez dit une fausseté en Chambre que j'ai immédiatement corrigée.

Page 67, «affirmer l'importance de la qualité de la langue française». «Illustration», page 68, donc il y en a trois, quatre pages, et je pense que, au contraire, j'ai distribué, j'ai remis, lundi dernier... non seulement on a fait une campagne... Vous me parlez souvent de promotion, vous avez raison. Il faut qu'il y ait cet équilibre entre la loi, la réglementation et la promotion. Il y a eu, pendant la Semaine du français et avant même la Semaine du français, une campagne de promotion de la qualité de la langue française, avec des 30 secondes qui ont été enregistrés par une trentaine de personnalités dont les deux ambassadeurs étaient Marie-Soleil Tougas et Jim Corcoran.

(10 h 30)

Et vraiment ça a été, je crois, une campagne Le français, parlez-moi d'une langue qui se poursuit et qui donc a eu, je pense, un effet important. On a fait, pendant la Semaine du français, toute cette promotion, avec un encart, d'ailleurs, dans La Presse , dans Le Devoir , qui était fort bien fait, avec Marie Laberge comme porte-parole, cette fois-là. J'ai par ailleurs donc remis les Mérite du français en fonction de la qualité du français, et je les ai remis à Pierre Nadeau, pour les communications, à Serge Turgeon, pour la culture, à Sol, c'est-à-dire Marc Favreau, aussi pour la culture. Je l'ai remis à des entreprises, et ça me semble important, si vous voulez, de le rappeler.

Dans la catégorie informatique, parce qu'on parlera des logiciels, à l'aluminerie Lauralco, qui est une filiale d'une compagnie américaine qui s'appelle Alumax, qui est située à Deschambault, ici, pas très loin, et qui a fait preuve d'innovation en étant proactive et qui, pour surmonter les problèmes reliés aux achats de logiciels en anglais, l'entreprise est allée à la source en exigeant de ses fournisseurs du matériel et des logiciels en français lorsqu'ils sont disponibles. Voilà, c'est exactement notre politique. Les retombées de cette politique se sont traduites par l'implantation de la version française des logiciels d'organigrammes et par la traduction prochaine, entre autres, des logiciels de gestion documentaire et de contrôle des fours à cuire de cette aluminerie. Voilà.

Et aussi Aventure électronique, à qui on a remis un Mérite du français. Alors, comment convaincre un géant américain de l'informatique qui n'a aucune place d'affaires au Québec de produire pour le marché francophone québécois des ordinateurs clés en main tout en français? Eh, bien, Aventure électronique l'a fait, il s'est donné pour mission de convaincre le fabricant Nec d'ajuster ses produits au marché francophone québécois, qui est le deuxième au Canada. Donc, cette approche, ça a été la stratégie de francisation de certains modèles d'ordinateurs personnels qui, à eux seuls, représentent 80 % des ventes de Nec. Ces nouveaux modèles comprennent un clavier en français, une panoplie de logiciels préinstallés en français puis une documentation complète en français. Donc, c'est possible, et c'est ça qu'on veut, et c'est ça qui peut, donc, se produire, et les Mérite du français, lundi dernier, ont félicité et remercié ces entreprises et ces personnalités. Et j'ajoute, Mme la députée de La Pinière, qu'il y a aura les Prix du Québec. Vous le savez, que les Prix du Québec, ce sont les récompenses ultimes remises à des Québécois dans le secteur scientifique et dans le secteur culturel tous les ans depuis 50 ans. Et j'ai ajouté, cette année, pour l'année 1997, le prix Georges-Émile-Lapalme pour la qualité du français; il y aura donc un nouveau Prix du Québec. Tout ça, c'est de la promotion, et ça va dans le sens, justement, dont on parlait tout à l'heure. Ça me semble extrêmement important de le remarquer.

Je voudrais dire un mot sur la Commission, on va en discuter, de protection de la langue française, bien sûr, sous toutes les coutures. Je ne veux pas entrer immédiatement dans le débat de fond, mais seulement pour rectifier une chose. Je veux vous rappeler que, quant à la commission parlementaire, donc, du mois d'août, la présidente du Conseil – c'est dans son mémoire – de la langue française, qui est l'organisme chargé de conseiller justement... le député de Chomedey faisait allusion tout à l'heure à toutes les discussions qu'il avait eues, et le député d'Outremont avait participé à ces discussions-là, en 1993, à savoir, au moment où la loi 86 a été adoptée: Est-ce qu'on pouvait faire la distinction entre personne morale, personne physique, enfin, etc? Donc, c'est le Conseil de la langue française qui avait fait à l'époque un avis, d'ailleurs que le gouvernement n'a pas suivi, il a préféré agir autrement. Mais, enfin, le Conseil de la langue française, c'est l'organisme qui existe pour conseiller le gouvernement et conseiller la ministre. Eh bien, le Conseil de la langue française, dans son mémoire du mois d'août, recommande le rétablissement de la Commission de protection de la langue française. Je veux au moins faire cette mise au point.

Alors, je rappelle aussi, concernant l'administration publique, que notre politique s'intitule Politique gouvernementale relative à l'emploi et à la qualité de la langue française et, donc, que la Commission dont on vous propose la création, dans les amendements, dans chacun des ministères, devra veiller de façon vigilante à la qualité de la langue française dans l'administration. Je dis aussi, M. le Président, que c'est vrai qu'on a constaté en arrivant, en 1994, après 10 ans, du laxisme, particulièrement dans l'administration. Les politiques n'étaient pas appliquées, la politique d'achat du gouvernement, qui devait servir justement dans les nouvelles technologies, elle existait depuis 1992, elle était là, elle était écrite, mais elle n'était pas appliquée. Or, il y a une force de frappe, il y a une masse critique importante, pour donner l'exemple, dans les achats, justement. Quand on parle de comment faire pour que les Québécois achètent, en quelque sorte, et prennent l'habitude de travailler avec des logiciels de langue française, avec des produits de langue française, eh bien, le gouvernement, compte tenu de la masse d'équipements et de logiciels qu'il achète année après année, eh bien, mon Dieu! il a un rôle à jouer extrêmement important.

Or, il existait une politique de francisation des nouvelles technologies qui n'avait pas été appliquée, qui existait. Alors voilà. Quand je parle de laxisme, c'est avec des preuves à l'appui, puisque, à part ça, quand on se rendait compte... quand je parlais du bilinguisme institutionnel puis du retour... avec les services à la communauté de langue anglaise, aux services en langue anglaise, bien sûr, mais avec un retour essentiellement à l'unilinguisme français dans l'administration, c'est parce que quiconque pouvait téléphoner au ministère du Revenu puis avoir, dans le bilinguisme le plus intégral, si vous voulez, le premier contact, et, moi je pense que c'est un très mauvais service à rendre aux allophones et que c'est un très mauvais signal à donner que ce bilinguisme immédiat, instantané et spontané dans l'administration publique, ce qui n'empêche absolument pas, et vous le savez très bien, que tous les services soient rendus en langue anglaise à la minorité anglophone du Québec.

En terminant, un mot sur la protection du consommateur. Je veux y revenir, parce que, moi aussi, j'ai apporté moi-même... et je vais vous lire: «Mode d'assemblage, d'installation. Serviteur noir, longue, cinq pièces, utiliser demande: réglable, tordre ou pince. Tenir assemblage, tirage A, montrer poste de la élément, posage centre pièce partie 3, travers trou en partie 2.» Bon. Mais, M. le Président, ce qu'il faut faire, c'est de lire en anglais. «Piece: black iron fire set. Tools required: adjustable wrench or pliers.» C'est ça, la réalité, M. le Président, ce n'est pas seulement d'avoir... Il faut lire, il faut prendre les modes d'instructions puis les modes d'emploi en anglais pour comprendre. C'est incompréhensible! «Dessin de la utiliser accessoire superflu, assemblage, posage, utiliser sur la sommet, tendeur de tenir appui.» Y a-t-il quelqu'un qui est de langue française qui peut comprendre ça, M. le Président? Il y en a des boîtes et des boîtes. Simon Durivage, quand il faisait Montréal ce soir , avait demandé à ses auditeurs, tous les jeudis soirs, de lui envoyer par la poste des exemples du genre. Bien, si vous trouvez que c'est acceptable, du côté de l'opposition officielle, je ne le pense pas.

Or, la Charte de la langue française traitait de cette question, mais il était à peu près impossible de l'appliquer telle qu'elle était édictée. Tel que l'article était édicté, l'article 205, et donc ça devient l'article 205.1... Parce que, quand je vous dis qu'il y a des tonnes d'exemples comme ça, je peux vous en apporter des cartons. C'est incompréhensible. Donc, l'article 205.1 vise à corriger le mieux possible cette situation pour qu'on puisse exiger des modes d'emploi, des instructions, des étiquetages dans un français qui soit compréhensible. Je n'ai rien contre l'anglais. Au contraire, dans ce cas-là, ça nous permet de comprendre et de savoir comment les utiliser, M. le Président. Alors, voilà. Je pense que c'est ce que j'avais dans un premier temps à vous dire.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Alors, comme l'étape des... Mme la députée de La Prairie, toujours...

Mme Houda-Pepin: La Pinière.

Le Président (M. Garon): La Pinière. Pardon.

Mme Houda-Pepin: Oui, s'il vous plaît, M. le Président.

M. Mulcair: C'est mieux.

Mme Houda-Pepin: Oui.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Houda-Pepin: En vertu de l'article 213, est-ce que la ministre accepterait de répondre à une courte question...

Le Président (M. Garon): O.K.

Mme Houda-Pepin: ...en rapport à votre intervention?

Le Président (M. Garon): Oui.

Mme Houda-Pepin: Je voudrais savoir, M. le Président, de la ministre: Comment est-ce que les coupures annoncées, de plus de 600 000 000 $, dans l'éducation vont affecter la qualité du français dans nos écoles? Est-ce que la ministre responsable de la Charte de la langue française a fait une étude d'impact là-dessus et, si ça n'existe pas, est-ce qu'elle a l'intention de la faire?

Mme Beaudoin: M. le Président, je crois que ce qui est important dans nos écoles... J'ai rencontré M. Inchauspé hier, qui est l'ancien directeur général du cégep du Vieux...

Une voix: Du Vieux-Montréal, je crois.

Mme Beaudoin: Ahuntsic?

Une voix: Ahuntsic.

Mme Beaudoin: ...qui est le président, comme vous le savez, je l'ai rencontré à Télé-Québec, parce que je pense qu'il est président aussi du conseil d'administration de Télé-Québec. Donc, il est président du comité du curriculum, n'est-ce pas, pour revoir les programmes.

(10 h 40)

Et, moi, je dois vous dire que je crois que tout est dans les programmes, n'est-ce pas, et dans le professeur qui enseigne, et de tous les professeurs qui enseignent. Qu'on enseigne les mathématiques, qu'on enseigne l'histoire ou les sciences, eh bien, il s'agit d'abord de parler correctement le français, quand on est un professeur du primaire, du secondaire, du collégial, de la maternelle, etc., parce que ça s'apprend à deux endroits essentiellement, c'est-à-dire dans sa famille et puis à l'école, et que donc M. Inchauspé est tout à fait au fait, en effet, de la nécessité de faire en sorte que les curriculums correspondent le mieux possible à l'enseignement, à un enseignement moderne du français mais qui donne aux jeunes Québécois la meilleure qualité de français possible.

Et je crois que l'autre volet dépend des professeurs et des parents et que, voilà, c'est cet ensemble-là et que, à cet égard, la réalité, si vous voulez, depuis toutes ces années où il y avait l'argent supplémentaire dont vous parlez dans l'éducation, quand on voit qu'il y a 40 %, donc, ou à peu près de décrocheurs, d'une part, et quand on entend le niveau de langage souvent, malheureusement, de nos jeunes et de nos adultes, je vous dis: Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de volonté à l'école et dans la famille de bien parler et de bien comprendre, de bien apprendre le français et puis de l'écrire aussi correctement.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, est-ce que je peux avoir la réponse à la question que j'ai posée, s'il vous plaît? J'ai demandé à la ministre: Comment les coupures de 600 000 000 $ vont-elles affecter la qualité du français dans les écoles? On m'a parlé de M. Inchauspé, que je connais très bien, avec lequel j'ai eu le plaisir de siéger sur un comité, justement, sur les profils de formation dans le primaire et le secondaire, un rapport que la ministre de l'Éducation traîne avec elle parce qu'elle le trouve très intéressant.

Ma question était par rapport à l'impact sur la qualité du français, considérant que les coupures vont affecter le support linguistique, parce que, dans les commissions scolaires et dans les écoles, on est rendu dans les coupures de services. Ce n'est plus dans les structures qu'on coupe, c'est dans les services.

Mme Beaudoin: M. le Président, à mon avis, il faut avoir plus de cours de français, et c'est pour ça que je reviens à M. Inchauspé et aux curriculums. La langue maternelle et la langue seconde, d'ailleurs, parce que je vous dis et je vous répète que, personnellement, je souhaite ardemment que les Québécois francophones apprennent l'anglais mieux à l'école et que, pour les anglophones, l'inverse soit aussi la réalité, je souhaite ça ardemment, personnellement. Et donc, je crois qu'il faut que la langue maternelle soit au centre de l'enseignement, et donc je répète ma réponse: C'est une question, donc, de curriculums et de faire en sorte que l'histoire, enfin, tout ce qui concorde à la maîtrise de la langue française écrite et parlée... Vous savez, Georges D'or, il propose – ça ne coûte pas cher, ça, hein! – que chaque professeur apprenne un mot de français, enfin, de vocabulaire; c'est ce qu'il dit dans son pamphlet, là. Il ne demande pas d'argent supplémentaire, un mot par jour, supplémentaire, de vocabulaire aux jeunes Québécois. Et, moi, je crois que voilà des choses simples, faciles et qui doivent se faire.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Oui. En vertu de l'article 214, M. le Président, je demanderais à la ministre de bien vouloir déposer le document qu'elle nous a cité en partie tout à l'heure.

Mme Beaudoin: Lequel?

M. Mulcair: Les instructions.

Mme Beaudoin: Celui-ci?

Le Président (M. Garon): Alors, le dépôt du document, il va y avoir des photocopies qui vont être faites et distribuées aux membres de la commission.

Alors, comme nous avons passé à travers l'étape des remarques préliminaires, nous passons maintenant aux motions préliminaires, s'il y en a, parce que c'est une étape qui est facultative. Est-ce qu'il y a des motions préliminaires?


Étude détaillée

Non. Alors, nous passons à l'étude détaillée du projet de loi. Passons à l'article 1.

Mme Beaudoin: Oui, l'article 1.

Le Président (M. Garon): Je ne dis plus «j'appelle l'article» parce que le député de Taschereau me l'a dit tellement de fois que je sais maintenant qu'on ne doit pas dire «j'appelle», mais il faut trouver une autre expression.

M. Gaulin: Nous le prenons en considération, nous regardons.

Le statut de la langue française


La langue des organismes parapublics

Le Président (M. Garon): Article 1. L'étude détaillée du projet de loi.

Mme Beaudoin: Oui. M. le Président, je présente l'amendement? C'est comme ça?

Le Président (M. Garon): Bien, c'est vous. Normalement, c'est ça. Le ministre présente le projet. Alors, s'il y a un amendement, il présente l'amendement d'abord.

Mme Beaudoin: O.K. Alors, la modification proposée, M. le Président, donc l'article 30.1 de la Charte...

Le Président (M. Garon): Je n'ai pas l'amendement, moi.

Mme Beaudoin: Non, mais ce n'est pas dans les papillons...

Le Président (M. Garon): O.K., O.K.

Mme Beaudoin: ...ça, c'est dans les amendements...

Le Président (M. Garon): O.K., O.K., oui.

Mme Beaudoin: ...qu'il y avait dans le projet de loi n° 40.

Le Président (M. Garon): L'article 1.

Mme Beaudoin: Oui. Alors: «L'article 30.1 de la Charte de la langue française est modifié par la suppression, dans la troisième ligne, des mots «avant qu'ils ne le rédigent»;

2° par le remplacement, à la fin, des mots «la concernant» par ce qui suit: «qu'ils rédigent et qui la concerne. Cette demande peut être faite à tout moment.»

Est-ce que je peux lire maintenant, M. le Président, l'article tel qu'amendé, peut-être, pour que ça soit très clair?

M. Gauvin: Je voudrais juste comprendre, M. le Président, Mme la ministre vient de nous présenter l'amendement?

Le Président (M. Garon): Non, non. Elle nous présente l'article 1 qui consiste en un amendement à l'article 30.1. L'article 1 modifie l'article 30.1 de la Charte de la langue française. Est-ce que l'article 1 est adopté?

M. Laporte: À moins que vous ayez des commentaires? Moi, ça me va, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Article 1, adopté?


La langue du travail

Passons à l'article 2.

Mme Beaudoin: Alors là il y a un papillon. C'est un des amendements déposés ce matin.

Le Président (M. Garon): C'est pour ajouter. On ne passe pas à l'article 2. La ministre propose un amendement qui ajoute un article 1.1 entre l'article 1 et l'article 2 de son projet de loi.

Mme Beaudoin: D'accord. L'article 45 de la Charte est modifié par l'addition, à la fin, des mots «ou parce qu'il a exigé le respect d'un droit découlant des dispositions du présent chapitre». C'est du chapitre sur la langue du travail dont il s'agit.

M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais juste expliquer quand même un peu. Par cette modification, on interdit à un employeur de congédier un travailleur pour motif qu'il a exigé le respect d'un droit découlant des dispositions du chapitre relatif à la langue du travail. Par exemple, pour motif qu'il aurait demandé à son employeur de respecter l'article 41 et de rédiger en français les communications que celui-ci adresse à son personnel.

Cette modification, M. le Président, fait suite à une recommandation du rapport Grant. Le rapport Grant, c'est le rapport du professeur Michel Grant, à qui j'avais demandé justement, suite au bilan sur la situation de la langue française – ça concerne la langue de travail – j'avais demandé au professeur Grant, qui est un professeur de l'Université du Québec à Montréal, ainsi qu'à un représentant de la FTQ, un représentant du Conseil national du patronat, de l'Association des manufacturiers, du gouvernement, etc., donc il y avait un groupe de travail qui étudiait toute la question du français langue de travail, essentiellement pour les entreprises qui ne sont pas soumises au processus de certification, c'est-à-dire les entreprises de 50 employés et moins.

Une des recommandations générales, donc ça ne s'applique pas qu'aux entreprises de 50 et moins, que nous a faite unanimement – parce que le rapport Grant a été adopté unanimement, par les patrons et les travailleurs donc, puisque la FTQ et le Conseil du patronat étaient autour de la table – donc c'est une des recommandations... J'ai décidé de recommander cet amendement qui nous provient du rapport Grant. J'ajoute tout simplement qu'il y a un principe analogue qui se retrouve au Code du travail, à l'article 14, et dans la Loi sur les normes du travail, à l'article 122.

M. Kelley: Avez-vous le libellé de 45 au complet?

Mme Beaudoin: Oui. Le libellé de 45. Vous n'avez pas la Charte avec vous?

Le Président (M. Garon): Je l'ai ici.

Mme Beaudoin: Je vais vous le lire. «Il est interdit à un employeur de congédier, de mettre à pied, de rétrograder ou de déplacer un membre de son personnel pour la seule raison que ce dernier ne parle que le français ou qu'il ne connaît pas suffisamment une langue donnée autre que la langue officielle.» Là on ajouterait: «ou parce qu'il a exigé le respect d'un droit découlant des dispositions du présent chapitre.»

M. Kelley: O.K.

Mme Beaudoin: C'est tout simplement l'article 45 existant auquel on ajoute ce bout de phrase.

M. Gauvin: Ça nous aide dans notre compréhension que vous ayez lu une partie de l'article 45.

Mme Beaudoin: Très bien.

Le Président (M. Garon): Il a été lu au complet.

M. Gauvin: Il a été lu au complet?

Le Président (M. Garon): Oui. L'article 45 qui vient d'être lu par la ministre a été lu au complet.

M. Gauvin: Il n'y a pas d'autres paragraphes à l'article 45?

Le Président (M. Garon): Non, il y a rien que ça.

M. Laporte: M. le Président, je pense que c'est un ajout qui vient, finalement, donner plus de poigne, si on veut, à l'article 45. Je me rappelle très bien, comme le disait la ministre, que, dans le rapport du professeur Grant, c'était un des correctifs qui étaient suggérés. Donc, je pense qu'on est entièrement d'accord avec ce...

(10 h 50)

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que l'article 1.1 est adopté?

M. Laporte: Oui.

Le Président (M. Garon): Adopté. Parce que, si vous ne dites rien, j'attends.

M. Laporte: Oui, d'accord, adopté.

Le Président (M. Garon): Nous passons maintenant à l'article 3.

Des voix: Article 2.


La langue du commerce et des affaires

Le Président (M. Garon): Vous avez raison, à l'article 2. Nous passons à l'article 2.

Mme Beaudoin: Oui. Alors, cette Charte est modifiée par l'insertion, après l'article 52, du suivant, donc 52.1: «Tout logiciel, y compris tout ludiciel ou système d'exploitation, qu'il soit installé ou non, doit être disponible en français, à moins qu'il n'en existe aucune version française.

«Les logiciels peuvent être disponibles également dans d'autres langues que le français, pourvu que la version française soit accessible dans des conditions, sous réserve du prix, au moins aussi favorables et possède des caractéristiques techniques au moins équivalentes.»

Je peux faire les commentaires, M. le Président, avant de...

Le Président (M. Garon): Certainement.

Mme Beaudoin: Bon. Cet article introduit le principe que tout logiciel, y compris tout ludiciel ou système d'exploitation, doit être disponible en français si cette version existe au Québec ou ailleurs – ou ailleurs. Le projet de loi ne fait donc pas l'obligation aux concepteurs de traduire systématiquement tous leurs logiciels pour pouvoir avoir accès au marché québécois. Ce n'est que si la version française existe qu'elle doit être disponible.

Par exemple, certains logiciels très spécialisés pour lesquels il n'existerait aucune version française pourrait être vendus au Québec. Les logiciels – je continue, M. le Président – pourront être disponibles également dans d'autres langues que le français, pourvu que la version française soit accessible dans des conditions au moins aussi favorables et possède des caractéristiques techniques au moins équivalentes. Toutefois, le prix pourra être différent selon la version, ce qui est la même chose dans le livre, comme vous savez, le livre en langue française, pour des raisons, je dirais, de volume, justement, sans jeu de mots, coûte plus cher que les livres de langue anglaise très souvent, étant donné, donc, l'amortissement possible sur un marché beaucoup plus grand en langue. Bon.

J'ajoute, M. le Président, dans le rapport – et on est en train de me le chercher, là – ce qu'on dit dans le bilan de l'année dernière, c'est qu'on s'est aperçu, en se promenant dans les grands magasins de logiciels et, enfin, de ce type-là de produits, on s'est aperçu que, même quand la version française existait, elle n'était pas sur les étagères des magasins et que le réflexe, c'est de dire: Écoutez, la langue anglaise, c'est la langue de l'informatique, puis, même si ça existe en français, on ne le garde pas, on ne l'a pas en magasin. Bien, là, je trouve que ça n'a pas de bon sens et puis que les francophones, si vous voulez, ont le droit, quand ça existe... Que ça existe en France, d'ailleurs, ou que ça existe à Tombouctou, si ça existe en quelque part en français, que ça puisse être au Québec dans nos magasins. Bon. Alors, j'aimerais juste, en terminant, vous dire ça.

Le problème réside dans l'offre de logiciels. C'est en page 173 du rapport. Le problème réside dans l'offre de logiciels en français, qui est mal connue et mal promue, bon, et donc on disait: Environ, 62 % des documents, qu'est-ce qu'il y avait, et on disait... Il n'y a pas de chiffres précis, mais on y avait des chiffres précis. Je me souviens très, très bien.

Alors, en tout cas, le problème réside dans l'offre de logiciels en français, qui est mal connue et mal promue. Il faut donc, quand ils existent, qu'ils se retrouvent dans les magasins.

M. Gauvin: M. le Président, ce que Mme la ministre nous dit, c'est qu'on ne faisait pas les efforts nécessaires pour faire connaître la documentation qui était disponible? C'est ce que vous faites ressortir?

Mme Beaudoin: Ce que je dis, c'est que, dans les grands magasins, ils ont comme attitude, si vous voulez, souvent, ou comme comportement ou comme réflexe de ne pas les avoir sur les étagères, même quand ils existent, de ne pas les garder, de ne pas les conserver, de ne pas... Peut-être qu'ils ne savent pas que ça existe. Il faut peut-être leur dire, en effet. Mais quand ils existent, bien, il faudrait quand même... et même, on a eu des réactions, puis tout à fait récemment, là. Il y a quelqu'un au ministère qui m'a dit être allé dans un magasin puis avoir dit: Je cherche tel logiciel en langue française et s'être fait répondre par le gérant du magasin: Écoutez, je ne garde pas ça, des logiciels en langue française, parce que la langue anglaise, c'est la langue de l'informatique, et ça suffit! Mais oui.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, la problématique, c'est beaucoup plus complexe que ça. Je n'ai pas de tableau pour pouvoir vous l'exposer, mais je vais essayer de le faire avec le maximum de clarté et le minimum de passion. C'est vrai, ce que la ministre dit. On le sait depuis fort longtemps. Au Québec, il y a un écart considérable entre l'offre de produits en français et la demande de produits en français. Il y a beaucoup plus de produits qui sont disponibles, c'est-à-dire qui peuvent être offerts par des entreprises, qu'il y a une demande pour ces produits-là. Mais, ça, je pense que c'est un côté important, mais ce n'est pas ça qui est l'essentiel.

Il y a un fichu de problème dans cet article-là, mais je ne pense pas qu'on puisse arriver à le solutionner par le recours à des moyens législatifs. Le problème, c'est que l'article, volontairement ou involontairement, présume que la disponibilité d'un produit français, traduit en français ou créé en français sur le marché, en assurera la demande. Ce n'est pas parce qu'on rend des produits disponibles que la demande pour ces produits existe. Si on veut que la demande existe, il va falloir créer le besoin. Or, les faits que la ministre mentionne sont des faits qu'on peut constater sur place; c'est cette absence chez les consommateurs francophones eux-mêmes du besoin senti d'un produit utilisable en français. La ministre nous dit qu'elle a fait visiter des établissements, qu'elle en visite encore elle-même, des établissements, j'en ai visité des dizaines d'établissements, le problème est toujours le même: ce n'est pas parce que vous allez rendre un produit disponible que vous allez créer automatiquement le besoin senti d'acheter ce produit-là, qui est évidemment le mécanisme fondamental de diffusion, d'utilisation et de consommation du produit en question.

Donc, la question que je me pose depuis des années, au fur et à mesure que je réfléchis sur cette question-là, c'est: Comment en vient-on à créer ce que j'appelle ce goût du logiciel en français, ce goût du produit francophone? Ça peut être vrai dans le cas des descriptions de produits qu'on nous a présentées tantôt, qui sont vraiment d'un mauvais goût épouvantable, comment crée-t-on chez le consommateur, non seulement le consommateur francophone mais le consommateur québécois, le goût d'un produit français qui fasse qu'il exercera des pressions pour qu'au-delà du fait que ce produit soit disponible on l'utilise, on en fasse usage et on le consomme? À mon avis, après mûre réflexion, et là on revient à la fameuse question, tantôt, de l'enseignement et de la qualité de la langue, la façon de créer ce goût, M. le Président, c'est par le recours d'un effet d'«habituation», ce que Bourdieu appelle d'«habitus». Il faut créer chez l'individu le goût du produit français en l'habituant à l'usage de ce produit français dans les années précoces de sa socialisation de consommateur.

(11 heures)

L'autre jour, je suis allé visiter le Centre de neurolinguistique de l'Université de Montréal, qui est dirigé par le professeur Rossignol, et là j'ai pu voir, j'ai pu travailler sur des logiciels d'analyse des fonctions cérébrales qui sont, dans un cas qui était un logiciel français et dans les autres cas qui sont tous des logiciels américains. J'ai rencontré le professeur qui a traduit le logiciel français. Il m'a expliqué les problèmes qu'il a eus pour se trouver des fonds pour, durant les cinq années qu'il a passées avec son collègue à traduire ce fichu de logiciel qui permet à l'étudiant d'interagir avec l'écran et de comprendre beaucoup mieux le fonctionnement du cerveau qu'on pouvait le comprendre lorsqu'on était étudiant en médecine, il y a 20 ou 25 ans... Donc, si la ministre est convaincue – et je ne doute pas qu'elle le soit – qu'il est souhaitable d'atteindre l'objectif qu'elle vise, il va falloir – et là on est en présence d'un problème d'interaction entre politique et législation – qu'elle accepte de consacrer des argents, et considérablement d'argent, pour que soit disponible en français toute espèce de logiciel, par exemple à tous les niveaux de l'enseignement.

En d'autres mots, il faut créer chez l'individu, le citoyen, le consommateur, le goût. L'une des raisons pour lesquelles le goût n'existe pas, c'est que, comme je viens de le mentionner, dans des tas de contextes d'usage, dans nos écoles – je ne parle pas au niveau primaire, au niveau secondaire et à l'université – les gens sont en interaction quotidienne avec des produits américains. Donc, il va falloir que la politique, la législation linguistique s'accompagne de leviers, et en particulier au niveau de l'enseignement, mais ça pourra être aussi, comme elle l'a mentionné au sujet de sa politique de qualité de la langue, au niveau des médias, pour créer chez le consommateur ce besoin senti, ce goût spontané, cette demande qui va faire que les logiciels, en plus d'être disponibles sur le marché de la consommation – ils vont d'ailleurs le devenir de plus en plus – et qu'en plus d'être disponibles ils seront demandés. Parce que, quand vous vous promenez dans les établissements, c'est ce que les gens vous disent. Écoutez, il y a un effet de prestige ici. J'illustrerai tantôt à l'aide de certains exemples.

Donc, d'une part, cet article-là, qui est un article qui est mû par les meilleures intentions, pour être efficace, il devra s'accompagner d'une politique d'environnement d'effets sur la langue que la ministre a décrite, disons, jusqu'à un certain point dans son texte de politique, mais, à mon avis, il va falloir qu'elle mette, comme on dit en anglais, son argent, son... Je vais le dire en français: elle devra mettre une volonté beaucoup plus ferme pour assurer qu'il y ait des leviers qui fassent que le goût de la langue, le goût du français arrive, s'accroisse.

Mais j'irais plus loin. Moi aussi, j'ai fait mes petites enquêtes. Je n'ai pas les moyens de la ministre et de l'Office et du Conseil pour me... D'ailleurs, si j'avais les moyens, je vous avoue franchement que j'aurais fait faire des études là-dessus qui auraient été des études quantitatives, c'est-à-dire qu'on aurait pu voir au juste jusqu'à quel point la disponibilité des versions françaises existe. On ne le sait pas. La ministre dit qu'ils sont allés dans les grands commerces, mais ça reste fondamentalement des impressions. Moi, je n'ai pas ces ressources-là à ma disposition, mais ça ne m'empêche pas d'y aller puisque je suis un utilisateur. Ensuite de ça, ça ne m'empêche pas de parler au monde qui est là, qui les vend, et, à part de ça, j'ai une longue expérience de ces choses-là. Donc, je n'ai pas les moyens, mais, avec les petits moyens que je prends, je fais ce que je peux.

Il y a des effets que je dirais potentiellement dangereux dans ce projet-là. Je vais vous en donner un exemple. D'abord, c'est bien sûr que, faute de cette demande... et on est tous d'accord pour dire que la demande doit être là puis qu'elle doit être renforcée. La ministre qui dit: il faudra qu'une version, si elle existe, soit disponible en même temps qu'une version anglaise. Elle ne dit pas qu'elle soit disponible quand ça n'existe pas. On en a parlé, la ministre et moi, et on est du même point de vue là-dessus. Mais il faudra qu'une version, si elle est disponible, soit présente. Il y a des marchands qui m'ont dit: Écoutez, tout ça, c'est bien beau, mais, s'il n'y a pas de demande, vous allez nous créer des coûts d'inventaire additionnels à ceux qui existent déjà.

On va les avoir, les quatre, cinq versions, les quatre, cinq boîtes de Windows ou les quatre, cinq boîtes de Office ou les quatre, cinq boîtes de Excel, ou des logiciels et des jeux beaucoup plus spécialisés qui vont être sur nos étagères ou dans notre inventaire, mais, s'il n'y a pas de demande, étant donné la grande désuétude, la rapidité de disparition des logiciels... Écoutez, Windows a été fait il y a un an et demi et on est rendus avec Windows NT qui va arriver sur le marché – ils ont dit dernièrement, à Microsoft, qu'ils allaient le retarder – mais c'est un logiciel deux fois plus puissant. Donc, le 95, ça va devenir tout simplement une vieille affaire dont tout le monde va devoir se débarrasser au fur et à mesure que les moyens de le faire vont apparaître. Donc, on risque, si on ne crée pas la demande, si on ne crée pas une demande accrue, de surcharger certains commerçants, des petits commerçants, en leur ajoutant des coûts d'inventaire.

Mais il y a un autre problème qui est encore plus grave que ça. Si la ministre, en même temps qu'elle se donne cette politique-là, ne se donne pas les moyens financiers d'un encouragement intensif de la création de produits en français, vous allez voir disparaître du marché francophone, du marché québécois les bons produits français qui existent déjà. Je vais vous donner un exemple. Moi, je suis l'utilisateur d'un logiciel qui s'appelle Quicken. C'est un logiciel de gestion de budget domestique. Je vous le recommande, c'est vraiment un logiciel fort intelligent, sauf qu'il n'existe pas en français. Ce n'est pas un logiciel cher, il coûte 65 $, tout le monde peut se l'acheter. Il existe actuellement sur le marché au Québec un logiciel que je connais qui est un logiciel de création québécoise, qui est un logiciel aussi performant et même plus simple que la version, en tout cas, Quicken pour DOS et presque plus simple que la version Quicken pour Windows – parce que la version Quicken pour DOS, je ne vous la recommande pas; celle-là, elle est bien trop complexe.

Mais ils ne sont pas fous, les gars d'Intuit! Quand ils vont voir la version de la ministre, la loi de la ministre, ils vont dire: Bien, mon Dieu, écoute! On va te les rendre disponibles, nos logiciels en français, sur le marché québécois. Ils vont de te le traduire, Quicken. Ce n'est pas une impossibilité. Ça leur prendra six mois, sept mois, ils sont capables de faire ça, eux autres, n'importe quand, très rapidement. Ils ne sont pas comme les professeurs de cégep qui s'évertuent à travailler ça de huit à minuit le soir, quoi! Et ce qui va arriver, c'est que, oui, des produits américains en traduction française vont apparaître de plus en plus fréquemment sur le marché et qu'une concurrence de plus en plus difficile et dure va s'établir entre les produits québécois performants qui existent déjà et les produits américains traduits qui vont apparaître de plus en plus et qui vont probablement être achetés de plus en plus parce qu'il y a le sacré effet de prestige.

Donc, encore là, je dis: Mme la ministre, moi, je n'ai rien contre votre bonne intention, je pense qu'elle est bonne et puis elle est louable, mais il va falloir que vous l'accompagniez d'un certain nombre de leviers en matière de création de logiciels en français au Québec – de création de logiciels français au Québec. Il va falloir aussi que vous l'accompagniez de mesures d'utilisation des logiciels français dans les contextes où tout le monde apprenne à les utiliser et à avoir le goût de le faire. Autrement, vous allez vous retrouver avec une politique qui n'aura probablement pas beaucoup d'effet, qui ne sera pas beaucoup efficace, qui va créer un certain nombre de problèmes pour les commerçants, en particulier pour les petits commerçants. Crazy Irving, à Montréal, eux autres, finalement, une ou deux ou trois boîtes de plus en inventaire, ça ne les fera pas mourir. Mais, dans le cas d'un petit commerçant comme j'en connais sur le boulevard Kennedy, JFK, où je fais mes achats moi-même, eux autres, ça va peut-être leur poser des problèmes, parce que vous allez avoir une police de la langue, aussi, qui va se promener alentour puis qui va dire: Ah, Ah! Vous, monsieur, vous êtes un petit commerçant puis vous avez des logiciels dans votre affaire, mais il y a des logiciels en version française qui existent, mais ils ne sont pas chez vous, allez vous les chercher parce que, autrement, on va vous poursuivre puis on va vous causer des embêtements.

Donc, ce que je dis à la ministre, c'est que: Écoutez, préparez-vous à, comme on dit en anglais, «put your money where your mouth is», parce que vous allez être obligés d'investir là-dedans sérieusement pour pouvoir soutenir, d'une part, les mécanismes de socialisation au goût d'utiliser du logiciel français, qui sont fondamentalement des mécanismes pédagogiques, dans nos écoles, de contact quotidien avec le logiciel, et, d'autre part, je pense qu'il va falloir que vous envisagiez d'investir beaucoup plus que vous pensez devoir le faire dans les années à venir sur la création de produits en français au Québec.

En d'autres mots, il va falloir que vous encouragiez nos créateurs de logiciels québécois, francophones ou anglophones, peu importe, à créer des produits qui vont être concurrentiels avec le marché américain et qui, dans certains cas, le sont déjà, pour qu'on évite que les Américains, arrivant avec leurs immenses ressources, se lancent dans des opérations de traduction intensives et que, sur le marché québécois, compte tenu de l'effet de prestige, eh bien, les bons produits, comme celui que je viens de mentionner, à savoir Gestion domestique, disparaissent complètement parce que je suis capable de me procurer Quicken en français au même prix ou à un prix inférieur.

(11 h 10)

Donc, la conclusion de tout ça, c'est toujours la chose, c'est-à-dire que les bonnes intentions... Et là on n'abordera pas l'autre article sur les jeux. Je le sais, j'ai un neveu que j'accueille à toutes les fins de semaine chez nous, il passe sa vie dans les jeux de ce genre-là. C'est la même chose. La problématique est encore pire là. Donc, les bonnes intentions... le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions! Moi, je n'ai rien contre les bonnes intentions, mais ce que je peux dire à la ministre en tant que porte-parole officiel de l'opposition, c'est que je la prie d'examiner bien attentivement, en même temps qu'elle voudrait faire accepter cet article 52.1, tous les phénomènes d'interaction entre sa politique et sa législation pour nous assurer que, d'une part – je le répète – on se retrouve dans des contextes de socialisation où le goût du produit français est créé et, d'autre part, qu'on ne se retrouve pas avec des effets pervers qui pénalisent les petits commerçants qui vont être, ensuite de ça, harcelés par la police administrative, ou qui font que nos bons produits francophones qui existent sur le marché du Québec disparaissent parce que les Américains nous envahissent massivement de logiciels traduits et que l'effet de prestige fait qu'on utilise massivement ces logiciels-là plutôt que d'utiliser les bons logiciels qui sont faits chez nous, par nos créateurs de chez nous, mais qui vont faire objet d'une concurrence de plus en plus vive au fur et à mesure que le marché va s'adapter à la situation que la ministre essaie de créer.

Donc, c'est vraiment en... Écoutez, j'y ai pensé, à cette affaire-là. Peut-être que vous aurez des objections à m'apporter en me disant que, finalement, ce n'est pas convaincant, là – je veux bien qu'on en parle, de ça – mais ce n'est pas un discours partisan que je fais maintenant, là. Je ne suis pas en train de vous dire que... C'est un discours responsable. Et je pense que je le fais parce que je veux qu'on en arrive à... C'est parce que, moi, non seulement j'ai le souci du français – j'y ai consacré une bonne partie de ma vie – mais aussi, je pense, parce qu'on est là puis on est une opposition, et indépendamment des valeurs, des opinions qu'on peut exprimer sur le laxisme, ou je ne sais pas trop quoi, là, je suis bien prêt à aider la ministre pour que le dispositif créé dans ce cas-ci soit un dispositif efficace.

Maintenant, lorsqu'on va arriver à d'autres dispositifs, là, disons que l'intention va être un peu différente. Mais, dans ce cas-là, je pense que vous auriez intérêt à vous poser des questions parce que ou bien vous allez donner un grand coup de couteau dans l'eau ou bien vous allez vous donner un coup de couteau dans la jambe. Et j'ose espérer qu'on pourrait arriver à donner le coup de couteau sans ni l'un ni l'autre des deux effets mentionnés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): On a bien apprécié, M. le député d'Outremont, que vous ayez spécifié que c'est le chemin de l'enfer qui est parsemé de bonnes intentions, parce qu'il y a bien des gens dans le passé qui nous ont dit que c'était l'enfer qui était plein de bonnes intentions. Personne n'y est allé pour nous le dire! Alors, c'est facile de dire ça quand on n'est pas allé...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): ...mais là, c'est le «chemin», c'est plus facile à comprendre. Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Je trouve très intéressante cette discussion non partisane, comme le disait – et j'apprécie beaucoup ce qu'il a dit – le député d'Outremont.

Je veux seulement revenir à la page 235 du bilan pour, quand même, vous dire à partir de quoi – tout à l'heure, je vous en ai cité un paragraphe, mais là on a retrouvé la citation que je cherchais vraiment – page 235 donc du bilan: «Quand on constate, par exemple, dit le bilan, que seulement 32 % des commerces montréalais – j'entends bien – offrent les logiciels en langue française pourtant en vente sur le marché».

Tu sais, c'est sûr, puis moi, je pense qu'on a probablement tous les deux raison quelque part, que, s'il n'y en a pas, les gens n'en demanderont pas puis que, pour qu'ils en demandent, bien, il faut en effet la susciter, cette demande. J'en suis fort consciente, aussi.

Mais quand même vous dire ce qui se fait actuellement pour susciter cette demande-là. Et je retiens, M. le député d'Outremont, aussi, que dans le fond vous dites que vous craignez qu'il arrive la même chose dans ce secteur-là que ce qui est arrivé dans le secteur du cinéma quand Mme Bacon, avec la meilleure des bonnes intentions, sûrement, a signé avec Jack Valenti l'entente qu'elle a signée sur le cinéma.

Parce qu'on a vu depuis 10 ans, depuis que cette signature existe, c'est-à-dire depuis qu'on impose – ce qui est différent, d'ailleurs, de ce qu'on fait dans le secteur des logiciels – la sortie des films américains en langue française au même moment que leur sortie en langue anglaise, eh bien, il y a 85 % – ça a augmenté de 10 %, 15 %, 20 % depuis 10 ans; on a les chiffres au ministère – c'est effarant que la place du cinéma américain! Parce que maintenant les francophones vont au cinéma voir les films américains mais traduits – par les français, d'ailleurs – en langue française. Donc, il peut y avoir un mutatis mutandis, mais je fais bien attention, puisque je répète qu'on n'impose pas la version française si elle n'existe pas. On s'entend bien.

Maintenant, quant aux moyens que l'on prend déjà – je ne vous dis pas qu'il ne faut pas en prendre davantage, qu'il ne faut pas, justement, qu'il y ait cette volonté, accompagnée des moyens afférents – mais déjà il se fait un certain nombre de choses, dans le sens de ce que vous dites, par exemple la politique d'achat du gouvernement, celle dont je parlais tout à l'heure. Il faut que les centaines de milliers d'employés de l'État québécois travaillent sur des logiciels en langue française. Et c'est via la politique d'achat du gouvernement que le gouvernement se dote d'une puissante force de levier. Puis c'est une masse critique qui est non négligeable, lorsqu'il agit – l'État – comme acheteur de logiciels en français sur le marché pour que les fonctionnaires travaillent sur les logiciels en langue française. Donc, ça, là, ça va inciter les commerçants, en tout cas les fournisseurs du gouvernement du Québec, à les avoir, ces logiciels-là.

Il y a une politique incitative. Vous la connaissez sûrement aussi via l'Office de la langue française, qui insiste beaucoup lors du processus de certification et de francisation des entreprises sur l'acquisition, donc, et l'utilisation de logiciels en français. C'est bien sûr qu'il y a des logiciels spécialisés qui n'existent pas, mais ça vaut pour l'ensemble, là, des traitements de texte, des navigateurs, des chiffriers, des systèmes d'exploitation. L'Office, dans le processus de francisation et de certification, insiste là-dessus. Alors, il y a des mesures d'incitation, de sensibilisation, de promotion et d'information. Et je veux vous remettre, à tous les députés, si vous me le permettez, cette publication récente de l'Office Je clique en français .

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Ah, c'est l'Office et le ministère de l'Éducation conjointement, le guide de francisation de la microinformatique.

Bon, alors, je pense que c'est un élément, aussi, important. Et donc, j'ajoute les inforoutes dans les bibliothèques et les écoles. Et là je rejoins ce que vous dites. Vous savez que l'on va brancher les écoles. Le programme a été annoncé – 300 000 000 $ – par la ministre Pauline Marois. Ç'a été annoncé en juin dernier, et ça commence à se faire, là, hein, via le GRICS et via les organismes, là, idoines.

Et donc, c'est à ce moment-là en effet qu'il faut intervenir et que nous intervenons pour que ce branchement dans les écoles, donc que les équipements, que les logiciels, que tout ce qui vient avec, pour le primaire et le secondaire – parce que c'est un programme de 300 000 000 $, pour le primaire et le secondaire, d'informatisation, donc, non seulement des commissions scolaires et de l'administration... J'ai bien vérifié, pour l'administration des commissions scolaires, contrairement à ce qui a été dit, semble-t-il, ici même, à la commission, le président nous le disait, à la commission d'initiative sur l'inforoute: les logiciels des commissions scolaires francophones sont en français. Les logiciels des commissions, de gestion de la paye ou, enfin, les logiciels administratifs des commissions scolaires, sont en français.

Mais ce dont je parle, c'est le programme d'équipement et d'informatique pour les écoles primaires et secondaires, donc, de 300 00 000 $, et s'assurer que tous les logiciels sur lesquels les enfants du primaire et du secondaire vont travailler soient en français. Je vous rappelle que c'est la même chose dans nos bibliothèques: nous sommes en train de terminer le branchement des 965 bibliothèques du Québec. Là aussi, c'est une action massive, en quelque sorte, de francisation de l'informatique et puis d'achat de logiciels et de faire en sorte que...

(11 h 20)

Maintenant, pour la création, maintenant, parce qu'il y a toute la problématique – et Dieu sait que j'en suis consciente: traduction versus création. D'abord, il y a des crédits d'impôt qui, au Québec – et je vous aurai le chiffre, là, que l'on attend... C'est un programme du ministère de l'Industrie et du Commerce de création de logiciels québécois, avec des crédits d'impôt extrêmement favorables. Ici, il y a des maisons québécoises qui créent des logiciels et qui sont extrêmement performantes sur le marché. Il y a d'ailleurs le Centre de promotion du logiciel québécois qui – comme vous le savez, dont Michèle Guay est la présidente – avec, je ne sais pas, moi... il y a une centaine, sinon davantage d'entreprises québécoises de création de logiciels. Donc, ce Centre de promotion du logiciel québécois s'occupe essentiellement de l'exportation des logiciels québécois à l'étranger. Et on me racontait, l'autre jour, une mission au Mexique, etc. Ces logiciels sont créés... sont multilingues: français, anglais, espagnol, la plupart du temps. Donc, c'est parfait, ça, et c'est ce qu'il faut. Et donc ça existe, et puis les crédits d'impôt incitent en quelque sorte à cette création et à cette production de logiciels.

Je rappelle maintenant que le nouveau Fonds de l'autoroute de l'information, la phase II, 60 000 000 $ sur trois ans, il y a des projets de logiciels là-dedans, il y en a, des logiciels. Ce n'est pas que des logiciels, bien sûr, il y a des sites Web, il y a des contenus qui sont autres que des logiciels, mais il y a des logiciels. Et d'ailleurs j'ai annoncé que les quatre thèmes du concours de cette année... Il va y avoir deux concours en 1997, il va y avoir un concours thématique qui va être annoncé d'ici quelques semaines et un qui concerne la langue et qui, justement, rejoint cette préoccupation-là. Donc, les concours thématiques; il va y avoir le développement régional, les femmes, la langue, petite enfance. Bon. Alors, il y en a un sur la langue qui va rejoindre tout à fait ces préoccupations-là.

Donc, il y a des choses qui se font. Je vous rappelle, et avec le ministère de l'Éducation, ce sur quoi l'on travaille dans le cadre de la réforme de l'éducation, aussi ce qu'il y avait dans la politique... On était donc très conscients de ce que vous dites, vous ne pouvez pas empêcher, en effet, les grandes entreprises... Mais vous savez, M. le député d'Outremont, que les entreprises – je pense à Windows – elles l'avaient traduit, leur Windows 1995, il était vendu en France, mais parce qu'ils craignaient le marché gris, comme vous savez, il était vendu en France puis il n'était pas vendu au Québec! Je trouvais ça un peu particulier, vous me permettrez, là, de trouver ça un peu spécial, que Microsoft lance Windows 1995 en français dans tous les pays francophones sauf le Québec! Parce qu'il ne voulait pas de marché gris avec la France, ils craignaient, parce qu'il coûtait beaucoup moins cher ici qu'en France – il aurait coûté beaucoup moins cher ici qu'en France! – ils craignaient que les Français débarquent par charters, achètent des tonnes de logiciels au Québec puis les revendent en France à un prix beaucoup moindre.

Alors, il y a eu un délai de trois, quatre mois, mais il existait, il était déjà traduit. Ça fait que ce n'est pas pour nous... Comme marché francophone distinct, je dois vous dire que, malheureusement, nous ne sommes pas le levier principal; il y a 60 000 000 de Français, vous le savez mieux que moi; il y a, je ne sais pas, moi, 5 000 000 de Belges francophones, quelques millions de Suisses francophones, donc l'Europe francophone, c'est à peu près peut-être 70 000 000 de personnes, donc, ce marché francophone distinct qui existe. Alors, quand Microsoft, quand les grandes entreprises américaines traduisent, elles ne traduisent pas pour nous. Alors, par conséquent, c'est sûr que... Bon. Maintenant, il faut qu'on crée avec la francophonie, pour moi, c'est évident, on a signé avec les Français une entente. Bien, j'ai vu les ministres en question, le ministre de la Culture s'en vient la semaine prochaine pour parler essentiellement de cinéma, mais on va étendre nos discussions à ces questions-là parce qu'il faut créer ensemble aussi, créer ensemble.

Donc, il y a, pages 64 et 65: S'assurer de fournir aux élèves et aux étudiants les documents de base et du matériel informatique en français, mettre sur pied un programme d'incitation à la production de matériel didactique et informatique en français essentiellement pour la formation professionnelle et technique, où on sait qu'il y a un gros manque. Donc, voilà, je pense que vous avez en bonne partie raison, il y a des choses qui se font, et, moi, je suis aussi persuadée, comme vous... Si on regarde dans les autres secteurs culturels, des industries culturelles, que ce soit le livre, on a à peu près 30 % de notre marché, comme vous savez, dans le livre. Le livre, il est traduit, très souvent, par des Américains, puis des fois par des Français aussi. Il y a 70 % du marché du livre qui appartient à des compagnies étrangères, au Québec. Quand on regarde la chanson, eh bien, c'est à peu près la même chose, autour de 30 % de nos parts de marché; quand on regarde le cinéma, c'est en bas de 5 %. Alors, c'est certain que la dynamique et la problématique que vous expliquez, eh bien, elles se retrouvent dans chacune des industries culturelles.

Dans le multimédia, il y a, je pense, écoutez, 2 % du marché qui est le nôtre, dans le marché du multimédia de langue française, je parle de cédérom, il y a 100 cédéroms, dans le moment, en tout et partout, produits au Québec. Ça coûte terriblement cher! Pourtant, on a un crédit d'impôt multimédia et on a 1 000 000 $ à la SODEC pour la production multimédia. Mais je dois ajouter que, pour l'Internet, il faut le dire, et c'est les Français qui nous le disent, on est 5 % de la population mondiale francophone, puis il y a 30 % des sites Internet de langue française qui originent du Québec. Donc, on agit. Donc, on produit. Donc, on existe. Mais je retiens de ce que vous dites, en effet, qu'il faut dans ce secteur-là mettre encore plus de moyens, être encore plus vigilants et créer cette habitude de consommation qu'on a réussi à créer pour notre télévision.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: La ministre a bien compris une partie de mon argumentation qui ne la menace pas, n'est-ce pas? Mais elle n'a pas compris l'autre partie de mon argumentation qui la menace. Moi, ce que je vous dis, Mme la ministre, enfin, ce que je vous conseille, ce que je vous dis, c'est qu'il est souhaitable que vous gériez...

Le Président (M. Garon): ...M. le Président toujours, c'est un ménage à trois permanent, en commission.

M. Laporte: M. le Président, il est nécessaire que la ministre se préoccupe de gérer la création d'une demande. Et ce qui me préoccupe, en plus de ce que la ministre vient de mentionner, et ce qui, M. le Président, me rassure jusqu'à un certain point, c'est qu'en même temps que la ministre reconnaît avec nous qu'il y a cet écart entre la demande effective, le goût, le besoin senti, évidemment, le problème de disponibilité, elle crée par ailleurs un appareil coercitif qui risque de placer un certain nombre de commerçants – et je pense entre autres à des petits commerçants pour les raisons que j'ai mentionnées plus tôt – dans une situation d'être pénalisés.

Donc, d'une part, pour créer cette demande-là, il va falloir établir avec les entreprises, et en particulier les petites entreprises, les petits vendeurs de logiciels, un rapport de partenariat qui nous amène à les aider, qui nous amène à les informer, qui nous amène à les soutenir. Mais ce n'est pas ça, ce n'est pas vers ça qu'on s'en va, on s'en va vers une loi qui risque d'être administrée avec une rigueur telle, par un appareil imbu de l'esprit «surveiller et punir» qu'a dénoncé, qu'a bien analysé Michel Foucault, qu'on va retrouver dans les articles sur la Commission de protection et qui vont faire que les coûts d'inventaire, dont j'ai parlé tantôt, pour certains des petits commerçants vont non seulement être présents, mais ils vont se retrouver devant une police administrative qui va faire presque un délit, dans ce domaine-là, d'une question d'ordre public, et là, à ce moment-là, vous allez créer, comment dirais-je, de la misère pour un certain nombre de petits commerçants.

(11 h 30)

Donc, ce que je veux dire, c'est que, écoutez, on est d'accord, vous faites des bonnes choses, vous avez des mesures prévues à la politique qui sont des mesures convenables, mais, d'un autre côté, vous êtes en train de mettre sur pied une police administrative de la langue qui, en l'absence de la demande dont j'ai parlé tantôt, va faire qu'il va y avoir des petits commerçants qui vont être désavantagés par l'application de l'article 52.1 parce qu'ils vont être obligés de les avoir en inventaire, tous ces produits-là, même si la demande n'existe pas là, puis il va y avoir des inspecteurs qui vont se promener sur place puis des gens qui vont dénoncer ce qui se passe dans ces petits établissements. Et vous allez avoir des petits établissements comme ceux avec lesquels, moi, je fais affaire, dont les propriétaires vont se trouver pénalisés par une législation qui, par ailleurs, est une législation remplie de bonnes intentions.

C'est ça que je veux dire, M. le Président, quand je vous dis que le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions. La ministre ne doit surtout pas oublier que, tout ça, ça se tient, là, il y a une vision de société derrière ça et que, derrière un article comme celui-là, il y a un appareil d'application basé sur un recours accru à la coercition légale, qui est là pour intervenir, et à mon avis il va intervenir et il va intervenir avec l'effet que les petits commerçants que j'ai mentionnés tantôt vont être désavantagés. Et il va intervenir d'autant plus comme ça qu'il va appartenir à une Commission de protection de la langue française qui n'a aucune espèce de capacité de recherche, aucune espèce de tradition de bons rapports avec la clientèle. Donc, on s'en va vraiment... Je le dis: On s'en va en enfer, sauf que ça ne sera pas un enfer qui va être, comme vous le disiez tantôt, M. le Président, disons, aussi allumé que le vrai enfer. Mais il y a tout de même un certain nombre de personnes qui vont y cuire.

Le Président (M. Garon): On ne le sait pas; on est obligé d'avoir la foi là-dedans. Mme la ministre de la Culture.

Mme Beaudoin: M. le Président, deux, trois remarques là-dessus. Je ne peux parler de la Commission tout de suite, mais vous savez que j'ai toujours beaucoup de difficulté à admettre que la Commission est justement cette horreur décrite par l'opposition, alors que je dis souvent que le député d'Outremont en a été le président puis qu'il en a fait un organisme, au contraire, quant à moi, fort bien compris, fort bien perçu et qu'il a réussi à faire de cet organisme ce qu'il doit être et puis ce qu'il sera à nouveau. Mais, ça, on en rediscutera.

Deux remarques importantes. Vous savez, quand le CRTC impose des quotas, pourquoi réussissons-nous à avoir sur notre marché, justement, un minimum de part de marché en chanson puis en télévision? Parce qu'il y a des quotas, parce qu'il y a une réglementation, parce que le CRTC impose 65 avec tout ce qu'il faut, là, ils imposent. Non, mais c'est parce qu'il faut...

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Oui, bon. Non, mais le CRTC, en tout cas, disons... Bon, on y reviendra. Mais il faut quand même voir qu'il y a le CRTC, il y a les quotas puis il y a l'imposition et la coercition pour la chanson et pour la télévision, et c'est comme ça qu'on a développé l'industrie de la télévision et de la chanson. Puis là les Français viennent de le comprendre, parce que, pour la première fois, parce qu'ils étaient envahis par la chanson américaine, ils viennent d'imposer, puis il y a eu des cris d'orfraie dans le milieu, mais ils ont imposé 45 % puis, un an plus tard, tout le monde est heureux parce que la demande est là, parce que l'offre existe.

Je termine, M. le Président, en disant que l'effet pervers du statu quo, si l'on ne fait rien – et, moi, c'est l'angle sous lequel je le prends – c'est de ne pas trouver de logiciels de langue française sur les rayons des magasins, et c'est prouvé par le rapport et le bilan de l'année dernière. Il faut donner un recours au consommateur. Je le prends sous l'angle du consommateur, M. le Président. Et donc, par conséquent, je suis d'accord avec tout ce que le député d'Outremont a dit en première partie, je lui ai répondu partiellement, on va en faire encore davantage. Mais les principaux instruments, les principaux outils, les principaux leviers sont là pour la création et la production de logiciels de langue française et puis pour créer les habitudes via l'école, via les bibliothèques publiques, via le gouvernement, qui sont donc trois agoras, si je peux dire, en tout cas, publics qui permettent à la population, au fur et à mesure, de développer ces habitudes.

M. Laporte: M. le Président...

Le Président (M. Garon): Oui. C'est parce que le temps est écoulé.

M. Laporte: Oui, oui, je comprends, mais tout de même, là, il ne faut pas...

Le Président (M. Garon): Avec le consentement. Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Beaudoin: À condition que je puisse répondre, M. le Président.

M. Laporte: Non, non, mais vous n'aurez pas grand-chose à répondre, Mme la ministre, c'est...

Le Président (M. Garon): Bien, est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: En conclusion.

M. Laporte: Oui, en conclusion. Tout ce que je veux, M. le Président...

Le Président (M. Garon): Alors, il y a consentement.

M. Laporte: ...c'est que je ne peux pas être étiqueté comme étant un partisan du statu quo, je ne suis pas un partisan du statu quo, je suis un partisan du changement. Mais ce que j'essaie de dire à la ministre, puis je vais essayer de le dire tout au long de nos assises, c'est que, si on veut du changement, soit, mais qu'on y arrive par des modes d'intervention partenariaux et non pas par des modes d'intervention autoritaires. C'est ça qui est mon point. Et vous avez choisi une voie autoritaire, et vraiment, des fois, ça frise l'autoritarisme, ce qui va faire que vos stratégies de changement, à mon avis, vont générer les effets pervers que j'ai mentionnés tantôt.

Mais ne me qualifiez surtout pas de partisan du statu quo, parce que ce n'est pas ça que je veux, le statu quo! J'en veux, du changement, j'en veux du français, partout dans tous les contextes, n'est-ce pas! Et j'irais même plus loin que la ministre, parce que, quand la ministre – j'ai pris ça en note tantôt – elle nous dit: que la langue maternelle soit au coeur de l'enseignement. Mais non! Ce n'est pas la langue maternelle, c'est le français, maternel ou pas. Comprenez-vous? Alors, qu'on ne fasse pas de moi un partisan du statu quo.

Mme Beaudoin: Alors, la langue anglaise, quand même, on doit l'apprendre aussi...

M. Laporte: Mais non, mais c'est-à-dire qu'on enseigne le français...

Mme Beaudoin: ...on doit l'enseigner aussi, l'anglais.

M. Laporte: ...indépendamment de langue maternelle du locuteur. Il faut renforcer l'enseignement du français chez tous les Québécois, indépendamment de leur langue maternelle.

Mme Beaudoin: Je suis d'accord. Je suis d'accord.

M. Laporte: C'est une remarque incidente. Mais il ne faut surtout pas me mettre sur le visage cette étiquette de «statu quotiste». Je ne suis pas un «statu quotiste», j'essaie de collaborer avec la ministre pour l'amener à prendre des décisions qui produisent les effets attendus. Je termine en disant qu'à mon avis, dans ce cas-là, compte tenu du dispositif sur lequel on va se pencher plus tard, à mon avis, les effets réalisés risquent d'être en partie contraires aux effets attendus. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Mme la ministre, est-ce que vous voulez répondre ou si ce n'est pas nécessaire? Est-ce que c'est nécessaire ou ce n'est pas nécessaire?

Mme Beaudoin: M. le Président, oui, je répondrai par le Père de Foucauld, comme M. le député d'Outremont qui nous a cité Bourdieu et Foucauld. Alors, je ne doute pas que c'était le Père de Foucauld, en effet. M. le Président, je pense...

Une voix: À cause de l'enfer?

Mme Beaudoin: À cause de l'enfer, bien sûr. Je parlais du Père de Foucauld pour sauver notre âme dans les déserts. M. le Président, je pense qu'on peut faire beaucoup de choses et que l'une n'est pas exclusive de l'autre. Quand je parlais de ce que l'Office de la langue française qui, en accompagnant le processus de francisation – donc ce que le député d'Outremont dit devoir être fait en accompagnant le processus de francisation – incite, justement, fortement les entreprises, etc... Donc, je ne vois pas les choses de la même façon. Je pense qu'en même temps la législation, la réglementation, ne sont pas suffisantes, même si elles sont au coeur de la Charte de la langue française et de la loi 101 elle-même. Au-delà, il y a une approche sociale, il y a une approche éducative, il y a une approche internationale, et notre politique parle de l'ensemble de ces approches et fait état de l'ensemble de ces approches. Alors, pour moi, l'un n'exclut pas l'autre. Il faut en effet produire, il faut traduire, le moins possible mais quand même un peu, il faut créer, il faut légiférer, il faut accompagner, il faut expliquer, il faut informer et il faut faire la promotion. Je pense qu'on fait tout ça, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux revenir parce que je suis un peu étonné par le manque de données sur l'ampleur du problème, mais je veux juste mieux saisir. Je comprends un chiffre de 32 % des magasins. Mais, dans tous les logiciels, combien en existe-t-il en version française? Est-ce qu'on a une idée? Est-ce que c'est le tiers, est-ce que c'est 10 %?

Mme Beaudoin: Les logiciels grand public, parce qu'on parle des logiciels grand public et non pas des logiciels spécialisés. On a bien fait la distinction.

M. Kelley: Comment est-ce qu'on distingue l'un de l'autre?

Mme Beaudoin: Quand on parle de traitement de texte, de chiffrier...

M. Kelley: Dans une loi, on parle de logiciel public?

Mme Beaudoin: Pour les logiciels grand public, on dit systèmes d'exploitation... pour à peu près 100 % des logiciels grand public la version française existe.

M. Kelley: Est-ce qu'on va introduire la notion de logiciel grand public dans la loi? Parce que, moi, je lis: Tout logiciel. Et ça, c'est la loi qui est devant nous. C'est «tout logiciel». Alors, il n'y a pas de distinction faite ici.

Mme Beaudoin: Est-ce que vous proposez un amendement, M. le député?

M. Kelley: On peut le faire, mais je veux juste une précision. Moi, je suis peu familier avec tout ça.

Mme Beaudoin: Ce que nos juristes nous ont dit, M. le député, c'est pour ça, mais je suis prête à entendre là-dessus parce que c'est ça que je vise. Mais les juristes, des fois, ils nous disent des choses – ils sont derrière – ils nous disent que, justement, ça se définit difficilement. Moi, comme c'est ça que je vise et non pas les logiciels spécialisés, parce que je sais très bien que quand on est en aéronautique ou quand on est dans certains secteurs... Mais, au moins, les logiciels grand public, on sait qu'il y a 100 % de la traduction française ou de la création de langue française qui existe.

M. Kelley: Qu'est-ce qui est visé? C'est surtout les logiciels de traitement de texte, le «Quicken» de mon collègue d'Outremont, je ne sais pas? Juste pour préciser ce qui est visé exactement par cet article de loi.

(11 h 40)

Mme Beaudoin: Ce sont les logiciels grand public. Je regarde, par exemple, pour naviguer sur Internet, il y a Netscape qui l'a fait en français spontanément, et pas seulement pour le marché québécois. Et, fort heureusement, on ne parle pas une langue... je ne sais pas, le danois, ils sont 6 000 000 et ils parlent danois, mais, en dehors du Danemark, il n'y a personne qui parle danois; les Néerlandais, la même chose. On a la chance de parler une grande langue universelle. Donc, Netscape le fait en français, et de plus en plus, d'ailleurs, ça se fait multilingue parce que les gens veulent travailler dans leur langue. Bon. Mais il y a Tango aussi, hein, il y a Tango. Il y a donc un autre fureteur fait au Québec et qui est multilingue, dont le français existe. Alors, un fureteur, c'est évident que c'est grand public parce que c'est pour entrer, bien sûr, sur l'Internet. Alors, si vous me dites que c'est mieux de le préciser, nos juristes à nous... Mais, moi, je vous le dis franchement, là, je n'ai aucun problème avec ça, sauf juridique, puis comme je ne suis pas juriste moi-même, bien, des fois j'écoute, mais...

M. Kelley: Non, non. Mais, moi, ce n'est pas de remettre en question le libellé. Pour le moment, je veux juste le comprendre...

Mme Beaudoin: C'est grand public.

M. Kelley: ...et qu'on parle d'«aucune version française», comment est-ce qu'on va définir ça? Parce que je sais que dans le domaine des logiciels il y a souvent des copies, et des fois c'est presque piraté, les exemples. Mais une autre compagnie va prendre un logiciel et va faire une copie IBM compatible, ou quelque chose comme ça, et... Alors, comment est-ce qu'on va définir c'est quoi, une version française, pour les fins de l'application de la loi? Est-ce que ça doit être la même compagnie qui va créer le même logiciel ou est-ce que c'est semblable? C'est juste dans l'application. Ce n'est pas sur le pourquoi. C'est sur le quoi et le comment que je veux interroger, M. le Président.

Mme Beaudoin: Quand on dit «tout logiciel», on exclut, semble-t-il, les logiciels spécialisés. Il peut y avoir des exceptions, quand on dit «tout logiciel». Maintenant, desquels s'agit-il? «Aucune version française», bien, c'est du logiciel existant dans l'autre langue.

M. Kelley: Non, mais...

Mme Beaudoin: Parce que vous voulez me dire qu'il peut y avoir des logiciels qui sont similaires, finalement?

M. Kelley: Oui. Non, non, mais c'est juste la précision: comment, dans l'application, parce qu'on va appliquer cette loi après, comment est-ce qu'on va décider qu'une version française existe? Est-ce que ça doit être la même compagnie qui doit mettre ça sur le marché, s'il y a effectivement une compagnie québécoise qui donne une version similaire au point d'être presque piratée, parce que ça arrive souvent dans le logiciel? Est-ce que c'est suffisant?

Mme Beaudoin: Oui. Ce n'est pas des versions piratées. Je pense que ce n'est pas à ça que vous faites allusion.

M. Kelley: Mais il y a toujours une zone grise entre les deux. Moi, comme je dis, je ne parle pas de protéger les versions piratées, du tout...

Mme Beaudoin: Non.

M. Kelley: ...mais on sait fort bien que le logiciel, entre le «shareware» et beaucoup de choses comme ça qui circulent dans le marché, ce n'est pas toujours précis, la ligne indiquant que ça c'est le marché noir et que ça c'est le...

Mme Beaudoin: Mais, quand on pense grand public, on pense traitement de texte, navigateur, chiffrier, système d'exploitation, enfin, etc., les choses qui sont normalement, je dirais, commercialisées dans les pays, là. C'est à ça qu'on pense, puis quand on pense à Microsoft, vous savez, c'est vrai que cette expérience m'a semblé ahurissante quelque part, que Microsoft lance le même jour Windows 95 en français dans les pays francophones sauf le Québec, eh bien, je trouvais ça inacceptable. Donc, ils l'avaient, leur... Donc, c'est Microsoft qui l'a fait, puisque c'est Windows 95, c'est Microsoft, c'est la compagnie elle-même.

M. Kelley: Oui. Mais, ça, je comprends parce que c'est les versions identiques.

Mme Beaudoin: Oui.

M. Kelley: Alors, pour les fins de l'application de cet article, ça va être une version identique, c'est la même compagnie, et s'il y a Windows et «Fenêtres», ou quelque chose comme ça, il faut mettre les deux sur le marché. Mais si une compagnie québécoise fait «Vitrerie» au lieu de Windows, je ne sais pas, mais quelque chose qui est très semblable, qui fait fonctionner les mêmes programmes, est-ce que c'est une autre version, dans le sens de cet article, ou est-ce que c'est une version différente? Et est-ce que Windows, alors, ne sera pas... Peut-être que Windows n'est pas un bon exemple parce que ça existe en français. Mais un style Windows, s'il y a une version semblable en français mais pas identique, est-ce qu'il y a une obligation pour le commerçant de mettre Windows et mon «Vitrerie», ou je ne sais pas trop quoi, disponibles?

Mme Beaudoin: Écoutez. S'il ne veut pas mettre «Vitrerie», là, tu sais, on ne peut pas... Ce que je veux dire, c'est qu'on ne peut pas imposer la traduction. On ne l'impose pas, la traduction. On s'entend bien, là?

M. Kelley: Non, non, non. Ce n'est pas de ça, mais c'est dans l'application de ça que je parle.

Mme Beaudoin: Mais, si Windows 95 existe en français ailleurs, on veut que ce soit au Québec.

M. Kelley: Oui. Ça, je comprends. Je ne parle pas de ça. Moi, je parle de l'application, de quand les fonctionnaires, après que la loi aura été adoptée, comment est-ce qu'on va établir c'est quoi, une version française? Est-ce que c'est la même compagnie, le même logiciel, identique? Alors, comme Windows, c'est un très bon exemple parce que ça existe dans les deux langues. Alors, ça va être très facile à appliquer dans le cas d'un Windows, mais le cas que mon collègue d'Outremont a cité, quand il y a une version américaine de Quicken et une version très semblable québécoise, est-ce que, ça, c'est suffisant pour faire appliquer la loi ou est-ce que ça doit être le logiciel de la compagnie Quicken, pour faire appliquer cet article?

Mme Beaudoin: C'est soit la même compagnie ou la compagnie qui a les droits de distribution sur le logiciel en question. Et puis c'est les logiciels de base, que ce soit pour le gouvernement, les écoles, les bibliothèques, enfin, etc. C'est ça que l'on vise.

M. Kelley: O.K. Non, non, c'est juste ça que je cherche, parce que je veux juste mieux comprendre comment on va l'appliquer après, c'est tout. Sur les logiciels disponibles sur l'inforoute, est-ce qu'il y a des possibilités? Non, du tout. Et alors, en tout temps, parce que... Est-ce qu'on a une idée de la part de marché... je cherche mes mots en français, mais souvent le logiciel est «downloaded»; pardonnez-moi l'expression. Est-ce qu'on a une idée de c'est quoi, la part de marché que représentent les logiciels obtenus par l'inforoute?

(Consultation)

Mme Beaudoin: Alors, il y a deux choses concernant le téléchargement. Premièrement, donc, à savoir quelle est exactement actuellement la vente au détail versus le téléchargement, ce que l'on pense, c'est que la majorité est encore achetée au détail, mais c'est vrai qu'est en croissance le téléchargement, mais que, pour l'instant... Et ça augmente aussi, la vente au détail; donc, ça existe encore, bon.

Quand on parle du téléchargement, ce qu'on me dit, c'est que ce n'est pas uniquement et tout le temps gratuit. C'est parce qu'on nous laisse, comme vous savez, la version bêta, ou je ne sais quoi, pour quelques mois et puis à un moment donné il faut payer pour l'avoir. Alors, quand le gouvernement, par exemple, je ne sais pas, moi, télécharge, ou enfin, il doit acheter à un moment donné, bien là il le paie, et là c'est contrôlable, si vous voulez.

M. Kelley: Mais c'est juste pour rejoindre le point de mon collègue d'Outremont au niveau de la promotion. C'est bien beau de parler des magasins et des tablettes, et tout ça, mais ici on est vraiment dans un secteur de magasins virtuels, et tout ça, peut-être qu'il faut, dans notre réflexion, également laisser une place pour la promotion de logiciels sur l'inforoute, qui vont échapper, si j'ai bien compris, ou risquent d'échapper à la...

Mme Beaudoin: Partiellement, partiellement.

M. Kelley: C'est possible que ça échappe à l'application de ça. Et si c'est la voie de l'avenir – et, si j'ai bien compris, c'est vers là qu'on se dirige – je ne sais pas, pas une proposition législative, mais surtout au niveau de la promotion, ou quand on pense, plus largement, de l'inforoute, M. le Président, peut-être que ça, c'est un élément à considérer, parce que, moi, de plus en plus, le monde qui va aller chercher ça de leur propre ordinateur sans passer par un magasin... Et de viser un article, qu'on va tout régler ça en réglant la question des magasins, je pense que c'est quelque chose...

Autre question. Je sais que vous avez un amendement à proposer, Mme la ministre, mais comment est-ce qu'on va établir «sous réserve du prix»? Parce que...

Le Président (M. Garon): Mais l'amendement n'a pas encore été proposé.

M. Kelley: Non, non, mais, dans l'article existant, on a déjà la notion de «sous réserve du prix». On va discuter d'autres volets après, mais même cette réserve... Il ne faut se faire d'illusion, avec un bon comptable agréé, les choses peuvent devenir très chères ou beaucoup moins chères. Alors, est-ce qu'on a une idée de comment on va établir si le prix est juste? Je ne veux pas dire «exact» de la version anglaise, mais est-ce qu'on va créer, avec ça, un pouvoir de regarder les prix des logiciels en français?

(11 h 50)

Mme Beaudoin: Oui. On verra au moment de l'amendement, mais, a priori – on pourrait demander des justifications éventuellement – on ne peut pas imposer un prix, on n'a pas le contrôle des prix, là.

M. Kelley: Non, non. C'est ça. Alors, mettre ça dans une loi, mais est-ce que...

Mme Beaudoin: Vous savez, en France, il y a le prix unique. Des fois, j'y pense, moi.

M. Kelley: Oh! non, non. J'essaie de faire un petit peu de lecture en français, mais je suis heureux quand je peux lire en anglais parce que la différence des prix des livres est frappante, et je le constate. Mais de mettre ça dans la loi, si c'est vraiment juste un voeu pieux, ça, c'est une chose. Mais je me demande: Est-ce qu'on va être capable de justifier des prix? Parce que, si on fait ça, ça suppose un certain contrôle de marché, que Windows en français, au-delà de 100 $, c'est trop cher, ou je ne sais pas trop. Il faut réfléchir deux fois. Alors, est-ce que c'est uniquement mis là comme voeu pieux ou est-ce qu'on a vraiment l'idée qu'on va demander aux compagnies de justifier le prix pour leurs logiciels sur leurs tablettes, qui risquent, encore une fois, d'amener le monde vers un marché virtuel?

Mme Beaudoin: Mais vous savez, c'est ça, sinon personne ne lirait en français, non plus, je veux dire, c'est la même chose. Pourtant il y a un marché; il y a des gens qui préfèrent lire en français même si ça coûte très cher et même si les livres sont venus de France, aussi.

M. Kelley: Mais on ne le met pas dans nos lois.

Mme Beaudoin: Non, mais, non, «sous réserve du prix». On sait qu'on ne peut pas imposer le prix, mais on peut peut-être essayer de demander – on le verra au moment de l'amendement – des justifications, je veux dire, quant au prix. C'est sûr qu'à cause des ententes internationales, à cause de l'ALENA et tout, on ne peut pas imposer le prix. Et donc, c'est pour ça qu'on a dit «des conditions favorables». Il faut exclure le prix, dans ces conditions favorables, puisqu'on ne peut pas agir sauf en demandant des justifications ou encore, si on rêve un peu, M. le député de Jacques-Cartier, si l'ensemble de la francophonie – et là je reviens à la demande – eh bien, si l'ensemble de la francophonie crée cette demande, eh bien, probablement que les prix un jour vont baisser, et que c'est en agissant, donc, sur cette demande. Donc, on revient toujours à cette notion-là. Mais, moi, je vous dis quand même, quand on parle de la demande, eh bien, pour que la demande existe, il faut que l'offre soit disponible, aussi. C'est la tautologie, à un moment donné, mais c'est ça.

M. Kelley: Non, non. Votre chiffre de 32 %, ça, c'est très éloquent. Je vois dans l'application, parce qu'il faut appliquer nos lois après, et je comprends, d'avoir les livres gratuitement, moi, je serais très heureux d'avoir les livres gratuitement, mais le marché ne marche pas comme ça. Et c'est pourquoi nous avons créé les bibliothèques et d'autres mesures pour essayer de partager la lecture avec tous nos concitoyens.

Dans les dernière deux lignes de cet article, on a aussi des phrases qui sont un petit peu ambiguës, et je ne sais s'il y a des précisions qu'on peut apporter, mais, quand on parle «des conditions au moins aussi favorables et possède des caractéristiques techniques au moins équivalentes», on veut dire quoi exactement avec ça? Comment est-ce qu'on va les définir? Comment est-ce qu'on va les appliquer, parce qu'ils ne sont pas très précis comme termes, et j'aimerais voir ce qui est visé derrière la terminologie.

Mme Beaudoin: Ça existe déjà dans la Charte, et à l'article 54 existant de la Charte de la langue française – je vous lis l'article: «Sauf exception prévue par règlement, il est interdit d'offrir au public des jouets ou jeux dont le fonctionnement exige l'emploi d'un vocabulaire autre que le français, à moins que le jouet ou le jeu ne soit disponible en français sur le marché québécois dans des conditions au moins aussi favorables.» Alors, on a repris, si vous voulez, une formule...

M. Kelley: Non, mais dans l'application, ça veut dire quoi? Dans les relations avec Toys'R'Us, ou je ne sais pas trop qui, comment est-ce qu'on applique ça? C'est quoi, l'impact de ces exigences pour le commerçant? Comment est-ce qu'on va l'appliquer? Le commerçant, la succursale de Crazy Irving, ou je ne sais pas trop quoi?

Mme Beaudoin: C'est des conditions de présentation et d'accessibilité.

M. Kelley: C'est le nom, n'est-ce pas, la grande compagnie? Moi, je ne connais rien dans ça, mais, Crazy Irving, ça existe, un magasin à Montréal?

Une voix: Oui.

M. Kelley: C'est un des grands?

Une voix: Oui.

M. Kelley: O.K.

Le Président (M. Garon): L'article 2 est adopté?

M. Kelley: Non.

Mme Beaudoin: Je n'ai pas eu le temps de répondre. Mais disons tout simplement que ça existait déjà. C'est des conditions de présentation et d'accessibilité et c'est effectivement laissé à l'interprétation. Il y a une marge à l'interprétation. Mais ce à quoi ça réfère dans l'article 54 déjà existant et déjà appliqué, et qui a été appliqué correctement, sans problème...

M. Kelley: Non, non. Mais c'est juste pour le propriétaire de la succursale de Crazy Irving, c'est-à-dire que, sur les tablettes, il faut avoir la version française au moins assez évidente que...

Mme Beaudoin: Oui, assez évidente, oui.

M. Kelley: Non, non, c'est juste parce que souvent c'est important, au moment de l'adoption d'une loi, d'avoir certaines précisions pour guider les fonctionnaires après. Alors, il faut appliquer ces lois. Il faut aller visiter les magasins. Il faut avoir une certaine idée de ce que le législateur veut faire avec une loi. Alors, c'est ça que je cherche. Et c'est quoi, les caractéristiques techniques? Parce que, ça, ce n'est pas dans 54. On vise quoi avec «une version qui possède des caractéristiques techniques au moins équivalentes»?

Mme Beaudoin: C'est ça. C'est que ce soit aussi convivial, que la qualité soit, si vous voulez, similaire.

M. Kelley: L'emballage?

Mme Beaudoin: Non, mais le... Non, le...

M. Kelley: Ha, ha, ha! Non, je ne sais pas, mais, un jour, quelqu'un devra appliquer cette loi. Alors, c'est quoi, une «caractéristique technique»?

Mme Beaudoin: Non, c'est le contenu lui-même, qu'il soit, je veux dire, pas de second ordre, de seconde zone, et puis que ça soit une espèce, un peu que ça soit comme je viens de lire, là, pour la version française.

M. Kelley: Oui... Si vous me donnez accès à Pulse News un soir, je peux amener une boîte avec les instructions en anglais, qu'on ne peut pas comprendre non plus.

Mme Beaudoin: Ha, ha, ha!

M. Kelley: Alors, les deux peuvent jouer ça, et j'ai même des choses à la maison. On peut amener ça comme preuve que souvent ni l'anglais ni le français n'est parfait, sur les instructions. Mais, ça, c'est un débat pour un autre jour.

Mais, en revenant ici... Je cherche, parce que, un jour, il faudra appliquer ça, et ils vont chercher quoi pour comparer une «caractéristique technique équivalente»?

M. Laporte: M. le Président?

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Laporte: Enfin, est-ce qu'on peut s'interroger sur les besoins de faire des amendements, ou...

Le Président (M. Garon): Bien, s'il y a un amendement, il n'a pas été présenté.

M. Laporte: Non, c'est parce que, là, il y a bien des problèmes...

Le Président (M. Garon): Normalement, on aurait dû présenter l'amendement au début.

M. Laporte: Il y a bien des problèmes sérieux qui viennent d'être posés. Pour répondre à la caractéristique technique, ce n'est pas compliqué, là. Si on prend Quicken, là, c'est un logiciel dans lequel il y a de la gestion financière dans quatre domaines: l'investissement, le budget, la prévision de la retraite et un autre. Ça, c'est une caractéristique technique. Si vous trouvez un logiciel qui s'appelle «Finances», mais qui vous donne des capacités de gestion financières dans seulement trois domaines, bien, le logiciel Quicken est supérieur à celui de «Finances». C'est ça, une caractéristique technique.

Mais ce que les questions de mon collègue de Jacques-Cartier soulèvent, c'est que, dans l'absence d'une mention, d'un règlement qui pourrait être développé à la suite de ce règlement-là, il y a pas mal d'ambiguïté, là. Par exemple, là, une ambiguïté qui est soulevée, c'est celle du «trademark», là, pour employer l'expression anglaise, là.

Il existe une version française de Quicken ou de Windows sur le marché parce que c'est la version de Microsoft ou d'une «trademark» qui est disponible, là. Ce n'est pas ma version à moi, là. Ça, ce n'est mentionné nulle part. On va avoir des inspecteurs qui vont se promener, là, puis ils n'auront pas de guide. Sans réglementation, ils ne seront pas encadrés. Vous êtes mieux d'avoir des bons inspecteurs, puis des inspecteurs qui connaissent de quoi ça vire, parce que... Évidemment, la ministre me dit toujours: Vous qui avez été chef de police de la langue, comment pouvez-vous dire des choses comme ça sur la police administrative? Ma réponse à ça, Mme la ministre, c'est qu'il n'y a rien comme un chef de police pour savoir de quoi, la police, ça vire!

Une voix: ...

M. Laporte: De quoi ça vire, la police? Écoutez, moi, j'ai été chef de police.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Donc, je sais le danger de la police; et donc il faut reconnaître ça.

Mme Beaudoin: Vous avez été un bon chef de police.

M. Laporte: Bien, oui, j'ai été un bon chef de police, mais, enfin...

Mme Beaudoin: Donc, ça se trouve. Ça se trouve.

M. Laporte: Non, je ne le sais pas. J'ai été un chef de police, c'est tout. Mais je vous dis: de quoi ça vire, la police. Bon, peu importe. Donc, d'une part, il y a cette question de la version autorisée versus la version non autorisée. Probablement que, là-dedans, vous voulez dire une version autorisée. Vous ne voulez pas dire la version de Quicken qu'un créateur de logiciels aurait faite sans l'autorisation de Quicken. Ce n'est pas ça qu'il veut dire. Mais ce n'est pas mentionné dans l'affaire.

(12 heures)

Vous dites «des logiciels spécialisés». On parle-tu de logiciels spécialisés ou de logiciels d'usage grand public? Si vous allez à Canadair, si vous allez à Marconi, si vous allez chez Téléglobe, si vous allez à SNC, vous allez vous retrouver dans des pièces qui sont grandes comme ici, il y a des logiciels sur le mur à partir de là jusqu'en haut; c'est tous des logiciels archi-spécialisés.

Évidemment, dans votre intention, M. le Président, la ministre, dans son intention, ne s'attend pas à ce que tous ces logiciels-là soient traduits, elle l'a dit, ce n'est pas nécessaire, elle ne l'oblige pas. Mais, d'un autre côté, peut-être qu'un inspecteur pourrait se présenter sur place puis dire: Coudon, est-ce qu'il n'en existerait pas une version française? C'est peut-être une bonne chose d'ailleurs qu'il rappelle à l'entreprise: Il y a peut-être une version française, je ne sais pas trop, en France, vous avez des logiciels archi-spécialisés... Mais là on est encore dans le flou, dans le mou. Il y a la question, évidemment, des inforoutes, mais, ça, c'est un autre problème, c'est-à-dire que, moi, je n'ai plus besoin d'aller chez Crazy Irving, j'ai simplement à dire: Amenez-moi ça sur Internet puis je vais l'avoir probablement à un meilleur prix.

Donc, ce que je veux dire, M. le Président, c'est qu'on est en présence d'un article qui, comme vient de le souligner mon collègue de Jacques-Cartier, repose sur un bon nombre d'ambiguïtés, et il n'y a rien qui nous fait prévoir que ces ambiguïtés seront soulevées ou que ces ambiguïtés seront réglées ou gérées par le recours à une réglementation. Et, dans ce sens-là, je trouve que c'est faire beaucoup confiance à la police pour la laisser s'en aller comme ça dans la nature sans aucun dispositif d'encadrement réglementaire. Là, la police, ça m'achale.

Le Président (M. Garon): Alors, comme il est midi et que nous avons atteint l'heure limite, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 12 h 2)


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