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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 15 avril 1997 - Vol. 35 N° 37

Étude détaillée du projet de loi n° 40 - Loi modifiant la Charte de la langue française


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Table des matières

Étude détaillée


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. André Gaulin, président suppléant
Mme Louise Beaudoin
M. Pierre-Étienne Laporte
M. André Boulerice
M. Régent L. Beaudet
M. David Payne
M. Geoffrey Kelley
M. Camille Laurin
M. Lawrence S. Bergman
*Mme Louise Caron, ministère de la Culture et des Communications
*Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures treize minutes)

Le Président (M. Garon): À l'ordre! La commission de la culture est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française.

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Beaudet (Argenteuil) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys); M. Laurin (Bourget) remplace M. Morin (Nicolet-Yamaska); et M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace Mme Vaive (Chapleau).


Étude détaillée


La Commission de protection de la langue française


Inspections et enquêtes (suite)

Le Président (M. Garon): Lors de l'ajournement de nos travaux à la dernière séance, nous en étions rendus à la prise en considération de l'article 169 introduit par l'article 12 du projet de loi. Alors, nous poursuivons la prise en considération de l'article 169.

Alors, M. Laporte, vous aviez pris quatre minutes à l'article 169. On commençait l'étude du projet de loi lorsque nous avons ajourné la dernière séance.

M. Laporte: D'accord. Alors, M. le Président, ça veut dire qu'il me reste du temps de parole?

Le Président (M. Garon): Il vous reste 16 minutes.

M. Laporte: M. le Président, j'avais mentionné, lors de la dernière rencontre, que, lorsqu'une plainte est manifestement non fondée ou de mauvaise foi, la Commission refuse d'agir. C'est ça qu'on nous dit dans 169. Et ça, on était évidemment d'accord avec ça.

Par ailleurs, j'avais essayé d'obtenir des informations – peut-être que la partie ministérielle pourrait nous en fournir aujourd'hui – sur le processus administratif, c'est-à-dire comment va se prendre la décision sur la question de savoir si une plainte est frivole, si une plainte est fondée, si une plainte est non fondée. D'autant plus que, on le sait d'expérience, dans bon nombre de cas, les plaintes qui sont présentées à la Commission sont des plaintes qui ne sont pas des plaintes collectives, mais ce sont des plaintes qui, disons, sont présentées dans des paquets de plaintes. Il se peut que, dans un paquet de plaintes, il y ait des plaintes qui soient fondées, il y ait des plaintes qui ne soient pas fondées. Donc, ça, c'était évidemment une question que nous avions posée.

L'autre aspect qui nous apparaissait comme particulièrement problématique dans cet article 169, on dit: «En cas de refus, la Commission avise le plaignant de sa décision et lui en indique les motifs. Elle l'informe, le cas échéant, des recours dont il dispose.» On dit antérieurement: «Elle peut refuser d'agir si le plaignant dispose d'un recours approprié ou si elle est d'avis que les circonstances ne justifient pas sont intervention.»

Donc, finalement, si on comprend bien, lorsqu'une plainte est déposée, il y a un processus administratif d'évaluation qui fait qu'on décide si la plainte est fondée, frivole. Évidemment, dans certains cas – et ça, je parle d'expérience – pour décider de la validité d'une plainte, il faut se rendre sur les lieux pour vérifier si la dérogation qui a fait l'objet de la plainte est une dérogation qui existe. Et là je l'ai mentionné la dernière fois, il y a un problème philosophique. Ça, c'est toute la philosophie publique qui inspire ce projet de loi. Un projet de loi qui vise à faire le contrôle de la dérogation, un projet de loi qui prévoit qu'on aide les personnes qui auront décidé de présenter des plaintes.

Mais, je répète cette question-là, et je pense que c'est une question importante, M. le Président: Qu'est-ce qui arrive dans le cas où une plainte n'étant pas fondée mais ayant été néanmoins une fausse dérogation, ou une dérogation apparemment vraie mais réellement fausse, déposée devant la Commission donne lieu à une enquête? Qu'est-ce qu'on fait avec la personne qui est enquêtée, à qui on a fait une attribution de faute et qui, en réalité, n'est pas fautive? En d'autres mots, je l'ai dit la dernière fois, vous aidez la Commission et les plaignants. La Commission prévoit des procédures pour vérifier si les plaintes sont fondées, mais qu'est-ce que la Commission prévoit faire dans le cas des personnes à qui ont a, en fait, attribué faussement des comportements déviants? Ils en éprouveront, de toute façon, des sentiments personnels... comment les qualifier, ces gens-là auront, je ne veux pas employer une expression savante, un moi avarié, parce que ce sont de bonnes personnes qui, en toute bonne foi, ont décidé de se conformer à la loi, ont probablement fait des efforts dans le but d'y arriver, mais se retrouvent devant d'autres personnes qui, elles, pour toutes sortes de raisons, pour toutes sortes de motifs que je ne voudrais pas invoquer, se plaignent de leur comportement et se plaignent de leur comportement sans fondement. Des personnes qui sont accusées faussement de commettre des crimes ou des infractions sans qu'elles en aient commises, on appelle ça des personnes marquées socialement.

Donc, il y a derrière ce texte-là – et c'est un peu le travail de déconstruction du texte que je fais depuis le début, avec mes collègues – une idéologie, une vision de la réalité qui est vraiment autoritaire où, je le répète, on met toutes ses ressources du côté de la protection – la protection, c'est une espèce d'euphémisme – c'est-à-dire de la surveillance des dérogations. On n'a aucune espèce de souci, au nom de la justice, au nom du droit des gens, au nom de l'honneur, au nom des éléments d'une psychologie la plus élémentaire, pour les gens qui auraient pu faire malencontreusement l'objet d'une plainte, qui ne serait pas une plainte fondée.

On peut dire évidemment que c'est anodin, que ce n'est pas grave, ou je suis un petit commerçant et, évidemment, on m'accuse d'avoir dérogé à la loi 101, et on m'accuse faussement. Parce que, vous savez, j'en ai vu en quantité. Le terrain est parsemé, est rempli et est occupé par des quantités des zélotes qui ne demandent pas mieux que de percevoir des dérogations.

(9 h 20)

D'ailleurs, on est un peu comme dans les vieux principes de psychologie sociale qui nous montraient que les gens qui sont en manque de quelque chose – ça peut être l'argent, ça peut être le sexe, ça peut être n'importe quoi, ça peut être, dans ce cas-là, la pureté de la langue ou la rectitude du français dans l'affichage – ces gens-là ont tendance à voir beaucoup plus de dérogations dans le paysage qu'il n'existe de dérogations en réalité. Il n'y a rien comme les gens privés d'argent pour percevoir qu'une pièce de monnaie qui traîne sur un plancher est d'une valeur plus grande que sa valeur en réalité. Donc, il y a des exagérations, il y a de fausses perceptions, il y a des distorsions de perception dont certaines personnes subiront les effets. Et la Commission ne prévoit évidemment rien là-dessus.

Mais là il y a une immense affaire qui m'est apparue la première fois lorsque j'ai lu le projet, mais qui m'apparaît de plus en plus clair lorsque je le lis et le relis, c'est qu'il n'y a rien dans tout ça, aucun dispositif de recours, aucun dispositif qui permet à une personne qui se sentirait injustement traitée par des fonctionnaires... peut-être pourrait-elle se plaindre au Protecteur du citoyen, mais enfin, elle va retomber dans le vieux marasme, le vieux méandre bureaucratique qu'on connaît à la Commission de protection des droits de la personne: ils vont lui donner une plainte, ça va prendre deux ans avant que la plainte ne soit traitée. On le sait, on lit les rapports annuels, comment fonctionnent les bureaucraties.

Donc, il n'y a rien là-dedans qui prévoit que, dans le cas d'un comportement incorrect de la part de l'administration ou de ses alliés – parce que, dans ce cas-là, c'est évident que les gens qui gèrent le processus de plainte sont à la fois des fonctionnaires et des gens qui sont des activistes de la langue ou le bon monde, les bonnes gens, comme la ministre et moi, qui ont le souci de l'application de la Charte – pour faire en sorte que les gens qui ont été malencontreusement ou injustement traités puissent profiter des recours à une justice naturelle.

Moi, si je n'en avais pas vu de ça, je dirais que je suis en train de m'exalter. Le député, dont je ne me rappelle pas exactement le comté, mais ça va me revenir tantôt, m'accusait la dernière fois de délirer.

M. Boulerice: Non, c'est un diagnostic.

M. Laporte: Ce n'est pas le cas, ici. Ce n'est pas du délire, c'est une évaluation de la situation qui est basée sur une expérience. J'en ai vu, de ces gens-là, chez qui je suis allé pour vérifier si une dérogation était bien réelle et je les ai trouvés marqués. Il n'y a rien de pire qu'une personne qui s'est évertuée à se conformer et à qui on apprend qu'elle est en dérogation, que c'est une déviante, pour s'apercevoir après quelques temps que, finalement, c'est une accusation, c'est une attribution de déviance ou de déviation qui a été faussement portée ou faussement attribuée. Je le répète: ici, ce qui est en question, ce n'est pas seulement une affaire d'efficacité; c'est que, dans l'esprit de ce dispositif légal qu'on est en train de construire, tout est axé sur la surveillance, la correction et la conformité.

Il n'y a rien qui est prévu de la part des citoyens qui, pour une raison ou pour une autre, feraient l'objet d'un comportement malencontreux, soit de la part de l'administration, soit de la part des alliés de l'administration, qui seraient dans ce cas-là les gens qui porteraient des plaintes, ou de leurs concitoyens en général. Je ne veux pas répéter ça, c'est ce que j'ai dit. Mais, ça me répugne parce que ça va à l'encontre de la vision de société que je me fais.

Donc, ça, c'est une des raisons pour lesquelles cet article-là me paraît critiquable.

«La Commission doit refuser d'agir lorsque la plainte est manifestement non fondée ou de mauvaise foi.» Ça, on s'entend. Si on pouvait le faire sans que ça paraisse, mais on ne peut pas le faire sans que ça paraisse. Il y a évidemment des gens qui vous écrivent des plaintes toutes croches ou qui font des plaintes parce que, je ne sais pas, c'est évident, dans le document qui vous est remis, que ce sont des gens qui hallucinent, comme on a dit précédemment à mon propos. Ça, on peut le savoir, mais, dans bien des cas, pour prendre une décision de validation, il faut aller sur place, il faut se présenter dans un magasin.

À part de ça, évidemment, on ne peut pas regarder ça isolément de l'ensemble du texte. Quand on reviendra à l'article de la loi qui met le paquet sur le contrôle, c'est-à-dire qui dit ce qu'il faut faire, prendre des photos, des affaires du genre, évidemment, là, il y a non seulement un effet de dégradation ou de détérioration de l'estime de soi du citoyen faussement accusé, mais il y a aussi le fait que ce citoyen peut aussi être pris en partie par un environnement qui est là et qui est pris à témoin de sa déviation, de sa déviance. Ça ne se fait pas sans quelque travail de visibilité sociale, ça, l'application des articles qu'on va voir ultérieurement.

Qu'est-ce qu'on peut faire pour changer ça? «Elle peut refuser d'agir si le plaignant dispose d'un recours approprié ou si elle est d'avis que les circonstances ne justifient pas son intervention.» C'est ça. Donc, si ça ne justifie pas son intervention, c'est qu'on s'est rendu, dans certains cas, sur place pour essayer de vérifier. Si, moi, je ne suis pas un criminel, qu'est-ce que j'en ai à foutre, de la police de la langue qui vient me voir sur les lieux? Parce que c'est ce dont on parle...

M. Boulerice: La police de la langue, là, on vous l'a déjà dit, ça suffit!

Le Président (M. Garon): À l'ordre!

M. Laporte: Foutez-moi la paix!

Le Président (M. Garon): À l'ordre!

M. Boulerice: Je vous emmerde.

Le Président (M. Garon): À l'ordre!

M. Laporte: M. le Président...

Le Président (M. Garon): Non, non, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, la parole est au député d'Outremont.

M. Boulerice: La police de la langue, on le connaît, là...

Le Président (M. Garon): Oui, mais vous le direz quand ça va être votre tour.

M. Boulerice: C'est l'utilisation fascisante des termes qu'ils ont.

Le Président (M. Garon): Votre tour va venir tout de suite après.

M. Boulerice: Ils vont l'avoir en plein dans le...

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, c'est à vous la parole.

M. Laporte: Écoutez, M. le Président, soyons calmes, n'est-ce pas, n'exagérons rien. Il s'agit d'un appareil de contrôle qui, on en revient...

M. Boulerice: Veux-tu du Valium?

Une voix: J'en ai déjà.

M. Boulerice: Je vais emprunter le sien, parce que je n'en ai pas pris ce matin.

M. Laporte: Alors, vous avez tort, il ne faut surtout pas se bourrer de Valium.

Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous plaît! On peut faire des débats sans s'exciter.

M. Laporte: Donc, je reviens là-dessus. Dans le contexte où j'en ai parlé – je n'ai pas à m'excuser – il y a des gens qui sont des bons citoyens, des citoyens au comportement correct, qui seront visités par des fonctionnaires et à qui on attribuera des comportements déviants, contre lesquels, éventuellement, des sanctions seront prévues. C'est évidemment un comportement de surveillance. C'est un comportement que je requalifie de comportement qui est de police, au sens où... Lisez le Dictionnaire étymologique du français , vous allez voir ce que «police» veut dire. Ça ne veut pas nécessairement dire «police» au sens de «policier», mais ça veut dire «policer». Et c'est ce qu'on veut faire: on veut policer le comportement des individus, le rapport des individus à la langue.

Je reviens sur le problème que j'ai mentionné tantôt: Qu'est-ce qui arrive au citoyen qui est touché dans le cas où le comportement de «poliçage» ou le comportement de police est un comportement fautif? On a beau nous affubler de toutes les étiquettes les plus négatives, il n'en reste pas moins que c'est bien ce dont il s'agit. Prenez votre dictionnaire, je l'ai regardé hier soir, et je pense qu'on peut se sentir justifié d'utiliser cette expression. Et, je le répète, le problème ce n'est pas de savoir le problème de dénomination des mots qu'on emploie; le problème, c'est celui de savoir comment, lorsqu'on est un esprit libéral – pas au sens de parti, mais au sens de principe – on peut se rallier à un projet qui ne prévoit rien dans le cas où des comportements désobligeants, des comportements qui affectent le sentiment d'estime de soi d'un citoyen sont posés et contre lesquels le citoyen ou la citoyenne en question n'a absolument aucune espèce de recours.

Alors, M. le Président, mon temps est écoulé, mais je répète que, sur un article comme celui-là, qui a l'air à toutes fins pratiques anodin... Je veux dire, si vous faites circuler ça dans les restaurants et que vous demandez au monde: Qu'est-ce que vous en pensez?, ils vont dire: Bien, écoutez... On peut faire un sondage là-dessus. Probablement que le sondage va vous dire que ça va. Mais on n'est pas ici pour examiner les choses en surface; on est ici pour examiner les choses en profondeur. Et, lorsqu'on les examine en profondeur, M. le Président, bien, on a la réaction que j'ai. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le député d'Outremont. Maintenant, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Je vous remercie. Le député «ultramontain» a parlé de police de la langue en essayant une esquive, M. le Président, en disant que «police» pouvait avoir plusieurs significations à l'intérieur d'un dictionnaire. Fort bien approprié, d'ailleurs, ce dictionnaire, il s'appelle Le Petit Robert . Tout le monde sait que Robert était petit.

(9 h 30)

Le mot «police» est utilisé dans le sens de véritable police. Il est utilisé d'ailleurs par la majorité des membres de sa formation et appuyé par une Gazette qui s'en fait la spécialité, sachant qu'étant un quotidien qui peut être lu au-delà des frontières à la fois du Québec et du Canada, en profite dans ses campagnes de salissage systématiques du Québec.

S'il y a une police de la langue, M. le Président, j'aimerais rappeler au député d'Outremont qu'il a été le «capot» de cette police, pour employer une expression allemande, puisqu'il a été président de l'Office de la langue française. Il était le chef de la police. Il était l'«Oberstung von dem Führer» de cette police. Alors, qu'a-t-il fait, M. le Président, durant qu'il était chef de cette Gestapo de la langue, lorsque, supposément, des plaintes ont été posées, non fondées, qui ont atténué le moi et l'ego d'honnêtes citoyens? A-t-il lui-même, de son propre chef, pris les mesures, de façon à ce que ces policiers zélotes... Lui, en tant que chef des zélotes, a-t-il pris des mesures, M. le Président, de façon à ce que ces zélotes soient poursuivis pour atteinte à l'intégrité morale, physique, philosophique, et tous les termes dont il veut bien nous abreuver, ce matin, à partir de sa pléthore de mots dans un désert d'idées?

Je veux bien convenir qu'il y a des pièces législatives qu'ils devront voter de façon à se départager du carcan dans lequel ils sont, puisqu'ils sont liés à un clientélisme très évident qui risque de leur faire perdre les seules circonscriptions où ils peuvent être élus dans une carte électorale du Québec. Donc, il a besoin d'avoir un baroud d'honneur, ce matin. Mais, M. le Président, est-ce qu'il pourrait être un petit peu plus honnête et arrêter de parler de ces choses et de donner des suggestions, ou des propositions, et dire qu'est-ce qui devrait être fait dans ces cas, alors que lui, lorsqu'il était chef des zélotes, il ne les a pas faites, ces choses?

Le Président (M. Garon): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je suis déjà intervenu il y a quelque temps, en Chambre, sur la question de la langue. Bien que je ne fasse pas partie, sur une base permanente, de la commission de la culture, ça ne démontre en rien l'intérêt que je peux avoir pour le français et le maintien de la langue française, chez nous, au Québec.

Toutefois... Et je voudrais juste rappeler au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qu'en médecine on avait une autre expression beaucoup plus imagée que de dire «une pléthore de mots dans un désert d'idées», mais je vais m'abstenir de la mentionner. Je pourrai la lui dire en privé, s'il le veut, pour le renseigner, l'informer.

Lorsque je lis l'article 169, vous allez comprendre...

Une voix: ...

M. Beaudet: Je vous le dirai en privé, monsieur...

M. Boulerice: Je n'ai pas peur de tout ce qui est public, cher collègue.

M. Beaudet: Non, non, ce n'est pas ça. C'est...

Le Président (M. Garon): La parole est au député d'Argenteuil, s'il vous plaît.

M. Beaudet: Lorsque je lis l'article 169, on parle bien d'une commission qui va écouter, «agir si le plaignant dispose d'un recours approprié». Et, n'en déplaise au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, M. le Président, ça me fait vraiment l'impression que c'est comme un policier qui a arrêté quelqu'un, puis il regarde si la plainte est justifiée ou pas et il utilise son jugement afin de se prononcer. Là ce sera un inspecteur, qu'on l'appelle inspecteur ou un délégué ou un commissaire. Il n'en restera pas moins qu'il y aura une évaluation qui sera faite sur une situation, situation qui aura fait, évidemment, l'effet d'une plainte par une personne ou une personne morale, puisque, nécessairement, on ne saura pas qui l'aura fait.

Mais il y a un élément important que le député de Drummond a soulevé et que... Si la plainte est non fondée, qui devra assumer le préjudice qui a été porté à la personne morale ou à la personne qui aura subi les contrecoups de cette démarche? La publicité qui s'y rattache, on sait très bien que ces éléments-là sont publicisés à outrance. Pour toutes sortes de raisons, le débat de la langue est politisé et est très publicisé au Québec, et c'est peut-être malheureux. Au lieu de l'avoir politisé, on aurait dû favoriser l'acquisition d'une langue seconde par la grande, grande majorité de la population. Au lieu de regarder ça comme un élément d'investigation et de recherche à porter des plaintes, on aurait dû regarder cet élément comme une richesse sur laquelle on aurait pu bâtir. Et je trouve ça malheureux.

Par ailleurs, qui va devoir assumer les préjudices qui auront été portés à cette personne ou à cette personne morale? Qui devra assumer les pertes, que ce soient des pertes humaines dans le sens de conflits qui peuvent être générés dans des familles, les pertes financières dans un commerce qui aura pu être affecté d'une façon plus ou moins importante, selon la publicité qui lui aura été prêtée durant le cours des événements? Qui devra subir et assumer les frais pour assurer la défense de l'individu ou de la personne morale? Tous ces éléments-là, M. le Président, ça me rappelle clairement un élément de justice et de police. Je comprends l'irritation du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques lorsqu'on lui parle de police. S'il a un meilleur terme, on serait prêt à l'entendre, à l'écouter et à le soupeser avec lui.

Par ailleurs, lorsqu'on surveille des gens et qu'on peut en arriver avec une pénalité devant une plainte et des recours, bien, moi, j'attribue ça à un élément de surveillance. Puis, une surveillance, on appelle ça des polices de quartier. Puis personne ne s'irrite du fait qu'on parle d'une police de quartier. Puis, tout d'un coup, parce qu'on parle de la police de la langue, le député fait des hauts cris et s'ébat partout pour dire que c'est effrayant, ce que l'opposition peut dire avec ses idées fascistes. Je n'ai jamais eu aucune idée fasciste, M. le Président, et loin de moi ces idées, bien au contraire.

Au lieu de m'attarder et de miser sur une police de la langue ou un élément de contrôle dans la situation de la langue et du français au Québec, j'aurais de beaucoup préféré que l'on mise sur la richesse des deux grandes communautés qui assistent et participent au développement du Québec, la communauté anglophone et la communauté francophone, d'avoir la richesse d'avoir deux langues, peut-être trois ou quatre, même, si c'était possible. Au lieu de s'attarder à perdre un temps fou, comme on le fait en commission parlementaire, comme on le fait en Chambre, des investissements qui sont invraisemblables et qui sont perdus, au lieu de miser sur cette richesse que nous avons, nous, au Québec, d'avoir une communauté de personnes qui ont cette capacité d'utiliser indifféremment les deux langues ou, en tout cas, de se débrouiller relativement facilement dans les deux langues, au lieu de miser sur cette richesse inusitée, on se tiraille, on se tire dans le pied à tour de bras, tous les jours, pour essayer de détruire une richesse collective, au fond.

On l'a vu récemment, il y a des compagnies qui se sont amenées au Québec justement à cause de cette richesse que l'on a, M. le Président, c'est-à-dire le bilinguisme. On parle l'anglais, on parle le français et, pour ceux qui fréquentent Montréal régulièrement, ils le savent très bien, les gens passent indifféremment de l'une à l'autre, sans problème.

(9 h 40)

Mme Beaudoin: Comme Jean Chrétien.

M. Beaudet: On pourrait parler de Jean Chrétien, c'est déjà mieux que plusieurs...

Mme Beaudoin: Aucune langue connue, monsieur.

M. Beaudet: ...Japonais qui ne peuvent parler en anglais. Mme la ministre fait de la personnalité, M. le Président.

Le Président (M. Garon): C'est à vous la parole.

M. Beaudet: Je comprends, mais elle la prend quand même. Mais elle sait combien je l'estime. Alors, elle sait que je vais la laisser faire parce que j'ai tellement de respect pour elle. C'est pour ça que je voudrais qu'elle nous écoute puis qu'elle finisse par entendre les cris qu'on lui transmet de nous écouter pour essayer d'enlever cet irritant si important pour nous, parce qu'on considère que cet élément de contrôle n'a pas sa raison d'être dans un endroit, ou dans une province, ou dans une région, ou dans un État où on devrait considérer cet élément-là comme une richesse plutôt que comme un élément de surveillance. Au lieu de surveiller si c'est plus gros en anglais qu'en français, ou plus petit, ou je ne sais quoi, M. le Président, on serait bien mieux de miser là-dessus puis d'essayer de transmettre à nos enfants ces grandes valeurs et cette grande richesse de parler deux puis trois langues, de s'attarder là-dessus et de mettre tout l'argent là-dessus plutôt que le mettre à essayer de surveiller la grandeur des lettres pour savoir si l'affichage est correct.

Il me semble que le rôle que cette commission va devoir jouer, pour moi en tout cas, et je ne partage pas les idées, il va sans dire, du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, pour moi, ça s'apparente à une police ou à des éléments de contrôle. Quand on regarde des éléments de vision autoritaire, pour moi, ça devient une police. Je me souviens, quand on était jeunes, les enfants, entre nous, on disait: Ah bien, regarde, elle, elle se comporte comme une police, elle ne le laisse pas sortir, son petit pit. Pourtant, ce n'était pas une police, c'était juste une mère de famille qui jouait son rôle, sauf que le comportement qu'elle manifestait s'apparentait à celui d'une police.

Alors, ce que nous nous apprêtons à essayer de mettre en place, ça s'apparente à une police, M. le Président, parce que tout est réglementé de sorte que ce sont les mêmes règles. Il va y avoir des tribunaux... pas des tribunaux mais des gens qui vont juger. Ils vont porter un jugement sur une situation, sur une plainte donnée, puis on va même avertir les gens s'ils ont des recours. Bien là, où est-ce qu'on est, si on n'est pas en cour? Puis qu'est-ce qui nous amène en cour, M. le Président, si ce n'est pas une police? Et ça, pour moi, c'est négatif dans le projet de loi, entre autres; il y a bien d'autres éléments qui sont négatifs. Je pense que, devant cette situation-là, vous allez comprendre qu'on s'objecte clairement à ce que ça puisse se dérouler de la sorte.

Le député d'Outremont a longuement fait part de l'évaluation d'une plainte et comment les gens contre qui la plainte aura été déposée devront se débattre. Mais, moi, j'en suis, M. le Président, beaucoup plus... Ça aussi, c'est un élément important. Mais les préjudices qui auront été apportés à ces gens-là, comment va-t-on les corriger une fois que le commerce, à cause de cette fausse plainte ou d'une plainte non fondée qui a été rejetée... Comment va-t-on les rembourser des dommages encourus, du commerce fermé parce qu'il n'a pu supporter les frais, parce que les gens l'ont abandonné, parce qu'il y a une plainte non fondée qui a été portée? Comment la Commission va-t-elle voir à corriger les méfaits et les entraves, les difficultés qui auront été causés soit à des personnes, soit à des personnes morales, reliés ou rattachés au fait qu'une plainte a été faite?

On connaît très bien des situations où les gens qui font des plaintes ne le font pas toujours pour des raisons justifiant la plainte, mais souvent pour des raisons personnelles, des conflits de personnalité, des difficultés entre individus. Pour eux, la Commission deviendra un moyen de vengeance. Ça, je peux dire, M. le Président, que cette situation-là va devoir prêter à des jugements – il y aura des individus qui devront porter des jugements – et la ministre, sachant le respect que j'ai pour elle... je m'inquiète très peu du comportement des gens tant et aussi longtemps que Mme la ministre sera présente.

Mais, quand on est dans un milieu politique, M. le Président, dont les lois ne sont pas le propre d'un ministre, d'un individu ou d'une ministre, on sait très bien que le moment venu, le changement de ministre, le changement de comportement, le changement de maturité, de jugement et de sérénité devant des situations difficiles – ça va être des situations conflictuelles – peut amener des individus à avoir des comportements bien différents.

Alors, moi, je serais enclin à donner à la ministre un certain jeu, connaissant sa sagesse et son jugement, mais rien ne me dit que le futur ministre de la Culture ou la future ministre de la Culture aura la même sagesse, aura la même pondération et...

Une voix: Le député d'Outremont?

M. Beaudet: Bien, on verra. D'ailleurs, il...

M. Laporte: ...une fois. Je l'ai fait une fois, je le ferai deux fois.

M. Beaudet: On voit bien, M. le Président, qu'ils anticipent déjà.

Mme Beaudoin: En 2015.

M. Beaudet: En 2015, Mme la ministre, malheureusement, ni vous, ni moi, ni le député d'Outremont ne serons là. Mais j'espère qu'elle comprend ce que je veux lui transmettre comme message. Elle a une sagesse et une pondération que le futur ministre n'aura peut-être pas. Mais la loi sera quand même passée.

Une voix: C'est ce qu'on se disait quand Bourassa était au pouvoir.

M. Beaudet: Malheureusement, vous auriez dû nous laisser là plus longtemps. Au mois, on n'aurait pas réintégré le problème de la langue qui allait si bien.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Argenteuil, c'est à vous la parole.

M. Beaudet: J'ai de la difficulté à parler, M. le Président, parce que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques... Et le député de Taschereau maintenant qui s'en mêle. Je vais avoir un problème.

Le Président (M. Garon): J'ai compris, d'après ce qu'a dit le député d'Outremont tout à l'heure, que le célibat rend nerveux.

M. Beaudet: Le célibat rend nerveux? Vous avez parfaitement raison. Mais il y a des solutions à ça, M. le Président.

Vous comprendrez qu'une fois que la loi est passée on ne connaît pas le ministre qui en fera l'application éventuellement. Ça me rend d'autant plus sensible et inquiet de voir que, dans l'article 169, on va donner des pouvoirs si importants à cette – entre guillemets, pour faire plaisir au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques – police. Je le mets entre guillemets, M. le député. Ça me rend d'autant plus inquiet que je ne connais pas le successeur de la ministre.

Lorsque je regarde ces éléments, je me sens malheureux de voir qu'on va dépenser autant d'argent, autant d'efforts, autant de temps à essayer d'aller grenouiller, d'aller grafigner, d'aller chercher des éléments plutôt que de bâtir sur la richesse que nous avons au Québec d'avoir une société qui s'est développée et qui a cette capacité de s'exprimer dans deux langues.

(9 h 50)

Je lisais, tout récemment, M. le Président, qu'il y a des compagnies qui viennent justement s'implanter à Montréal à cause de leur facilité à recruter des employés qui sont bilingues. Alors, au lieu de perdre tout ce temps-là, tout cet argent-là à débattre d'une pseudopolice de la langue et de contrôle et de recours, pourquoi on n'investit pas tout cela à développer chez nos enfants, nos jeunes, le goût, la joie, le plaisir de parler un bon français, d'écrire un bon français, de lire ce qui est riche en français, plutôt que de s'attarder à des banalités comme on le voit aujourd'hui, chez nos jeunes?

Lorsqu'on les entend parler le français, M. le Président, des fois c'est à peine si le poil ne nous hérisse pas. Alors, on regarde ça, puis on se dit: Mais ça ne se peut pas. Puis, nous, pendant ce temps-là, on investit dans des éléments qui n'ont pas d'allure, au lieu d'investir dans l'éducation, la formation de nos jeunes, leur montrer le bon français. Quand on leur aura montré le bon français, on n'aura pas besoin de police de la langue, M. le Président. On n'aura pas besoin de police de la langue. Quand on aura montré, dans les écoles anglophones, comment bien s'exprimer en français, puis que les francophones auront aussi la fierté de leur langue, de leur culture, on n'aura pas besoin de police de la langue.

Comment peut-on, à l'aide d'un corps de surveillance, imposer à quelqu'un de bien parler sa langue, de lire ce qui est important dans sa langue? Comment peut-on lui imposer ça? Parce qu'on veut faire une police de la langue. Depuis quand on va forcer quelqu'un à parler la langue comme du monde, comme il faut, parce qu'on a mis une police? Qu'on investisse dans la formation et dans l'éducation...

Une voix: Ça prend du temps...

M. Beaudet: Je le sais que ça prend du temps, M. le Président. Il faut être patient, lorsqu'on investit dans l'éducation. Il faut être patient. Ça prend une génération, deux générations avant de bénéficier du coût. Mais c'est ça, M. le Président. C'est là qu'on devrait investir, plutôt que dans une commission qui va avoir des pouvoirs judiciaires et qui va transmettre aux gens des éléments de savoir s'ils ont des recours ou s'ils n'en ont pas, de recours, puis de quels recours ils disposent.

M. le Président, moi, lorsque j'écoute ça puis que je vois ça, je ne peux pas faire autrement que d'être attristé de voir le temps, l'argent et tout ce qu'on dépense, alors qu'on pourrait l'investir si bien dans un autre domaine qui retouche beaucoup plus intimement la richesse de notre langue, la fierté de notre langue. Puis ça ferait disparaître tous les conflits qu'on peut vivre aujourd'hui et pour lesquels le gouvernement ou le parti ministériel se sent obligé d'aller mettre une police, pensant que c'est la police qui va forcer les gens à parler le français, mais surtout, M. le Président, à bien le parler. Et ça, je peux vous dire, M. le Président, je ne crois pas que c'est l'article 169 qui va contribuer à améliorer le français au Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Vos propos me rappellent les paroles du premier ministre des Affaires culturelles du Québec. Alors qu'on lui disait que les Québécois ne parlaient pas très bien le français, qu'ils faisaient des fautes, il avait eu une réponse que j'avais trouvée extraordinaire, il avait dit: Quand un bouclier est allé à la bataille pendant 300 ans, il n'est pas anormal qu'il porte quelques marques des batailles qu'il a livrées.

Une voix: Ah! c'est un libéral qui a dit ça.

Le Président (M. Garon): J'avais trouvé ça...

Une voix: C'est un libéral qui a dit ça.

Une voix: Dans le sens...

Le Président (M. Garon): Alors, la parole est au député de Vachon.

M. Beaudet: M. le Président...

Le Président (M. Garon): Non, mais ce n'était pas un propos partisan. C'était un propos...

M. Beaudet: Non, non, pas partisan.

Le Président (M. Garon): Ce n'était pas un propos...

M. Beaudet: Ce n'est pas parce qu'on a des vieux souliers qu'il ne faut pas les polir.

Le Président (M. Garon): On est souvent plus confortables dans nos vieux souliers.

M. Beaudet: C'est vrai. Bien, ils sont propres quand même.

M. Laporte: M. le Président...

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Laporte: ...vous pouvez commenter les propos de mon collègue d'Argenteuil sur la qualité de la langue de nos concitoyens, mais en même temps vous pourriez peut-être commenter le snobisme d'en face touchant la qualité de la langue du premier ministre du Canada, n'est-ce pas?

Le Président (M. Garon): Ah! moi, je ne...

Mme Beaudoin: Du snobisme? Je ne trouve pas que c'est du snobisme. Je suis...

M. Laporte: Quand on dit que...

Une voix: C'est la risée mondiale...

M. Laporte: Quand on dit que ce monsieur, M. le Président, ne parle aucune langue, vraiment, il faut...

Mme Beaudoin: M. le Président, c'est intéressant parce que...

M. Laporte: ...il ne faut pas en faire...

Mme Beaudoin: ...Lysianne Gagnon, dans La Presse , a fait justement un article...

M. Laporte: Vous tombez dans...

Mme Beaudoin: ...non pas sur le français du premier ministre du Canada, mais sur son anglais, à Washington. Elle a fait des remarques très pertinentes. Elle l'a repris, M. le Président, en expliquant, elle, francophone, Lysianne Gagnon, parfaitement bilingue, par ailleurs, en disant qu'il parlait un anglais impossible. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Lysianne Gagnon...

Une voix: ...de fond de cour.

Mme Beaudoin: ...et elle l'a repris. Elle a donné des exemples précis sur des grosses fautes, disait-elle, des grosses fautes qu'on apprend en troisième année, à l'école anglaise.

M. Laporte: Bon, M. le Président, mes propos...

Le Président (M. Garon): Je pense...

Mme Beaudoin: Ce n'est pas du snobisme, c'est un constat.

M. Laporte: Mes propos n'apportent...

M. Beaudet: ...prendre le plus bas dénominateur commun pour juger de notre langue.

M. Payne: Est-ce que j'ai la parole, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député de Vachon...

M. Boulerice: Il vient de l'avouer: M. Chrétien est le plus bas dénominateur commun pour juger de notre langue.

M. Beaudet: Je n'ai rien avoué. Tout ce que je dis, c'est que, lorsqu'on veut évaluer notre langue, M. le Président, on ne prend pas le plus bas dénominateur commun. Malheureusement, au Québec, c'est ce qu'on utilise.

M. Boulerice: Bien, bravo de nous avoir donné raison. M. Chrétien est le plus bas dominateur commun.

M. Beaudet: Je n'ai pas parlé de M. Chrétien.

Le Président (M. Garon): Alors là, la parole est au député de Vachon. Je n'aurais peut-être pas dû rappeler les paroles de M. Lapalme.

M. Boulerice: Commun. D'ailleurs, il est à la Chambre des communes.

Le Président (M. Garon): Alors, la parole est au député de Vachon qui semble...

M. Payne: Thank you very much, M. President.

Le Président (M. Garon): ...vouloir prendre la parole avec beaucoup de vigueur.

M. Payne: After we have been listening to at least an hour of mambo jumbo from two Members of the Opposition, one Member for Argenteuil and the other one for Outremont, I thing it would important to make the point perhaps in English because I think that probably some of the remarks were addressed more to an Anglo community when he talked about the police. Because, in fact, that is the way in which the Opposition tries to degenerate the debate on language. When they talk about police, a language police, I would like to ask the Member for Argenteuil: What does a language police look like? Have you seen one?

S'agit-il d'un objet non identifié quelque part? Is this a non identified flying object from another space? What does he wear? Est-ce que vous avez vu, est-ce que vous avez cerné la couleur de ses yeux? Est-ce que ça porte un casque, une mitraillette peut-être, des bottes? Because, you know, frankly, I don't recognise this policeman.

M. Laporte: ...imaginaire, M. le Président, toujours dans le domaine de l'imaginaire.

M. Boulerice: Vous en abusez toujours. Alors, laissez-le...

M. Laporte: Ces gens ne font qu'imaginer les choses.

M. Payne: I can see that...

M. Laporte: Le député de Vachon est un ovni. Alors...

Le Président (M. Garon): Laissez le député nous faire part de sa pensée.

M. Payne: I can see that my comments make the Opposition pretty nervous, especially the Member for Outremont, because I have to insist that I have...

Une voix: ...

M. Payne: I am sorry? And I can see that the fourth Member is getting upset too. But let me repeat. Perhaps the Member for Jacques-Cartier would like to explain to us what a police of the language looks like. Does he wear boots? Does he wear a uniform? And perhaps the Member for Jacques-Cartier would like to look at a bill which was adopted by his government, la Loi sur la protection du consommateur, et je le lis: «Le président peut, dans l'exercice de ses fonctions, pénétrer – pénétrer, j'ai dit – à toute heure raisonnable, dans l'établissement d'un commerçant, d'un manufacturier ou d'un publicitaire ou en faire l'inspection, notamment faire l'examen des registres, livres, comptes, pièces justificatives et autres documents et celui des biens mis en vente ou vendus et le prélèvement d'échantillons aux fins d'expertise.» And it goes on. This is your bill, adopted by your bill.

M. Laporte: Je le sais bien.

Une voix: On ne s'en cache pas.

M. Payne: He is your policeman. Mais le député de Jacques-Cartier, est-ce qu'il ne parle jamais, dans la Gazette , de la police, the consumer police? Does he ever speak about the consumer police?

M. Kelley: M. le Président, question de règlement. Je pense que le député de Vachon doit s'adresser...

M. Payne: Quel règlement?

M. Kelley: ...au président.

Le Président (M. Garon): Vous avez entièrement raison, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais demander au député de Vachon de s'adresser au président.

M. Payne: M. le Président, est-ce que le député de Jacques-Cartier peut nous expliquer c'est quoi, a consumer police? Est-ce qu'il pourrait faire ça, pensez-vous, sérieusement? Est-ce que le député d'Argentine peut nous expliquer... d'Argenteuil...

M. Beaudet: My next line would be Spanish?

M. Payne: Can the Member for Argenteuil explain this piece of legislation from Ottawa, chapter C-38 from Ottawa, M. le Président? Est-ce qu'il peut nous expliquer comment il se fait que le gouvernement d'Ottawa, et je le cite: «Le ministre peut effectuer des recherches s'il a des motifs raisonnables – c'est Ottawa qui parle, c'est la législation d'Ottawa – de croire qu'il s'y trouve un produit pré-emballé – on parle de l'emballage, un peu sommaire, la question de la langue...

Une voix: Ils se sont emballés.

(10 heures)

M. Payne: ...un produit pré-emballé appartenant à un fournisseur et que cela est nécessaire pour faire observer la présente loi.» L'inspecteur d'Ottawa, votre police d'Ottawa, à toute heure convenable – c'est un peu une nuance – peut pénétrer dans les locaux d'un fournisseur ou en tout autre lieu. Il peut ensuite, avec des motifs raisonnables d'agir ainsi: a) y examiner tout produit préemballé; b) y ouvrir et examiner, et ça continue; c) y examiner tout document, notamment livres, rapports, registres, bordereaux d'expédition, lettres de voiture et connaissements, et ainsi de suite, et ça continue. Is this the police, Mr. Speaker? Is this the consumer police? Same thing?

Une voix: On va répondre à ça.

M. Payne: I can understand the member for Outremont. I can see the members...

M. Laporte: M. le Président, nous aurons réponse à cette fausse argumentation.

Une voix: Toi, tais-toi.

Le Président (M. Garon): Chacun son tour, là, si on veut... Montrons que la démocratie a évolué et que chacun peut parler à son tour.

M. Payne: Have you noticed, Mr. Speaker, how the opposition is extremely nervous this morning when we talk about consumer protection?

Une voix: ...est maintenant le président de la Chambre.

Le Président (M. Garon): Je n'ai aucune ambition de cette nature.

M. Payne: C'est ça, M. le Président, je m'adresse à vous, et le député de Jacques-Cartier est très nerveux. Il n'est pas capable de laisser quelqu'un prendre la parole.

Le Président (M. Garon): ...mais vous ne me regardez pas.

M. Payne: Mais on se souvient très bien que le député d'Outremont était lui-même président...

M. Laporte: Nous répondrons à ça, M. le Président.

M. Payne: ...de la soi-disant police et qu'il était président de la Commission de protection de la langue française. Et, pendant deux ans de temps, si je me souviens bien...

M. Laporte: Une année, M. le Président. Une année.

M. Payne: ...il n'avait pas d'intérêt à remettre sa démission. Il était tout à fait content de présider sur une législation qui avait pour but d'avoir précisément les mêmes dispositions...

M. Laporte: ...l'abolition de la police de la langue.

M. Payne: On n'a jamais entendu parler le président, en ce moment, le député d'Outremont... On ne l'a jamais entendu dire qu'il voulait l'abolir avant que le ministre ne lui en parle.

M. Laporte: Comment le sait-il, M. le Président, que le ministre m'en a parlé avant que je ne lui en parle? Comment le sait-il?

M. Payne: C'est mon tour.

Le Président (M. Garon): En attendant, c'est le tour du député de Vachon.

M. Laporte: C'est le service d'espionnage?

M. Payne: M. le Président, il y a eu une très longue pause après que j'eus posé la question par votre entremise au député d'Outremont. Une très longue pause. J'espère bien qu'il va revenir répondre lorsque ça arrivera à son temps.

M. Laporte: Oui, oui.

M. Payne: J'espère. Tantôt.

Une voix: Je peux lui donner le mien.

Le Président (M. Garon): On ne peut pas donner son temps à d'autres.

M. Payne: M. le Président, le député d'Outremont, il dit que le chemin est parsemé de zélotes.

Une voix: ...

M. Payne: Non, non. Il citait le député d'Outremont.

Une voix: Moi, j'ai entendu...

M. Payne: Quelle extraordinaire confiance dans les Québécois qui ont la capacité, selon la loi, de se protéger. La Loi sur la protection du consommateur. On vient de citer d'autres législations d'Ottawa, mais, lorsque ça arrive à la langue, les Québécois, ah non, il ne fait pas confiance aux Québécois. Ou est-ce qu'il s'adressait aux Anglo-Québécois? Est-ce que c'était bien ça? Et c'était bien ça, mon hypothèse il y a quelques minutes que, lorsqu'il parle de la police de la langue, lorsqu'il parle des zélotes, c'était pour une audience qui, peut-être, est plutôt ma propre communauté.

Where we have a captive audience where people will listen to that kind of mumbo jumbo, which is so far from the reality. Et ils le savent fort bien. Lorsqu'on voit, M. le Président, leur réaction ce matin... Nous avons entendu de la part du député d'Argenteuil une défense, une apologie absolument extraordinaire pour le bilinguisme. Si on prend le procès-verbal de ce matin, M. le Président, on pourrait se retrouver dans le Journal des débats de 1970. Et je ne blague pas. On voit une nette dégradation, un net mépris progressif pour la protection de la langue française chez l'opposition, à mon avis, depuis quelques années et surtout depuis un an. Never, never, never, in the last few years, even when you were in the government, did you speak about the language police when the member of Outremont was president of that particular commission. Never. Because you had a bit of respect for institutions. M. le Président, c'est mensonger que l'opposition, l'un après l'autre... Et c'est épouvantable qu'ils s'adressent à la police de la langue.

M. Beaudet: M. le Président, on nous prête des propos mensongers, et je ne pense pas qu'on puisse nous accuser de telles choses ici, en Chambre et je pense qu'il devrait retirer ses paroles.

Le Président (M. Garon): Je ne le pense pas non plus. Alors, vous devriez retirer vos paroles, parce qu'on ne peut pas, M. le député de Vachon...

M. Payne: Oui, je retire tout ce qui pouvait être blessant...

M. Beaudet: Retirez ce que vous dites, et ça va être correct. Ha, ha, ha!

M. Payne: ...mais la vérité, je voudrais insister là-dessus, c'est que je crois que c'est parce que c'est tout à fait fallacieux de continuer avec les mêmes intentions qui font... J'exprime le fond de ma pensée.

M. Gaulin: M. le Président, point de règlement.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Point de règlement. Est-ce qu'on peut écouter le député de Vachon qui parle en fonction des règlements qui sont les nôtres? On a l'air d'être dans un poulailler, ici, ce matin. Ça suffit.

Le Président (M. Garon): Je suis d'accord avec vous, mais l'Évangile dit: Qui triomphera par l'épée périra par l'épée. Alors, ça a commencé des deux côtés. Les premiers échanges de cette nature n'ont pas commencé du bord de l'opposition. Je suis d'accord avec vous que celui qui a la parole doit l'avoir, mais disons que c'est égal, là, que les gens l'ont prise des deux côtés quand ce n'était pas leur tour de parole. Alors, maintenant...

M. Gaulin: Ils nous rattrapent depuis longtemps, M. le Président.

Le Président (M. Garon): ...je disais que la parole est au député de Vachon, puis laissons donc parler le député de Vachon. Mais laissons aussi parler le député d'Outremont même si on n'est pas d'accord avec lui.

M. Beaudet: M. le Président, pour information.

M. Gaulin: Quand il aura la parole.

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Si je peux informer le député de Vachon, «fallacieux», c'est d'être fourbe, hypocrite, mensonger, et on ne peut faire indirectement ce qu'on ne peut faire directement. Et, lorsqu'il enlève le mot «mensonge» puis qu'il dit qu'on est fallacieux, ce n'est pas mieux, et je ne peux pas accepter qu'on fasse indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. S'il ne sait pas le français, il est peut-être temps qu'il l'apprenne.

M. Gaulin: Il faudrait voir les sens du mot, M. le Président.

M. Payne: So what we can see, Mr. Speaker, is obviously that...

Le Président (M. Garon): Bien, moi, je n'ai pas pris le mot «fallacieux» dans ce sens-là.

M. Payne: M. le Président, depuis que j'ai pris la parole, j'ai été interrompu au moins une vingtaine de fois. Si je pouvais avoir quelques minutes pour terminer, j'apprécierais. Et chacun des députés de l'opposition qui, de toute évidence, sont dérangés par mes propos, je voudrais bien que vous puissiez les rappeler, eux, à l'ordre.

Le Président (M. Garon): C'est-à-dire que, voyez-vous, l'article 36 de notre règlement, quand on parle de valoriser le rôle des députés, c'est: «Aucun député ne peut interrompre celui qui a la parole, sauf pour faire un rappel au règlement, signaler le défaut de quorum ou attirer l'attention sur une violation de droit et de privilège.» Alors, je pense que, ce matin, ça a mal commencé à ce point de vue là, et moi, je pense qu'on peut diverger d'opinion sans s'insurger contre l'opinion de l'autre, parce qu'on peut penser le contraire de quelqu'un d'autre en étant aussi sincère que quelqu'un d'autre. Alors, je pense que la sincérité n'a pas de monopole et que, dans un système démocratique, les gens peuvent s'exprimer librement sans qu'on intervienne, parce que c'est ça, un système démocratique. Alors, moi, je pense que, si on interrompt constamment les députés de part et d'autre, c'est un signe d'intolérance qui ne va pas dans le sens de la démocratie. Laissons parler chacun des députés parce qu'on a tous, chacun, d'un côté ou de l'autre, le droit de parole. Alors, depuis le matin, moi, je trouve qu'il y a eu trop d'interférence avec le député qui avait la parole.

M. Payne: Alors, ça va?

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Mais adressez-vous toujours au président. Ça provoque moins.

M. Payne: Oui, constamment, M. le Président. En conclusion, quitte à énerver davantage l'opposition, je voudrais leur rappeler la Loi sur la protection du consommateur, adoptée par eux, où j'ai cité à l'instant toutes sortes d'exemples, où on parle du pouvoir du président, le pouvoir de pénétrer à toute heure dans la journée, la nuit dans l'établissement d'un commerçant, d'un manufacturier ou d'un publicitaire, et on fait l'inspection... Notamment, on pourrait faire l'examen des registres, livres, comptes, pièces justificatives et ainsi de suite. Je parlais d'Ottawa, de leur propre loi qui, mot pour mot, reprend l'utilisation du législateur québécois, et ça, à travers les années. Donc, je fais appel, dans mon plaidoyer, à un certain sens de modération de la part de l'opposition avant qu'elle porte un jugement contre le gouvernement.

Et, deuxièmement, même si ce n'est pas ma langue maternelle, ça m'étonne que le député d'Outremont indique que le chemin est parsemé de zélotes. Pas plus que je crois que la police de la langue représente vraiment la police, comme ils voudraient nous le faire croire. Ils sont plutôt des inspecteurs. Je disais plus tôt que, pour moi, ils sont «an unidentified flying object» qui n'existe pas, sauf dans l'imagination de l'opposition et je pense que le manque de fermeté de la part de l'opposition en matière de langue française est très évident.

Et, finalement, je fais un petit exposé sur l'ambiguïté, la contradiction et certainement le manque de cohésion dans l'idéologie, la philosophie du Parti libéral, lorsque nous avons dans l'opposition le député d'Outremont, qui a été pendant presque deux ans président de la Commission de protection de la langue française et que, pendant tout ce moment-là, avant que le ministre en question lève sa voix pour l'abolir, lui-même n'a rien dit sur la place publique mais a décidé de rester en place, sanctionnant par sa seule présence le maintien de cette loi-là. C'est ça, à mon avis, qui est de l'hypocrisie, M. le Président. Merci.

(10 h 10)

M. Laporte: Encore là, M. le Président, je m'objecte...

M. Kelley: Question de règlement, M. le Président.

M. Laporte: ...qu'on me...

M. Kelley: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui. Je dois dire que le mot «hypocrisie» n'est pas un terme parlementaire selon une décision du 3 mai 1995 de M. le député de Gaspé, M. Guy Lelièvre. Alors, vous devriez...

M. Kelley: Retirer ces paroles.

Le Président (M. Garon): ...retirer ce mot «hypocrisie» parce qu'il y a déjà eu une décision dans ce sens-là.

M. Boulerice: On va aller pour une vision tronquée.

Une voix: Non. Il est occupé à lire ses messages. C'est plus important, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député de Vachon, si vous voulez retirer le mot «hypocrisie» pour qu'on revienne à des...

M. Payne: J'aurais dû utiliser le mot «subterfuge» ou quelque chose de semblable, mais, je m'excuse, je cherchais mes mots. Mais, pour moi, c'était le mot qui représentait le mieux ma pensée. Alors, je le retire si ça blessait. Mais ma pensée, je ne peux pas changer ça. Je ne peux pas réprimer mes pensées plus que ça.

Une voix: Je retire mes paroles.

Le Président (M. Garon): Bon. Est-ce qu'il y a quelqu'un de l'opposition qui a demandé la parole? M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Dans l'intervention précédente du député de Vachon, on a fait référence à la loi sur l'Office de la protection du consommateur, un office, je veux dire en passant, dont ce gouvernement vient d'amputer les crédits encore une fois pour 85 % de son budget. Alors, ça démontre un certain désengagement de ce gouvernement envers la protection du consommateur.

Une voix: 45 %.

M. Kelley: 45 %. En tout cas. Mais il faut rappeler – et c'est le thème que j'ai abordé depuis le commencement de cette commission – qu'on revient toujours à la question du besoin, et, pour un Office de la protection du consommateur, il faut regarder les choses contre lesquelles il faut protéger le consommateur, entre autres la fraude. Ça, c'est sérieux. C'est quelque chose qui arrive à tous les jours, les personnes qui vont voir comme proies les personnes âgées et peut-être les personnes peu familières avec nos lois. On peut aller même aux grandes compagnies et à des grandes entreprises comme Bre-X, et tout ça pour montrer effectivement, M. le Président, qu'on a toujours besoin d'être vigilant pour la protection de nos consommateurs, parce qu'il y a toujours le monde...

Même dans mon comté, hier, il y a des personnes qui ont sollicité – plusieurs personnes ont appelé à mon bureau – pour une charité non existante. Alors, ça arrive à tous les jours, et on a tout intérêt comme société et on a grand besoin de protéger le consommateur contre la fraude. Et les personnes qui arrivent à acheter un terrain en Floride, c'est un truc si vieux que les découvertes et la plage en Floride dans les années vingt, les grandes causes qui ont été faites pour... Have I got some land for you in Florida. Alors, oui, il y a un grand besoin dans notre société pour la protection du consommateur, et je ne peux que déplorer le désengagement de ce gouvernement en face de la protection du consommateur: 45 % du budget amputé par le budget déposé il y a trois semaines en Chambre.

Également, il y avait la question de la protection de la santé. Je pense qu'on a tout intérêt à ce que les choses, les vêtements qu'on achète pour nos enfants, les meubles, les berceaux pour nos enfants soient bien protégés, et la loi devient de plus en plus exigeante pour bien protéger la santé de nos enfants, parce qu'il y a un besoin réel. Il y a eu trop souvent des enfants où la tête était prise entre le matelas et le lit, alors nous avons fait des exigences beaucoup plus strictes pour bien protéger nos petits jeunes, parce que c'est important, il y a un besoin, M. le Président. Alors, je pense que tout le monde doit se réjouir que la protection de la santé de nos consommateurs soit une de nos préoccupations.

Également, on peut aller à la qualité de nos produits, que, si j'achète quelque chose, il y a certaines exigences, il y a certaines protections que le produit est de qualité, peu importe sa nature. Si c'est dans l'industrie, il y a toutes les démarches de ISO, ISO 9001, etc. Ça, c'est tous les programmes qui sont mis en place soit par le gouvernement du Québec, soit par le gouvernement du Canada ou d'autres organismes pour bien protéger le consommateur parce qu'il y a un grand besoin, parce qu'il y a toujours quelqu'un qui va essayer de diviser quelqu'un de son argent, puis il va arriver et essayer de lui vendre les grands disques de musique classique. Je sais, M. le Président, que vous êtes amateur de musique. Alors, j'arrive avec une belle série, vous me donnez 100 $ pour toutes les musiques de Mahler, ou je ne sais pas trop, je livre une cassette, puis, après ça, je vais disparaître.

On ne veut pas ça, et ça arrive à tous les jours dans tous nos comtés. Alors, on a tout intérêt pour la protection du consommateur, et je suis fier que le gouvernement libéral... Ça a l'air que le député de Vachon déplore le fait que, effectivement, M. le Président, nous ayons mis en place une loi pour bien protéger le consommateur. Nous avons essayé d'octroyer les budgets nécessaires pour le faire, et, maintenant, on est vers le désengagement, l'abandon de cette loi. Alors, je trouve que c'est quelque chose qui est lamentable.

Une voix: C'est ça qu'ils nous reprochent.

M. Kelley: Et c'est ça...

M. Payne: ...

Le Président (M. Garon): N'interrompez pas le député, s'il vous plaît, M. le député de Vachon. Le député est...

Une voix: Ce n'est pas pertinent.

Le Président (M. Garon): Bien, la pertinence...

M. Kelley: Ce n'est pas moi qui ai soulevé la question de la protection des consommateurs.

Le Président (M. Garon): Je pense qu'il réplique à ce qui a été dit tout à l'heure, alors...

M. Kelley: Merci, M. le Président. Alors, 45 % du budget amputé cette année pour un domaine où on peut facilement faire la preuve du besoin. Et, depuis le début de cette commission, je reviens toujours à la décision prise par notre gouvernement, en 1993, où nous avons établi, effectivement, qu'on n'avait plus besoin d'une Commission de protection de la langue française. Après avoir fait un examen, après avoir questionné la présidente de l'époque, Mme de Fougerolles, nous avons décidé que, compte tenu de l'origine des plaintes, de la nature des plaintes et surtout que la vaste majorité des plaintes venaient de quelques...

M. Laurin: M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui, oui.

M. Laurin: Il me semble que ce que dit le député ne s'applique en aucune façon à l'article 169. Il justifie l'existence de la Commission, alors que l'article 169 parle de refuser d'agir lorsqu'une plainte est non fondée.

Le Président (M. Garon): Oui, mais, vous savez, il y a eu beaucoup de décisions antérieures où la pertinence doit s'interpréter en faveur du député qui a la parole. Alors, je...

M. Laurin: C'est à l'article 1 que ce débat-là a été fait, et je ne vois pas pourquoi il serait refait, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député.

M. Kelley: M. le Président, je suis en train de parler de logement des plaintes, et, si j'ai bien compris 169, ça parle de loger des plaintes. Alors, moi, je suis, je pense...

M. Laurin: Ça parle de refuser d'agir.

M. Kelley: Oui, mais c'est au moment du dépôt d'une plainte, n'est-ce pas? Il faut avoir une plainte avant d'agir. Et ce que j'ai dit, M. le Président – et je vais continuer de le dire – c'est que, quand nous avons fait l'examen du travail de la commission, en 1993, beaucoup des plaintes étaient manifestement non fondées...

M. Laurin: M. le Président, ça me semble non pertinent. Absolument non pertinent.

Le Président (M. Garon): Je comprends. Vous pouvez avoir une opinion que c'est non pertinent...

M. Laurin: C'est non pertinent.

Le Président (M. Garon): ...mais le député parle des plaintes, et, ici, on parle lorsque la plainte est manifestement...

M. Laurin: Il parle de l'existence de la Commission, de la justification de l'existence de la Commission. Ce débat-là a été fait à l'article 1. Pourquoi revenir toujours sur des choses qui ont déjà été dites, sur des débats qui ont déjà été faits?

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député de Jacques-Cartier, c'est à vous la parole.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Quand nous avons regardé la nature des plaintes, si elles étaient non fondées, si elles étaient de mauvaise foi... Dans l'ensemble, nous avons regardé les plaintes qui ont été déposées, sur plusieurs années, à la Commission et on a dit qu'on n'en avait pas besoin, qu'il y avait effectivement d'autres manières de procéder. Et, quand nous avons regardé les plaintes, on n'avait plus besoin de mettre en place...

Et je trouve ça drôle, le respect du député de Vachon sur l'influence des députés de l'opposition sur le langage courant au Québec. Et c'est bien que, moi, député de Jacques-Cartier, qui ne suis pas de langue maternelle française, sois capable d'avoir une énorme influence sur l'utilisation des mots dans notre société, mais, honnêtement, sincèrement, M. le Président, moi, je ne le crois pas. Quand La Presse , qui est parmi les quotidiens les plus influents dans notre société, parle de «Bonjour, la police», et, quand je lis à tous les jours, dans tous les journaux, «La police de la langue» en français, également en anglais, mais ça se comprend un petit peu mieux en anglais, peut-être... Mais, même dans La Presse , le Journal de Montréal , dans Le Soleil, on parle de «la police de la langue». Alors, selon le député de Vachon, c'est grâce à la portée de l'influence de mes interventions en Chambre et en commission que tout le monde, maintenant...

(10 h 20)

M. Payne: Non, non. Pas à ce point-là.

M. Kelley: ...utilise cette expression, mais, moi, je ne le crois pas. Sincèrement, M. le Président..

M. Payne: Don't give yourself airs.

M. Kelley: ...malgré l'énorme respect que M. le député de Vachon a pour mon influence sur notre société, moi, je ne le crois pas. Honnêtement, moi, je crois, quand on parle de monnaie courante, c'est comme ça. Le monde, dans la région de Montréal, surtout, parle de la création d'une police de la langue dont on n'a pas besoin, parce que, effectivement, nous avons dit que, à la fin de l'exercice de notre dernière année, il y avait plusieurs plaintes qui étaient non fondées. Il y avait plusieurs circonstances où nous avons décidé que ça justifiait une intervention autre que d'arriver avec le carnet d'infraction, que d'arriver avec les mesures, que d'arriver dans une situation de confrontation dans une société, dans une région où il y a déjà assez de problèmes économiques, merci beaucoup.

Et moi, je suis en politique parce que j'aime le terrain, j'aime voir ce qui arrive dans notre société, j'aime voir les défis avec lesquels nos commerçants doivent composer à tous les jours. Le nombre de faillites, c'est quoi? 40 % des faillites, au Canada, sont au Québec. C'est 4 455 entreprises qui ont fait faillite. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à regarder, M. le Président...

M. Laurin: Question de règlement, M. le Président. Je ne vois pas ce que ces statistiques viennent faire dans la discussion de l'article 169. Ça ne m'apparaît avoir aucun lien.

Le Président (M. Garon): Je comprends tout ça. Le député a la parole, puis ça doit s'interpréter largement parce qu'il s'agit de comparaisons pour indiquer que l'article est pertinent ou non. Alors, autant j'ai interprété largement pour les députés ministériels, autant je vais interpréter largement pour les députés de l'opposition. M. le...

M. Kelley: Mais je pense qu'on parle, dans l'article devant nous...

Le Président (M. Garon): Mais ce qui serait agréable là, c'est qu'on laisse parler les gens. Tu sais, c'est bien beau de parler...

M. Kelley: ...que l'intervention à un recours approprié...

Le Président (M. Garon): Un instant! On parle du respect des députés, mais les députés, il faut qu'ils commencent à se respecter entre eux s'ils veulent que la population les respecte. Et, ce matin, c'est un mauvais exemple qu'on donne, actuellement, parce que, là, on disait que les propos sont sur Internet, ils sont sur Internet. Les conneries aussi sont sur Internet. On est obligé de le dire, tu sais. Alors, le député a la parole, laissons-le parler, puis, après ça, si on n'est pas d'accord, on le lui dira. Excepté que, là, actuellement, le débat de ce matin n'est pas très valorisant pour le rôle du député, alors qu'un député peut diverger d'opinion à 100 % puis être aussi sincère que celui qui pense le contraire. Laissons-le parler, puis, après ça, il y a des votes qui vont se prendre, et puis les projets de loi vont cheminer. Alors, le député essaie de convaincre. Évidemment, ce n'est pas toujours facile de convaincre quand vous êtes dans l'opposition – j'y ai été pendant des années – des fois, c'est aussi difficile que d'essayer de se mordre le front avec les dents d'en haut. Mais à l'impossible nul n'est tenu. Alors, je laisse le député de Jacques-Cartier, et puis ceux qui voudront prendre la parole pour le contredire vont pouvoir le faire par après.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je suis bien à l'intérieur de l'article où on parle des interventions auprès des petites entreprises au Québec, parce que ce n'est pas envers le gouvernement que la Commission va intervenir, souvent, et les grands commerces, règle générale, avec leurs avocats et leur comportement, ce n'est pas là non plus qu'il y a des problèmes. Alors, on vise les petites entreprises. Dans cet article, dans toute la création de cette police, c'est vraiment le petit entrepreneur qui est visé.

Alors, moi, quand je parle des petits entrepreneurs, parce qu'ils sont les clés pour notre avenir économique, ils sont un secteur essentiel... Et, moi, j'ai tenu le même langage depuis le début de cette commission, qu'on a tous le devoir, comme parlementaires, de venir en aide à ces personnes. Et, quand j'ai vu quelqu'un de très respecté dans sa communauté, le maire de Hudson, qui a une affiche dans sa communauté qui dit en grandes lettres «Shaar's», c'est son nom de famille... En haut, c'est «dépanneur» en grandes lettres et, en bas, c'est «convenient store», parce que, malheureusement, dans l'économie de la langue anglaise on n'a pas trouvé un moyen plus court de dire «convenient store» que «convenient store», qu'il y a plusieurs anglophones, moi-même inclus, qui disent «dépanneur» pour découvrir c'est quoi, un petit magasin du coin. Même, des fois, je l'ai fait à Vancouver en visitant mes beaux-parents, et le monde m'a regardé comme un étranger. What's a dépanneur? Ils ne me comprenaient pas, mais, pour moi, le mot est «dépanneur». Mais, pour beaucoup d'anglophones, le mot est «convenient store».

Mais de voir les inspecteurs arriver au magasin du maire Shaar, pour mesurer des lettres... Ils ont dit: Il y a trop de lettres dans votre affiche en anglais, alors il faut trouver un mot plus court pour décrire votre entreprise, malgré le fait que les lettres étaient plus petites que les lettres en français. Et tous les autres, ce qu'ils ont fait, ce n'est pas suffisant. Alors, ça, c'est un autre petit entrepreneur, M. le Président, qui doit composer avec les chiffres que j'ai mentionnés tantôt, que le député de Bourget n'aime pas. Mais il y a eu 4 455 faillites au Québec, et c'est surtout dans les petites entreprises, et moi, je pense que, comme gouvernement, on a intérêt à venir en aide à ce monde-là qui essaie de se créer un emploi, qui essaie de créer quelques emplois pour les gens de leur communauté. Et, au lieu de faire ça, on va arriver avec les lettres, les mises en demeure, les inspecteurs, compliquer leur affaire. Et, si j'ai bien compris les censeurs de l'autre côté, je n'ai plus le droit de parler de la «police de la langue», je vais parler des «oignons verts de la langue» ou... Je ne sais pas si c'est plus tolérable, les «gendarmes de la langue», «the vocabulary constabulary». On va trouver un lexique qui fait l'affaire du député de Sainte-Marie–Sainte-Anne, mais, quand même, M. le...

M. Boulerice: Jacques.

M. Kelley: Saint-Jacques. Je mélange mes saints. Un protestant, ça arrive toujours. Mais je pense qu'il faut leur venir en aide, et, comme je l'ai dit, en comparaison avec la nécessité que nous avons regardée pour le consommateur, je pense qu'on a fait la preuve que, aujourd'hui, dans notre société, on a grand besoin de protéger le consommateur.

Dans le domaine de la langue, après 20 ans d'existence de la Charte, avec toute l'évolution de notre société, je pense que le temps est venu de miser sur une autre approche, sur autre chose, et c'est ça que nous avons décidé de faire il y a quatre ans, de dire que les interventions nécessaires auprès de nos petits entrepreneurs sont d'un style autre qui va projeter une meilleure image de notre société, qui va venir en aide puis essayer de les rendre conformes. Et, quand je regarde les statistiques issues de ce gouvernement et de ses organismes, il n'y a pas raison de s'inquiéter. Le besoin n'a jamais été prouvé devant cette commission, alors on n'en a pas besoin. C'est aussi simple que ça. Alors, au lieu d'aller harceler le monde, je pense qu'on a tout intérêt à venir en aide à nos petits entrepreneurs, et ça, c'est un des points de vue que j'ai essayé de prévaloir dans cette commission. Ça tombe dans des oreilles sourdes, mais je vais continuer de le faire parce que je pense que c'est essentiel, parce que, c'est évident, on parle des symboles ici. Mais c'est un symbole très puissant.

J'ai fait une tournée, hier, dans une grande entreprise dans mon comté, et il y a un autre 20 emplois sans preneurs, M. le Président. Dans un mois, j'ai trouvé au-delà d'une centaine de postes vacants dans des grandes entreprises, dans mon comté parce qu'ils sont sans preneurs, parce qu'ils sont riches. On est à la recherche de chercheurs, de personnes avec des compétences. Ce n'est pas juste un bac en sciences qu'on cherche, c'est vraiment du monde qui a une expertise dans le domaine pharmaceutique, dans le domaine de la métallurgie, dans le domaine du logiciel, et tout ça, et il y a du monde qui ne veut pas venir ici. Moi, je ne comprends pas, mais c'est la vérité des choses. Et j'ai une centaine d'emplois, de bons emplois, avec des gros salaires, qui existent dans la région de Montréal sans preneurs. Alors, je pense que, tôt ou tard, le gouvernement doit réaliser que, en posant des gestes comme la recréation d'une police de la langue, ça fausse la réalité ici, que ça renvoie une mauvaise image dans le reste du pays, en Amérique du Nord aussi, sur les relations intercommunautaires aussi.

Alors, le plaidoyer que j'ai commencé... et je vais continuer de plaider parce que, moi, je pense que l'avenir du Québec est toujours pertinent. Moi, je pense que je vais continuer de dire qu'on fait fausse route avec ça et je pense qu'il y a beaucoup d'autres interventions qui peuvent nous amener au même résultat sans nuire à l'image du Québec, sans nuire à notre capacité de faire du recrutement. Et, quand nous avons fait les audiences publiques et quand le monde qui représente la communauté des affaires de l'ouest de l'île de Montréal est venu, il a parlé longuement du problème de recrutement il y a un an. Rien n'a changé. On est toujours devant la même problématique. Alors, je suis ici aujourd'hui comme témoin de ce problème.

(10 h 30)

C'est évident que, non, non, ce n'est pas uniquement la création d'une commission qui va changer l'image, mais ça nuit, M. le Président. Je pense qu'on a tout intérêt, pour une commission où plusieurs des témoins qui sont venus ici ont dit qu'on n'en avait pas besoin, que les chiffres qui ont été publiés par ce gouvernement ont dit qu'on n'en avait pas besoin, à regarder ça comme il faut. Et, moi, je dis qu'au lieu de réinstaurer un système de plaintes et de voir ce qui est de mauvaise foi et ce qui est non fondé, partir un grand bateau comme ça, on a d'autres moyens, entre autres l'éducation et la persuasion, d'amener les personnes au même résultat.

Je suis ici et je vais continuer à plaider en faveur de ça parce que je pense que ça va aider le Québec, je pense que ça va aider surtout la région de Montréal parce qu'on a de la misère. Et ça, c'est un des irritants. Ça nuit à notre capacité de faire le recrutement, de faire avancer nos entreprises, de faire avancer notre société.

C'est pourquoi, alors, je pense que 169, dans la forme actuelle, va recréer une commission qui va être débordée de plaintes. Et, si c'est la même situation qui existait avant 1993, beaucoup de plaintes étaient non fondées, beaucoup de plaintes étaient effectivement de mauvaise foi, beaucoup de plaintes étaient, par exemple, contre les affiches devant des églises, qui sont protégées par la Charte de la langue française, c'étaient des affiches dans les vitrines des librairies qui sont effectivement bien protégées par la Charte de la langue française. Il y a quelques personnes, quelques citoyens dans notre société qui veulent faire effacer chaque mot d'anglais dans notre société. C'est ça, leur but. Alors, ils se servent de ça pour envoyer à la Commission, comme boîte à malle, toutes leurs doléances chaque fois qu'ils voient un mot d'anglais dans notre société.

Alors, on n'a pas besoin de ça, M. le Président. Je pense que ça nuit à l'amélioration des relations entre nos communautés linguistiques au Québec et ça nuit à notre image à l'international.

Je pense que, pour ces raisons, il faut voter contre l'article 169, comme tous les articles qui visent la recréation d'une Commission de la protection de la langue française. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Je vais être très bref, M. le Président. Je trouvais important d'intervenir étant donné un certain nombre de choses qui se sont dites. Il reste que, pour les concitoyens qui vont consulter les débats, nous aurons ou pas répondu à certaines choses.

Je pense que ça a été un peu turbulent ce matin parce que, finalement, par glissement sémantique, en particulier le député d'Outremont, en voulant déconstruire notre discours, comme il dit, a construit le sien. On pourrait à notre tour déconstruire le sien.

Il parle de déconstruire la loi. Je regarde simplement les exemples qu'il a donnés ce matin, ils en disent long. Il a parlé des pauvres qui sont toujours portés à exagérer une pièce de monnaie qui se trouve par terre. C'est un petit peu comme si nous exagérions, nous, parce que nous sommes francophones, certains éléments de société qui nous amèneraient à créer soi-disant ce qu'on appelle une police. Je pense que nous ne méritons pas ça.

Quand le député de Jacques-Cartier dit qu'on veut effacer l'anglais, on ne veut pas du tout effacer l'anglais, il n'est pas effaçable, de toute manière, en Amérique du Nord. Il a fait sa place, il est dans la civilisation...

M. Kelley: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je veux juste corriger, s'il a bien compris mon intervention. J'ai bien dit «quelques citoyens», pas les députés de l'autre côté de cette table.

Le Président (M. Garon): Immédiatement après que le député aura fini son temps de parole, vous pourrez corriger, mais pas pendant son discours.

M. Gaulin: Il peut le faire pendant, d'après nos règlements. Mais, en tout cas, ça ne me dérange pas. Nous voulons affirmer le français, je pense que c'est ça que je veux rappeler au député de Jacques-Cartier.

Tout à l'heure, M. le Président, vous avez laissé entendre que les célibataires étaient nerveux, ici, dans cette commission. Je dois vous dire que ce n'est pas la nervosité qui m'a fait réagir, c'est, jusqu'à un certain point, la bêtise.

Par exemple, tout à l'heure, le député d'Argenteuil nous disait qu'avec le Parti libéral la langue était un problème qui allait bien. C'est cité. Il pourra retourner aux galées, c'est ce qu'il a dit. Je sais que ce n'est pas ce qu'il voulait dire. Mais, avec le Parti libéral, la langue était un problème qui allait bien. Je trouve que ça décrit très bien la situation québécoise. C'est contre ça qu'on veut réagir.

Quand la ministre a le courage d'apporter cette loi, c'est qu'elle veut répondre à l'inquiétude d'un certain nombre de nos concitoyens. On nous prêche la tolérance, la charité, la convivialité, mais, je le dis encore une fois, la langue n'est pas une religion, la langue n'est pas une philosophie; la langue, c'est un code. Elle gagne ou elle perd sur un champ de bataille. Nous sommes, ici, dans une ère linguistique où il faut donner la préséance à la langue française. C'est aussi simple que ça.

Tout à l'heure – et le député de Vachon avait raison de le dire – on nous a presque fait l'éloge du bilinguisme. Le député d'Argenteuil a dit: Plutôt que de légiférer, il faudrait favoriser l'apprentissage d'une langue seconde. Qu'est-ce que ça veut dire, ça, M. le Président, sinon qu'il n'y aurait pas de problème de langue si tout le monde savait l'anglais? On sait ça. Ça fait longtemps qu'on sait ça. Quand le député de Vachon disait que ça nous ramenait à des propos de 1970, je le trouve généreux parce que les propos qu'a tenu le député d'Argenteuil ce matin sur la qualité de la langue par rapport à la législation ça nous ramène à la Société du parler français et aux différents colloques, les congrès de la langue française qui ont eu lieu en 1912, 1937, 1952 où on n'osait pas évoquer la législation. Je pense que c'est important, la loi. Elle est là parce qu'elle est nécessaire, parce que les choses n'ont pas changé.

Tout à l'heure, M. le Président, député de Lévis, vous avez évoqué M. Lapalme qui disait que le bouclier qui a supporté les coups pendant 300 ans avait quand même des bosses. Vigneault le disait autrement. Il disait: Ma langue n'est pas châtiée, elle est punie. Je pense que c'est un fait historique. La langue française, qui est une langue prestigieuse dans le monde, a toujours été une langue qui a été humiliée, ici, en Amérique du Nord, et nous sommes en train de vouloir l'imposer sur notre territoire. Ils l'ont fait avec la loi 22, sauf qu'il faut avoir une certaine cohérence et aller jusqu'au bout de ce que ça veut dire.

On sait qu'à l'époque on n'avait pas réussi à faire mettre dans la loi 22, à l'article 1: Le français est la seule langue officielle du Québec. Ça n'enlève pas d'espace aux autres langues au Québec, en particulier à la langue anglaise, qui a beaucoup d'espace et qui peut continuer de vivre dans la convivialité dans la vie privée et dans une certaine vie publique. Mais, la langue officielle, la langue de communication, la langue de l'éducation, c'est la langue française.

Tout à l'heure, le député d'Outremont a parlé de déviance à propos de cet article-là. Je trouve que c'est aller loin parce que le mot «déviance», il peut avoir un sens polysémique. Il a dit que celui qui faisait des choses, c'est-à-dire qui avait certaines formes d'affichage, n'était pas un criminel. On ne propose pas que ce soit un criminel, on veut juste qu'il y ait une commission de surveillance, parce qu'on dit que la crainte est le commencement de la sagesse, parce que les choses n'ont pas changé...

M. Beaudet: ...

M. Gaulin: La crainte est le commencement de la sagesse, c'est-à-dire que la loi elle est là pour ça...

M. Beaudet: Il le dit, la crainte.

M. Gaulin: M. le député d'Argenteuil, j'ai la parole. C'est ça, c'est le vieil adage latin. Le principe de la crainte, c'est le principe de la loi. On devrait savoir ça en tant que législateur. Il n'y aurait pas de loi autrement. Si les gens étaient tous vertueux, il n'y en aurait pas, de lois; si les gens ne manquaient jamais à des choses qu'ils doivent accomplir, il n'y en aurait pas, de lois.

La loi, elle est là en l'occurrence parce le français est dans une telle situation, à Montréal, qu'il faut faire un redressement. C'est ça que fait cette loi-là. Et je pense qu'elle est tout à fait légitime.

On nous a suggéré tout à l'heure de faire la promotion du bilinguisme. Je pense que c'est juste. Moi, je fais la promotion du plurilinguisme. Il faut bien distinguer le bilinguisme institutionnel du bilinguisme ou du multilinguisme des personnes. Alors, je pense que c'est très différent.

Alors, M. le Président, je n'irai pas plus loin. Je voulais tout simplement dire que pour les gens que nous représentons – que, moi, je représente, étant député du comté de Taschereau, qui est un comté essentiellement francophone – nous sommes très conscients qu'il faut que la langue française soit la langue vraiment dominante au Québec, la langue de communauté, la langue commune. C'est à ça que vise la loi que la ministre dépose actuellement, la loi n° 40. Merci.

(10 h 40)

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Boulerice: Après, je vais intervenir.

Une voix: Encore!

M. Boulerice: Parce qu'il y a deux versions dans cette communauté, je ne lui laisserai pas l'exclusivité d'une seule.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Avant de commencer à parler de l'article 169, j'aimerais rappeler au député de Taschereau que, récemment, la commission de l'éducation a complété un ouvrage sur le décrochage scolaire. On a eu une bonne discussion sur l'apprentissage d'une deuxième langue. C'était la conclusion unanime de la commission de l'éducation dans un rapport, un rapport qui a été signé par le côté ministériel et le côté de l'opposition, que c'était à l'avantage de chaque citoyen d'apprendre non seulement sa langue maternelle, mais aussi une deuxième langue. Et c'est un apport que tout citoyen a, dans cette province, pour apprendre une deuxième ou une troisième langue. La commission est venu à la conclusion qu'un citoyen devient ouvert, devient libre avec la connaissance d'une deuxième ou troisième langue.

Alors, je regrette, mais le député de Taschereau, ses remarques portent à l'exclusion, ses remarques portent à une société renfermée. Et je fais objection aux remarques du député de Taschereau.

On a vu aussi ce matin des accusations contre l'opposition pour avoir employé le mot de «language police» ou police de la langue. Le blâme a été apporté à l'opposition pour s'être mélangé. Récemment, il y avait un article, que j'aimerais lire à cette commission, qui était publié dans le London Times , le 2 avril 1997, où on voit que le gouvernement nuit à la réputation de cette province, où les mots «language police» sont des mots qui sont couramment employés dans le monde international et dans les journaux internationaux.

J'aimerais vous lire, M. le Président, les paroles de cet article, en date du 2 avril 1997, publié dans le London Times . The headlines were: «Québec ruling will let Language Police give shop keepers a tongue lashing».

M. Boulerice: London, Ontario ou London, England?

M. Bergman: London Times .

M. Boulerice: Je m'excuse, ce n'est pas pour vous interrompre. Juste par information, c'est London, Ontario ou London, England, le London Times ?

M. Bergman: Angleterre. Et c'est un article qui se lit comme suit, M. le Président. «English-speaking shop keepers are furious about new legislation of Québec which will give the province's Language Police – I remind the deputy that the word police appears here very clearly – far reaching search and enter powers to check that French is been used.»

The article goes on to read. L'article continue comme suit, M. le Président. «Supporters of the controversial Bill 40 argued that it's simply defended Québec's partly French culture by setting up a Commission for the protection of the French language. Bill 40, which is expected to pass into law this month, will allow Québec Government's inspectors to enter businesses at any reasonable time and examine any parts or documents, make copies and take photographs. No warrant would be required and the searches may be conducted at a suspect's home if it doubles as a business address.»

Vous voyez l'image qu'on projette de nous dans le monde international.

L'article continue comme suit, M. le Président: «If shop keepers display signs which are in English only, they are liable to fines. French only signs are permitted. When signs are in both languages, the words in French must be bigger. The Office de la langue française has the job of enforcing Québec much disputed language laws designed to protect the use of French in bilingual provinces. Anglophones alledge that the laws have lead to bulling of English speaking and particularly ethnic majority businesses. The Office employs 217 people with a budget, estimated by opponents, of 30 000 000 $.

«David Black of the Québec Committee for Canada, a group which opposes at the francophone desire for Québec independence, said: "In its two decades of operation, the OLF is meant to find only 175 people at 63 $ each. Why do they need so many employees?"»

M. Boulerice: Which is a lie.

M. Bergman: «Under Bill 40, provincial funds, and officials, we put a disposal of anyone reporting language abuses...» Est-ce que je peux lire l'article, M. le Président, sans les interruptions que j'ai du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Le Président (M. Gaulin): Oui, M. le député, vous avez la parole, effectivement.

M. Bergman: J'apprécie beaucoup.

M. Boulerice: Merci. J'ai la parole à moi.

Le Président (M. Gaulin): Non, non, il n'a pas terminé. M. le député.

M. Boulerice: Ah!

M. Beaudet: Reste tranquille.

Le Président (M. Gaulin): Vous aurez la parole très bientôt, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Bergman: «The commissioners provide assistance to complainants in growing up the complaints, the Bill proposes. In the past 30 years, over 500 000 Quebeckers have left this province and immigrated to other parts in the world.»

Alors, vous voyez, M. le Président, l'image que ce projet de loi nous donne partout dans le monde. Ce n'est pas une question que le mot «police» est employé par tel membre de l'Assemblée ou tel autre membre de l'Assemblée, c'est mot courant qui est employé par les journalistes internationaux.

Nous sommes ici, M. le Président, en face d'une loi qui crée la Commission de protection de la langue française, un organisme qui a dans sa loi des pouvoirs qui sont très vastes et, à mon avis, illégaux devant les lois de cette province.

J'aimerais faire référence au Code civil du Québec, en particulier aux articles 35 et 36. J'aimerais prendre l'opportunité pour vous lire ces articles, vous allez voir que le projet de loi n° 40 va à l'encontre même de ces articles dans le Code civil et va à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne.

L'article 35 dit: «Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci ou ses héritiers y consentent ou sans que la loi l'autorise.»

Alors, on voit ici par cet article, par ce projet de loi n° 40, que la loi ne donnera pas l'autorisation préalable aux inspecteurs qui pourront prendre les documents dans la maison d'un citoyen de cette province, s'il y a suspicion par un inspecteur qu'il y a une dérogation à la loi. Alors, moi, je prétends que cette loi, c'est une dérogation à cet article 35. Et la source de cet article 35, c'est la Charte des droits et libertés de la personne. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Code civil de la province de Québec; le Code civil qui a été passé par l'Assemblée nationale.

On voit dans les notes explicatives des personnes qui ont rédigé ce Code, elles disent ici que le Code civil du Bas Canada – ça, c'est l'ancien Code civil – ne contient aucune disposition concernant le respect de la réputation de la vie privée. Mais ce droit était tout de même considéré par le droit civil.

Alors, ça, c'est un principe de base de notre loi. Et, moi, je prétends que, en nous présentant ce projet de loi n° 40, le gouvernement péquiste manque de respect et met devant nous une loi qui est illégale devant le Code civil de la province de Québec et la Charte des droits et libertés de la personne.

Si on regarde l'article 36 du Code civil, l'article se lit: «Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants – il donne des exemples qui peuvent être à l'encontre de la vie privée d'une personne:

«1° Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit.»

(10 h 50)

Alors, M. le Président, à mon avis, le projet de loi n° 40 dit très clairement qu'on donne le droit aux inspecteurs – et je prends les mots du Code civil – de pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit.

Alors, je me demande comment la ministre peut justifier de nous présenter cette loi qui est à l'encontre du Code civil de la province de Québec.

Si on continue, la deuxième stipulation dit – et je vous lis l'introduction pour faire du sens: «Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants:

«2° Intercepter ou utiliser volontairement des communications privées.»

Je vous donne un exemple: les inspecteurs entrent dans mon commerce. Alors, comme vous le savez, maintenant, il y a beaucoup de commerces qui sont faits à la maison. On a une société qui est tellement différente de la société qu'on avait il y a 30 ans. Il y a beaucoup de personnes qui ont des commerces dans leur maison et, à l'ère de l'informatique, on peut gérer notre famille et avoir un commerce. On peut avoir, dans notre maison, des communications qui sont très privées à notre vie familiale, à notre patrimoine, aux biens de notre famille.

Alors, le Code civil dit clairement: «Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants: intercepter ou utiliser volontairement des communications privées.»

Alors, moi, je vois qu'un inspecteur peut entrer dans ma maison et, si, moi, comme notaire, je pratique ma profession de ma maison, il peut intercepter des documents que j'ai des clients, des documents qui sont privés, et il peut les prendre. Alors, moi, je prétends que c'est une contravention à l'article 36, alinéa 2, du Code civil. J'aimerais avoir l'opportunité que la ministre nous parle de chacun de ces paragraphes dans le Code civil.

Je peux continuer, peut-être, avec cet article 36 du Code civil, qui dit – et je vous lis l'introduction encore une fois: «Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants:

«4° Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit.»

Alors, certainement que le projet de loi n° 40 encourage non seulement les inspecteurs, mais les citoyens à faire des démarches, à faire l'inspection, à faire la surveillance, Alors, je ne vois pas la différence si on voit les mots «surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit». Ça veut dire que mon voisin, si j'avais un commerce à la maison, peut me surveiller le plus possible pour voir s'il y a des infractions.

J'utilise encore mon exemple: Moi, comme notaire, j'ai un permis de la municipalité, à ma résidence secondaire, dans les Laurentides, pour exercer le notariat à ma maison secondaire, à cause du fait qu'il y a beaucoup de personnes, quand je suis en vacances, qui aimeraient avoir des conseils légaux. Alors, j'ai eu un permis pour le faire. Ça veut dire que mes voisins, avec qui j'ai de merveilleuses relations et qui sont devenus de bons amis – je ne peux pas voir comment – mais, théoriquement, peuvent surveiller ma vie privée par quelque moyen que ce soit. Alors, il peut rester autour de ma maison, même entrer dans la maison et prendre un document, même sans ma connaissance. À mon avis, c'est contre le Code civil de la province de Québec.

Moi, je prétends que la ministre doit retirer son projet de loi immédiatement et le retourner à ses rédacteurs, car c'est une contravention au Code civil du Québec, à moins que le ministère ne respecte pas...

Une voix: Ses projets de loi.

M. Bergman: ...les provisions du Code civil qui est la base de notre vie civile, ici, dans la province de Québec. Un Code civil qui a pris des années et des années à rédiger. C'est un Code civil qui a été bâti et rédigé par les deux côtés de l'Assemblée nationale. On a commencé cette réforme en 1955 pour bâtir ce Code civil. Alors, les députés des deux côtés de la maison ont eu la chance d'avoir des réflexions.

Si, plus tard, on a la chance, dans cette commission, j'aimerais sortir, pour la ministre, les réflexions, les débats sur ces articles. Je vais lire ces débats devant cette commission, car c'est important que la ministre prenne connaissance immédiatement des débats sur ces articles. Car, moi, je prétends que la ministre a présenté devant nous, devant la population du Québec, devant le monde international une loi qui est illégale, une loi qui va à l'encontre de la base même de notre société, le Code civil du Québec.

J'aimerais continuer, si vous me le permettez, M. le Président. avec cet article 36. Il dit: «Peuvent être notamment considérés comme des atteintes la vie privée d'une personne les actes suivants:

«6° Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels.» Alors, c'est exactement, exactement ce que permet le projet de loi n° 40.

M. Boulerice: La police ne peut plus aller arrêter qui que ce soit.

M. Bergman: À moins que la ministre ne veuille dire qu'elle a le droit de – et on en est venu à ce stade dans notre société avec ce gouvernement péquiste – suspendre l'application des lois de base de notre société. À moins qu'elle ait le droit de suspendre les droits de base de notre société, moi, je ne peux pas...

Une voix: Julius Grey du Parti libéral.

M. Bergman: ...comprendre comment, nous, comme commission, pouvons permettre qu'on continue ces sessions quand on sait qu'on a devant nous une loi qui est illégale.

Le commentaire sur cet article dit: Cet article constitue du droit nouveau. L'article 36 complète l'article 35 et met à titre indicatif – «indicatif» veut dire, à mon avis, si je comprends le sens, qu'il y a beaucoup d'autres exemples où on atteint à la vie privée d'un individu – des cas d'application du principe afin d'en clarifier la compréhension et d'en faciliter l'application».

Le commentaire sur l'article 35 est même plus intéressant pour la ministre. Le commentaire dit que les principes qui fondent cet article se retrouvent aux articles 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne. Alors, je n'ai pas une copie de la Charte ici, mais j'aimerais le lire dans le record pour vous, car on est dans la base des articles 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Les commentaires continuent pour dire, M. le Président, que l'introduction de ces principes dans le Code civil était nécessaire pour en aménager l'exercice dans les articles ultérieurs.

Alors, on voit ici que nous sommes devant une situation qui est très grave, une situation qui n'a rien à faire avec la défense et l'épanouissement de la langue française. Je suis fier que mon confrère, le député d'Outremont, soit bien connu dans la société québécoise pour tous ses efforts pour la défense et l'épanouissement de la langue française, et ça n'a tout à fait rien à faire avec ça. Nous avons devant nous un projet de loi qui, vraiment, est illégal. Je pense que c'est à nous, comme commission, de rejeter ce projet de loi.

Aussi, j'aimerais juste aller à...

Le Président (M. Gaulin): Il vous reste une minute.

(11 heures)

M. Bergman: ...un autre thème. La ministre, ce matin, a fait des remarques envers la qualité du français du premier ministre. Sans que je puisse juger la qualité du français de ce monsieur, je suis certain que la qualité du français que, moi, je parle est pire que l'homme auquel elle a fait référence.

Alors, on peut voir que, comme moi, la madame est coupable de faire des divisions dans une société par réflexion sur le type de français, la qualité de langue que quelqu'un parle, malgré les efforts qui sont faits.

Moi, je prétends que la ministre compromet la réputation de nous tous, tout Québécois, en faisant ça. Je demanderais qu'elle retire ses paroles qu'elle a dites contre le premier ministre, ce matin, car, en faisant ces paroles, elle fait des implications même sur la qualité du français que, moi, je parle, qui n'est pas au niveau que j'aimerais l'avoir. Mais je peux vous dire que je travaille sur cette qualité, pour l'augmenter.

J'aimerais continuer, M. le Président, et j'aimerais continuer pour une discussion libre des échos de cette ville.

Une voix: On va prendre la défense des gentils.

Mme Beaudoin: Oui, après.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, M. le député D'Arcy-McGee. Avant de donner la parole à la ministre, je voulais juste rappeler au député de D'Arcy-McGee que ce qu'il a dit au député de Taschereau, qui est venu depuis à la présidence – il n'a qu'à regarder ce que j'ai dit dans les galées – ce n'est pas ce qu'il a dit.

M. Bergman: M. le Président...

Le Président (M. Gaulin): J'ai la parole, vous pourrez intervenir après.

Alors, ce que vous m'avez fait dire n'est pas ce que j'ai dit. Alors, je vous retourne aux galées, tout simplement. Vous voulez la parole? Ça va? Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, pour répondre à deux choses concernant ce qu'a dit le député de D'Arcy-McGee. La première, c'est que le député d'Argenteuil – avec raison, parce qu'il sait que c'est une chose qui me préoccupe beaucoup, qui concerne la qualité de la langue française – est intervenu, en partie, sur la qualité de la langue française au Québec. Il y a toutes sortes de raisons, justement. Le député de Lévis qui présidait, tout à l'heure, a expliqué, dans une phrase qui était très spectaculaire. Il a rappelé une phrase de Georges-Émile Lapalme, qu'on ne peut pas accuser, lui, d'avoir parlé un mauvais français. Il s'exprimait dans un français remarquable et il écrivait dans un français remarquable. Ce qui est deux choses différentes mais deux choses admirables.

Si j'ai dit ce que j'ai dit à propos du premier ministre du Canada, M. le Président, c'est que ça m'étonne, en effet, d'entendre ce niveau de langage de la part du premier ministre du Canada. Je dois le dire sincèrement. D'ailleurs, lui-même – je l'ai entendu à CBC Newsworld, il y a quelques années – justifiait son niveau de langage en disant: C'est comme ça qu'on parle dans les tavernes québécoises. Ce n'est pas comme ça qu'on parle à Outremont, cependant. Ça m'a rassuré non seulement pour le député d'Outremont, mais parce que j'y réside, M. le Président. J'ai entendu ça parce qu'il a dit: Ma soeur ou mon frère habite Outremont, je ne sais plus, mais, en tout cas, il y avait des gens de sa famille qui habitait Outremont. C'était une défense et illustration du mauvais parler, pourquoi c'était bien de mal parler. Ça m'a choquée, agressée, enragée, insultée. J'ai entendu ça, en anglais, sur CBC Newsworld. C'est pour ça que j'ai dit ça. C'est pour ça que j'ai rappelé ça. Il s'en vantait lui-même. Il était content de mal parler le français, parce qu'il disait que c'est comme ça que les Québécois aiment ça dans les tavernes, puis c'est comme ça qu'ils aiment ça qu'on se parle entre nous. Bon. C'est mon étonnement. Je ne peux pas admettre ça. Alors, c'est tout simplement pour ça que j'ai rappelé cet épisode, M. le Président.

Et je rappelais aussi que Lysiane Gagnon disait... Et ça, moi, je ne peux pas en juger parce que je parle anglais comme vous parlez français, M. le député. C'est normal, M. le député de D'Arcy-McGee. Moi aussi, j'aimerais ça. Je suis originaire de la ville de Québec. Ce n'était pas une ville où on entendait beaucoup d'anglais, mais mes parents tenaient beaucoup à ce que je l'apprenne. Alors, je l'ai appris, mais je ne l'ai pas pratiqué autant que j'aurais voulu dans ma vie personnelle, dans ma vie professionnelle. Alors donc, là-dessus, je m'entends très, très bien avec vous. Ce n'est pas ma langue maternelle, mais j'essaie de parler. Puis, quand il y a des «scrums» en anglais, bien, je les fais toujours, avec le plus de bonne volonté possible, puis dans mon meilleur anglais possible. Alors, voilà. Ça fait que, tout simplement, je voulais expliquer le contexte de mes remarques.

Quand je disais que Lysiane Gagnon a fait une chronique, la semaine dernière, au moment où M. Chrétien était à Washington – et elle a fait vraiment, c'était intéressant, des corrections – pour dire qu'il avait fait des fautes énormes, immenses, en anglais. Alors, elle l'a corrigé. Moi, je lisais ça avec intérêt. Elle disait: Mais c'est épouvantable d'entendre le premier ministre du Canada si mal parler anglais. Voilà. Alors, c'est tout. Je cite une chronique de La Presse .

Pour revenir, donc, à ce que vous disiez, M. le député de D'Arcy-McGee, sur le projet de loi par rapport au Code civil, avant de laisser la parole à l'avocate, Me Caron, quand même, je voudrais qu'elle explique un peu mieux un certain nombre de choses, je voudrais vous dire que vous ne pouvez quand même pas vous proclamer juge en chef de la Cour suprême, là. En d'autres termes, vous me dites que c'est illégal. Moi, je vous dis que les avocats du ministère, bien sûr, mais le Comité de législation aussi, qui est présidé... enfin, dont le plus haut fonctionnaire est un avocat, bien sûr, qui est responsable de la législation, qu'on a regardé ça sous tous les angles juridiques.

Alors, moi-même, je ne suis pas avocate ni notaire. Je viens d'une famille de juristes, et je dois dire le plus loin possible de moi, donc ça doit être une réaction très filiale, en quelque sorte, par rapport au droit. Mais je n'y connais rien, je suis diplômée en histoire. Donc, je me fie, bien évidemment, à mon propre jugement et, sur le plan, je dirais, plus juridique et plus technique, bien évidemment, je me fie aux experts et aux avis qui nous sont donnés.

Il est évident que, à sa face même, ce Comité de législation, ces avocats, enfin, nous ont bien expliqué que ce n'était pas, bien sûr, illégal, parce que, si on avait pensé ça... Les cours, si elles en sont saisies, en décideront. Mais, à sa face même, je ne pense pas, je ne crois pas, que ce projet de loi, bien évidemment, contredise ou la Charte québécoise ou la Charte canadienne. C'est pour ça que je vous ai dit l'intérêt de vivre dans un État de droit, parce que nous sommes des législateurs, nous présentons des projets de loi qui, nous croyons, justement, vont traverser les cours, sinon, je veux dire, on ne le ferait pas. C'est évident.

Il arrive qu'il y ait des projets de loi qui soient changés ou amendés ou, enfin, où il y a des changements qui sont demandés par les cours, on le sait, qui sont votés, donc, ici. Mais, quand vous dites que c'est illégal, je ne peux pas l'accepter, d'abord par les faits mêmes et, ensuite, parce que... Je vais laisser Me Caron expliquer pourquoi, du point de vue du gouvernement, ce n'est pas illégal et que ce que vous dites n'est pas exact, je veux dire, de notre point de vue.

Alors, si vous permettez, M. le Président, Me Caron pourrait...

M. Bergman: Une question à Mme la ministre. Il me semble que vous nous donnez une réponse qui est trop simpliste. Vous dites: On va voir. On va passer une loi et on va voir. On vit tellement de bouleversements dans la société, on va voir. Vous dites: Je vous passe l'avocate du département qui va vous dire... Je ne prétends pas être, disons, juge en chef de la Cour suprême. Je prétends que je peux lire les articles du Code civil et les comprendre. Et, à mon avis, en première lecture, le projet de loi n° 40 va tellement...

Le Président (M. Gaulin): Oui, M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez eu 20 minutes pour vous exprimer. Alors...

M. Bergman: Je ne pense pas qu'on parle de 20 minutes si on parle d'un projet de loi qui est illégal, M. le Président, mais je vous laisse... Si vous ne voulez que je prenne mon temps, je ne prendrai pas mon temps. Mais on a ici des questions pour répondre, à moins que le...

Le Président (M. Gaulin): D'ailleurs, M. le député de D'Arcy-McGee, en tant que président, j'ai demandé qu'on vérifie si un député pouvait dire qu'un projet de loi était illégal ou s'il ne faudrait pas utiliser des formules plus prudentes, parce qu'il reste que c'est quand même la réputation du gouvernement qui est en jeu, là.

(11 h 10)

Maintenant, vous auriez pu, au cours de votre intervention, ménager des temps de questions à la ministre, elle y aurait répondu volontiers. Vous avez préféré utiliser tout votre temps de parole, alors je suis un peu embêté avec ça. Je veux traiter tout le monde de manière équitable, ici. Vous avez pris 20 minutes, vous avez dépassé 20 minutes, alors peut-être que...

M. Bergman: Il y a un problème, mais si elle demande au juriste d'expliquer, elle voit qu'il y a un problème, ici. Alors, peut-être qu'on doit prendre le temps pour...

Mme Beaudoin: M. le Président, ça commence à faire, si vous me permettez. Il est tout à fait permis... J'ai fait assez de commissions parlementaires, pas encore énormément, ça fait deux ans et demi que je suis députée, mais j'ai au moins compris ça, que les hauts fonctionnaires, justement, peuvent assister les ministres. Ça se fait très habituellement et très régulièrement. Je ne veux pas me faire intimider par le député de D'Arcy-McGee qui me dit que...

M. Bergman: Avec le consentement, quand même.

Mme Beaudoin: Avec le consentement, quand même. Mais ça se fait régulièrement, j'ai vu ça 20 fois.

Le Président (M. Gaulin): Sur une question de règlement.

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement. Effectivement, un très haut fonctionnaire du ministère peut, à la demande du ministre et au consentement, qui rarement a été refusé, très rarement. Après 12 ans de présence dans ce parlement, je pense avoir été un témoin privilégié de cette pratique.

Le Président (M. Gaulin): Alors, nous avons une demande de la ministre. Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Gaulin): Consentement. Merci. Alors, Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Oui, alors, je vais demander à Me Caron, si vous voulez, de donner quelques précisions là-dessus.

Mme Caron (Louise): Le Code civil vise la vie privée des gens. Ici, on est au niveau commercial. Il n'y a aucune attente à la protection de la vie privée pour une entreprise publique. Ça a été reconnu à maintes reprises par la Cour suprême. Il y a un arrêt de la Cour suprême, en 1994, qui reconnaît la légalité des dispositions qu'on a introduites dans le projet de loi n° 40, qui se retrouvent, ces dispositions-là, dans des centaines de lois, tant au fédéral qu'au provincial.

Et la vie privée, c'est vrai que le Code civil introduit certaines dispositions à la vie privée, mais elle a toujours été reconnue aussi par les Chartes des droits.

M. Bergman: Est-ce que vous pouvez me montrer, dans le Code civil, où est la différence entre une vie privée, quand je suis dans mon commerce ou quand je suis dans ma cuisine? Est-ce qu'il y a une différence? Est-ce que je change de personne? Quand est-ce que je deviens commerçant? Est-ce que je deviens commerçant quand je quitte la maison? Où est-ce que la vie privée commence et où est-ce qu'elle cesse? Est-ce que vous pouvez me donner les articles, dans le Code civil, qui font cette distinction? Où est-ce que vous pouvez me baser sur une doctrine ou jurisprudence?

Mme Caron (Louise): Bien, c'est la doctrine et la jurisprudence. La vie privée, c'est la vie privée. Ça le dit par elle-même: privée, c'est la vie privée de la personne. Un lieu public, ce n'est pas privé.

M. Bergman: L'article lit: «Every person has a right to the respect of his reputation and privacy». Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. «Every person». Alors, n'importe quelle place où je suis, même si je fais mon commerce ou je suis dans le bureau d'un commerçant, je suis une personne qui a droit à sa vie privée.

Mme Caron (Louise): À votre vie privée, mais quand vous êtes dans un commerce, ce n'est pas la vie privée. Si vous opérez un commerce, le commerce n'a aucune protection, aucune attente de vie privée pour le commerce. C'est reconnu. Je peux vous inviter à...

M. Bergman: On parle beaucoup, maintenant, dans notre société, des travailleurs autonomes.

Mme Caron (Louise): La même chose.

M. Bergman: Je vous ai donné l'exemple, comme notaire, que, dans ma maison, j'ai un permis qui me permet, dans ma cuisine, de rédiger un acte de vente. Alors, c'est certainement ma maison. Ma maison, «it is my castle but...», mais aussi je conduis un commerce, là, dans la même cuisine. Alors, je suis un travailleur autonome. Alors, moi, je prétends que j'ai droit à ma vie privée. Alors, est-ce que vous allez me dire que, si un inspecteur entre dans ma maison, il peut prendre les documents qui m'appartiennent comme personne?

Mme Caron (Louise): À votre commerce. D'ailleurs, la Cour suprême le dit clairement...

M. Bergman: Vous faites des distinctions...

Mme Caron (Louise): C'est des distinctions qui sont faites par la Cour suprême, monsieur.

M. Bergman: Sur quoi vous basez vos distinctions?

Mme Caron (Louise): C'est fait par la Cour suprême et par la doctrine. Je peux même vous dire un extrait... La Loi québécoise sur les décrets de convention collective, qui a exactement les mêmes articles qu'on a introduits dans le projet de loi n° 40, où on permet même, on dit: Selon la nature de l'industrie, il est possible que certaines inspections se déroulent au domicile de l'employeur ou des salariés lorsqu'il coïncide avec leur lieu de travail. Puis, la Cour suprême a dit: Il n'y a aucun problème, en 1994.

Tout ce que je peux vous dire, c'est vous inviter à...

M. Bergman: L'article 1 de la Charte des droits et...

Mme Caron (Louise): Alors, là...

Mme Beaudoin: The Federal Supreme Court.

Mme Caron (Louise): Toutes ces dispositions, on les retrouve dans...

M. Bergman: Moi, je me base sur la Charte des droits et libertés de la personne du Québec où c'est dit, dans l'article 1: «Tout être humain». Alors, l'être humain a le droit à la vie...

Mme Caron (Louise): C'est la vie privée versus les lieux publics. C'est la doctrine, la jurisprudence, la Cour suprême. À ce moment-là, toutes les lois du Québec et toutes les lois fédérales dans lesquelles on a des pouvoirs d'inspection seraient illégales? Non. C'est tous des pouvoirs qui ont été reconnus légaux, conformes aux Chartes. Il n'y a aucune attente de raisonnable de vie privée dans un lieu public. Et on peut même aller chez le travailleur autonome, dans sa maison, si c'est pour son commerce, les papiers de son commerce. C'est la doctrine, c'est la jurisprudence. C'est tout ce que je peux...

M. Bergman: Premièrement, vous n'avez pas fait de distinction entre «commerce» et «privée». Je pense que ce n'est pas une explication satisfaisante.

Mme Caron (Louise): Mais, c'est ça. La Cour suprême s'est déjà prononcée, la doctrine s'est prononcée.

M. Bergman: Mais c'est facile de dire, en commission: La Cour suprême». C'est des grands mots, la Cour suprême, mais vous ne nous présentez aucun cas précis, vous ne présentez aucune doctrine précise. C'est facile pour quelqu'un de venir devant nous et dire les mots «la Cour suprême», c'est des mots faciles à employer.

Mme Caron (Louise): Comité paritaire versus...

M. Bergman: Deuxièmement, le respect du travailleur autonome dans son domicile. Si vous avez raison, ça veut dire que vous pouvez entrer dans la maison d'un travailleur autonome – et on sait que dans notre province il y en a beaucoup – c'est une invasion de sa vie privée. Comment allez-vous faire la distinction quand vous allez prendre des documents dans sa maison pour faire photocopier et retourner à la Commission? Comment allez-vous faire la distinction entre les documents privés et de son commerce quand vous êtes dans sa cuisine pour prendre des documents?

Mme Caron (Louise) : Je vais vérifier la légalité de la Charte de la langue française.

M. Bergman: Je pense que vous devez le vérifier.

Mme Caron (Louise): Je ne prendrai pas sa liste d'épicerie pour... Ce que l'inspecteur va prendre, c'est les produits qu'il vend, si c'est les produits qui sont non conformes, ou l'étiquetage, ou je ne sais quoi. Je ne prendrai pas la liste d'épicerie.

M. Bergman: C'est facile pour vous de faire des farces, mais quand vous êtes dans la maison de quelqu'un et que vous prenez des documents...

Mme Caron (Louise): De son commerce.

M. Bergman: ...je ne pense que c'est des choses comiques.

M. Payne: M. le Président, est-ce qu'on peut suggérer qu'on s'adresse à vous? Parce qu'il s'agit d'un dialogue. Il pose les questions directes.

Le Président (M. Garon): On doit toujours s'adresser au président, qui que ce soit. Tout le monde doit s'adresser au président. Alors, la parole est au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, quelques brèves remarques. La première. Tantôt, le député d'Outremont s'attristait d'un certain célibat de la part de membres de la députation. Je rappellerais à son bénéfice les paroles d'un journaliste libéral très connu il y a quelques années. Ce journaliste libéral...

M. Laporte: Je m'excuse, M. le Président, est-ce que je me suis vraiment attristé du célibat de...

M. Boulerice: Ah oui! Oui, absolument.

M. Laporte: Vraiment? C'est vous qui aviez fait la remarque. Franchement, là, tout de même!

M. Boulerice: Que le député d'Outremont a repris. M. le journaliste libéral vantait, en quelque sorte, le célibat, parce qu'il disait que le mariage permettait à certaines races de scélérats de se reproduire. Alors, heureusement, nous n'avons pas à le faire.

Mme Beaudoin: C'est qui qui disait ça?

M. Laporte: Si je comprends bien, il parlait d'hallucinations, on n'est pas tout seul...

M. Boulerice: M. le Président, je m'aperçois que le député de D'Arcy-McGee est en train de souffrir – je pense que c'est le mot que je vais employer – d'une espèce de déviationnisme, de révisionnisme de son fédéralisme, puisqu'il semble, par ses paroles, nier la prépondérance des décisions de la Federal Supreme Court of Canada et des lois de la Canadian House of Commons. On l'a vu par son utilisation si vile, s-i v-i-l-e, du Code civil, c-i-v-i-l.

(11 h 20)

Deuxièmement le député de Jacques-Cartier qui, malheureusement, a dû vaquer à d'autres occupations, donc qui nous prive du plaisir de sa présence, s'est quand même livré à ce que j'appellerais une certaine prostitution de la vérité. Il est un fait, M. le Président, qu'il y a plus de faillites de PME au Québec qu'ailleurs. Cela est vrai.

M. Laporte: Où, M. le Président?

M. Boulerice: Ailleurs au Canada.

M. Laporte: Ah bon! Au Canada.

M. Boulerice: Mais, par contre, il faudrait peut-être que la vérité sorte: il y a plus de faillites parce que nous créons au Québec, chaque année, plus de PME que les autres.

M. Laporte: C'est beaucoup plus élevé, M. le Président.

M. Boulerice: Par analogie, M. le Président, il y a potentiellement beaucoup plus de crevaisons quand on a un bassin de 1 000 000 de voitures que quand il y en a uniquement 10 000. Alors, quand on s'amuse à faire des chiffres comme ceux-là, c'est un peu tout à fait particulier.

Il allait aussi en ajoutant que c'était néfaste sur le degré d'emplois, que c'était extrêmement dangereux, qu'il y avait des problèmes de recrutement de personnel, et j'en passe des vertes et des moins vertes qu'il nous a livrées. Je peux vous dire que, pas plus tard que la semaine dernière, j'avais le plaisir, avec quelques-uns de mes collègues, de rencontrer les représentants du puissant Groupe Noranda, 3 200 000 000 $ de chiffre d'affaires, et ces gens-là, très spontanément, ont dénoncé l'utilisation abusive que faisaient certains parlementaires du mot «police», l'utilisation abusive que faisait un journal quotidien au Québec du mot «police», sachant fort bien qu'en psycholinguistique les mots ont leur force, qui dit police dit arrestation dit incarcération, etc., contravention, procès-verbal, pour employer des termes français, puisque eux aussi ont insisté sur la qualité de la langue, dont j'espère que le député d'Argenteuil voudra bien la pratiquer avec autant d'ardeur que les autres. Ils finissaient en déclarant que, lors de la réunion de leurs principaux cadres, puisque le Groupe Noranda est une puissante multinationale, à la réponse posée par l'un de ces cadres supérieurs, ils répondaient que le meilleur endroit pour investir et travailler était au Québec et que Noranda pouvait le confirmer à longueur de journée. Ceci est quand même assez intéressant à répondre.

Une voix: C'est quoi, la pertinence?

M. Boulerice: Maintenant, M. le Président, on invoque la pertinence...

Le Président (M. Garon): ...parler de l'article 170, à l'article 169.

M. Boulerice: La pertinence n'étant pas un apanage libéral, on pourrait peut-être évoquer ce vieux principe biblique qui est: Ne cherchez pas la paille dans l'oeil de l'autre alors que vous avez une poutre dans le vôtre. Cela est tout à fait différent.

Maintenant, M. le Président, après cette utilisation si vile, telle que je l'ai orthographiée, du député de D'Arcy-McGee, à ce moment-là, je crois que sa tendance révisionniste et déviationniste quant à son fédéralisme va le porter à rejeter la loi fédérale de son beau Canada, la loi C-38, qui dit – je regarde emballage, étiquetage des produits de consommation: L'inspecteur qui a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu infraction à la présente loi ou à ses règlements peut saisir et retenir tout produit ou tout article d'étiquetage, d'emballage ou de publicité qui, à son avis, fondé sur des motifs raisonnables, ont servi ou donné lieu à la perpétration de l'infraction.»

On voit plus loin: «Les produits ou autres articles saisis par les inspecteurs dans le cadre du paragraphe sont gardés ou entreposés sur les lieux de leur saisie. Ils peuvent toutefois, sur l'ordre et avec l'approbation...»

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Est-ce que je fais erreur? Est-ce que le député est ici pour défendre des lois d'Ottawa à l'Assemblée nationale?

M. Payne: Quel règlement?

M. Laporte: Continue à lire L'Argus , c'est intéressant.

Le Président (M. Garon): Bon, on ne peut pas choisir les...

M. Bergman: Il me semble qu'il fait une défense des lois fédérales devant l'Assemblée nationale. Est-ce que, ça, c'est le but du député?

M. Payne: On parle de quoi, là? Sur quel point de règlement il intervient? Quel article?

Le Président (M. Garon): Bien, ça doit s'interpréter assez largement. La question de la pertinence doit s'interpréter assez largement.

M. Bergman: Il semble qu'il fait une défense, ici, ce matin, le côté ministériel, des lois de la Chambre des communes à Ottawa. Est-ce que je fais erreur? Est-ce qu'il y a un problème ici, ce matin? Je vois aussi M. le député de Vachon, il parle des...

M. Payne: Quel article de règlement?

Le Président (M. Garon): Oui, mais je dois utiliser la même largeur de vue.

M. Bergman: Non, mais il semble que c'est...

M. Payne: Quel règlement, M. le Président?

M. Bergman: Est-ce que c'est le but, ici, ce matin, de défendre...

Le Président (M. Garon): C'est par analogie.

M. Bergman: ...de continuer à défendre les lois d'Ottawa?

Le Président (M. Garon): Par analogie. Alors, je laisse le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques continuer son propos.

M. Boulerice: Dans les pouvoirs des inspecteurs, on lit également, M. le Président: «Ouvrir et examiner tout emballage qui, à son avis, fondé sur des motifs raisonnables, contient un produit préemballé.»

Et le c, qui est très important: «Examiner tout document, notamment livres, rapports, registres, bordereaux d'expédition, lettres de voiture et de connaissements ou données enregistrées à l'aide d'un procédé mécanique ou électronique de traitement ou de stockage de l'information qui, à son avis, fondé sur des motifs raisonnables, contient des renseignements utiles à l'application de la présente loi, et les reproduire en tout et en partie.»

Alors, M. le Président, comme l'indiquait mon collègue et ami le député de Vachon, il nous faudrait peut-être une enquête sur les UFLPO, c'est-à-dire «Unidentified flying language police officers», et de voir si cette police linguistique, telle qu'ils la voient dans leur délire paranoïa, à l'intérieur de la loi n° 40, ont des pouvoirs aussi identiques.

M. Laporte: Je m'objecte. Ce n'est pas bon. Il abuse des termes de la psychiatrie à l'égard de l'opposition, à laquelle il ne connaît rien. M. le Président, vraiment, là.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, vous avez raison. Il ne faut pas essayer d'utiliser des propos insultants...

M. Laporte: Le mauvais exemple suit son cours.

Le Président (M. Garon): ...à l'endroit d'autres députés parce que ça provoque...

M. Laporte: Qu'est-ce que c'est que cette affaire-là?

Le Président (M. Garon): ...des altercations inutiles, alors que chacun a le droit à son opinion.

M. Boulerice: M. le Président, je vous donne raison. Le député d'Outremont a dit que le mauvais exemple suivait son cours. Effectivement, je regrette d'aller dans ses voies.

Ceci étant dit, M. le Président...

Le Président (M. Garon): Ces voies, c-e-s.

M. Laporte: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Ses voies, j'ai dit; d'aller dans ses voies, s-e-s.

M. Laporte: S-e-s ou c-e-s?

M. Boulerice: Non, non. Les siennes. C'est un possessif, M. le Président, les siennes. D'ailleurs, le député fait des siennes, certaines lois. Voilà!

M. le Président, en vertu de la même logique, il existe ici, comme il existe dans d'autres provinces de ce merveilleux Canada, des inspecteurs du service de l'hygiène qui ont comme fonction de voir à la qualité des aliments. Donc, on pourrait dire qu'il existe une commission de protection de la qualité des aliments. Est-ce qu'on dénonce la police des aliments?

Une voix: Bien, non.

M. Boulerice: On ne la dénonce pas.

M. Beaudet: On dit que ça police.

M. Boulerice: Alors, ce n'est pas une police, ce sont des inspecteurs.

M. Laporte: Bien oui, c'est évident.

M. Boulerice: Qui, eux, contrairement à tous les autres – et rien ne l'indique dans la loi n° 40 – lui permet d'effectuer des saisies, lui permet d'effectuer quoi que ce soit. Il ne va que constater une infraction, s'en rapporte à la Commission qui, elle, prend acte et décide si, oui ou non, elle va porter plainte contre le contrevenant, s'il est établit qu'il est contrevenant.

Ce que je remarque beaucoup, M. le Président, c'est que, lorsque j'ai adressé ma question de tantôt au député d'Outremont, celui-ci n'a pas daigné me répondre. Que faisait-il lorsqu'il y avait des plaintes et qu'il y avait contrevenant? Que faisait-il, puisqu'il était chef de police à ce moment-là?

M. Laporte: Nous répondrons.

M. Boulerice: Il était chef de police. Il était le chef de la police.

M. Laporte: Nous répondrons, M. le Président. Pas de cette police.

M. Boulerice: Il était le chef de la police, M. le Président.

M. Laporte: Pas de cette horrible police qu'il y a dans la loi n° 40, M. le Président.

Une voix: Les nerfs, les nerfs!

M. Payne: Calmez-vous!

(11 h 30)

Le Président (M. Garon): Laissez-vous pas provoquer, M. le député.

M. Boulerice: À force de réagir, il est autant polisson que police, M. le Président. Autant polisson que police, ce qui traduit, d'ailleurs, un état d'énervement continu.

M. Beaudet: C'est antiparlementaire «polisson», M. le Président.

M. Boulerice: Pas du tout. Cherchez dans le dictionnaire des termes antiparlementaires.

M. Laporte: Il y a police et police.

M. Beaudet: Je ne cherche pas les termes antiparlementaires. Je ne suis pas aussi vite que vous.

M. Boulerice: Donc, M. le Président, tout cela pour dire que, finalement, le projet de loi n° 40, qui est présenté par la ministre de la Culture et des Communications et ministre chargée de l'application de la loi sur la langue française, vise à modifier des années de laxisme qu'on a dû vivre durant le régime politique précédent qui était le régime libéral, enfin celui du Parti libéral. Il n'était pas libéral, il était du Parti libéral. Et, quand, en plus de cela, j'entends l'honorable député d'Argenteuil qui fait les mérites du bilinguisme, je trouve qu'il est à courte vue. Moi, je fais plutôt le mérite du trilinguisme, du quadrilinguisme. Plus les individus parlent de langues étrangères, plus ils ont accès à de grandes cultures, plus ils peuvent communiquer. Mais l'apprentissage d'une autre langue ne doit pas constituer un prétexte à la dégradation, si vous voulez, et à l'humiliation – le mot n'est pas exagéré – d'une autre. Et il faut toujours se rappeler que la langue française est une langue minoritaire à la fois dans l'espace canadien – dont nous sortirons un jour, j'en suis persuadé – et également minoritaire en...

Une voix: Les pieds par en avant, hein?

M. Boulerice: ...Amérique du Nord. Ah! ça, monsieur, j'attends impatiemment de vous voir faire ce trajet. Que Dieu m'exauce le plus rapidement possible. Alors, M. le Président, le discours que tient le député d'Argentueil, de la grande harmonie... Mais l'harmonie vient d'abord et avant tout d'un respect mutuel, et le député d'Argenteuil, s'il est le moindrement honnête, ce dont il est capable, j'en suis sûr...

M. Beaudet: Je n'ai aucun doute sur mon honnêteté.

M. Boulerice: ...le connaissant – je n'émets aucun doute – va quand même dire que l'harmonie vient du respect mutuel et que, dans la coexistence à la fois de l'anglais et du français, malheureusement, le respect du français, de la part de la majorité anglophone canadienne, n'a pas toujours été exemplaire à la fois au Québec et à la fois dans les neuf États formant cette fédération.

Le discours avait un petit peu, M. le Président, des relents de colonialisme. Faire respecter ses droits n'est pas une vengeance, et le discours du député d'Argenteuil était en fin de compte une invitation à l'organisation, au Square Dominion, à Montréal, d'un autre «love in» qui nous a permis, d'ailleurs, de réactiver une très belle pièce du répertoire de la chanson francophone qui était: Que reste-t-il de nos amours, ici, maintenant, en 1997? Que reste-t-il de nos amours en 1997? Il ne reste que peu de chose.

Donc, M. le Président, tout ce que nous entendons de l'autre côté, certes, est de bonne guerre parlementaire. Je dois avouer très candidement l'avoir, à l'occasion, pratiqué non pas sur des projets de loi fondamentaux comme ceux-ci, mais sur d'autres, visant à prendre le maximum de temps. Mais je crois que le temps est venu de cesser ces balivernes et de se pencher très sérieusement sur les articles qui nous concernent et de les adopter de façon à ce que nous puissions, par le rétablissement de certaines dispositions de la loi qui, d'ailleurs, a été considérablement charcutée... Vingt ans après son adoption, il n'en reste que le quart. Pratiquement les deux tiers ont été invalidés par des jugements de la Federal Supreme Court of Canada. Ah bien, M. le Président, le peu qu'il reste de ce mur de défense d'une langue minoritaire sur ce continent, je pense qu'il se trouve dans ce projet de loi et j'invite mes amis d'en face à cesser d'être otages d'une certaine clientèle et de faire preuve de grandeur, comme ils le feront sans aucun doute cet après-midi, et d'aller le plus rapidement possible à l'adoption du projet de loi n° 40. Ils ne s'en porteront que mieux et pourront rétablir leur crédibilité auprès de la majorité francophone ici, au Québec, parce que ça fait grandement défaut dans leur cas. Toutes les analyses nous le prouvent et tous les sondages nous le prouvent, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. M. le député d'Argenteuil, il vous reste une minute et demie.

M. Beaudet: M. le Président, je vais d'abord brièvement...

M. Laporte: M. le Président, est-ce que je peux invoquer l'article 213 qui dit: «Tout député peut demander la permission de poser une question au député qui vient de terminer une intervention. La question et la réponse doivent être brèves», est-ce que je peux invoquer cet article-là pour poser une question au député?

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a des objections à ce que le député d'Outremont pose une question?

M. Boulerice: Bien, ça dépend à qui il veut la poser.

M. Laporte: Au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, voyons.

Le Président (M. Garon): En vertu de 213, c'est au député qui vient de parler.

M. Boulerice: Préoccupé par l'adoption de cette loi, M. le Président, je préfère qu'on y aille le plus rapidement possible et cesser les manoeuvres de diversion. Alors, je refuserai.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député d'Argenteuil, comme il n'y a pas de consentement, pour une minute et demie.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Brièvement, je veux juste rétablir les faits quant au terme «bilinguisme» dont on m'accable depuis déjà près d'une heure. Lorsqu'on regarde, dans le dictionnaire, «bilingue» et «bilinguisme», on ne peut faire la distinction entre les capacités d'un individu ou d'une entité, d'une région. Alors, je ne sais pas lequel utiliser, «bilingue» ou «bilinguisme», parce que les deux semblent se recouper. Je veux juste éclairer la lanterne de mes confrères de Sainte-Marie–Saint-Jacques et aussi de Taschereau que, lorsque je parlais de «bilingue» ce matin, je parlais de posséder deux langues et non pas d'établir d'état de fait le bilinguisme au Québec. Je veux juste que ce soit très clair dans votre esprit, comme ce l'est dans le mien.

M. Boulerice: Mais c'est le sens que j'y entendais.

M. Beaudet: Je veux juste rappeler aussi à la ministre, lorsqu'elle nous parlait du premier ministre du Canada, que ce n'est peut-être pas un exemple de qualité de la langue, je serai le premier à en convenir, et probablement que lui-même aussi l'accepterait.

Mme Beaudoin: Non, ce n'est pas ça qu'il a dit.

M. Beaudet: Je dois quand même dire qu'il n'est pas démuni, puisqu'il a réussi au cours des années à atteindre le poste de premier ministre du Canada. Et il a sûrement d'autres forces dont la langue n'est probablement pas sa plus grande.

Mme Beaudoin: Très bien, on est d'accord.

M. Beaudet: Il ne faudrait pas non plus monter en épingle la faiblesse de notre premier ministre du Canada à cause de ses difficultés avec la langue. Je pense que, si on peut le faire au sujet du premier ministre du Canada, on pourrait le rattacher à plusieurs parlementaires, M. le Président, et particulièrement du côté où on se pique de vouloir être des linguistes et des gens qui veulent protéger notre langue. On n'est pas à l'abri des faiblesses non seulement du côté de l'opposition, mais aussi du côté ministériel, alors je pense qu'on devrait s'abstenir de commenter les capacités d'expression et d'élocution des uns et des autres. Merci.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Alors, est-ce que l'article 169 est adopté?

M. Laporte: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Garon): L'article 169 étant adopté sur division, nous passons à l'article 170.

M. Beaudet: Déjà?

Le Président (M. Garon): Et je vous ferai remarquer que la plupart des discours des députés ont porté sur l'article 170 beaucoup plus que sur l'article 169 à l'occasion de l'étude de l'article 169, parce qu'on a référé beaucoup aux entreprises, et ça se trouve à l'article 170.

M. Laporte: Je n'en ai pas parlé, moi. Je me sens à l'aise d'en parler.

Le Président (M. Garon): J'ai dit la plupart, je n'ai pas dit tous.

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Alors, l'article 170 se lit comme suit: «En ce qui a trait aux dossiers qui concernent une entreprise visée aux article 136, 139 ou 151, la Commission les transmet à l'Office de la langue française afin que celui-ci propose à l'entreprise, s'il y a lieu, de prendre des mesures correctives, dans un délai que la commission fixe après consultation de l'Office.

«Si ces mesures ne sont pas prises dans le délai fixé, la Commission procède à une enquête.

«La Commission peut aussi, de la même manière et aux mêmes fins, transmettre à l'Office le dossier d'une entreprise qui n'est pas visée par le premier alinéa.»

(11 h 40)

Quelques explications rapides, M. le Président. Cet article a, bien sûr, pour but d'impliquer l'Office de la langue française dans les démarches de la Commission de protection. Ainsi, pour les dossiers concernant les entreprises, donc visées aux trois articles mentionnés, c'est-à-dire pour les entreprises qui sont inscrites auprès de l'Office dans un processus de francisation, la Commission doit les transmettre à l'Office. C'est alors celui-ci qui proposera à l'entreprise, s'il y a lieu, de prendre les mesures correctives. Le délai pour prendre ces mesures sera fixé par la Commission après consultation de l'Office. Si les mesures proposées à l'entreprise ne sont pas prises dans le délai fixé, la Commission procède à l'enquête.

Finalement, cet article donne aussi à la Commission la discrétion pour transmettre à l'Office de la même manière et aux mêmes fins le dossier d'une entreprise qui n'est pas visée par le premier alinéa. Il apparaît, M. le Président, important d'établir une collaboration étroite entre la Commission et l'Office vu, notamment, l'expertise de l'Office. D'ailleurs, l'Office étant déjà présent auprès des entreprises inscrites dans un processus de francisation, il apparaît préférable que ce soit celui-ci qui tente auprès de l'entreprise, dans un premier temps, d'en arriver à une solution avant que la Commission ne procède à une enquête. Ceci facilitera la conciliation entre les parties, mais c'est la Commission seule qui demeure responsable d'enclencher, s'il y a lieu, le processus d'enquête, de mise en demeure et de transmission du dossier au Procureur général. Cet article permet à la Commission de désigner... Ah non, excusez, je suis rendue... Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 170 est adopté?

M. Laporte: Non, pas du tout, M. le Président. Non.

Le Président (M. Garon): Je vous l'offre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Donnez-nous ça, M. le Président, à dévorer.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, je vais suivre votre conseil bienveillant et j'essaierai d'être pertinent, donc de parler de l'article 170, mais, pour le faire d'une façon intelligible, j'aimerais tout de même répéter un peu le cadre de référence qui nous guide depuis le début, parce que, comme on l'a mentionné tantôt, ici, chez nos collègues d'en face, c'est important qu'on comprenne bien comment se déroule le travail de déconstruction de la loi n° 40 qu'on est en train de poursuivre. Il y a donc deux types d'argumentation qui prévalent toujours dans nos exposés, à savoir une argumentation qui est fondée sur la notion d'efficacité et, en particulier, d'efficacité administrative et sur l'idée des conséquences que peuvent avoir un certain nombre de décisions du point de vue de l'objectif ultime, finalement, qui est celui d'assurer le renforcement, la prédominance, l'attraction de la langue française. Et il y a évidemment un deuxième argument qui est toujours très présent dans nos propos, qui est ultimement un argument moral, mais pas moral au sens de la moralité publique, mais un argument moral au sens de la philosophie publique qui sous-tend ce projet-là et auquel, évidemment, nous nous opposons depuis le début et auquel nous allons continuer de nous opposer sans relâche.

Sur cette question-là, M. le Président, je voudrais dire que les députés du gouvernement s'acharnent à se référer ou à utiliser mes antécédents professionnels pour essayer de délégitimer mon opposition au chapitre 2 de la loi n° 40. Il s'agit évidemment d'une tactique qui porte à faux, ou qui est, disons, sans fondement, ou qui est dénigrante parce que, d'abord, je le répète, je l'ai répété à maintes reprises durant cette commission... Je ne voudrais pas, d'ailleurs, faire état de mes contributions. Ce n'est pas l'endroit pour faire ni du narcissisme ni de l'exhibitionnisme. Bon. Lorsque j'ai été président de la Commission, j'ai fait tous les efforts qu'on pouvait faire pour assurer que la loi soit appliquée dans l'esprit d'une qualité de services qui était la meilleure. Mais le problème n'est pas là. Le problème n'est pas dans la façon dont j'ai administré la Commission. Je l'ai dit maintes et maintes fois et je le répète, je n'ai pas administré une Commission de protection de la langue française identique à celle sur laquelle nous sommes en train de discuter. C'est très important, parce que j'aurais été fort gêné de le faire.

Tantôt, on a eu cette longue parenthèse sur la police de la langue, mais je vous le répète, M. le Président, comme je l'ai dit à maintes reprises au cours de ce débat, que l'expression est utilisée entre guillemets, mais qu'elle est utilisée couramment. J'aurais été très gêné d'administrer l'organisme dont parlait Lysiane Gagnon dans un article du 20 juin dernier. Je la cite: «Cette nouvelle police de la langue, entre guillemets, aura des pouvoirs exorbitants. Les fonctionnaires pourront faire irruption sans mandat dans des commerces et y fouiller où bon leur semble. Bref, ils auront plus de pouvoirs que de vrais policiers. Ce n'est pas le goulag – écrivait Lysiane Gagnon – évidemment, mais c'est une sottise inouïe. Cette loi ne fera qu'aggraver le fossé entre anglophones et francophones et ne fera pas avancer d'un millimètre la cause du français. Elle risque, au contraire, de la faire reculer, car une langue n'est pas un règlement qu'on impose à coups de matraque.» Évidemment, c'est Mme Gagnon qui parle, mais je n'ai fait que répéter ce que Mme Gagnon dit depuis six mois. Je cite également les propos tenus devant la commission parlementaire de la fin de l'été et de l'automne par Me Julius Grey, M. le Président, qui disait s'inquiéter des dangers très graves en matière de pouvoirs conférés aux enquêteurs. Et je cite M. Grey qui disait: «Nulle part on ne trouve des pouvoirs semblables conférés à des inspecteurs dans un domaine comme celui dont il s'agit maintenant.»

Je l'ai dit à maintes reprises, que la ministre, lors de ses nombreuses excursions à travers le monde, en profite pour aller visiter les organismes de réglementation linguistique, elle ne trouvera nulle part des dispositifs coercitifs comparables à ceux qu'on retrouve dans la loi n° 40 au chapitre II. Donc, nous nous opposons à la philosophie publique qui a présidé à la construction de ce projet de loi et nous ne sommes pas en train de nous y opposer dans un vacuum. Nous avons de nombreux alliés sur lesquels nous appuyer, et, M. le Président, nos collègues d'en face ont beau nous accuser de tous les laxismes, de tous les méfaits, de tous les vices imaginables et inimaginables en matière d'application de la Charte, mais ce dont il s'agit ici, ce n'est pas de faire notre procès, c'est de faire le procès d'un projet de loi qui n'est pas condamné uniquement par le député d'Outremont ou par mes collègues de l'opposition, nous avons des alliés importants. J'en ai mentionné deux, mais, si je reviens à mes notes de la commission parlementaire de l'automne, je pourrais en mentionner au moins 22 autres.

Donc, la tactique qui consiste à vouloir dire: Écoutez, le député d'Outremont, ayant été président de la Commission, qu'a-t-il fait durant... Pourquoi n'a-t-il pas démissionné? Pourquoi a-t-il administré la police de la langue? À la façon dont il la qualifie maintenant... Ma réponse à ça, c'est toujours la même, je l'ai dite maintes et maintes fois, à savoir: Je n'ai jamais, jamais de ma vie, administré un appareil de coercition linguistique comparable à celui qu'on est en train de mettre sur pied.

Dans un deuxième temps, M. le Président, pour encore préciser le cadre de référence, je pense que la partie gouvernementale – mais là, évidemment, c'est un habitus de la partie gouvernementale que je vois continuellement à l'Assemblée nationale – est experte en manipulations analogiques, n'est-ce pas? Ils font des analogies, des comparaisons. Ils sont en train d'essayer de nous convaincre, nous. Ils ne réussiront pas, mais ils nous parlent à nous, mais dans le but de rejoindre d'autres auditoires. Ils sont en train d'essayer de convaincre des auditoires qui sont absents, mais qui sont néanmoins réels, qu'on peut faire une comparaison et que, en vertu de cette comparaison, on peut légitimer la création de cet appareil de contrôle en faisant une comparaison avec les lois de protection des consommateurs.J

e l'ai dit la semaine dernière, ça n'a rien à voir. Lorsqu'une loi vise à gérer, à corriger ou à prévenir des risques qui sont des risques en matière de santé publique, qui sont des risques qui entraîneraient des conséquences sur la santé des individus et sur la santé des populations qui sont considérables, on peut évidemment convenir que des dispositions coercitives importantes soient prévues. On n'en est tout de même pas à faire des comparaisons entre des lois qui visent à prévenir la distribution des produits avariés sur le marché avec des lois comme celle-ci, qui vise à prévenir ou à corriger le fait qu'une petite affiche, ou une petite affichette, ou une affiche plus grosse ou moins grosse soit dérogatoire par rapport à une loi qui prévoit le bilinguisme. C'est comparer des choses incomparables. Et, évidemment, le gouvernement utilise encore cette tactique qui est une tactique de diversion, mais qui ne devrait pas avoir de prise sur l'esprit de personne, puisque, finalement, on ne compare pas ce à quoi on devrait comparer.

(11 h 50)

Et, si vous voulez comparer les choses comparables, eh bien, comparez les dispositifs coercitifs de la loi n° 40 aux dispositifs coercitifs qui sont prévus ailleurs, dans les pays où on administre des lois linguistiques. Et vous allez en trouver des dispositifs comparables, mais vous allez être obligés d'aller dans des sociétés qui sont des sociétés autocratiques. Enfin, je n'en mentionnerai pas parce que je ne veux pas, non plus, me retrouver devant des accusations qui me viendraient des services diplomatiques de certaines sociétés en question ou de certains États en question, mais, si jamais on veut connaître des noms de pays, je pourrai leur en donner un certain nombre parce que j'ai eu l'occasion de constater sur place ou dans des conversations que, finalement, les lois ayant des dispositifs pareils existent, mais que ce n'est pas à l'honneur des personnes qui les ont créées de se vanter de les avoir créées. Donc, dans un premier temps – je reviens là-dessus, M. le Président – c'est très important, il y a une philosophie publique, ici, qui est en cause, et notre philosophie publique est diamétralement opposée à celle qui a présidé à la création de ce projet de loi.

Maintenant, sur l'article 170. Eh bien, ici, évidemment, la critique qu'on peut faire, ce n'est plus une critique qui porte sur la philosophie publique du projet, mais sur la notion d'efficacité, et il y a évidemment, là-dessus, un certain nombre de questions que j'aimerais vous poser, M. le Président, et auxquelles je suis convaincu que le gouvernement ne pourra pas répondre et ne voudra pas répondre, parce que, finalement, on en conviendra, c'est un dialogue de sourds. La ministre a déjà prévu une allocation budgétaire pour la création de la Commission dans les crédits qui nous ont été déposés à l'Assemblée nationale. On se sert, d'ailleurs, d'un certain nombre de ces crédits pour faire faire des sondages. On n'a pas été consultés, nous, l'opposition, sur la façon de s'y prendre pour poser des questions. On essaie de légitimer un dispositif coercitif. Donc, on est là pour s'opposer parce qu'il le faut faire, parce qu'on est une opposition responsable, mais on n'est pas naïf au point de penser que ça devrait faire changer la décision et l'opinion des personnes du gouvernement qui ont préparé ce projet de loi.

Mais venons-en à la question de l'efficacité. Le processus administratif qui est prévu à l'article 170 veut que les plaintes déposées en vertu des articles 136, 139 et 151 – c'est des articles qui se rapportent au comportement des entreprises – soient transmises à l'Office de la langue française afin que celui-ci propose à l'entreprise, s'il y a lieu, des mesures coercitives. Donc, on est en présence, comme je l'ai dit déjà, antérieurement, d'un dispositif à deux entrées basé sur la fausse théorie parsonienne qui voulait que la spécialisation fonctionnelle était source d'efficacité. On se retrouve devant deux bureaucraties qui s'échangent des informations sur des dossiers qui sont, faut-il le dire, M. le Président, gérés maximalement ou gérés prioritairement par l'un ou l'autre de ces organismes; l'un des organismes qui est l'Office de la langue française, on vient de nous le dire tantôt.

Donc, on prévoit que la spécialisation des fonctions fera que des informations seront transmises comme ça entre les bureaucraties. Ce que j'ai dit déjà et ce que je répète maintenant, c'est qu'on sait fort bien que les barrières de communication interbureaucratiques vont faire que ça ne créera pas une administration qui serait aussi efficace que si le dispositif résidait à l'intérieur d'un même organisme qui, lui, aurait une ligne d'autorité et qui aurait une expertise et qui serait en pleine possession de la capacité d'exercer cette perspective sur des correctifs à faire et sur, évidemment, l'application de la loi, avec laquelle on est entièrement d'accord. Les lois sont là pour lois sont là pour être appliquées, la question n'est pas là. La question n'est pas de savoir si on est favorable à l'application ou pas, la question est de savoir comment on l'applique. Et ce qu'on dit ici, c'est que, d'une part, on l'applique à partir d'une philosophie qui n'est pas la nôtre et que, d'autre part, on l'applique à partir d'une notion d'efficacité que nous ne pouvons pas partager parce que ce mode d'application va générer des dysfonctions, des conséquences négatives qui vont, je dirais, peut-être nuire à l'avenir du français. Non, c'est présumer de beaucoup de choses.

L'avenir du français, ça n'a rien à voir avec ce dont on parle maintenant, puisque ça n'a même peut-être pas grand-chose à voir avec le loi 101, l'avenir du français. On peut dire qu'il y a des mécanismes qui assurent l'avenir du français qui vont bien au-delà de tout ce que les bureaucraties peuvent envisager de faire pour l'assurer, n'est-ce-pas? Et on est en présence d'une langue, je l'ai dit, qui est une langue vivante, qui est une langue forte, qui est une langue qui a une capacité accrue d'attraction.

On le voit dans les données qui ont été présentées par le Conseil, on le voit même dans les données qui viennent d'être présentées par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui montrent que, oui, malgré tout, même si tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, les immigrants perçoivent que le français est une langue utile au Québec. Et on trouve aussi une majorité d'entre eux qui ont pris des cours de français et qui utilisent le français dans le domaine du travail. Même si ce n'est pas à 80 %, c'est déjà intéressant de constater qu'on confirme là des données qui avaient été présentées antérieurement, à savoir que les nouveaux immigrants, les tendances nouvelles du comportement linguistique des immigrants arrivés récemment sont des tendances qui confortent la vitalité, la vivacité et l'attraction du français comme langue d'usage au Québec. Donc, ce n'est pas parce que cet organisme va être inefficace que le français va crever. Qu'on ne se conte pas d'histoires, quoi. Ça va tout simplement être inefficace, moins efficace que ça aurait pu l'être autrement et ça va évidemment être un gaspillage de ressources.

Hier, j'ai passé l'après-midi à faire des entrevues dans mon comté avec des gens qui souffrent, mais qui souffrent quotidiennement de l'application de certaines lois du gouvernement malgré ce qu'on nous dit en Chambre, que tout va bien, que, finalement, il y a quelques exceptions et que ça fait partie de la courbe normale. Il y en a qui sont vraiment à gauche, il y en a qui sont vraiment à droite. Mais ça n'a rien à voir. Quand on les rencontre, ces gens-là, quand on leur parle, quand ils nous racontent les épisodes de coma diabétique qu'ils ont faits parce qu'ils ne sont pas capables d'obtenir les ressources dont ils ont besoin pour pouvoir manger puis se traiter en même temps et qu'on fait ça durant un après-midi de temps, et qu'on en interviewe trois, quatre, et puis qu'on revient le lendemain matin, et puis qu'on se fait mettre sur le nez un projet de loi comme ça qui va coûter on ne sait trop quoi, peut-être 2 500 000 $, 1 500 000 $... Mais les bureaucraties ont une capacité de croissance, d'augmentation. Finalement, ça «va-tu» être 2 000 000 $, 3 000 000 $, 4 000 000 $, 5 000 000 $? Je n'en sais absolument rien. Peut-être, M. le Président, la ministre le sait-elle, elle, de son côté, mais je trouve que ce n'est pas tellement que la loi sera inefficace et qu'elle nuira à l'avenir, mais que c'est un affreux gaspillage de ressources financières à l'époque où, vraiment, on aurait de beaucoup meilleures raisons d'utiliser ces ressources ailleurs.

Donc, d'une part, on a une théorie très naïve du fonctionnement des organisations: les bureaucrates, ça s'échange de l'information de part et d'autre; il n'y a pas de barrières de communication; il n'y a pas de conflits de façons de voir; il n'y a pas de conflits d'opinion. Je me rappelle fort bien que, lorsque j'ai géré les organismes de la Charte, j'ai dû passer des heures, des heures, des heures et des heures à m'assurer qu'il y ait des consensus sur des modalités d'application entre les organismes. Évidemment, dans un cas de différenciation organisationnelle comme celui dont on parle ici, eh bien, adieu les consensus. Éventuellement, on va se retrouver face à des conflits, des tensions, des blocages de communication, des échanges ratés, et, finalement, ça va avoir des conséquences sur l'efficacité qui sont celles que j'ai décrites antérieurement.

Bon, l'article prévoit que le délai de correction est fixé par la Commission après consultation de l'Office. La ministre vient de nous dire qu'elle souhaite impliquer l'Office de la langue française pour assurer une administration efficace. Ici, j'ai vraiment une question, M. le Président, que je me demande, c'est : Pourquoi, par exemple, prévoit-on que le délai soit fixé par la Commission de protection de la langue française...

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, comme il est midi tapant, j'ai besoin d'un consentement unanime pour continuer.

Une voix: Il n'y a pas de consentement.

Le Président (M. Garon): Il n'y a pas consentement.

M. Laporte: On reprendra ça. On reprendra ça, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Donc, la commission est ajournée sine die.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 16 h 6)

Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux où elle les avait laissés ce matin, à l'article 170. À ce moment-là, ce matin, il restait deux minutes au député d'Outremont. Comme le temps ne porte pas intérêt, nous en sommes toujours à deux minutes pour le député d'Outremont, sur l'article 170. Mais il va sûrement pouvoir se reprendre sur les autres.

M. Laporte: M. le Président, nos commentaires de ce matin ont porté sur le premier paragraphe de l'article 170. Je me demandais si, en vertu de l'article 245 du règlement, nous pouvions faire ultérieurement des commentaires sur les deuxième et troisième paragraphes. Si j'ai bien compris l'article 245, on voterait sur le premier paragraphe et non sur les deux suivants.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont, on me dit que ce que vous dites sur l'article 245 est valable lorsqu'il s'agit d'une nouvelle loi. Mais là il s'agit de modifications à une loi existante. À ce moment-là, ça vaut pour les amendements et les sous-amendements, mais ça ne vaut pas pour les articles, alinéas ou paragraphes d'un projet de loi.

Si vous lisez l'article 245, il faut le lire dans son ensemble: «Le temps de parole de 20 minutes dont disposent les membres de la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet de loi, chaque amendement ou sous-amendement ou chaque article qu'on propose de modifier ou d'ajouter dans une loi existante.» Alors, si on regarde l'un par rapport à l'autre, on fait une distinction entre un projet de loi ou une modification à une loi existante. Dans ce cas-ci, il s'agit d'une modification à une loi existante et non pas d'un nouveau projet de loi qui ne modifie pas une loi existante mais qui est complètement une nouvelle loi, qui ne modifie pas une loi.

M. Laporte: À ce moment-là, les 20 minutes se rapporteraient à l'ensemble de l'article plutôt que paragraphe par paragraphe?

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Laporte: M. le Président, j'ai beaucoup de respect pour votre jugement. Vous êtes un parlementaire de longue expérience.

Le Président (M. Garon): Je dois vous dire que j'ai eu un grand doute, parce que j'ai déjà utilisé cet article-là à plusieurs reprises dans le passé. Je ne me souvenais pas que c'était pour une loi existante ou un nouveau projet de loi. On me dit que l'interprétation de l'Assemblée nationale va dans ce sens-là et qu'il y a eu plusieurs décisions rendues dans ce sens-là.

(16 h 10)

M. Laporte: On m'avise qu'il y aurait une décision qui aurait été prise en vertu de l'article 245 du règlement. Chaque membre dispose d'un temps de parole de 20 minutes pour l'étude de l'alinéa; chaque membre dispose également d'un temps de parole de 20 minutes pour l'étude de l'article qui propose de modifier un article d'une loi existante et de 20 minutes pour l'étude de l'article que le ministre propose d'ajouter dans la loi existante. Alors...

Le Président (M. Garon): C'est ça que je viens de dire.

M. Laporte: C'est ça que vous venez de me dire, oui.

Le Président (M. Garon): Vous venez de confirmer la décision que je viens de rendre.

M. Laporte: M. le Président, vous savez combien je respecte votre jugement, alors on va continuer à s'y fier.

Le Président (M. Garon): C'est pour ça, je vais vous dire, que j'ai bien hésité, parce que je me rappelais avoir étudié cet article-là à plusieurs reprises, mais je ne me rappelais pas si c'était par rapport à une loi existante ou à nouveau projet de loi. On m'a dit que la jurisprudence allait dans le sens de ce que je viens de vous mentionner.

M. Laporte: Bon. Alors, pour en revenir à la chose, là, l'article 170, le premier paragraphe, je l'ai mentionné ce matin, ce paragraphe-là prévoit des transactions interbureaucratiques. Si j'ai bien compris, une plainte est déposée à la Commission pour un programme. Donc, une inspection est faite, une enquête est menée, un dossier est ouvert et le dossier est transmis à l'Office par la Commission. Lui décide des mesures correctives à prendre en fonction de la connaissance d'experts que l'Office possède sur le fonctionnement linguistique de l'entreprise en question.

Là où je me posais une question, c'est: Pourquoi, compte tenu de l'expertise de l'Office en matière de dossiers qui relèvent de 136, 139 et 151, est-ce la Commission qui fixe un délai plutôt que le délai soit fixé par l'Office? Vous imaginez, M. le Président, dans quel genre de problème interbureaucratique, disons... Mais là, évidemment, ça revient à tout ce dont on a parlé depuis qu'on discute de cette Commission-là, on crée deux organismes autonomes qui échangent des informations, qui se consultent. Finalement, il y a un organisme qui décide de prendre une décision de délai concernant des correctifs à apporter, alors que, si mon expérience est fiable, l'organisme qui connaît bien le fonctionnement linguistique de l'entreprise, c'est l'Office. On peut se demander pourquoi ce n'est pas l'Office qui décide de fixer le délai, l'administration du délai pouvant être, évidemment, laissée à la Commission elle-même. Je me suis donc demandé – et la ministre en a parlé ce matin – Pourquoi c'est la CPLF qui a comme tâche de fixer un délai plutôt que l'Office qui me paraît être, comment dirais-je, mieux équipé pour le faire?

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Le temps est écoulé, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. À mon tour, je veux également déplorer le dédoublement. Ce n'est pas suffisant d'avoir des oignons verts. Non, non. Une personne pour surveiller la population et les citoyens, mais on a décidé qu'il faut mettre en vigueur un article de la loi pour surveiller nos fonctionnaires. Alors, on a eu un débat dans cette commission qui est méfiante envers la fonction publique. Je pense que l'article 170 est une preuve éloquente que c'est la ministre, elle-même et son gouvernement, qui n'a pas confiance en l'Office. Alors, il faut ajouter des pouvoirs additionnels, avoir des fonctionnaires pour surveiller nos fonctionnaires.

Si j'ai bien compris l'article 170, son objectif était de veiller à l'application des pouvoirs existants dans la Charte qui découlent de l'Office de la langue française quant à la francisation des entreprises. On a une certaine règle du jeu qui s'applique aux entreprises de 100 employés et plus; il y a d'autres règlements un petit peu plus souples pour les entreprises de 50 à 100 employés; il y a un troisième régime, dans 151, qui touche aux petites entreprises en bas de 50 personnes. Alors, c'est ma compréhension des choses. On a donné des pouvoirs, on a donné les ressources nécessaires à l'Office pour donner vie à ces prévisions dans la Charte. Et ce sont des articles de la Charte qui ont été retouchés en 1993, au moment de l'adoption de l'article 86.

Alors, je pense que nous avons mis en place... Et c'est l'Office de la langue française qui a fait un plaidoyer pour avoir un fonctionnement plus efficace, pour améliorer sa capacité et ses moyens pour venir en aide aux entreprises au Québec. Alors, nous avons retouché la loi. Mais, pour un gouvernement méfiant – et, comme je dis, c'est un thème qui me revient souvent à l'esprit, dans l'étude de ce projet de loi – ce n'est pas suffisant, il faut ajouter des pouvoirs de police à la nouvelle Commission pour s'assurer que nos fonctionnaires à l'Office font leurs devoirs.

Alors, si j'ai bien compris ce qu'on est en train de faire ici, on n'a pas confiance. La ministre n'a pas confiance, M. le Président, dans son propre Office. Alors, c'est grave. Et je ne comprends pas c'est quoi, les motifs. Est-ce qu'il y a un problème? Est-ce qu'il y a un besoin? Est-ce que nos fonctionnaires à l'Office de la langue française n'appliquent pas 136, 139 et 151 de la Charte? Je n'ai vu aucune preuve. Peut-être que mon collègue d'Outremont, qui a énormément plus d'expertise dans ces matières que moi, est connaissant des énormes lacunes dans le travail de l'Office, mais, selon moi, ce n'est pas le cas. Je pense que, comme je dis, les articles qui ont été retouchés, il y a quatre ans, par cette Assemblée et cette commission ont donné suite aux demandes qui ont été formulées par l'Office et l'ensemble de son conseil d'administration pour assurer un meilleur accompagnement des entreprises au Québec.

C'est effectivement l'esprit que nous avons cherché à l'époque, de venir en aide à nos entreprises, parce que le monde est devenu de plus en plus difficile, de plus en plus concurrentiel. Au lieu d'avoir un esprit policier, nous avons décidé que c'est vraiment un accompagnement. Comment on peut fonctionner en respectant l'économie de la Charte de la langue française? En faisant des amendements à ces articles qui touchaient le fonctionnement de la francisation, c'était notre espoir d'avoir un meilleur rendement, un meilleur respect à la fois, mais aussi un enthousiasme envers ces articles de la Charte.

Alors, si j'ai bien compris ce que le ministre est en train de nous dire en mettant 170 dans ce projet de loi, ça ne marche pas. Et malgré les compressions que le gouvernement est obligé de faire à travers l'ensemble de sa mission sociale, à la fois les fermetures des hôpitaux, les fermetures des écoles; nous avons vu les cris du coeur de deux recteurs de nos universités récemment... Malgré tout ça, on a toujours les moyens pour surveiller nos propres fonctionnaires avec d'autres fonctionnaires. Curieux, M. le Président.

Vraiment, je me demande si on peut se payer le luxe de trouver les moyens d'embaucher les personnes. Et la paperasse, la procédurite qu'on va trouver dans cet article. C'est la Commission qui va être saisie par un morceau de papier. Ils vont tenir une rencontre. Il va leur venir à l'esprit qu'il faut transmettre ça à l'Office. Alors, ça va être une grande lettre de transmission avec tout un dossier. On va faire ça en cinq copies pour tout le monde à l'Office. Et le monde à l'Office va faire cinq autres copies pour mettre ça dans leur rencontre de travail. En tout cas, le dédoublement, le chevauchement. Et on va fixer un délai. Est-ce que ça va être 30 jours d'attente pour la réplique des autres fonctionnaires ou est-ce que ça va être 60 jours, 90 jours?

Quel grand débat on peut avoir aux séances de travail avant de décider: Non, il y a le laxisme dans un délai fixe de 90 jours, on ne peut pas tolérer un délai de plus de 60 jours! Alors, un groupe de fonctionnaires va envoyer à un autre groupe de fonctionnaires une lettre avec un engagement solennel de réparer la situation d'ici 60 jours, ouvrables ou non, on ne sait pas encore, M. le Président. Parce qu'il y a toujours le débat 60 jours ouvrables ou 60 jours sur le calendrier. On l'ignore. Ce n'est pas clair, dans le projet de loi, les précisions qu'il faut faire entre les journées ouvrables ou juste les journées sur le calendrier. Alors, il y aura de longs débats. Et on va revenir, après ça, et les fonctionnaires vont expliquer aux autres fonctionnaires ce que nous avons fait dans le cas d'une entreprise X, Y ou Z.

(16 h 20)

M. le Président, ça ressemble beaucoup plus à quelque chose dont on n'a pas besoin. Le mandat qui a été confié à l'Office de faire son travail est beaucoup plus souple, beaucoup plus direct. Pour l'entrepreneur, soit une grande entreprise d'au-delà de 100 employés, soit la petite entreprise de cinq, sept personnes, on a juste un Office, un bureau, un groupe de fonctionnaires pour régler notre situation. Mais ce qu'on est en train de faire, c'est d'ouvrir la porte à la possibilité qu'on va régler notre affaire avec l'Office, qu'on va établir une bonne relation. Il y a plusieurs entreprises de mon comté qui disent qu'elles ont d'excellentes relations de travail avec l'Office. Alors, on va bien composer avec lui, on va trouver des solutions aux problèmes ponctuels, et tout ça. Mais on va ajouter un autre groupe de fonctionnaires qui vont arriver, peut-être renverser la situation, compliquer l'affaire, ajouter des empêchements, ajouter des obstacles et venir... Au lieu de jouer un rôle d'accompagnement, de jouer un rôle d'éducation, ils vont arriver pour faire le contraire, M. le Président. Ils vont arriver pour compliquer l'affaire, compliquer la vie. Au lieu d'attirer et de promouvoir le fait français, ils vont réussir à faire le contraire.

Ils vont voir, avec l'arrivée de ces personnes, un autre problème, au lieu de voir dans ça la piste d'une solution. Je pense que c'est une mentalité fondamentale, que c'est une approche à 180° différente, qui explique les différences des deux côtés de la table. Parce que, moi, comme j'ai dit, dans un moment où on parle de la crise des finances publiques et de la rareté des ressources financières, est-ce qu'on a vraiment les moyens, est-ce qu'on peut justifier à nos contribuables la nécessité de surveiller nos propres fonctionnaires avec un autre groupe de fonctionnaires?

Parce que c'est ça qu'on est en train de dire, ici, avec l'article 170. Moi, je pense qu'on a beaucoup d'autres priorités gouvernementales, on a beaucoup d'autres endroits... J'ai soulevé, ce matin, la question des compressions majeures à l'Office de la protection du consommateur. Aux yeux de ce gouvernement et de ce ministre, il n'y a pas de problème si le citoyen est fraudé, mais il faut le faire en français. C'est ça, le message clair qui découle de nos activités, ici, qu'imputer le budget de 43 %, il n'y a pas de problème.

On va laisser les consommateurs avec des problèmes dont nous avons discuté ce matin, mais on va bonifier, on a des moyens de s'assurer que les fonctionnaires vont s'assurer que les fonctionnaires vont appliquer les articles 136, 139 et 151 de la Charte, sans aucune preuve, pas la moindre indication que le système existant ne fonctionne pas. Je pense qu'avant tout c'est notre devoir comme parlementaires, dans un moment où effectivement il n'y a pas beaucoup d'argent, de dire: Est-ce qu'on a besoin de ça? Est-ce qu'on a besoin d'embaucher des fonctionnaires pour surveiller des fonctionnaires et d'embaucher des fonctionnaires pour se réunir en séances de travail pour envoyer des dossiers à d'autres fonctionnaires pour les traiter? L'un va critiquer l'autre pour la lenteur dans le traitement d'un dossier. Ça complique inutilement l'affaire, M. le Président.

Et, comme j'ai dit, la Charte a également les trois régimes, les trois programmes de francisation qui sont mis en place pour le fonctionnement des programmes de francisation. Alors, laissez l'Office travailler, au lieu de mettre des obstacles, au lieu de mettre des bâtons dans les roues de l'Office. Pardonnez-moi, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, pour mes fautes de français qui relèvent de l'accent de Lac Saint-Louis qui traite mon français.

Mais je pense qu'on a tout intérêt à regarder ça comme il faut. On n'a pas besoin de ça. On n'a pas besoin de ça, M. le Président, comme plusieurs des autres articles dans cette section du projet de loi n° 40 qui est devant nous. Je pense que ça va à l'encontre du genre d'esprit d'aide qu'il faut fournir à nos entreprises. Comme j'ai dit, les entrepreneurs, aujourd'hui, avec un taux de faillites très élevé, avec des problèmes économiques bien connus, n'ont pas besoin d'avoir un genre de chevauchement, de dédoublement des fonctionnaires. Ça va être les gens, «the keystone cops», qui vont arriver un après l'autre pour veiller au bon fonctionnement des programmes de francisation. On n'a pas besoin de ça. Avoir une bonne équipe à l'Office qui va aider les entreprises, ça, c'était l'esprit de la loi 86, sans preuve du contraire, que ça ne marche pas, que ça ne fonctionne pas, que ça a posé des problèmes au niveau du bon fonctionnement de l'Office et des programmes de francisation.

Encore une fois, dans les données déposées devant cette commission au moment des audiences publiques et pendant nos travaux, on n'a pas vu une preuve que vraiment on ne peut pas truster l'Office, que vraiment il y a un problème grave à l'application des programmes de francisation. Il faut embaucher les inspecteurs pour aller surveiller nos propres fonctionnaires. Et, si la preuve est là – je regarde la ministre ou mon collègue d'Outremont – s'il y a une grande preuve que j'ignore, peut-être qu'on peut regarder de nouveau l'article 170. À ma connaissance, ce n'est pas un enjeu majeur dans notre société que nos fonctionnaires à l'Office ne font pas leur travail.

Alors, pourquoi mettre dans la loi qu'on va rendre plus compliqué, mettre des obstacles dans le fonctionnement de l'Office, ajouter un autre organisme qui va travailler sur le même terrain? Alors, c'est vraiment... Je cherche dans tout ça le pourquoi, le besoin, comme je fais dans mon examen de tous les articles de ce projet de loi, et le besoin n'est pas démontré. Dans un moment où il faut avoir une excellente raison pour créer davantage d'organismes gouvernementaux, parce qu'on a des problèmes majeurs à financer les organismes existants, je me demande: Est-ce qu'on a besoin de ça? Si, ça, c'est une autre des bonnes raisons pour lesquelles on est en train de créer une commission, je dis: On n'en a pas besoin. Parce que, effectivement, moi, je suis prêt à dire à l'Office et à donner confiance aux personnes qui travaillent à l'Office de continuer leur travail à l'intérieur des articles cités, 136, 139 et 151.

Alors, si on ne peut pas faire la preuve du besoin, si on ne peut pas indiquer que, ça, c'est vraiment un enjeu majeur, s'il y a vraiment une problématique où les entreprises frappent à nos portes en disant: J'ai besoin d'une commission pour surveiller l'Office dans l'exécution de ses fonctions... Et, à ma connaissance, au moins dans mon comté, je n'ai pas eu grand demandes des entrepreneurs qui disent: On a besoin d'une commission pour surveiller le fonctionnement de l'Office... Je peux vérifier dans ma correspondance, mais, de mémoire, M. le Président, je n'ai pas vu quelqu'un qui a vraiment fait la demande que le système pour la francisation des entreprises n'est pas assez compliqué. On trouve que c'est trop simple, trop clair et trop limpide, et ça nous pose des problèmes; pouvez-vous, M. le législateur, compliquer l'affaire davantage?

Je dis: À date, je n'ai pas eu une lettre de ce genre. Peut-être que ça va venir. Peut-être qu'avec les travaux de cette commission le monde va dire: Oui, effectivement, c'est trop simple et l'idée d'avoir un mandat de surveillance de certains fonctionnaires dans le domaine linguistique, c'est une excellente idée. Peut-être qu'à travers la province il y aura du monde à qui il va venir à l'esprit: Quelle bonne démarche! Vraiment, on peut aller un petit peu plus loin. Parce que, en anglais, on dit: «Good things come in threes.» Peut-être ajouter un troisième organisme pour surveiller la Commission dans sa surveillance de l'Office. Peut-être que ça va être une autre façon de procéder. Ou donner le mandat au Conseil de la langue française de surveiller la Commission de protection de la langue française au moment où l'Office de la langue française fait son travail sur les programmes de francisation. Ça va être encore plus compliqué que le Conseil puisse être en accord avec l'Office, contre la Commission, puis la Commission et le Conseil contre l'Office. Ça peut vraiment compliquer l'affaire davantage.

(16 h 30)

Alors, si c'est vraiment le but de l'exercice, si on veut vraiment compliquer davantage ce projet de loi, on peut peut-être donner un autre mandat. Comme je l'ai dit: «Good things come in threes.» On aurait peut-être tout intérêt à ajouter un autre mandat, un autre organisme ou un autre groupe qui va venir faire la surveillance des fonctionnaires. Parfait, M. le Président! Les fonctionnaires, qui surveillent les fonctionnaires, qui surveillent les fonctionnaires. Parce qu'on a des moyens sans limites, semble-t-il, pour les choses comme celle-là. Trouver une infirmière disponible dans un hôpital, ça, c'est un luxe pour lequel on n'a plus les moyens. Mais, quand ça vient à la surveillance des fonctionnaires, pourquoi pas? On peut ajouter ça. Peut-être qu'on peut même, si ça vient à l'esprit, ajouter un autre point à 170 qui va nous donner l'occasion de donner un autre mandat à la Commission de protection de la langue française pour encore davantage compliquer la vie.

Mais, M. le Président, si je peux ajouter un petit peu de sérieux dans tout ça, on n'en a pas besoin. Je pense que l'article existant est simple, il fonctionne et il permet à l'Office d'aller dans nos entreprises pour bonifier les programmes de francisation pour les aider à composer avec un monde technique où trop souvent le vocabulaire, les manuels, tout ça est en anglais. On peut regretter le fait, mais c'est le constat. C'est une langue très répandue dans les commerces, à travers le monde. C'est une réalité avec laquelle il faut composer. Mais, moi, je pense que c'est en venant à l'aide de nos entrepreneurs et non pas en ajoutant un mandat de surveillance, une nouvelle commission pour regarder nos fonctionnaires, qu'on peut faire mieux, M. le Président. Si j'ai bien compris, on est ici pour voir comment on peut mieux protéger et mieux promouvoir le fait français. Je ne vois aucun lien entre cet objectif de la Charte et l'article 170 qui est devant nous, qui est complètement inutile. C'est un chevauchement, un dédoublement. Ça donne presque un esprit de gaspillage des fonds publics, en faisant ça. Nos entrepreneurs ont besoin d'aide. Ils ont besoin d'un coup de main. Il y a déjà beaucoup de services de l'Office qui sont disponibles. Moi, je les utilise souvent pour chercher le mot ou l'expression juste, en français, avec les lignes téléphoniques qui sont disponibles.

Je le répète, M. le Président, il faut miser sur ces gens d'expérience au lieu de faire des choses inutiles. Parmi les articles, je trouve que le plus inutile qu'on ait trouvé à date, c'est 170 qui, vraiment... Comme je le dis, moi, j'ai confiance que l'Office peut travailler sans avoir de surveillants. Moi, j'ai confiance qu'on n'a pas besoin d'une commission pour surveiller le travail accompli par l'Office. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Est-ce que l'article 170 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Garon): Sur division?

M. Bergman: J'ai demandé à la présidence pour...

Le Président (M. Garon): Je ne vous avais pas vu. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. En examinant l'article 170 du projet de loi n° 40, il y a beaucoup de questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses de la ministre ou de la personne qui a rédigé cet article. Dans le premier paragraphe, au troisième alinéa, on dit que la Commission peut transmettre les dossiers à l'Office de la langue française. En regardant cette phrase, je me demande quels sont les droits des citoyens quand la Commission va transmettre des dossiers à l'Office de la langue française. C'est comme la première étape d'une enquête qui va se faire contre une entreprise. Je me demande quel type de consultation on prévoit avec le citoyen, quel type d'information on prévoit. Est-ce que le citoyen a un contrôle sur les documents qui sont transmis? Est-ce qu'il aura une chance de les vérifier?

En lisant ce mot avec tous les mots qui suivent, on voit vraiment un manque d'information. On voit que la Commission peut agir seule, sans aucune information au citoyen qui est visé par cette mesure. Alors, encore, avant d'aller à d'autres parties de ce paragraphe, je trouve qu'on donne à la Commission des pouvoirs qui sont tellement vastes et qui compromettent la question d'égalité des citoyens face à la Commission et face à la loi. Comment est-ce qu'on peut, moi, le citoyen, sentir qu'il a une mesure de protection?

Quand je vois plus loin dans l'article, on parle d'une question de l'entreprise. Alors, on revient à la discussion qu'on a eue ce matin: Quelle est la définition que la ministre fait de l'entreprise? La personne qui agit seule, à sa maison, le travailleur autonome, est-ce que c'est vraiment une entreprise? Alors, si, comme on l'a dit ce matin, le travailleur autonome tombe dans cette définition, à ce moment-là ça veut dire que la Commission vise cet individu qui travaille dans la sécurité de sa maison privée, mais que la Commission a juridiction sur ces citoyens. Alors, à mon avis, on devra avoir une définition du mot «entreprise». Moi, je vois mal comment on peut dire qu'un travailleur autonome qui bâtit un petit commerce, c'est une entreprise qu'il a. Je pense que le projet de loi n'est pas clair dans cette direction.

Le Président (M. Garon): Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'après le vote.

(Suspension de la séance à 16 h 38)

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Gaulin): Alors, nous allons continuer, poursuivre comme s'il n'y avait pas eu de vote, même s'il y en a eu un, plusieurs même. Vous avez la parole, M. le député de D'Arcy-McGee. Il vous reste 16 minutes.

M. Bergman: Merci, M. le Président. Alors, j'étais en train de parler de l'article 170 du projet de loi n° 40 et, à la quatrième ligne de cet article, en parlant du mot «entreprise» et en suggérant que c'est nécessaire d'avoir une définition de ce mot. Est-ce qu'on parle d'une entreprise dans le sens général, où il y a des employés, où il y a un nombre de personnes... Et est-ce que c'est une personne morale, une personne physique?

(17 h 10)

C'est très important pour le fait de cette loi, et particulièrement de cet article, pour savoir la réponse. Mais, si le ministre me dit que ça affecte les travailleurs autonomes, ça peut affecter une personne physique. Alors, c'est la preuve du point que j'ai soulevé ce matin. Est-ce que c'est possible pour la Commission d'entrer dans le domicile privé d'un individu – si la définition d'un individu, c'est un travailleur autonome – pour faire des demandes et pour prendre des dossiers, des documents appartenant à cet individu, dans sa résidence, dans son domicile? Alors, c'est une question dont c'est important de savoir la réponse avant même qu'on puisse procéder à l'étude de cet article. C'est très difficile d'étudier l'article quand on n'a pas assez de précisions, M. le Président.

Et, dans le même alinéa, dans la même ligne, on parle de prendre des mesures correctives. Alors, je me demande quel pouvoir l'Office ou la Commission a pour donner des directives à un individu pour prendre les mesures correctives? Je me demande c'est quel type de mesures correctives et si on doit aussi donner une définition de quelles mesures correctives l'Office ou la Commission peut suggérer.

Mais la partie de l'article qui m'étonne... Et, ici, c'est vraiment une preuve de la nature abusive de ce projet de loi, et la raison pour laquelle on peut voir tellement d'opposition à ce projet de loi dans notre société québécoise, c'est que le libellé «police» a été pris contre ce projet de loi, un des éléments de preuve. Et je sais, M. le Président, que vous n'aimez pas le mot «police», mais, vraiment, vous voyez, dans la dernière ligne de ce premier paragraphe, on parle d'un délai que la Commission fixe après consultation avec l'Office. Je pense que c'est une mesure extraordinaire pour ce type de loi, qui est régressive et négative, pour donner le droit à une Commission de fixer un délai quand ça peut vraiment affecter le commerce d'un individu, le commerce d'une entreprise. Et, comme l'ont mentionné mes autres confrères du côté de l'opposition, nous avons tellement de difficultés dans notre économie, et, en prenant pour acquis que cette loi va passer à cause de la majorité qu'a le côté ministériel dans cette commission et à l'Assemblée nationale, je me demande comment on peut accepter ces mots «un délai que la Commission fixe après consultation avec l'Office». Ça veut dire que, pratiquement, la Commission ou l'Office peut fermer une entreprise pour un bout de temps. Et, si on prend l'exemple où la Commission et l'Office entrent dans une entreprise et y proposent les mesures correctives, si ces mesures sont compliquées, sont longues à faire et si un délai très court est donné à cette entreprise, ça veut dire que, pratiquement, l'entreprise doit cesser de faire du commerce pendant le temps du délai qui lui est donné si le délai est très court. Alors, moi, je pense que c'est un autre exemple d'abus des lois, d'abus de pouvoir dans ce projet de loi et j'exprime mon opposition avec véhémence à cette mention dans ce projet de loi.

Je continue l'examination, et, dans le deuxième paragraphe, on dit que la Commission peut procéder à une enquête. Mais quel type d'enquête? Comment est-ce que les enquêtes vont être faites? Dans l'esprit de ce projet de loi, où on voit des pouvoirs abusifs, l'enquête se dirige sur quelles bases, dans quelle réglementation, de quelle manière, dans quel temps? Est-ce que le type qui est visé par ce projet de loi a le droit de faire des témoignages, a le droit de produire des documents? Est-ce qu'il a le droit de demander des témoins? Et est-ce qu'il a le droit d'être représenté par un avocat? Alors, c'est toutes les questions qui ne sont pas répondues par ce projet de loi, en plus des autres questions que j'ai soulevées ce matin avec vous, M. le Président. Je pense que c'est extrêmement important vu l'inquiétude que le public a envers ce projet de loi et je pense que c'est la responsabilité du gouvernement de corriger le projet de loi afin de donner un type de sollicitude, un type d'équité, un type d'égalité, car, pour moi, tout ce projet de loi nous amène à voir que nous sommes devant un projet de loi où des pouvoirs très vastes sont donnés à cette Commission et à l'Office.

Et, dans le dernier paragraphe aussi, on voit que la Commission peut aussi, de la même manière et avec les mêmes méthodes, faire transmettre à l'Office le dossier de l'entreprise qui n'est pas visée par le premier alinéa. Alors, je me demande ça veut dire quoi, une entreprise qui n'est pas visée par le premier alinéa. Ça veut dire que toute autre entreprise peut être soumise à ce projet de loi, et je me demande comment on peut faire subir à toutes ces entreprises ces types de préjudices que ce projet de loi va amener.

Et aussi j'aimerais parler... Et, ce matin, la ministre n'a fait rien de ça, mais c'est important qu'on rapporte au public les dépenses de tellement de millions de dollars qui seraient dépensés à cause des règlements qui sont proposés dans ce projet de loi. Et, dans le temps où on ferme les institutions médicales, où, étude après étude, on dit qu'il y a des personnes qui, à cause des nouvelles réglementations pour obtenir leur médication, manquent la possibilité d'avoir leur médication, et on voit, ici, que le gouvernement dépense des millions de dollars sur un projet de loi qui est inutile, et je me demande quelle en est la justification, et on ne peut pas voir de justification pour la création de cette Commission. La seule chose que je peux voir est que cette Commission, qui a reçu de la publicité négative à travers le monde, va nuire au commerce, va nuire à l'investissement qui peut entrer dans cette province, va nuire à la possibilité d'avoir des emplois alors qu'on a tellement de chômage, va nuire aux investissements externes qu'on peut avoir. Et aussi, malheureusement, ce projet de loi va créer des tensions et des divisions dans notre société, des tensions où il y aura des personnes qui vont viser leurs concitoyens, leurs voisins, les entreprises à côté d'eux, qui, peut-être, sont leurs concurrents, vont viser pour voir si ces entreprises suivent les termes, les clauses, les conditions de ce projet de loi.

(17 h 20)

Alors, moi, je pense que ce projet de loi compromet l'égalité de tous les Québécois et je vois mal comment l'Assemblée nationale peut accepter un projet de loi qui compromet l'égalité de tous les Québécois. Aussi, ce projet de loi porte à croire que les membres non francophones de notre société constituent un obstacle à la sécurité de la langue française, constituent une menace pour la sécurité du français, et c'est une déclaration, à mon avis, qui est fausse, qui n'est pas applicable. Et aussi, comme je l'ai dit, ce projet de loi va compromettre la santé économique déjà précaire au Québec, et peut-être particulièrement à Montréal, où ce projet de loi va avoir beaucoup d'applications. Et je me demande comment on peut accepter de créer une commission de cette nature, une commission qui a tous les éléments d'une nouvelle police, qui va surveiller les habitudes des commerçants et aussi, même, les individus si on accepte le fait que les travailleurs autonomes seront surveillés par ce projet de loi. Alors, je pense qu'on est en train de créer une situation divisive, une situation non productive, une situation qui menace nos citoyens, une situation qui cause des tensions parmi nos citoyens et sans que je n'y voie aucune justification.

J'ai parlé d'un message qui se donne aux non-francophones, mais aussi il se donne un message négatif aux francophones à l'effet qu'il existe un noyau non francophone qui refuse d'adhérer à l'esprit et à l'intention de la Charte de la langue française, et, à mon avis, c'est un message négatif, un message non productif, un message inapplicable quand on voit les efforts qui sont faits par tous les citoyens pour apprendre à maîtriser non seulement leur langue maternelle, mais pour apprendre une deuxième ou une troisième langue. Alors, à mon avis, dans une société libre, une société ouverte, on doit donner des «incentives» à nos concitoyens, des «incentives» pour apprendre à maîtriser, dans leur vie de commerce, plus que leur langue primaire, et ce projet de loi donne des messages, à mon avis, négatifs.

Et aussi j'aimerais dans mon intervention de ce matin... Moi, je n'ai pas eu les réponses que j'espérais avoir de la ministre ni de sa juriste sur les aspects des articles 35 et 36 du Code civil du Québec, et le point que je voudrais faire, c'est que j'attendais une réponse basée sur les faits, basée sur la jurisprudence actuelle, basée sur la doctrine, où on peut étudier cette jurisprudence pour voir si c'est applicable ou la doctrine. Et qu'est-ce qu'on a eu? Le juriste qui a assisté la ministre a dit que la Cour suprême a accepté que ce projet de loi ne vise pas contre les articles 35 et 36 du Code civil, mais ça, c'est facile, de dire que la Cour suprême, sans donner les causes en particulier, sans donner les références et sans nous donner la jurisprudence... Alors, à mon avis, on est ici, devant une situation qui est non acceptable et qui doit être corrigée aussitôt que possible pour qu'on ne compromette pas l'égalité de tous les Québécois devant la loi, de tous les Québécois qui sont visés par ce projet de loi. Alors, je dois insister et je dois vous demander, M. le Président, qu'on ait des réponses aux questions que, moi, j'ai soulevées ce matin en relation avec ce projet de loi.

Moi, je pense, en conclusion, que cet article nous donne des perceptions et des interprétations qui sont vraiment tristes, car c'est à cet article qu'on voit comment la Commission et l'Office peuvent procéder dans leur devoir, et on voit qu'ils ont des pouvoirs excessifs. Et je pense qu'on doit voir non seulement à ce que cet article soit rayé, mais, s'il n'est pas rayé, qu'on ait une interprétation des mots «transmettre», du mot «entreprise», des mots «mesures correctives». Et il y a aussi la question du délai qui est mentionné dans le premier paragraphe de l'article. Et je demanderais que la ministre réponde à ces questions que, moi, je viens de soulever. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci. Avez-vous demandé la parole?

M. Beaudet: Bien, je vais la demander.

Le Président (M. Garon): Est-ce que les gens veulent voter sur l'article 170?

M. Beaudet: Non, non, je veux la parole.

M. Kelley: ...député d'Argenteuil...

M. Beaudet: Je croyais qu'il y avait quelqu'un...

Le Président (M. Garon): Non, mais ce n'est pas ça...

M. Kelley: ...l'alternance.

Le Président (M. Garon): L'alternance, mais personne ne m'a demandé la parole de l'autre côté, là.

M. Beaudet: Bien, alors, moi, je la veux.

M. Kelley: On a été respectueux de l'alternance quand même.

M. Beaudet: M. le Président, vous savez bien qu'il ne faut pas laisser passer cette occasion.

Le Président (M. Garon): Oui, oui, mais c'est à moi que vous demandez la parole.

M. Boulerice: Clopin-clopant.

Le Président (M. Garon): Et ceux qui la demandent, des deux partis, ils la demandent au président, là.

M. Beaudet: Oui, je comprends, mais, à cause du jeu d'alternance, je me suis attendu à ce que...

Le Président (M. Garon): Oui, mais s'il y avait eu...

M. Beaudet: ...un de mes confrères de l'autre côté...

Le Président (M. Garon): S'il y avait eu quelqu'un qui l'avait demandée du côté ministériel, je l'aurais donnée.

M. Beaudet: Alors, je vous la demande, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis sûr que, dans votre esprit, il n'y avait aucun doute, que je ne pouvais laisser passer cette occasion de prendre la parole sur un projet de loi aussi important et des articles aussi importants pour l'application de ce projet de loi et la surveillance. On a beaucoup parlé, ce matin, des entreprises. Dans ma présentation de ce matin, moi, je n'y ai fait, d'aucune façon, allusion, mais j'en vois bien l'importance dans l'article 170, au premier alinéa, où on s'adresse spécifiquement aux entreprises. Alors, il est évident que le gâteau, la partie importante de cette loi va s'appliquer aux entreprises, à l'affichage, au comportement des individus, comment ils s'adressent aux clients, et tout cela. Alors, bon, je pense qu'il est très important qu'on puisse au moins essayer de convaincre la ministre de modifier son projet de loi. Avec le bon sens et la sagesse qu'elle a, peut-être qu'on va réussir à la convaincre, avec les arguments qu'on mettra de l'avant, de se joindre à nous et d'accepter de retirer peut-être son projet de loi, mais, au moins, de le modifier éventuellement.

Ce matin, on a fait un jeu de dictionnaire de part et d'autre, chacun essayant de jouer sur les mots, les uns déformant les dires des uns par rapport aux autres. J'espère qu'on ne se prêtera pas au même jeu cet après-midi, et, ceci dit, M. le Président, il est évident que la Commission va être un appareil de coercition linguistique invraisemblable, appareil qui, comme on l'a dit ce matin, va jouer le rôle de police, entre guillemets, pour plaire au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, et qui, auprès des entreprises, va avoir des éléments d'enquête, de visite et d'inquisition.

(17 h 30)

Il va sans dire, M. le Président, qu'il y a comme une duplication lorsqu'on lit le premier alinéa de l'article 170: «En ce qui a trait aux dossiers qui concernent une entreprise visée aux articles 136, 139 ou 151, la Commission les transmet à l'Office de la langue française...» C'est comme si c'était deux entités totalement séparées, que, là, il y en a une qui transmet quelque chose à l'autre, puis qu'ils ne se connaissent pas, puis qu'ils ne se parlent pas, puis qu'ils n'ont pas moyen d'échanger, alors que l'un est le bébé de l'autre, d'où la question qui m'est soulevée: Pourquoi la nécessité d'une Commission, alors que l'Office jouait très bien ce rôle? Il le jouait si bien, M. le Président – d'ailleurs, il y a des comportements, à l'occasion, où on peut se questionner sur le comportement des individus – l'Office de la langue française jouait tellement bien ce rôle que la ministre avait même déclaré – et je la cite – dans un article du journaliste Michel David, dans Le Soleil , où il nous disait: «Quand la ministre Louise Beaudoin avait présenté son bouquet de mesures au début d'avril, elle avait clairement indiqué qu'il n'était pas nécessaire de reconstituer la Commission de protection de la langue française abolie en 1993.»

Je comprends que la ministre fait semblant de ne pas écouter, mais je le sais très bien qu'elle m'écoute très attentivement. Et, subitement, au mois d'août, volte-face. Hier, la ministre en parlait comme d'un outil essentiel au respect de la Charte. Qu'est-il survenu entre le mois d'avril et le mois d'août? M. le Président, j'aimerais ça que la ministre puisse nous l'expliquer. Qu'est-il survenu durant cette période de temps? Pourquoi nous affirmait-elle, en avril, qu'il n'était pas du tout indiqué de reconstituer la Commission puis, au mois d'août, c'était l'outil essentiel. Là, je suis déconfit. Je vous le dis, je suis perdu. Ils vont dire que ce n'est pas nouveau. Ils ont peut-être raison. Mais je vais vous dire que je me perds dans leur perte, parce que, eux-mêmes, ils sont perdus: elle dit une chose un moment, puis, six mois plus tard, elle dit autre chose.

Et là je dois faire appel à des interventions de l'aile plus radicale du Parti québécois, parce que je ne vois pas d'autres éléments qui auraient fait changer d'idée la ministre. Pourquoi aurait-elle changé d'idée dans une période de six mois, comme ça? Elle avait pris une décision sage, bien arrêtée, fondée, je suis sûr, sur des éléments très clairs, très corrects, en avril 1996, pourtant, on se retrouve six mois plus tard, puis là elle nous dit – je ne comprends pas, je vous le dis là, je ne comprends vraiment pas – que c'est devenu l'outil essentiel au respect de la Charte de la langue française.

Je ne comprends pas. Je ne comprends vraiment pas ce qui a pu motiver un tel volte-face en si peu de temps, M. le Président. Il a fallu qu'il y ait du tordage de bras effrayant. D'ailleurs, j'ai regardé, tantôt, si elle n'avait pas encore des plâtres parce que je me suis dit qu'il y a dû survenir quelque chose pour que la ministre fasse un volte-face comme ça en l'espace de six mois. Il y a quelqu'un...

M. Gaulin: C'est vous qui avez des béquilles.

M. Beaudet: C'est moi qui ai des béquilles. Peut-être qu'elle a joué avec ses plâtres... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudet: Mon temps s'écoule pendant ce temps-là. Je suis sûr, M. le Président, que vous comprenez mon désarroi devant un demi-tour de 180°, parce qu'elle a changé complètement de position dans l'espace de six mois. Alors, il y a dû sûrement y avoir du tordage de bras. J'espère que la ministre n'est pas restée avec des séquelles, parce que je sais que ça fait mal des tordages de bras, comme ça fait mal des tordages de genoux. Je trouverais ça malheureux qu'elle porte des séquelles parce que l'aide radicale de son parti lui aurait imposé de faire un volte-face qui, pour moi, n'avait aucune raison d'être.

Ce qui m'étonne le plus, là, c'est que ce n'est pas moi qui le dis, c'est la ministre elle-même qui l'a dit. Je ne la connais pas beaucoup, mais il y a de bonnes personnes qui la connaissent très bien, qui m'en parlent à l'occasion et qui me disent qu'elle est une personne décidée, une personne d'autorité. Comment peut-elle se laisser imposer par l'aile radicale d'un parti de changer d'idée comme ça, de faire un demi-tour comme ça? En tout cas, de ce que j'ai su, de ce qu'on me dit d'elle, ça ne lui ressemble vraiment pas. Alors, j'ai de la difficulté à comprendre ça, ce volte-face-là. Mais...

M. Gaulin: M. le député d'Argenteuil, écoutez le président.

Le Président (M. Garon): Rappelez-vous l'opéra Rigoletto.

M. Beaudet: Oui, oui. Il y en a des volte-face. Pauvre gars! Il a souffert de voir sa fille aussi maltraitée.

Mais, quand même, M. le Président. Vous allez comprendre que, lorsqu'on parle de la Commission et de l'Office, pour moi, c'est un tout. Puis, on a l'impression que c'est deux entités qui sont tellement loin l'une de l'autre: l'une doit adresser des messages à l'autre; l'autre va retourner à l'une. Et je trouve ça un petit peu inquiétant.

Vous savez, les mesures correctrices vont être proposées par l'Office, mais elles vont être surveillées par la Commission. La Commission va revenir à l'Office, puis elle va leur dire: Écoutez, les mesures correctrices, ils ne les ont pas mises en application. Alors que ça se faisait d'une façon sereine au préalable, que ça se faisait de façon correcte, et que la loi 86 nous avait apporté une certaine paix de la langue.

Je ne voudrais pas à nouveau que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques déforme mes paroles, comme ce matin. J'étais rendu que je favorisais le bilinguisme dans la province de Québec parce que j'avais parlé que quelqu'un avait des avantages à être bilingue. Je ne voudrais pas qu'il déforme mes paroles en disant qu'on avait...

M. Laurin: Il n'est pas là.

M. Beaudet: Non, mais il y a tout ce...

Une voix: On ne peut pas mentionner ça, M. le député de Bourget.

M. Beaudet: Il ne faut rien prendre pour acquis: même quand il n'est pas là, il peut être là. Alors, vous allez comprendre que...

M. Laporte: Oui, parce qu'il a parlé de certains êtres...

Une voix: Surtout avec lui.

M. Beaudet: Ah! Les ovnis, puis on a traduit...

Une voix: C'était d'être présent et absent.

M. Beaudet: ...les ovnis, ce matin, venant du député de Vachon. Alors, ça ne peut pas m'arriver comme...

M. Payne: Il a trop bien compris ce que vous avez dit. C'est ça, comprendre.

M. Beaudet: Il a bien compris? J'espère qu'il a bien compris.

M. Payne: Il a très bien compris.

M. Beaudet: Mais, il ne faut surtout pas qu'il l'interprète différemment.

M. Payne: Surtout pas.

M. Beaudet: Parce que tout nationaliste que vous êtes, je peux l'être tout autant.

M. Payne: C'est un défi impossible d'interpréter vos propos.

Le Président (M. Garon): Laissons parler le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Il a beaucoup de difficultés à laisser parler les autres, le député de Vachon. Le député de Vachon a beaucoup de difficultés à laisser parler les autres. Alors...

M. Payne: Pardon?

M. Beaudet: ...quand j'ai la parole, essayez de vous abstenir.

M. Payne: Vous m'avez coupé 20 fois, ce matin, monsieur.

M. Beaudet: C'est la preuve, M. le Président, qu'il ne comprend pas. Il ne comprend vraiment pas.

Alors, M. le Président, quand je vois ça, moi, je m'inquiète. Je m'inquiète parce qu'on met en place une police de la langue qui va fonctionner de façon séparée de la Commission, qui va avoir des interrelations fréquentes avec la Commission, parce que la Commission va devoir lui dire quoi surveiller, puis lui dire: Va donc voir si ce que j'ai dit c'est correct, si ç'a été corrigé, si ça a été amendé, parce que c'est la Commission qui va donner les mesures correctrices à prendre, mais c'est l'Office qui va les dire puis c'est la Commission qui va aller vérifier.

On va avoir un problème d'arrimage, M. le Président. Le même problème d'arrimage que la ministre avait eu entre le mois d'avril puis le mois d'août: un, elle dit que ça n'a pas d'allure de la ressusciter – probablement que Pâques était passé, à ce moment-là – et, au mois d'août, elle a dit: Bien, là, c'est l'outil essentiel, je ne peux pas fonctionner si je n'ai pas ça; je ne serai pas capable de faire respecter la langue française si je n'ai pas cet outil-là.

Moi, je me dis: Je ne vois pas du tout. Et j'en ai parlé ce matin – je pourrais revenir là-dessus longuement – que ce n'est pas par des lois, ce n'est pas par des mesures coercitives, ce n'est pas par des surveillances qu'on fait respecter une loi, c'est par la façon et le respect avec lesquels on la parle, on l'écrit et on la traite. Bien plus que par des lois.

Moi, je ne connais pas de lois qui vont forcer des gens à respecter quelqu'un, à respecter quelque chose. Je n'en connais pas, de lois, qui vont forcer ça. Mais je connais des mesures qui vont inciter des gens en leur montrant la valeur de la langue parlée, la valeur de la langue écrite, qui va faire qu'on va être capable de vivre en toute quiétude, au Québec, dans le respect des uns et des autres, avec la richesse qui nous est communiquée par la présence de deux cultures dans notre milieu, et dans le respect des deux cultures, tout en sachant qu'il y en a une qui se doit d'être prédominante.

(17 h 40)

On n'a pas besoin d'une loi. On n'a pas besoin d'une police de la langue pour s'assurer que la lettre est plus grande que l'autre, que la teinte est plus foncée que l'autre puis qu'elle ressort plus, que le nombre de lettres et le nombre de mots sont plus importants que l'autre. Quel charivari dans lequel on s'en retourne! On recule, on retourne en arrière, alors qu'on avait une certaine paix, une certaine quiétude dans son fonctionnement.

Quand on parle, à l'article 170, que la Commission devra transmettre à l'Office les mesures correctives, on a aussi, en même temps, la possibilité d'enquête, qui est une procédure qui permet à un plaideur d'établir par l'audition de témoins l'exactitude des faits qu'il allègue. Bien, moi, quand je regarde ça, M. le Président... On disait ce matin, à hauts cris, du côté ministériel, que c'est effrayant de parler de police. Mais, qui fait des enquêtes, M. le Président, sinon des policiers? «Policier», c'est un grand mot, mais ça comprend beaucoup de choses. Un inspecteur, c'est un policier sous une forme... il n'a pas les mêmes autorités, mais il fait les mêmes mesures, les mêmes démarches. C'est des investigations, c'est encore la même chose. Alors, je me dis que c'est du pareil au même. Alors, pourquoi sont-ils si offusqués par le mot «police», alors que c'est exactement le rôle que jouera dans les entreprises... Encore les petites et les moyennes, pour revenir un peu sur le thème de ce matin. Les petites et moyennes entreprises, qui sont l'apanage du Québec: c'est 80 % de nos entreprises qui sont des petites et des moyennes entreprises, M. le Président. Et je peux vous le dire parce que, personnellement, bénéficiant d'une entreprise, j'ai le plaisir d'avoir affiché mon certificat de l'Office de la langue française. Je n'ai besoin de personne pour venir vérifier si nos employés parlent en français, si nos employés s'adressent en français, s'ils ont le privilège de travailler en français. J'ai la fierté de ma langue, M. le Président, et je m'occupe de voir à ce que ma langue soit respectée, que ma langue et notre langue soit parlée.

Évidemment, je n'ai pas le privilège de l'enseigner, je n'en ai ni les capacités ni la facilité. Mais je peux facilement voir à ce qu'elle soit respectée. Lorsque je me rends compte d'une erreur grossière qui est commise par un employé, il me fait plaisir de le lui dire poliment. Je n'ai pas besoin de police, je n'ai pas besoin d'une loi, je suis capable de le lui dire poliment, gentiment, qu'il serait mieux de s'adresser de telle façon plutôt que de telle autre, qu'il serait mieux de dire telle chose de telle façon plutôt que de telle autre. Ce serait favorable dans le contexte où on vit et dans le respect de notre langue. Ce serait aussi favorable pour la clientèle, parce que la clientèle, qui est l'élément moteur derrière les entreprises, devrait aussi exiger le respect.

Je dois vous dire, M. le Président, avec un grand regret – on doit au moins reconnaître cet élément dans la communauté anglophone, c'est la fierté de leur langue – que si, nous, les francophones, avions la même fierté de notre langue, que l'on peut envier aux anglophones, on ne vivrait pas le problème aujourd'hui, parce que les francophones s'assureraient que leur langue est respectée et s'assureraient que, advenant un élément de contrariété, ils seraient les premiers à ne pas encourager ceux qui ne respectent pas leur langue, comme ça s'est vécu récemment à Montréal parce qu'on ne voulait pas respecter l'anglais. Si les francophones avaient la même fierté, ils se tiendraient debout, on n'aurait pas besoin du tout ni de loi ni de police, on aurait le respect de notre langue.

Alors, devant cette situation, vous allez comprendre que, l'article 170, moi, je ne pourrai jamais voter en faveur de ça. Mais, si la ministre est prête à écouter, peut-être qu'on pourrait lui soumettre des amendements pour modifier les éléments qui sont présents dans l'article 170. Alors, là-dessus, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Garon): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Très rapidement, M. le Président, je voudrais bien vérifier que j'ai compris. Si je comprends bien, le député d'Argenteuil dit, quasiment mot pour mot, que si les Québécois avaient de la fierté, ils n'auraient pas besoin de la loi 101.

M. Gaulin: Oui, c'est ça qu'il a dit.

M. Beaudet: C'était la fierté de leur langue.

M. Payne: Si les Québécois avaient la fierté de leur langue, ils n'auraient pas besoin de la loi 101.

M. Beaudet: Exactement. C'est ça que j'ai dit.

M. Payne: Exactement, il dit. Bon, ce n'est plus nuancé, M. le député d'Outremont.

M. Beaudet: Je le pense très profondément.

M. Payne: Moi, je pense que le député d'Argenteuil n'a rien compris de la récente histoire du Québec, ni ce qui a été écrit par son propre gouvernement lorsqu'il était au pouvoir et encore moins tout ce qui sous-entendait dans la Charte de la langue française. Évidemment, vous avez voté contre, lorsque vous étiez dans l'opposition. Mais, je constate – et Mme la députée ministre serait d'accord avec moi – qu'on n'est même pas, au point de départ, pour un minimum de consensus quant à un nécessaire... Je vois le député...

M. Bergman: ...

M. Payne: Pardon? Vous voulez m'interrompre, M. le député D'Arcy-McGee? Avez-vous quelque chose à dire?

M. Bergman: Vous ne comprenez rien.

M. Payne: Je comprends quelque chose très bien.

M. Bergman: Non.

M. Payne: Votre collègue – il vient de le confirmer – dit que, si les Québécois avaient la moindre fierté de leur langue, ils n'auraient pas besoin de la loi 101. Ça veut dire que, par simple souhait, le député de D'Arcy-McGee propose qu'il n'y aurait aucun besoin de la loi 101. C'est ça qui est épouvantable, parce qu'ils n'ont rien compris, effectivement. Je suis certain que le député d'Outremont viendrait appuyer notre thèse, à savoir que ce n'est pas le «wish fulfillment», les souhaits, qui peuvent faire en sorte que la langue française soit protégée au Québec. Jamais. Jamais. Ni les démographes, ni les sociologues, ni les politiciens, ni les classes d'affaires, les grands syndicats, personne au Québec depuis les derniers 30 ans n'avait tenu cette position, d'aucune façon.

Moi, j'ai vu, depuis 1976 et surtout depuis 1981, dans cette Chambre, toutes sortes d'affirmation un peu aberrantes de l'opposition libérale, mais je n'ai jamais entendu une affirmation aussi absurde. Et ce n'est pas une accusation ad hominem que je fais, c'est une constatation de l'absurdité de votre position. Je ne vous appelle pas, vous, absurdes, mais pour prétendre quelque chose comme ça... Ça devrait être enregistré et dit à haute voix...

M. Beaudet: Ça l'est, enregistré.

M. Payne: ...parce qu'il n'y a aucune façon qu'on puisse avoir le moindre des consensus au Québec.

Vous avez ici le député et ministre de la loi 101 qui avait, pendant la période de 1977, tenu une commission parlementaire. Nous avons entendu toutes les couches de la société, le milieu des affaires, le milieu syndical, l'establishment anglophone, les commissions scolaires anglophones, le PEBGM, même ce qui était pour devenir Alliance Québec, c'était Participation Québec dans ce temps-là, et personne n'avait dit qu'il n'avait pas besoin d'une loi. Vous-même, même votre propre gouvernement, M. le Président, avait invoqué la loi 22, préparé cela en catastrophe.

M. Laporte: M. le Président, le...

M. Payne: Je m'excuse si ça fait mal, M. le député d'Outremont, mais je voudrais avoir mon droit de parole.

M. Laporte: Ça ne fait pas mal.

Le Président (M. Garon): Vous avez le droit de parole, M. le député de Vachon, mais adressez-vous au président.

M. Laporte: Bien, c'est ça.

M. Payne: Oui, mais je suis interrompu constamment par le député d'Outremont. Je constate que mes propos font mal, mais j'y tiens quand même.

Alors, voilà, M. le Président, je voulais enregistrer une grande dissidence par rapport aux propos qu'on vient d'entendre parce que c'est assez grave, à savoir que, si les Québécois avaient des souhaits assez forts, on n'aurait pas besoin d'une charte de la langue française, on n'aurait pas besoin d'une législation linguiste. On n'a jamais entendu ça dans cette Chambre, de ma mémoire au moins. Merci.

(17 h 50)

Le Président (M. Garon): Alors, est-ce que l'article 170 est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Laporte: Nous avons un amendement à proposer, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Le seul qui peut en proposer un c'est le député d'Argenteuil parce que tous les autres ont écoulé leur temps.

M. Bergman: J'avais du temps, moi.

Le Président (M. Garon): Non, non, non, vous avez écoulé votre temps.

M. Laporte: Moi, j'ai encore deux minutes, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Non. Vous avez parlé 21 min 6 s.

M. Beaudet: Moi, j'ai encore deux minutes.

Le Président (M. Garon): Oui, M. le député d'Argenteuil, il vous reste deux minutes.

M. Beaudet: M. le Président, on aimerait proposer un amendement par lequel...

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il est écrit, l'amendement?

M. Beaudet: Oui, bien sûr.

Le Président (M. Garon): Pouvez-vous me le faire parvenir?

M. Laporte: Nous n'avons pas les ressources du gouvernement, M. le Président.

M. Gaulin: Ça, on le sait.

M. Laporte: Je n'ai pas parlé des ressources cognitives.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gaulin: Heureusement. Heureusement.

M. Beaudet: Le député de Vachon n'avait pas compris. S'il savait d'où je viens peut-être qu'il ne parlerait pas comme il parle.

M. Gaulin: Ses deux minutes sont écoulées, M. le Président. Leur amendement n'est pas bon.

M. Beaudet: On l'avait «timé».

M. Gaulin: «Timé», tu en as l'air d'un «timage», toi.

Le Président (M. Garon): J'ai de la difficulté à le lire parce qu'on dirait qu'il y a deux personnes qui ont rédigé là-dedans.

M. Gaulin: Vous êtes généreux, ils sont au moins quatre.

M. Beaudet: On a modifié l'article 170. Au premier alinéa, M. le Président, c'est de biffer les mots «dans un délai que la Commission fixe après consultation de l'Office».

Le Président (M. Garon): Le reste qui est écrit en dessous, c'est quoi?

M. Beaudet: Ce sont les notes du député.

Le Président (M. Garon): Non, non, mais il faut que je le lise, moi.

M. Gaulin: C'est des travailleurs autonomes...

M. Laporte: C'est écrit en français.

M. Beaudet: Je lui recommanderai Le Petit Prince , ça pourrait le déniaiser un peu.

Mme Beaudoin: Ça fait longtemps qu'on l'a vu.

Une voix: Sur le plan humain, ça enrichit.

M. Gaulin: Saint-Ex était tellement découragé qu'il s'est suicidé.

Mme Beaudoin: C'est vrai qu'il a fini... J'ai vu un film l'autre jour, très intéressant, sur Saint-Ex, il aimait les femmes... Oh! Excusez-moi.

Une voix: Pauvre homme.

M. Beaudet: Il n'y a pas de mal là-dedans, Mme la ministre. Bien au contraire. S'il y a quelque chose de souhaitable, c'est bien cet échange entre hommes et femmes et femmes et hommes qui m'apparaît tout à fait naturel.

M. Gaulin: Je vois que vous avez lu Le Petit Prince parce que, pour dessiner un mouton...

M. Beaudet: Je ne l'ai pas lu, je l'ai relu des dizaines et des dizaines de fois.

M. Gaulin: Votre amendement ressemble au mouton du petit prince.

M. Beaudet: Je l'ai lu et je l'ai relu des dizaines de fois.

M. Gaulin: Ah oui!

M. Beaudet: Oui, mais il faut avoir assez de sagesse pour savoir que, parfois, dans la valise, il y a des trésors cachés.

M. Gaulin: Continuez, ça va venir.

Le Président (M. Garon): On est en ondes, là. Je vais suspendre les travaux pendant quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise à 17 h 56)

Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux. L'amendement n'est pas recevable parce qu'il change complètement la nature de la proposition qui est devant nous. On dit: «...afin que celui-ci propose à l'entreprise, s'il y a lieu, de prendre les mesures correctives dans un délai que la Commission fixe après consultation de l'Office.» Autrement, s'il n'y a plus de délai, il n'y a plus d'exécution, à toutes fins pratiques. Il propose des corrections, mais il n'y a pas de délai pour les appliquer.

Alors, la proposition comprend deux éléments importants: proposer à l'entreprise des mesures correctives, mais proposer à l'entreprise de prendre des mesures correctives dans un délai que la Commission fixe après consultation de l'Office. Autrement, ça devient un voeu pieux. Alors, ce n'est pas ce qui est indiqué dans l'article. Alors, ça change la nature de l'article.

M. Laporte: Bien, M. le Président, j'avais justement...

Le Président (M. Garon): Non, M. le député d'Outremont, vous n'avez plus de temps. Vous ne pouvez pas parler là-dessus, là, maintenant.

M. Beaudet: J'ai un autre amendement, M. le Président... Oui, je m'excuse.

M. Kelley: M. le Président, en vertu de l'article 165, je propose l'ajournement de nos travaux.

M. Laurin: Non, il est 17 h 58, M. le Président.

M. Kelley: Et j'ai 10 minutes de droit de parole.

M. Laurin: Votre décision n'est pas discutable. Puis le temps est écoulé pour présenter un autre amendement.

M. Kelley: J'ai 10 minutes. Dans 165, j'ai 10 minutes pour défendre la motion, M. le Président.

M. Payne: Il n'a pas la parole, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Attendez un peu, là, vous ne pouvez pas prendre la parole pour proposer quelque chose, vous n'avez plus de temps pour prendre la parole.

M. Kelley: Non, non, 165, en tout temps, une fois par séance...

Le Président (M. Garon): Non, non, mais il faut avoir le temps.

Une voix: Puis il faut avoir la parole.

Le Président (M. Garon): Il faut avoir la parole.

M. Kelley: Non. Un membre peut proposer en tout temps...

Le Président (M. Garon): Je ne peux pas vous donner la parole.

M. Kelley: ...l'ajournement de nos travaux.

Le Président (M. Garon): Mais non, non, vous ne pouvez pas prendre la parole sans l'avoir, la parole. Alors, là, vous ne pouvez pas l'avoir sous 170 parce que vous n'avez plus de temps pour la prendre.

M. Kelley: Il ne veut rien savoir.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: M. le Président, on va soumettre un autre amendement par lequel on va remplacer...

M. Gaulin: Point d'ordre, M. le Président. Est-ce que le député d'Argentueil a encore du temps?

M. Beaudet: Est-ce qu'il joue au président, lui?

Le Président (M. Garon): Il lui reste 24 secondes.

M. Gaulin: J'ai soulevé un point d'ordre, M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: C'est le président qui décide si j'ai du temps ou non.

Le Président (M. Garon): Non, non, il a encore du temps. Je n'ai pas dit qu'il n'en avait pas.

M. Gaulin: Non, mais je pose la question.

Le Président (M. Garon): Il en a.

M. Gaulin: Combien?

Le Président (M. Garon): Il reste 24 secondes

M. Gaulin: Parce qu'on avait dit deux minutes tout à l'heure et il me semble que ça a duré beaucoup plus longtemps.

M. Beaudet: Non, mais j'ai parlé deux secondes.

M. Gaulin: Vous n'avez pas compté votre temps de lecture. Vous avez dû faire reprendre la lecture, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Mais il restait deux minutes à ce moment-là; là, il reste 24 secondes.

M. Gaulin: Bien, continuons la comédie, si vous voulez.

M. Beaudet: M. le Président, je propose que, à l'alinéa 1 de l'article 170, après «dans un délai que la Commission fixe après consultation de l'Office», on remplace «que la Commission fixe» par «qu'il fixe».

M. Payne: Est-ce qu'on peut avoir une copie?

M. Beaudet: Il l'a, lui, faites-la faire, il n'y a pas de problème, moi, je n'ai pas de photocopieur.

M. Kelley: On peut suspendre nos travaux. Avec plaisir, on peut suspendre pour faire les photos.

Le Président (M. Garon): Comme il est 18 heures, nous allons ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)


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