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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 23 octobre 1997 - Vol. 35 N° 65

Consultation générale sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre des lois sur l'accès à l'information


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Geoffrey Kelley, président suppléant
M. Michel Morin, président suppléant
M. André Boisclair
M. Thomas J. Mulcair
Mme Solange Charest
Mme Nicole Léger
*M. Manuel Dussault, AMEQ
*M. Giovanni Dolfato, idem
*M. John Burcombe, Mouvement au Courant
*M. Yves Corriveau, CQDE
*Mme Rolande Coderre, FAEP
*M. Auguste Servant, idem
*M. Yves Lemire, idem
*M. Claude Francoeur, ASIRQ
*M. Max Chassé, idem
*M. Jean-Charles Fournier, COMAQ
*M. Gabriel Michaud, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures quatre minutes)

Le Président (M. Garon): Le quorum est constaté. Je déclare la séance ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par Mme Charest (Rimouski) et Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys) est remplacée par M. Mulcair (Chomedey).

Le Président (M. Garon): Alors, je donne lecture de l'ordre du jour de la journée: À 9 heures, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec; à 10 heures, Mouvement au Courant; à 11 heures, le Centre québécois du droit de l'environnement; à midi, suspension; à 15 heures, la Fédération des associations de l'enseignement privé et Québec Association of Independent Schools; à 16 heures, Association de sécurité informatique de la région de Québec; à 17 heures, Corporation des officiers municipaux agréés du Québec et, à 18 heures, ajournement.

J'invite immédiatement l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec à s'approcher – vous êtes déjà là? – et à vous présenter. Nous avons une heure ensemble. Normalement, 20 minutes pour votre exposé et 20 minutes de chaque côté, du côté des députés ministériels et du côté de l'opposition. Allez-y!


Auditions


Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Dussault (Manuel): Je me présente. Manuel Dussault, directeur de la recherche et de l'analyse de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, et, à mes côtés, M. John Dolfato, président du comité environnement de l'Alliance et conseiller juridique chez General Motors du Canada. En plus de l'introduction, je traiterai particulièrement des recommandations 1 à 6 de notre mémoire, qui portent sur l'accès en matière d'environnement, et M. Dolfato traitera des recommandations 7 à 16 sur les autres sujets de notre mémoire.

L'Alliance désire en premier lieu remercier les membres de la commission de la culture de lui offrir l'occasion de faire part de ses commentaires au sujet du rapport de mise en oeuvre que la Commission d'accès à l'information a récemment déposé. L'AMEQ, qui compte 600 membres corporatifs, est vouée à l'amélioration continue de la compétitivité de l'industrie québécoise et canadienne et à la croissance de ses exportations. Dans cette perspective, l'Alliance défend et représente les intérêts de l'industrie auprès des gouvernements et fournit de l'information, des programmes et des services de soutien à ses membres. L'Alliance favorise également le développement et l'implantation de nouvelles technologies dans les entreprises et adhère, en matière d'environnement, aux principes du développement durable.

L'AMEQ tient à souligner la pertinence de la décision du législateur de prévoir dans la loi sur l'accès à l'information et sur la loi sur le secteur privé un régime de révision statutaire qui oblige la Commission d'accès à l'information à produire sur une base quinquennale un rapport de mise en oeuvre et le législateur à s'interroger sur l'opportunité de maintenir ces lois ou de leur apporter certaines modifications. Un tel processus permanent contribue nettement à l'amélioration de la qualité des lois, et plusieurs lois actuellement en vigueur auraient avantage à contenir des dispositions analogues.

Notre mémoire traite de quatres sujets: l'accès à l'information environnementale, la procédure d'avis aux tiers, les recours disponibles à l'encontre des décisions rendues par la Commission d'accès à l'information et, enfin, la protection des renseignements personnels. En plus de commenter le rapport de la Commission, nous vous proposons ce que nous croyons être des solutions constructives et réalistes pour l'amélioration de ces lois.

Le premier volet du présent mémoire, qui traite de l'accès à l'information environnementale, est le fruit d'une collaboration entre l'Alliance et le Centre patronal de l'environnement du Québec. Les membres de la commission parlementaire retrouveront, pour l'essentiel, le même contenu dans les mémoires respectifs de ces deux organismes.

Nous tenons d'abord, en premier lieu, à rappeler que tant l'expérience américaine que les expériences canadiennes et québécoises démontrent que les lois sur l'accès servent, malheureusement, tout autant sinon plus à certaines entreprises pour mettre la main sur des renseignements commerciaux et industriels appartenant à leurs concurrents qu'aux citoyens qui désirent s'enquérir de la saine gestion de leur environnement ou toute autre question. Si le législateur ne veut pas que la loi sur l'accès du Québec serve à affaiblir nos entreprises et à les rendre plus vulnérables à l'égard des compétiteurs et pour éviter que les investisseurs en recherche et développement soient dirigés vers d'autres juridictions qui protègent mieux la confidentialité des secrets commerciaux et industriels, il faudra continuer à offrir, dans cette loi, des garanties.

Par ailleurs, il est bon de souligner que la mise en oeuvre de la procédure prescrite par la loi sur l'accès, avec ses délais et ses coût inhérents, peut dans bien des cas être évitée lorsque les citoyens s'adressent directement à l'entreprise concernée pour obtenir des informations. Dans ce contexte et dans l'esprit du développement durable, l'Alliance incite les organismes publics à mettre directement en contact les citoyens et les entreprises afin de leur permettre, dans la mesure du possible, de régler à l'amiable les questions de l'accès à l'information, et ce, en marge de la procédure lourde et fastidieuse de la loi. Le ministère de l'Environnement et de la Faune applique déjà une telle politique qui a été négociée avec l'Alliance et discutée avec l'Alliance, et nous l'encourageons à poursuivre dans ce sens.

(9 h 10)

En ce qui a trait à la loi sur le secteur privé, l'Alliance adhère aux principes voulant que les entreprises assurent la protection des renseignements personnels qu'elles détiennent et respectent ainsi la vie privée de leurs clients, de leurs employés ou de tiers. L'Alliance constate, cependant, que le régime adopté en 1993 et entré en vigueur en 1994 s'avère inutilement lourd d'application pour les entreprises comme pour les citoyens. Dans cette mesure, nous croyons que le législateur doit revoir substantiellement les mécanismes de protection actuels.

Dans le domaine de l'accès à l'information environnementale, nos recommandations 1 à 6 dans notre mémoire sont relatives aux propositions 27 et 28 du rapport de la Commission. En voici un bref résumé: dans son rapport, à la recommandation 28, la Commission d'accès à l'information recommande que l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement soit modifié afin de conférer un caractère public non seulement au registre visé par cette disposition, mais également à l'ensemble des documents qui y sont mentionnés, sous réserve des articles 23 et 24 de la loi sur l'accès. L'Alliance ne peut souscrire à cette recommandation. En effet, la reconnaissance du caractère public des documents mentionnés au registre aurait pour effet d'établir une présomption en faveur de leur accessibilité, alors que le législateur a toujours reconnu un caractère hautement confidentiel aux secrets industriels ainsi qu'aux renseignements commerciaux, techniques, scientifiques ou industriels fournis à l'État.

En termes de propositions alternatives, nous proposons plutôt que l'article 118.5 soit modifié afin de conférer uniquement un caractère public aux renseignements permettant de savoir en quoi une activité est conforme aux normes environnementales applicables. Ces informations se retrouvent généralement dans des documents qui émanent du ministère de l'Environnement et de la Faune et pourraient facilement être inscrites au registre, sous réserve, cependant, de ne pas révéler des renseignements visés par les articles 22, 23 ou 24 de la loi sur l'accès.

La Commission d'accès à l'information recommande également, dans sa proposition 27, de modifier l'article 26 de la loi sur l'accès pour en faire une règle générale et inconditionnelle d'accès. L'élargissement de la portée de l'article 26 nous apparaît excessif. Une telle modification pourrait compromettre le respect de droits fondamentaux reconnus par la Charte des droits et libertés, dont le droit à la vie privée, le droit à la présomption d'innocence et le droit à une audition impartiale de sa cause.

Cela dit, nous tenons à mentionner notre satisfaction face à la procédure d'avis inspirée des règles d'équité procédurale que le ministère de l'Environnement et de la Faune applique dans le but d'informer le tiers qu'un document qu'il a fourni et qui contient des renseignements visés par l'article 26 de la loi sur l'accès fait l'objet d'une demande d'accès. Un délai de 15 jours lui est accordé soit pour convaincre le responsable de l'accès que les renseignements demandés ne sont pas visés par l'article 26, soit pour saisir la Commission d'accès à l'information d'une demande de révision. L'AMEQ souligne que cette attitude responsable du ministre de l'Environnement mérite non seulement d'être saluée, mais qu'elle devrait être consacrée formellement dans la loi, comme c'est le cas, d'ailleurs, pour les trois lois citées en exemple par la Commission d'accès à l'information dans son rapport de mise en oeuvre.

J'aimerais maintenant céder la parole à M. Dolfato.

M. Dolfato (Giovanni): L'article 25 de la Loi sur l'accès prévoit qu'un organisme public doit, avant de communiquer un renseignement fourni par un tiers, donner un avis par courrier à ce dernier. La Commission recommande au législateur que lui soit accordée la discrétion, lorsque les circonstances le justifient, de procéder par un avis publié dans les journaux plutôt que par un avis postal individuel. Au soutien de cette demande, la Commission fait valoir qu'il est parfois difficile de rejoindre les tiers pour les informer de l'existence d'une demande d'accès, notamment dans les cas où cette demande vise un nombre considérable de tiers. Selon nous, les droits des tiers ne sauraient dépendre de leur assiduité à lire les avis publics dans les journaux.

La procédure d'avis formel consacrée dans la loi est essentielle puisqu'il appartient au tiers d'établir que les renseignements demandés sont traités par lui confidentiellement ou que leur divulgation est susceptible de lui causer un préjudice ou de conférer un avantage indu à l'un de ses compétiteurs. À cet égard, rappelons-nous que le tiers qui fait défaut de répondre à l'avis est réputé avoir consenti à ce que l'accès soit donné aux documents. Dès lors, il nous apparaît donc fondamental que chaque personne qui est susceptible d'être affectée par une décision de la Commission soit formellement avisée afin qu'elle puisse faire valoir ses droits.

La Commission recommande également que la loi soit modifiée de manière à ce que seul un tiers reconnu par la Commission soit considéré comme une partie au litige. Il s'agit, selon nous, d'une réduction injustifiée des droits des tiers. Si cette modification devait être adoptée, les tiers pourraient être privés de la possibilité de défendre la confidentialité de leurs documents devant la Commission d'accès à l'information, soit parce qu'ils n'ont pas été informés de l'existence d'un recours en révision, soit parce que la Commission considère que l'organisme public saisi de la demande d'accès est apte à faire valoir cette confidentialité devant le tribunal.

Les entreprises qui ont fourni les renseignements à un organisme public doivent être considérées comme une partie au litige. Il faut bien comprendre que c'est du statut de partie des tiers qui ont fourni des renseignements à un organisme du gouvernement dont il est question ici et non pas de personnes ou entreprises qui, sans être directement visées par un litige, désirent y intervenir pour faire valoir leur point de vue. À l'égard de ces dernières, conformément aux pratiques et usages applicables devant les tribunaux, la Commission a discrétion pour reconnaître au tiers le statut de partie.

L'Alliance s'oppose à toute modification à l'article 147 de la loi sur l'accès visant à empêcher l'appel des décisions de la Commission sur des questions de fait, et ce, même en présence d'une erreur déterminante ou déraisonnable. Une société ne saurait tolérer que des justiciables ne puissent contester devant les tribunaux des erreurs factuelles déterminantes ou déraisonnables au risque de cautionner l'injustice.

L'expérience démontre qu'à plusieurs reprises la Cour du Québec a eu à intervenir sur des questions de fait parce qu'elle a conclu, après analyse de la preuve selon des critères d'équité judiciaire, que la Commission avait commis une erreur d'appréciation déterminante ou déraisonnable. Dans ce contexte, le droit d'appel devant un tribunal judiciaire relativement aux questions de droit ou de compétence incluant les erreurs de fait déterminantes est une garantie essentielle de justice.

Nous ne pouvons également souscrire à la recommandation de la Commission voulant qu'une partie ne puisse en appeler d'une décision interlocutoire de la Commission. Traditionnellement, les tribunaux ont reconnu qu'un jugement portant sur la compétence du tribunal rendu suite à une objection préliminaire était définitif et pouvait donner lieu à un appel immédiatement. Rien ne justifie qu'on écarte cette jurisprudence de manière à forcer une personne ou une entreprise à se soumettre à la juridiction d'un tribunal sur des questions qui ne relèvent pas de lui.

En ce qui concerne la loi sur le secteur privé, l'obtention et la gestion des consentements écrits requis par la loi est certainement la principale source des difficultés et des coûts importants engendrés par son application. Dans la mesure où la loi impose déjà aux entreprises de ne recueillir et de ne communiquer des renseignements personnels qu'en cas de nécessité, pourquoi faudrait-il ne plus faire signer les formulaires de consentement? Pourquoi, d'autre part, la loi ne reconnaîtrait-elle pas la divulgation du consentement, la validité du consentement implicite ou tacite qui offre la flexibilité nécessaire à la conduite efficace des affaires? Ne pourrait-on pas envisager l'adoption d'un règlement prescrivant les renseignements personnels qu'une entreprise peut recueillir et échanger sans le consentement dans le cadre de transactions courantes? Dans l'éventualité où une entreprise voudrait obtenir plus de renseignements que ceux mentionnés dans un tel règlement, il lui serait alors loisir d'obtenir un consentement.

L'article 13 de la loi sur le secteur privé ne fait pas de distinction entre les renseignements personnels relatifs à une personne qui réside au Québec et les renseignements personnels concernant une personne qui réside à l'extérieur de cette province. Il en découle que les entreprises dont les banques de données nationales ou internationales sont situées au Québec doivent obtenir le consentement manifeste, spécifique et éclairé des personnes qui ne résident pas au Québec avant de communiquer des renseignements à leur sujet à l'extérieur du Québec, et ce, indépendamment si dans les autres provinces ou aux États-Unis un tel consentement est exigé. Afin d'éviter que les banques de données contenant des renseignements personnels au sujet des non-résidents du Québec soient transférés à l'extérieur de la province, la loi pourrait être modifiée afin de permettre à une entreprise de communiquer, sans le consentement de la personne concernée, des renseignements personnels à une personne qui est également autorisée à les recevoir et qui les requiert de l'extérieur du Québec, lorsque ces renseignements concernent des personnes qui ne résident pas au Québec.

(9 h 20)

L'article 2 de la Loi sur le secteur privé devrait être précisé de manière à ce qu'il soit très clair que les renseignements concernant une entreprise, quelle qu'en soit sa forme juridique, ne constituent pas des renseignements personnels. Ainsi, les renseignements concernant une personne qui exploite une entreprise sous son propre nom, et sans être incorporée, ne seraient pas considérés comme étant des renseignements personnels assujettis au régime de la loi. Il en irait de même des renseignements relatifs aux membres d'une société civile, notamment d'une société en nom collectif.

Tel que libellé actuellement, l'article 18.9 de la Loi sur le secteur privé ne semble pas permettre aux entreprises qui procèdent elles-mêmes au recouvrement de leurs créances de profiter de l'exception conférée aux agences de recouvrement de créances. L'Alliance croit que cette incongruité devrait être rectifiée afin qu'il soit conféré aux entreprises qui procèdent elles-mêmes au recouvrement de leurs créances les mêmes droits et les mêmes avantages que ceux qui sont actuellement consentis aux agences de recouvrement de créances. L'expérience des quatre dernières années a démontré qu'une restriction importante à l'accès aux dossiers détenus par les entreprises avait été émise par le législateur. Il s'agit du cas où les renseignements contenus dans un dossier d'une personne font l'objet d'un processus décisionnel qui n'est pas encore complété. Le législateur a prévu, dans le secteur public, un régime visant à protéger les processus décisionnels, lorsqu'il a adopté les articles 37 à 39 de la loi sur l'accès. Rien, selon nous, ne justifie qu'une exception similaire ne soit pas prévue dans la loi sur le secteur privé afin de protéger des processus décisionnels élaborés au sein des entreprises. Une modification en ce sens devrait donc être apportée à la loi sur le secteur privé. Je vous remercie de votre écoute et il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames, messieurs, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Nous avions, bien sûr, déjà pris connaissance de votre mémoire. Je peux d'ores et déjà vous donner l'assurance que des recommandations seront étudiées. Question de curiosité: Est-ce que vous avez collaboré avec Me Doré dans la rédaction de ce mémoire?

M. Dussault (Manuel): Oui. En fait, on a...

M. Boisclair: On est habitué au style.

M. Dussault (Manuel): Ah, bon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dussault (Manuel): En fait, on a demandé à Me Doré de nous assister pour la rédaction du mémoire.

M. Boisclair: D'accord.

M. Dussault (Manuel): Et c'est, évidemment, les recommandations de l'Alliance.

M. Boisclair: Parce que nous avons déjà fait le débat depuis les derniers jours sur un certain nombre de recommandations faites à la fois par le Conseil du patronat et d'autres organisations qui sont venues nous voir, et il faut dire qu'il y a concordance de points de vue sur un certain nombre de questions.

Là où votre mémoire est original, c'est certainement sur les recommandations concernant l'article 118 de la Loi sur la qualité de l'environnement et, bien sûr, la compatibilité avec les autres articles de la loi d'accès. Vous nous faites une proposition, vous réagissez d'abord fortement à la proposition de la Commission d'accès à l'information, où vous nous dites qu'il faudrait maintenir l'état du droit, comme les tribunaux en ont récemment décidé. Le registre peut être accessible, bien sûr, le contenu du registre, comme Lacroix a statué, demeurerait de nature confidentielle. Dans une de ses recommandations, la recommandation 28, la Commission nous dit qu'il faudrait à la fois que le contenu du registre, le registre, bien sûr, mais aussi les contenus, soient publics, puisque le législateur aurait, dans son intention, décidé d'en faire, de ces renseignements, des renseignements qui ont un caractère public. Vous venez de nous dire que cela pourrait nuire au secret industriel, ça peut nuire donc à la compétitivité des entreprises québécoises.

D'abord, est-ce que vous avez déjà des cas qui ont été portés à votre attention? Où la Commission d'accès à l'information, dans la gestion, dans les décisions qu'elles a prises en vertu de 23 et 24, a nui, dans les faits, au secret professionnel? Des documents sensibles, il y en a au ministère de l'Environnement, il y en a aussi, bien sûr, dans d'autres ministères. Est-ce qu'il y a des cas pratiques, précis qui vous ont été présentés à vous ou qui ont été vécus par vos membres, qui causent problème?

M. Dolfato (Giovanni): Disons que, dans le cas de ma société, les demandes d'accès de nos documents qui ont été faites ont suivi la procédure, sauf le cas lorsqu'on a été impliqué dans le dossier où il y avait une demande des manifestes de transport, mais dans tous les autres cas, lorsqu'une demande d'accès a été faite pour des documents qu'on avait fournis au gouvernement ou au ministère, on a respecté la procédure prévue avec l'avis et on n'a pas eu de problèmes comme tels. C'est évident que si, à un moment donné, on n'avait pas reçu un avis, oui, on aurait eu un problème significatif dans un dossier; en particulier, suite à une demande qui avait été faite d'un renseignement, d'un document en particulier, ça nous aurait causé un préjudice assez important.

M. Dussault (Manuel): Est-ce que je peux ajouter quelque chose là-dessus? Je dois dire, en préliminaire, que c'est bon signe s'il y a un consensus des associations industrielles et patronales sur plusieurs points, c'est signe qu'il y a quelque chose là.

M. Boisclair: C'est une ligne de parti.

M. Dussault (Manuel): Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dussault (Manuel): Vous devez savoir ce que c'est! Je dois dire que notre objection aux recommandations à l'article 118.5... D'abord, l'Alliance est déjà intervenue en cour, dans l'affaire Goodfellow, pour défendre le principe du respect des renseignements confidentiels. Donc, ce n'est pas seulement la révélation de secrets qui nuisent, par exemple, aux investissements, c'est aussi la possibilité de révéler ces secrets industriels ou commerciaux, puisque les entreprises sont très sensibles aux risques.

Maintenant, on a trois objections, si vous regardez bien, à 118.5. D'abord, il faut dire que l'ensemble des renseignements que possède le gouvernement sont soumis à la loi sur l'accès à l'information. 118.5 demande au ministère de tenir un registre de certains documents, et l'interprétation de la cour, c'est: Le registre, ça comprend la description de ces documents-là, et ce registre-là est, de fait, public. Alors, on n'est pas habitué à avoir des renseignements confidentiels industriels des entreprises qui seraient, de fait, déclarés publics. Même si c'est sous condition des articles 23 et 24, ce n'est pas...

M. Boisclair: Oui, mais ce que je veux...

M. Dussault (Manuel): ...logique comme...

M. Boisclair: La question est bien précise, là.

M. Dussault (Manuel): Oui, oui.

M. Boisclair: Je comprends que, à la limite, il y a un défaut dans le raisonnement. Les renseignements sont publics ou pas publics et, à la limite, c'est là-dessus qu'il faut statuer, et on pourrait bien voir, à la limite, qu'il y a une contradiction dans le sens des recommandations entre la recommandation et le fait que, dans le même souffle, on dise: Sous réserve de... Je comprends bien qu'il y a une réflexion plus large à faire, mais ce que je comprends, c'est que, dans la situation actuelle, il n'y a pas eu de difficultés qui se sont posées, où l'atteinte au secret industriel aurait été portée.

M. Dussault (Manuel): À ma connaissance, on vous a donné l'information qu'on avait. Les entreprises qui sont membres ne viennent pas nous dire: Écoute, il y a un secret industriel, et dire: Ça, c'est un secret industriel, ça a été révélé, parce que, je veux dire, ils sont déjà dans une situation difficile.

M. Boisclair: Mais il n'y a pas de cas flagrants qui ont été portés à votre attention, dans l'état du droit actuel, où il y a des secrets industriels significatifs, pertinents pour une entreprise qui ont été rendus publics.

M. Dussault (Manuel): Mais il y a une protection, aux articles 23 et 24, qui semble...

M. Boisclair: Oui, mais...

M. Dussault (Manuel): ...suffisante, sauf que...

M. Boisclair: Donc, 23 et 24...

M. Dussault (Manuel): ...si on modifie 118.5, là, c'est une autre question.

M. Boisclair: Bien, voilà. Donc, vous avez confirmé ce que je cherchais à voir: la protection de 23 et 24 vous apparaît suffisante.

M. Dolfato (Giovanni): Avec la procédure actuelle, oui.

M. Dussault (Manuel): Oui, oui.

M. Boisclair: D'accord. Vous nous proposez une modification, une espèce de... ce que je pourrais peut-être appeler un compromis entre l'état du droit actuel et la proposition de la Commission d'accès quant à une modification de l'article 118.5 de la loi québécoise sur la qualité de l'environnement, et vous nous dites que – je lis votre proposition, là – «pourrait cependant prévoir que les renseignements permettant de connaître les normes environnementales applicables à une activité ont un caractère public et sont inscrits au registre.»

Est-ce que vous pourriez expliciter davantage? Je comprends que les normes, d'abord, elles sont publiques. Ce sont les lois ou les règlements, ou des directives. Donc, quel est l'intérêt d'inclure dans un fichier des renseignements qui déjà sont d'ordre public, sont accessibles et très publics, hein, dans la Gazette officielle , dans les Lois refondues ou ailleurs? Je veux juste bien comprendre le sens de votre recommandation.

(9 h 30)

M. Dussault (Manuel): Oui. Écoutez. Moi, j'aurais peut-être une question pour vous. Je n'ai pas terminé les objections qu'on avait à la proposition de 118.5, et puis vous m'avez emmené sur un terrain, à savoir: Est-ce que 23, 24 c'est suffisant? Est-ce que vous êtes d'accord que 118.5 ne doit pas être modifié dans ce sens-là, puisqu'il y a un illogisme à rendre ces renseignements des entreprises, publics à prime abord, et de les soumettre à 23, 24?

Il y a d'autres objections qu'on peut apporter aussi, comme, par exemple: Comment est-ce que le responsable de l'accès du ministère pourrait-il respecter le caractère public de ces documents et tenir compte des exigences des articles 22, 23, 28, 37, 39 de la loi sur l'accès à l'information si ça pose problème dans ce sens-là aussi? Alors, je ne sais pas si je peux vous poser cette question-là.

Parce que, finalement, notre recommandation, ce qu'on a essayé de faire, c'est de voir l'intention, qui était louable, d'informer le public sur l'environnement dans lequel il vit. Et il y a certaines de ces normes-là qui sont dans les certificats d'autorisation, qui ne sont pas nécessairement simplement dans les règlements. Et c'est ce qu'on voulait permettre au ministère de l'Environnement, d'inclure dans ce registre-là, parce que c'est nécessaire et c'est essentiel que la population aussi connaisse les normes auxquelles les entreprises sont soumises, qui ne sont pas seulement dans les règlements ou les lois.

M. Boisclair: Mais il y a plus que ça dans 118.5. Il y a toutes les études d'impact sur l'environnement soumises en vertu de l'article 31.3; tous les programmes d'assainissement soumis en vertu de l'article 116.2; toutes les attestations de conformité environnementale; toutes les nouvelles demandes d'attestation d'assainissement; toutes les attestations d'assainissement proposées. Bon, la liste est très longue, là.

Moi, ce que je voudrais bien comprendre, c'est: Est-ce que j'ai raison ou est-ce que je dois voir dans votre proposition de modification à 118.5 une espèce de volonté d'en arriver à un compromis entre l'ensemble des renseignements qui auraient un caractère public, comme on le prévoit à 118.5 – malgré l'interprétation que nous connaissons des tribunaux – ou ce que vous nous proposez dans 118.5, c'est uniquement de faire en sorte que, lorsqu'une demande est faite, on publie dans une espèce de registre l'ensemble de la réglementation applicable, en d'autres mots, cette réglementation qui est publique, qui est accessible, qu'on la collige dans un registre en fonction du type d'activité ou du nom de l'entreprise et qu'on puisse, à partir de là, décortiquer l'ensemble de la réglementation qui s'applique à l'entreprise?

Parce que, à l'évidence, si votre recommandation s'arrête là, vous comprendrez que ce n'était certainement pas là la volonté du législateur lorsque l'article 118.5 a été adopté.

M. Dussault (Manuel): Mais je pense que ce qu'il faut dire aussi, c'est que l'article 118.5 précède la loi sur l'accès. Pour avoir accès au registre, on n'a pas à utiliser la procédure lourde et fastidieuse de l'accès à l'information, c'est un document public, il n'y a pas d'avis. Donc, l'intention du législateur, c'est de donner une façon simple et facile de s'informer sur l'environnement, et je pense que c'est un motif louable dans un régime qui n'est pas inclus dans le régime général de l'accès à l'information. C'est-à-dire que les autres documents que vous avez mentionnés et qui sont à l'article 118.5 sont accessibles autrement que par des demandes d'accès à l'information.

Alors, on s'est dit: Dans le sens de «documents publics», de «renseignements publics», qu'est-ce qui pourrait aller au-delà d'une simple nomenclature de ces documents-là? Ça pourrait être aussi les normes qui sont énumérées dans ces certificats d'autorisation là, qui sont imposées par le gouvernement aux entreprises. Et, dans l'ensemble des documents, vous avez énuméré l'ensemble de ces normes-là, les rendre publiques et leur donner un caractère public, où les gens pourraient aller, de fait, ou recevoir une copie ou aller constater au ministère de l'Environnement à quelles normes les entreprises sont soumises.

Maintenant, pour reprendre la recommandation de la Commission, soumettre tous les documents, les renseignements que l'entreprise donne au ministère de l'Environnement et de leur dire: C'est public, sauf sujet à des exceptions qui... La Commission dit que c'est seulement les articles 23 et 24, sans parler, comme je vous ai dit, des articles 22, 24, 28, 37 et 39. Je pense que c'est excessif puis ça trahit l'esprit de ces deux régimes-là d'accès à l'information qui existent.

M. Boisclair: Bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. Dussault, M. Dolfato, bienvenue. Merci pour votre présentation. Dans un premier temps, je voudrais m'assurer de bien saisir votre propos lorsque vous nous dites, notamment à la page 21 de votre mémoire, que l'AMEQ croit qu'il y a une incongruité du fait que les entreprises qui procèdent elles-mêmes au recouvrement ne peuvent pas bénéficier des mêmes avantages accordés aux agences de recouvrement.

Vous dites notamment que l'AMEQ, et je vous cite: «L'AMEQ croit que cette incongruité devrait être rectifiée afin que soient conférés aux entreprises qui procèdent elles-mêmes au recouvrement de leurs créances les mêmes droits et les mêmes avantages que ceux qui sont actuellement consentis aux agences de recouvrement de créances.»

L'AMEQ réclame donc – c'est que le texte dit – les mêmes droits et les mêmes avantages. Mais est-ce que vous accepterez les mêmes obligations des agences de recouvrement? Obligations qui sont, par ailleurs, assez onéreuses en ce qui concerne leurs devoirs envers le public. Est-ce que vous accepterez les mêmes obligations? Est-ce que c'est sensé être implicite dans le texte? Parce que ce n'est certainement pas explicite.

M. Dolfato (Giovanni): C'est évident que ce que nous recherchons... Nous comprenons que les agences de recouvrement ont des règlements et des lois particulières qui les régissent et que, dans le secteur de la loi sur l'accès à l'information dans le secteur privé, la protection de l'information dans le secteur privé, ils ont certaines règles particulières. Ce dont on veut s'assurer, c'est que la petite entreprise et la moyenne entreprise qui n'ont pas les moyens de se payer de façon régulière soit des services d'avocat ou de recouvrement de créance et la facilité, toujours en respectant la loi et les normes, qui sont là autant pour les agences qu'eux, à ce moment-là, elles aient le droit de faire et d'exercer les mêmes genres de recours et d'aller collecter leurs propres dettes.

On comprend que le fait que ce soit une entreprise individuelle qui le fait, elle ne peut pas faire fi de la loi, en fin de compte, et de la protection des renseignements. Mais la loi ne semble pas assez claire pour permettre à cette petite entreprise là de faire son propre recouvrement de dettes.

M. Mulcair: Si ce dont vous voulez vous assurer, c'est la possibilité pour les petites entreprises de faire leur propre recouvrement de dettes, je vous soumets respectueusement que c'est moins une question qui relève de la loi sur l'accès ou de la loi sur la protection des renseignements dans le secteur privé que de la Loi sur le Barreau, parce qu'il y a certaines choses qui peuvent être faites seulement par un avocat.

M. Dolfato (Giovanni): Oui.

(9 h 40)

M. Mulcair: À notre sens, il y a rien à l'heure actuelle qui empêche une telle entreprise de faire son propre recouvrement, et rappelons que même un employé d'une telle entreprise peut aller en petites créances et plaider la cause de l'entreprise sans être avocat. Et d'ailleurs, il y a beaucoup d'entreprises qui ont des gens qui font ça presque à temps plein, mais là où je voulais en venir, c'est qu'il me semble qu'il y a une sorte de garantie imposée par la lourdeur des obligations auxquelles je faisais référence tout à l'heure. Je m'explique: dans la mesure où effectivement une agence de recouvrement doit dorénavant, depuis l'adoption de la loi dans le secteur privé, répondre à un large éventail d'obligations et de normes, ça réduit par le fait même le nombre de personnes qui se livrent à ce commerce d'information privée. Ça a un effet bénéfique pour l'État que le législateur demande de veiller à l'application de cette loi importante – l'État sous forme de cette Commission d'accès – car en ayant réduit, par la force des choses, le nombre de foyers où on collecte cette information-là, où on l'entrepose, où on la stocke, on rend plus facile notre tâche de vérifier si les gens s'acquittent de leurs obligations.

De notre côté, on voit d'un mauvais oeil l'idée que tout d'un coup il y aurait ce stockage d'informations privées, sur la vie privée des gens, sur l'information privée. Dans ce que vous venez de mentionner, ce serait même surtout des petites entreprises. On voit difficilement comment on pourrait contrôler le commerce de cette information-là. De notre côté, on a cette crainte-là. Mais, s'il demeure qu'il y a des préoccupations concrètes et pratiques sur le terrain, on est prêts à vous aider à les résoudre.

Peut-être que la meilleure manière de nous aider à comprendre votre préoccupation, c'est par le biais d'un exemple. Qu'est-ce qui ne peut pas être fait à l'heure actuelle par la petite entreprise à laquelle vous faites référence qui serait fait si on changeait les règles? Vous avez fait allusion tantôt à ceux qui n'ont pas les moyens. Entre nous, c'est pas si cher que ça de recourir à Équifax pour savoir un certain nombre d'informations qui sont bien contrôlées par la Commission. C'est quoi, le problème concret auquel cette suggestion constitue la solution?

M. Dolfato (Giovanni): En parlant d'Équifax, il y a plusieurs entreprises, petites entreprises qui ne sont pas vraiment organisées de façon à savoir quel est le contenu de la loi, le genre de consentement qu'elles doivent aller chercher, les genres de renseignements qu'Équifax peut leur fournir et ce qu'elles peuvent faire avec ces renseignements-là.

M. Mulcair: Mais c'est pour ça que des associations comme la vôtre existent, n'est-ce pas, pour bien informer leurs membres?

M. Dolfato (Giovanni): Oui, en principe, oui, sauf que nous n'avons que 600 membres corporatifs, et il y a bien plus que 600 entreprises, petites et moyennes, qui existent au Québec. Et donc, il y a tout un fardeau d'information qu'il faut aller développer et acheminer vers d'autres entreprises qui ne sont pas membres de notre organisation. Mais ce qu'il est important de reconnaître, c'est que ces entreprises-là ne sont pas au courant de leurs obligations textuelles, telles qu'elles existent dans la loi, de quelle façon elles peuvent traiter avec ces renseignements-là. Tandis qu'une grande entreprise, elle, elle a obtenu tous les consentements, elle a les moyens de se payer des consentements d'une page de longueur, qu'on fait signer à chaque client, qui explique tous les droits et tout ce que chaque employé peut faire avec ces renseignements-là. On est gros et on peut se permettre cette flexibilité-là. Une petite entreprise ne peut pas. À ce moment-là, on demande qu'on crée une mesure où une petite entreprise aurait cette flexibilité-là, sans nécessairement aller par tout le bagage d'un consentement qui peut être une page ou deux pages. Dans le cas de ma société, c'est une page 8,5 X 14, en fin de compte, le consentement qu'on fait signer, parce qu'on doit prévoir tous les cas. On essaie de suivre. Une petite entreprise n'a pas cette flexibilité-là.

M. Mulcair: Par ailleurs, votre analyse concernant le secret industriel nous a beaucoup impressionnés. On est très sensibilisé au problème par d'autres groupes qui sont déjà venus et, comme le ministre a eu l'occasion de le mentionner tantôt, il y a une communauté de pensée dans les présentations parce qu'il y a une communauté quant à l'auteur, sur certains aspects!

Cependant, le point est extrêmement bien soulevé. Si on est là pour protéger la vie privée des individus, toujours est-il qu'il faut qu'on comprenne que pour une personne morale, une entreprise, le secret industriel est le pendant de la vie privée de l'individu. C'est tout aussi important pour permettre l'épanouissement et la survie corrects de cette entreprise-là. Nous, on va étudier très, très attentivement toutes vos recommandations à ce chapitre. Je crois que vous avez largement raison. On va le travailler avec le côté ministériel, parce que, à notre sens, si on va exiger du secteur privé des obligations lourdes en ce qui concerne le respect de la vie privée et la manière qu'ils emmagasinent et qu'ils partagent l'information qu'ils possèdent sur les individus, il me semble que l'obligation incombe également à l'État de veiller à ce que les secrets industriels, au sens le plus large, soient protégés.

Et je dois juste lui dire que ça tombe à point nommé, parce qu'au cours de nos conversations avec d'autres groupes, notamment des groupes comme la FTQ, hier, et d'autres qui sont venus nous voir, c'est devenu évident qu'il va falloir qu'on étudie ça, ce que vous soulevez aujourd'hui, en même temps qu'on étudie un autre problème fort complexe, à savoir: Quand est-ce que la loi sur l'accès s'applique à une filiale d'une entreprise financée à 100 % par l'État, comme Hydro-Québec? Alors, le réflexe, c'était de dire: Bien, si c'est une filiale d'une municipalité ou d'Hydro-Québec, etc., il faut bien que le monde ait le même droit d'accès. Mais, attention! Ce dont on se rend compte, c'est que souvent une filiale a une finalité qui la fait concurrencer dans le secteur privé et a donc besoin aussi d'une protection concernant ses secrets industriels.

Alors, c'est à cela que ça sert, une révision quinquennale. Ça nous permet de voir les cas concrets qui sont arrivés au cours des cinq dernières années et de voir qu'est-ce qui a besoin d'être arrangé. Et, sur ce point-là, vous pouvez compter sur notre aide et notre appui. On partage votre analyse.

Mon collègue, le député de Jacques-Cartier, a quelques questions, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Vous avez formulé deux recommandations dans le sommaire, page 23, dans 12. Je veux les traiter l'une après l'autre.

La première. Je vais revenir sur cette question de la complexité du consentement. Vous avez suggéré un consentement implicite ou tacite. Moi, je ne suis pas très chaud à l'idée parce que je pense que c'est très important d'aviser le consommateur ou le client qu'il est en train de donner une approbation. Et le monde me dit que c'est très compliqué d'écrire un formulaire. Mais ça fait quatre ans que la loi est en place, et j'imagine qu'avec l'usage on va arriver avec un formulaire qui convient à tout le monde. Alors, je ne vois pas c'est quoi l'obstacle, c'est quoi, le problème majeur qui se pose. Parmi les choses qu'il faut signer au moment d'une transaction ou de signature d'un contrat, qu'on ait un autre morceau de papier de plus qui avise les personnes que effectivement il y a des renseignements confidentiels qui vont être échangés, je ne vois pas ça comme un obstacle majeur pour vous autres. Et je pense que c'est très important de, caveat emptor... un avis qu'on donne au consommateur qui est en train de donner son approbation à quelque chose.

Alors, je reviens toujours à cette question: c'est quoi, le problème pour vos membres d'avoir une autre signature à obtenir avant de faire une transaction?

M. Dolfato (Giovanni): Je dois vous dire que le formulaire comme tel, dans notre cas, il est assez complet. Notre filiale qui fait du financement automobile, en fin de compte GMAC, a préparé effectivement un formulaire qui est, comme j'ai dit tantôt, 8,5 X 14 et qui a toutes les adresses des agences de crédit auxquelles on fait référence, où on explique tous les droits, on explique tout ce que les employés font avec les renseignements, tout ce qu'ils peuvent faire, et par la suite le client le signe. Nous, on se dit: Aujourd'hui, dans le marché, les gens qui viennent emprunter de l'argent ou financer leur location ou leur achat d'un véhicule savent qu'ils sont en train de faire une transaction financière et qu'à ce moment-là il y aura un échange d'informations qui va se faire. Il y aura des recherches. Le commun des mortels est au courant de ce fait-là aujourd'hui. Et nous, on se dit: En autant qu'on se tient à des renseignements financiers échangés entre sociétés d'Équifax, comme exemple, ou banques et institutions financières, je pense que les gens doivent savoir que ça se fait. Et, à ce moment-là, nous, ce qu'on propose, c'est que peut-être il y aurait lieu d'adopter un règlement disant que tel genre de renseignement, vous avez le droit de le recueillir, et sans un consentement, parce que les gens doivent s'attendre à ça, dépendant du genre de transaction qu'ils sont en train de compléter.

(9 h 50)

Je vais vous donner un autre exemple qu'on a vécu chez nous. On a mis sur place, sur Internet, la demande de crédit. Et, à ce moment-là, pour le Québec, j'ai du insister qu'on mette également le formulaire de consentement pour qu'il soit complété. Et la question était venue parce que la société avait décidé d'accepter, par envoi de courrier électronique, de traiter la demande de crédit. Sauf que j'ai dit: Faites attention, au Québec, je ne peux pas vous permettre de faire cette chose, puisqu'il me faut un consentement qui est signé. Et à ce moment-là on m'a proposé: Bien, la signature électronique du consentement, est-ce que ça te convient? J'ai dit: Pas du tout. Parce que, enfin de compte, je ne peux pas prouver que la personne au nom de qui on m'envoie le consentement l'a effectivement accepté, a effectivement consenti à me l'envoyer: ça peut être son enfant, ça peut être son voisin, qui a accès à son adresse électronique, qui l'a complété et nous l'a envoyé. Donc, à ce moment-là, on exigeait que le document nous soit imprimé, signé à la main et envoyé soit par courrier ou par fax. Donc, ça nuit un peu au genre d'affaires qu'on aimerait faire dans les années 1998 et en l'an 2000.

M. Kelley: Mais, si je dois comprendre, c'est plutôt un problème de reconnaissance des signatures autres que les signatures à l'encre. Moi, je reviens toujours... Vous m'avez dit que le monde doit s'attendre à ça. Ce n'est pas évident, quand on achète une maison pour la première fois, quand on fait un grand prêt, aux banques, pour la première fois, qu'on est jeune, les règles du jeu ne sont pas connues. Je pense que de le mettre sur un papier... et peut-être que neuf sur 10 de vos clients ne veulent rien savoir et vont signer ça sans le lire. Mais qu'est-ce que nous avons fait? Nous l'avons mis à leur disposition. C'est ça, les règles du jeu. Alors, pour un consommateur très prudent qui veut connaître le A à Z de ce qu'il est en train de faire, au moins, nous avons mis à sa disposition cette possibilité.

Et si, dans l'ère – moi, je ne suis pas avocat, alors – des fax et des autres systèmes de communication, on a besoin d'une meilleure reconnaissance des signatures électroniques, ou je ne sais pas trop quoi, on peut regarder ça. Mais, si on revient à l'économie même de dire aux consommateurs: vous êtes en train de donner un consentement à tel ou tel échange d'informations, je pense que ça, c'est un principe qu'il faut maintenir.

Alors, si, au niveau de son application, il y a de la flexibilité, il y a d'autres moyens pour faciliter la tâche, les transactions électroniques de vos membres, par exemple, ça, c'est quelque chose qu'il faut être prêt à regarder parce que nos manières de faire les ventes sont en pleine évolution. Ça, je comprends, mais le principe de base de dire que ça doit être tacite ou implicite, je ne suis pas certain, parce que, surtout pour les personnes qui sont en train de soit faire un prêt ou faire une hypothèque pour la première fois de leur vie, c'est une grande affaire et ce n'est pas évident qu'ils connaissent les règles du jeu d'avance. Alors, je suis prêt à regarder avec les experts s'il y a d'autres moyens d'avoir une meilleure reconnaissance des échanges électroniques. Ça, je comprends, on est dans un domaine où les façons de faire son en train de changer. Mais, sur l'économie de base de dire qu'il y a consentement implicite, j'ai des réserves, je dois avouer honnêtement, sur ça.

La deuxième chose: dans le 12, vous avez suggéré que le législateur devrait aussi étudier la possibilité d'adopter des règlements prévoyant la liste des renseignements personnels que l'entreprise peut recueillir sans le consentement de la personne concernée. C'est quoi, les renseignements que vous avez visés dans cette recommandation?

M. Dussault (Manuel): Peut-être que je vais lier, je vais prendre 12 au complet, là, parce qu'un doit se lire avec l'autre. Quand on a regardé cette proposition-là, en fait, ça revenait à dire de proposer plus de réglementation pour simplifier la réglementation, c'est-à-dire que la jurisprudence, sur le consentement clair, etc., est ambiguë. On s'est dit: Il y a des domaines, il y a des secteurs où il y a des problèmes. Si on a une bonne réglementation pour ces secteurs-là qui posent difficulté – on peut nommer par exemple les demandes de cartes de crédit – si ces secteurs-là sont réglementés, c'est bien défini à quelles obligations ils sont soumis, quels renseignements peuvent être obtenus – écoutez, ça pourrait être un formulaire qui serait inclus dans le règlement, aussi; il y a une uniformisation peut-être à faire aussi – on pourra à ce moment-là peut-être simplifier l'ensemble de la réglementation en ayant comme principe général un consentement tacite que les tribunaux pourront interpréter à ce moment-là.

Nous, finalement, ce que je vous dis, ça revient à dire: Le fardeau réglementaire, ce n'est pas nécessairement le nombre de lignes de réglementation, mais c'est le fardeau que ça impose à l'entreprise d'appliquer cette réglementation-là. Et puis c'est dans ce sens-là qu'on fait la proposition.

M. Kelley: Mais c'est quoi, les renseignements personnels visés par la liste des renseignements personnels que l'entreprise a? Vous cherchez quoi au juste avec les listes que vous pouvez conserver sans le consentement de l'individu?

M. Dussault (Manuel): Un consentement tacite et...

M. Kelley: Mais c'est quoi, les renseignements sur les détails de l'état des finances de la famille ou... C'est quoi, les renseignements qui sont cherchés ici?

M. Dolfato (Giovanni): Je dirais que les renseignements nominatifs, le nom, l'adresse, le rapport de crédit, disons, si c'est dans un domaine financier. Je vous dirai: Essentiellement, ces questions-là, si, à ce moment-là, on veut aller chercher d'autres renseignements, tels la question de sa santé, question... je ne sais pas, combien de fois il a changé d'emploi, si ce sont des choses externes aux renseignements nécessaires pour compléter la transaction qu'on est en train de faire, à ce moment-là, je vous dirai qu'on n'aurait pas le droit d'aller chercher ces renseignements-là. Ça ne concerne pas la transaction qui se fait à ce moment-là.

Je sais que dans le passé, dans des dossiers, on retrouvait question de la pratique de la personne, des ouï-dire de voisins, etc. Bien, ces choses-là ne devraient pas être au dossier. Puis, si on veut aller recueillir ces renseignements-là de tiers, qu'on obtienne le consentement parce qu'ils ne sont pas nécessaires pour les fins du dossier.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Messieurs, merci de votre mémoire. Et, moi, je voulais aussi revenir sur la question du consentement, votre proposition 12. Tout à l'heure, M. Dolfato, vous avez dit: Vous savez, quand les gens font des transactions financières, ils s'attendent... tout le monde sait qu'il va y avoir des échanges de renseignements. Je dirais: Oui, mais j'ajouterais ceci, c'est que les citoyens et les citoyennes n'ont aucune idée de l'ampleur du nombre et du type de renseignements que des entreprises peuvent aller chercher ou peuvent se transférer d'une entreprise à l'autre. Et pour avoir, dans ma jeune vie, déjà travaillé dans un bureau de crédit et savoir c'est quoi que renferme un dossier de crédit, je vous dirais qu'il faut absolument conserver le consentement des consommateurs, et pas de façon tacite ou implicite mais de façon formelle.

Parce que le type de renseignements qui est parfois divulgué, pas nécessairement de façon formelle mais de façon informelle, vous savez, on ne surveille pas les conversations téléphoniques dans tous les secteurs d'activité pour toutes les transactions qui se font; et que l'on vérifie la vie matrimoniale ou la vie familiale ou, enfin, l'assiduité au travail des citoyens et des citoyennes, je pense que, là-dessus, la loi présentement a deux objectifs par rapport au consentement. C'est vraiment que l'individu en question soit informé qu'on transige des informations sur son compte, et qui a comme deuxième objectif, aussi, qu'il donne son accord et qu'il puisse être à même de corriger certaines choses s'il s'aperçoit qu'il y a des erreurs.

Alors, là-dessus, moi, je voulais vous faire part de ces commentaires-là, parce que je vous avoue que je serais très chatouilleuse d'assouplir la question du consentement formel pour un consentement tacite. Ça, ça ne m'apparaît pas une sécurité pour les consommateurs, pour les individus.

M. Dolfato (Giovanni): Ce que je vous dirais, c'est que, lorsqu'on demande des règlements pour tenter de baliser le consentement tacite, à ce moment-là, je vous dirais que les questions, les exemples que vous m'avez donnés, tels que la situation familiale, l'assiduité au travail, ce sont des choses externes à l'état financier de la personne. Et, à ce moment-là, si une agence veut aller collecter ces renseignements-là, qu'elle obtienne un consentement pour aller les chercher, parce que ça ne devrait être au dossier de crédit.

(10 heures)

M. Boisclair: Sur cette question, imaginez-vous, d'abord, ce qu'il faudrait faire, c'est prescrire des formulaires, puisque dans tous les cas, au-delà des renseignements qui pourraient être utiles pour les fins de l'entreprise, des renseignements qui seraient nécessaires, l'entreprise pourrait quand même avoir un formulaire dans lequel on demanderait d'autres types de renseignements que ceux-là. Donc, en bout de course, c'est le formulaire qu'il nous faudrait prescrire. Avez-vous une idée du nombre de règlements qu'il nous faudrait faire, dépendant des secteurs d'activité? Les gens du milieu de l'assurance sont venus en réclamer un. D'autres de d'autres secteurs nous en réclament.

Je dois vous dire que ça serait tout un travail de rédaction de réglementation. Je ne suis pas sûr que le gouvernement a le goût de le faire, pour les cinq prochaines années, parce que, dans tous les cas, ce qu'il nous faudrait faire, c'est prescrire le formulaire comme on le fait parfois dans certains autres domaines où il y a des contrats types. Prenez, par exemple, le bail de la Régie du logement. Sinon, si on ne prescrit pas le formulaire, rien n'empêcherait un entrepreneur, une entreprise, d'exiger des renseignements autres que ceux qui seraient prévus au règlement. Et que, à cet égard-là... Moi, je ne comprends pas en quoi c'est lourd et fastidieux que de gérer ce consentement de la personne. Vous me parlez de coût. Concrètement, ça veut dire quoi?

M. Dolfato (Giovanni): Concrètement, au point de vue de coût, je ne peux pas vous donner un chiffre. Je n'ai jamais demandé qu'on me comptabilise le coût que ça peut représenter, mais c'est évident qu'il y a des systèmes d'informatique qu'il faut adapter, il y a aussi une surveillance du personnel qui est accrue, en fin de compte, pour s'assurer que les renseignements qui sont au dossier sont à jour, etc., tel que la loi l'exige. Mais je ne peux pas vraiment vous donner une question de dollars, en ce qui concerne les coûts.

M. Boisclair: C'est lourd et fastidieux, alors je comprends que vous ne pouvez pas mettre un... En quoi c'est lourd et fastidieux? Qu'est-ce qui est si lourd dans l'application? Je suis allé renouveler une hypothèque, moi, et ça a pris quelques instants. La dame m'a demandé: Est-ce que vous êtes d'accord? Oui? Non? J'ai signé puis ça a fini là.

M. Dolfato (Giovanni): C'est juste la cueillette des renseignements. Dans notre cas, chez nous, c'est un peu plus facile parce qu'on est une multinationale et que, donc, on s'est conformé à la loi. Donc, il y a bien des renseignements que les gens veulent nous donner, et on dit: Non. On n'est pas intéressé à les connaître, en fin de compte. Mais je me dis, une autre entreprise, eux autres, peut-être collecte tout genre de renseignement et sont intéressés sans nécessairement avoir les consentements qui sont requis, en fin de compte. Et, à ce moment-là, s'ils veulent ces renseignements-là, ils doivent se conformer à la loi. Donc, pour eux, ils devraient aller chercher des consentements au-delà de ce qu'ils font aujourd'hui, en fin de compte.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. Maintenant, j'invite le représentant du Mouvement au Courant à s'approcher de la table des intervenants. Alors, est-ce que le représentant du Mouvement au Courant est là?

Une voix: ...

Le Président (M. Garon): O.K. Alors, nous avons une heure ensemble, ce qui veut dire que, normalement, vous prenez 20 minutes pour votre exposé et, ensuite, chacun des partis aura 20 minutes, c'est-à-dire que le parti ministériel et le parti de l'opposition auront chacun 20 minutes. Alors, M. Burcombe, si vous voulez vous présenter et commencer votre exposé.


Mouvement au Courant

M. Burcombe (John): Bonjour, M. le Président, membres de la commission. Mon nom est John Burcombe et je suis ici comme représentant du Mouvement au Courant, un petit groupe de recherche situé à Montréal. J'aimerais mentionner tout d'abord que je ne suivrai pas exactement le texte de notre mémoire, mais je toucherai les points les plus importants pour nous. Depuis 1989, le Mouvement au Courant poursuit deux grands buts. Premièrement, de veiller à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles, en particulier l'énergie, et, deuxièmement, d'impliquer le public à participer lui-même dans les processus décisionnels. Notre recours aux dispositions de la loi sur l'accès date de 1991. Dès lors, nous avons invoqué la loi à environ 200 reprises afin d'obtenir des informations que nous jugions d'intérêt public. En 1994, nous avons soumis des commentaires, en particulier sur l'accès aux informations relatives à l'environnement, en réponse au dernier rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information. Nos commentaires sur le rapport quinquennal actuel découlent de notre expérience avec la loi sur l'accès. Je ferai référence aux articles du rapport qui nous intéressent en particulier.

Je commencerai donc par l'article 2.3.1 qui porte sur l'assujettissement des organismes gouvernementaux à la loi. Notre expérience ici porte sur une demande d'accès à un contrat adressée à Loto-Québec. À notre surprise, cet organisme nous informait que le contractant fut une filiale Casiloc, une filiale privée, donc non assujettie à la loi sur l'accès. Donc, il nous semble, suite à la décision dans le dossier Nouveler, qu'il est trop facile pour les institutions reconnues comme organismes gouvernementaux de se cacher derrière des filiales qui les mettent hors de portée de la loi sur l'accès. Nous appuyons donc une revue de la définition d'«organisme gouvernemental», tel que recommandé par le rapport.

Maintenant, à l'article 3.1.4 du rapport, à l'égard des droits à la qualité de l'environnement. Cet article nous intéresse en particulier étant donné que le rapport quinquennal actuel reprend les propos du rapport de 1992. Je vais répéter ici certains de nos commentaires de 1994 à ce sujet. Les prochaines pages sont à peu près des citations de notre mémoire de l'époque. En 1978, le ministre délégué à l'Environnement de l'époque, M. Marcel Léger, constatait que: «Beaucoup de gens se sont plaints de la difficulté d'obtenir de l'information dans le domaine de l'environnement. Or, une information large et accessible est, selon nous, un prérequis à l'exercice par les citoyens de leur liberté démocratique.» Fin de la citation.

Il a donc introduit dans la Loi sur la qualité de l'environnement les articles 118.4 et 118.5. Le but de ces articles était de combler cette lacune qu'il a exprimée. Notre expérience, jusqu'en 1994, fut bien reflétée par le rapport de 1992 qui dit que: «Malgré la reconnaissance législative du droit d'accès à l'information environnementale, on peut difficilement prétendre que la communication de ces renseignements s'opère sans heurts et sans obstacles.» Au paragraphe suivant, le rapport souligne «la difficulté d'obtenir l'information requise et la longueur des délais ainsi imposés aux citoyens». Une des raisons de cette piètre situation est que certains tiers invoquent les articles 23 et 24 de la loi sur l'accès pour bloquer en tout ou en partie l'accès à des documents visés par l'article 118.5. Même si, finalement, la Commission d'accès à l'information donnait raison à une demande d'accès à certaines informations, que le demande est jugée essentielle, le tiers pourrait toujours faire appel à la Cour du Québec afin d'obtenir un délai supplémentaire et amener le demandeur à éventuellement laisser tomber sa demande. Nous endossons donc le rapport de 1992 en soulignant que: «Bien souvent, la divulgation de documents après un laps de temps plus ou moins long ne sera plus d'aucune utilité pour le demandeur.»

(10 h 10)

Pour solutionner ce problème, nous croyons que le contenu des documents visés par l'article 118.5 devrait être considéré à l'avance comme étant public et rédigé de façon à ce que le tiers ne puisse pas invoquer la loi sur l'accès. En d'autres mots, les documents devraient être écrits comme s'ils avaient à l'origine un caractère public. Cependant, les documents doivent toujours fournir suffisamment d'informations sur un projet et ses impacts pour qu'un citoyen puisse déterminer si les dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement sont respectées. Il serait toujours possible que certains documents dits secondaires cités dans un document de première ligne soient assujettis à la loi sur l'accès. Mais cela ne doit pas empêcher un accès complet et immédiat au document principal.

Il faut noter que la Charte des droits environnementaux de l'Ontario établit un vaste registre d'informations environnementales, accessible par Internet, qui entrent en vigueur progressivement. De plus, au niveau fédéral, la loi sur l'évaluation environnementale prévoit, à l'article 55, un registre public donnant, en théorie, accès à une panoplie de documents relatifs aux projets sous étude. Alors, depuis la rédaction de ces commentaires, en 1994, nous constatons certaines lacunes dans le système de registre ontarien et fédéral ainsi que certaines améliorations dans la situation au Québec. En fait, en décembre 1995, les directions de l'évaluation environnementale du ministère de l'Environnement et de la Faune ont lancé le bulletin d'information sur les procédures d'évaluation et d'examen des impacts, intitulé Évaluation environnementale . De plus, une liste des directives émises pour la réalisation d'études d'impact et une liste des approbations de projets sont maintenant disponibles sur le site Web du ministère, avec la promesse de l'ajout d'informations plus détaillées au cours de 1997. Cependant, ces informations portent uniquement sur le peu de projets assujettis à la procédure publique d'évaluation, laissant dans l'obscurité les milliers de projets évalués sans avis public en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Par ailleurs, le rapport de 1997 remarque que l'article 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement donne accès à des renseignements en possession du ministère, sur des contaminants, émis par les sources assujetties à cette loi. Paradoxalement, cependant, le promoteur d'un nouveau projet émetteur de contaminants peut invoquer la confidentialité accordée par les articles 23 et 24 de la loi sur l'accès pour filtrer les informations rendues publiques sur ces contaminants. Pour nous, cette situation est inacceptable.

Maintenant, je retournerais à l'article 3.1.5, sur les contrats de service et la qualité publique des renseignements qui s'y rattachent. Nous croyons, comme le rapport, que l'interprétation actuelle de la Cour du Québec du paragraphe 3° de l'article 57 de la loi sur l'accès est illogique et discriminatoire, car, et je cite: «Une personne morale jouit, pour certains renseignements inclus à ces contrats de service conclus avec un organisme public, d'un droit à la confidentialité plus étendu qu'une personne physique», fin de citation. Donc, nous partageons entièrement la position de la Commission d'accès à l'information à l'effet que, dans l'intérêt de la transparence, et je cite: «Les renseignements concernant une personne, qu'elle soit physique ou morale, partie à un contrat de service et les conditions du contrat devraient avoir un caractère public. Peu importe le statut de cette personne, il ne devrait pas être possible de soulever les restrictions énoncées aux articles 23 et 24 de la loi sur l'accès», fin de citation.

Un autre article qui nous intéresse est l'article 3.3.1, sur l'exercice du droit à l'appel des décisions de la Commission sur les questions de droit ou de compétence. Nonobstant l'article 146 de la loi, qui stipule qu'une décision de la Commission sur une question de fait de sa compétence est finale et sans appel, il est de notre expérience que la Cour du Québec accepte trop facilement des arguments sur, entre guillemets, l'appréciation de la preuve pour, en effet, réexaminer les faits. Nous croyons que la Cour devrait être plus respectueuse de l'article 146 de la loi sur l'accès.

Un autre sujet qui nous intéresse en particulier est la condamnation aux dépens. Ayant payé moi-même des dépens inattendus de plus de 2 000 $ suite à deux appels devant la Cour du Québec, le Mouvement au Courant croit que la possibilité d'être condamné aux dépens amène plusieurs individus et petits groupes comme le nôtre à ne pas aller en appel ou à se désister d'appels contre eux. Nous endossons donc la recommandation du rapport et suggérons que sa portée soit même plus large en enlevant les quatre derniers mots, soit «par une autre personne». Conséquemment, la recommandation devrait se lire: La personne qui a déposé une demande de révision ou une demande d'examen de mésentente auprès de la Commission ne devrait pas être condamnée aux dépens par la Cour du Québec si la décision est portée en appel.

Finalement, nous aimerions commenter l'article 3.3.6, sur la représentation par avocat devant la Commission. Jusqu'ici, j'ai représenté le Mouvement au Courant dans ses demandes de révision devant la Commission d'accès à l'information sans objection d'autres parties. D'autres groupes ont été moins chanceux. Il est préférable que la Loi sur le Barreau soit amendée, selon la recommandation du rapport, afin que la représentation par avocat soit facultative.

Maintenant, sur un sujet qui n'est pas abordé par le rapport, les délais administratifs. Malheureusement, le rapport est muet sur les délais de traitement, premièrement, par les organismes publics à l'égard des demandes d'accès et, deuxièmement, par la Commission elle-même en ce qui concerne les demandes de révision. Notre expérience récente démontre une transgression flagrante par certains organismes des délais de réponse exigés par la loi sur l'accès. Pour nous, un moyen efficace pour amener ces organismes récalcitrants à respecter la loi est nécessaire. Quant aux demandes de révision, le délai normal pour fixer une audience est maintenant prolongé de quatre à cinq mois de plus. Si l'organisme ou le tiers impliqué dans une démarche de demande de révision demande, pour n'importe quelle raison, que l'audience soit reportée, cela implique un délai supplémentaire de quatre à cinq mois. Vu que souvent l'utilité des informations demandées diminue rapidement avec le temps, nous trouvons cette situation inacceptable.

(10 h 20)

En conclusion, vu notre expérience comme utilisateurs de la loi, nous espérons que ces réflexions sur le rapport quinquennal de 1997 et sur l'application de la loi aideront votre commission, M. le Président, à formuler des recommandations au gouvernement pour renverser la tendance actuelle vers un accès de plus en plus restreint, sur le fonctionnement de nos institutions publiques. Je suis disponible pour des questions et j'ai d'autres sujets dont j'aimerais traiter si le temps le permet. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: M. Burcombe, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale, à la commission de la culture, vous dire que votre présentation est appréciée, puisque que je comprends que vous êtes un habitué de la Commission d'accès à l'information et que vous connaissez bien le fonctionnement, et donc votre point de vue est d'autant plus riche de l'expertise que vous avez su développer.

Si j'avais peut-être un thème à donner à la journée d'aujourd'hui, c'est bien celui de l'environnement. Nous avons à dessein choisi de regrouper aujourd'hui l'ensemble des personnes qui s'intéressent à l'accès à l'information dans le milieu de l'environnement et nous aurons donc tout au cours de la journée un débat à faire sur l'article 118.5 prévu à la Loi sur la qualité de l'environnement, qui, comme vous le rappelez, au moment de son adoption, si ma mémoire est juste, par l'ancien député de Pointe-aux-Trembles, prévoyait que l'ensemble des renseignements qui étaient visés à 118.5 avaient un caractère public. La Cour, avec le temps, en a décidé autrement et plusieurs viennent ici, dont la Commission d'accès à l'information, nous dire qu'il est temps de revoir le droit et faire en sorte que ces documents soient, non seulement le registre mais les documents qui accompagnent les titres au registre, eux aussi publics, sous réserve, bien sûr, des articles 23 et 24 de la loi d'accès à l'information.

Ce que je voudrais voir avec vous, c'est un peu d'essayer de comprendre en quoi les gens sont-ils justifiés – comme l'Alliance, tout à l'heure, des manufacturiers, je crois que vous avez assisté à la présentation – de craindre une atteinte au secret industriel? Vous qui avez consulté ces documents-là, est-ce qu'il y a véritablement des renseignements là-dedans qui pourraient nuire au secret industriel, ou s'il n'y a pas davantage de renseignements qui peuvent vous aider et aider aussi les citoyens dans l'oeuvre d'éducation aux droits à laquelle votre mouvement est dédié et aussi à laquelle vous souhaitez éveiller l'ensemble de la population?

M. Burcombe (John): L'essentiel, M. le ministre, c'est qu'on puisse avoir accès à l'information nécessaire pour être assuré que la Loi sur la qualité de l'environnement est respectée. Ça veut dire que, par exemple, il faut avoir suffisamment d'informations pour connaître si un projet est assujetti, par exemple, à la procédure publique d'évaluation plutôt que simplement assujetti à l'article 22. Alors, ça, c'est le type d'information qui est essentiel pour nous, pour les citoyens afin qu'ils puissent vérifier que les procédures sont bien appliquées.

M. Boisclair: Est-ce que je peux prendre la balle au bond? Vous proposez, dans 118.5, de distinguer des renseignements qui seraient renseignements essentiels d'autres qui seraient secondaires.

M. Burcombe (John): Oui.

M. Boisclair: Et vous dites qu'il faudrait que les documents primaires soient en tout temps accessibles sans autre formalité et que les documents secondaires seraient, eux, soumis aux dispositions de la loi d'accès, donc aussi aux articles 23 et 24 de la loi d'accès.

M. Burcombe (John): Oui.

M. Boisclair: Quelle distinction faites-vous? Précisément si on retenait cette formulation. Qu'est-ce qui, pour vous, fait partie des documents qui seraient primaires, donc essentiels, et qu'est-ce qui serait des documents secondaires qui pourraient être soumis au processus d'accès déjà prévu à la loi?

M. Burcombe (John): Je crois que l'avis de projet doit être un document public même s'il peut y avoir peut-être des annexes qui sont assujetties à la loi sur l'accès, mais je crois qu'il est essentiel qu'il y ait un document succinct qui décrit un projet qui soit disponible publiquement sans aucune restriction.

M. Boisclair: Est-ce que, par hasard, vous avez sous les yeux ou connaissez suffisamment bien l'article 118.5 pour m'indiquer précisément? Parce que, 118.5, là, il y a plus d'une dizaine d'éléments.

M. Burcombe (John): Oui.

M. Boisclair: Vous, ce que vous me dites, c'est que les demandes de certificat d'autorisation, les certificats d'autorisation de permis soumis aux articles 22 et suivants, ça, pour vous, c'est incontournable.

M. Burcombe (John): Malheureusement, je n'ai pas la liste. Je crois que c'est dans le rapport.

M. Boisclair: Oui.

M. Burcombe (John): À quelle page?

M. Boisclair: Je peux vous le...

M. Burcombe (John): Mais c'est sûr que le...

M. Boisclair: Je vous l'envoie porter. La question qui se pose à nous, c'est: Si jamais on retient une formulation comme celle qui est la vôtre, il faudrait distinguer ce qui est essentiel et en tout temps accessible de ce qui sera accessible par le biais de la loi d'accès.

M. Burcombe (John): C'est certain que, si on suit un peu le cheminement d'un projet à travers la procédure, il y a, premièrement, l'avis de projet ou la demande de certificat d'autorisation, qui est à peu près le même type de document. Je crois que ce document doit être disponible sans aucune restriction. Puis il y a toujours le guide pour la rédaction des impacts sur l'environnement. Je crois que ça, c'est déjà disponible, il n'y a pas de problème là. Ce document est rédigé par le ministère et donc rendu disponible.

Maintenant, je crois que ça semble être assez bien établi que le rapport d'analyse environnementale fait par le ministère pour qu'il procède à la recommandation d'émettre un certificat d'autorisation, ce rapport est normalement disponible maintenant. Ça me semble être un développement assez récent que ces rapports soient facilement disponibles. Alors, par la suite, vient le certificat d'autorisation, et c'est sûr que ce document doit être un document public avec suffisamment d'informations pour que le citoyen puisse bien saisir c'est quoi les conditions pour lesquelles l'autorisation est donnée. Et je crois que, dans le passé, ce n'était pas facile des fois de prendre le certificat d'autorisation et connaître exactement c'est quoi qui est permis et c'est quoi les conditions pour que le demandeur de certificat puisse exercer sur ce qui a été demandé. Je ne sais pas quels autres documents sont énumérés là.

M. Boisclair: Je comprends que votre réponse n'est pas finale.

M. Burcombe (John): On n'est pas familier avec tous les documents qui sont visés par le registre.

M. Boisclair: Je voudrais vous remercier – d'autres de mes collègues veulent intervenir – peut-être vous dire rapidement: Quant à l'assujettissement des autres organismes, oui, il faut aller plus loin. Mais trouver un critère qui nous permettra de distinguer ce qui est public et ce qui ne l'est pas, autre que ceux qui sont prévus dans la loi, ce n'est pas une chose simple. Et je dois vous dire qu'à première vue je ne suis pas toujours convaincu que le financement public soit le seul critère à être utilisable et que l'objectif de la révision n'est pas nécessairement de chercher un effet qui fera en sorte de renverser les décisions qui ont été rendues par des tribunaux supérieurs. Donc, il faudra pousser notre réflexion là-dessus.

Sur le droit d'appel, vous nous... que l'exercice du droit d'appel soit une décision de la Commission. Je pense qu'il faut laisser à la Cour le soin d'apprécier la situation. Vous demandez que la Cour soit plus respectueuse de l'article 146 de la loi d'accès; je pense qu'il faut laisser la Cour faire son travail et, s'il le faut, parfois retourner à certaines informations sur les faits. Les dépens, on est bien conscient des difficultés. Je comprends que dans votre cas c'est d'autant plus vrai que vous avez été condamné à payer les dépens. La question, aussi, c'est d'éviter qu'il y ait des requêtes frivoles qui soient aussi présentées devant la Commission d'accès.

La question de l'avocat, ça va être un belle discussion que nous aurons à avoir avec sans doute le député de Chomedey et aussi le premier ministre, les deux appartenant à la même corporation professionnelle. Donc, il y a un débat là et je comprends qu'on aurait sans doute intérêt, comme la Commission le propose, de faire en sorte que des gens puissent représenter... Je dois vous dire mon point de vue de façon spontanée sur cette question, et peut-être arriveront-ils à me convaincre, mais je pense que votre recommandation est certainement recevable, et plus que recevable. Alors, je vous remercie beaucoup.

M. Burcombe (John): D'accord, merci.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Merci, M. Burcombe, pour une excellente présentation. Je voulais vous demander de nous aider avec la question des dépens. Là où le ministre a laissé, je vais reprendre juste là.

(10 h 30)

Il me semble que vous avez largement raison. Ça n'a pas de bon sens que quelqu'un qui fait une demande de bonne foi, qui arrive devant la Commission, soit condamné éventuellement à payer des frais. Surtout lorsqu'on regarde votre annexe et qu'on regarde que bien souvent ça peut prendre cinq ans avant de sortir de la Commission, et ce, avant d'aller en appel. L'existence même d'un droit d'accès devient purement illusoire, avec les exemples que vous nous donnez là.

Je reprends les termes du ministre. Il a parlé d'une demande qui serait futile ou frivole ou... un autre terme qu'on emploie parfois, c'est vexatoire, «frivolous or made in bad faith». Quelle est, selon vous, la ligne à tirer? Est-ce que vous acceptez qu'il soit possible justement qu'un tribunal puisse dire: Écoutez, c'est la cinquantième fois que cette personne-là vient, par différents chemins, pour obtenir les mêmes documents, ça fait 50 fois qu'on tente de lui expliquer que ce n'est pas applicable, maintenant il faut la décourager? Est-ce que vous acceptez l'idée qu'il doit quand même y avoir un petit mécanisme pour décourager des choses qui peuvent être vexatoires, frivoles ou faites de mauvaise foi?

M. Burcombe (John): C'est peut-être un autre point que j'ai voulu mentionner à la commission, que dans un cas récent devant la Commission le tiers a invoqué la notion de la chose jugée pour tenter de débouter une nouvelle demande d'accès. Présentement, cette cause est toujours en délibération devant la Commission. Cette cause, pour moi, dépendamment de la décision de la Commission, pourrait avoir des conséquences sur le cours futur de la loi. Je suis craintif de l'application de cette notion de la chose jugée parce que, même si une décision est prise, dans un certain sens, entièrement, c'est toujours possible que cette décision n'ait pas été la bonne décision.

Il faut avoir une façon de la corriger. Si la seule façon de la corriger est d'aller en appel, où c'est très difficile pour un petit groupe ou un individu de se représenter d'une façon suffisamment bonne, c'est difficile d'avoir des décisions vraies, pour moi, des décisions dont on peut être fiers pour la Commission.

M. Mulcair: C'est une excellente réponse, oui. Vous vous défendez extrêmement bien et, par la même occasion, vous êtes en train de démontrer qu'on n'a pas besoin d'être avocat pour bien défendre son dossier, justement. C'était une excellente réponse. Je pense qu'il faut qu'on soit sensibles justement à ce que vous venez de soulever, car, effectivement, ce que l'on voudrait comme manière d'empêcher quelqu'un d'abuser ou de refuser de comprendre que ça ne peut pas avancer peut, dans certains cas, devenir un empêchement à l'exercice d'un droit que l'on croit reconnaître avec cette loi-là. Votre point est extrêmement bien expliqué et bien soutenu.

Je trouve aussi que votre point concernant les délais, en bas de la page 5 de votre mémoire, est très important, concernant votre expérience récente à l'égard de la transgression flagrante par certains organismes des délais de réponse exigés par la loi sur l'accès. Nous avons eu la même expérience et des commettants, des gens qui sont dans nos comtés, dans nos circonscriptions électorales, nous ont rapporté la même chose, de plus en plus. Les gens savent que les délais inhérents dans le système font en sorte que, le temps que ça arrive à la Commission d'accès, ou les gens vont avoir abandonné ou ils vont se faire taper sur les doigts. Mais il n'y a pas vraiment de mécanisme de contrôle. De la même manière qu'en haut vous dites: Attention! le 2 000 $, ça fait mal, puis comment est-ce que le membre du public peut le payer, en bas, le fonctionnaire, impunément, de plus en plus, peut dire: Je ne réponds pas, ou: Je ne répondrai pas dans les délais.

Une autre chose que, nous, on a vue, c'est qu'on est rendu avec une définition tellement élastique de ce qu'est un renseignement nominatif que, dès qu'il y a le nom de quelqu'un qui apparaît dans un rapport à un endroit donné, bien, le fonctionnaire se sent tout à fait à l'aise de dire: Personne ne verra jamais cette affaire-là. C'est nominatif. Mon préféré dans le genre, c'était la décision de dire que les bulletins de vote... Dans mon comté, il y a eu deux causes qui ont été portées devant les tribunaux pour avoir accès aux bulletins de vote, parce que dans certains bureaux de scrutin jusqu'à 60 % des votes ont été déclarés invalides, et la décision était que c'était nominatif. Il n'existe rien de plus impersonnel qu'un bulletin de vote, mais ils ont dit: Non, parce qu'il y a une liste d'électeurs, c'est nominatif; vous n'avez pas le droit de regarder ce qu'il y a dans les boîtes de scrutin. C'était complètement débile, à notre point de vue.

En tout cas, on prend bonne note de vos observations et de votre expérience. On vous félicite pour votre détermination, et continuez. Vous faites un excellent travail. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les membres du Mouvement au Courant de leur contribution aux travaux de la commission. Maintenant, je ne sais pas si les prochains intervenants sont arrivés.

M. Boisclair: M. le Président, on pourrait... Je pense qu'il y a des collègues de notre côté qui auraient encore des questions.

Le Président (M. Garon): Non. Je n'ai pas eu de personne qui m'a fait la demande.

M. Boisclair: Ah non?

Le Président (M. Garon): Non. Alors, laissez-moi présider la commission, par exemple.

Des voix: M. le Président.

Le Président (M. Garon): Bien, personne ne m'a demandé la parole.

M. Boisclair: Bien, j'en aurais. C'est parce qu'il nous reste encore...

Le Président (M. Garon): Alors, O.K. M. le ministre. Il n'y a pas de problème.

M. Boisclair: J'étais convaincu que mes collègues voulaient intervenir. Oui.

M. Burcombe (John): M. le Président, comme je l'ai mentionné, j'ai quelques autres points que j'aimerais soulever, si possible. Par exemple, à titre personnel, j'aimerais commenter un aspect de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Ça concerne l'utilisation par des organismes philanthropiques de leurs listes de donateurs. Il est pratique courante pour ces organismes de partager entre eux leurs listes de noms et d'adresses, de sorte qu'on pourrait être inondé de sollicitations pour plusieurs causes. Bien que la loi oblige le détenteur d'une liste d'envoi à retrancher le nom de sa liste sur demande de la personne concernée, je crois qu'un contrôle plus serré est nécessaire. Je recommande donc que la loi soit modifiée afin que l'organisme doive chercher le consentement spécifique de nouveaux donateurs si l'organisme prévoit partager sa liste d'envoi avec d'autres organismes. Ça découle d'une expérience personnelle. Encore une fois, l'organisme ne respecte pas une demande de retranchement de noms.

Un autre petit point qui découle de votre commission qui a émis son rapport sur l'autoroute de l'information en mai 1997. Nous aimerions appuyer en particulier une des recommandations de ce rapport, concernant l'accès à toutes les lois. Étant donné que l'absence de connaissance d'une disposition d'une loi ne peut pas être invoquée comme défense en cas d'infraction, nous croyons que toutes les lois et règlements en vigueur au Québec devraient être disponibles librement sur l'Internet, comme c'est le cas ailleurs. Alors, ça, c'est deux autres petits commentaires que j'aimerais mentionner.

(10 h 40)

M. Boisclair: Je vous remercie. On en prend bonne note. Pour suivre la réflexion sur les procédures, ce que vous appelez la lourdeur dans le processus d'obtention d'une décision de la Commission d'accès à l'information, est-ce qu'il serait utile, selon vous, d'éliminer la procédure de requête pour la permission d'en appeler? Est-ce que vous seriez favorable à ce qu'on l'élimine?

M. Burcombe (John): Il y a des pour et des contre, là, que c'est peut-être un certain dédoublement de travail, et obtenir une...

M. Boisclair: Je veux juste préciser parce qu'il y a deux possibilités. Si on enlevait la requête, je ne suis pas convaincu qu'on va convaincre nos amis de la Justice de le faire, et je prends bonne note de leur présence ici dans la salle pour les inviter à poursuivre une réflexion sur la possibilité d'enlever cette requête. Mais ce qu'on proposerait, vous voyez, on pourrait mettre, pour éviter la question des dépens: l'appel est sans frais à l'égard de la personne qui a fait une demande d'accès ou de rectification aux documents ou aux renseignements nominatifs la concernant ou concernant une personne qu'elle représente, à moins que la Cour juge la demande abusive ou dilatoire. Est-ce que c'est une formulation qui, à première vue, vous apparaîtrait recevable?

M. Burcombe (John): Oui, quoiqu'il faut toujours réserver la possibilité de faire une décision si... une demande d'aller en appel est abusive...

M. Boisclair: Abusive.

M. Burcombe (John): Oui. Je crois que c'est acceptable.

M. Boisclair: Parce que, moi, ce que je suis à veille – ce que je veux dire, ça fait déjà quelques jours qu'on réfléchit – de proposer, c'est possiblement qu'on enlève la requête pour permission d'en appeler. En tout cas, je vais proposer une discussion avec les collègues au Conseil des ministres sur cette question-là et peut-être sur la question des dépens, retenir un libellé qui serait semblable à celui-là. L'appel serait sans frais légaux. La personne qui a fait une demande d'accès ou de rectification aux documents ou de renseignements nominatifs la concernant ou concernant une personne qu'elle représente, à moins que la Cour juge la demande abusive ou dilatoire.

Alors, je voulais juste vous dire que sans doute qu'on va pouvoir cheminer dans le sens où vous le souhaitez. D'ici là, je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Ma collègue de Rimouski voudrait...

M. Mulcair: M. le Président, suivant l'alternance, je veux juste...

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci. Je veux juste revenir brièvement sur la question que vient de soulever le ministre. Il parle qu'il réfléchit de plus en plus à enlever la requête pour permission d'en appeler. Moi, je l'inviterais à pousser même un peu plus loin sa réflexion là-dessus. Et j'ai eu l'occasion de rappeler au ministre que son gouvernement, lorsqu'il a présenté la loi créant le nouveau Tribunal administratif du Québec, après un long débat, a décidé d'enlever l'appel dans la plupart des cas où ça existait, plaidant le fait que lorsqu'on crée des tribunaux spécialisés dans certains domaines il faut respecter leur expertise et le droit que ça reste là.

Je pense qu'on n'a pas besoin de beaucoup plus que de regarder l'annexe proposée par M. Burcombe et le Mouvement au Courant pour comprendre comment les entreprises et les ministères qui ne veulent pas respecter la loi n'ont qu'à abusivement eux-mêmes utiliser et étirer, et l'information ne sortira jamais. Je pense que c'est notre devoir maintenant qu'on regarde cette question-là, de se poser ces questions sérieuses. Est-ce qu'on ne devrait pas, par exemple, imposer législativement – et ça existe – à la Commission d'accès à l'information des délais? Parce que c'est scandaleux quand on regarde ça. Autant dire que ça n'existe pas, un droit d'accès, parce que quand même, sept ans plus tard, qu'on dirait au Mouvement au Courant qu'ils ont accès à certains documents, ça vaut quoi, le projet est construit, l'eau a été déviée?

Prenons l'exemple que l'on veut. On a l'obligation, au moment de regarder la loi, de déterminer si ce n'est pas approprié de consacrer la compétence, de la reconnaître, de la renforcer – c'est ce qu'on veut tous – de la Commission d'accès à l'information, et de dire: Dorénavant, on va vivre avec les décisions de la Commission d'accès à l'information. Il ne faut pas oublier que, tout comme dans le cas des décisions du Tribunal administratif du Québec, la requête en évocation serait toujours ouverte au cas où il y aurait une erreur manifestement déraisonnable. Et donc, si la Commission d'accès à l'information – je ne pense pas que ça serait le cas – dit une ineptie totale, bien, la Cour supérieure va intervenir et dire: Écoutez, non, vous avez déterminé qu'en vertu de la loi une mine de nickel est exactement la même chose qu'un paquebot. Oui, ce n'est pas raisonnable, c'est manifestement déraisonnable puis on va changer la décision.

Mais si c'est pour déterminer les faits et déterminer qui a raison, on va juste enlever un mécanisme dilatoire. Je n'ai jamais vu une décision de la Commission d'accès qui a été renversée en appel et qui aurait vraiment heurté le gros bon sens commun. Je pense qu'on peut être d'accord ou ne pas être d'accord, tout comme on peut être d'accord ou pas d'accord avec la décision rendue par la Cour du Québec en appel, mais les juges de la Cour du Québec, malgré leur grande expertise et compétence dans de très nombreuses matières, ne sont pas des spécialistes d'accès à l'information et, quand ils font face à un groupe comme au Courant – pour citer l'exemple de M. Burcombe – et un avocat qui prépare à longueur de journée des mémoires pour des présentations devant la commission de la culture et les mémoires d'appel devant la Cour d'appel, c'est bien réconfortant pour le juge de la Cour du Québec de dire: Ouais, moi, je suis juge. Si je ne veux pas me faire planter en évocation – regarde, j'ai un avocat devant moi qui est vraiment un expert en la matière – je vais renverser la décision de la Commission d'accès. C'est ça qui est en train d'arriver tout le temps.

J'ai vraiment de plus en plus la conviction, au fur et à mesure qu'on rencontre les groupes, notre conviction se cristallise à l'effet qu'il faut reconnaître, respecter, rehausser l'autorité, la juridiction, la compétence et la crédibilité de la Commission d'accès à l'information.

M. Boisclair: ...au TAQ. On pourrait avoir la fonction d'adjudication au TAQ et ça règle le problème de la peine?

M. Mulcair: M. le Président, si le ministre faisait une proposition dans ce sens-là, je l'accepterais au nom de notre formation. J'irais la plaider devant mon caucus et je reviendrais avec la décision de mon caucus. Mais, de ma part, comme porte-parole en matière d'accès à l'information, je tenterais de mon meilleur de la vendre à mon caucus.

M. Boisclair: Voyez comment c'est un esprit de franche camaraderie et de saine discussion. Mais votre mémoire nous fait réfléchir, monsieur.

M. Burcombe (John): Je vois qu'il y a toujours des discussions.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): ...Napoléon. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, monsieur. C'est vrai que votre mémoire est dense. Moi, j'aimerais revenir sur toute la question des délais. Bon, il y a les délais de restriction, il y a les délais de réponse et les délais d'audience. Je commencerais par la question du délai de réponse. Vous affirmez que certains organismes publics transgressent vraiment de façon très importante et, si je lis entre les lignes – je ne sais pas si je me trompe, mais peut-être à répétition dans certains cas, les délais de réponse qui sont prévus par la loi à l'accès – vous dites que la loi doit prévoir un moyen efficace pour que les organismes publics respectent les prescriptions de la loi actuelle. Ça serait quoi, les moyens efficaces que vous pourriez nous suggérer? Est-ce que vous en avez?

M. Burcombe (John): Malheureusement, je n'ai pas beaucoup de suggestions dans cette direction. Comment faire un fonctionnaire responsable? Je ne sais pas. On ne peut pas le traiter comme un individu ou donner une amende, mais comment forcer un organisme à respecter la loi? Ce n'est pas évident. C'est plus facile de faire respecter la loi par des individus ou des personnes morales, mais, par un ministère, faire respecter une loi, comment peut-on exercer un pouvoir sur un ministère, qu'il respecte une loi?

Mme Charest: Est-ce que je vous interprète bien? Si je vous interprète bien, de ce que vous me dites, j'ai le sentiment que vous vous trouvez devant un gros tigre ou, enfin, un mur vis-à-vis un organisme public qui ne respecte pas les délais de réponse et que vous n'avez, comme organisme ou comme individu, aucun moyen de recours qui vous permettrait de faire accélérer les choses ou de faire respecter ce que la loi prescrit présentement, qui est celle de 20 jours ouvrables plus le délai de 10 jours.

(10 h 50)

M. Burcombe (John): La seule chose qu'on peut faire, c'est de loger une plainte à la Commission d'accès à l'information. Mais les délais de traitement des plaintes sont si longs que ça ne donnerait rien. Si l'organisme ne répond pas dans les 20 jours prévus par la loi, porter plainte à la Commission d'accès à l'information qui prendrait des mois à regarder cette demande, ça ne donnerait rien.

Mme Charest: Vous dites aussi, lorsque vous abordez la question des délais d'audience, que vous trouvez ça inacceptable, dans le fond, que la CAI soit rendue à une période, en tout cas, un temps d'attente de cinq mois avant de fixer des audiences. Qu'est-ce que vous jugeriez comme acceptable et recevable, pour soit des organismes ou des individus, en termes de temps d'attente? Parce qu'on ne peut pas du jour au lendemain poser une demande puis s'attendre à ce que, dans deux, trois jours ou dans la semaine qui suit, on soit en audience tout de suite, là; mais, au lieu de cinq mois, ce serait quoi le délai raisonnable?

M. Burcombe (John): Ah, pour moi, un mois ou au maximum deux mois peut-être serait, je trouve, raisonnable. Le problème est que souvent, dans les cas où on porte plainte, on fait une demande de révision devant la Commission, la personne visée, l'organisme public ou le tiers, il regarde cette date et se dit: Ah, ça, c'est dans quatre mois, je ne m'en n'occuperai pas avant un mois, quelques semaines ou même quelques jours avant la date de convocation. Et c'est sûrement à ce point-là qu'ils commencent à regarder le dossier et se disent: Ah, peut-être qu'on peut divulguer certaines parties du document où nos préoccupations avec la confidentialité sur certains points ne sont pas si graves que ça. Et souvent le dossier est réglé sûrement deux, trois jours avant la date de la convocation. Mais cette date est de cinq mois après qu'on a fait la demande. Si cette date était plus tôt, on réglerait la situation beaucoup plus vite.

Mme Charest: O.K. En vous écoutant, je me pose également la question. Vous me dites: Deux mois, ce serait un délai raisonnable. Est-ce que c'est pour tout genre ou tout type ou toute catégorie de demandes d'audition ou si, dans certains cas, cinq mois, ce serait quand même tolérable, et deux mois serait préférable pour un certain type de demandes de types de documents, là, ou de renseignements?

M. Burcombe (John): Si on revient au cas où des organismes refusent simplement de répondre à une demande, je crois qu'une réaction beaucoup plus vite qu'un mois ou deux mois serait préférable. Une réaction presque immédiate, dans un cas comme ça, serait beaucoup plus efficace, rendrait la loi beaucoup plus utile. Ça, c'est sûr que le temps de délai peut être en relation avec le type de demande ou le type de requête à traiter par la Commission. Mais je crois que cinq mois est trop long pour n'importe quelle type de demande.

Mme Charest: Je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants du Mouvement au Courant de leur collaboration et de leur contribution aux travaux de cette commission. Maintenant, j'invite le représentant ou la représentante du Centre québécois du droit de l'environnement à s'approcher de la table des témoins. Alors, Me Corriveau, si j'ai le bon nom, si vous voulez vous présenter. Nous avons une heure ensemble, normalement 20 minutes pour votre exposé, 20 minutes pour chacune des deux parties. Merci. À vous la parole.


Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

M. Corriveau (Yves): Bonjour. Merci, M. le Président, merci, Mmes les députées, de l'opportunité que vous nous donnez aujourd'hui d'apporter des précisions au mémoire que nous avons soumis sur la question de l'accessibilité à l'information et de l'environnement.

Une brève présentation du Centre en tout début. Le Centre du droit de l'environnement est une corporation sans but lucratif qui existe depuis 1989. On a voulu, à l'époque, éviter d'en faire un ghetto de juristes. On a évidemment des avocats et des notaires, mais on a aussi d'autres spécialistes de différentes questions, des consultants et des groupes de protection de l'environnement.

On a été très vite confronté à la problématique de l'accessibilité de l'information en matière d'environnement et on a apporté un certain support aux groupes et aux citoyens qui nous consultaient sur la loi sur l'accès à l'information et sur les recours du citoyen, les recours d'accès plus généreux qui sont prévus dans la Loi sur la qualité de l'environnement, ce qui nous a amenés à intervenir dans une affaire pour représenter l'intérêt public, l'affaire Goodfellow, où une représentante d'un groupement environnemental demandait à avoir accès à une étude de caractérisation des sols par un produit excessivement cancérigène, tératogène et mutagène, le pentachlorophénol.

L'expérience que l'on a développée et les critiques que l'on souhaite apporter pour bonifier la loi sur l'accès et bonifier les recours plus généreux qui sont consentis dans la Loi sur la qualité de l'environnement s'inscrivent en grande partie dans l'optique que l'on a défendue en Cour du Québec, que l'on voulait défendre en Cour supérieure, que l'on va défendre en Cour d'appel du Québec et éventuellement en Cour supérieure dans le cadre du recours en évocation que nous avons initié contre la décision de la Cour du Québec.

Il importe de réaliser que, en une ère où les gouvernements ont de moins en moins d'argent pour être sur le terrain et examiner ce qui se passe au niveau de la protection de l'environnement – et l'environnement, ne l'oublions pas, est le support à la vie, donc aussi au niveau de la protection de la santé publique – il importe de donner aux premiers intéressés les outils nécessaires pour qu'ils puissent faire une partie du travail eux-mêmes, qu'ils puissent garder les yeux ouverts.

En 1978, l'Assemblée nationale a décidé de donner aux Québécois une responsabilité en matière de protection de l'environnement. Je dois vous dire que si le Québec est une société distincte au Canada en matière environnementale, c'est par le droit à la qualité de l'environnement, un droit encore inédit dans toutes les autres provinces. Même la nouvelle charte ontarienne des droits de l'environnement, adoptée en 1994, ne va pas à la cheville de ce que nous, on a adopté en 1978. On a donné aux Québécois le droit à un certain standard de qualité de l'environnement, un droit balisé – pas un droit absolu – un droit balisé par la loi, les règlements et les permis livrés par le gouvernement.

On leur a également donné le droit d'intervenir pour protéger l'environnement et, à cet effet, le droit à toute personne qui fréquente un endroit à partir duquel il y aurait une infraction à la Loi sur la qualité de l'environnement de demander à un juge de la Cour supérieure de faire cesser cette contravention à la loi.

Comme corollaire à ce droit à la qualité de l'environnement, ce droit d'intervenir pour protéger l'environnement, quatre ans avant l'avènement de la loi sur l'accès à l'information, on dotait les Québécois d'un premier droit d'accès, le droit d'accès à l'information relativement à la présence de contaminants dans l'environnement, l'article 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Cette disposition prévoit que le ministre de l'Environnement doit transmettre toute information relative à la présence de contaminants dans l'environnement de manière à permettre aux gens d'effectuer le contrôle, de s'assurer que leur santé n'est pas mise en péril par une substance toxique, de s'assurer que leur terrain n'est pas dévalué par une contamination du sol.

Ce droit à la qualité de l'environnement n'a pas fait l'objet d'une utilisation abusive par les Québécois, premièrement, parce que les gens sont responsables puis, deuxièmement, parce qu'une personne farfelue peut difficilement se permettre de débourser 10 000 $ ou 15 000 $ pour prendre une injonction contre un pollueur. Il est utilisé avec parcimonie, mais il est utilisé à bon aloi.

Toute interprétation de la Loi sur la qualité de l'environnement qui aurait pour effet de restreindre le droit d'accès à l'information conféré à l'article 118.4 va avoir pour effet de restreindre le droit des citoyens à la qualité de l'environnement et à leur recours en injonction.

(11 heures)

Il n'y a qu'une seule exception au droit d'accès, prévue à l'article 118.4, celui de l'article 28 de la loi sur l'accès à l'information. Le Centre estime que l'article 28 de la loi sur l'accès sert à protéger le processus judiciaire, les méthodes d'enquête, les droits des personnes qui peuvent être accusées d'infraction. Il ne sert pas à protéger le secret industriel, les secrets commerciaux et autres documents confidentiels, il ne sert pas à protéger les négociations entre une entreprise privée et le ministère de l'Environnement ou une autre institution. Ces secrets-là sont déjà protégés par d'autres dispositions dans la loi sur l'accès.

Il importe que l'article 28 de la loi sur l'accès à l'information soit précisé afin qu'il soit clair que les droits à la confidentialité qui sont garantis par 28 ne sont que les droits à un procès juste et équitable, les droits d'un accusé dans le cadre du processus judiciaire, les droits des autorités qui initient le processus judiciaire à la confidentialité quant à leurs sources ou à leurs méthodes d'enquête. C'est la question qui était examinée dans le cadre de l'affaire Goodfellow, où l'industrie – l'Association canadienne des manufacturiers et l'entreprise Goodfellow – prétendait que l'article 28 conférait un droit à la confidentialité des informations générales redondant, pratiquement, avec 22, 23 et 24 de la loi sur l'accès.

Nous avons pris connaissance du rapport de la Commission et, dans son ensemble, nous le trouvons excellent. Il y a toutefois certaines réserves que l'on désire exprimer quant à ses recommandations visant l'article 118.5 et quant aux conclusions qu'elle tire, l'interprétation qu'elle a de l'article 26 de la loi sur l'accès. Je vous rappelle que l'article 26 consacre un droit d'accès pour des informations environnementales lorsque l'information permettrait d'établir un risque pour la santé ou l'environnement. La Commission semble penser que ce droit d'accès, à 26, est un petit peu un corollaire du droit à la qualité de l'environnement prévu à l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, et, avec égards, je ne pense pas qu'on puisse en arriver à cette conclusion.

Il faut bien comprendre la démarche d'une personne qui fait une demande d'accès à l'information relativement à une substance qui est émise dans l'environnement. Cette personne-là peut être malade, elle peut noter que son terrain semble contaminé, elle peut noter que ses biens se détériorent, elle peut simplement être inquiète parce qu'elle sait que c'est sur le point de se produire, mais ce n'est pas encore arrivé, et elle ne veut pas attendre d'être malade avant de faire quelque chose, et, lorsqu'elle demande de l'information au ministère de l'Environnement, c'est pour mettre en oeuvre ce droit à la qualité de l'environnement. Elle va chercher cette information-là pour lui permettre, à elle, d'agir.

L'article 26 exige du demandeur d'accès qu'il établisse qu'il y a un risque imminent que sa santé ou l'environnement soient atteints, alors que c'est justement cette information, pour démontrer qu'il y a un risque imminent ou démontrer qu'il n'y a pas de risque, que cette personne-là veut aller chercher. On se trouve à tourner en rond avec l'article 26, c'est de peu de secours pour les citoyens en environnement. C'est pourquoi la majorité des citoyens qui font une demande d'accès à l'information relativement à la présence d'un contaminant dans l'environnement s'appuient sur l'article 118.4 plutôt que sur l'article 26. C'est pourquoi, aussi, la majorité des décisions rendues s'appuient sur 118.4; on en a très peu qui traitent de 26.

Nous sommes dans une ère où on tente de plus en plus de déréglementer en environnement, donc de traiter à la pièce les autorisations qui pourraient être délivrées à des personnes pour se livrer à des activités qui pourraient présenter des risques pour l'environnement. On va émettre de plus en plus de permis et de moins en moins de personnes vont être assujetties de façon globale à un règlement. Le problème que l'on retrouve avec les permis, c'est qu'ils sont de plus en plus brefs, sont de moins en moins développés sur ce qui est autorisé, référant plutôt à des documents qui ont été produits au soutien de la demande de certificat d'autorisation; et là, je vous parle de l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement, à l'effet que le ministre de l'Environnement tient un registre où sont consignées différentes catégories de documents, des ordonnances, etc., mais également des certificats d'autorisation. La Commission d'accès à l'information nous dit: Ces documents-là, les certificats d'autorisation, doivent être accessibles mais sujets aux restrictions quant au secret industriel.

Il faut comprendre que ce que l'on veut protéger lorsqu'on parle de secret industriel dans le cadre d'un certificat d'autorisation, ce sont les plans et devis, ce sont les caractéristiques techniques des équipements qui sont utilisés, pour éviter que les compétiteurs ne les utilisent. Mais là on est dans une situation difficile, parce que c'est notre avis, au Centre du droit de l'environnement, que toute norme imposée à quelqu'un, que ce soit via un règlement ou via un certificat d'autorisation, doit être publique. On ne peut pas avoir une norme privée qui n'est connue que du détenteur du permis et de l'autorité chargée de la faire respecter. L'administration de la justice commande plus de transparence. Alors là on a deux options: ou bien on précise tous les détails dans le certificat d'autorisation qui doivent être respectés, laissant secrets les plans et devis, ou bien on déclare que tous les documents soumis au soutien de la demande de certificat d'autorisation en font partie et ont, conséquemment, un caractère public pour lequel on ne peut invoquer les restrictions au droit d'accès prévues par la loi sur l'accès à l'information. C'est l'essentiel des propositions que nous voulions adresser à cette commission.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais, monsieur, vous remercier pour votre présentation. C'est la première fois que j'ai l'occasion de vous entendre en commission parlementaire, est-ce que vous pourriez, peut-être, m'indiquer quelle sorte de personnes siègent sur votre conseil d'administration pour que je sache davantage d'où vous venez?

M. Corriveau (Yves): Oui.

M. Boisclair: Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il y a des avocats, il y a des gens qui ne sont pas juristes. Est-ce que vous pouvez peut-être nous...

M. Corriveau (Yves): Le Centre du droit de l'environnement a environ 120 membres. Ce n'est pas un organisme qui a un grand rayonnement, parce qu'on s'intéresse, je dirais, à des questions qui sont plus ou moins sexy; les bébés-phoques, ce n'est pas pour nous. Mais les politiques environnementales, les lois, les règlements, c'est notre domaine, et c'est un domaine qui intéresse les gens lorsqu'ils doivent travailler avec, lorsqu'ils doivent les utiliser pour faire valoir leurs droits ou lorsqu'ils sont dans une situation difficile. Nos...

M. Boisclair: Je comprends. Est-ce que vous publiez, par exemple?

M. Corriveau (Yves): Pardon?

M. Boisclair: Est-ce que vous publiez?

M. Corriveau (Yves): Oui. On publie une petite revue, Environnement et Droit , c'est un trimestriel. On participe aux travaux en commission parlementaire régulièrement, à la commission parlementaire de l'aménagement et des équipements. On intervient, on commente la majorité des projets de loi du Québec et au fédéral qui ont une répercussion sur la protection de l'environnement. On intervient parfois devant les tribunaux pour représenter l'intérêt public; ça nous est arrivé à trois ou quatre reprises, notamment pour défendre le concept de droit à la qualité de l'environnement, défendre la juridiction du Québec pour interdire l'importation de déchets, s'assurer que la commission municipale donne un bon traitement dans le dossier d'un des plus gros pollueurs du Québec, l'entreprise Tioxide. Notre conseil d'administration est composé de plus ou moins 20 membres; il y a une certaine variance. Il y a là-dedans des professeurs d'université en droit de l'environnement à l'Université McGill, à l'Université de Montréal, à l' Université Laval. Il y a des professionnels du droit de l'environnement, des avocats en pratique privée. Il y a des citoyens, des simples citoyens qui s'intéressent à ces questions et il y a des représentants de groupes environnementaux. On a également des consultants en environnement, en évaluation environnementale.

M. Boisclair: Si je vous pose la question, c'est tout simplement pour souligner la qualité de votre mémoire, la qualité de la présentation aussi...

M. Corriveau (Yves): Je vous remercie.

M. Boisclair: ...la qualité de l'argumentation et l'appui de vos propositions. Vous soulevez sans doute les questions les plus difficiles, sur lesquelles nous aurons nous-mêmes à trancher pour la suite des choses, et il y a maintenant, quoi, plus de deux semaines que nous entendons des gens venir témoigner devant nous et il est clair que les réponses ne sont pas si simples que ça, qu'il faudra, bien sûr, trancher entre nous, les membres de la commission, sur des pistes à retenir.

Je voudrais tout simplement vous poser une question, parce que mes collègues veulent intervenir sur d'autres questions plus précises. Vous n'avez pas abordé la question du cumul des fonctions à la Commission. Est-ce que vous avez une réflexion, vous qui êtes des spécialistes des questions de droit, sur le cumul, non pas des compétences, accès, protection, privé, public, mais sur le cumul des fonctions adjudication, conseil, surveillance? Et est-ce que vous avez peut-être une réflexion...

(11 h 10)

M. Corriveau (Yves): Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question-là. En fait, si nous avons une opinion sur la juridiction de la Commission, c'est que c'est un tribunal spécialisé qui fait bien son travail. On est plutôt déçus de la réception que les décisions favorables à l'accès ont en Cour du Québec. Je partage un petit peu ce qui a été dit un petit peu plus tôt là-dessus.

Quant à savoir si c'est compatible d'exercer une fonction d'enquête et de vérification à l'application de la loi et une fonction d'adjudication, on ne s'est pas penché sur cette question-là.

M. Boisclair: Je comprends que, si vous ne vous êtes pas penché, vous ne pourrez peut-être donc pas répondre à la prochaine question, mais, si on envisageait, par exemple, d'envoyer les fonctions d'adjudication au Tribunal administratif du Québec, avec les conséquences que ça a sur les dépenses, sur les droits d'appel et tout le reste, est-ce que c'est une proposition qui, à première vue, vous agréerait?

M. Corriveau (Yves): On préférerait que le tribunal spécialisé demeure.

M. Boisclair: Ça pourrait être une...

M. Corriveau (Yves): On préférerait que la Commission d'accès à l'information continue d'exercer sa fonction d'adjudication.

M. Boisclair: Pour quelle raison?

M. Corriveau (Yves): Parce qu'à notre avis les résultats sont préférables au niveau de la compétence et au niveau de l'expertise des orientations qui sont données dans le cadre des décisions de la Commission.

M. Boisclair: Pourquoi pas avoir une section particulière au Tribunal administratif du Québec, comme c'est le cas dans d'autres champs de droit?

M. Corriveau (Yves): C'est possible, mais je dois vous dire que l'expérience qu'on a de la Commission actuellement est très favorable, et quand ça fonctionne bien, à notre avis, pourquoi le changer? Mais, ça, c'est l'évaluation qu'on en a faite.

M. Boisclair: Bien, je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Effectivement, de notre côté aussi, c'est la première fois qu'on a l'occasion d'entendre des représentations de ce groupe et nous sommes également très favorablement impressionnés par la qualité de l'analyse qui en a été faite.

N'étant vraiment pas expert dans le domaine de l'environnement, vous me permettrez de poser une question qui peut peut-être paraître très simple, voire même... Je vais essayer de comprendre quelque chose. Vous avez parlé de l'article 28 de la loi sur l'accès tantôt et vous avez dit que cet article-là vise tout simplement à garantir une procédure saine et correcte devant les tribunaux. Quand, moi, je lis 28, 5°, qui prévoit donc... avec le paragraphe liminaire, ça se lit comme suit:

«Un organisme public doit refuser de confirmer l'existence ou de donner communication d'un renseignement obtenu par une personne qui, en vertu de la loi, est chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois lorsque sa divulgation serait susceptible: [...]

«5° de causer un préjudice à une personne qui est l'auteur du renseignement ou qui en est l'objet».

Selon vous, cet article-là, ce paragraphe de l'article 28 doit être lu comme référant strictement à son droit à ce qu'on appelle en anglais «a due process».

M. Corriveau (Yves): Oui. C'est la fonction de 28 telle que nous la percevons puisque, d'une manière générale, les autres droits à la confidentialité sont codifiés ailleurs dans la loi sur l'accès. Ce serait redondant de l'interpréter comme étant un droit général à la confidentialité de l'information parce que, je ne sais pas, c'est un secret industriel ou parce que sa divulgation risquerait de nuire à la conclusion d'une entente ou de créer un avantage concurrentiel.

M. Mulcair: Cette question, justement, de la concurrence et des secrets industriels revient très souvent, comme vous pouvez vous en douter, et ça revient un peu des deux côtés, c'est-à-dire des groupes comme les vôtres qui militent plutôt en faveur d'un accès élargi pour une fin louable comme la protection de l'environnement et de la population et d'autres, il va sans dire, comme les associations de manufacturiers et d'autres, dans le domaine du commerce et du patronat, qui disent: Écoutez, il faut vraiment bien cerner ça parce que ce n'est pas normal, dans un marché de concurrence libre, que l'on soit même susceptible de donner nos secrets à nos concurrents.

J'arrive à ma question naïve. Je suis propriétaire d'une mine et je dois obtenir un certain nombre de permissions. Je dois notamment faire des plans et devis expliquant comment les «tailings», ce qui sort de la mine, les entrailles peut-être, vont être placées, comment je vais me situer avec mes barrages, mes limites par rapport aux cours d'eau. Je dois donner plein, plein d'informations au ministère de l'Environnement et de la Faune pour lui permettre de juger si je suis en train de faire ça de manière à ne pas mettre, justement, des substances nocives dans l'environnement et qui risquent de nuire à d'autres membres de la population.

Toujours est-il que je suis propriétaire des droits, des claims, dans un territoire de 12 km² et mes géologues m'informent qu'il y a de très fortes chances que, dans le terrain juste au nord, où personne n'a encore fait ses claims, il y a beaucoup de nickel. De la manière que je vais situer mes barrages, mes limites, ou là où je vais placer mes... est fonction de ce désir d'aller prospecter et voir ce qu'il y a dans le terrain juste au nord... Je rencontre toutes les normes, mais la manière même de me situer va dévoiler tout de suite à une autre compagnie minière qui jette un coup d'oeil sur ces documents-là que mon intention, c'est de ménager mes arrières pour aller faire de l'exploration juste au nord. Est-ce que c'est une information que je devrai être obligé de donner à mes concurrents?

M. Corriveau (Yves): Je pense que ce qu'il faut rechercher, c'est balancer l'intérêt du public, la transparence du processus réglementaire et du processus d'autorisation, versus les droits des gens d'exploiter et de développer des stratégies commerciales.

Je suis très, très, très sceptique lorsqu'on nous dit, par exemple, que le fait que des compétiteurs aient accès à la caractérisation des contaminants qui sont émis permettra à un ingénieur de reconstituer le procédé et de voler des secrets industriels. Cette démonstration-là, quant à moi, n'a pas été faite. Si vraiment il y a des abus, on verra dans cinq ans puis on reviendra en arrière, on fera un retour de balancier. Mais, pour le moment, le balancier est à un extrême et le secteur privé l'utilise pour limiter l'accès à des documents non pas de peur de révéler des informations à des compétiteurs, mais de peur de ce que les gens constatent qu'il y a des infractions constantes à la Loi sur la qualité de l'environnement.

J'ai enseigné le droit de l'environnement à des spécialistes, des chargés de projet dans le secteur minier. Il y a une petite dame qui lève la main et qui me dit: Est-ce que c'est vrai que lorsqu'un contaminant n'est pas réglementé et qu'il est rejeté dans l'environnement, dans le cadre de mes activités, je n'ai pas à le dévoiler au ministère de l'Environnement? Je lui ai demandé: Qui vous a dit ça? Elle m'a dit: C'est le ministère de l'Environnement. Or, l'Environnement a un problème à régler dans l'Abitibi. Je lui ai demandé: Est-ce que c'est fréquent? Elle a dit: Ça arrive à tous les jours. Alors, je lui ai fait lire l'article 21 de la loi, et il est très clair que tous les déversements, que la substance soit réglementée ou non, doivent être déclarés au ministère de l'Environnement. Les activités minières présentent des risques importants pour la santé publique, c'est une source de contaminants qui est difficile à gérer. Voyez les parcs de résidus miniers en Abitibi, ça peut représenter des sources importantes de contamination au mercure dans les cours d'eau, de contamination au cyanure dans les cours d'eau, etc.

Moi, je pense qu'on devrait faire primer le droit du public à l'accès à l'information sur tout ce qui concerne l'application de la loi. On ne doit pas permettre des ententes privées sur l'application de la loi et, dans votre cas, à mon avis, il y a un sacrifice à faire. Et je pense que ces gens-là sont assez malins pour organiser leurs équipements de manière à ce qu'on ne puisse discerner ce qu'ils ont l'intention de faire dans le futur.

M. Mulcair: M. le Président, ce que je décèle de plus en plus dans les présentations des gens qui ont vraiment beaucoup d'expérience dans le détail de l'application de la loi, c'est que dans le travail de réflexion et éventuellement de rédaction on aura l'obligation de ne pas procéder par une rédaction large, par principe. Il va falloir vraiment qu'on n'ait pas peur d'y aller dans le détail quand le besoin est, parce qu'il y a tellement de choses détaillées qui ressortent des différentes interprétations qu'en ont faites les tribunaux que – pour reprendre un autre exemple qu'on a vu au cours des derniers jours – lorsqu'on dit: «Ah! bien, c'est de l'argent public, que ce soit dans des sociétés d'économie mixte ou dans une filiale, ça devrait être à peu près la même chose», et on se rend compte que, woups, il y a une filiale d'Hydro-Québec qui concurrence dans le marché libre, ce n'est pas du tout la même chose. Et le problème, c'est qu'on n'a pas de définition.

La FTQ avait un bon point hier, ils disaient: Il va peut-être falloir définir très clairement la finalité. C'est difficile à faire. Les légistes font s'arracher les cheveux! Mais je pense que c'est une obligation qu'on ne saurait éviter, parce que l'exemple que Me Corriveau vient de nous donner est un exemple de plus. Il parle des parcs de résidus en Abitibi. Il est en train de parler de son expérience de choses concrètes qui doivent nous préoccuper.

(11 h 20)

Par ailleurs, je demeure persuadé que nous avons aussi, dans une société où l'économie est libre, l'obligation de ne pas mettre intentionnellement des bâtons dans les roues, si on peut faire les deux, si on peut protéger la santé publique et protéger la santé économique. C'est facile à dire, mais ça ne va pas être facile à faire. Mais c'est avec ce genre d'expertise que cette révision quinquennale va réussir. On va réussir à s'adresser aux réels problèmes. Et je remercie encore une fois Me Corriveau et son Centre pour leur apport extraordinaire à nos travaux.

M. Corriveau (Yves): Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Bonjour, Me Corriveau. Vous me permettrez de vous dire que je suis touchée qu'on rappelle en mémoire la création du ministère de l'Environnement et l'esprit d'avant-gardisme de mon père, Marcel Léger, premier titulaire du ministère de l'Environnement, et de ses collaborateurs en matière d'environnement.

J'aimerais qu'on revienne à une proposition de l'Association des manufacturiers et du Conseil du patronat concernant l'article 118.5, que vous n'avez pas beaucoup abordé. Est-ce que les renseignements permettant de savoir si l'activité d'une entreprise est conforme aux normes environnementales sont les seules autres informations qui répondent à vos besoins, comme ils le suggèrent?

M. Corriveau (Yves): Oui, il y a deux dimensions là-dedans. Il y a: Est-ce que les rejets sont conformes ou non? Alors, il faut savoir ce qui sort des cheminées, ce qui sort des émissaires et qui est rejeté dans les rivières. Ça, c'est la première dimension. La deuxième, c'est: L'exploitation telle qu'elle est est-elle conforme à son permis? Je pense vous donner des exemples incroyables de gens qui ont obtenu des certificats d'autorisation. On va sur le terrain et on dit: Mon Dieu, mais ils avaient prévu seulement deux réservoirs de 500 gallons puis il y en a 10. Ils avaient prévu que, comme c'est dangereux, ça devait être sur un support en ciment, alors que ça repose sur de la gravelle. Pour un compétiteur, ce sont des détails. Mais, lorsqu'il y aura une fuite, ça aura un impact majeur sur la nappe phréatique. Ces informations-là doivent être vérifiables. Je ne veux pas connaître la technologie qu'ils utilisent. Je ne veux pas savoir le type d'équipement spécifique. Je veux savoir ce qui en sort et si c'est conforme à ce qui a été autorisé. Et ça, ça doit être transparent. La liste des clients ne m'intéresse pas.

Mme Léger: C'est plutôt ce qui a été autorisé dans l'intérêt du public face à des dangers potentiels.

M. Corriveau (Yves): Oui, et c'est important, quand on parle de danger potentiel, de comprendre la démarche du demandeur d'accès qui veut vérifier s'il y a un danger pour sa santé. S'il n'y en a pas, il va s'asseoir et il va dire: Je suis heureux. Mais, s'il y a un risque, il doit le savoir et non pas faire la démonstration qu'il y a un risque devant la Commission.

Mme Léger: D'accord. O.K. Merci, parce que je sais que mon collègue de Nicolet-Yamaska veut parler aussi.

M. Corriveau (Yves): Je vous en prie. Je n'ai pas vu le mémoire de l'Association des manufacturiers.

Mme Léger: Ils sont passés hier, je crois, tout à l'heure.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux revenir sur la question, dans le domaine pratique, pour les citoyens: vous avez fait référence dans le mémoire à la Régie interministérielle de gestion des déchets sur l'île de Montréal et également à la Société intermunicipale de gestion des déchets, et, juste dans la pratique, parce que je suis peu familier avec le domaine, c'est quoi, les empêchements pour l'accès à l'information pour les groupes environnementaux? Je sais que beaucoup de travail de la Régie était contesté. Il y avait toute l'affaire avec Foster Wheeler qui a soulevé un gros débat. Il y avait la division entre les maires sur l'île de Montréal sur la décision qui était prise. Alors, c'est une affaire très compliquée. Alors, juste pratico-pratique, pouvez-vous m'expliquer les empêchements, les délais, les problèmes que les groupes environnementaux ont connus dans cette affaire?

M. Corriveau (Yves): Il y a trois demandes qui sont pendantes devant la Commission d'accès à l'information qui visent des renseignements détenus par la Régie intermunicipale de gestion des déchets sur l'île de Montréal et la Société de gestion des déchets, la SIGED. Ces trois demandes-là sont pendantes devant la Commission parce qu'on les a refusées totalement. En ce qui concerne la Régie, on a basé le refus en disant: Écoutez, ces informations-là sont des secrets industriels, sont des secrets commerciaux ou sont des informations qui concernant la SIGED. Alors, allez demander à la SIGED. Et mon client a fait la demande à la SIGED. Et ce qu'il faut savoir, c'est que la personne qui traitait ces documents-là est exactement la même pour la SIGED et pour la Régie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Corriveau (Yves): Et qu'elle est exactement dans les mêmes locaux. Ayant reçu sa nouvelle demande d'accès à la SIGED, elle dit: Je regrette, je suis un organisme privé, donc je ne suis pas visée par la loi sur l'accès. Maintenant, je n'élaborerai pas davantage sur ce dossier-là parce qu'il y a un revirement de situation nouveau et qu'il y a un règlement hors cour de cette affaire-là qui est en train de se sceller.

M. Kelley: Et je ne sais pas les détails, mais je pense que c'est important à souligner, parce qu'effectivement c'est un organisme qui a soulevé beaucoup de controverses. Les enjeux financiers étaient très importants pour le contribuable, sur l'île de Montréal surtout, et je trouve ça un petit peu troublant que les groupes de protection de l'environnement et les citoyens aient eu des difficultés d'avoir accès à ces renseignements. Je sais que certains maires de l'Ouest-de-l'Île de Montréal ont exprimé le même genre de mécontentement quant aux activités de la Régie.

Alors, merci beaucoup pour vos réponses, mais je pense que, dans notre réflexion sur comment les lois vont fonctionner, et les groupes publics et parapublics qui seront assujettis, il y a peut-être des leçons à tirer de cet exemple.

M. Corriveau (Yves): Je pense aussi qu'il faut responsabiliser les responsables de l'accès, parce que, s'il existe des formules pour demander de l'accès à documents, il semble aussi exister des formules pour le refuser, où on invoque systématiquement tous les motifs de refus, sans vraisemblablement s'être penché sur la demande, simplement parce que l'on sait que l'on n'aime pas le demandeur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je voudrais employer un exemple pratique. Dans mon comté, il y a le parc industriel de Bécancour. Je ne suis pas en train de vous dire qu'il y a des matières super dangereuses qui se produisent là, mais il y a certaines interrogations. À partir du parc industriel de Bécancour, pour faire le transport des matières x, y, ou z, on passe par les routes et on passe aussi par la voie ferrée. Il y a un endroit dans mon comté où se stationnent les wagons, mettons 75 wagons, pendant une journée, deux jours. Les citoyens me demandent de vérifier s'il y a des matières dangereuses dans ces wagons-là. Si on communique avec l'entreprise en question, on va avoir des difficultés à savoir si vraiment il y a des matières dangereuses; et si matières dangereuses il y a, comment va-t-on faire pour aller vérifier auprès de l'entreprise?

Comme vous le disiez tantôt au niveau des secrets industriels, ça va être très difficile d'aller chercher l'information, parce qu'ils sont très méticuleux là-dessus. Je ne vous dis pas que je ne les comprends pas, là, je les comprends. Je ne les accuse pas, non plus. Sauf que quand un citoyen, ou un certain nombre de citoyens, en plein milieu d'un village de 1 000 habitants, se questionnent, bien, ils aimeraient ça, avoir des réponses.

M. Corriveau (Yves): Malheureusement, la réponse a été donnée dans l'affaire ministère de l'Environnement contre Société pour vaincre la pollution, où la Société pour vaincre la pollution demandait à avoir accès à des manifestes de transport de déchets dangereux pour savoir qu'est-ce qui sortait, où ça s'en allait, comment ça a été géré. Est-ce que c'était perdu dans la nature, ces déchets-là, ou c'était correctement géré? Et par où ça transitait, ces déchets-là? Est-ce que ça pouvait présenter des risques, le transport de ces déchets dangereux, dans des zones urbaines? La Commission d'accès a interprété à bon droit l'article 118.4 à l'effet que les manifestes de transport de déchets n'étaient pas accessibles puisqu'ils ne révélaient pas la présence de contaminants dans l'environnement, et qu'il fallait donc attendre qu'il survienne un accident pour savoir ce qu'il y avait dedans. Il fallait attendre que les contaminants soient libérés pour savoir de quoi il était question!

Alors, c'est certainement une lacune dans la loi, et c'est une lacune qui est d'autant plus difficile à accepter que, si vous regardez, par exemple, aux États-Unis, si vous avez la chance que ces déchets-là ou ces substances-là s'en aillent vers les États-Unis, vous pouvez obtenir les manifestes américains. Ils vont vous donner sensiblement les mêmes informations, alors qu'au Québec ils sont protégés.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Par exemple, en Ontario, je me souviens, il y a quelques années, le problème écologique qu'il y a eu à Mississauga, est-ce qu'ils sont couverts par des lois semblables, ou par une formulation semblable?

(11 h 30)

M. Corriveau (Yves): Bien, l'accessibilité de l'information environnementale a changé avec la fameuse Charte de l'environnement. J'aurais peut-être un peu de difficulté à élaborer là-dessus. Ce que je peux vous dire, c'est que, moi, en 1990, j'ai communiqué avec le ministère de l'Environnement de l'Ontario pour avoir accès à leur manifeste de transport de déchets et ils ne m'ont pas répondu. C'est resté dans des boîtes, entreposé. Ils m'ont dit: Oui, on a un logiciel qui permet de les retracer. Est-ce que vous en voulez une copie? Je ne sais pas si la situation est toujours comme ça, mais, en 1990, ce n'était vraiment pas un problème d'avoir accès à ce type d'information là en Ontario.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député de Nicolet. Comme je n'ai pas trop de demandes d'intervention, je remercie Me Corriveau, le représentant du Centre québécois du droit de l'environnement, de sa contribution et de son apport aux travaux de cette commission.

Maintenant, je vais demander aux membres de rester quelques instants avant de faire la suspension, parce qu'on voudrait faire une séance de travail mercredi prochain, après la période de questions – les libéraux ont été d'accord, je n'ai pas eu le temps d'en parler aux gens du Parti québécois – pour, en fait, faire le point sur l'affaire des cartes d'identité, les différents rapports. On a entendu des gens et on doit faire un rapport à l'Assemblée nationale, tout simplement, et remettre le procès-verbal, alors faire le point parce qu'on a eu beaucoup d'activités et on n'a pas eu le temps de se rencontrer là-dessus. Alors, plutôt que de le faire mercredi matin, je demanderai si on ne peut pas le faire mercredi après-midi, après la période de questions, pour laisser votre mercredi libre parce qu'on n'en a pas eu beaucoup depuis un certain temps. Est-ce que c'est d'accord?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Garon): O.K. Je vous remercie. Il n'y avait pas autre chose? Alors, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 15 heures cet après-midi, dans la même salle, pour continuer à entendre les mémoires prévus à l'ordre du jour.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Kelley): S'il vous plaît! On reprend nos travaux. Je veux rappeler aux membres de la commission que le mandat est de procéder à la consultation générale et tenir des auditions publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

On va inviter les représentants de la Fédération des associations de l'enseignement privé et Québec Association of Independent Schools à venir prendre place.

Le Président (M. Garon): Alors, nous avons une heure ensemble, donc, normalement, 20 minutes pour votre exposé puis 20 minutes pour chacun des deux partis. Alors, à vous la parole, Mme Coderre. Et si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent.


Fédération des associations de l'enseignement privé (FAEP) et Québec Association of Independent Schools (QAIS)

Mme Coderre (Rolande): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je me présente: Rolande Coderre, présidente de la Fédération des associations de l'enseignement privé, la FAEP. Je suis accompagnée aujourd'hui par Mme Louise Marzinotto, présidente de la Québec Association of Independent Schools, la QAIS, de M. Yves Lemire, vice-président de la FAEP, et de M. Auguste Servant, secrétaire général de la Fédération.

Le mémoire que nous avons déposé a été signé conjointement par la FAEP et la QAIS. Nous voulons vous dire que c'est uniquement pour des raisons techniques, puisque tout s'est déroulé en plein coeur des vacances estivales, et non pour des raisons de principe ou idéologiques que l'Association des collèges privés du Québec et l'Association des écoles juives ne sont pas signataires du mémoire. Nous avons cependant leur consentement pour vous dire qu'ils partagent la position défendue conjointement par la FAEP et la QAIS. C'est donc au nom de tous les établissements d'enseignement privé agréés et non seulement au nom des 162 que nous représentons directement que nous voulons vous présenter notre mémoire.

Tout le monde sait que notre expérience, et notre compétence, et notre expertise se situent dans le monde de l'éducation. Alors, nous avons décidé, pour cette raison, de limiter notre intervention à la recommandation n° 17 du rapport de la Commission, où les commissaires invitent le législateur à assujettir au régime de la loi sur l'accès les corporations qui tiennent des établissements d'enseignement privé agréés.

Alors, de façon globale, nous croyons que la mise en application de cette recommandation détruirait les lois du marché qui conditionnent actuellement le marché de l'enseignement privé, causant ainsi des préjudices graves aux établissements que nous représentons, au niveau économique et au niveau du recrutement de la clientèle. Quant aux autres recommandations du rapport des commissaires, nous endossons tout ce qui concourt à accroître la protection des renseignements personnels.

Alors, j'invite maintenant notre secrétaire général, M. Servant, à vous présenter le contenu de notre mémoire.

M. Servant (Auguste): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés, dans la première partie de notre mémoire, nous cherchons, finalement, à répondre à la question suivante: L'école privée, aujourd'hui, en 1997, est-elle d'abord et avant tout un organisme public ou un organisme privé, bien qu'elle bénéficie d'un certain financement de la part de l'État? Pour répondre à cette question, nous examinons deux aspects. D'abord, l'apport de revenus qui provient de l'État, ensuite, l'environnement de concurrence dans lequel évolue l'école privée.

Bien sûr, les écoles privées fonctionnent en bonne partie grâce au financement de l'État. Il faut aussi reconnaître que certaines d'elles éprouveraient sans doute de sérieuses difficultés à opérer sans ce financement de l'État. Il s'agit cependant d'un financement de l'État qui, année après année, ne cesse de diminuer. À l'origine, en 1968, la subvention à l'école privée était de l'ordre de 80 % de celle octroyée à l'élève comparable du secteur public. Aujourd'hui, tous fonds publics confondus, c'est-à-dire subventions et taxes scolaires, la contribution de l'État à l'école privée correspond à peu près à 50 % du coût de formation d'un jeune du réseau public. Donc, depuis 30 ans et tout particulièrement depuis 1982, nous subissons un désengagement progressif du financement de l'État à l'endroit de l'école privée, ce qui, malheureusement, ne semble pas être sur le point d'être terminé.

(15 h 40)

Pour déterminer si un organisme est plutôt public que privé, on examine très souvent l'apport de revenus qui provient de l'État. Nous avons fait l'exercice pour l'école privée, au départ de documents provenant du ministère de l'Éducation. Au printemps dernier, lors de l'étude des crédits budgétaires de son ministère, Mme Marois a déposé une étude qui établit qu'en 1994-1995 – donc il y a de cela maintenant trois ans – pour l'ensemble des écoles privées agréées, pré-scolaires, primaires et secondaires, pour chaque 100 $ de revenu, 55 $ provenaient de fonds publics, 45 $ provenaient de fonds privés. Les fortes compressions budgétaires des trois dernières années nous portent à croire que la proportion fonds publics–fonds privés est maintenant plutôt de l'ordre de 50-50, et, bien entendu, il s'agit là d'une moyenne. Il faut donc en conclure que, pour de plus en plus d'écoles privées, l'apport de revenus qui leur provient de l'État est bien inférieur à 50 %. Nous sommes bien loin du 75 %, 80 % qui prévalait lors de l'adoption de la loi sur l'accès, en 1982.

Certains nous diront aussi que, peu importe le niveau de financement, le gouvernement est imputable devant les citoyens et qu'il a le devoir de s'assurer que les fonds publics qu'il verse à un organisme sont utilisés aux fins pour lesquelles ils ont été octroyés, ce avec quoi nous sommes d'ailleurs entièrement d'accord. À l'examen, toutefois, du rapport consolidé des états financiers que chaque école subventionnée dépose à chaque année au ministère de l'Éducation, le gouvernement, d'après nous, ne devrait pas trop se faire de scrupules avec cette obligation. Si on vérifie le rapport consolidé de l'année 1994-1995, on constate que pour cette même année l'État a versé 295 000 000 $ en subventions aux écoles privées préscolaires, primaires et secondaires, pendant que ces dernières ont versé 312 000 000 $ en salaires et avantages sociaux aux seuls employés directement affectés aux services éducatifs, à savoir: enseignants, enseignantes, responsables des élèves, animateurs, animatrices d'activités étudiantes, surveillants, surveillantes d'élèves, etc. En d'autres mots, les montants versés par l'État aux écoles privées couvrent à peine 95 % des salaires des personnels des services éducatifs, qui, soit dit en passant, doivent répondre exactement aux mêmes normes de qualification que les éducateurs et éducatrices du réseau public.

Évidemment, face au désengagement du financement de l'État, les corporations à qui appartiennent les écoles privées n'ont eu d'autre choix que de recourir de plus en plus à des fonds privés en développant, entre autres, toute une gamme d'activités auxiliaires moyennant paiement et dans le but, évidemment, de générer un profit, comme toute autre entreprise de nature commerciale, par exemple: préparation et vente de cours aux adultes, fourniture de formation aux entreprises, location de terrains, d'espaces de stationnement, de salles de classe, de gymnases et d'équipements, exploitation de laboratoires d'informatique, de langue et d'audiovisuel, etc.

Ces corporations s'inscrivent alors dans un véritable marché de concurrence, un marché de concurrence directe avec d'autres entreprises commerciales qui vendent et louent des services de même nature qu'elles. À l'instar de toute autre entreprise privée, ces corporations sont soumises aux lois du marché. Elles s'efforcent de sauvegarder et d'accroître, même, leur part de marché, elles font de la publicité. Elles cherchent finalement à maximiser leurs profits dans le but de maintenir la qualité des services éducatifs offerts par leurs écoles.

C'est d'ailleurs une situation nouvelle que le législateur a lui-même clairement encouragée lors de l'adoption de la nouvelle Loi sur l'enseignement privé, en 1992, en ne reconduisant par cette disposition de l'ancienne loi qui stipulait que seuls pouvaient être déclarés d'intérêt public les établissements propriétés d'une corporation qui n'avaient pas d'autres objets que celui de donner un enseignement prévu par la loi.

C'est aussi à cette même occasion que le législateur a fait disparaître la notion de «déclaration d'intérêt public», lui préférant plutôt la notion d'«agrément pour fin de subventions», cherchant peut-être ainsi à enlever toute ambiguïté sur le caractère de plus en plus privé de l'établissement d'enseignement privé.

Le désengagement du financement de l'État a eu aussi pour effet de hausser de façon substantielle les frais de scolarité chargés par les écoles privées au cours des dernières années, de telle sorte qu'elles se retrouvent de plus en plus dans une situation de forte concurrence les unes à l'endroit des autres. Concurrence forte au point, à l'occasion, de conduire certaines écoles à fermer leurs portes. Pour maintenir ou accroître leur clientèle et leur part de marché, on voit à chaque année des écoles privées faire la promotion de la qualité de leurs services, des particularités de leurs programmes, du bien fondé de leur réputation, du modernisme de leurs installations, équipements, etc. C'est parce qu'elles évoluent dans un environnement de concurrence et non pas le fruit du hasard qu'on voit apparaître de plus en plus dans les journaux des encarts publicitaires où les écoles privées tentent de se démarquer les unes des autres afin d'attirer chez elles la clientèle.

Autre marché non négligeable où s'alimente l'école privée, c'est celui de la philanthropie. Là encore, des écoles privées se retrouvent en situation de concurrence pour solliciter et obtenir l'aide caritative dont dépendent habituellement leurs programmes de développement et le maintien de leurs installations en bon état de fonctionnement. Cette aide caritative provient de congrégations religieuses, elle provient de fondations de compagnies privées, elle provient d'individus, règle générale, des anciens ou anciennes élèves des institutions.

En somme, quand nous considérons la part de plus en plus faible de leurs revenus qui provient des fonds publics, quand nous considérons l'environnement de concurrence dans lequel elles évoluent, nous sommes portés à conclure que les écoles privées sont de véritables entreprises privées, et cela, même si une part de leurs revenus provient de l'État.

En deuxième partie du mémoire, nous examinons la situation juridique qui prévaut actuellement. En vertu de la loi sur l'accès, article 6, deuxième alinéa, les établissements agréés aux fins de subventions en vertu de la Loi sur l'enseignement privé sont assimilés aux organismes scolaires, ce qui a pour conséquence de les assujettir au régime d'accès applicable aux organismes publics.

Appelée à interpréter la portée de ces dispositions de la loi sur l'accès, la Cour du Québec a statué que les établissements d'enseignement privé agréés pour fins de subvention sont assujettis à la loi, mais que les corporations qui tiennent ces mêmes établissements ne le sont pas. La Cour du Québec établit donc une nette distinction entre les établissements d'enseignement privé agréés et les corporations qui les tiennent. Pour le tribunal, vu la gamme variée des services offerts et le marché dans lequel elles évoluent, ces corporations sont des entreprises privées au même titre que tout autre entreprise privée de nature commerciale.

En conséquence, les états financiers de ces corporations, leurs documents de gestion administrative, leurs stratégies de développement, etc., ne sont pas des documents publics. À l'instar de ce qui prévaut dans le secteur privé, ces documents demeurent confidentiels et ne relèvent pas de la juridiction de la Commission d'accès à l'information.

Quant à l'établissement lui-même, la décision de la Cour du Québec a pour effet en quelque sorte de réduire la portée de son assujettissement au deuxième volet de la loi sur l'accès, soit la protection des renseignements personnels. Les établissements ont donc l'obligation de protéger les renseignements que contiennent les dossiers personnels de leurs élèves et employés et de rendre ces dossiers accessibles aux élèves et aux employés pour fins de rectification. À cet effet, la Commission d'accès à l'information a donc pleine juridiction sur les établissements d'enseignement privé, malgré eux.

Permettez-nous, M. le Président, de vous rappeler que cette distinction que fait la Cour du Québec entre l'établissement et la corporation qui le tient n'est pas étrangère à la Loi sur l'enseignement privé. En effet, en vertu de la Loi sur l'enseignement privé, lorsqu'une corporation obtient un agrément pour fins de subvention, elle l'obtient pour un établissement donné, dans un lieu donné, et non pour chacun de ses établissements. De même, l'agrément peut être accordé pour une partie seulement des élèves d'un établissement donné. Ainsi, une corporation qui possède trois établissements peut n'avoir d'agrément que pour deux d'entre eux. Un autre qui offre de l'enseignement primaire et secondaire peut n'avoir d'agrément que pour le secondaire seulement. Un autre peut n'être agréé que pour le premier cycle du secondaire et non pas le deuxième cycle du secondaire.

Il y a donc une distinction très nette entre un établissement d'enseignement privé et la corporation qui le tient, non seulement pour la Cour du Québec mais aussi pour le ministère de l'Éducation. Et c'est justement cette situation que déplore la Commission d'accès à l'information lorsqu'elle recommande au législateur de modifier la loi sur l'accès afin que cette distinction entre «établissement» et «corporation qui le tient» ne soit plus possible.

(15 h 50)

Si le législateur va dans ce sens, il obligera donc les établissements et les corporations qui les tiennent à rendre publics leurs documents de gestion, leurs états financiers, leurs stratégies de développement, leur plan de marketing et tout autre document de nature commerciale, financière ou administrative qu'ils possèdent. Nous croyons qu'en agissant ainsi le législateur créerait un précédent inquiétant et causerait des préjudices graves aux établissements d'enseignement privé et aux corporations qui les tiennent.

Dans un contexte où les corporations doivent compter sur des revenus d'appoint pour suppléer au dégagement progressif du financement de l'État, il nous semble inconcevable de demander à ces entreprises de vendre des services tout en rendant publics leurs documents de gestion, leurs états financiers et leur stratégie de développement, alors que leurs compétiteurs du secteur privé, par exemple les instituts privés, les consultants divers, les fournisseurs d'expertise informatique, les locateurs d'immeubles, de terrains, etc., ne sont pas soumis aux mêmes règles.

En soumettant à la loi sur l'accès les corporations qui tiennent des établissements d'enseignement privé, il nous apparaît que l'État créerait une injustice puisqu'il ferait en sorte que certaines entreprises privées seraient assujetties à la loi sur l'accès, alors que toutes les autres entreprises privées qui font affaire au Québec en sont à l'abri.

Si le fait de recevoir des subventions de l'État était une condition suffisante pour être déclaré organisme public, bien peu d'entreprises privées existeraient au Québec. Combien de nos entreprises québécoises peuvent se vanter de ne pas recevoir, directement ou indirectement, une aide financière de la part du gouvernement? Sont-elles pour autant traitées comme des organismes publics devant ouvrir l'ensemble de leurs livres et de leurs documents à l'oeil scrutateur des médias, des syndicats ou de l'ensemble des citoyens? Alors, pourquoi devrait-il en être autrement à l'endroit des corporations qui tiennent des établissements d'enseignement privé? Du simple fait qu'une part de leur revenu vient de l'État?

Quant aux établissements d'enseignement privé eux-mêmes, il y a lieu de se demander, à la lumière des jugements rendus par les tribunaux, si c'est bien à la loi sur l'accès qu'ils doivent demeurer assujettis. Selon la Cour du Québec, lorsque l'établissement d'enseignement est tenu par une corporation, seuls les documents qui sont détenus en propre par l'établissement, tels les dossiers d'élèves et les dossiers des employés, par exemple, sont soumis au régime de la loi sur l'accès. Dans les faits, cet assujettissement équivaut à conférer aux employés et aux élèves des droits d'accès et de rectification, qui leur sont par ailleurs reconnus par la loi sur le secteur privé.

Depuis l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, en 1993, il y a donc lieu de se demander sérieusement s'il ne serait pas plus opportun que les établissements d'enseignement privé soient dorénavant sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, ce qui, d'ailleurs, fait objet de nos deux premières recommandations, à savoir que les établissements d'enseignement privé et que les corporations qui les tiennent soient dorénavant sous le régime de la loi sur le secteur privé.

Nous croyons aussi que la mise en application de la recommandation de la Commission d'accès à l'information causerait des préjudices graves aux corporations qui tiennent les établissement enseignement privé et, par voie de conséquence, aux établissements eux-mêmes. On peut facilement imaginer combien il serait injuste et insoutenable pour ces corporations de négocier les conditions de travail des employés de leurs établissements et l'état économique qui pourrait en résulter si les syndicats représentant leurs employés avaient accès aux états financiers des corporations, leur permettant ainsi de formuler leurs demandes en connaissant exactement les marges de manoeuvre financière des corporations, leurs actifs, passifs, leurs stratégies de développement, plans de marketing, etc.

On ne peut non plus ignorer le nombre croissant de propriétaires et gestionnaires qui prennent des risques financiers et investissent leur argent propre dans leurs entreprises. La divulgation des frais de gestion de ces établissements et les conditions de travail de leurs dirigeants les exposeraient à des comparaisons avec le secteur public et à des critiques injustifiées qui, plus souvent qu'autrement, peuvent être suscitées par des intérêts plus ou moins avoués.

L'application telle quelle de la loi sur l'accès aux établissements d'enseignement privé et aux corporations qui les tiennent risquerait aussi de bousculer substantiellement le sain climat de concurrence et de compétitivité qui existe actuellement entre ces corporations et établissements en les obligeant à rendre publics leurs études de marchés, plans de développement et de marketing, etc.

À un autre niveau, on éliminerait ainsi une bonne partie du financement caritatif, car dans bien des cas on requiert obligatoirement l'anonymat pour faire un tel don. Les dons que reçoivent les écoles privées de la part de fondations privées, de communautés religieuses ou de citoyens sont très souvent conditionnels au respect de l'anonymat de leurs auteurs. Or, il est douteux que cet anonymat puisse être préservé dans le contexte de la loi sur l'accès. Voilà donc pourquoi il nous apparaît préjudiciable et fort compromettant pour l'avenir du réseau de l'éducation privée de donner suite à la recommandation de la Commission d'accès à l'information.

Mais il ne faudrait surtout pas conclure pour autant que les établissements d'enseignement privé et les corporations qui les tiennent demandent à être soustraits à tout contrôle de l'État. Loin de nous une telle intention. Dans l'état actuel de la législation en vigueur au Québec, le contrôle de l'État est largement présent et, à notre point de vue, largement suffisant.

La Loi sur l'enseignement privé prévoit en effet que, pour les fins de son application, les personnes et corporations qui tiennent un établissement privé aux fins de subventions sont soumises au pouvoir de surveillance et de contrôle du ministre de l'Éducation notamment à l'égard de l'ensemble et de chacune de leurs activités financières. Ainsi, à chaque année, ces corporations doivent présenter au ministre de l'Éducation des rapports financiers détaillés visant l'ensemble et chacune de leurs activités de manière à ce que l'État puisse s'assurer que les subventions accordées ont été utilisées à bon escient. Ces rapports financiers doivent au préalable avoir fait l'objet de vérifications effectuées par des vérificateurs externes indépendants. De plus, le ministre dispose aussi de larges pouvoirs pour requérir des établissements ou des corporations qui les tiennent tout document ou livre et il peut, le cas échéant, mandater des enquêteurs pour s'enquérir non seulement de la qualité de l'enseignement donné, mais aussi de la rigueur de la gestion, de l'administration qui soutiennent ce même enseignement.

À notre humble avis, le contrôle qu'exerce actuellement l'État à l'endroit des établissements d'enseignement privé agréés et des corporations qui les tiennent répond parfaitement aux exigences du bien commun et de l'intérêt public. Qui plus est, il s'agit d'un contrôle qui s'effectue en respectant en tous points le caractère privé de chaque établissement et le caractère concurrentiel de l'ensemble de leurs activités.

Et maintenant, si le législateur jugeait toutefois que ce type de contrôle qu'exerce actuellement le ministre de l'Éducation en vertu de la Loi sur l'enseignement privé n'était pas suffisant et si, en conséquence, le législateur tenait à ce que les activités des écoles privées, qui sont directement défrayées par les subventions de l'État, soient soumises à un régime d'accès à l'information administrative, nous soumettons que des paramètres très précis devraient être mentionnés dans la loi de manière à préserver au maximum l'environnement de concurrence dans lequel évolue l'école privée.

Dans la mesure où la contribution financière de l'État ne couvre même pas les dépenses relatives aux salaires et avantages sociaux du personnel affecté directement au service éducatif, nous pourrions concevoir d'assujettir à la loi sur l'accès les établissements privés agréés et les corporations qui les tiennent pour ce qui a trait aux services éducatifs qu'ils fournissent. De cette manière, on pourrait permettre à la population de prendre connaissance des documents qui concernent directement les services éducatifs tels les programmes offerts, les politiques d'évaluation des apprentissages des élèves, le nombre d'élèves par classe, le fonctionnement des activités pédagogiques, les politiques d'admission, etc.

Les documents de gestion et les documents financiers, vus de manière agglomérée, ont trait à l'ensemble des activités de la corporation et ne devraient toutefois pas être soumis à ce régime. C'est ce qui fait d'ailleurs l'objet des recommandations 3, 4 et 5 de notre mémoire.

En somme, si l'État juge que le contrôle actuel est insuffisant pour servir adéquatement l'intérêt public, nous sommes ouverts à bien des compromis en autant qu'on nous garantisse de sauvegarder sans aucune faille l'environnement de concurrence dans lequel évolue actuellement et dans lequel évoluera sans doute de plus en plus le réseau privé d'éducation. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames et messieurs, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à la commission de la culture, vous remercier pour votre contribution aux débats sur le rapport de la Commission. Je profite de l'occasion pour vous dire que le gouvernement est quand même vraiment décidé à procéder. Nous n'allons pas tarder à convoquer cette commission après le dépôt du rapport quinquennal et nous espérons, dans les meilleurs délais, être capables aussi de déposer soit un projet de loi ou un avant-projet de loi, et qu'à cet égard il y aura donc une révision de la loi au cours de la prochaine année. Les membres de l'Assemblée seront appelés à se prononcer sur un projet de loi ou un avant-projet de loi.

(16 heures)

Écoutez, j'ai l'habitude de dire les choses franchement; je vais le faire aussi aujourd'hui. Peut-être que le propos peut vous choquer. Je suis un peu déçu de votre présentation. Je comprends que vous vous inscrivez à l'appui des grands principes qui ont motivé le législateur, au-delà de tout parti politique, qui l'ont guidé dans la rédaction des textes de loi. Je comprends qu'il y a toujours eu une volonté claire exprimée à l'Assemblée nationale de faire en sorte – puis on le voit bien à l'article 6 – que les établissements déclarés d'intérêt public ou reconnus pour fins de subvention en vertu de la Loi sur l'enseignement privé soient visés par la loi d'accès. Et donc, je pense que le départ de notre réflexion doit être là, parce que j'ai bien fait comprendre que si nous... l'état d'esprit dans lequel je me présente lorsque vient le temps de discuter de la révision de la loi, c'est au moins de partir d'un minimum, là; on n'ira pas reculer, on va certainement, s'il y a lieu, plutôt progresser, adapter la législation à la réalité actuelle. Ce qui ne veut pas dire pour autant, cependant, que nous allons profiter de cette occasion pour infirmer dans la loi des décisions qui ont été rendues par les tribunaux supérieurs. Et, moi, ce que je veux d'ores et déjà vous dire, c'est la question que je voudrais vous demander, c'est: En quoi le statu quo actuel, où il y a une distinction qui est faite entre la corporation et l'établissement... Et je comprends très bien cette distinction, une corporation peut gérer plusieurs établissements. Ce n'est parfois qu'une partie des établissements qui sont visés, jugés, déclarés d'intérêt public. Donc, en quoi le statu quo actuel vous cause préjudice?

M. Servant (Auguste): La seule difficulté que nous avons avec le statu quo, c'est la suivante: le statu quo nous conduit très souvent devant les tribunaux après des décisions rendues par la Commission d'accès à l'information. Mais il est clair qu'on peut vivre aussi assez aisément avec le statu quo. On pense aussi qu'un jour il y aura suffisamment de jurisprudence pour faire en sorte que ça ne s'arrête plus à un niveau inférieur, effectivement.

M. Boisclair: Bon, alors, la question que le législateur doit se poser, c'est: est-ce qu'il est opportun à ce moment-ci d'intervenir, de préciser les choses? Parce que, ce que vous nous demandez, c'est de vous retirer complètement de la loi sur l'accès et de dire: On veut nommément être indiqué comme étant une entreprise privée et soumise à la loi sur le secteur privé. Moi, je vous dis: Avant de faire ça, laissons les tribunaux faire leur travail et confirmons l'intention du législateur qui était bien inscrite à l'article 6, première chose.

Deuxième chose, la Commission d'accès nous dit: Il faudrait aller plus loin que la véritable intention du législateur; c'était de faire en sorte que à la fois les corporations et l'établissement soient déclarés des organismes publics. Et la Commission nous suggère d'assujettir aux lois des corporations de gestion d'établissements d'enseignement. Bon, là, ça, c'est un autre débat qui nous amènerait à infirmer en tout ou en partie une décision des tribunaux supérieurs. Et là vous nous dites: Si jamais le législateur choisissait cette voie, ce serait catastrophique. Madame, en introduction tout à l'heure, a utilisé des mots, là, que j'ai pris en note, mais, en tout cas, ça ne laissait pas place à interprétation: «détruirait», «une atteinte grave aux règles du marché», et ainsi de suite.

Mais lorsqu'on regarde dans les faits qu'est-ce que la loi dit, la loi prévoit aussi une série d'exceptions. Par exemple, vous nous avez parlé que ça viendrait compliquer les choses lorsque vient le temps de négocier, par exemple, avec les employés. Mais les mandats ou stratégies de négociation collective sont clairement jugés comme des renseignements qui sont d'ordre privé: «Un organisme public peut refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation aurait vraisemblablement pour effet de révéler un mandat ou une stratégie de négociation de conventions collectives ou de contrats pendant huit ans à compter du début de la négociation.» Article 27.

Mais tous ces articles, de 21 à 27, il y a une série d'exceptions qui sont visées. Alors, dans la mesure où le législateur... Ce n'est pas ça que je dis qu'on va faire, mais la question, c'est que, si on choisissait véritablement d'en faire autant des corporations que des établissements et des organismes publics, c'est de jouer avec les paramètres 21 et 27, entre 21 et 27, et c'est là l'autre voie qui s'offre à nous. Parce que, vraiment, je vous trouve alarmiste dans votre présentation, sachant qu'il y a des exceptions, dont celles que vous... pour éviter des problèmes comme ceux que vous avez décrits. Là, c'est quand même très clair dans la loi. Alors, je voudrais savoir, dans la mesure où le gouvernement décidait, les législateurs décidaient de faire en sorte que et l'établissement et la corporation soient des organismes publics, en quoi 21 et 27 vous font...

Est-ce que, finalement, les protections à 21 et 27 ne sont pas suffisamment claires, ne sont pas suffisamment importantes pour ne pas vous inquiéter de la façon dont vous semblez l'être?

M. Servant (Auguste): C'est-à-dire que, quand on parle de 27, on parle des mandats de négociation. Quand on parle de 21, on parle davantage de documents de nature financière. Et, moi, je vais vous donner l'exemple du cas de Notre-Dame-de-Lourdes, en 1990-1991 où, en pleine négociation, le syndicat a réclamé les états financiers de la maison. Et ça, c'est 21 qui protège. Ils ont dit non en vertu de 21, mais, par contre, il faut justifier pourquoi ça causerait un tort irréparable à l'organisation de rendre publics les états financiers. Donc, c'est allé en cour, d'abord à la Commission d'accès, c'est allé en cour. Ça a pris du temps et ça a coûté encore bien des sous, bien des sous, autant à l'école qu'à la Fédération, qui l'a supporté en partie, ce litige-là. Alors, ça, c'est 21.

M. Boisclair: Je comprends ça, mais est-ce que ce n'est pas le lot de toute jeune loi, où, bien sûr, il n'y a pas de jurisprudence sur chacun des articles? Et est-ce que le législateur serait justifié de revoir ses intentions et les dispositions qui sont dans la loi? En comprenant que chacun des articles peut ouvrir la voie à des litiges mais qu'en bout de course la question qu'il faut se poser, c'est: Est-ce que les principes derrière ces articles sont des principes qui sont justes? Et, si nous n'acquiescions pas à la recommandation de la Commission d'accès, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de façon indirecte de faire des choses que la loi ne nous permet pas de faire directement et de rouler dans des corporations qui seraient reconnues comme des organismes privés... de la responsabilité de la gestion de fonds publics?

Parce qu'elle est là aussi, notre crainte. C'est que des gens se servent de ce jugement pour rouler dans les corporations privées des responsabilités qui, autrement, appartiendraient à un organisme public. Parce qu'il y a l'autre piège aussi sur lequel, moi, je dois réfléchir. Vous comprenez?

M. Servant (Auguste): Je saisis mal votre «roulement».

M. Boisclair: Bien, par exemple, il y a des institutions de santé qui ont roulé des responsabilités et des argents dans des fondations. Ils se sont soustraits à l'application des dispositions de la loi d'accès. Bon. Il y a toutes sortes d'exercices... d'édifices juridiques qu'on peut construire pour échapper à la loi. Et j'ai aussi cette responsabilité, d'abord et avant tout, de défendre ce principe qui est celui de la transparence. Et, dans certains cas, les niveaux de financement des institutions – vous nous avez donné des chiffres tout à l'heure, mais il y en a, dans certains cas, les pourcentages sont beaucoup plus élevés.

Alors, si on choisissait de faire en sorte que les établissements et la corporation soient dans les deux cas des organismes publics et que, nommément, on mettait que les corporations sont des organismes publics, est-ce qu'il y a des litiges qui ont été portés à votre attention qui feraient en sorte de nous inciter à revoir les protections qui sont contenues aux articles 21 à 27 de la loi, qui ne vous apparaîtraient pas suffisamment? Est-ce que les exceptions visées par la loi aux articles 21 et suivants, dont des documents de mandats ou stratégies de négociations collectives, le secret industriel, et ainsi de suite, est-ce que ces protections-là ne sont pas suffisamment claires? Et est-ce que, dans le fond, la question qui se pose à nous, c'est: Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt resserrer, s'il y a lieu, 21 et suivants?

M. Servant (Auguste): M. le ministre, vous avez absolument raison. Notre réflexe et notre gêne, c'est qu'on défend des écoles qui sont nombreuses et qui sont souvent un peu dépourvues pour se défendre. Et, quand on a à aller devant les tribunaux, ça nécessite souvent beaucoup d'argent et beaucoup de temps. On est un peu inquiet. Ce n'est pas notre capacité, on n'est pas tellement habile là-dedans. Et on se disait: Si on pouvait éviter d'être continuellement demandé d'aller en cour pour défendre une position, sachant qu'on est très bien structuré, très bien reconnu par le ministère, avec des états financiers en bonne et due forme, avec surtout le jugement de nos utilisateurs.

Parce que nos utilisateurs, ce sont des gens qui ne sont pas captifs chez nous. Et si notre école et nos institutions ne sont pas menées de façon professionnelle, eh bien, on n'aura plus de clientèle demain matin. Et, n'ayant plus de clientèle, on aura beau être exclu de la loi, ça ne changera pas grand chose pour nous autres. Le premier évaluateur, après le ministère qui fournit de l'argent, c'est le parent qui, lui, est satisfait ou non des services qui sont donnés.

Alors, on se disait, nous autres: Ça nous cause un préjudice. C'est pour ça qu'on vous a demandé de regarder ça. Maintenant, je peux vous dire qu'on ne verra pas une catastrophe épouvantable de vivre comme on vit actuellement, sinon de recontinuer, peut-être une dizaine ou une quinzaine de fois par trois ou quatre ans, d'aller devant les tribunaux et se défendre pour y être exclues de la loi... différentes écoles. Nous, on pense au réseau. On se disait: Peut-être qu'à ce moment-là, quand vous revoyez la loi, on pourrait en profiter pour revoir peut-être plus précisément les exclusions.

M. Boisclair: Une question qui me vient à l'esprit. Vous parlez à quelqu'un qui a fréquenté le réseau privé; qui a même fait des batailles avec l'administration pour que les étudiants soient présents aux conseils d'administration. Dans combien de cas des étudiants ou des professeurs sont présents sur les conseils d'administration?

M. Servant (Auguste): C'est de plus en plus fréquent dans des situations de relève institutionnelle. Mais ils y sont comme administrateurs et non pas comme mandataires de leur syndicat ou autrement; alors avec l'obligation du secret qu'il se doit, qui est requise.

Mais, M. le ministre, tantôt, pour compléter la réponse que mon collègue a faite, moi, je ne vois pas comment 21 à 27 protègeraient, sauvegarderaient l'environnement de concurrence dans lequel évolue l'école privée. Je ne vois pas du tout.

M. Boisclair: Pourquoi?

M. Servant (Auguste): Bien, d'abord, les états financiers seraient, normalement, rendus publics.

(16 h 10)

M. Boisclair: Un organisme ne peut communiquer un secret industriel...

M. Servant (Auguste): Tous les projets de développement. Prenez l'école privée, par exemple, qui est un peu en perte de clientèle et qui veut développer un nouveau projet, qui fait une étude de marché et qui développe un plan marketing. Normalement, les écoles privées concurrentes du même territoire l'apprennent l'automne suivant, en pleine période de recrutement. Elles ne l'apprennent pas six mois avant, pour s'ajuster en conséquence. C'est un véritable marché de concurrence, l'école privée. Comme secret industriel?

M. Boisclair: Je vous comprends bien. Mais, regardez 22: Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel qui lui appartient, peut également refuser de communiquer un autre renseignement industriel ou un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique de leurs partenaires dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de l'obtention d'un contrat, de causer une perte à l'organisme ou de procurer un avantage appréciable à une autre personne. Or, il y a quand même des dispositions qui sont, là, très importantes, et vous anticipez ce que seront des décisions de la Commission, si jamais on faisait en sorte que des corporations soient soumises à la loi.

Moi, ce que je vous dis, c'est: Est-ce qu'on ne peut pas avoir une certaine sérénité devant cette question? Est-ce qu'on ne doit pas d'abord regarder le principe fondamental qui est celui de la transparence? Faire confiance au législateur, lorsqu'il a rédigé ces articles 21 à 27, et que, si jamais il y avait des difficultés, le législateur pourrait intervenir. Mais, à date, ce que vous me dites, c'est que 21 à 27 n'a pas causé véritablement de problèmes. Il vous a donné les garanties suffisantes pour éviter – et là on s'entend tous que vous évoluez dans un environnement qui est concurrentiel, et tout le reste, et qu'il y a certaines informations qui ont avantage à demeurer confidentielles. Mais je lis 22 attentivement puis il me semble que vous n'avez pas raison de vous inquiéter. Est-ce que vous avez des avis juridiques, par exemple, qui vous auraient été fournis par vos procureurs et qui viendraient vous dire que 22 n'est pas une protection suffisante?

M. Servant (Auguste): Non, pas que je sache, non.

M. Boisclair: D'accord.

Mme Coderre (Rolande): M. le ministre, la confiance que vous demandez à l'établissement privé face au gouvernement, c'est une demande que nous recevons et sur laquelle nous avons toujours travaillé dans ce sens-là jusqu'à date.

M. Boisclair: Ce n'est pas pour le gouvernement, c'est pour les citoyens. Il y a suffisamment de mécanismes de contrôle entre le ministère de l'Éducation et vous. C'est pour le citoyen.

M. Garon: Évitons le dialogue, là. On s'adresse au président.

Mme Coderre (Rolande): Bien, le législateur, c'est ça. Vous faites assez confiance au législateur. Mais, ce que je voudrais ajouter, il y a un point que nous avançons. Les contrôles assez structurés et avancés que fait le ministère de l'Éducation sur la façon de contrôler les subventions qui sont données aux écoles privées – et nous sommes d'accord avec ça, parce qu'en fait c'est l'argent de la population – vous trouvez que cela n'est pas assez suffisant et n'assure pas la transparence des écoles privées, dans ces rapports-là?

M. Boisclair: Ce que je vous dis, c'est que le gouvernement a sans doute établi une série de mécanismes des pouvoirs de vérification, je présume, des pouvoirs d'enquête, je ne connais pas bien les rapports qui vous régissent, au ministère de l'Éducation. Je suis convaincu que le gouvernement s'est donné toutes les poignées pour, s'il y a lieu, poser les gestes qu'il a à poser...

Mme Coderre (Rolande): Nous autres aussi, on en est convaincus.

M. Boisclair: ...qu'il y a des exercices de reddition de comptes qui doivent être bien imaginés par les juristes et les fonctionnaires du ministère de l'Éducation. C'est leur job. Mais, l'autre partie, ce n'est pas le gouvernement, ce sont les citoyens, ce sont les parents qui voient dans l'école un milieu de vie, qui parfois auraient peut-être des questions à se poser et qui devraient, à mon avis, avoir un droit d'avoir des réponses à des questions qui sont bien légitimes.

À cet égard, la question des cartes de crédit, dans le cas du Collège français, bon, ça peut être une question qui peut être intéressante. Je pense que ça peut faire en sorte que les administrations se disciplinent davantage. Moi, je vois ce que le Vérificateur général nous impose comme obligations. Je peux vous dire que quand le Vérificateur général sort un rapport, tous les ministres, on regarde, première chose en se levant le matin: Est-ce qu'on parle de nous? Puis, le lendemain, on rencontre nos sous-ministres puis on exige des mesures correctives.

Mme Coderre (Rolande): Le lendemain, vous faites des changements.

M. Boisclair: C'est ça. Et c'est pour ça qu'il me semble qu'on ne perd rien comme société à s'imposer ces règles de transparence, toutes égales, et tant mieux si ceux qui contribuent à l'école privée peuvent aussi exercer cette responsabilité-là, eux qui contribuent à des niveaux de financement élevé, ces institutions privées.

Mme Coderre (Rolande): En général, M. le ministre, nous – je parle pour la majorité de nos établissement sinon pour tous – la transparence, ça ne nous effraie pas beaucoup. Mais ce qui est clairement décrit dans le mémoire, c'est de trouver le moyen de sauvegarder, et ça, il faudra y regarder de plus près, j'imagine, si vous me permettez, du côté du législateur, de sauvegarder la grande dimension «d'entreprise privée», qui est une école privée, même si elle est subventionnée – en partie toujours décroissante, ça me fait plaisir de le souligner! – du gouvernement, sauvegarder cette caractéristique du secteur privé, qui est basé sur la concurrence, qui est basé sur la loi du marché. Je pense que, sans cela, on peut causer des inconvénients sérieux au secteur privé, et je suis certaine que ce n'est pas votre intention de nuire au secteur privé.

M. Boisclair: Pas du tout, et c'est pour ça que j'aurais aimé que votre...

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Boisclair: Je termine, M. le Président, avec le concept de la... Je vais appeler le consentement...

Le Président (M. Garon): Bien, c'est terminé. Alors, M. le député de Jacques-Cartier...

M. Boisclair: Je demande le consentement sur...

Le Président (M. Garon): Votre temps est fini.

M. Boisclair: Je peux demander un consentement juste pour terminer, M. le député?

M. Kelley: Pour terminer, rapidement.

M. Boisclair: Merci. Alors...

Le Président (M. Garon): Pardon? Là, c'est parce qu'il va falloir s'entendre.

M. Boisclair: Pour terminer.

Le Président (M. Garon): Un instant. Il va falloir s'entendre, là. On a des groupes à 16 heures, à 17 heures – on ne peut pas parler des deux côtés de la bouche en même temps – et on est supposés ajourner à 18 heures.

M. Boisclair: Parfait.

Le Président (M. Garon): Si vous voulez avoir des consentements, après ça, vous vous arrangerez sur l'horaire, parce qu'à 18 heures on est supposés ajourner. Alors, actuellement, nous sommes exactement...

M. Boisclair: Là, c'est que vous avez déjà pris plus de temps que ce que je...

Le Président (M. Garon): Non, non, mais je vous le dis: vous avez fait commencer la commission avant que les gens soient là, mais vous avez oublié de vous entendre sur le temps. Alors là, le temps, il va falloir le répartir. Alors, comment voulez-vous procéder pour... Vous consentez à dépasser 18 heures ou bien vous voulez...

M. Kelley: Non.

Le Président (M. Garon): ...qu'on répartisse le temps également entre les associations?

M. Boisclair: M. le Président, on va répartir le temps également. Il y a 15 minutes à rattraper, je suis convaincu qu'on va le rattraper. Je voulais juste prendre le consentement, pour ne pas être... cinq secondes, et vous inviter, s'il y a lieu, à poursuivre votre réflexion, mais sur les articles 21 et suivants, parce que, dans le cas où on déciderait de faire en sorte que les corporations soient des organismes publics, il faudra véritablement porter une réflexion sur 22 et suivants. Mais je voudrais vraiment vous remercier pour votre contribution.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président, et, à mon tour, j'aimerais remercier les représentants de la Fédération des associations de l'enseignement privé et la Québec Association of Independent Schools pour leur présentation cet après-midi.

Je veux, dans mon questionnement, essayer de trouver le vrai noeud du problème qui est ici, parce que je dois avouer que, moi aussi, il y a certains passages dans le mémoire qui m'ont frappé, quand on est allé un petit peu trop loin. Quand je regarde sur la page 5, par exemple, quand on parle de la location des gymnases comme d'un secret commercial, je ne sais pas. Quand l'équipe de soccer de ma fille loue l'école Charlemagne, le gymnase pour jouer au soccer l'hiver, je ne sais pas si c'est vraiment un grand secret. Alors, peut-être qu'on a exagéré un petit peu.

Et je dois avouer aussi que l'argumentaire que vous avez présenté sur le 295 000 000 $ et le 312 000 000 $, un grand portrait de l'ensemble du financement, ce n'est pas ça qui est en question. 295 000 000 $ demeurent quand même pas loin de 1 % des dépenses du gouvernement du Québec. Alors, c'est une somme très importante. Alors, quand on dit, sur la page 8, que c'est une curiosité malveillante du grand public, ce n'est pas ça qui est en question. C'est notre devoir comme députés de s'assurer que l'argent des contribuables est bien dépensé. Alors, ce n'est pas un portrait de l'ensemble de 312 000 000 $ contre 295 000 000 $ qui est en question, c'est la possibilité que dans l'établissement x il y ait peut-être quelque chose qui ne marcherait pas, et c'est ça.

Notre devoir, ce n'est pas de regarder la question dans son ensemble, mais, vu que c'est l'argent public, de s'assurer que c'est dédié aux fins auxquelles le législateur a décidé de dédier les fonds. On peut revenir un autre jour devant une autre commission sur toute la question du niveau de financement, ce n'est pas de nos devoirs devant la commission de la culture aujourd'hui. Mais je pense que c'est beaucoup plus que juste une curiosité de la part du législateur, de mettre certains droits d'accès à l'information à l'intérieur de nos projets de loi. Alors, quand j'ai trouvé ces passages dans le mémoire, ça m'a surpris un petit peu.

Par contre, je trouve qu'il y a des éléments de la solution qui sont déjà là, surtout au niveau de... Vous avez des rapports annuels à produire, et peut-être qu'au départ vous pouvez m'indiquer c'est quoi, la nature de ces rapports annuels. Ce sont des documents qui sont partagés avec vos parents, j'imagine, ils sont partagés avec votre personnel. C'est quand même un document qui va décrire d'une manière assez complète l'état financier des établissements une fois par année?

Mme Coderre (Rolande): Ça dépend de chaque institution et de chaque conseil d'administration. Bien, le conseil d'administration, c'est évident, mais, au niveau du personnel, il y a des établissements qui peuvent le partager avec le personnel, il y a d'autres établissements que non. Ça relève de la gestion interne de chaque établissement.

(16 h 20)

M. Kelley: Alors, ce ne sont pas les documents qu'on peut partager, pour répondre à cette inquiétude ou cette question de la transparence, parce que je pense qu'il y a quand même un intérêt pour s'assurer que, comme j'ai dit... 295 000 000 $ de l'argent public, c'est quand même beaucoup d'argent, et ce qu'on cherche ici, c'est une certaine transparence au niveau que cet argent est déployé pour les fins de l'éducation de nos jeunes.

Mme Coderre (Rolande): Oui.

M. Kelley: C'est ça qu'on cherche, c'est pourquoi nous avons mis dans la loi sur l'accès certaines exigences quant à la transparence, quant à l'accès à l'information, pour s'assurer que cet argent est bien utilisé pour ces fins.

Mme Coderre (Rolande): Mais, si j'ai bien compris, les chiffres que vous avez relevés à la page 4 vous ont étonnés, à savoir 295 000 000 $, 312 000 000 $. Ce que je vois, c'est que le 295 000 000 $ de subventions reçues par le ministère de l'Éducation, par le gouvernement, par les contribuables, ne couvre même pas les salaires; alors, la transparence, elle est déjà là. Si la population, par un souci de transparence, veut vérifier si on utilise bien les subventions du public, il y aurait peut-être moyen de rendre compte de nos salaires, des salaires de notre personnel enseignant. Les salaires de notre personnel vont au-delà des subventions qu'on reçoit du gouvernement ou du public, alors je ne comprends pas comment ces chiffres-là ont pu vous étonner.

M. Kelley: Non, ce n'est pas ça, mais c'est juste... comme législateur, moi, j'ai énormément confiance dans l'ensemble du réseau de l'éducation privée et que ces fins sont utilisées pour l'éducation de nos jeunes, mais c'est juste que ce que nous avons mis dans la loi, c'est la possibilité, un jour, parce que dans un grand réseau comme ça il y a toujours la possibilité qu'un établissement ne suive pas les règles... Alors, c'est de ne pas remettre en question la bonne foi des centaines d'autres institutions, mais il faut toujours se protéger contre le mal. Je ne remets pas du tout en question...

Mme Coderre (Rolande): J'espère bien!

M. Kelley: Moi, j'ai d'excellentes écoles privées dans mon comté, je les visite, ce sont des personnes qui font une excellente formation pour nos jeunes. Alors, je ne remets pas ça en question, c'est juste de protéger le fait qu'il y ait toujours la possibilité, comme dans toute activité humaine, qu'il y aurait des choses qui ne marcheraient pas. Alors, c'est pourquoi je regarde le régime actuel, avec les choses qui sont imposées, pour me demander ce qu'on peut faire pour s'assurer que le contribuable, il n'y a pas la possibilité qu'un établissement fasse une utilisation de ces fonds qui n'est pas correcte.

M. Servant (Auguste): Mais ça m'apparaît assez simple, M. le député, entre autres, la ministre de l'Éducation, elle a un pouvoir de contrôle et elle peut entrer dans les maisons comme elle veut, quand elle veut, elle peut envoyer l'enquêteur qu'elle veut; à la moindre plainte qu'elle reçoit des parents, elle peut le faire comme ça.

Maintenant, ce que vous devez savoir aussi, c'est que, quand on parle du fait que l'ensemble des subventions de l'État, même au niveau de l'ensemble, ne paie pas l'ensemble des salaires versés aux services éducatifs, vous devez savoir aussi... on parle d'écoles privées subventionnées actuellement, d'accord? Elles sont donc toutes soumises au régime pédagogique, et le même régime pédagogique que les écoles publiques. Elles sont obligées, aussi, d'embaucher du personnel qualifié selon les mêmes normes que le réseau public. On ne parle pas d'écoles privées non subventionnées, où il y a plus de liberté à cet égard-là. Et, le rapport de 95 % de subventions au niveau des salaires versés, c'est vrai pour l'ensemble, mais c'est vrai aussi pour chacune d'entre elles prise isolément, celles qui sont subventionnées. Les autres, je ne sais pas, ce n'est pas pareil du tout.

Maintenant, le pouvoir de contrôle, Mme Marois l'a de façon très large, au niveau de la Loi sur l'enseignement privé. On ne croit pas que l'intérêt public serait mieux servi autrement.

M. Kelley: Et, vous avez parlé des...

M. Lemire (Yves): Me permettez-vous d'ajouter un point, pour votre compréhension. C'est qu'on est des organismes à but non lucratif, selon la troisième partie de la Loi sur les compagnies, et qu'on est tenus de faire des rapports financiers annuels, par des vérificateurs externes, et ces rapport sont complétés, aussi, par une grille spéciale que le ministère de l'Éducation oblige à remplir. Et ça, c'est envoyé au ministère de l'Éducation et scruté à la loupe.

On sait pertinemment qu'il n'y a pas moyen de passer à côté d'une saine gestion, ça paraîtrait très rapidement, tout le monde ayant droit de regard sur ces procès verbaux. Quand je dis «tout le monde», les gens du ministère. Par contre, ces états financiers là appartiennent à la corporation qui détient l'école. Plusieurs corporations sont des organismes, disons, sociaux, avec beaucoup de monde au conseil d'administration, et c'est déposé au conseil d'administration, ça.

Maintenant, c'est sûr qu'une diffusion large et incontrôlée peut permettre de donner à certaines gens un pouvoir peut-être un petit peu négatif. Parce qu'on peut se servir de certaines choses qui, sorties de leur contexte, font mal paraître un organisme scolaire que le ministère bénit tout de même. C'est des choses qui arrivent, ça. J'en reste là.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens juste à remercier les représentants des écoles privées d'avoir porté ces éléments à notre attention. Et dès nos remarques préliminaires dans cette commission parlementaire, nous avons soulevé l'exemple de la jurisprudence dans le cas des écoles privées et la demande de la Commission d'accès à l'information comme étant un exemple de quelque chose qui nous préoccupait.

Car, loin de dire que le fait même pour la Commission d'accès à l'information de vouloir changer la loi sur la base d'une décision qu'ils n'avaient pas... loin de dire que c'était en soi problématique, on exprimait une saine méfiance à l'égard de cette tendance des organismes de l'État de dire: Les tribunaux se sont penchés d'un côté, donc c'est contraire à l'intention du législateur, parce que, nous, on plaidait de l'autre côté. Je suis loin d'être convaincu que ça a déjà été l'intention du législateur d'assujettir cet aspect de la gestion à la loi sur l'accès.

Par ailleurs, M. le Président, ayant eu l'occasion, avec des groupes aussi divers que l'Association des manufacturiers et la FTQ, ayant été à même de constater qu'il y a un problème de définition... Car ce n'est pas assez juste de dire: C'est X % d'argent public qui détermine. C'est la finalité et c'est l'existence d'autres contrôles et d'autres voies d'accès et de vérification. La réponse de M. Servant tombe à point nommé, il parle de l'existence de vérificateurs externes, d'une grille du ministère de l'Éducation du Québec, etc., pour dire que, pour ce qui est de la vérification des dépenses du public, entre le ministère de l'Éducation et le rôle que joue à cet égard le Vérificateur général et éventuellement le ministère du Revenu du Québec, on a ce qu'il nous faut pour vérifier, par exemple, si quelqu'un dit que c'est des dépenses de fonction et que, en fait, c'est des dépenses privées. Le ministère du Revenu du Québec peut avoir le même droit de regard... s'il n'y est pas coupé.

La question est de savoir si quelqu'un qui a son propre intérêt, que ça soit syndical, que ça soit un concurrent, a un droit sanctionné par l'État de venir regarder dans ces livres-là. Et on s'inscrit en faux contre la position de la Commission d'accès à l'information sur ce point spécifique et on dit que, tant et aussi longtemps qu'on est persuadé, puis c'est notre analyse actuelle, qu'il existe suffisamment d'éléments de contrôle, bien, pour ce qui est de la dépense de l'argent du public, le reste peut demeurer privé parce qu'ils vivent dans un monde concurrentiel.

Mais je suis sensible aussi à l'argument et à l'analyse de mon collègue le député de Jacques-Cartier qui dit: Oui, faisons attention, ce n'est pas le fait même qu'il y a un pot d'argent – et on sait ce qui est donné, ce qui est dépensé en salaires – que ça veut dire qu'il ne peut pas y avoir des cas problèmes d'écoles qui dépensent mal leur argent. Et je n'ai qu'à donner comme exemple la piètre qualité du service des enquêtes au sein même de la Commission d'accès à l'information pour dire que je ne me fie pas énormément au fait que le ministère de l'Éducation du Québec va faire, comme ça, des enquêtes et attraper. Et vous savez ce qui se passe pour nous des deux côtés. Il suffit qu'il y ait une école privée dans le comté de l'un ou l'autre d'entre nous.

Le Président (M. Garon): L'éducation des adultes, c'est un bon exemple.

M. Mulcair: C'est ça. Il suffit qu'il y ait un scandale dans une de ces écoles-là, tout le monde va hurler: Bien, comment ça se fait que le gouvernement n'était pas là pour mieux gérer les fonds publics?

Alors, c'est pour ça que c'est l'équilibre entre ces éléments-là qu'on doit trouver. Mais, effectivement, votre présentation nous donne suffisamment d'éléments de réponse. Et je trouve que vous avez extrêmement bien explicité votre position. C'était nuancé et suffisamment flexible pour nous permettre de répondre, je pense, adéquatement. Et je vous remercie énormément.

M. Lemire (Yves): M. le Président, vous permettez une dernière information.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Lemire (Yves): Vous savez, le 295 000 000 $, c'est peut-être maladroit un petit peu dans la compréhension. Mais on sait une chose, nous autres, parce qu'on prend pour acquis qu'il y a tellement de contrôles sur cette dépense de l'enseignement que c'est incroyable, on ne peut pas passer à côté. On ne peut pas engager personne qui n'est pas légalement qualifié par le ministère de l'Éducation. On ne peut pas donner un cours qui n'est pas sanctionné par des examens du ministère. Alors on s'est dit: Là, s'il y a tellement de contrôles sur ce 295 000 000 $ là qui représente l'ensemble de la subvention que, vous voyez, messieurs, c'est peine perdue d'en demander plus. C'est pour ça qu'on a apporté cet argument-là. Maintenant, je pense qu'il n'a pas été saisi avec sa nuance. Je m'en excuse.

Une voix: C'était une illustration. Il ne faut pas... Ce n'est pas...

M. Lemire (Yves): C'était une illustration. M. le Président, je vous remercie.

(16 h 30)

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Alors, comme je n'ai pas d'autres demandes d'intervention, je remercie les représentants de la Fédération des associations de l'enseignement privé et la Québec Association of Independent Schools de leur contribution aux travaux de cette commission.

Nous avons un petit problème puisque nous avons deux groupes à entendre. Le prochain groupe devait commencer à 16 heures et il est dépassé 16 h 30. À toutes fins pratiques, il nous reste 84 minutes, si je divise par deux, ça fait 42. Alors, si vous êtes d'accord, on va répartir 42 minutes pour chaque groupe, en leur laissant le choix de prendre 20 minutes – parce qu'ils sont peut-être préparés pour 20 minutes – mais en leur proposant que, s'ils veulent réduire leur temps, il y aura plus de temps pour les parlementaires. Alors, le temps qui sera coupé sera coupé sur les parlementaires, qui sont responsables de ce retard.

Alors, j'invite l'Association de sécurité informatique de la région de Québec à s'approcher de la table. Je ne veux pas museler les députés, mais la meilleure façon d'entendre tout le monde, c'est d'être discipliné. M. Francoeur.


Association de sécurité informatique de la région de Québec (ASIRQ)

M. Francoeur (Claude): Alors, je remercie le président de cette commission d'avoir accepté qu'on vienne présenter notre mémoire. Bonjour, mesdames et messieurs. Je me présente, Claude Francoeur, président de l'Association de sécurité informatique de la région de Québec, et Max Chassé, le coordinateur du Comité des enjeux de notre association.

Alors, l'Association de sécurité informatique de la région de Québec a été constituée en 1983 et elle s'est donné pour mission de promouvoir, bien sûr, la sécurité informatique et d'en faire connaître les enjeux sociaux tant auprès de ses membres que de l'ensemble de la population québécoise. L'ASIRQ compte plus de 100 membres, dont plus des deux tiers sont des gens des organismes publics et parapublics, et, bien sûr, l'autre tiers, du secteur privé.

Depuis ses débuts, notre association organise diverses activités pour le bénéfice de ses membres et du public intéressé, soit des colloques, des séances d'information, etc. Aussi, on publie un journal qui s'appelle Le mot de passe , qui est publié à 800 exemplaires. Depuis six ans, également, on est associés avec les collèges de la région de Québec pour, justement, promouvoir la sécurité informatique dans l'enseignement collégial et on attribue, bien sûr, des bourses d'études concernant la sécurité informatique.

Alors, notre association considère sans équivoque et affirme avec force que le droit à la protection des renseignements personnels ne peut être remis en question. La meilleure façon de servir les citoyens du Québec et d'assurer leurs droits consiste en l'adoption d'attitudes les plus réalistes possible et les plus pragmatiques. Bien que l'on puisse s'inspirer de ce qui se passe hors de nos frontières, il faut placer au premier plan de nos préoccupations la pérennité de nos valeurs sociétales. Les technologies évoluent, faisant fi des obstacles. Le progrès technologique semble posséder une caractéristique commune avec le temps, soit celle d'aller à la vitesse de l'éclair.

C'est pour ces raisons que notre association intervient pour la deuxième fois concernant la révision de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. L'efficacité de la protection des renseignements personnels ne peut pas dépendre uniquement des mesures législatives coercitives. Elle sera mieux assurée et s'intégrera plus profondément dans les moeurs des citoyens si ces derniers participent à son application et en exigent quotidiennement le respect. C'est dans cet esprit que nous proposons à la commission de jouer un rôle plus actif auprès de chaque citoyen.

Voilà plus de 15 ans que la loi sur l'accès est appliquée, et trois ans, pour la loi sur le secteur privé. Des gestes concrets sont posés par certains organismes et entreprises, qui témoignent de la prégnance de ces lois dans notre société. Toutefois, un questionnement sur la façon dont elles sont administrées doit se faire tous les cinq ans pour vérifier l'opportunité de les maintenir en vigueur et, le cas échéant, de les modifier. Le récent rapport sur la mise en oeuvre des deux lois précitées, présenté par la Commission, vient justement faire ce questionnement.

Notre association se préoccupe autant du volet accès que du volet protection. Toutefois, puisque notre mission est de promouvoir la sécurité des technologies de l'information et de sensibiliser les personnes concernées pour assurer la protection de ces renseignements, nos commentaires se limitent, bien sûr, au second volet.

Notre intervention vise donc à commenter certaines recommandations soumises par la Commission d'accès à l'information et à proposer des mesures susceptibles d'améliorer la sécurité des renseignements personnels. Cependant, il faut réaliser que la sécurité ne constitue qu'une pièce imbriquée dans le grand casse-tête des enjeux sociaux, culturels, technologiques, légaux et qu'en conséquence il se peut que nous débordions occasionnellement du cadre de la sécurité informatique.

Notre intervention se divise donc en quatre parties. Alors, mon collègue va vous parler des recommandations 1 à 14 et 20 du rapport de la Commission d'accès à l'information; après ça, je reviendrai pour vous commenter les articles 76, 77 et 132 de la loi sur l'accès; je parlerai également de l'harmonisation des deux lois; et, finalement, on complétera en parlant de l'enrichissement du rôle de la Commission. Alors, Max.

M. Chassé (Max): Oui, bonjour. J'irai par numéro de recommandation plutôt que de citer chacun des paragraphes, on va sauver du temps comme ça, sachant que notre savant auditoire a déjà en tête toutes ces recommandations.

Alors, tout d'abord, au sujet du maintien des lois, la recommandation n° 1. L'Association se réjouit du fait que la Commission recommande le maintien des lois actuelles. Nous croyons cependant que ces lois nécessitent plusieurs ajustements et modifications.

Par exemple, avec l'aide d'experts, la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, soit la FNAC, et le Public Interest Advocacy Centre, le PIAC, ont effectué en 1994 une étude portant sur la vie privée au Canada. Et cette étude a révélé que 69 % des répondants croyaient – et là je fais une traduction libre – que: «J'ai moins de contrôle sur les renseignements personnels qu'il y a 10 ans». Parce que c'était écrit en anglais, je m'excuse, je lis très mal en anglais. De plus, 87 % des canadiens ayant participé à l'étude considèrent que la protection des informations personnelles doit être une priorité des gouvernements. Encore une fois, là, je fais une traduction libre, vous avez le texte.

Il semble donc qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir pour que la population s'approprie un certain contrôle sur les informations qui la concernent elle-même. Au Québec, la Commission d'accès à l'information doit donner aux citoyens des moyens pour exercer ce contrôle.

Au sujet des nouvelles technologies de l'information et de communication, ce qui couvre les recommandations 2 à 7. Concernant les nouvelles technologies de l'information, ou NTI, comme certains organismes les appellent, l'Association désire cibler des mécanismes plutôt que des moyens. La Commission d'accès ne doit pas réduire la notion de NTI aux inforoutes ou à Internet et répéter les problèmes d'interprétation vécus avec la notion de couplage de fichiers.

En ce sens, la Commission a tout intérêt à viser des objectifs généraux. L'Association constate que les NTI sont aussi la géomatique, c'est aussi les autoroutes payantes avec vignettes et guichets de perception automatique de la SNC Lavallin ou autres compagnies, c'est aussi les Data Warehouse, ou les entrepôts de données, c'est les lecteurs d'empreintes digitales, les tests d'ADN, c'est les analyseurs de rétine de l'oeil; c'est tout ça qui transmet de l'information, où il y a de l'information personnelle qui peut être transmise, aujourd'hui.

Alors, il s'avère important que la Commission d'accès se fixe un cadre assez large pour inclure l'ensemble des technologies actuelles, en développement et à venir, qui sont susceptibles d'avoir des impacts sur la sécurité et la protection des renseignements personnels.

Mentionnons, à titre d'exemple, la proposition qui s'appelle Moyens et services d'urgence de télécommunications. Ç'a été présenté par le consortium MSUT au conseil des ministres le 20 mai 1997; c'est dans les télécommunications pour certains ministères, comme le MEF, l'Environnement et la Faune; on a des fréquences qui leur sont réservées, au gouvernement. Il y a un consortium qui dit: Moi, j'aimerais ça l'avoir, mais sur une période de 15 ans; donnez-moi ça, je veux être opérateur exclusif des réseaux existants de radiocommunication. Et c'était prévu, eux autres, ils offraient ça pour le 1er octobre, puis ils voulaient ensuite déployer un nouveau réseau au rythme de la demande des organismes gouvernementaux.

(16 h 40)

Bien, l'Association suppose que le déploiement d'un nouveau réseau utilisera le dernier cri en matière de technologies dans ce secteur. Les recommandations 2 à 7, telles que proposées, ne couvrent pas ce volet, et pourtant nous croyons que la Commission d'accès à l'information doit posséder un texte de loi qui lui permette d'intervenir sur ces technologies qui ne relèvent pas du domaine de l'inforoute ou du couplage de fichiers. Puis, pourtant, on peut transmettre des données par les ondes maintenant, vous le savez, par cellulaire. Il y en a qui se font prendre, mais on peut aussi transférer des documents papier, je veux dire: on le faxe par un téléphone cellulaire. Alors, si on peut le transmettre, on peut le lire.

Par conséquent, les recommandations 2 à 7 ne doivent pas cibler un moyen plus qu'un autre de communiquer. Elles doivent être assez générales pour couvrir autant l'autoroute de l'information que n'importe quel autre processus.

Recommandation 3, plus spécifiquement. Les moyens pour s'assurer de l'identité de l'interlocuteur n'ont jamais été mentionnés dans les lois faisant l'objet de l'étude. Or, ceux-ci doivent être les mêmes peu importe la technologie mise en place. En conséquence, nous recommandons d'insérer le principe suivant dans les deux textes de loi, c'est-à-dire le privé et le public: «Les organismes publics et les entreprises privées doivent prendre les moyens suffisants pour s'assurer de l'identité de leur interlocuteur avant de lui accorder accès à un renseignement nominatif qu'il est en droit de recevoir». Concernant la loi sur l'accès, ce principe irait très bien à l'article 83 de la section 4, Droit d'accès.

Recommandation 4. L'évaluation des éventuels impacts ne doit pas se faire uniquement lors de l'implantation de l'inforoute, comme on l'a dit tantôt, mais pour l'implantation de toute nouvelle technologie ou pour une technologie déjà en place qui requiert des modifications transformant les processus. En conséquence, l'article 124.4 de la loi sur l'accès doit être modifié. Un article équivalent doit être spécifié également dans la loi sur le secteur privé.

Recommandations 5 et 6. À notre avis, ces recommandations n'ont pas raison d'être puisqu'elles sont déjà suffisamment couvertes dans les textes de loi et couvrent par le fait même le volet de l'autoroute de l'information. Il n'y a donc aucune raison de les conserver.

Recommandation 7. Cette recommandation devrait être plus précise de façon à limiter la diffusion des banques de données, et ce, peu importe le moyen utilisé et les mesures de sécurité mises en place. Une telle recommandation ne devrait-elle pas être adressée également à la loi sur le secteur privé? On vous pose la question.

Maintenant, au sujet des ententes de communication de renseignements personnels. Rien ne nous permet d'affirmer qu'après la consultation de la deuxième révision quinquennale de la loi sur l'accès par la commission de la culture il y ait eu des suites. Toutefois, la Commission d'accès semble avoir tenu compte d'une des recommandations que nous avons faites au cours de cette révision, puisque la recommandation 17 d'alors ne fait plus l'objet de leur présent rapport d'étude. Cette recommandation était que les organismes publics aient l'obligation d'informer la Commission avant de procéder à tout développement informatique qui peut conduire à la constitution d'un fichier de renseignements personnels, à sa transformation et au transfert sur support informatique d'un fichier existant.

Nous étions d'accord avec l'approche de concertation et de prévention préconisée par la Commission. Cependant, trois facteurs rendaient, selon nous, cette recommandation inefficace et pratiquement inapplicable: Un: la difficulté d'interprétation de la recommandation; deux: une mission impossible pour la Commission; trois: les retards occasionnés par cette nouvelle approche.

Notre recommandation était donc d'abandonner cette dernière au profit de la recommandation 20 qui, elle aussi, n'apparaît plus dans les 47 recommandations du présent rapport d'étude de la Commission d'accès. Cette recommandation était: «Le législateur devrait confier à la Commission la responsabilité de réaliser un guide qui servirait à orienter les organismes publics lorsqu'ils désirent se prévaloir des techniques de l'informatique pour créer des fichiers de renseignements personnels». L'esprit de cette recommandation devra être conservé. Dans ce cas, la recommandation doit couvrir l'ensemble des technologies, peu importe qu'elles soient en place, en développement ou à venir, comme on disait tantôt.

Recommandations 8, 10 et 11. Celles-ci correspondent à la recommandation 18 du précédent rapport quinquennal. Elles se lisent ainsi. Bien, là je ne les lirai pas. J'ai dit que je ne les lirais pas. On va laisser faire. O.K. Par ces trois recommandations, la Commission d'accès à l'information désire exercer un contrôle a priori, son expérience l'amenant à conclure que les contrôles a posteriori n'empêchent pas la violation des règles de confidentialité. Tel que nous l'avions proposé dans notre précédent mémoire, nous suggérons de ne pas entériner ces recommandations telles que formulées. Nous proposons plutôt que les organismes aient l'obligation de donner publiquement avis, dans les quotidiens par exemple, qu'ils veulent s'échanger des renseignements nominatifs sans le consentement des personnes concernées, au moins 60 jours avant l'échange. Ceci serait valable pour toutes les communications sauf celles visées par les articles 67.1 et 67.2.

Ainsi, toute personne aurait 30 jours pour présenter des commentaires à la Commission ou à l'organisme public. La Commission pourrait alors, de sa propre initiative ou sur réception des commentaires, décider d'émettre un avis au gouvernement. Elle aurait alors 30 jours additionnels pour émettre cet avis. Dans le cas où la Commission émettrait un avis défavorable, les organismes pourraient s'adresser au gouvernement pour obtenir son accord. S'il n'y a pas de commentaire ou d'avis de la Commission d'accès, l'échange pourrait se faire. De cette façon, on saurait assurer une véritable transparence en matière de communication de renseignements personnels au sein des organismes publics et des ministères et du même coup on responsabiliserait la personne concernée. Nous irons même plus loin, concernant la transparence, dans la section Rôle de la Commission d'accès.

Par contre, peu importe le motif de l'échange, les organismes auraient l'obligation de toujours conclure des ententes écrites lorsqu'ils désirent se communiquer des renseignements nominatifs, sauf pour les communications visées, encore une fois, par les articles 67,1, 67,2. Ces ententes mentionneraient les moyens à mettre en oeuvre pour assurer la confidentialité des renseignements nominatifs. Elles seraient établies en conformité avec un guide élaboré par la Commission, lequel fournirait des critères clairs ainsi que des balises de communication entre les organismes, tel que prévu à la recommandation 12. Cette recommandation est commentée un peu plus loin. On comprend donc que l'article 67,3 n'aurait plus de raison d'être.

Recommandation 9: la Commission désire éliminer du texte de la loi les dispositions traitant des modes de communication utilisés, tel que nous l'avions précisé dans notre mémoire précédent. Nous sommes d'accord avec cette recommandation. La mise en application de cet article n'a jamais fait consensus, en raison principalement de sa difficulté d'interprétation. Il n'y a pas que les modes de comparaison, de couplage ou d'appariement de fichiers qui comportent des risques de bris à la confidentialité. Par exemple, les mises en réseau, l'échange électronique et le traitement de l'image en sont d'autres. C'est pourquoi nous partageons l'avis de la Commission qui est de ne plus se limiter à des mécanismes spécifiques de communication. Les technologies ne sont pas statiques, alors la loi doit l'être encore moins. Ça change très rapidement dans le secteur des technologies de l'information, je vous le jure.

Recommandation 12: la Commission désire baliser le processus des communications des renseignements personnels. Nous sommes toujours d'accord avec cette recommandation. La Commission d'accès à l'information doit en effet élaborer des guides, des procédures, des documents d'orientation et ainsi faire connaître l'intégration des nouvelles technologies dans le respect des droits reconnus par la loi; deuxièmement, demander aux organismes d'analyser les risques pour appliquer les mesures nécessaires en fonction de la valeur et de la nature des informations à protéger; troisièmement, sensibiliser tous les intervenants de ces organismes et les informer sur les lois concernées.

De cette façon, la CAI jouerait pleinement son rôle de conseiller et d'orienteur. Sa condition de réussite repose sur son engagement d'être à l'avant-garde par une veille technologique assidue et exhaustive.

Recommandation 13: l'Association désire renforcer cette recommandation. Le mot «ampleur» est d'une ambiguïté telle qu'il pourrait amener plusieurs discussions. L'ampleur se quantifie mal, tant et si bien que les organismes ou des personnes pourraient facilement se soustraire à cette recommandation. Une analyse sérieuse devrait, en plus des coûts-bénéfices, prendre en compte tous les autres enjeux sociaux. Cette recommandation, telle que formulée, est difficilement applicable, selon nous.

Recommandation 14: L'Association s'interroge quant à l'objectif de cette recommandation. Pourquoi publier annuellement un état des mesures de sécurité alors que l'on peut référer aux ententes intervenues entre organismes et obtenir ces informations des organismes, sur les types de renseignements? Et puis, jusqu'à quel niveau de détail doit-on décrire ces mesures? Il ne faut certes pas offrir aux pirates le détail des mesures de sécurité en vigueur; ils seraient de bonne humeur, je vous en passe un papier! Alors, l'Association considère que les ententes d'échange contiennent déjà suffisamment d'information concernant la sécurité et la protection des renseignements et qu'il est inutile, voire dangereux, d'en ajouter.

Recommandation n° 20: contrairement à la Commission d'accès, le nombre et l'importance des recommandations comprises dans le présent rapport ne nous amènent aucunement à conclure que le statu quo offre la meilleure garantie de protection des renseignements personnels. Il n'est pas dans notre rôle de nous prononcer sur la nécessité, par exemple, d'une carte d'identité unique. Cependant, tout dépendant de sa construction ou de son architecture, celle-ci peut-être la meilleure voie de protection. C'est aussi l'opinion de certains experts, et je cite: «La mise en circulation d'une telle carte soulève un nombre de questions relatives à la citoyenneté et à l'exercice des droits civils», soutient l'expert en technologies de l'information et rédacteur en chef de Privacy Files , Pierrôt Péladeau. Selon lui, l'intérêt d'une telle carte pour les citoyens dépend de la façon dont elle sera conçue. «Ou elle favorisera encore un meilleur contrôle par les citoyens des bureaucraties ou elle sera un outil de contrôle des citoyens par les bureaucraties», dit-il, et là je cite Le Devoir , Michel Venne.

(16 h 50)

Tel que stipulé par la commission Paré, d'une façon générale, la loi devra interdire les transferts de données personnelles entre fichiers. Les exceptions devront être inscrites dans les lois, faisant ainsi l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale, permettant aux citoyens de connaître les pratiques actuelles et aux parlementaires de juger de leur pertinence et de leur nécessité. Certaines personnes craignent la carte unique parce que les organismes pourraient peut-être accéder à des données qui ne les concernent pas. On se donne une illusion de protection, alors que dans les faits de nombreuses exceptions sont inscrites aux lois: pour fins de comparaison de fichiers, d'échange de données, etc. Pensons seulement au ministère du Revenu, où il y a des choses assez capotées qui se font là, genre: T'as une Mercedes, tu vas être vérifié. En tout cas!

Enfin, la Commission d'accès n'a pas de pouvoir réel, et les organismes, par législation, arrivent de toute façon à leurs fins. Ceci nous amène à conclure qu'on ne peut garder le statu quo, laisser les autres établir les règles et se fermer les yeux sur ce qui se trame autour de nous, surtout avec l'implantation de l'autoroute, les besoins du Directeur général des élections et les besoins d'identification exprimés par les commerçants et autres. Je repasse la parole à mon collègue.

M. Francoeur (Claude): Merci. Alors, si on revient, concernant les articles 76, 77 et 132, ce que l'on veut principalement soulever, c'est qu'on demande, entre autres, de faire des déclarations de fichiers et de signaler, aussi, toutes les modifications. La Commission, elle, de son côté, doit présenter un répertoire des fichiers à tous les deux ans. Or, la question qu'on se pose, c'est: Est-ce que les organismes mettent vraiment ça en application? On a un peu la réponse, d'ailleurs, mais on soulève la question. De sorte que c'est un peu pourquoi on dit: Ces mesures-là, est-ce qu'elles sont efficientes et efficaces en regard de la protection des renseignements personnels? Donc, je n'ai pas fait une lecture, mais j'ai donné un peu l'idée de ce qui est traité là.

Concernant l'harmonisation des deux lois, aussi, on se pose des questions sur différents points qu'on peut constater d'une loi à l'autre. Entre autres, dans une loi, on va voir qu'on spécifie textuellement c'est quoi, le consentement, et l'autre n'en parle pas. Dans un temps, on va dire: Vous devez déclarer vos fichiers, et dans un autre, on ne le fait pas. Donc, ce qu'on se dit, c'est que, tant qu'à faire la révision des deux lois, il y a lieu de voir s'il n'y a pas une harmonisation à faire pour ces deux lois.

Et, finalement, concernant le rôle de la Commission de l'accès à l'information, ce qu'on veut véhiculer, dans le fond, c'est: Est-ce que c'est la Commission? Moi, je ne veux pas lui enlever son rôle du tout, en tout cas, je ne veux pas enlever la place de cet organisme-là, mais voir peut-être un rôle beaucoup plus actif vis-à-vis le citoyen. Il faut, après 15 ans d'existence, entre autres, je pense que c'est maintenant au citoyen à prendre en main ses renseignements et se questionner sur la nécessité des renseignements. Il y a beaucoup de principes dans les lois qu'on peut constater, et si le citoyen était vraiment au courant et qu'il les mettait en pratique, bien, ce serait meilleur pour protéger ses propres renseignements.

Alors, ce sont les commentaires que nous avions à faire. Je vous remercie de votre attention, et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Messieurs, je voudrais vous remercier pour votre présentation, et je couperais court dans les propos de courtoisie. Je voudrais vraiment qu'on aille au fond d'un certain nombre de choses, et je suis heureux de rencontrer M. Francoeur. Si ma compréhension est juste, M. Francoeur, vous avez déjà été enquêteur à la Commission d'accès à l'information?

M. Francoeur (Claude): Exact, mais je ne répondrai pas sur ce volet...

M. Boisclair: Oui, mais, quand même, vous ne vous échapperez pas.

M. Francoeur (Claude): Parce que présentement je suis à la Société de l'assurance automobile comme coordonnateur général de la sécurité informatique.

M. Boisclair: Donc, vous avez vu à la fois les deux côtés: de l'intérieur, et maintenant vous êtes à la Société. Je voudrais vraiment profiter de votre passage parmi nous et de votre expertise pour répondre à des questions. En somme, là, tout ce que nous avons toujours voulu savoir, nous, de cette Commission, mais que personne n'a jamais osé nous dire.

Pour ce faire, je voudrais prendre le dernier rapport du Vérificateur général. Je dois vous dire, vos recommandations, d'abord, recoupent plusieurs de celles qui ont été entendues, et soyez assurés qu'on les regarde attentivement puis qu'on y revient, mais je voudrais aller plus loin avec votre mémoire.

M. Francoeur (Claude): D'accord.

M. Boisclair: Sur toute la question de la reddition de comptes, la Commission d'accès à l'information, on lit à la page 98 du rapport du Vérificateur général: La stratégie de contrôle de la Commission d'accès à l'information en matière d'échanges de renseignements personnels pourrait prévoir que l'étendue et que la portée de la vérification soient modulées en fonction des impératifs de reddition de comptes. Une telle approche s'harmoniserait, également, davantage avec le courant actuel de responsabilisation et de gestion par résultats. La Commission n'a pas formulé d'exigences particulières en ce qui a trait à la reddition de comptes des organismes. Le nombre réduit de vérifications et l'insuffisance de lignes de conduite claires quant à la reddition de comptes sont des carences d'autant plus préoccupantes qu'en cette période de restrictions les organismes peuvent être tentés de réduire leur contrôle interne, et ainsi de suite.

Alors, vous et vos membres qui avez cette responsabilité du contrôle et de la surveillance, d'abord, est-ce que des citoyens ont raison de s'inquiéter de la situation? Deuxièmement, est-ce que vous pensez que la Commission d'accès à l'information devrait être plus agressive, devrait exiger davantage de contrôle? Ce sont deux questions qui, pour nous, sont fondamentales, d'autant plus que, quant à la première question, on a vu, par exemple, les propos du Vérificateur général au sujet du ministère du Revenu, où le Vérificateur général nous indique que des brèches dans le secret

fiscal se sont multipliées, malgré les modalités d'application existantes. En effet, entre 1993 et 1996, le nombre de groupes de personnes ou d'organismes autorisés à prendre connaissance de certains renseignements obtenus grâce à une loi fiscale est passé de trois à quinze.

Alors, est-ce que les Québécois et les Québécoises sont bien protégés? Ont-ils raison de s'inquiéter? Et, deuxièmement, est-ce que vous pensez que la Commission d'accès à l'information devrait être plus proactive dans ses contrôles et ses vérifications? Et je vous demande de répondre vraiment bien honnêtement, candidement, en étant convaincu que vous serez capables d'appuyer votre point de vue par une démonstration claire et limpide.

M. Francoeur (Claude): Concernant la protection des renseignements personnels, est-ce que le citoyen est bien protégé? Remarquez une chose, c'est que la plupart des cas de bris à la confidentialité qu'on a vus, en tout cas dans les démonstrations ou les enquêtes qui ont été faites, ça a toujours été des gens qui avaient des droits d'accès. Je n'ai pas eu démonstration que c'est un pirate qui a eu accès, par exemple, à une banque de données de renseignements personnels. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu d'informations par un tiers, mais la personne qui y a accédé tangiblement, c'était vraiment une personne qui avait un droit d'accès, et c'est pour ça que les organismes privilégient beaucoup la sensibilisation. Mais c'est des cas d'exception; je veux dire, on n'a jamais démontré, par exemple, qu'il y avait un marché noir réel de l'information. L'enquête que la Sûreté du Québec a menée, les résultats ne sont pas du tout efficients. Et d'ailleurs, à la Société d'assurance...

M. Boisclair: Vous les connaissez; moi, je ne les connais pas.

M. Francoeur (Claude): Pardon?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Vous les connaissez, les résultats?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Moi, je les...

M. Francoeur (Claude): Bien, en tout cas, je veux dire...

Une voix: ...sont les derniers à le savoir.

M. Boisclair: Bien, je dois vous dire qu'on n'a jamais... On me dit, moi, que c'est encore en cours.

M. Francoeur (Claude): Bon. Alors, ce que j'ai vu dans les journaux il y a à peu près...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Francoeur (Claude): ...trois, quatre mois – parce que c'est à peu près là qu'on peut avoir l'information, on ne l'a pas d'ailleurs – alors, ce qui était dit, c'est qu'il y avait juste deux firmes privées qui avaient été identifiées comme quoi elles obtenaient de l'information.

M. Boisclair: Oui, mais qui continuent. En tout cas...

M. Francoeur (Claude): Bon. Alors, partant de là, moi, je dis: Il n'y a rien de démontré. Et d'ailleurs, à la Société, on a toujours demandé – là, je m'excuse, par exemple, parce que je parle à ce niveau-là, étant à cette table-là – c'est qu'on a dit: Donnez-nous des cas, et, partant de la journalisation, on est en mesure de démontrer si, oui ou non, il y a eu accès pour un dossier.

M. Boisclair: Mais il n'y a pas journalisation partout, par exemple.

M. Francoeur (Claude): Bon. La journalisation...

M. Boisclair: Au CRPQ, ça n'existe pas.

M. Francoeur (Claude): Bien, ça n'existe pas et ça existe. Ce qu'il faut bien dire, c'est que, à la Sûreté du Québec, il n'y a pas d'identité par rapport à l'utilisateur comme tel, mais il y a quand même possibilité de savoir qui a interrogé à partir de tel terminal, s'ils ont l'horaire de travail de la plupart des gens. La question est toujours: Est-ce qu'une personne interroge pour d'autres personnes? Là, je suis d'accord avec vous, je ne suis pas en mesure, dans ce cas-là, de répondre, effectivement. Mais ils ne sont pas non plus complètement dépourvus. Et d'ailleurs, ce que j'ai compris de la Sûreté du Québec, c'est qu'ils corrigeaient la situation de ce côté-là; parce que, chez nous, à la Société, on sait à quelles des six lignes le CRPQ a accès et jusqu'à quel terminal, mais, après ça, c'est eux autres qui doivent répondre au restant, parce qu'ils ont accès à la banque de données des immatriculations et des permis de conduire à la Société de l'assurance automobile.

Donc, le citoyen, oui, c'est vrai qu'il faut toujours qu'il s'interroge, mais, comme tout à l'heure je le disais, c'est quand même à lui de faire l'exercice. Combien de citoyens ne s'interrogent même pas sur tous les renseignements qu'on leur pose quand ils se présentent à quelque endroit que ce soit? Je pense qu'il y a un exercice à faire. Comme, par exemple, quand on demande le numéro de téléphone, avec l'utilisation d'une carte de crédit, il n'y a aucune nécessité; et d'ailleurs, il y a même les compagnies de cartes de crédit qui disent que ces commerçants-là n'ont pas à demander de numéro de téléphone. Alors, si les gens étaient sensibilisés à différentes règles comme celles-là, qui sont de base, déjà, il y aurait un exercice qui ferait qu'il n'y aurait pas autant de renseignements qui seraient communiqués. Oui, monsieur. D'accord.

M. Boisclair: Sur la deuxième partie.

M. Francoeur (Claude): Concernant, maintenant, la CAI, pour les activités, moi, je pense que sa façon d'être proactive – c'est un peu ce qu'on disait dans notre mémoire – c'est de vraiment aller beaucoup plus vers le citoyen. Les organismes publics sont très sensibilisés. D'ailleurs, on a des programmes de sensibilisation. La plupart des gens qui siègent à notre association le disent, ils ont tous des programmes de sensibilisation; c'est très important, les énergies qui sont mises là-dedans. Donc, du côté de l'organisme, pour les employés, je pense que c'est...

M. Boisclair: Avec quel genre de résultats, lorsqu'on voit le rapport du Vérificateur général? Vous l'avez lu comme moi, je présume.

M. Francoeur (Claude): Oui, mais c'est des cas d'exception, et très populaires. Je veux dire, les vedettes, il aurait pu l'isoler. En tout cas, je vous donne l'exemple suivant: c'est que les vedettes, il pourrait faire un fichier à part. On prend la Régie de l'assurance-maladie. Vous savez que les cas d'adoption, c'est complètement confidentiel. Alors, ce n'est pas tout le personnel qui a accès aux cas qui sont des cas d'adoption, c'est trois ou quatre agents qui sont attitrés spécifiquement pour les adoptions, parce que c'est confidentiel, de nature plus confidentielle, je dirais, que d'autres renseignements dans le fichier d'inscription des bénéficiaires. À la Société de l'assurance automobile, il y a certainement d'autres aspects aussi où on subdivise des champs de façon à ce que ce ne soit pas tout le monde qui ait accès aux données.

M. Boisclair: Donc, selon vous... Parce que la question de fond...

M. Francoeur (Claude): Oui.

(17 heures)

M. Boisclair: ...notre objectif, c'est bien sûr de rassurer les gens, c'est d'avoir des outils efficaces et efficients, et ce que vous me dites, c'est que l'outil, qui serait une vérification à posteriori qui serait disponible à la Commission d'accès à l'information, qui pourrait se monter un plan d'enquête ou de vérification, ne vous apparaît pas être l'outil le plus déterminant. Ce que vous me dites: Faisons d'abord appel à la responsabilisation des employés.

M. Francoeur (Claude): Bien, entre autres. Parce que, un coup que le coup est fait, de toute façon, il est trop tard. Et la sensibilisation est justement dans le but, à priori, de voir à ce que les gens n'utilisent pas les renseignements à d'autres fins. Mais il y a des situations où, quand le renseignements ou le bris est déjà fait, il est trop tard, même si on réagit par après.

Moi, je pense que c'est vraiment...

M. Boisclair: Combien de fois, par exemple à l'ASIRQ, la Commission d'accès à l'information est venue chez vous voir ce qui se passait?

M. Francoeur (Claude): Bien, ils ont fait...

M. Boisclair: Est-ce que vous avez des rapports réguliers, comme...

M. Francoeur (Claude): Ils ont fait une vérification mur à mur dans les années 1989, 1990, 1991 et puis même un peu plus tard.

M. Boisclair: Puis, après ça?

M. Francoeur (Claude): Après ça, il y a eu des cas d'enquêtes pour lesquels ils sont venus, mais auxquels la Société a participé parce que c'est nous autres qui avons les traces puis qu'on leur a fournies.

M. Boisclair: Mais pas de vérification systématique?

M. Francoeur (Claude): Non, à part la seule, comme je vous dis, de mur à mur, une fois. Bien, excusez, les mégafichiers, je ne sais pas si c'est vous qui aviez fait la commande, on a eu la visite de la Commission d'accès à l'information...

M. Boisclair: Ha, ha, ha! Non, le ministre ne passe surtout pas de commandes à la Commission d'accès à l'information.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Parmi vos membres, depuis le début 1990, est-ce qu'il s'est fait des vérifications mur à mur comme celle qui s'est faite antérieurement à 1990, à votre connaissance?

M. Francoeur (Claude): Oui, mais là je pense que je ne suis pas en mesure, au nom de la Commission, de répondre... le rapport annuel...

M. Boisclair: Non, mais je parle de vos membres, ça se sait, ces choses-là. Parce que, moi, ce qu'on me dit, c'est que depuis 1991 il ne s'en fait plus, de vérifications. Est-ce que j'ai raison ou pas?

M. Francoeur (Claude): Mais je ne peux pas vous répondre, je m'excuse, je n'ai pas cette réponse.

M. Chassé (Max): Moi, ce que je pourrais dire là-dessus peut-être, c'est qu'il y a 45 ETC – je crois que ça a baissé à 39 – à la Commission d'accès, et puis on a introduit la loi sur le secteur privé, ça a décuplé d'autant les demandes qu'il y a eu à la Commission, donc on ne peut pas tout faire avec 45 personnes; on ne peut pas être partout. Puis je crois qu'il manque beaucoup de ressources, c'est peut-être une des problématiques, là.

M. Boisclair: Encore faut-il qu'on... Ah! J'arrête là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Il vous reste une minute.

M. Boisclair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va? Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je désire souhaiter la bienvenue au représentant de l'Association de sécurité informatique de la région de Québec. Et mon collègue le député de Jacques-Cartier voudrait commencer avec une question.

M. Kelley: Juste pour donner suite au dernier commentaire que vous avez fait, je vois, sur les recommandations 2 à 7, dans votre mémoire, on parlait qu'il ne faut pas limiter les nouvelles technologies à la problématique d'Internet, de l'inforoute, et on parle de la rétine de l'oeil, des entrepôts de données, etc. Mais il faut être réaliste, avec une Commission avec une quarantaine d'effectifs, est-ce qu'on peut prétendre que la Commission a les moyens, a l'expertise requise pour suivre de près le débat sur l'ADN, ou est-ce qu'il faut prévoir un autre mécanisme? Parce que ça, c'est les enjeux, tous les tests de l'ADN, ça, c'est quelque chose qui a une énorme conséquence pour notre société, mais je ne sais pas si la Commission, telle que formulée, a les ressources adéquates pour le faire.

M. Francoeur (Claude): Non, et c'est pour ça que je trouve votre question très bonne, d'ailleurs. C'est que, dans le fond, ce que l'on vise, c'est que la Commission, ce ne serait pas à elle de faire ces vérifications-là. Si je regarde la plupart des organismes publics, ils ont tous des responsables de la sécurité, ils ont des responsables de la loi sur l'accès, puis il y en a qui sont là depuis 15 ans, ça veut dire qu'ils ont l'expertise et l'expérience reconnues pour faire ce travail-là. Mais ce qu'ils attendent, c'est des principes très généraux qui leur donnent des orientations pour pouvoir fonctionner et que tout le monde aille dans le même sens. C'est pour ça justement, entre autres ce matin, je participais à un groupe interministériel qui permet justement de pouvoir amener des idées et évoluer tous dans le même sens. Donc, on est en train de participer, justement, à se donner des orientations pour aller vers la protection, de façon efficace. Alors, c'est un peu ça.

M. Mulcair: Bon, je vais reprendre, avec votre indulgence, M. le Président, là où mon collègue le député de Jacques-Cartier vient de laisser et je vais revenir, par la même occasion, à un point soulevé par le ministre.

À la page 6 de votre mémoire, en parlant des recommandations 5 et 6 que vous citez, je reprends le dernier:

«Des mesures de sécurité doivent être mises en place pour assurer la protection des renseignements personnels.»

Vous dites, et je vous cite, à votre avis, «ces recommandations n'ont pas de raison d'être puisqu'elles sont déjà suffisamment couvertes dans les textes de loi».

Je pense que le point auquel le ministre voulait en venir tantôt, et qui était implicite aussi dans ce que disait mon collègue le député de Jacques-Cartier, c'est qu'on est face à ce que Pierrôt Péladeau a appelé «une crise» à la Commission d'accès à l'information. Le fait est que, peu importe ce qu'on a dans les lois, on sait que le service d'enquête de la Commission d'accès à l'information, ça ne fonctionne pratiquement pas. On a eu une déclaration fracassante au printemps à propos de laquelle on attend toujours des preuves. Est-ce que c'est du «guessage»? Et si c'est ça, peu importe ce qu'on va mettre dans les lois, on ne peut pas affirmer que la protection des renseignements personnels est garantie.

M. Francoeur (Claude): Oui, mais... Est-ce que vous voulez que j'intervienne?

M. Mulcair: Allez-y. Oui.

M. Francoeur (Claude): C'est que, dans le fond, si ça n'avait pas été décrié ici, à la commission de la culture, la précédente, c'est quelque chose que les gens n'auraient pas su.

M. Boisclair: Est-ce que ça existe?

M. Mulcair: Est-ce qu'ils savent quelque chose?

M. Boisclair: Est-ce que ça existe? Puis, ils ont des pouvoirs d'ordonnance?

M. Francoeur (Claude): Ce qu'on peut répondre...

M. Mulcair: Oui. Allez-y.

M. Francoeur (Claude): Je ne peux pas dire qu'il n'y a aucun bris de confidentialité, ce n'est pas vrai. Parmi les employés, il y en a qui sont des gens pour faire des actions qui vont à l'encontre de nos règles. Mais c'est l'exception, c'est la rareté. Et on ne peut pas dire que c'est général. On ne peut pas dire que c'est un marché ou un réseau. Je ne peux pas garantir, la main sur l'Évangile, que tous les gens que je fréquente sont tous corrects. Puis je pense que tout le monde est en mesure... Mais c'est l'exception. Écoutez, quand on fait de la sensibilisation, la plupart des gens acceptent les principes qui sont véhiculés puis trouvent ça tout à fait raisonnable. Par contre, on voit qu'il y en a qui ont une réticence, mais ça ne veut pas dire non plus qu'ils vont y déroger. Ça les choque, mais...

M. Mulcair: Mais je reviens au texte de votre présentation. Et le fruit de votre expérience est vraiment très important pour nous. Il ne faut pas méprendre ce que je suis en train de dire. Aucune critique, il n'y a pas la moindre critique dans ce que je suis en train de dire. J'essaie vraiment de comprendre.

Vous dites, en réaction à l'affirmation de la part de la Commission d'accès, que pour assurer la protection il faut que les mesures de sécurité soient mises en place, pour assurer la protection des renseignements personnels; vous-même venez d'affirmer ce qui est devenu un lieu commun: On attend toujours les résultats de l'enquête à l'effet qu'effectivement il y a des gens qui enfreignent la loi, et il me semble donc que c'est pertinent que des mesures de sécurité doivent être mises en place, mais vous répondez qu'à votre avis ces recommandations n'ont pas de raison d'être puisqu'elles sont déjà suffisamment couvertes dans la loi. Si la loi existe déjà et que, théoriquement, ça les couvre suffisamment, mais que la loi n'est pas appliquée, il me semble que la Commission fait bien de nous dire: Bien, il faut mettre des mesures de sécurité en place.

M. Francoeur (Claude): O.K. Mais c'est dans le contexte, bien sûr, où on regroupait les recommandations 2 à 7. Et les recommandations 2 à 7, la Commission véhiculait spécifiquement l'Internet et l'inforoute. Ce que, nous autres, on dit, c'est que, entre autres, les recommandations 5 et 6, quand on parle de cueillette, de détention, d'utilisation, de communication de renseignements, ce sont des volets qui sont déjà couverts dans les textes de loi. Et ce n'est pas parce qu'on change de mécanisme qu'il faut amener quelque chose de nouveau. C'est déjà quelque chose qui est dans la loi.

(17 h 10)

Par contre, est-ce que ça demande un ajustement dans les lois par rapport à tout? Nous autres, ce qu'on dit, c'est que, peu importe le moyen utilisé ou la technologie utilisée, il faut que le texte de loi soit le plus général possible pour que demain la loi soit encore à point. Mais ce qu'on trouvait, c'est que la Commission ciblait trop, cette fois-ci, l'inforoute. Mais il ne faut pas trop paniquer avec ça, là. L'inforoute, oui, c'est quelque chose de nouveau, mais demain on va avoir aussi autre chose de nouveau.

M. Mulcair: Vous soulevez le point extrêmement bien et vous avez totalement raison. Il faut que la structure, le cadre juridique et législatif que l'on met en place soit suffisamment flexible pour tenir compte de cette évolution-là. Sinon, ils vont être en train de courir après des choses qui sont désuètes depuis 10 ans. Et le système serait plein de trous. Je comprends votre point de vue à cet égard-là, mais je demeure quand même persuadé que la loi doit être adaptée, changée, puis la Commission doit avoir suffisamment de ressources et de structures qui lui permettent de remplir ce mandat-là, parce que vous nous dites que votre dernière vérification réelle remonte à il y a huit, neuf ans, dans votre propre présentation, vous faites la démonstration que ce qui se faisait il y a huit, neuf ans, c'est de l'ancienne histoire en termes de l'informatique.

Alors, qu'il n'y ait pas eu de mise à jour de cette vérification de votre manière de faire, que personne ne soit venu sur place pour constater si, oui ou non, il y avait réellement un blocage ou une manière correcte de vérifier que n'importe qui ne peut pas pitonner et sortir de l'information et la vendre ou faire avec ce qu'il veut, ça, ça me préoccupe.

M. Francoeur (Claude): Mais ce qu'on veut démontrer, c'est que nous, dans mon organisation, on fait des analyses de menaces et de risques, pas à chaque année mais périodiquement.

Donc, moi, ce que je dis, c'est que les organismes qui se prennent en main sont déjà plus aptes que la Commission elle-même à le faire. Les gens sont là, je veux dire tous les gens qui sont responsables de la sécurité, ont un rôle à jouer, c'est de voir à ce que les renseignements soient protégés. Alors, on se donne des outils, on fait des analyses d'évaluation de menaces et de risques et, partant de là, on identifie nos secteurs critiques pour justement améliorer ces choses-là.

M. Mulcair: C'est intéressant puis ça nous met sur une piste peut-être valable pour la restructuration de la Commission, car vous étiez en train de dire que ça pourrait peut-être y aller d'une sorte d'autogestion. Mais il me semble que, si on regarde les autres modèles d'autogestion qui existent en matière de législation... Je prends l'exemple du système professionnel, où les ordres professionnels gèrent leurs lois dans un seul but: assurer la protection du public. Mais il existe néanmoins un office qui est là pour veiller à ce qu'ils assurent la protection du public. On pourrait faire la même chose ici, mais ce qui manque dans notre analyse et dans votre témoignage... Ce n'est pas vous qui avez une carence, mais ce que ça révèle comme carence, c'est le fait que, même si, de toute bonne foi, vous me dites que dans votre organisme vous êtes corrects et vous faites ça bien, il n'y a personne qui en train de veiller à ce que ça soit bien. C'est ça que le ministre soulevait tantôt et que je réitère.

Il nous semble, des deux côtés, que le constat de Pierrôt Péladeau se confirme par votre témoignage, qu'il y a une crise, il y a un grave problème, si ça ne dépend que... Et je ne mets pas en question votre bonne foi, mais, si on ne dépend que de la bonne foi des gens, éventuellement on va se faire jouer des tours. Et c'est pour ça que l'État nomme des gens indépendants puis c'est pour ça que ça a été hissé au même rang que le Vérificateur général, le président de la Commission des droits, l'ombudsman, c'est nommé par l'Assemblée, pas juste une nomination par décret en conseil. C'est important, ça.

Mais ce qui sort de ce que vous nous dites, c'est que ça ne se fait pas. Et ça, ça nous préoccupe puis c'est une réponse qu'il va falloir apporter de part et d'autre.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

M. Chassé (Max): Moi, j'aurais...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement.

M. Chassé (Max): J'aurais un complément là-dessus pour vous rassurer un petit peu. Je suis d'accord avec votre analyse, mais ce que je dirais, c'est qu'il y a d'autres organismes de contrôle qui existent dans les ministères ou organismes, que ce soit le vérificateur interne, le Contrôleur des finances, le Vérificateur général dont vous avez parlé tantôt. Et ces gens-là n'appliquent pas la loi sur l'accès, mais ils regardent quand même les contrôles d'entrée, les contrôles de sortie, ils regardent à l'intérieur des logiciels, des progiciels ou des systèmes, s'il y a des contrôles effectifs. Et même au Contrôleur des finances, on le fait de façon proactive, c'est-à-dire pendant le développement des systèmes. Ça fait que déjà il y a une certaine sécurité qui est assurée là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. Merci infiniment de votre contribution aux travaux de notre commission.

J'invite les gens de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec à se présenter devant la commission.

Bonjour, bienvenue.


Corporation des officiers municipaux agréés du Québec (COMAQ)

M. Fournier (Jean-Charles): Bonjour, M. le Président. Merci de nous donner l'opportunité de vous présenter notre mémoire. Je me présente...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Et présentez les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. Fournier (Jean-Charles): C'est ça.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

M. Fournier (Jean-Charles): Jean-Charles Fournier, je suis président de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec. Je suis également directeur des finances de la ville de Rimouski. Je suis accompagné, à ma droite, de Me Érick Parent, le secrétaire général de la Corporation des officiers municipaux, et, à ma gauche, de Me Gabriel Michaud, assistant-directeur du contentieux de la ville de Laval.

On va vous faire une présentation en deux temps. Je vais vous faire une brève présentation de notre corporation et Me Michaud va faire la présentation du mémoire.

Créée en 1968 par une loi de l'Assemblée nationale, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec regroupe plus de 500 membres qui occupent tous des fonctions reliées à l'administration générale des municipalités, soit greffiers, direction générale, finances, contentieux et autres. Lorsqu'il est question de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, il s'avère que dans les faits et suivant la délégation prévue à la loi, le rôle de responsable de l'accès aux documents et de la protection des renseignements personnels est assumé par des officiers municipaux que notre corporation représente.

Tout en évitant d'intervenir sur des questions qui relèvent davantage du niveau politique, notre expérience de l'administration municipale et notre implication au niveau de l'application de la loi dont il est question nous amènent, cependant, à formuler un certain nombre de commentaires qui feront l'objet du présent mémoire. Me Michaud.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Me Michaud.

M. Michaud (Gabriel): Merci. Pour ce qui est de la présentation de notre mémoire, compte tenu du temps qui est alloué, je vais éviter de repasser le mémoire du début à la fin et je vais me limiter peut-être à attirer votre attention sur certains passages reliés à certaines des recommandations qui font l'objet du rapport de la Commission tel que déposé en juin dernier.

Tout d'abord, à l'égard de la recommandation n° 2 – et certains commentaires que nous allons faire vont également concerner les recommandations 4, 5 et 6 – c'est bien sûr que, quant à nous, lorsqu'il est question d'utiliser les outils en matière d'informatique pour ce qui est de l'accès aux documents, on reconnaît la nécessité de maintenir le droit des citoyens suivant les moyens conventionnels.

Maintenant, c'est que l'utilisation d'outils informatiques, c'est un accommodement additionnel. Et, à cet égard-là, nous croyons que cet accommodement-là devrait amener une modification à la tarification, parce que, évidemment, monter des banques de données, du côté des municipalités, c'est toujours à un certain coût. Que les citoyens aient le droit d'accès suivant les modes conventionnels, c'est une chose. Le règlement actuel peut répondre, en termes de tarification, à ces moyens conventionnels.

Maintenant, pour ce qui est de l'utilisation et l'accessibilité via des moyens électroniques comme Internet et autres, nous, ce qu'on soumet, c'est qu'il devrait y avoir la possibilité pour les municipalités d'établir des tarifs appropriés, ce qui ne limite pas, évidemment, le citoyen à utiliser des moyens conventionnels.

Maintenant, c'est que l'utilisation des moyens électroniques pose évidemment de sérieux questionnements quant aux modalités d'accès et aux mesures de sécurité. Et c'est peut-être le principal élément qu'on tient à soulever à l'égard de ces recommandations-là. C'est que, les personnes qui décident de la mise en place de tels moyens électroniques, ce qu'on soumet, c'est que, malgré le fait que le responsable de la loi d'accès a une responsabilité qui est définie à l'article 8 de la loi, nous, ce qu'on croit, c'est qu'on devrait peut-être songer à renforcer le rôle de responsable et éventuellement prévoir dans la loi qu'il y ait obligation d'assujettir à l'approbation du responsable de l'accès aux documents le choix des moyens électroniques utilisés, les modalités d'accès et les mesures de sécurité mises en place, autorisation qui serait même préalable à la mise en opération d'un système.

Et, à cet égard-là, évidemment, on rejoint ce que la Commission disait à la page 43 de son rapport, à l'effet que «le responsable de l'accès aux documents au sein de chaque organisme doit pouvoir continuer à exercer les fonctions qui lui incombent». Et s'il y a une réalité qu'on partagerait, à l'égard de l'ensemble des municipalités que nous représentons... Souvent dans les hôtels de ville, tout ce qui est gestion des archives, tout ce qui est accès aux documents, ce n'est pas nécessairement le sujet qui est le plus facile d'amener au niveau des autorités de la municipalité, en termes d'investissements et autres mesures administratives. Et le risque est que parfois le responsable de la loi d'accès, soit qu'il ne prenne pas sa place ou soit qu'on ne lui reconnaît pas sa place, se trouve devant le fait accompli à l'égard de l'instauration de nouveaux outils d'accès à l'information.

(17 h 20)

À l'égard de la recommandation n° 3, lorsqu'il est question de prendre tous les moyens pour s'assurer de l'identité de l'interlocuteur, nous, on s'interroge ce que peut signifier «prendre tous les moyens». Surtout lorsque la Commission, vers la fin de son rapport, suggère de remplacer le régime de responsabilité pour instaurer un régime de responsabilité stricte, et lorsque la Commission elle-même, à la page 45 de son rapport, reconnaît, et je pense que c'est constater ce qu'on a déjà à notre connaissance, qu'il y a absence d'une autorité de certification reconnue à l'égard des signatures électroniques et à l'égard de ce que je dirais l'ensemble de la sécurité des modes d'accès.

Nous, on dit: Bien, à ce moment-là, «prendre tous les moyens», ça nous apparaît peut-être aller un peu loin. Et nos recommandations à cet égard-là, c'est que, lorsqu'il s'agit de renseignements personnels qui n'ont pas le caractère public, on soumet qu'à ce moment-là autant l'accès à de tels renseignements que le droit de rectification ne devraient être possibles que par les moyens conventionnels et non pas par courrier électronique ou d'autres modes électroniques quelconques. Par contre, pour les renseignements personnels qui ont le caractère public, quant à nous, seul l'accès devrait être possible par voie électronique, et tout ce qui concerne les procédures de rectification, ça devrait encore obligatoirement se faire par les moyens conventionnels.

Si on se réfère à la recommandation n° 7, on peut prendre comme exemple le rôle d'évaluation, mais ce qu'on va dire peut s'appliquer également à d'autres documents, comme le rôle de perception et autres. Il faut que tout le monde, je pense, reconnaisse que la fiscalité municipale est basée fondamentalement sur la richesse foncière, et, à ce moment-là, lorsqu'il est question que des documents comme le rôle d'évaluation sont publics, c'est une question qui rejoint aussi la crédibilité du système de fiscalité des municipalités. De sorte que, si on parle du rôle d'évaluation, quant à nous, il est public ou il ne l'est pas, et si on ne veut pas qu'il soit public dans son intégralité, à ce moment-là, c'est la Loi sur la fiscalité municipale qu'il faut modifier ainsi que le Règlement sur le rôle d'évaluation foncière.

Maintenant, c'est que le problème, quant à nous, n'est pas nécessairement à l'égard des renseignements qui peuvent se retrouver dans le rôle d'évaluation, renseignements qui, pour une bonne part, sont déjà accessibles au bureau de la publicité et des droits. C'est que le problème, je pense, repose davantage sur l'utilisation que certaines personnes peuvent faire des informations obtenues, surtout lorsqu'on parle à des fins commerciales, comme certaines expériences ont été faites et qui ont fait l'objet, d'ailleurs, de certaines décisions des tribunaux.

Quant à nous, le recours à l'article 26 qui a amené ces cas-là devant les tribunaux n'est pas le recours approprié, parce que l'article 26, c'est l'article qui permet à la Commission de juger si les fins auxquelles les informations demandées peuvent être utilisées sont abusives ou non. Ça n'empêche pas un responsable dans une municipalité donnée de carrément donner accès au rôle d'évaluation, puisque c'est un document public. À cet égard-là, c'est en ce sens-là qu'on dit que l'article 126 n'est pas le recours approprié. Et, fondamentalement, est-ce que le rôle d'évaluation est public ou est-ce qu'il ne l'est pas? C'est à cette question-là qu'il faut revenir.

Dans les recommandations que nous faisons à l'égard de ce point-là, ce qu'on soumet, entre autres, c'est que, que la consultation se fasse par les moyens conventionnels ou que ce soit par un mode électronique, il sera toujours opportun, quant à nous, que ce soient les mêmes données qui soient publiques et non pas que ça diffère suivant qu'on accède par les voies conventionnelles ou qu'on accède par voie électronique.

À l'égard des recommandations 8 à 13, quant à nous, le critère fondamental, on y souscrit, c'est celui de la nécessité des échanges d'information, lorsqu'il s'agit de le faire sans le consentement de la personne concernée, et ce critère-là ne doit évidemment pas être remis en question, et ça, malgré les commentaires qu'on peut faire dans notre mémoire.

Maintenant, c'est que, lorsque la Commission recommande de revoir les articles 67.1 à 68.1, nous, on croit que ces articles-là sont plutôt adéquats dans les circonstances et nous croyons qu'autant le gouvernement que les municipalités, lorsqu'ils ont à s'assurer du respect des lois, du fait que les programmes qui sont mis sur pied sont vraiment utilisés aux fins qu'ils doivent l'être... Nous croyons que les articles qui sont présentement dans la loi sont adéquats et assurent les mécanismes appropriés, et vouloir aller aussi loin que la Commission le soumet, nous craignons que cela pourrait avoir pour effet de paralyser le fonctionnement des organismes publics, qui se doivent quand même de remplir leur mission d'assurer une bonne gestion des deniers publics et de voir à ce que les programmes mis sur pied soient utilisés pour les fins pour lesquelles ils ont été créés.

Nous ne croyons donc pas qu'il y ait lieu de prévoir des mécanismes supplémentaires, et, quant à nous, le contrôle a posteriori qui existe présentement suffit, et il ne faudrait pas astreindre les organismes à un contrôle a priori, avec les délais dont il serait question, et nous craignons que cela aurait pour effet de davantage paralyser le fonctionnement et d'empêcher éventuellement, aussi, les organismes publics de bien remplir leur mission à l'égard de la gestion des deniers publics en général.

Quant aux recommandations 15 et 16, nous, on réitère, sur la notion d'organismes gouvernementaux qui doivent assujettis ou non à la loi sur l'accès aux documents, nous réitérons les positions qu'on a déjà exprimées; et, quant à nous, il est difficile de considérer que des activités traditionnellement reconnues comme relevant de la responsabilité d'une municipalité cessent d'être assujetties à la loi sur l'accès aux documents simplement parce que de telles activités se retrouvent placées sous la gestion d'une autre entité, que ce soit une société d'économie mixte, que ce soit une corporation paramunicipale ou quelqu'autre entité.

Quant à nous, pourquoi est-ce que les principes de la loi seraient à ce point irréconciliables et est-ce qu'il y a lieu de prévoir des régimes à deux vitesses lorsque les deniers publics sont de la même façon en cause, qu'ils soient gérés par la municipalité ou qu'ils soient gérés par une autre entité? On ne voit pas pourquoi il y aurait un régime à deux vitesses à l'égard de cette gestion-là.

Pour ce qui est de la recommandation n° 20, il y a obligation pour les municipalités, évidemment, d'assurer une bonne gestion des activités qu'elles mettent sur pied. On ne se prononce pas de façon catégorique sur l'opportunité d'avoir une carte d'électeur ou une carte d'identité. Maintenant, si jamais il y avait une carte à mettre sur pied, nous, on croit que ce devrait être davantage une carte d'identité et non pas simplement une carte d'électeur, parce que lorsqu'une municipalité a à assurer un certain contrôle de qui accède à ses activités, une carte d'électeur ne serait pas d'une grande utilité, ne pouvant servir que dans le cadre d'élection ou référendum; et, tant qu'à mettre une carte en place, ce serait mieux une carte d'identité qui pourrait servir à de multiples fins, si jamais on arrivait à une telle carte, à une carte quelconque.

Recommandation n° 22: il va de soi que les élus doivent avoir droit d'accès à tous les documents nécessaires pour leur permettre de prendre des décisions éclairées. La Commission parle dans son rapport que l'accès doit se limiter aux seuls documents qui sont pertinents. Nous en sommes avec ce principe, maintenant, évidemment, c'est toujours une situation délicate pour les gestionnaires et pour les responsables de la loi d'accès de juger de la pertinence d'un document, et lorsqu'il est question que les élus doivent respecter le caractère confidentiel des documents, encore là, ça va de soi. Maintenant, quels sont les sanctions en cas de contravention? Parce que, dans le fond, ce ne sera pas aux gestionnaires d'assumer seuls la responsabilité de juger de la pertinence, et c'est sûr que ce ne seront pas les gestionnaires qui vont suivre par la suite les élus sur l'utilisation qui peut être faite des documents. Ça fait qu'il faut vraiment que le travail soit fait auprès des élus par le législateur pour que les élus soient bien conscients de l'obligation de confidentialité de certains documents qu'ils ont entre les mains et de possibles sanctions advenant qu'il y ait contravention de leur part.

Pour ce qui est des recommandations 24, 25 et 26, possibilité d'écourter les délais qui sont présentement dans la loi, on ne se prononce pas formellement sur l'opportunité ou non de diminuer les délais. Ce qu'on soulève, par contre, non seulement à l'égard des délais mais d'un certain nombre de dispositions qu'on retrouve dans la loi, c'est ce qu'on appelle un peu l'effet pervers de certaines positions. C'est que la tentation que des personnes peuvent avoir... parce qu'on dit: les écrits restent, les paroles s'envolent. La tentation de remplacer l'écrit par le verbal ou de remplacer l'écrit qui serait anormalement plus complet par un écrit plus succinct, c'est ce qu'on appelle un peu l'effet pervers de certaines dispositions. Il faut toujours garder la bonne mesure, quant à nous, sur, entre autres, les délais. Si les délais sont trop courts, bien, forcément, certaines personnes pourront craindre que dans un avenir trop rapproché des documents qui normalement auraient été tenus confidentiels plus longtemps pourront être sur la place publique. Et ça, ça peut amener, à ce moment-là, d'autres réactions humaines qui sont celle de limiter, entre autres, l'écrit à sa plus simple expression.

(17 h 30)

La recommandation n° 30: on n'est pas d'accord avec la recommandation faite par la Commission à l'égard de l'article 59. Nous croyons que les dispositions actuelles de cet article servent bien et le public et les organismes municipaux, entre autres. Lorsqu'il est question d'avoir accès à des rapports de police, gardons – et c'est notre recommandation – il y aurait lieu de conserver le pouvoir discrétionnaire, c'est-à-dire le «peut» et non pas un «doit», ou autre formule obligatoire. Et, tout en soumettant que souvent, lorsqu'il est question d'événements gérés par un service de police, il est nécessaire que l'enquête soit menée à terme avant de pouvoir donner accès à certaines informations, il ne suffit pas qu'une personne soit mentionnée dans un rapport pour qu'il y ait intérêt à ce que son nom soit divulgué tant que l'enquête n'est pas complétée.

Aux recommandations 35, 36 et 37, contrairement à ce que la Commission soulève, nous, on croit que le statu quo devrait être maintenu quant à la procédure devant les tribunaux, y compris la requête pour permission d'en appeler, qui devrait être maintenue, ce qui a pour effet non seulement d'alléger les rôles de la Cour du Québec, mais nous croyons également que ça sert bien les différentes parties, y compris le citoyen, qui peut éventuellement se faire dire dès cette étape-là que peut-être que le recours est futile, ne devrait pas aller plus loin. Et, à ce moment-là, peut-être que tout le monde est gagnant de le savoir dès cette étape préliminaire. Grosso modo, quant à la procédure, nous, notre recommandation, c'est le maintien du statu quo.

Recommandation n° 38, pas de commentaire particulier si ce n'est celui qui est écrit à notre rapport. Je me référerai par la suite à la recommandation 42. Alors que la recommandation de la Commission est à l'effet d'instaurer un régime de responsabilité stricte, nous, on soumet que l'application de la loi comporte souvent un travail d'interprétation et d'appréciation, et nous croyons qu'il comporte la possibilité d'erreurs de bonne foi dans l'application de la loi et nous pensons que les dispositions actuelles à cet égard-là sont suffisantes et devraient être maintenues. Je compléterai mes commentaires de cette façon-ci, en vous remerciant.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Messieurs, je voudrais vous remercier pour votre présentation tellement exhaustive. Vous comprenez que, avec le temps qu'il nous reste, c'est impossible pour moi de faire le tour des recommandations. Certaines, d'emblée, seront adoptées et retenues. D'autres – sur le droit d'appel, entre autres – je vous écoutais tout à l'heure, je ne suis pas convaincu qu'on partage nécessairement le même... Sur la requête pour permission d'en appeler, je ne suis pas sûr qu'on partage le même point de vue que vous. Donc, vos recommandations sont bien notées et elles seront analysées.

Moi, je voulais revenir et profiter de votre passage parmi nous pour revenir sur des propos que nous ont tenus les évaluateurs agréés. Et, moi qui ne suis pas un spécialiste de ces questions, j'ai appris l'existence de la matrice graphique. Vous êtes sans doute bien familiers avec cet outil qui est, bien sûr, fort utile pour chacun des membres de votre corporation, et ces gens nous ont dit qu'ils avaient besoin d'avoir accès à la matrice graphique dans leur travail. La Commission d'accès à l'information a rendu une décision qui les prive de l'accès à ces documents. Est-ce que vous avez une opinion particulière sur cette question?

M. Michaud (Gabriel): D'ailleurs, la Corporation avait transmis au ministère des Affaires municipales, suite au jugement dans l'affaire Ayers Cliff – qui est la décision, d'ailleurs, dont vous parlez de la part de la Commission – on avait émis une recommandation à l'effet que la loi soit modifiée pour s'assurer que la matrice graphique soit publique. Parce que le rôle, il est public ou il ne l'est pas. La matrice graphique, qui est un document préliminaire au rôle, qui est en fait une mise en jour du cadastre avec, simplement, indication des unités d'évaluation avec le numéro de l'unité d'évaluation et qui peut être utile à plusieurs fins et qui, quant à nous, ne donne pas plus d'information que celle qui est déjà disponible soit au bureau de la publicité des droits ou au rôle d'évaluation, qui est public... La matrice ne donne pas plus d'information que celle qui est déjà disponible, si ce n'est qu'elle constitue un outil qui est intéressant. Une image vaut mille mots. À ce moment-là, c'est un plan qui délimite le territoire.

M. Boisclair: Parce que ma collègue la députée de Rimouski voudrait intervenir, mais rapidement... Ce qu'il nous faut regarder aussi, c'est l'utilisation qui peut être faite de ces renseignements publics. On n'a pas de difficulté à ce que le rôle d'évaluation soit public, sauf que c'est l'utilisation qu'on peut faire de ces informations publiques, si on les croise avec d'autres qui, elles aussi, sont publiques. Certains pourraient prétendre qu'il pourrait y avoir un détournement de finalité, par exemple, la religion des gens qui, à la face du monde, pourrait se retrouver sur Internet et pourrait permettre de faire certains types de croisements. Il y a des choses qui peuvent être inquiétantes.

Et, à cet égard, peut-être que, sur la question du rôle d'évaluation, on pourrait retenir d'autres critères, dont celui de la finalité, ou peut-être baliser davantage ce qui pourrait être rendu public, entre autres sur l'Internet.

M. Michaud (Gabriel): À cet égard-là, comme on le mentionne effectivement dans le rapport, s'il y a lieu d'avoir un rôle, entre guillemets, épuré, exemple, sur la question de la religion ou d'autres informations.

M. Boisclair: Vous seriez d'accord avec ça?

M. Michaud (Gabriel): Que l'on modifie, par contre, la loi sur la fiscalité et le règlement sur le rôle d'évaluation pour que l'évaluateur – parce que lui se conforme aux exigences de ces législations-là – et, à ce moment-là, forcément, ces informations-là, de façon claire, ne seraient plus accessibles et n'apparaîtraient plus dans le rôle. Et une des grandes préoccupations que la Commission véhicule dans son rapport, et avec raison, c'est toute la possibilité de coupler les banques de données...

M. Boisclair: D'accord.

M. Michaud (Gabriel): ...l'une à l'autre. Ça, on en est, oui.

M. Boisclair: Je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Merci de vous être déplacés, et soyez assurés que nous allons accorder une attention particulière à vos recommandations.

M. Michaud (Gabriel): Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. Juste pour enchaîner sur la question du ministre, sur la page 7, j'ai beaucoup aimé la déclaration que «quelque chose est public ou n'est pas public». Et dans votre expérience, est-ce que ça va être facile de limiter l'utilisation des... Dès que le rôle d'évaluation est public et si quelqu'un veut utiliser ces données pour les fins du marketing ou je ne sais pas trop, comment est-ce qu'on peut limiter ça? Parce que, chez nous, le rôle d'évaluation est dans la bibliothèque municipale, et si quelqu'un a assez de trente-sous, il y a un photocopieur à côté, il peut prendre tous ces renseignements. Et si, à partir de ça, il veut construire une liste de toutes les adresses des maisons d'une valeur de 150 000 $, il va le faire. Alors, il peut avoir une liste. Alors, il peut donner ça ou vendre ça à une compagnie qui aimerait faire le marketing de – moi, je ne sais pas – voitures de luxe ou quelque chose comme ça.

Est-ce que vraiment c'est réaliste de voir qu'on peut restreindre l'utilisation de ces données où, dès que c'est sur la table dans la bibliothèque municipale, c'est public et on n'a plus de vrai contrôle sur l'utilisation?

M. Michaud (Gabriel): C'est sûr que le rôle d'évaluation constitue un outil très, très apprécié d'un certain nombre de groupes et d'individus. Mais la question fondamentale à laquelle on ramène tout ça, c'est que le rôle d'évaluation, c'est la base de notre fiscalité municipale et il faut que ça assure la crédibilité, également, de notre système de fiscalité. Maintenant, c'est pour ça que, s'il y a lieu de l'épurer, faisons-le. S'il est possible... il est public, il ne l'est pas.... À ce moment-là, il ne faut pas qu'on ait à faire un procès d'intention à chaque fois que quelqu'un nous demande le rôle. Selon que c'est un organisme gouvernemental qui nous le demande, là il n'y aurait pas de problème; suivant que c'est un autre individu, là on ne pourrait pas le donner. Il faut que ce soit clair: soit qu'on le donne toujours ou qu'on ne le donne jamais; il est public ou il ne l'est pas. Et souvent, ce sont des informations qui sont déjà disponibles. Maintenant, l'avantage du rôle, c'est que c'est un recueil qui regroupe, et souvent disponible sur banque informatique où, encore là, les gens peuvent l'utiliser de façon plus facile qu'un document strictement papier. Mais la question revient toujours au même: soit qu'il est public ou qu'il ne l'est pas.

Et il y a aussi la question de la tarification. Si les gens ont accès à nos banques de données de façon intégrale, on soumet que peut-être qu'ils devraient au moins en payer le prix, pour des informations qui sont publiques, mais qu'au moins ils en paient le prix.

M. Kelley: Oui. Quand on parle de tarification, c'est surtout quelqu'un qui veut consulter le rôle dans son ensemble. On ne dit pas qu'un citoyen qui aimerait savoir...

M. Michaud (Gabriel): Ah, quelqu'un qui veut le consulter dans son ensemble...

M. Kelley: Oui.

M. Michaud (Gabriel): ...ça, ça ne pose pas de... Quelqu'un qui veut en avoir une copie dans son ensemble ou qui veut, par Internet, avoir une copie de l'ensemble du rôle, actuellement, il pourrait y avoir accès et le règlement ne nous permet pas de tarifer, sauf le 0.25 $ de la photocopie, comme vous dites.

M. Kelley: Oui. Oui, ce serait une façon laborieuse de faire le rôle d'évaluation dans la municipalité où je demeure.

(17 h 40)

Deuxième point: sur la question des sociétés d'économie mixte ou des paramunicipales, vous avez mentionné ça, qu'il faut étendre la notion d'un accès public. On a eu beaucoup de groupes qui sont venus ici avec des opinions partagées, parce que, surtout si c'est une compagnie paramunicipale ou une société d'économie mixte qu'on veut créer pour être concurrentiel avec le secteur privé, il doit y avoir un certain respect pour un secret commercial. Par contre, il y a toujours l'assurance, au nom des contribuables, que les fonds publics sont bien dépensés, sont déployés d'une manière... pour s'assurer qu'ils sont bien utilisés.

Alors, avez-vous des expériences ou des exemples précis qui ont amené votre organisme à arriver aux conclusions que vous avez sur la page 11?

M. Michaud (Gabriel): Si on parle, d'une part, dans le cas des sociétés d'économie mixte, notre recommandation avait été la même, et le législateur, dans la loi, a établi que les sociétés d'économie mixte devaient se conformer à la loi d'accès à l'information, toujours en soumettant que les articles 21 et suivants de la loi assurent quand même une certaine protection aux renseignements concernant les secrets industriels, commerciaux, etc. Ils ont quand même une certaine protection que la loi traduit dans ces articles-là. Ça, pour les sociétés d'économie mixte.

Maintenant, les jugements qui ont été rendus pour toutes les corporations de développement économique, en particulier, et autres paramunicipales, parce que, suivant les municipalités, il y a un certain nombre de paramunicipales qui se mettent sur pied et qui doivent leur existence à la municipalité. C'est la municipalité qui prévoit leur subvention annuelle, et sans la subvention annuelle de la municipalité ils ne pourraient pas fonctionner de façon autonome. À ce moment-là, de telles corporations paramunicipales, nous, ce qu'on soumet, alors que nos gestionnaires, nos trésoriers, nos directeurs des finances sont astreints à des règles qui sont inhérentes à la gestion des deniers publics, pourquoi y aurait-il un régime à deux vitesses simplement parce qu'on donne une subvention à un organisme paramunicipal qui, par la suite, lui, serait à l'abri et pourrait gérer ces deniers-là sans avoir à rendre les mêmes comptes que nos propres gestionnaires à l'égard de leurs élus? C'est à ça qu'on en est, vu d'un point de vue de gestionnaires municipaux, sans vouloir intervenir dans les questions à caractère carrément politique.

M. Kelley: Parfait. C'est une excellente réponse. Je veux juste préciser la formulation que vous avez dans le mémoire, parce que c'est une question qui a été soulevée sous plusieurs angles par les différents témoins qui sont venus ici. Alors, c'est juste pour s'assurer qu'on peut suivre l'argent des contribuables d'une manière, et, selon vous, les articles 21 et subséquents protègent quand même dans les cas où il y a des intérêts commerciaux à protéger, ces articles sont suffisants.

M. Michaud (Gabriel): Un certain nombre de protections qui se trouvent à être les mêmes, finalement, que celles dont bénéficie la municipalité, effectivement.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Alors, bonjour et bienvenue, M. Fournier. Ça me fait plaisir de vous accueillir à l'Assemblée nationale, ainsi que les deux personnes qui vous accompagnent.

Je dois vous dire que votre mémoire est surprenant. Dans certains cas, je partage ce qui est émis comme opinion, entre autres sur toute la question des sociétés mixtes ou paramunicipales. Je suis heureuse d'avoir entendu ce que votre collègue nous a dit. Je me disais: Bien, ce n'est peut-être pas tous les officiers municipaux qui pensent de la même façon, mais, au moins, vous, vous avez sûrement une représentativité suffisamment importante pour nous donner de bons signaux par rapport à ça.

Je voudrais revenir sur la page 12 de votre mémoire, à votre recommandation 22, où justement il s'agit des membres d'un conseil municipal ou scolaire, là. Dans le fond, on parle d'élus locaux, soit d'un conseil municipal ou d'un commissaire d'école. Vous dites que les documents et les renseignements, là, qui seraient pertinents à notre exercice doivent leur être accessibles et doivent également demeurer confidentiels.

Par exemple, vous dites que le responsable de l'accès aux documents – chez nous, à Rimouski, c'est le greffier, je pense, qui en est responsable – c'est un peu embêtant pour ce type de personne parce que les élus sont en quelque sorte son patron, et là, le patron vient demander un document, puis c'est embêtant de lui dire que, bien, ce n'est pas nécessaire pour sa tâche ou pour la prise de décision qu'il doit prendre, et vous dites que le rôle du responsable de l'accès devrait être mieux reconnu ou, en tout cas, devrait être formellement reconnu.

Est-ce que vous iriez jusqu'à proposer de l'inclure dans la loi, à la fois la reconnaissance de son statut et, également, une certaine description de son mandat ou de son rôle?

M. Michaud (Gabriel): Lorsqu'on parlait de la possibilité de renforcer le statut du responsable, c'est qu'en constatant que dans l'ensemble de nos municipalités – il ne faut jamais généraliser – mais dans l'ensemble de nos municipalités, soit, encore là, que le responsable ne prenne pas sa place, mais c'est souvent aussi qu'on ne lui donne pas plus de place qu'il le faut, parce que parler d'archives, dans les municipalités, ce n'est peut-être pas le sujet le plus facile à amener devant les autorités des municipalités.

À cet égard-là, nous, on soumettait la possibilité de renforcer ce rôle-là dans la loi, c'était surtout à l'égard, par contre, de l'utilisation des moyens électroniques et éviter que le responsable de la loi d'accès se retrouve devant le fait accompli et se retrouve avec le fait qu'à un moment donné, je ne sais pas, le rôle d'évaluation soit rendu sur Internet puis, au moment où, lui, il l'apprend, il est trop tard pour s'impliquer au niveau des mesures de sécurité et des modalités d'accès, etc. À cet égard-là, on recommandait la possibilité de l'inclure dans la loi.

Maintenant, pour ce qui est de l'accès des élus aux documents, normalement, ce qu'on peut dire, c'est que les élus ont eu accès, et c'est le cas dans l'ensemble de nos municipalités. Lorsque la Commission recommande le critère de la pertinence, oui, ça va, mais le rôle du responsable, on ne pense pas que le rôle du responsable devrait, à cet égard-là, être défini de façon plus précise dans la loi. On pense que ça revient, oui, la pertinence des documents, maintenant, ça revient aux élus, en bonne partie, d'être conscientisés sur l'importance du fait qu'ils ont ces documents-là parce qu'ils sont élus au conseil et que c'est simplement pour les fins de leurs décisions qu'ils ont ces documents-là.

Je voyais récemment dans un journal, à l'égard d'une petite municipalité que je ne nommerai pas, où un journaliste faisait état d'un passage très précis, d'une opinion juridique qui était un peu corsée, et c'est dans un conseil divisé que, bon, un de la minorité avait eu l'opinion, puis je ne veux pas juger de qui l'a fait, mais ce n'est pas normal que le média ait eu ça et que ce soit publié. Maintenant, ce n'est pas nécessairement au responsable à aller faire enquête et sanctionner l'élu qui a pu, éventuellement, donner le document en question.

Mme Charest: Je comprends. Toujours dans le même secteur, bon, à la ville, chez nous, c'est le greffier qui prépare les réunions du conseil municipal, je pense, avec les documents, si je ne me trompe pas. Et, dans les petites municipalités rurales, qui ne sont pas, quand même, des villes à caractère urbain, donc il n'y a pas une grosse infrastructure, c'est le secrétaire trésorier qui prépare, en principe, avec le maire ou la mairesse, les réunions du conseil municipal. Moi, j'aimerais ça savoir qui, selon vous, décide des documents qui sont remis aux conseillers. Puis est-ce que les conseillers ont l'obligation de remettre les documents? Parce que j'ai eu connaissance que dans certains cas il y avait des conseillers qui se promenaient avec des documents – puis je ne parle pas d'une municipalité en particulier, de façon générale – qui avaient servi à des discussions dans des conseils municipaux.

M. Michaud (Gabriel): Ça dépend beaucoup, d'une municipalité à l'autre.

Mme Charest: Donc, il n'y a pas de règles fixes?

M. Michaud (Gabriel): Non, plus souvent qu'autrement, les élus reçoivent une certaine quantité de documents qui sont inhérents aux points qui sont à l'ordre du jour, avec la documentation nécessaire à leur prise de décision. Et, à ma connaissance, c'est exceptionnel, les cas où les élus ont à remettre les documents qu'ils ont reçus. Généralement, c'est des documents qu'ils gèrent par la suite, à partir du moment où ils les ont en leur possession.

Mme Charest: O.K. J'aimerais regarder brièvement avec vous toute la question de la carte d'identité. Vous suggérez qu'il faut privilégier une carte d'identité utilisable à de multiples fins. Dans le fond, c'est une carte d'identité multiservices. Et j'aimerais bien comprendre pourquoi vous privilégieriez, vous, ce genre de carte d'identité et à quelles fins.

M. Michaud (Gabriel): On ne recommande rien, hein. Nous, on ne recommande pas qu'il y ait une carte. On dit simplement que, dans l'attente que la commission de la culture ait complété son travail – et c'est une réflexion que la Commission d'accès à l'information partageait dans son rapport – si jamais il devait y avoir une carte, que ça ne soit pas uniquement une carte d'électeur qui ne serait pas utile à d'autres fins que des élections ou des référendums. Et, si jamais il y avait une carte, on dit, à ce moment-là: Ça serait préférable que ça soit une carte d'identité qui pourrait être utile à la municipalité pour assurer l'accès à ses activités par des personnes qui peuvent y avoir droit ou non. Ça serait plus utile, quant à nous, qu'une carte d'électeur, si jamais il devait y avoir une carte quelconque mise sur pied.

(17 h 50)

Mme Charest: Parce que la carte multiservices, vous savez, dans une commission précédente, toujours de la culture et des communications, nous avons entendu de nombreux groupes d'intervenants venir nous parler de l'opportunité de se doter d'une carte d'identité. Et la fameuse carte d'identité, elle peut être, comme vous dites, une carte d'électeur ou une carte multiservices. Et la carte multiservices a été, si mes souvenirs sont bons, là, quand même assez décriée parce qu'on trouvait qu'il y avait beaucoup de risques potentiels à utiliser une carte multiservices, parce qu'il pourrait y avoir des effets pervers nombreux, plutôt qu'une carte d'identité limitée à des identifiants très limités: nom, adresse, peut-être date de naissance, quelque chose comme ça, mais pas beaucoup plus de renseignements. Et vous, vous me dites qu'une carte multiservices, dans le fond, ça serait beaucoup plus pour des activités municipales, avoir accès à la bibliothèque municipale, avoir accès à la piscine municipale, des choses comme ça.

M. Michaud (Gabriel): C'est ça. Autrement dit, la carte d'identité aurait à peu près les mêmes informations que pourrait avoir une carte d'électeur. Mais, simplement, au lieu de se limiter à ceux qui ont droit de vote, ça serait une carte qui s'étendrait à toute la population, même ceux qui n'ont pas le droit de vote, mais ne contiendrait pas d'informations qui n'auraient pas à y apparaître. Ce serait l'équivalent de ce qu'on pourrait retrouver sur une carte d'électeur.

Mme Charest: Il y a quand même quelque chose qui me chicote dans le domaine municipal, et j'en profite parce qu'on parle de la question de l'accès à des informations. Je peux vous dire que j'ai eu l'occasion de vérifier dans une municipalité qui n'est pas du tout dans mon comté des transactions commerciales qui avaient pu avoir eu lieu dans les semaines ou les mois précédant la vérification. Je pouvais savoir, entre autres, ce que mes voisins avaient vendu comme terrain ou comme propriété, à quel prix ils l'avaient vendu, si les taxes étaient payées, et tout ça. Comment vous vous sentez par rapport à la transmission de ce type de renseignements et la problématique qu'on a sur la table?

M. Michaud (Gabriel): Bien, il faut dire que tout ce qui est...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement, s'il vous plaît, il vous reste environ une minute.

M. Michaud (Gabriel): ...droits réels fait déjà une obligation d'être publié au bureau qui s'appelle justement le bureau de la publicité...

Mme Charest: Moi, je ne suis pas avocate, là. Alors, «droits réels»...

M. Michaud (Gabriel): C'est ça. Tout ce qui est «propriétaire», «acheteur-vendeur», le «prix de vente», le contrat est public.

Mme Charest: Oui.

M. Michaud (Gabriel): Au bureau de la publicité. Évidemment, déjà à ce moment-là, les gens, en se rendant au bureau de la publicité, pourraient savoir.

Maintenant, sur d'autres informations qui peuvent être obtenues, dans l'ordre de ce que vous dites, évidemment, mais le rôle d'évaluation, déjà, contient un certain nombre d'autres informations. Et, à ce moment-là, des gens peuvent effectivement avoir un certain nombre de données sur les transactions et savoir, bien évidemment, qui est son voisin de terrain, les terrains vacants en particulier. C'est sûr que, par le rôle d'évaluation, c'est intéressant de savoir l'adresse et l'identité du voisin de terrain qui est vacant, qui est voisin de l'autre.

Mme Charest: Savoir l'identité de son voisin, c'est une chose, mais savoir combien il a payé, s'il a des dettes et... C'est public?

M. Michaud (Gabriel): Certainement, c'est au bureau de la publicité des droits déjà, là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

Mme Charest: Moi, personnellement, je trouvais ça quand même assez particulier, même si je vois que les avocats me disent que c'est public et que c'est normal, là. Je trouve ça quand même assez particulier.

Une voix: Le souci de transparence, toute la facturation...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la députée de Rimouski. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier M. Fournier et M. Parent, et Me Michaud, de Laval, pour cette excellente présentation et leur réflexion dans leurs réponses. Ça se sent qu'il y a énormément d'expérience dans ces réponses-là, et c'est justement pour ça que c'est tellement apprécié que vous vous soyez déplacés pour aider cette commission.

Je veux enchaîner brièvement sur ce que vient de dire la députée de Rimouski, parce que c'est important. La réaction à brûle-pourpoint, comme ça, c'est: Ah, oui, c'est public. C'est à dire que c'est vrai qu'il y a un bureau de la publicité des droits où on peut aller, n'importe qui peut aller. Mais ce n'est pas si public que ça, en ce sens que ce n'est pas tout le monde qui sait qu'on peut y aller. Et je pense que c'est le point que soulevait la Commission d'accès à l'information lorsqu'elle parlait de la mise sur l'Internet du rôle d'évaluation.

C'est sûr que, dans notre société, c'est pratique et c'est louable, c'est correct et attendu que quelque chose comme ça soit public pour qu'on puisse faire les comparaisons, pour qu'on puisse savoir s'il n'y a pas du favoritisme. C'est bien. Mais, eux, ils donnent l'exemple de la religion; avec les commissions scolaires linguistiques, ça va être la langue qui va être inscrite. C'est délicat et ce n'est pas toujours évident que le stockage de cette information-là remplit un rôle, à priori, aussi sain dans notre société que le fait même de s'assurer qu'on y a accès. En tout cas, ça fait partie de notre réflexion, parce que je trouve que c'est un pensez-y bien. Il y a des choses qui sont dans le plumitif à la cour, moi, j'ai le droit de savoir si vous avez déjà été faussement accusé d'un crime et acquitté. Je peux aussi mettre ça sur l'Internet, c'est de l'information publique. Mais est-ce qu'il y a un intérêt public à le mettre si répandu? Ça, je ne suis pas convaincu. Mais on va continuer notre réflexion là-dessus, ça nous a aidé.

Mais, j'aimerais revenir, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, malheureusement, à votre réflexion sur la recommandation n° 42. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec la Commission lorsqu'elle demande que les infractions deviennent des responsabilités strictes. L'application de la loi, tant sur le volet accès que sur le volet protection, comporte un travail d'interprétation et d'appréciation. On n'a qu'à regarder la jurisprudence. Donc, vous ne croyez pas qu'il soit opportun de transformer les infractions de 158 à 162 pour y instaurer un régime de responsabilité stricte. Mais, quand on lit ce que la Commission nous dit, la Commission est vraiment en train de pousser un cri d'alarme. La Commission est en train de dire: «Écoutez, là, après 15 ans, on est en mesure de vous dire que ça ne marche pas. On n'est pas capables d'obtenir des condamnations».

Puis je suis persuadé que, s'il y a un groupe de personnes qui sont sensibles à la difficulté d'obtenir des condamnations, quand on utilise un mot comme «sciemment», ce sont bien les gens du domaine municipal. Et d'ailleurs, la jurisprudence dans Sault Sainte-Marie, ça émane du domaine municipal. Je suis surpris de votre résistance et j'aimerais savoir: Avez-vous une solution de rechange face à une Commission à qui on demande d'appliquer une loi puis qui revient en disant: «Écoutez, si vous exigez que ça soit "sciemment", c'est-à-dire que je prouve une intention coupable à chaque fois, sur chaque élément de l'infraction, je ne peux pas poursuivre»? Alors, c'est quoi, la solution pour nous autres, législateurs, là?

M. Michaud (Gabriel): Il y a peut-être deux éléments que je dirais par rapport à ça. D'une part, lorsqu'on parle de renforcer le statut du responsable, c'est parce que nous pensons que ça correspond à une réalité dans nos municipalités et que, en renforçant son rôle, il y aura peut-être des étapes qui pourront plus facilement se franchir.

L'autre commentaire que je soumets, c'est que la grande difficulté, mais tant à l'égard de la protection des renseignements personnels, c'est que l'évolution de la technologie... Finalement, le droit est dépassé par la technologie, et même les concepteurs de technologie, je pense, sont dépassés par leur propre technologie lorsqu'il est question des mesures de sécurité qui sont reliées à la technologie.

M. Mulcair: Je pense que vous entièrement raison là-dessus.

M. Michaud (Gabriel): Et la Commission soumet d'ailleurs qu'il y a absence d'autorité, de certification reconnue à l'égard des signatures électroniques, et tout ça. Ça fait que lorsqu'on vient parler de responsabilité stricte, il y a un mouvement de recul peut-être très, très, très humain de la part des gens que nous représentons et qui sont, dans les faits, responsables de l'application d'une loi qui pose des problèmes, avec la réalité du terrain, si on peut dire.

M. Mulcair: Mais peut-être en regardant clause par clause ceux qui sont justement plus susceptibles d'une application stricte, sans que ça soit injuste, on va pouvoir retrouver le juste milieu. Peut-être pas tous ont besoin de changer de catégorie. Mais, moi, je suis très sensible à la demande de la Commission d'accès et j'en profite pour vous en parler parce que vous êtes un des seuls groupes a avoir adressé cette question dans son mémoire.

M. Michaud (Gabriel): Et la Commission, de façon générale, parlait de responsabilité stricte sans faire la nuance d'une infraction à l'autre. Nous, on répond peut-être de façon générale aussi. Si on prenait les infractions une à une, on pourrait, évidemment, convenir que peut-être ça devrait être différent. Peut-être.

M. Mulcair: Exact. C'est un constat qu'on commence à faire de plus en plus au fur et à mesure que nos travaux avancent. C'est qu'il faut avoir beaucoup de nuances. Il n'y a pas de solution qui englobe trop. Que ce soit la définition de ce qu'est un organisme public ou pour les fins de savoir si l'accès devrait s'y appliquer, il faut vraiment apporter beaucoup de nuances, et je pense qu'on a beaucoup de travail de rédaction devant nous si on veut répondre adéquatement aux différentes demandes de la Commission d'accès et produire pour le public une loi qui est applicable. Je vous remercie encore une fois sincèrement pour votre excellente présentation.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. Merci à tous. Merci de votre contribution aux travaux de notre commission. Nous ajournons nos travaux à mardi le 28 octobre 1997, à 9 heures, dans cette salle-ci, je crois. Merci.

(Fin de la séance à 18 heures)


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