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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 28 octobre 1997 - Vol. 35 N° 66

Consultation générale sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre des lois sur l'accès à l'information


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. André Gaulin, président
M. Jean Garon, président suppléant
M. Michel Morin, président suppléant
Mme Nicole Léger, présidente suppléante
M. André Boisclair
M. Thomas J. Mulcair
M. Lawrence S. Bergman
M. Geoffrey Kelley
Mme Solange Charest
*M. Robert Diamant, OPQ
*M. Denis Savard, AIAPQ
*Mme Anne-Marie Beaudoin, idem
*Mme Marie-Hélène Lajoie, idem
*M. Claude Séguin, ACAPQ
*M. Denis Lazure, OPHQ
*M. Benoit Coulombe, idem
*Mme Anne Hébert, idem
*M. Serge Francoeur, Barreau du Québec
*Mme Marie St-Pierre, idem
*M. Marc Sauvé, idem
*M. Jules Brière, idem
*Mme Marie-José Nadeau, HQ
*M. Roland Granger, AFHQ
*M. Jean-Yves Desbiens, idem
*M. Denis Frenière, idem
*M. Raymond Doray, idem
*M. Ralph Mercier, CUQ
*Mme Anne Sylvie Arteau, idem
*M. Pierre Rousseau, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Gaulin): Bien, nous allons commencer, si vous voulez. M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Bien. Je déclare la séance ouverte.

Est-ce qu'il y a également des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par Mme Charest (Rimouski); M. Mulcair (Chomedey) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys); et M. Bergman (D'Arcy-McGee) remplace M. Laporte (d'Outremont).

(9 h 20)

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le secrétaire. Je rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.


Auditions

Nous entendrons ce matin trois groupes. Nous avons un léger retard, que nous allons essayer de rattraper sur le terrain. Donc, il s'agirait peut-être d'avoir 50 minutes par groupe, si on se met d'accord des deux côtés. J'inviterais les gens qui vont venir à être un peu plus brefs pour permettre quand même des échanges équivalents aux temps de présentation.

Nous recevons donc ce matin l'Office des professions du Québec. M. Robert Diamant en est le président. S'il voulait nous présenter celle et celui qui l'accompagnent.


Office des professions du Québec (OPQ)

M. Diamant (Robert): Merci beaucoup, M. le Président. Je suis accompagné ce matin de Mme Sylvie de Grandmont, qui vice-présidente de l'Office des professions du Québec, et de Me Yves Dussault, qui est conseiller juridique à l'Office.

Alors, M. le Président, Mmes et MM. les députés, l'Office des professions du Québec est très heureux de l'occasion qui est lui donnée de contribuer au débat sur la mise en oeuvre de lois importantes en donnant son éclairage d'organisme gouvernemental de surveillance oeuvrant dans un système vaste et complexe. Je ne vous ferai pas la lecture du mémoire que l'Office a soumis et dont vous avez pu prendre connaissance. Nous essaierons de nous concentrer sur l'essentiel.

Permettez-moi de dire pour commencer que, si les mandats de l'Office des professions et de la Commission d'accès à l'information sont différents, l'Office n'a aucune difficulté à comprendre la dynamique dans laquelle la Commission agit et la complexité ou les difficultés de sa mission et de son action. En effet, nos missions ont ceci de semblable qu'elles sont toutes les deux tendues vers l'intérêt public et certaines valeurs fondamentales. Ces valeurs sont principalement la transparence des institutions chargées de protéger le public, tels les ordres professionnels, et le respect de la vie privée. Il s'agit, dans ce dernier cas, d'un droit qu'on retrouve dans nos lois respectives sous la forme de l'obligation du secret professionnel d'une part et de la protection des renseignements personnels d'autre part. C'est dire si l'Office a toutes les raisons d'être sensible aux efforts déployés par les uns et par les autres pour faire ce bilan de la mise en oeuvre de deux lois que nous n'hésiterons pas à qualifier de fondatrices en termes de démocratie.

Avant d'aller dans le détail de notre analyse et de nos recommandations, je voudrais insister sur les valeurs qui animent l'Office des professions dans sa démarche. Nous renouvelons l'engagement du système professionnel à l'égard du droit au respect de la vie privée qui, sous la forme du secret professionnel, fait partie des éléments fondateurs du système professionnel. Plus encore, l'Office n'a aucune hésitation à répéter qu'il souhaite une transparence optimale pour le système professionnel et ses institutions. Nous y voyons un moyen indirect, mais combien important, de protéger toujours mieux le public. Voilà pour les valeurs pertinentes à notre débat d'aujourd'hui. Nous reviendrons plus en détail sur ce que cela signifie en termes d'aménagement de la législation.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais rappeler en quelques mots ce qu'est l'Office des professions du Québec. L'organisme que je préside est un organisme gouvernemental de surveillance qui s'assure que le public soit protégé par chaque ordre professionnel et par un fonctionnement optimal du système professionnel.

Il me reste à vous dire que deux questions interpellent plus spécifiquement l'Office dans la consultation que vous tenez aujourd'hui. Il s'agit d'abord de l'assujettissement des ordres professionnels à des règles d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Vient ensuite l'harmonisation des règles d'accès et de protection des renseignements personnels qui gouvernent les membres des ordres professionnels eux-mêmes.

Avant d'entrer dans les détails, j'aimerais vous livrer d'emblée quelques considérations sur la spécificité du système professionnel, à commencer par sa complexité. Nous passons rapidement sur l'Office des professions puisque ce dernier est déjà, à titre d'organisme gouvernemental, soumis à la loi sur l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels. Rappelons plutôt que l'essentiel du système professionnel est constitué, d'une part, de 43 ordres professionnels à qui on peut légitimement demander une grande transparence et une vigilance circonstanciée quant à la protection des renseignements personnels.

Nous avons, par ailleurs, 265 000 professionnels aux pratiques très différentes et qui, chacun de leur côté, doivent transiger avec plusieurs dynamiques différentes. D'abord, l'accès de leurs patients ou clients aux dossiers qu'ils constituent sur eux; et ensuite, le devoir de protection des renseignements personnels sous la forme de diverses obligations de confidentialité dérivant du secret professionnel. On comprendra bien vite que la problématique des ordres professionnels, d'une part, et de chacun des professionnels, d'autre part, n'est pas la même, de même que sont différentes les circonstances de pratique des professionnels en pratique libérale ou des professionnels salariés.

Pensons également à la très grande variété des rapports entre les professionnels et le public selon qu'il s'agit, par exemple, de physiothérapeutes, d'avocats, d'urbanistes, de médecins, d'ingénieurs, de techniciens en radiologie, de psychologues, de comptables, de notaires ou de quelque autre profession. Peut-on raisonnablement envisager de faire prévaloir efficacement les valeurs de transparence et de protection des renseignements personnels en appliquant des règles uniformes à des situations aussi différentes? Là encore, nous y reviendrons.

Ce que j'entends vous dire ce matin est relativement simple et tient en deux axes. D'abord, l'Office des professions du Québec souscrit pleinement à l'idée de faire prévaloir la transparence et tous les moyens de protection de la vie privée au sein du système professionnel et jouera pleinement son rôle de conseiller du gouvernement, tant dans l'analyse des problématiques que dans la proposition de règles adéquates à cette fin. Ensuite, l'Office désire que les règles qui seront adoptées, en fin de compte, pour parvenir à cet objectif soient les mieux adaptées possible au domaine des professions et des professionnels, c'est-à-dire qu'elles soient en harmonie avec les autres axes du système professionnel, en ne laissant pas la concurrence de lois différentes créer des lacunes ou des confusions. Dans les prochaines minutes, je m'attarderai plus particulièrement à l'historique du dossier tel que nous le percevons, ensuite à certains éléments de problématique et, enfin, aux conclusions et propositions de l'Office quant aux moyens à privilégier pour servir les objectifs de transparence et de protection de la vie privée que nous poursuivons tous.

À différentes étapes du cheminement du projet de loi n° 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, l'Office avait indiqué qu'il n'était pas nécessaire ni opportun d'y assujettir les membres des ordres professionnels. Nous estimions en effet que le public bénéficiait déjà de mesures significatives en matière de protection de la vie privée et de réputation grâce, notamment, au concept du secret professionnel et à la réglementation applicable au sein du système professionnel. Toutefois, l'Office s'est montrée disposée à actualiser ces mesures. En juin 1994, le législateur insérait, dans le Code des professions, des dispositions qui recoupent des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Il s'agit des articles 60.4, 60.5, 60.6 du Code des professions, qui prévoient des mesures de secret professionnel ainsi que d'accès et de rectification par la personne concernée.

L'avènement de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé a entraîné une confusion dans le monde professionnel, eu égard à l'application concomitante, voir concurrente, des règles de cette dernière avec celles du Code et des autres lois professionnelles, et ce, tant à l'égard des renseignements personnels détenus par les ordres professionnels eux-mêmes qu'à l'égard de ceux détenus par leurs membres. Par ailleurs, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne comporte aucune disposition spécifique prenant en compte les particularités du système professionnel que nous évoquions brièvement tout à l'heure.

Voyons maintenant la jurisprudence. Par la suite, la Commission d'accès à l'information a rendu des décisions contradictoires sur l'assujettissement des ordres professionnels à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. En 1995, par exemple, la Commission a été saisie de litiges concernant des documents détenus par le syndic d'un ordre professionnel. Elle a statué que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne s'appliquait pas aux renseignements détenus par le syndic d'un ordre professionnel.

Par contre, dans une décision de 1996, la Commission a exprimé un point de vue différent. Elle concluait que le Collègue des médecins du Québec est soumis à l'application de cette loi, y compris son syndic. Cette décision a été renversée par la Cour supérieure en décembre 1996. Le jugement de la Cour supérieure n'a pas été porté en appel. Il est intéressant de se rappeler le droit qu'il en résulte. Le juge attribue aux ordres professionnels un caractère public indéniable et en conclut que, les ordres étant publics, ils n'entrent pas dans le secteur privé défini et envisagé par la loi en question. La Cour supérieure elle-même s'exprimait, en effet, dans des termes on ne peut plus clairs: «La corporation professionnelle est donc une entité juridique à fonction publique, politique, administrative et judiciaire. Elle est un agent de la collectivité mandaté à cette fin par le législateur. Elle est identifiée au secteur public de la société en raison des fonctions gouvernementales qu'elle s'est vu attribuer par la loi.» Fin de la citation.

(9 h 30)

Les ordres professionnels ne sont donc pas considérés comme des entreprises privées au sens de la loi dont nous parlons et n'y sont donc pas assujettis. Ainsi, dorénavant, le Code civil du Québec et le Code des professions gouvernent la conduite des ordres en matière de protection des renseignements personnels. Pendant ce temps, l'Office se demandait, à la lumière des décisions successives de la Commission d'accès, s'il ne serait pas plus opportun que les ordres professionnels soient purement et simplement assimilés à des organismes publics et que, en conséquence, ils soient assujettis à la loi sur l'accès.

L'Office a donc mené, pendant cette période, une consultation. Après avoir analysé les commentaires reçus au terme de cette consultation, l'Office a privilégié, plus tôt cette année, l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur l'accès. Cette position a été communiquée aux personnes et organismes consultés, notamment aux ordres professionnels. Cette position se fondait essentiellement sur des besoins réels et sur les avantages nombreux d'une grande transparence administrative au sein des ordres professionnels. L'Office était aussi d'avis qu'un ordre professionnel s'assimile davantage à un organisme public qu'à une entreprise du secteur privé, allant en cela dans le sens de certaines décisions évoquées tout à l'heure. Depuis, l'Office a constaté, dans le cadre de sa concertation avec le Conseil interprofessionnel du Québec, que les ordres professionnels ne seraient pas opposés à se soumettre à un régime de transparence à l'égard de leurs documents administratifs, mais que, au-delà de cette convergence de vue avec l'Office, ils préfèrent un régime tenant compte des caractéristiques particulières de la mission qui est la leur et des devoirs qui leur sont déjà imposés par la loi.

Précisons maintenant certains aspects de la problématique. Une, deux, trois lois. Laquelle? La question d'assujettir les ordres professionnels à la loi sur l'accès ou encore à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé pose indéniablement de savoir si les ordres s'assimilent davantage à des organismes publics ou à des entreprises du secteur privé. Nous avons déjà en bonne partie réglé, pour notre compréhension, cette question, tout à l'heure. Néanmoins, pour bien comprendre à la fois les raisons qui font apparenter les ordres à des organismes publics et les raisons de la spécificité de ces organismes, il convient de rappeler à grands traits ce que sont les ordres professionnels. L'État, le législateur, a, en 1973, confié aux ordres professionnels la mission de protéger le public dans ses rapports avec leurs membres. Ainsi, les 43 ordres ont divers moyens de régir et de contrôler les activités de leurs 265 000 membres: contrôle de la compétence lors de l'admission; réglementation de l'activité professionnelle; surveillance de l'exercice par le biais de l'inspection professionnelle; enquêtes et discipline relativement aux fautes reprochées aux professionnels. C'est dire si l'ordre professionnel est au centre d'une activité touchant à la fois ses membres et le public, respectivement, dans une dynamique de surveillance et de protection. Exerçant des prérogatives de puissance publique, l'ordre professionnel prend, à divers niveaux, des décisions souvent importantes pour chacun de ses membres et pour le public qu'il a mission de protéger. Qu'il s'agisse des documents organiques de l'institution, de ses décisions à l'égard de ses membres et du public, ou encore, de documents qu'il reçoit ou dont il a la garde, l'ordre professionnel produit et détient nombre de renseignements qu'il convient de rendre accessibles ou de protéger selon le cas.

Un élément important de problématique qui s'impose à nous est l'inadéquation en pratique de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé à la situation particulière des ordres professionnels et voilà pourquoi. Parlons d'abord de transparence. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé est en soi inadéquate pour les ordres professionnels principalement du fait qu'elle n'établit pas de droit d'accès aux documents administratifs des ordres et, partant, ne favorise par leur transparence.

Cette loi apparaît également inadéquate pour les ordres professionnels pour d'autres raisons que nous allons examiner. Un comité de travail du Conseil interprofessionnel du Québec, formé notamment de représentants d'ordres professionnels et d'un représentant de l'Office des professions, a étudié les difficultés entraînées par l'application concomitante des règles de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et celle du Code des professions et des autres lois professionnelles, notamment à l'égard des renseignements détenus par les ordres professionnels. Le comité a signalé que, contrairement à la loi sur l'accès, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne comporte pas de dispositions visant à conférer un caractère public à certains renseignements personnels. C'est, par exemple, le cas des renseignements identifiant des personnes qui occupent des fonctions au sein de l'ordre.

Or, il importe à notre sens que les personnes chargées d'une fonction de service public au sein d'un ordre professionnel puissent être identifiées par le public et qu'une disposition reconnaisse le caractère public à tout le moins des coordonnées de ces personnes, et ce, à l'instar des articles 55 et 57 de la loi sur l'accès. L'absence de telles dispositions pourrait rendre aussi ambigu le caractère public des renseignements personnels contenus au tableau d'un ordre professionnel. La possibilité de savoir qu'une personne est ou n'est pas inscrite au tableau d'un ordre professionnel est un élément clé et indispensable à la mission de la protection du public confiée à l'ordre professionnel.

Dans le même sens, les renseignements pouvant identifier une personne et qui sont contenus au rapport annuel des ordres professionnels doivent clairement avoir un caractère public. Enfin, les renseignements concernant une personne et qui sont contenus dans une décision du comité de discipline devraient pouvoir, selon nous, circuler librement à moins qu'ils ne fassent l'objet d'une interdiction de publication et de diffusion de la part du comité de discipline. Ça serait le cas dans le cadre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et non en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Discutons maintenant de transparence ou de confidentialité.

Le Président (M. Gaulin): En concluant, si vous voulez, M. le président.

M. Diamant (Robert): Pardon? Je n'ai pas bien saisi.

Le Président (M. Gaulin): Il vous reste trois minutes pour conclure. Vous aurez pris 20 minutes. Si vous voulez...

M. Diamant (Robert): Alors, de plus, contrairement à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, la loi sur l'accès permet à un organisme public de communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec. Par ailleurs, le Code des professions et la réglementation qui en découle prévoient une série de communications de renseignements personnels, tels notamment l'affichage du rôle d'audience, l'accès du public aux dossiers disciplinaires. Il n'est pas sûr que ces mesures de transparence pourraient subsister si la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé s'appliquait, puisqu'on connaît son caractère prépondérant sur les autres lois. On peut évidemment imaginer que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé pourrait être modifiée pour pallier ces difficultés. Malgré cela, il semble toujours inopportun que les ordres professionnels soient assujettis à cette loi à titre d'entreprise du secteur privé.

Je devrai, M. le Président, pour respecter l'échéance, passer outre une série de commentaires et en rappel un certain nombre de problématiques. Je me bornerai à identifier clairement les propositions de l'Office et à résumer pour vous nos conclusions.

Alors, malgré toutes les nuances et réserves que nous venons d'évoquer, ne nous y trompons pas. L'Office favorise l'instauration d'un régime d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels au sein du système professionnel. Toutefois, il privilégie un régime qui assurera la cohérence de ce système et qui protégera l'efficience des activités aux mécanismes mis en place par la législation professionnelle. Ainsi, un tel régime devrait tenir compte des obligations de communication prévues au Code des professions au bénéfice du public d'une part, et des membres des ordres d'autre part. Par exemple, un régime d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels devrait distinguer les obligations de communication selon ses bénéficiaires: le public ou les membres des ordres professionnels.

(9 h 40)

En conclusion, résumons-nous, un ordre professionnel s'assimile selon sa nature et sa mission davantage à un organisme public qu'à une entreprise du secteur privé. Une grande transparence administrative au sein du système professionnel est souhaitable. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé n'est pas adaptée au système professionnel, eu égard à la mission des ordres professionnels. Il importe d'assujettir les ordres professionnels à des règles d'accès à l'information et de protection de ces renseignements personnels. Ces règles doivent être adaptées, conformes à la mission des ordres professionnels qui est de protéger le public, et tenir compte des particularités propres au système professionnel.

C'est pourquoi, l'Office des professions du Québec recommande, premièrement, qu'un régime d'accès aux documents administratifs des ordres professionnels soit instauré, afin d'assurer la nécessaire transparence administrative au sein du système professionnel; deuxièmement, que les ordres professionnels soient assujettis aussi à un régime de protection des renseignements personnels; troisièmement, que les règles de protection des renseignements personnels applicables aux membres des ordres professionnels soient revues à des fins d'harmonisation; quatrièmement, que les modalités législatives de tel régime et de telles règles soient établies de concert avec l'Office des professions du Québec et ses principaux partenaires, en tenant compte des particularités du système professionnel. En clair, l'Office des professions recommande d'inscrire ce régime et ces modalités au sein du Code des professions et de laisser à la Commission toute compétence en matière de recours. Le Code des professions est, en effet, une loi-cadre qui est votre oeuvre et dont l'Assemblée nationale reste maître de toute façon. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le président Diamant. Alors, la présentation ayant duré près de 25 minutes, il resterait 30 minutes divisées en deux, si on se met d'accord. M. le ministre.

M. Boisclair: M. Diamant, je suis heureux de cette conclusion, ça a valu la peine de vous permettre d'aller jusqu'à la toute fin de votre présentation, puisque je pense que cette proposition – en tout cas, si elle était dans le mémoire, elle m'a échappé – je comprends que votre proposition, c'est de faire en sorte d'inscrire le régime d'accès dans le Code des professions, mais donner le recours aux individus, s'il y a lieu, en cas de litige, de se présenter devant la Commission d'accès à l'information. C'est bien ce que j'ai compris de votre proposition?

M. Diamant (Robert): Vous avez bien compris, M. le ministre. Il s'agit d'inscrire dans le Code, et il s'agira de trouver le moyen de le faire, quels seraient les mécanismes requis pour assurer, effectivement, l'accès aux documents publics. Nous sommes disposés à examiner toutes les avenues avec les partenaires concernés.

M. Boisclair: Moi, je dois vous dire que c'était là ma principale crainte. Au-delà du débat privé, public, je comprends très bien que la loi sur le secteur privé crée problème, vous l'avez bien démontré. La question, c'est pour les citoyens qui auraient pu avoir un litige avec un ordre professionnel, qui est un organisme public, qui n'avaient pas ce droit de recours devant un organisme quasi judiciaire, comme la Commission d'accès à l'information, un recours qui est peu coûteux. Il y avait toujours le recours à des tribunaux supérieurs mais, bien sûr, à des frais qui sont fort différents; il y a des contraintes d'accès à ces tribunaux qui ne sont pas celles de la Commission d'accès à l'information. Il y a, bien sûr, la médiation à la Commission d'accès à l'information, il y a un processus. Donc, ma préoccupation était là. Sachant que vous nous faites cette proposition-là, la question que j'aurais voulu vous poser, c'est: Est-ce que vous discutez avec mon collègue de la Justice pour une éventuelle révision ou bonification du Code, pour y inclure, si jamais c'était la voie que le législateur retenait, un régime d'accès plus complet? On comprend que 60.4 et suivants s'adressent aux professionnels. Je comprends que, quant aux ordres, certaines disposition... Vous nous avez dit tout à l'heure: Le rôle est public; ils ont accès aux dossiers.

M. Diamant (Robert): Oui, il y en a toute une série.

M. Boisclair: Toute une série.

M. Diamant (Robert): Oui. Il y en a à peu près sept ou huit dispositions qui sont bien identifiées.

M. Boisclair: Où en êtes-vous avec la Justice là-dessus?

M. Diamant (Robert): Nous n'avons pas procédé à des examens avec le ministère de la Justice, ni avec le ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Alors, nous pensons – évidemment, dépendamment des orientations qui se dégageront des travaux de la commission – à procéder avec nos collègues de la Justice à examiner toutes ces mesures-là.

M. Boisclair: Dans la mesure où on décidait de mettre le régime d'accès et d'assujettir les ordres au régime général qui est celui prévu à la loi d'accès – vous nous avez fait état de difficultés, d'incompatibilité – concrètement, qu'est-ce qu'on doit comprendre de vos craintes? Parce qu'il y a un régime général qui s'applique à tous; c'est un droit qui est prévu à la Charte. Bon. Quelles seraient les raisons qui m'amèneraient à croire qu'on serait mieux de modifier les codes des professions plutôt que d'assujettir les ordres au régime général qui est prévu à la loi d'accès?

M. Diamant (Robert): Évidemment, je pense que l'exposé qu'on a fait dans le mémoire illustre que nous faisons face à des organismes qui ont un pouvoir dont on reconnaît le caractère public mais qui sont 43 organismes différents.

M. Boisclair: Alors, un peu comme dans les milieux des gens de l'assurance, on va entendre les gens de l'assurance; on a entendu des gens du secteur privé. Si vous pensez que les ordres, c'est diversifié, la réalité du secteur privé l'est davantage; la réalité des organismes publics l'est tout autant. La diversité n'est pas pour moi un...

M. Diamant (Robert): Bien, je pense que le statut public des ordres professionnels a été affirmé de façon non équivoque. Ça a été pendant longtemps un objet de discussion. Les ordres professionnels sont constitués d'individus qui oeuvrent, dans une large partie, dans le secteur privé. Donc, il était logique que ces gens-là se conçoivent comme étant des entrepreneurs privés.

Mais on comprend que l'activité des professionnels est une activité qui s'adresse au public en général. Et les ordres professionnels ont une mission de s'assurer que cette activité-là soit bien exécutée. Donc, le public a besoin de protection. Alors, de ce point de vue là, pour nous, le caractère public est déterminant et l'activité d'un ordre professionnel ne s'apparente pas à celui d'une compagnie d'assurance. Je pense que, là-dessus, c'est très clair et, finalement...

M. Boisclair: Je comprends très bien ça. Mais ce que vous me dites, c'est que vous nous donniez des statistiques tout à l'heure sur le nombre de professionnels: il y a 43 ordres professionnels, 265 000 membres qui sont des professionnels; vous invoquez la diversité des ordres pour dire qu'il faudrait un régime adapté à la réalité, à la limite, de chacun des ordres ou à la réalité de chacun des professionnels et qu'il faudrait inclure dans le Code des professions.

Ce que je vous dis, c'est que: Pourquoi le régime général, de la façon dont il est défini à l'heure actuelle, tant sur les droits d'accès que sur la protection des renseignements personnels, en quoi la loi d'accès vous apparaît incompatible avec les fonctions de vos membres et des ordres? Vous nous avez fait état de consultations, parce que c'était là la piste que vous-même aviez choisie. Ce que j'aimerais savoir, là, c'est davantage...

M. Diamant (Robert): Oui. Eh bien, on a été convaincu que la loi d'accès n'était pas nécessairement incompatible, mais il aurait fallu, croyons-nous, prévoir des adaptations de la loi d'accès pour que la situation particulière dans laquelle se retrouve...

M. Boisclair: Quel genre d'adaptations et pourquoi on ne pourrait pas choisir d'inclure les modifications... M. Diamant, comprenez-moi bien, je ne veux pas vous tasser dans le coin, mais ce que j'apprécierais, c'est qu'on puisse, peut-être, dans un autre contexte, continuer cette discussion. Il y a une direction, chez nos ministères, qui a la responsabilité du suivi des travaux de la commission. J'espère déposer un projet de loi, à défaut que ce soit avant la fin décembre, ça sera à la prochaine session. Mais il faut vraiment poursuivre ce dialogue-là.

M. Diamant (Robert): Tout à fait. M. le ministre, je comprends que les questions que vous me posez comportent des aspects techniques et nous sommes – je l'ai d'ailleurs mentionné dans le mémoire et dans la présentation de tout à l'heure – tout à fait disposés à travailler avec la Commission d'accès, avec le ministère de la Justice, toutes les parties concernées...

M. Boisclair: Avec le ministère chez nous.

M. Diamant (Robert): ...avec le ministère de la Culture et des Communications pour poursuivre ces travaux-là.

M. Boisclair: Je vous remercie beaucoup. Mais vous comprenez, je veux tout simplement...

M. Diamant (Robert): Mais c'est sûr que j'aurais voulu avoir un petit peu plus de temps pour discuter avec vous des aspects techniques de cette question. On a escamoté une bonne partie des observations que j'avais préparées à ce sujet-là, mais que vous pouvez retrouver dans le mémoire.

M. Boisclair: Dont on a pris connaissance, qu'on a vu dans le mémoire.

Le Président (M. Gaulin): Merci. M. le député de Chomedey.

(9 h 50)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue au président de l'Office des professions et à sa vice-présidente qui, si je ne me trompe pas, c'est la première fois qu'on a le plaisir de la voir ici, ainsi qu'à Me Dussault, que j'ai bien connu lors de mon séjour à l'Office des professions et dont la qualité du travail est bien traitée dans le document ici. Je tiens aussi à saluer la directrice des affaires juridiques de l'Office.

Le problème, M. le président, est extrêmement bien posé dans le document qu'on a devant nous. On remercie le président de l'Office de ses commentaires et de ses observations. Les paradoxes du système qu'on a mis en place et de certaines décisions sont extrêmement bien explicités. Donc, je ne reviendrai pas beaucoup là-dessus, sauf pour dire qu'on partage largement l'analyse et l'opinion de l'Office des professions là-dedans, comme le dit si bien M. Diamant. Il reste à trouver la solution la plus adéquate qui chambardera le moins possible les autres. Parce que là c'est facile de dire: Une loi, deux lois, trois lois, mais c'est une autre chose de faire ça avec le moins de chambardements et le moins de risques de contradiction possible.

J'aimerais aller à ce que vous mentionnez à la page 16 de votre document, plus particulièrement votre deuxième point, lorsque vous y allez en style télégraphique. Vous parlez qu'il y a des communications de renseignements personnels qui sont prévues au terme de la loi actuelle. En amont de ça, vous avez posé un problème de conflit possible parce que, si on dit: Bien, c'est des informations privées, personnelles, est-ce que cette communication est interdite? Mais j'aurais voulu vous poser une question spécifique là-dessus. Accès du public aux dossiers disciplinaires: on s'entend bien pour dire que, quand on parle de dossier disciplinaire, on parle du dossier concernant une cause disciplinaire qui est en instance devant un comité de discipline, mais, M. le président, je désire savoir si, à l'heure actuelle, il est possible pour un membre du public d'avoir accès au dossier disciplinaire d'un professionnel au sens d'antécédents disciplinaires, aux archives, si cette personne-là a déjà eu d'autres condamnations par le passé? C'est notre question pour le président de l'Office des professions.

M. Diamant (Robert): En 1994, on a des dispositions. Je ne pourrais pas vous les citer de mémoire, mais des dispositions très explicites qui permettent à quelqu'un de... D'abord, il y a une obligation de dévoiler s'il y a eu des condamnations au criminel ou des choses comme ça.

M. Mulcair: Non. Je parle des antécédents disciplinaires.

M. Diamant (Robert): Les antécédents disciplinaires aussi. Alors, ces dispositions-là sont prévues au Code depuis la réforme de 1994, mais on ne peut pas remonter avant le 15 octobre 1994, date à laquelle de nouvelles dispositions ont été mises en application.

M. Mulcair: Alors, c'est une application des lois dans le temps, un peu comme les règles pour les BPC dans la ville de LaSalle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: La question est pertinente parce que, à notre sens, ça ouvre plus large aussi, parce que – admettons qu'on commence en 1994 – on a le droit de savoir ce qu'il y a là-dedans, ça devient de l'information publique. La question est intéressante parce qu'il y a d'autres groupes qui sont venus dire, notamment la Commission elle-même est venu dire: Faites attention, il y a des informations qui sont publiques, mais dont la diffusion trop facile peut, en soit, devenir un problème. Ils nous ont donné l'exemple des rôles d'évaluation qui, à l'heure actuelle, contiennent, pour des raisons constitutionnelles et historiques, des informations sur la religion des gens. Ça va être ainsi pour la langue des gens lorsqu'il y aura des commissions scolaires linguistiques. Et notre question vise à savoir si le président de l'Office est d'avis que cette information-là, qui serait éventuellement publique, sur les antécédents disciplinaires, devrait pouvoir faire l'objet d'une publication ou par l'ordre ou par des groupes d'intérêts qui, par exemple, publieraient des pamphlets disant: Écoutez, attention, tel médecin, telle infirmière ou tel avocat, peu importe, a déjà été condamné trois fois en discipline. Est-ce que le président de l'Office croit que cette information-là devrait pouvoir faire l'objet d'une telle diffusion au large?

M. Diamant (Robert): Bien, il nous semble en effet, à l'Office, conformément, disons, aux dispositions qui sont prévues au Code et qui sont de nouvelles dispositions depuis 1994, que des règles de détention, d'accès et de protection des renseignements de nature confidentielle, de même que, si on fait des règles de protection de renseignements, on peut faire des règles de diffusion. Alors, l'Office est d'avis, et d'ailleurs doit normalement, conformément aux dispositions du Code, procéder à cet exercice. Alors, l'article 12.1 du Code, au deuxième paragraphe, établit ou habilite l'Office, par règlement, à déterminer des règles d'accès et des règles de protection des renseignements et aussi des délais de conservation de ces dossiers. Donc, il y a là une disposition qui permettrait effectivement de discuter de la question que vous soulevez, M. le député, et d'apporter une réponse adéquate au traitement de ces questions-là.

M. Mulcair: Brièvement, sur un autre point qui revient, bien, en résumé, à la page 26, puis après, M. le Président, mon collègue, le député de D'Arcy-McGee, aura des questions. On dit, à la page 26, que l'Office recommande que les règles de protection des renseignements personnels applicables aux membres des ordres professionnels soient revues à des fins d'harmonisation. Deux petites questions là-dessus. La première est de savoir si l'Office prévoit s'adresser à la question suivante: lorsqu'un médecin, par exemple, fait une évaluation physique ou psychique d'un patient pour le compte d'un employeur ou de la CSST ou d'autres, souvent il se fait dire: Mais ce n'est pas votre dossier, monsieur, madame. C'est le dossier de votre employeur. À mon sens, c'est inadmissible. La personne aurait le droit strict de savoir ce qui a été écrit par le professionnel dans son dossier. Est-ce que l'Office s'est attardé à cette question précise?

M. Diamant (Robert): L'Office partage votre point de vue, M. le député. À notre avis, l'accès au rapport d'expert est difficile pour les clients et ça nous semble être un droit qu'il faut reconnaître et dont il faut faciliter l'exercice. Déjà, le Collège des médecins, à l'incitation de l'Office, a au cours de cette année produit une brochure qui s'appelle Le médecin en tant qu'expert et dans laquelle effectivement il discute de la question de l'accès et établit que l'expert doit, sur demande écrite d'une personne, produire le rapport d'expertise. Alors, est-ce que cette règle-là est respectée ou est-ce qu'on ne fait pas exprès pour rendre un peu difficile l'accès au rapport? C'est possible. Quant à nous, nous sommes d'avis effectivement que, même si le Collège des médecins reconnaît que le dossier doit être accessible à celui qui fait l'objet d'une expertise, la procédure pourrait être rendue plus facile, à notre avis.

M. Mulcair: C'est ça. M. le Président, je pense qu'on peut résumer ainsi. Le président de l'Office pose la question: Est-ce que cette règle est respectée? Nous, on se permet de la reposer, à savoir: Est-ce qu'il y a une règle? Ce n'est même pas une directive, c'est un document d'analyse de l'Ordre des médecins et je pense que, si on interprète bien, l'Office des professions est en train de nous dire qu'il faudrait confirmer clairement qu'il s'agit d'une règle, que, lorsque quelqu'un se fait expertiser par un professionnel, il a le droit de savoir le contenu de cette expertise. Est-ce qu'on interprète bien?

M. Diamant (Robert): Je pense aussi que la référence à l'article 12.1 que j'ai faite tantôt, il me semble que l'Office pourrait, par règlement, établir les conditions d'accès à ce type de renseignements.

M. Mulcair: O.K. d'accord. Donc, on est toujours d'accord que ça prend une règle, mais l'Office est en train de nous dire qu'il a déjà le pouvoir de le faire mais n'a pas encore exercé son pouvoir. Une dernière question. Quand vous dites que les règles de protection applicables aux membres des ordres professionnels soient revues, évidemment, M. le président, le secret professionnel est une règle qui prédate de plusieurs siècles. Certaines règles de protection des renseignements et beaucoup de règles concernant la protection des renseignements dans le domaine professionnel ne sont pas codifiées. Ce sont des règles qui émanent de la «common law». On peut penser aux règles protégeant l'avocat et son client, le secret qui les unit. Ces règles-là sont extrêmement complexes, ont évolué au fil des siècles, et notre question est de savoir si l'Office prévoit même aller là-dedans dans ce qu'il dit qu'il faut revoir ces règles-là, les règles applicables à la protection des renseignements personnels, applicables aux membres d'ordres professionnels?

(10 heures)

M. Diamant (Robert): Vous avez raison d'illustrer la complexité ou la diversité. Effectivement, la protection des renseignements personnels et la façon dont c'est structuré, en raison du concept du secret professionnel, c'est une mécanique qui est très complexe. On retrouve des dispositions ou des contraintes dans les codes de déontologie. On retrouve des dispositions spécifiques au Code des professions. On en retrouve d'autres à certains occasions dans la loi sur la santé et les services sociaux qui impose des contraintes à la diffusion des renseignements. C'est compliqué, mais ce qu'on dit, c'est que ça marche.

Nous pourrions possiblement examiner la possibilité de simplifier un peu ça, mais je pense qu'on ne peut pas simplifier ce qui est à l'extrême sans prendre le risque de diluer les choses. À ce stade-ci, pour nous, le concept de secret professionnel, c'est un concept qui est en application depuis très longtemps, qui a été consacré dans les lois et règlements et dans les us et coutumes de beaucoup d'entreprises, de beaucoup d'organismes publics et, pour nous, avant de déranger ou de disposer de cette question-là de façon à avoir un système très simple, on n'est pas sûr que c'est la bonne voie.

M. Mulcair: Exactement. M. le Président, mon collègue, le député de D'Arcy-McGee avait aussi des questions.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Bonjour messieurs, madame. J'aimerais poursuivre un petit peu la première intervention du député de Chomedey. Lorsque vous dites que les renseignements pouvant identifier une personne qui soient contenus au rapport annuel, les ordres professionnels doivent clairement avoir un caractère public, mais en même temps le mandat des ordres professionnels est de mettre en oeuvre les règles de protection du public. Pour moi, ça me semble être une marge très mince de cette libre circulation des renseignements. Pouvez-vous un petit peu élaborer?

M. Diamant (Robert): Je ne suis pas sûr, Mme la députée, de bien saisir la portée de votre question.

Mme Léger: Quand vous parlez de caractère public.

M. Diamant (Robert): Oui.

Mme Léger: O.K. D'avoir un caractère public mais en même temps le mandat des ordres professionnels est de protéger aussi, d'avoir la protection du public.

M. Diamant (Robert): Oui.

Mme Léger: Alors, pour moi, la marge est quand même mince, là.

M. Diamant (Robert): Le caractère public de l'institution, ça se retrouve dans le Code des professions, dans la loi qui a été adoptée en 1973 où l'État décide de confier aux membres des ordres professionnels, s'appuyant en cela sur des principes fondamentaux, disons, de responsabilisation et de cogestion, il délègue son pouvoir de puissance public. Y a-t-il de quoi de plus public que la responsabilité des rapports entre les citoyens? Et c'est dans ça qu'on est, là, actuellement.

Par exemple, l'exercice de ce pouvoir de puissance publique, on parle des contraintes dans la mesure où on se retrouve dans une relation privée entre un individu, un citoyen, et un professionnel. Donc, le caractère public de l'institution découle du mandat général que l'institution reçoit de l'État et, à ce point de vue, l'ordre professionnel, qui a la responsabilité de s'assurer que la protection du public est réalisée dans les faits, disons, doit prendre des décisions qui ont un caractère public. Ces officiers doivent être des personnes qu'on peut reconnaître. Alors, dans ce sens-là, on dit...

Mme Léger: Oui, mais vous dites qu'un renseignement personnel peut être contenu dans un rapport annuel ou dans un comité de discipline, et ça, ça devient pour vous un caractère public, là.

M. Diamant (Robert): Quand quelqu'un est un officier d'un organisme public, le nom de cette personne-là, quant à nous, c'est un renseignement à caractère public. Donc, dans les rapports annuels, on doit être capable de savoir aussi qui est membre de l'ordre et qui ne l'est pas. Ça a un caractère public parce que ça a un rapport avec l'application de la responsabilité de protection du public.

Mme Léger: Sur un autre sujet, vous avez parlé d'actualisation du système professionnel. Vous avez parlé d'harmonisation, vous en avez un petit peu discuté tout à l'heure. Est-ce que votre harmonisation, c'est votre actualisation, pour vous? Ou ça va plus loin que ça?

M. Diamant (Robert): Nous avons référé, entre autres, à un avis que l'Office a produit à l'intention du gouvernement au mois de juin cette année qui porte sur l'actualisation du système professionnel, la mise à jour du système professionnel, l'adaptation du système professionnel à la réalité de l'an 2000. Alors, pour nous, évidemment, c'est beaucoup plus vaste que la problématique que nous étudions ce matin.

Mme Léger: O.K. Avez-vous des exemples de ça qui vous amènent à actualiser votre système?

M. Diamant (Robert): Mon Dieu! Ils sont multiples. Je pourrais vous en parler pendant trois heures de temps.

Mme Léger: Non, mais enfin, nous donner un exemple, pour les besoins de la commission.

M. Diamant (Robert): Nous pensons effectivement que, disons, les principes qui sont à la base du système professionnel sont bons mais que, dans la pratique, il y a une série de dispositions dans la structure même de l'organisation du système qui doivent être revues. Et, entre autres, nous croyons que le statut dévolu aux ordres professionnels – exercice exclusif et à titre réservé – ne correspond pas, dans la structure actuelle, à la réalité qu'ont à vivre les organisations professionnelles pour assumer au mieux la mission de protection du public.

L'Office pense que le fait qu'on n'ait pas établi de façon claire que la mission des ordres professionnels était uniquement et avant tout de protéger le public a créé de la confusion. L'Office croit aussi qu'il y a une nécessité de moderniser l'organisation professionnelle pour tenir compte de problématiques particulières, comme l'avancement des connaissances, comme l'éclatement de l'organisation du travail, comme... Mon Dieu! On doit avoir à peu près une douzaine de bonnes raisons de procéder à cet exercice. Et, dans la mesure où il y a un lien entre la transparence du système et la mission de protection du public, nous croyons qu'il y a un lien entre le dossier qu'on étudie, ici, aujourd'hui et celui de la mise à jour du système.

Mme Léger: O.K. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, idéalement, à la page 10 de votre mémoire, vous parlez de deux mécanismes de corps de professions qui sont importants en vue de la protection du public: premièrement, l'inspection professionnelle; et deuxièmement, la discipline. Et, dans l'inspection professionnelle, vous parlez des compétences des membres dans l'exercice de leur profession. Et, dans la question de la discipline, vous parlez de conduite professionnelle des membres des ordres.

Et, à la page 15 de votre rapport, vous dites que le seul fait, pour une personne, d'être membre d'un ordre professionnel donne au public une assurance que cette personne possède une formation appropriée et qu'elle sera encadrée par les règles d'un système professionnel tout au long de l'exercice de sa profession. Et vous dites que: Que ce fait soit connu du public constitue un élément clé et indispensable à la mission de la protection du public qui est confiée à l'ordre.

Alors, on a vu, dans les dernières semaines, la situation difficile à l'hôpital Anna-Laberge à Châteauguay qui met en doute les dossiers médicaux de beaucoup de personnes. Et maintenant on sait qu'il y a des milliers de personnes à travers la province qui sont atteintes de cancer et qui ont une question de doute. Un doute qui n'est pas raisonnable, sachant la compétence de nos médecins à travers la province. Mais, comme vous savez, une personne qui est atteinte du cancer, on ne peut pas... Les raisons, des fois, sont difficiles, à cause des difficultés de cette maladie et des émotions autour de cette maladie. Alors, quand on a une question d'incertitude sur la compétence et sur la conduite professionnelle, je me demande... Vous avez parlé ce matin de transparence, du caractère public des personnes qui occupent des positions officielles dans les ordres professionnels, aussi de la question des professionnels eux-mêmes. Et vous avez parlé du caractère public du tableau de l'ordre, mais est-ce que vous pensez que le public a droit à l'accès des informations privées...

Le Président (M. Garon): Écoutez, si vous continuez votre question, on n'aura pas de temps pour y répondre.

M. Bergman: ...sur des personnes individuelles qui sont membres des ordres – accès privé, accès à leur dossier médical – des médecins avec qui ils transigent?

M. Diamant (Robert): Bien, je pense que les dossiers, les renseignements, disons, relatifs à la santé des individus, qu'il s'agisse de professionnels ou de citoyens, les professionnels doivent avoir les mêmes droits, si c'est ça la question que vous me posez. Pour moi, un membre d'un ordre professionnel – qu'il s'agisse d'un médecin ou d'un avocat ou d'un notaire – a le droit à sa vie privée. Et, dans ce contexte, le contenu de son dossier médical, de façon générale, ce sont des renseignements qui doivent être protégés.

(10 h 10)

Le fait, bien sûr, qu'on puisse établir un lien entre la condition physique et la capacité de pratiquer la profession, avec toutes les conséquences que ça comporte vis-à-vis des clients, c'est un fait qui doit être pris en compte par les ordres professionnels lorsqu'ils ont à s'assurer que leurs membres exercent de façon compétente. Il y a des dispositions dans le Code qui permettent, soit par le biais de l'inspection professionnelle, soit par des enquêtes, disons, ad hoc, conduites par le Bureau ou par le syndic, d'identifier des situations comme celles que vous évoquez et qui permettent à l'ordre professionnel d'agir.

Il est clair que, dans le quotidien, lorsqu'on parle par exemple de la situation quotidienne vécue par les 15 000, 16 000 médecins du Québec, le Collège des médecins n'est pas outillé pour vérifier tout ce qui se passe à tous les jours. Il existe d'autres mécanismes qui permettent d'encadrer la pratique médicale et de faire référence à des situations comme celles que vous évoquez et qui permettront au Collège des médecins, en utilisant les dispositions qui sont dans le Code des professions, de bien exercer son rôle de protection du public.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de l'Office des professions du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission, et j'invite maintenant l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec et l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec à s'approcher de la table des délibérations. Alors, je vais demander au porte-parole principal d'identifier les personnes qui l'accompagnent pour les fins d'enregistrement du Journal des débats . Nous avons une heure ensemble, ce qui veut dire, normalement, 20 minutes pour votre exposé et 20 minutes pour chacun des deux partis. Alors, à vous la parole.


Association des courtiers d'assurances de la province de Québec (ACAPQ) et Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec (AIAPQ)

M. Savard (Denis): M. le ministre, M. le Président, membres de la commission, mesdames et messieurs, en tant que porte-parole de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, ce que nous appelons l'AIAPQ, j'aimerais vous présenter le vice-président de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, l'ACAPQ, qui est également le président du comité de l'inspection professionnelle préventive de l'Association, M. Claude Séguin, qui est assis immédiatement à ma gauche. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous présenter nos commentaires et de vous faire part de nos recommandations à l'égard de certaines dispositions du rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements...

Le Président (M. Garon): Voulez-vous présenter les autres personnes qui vous accompagnent?

M. Savard (Denis): Oui, j'y arrive immédiatement, M. le Président. Donc, je vous remercie et je vous présente les autres personnes qui m'accompagnent. À l'extrême droite, Me Marie-Hélène Lajoie, qui est directrice de la protection du public à l'AIAPQ, à ma droite, Me Anne-Marie Beaudoin, qui est conseillère principale à la direction générale de l'AIAPQ, et à mon extrême gauche, Me Nathalie Roberge, qui agit à titre de directrice des communications et des relations publiques de l'ACAPQ. Les associations que nous représentons ont toutes deux été mandatées par le législateur, dans le cadre de la Loi sur les intermédiaires de marché, pour assurer la protection du public, notamment par le maintien de la discipline de leurs membres. Dons, dans un premier temps, ce que je vais faire, c'est que je vais vous présenter l'AIAPQ et, par la suite, M. Séguin vous présentera l'ACAPQ.

L'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec a été créée le 1er octobre 1989 et elle est une association à adhésion obligatoire qui regroupe près de 13 000 membres actifs au Québec en tant qu'agents ou courtiers en assurances de personnes. Elle est, cette association, le prolongement juridique de l'Association provinciale des assureurs-vie du Québec, qui avait été constituée en 1964 et agréée, à l'époque, par l'Inspecteur général des institutions financières pour les fins de certification et de déontologie.

La mission de l'Association est de protéger le patrimoine financier du consommateur québécois par l'intermédiaire de conseillers professionnels accrédités, qualifiés pour lui offrir des services financiers intégrant l'assurance de personnes et répondant ainsi à l'ensemble de ses besoins. Conformément aux responsabilités et aux prérogatives que lui a confiées le législateur, l'AIAPQ vise principalement deux objectifs: le premier, la protection du public et, deuxièmement, le dynamisme, l'efficacité et l'intégrité de ses membres et de la profession qu'ils exercent.

À l'instar des ordres professionnels, l'Association est chargée d'assurer la protection du public et elle a donc mis sur pied une structure de surveillance et de discipline ainsi que d'inspection professionnelle afin de veiller à l'application stricte des règles d'éthique qui régissent la profession. Elle est également autorisée à octroyer des titres professionnels et voir à la formation continue de ses membres.

J'aimerais, avant de céder la parole à M. Séguin, d'abord préciser que, lors de la mise en application de la loi sur les renseignements personnels, l'intermédiaire en assurance de personnes était déjà soumis à des obligations déontologiques visant à préserver la confidentialité des renseignements à caractère personnel que celui-ci est susceptible de recueillir dans le cadre de sa pratique professionnelle. Ses devoirs déontologiques visent spécifiquement la tenue de dossiers et registres distincts pour chacun de ses clients, l'obligation de respecter le secret professionnel relatif à tout renseignement personnel qu'il obtient sur un client, l'interdiction totale, pour un intermédiaire, de divulguer les renseignements personnels ou de nature confidentielle, et l'obligation de veiller à ce que ses employés respectent les obligations précédemment énoncées.

Conséquemment, au surplus de la primauté des obligations prévues à la loi sur les renseignements personnels, l'AIAPQ s'assure donc du respect constant de ses devoirs déontologiques, lesquels sont prévus aux règlements du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes. Ainsi, dans le cadre de ses activités d'inspection professionnelle, l'Association vérifie donc spécifiquement la conformité de la pratique professionnelle de l'intermédiaire quant aux obligations découlant de la loi sur les renseignements personnels et des règles déontologiques spécifiques que nous venons d'énoncer. À titre d'exemple, est vérifiée la conformité de l'intermédiaire à l'obligation spécifique de divulguer au client la constitution d'un dossier à son égard, la détention et l'utilisation de ces renseignements personnels ou, encore, le fait qu'il dispose d'un système de classement avec des dossiers distincts conservés sous clé limitant les personnes y ayant accès et assurant la destruction des dossiers devenus inactifs.

Une panoplie d'outils ont également été développés pour nos sociétaires afin de rendre concrète et aisée l'application de l'ensemble de ces règles. Les statistiques de nos visites d'inspection professionnelle démontrent une excellente conduite de nos sociétaires en la matière. De l'ensemble des recommandations qui touchent les correctifs à apporter à la pratique professionnelle, peu – puis, quand je dis: peu, c'est moins de 10 % – de recommandations, au cours des trois dernières années, ont trait à la confidentialité par rapport au total des recommandations faites aux intermédiaires visités par l'inspection professionnelle. Les recommandations visent les informations écrites au client sur la confidentialité, les moyens pris par l'intermédiaire pour respecter la confidentialité et la destruction des dossiers inactifs.

(10 h 20)

Par ailleurs, du côté disciplinaire, depuis la création de l'AIAPQ en 1989, nous avons reçu un nombre négligeable de demandes d'enquêtes sur cet aspect. Sur les quelques milliers de dossiers déontologiques traités depuis notre création, seulement sept dossiers étaient fondés et visaient des manquements au secret professionnel. Donc, je cède immédiatement la parole à M. Séguin.

M. Séguin (Claude): M. le ministre, M. le Président, membres de la commission, mesdames et messieurs. Je tiens à vous remercier personnellement du temps qui nous est offert afin d'échanger sur le sujet, le tout pour mieux comprendre nos préoccupations ainsi que celles de nos sociétaires et aussi pour répondre à vos questions.

Tel que le mentionnait M. Savard pour l'AIAPQ, l'ACAPQ est une association professionnelle régie par la Loi sur les intermédiaires de marché. Vous me permettrez d'indiquer que l'Association fut fondée en 1932 et que le législateur lui a conféré ses pouvoirs de surveillance et de discipline dès 1963. Elle a été consacrée et à nouveau confirmée dans son mandat en 1989 avec la Loi sur les intermédiaires de marché. Ainsi, l'Association s'autodiscipline et s'autoréglemente. Dans ce cadre, nous avons le même type de structure organisationnelle que l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, soit un comité de surveillance, de discipline et d'inspection professionnelle, ces trois comités veillant chacun à l'application des règles déontologiques qu'elle s'est donnée. J'ajouterais pour votre bénéfice que nos deux associations s'autogèrent et qu'ainsi l'Association est représentée et administrée par ses membres élus.

Ceci m'amène à vous entretenir brièvement du vécu de nos sociétaires par rapport à l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. D'entrée de jeu, mentionnons que l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec se préoccupe depuis longtemps de la gestion des renseignements personnels que ses sociétaires recueillent, détiennent, utilisent ou communiquent à des tiers dans le cadre de leur mandat d'intermédiaires de marché. Déjà, en 1979, l'article 48, paragraphe f du règlement de l'Association des courtiers d'assurances, stipulait comme un des devoirs principaux d'un membre de garder secret ce qui lui est confié à titre professionnel, sauf si consentement écrit du client et de toute personne qui y a un intérêt.

Selon les dispositions de la Loi sur les courtiers d'assurances sanctionnée cette même année, le fait de ne pas garder confidentiel des renseignements personnels détenus sur autrui était déclaré et représentait un acte dérogatoire à l'honneur, à la dignité et à la discipline de notre profession. Aux termes de l'adoption de la Loi sur les intermédiaires de marché et de ses règlements adoptés sous sa gouverne, étaient réaffirmées des obligations déontologiques à cet égard, notamment grâce aux articles 60.8 et 60.9 du règlement de l'Association des courtiers prévoyant spécifiquement le secret professionnel et l'usage des renseignements personnels recueillis auprès d'un client. Bien qu'à ce jour nous n'ayons reçu aucune plainte déontologique écrite à ce sujet, ces obligations se sont donc vues renforcées par celles prévues à la loi sur les renseignements personnels.

L'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec partage avec la Commission ce qui la motivait au départ dans l'adoption de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, soit la protection de la vie privée. Aussi, c'est par le truchement de nos comités de surveillance, de l'inspection professionnelle préventive et de nos publications internes que nous informons nos sociétaires sur les notions de secret professionnel, de confidentialité des dossiers, de protection de la vie privée et sur l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. De plus, une démarche importante a été entreprise afin d'uniformiser chez les membres l'utilisation d'un formulaire de consentement conforme aux exigences de la loi. Pour ce faire, nous nous sommes assurés auprès de la Commission d'accès à l'information de la validité d'un tel formulaire et de l'utilisation faite par les courtiers des renseignements personnels des consommateurs de produits d'assurance de dommages. Les courtiers ont tout avantage à s'en servir et d'ailleurs nous constatons lors de nos inspections professionnelles que le message commence à être bien compris de la part de nos sociétaires.

Toutefois, l'Association désire profiter du dépôt du présent mémoire conjoint avec nos collègues de l'AIAPQ pour faire part à la commission de nos recommandations. Plus particulièrement, je me permettrai de vous en exposer quelques-unes, et Me Savard de l'AIAPQ complétera cette présentation. Nos commentaires porteront d'abord sur Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé que je permettrai d'appeler par la suite la loi sur les renseignements personnels et, dans un deuxième temps, sur quelques modifications proposées à la loi sur l'accès aux documents des organismes publics que j'appellerai par la suite la loi sur l'accès.

D'abord, l'assujettissement à la loi. Comme vous le savez sans doute, un certain imbroglio existe actuellement quant à l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur les renseignements personnels ou encore à la loi sur l'accès. De plus, il existe une décision datant de novembre 1996 de la Cour du Québec, de l'honorable juge Michel Desmarais, visant spécifiquement l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, qui stipule que cette dernière doit être assujettie à la loi sur les renseignements personnels, en raison de sa similitude à un ordre professionnel. L'ensemble de cette incertitude prend sa source dans l'interprétation donnée à la notion d'entreprise privée se rattachant au champ d'application de la loi sur les renseignements personnels, laquelle loi fait référence, à son article premier, à la définition prévue à l'article 15.25 du Code civil du Québec.

Le rapport de la Commission recommande de supprimer les références à l'article 1 de la loi sur les renseignements personnels. Nous craignons que, si la notion d'entreprise prévue à l'article 15.25 du Code civil du Québec est supprimée, les associations se retrouvent alors assises entre deux chaises, à cause de la nature du jugement cité plus haut. Les associations ne souhaitent pas se retrouver à nouveau devant les tribunaux pour la question de leur assujettissement. Notre crainte vient du fait que nos associations ne sont pas des ordres professionnels régis par le Code des professions, bien que nos missions et attributs s'y apparentent. Ainsi donc, si la Commission veut lever toute ambiguïté qui se rattache au champ sur la loi des renseignements personnels, nous recommandons qu'elle prévoie, une fois pour toutes, l'assujettissement des ordres professionnels. Nos associations demandent à la Commission de s'assurer qu'elles y seront également incluses.

Dans un deuxième temps, les associations sont d'avis, tout comme la Commission, qu'il faille assujettir les ordres professionnels et les organismes semblables, tels que nos associations, à la loi sur les renseignements personnels, plutôt que, comme le clame l'Office des profession, à la loi sur l'accès. Notre désaccord avec l'Office des professions sur cette question s'explique par le fait que nous croyons que les ordres professionnels et les organismes comme le nôtre, qui s'autofinancent entièrement par le biais de leurs membres, n'ont rien en commun avec la structure et le financement des organismes publics, lesquels sont régis par la loi sur l'accès. Également, il faut retenir que nos associations recueillent et détiennent un nombre important de renseignements personnels, tant sur leurs sociétaires que sur les non-sociétaires, à cause de la nature même de nos activités que nous avons décrites précédemment. Assujettir les associations à la loi sur l'accès rendrait leur gestion de tous les jours extrêmement lourde. Ce faisant, les associations ne croient pas que la notion de transparence se trouverait compromise par le fait qu'elle soit assujettie à la loi sur les renseignements personnels plutôt qu'à la loi sur l'accès. Nos structures organisationnelles, nos mécanismes de gestion, l'imputabilité de nos administrateurs, ainsi que le contrôle exercé par l'Inspecteur général des institutions financières assurent une parfaite accessibilité de l'information dans les domaines qui concernent nos opinions publiques. Ainsi, nous recommandons que l'ACAPQ demeure assujettie à la loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé et que l'AIAPQ soit régie par la même loi. Je cède à nouveau la parole à Me Savard pour les autres recommandations.

(10 h 30)

M. Savard (Denis): Merci, M. Séguin. Tel que M. Séguin vous le mentionnait, les associations partagent avec la Commission ce qui l'a motivée à l'adoption des deux lois relatives à la confidentialité des renseignements personnels. Ces principes étaient la transparence administrative d'un organisme public d'une part, et la protection de la vie privée d'autre part. Pourtant, partant de cette prémisse, nous sommes d'avis qu'il faille conserver les acquis en ce domaine, à savoir l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels par l'application de ces deux lois. Cependant, outre les modifications suggérées à l'article 18 par la Commission d'accès dans son rapport, les associations sont d'avis que d'autres modifications sont souhaitables en raison des difficultés qu'elles rencontrent dans l'application des exceptions prévues à cet article 18 au principe de non-divulgation.

Actuellement, en pratique, une personne qui exploite une entreprise peut, même si les conditions prévues à l'article 18 sont rencontrées, refuser de divulguer des renseignements qui lui sont demandés. En d'autres mots, malgré les exceptions prévues à l'article 18, le tiers n'a pas un droit à la communication des renseignements qu'il requiert auprès d'une entreprise sans le consentement de la personne visée. L'entreprise ou la personne concernée a l'entière discrétion d'obtempérer ou pas. Or, dans le cadre de ces activités d'inspection professionnelle et de surveillance, les associations procèdent à la cueillette de renseignements auprès de tiers – quand on parle de tiers, principalement, ce qu'il faut comprendre, ce sont les assureurs, les institutions financières, les caisses, les institutions de dépôt, les banques – donc lesquels refusent, et parfois systématiquement, cette divulgation, rendant ainsi difficile pour les associations leur mandat de protection du public.

Nous recommandons donc de modifier le libellé de l'article 18 de la loi sur les renseignements personnels pour faire en sorte que le tiers demandant ces renseignements ait un droit sans équivoque à la communication du dit renseignement, et ce, sans le consentement de la personne concernée, dans la mesure où les conditions de l'article 18 de la loi sur les renseignements personnels sont satisfaites.

Une seconde difficulté se pose également aux associations. En effet, nos comités d'inspection professionnelle et de surveillance se voient parfois refuser la divulgation des renseignements qu'ils requièrent en raison du fait qu'ils ne sont ni des organismes gouvernementaux ni des forces policières au sens du paragraphe 3 de l'article 18. Nous recommandons de modifier les troisième et quatrième paragraphes de l'article 18 de la loi sur les renseignements personnels afin de s'assurer que les comités de surveillance et d'inspection professionnelle des associations puissent avoir accès aux renseignements détenus par des tiers sur leurs membres, sans le consentement préalable de la personne concernée.

À l'égard de la transmission d'un renseignement à un autre organisme de protection du public maintenant, à l'image des ordres professionnels, le rôle d'autodiscipline effectué par nos associations permet à nos comités de surveillance de porter plainte contre nos sociétaires et d'imposer aux professionnels déclarés coupables des sanctions allant de la réprimande à la révocation du permis d'exercice. Or, étant donné la mobilité des personnes, il arrive que des professionnels décident d'exercer dans une autre province canadienne et que des organismes semblables aux nôtres situés ailleurs au Canada reçoivent des demandes de permis d'exercer de la part de personnes faisant face, au Québec, soit à des enquêtes, soit à un processus disciplinaire. Ces organismes canadiens, avant d'émettre un permis, nous demandent un renseignement sur les personnes ayant été membres de nos associations. Actuellement, rien ne nous permet, suivant la loi sur les renseignements personnels, de divulguer les renseignements que nous détenons sur ces sociétaires, à moins d'obtenir préalablement leur consentement. Nous recommandons donc de prévoir une exception à l'article 18 de la loi sur les renseignements personnels afin de permettre à des organismes comme les nôtres, mandatés pour protéger le public, de divulguer des renseignements sur une autre personne qui est ou a été membre de nos organismes à d'autres organismes chargés de protéger le public.

À ce moment, nous aimerions faire quelques remarques relativement à la libéralisation des échanges entre organismes publics. Le principe avancé par la Commission quant à la libéralisation des échanges entre organismes publics peut, selon les associations, présenter des problèmes d'abus en ce qu'il permettra maintenant d'échanger sans le consentement des personnes concernées des renseignements nominatifs ou personnels. Malgré plusieurs réticences émises à cet égard, la Commission propose le maintien de la disponibilité de partage d'informations entre organismes et, ce faisant, elle brise la règle voulant qu'il soit interdit de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, même si la Commission, dans le rapport, prévoit se doter du pouvoir d'émettre un avis défavorable dans un délai de 60 jours dans le cas où elle le juge opportun. Nous croyons que cette précaution risque à toutes fins utiles d'être illusoire puisque les personnes consultées par elle, dont les organismes publics, sauront très certainement habilement la convaincre.

De plus, nous croyons qu'il faudrait que la Commission se prononce dans tous les cas où des organismes publics prévoient communiquer des renseignements personnels sans le consentement d'une personne concernée, soit favorablement ou non, au lieu qu'elle puisse demeurer muette afin de s'assurer qu'un examen a priori d'une telle demande de transfert soit effectué en tout temps. Nous croyons que cette libéralisation des échanges entre organismes publics risque de porter atteinte aux droit de la vie privée d'une personne et, pour cette raison, l'échange d'informations, sans le consentement de la personne visée, ne devrait pas être permis sauf dans les exceptions prévues à la loi. Notre recommandation est donc, relativement à la loi sur l'accès, de conserver le statu quo quant au principe de non-divulgation des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, sauf pour les cas d'exception prévus à la loi.

Finalement, quant à l'uniformisation des deux lois en matière de poursuites pénales, les associations soutiennent entièrement la Commission dans sa volonté d'apporter des ajustements aux articles 158 et 162 de la loi sur l'accès et d'uniformiser les dispositions pénales à la loi sur l'accès ainsi qu'à celles de la loi sur les renseignements personnels pour assujettir à un régime de responsabilité stricte des infractions qui y sont décrites.

En terminant, les associations tiennent à préciser qu'elles ont été à même de constater que la loi sur les renseignements personnels et la loi sur l'accès sont des dispositions garantissant le respect de la vie privée qui sont encore bien trop méconnues du public. Les agents et les courtiers d'assurances doivent, dans leur travail de tous les jours, informer sur ces lois, leur objet, les dispositions et leur application. De plus, les consommateurs sont réfractaires à apposer leur signature lorsqu'on leur présente des formulaires de consentement. Les associations souhaitent donc ardemment que la Commission se dote d'un budget pour continuer à sensibiliser tant le public que les entreprises sur l'application de ces deux lois, toujours avec la même approche préventive de soutien aux entreprises.

En terminant, nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé pour exprimer nos commentaires à l'occasion du dépôt de ce rapport. Nous sommes maintenant prêts à accueillir vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais, mesdames, messieurs, vous remercier pour votre présentation. Vous êtes nombreux à venir le défendre. Je serais parfois tenté de me demander... C'est parce que vous êtes peu, du secteur privé, à défendre un point de vue comme celui-là, puisque nous avons entendu le Bureau d'assurance du Canada, nous avons entendu Desjardins, le Conseil du patronat, le SACA, qui est ce Service anti-crime des assureurs, et tous sont venus nous dire que, à la limite, un régime général, ce n'est pas une bonne chose, il faudrait avoir un régime particulier adapté à la réalité de chacun des secteurs d'activité de la vie économique. Je suis très content de pouvoir enfin me réclamer d'un appui du secteur privé, puisque je vous vois nombreux à venir le défendre, comme quoi je comprends bien que ce n'est pas un point de vue qui est isolé. Je voudrais bien comprendre, parce que vous êtes quand même des gens qui se retrouvent dans ces associations-là, et au-delà de... véritablement, je suis heureux de ce point de vue.

Je comprends qu'il y a un problème particulier qui est l'assujettissement des associations. Contrairement, par exemple, aux gens que nous avons entendus, précédemment, des ordres professionnels, vous suggérez que vos associations, qui sont semblables à des ordres professionnels mais établies sous un autre régime que celui du Code des professions, en vertu de dispositions particulières – des lois qu'on connaît bien d'ailleurs – vous avez choisi de faire en sorte que vous soyez assujettis à la loi sur l'accès et vous proposez des modifications, entre autres l'article 18.

Donc, je comprends tout ça, mais je voudrais aller, peut-être, au-delà des recommandations du mémoire qui sont fort simples et, dans bien des cas, recevables. Je vais vous demander, vous qui connaissez bien l'industrie de l'assurance de personnes, de me dire: Dans un contexte de déréglementation, dans un contexte où 134 est en discussion – ce n'est pas un secret de polichinelle – où il y a des représentations de nombreux lobbys sur ces questions, quel genre d'attitude le législateur doit-il adopter, au-delà du débat sur la pertinence, sur la question de la protection des renseignements personnels?

Desjardins est venu nous dire qu'ils souhaitaient que les renseignements circulent non seulement entre les succursales, mais puissent circuler entre les différentes composantes du Mouvement Desjardins; et ils disaient que, si ce n'était pas le cas, ça les mettrait dans une situation concurrentielle désavantageuse par rapport aux autres joueurs sur le marché. Au-delà de ces questions spécifiques qui sont contenues dans votre mémoire puis, comme je vous dis, seront bien sûr analysées, qui sont dans bien des cas recevables, il y a un problème qui est celui de l'association et de l'assujettissement de vos associations; le message est bien compris, il est bien reçu. Au-delà de ça, sur la lecture que vous faites de l'industrie, de quelle façon le législateur doit aborder cette question dans un contexte d'une révision possible de 134, et quel genre de protection le législateur doit-il offrir aux consommateurs dans ce contexte-là?

M. Savard (Denis): Je pense que je vais demander immédiatement à Me Beaudoin de répondre à votre question.

(10 h 40)

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous ne sommes pas en accord avec Desjardins sur ce point. Nous croyons qu'actuellement les institutions de dépôt ont le privilège d'avoir accès au système canadien de paiement et, de cette façon-là, bénéficient d'un privilège qui, premièrement, leur permet d'avoir un achalandage très captif. Parce que, comme vous tous, nos salaires sont déposés automatiquement dans notre compte; donc, il est tout à fait possible, pour une institution de dépôt, de cibler le revenu des gens qui ont un compte dans une institution de dépôt. Par ailleurs, il est aussi possible de voir l'ensemble des transactions qui sont faites dans un compte et, de ce fait-là, d'avoir ce que, nous, on appelle la liste de nos clients. Alors, les institutions de dépôt possèdent la liste des clients de toutes les autres institutions financières. Alors, nous croyons, de ce fait-là, qu'on ne peut pas leur permettre d'ainsi transférer et utiliser des renseignements personnels. Et nous allons même plus loin que ça.

Vous avez certainement assisté au Forum sur la vie privée qui a eu lieu récemment – d'ailleurs, c'était sous votre hospice. Un expert étranger, dont j'oublie le nom, est venu dire que ces renseignements-là sont tellement importants, sont tellement confidentiels, et comme le privilège de l'accès au système de paiement n'est pas permis aux autres institutions financières, n'est pas permis aux assureurs mais uniquement aux institutions de dépôts, qu'on ne devrait pas se fier à une autorisation subjective qui peut être différente d'un individu à l'autre, mais bien par une interdiction, dans la loi, de transférer et de pouvoir utiliser cette information-là à d'autres fins que ce pourquoi elle est là. Il y a un chèque qui passe, puis il y a un salaire qui est déposé. Mais que les institutions de dépôts ne puissent pas – et c'est certainement l'une des recommandations les plus importantes – dans le cadre d'une libéralisation des services financiers, pouvoir puiser dans les renseignements personnels qu'ils détiennent en vertu de l'accès au système de paiement pour permettre à des intermédiaires de marché d'offrir des produits.

Nous ne sommes pas en désaccord, cependant, à ce que des intermédiaires de marché qui travaillent pour Desjardins puissent solliciter des clients et leur offrir des produits. Nous n'avons aucun problème avec ça. C'est-à-dire, nous croyons que, à cet égard, ils pourraient bien sûr avoir accès aussi et qu'ils puissent être autorisés à distribuer d'autres services financiers. Mais ne pas utiliser les renseignements personnels qu'ils détiennent en vertu du système de paiement.

M. Savard (Denis): En complément de réponse, ce que j'aimerais ajouter, c'est que ce qu'il faut comprendre, c'est qu'avec les systèmes et la communication entre les systèmes informatiques où tout ça est colligé, lorsque quelqu'un sollicite un emprunt auprès d'une institution financière, c'est normal que l'institution financière lui demande une signature, son consentement pour aller recueillir des informations personnelles, par exemple, pour être en mesure d'évaluer son crédit. Le problème, par contre, que ça pose, c'est que, sur le même formulaire que le client se voit tout naturellement amener à signer, on a aussi inclus le fait de pouvoir communiquer cette information qui va être perçue. Donc, dans le même formulaire où on demande l'autorisation d'obtenir des renseignements, le consommateur, à moins de se voir refuser son prêt, ne peut pas refuser de le signer; mais, en même temps, il signe l'autorisation de le transmettre. Donc, ça, ça devrait se faire en deux étapes. Et, selon nous, il faudrait absolument qu'on protège le consommateur à cet égard-là.

M. Boisclair: Bien, je comprends que vous faites le choix, donc, d'un cloisonnement le plus étanche possible entre les différents établissements. Je comprends cependant qu'il vous semblerait important qu'il y ait des renseignements qui puissent circuler – vous avez parlé de la liste des clients – pour que des gens puissent... déjà, me dites-vous, circulent entre les institutions de dépôt.

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Nous croyons que certaines institutions de dépôt peuvent, à l'aide des informations qu'elles détiennent actuellement, établir des profils financiers de leur clientèle et qu'elles transmettent cette information-là de façon à ce qu'on cible des clients et qu'on les rejoigne pour leur offrir des produits. On pense que ça se fait et on pense que ça ne devrait pas se faire sur cette base-là.

M. Savard (Denis): Ce n'est pas une impression ou un doute, nous avons...

M. Boisclair: La certitude.

M. Savard (Denis): ...des preuves, la certitude. Vous pouvez vous-même aller le vérifier dans différentes institutions financières. Il suffit de demander accès à votre dossier dans l'institution financière, et vous allez vous rendre compte que non seulement on connaît votre salaire, mais on sait aussi, à chaque mois, à qui vous payez vos primes d'assurance. Si vous passez une prime d'assurance de 800 $ par mois à telle compagnie, on les additionne, on les cumule au fil des mois, de sorte que, à la fin de l'année, on sait exactement que, pour votre assurance-automobile, vous payez telle prime avec tel assureur, en assurance de personnes, vous payez telle prime avec tel assureur, de sorte que la communication de ces informations-là à un assureur qui serait membre de la famille fait en sorte que, là, on n'est plus dans un régime de concurrence équitable.

L'accès à la chambre de compensation fait que toutes les informations financières, dès qu'on accepte de faire affaire avec une institution de dépôt, puis on n'a pas le choix de procéder, dans le système actuel, avec au moins une, à moins de faire toutes nos transactions – puis là, ça a l'air rétrograde – en payant avec de l'argent comptant, on se retrouve tous, comme clients, ciblés par ces institutions de dépôt et en mesure de faire des croisements d'informations qui font que la libre concurrence, quand je sais le montant de prime que vous payez pour tel produit, c'est facile, pour moi, d'aller vous proposer avec une prime réduite la première année et de faire en sorte que la concurrence diminue. Et ultimement le consommateur est loin d'être protégé parce que, quand la concurrence disparaît, on sait dans quelle région on se retrouve.

M. Boisclair: Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de l'opposition officielle, de souhaiter la bienvenue aux représentants du domaine des courtiers d'assurances. On se sent toujours en famille avec ces associations-là.

Je voulais juste m'orienter sur le fait que vous désirez – si j'interprète vite – surtout une harmonisation de l'approche et quelque chose, un système où on saurait éviter des paradoxes et les difficultés d'interprétation qui existent à l'heure actuelle. Et, afin de clarifier votre propos, je vais me référer à la page 3 de votre mémoire et au troisième paragraphe complet, la dernière phrase, laquelle se lit comme suit: «Les Associations, comme mentionné plus haut, ont été créées suivant la Loi sur les intermédiaires de marché et seules les dispositions du Code des professions s'appliquent en ce qui a trait au traitement des plaintes disciplinaires, tel que prévu à ladite loi.»

Vous faites, je présume, référence à l'article 159 de votre loi, qui prévoit que les dispositions du Code des professions relatives à l'introduction et à l'instruction d'une plainte ainsi qu'aux décisions et sanctions la concernant s'appliquent mutatis mutandis. Cependant, si on regarde le Code des professions – je vais vous donner un seul exemple, l'article 120.2 du Code des professions – on peut constater qu'on prévoit que le rôle d'audience est accessible, que, sous réserve du deuxième alinéa, un dossier du comité de discipline est accessible, puis on a entendu le président de l'Office des professions, tantôt, dire que, selon lui, tous les antécédents disciplinaires sont disponibles, et puis l'édiction, en 1994, des nouvelles dispositions du Code des professions. Ce renvoi à l'article 159, on peut présumer, est un renvoi évolutif, c'est-à-dire que, au fur et à mesure que le Code des professions est modifié, les modifications s'appliquent dans votre loi. Mais je me demande si certaines des modifications au Code des professions, notamment en ce qui concerne la publicité de l'information disciplinaire, s'appliquent dans le cas des intermédiaires de marché. J'aurais aimé avoir votre opinion là-dessus.

M. Savard (Denis): J'aimerais demander à Me Lajoie de répondre à cette question.

Mme Lajoie (Marie-Hélène): Tous les éléments de publicité à caractère public des antécédents disciplinaires, des décisions disciplinaires qui sont rendues constamment par l'Association sont appliqués chez nous. Le rôle d'une séance est effectivement disponible. Nous publions, dans des journaux et dans la revue de l'Association, des décisions disciplinaires. Les antécédents disciplinaires sont disponibles pour le public. Nous avons prévu, à notre règlement de régie interne, également, la possibilité que tous les éléments qui sont déposés en preuve disciplinaire deviennent publics pour les individus qui désirent les consulter. Alors, indépendamment du fait que ces dispositions-là ne nous visent pas spécifiquement, nous nous assurons que les éléments sont disponibles pour le public.

(10 h 50)

M. Mulcair: D'accord. Donc, même si ce n'est pas clair, légalement, que ça s'applique à vous, vous avez pris l'engagement de les appliquer. Très intéressant, et je vous remercie pour la clarification. Je pense que, au moment où tout ça est sur la table, ça vaut peut-être la peine de clarifier davantage et de s'assurer que ce que vous faites en pratique est en fait une obligation juridique. Parce que ça risque un jour d'être contesté contre vous si ce n'est pas clarifié. Je vais vous donner un autre exemple, M. le président, par votre entremise. Depuis les modifications au Code des professions de 1994, il est maintenant possible pour un membre du public insatisfait d'une décision à la suite de sa demande d'enquête de ne pas porter une plainte disciplinaire. Il y a un comité de trois personnes où siège au moins un membre du public et où on peut jeter un deuxième regard sur la décision de ne pas porter une plainte disciplinaire. Est-ce que ça aussi, vous l'appliquez volontairement dans votre secteur?

M. Savard (Denis): Allez-y, Me Lajoie.

Mme Lajoie (Marie-Hélène): Non, nous n'avons pas appliqué cet élément-là. Par contre, sur notre comité de surveillance siège un représentant des consommateurs. Alors, l'équivalent du syndic chez nous est un comité où il y a une représentativité du consommateur qui est présente. Lorsque le comité de surveillance décide de ne pas prendre à sa charge la plainte disciplinaire, il existe la possibilité de faire une plainte privée directement devant notre comité de discipline.

M. Mulcair: O.K. C'est un bon point et je pense qu'effectivement ça démontre à quel point c'est difficile d'avoir des lois qui sont sensées voyager ensemble. Alors qu'il y en a une qui peut être sur la table d'opération pour faire certains changements, l'autre ne suit pas nécessairement. Votre réponse est très bonne. Le législateur a déjà prévu un certain regard du public dans votre comité, qui est l'équivalent de l'individu dans le système professionnel, un syndic, mais le problème, à mon sens, c'est qu'on a tellement calqué le Code des professions que c'est difficile de ne pas faire ces références-là. Mais il y a des différences inhérentes, et je pense que certains de vos arguments s'appliquent plus dans votre domaine que dans le domaine des professions régi par le Code des professions. Mais ça nous renvoie toujours à la case départ. Si le domaine des intermédiaires de marché, des courtiers d'assurances, c'est à ce point-là similaire au monde professionnel, similaire tellement qu'on fait un renvoi évolutif comme ça au Code des professions, pourquoi diantre ne pas inclure les intermédiaires de marché et les courtiers dans le Code des professions? Avez-vous une réflexion là-dessus?

M. Savard (Denis): La réflexion qu'on pourrait faire à ce stade-ci, en période de réouverture de la loi, tout nous portait à croire que l'évolution normale et naturelle, après la prise en charge, la responsabilisation totale au niveau de l'autodiscipline et de l'autogestion que la loi nous accordait en 1989, la seule partie qui manquait à nos associations – même si du côté de l'ACAPQ il y avait la réglementation au niveau déontologie – relevait de vous parce que c'était quelque chose qui était antérieur même à 1989. Nous osions espérer que la révision de notre loi professionnelle conduise directement soit à nous assimiler ou à faire en sorte de nous référer à l'Office des professions, ce avec quoi nous étions d'accord, ou tout au moins nous accorder le troisième attribut de l'ordre professionnel qui est l'autoréglementation et, à ce moment-là, on aurait été tout à fait en accord et en harmonie avec l'Office des professions pour faire non seulement l'autodiscipline et l'autogestion, mais aussi l'autoréglementation. Malheureusement, il semble à ce stade-ci que ce n'est pas la voie que le législateur entend adopter. Mais la loi n'étant pas déposée, nous attendons encore des modifications qui pourraient être dans le sens de la responsabilisation des individus professionnels qui exercent au lieu de la déresponsabilisation au profit des institutions financières.

M. Mulcair: C'est cette harmonie justement, M. le Président, que nous recherchons également. Avec mes collègues, on a pris bonne note des commentaires concernant le Mouvement Desjardins et on partage les préoccupations exprimées par nos témoins aujourd'hui. Je dois juste dire que non seulement nous aussi on souhaite la même harmonisation, mais j'ai maintenu avec vigueur la même position que celle qui vient d'être exposée concernant l'opportunité d'inclure les courtiers dans le giron du Code des professions. Je l'ai maintenue avec vigueur auprès de plusieurs intervenants, dont l'Inspecteur général des institutions financières qui, malheureusement, est parti travailler pour le Mouvement Desjardins depuis lors. Il va sans dire qu'il n'était pas d'accord avec notre position à cet égard. Je tiens à remercier énormément les deux associations pour leur présentation.

M. Boisclair: Il a remplacé Pierre Fortier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Mon collègue le député de Jacques-Cartier avait encore des questions, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Nicolet-Yamaska, il vous reste 2 min 45 s.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, rapidement, M. le Président, merci. Bonjour, M. Savard, bonjour, madame et messieurs. Juste une question assez rapide. Quand vous dites que les décisions disciplinaires... Et tantôt vous avez fait un peu l'historique depuis 1989, si j'ai bien compris, des dossiers. Il y en a eu sept, c'est ça que vous avez dit?

M. Savard (Denis): Ouais.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): C'est très peu de dossiers, sauf que vous avez parlé de mobilité à travers différentes provinces canadiennes et des renseignements qui sont demandés et, à ce moment-là, vous, dans votre recommandation, vous dites qu'il faudrait prévoir une exception à l'article 18, «pour permettre à des organismes comme le nôtre, mandatés de protéger le public, de divulguer des renseignements sur une personne», bon, etc. Est-ce que c'est avec l'approbation ou le consentement de la personne?

M. Savard (Denis): Je vais demander à Me Beaudoin.

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Je vous dirais pas nécessairement, là, parce qu'il s'agit de transmettre des informations dans le cadre de notre mandat de protection du public. Alors, comme vous le savez, il y a des ondes frontalières et il y a des gens qui exercent, par exemple, à la fois en Ontario, à la fois au Québec. Alors, il est quand même très important, pour un organisme qui doit veiller à la protection du public, d'obtenir des renseignements, à savoir si la personne est déjà inscrite pour exercer en Ontario, si cette personne a des antécédents disciplinaires, si cette personne viendrait, par exemple, de se faire radier et de perdre son droit d'exercice. Il est important qu'on le sache. Alors, c'est dans ce cadre-là. Il ne s'agit pas du tout de demander l'autorisation. On pense que c'est des renseignements qui sont liés à la mission de protection du public et qui sont liés aux conditions d'admission de la personne à la carrière.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Quand vous dites «qui sont d'ordre public», c'est ça que vous voulez dire.

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Oui, oui. Je parle de ces informations publiques là, à savoir, la personne avait-elle un certificat d'exercice? Vient-elle de le perdre et pour quelle raison?

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Puis en vertu de quoi est-ce que ça devient public? En vertu d'une loi?

Mme Beaudoin (Anne-Marie): C'est parce que l'organisme responsable de l'encadrement des agents et des courtiers d'assurances de l'Ontario, qui s'appelle, par exemple, le RIBO, pour les courtiers d'assurances, lui, maintient un registre public et a toutes ces informations-là sur ses membres. Alors, il a le même ou un statut équivalent au nôtre, dans sa mission et dans son rôle. Donc, il est important, si un de ses membres ou de ses ex-membres décide de venir exercer au Québec, que ces deux organismes, qui ont des missions semblables, puissent se transmettre l'information.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Votre réponse me va très bien, sauf que je me demande en vertu de quelle loi ça doit être public ou ça devient public?

Mme Beaudoin (Anne-Marie): Bien, si on parle d'une personne qui était inscrite dans un registre officiel d'intermédiaires de marché, si elle cesse de l'être, l'information devient publique. Et, si les motifs sont en lien avec les exigences de certification au Québec, l'information m'apparaît publique également. Par exemple, s'il s'agit d'une décision disciplinaire, c'est public.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Moi, je veux revenir sur la question de consentement, et qui consent à quoi, quand. Vous avez soulevé certaines problématiques, dans votre mémoire, mais si vous pouviez m'expliquer davantage le processus de consentement. Est-ce que ça varie selon la nature de la police d'assurance? Assurer la vie, j'imagine qu'on tombe dans des renseignements médicaux qui sont très sensibles. Assurer ma voiture, peut-être que c'est d'autres genres de renseignements qui sont nettement moins sensibles. Alors, pouvez-vous juste m'expliquer un petit peu les genres de renseignements que vous devrez traiter et c'est quoi, la problématique, dans le domaine des formulaires de consentement, notamment?

M. Savard (Denis): M. Séguin peut...

(11 heures)

M. Séguin (Claude): Dans la vie de tous les jours, un formulaire de consentement, ça vise trois choses, nommément. Il doit y avoir l'objet du consentement. Alors, si on parle d'assurance de dommages, l'objet du consentement est de communiquer de l'information et de permettre au courtier ou à l'agent de divulguer cette information-là, mais toujours pour l'objet du consentement. Alors, les gens acceptent généralement de signer ce consentement-là parce qu'un courtier d'assurances, à partir du moment où il reçoit de l'information privée ou confidentielle sur un client, de par sa nature, lui, il se retourne auprès de plusieurs compagnies d'assurances et divulgue des informations. Alors, à partir du moment où son mandat lui est donné par un client de l'assurer, déjà il y a un consentement qu'il faut qui soit donné. Et le client qui ne veut pas donner de consentement, on est pris entre la loi et le mandat qui nous est donné, versus un client qui ne veut pas qu'on divulgue l'information. Alors ça, c'est un problème pour les courtiers d'assurances, sauf que le côté mandat, il est là aussi. Alors, c'est le côté difficile. Puis on est à se poser la question: Un client qui refuse de signer un consentement, qu'est-ce qu'on fait avec un client comme ça?

M. Kelley: Je pense qu'à la fois ils vous demandent de l'assurer, mais sans vous donner les outils nécessaires pour faire ça. Est-ce qu'il y a – vous avez mentionné ça dans votre conclusion – un rôle accru pour la Commission d'accès à l'information pour mieux expliquer? On a discuté longuement, devant cette commission... parce que notre Commission d'accès à l'information a plusieurs mandats, comme tribunal, comme enquêteur, mais également comme conseiller ou quelqu'un qui donne l'information au public. Donc, avez-vous des recommandations un petit peu plus précises à nous donner quant au rôle que la Commission peut jouer pour aider vos courtiers à faire leur travail?

M. Séguin (Claude): C'est bien évident que, si les gens étaient mieux informés sur la protection que leur accorde un formulaire de consentement, ça ferait que les gens seraient plus réceptifs à le signer. Parce que, une première réaction du consommateur, c'est de dire: Là, tu veux que je te donne la permission de transmettre mes informations à tout le monde, alors que c'est l'inverse, alors qu'on veut les informations confidentielles. Ce qu'il faut absolument, c'est que l'information circule, quel que soit le véhicule, à l'effet qu'il y a des informations qui sont confidentielles pour un objet, la transaction qui est demandée, et il faut naturellement que nous autres, on puisse la transmettre à d'autres personnes. Mais il faut que ça soit perçu par le consommateur comme vraiment une sécurité au niveau de la confidentialité de ces renseignements, du dossier qui lui appartient dans nos bureaux. Alors, ça, je pense que c'est le message qu'il faut passer aux consommateurs et que la Commission d'accès à l'information pourrait diffuser.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Alors, comme le temps dévolu aux partis est écoulé, je remercie l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec et l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission. Maintenant, j'invite l'Office des personnes handicapées du Québec à s'approcher de la table des témoins. Alors, M. Lazure, qui est un habitué de ces commissions parlementaires là, mais de l'autre bout de la table, je voudrais vous inviter à présenter les gens qui vous accompagnent, en vous disant que nous avons 50 minutes ensemble, parce que ça a commencé un peu en retard ce matin à cause des gens qui étaient bloqués sur le pont. C'est bien que les gens de Montréal apprennent qu'on bloque sur les ponts, ici aussi, à Québec, c'est très bien. Alors, je vous invite à prendre la parole, normalement autour de 15 à 20 minutes et, ensuite, je répartirai le reste du temps entre les deux partis.


Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

M. Lazure (Denis): Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, à ma droite, Mme Anne Hébert, qui est la directrice adjointe de la direction Évaluation, intervention et programmes, à l'Office, et à ma gauche, Me Benoit Coulombe, du service juridique de l'Office.

Je veux d'abord vous remercier, je remercie la commission, de nous avoir invités, et je procède tout de suite à la lecture. C'est un mémoire qui n'est pas très long, d'autant plus que c'est un texte qui est déjà connu puisqu'il a déjà été présenté à quelques reprises dans le passé. C'est en 1978 que, suite à l'adoption unanime de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, l'Office des personnes handicapées a été créé. Donc, l'Office a comme principales fonctions la coordination et la promotion des services pour les personnes handicapées en vue de favoriser leur intégration sociale, professionnelle et scolaire. C'est à ce titre que l'Office est intervenu en 1992, 1994 et plus récemment en 1996, auprès de la Commission d'accès à l'information dans le cadre du processus de révision quinquennal des deux lois qui régissent l'accès à l'information, pour proposer un certain nombre de modifications ayant pour objet de permettre ou de faciliter aux personnes handicapées l'exercice des droits prévus à ces lois.

La Commission d'accès à l'information a reconnu le bien-fondé des interventions de l'Office et a formulé une recommandation à l'effet que, et je cite: «Que la loi sur l'accès et la loi sur le secteur privé devraient reconnaître les besoins particuliers des personnes handicapées selon des modalités à être déterminées par le législateur.» Alors, c'est à la page 102 du rapport de la Commission. L'Office désire, par son mémoire, appuyer cette recommandation et réitérer ses propositions de modification aux deux lois.

Depuis 20 ans, les personnes handicapées prennent de plus en plus leur juste place comme citoyens actifs et engagés de la société québécoise. Aidées par l'adoption de lois comme la Charte des droits et libertés de la personne et la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, les personnes handicapées ont également réussi à se voir reconnaître le droit des services adaptés à leurs besoins. La situation n'est pas pour autant sans mettre en évidence les nombreux problèmes que ces personnes doivent surmonter pour jouir des mêmes avantages et droits que les citoyens en général. L'accès à l'information, sous ses formes variées, demeure une préoccupation majeure, incluant principalement l'accès à l'information gouvernementale.

Des projets intéressants ont été réalisés en matière de services d'interprétation visuelle et tactile et, dans une moindre mesure, dans le cas du sous-titrage des émissions télévisées. Malheureusement, les autres formes de médias adaptées sont peu présentes au point de vue de l'information gouvernementale, c'est-à-dire traduction en braille, documents en gros caractères, imprimés en langage simplifié. Les droits fondamentaux d'accès à l'information et de respect de la vie privée ont été reconnus à tous les citoyens du Québec par l'adoption des deux lois. Or, pour une personne handicapée, il y a une différence entre posséder des droits et pouvoir les exercer. Bien souvent, l'exercice de certains droits prévus aux deux lois lui est rendu difficile, voire impossible, à cause de sa ou de ses déficiences. En effet, les droits que l'on retrouve dans ces lois n'y sont pas aménagés de façon particulière pour les personnes handicapées.

L'Office propose donc de modifier les deux lois de façon à permettre aux personnes handicapées de jouir sans discrimination ni privilège des droits qui y sont prévus. Cette opération serait conforme avec l'application de plus en plus générale et sanctionnée par les tribunaux en matière de droits de la personne, du principe suivant lequel l'identité de traitement des personnes ne correspond pas nécessairement à une égalité de traitement. Il faut en conséquence instaurer des mesures dites d'accommodement en fonction des besoins particuliers que peuvent éprouver certaines catégories de citoyens dans l'exercice de leurs droits. Il s'agit là de l'expression d'un souci d'équité sociale aux termes duquel les personnes handicapées doivent être mises sur un pied d'égalité pour exercer leurs droits.

Alors, nos propositions se rapportent aux situations vécues par les personnes handicapées selon leur type de déficience, et nous avons identifié quatre principaux types de déficience. D'abord, déficience visuelle. Il s'agit d'environ 137 000 personnes qui ne peuvent lire l'imprimé. Pour que ces personnes puissent exercer des droits que les deux lois leur confèrent, les documents imprimés doivent leur être rendus intelligibles. Différents moyens s'offrent pour ça: lecture ou enregistrement de documents; fourniture d'un appareil d'aide visuelle et, finalement, transcription en braille.

Pour le deuxième groupe ayant une déficience auditive, environ 269 000 personnes, ou de la parole, qui ne peuvent comprendre ou émettre un message oral, parlé ou enregistré, encore là, l'exercice des droits de ces personnes suppose le recours à divers outils de communication tels que transcription en imprimé, sous-titrage et téléscripteur.

Troisième groupe. Situation des personnes ayant une déficience motrice qui ne peuvent franchir certains obstacles architecturaux: au-delà de 500 000 personnes. Pour que ces personnes puissent consulter sur place un document ou une liste de classement, cela suppose leur localisation en des endroits accessibles.

(11 h 10)

Quatrième groupe. Situation des personnes ayant une déficience intellectuelle qui peuvent difficilement saisir le sens de certains documents: au-delà de 220 000 personnes. Dans une certaine mesure, cette situation peut être corrigée grâce à l'assistance du responsable ou d'un professionnel qualifié.

En vue de couvrir les situations décrites plus haut, l'Office recommande donc ce qui suit concernant les deux lois:

1° ajout d'une définition de personne handicapée;

2° obligation de fournir tout document ou de communiquer un renseignement sous une forme adaptée à la personne handicapée sérieusement restreinte dans sa capacité de lire ou d'entendre;

3° obligation de prêter assistance à la personne handicapée restreinte dans sa capacité de comprendre; et

4° localisation des dossiers dans des endroits accessibles et, à défaut, exemption du paiement de tout frais.

Alors, l'annexe 1 à notre mémoire illustre de façon concrète les adaptations possibles à la loi sur l'accès qui permettraient l'actualisation de nos recommandations. Il est à noter que ces propositions de modifications législatives sont proposées à titre purement indicatif et n'ont fait l'objet d'aucune consultation. Des modifications similaires pourraient être apportées à la loi sur le secteur privé.

En conclusion, M. le Président, membres de la commission, M. le ministre, l'importance de l'État, dans la vie des citoyens, a comme résultat que l'accès à l'information gouvernementale est essentiel et primordial. Les personnes handicapées, vu le peu de production de matériel adapté, n'ont pas la possibilité d'avoir accès au même niveau d'information que les autres citoyens. Or, c'est en étant mieux informé que chacun est en mesure de comprendre les effets des décisions gouvernementales, de revendiquer des droits et services, bref, d'agir comme un citoyen à part égale.

C'est pourquoi l'Office a relancé, ces derniers mois, auprès du ministère des Relations avec les citoyens, le projet d'une politique gouvernementale en matière de production de médias substituts ou, si on veut, en matière d'adaptation de l'information gouvernementale aux besoins des personnes handicapées. L'Office déplore le peu d'avancement qu'a connu ce dossier à ce jour et exprime le souhait que la mise en application des recommandations formulées dans le présent mémoire soit l'occasion non seulement d'assurer l'exercice des droits des personnes handicapées en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, mais aussi en matière d'information gouvernementale générale. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. Lazure. M. le ministre.

M. Boisclair: Oui, je voudrais vous remercier pour votre présentation. Vous m'excuserai, je devrai quitter puisque j'ai d'autres obligations. Ma collègue de Rimouski va poursuivre la discussion. J'avais déjà été sensibilisé par une lettre du président de l'Office aux questions que vous soulevez. Donc, le point de vue, pour moi, il n'est pas nouveau. Vous avez eu l'occasion de m'écrire, il y a de ça quelques mois, sur cette question. Et je vous avais fait savoir, à l'époque, que la révision quinquennale – qui est maintenant en oeuvre – serait une occasion de faire le point sur cette question.

Tout en comprenant bien que le nombre de personnes qui sont lésées dans leurs droits n'est pas un critère pour évaluer la pertinence d'accorder un droit ou pas, je voudrais savoir si, dans le quotidien des choses, l'Office, véritablement, reçoit soit des plaintes ou des gens qui s'inquiètent du fait que les documents qu'ils souhaitent obtenir ne sont pas accessibles, soit en braille ou dans un format qui leur convient, ou parfois, qu'ils ne peuvent pas aller sur les lieux pour réclamer le document. Donc, est-ce que vous pouvez documenter cette question, avec la réserve que j'émettais d'entrée de jeu?

M. Lazure (Denis): Oui, M. le Président. Je citerai un exemple assez majeur qui a été porté à ma connaissance et qui touche l'information gouvernementale. Il y a environ un an, le Conseil supérieur de l'éducation a présenté à la ministre de l'Éducation un état de la situation et des recommandations concernant l'enseignement adapté aux enfants handicapés. On a reçu, dès les jours qui ont suivi la parution du texte, des demandes de groupes de personnes handicapées, nommément des aveugles, qui ont dit: «Est-ce qu'on peut avoir une version en braille de ce texte?» Alors, je me suis empressé de téléphoner à celle qui était directrice présidente intérimaire du Conseil supérieur de l'éducation à l'époque, et elle m'a dit: «C'est vrai, on a oublié la traduction en braille.» Alors, elle m'a dit: «Je vous rappelle.» Elle me rappelle quelques jours plus tard: «Ce n'est pas possible, on n'a pas les fonds.» Alors, moi, j'ai dit: «Demandez donc à la ministre qui est responsable du Conseil supérieur de l'éducation. Dans le ministère de l'Éducation, il doit y avoir quelques centaines de dollars pour payer cette traduction en braille.» On me rappelle, ce n'est pas possible. Et ce n'est que plusieurs mois plus tard que, grâce à la compréhension d'un sous-ministre adjoint de l'Éducation, nous avons pu avoir la traduction en braille payée par le ministère de l'Éducation.

M. Boisclair: Ce qui est en cause, c'est la politique d'information gouvernementale, ce n'est pas la loi d'accès. Ce sont deux choses, parce que...

M. Lazure (Denis): D'une part. Et, d'autre part aussi, c'est... D'habitude, les gens ne sont pas de mauvaise foi et ce sont des oublis, en général.

M. Boisclair: Parce que les documents à caractère public devraient être disponibles en vertu de la politique de l'information gouvernementale. Ils devraient être disponibles, entre autres, en braille. Les grandes politiques du gouvernement, ça, c'est une chose.

M. Lazure (Denis): Absolument. Mais ils ne le sont pas.

M. Boisclair: C'est un autre débat.

M. Lazure (Denis): Mais ils ne le sont pas.

M. Boisclair: Non, je vous comprends bien. Mais ce n'est pas l'objet, non plus, de la commission, du rapport quinquennal. Les documents publics qui sont diffusés, les énoncés de politique, ces documents qui sont, par définition, publics, sur lesquels il n'y a pas de litige, devraient être, en fonction d'autres lois, disponibles.

Ce que je veux savoir sur la question des gens qui se sont prévalus des dispositions de la loi d'accès, c'est s'il y a eu des difficultés.

M. Lazure (Denis): Peut-être que je demanderais à Me Coulombe s'il a des exemples concrets.

M. Coulombe (Benoit): On n'a jamais reçu des plaintes spécifiques de droits non respectés en vertu de la loi sur l'accès pour des raisons, je pense, bien évidentes. C'est que, la plupart du temps, ce qui va arriver, ça va être le parent de la personne handicapée ou ça va être un ami ou quelqu'un qui va devoir prendre le relais et qui va demander, à ce moment-là, qui va consulter le document qui est demandé ou quoi que ce soit pour arriver au résultat que la personne handicapée puisse avoir la connaissance de son dossier ou avoir accès à un document. Donc, c'est probablement pour cette raison qu'il n'y a pas de plaintes en tant que telles qui sont reçues à l'Office, parce que les gens se débrouillent un peu comme ils peuvent, avec leur environnement autour d'eux.

M. Boisclair: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci. Bonjour, M. Lazure. Merci d'être là ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Moi, j'ai parcouru rapidement votre mémoire, parce qu'on vient de le recevoir et, à la page 4, vous parlez des personnes ayant une déficience intellectuelle. Et vous soulignez le fait que certaines d'entre elles peuvent avoir des difficultés pour comprendre, saisir ce que certains documents peuvent contenir en termes d'information. Mais, soit dit en passant, il n'y a pas que les personnes handicapées intellectuelles qui peuvent avoir ce type de difficulté. Je pense, entre autres, à toute la population analphabète ou pratiquement analphabète qui peut avoir le même type de problème. Mais ça n'exclut pas que votre clientèle ait ce type de problème là.

Vous dites que ça peut être corrigé par l'assistance d'un responsable ou d'un professionnel qualifié, hein. Alors, vous recommandez d'avoir l'obligation de prêter assistance à la personne handicapée restreinte dans sa capacité de comprendre. J'aimerais vous entendre là-dessus parce que... Est-ce que vous voulez que la loi prévoie l'assistance d'un professionnel qualifié ou... Qu'est-ce que fait l'Office des personnes handicapées par rapport à ça, par rapport à sa clientèle ayant une déficience intellectuelle? Est-ce qu'elle amène déjà un support, est-ce qu'il y a des organismes, au Québec, qui amènent un support, ou si la personne handicapée est laissée à elle-même, et là vous voulez que dans la loi on prévoie quelque chose? Et il n'y aurait pas des risques que quelqu'un soit nommé par la Commission puis qu'il n'y aurait pas conflit d'intérêts ou...

M. Lazure (Denis): Pour la situation actuelle, l'Office a une quinzaine de bureaux régionaux, dont un dans votre comté, Mme la députée, à Rimouski.

Mme Charest: Oui, M. Lazure. Ha, ha, ha!

M. Lazure (Denis): Et notre personnel, même s'il s'agit de personnel réduit, trois, quatre, cinq personnes par bureau régional, intervient souvent pour aider des personnes déficientes intellectuelles, par exemple, dans la compréhension de textes. Mais ce que nous demandons plus spécifiquement par rapport aux deux lois, je vais laisser Me Coulombe, peut-être, préciser.

(11 h 20)

M. Coulombe (Benoit): C'est comme j'expliquais tantôt à M. le ministre: souvent, les personnes vont se débrouiller avec leur environnement, un ami de la famille ou un parent. Alors, ce que l'Office demande, c'est qu'il y ait une obligation... Même si nos bureaux régionaux le font, quand on parle de rendre accessible l'information gouvernementale, ce n'est pas un devoir ou un rôle de l'Office, fondamentalement. C'est la loi sur l'accès à l'information de la Commission d'accès à l'information et le rôle du gouvernement en général de rendre ses publications accessibles. Donc, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une obligation bien précise, dans les deux lois parce que, déjà dans la loi sur l'accès, le responsable de l'accès à l'information dans un ministère ou dans un organisme a certaines obligations qui sont bien prévues. Alors, ce qu'on demande, c'est d'ajouter une obligation de porter assistance à la personne handicapée d'une façon intellectuelle.

Mme Charest: Je comprends ça. Mais comment vous allez opérationnaliser ça? C'est ça que je veux savoir, comment vous voyez cette opérationalisation-là? Parce que, comme le dit si bien M. Lazure, moi, je suis à Rimouski et j'ai un problème de déficience intellectuelle, je ne comprends pas quelque chose qui m'est fourni comme information, et comment, avec cette recommandation-là, je vais être assurée d'avoir un service comme celui que vous réclamez? C'est ça que j'essaie de voir. Parce que la Commission d'accès à l'information n'a pas de bureaux régionaux. On s'adresse directement ici à Québec et on a des échanges, soit par téléphone, par télécopieur ou par courrier. Écoutez, ce n'est pas en personne même que généralement on reçoit les services pour faire appliquer les deux lois.

M. Coulombe (Benoit): Je vais vous référer à la proposition indicative qu'on soumet à la page 2 de l'annexe 1, où on voit l'article 44 de la loi qui dit «que le responsable – c'est le responsable de l'accès à l'information qui est désigné dans chaque ministère ou organisme – doit prêter assistance pour la formulation d'une demande ou l'identification du document demandé à toute personne qui le requiert» et le paragraphe en caractères gras est une proposition de l'Office, justement, pour obliger les responsables. Et ça, un responsable, il y en a dans chaque ministère et organisme responsable de l'accès à l'information. Alors, c'est comme ça qu'on voit l'opérationalisation de cette mesure-là.

M. Lazure (Denis): Mme Hébert, vous voudriez ajouter?

Mme Hébert (Anne): Oui. Il existe dans chacune des régions aussi des organismes qui sont en lien avec cette clientèle-là et souvent ont développé une expertise sur le langage simplifié, et le responsable pouvait entrer en contact avec ses ressources. Souvent, la demande va aussi passer par la ressource. Je pense, entre autres, au centre de réadaptation à Québec, l'Institut des sourds de Charlesbourg, qui ont développé une expertise dans le langage simplifié qui peut être un point de relais avec le responsable de la loi à l'accès. Donc, il existe un peu partout des ressources qu'il est possible d'utiliser.

Mme Charest: Alors, c'est bien. Je vous remercie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, on veut souhaiter la bienvenue à M. Lazure et aux personnes qui l'accompagnent. En faisant la lecture de votre mémoire, peut-être une chose que je trouve manquante dans tout ça, c'est juste un niveau d'urgence ou de priorité de ce dossier en comparaison avec la grande liste des choses que nous devrons faire pour mieux adapter notre société pour les personnes handicapées. Moi, je pense, entre autres, à chaque année à notre école primaire; il y a une lutte entre parents pour avoir assez de temps pour l'aide à l'enfant qui est en classe dans nos écoles primaires de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, et c'est toujours déchirant. L'enfant qui est aveugle, est-ce que ses besoins sont moindres ou plus que l'enfant qui est sourd? Alors, sur le terrain, c'est comme ça. Alors, est-ce qu'on donne quatre heures pour l'enfant sourd et trois heures pour l'enfant aveugle par semaine? Comment est-ce qu'on va répartir le temps, parce qu'il n'y a pas assez de ressources? Ça, c'est dans une commission scolaire qui est très engagée dans l'intégration de ces enfants.

Moi, je pense, entre autres, aux besoins des familles et des proches des personnes handicapées qui ont besoin de répit. Un dossier qui a fait les manchettes récemment, c'est le procès de M. Latimer, devant la cour à ce moment-ci. Alors, ça c'est des grand enjeux, les besoins sont énormes. Alors, dans tout ça, oui, je comprends qu'on puisse peut-être mieux adapter notre système d'accès à l'information. Il y a même eu d'autres groupes qui sont venus dire que, pour le consommateur moyen, déjà l'accès est très difficile. Parce qu'on ne connaît pas nos droits, pas juste pour Mme Tout-le-Monde, mais avec toutes les priorités avec lesquelles que vous devrez composer jour après jour, est-ce que c'est vraiment urgent ou est-ce qu'il y a d'autres besoins nettement plus essentiels dans un moment où il y a rareté des ressources? À quel niveau est-ce que vous donnez la priorité? Est-ce que c'est une cote 1 ou une cote 2 ou une cote 3, si vous me suivez?

M. Lazure (Denis): M. le Président. Oui, je vous suis, M. le député. On a tenté d'avoir des chiffres sur les coûts de services adaptés d'informations gouvernementales au gouvernement fédéral – parce qu'au gouvernement fédéral ils ont une avance sur le Québec – en tout cas, c'est depuis 1992 qu'ils ont adopté des politiques pour rendre leur information gouvernementale adaptée aux besoins des personnes handicapées. On n'a pas réussi encore à avoir des chiffres. On ne laissera pas tomber mais, d'après ce qu'on peut voir, il ne s'agit pas de sommes énormes. Je pense qu'il s'agit de profiter de l'occasion de cette révision de deux lois pour inclure des modifications qui feront penser au législateur puis aux fonctionnaires, qui feront penser aux gens qu'il y a un pourcentage de nos concitoyens qui n'ont pas accès à l'information telle que nous la livrons à tout le monde. Ne serait-ce que comme un rappel qui serait fait.

Autre commentaire. Mme Hébert, tantôt, décrivait que, un peu partout dans les régions du Québec, il y a des ressources, que ça soit dans les centres de réadaptation du réseau de la santé et des services sociaux ou dans d'autres regroupements, qui sont capables d'aider les responsables de l'accès à l'information dans chaque ministère et organisme. Il y en a, des ressources. Donc, il ne s'agit pas de mobiliser des grosses sommes, quant à nous, mais il s'agit surtout de profiter de cette occasion pour mettre à date nos textes législatifs puis s'imposer, comme gouvernement, le devoir de fournir une information adaptée aux besoins des personnes handicapées.

M. Kelley: Oui, je comprends ça, mais au-delà, quand on parle d'avoir un accommodement ou d'avoir quelqu'un pour accommoder, des fois ça peut devenir un petit peu plus dispendieux. Je comprends, règle générale, qu'on puisse avoir accès, entre autres, aux grands projets du gouvernement en priorité: les livres blancs, les livres verts, l'échange de documents comme ça. Comme tout citoyen, pour participer au débat sur la réforme de la politique familiale, par exemple, avoir accès à ces genres de documents, c'est primordial et prioritaire, à mon avis.

Je pense que c'est toujours bon de rappeler à la Commission d'accès à l'information, dans la mesure du possible, de rendre leurs décisions accessibles. Mais elles ne sont pas écrites dans un langage accessible en soi. Comme non-avocat, en prenant le recueil de leurs décisions, ce n'est pas toujours évident de lire ça. Certaines des présentations qui sont même faites devant cette commission ne sont pas toujours très accessibles. Alors, c'est dans ces recommandations que je trouve à quel point c'est vraiment un dossier prioritaire, en tenant compte de tous les autres besoins qui, à mon avis, sont beaucoup plus importants, comme la question du répit, comme la question de l'intégration des jeunes dans nos écoles qui sont... Si, moi, comme législateur, j'ai des emphases à mettre, je les mettrais là, plutôt que de travailler beaucoup sur le dossier ici.

M. Lazure (Denis): M. le Président, je m'en voudrais de ne pas aussi souligner que les commissions scolaires dont le député parle sont exemplaires, au Québec. Les commissions scolaires dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal et quelques autres commissions scolaires au Québec sont à l'avant-garde quant à l'intégration des enfants handicapés dans les classes régulières. Bon. Si vous voulez absolument me faire dire: Est-ce que c'est plus prioritaire de dépenser des millions de dollars pour l'intégration scolaire, deuxièmement, pour la préparation au monde du travail, troisièmement, pour la création de l'emploi? Je vous dirais que ces trois choses-là sont plus importantes que celle-ci, si vous me forcez à faire un choix. Mais je ne voudrais pas être forcé de faire un choix, parce que ça me fait penser un peu – j'y ai fait allusion – à la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées qui a été adoptée en 1978, unanimement. C'est bien sûr que, quand on parlait de l'accès au transport adapté, par exemple, pour toutes les personnes handicapées, on aurait pu dire et on a entendu des gens dire: Mais ça va coûter une fortune. À l'époque, le gouvernement québécois dépensait 200 000 $ par année pour le transport adapté, 200 000 $ par année. Aujourd'hui, c'est 35 000 000 $, à peu près. Voyez-vous. Mais ça a été de façon très graduelle, et j'utilise la même comparaison avec une loi. Il ne s'agit pas, quant à nous, à l'Office, ni pour les personnes handicapées, de vouloir tout traduire l'information gouvernementale du jour au lendemain en braille, par exemple, mais il s'agit, comme vous le dites... L'Office est là comme une espèce de conseiller auprès des ministères et des organismes. L'Office est là pour aider à faire une certaine liste de priorité sur les documents qui devraient être adaptés.

(11 h 30)

M. Kelley: Juste en conclusion. Je ne veux pas vous forcer à trancher, mais c'est juste qu'il y avait beaucoup de groupes qui sont venus pour indiquer certaines failles dans le fonctionnement de la Commission. Alors, c'est juste que, parmi les failles, des défauts que nous avons trouvés dans le fonctionnement de la Commission, je veux savoir: Est-ce que c'est vraiment flagrant, est-ce que c'est quelque chose... et est-ce que, selon vous, ça prend des sommes modestes pour améliorer la situation? Ça, j'en conviens, c'est juste, dans la liste, des suggestions, des recommandations qui sont faites sur le fonctionnement de la Commission d'accès à l'information, quelle urgence ou priorité vous accordez aux recommandations qui sont dans votre mémoire. Merci, M. le Président.

M. Lazure (Denis): Oui. J'ajouterais, M. le Président, une dernière remarque là-dessus. On trouverait dommage, à l'Office, que le gouvernement ne saisisse pas cette occasion pour l'inscrire dans les deux lois, parce que la Commission d'accès elle-même l'a recommandé, voyez-vous. Alors, on comprendrait mal que ça ne soit pas, finalement, inscrit dans les deux lois.

Mme Charest: M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Bien, M. le Président, je vais faire un commentaire. Je tiens tout d'abord à rassurer les membres de l'Office: je pense que le gouvernement tient cette commission justement parce qu'on veut vous entendre et voir vos préoccupations et en tenir compte. Ça, c'est une chose, et je voudrais revenir sur le commentaire de mon collègue de Jacques-Cartier. Je pense qu'on n'a pas à faire le débat entre le choix pour donner certains types de services à la clientèle des personnes handicapées, comme celui de répit, et tout ça. Ça, c'est une chose, et je pense qu'on reconnaît tous l'importance de ce type de service.

Par ailleurs, ce qui est aussi important, je pense, c'est de donner la possibilité aux personnes handicapées d'avoir accès à des renseignements, surtout quand ça concerne leur dossier personnel; ça, c'est majeur, c'est fondamental, et je pense que là-dessus on ne peut pas faire de choix. Ce sont deux choses totalement différentes, pour lesquelles c'est tout aussi important, dans chacun de leurs créneaux comme tels. Et je pense que, là-dessus, c'est autre chose aussi que la question de l'accès aux documents, aux documents gouvernementaux; je pense qu'il faut distinguer, là, l'accès aux informations par rapport à son dossier personnel et l'accès à tout ce qui existe, en termes de documents, dans le secteur public, parapublic, ou même dans le domaine privé, qui sont des documents auxquels tout individu, quel que soit son pedigree – excusez le terme – a droit d'avoir accès.

Alors, là-dessus, je ne voudrais pas qu'on mette en concurrence des droits et des besoins, et qu'on tente de faire choisir, autant à l'Office qu'au gouvernement, ce qu'on privilégie en premier. Je pense qu'il faut traiter les choses dans ce qu'elles sont, pour ce qu'elles sont, et de façon distincte. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va? Merci infiniment, M. Lazure, merci à Me Coulombe et à Mme Hébert, merci de votre contribution aux travaux de notre commission, et nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures, ou après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 15 h 42)

La Présidente (Mme Léger): À l'ordre, s'il vous plaît. On va commencer les travaux qui consistent à procéder à la consultation générale et à ternir des audiences publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

Alors, j'inviterais le Barreau du Québec, s'ils veulent s'avancer, s'il vous plaît.

(Consultation)

La Présidente (Mme Léger): Alors, on vous demanderait, s'il vous plaît, de vous identifier et de prendre un 10 ou 15 minutes seulement, parce que le temps avance.

M. Boisclair: Mme la Présidente, avant que les gens du Barreau prennent la parole, est-ce que nous pouvons peut-être convenir de terminer un peu plus tard ou si les députés ont des obligations après 18 heures?

M. Kelley: Notre formation a un caucus à 18 h 15.

M. Boisclair: O.K. Donc, il faut reprendre le temps perdu.

M. Kelley: Oui, malheureusement.

M. Boisclair: D'accord. Si vous aviez donné un consentement...

La Présidente (Mme Léger): Alors, le Barreau du Québec.


Barreau du Québec

M. Francoeur (Serge): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Serge Francoeur; je suis bâtonnier du Québec. Je suis accompagné, à ma droite, de Me Marc Sauvé, du Service de recherche et législation du Barreau; et, à mon extrême gauche, de Me Jules Brière et de Me Marie St-Pierre.

Le Barreau du Québec constitue l'ordre professionnel des avocats dont le mandat est la protection du public. À titre d'institution, le Barreau veille au respect du principe de la primauté du droit, au maintien de l'indépendance judiciaire et de la séparation des pouvoirs, et favorise l'égalité de tous devant la loi tout en protégeant l'équilibre souvent précaire entre les droits du citoyen et les pouvoirs de notre État. Le Barreau défend les valeurs de liberté et de démocratie qui sous-tendent la protection des renseignements professionnels et le droit d'accès à l'information.

Depuis les 15 dernières années, nous sommes intervenus à plus d'une dizaine de reprises, soit sous forme de mémoires ou sous forme de lettres aux ministres concernés. Cela ne doit pas surprendre puisque, d'une part, la vie privée participe de la dignité humaine et est liée à l'autonomie individuelle qui constitue l'essence même de la liberté des individus.

Nous avons pris connaissance du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information et nous désirons vous faire part de nos observations. Plus spécifiquement, j'attirerai votre attention sur les points suivants: l'indépendance et l'impartialité de la Commission, le principe du cloisonnement des organismes publics, les nouvelles technologies et l'évaluation des impacts, l'adjudication et la représentation, la procédure de signification et d'avis au tiers, l'assujettissement des ordres professionnels aux dispositions portant sur l'accès à l'information et la protection des renseignements.

Le premier volet: l'indépendance et l'impartialité de la Commission d'accès. Le Barreau a exprimé ses préoccupations en regard de l'indépendance et de l'impartialité nécessaires à l'exercice des pouvoirs quasi judiciaires. Dans le cas de la Commission, la multiplicité des tâches qui lui sont confiées par la loi et, en particulier, la coexistence de fonctions d'enquêteur et d'adjudicateur constituent une source d'inquiétude pour le Barreau. La fonction principale de la Commission étant de rendre des décisions juridictionnelles, il est primordial que l'aménagement des fonctions administratives qu'elle assume respecte les standards élevés d'impartialité.

Actuellement, il nous semble que le cloisonnement entre les activités d'enquêtes et décisionnelles de l'organisme est insuffisant. Cette situation présente le risque que la Commission soit perçue comme étant à la fois juge et partie dans les affaires portées devant elle. Le législateur a voulu répondre partiellement à cette problématique soulevée par plusieurs organismes en les amputant de leur fonction juridictionnelle pour la confier en exclusivité au Tribunal administratif du Québec. En raison de la nature de son mandat, la Commission ne peut être assimilée à un organisme administratif et, en conséquence, les décisions ne sont pas susceptibles d'appel devant ce tribunal. D'autres moyens doivent dès lors être pris pour répondre à toute appréhension d'impartialité institutionnelle.

L'appui que prend la Commission sur une décision de la Cour suprême pour justifier l'exercice qu'elle fait de plusieurs fonctions ne nous rassure pas. Il s'agit pour nous d'un idéal de justice à défendre et non d'une stricte question de légalité. La coexistence des rôles d'adjudicateur et d'enquêteur ne peut subsister au sein de la Commission sans que des mesures crédibles de cloisonnement, propres à assurer une apparence d'impartialité institutionnelle pour l'exercice de la fonction juridictionnelle, ne soient adoptées et appliquées avec toute transparence.

Toute personne intéressée peut porter plainte devant la Commission sur une matière relative à la protection des renseignements personnels. À la suite d'une plainte, la Commission, après enquête, peut ordonner des mesures de redressement. Elle peut aussi voir à intenter elle-même ou à faire intenter par le Procureur général, dans le secteur privé, une poursuite pénale devant les tribunaux.

D'aucuns ont été amenés à constater certaines insuffisances procédurales dans la conduite des enquêtes et une confusion certaine dans le traitement des rapports d'enquête par la Commission. L'absence d'audition est difficilement compatible avec l'article 23 de la Charte des droits et libertés qui prévoit le droit à une audition publique devant un tribunal impartial. Un plaignant qui s'adresse à la Commission devrait toujours avoir le droit de voir son dossier déboucher sur une décision exécutoire du tribunal et non simplement sur une simple recommandation. De même, tout processus d'enquête devrait offrir à l'organisme interpellé les garanties procédurales fondamentales qui sont le droit à l'avocat et celui d'être entendu par les décideurs. Il faut aussi garder à l'esprit qu'il est important que les décisions juridictionnelles de la Commission soient rendues par des personnes ayant une formation juridique, en raison de la nature et de la complexité des questions.

(15 h 50)

La question du principe du cloisonnement des organismes publics. Le principe du cloisonnement des organismes publics en matière de renseignements personnels mérite plus que jamais d'être affirmé et appliqué dans toute sa rigueur. Nous sommes tout à fait d'accord avec la Commission d'accès. Ce principe pourrait être battu en brèche par la nouvelle tendance à favoriser les échanges de renseignements personnels entre les divers ministères et organismes gouvernementaux. Dans son rapport de 1981 sur l'accès à l'information gouvernementale et la protection des renseignements personnels, la commission Paré a posé un principe qui devait par la suite devenir une des pierres d'assise de la loi pour éviter que la vie privée des citoyens ne soit indûment menacée par l'État qui est appelé à exercer diverses missions.

De manière unanime, les membres de l'Assemblée nationale ont souscrit à ce principe du cloisonnement des organismes publics en adoptant, en 1982, la loi du secteur public. Quinze ans plus tard, alors que les craintes de la population à l'égard du respect de leur vie privée sont encore plus fortes et que les moyens informatiques à la disposition de l'État sont plus puissants, doit-on remettre en question ce principe? S'est-il produit, dans la société québécoise, un changement de valeurs tel qu'il faille en compromettre l'application? Le Barreau du Québec se permet d'en douter.

Le Barreau est intervenu, en 1996, au sujet du projet de loi n° 32, qui modifiait substantiellement, à l'égard du ministère du Revenu, les principes et les règles relatives à la communication de renseignements personnels entre organismes publics ainsi que le droit applicable au couplage, appariement et interconnexion de fichiers gouvernementaux informatisés. Bien que le Barreau souscrive aux objectifs du gouvernement visant à lutter contre le travail au noir et l'évasion fiscale, il considère nécessaire que les moyens mis en oeuvre ne compromettent pas les droits des citoyens au respect de leur vie privée.

Le volet III: Les nouvelles technologies et l'évaluation des impacts. Nous félicitons la Commission d'accès à l'information pour sa vision éclairée des enjeux qui découlent des nouvelles technologies, en regard de la vie privée. À l'instar de la Commission, nous croyons que les nouvelles technologies posent notamment le défi du respect, de la finalité, de la transmission des renseignements personnels. Comme nous l'avons déjà mentionné dans notre mémoire sur les cartes d'identité en février dernier, nous sommes d'avis que les promoteurs devraient soumettre leurs projets à un processus transparent et crédible d'évaluation des impacts avant d'appliquer une nouvelle technologie. Ces projets sont susceptibles d'affecter la vie privée des citoyens et citoyennes. Il est nécessaire, selon le Barreau du Québec, de les soumettre à un mécanisme d'audience publique.

Le volet IV de notre mémoire: L'adjudication et la représentation devant la Commission. Il est évidemment nécessaire de retrouver à la Commission d'accès des professionnels qui possèdent des expertises diverses et pertinentes. Dans l'intérêt du public, nous insistons pour que la personne qui décide des questions de droit ait une formation juridique. Dans la même veine, il est dans l'intérêt des justiciables de maintenir les règles actuelles concernant la représentation pour autrui devant les tribunaux. La Commission d'accès à l'information qui entend une plainte ou une demande constitue un tribunal et est appelée à trancher des questions de droit. Sur ces questions, les avocats offrent au public les garanties nécessaires. Nous nous opposons catégoriquement à la recommandation 47, qui propose d'amender la Loi sur le Barreau afin d'y préciser qu'il n'est plus du ressort exclusif des avocats d'agir ou de plaider pour autrui devant la Commission.

Elle propose que les organismes publics et que les entreprises puissent être représentés par l'un des leurs devant la Commission et que les personnes physiques puissent s'y faire accompagner par une personne de leur choix. La Commission recommande en conséquence d'ajouter un huitième alinéa à l'article 128 de la Loi sur le Barreau, afin d'y préciser qu'il n'est pas du ressort exclusif de l'avocat de plaider ou d'agir devant la Commission. Cette proposition de la Commission nous semble inacceptable pour plusieurs raisons. Si le législateur a cru opportun d'accorder aux avocats le droit exclusif de représenter autrui, c'est qu'il a considéré que l'intérêt le commandait.

En effet, en échange de ce droit de représentation, les avocats fournissent aux justiciables les garanties nécessaires de compétence, de déontologie et d'assurance- responsabilité. Le citoyen a un recours au syndic de l'Ordre en cas de faute disciplinaire. Les demandeurs d'accès, personnes physiques, peuvent toujours se représenter eux-mêmes devant la Commission d'accès. La même règle prévaut pour les associations ou les regroupements qui, pour ce faire, peuvent formuler leurs demandes au nom de leurs membres. Dans ce contexte, il est inexact de prétendre que la représentation par avocat devant la Commission empêche les usagers d'exercer leurs droits. Il y a lieu de mentionner que, contrairement à la situation qui prévaut en matière d'arbitrage, où les parties essentiellement procèdent à une forme de négociation ou d'argumentation, les processus d'adjudication devant la Commission d'accès à l'information sont éminemment juridiques puisqu'ils soulèvent généralement la question de savoir quelle est la portée de l'une ou l'autre des restrictions à l'accès.

De plus, comme elle le mentionne elle-même dans son rapport de mise en oeuvre, la Commission procède de plus en plus par le biais de la médiation pour régler les litiges. En fait, dans les statistiques, plus de 60 % des litiges de la Commission sont réglés dans le cadre de la médiation. Ce processus se fait sans que les parties ne soient tenues d'être représentées par avocat. Les dossiers qui donnent lieu à une audition devant la Commission sont, en règle générale, des cas où se posent des questions d'interprétation de la loi ou des questions de principe pour lesquelles il est opportun que l'organisme public ou l'entreprise interpellée soit représenté par avocat.

Enfin, rappelons que le législateur n'a pas jugé bon d'apporter une modification à l'article 128 de la Loi sur le Barreau en ce qui a trait aux recours portés devant le Tribunal des droits de la personne. Pourtant, ce tribunal joue un rôle analogue à celui à la Commission d'accès à l'information.

La procédure de signification et d'avis aux tiers, le cinquième point. Le Barreau exprime de sérieuses réserves en regard de la recommandation 31 de la Commission. La notification par voie d'avis public peut être autorisée seulement lorsque tous les efforts nécessaires pour rejoindre le tiers qui a fourni à l'organisme des renseignements demandés ont été faits à l'instar des dispositions du Code de procédure civile. Nous croyons que la procédure d'avis public doit demeurer l'exception.

L'assujettissement des ordres professionnels. Les ordres professionnels ne constituent pas des organismes publics au sens de la loi sur l'accès. Ils sont financés à même la cotisation de leurs membres et jouissent d'une autonomie de gestion. Bien qu'ayant un mandat principal de protection du public, les ordres ne constituent pas des démembrements de l'État, contrairement à ce que l'Office des professions soutient dans son mémoire. Les ordres, et plus particulièrement le Barreau du Québec, tiennent à leur indépendance et à leur caractère mixte conciliant à la fois la protection du public et le maintien d'une saine vie associative. Nous estimons que le Barreau doit être à distance critique de l'État. Il s'agit même là d'une condition de démocratie puisque le Barreau, comme institution, a notamment pour fonction sociale de surveiller la législation et de formuler ses commentaires et observations à la lumière des principes de justice et de droit.

Comment le Barreau pourrait-il jouer ce rôle de façon crédible à titre de démembrement de l'État? Quel serait l'impact d'une telle vision du Barreau sur l'image et le rôle des avocats aux yeux des citoyennes et citoyens? Si les ordres ne sont pas assujettis à la loi sur l'accès du secteur public, ils ne sont pas, non plus, assujettis à la loi du secteur privé. En effet, le 10 décembre dernier, dans l'affaire Dupré, la Cour supérieure a conclu que les ordres ne constituent pas des entreprises au sens du Code civil. La situation juridique actuelle applicable aux renseignements personnels contenus dans les dossiers que les ordres détiennent soulève diverses difficultés qui nuisent à l'exercice de notre mandat de protection du public.

Comme nous l'avons mentionné, nous pouvons, à première vue, accueillir favorablement la recommandation de la Commission d'accès concernant notre assujettissement à la loi du secteur privé en y apportant, toutefois, des amendements requis afin que cette loi tienne compte de la nature particulière, notamment pour protéger l'intégrité du régime disciplinaire. Nous sommes cependant sensibles au risque d'assimiler les ordres à des entreprises privées en les assujettissant à la loi du secteur privé. Cela pourrait entraîner une perception erronée ou une confusion quant à notre rôle de protection du public. Dans ce contexte, d'autres voies doivent sans doute être examinées, notamment l'aménagement d'un régime d'accès à l'information et de protection des renseignements à l'intérieur de notre Code des professions, tel que suggéré par notre Conseil interprofessionnel du Québec dans son mémoire. Cette voie semble mieux refléter la réalité des ordres professionnels en conciliant le droit d'accès à l'information et l'autonomie de gestion.

Comme le mentionne le Conseil interprofessionnel, rien n'empêcherait le législateur de prévoir, dans le Code des professions, une liste des documents administratifs concernant la protection du public. Déjà, le Code comporte des dispositions concernant la protection des renseignements personnels. Il s'agirait tout simplement de compléter ce régime.

En conclusion, nous demandons au législateur de donner suite, dans les meilleurs délais, aux recommandations de la Commission d'accès tout en tenant compte des commentaires que nous avons formulés et de ceux des divers intervenants intéressés. Nous vous remercions de votre attention, et j'aimerais simplement toucher un dernier point sur le droit d'appel à l'effet que nous sommes d'accord, et je pense que ce serait un avantage incommensurable, que les requêtes pour permission d'en appeler à la Cour d'appel soient abolies, comme nous avons fait, il y a quelques années, avec les évocations, pour simplifier la procédure et tout. Mais le droit à l'appel, selon nous, est important. Il a peut-être été utilisé – il y a eu des jugements importants qui ont été rendus – pour rendre les débats contradictoires ou des décisions contradictoires à la Commission, mais il faut comprendre que nous en étions dans nos premiers balbutiements. Il fallait que la jurisprudence se crée, et l'importance du droit d'appel est un principe que le Barreau défendra toujours. Mais la requête pour permission d'en appeler, nous avons déjà simplifié, dans des requêtes en évocation, et ça a vraiment aidé le débat. Je vous remercie.

Le Président (M. Gaulin): M. le bâtonnier, merci. Il nous reste une demi-heure, 15-15. M. le ministre.

(16 heures)

M. Boisclair: M. le bâtonnier, monsieur, madame, M. Brière, c'est un plaisir de vous voir tous, de revoir M. Brière qui, si ma mémoire est juste, a siégé au comité qui a donné lieu au rapport Paré, donc, qui nous apporte un éclairage qui est intéressant.

Je dois vous dire que vous venez renforcer un certain nombre de convictions qui commencent à se dessiner de façon assez claire à l'entour de la table, tant du côté ministériel que du côté de l'opposition, sur le problème de cumul des fonctions à la Commission. Vous venez peut-être nous compliquer la tâche sur la question de l'assujettissement des ordres professionnels puisque vous tenez un point de vue qui est différent de celui de l'Ordre des professions.

Je voudrais aborder la première question, qui est celle du cumul des fonctions. Vous nous dites: D'abord, faites une démonstration. Véritablement, vous vous inquiétez. Vous utilisez des expressions, quand même, qui ne laissent pas place à interprétation. Vous nous indiquez même que vous constatez certaines insuffisances procédurales dans la conduite des enquêtes, et aussi une confusion certaine dans le traitement des rapports d'enquête, et vous nous indiquez que la coexistence des rôles d'adjudicateur et d'enquêteur ne peut valablement subsister au sein de la Commission sans que des mesures crédibles et efficaces de cloisonnement propres à une apparence irréprochable d'impartialité institutionnelle pour l'exercice de la fonction juridictionnelle ne soient adoptées et appliquées avec toute la transparence nécessaire. Concrètement, on fait quoi? Cloisonner un organisme où il y a 44 personnes qui y travaillent, est-ce que c'est réaliste? Il faut que la Commission se départisse du mandat d'adjudication et qu'il soit transféré à une autre organisation. Est-ce que vous auriez l'amabilité de pousser votre réflexion et de nous en faire part?

Le Président (M. Gaulin): Mme St-Pierre.

Mme St-Pierre (Marie): C'est une tâche, effectivement, qui n'est pas simple. Nous avons exprimé, dans le mémoire, particulièrement, je pense, des craintes non pas que ça se réalise dans les faits, mais que ce soit perçu dans le public, chez une personne raisonnable, comme une situation difficile. À ce sujet, entre autres, je vous retournerais peut-être notamment aux pages 17, 18 de notre mémoire où nous avons, entre autres, soulevé la problématique que peut créer le fonctionnement au niveau des rapports d'enquête – lorsqu'il y a enquête évidemment – chez chacune des parties concernées, soit chez le plaignant, soit auprès de l'entreprise, le cas échéant. Les faits vont être recueillis et chacun aura l'occasion, en présence de l'enquêteur ou par une communication écrite, de faire part de ses observations mais sans que, par ailleurs, le tout ne débouche sur une audition, par exemple, ou à une rencontre où seraient en présence les parties des unes et des autres pour échanger, discuter ou faire des représentations, le cas échéant, sur les recommandations.

Et ce volet des fonctions de la Commission, lorsqu'il est opposé au volet où, par ailleurs, la personne concernée ou l'entreprise peut effectivement faire valoir dans le cadre d'une audition sa position, lorsqu'on est en présence d'une demande d'accès ou d'une demande de rectification, alors, si l'on oppose les deux processus alors que les mêmes personnes sont susceptibles d'intervenir, c'est à notre avis une situation où, en l'absence d'audition en matière d'enquête, il risque d'y avoir crainte de partialité.

Comment solutionner? Je ne pense pas qu'on puisse vous dire qu'on a nécessairement les recettes miracles ou des propositions spécifiques sauf que, peut-être, pourrait être envisagé, dans le cadre du processus d'adjudication tel qu'il existe, un cloisonnement au niveau des commissaires appelés à intervenir par rapport au reste du personnel, le cas échéant, de la Commission. Et, en matière de rapport d'enquête, peut-être faudra-t-il le cas échéant envisager que le processus débouche sur une audition devant un commissaire pour qu'il y ait réellement adjudication sur le problème visé.

M. Boisclair: On se comprend et on fait, sans doute, à peu près la même lecture des choses. Dans le cadre d'une demande d'accès ou d'une demande de rectification, est-ce qu'il serait opportun par exemple de confier, compte tenu de ce que vous avez dit sur le droit d'appel, de confier certaines responsabilités supplémentaires au Tribunal administratif du Québec?

M. Sauvé (Marc): Peut-être quelques commentaires là-dessus. Le Tribunal administratif du Québec, c'est vraiment un tribunal administratif qui, en fait, vise à trancher des litiges, des différends entre un organisme d'État, l'État et les citoyens, alors que le mandat de la Commission d'accès comporte aussi tout le volet secteur privé qui n'implique pas la question de l'État et des citoyens. Donc, ça, c'est un élément important. Un autre élément aussi, une caractéristique qui n'est rien pour arranger votre problème, M. le ministre, c'est que les membres de la Commission d'accès relèvent de l'Assemblée nationale, donc, une particularité additionnelle.

M. Boisclair: Les commissaires pourraient cependant demeurer pour la seconde fonction que madame expliquait beaucoup tout à l'heure en cas d'enquête et faire en sorte qu'il y ait une audition et que les parties puissent se faire entendre et que la Commission rende une ordonnance qui ait une forme d'audition. Je comprends que ses commissaires sont, bien sûr, nommés par l'Assemblée nationale. Je comprends que les gens au TAQ sont nommés sur une procédure différente. Je vous pose directement la question: Est-ce que c'est possible, sur le plan administratif, de cloisonner un organisme qui compte 44 personnes qui n'ont pas non plus des ressources financières illimitées? Est-ce que la solution doit se trouver en sortant véritablement de la fonction de l'adjudication un certain nombre de responsabilités?

Une voix: Me Brière, oui.

M. Brière (Jules): Vous permettez? La fonction d'adjudication est la fonction principale de la Commission. Alors, si le décloisonnement, ça veut dire de confier cette fonction-là à un autre organisme, au fond, vous enlevez à la Commission ce qu'elle a d'essentiel. C'est pourquoi la suggestion que nous faisions allait plutôt dans le sens d'un cloisonnement interne à la Commission pour s'assurer que les fonctions d'enquête qui conduisent finalement à des décisions par les commissaires soient faites par des gens qui ne sont pas commissaires et qui ont des pouvoirs d'agir de façon autonome, un peu comme le syndic dans une corporation professionnelle. Même si dans un organisme il n'y a que 25 ou 30 personnes, ça ne signifie pas qu'il soit impossible de cloisonner les fonctions.

M. Boisclair: Vous expliquez que la Commission n'a pas encore d'ordonnance malgré les pouvoirs que la loi lui confère? Est-ce que ça ne tient pas justement de cette complication?

M. Brière (Jules): Écoutez, je n'ai pas la statistique, mais dans le mémoire, à la page 18, on évoque une pratique ou en tout cas des précédents selon lesquels la Commission a, par exemple, publié des rapports préliminaires d'enquête avant qu'ils ne fassent l'objet d'une ordonnance dans Soquij.

M. Boisclair: Je m'excuse, ce n'étaient pas des ordonnances, c'était une poursuite pénale. C'est moi qui ai... Je m'excuse.

M. Brière (Jules): Ah non! Pour les poursuites pénales, ça, c'est vrai, mais c'est une toute autre question. En tout cas, sur la fonction d'adjudication de la Commission, je pense que la raison pour laquelle elle n'a pas été intégrée dans le tribunal administratif, c'est probablement parce que c'est l'essence de la Commission, c'est ce qui fait son originalité. Autrement, la Commission pourrait devenir un organisme de promotion de la protection de la vie privée ou un organisme de protection de l'accès à l'information. Ça change sa nature. Ça, c'est une question d'opportunité, mais je vous dirais que ça déferait finalement l'essentiel de ce qui a été construit au cours des années.

M. Boisclair: On entendait récemment le président de la Commission des droits de la personne nous dire quel soulagement ça a été pour les commissaires de la Commission que le législateur crée le tribunal des droits, donc indépendant de la Commission, et que ses gens se sont sentis beaucoup plus libres par la suite pour agir. Est-ce qu'il ne serait pas temps à la Commission, compte tenu de ce que vous remarquez vous-mêmes dans des insuffisances procédurales dans la conduite des enquêtes, une confusion et ainsi de suite, est-ce qu'il ne serait pas opportun de revoir, justement, même s'il s'agit là d'une révision importante, est-ce qu'il est à tout le moins opportun que le législateur, et nous, les membres de cette commission, on se pose correctement cette question et qu'on y trouve une solution?

(16 h 10)

M. Brière (Jules): Oui, je pense que la question est bien posée, mais je pense que le remède est disproportionné au problème. On peut comprendre que la Commission des droits de la personne ait senti le besoin d'avoir un tribunal parce que les droits de la personne, ce sont des droits fondamentaux qui sont en cause et ça ne demande pas une spécialisation aussi poussée, si vous voulez, que le travail d'un membre de la Commission d'accès qui a à appliquer la loi du secteur public, la loi du secteur privé et qui a à travailler à l'intérieur, disons, de lois qui portent sur des objets assez pointus.

La problématique n'est pas la même. Il y a une expertise qui doit se développer en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels et, si on veut qu'elle se maintienne, on doit conserver, me semble-t-il, cette fonction-là à un endroit où elle va s'exercer de façon complète et sous le contrôle d'un tribunal d'appel, bien entendu, sur les questions de droit, comme c'est le cas dans la loi actuellement. Mais je trouve qu'on perd un avantage en créant un organisme purement juridictionnel mais du type tribunal administratif, ça risque de faire double emploi avec la Cour du Québec, de toute façon, en ce moment, mais enfin. Là, je parle à titre personnel, évidemment. C'est une piste qui est envisageable, je dois vous dire, mais, moi, ce n'est pas celle que je préfère.

M. Boisclair: Je comprends que ce que vous cherchez à préserver, c'est l'expertise, et vous souhaitez qu'on maintienne une forme de tribunal spécialisé. Nous pourrions penser, dans la mesure où le TAQ... Votre collègue qui s'est exprimé avant vous avait bien raison quant au genre de litiges où le TAQ doit intervenir, mais il y a possibilité de créer des chambres spécialisées. Il y a même la possibilité d'envoyer certaines responsabilités au Tribunal des droits, en comprenant que c'est peut-être plus onéreux, pour l'État, de procéder de cette façon. Mais, à un moment donné, il va falloir qu'on arrête de tourner alentour du pot puis qu'on arrive avec une proposition sur la table. C'est un peu notre responsabilité, c'est la mienne. Donc, pour l'instant, je ne peux pas, moi, rester indifférent devant votre plaidoyer, et je dois vous dire que, sur la question d'un cloisonnement interne, il faut regarder aussi ce genre de possibilité. Mais je ne vois pas encore correctement, concrètement, dans la mécanique des choses, comment on pourrait procéder. Je dois vous dire que ce sera la première question que je vais adresser à M. Comeau lorsqu'il reviendra devant nous, à la fin de cette commission, parce qu'il faut aller au fond, véritablement, de cette question, et je vais vous assurer que je le ferai, et je voulais vous remercier pour votre contribution à notre réflexion.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, il me fait extrêmement plaisir de souhaiter la bienvenue, pour la première fois à titre de président, devant cette commission, à M. le bâtonnier Francoeur, Me Sauvé, Me Brière, Me St-Pierre, d'autant plus content de vous voir que des mauvaises langues avaient dit que vous étiez avec Mike Harris en Ontario, en train d'écrire la loi de retour au travail.

M. Francoeur (Serge): C'était plus rapide par injonction que loi spéciale.

Le Président (M. Gaulin): Sauf par Internet.

M. Mulcair: Conseil dûment noté, M. le bâtonnier. Je veux rester sur le même sujet que le ministre, parce que c'est vraiment ça notre plus vive préoccupation. J'ai entendu Me Brière, puis il a expliqué très correctement qu'il parlait en son nom personnel, mais c'est un avis personnel que cette commission estime énormément parce qu'il possède beaucoup d'expérience en la matière. Mais je veux pousser un peu plus loin avec M. le bâtonnier, M. le Président, avec votre permission, la question, et c'est de savoir si le Barreau a une réflexion à cet égard. J'ai entendu le point concernant le cloisonnement interne et je partage la préoccupation du ministre à cet égard. Et au risque du «lead the witness», je vais ajouter que des experts qui sont venus devant cette commission, des gens vraiment avec une excellente réputation comme Pierrôt Péladeau, des gens qui sont vraiment reconnus comme experts dans la matière nous ont même parlé de crise à la Commission d'accès à l'information en ce qui concerne sa capacité de remplir son mandat.

Et, chaque fois qu'on parle de ça, M. le Président, je veux ajouter le fait que, lorsqu'on dit ça, je ne veux rien enlever aux gens, aux professionnels, aux autres intervenants de la Commission qui tous les jours se donnent corps et âme pour faire un bon boulot, mais la révision quinquennale, c'est notre occasion de regarder ces questions-là. Et donc, je ne veux surtout par que les gens pensent qu'on n'apprécie pas le travail qu'ils font, mais c'est le constat des experts. Et je veux vraiment sonder le Barreau là-dessus, sur ça et sur la question des appels, parce que c'est vraiment le nerf de la guerre, en ce qui nous concerne, en ce moment, de part et d'autre de cette table. M. le bâtonnier?

M. Francoeur (Serge): Concernant le cloisonnement, je pense qu'il ressort clairement, de ce que je vous ai livré, que ce qu'on privilégie, c'est un cloisonnement à l'intérieur de la Commission. On a suivi, évidemment, les débats devant vous, et le problème que, nous, nous ressortons sur la situation actuelle, c'est quelque chose qui nous est... Le Barreau, lorsqu'on s'est réuni comme comité pour préparer le mémoire qu'on vous a déposé et étudier tout le plan quinquennal de la Commission, c'est parce que ce n'est pas un projet de loi comme on retrouve habituellement, mais il y a un paquet de facteurs, et c'est ce qui est ressorti. On privilégie le cloisonnement à l'intérieur de la Commission.

Ce que Me Brière vous a exposé, c'est notre point de vue. Si vous nous dites et que vous décidez, ultérieurement, que le cloisonnement à l'intérieur ne peut pas se faire parce que M. Comeau vous dit: Tel, tel, tel point, le nombre est insuffisant, et que vous voulez diriger cela vers un tribunal externe, que ce soit en partie le Tribunal des droits de la personne ou le Tribunal administratif, ce dont je vous demande de tenir compte, c'est que cette loi-là et l'application de cette loi-là – et j'y suis très sensible, étant un avocat de région – il faut trouver un organisme qui siège partout en région et que tous, nous allons y avoir accès, si c'est le choix que vous faites.

C'est à ça que je vous convie. Parce que vous savez que la Commission, actuellement, elle siège partout, et c'est un avantage. Que vous ayez un problème dans l'est ou dans l'ouest du Québec, ce n'est pas uniquement les régions de Québec et de Montréal qui sont bien desservies. L'ensemble du Québec l'est actuellement, et ça, c'est mon premier critère. Comme je vous dis, c'est un cloisonnement à l'intérieur. Maintenant, c'est difficile, pour moi, M. le député, de vous diriger vers le Tribunal des droits de la personne, le Tribunal administratif. Ce que Me Sauvé a exprimé m'a également touché, au niveau du Tribunal administratif, mais c'est des choix qu'on a à faire sur ça. Mais je vous ai dit ce que...

M. Mulcair: Des choix que le législateur veut toujours faire en collaboration et en concertation avec ses principaux partenaires, dont le Barreau, dans un domaine comme celui-ci.

M. Francoeur (Serge): Et qu'on peut regarder sous cet angle-là à partir de ces possibilités-là.

M. Mulcair: Oui. C'est sûr que ça va être plus facile de répondre une fois qu'il y aura une proposition concrète sur la table. Mais, avant d'y arriver, et le ministre et l'opposition formulaient le souhait de connaître un peu vos orientations là-dedans. Puis, comme vous suivez justement nos travaux, peut-être qu'il y aura moyen de nous tenir au courant de votre pensée à cet égard.

Revenons maintenant, M. le Président, à la question des appels, justement. M. le bâtonnier a dit, tout à l'heure, qu'il n'était pas question, pour le Barreau, de laisser tomber le droit d'appel et on les comprend là-dessus. C'est une bataille qui a été menée en long et en large dans le cadre de l'élaboration de la loi sur le nouveau Tribunal administratif du Québec. Mais, maintenant que cette bataille a été décidée d'une manière... c'est-à-dire qu'il n'y aura pas appel, sauf de rares exceptions, des décisions, à cet égard-là, la question est de savoir s'il est opportun, dans un domaine comme celui-ci où, effectivement, ça serait presque toujours une question d'un grand organisme d'État ou quelque structure bien nantie qui serait contre des individus ou des gens qui ont moins de moyens et un droit d'appel qui devient, à notre sens, à l'occasion, abusif...

On voit le temps que ça prend pour rendre des décisions là-dedans. Si ça prend cinq, six, sept ans pour avoir de l'information en matière d'environnement, on ne peut pas parler d'un droit d'accès à l'information. Alors, tout en partageant votre point de vue sur l'expertise développée au sein de la Commission, on se demande si ce n'est pas une manière concrète de reconnaître cette expertise que de dire que, sauf de rares exceptions, le droit d'appel serait enlevé, et on reconnaîtrait l'expertise, la compétence proprement dite de la Commission en respectant ses décisions. On aurait voulu vous entendre là-dessus aussi.

M. Francoeur (Serge): Je vais vous dire, le droit d'appel est un droit fondamental, c'est un droit intrinsèque, et je suis un peu surpris parce que vous savez, quand vous dites «cinq ou six ans avant qu'on ait accès à des documents», ici on parle d'un appel à la Cour du Québec. Moi, je pense qu'un avantage que cette loi-là offre avec l'appel, par rapport à toutes les autres lois qui existent, je vous dirais, actuellement, et dans beaucoup de lois au Québec, c'est qu'on a justement une forme d'appel. On a un problème avec la requête pour permission d'en appeler. Enlevons ce problème-là, réglons ce problème-là, et vous avez un appel à la Cour du Québec. On a un appel de droit, on peut avoir un appel de fait sur certains points bien précis, puis on a un appel de droit, et il est important, et encore là la Cour du Québec, qui est notre cour, siège partout. Le droit d'appel, ça ne peut pas prendre cinq ou six ans à la Cour du Québec, c'est impossible. Ça, vraiment, là-dessus, à la Cour du Québec, vous êtes entendu dans l'espace de 60 jours. Ça ne peut pas prendre cinq ou six ans.

(16 h 20)

M. Mulcair: Avec respect, M. le Président, j'inviterais le bâtonnier, qui suit nos travaux, à prendre connaissance de plusieurs des mémoires déposés ici, dont les mémoires de plusieurs journalistes et les mémoires de plusieurs associations dans le domaine de l'environnement qui citent, chapitres et vers, des cas de demandes qui ont pris ce temps-là d'appel en appel, d'évocation en évocation, ou de retour en retour, d'incident en incident. Lorsqu'on a les moyens et la détermination, on peut, que ça soit dans le domaine disciplinaire... Et le bâtonnier sait de quoi je parle, il connaît les cas comme moi où quelqu'un, accusé en vertu du code des professions ou de son propre code de déontologie, a réussi à traîner pendant 10 ans des affaires disciplinaires avant jamais d'être jugées. Il y en a plusieurs au Barreau, il y en a plusieurs à l'Ordre des médecins. Alors, on parle de la même chose: quand on a les moyens et que les enjeux sont suffisamment importants, on peut toujours trouver le moyen de retarder.

Et il me semble, M. le Président, que le but recherché, c'est d'assurer l'accès, ou la protection de la vie privée dans l'autre cas. On se doit de poser ces question, ces temps-ci. Mais, pour ce qui est des cas, des exemples, ils sont là, ils sont réels, ils existent.

M. Francoeur (Serge): On vous a proposé, M. le député, dans notre mémoire, sur les requêtes pour permission, une façon de fonctionner; on vous a proposé également, des façons de cerner les appels sur des décisions interlocutoires de la Commission. Dans notre mémoire, c'est bien expliqué, des façons de restreindre cela, de mieux encadrer cela.

Et, malgré ce que vous dites, les cas où les gens vont vouloir aller en appel, vous ne pourrez pas les interdire, parce qu'il va y avoir des évocations, il va y a avoir des appels sur ces évocations-là. Ce que vous dites, c'est un peu mettre un diachylon, là, sur une jambe cassée. Je pense qu'en cernant ça on résout mieux nos problèmes.

M. Mulcair: O.K. J'accepte la critique, M. le Président, que ce que nous proposons est un diachylon sur une jambe cassée. So let's put a splint on it. Comment on répare la cassure? Qu'est-ce qu'on fait concrètement, là? Bon, le patient est sur la table, là, il est anesthésié, on peut faire ce qu'on veut. C'est la révision quinquennale. Allons au fond, alors, ensemble.

M. Francoeur (Serge): Oui, pour trouver... Si vous allez à la page 24 de notre mémoire où on vous exprime clairement que nous sommes d'accord avec la recommandation 35 et on vous dit également, pour répondre à votre question, qu'un rôle d'urgence devrait être établi pour les appels portés à la Cour du Québec qui siège partout et que les décisions interlocutoires de la Commission devraient être sujettes à appel sur permission, simplement, comme l'article 29 de notre Code de procédure le dit, et que ça fonctionne bien partout ailleurs. Et je pense que vous allez retrouver aux pages 24 et 25 une façon de fonctionner.

M. Mulcair: J'avais bien lu votre recommandation, la recommandation du Barreau, M. le Président. Mais il me semble que, si l'analyse, l'observation est valable, ça ne répond pas au fond du problème lorsque nous, on dit qu'il faut restreindre le droit d'appel, ou peut-être au moins l'entrevoir, le reconnaître et respecter la compétence de la Commission. Il nous semble que, qu'on le fasse par le biais de l'article 29 ou autrement, on est en train d'éviter des délais plus longs, il nous semble.

On n'est pas en train de s'attaquer au fond du problème. Et le fond du problème – ça ressort de l'expertise qu'on a entendue en commission, de la preuve qu'on a, du témoignage qu'on a entendu – c'est que l'expertise de la Commission en ces matières n'est pas respectée. Car il y a appel devant un juge de la Cour du Québec qui, malgré toute la bonne volonté du monde, ne possède même pas l'expertise, loin de là, que Me Brière jugeait être un des fondements même de l'existence de la Commission et la raison pour laquelle il fallait faire extrêmement attention avant de songer à départager ses responsabilités en envoyant un bout, par exemple, à la Commission des droits de la personne. C'est ça qu'on est en train de regarder aussi.

M. Francoeur (Serge): M. Mulcair, vous avez adopté, suite à des recommandations... l'Assemblée nationale a adopté des dispositions qui font en sorte qu'une cause, au fond, en Cour du Québec, les procédures doivent être complétées dans un délai de six mois et la cause entendue au plus tard six mois après. Et ça, c'est dans des causes, au fond, maximales.

On vous propose un rôle d'urgence, on vous propose l'abolition de la requête pour permission d'en appeler. Et, aussi, je vais vous donner un autre exemple, parce que vous apportez un point de vue, mais prenez un autre exemple où vous aviez, à un moment donné, un litige qui existait où vous aviez des commissaires qui voyaient telle façon d'appliquer la loi d'accès aux organismes publics, telles dispositions, et il y avait d'autres commissaires qui appliquaient d'une autre façon. Nous avions deux écoles de pensée. La Cour du Québec a rendu une décision qui, en bout de piste, a fait aujourd'hui qu'on a une école de pensée et une façon de faire. C'est l'appel qui a permis cela. Parce que, selon que nous représentions des clients, nous avions un commissaire qui avait telle école de pensée, nous avions tel genre de décisions et de tel autre... La justice, ça ne peut pas être ça.

M. Mulcair: Dernier commentaire de ma part, M. le Président. Je voulais juste dire que, de notre côté, au fur et à mesure que ces travaux ont avancé, on a toujours maintenu une approche très similaire à celle du Barreau pour ce qui est de la représentation par avocat. Dans le mémoire du Barreau, il est effectivement question de ça, on explique justement qu'il y a des obligations qui incombent au Barreau en échange – je parle, notamment, de la page 25 – du fait que le Barreau bénéficie de ce droit de pratique exclusif, il a certaines responsabilités. Et, assis maintenant dans une chaise de député et non plus, par mes fonctions antérieures, à l'Office des professions où j'avais un certain regard sur les différentes professions, je peux dire que j'ai été fort surpris de référer ce que, moi, je considérais être un cas patent de pratique illégale, au Barreau de Montréal – parce que, on se comprend bien, ce sont les barreaux locaux qui font les poursuites pour pratique illégale – et d'essuyer un refus non pas sur le fond, mais avec l'indication très claire que ça allait coûter bien cher, cette affaire-là. Alors, si on veut un monopole, pour utiliser le bon mot, un droit exclusif de pratique, il me semble aussi qu'en échange le public est en droit d'être protégé contre les charlatans, que ça soit dans un domaine comme celui-ci ou dans un domaine où c'est fort connu qu'il y a de très gros problèmes, dans le domaine de l'immigration et, de plus en plus, je trouve, dans les accidents du travail.

Je me permets juste de toucher ce mot, de profiter du passage des gens du Barreau, non pas parce que je pense que c'est le Barreau, au centre, qui est responsable – je sais que ce n'est pas le cas – mais peut-être de pousser un peu sur les barreaux locaux pour qu'ils assument leurs responsabilités s'ils veulent justement que le législateur demeure sensible à leurs demandes, comme c'est le cas, aujourd'hui, de notre part, au moins. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député de Chomedey. Alors, je remercie les représentants du Barreau du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission et j'invite maintenant les représentants de l'Hydro-Québec à s'approcher de la table des témoins.

Alors, mesdames, si vous voulez, nous avons 45 minutes ensemble, puisque les travaux de la Chambre s'étant terminés plus tard que prévu, nous avons été obligés de réduire le temps prévu pour chacun des groupes à cette commission parlementaire. Alors, nous avons 45 minutes, normalement, 15 minutes pour faire état de votre mémoire et 15 minutes pour chacun des partis. Et je vous demande de vous présenter, de présenter ceux qui vous accompagnent et d'y aller.


Hydro-Québec (HQ)

Mme Nadeau (Marie-José): Merci, M. le Président. Tout d'abord, mon nom est Marie-Josée Nadeau, secrétaire générale d'Hydro-Québec, et je vous présente tout de suite les personnes qui m'accompagnent. À ma droite, Mme Francine Beaudry qui est chef, Affaires corporatives, à Hydro-Québec et qui est également co-responsable de l'application de la loi d'accès à l'information au sein de l'entreprise; et, à ma gauche, Me Jocelyne Paquette du contentieux, qui suit, devant la Commission d'accès à l'information, des dossiers qui méritent l'attention de la Commission ou qui vont en appel, à l'occasion, dans les demandes d'accès.

Ça va aller assez bien pour nous parce que j'avais volontairement réduit mes remarques d'ouverture à une dizaine de minutes au maximum, pour pouvoir maximiser le temps d'échange. Donc, mon intention, ici, est d'abord de vous donner quelques statistiques sur les différentes demandes qu'on a et de passer aux faits saillants de notre mémoire, en réponse au rapport de la Commission.

(16 h 30)

Donc, depuis cinq ans environ, soit depuis la dernière révision de la loi jusqu'à la fin de 1996, Hydro-Québec a reçu 1 183 demandes formelles d'accès à l'information. De ces demandes, 63 seulement ont fait l'objet d'un refus, soit 5 % à 6 % des demandes qui ont fait l'objet d'un refus. De façon générale, les demandes refusées sont reliées au caractère stratégique ou commercial des renseignements demandés ou encore ont trait à des avis, des recommandations ou des analyses produites dans le cadre d'une décision à prendre mais non encore prise. Également, plusieurs concernent des renseignements industriels, financiers, commerciaux ou autres, fournis par des tiers qui s'objectent à leur divulgation, notamment pour des motifs reliés à leur compétitivité.

J'ai précisé ici «demandes formelles», et c'est vraiment des demandes qui s'adressent à la responsable de la loi d'accès, mais il y a bien sûr, au-delà de tout ça, beaucoup de demandes qui sont adressées via les médias ou notre bureau de communication et qui font l'objet d'un traitement rigoureux et très rapide, dans le respect des contraintes auxquelles sont confrontés les journalistes, les gens des médias.

Au sein de l'entreprise, beaucoup d'efforts ont été consacrés au cours des dernières années afin d'assurer un traitement rigoureux et une application uniforme des dispositions de la loi dans l'entreprise. Ces efforts ont porté surtout sur la formation et la vulgarisation de la loi. Ainsi, nous avons l'engagement de la haute direction, le support des gestionnaires dans le suivi des demandes. Également, nous avons mis sur pied en 1995 un programme d'information générale et le document intitulé Droit à l'information et respect de la vie privée – dont j'ai un exemplaire ici, mais que j'ai en quelques copies, si cela vous intéresse – a été diffusé à tous les employés, à cette occasion.

Enfin, nous maintenons un réseau de répondants de l'accès à l'information dans la plupart des unités administratives desservant l'ensemble du territoire et nous sommes à compléter ce réseau dans les prochaines semaines. Il y a eu des ajustements au réseau des répondants et des répondantes qui sont liés à la réorganisation administrative qu'a connue Hydro-Québec.

Voyons maintenant les faits saillants de notre mémoire, en réponse aux grands enjeux soulevés par la Commission d'accès à l'information dans son rapport et sur lesquels Hydro-Québec aimerait apporter une contribution.

D'abord, au chapitre des nouvelles technologies de l'information et des communications, Hydro-Québec souscrit entièrement aux recommandations 2 à 6 de la Commission d'accès à l'information concernant les mesures proposées pour la protection efficace des renseignements personnels et s'assure que la mise en place des mécanismes, tels que les garde-barrières, codes d'accès limité et vérification ponctuelle, soit bien faite et suivie.

Par ailleurs, Hydro-Québec a eu à répondre par le passé à des demandes d'accès visant l'obtention de listes de ses clients à des fins commerciales. L'entreprise a refusé l'accès à cette information, et la Commission d'accès lui a donné raison. Je me souviens que la dernière fois que je me suis présentée devant cette commission, il y a cinq ans, à l'occasion d'une autre révision quinquennale, nous étions devant la commission, ayant déjà refusé l'accès, et la suite nous a donné raison, la Commission a accepté le refus que nous opposions à l'utilisation, à des fins commerciales, des listes de nos clients. En conséquence, Hydro-Québec fait sienne la recommandation n° 7 de la Commission quant à l'introduction à l'article 55 de la loi d'une limite à la diffusion de banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public. Cette limitation nous semble en effet la plus respectueuse des droits de nos clients.

Sur la question des échanges de renseignements entre organismes, Hydro-Québec est d'avis qu'il est nécessaire d'établir comme un principe fondamental l'étanchéité des multiples entités et composantes de l'appareil administratif. Ainsi, tout comme la Commission, nous reconnaissons que l'interdiction de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée doit demeurer la règle, et les échanges de renseignements entre organismes, l'exception. Ces échanges doivent être limités aux situations où l'intérêt public l'exige en vue d'assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et l'équité pour l'ensemble de la population.

Il nous apparaît que l'utilisation optimale des renseignements détenus par un organisme public, l'utilisation optimale des renseignements et leur protection sont des objectifs qui sont conciliables, dans le respect de certaines balises. Le mécanisme proposé par la Commission d'accès d'instaurer un contrôle a priori et une limite à la durée des ententes d'échange nous semble s'inscrire dans l'esprit de la loi et la logique d'un cheminement prudent vers un nécessaire compromis. Nous partageons donc les recommandations de la Commission qui figurent aux nos 8 à 13 de son mémoire.

Autre point sur lequel nous aimerions attirer votre attention et qui fait l'objet d'un débat présentement, l'assujettissement des filiales d'organismes publics, et qui constitue un point important de la réflexion que nous devons mener. La position de la Commission est à l'effet que les filiales de sociétés d'État sont alimentées par les fonds publics et qu'elles devraient conséquemment être assujetties à l'article 4 de la loi. Elle propose, par conséquent, que la définition d'organisme gouvernemental qu'on y trouve soit revue à la lumière des jugements rendus dans les affaires Nouveler et Société des casinos. Rappelons qu'en 1995 la Commission n'avait pas été suivie par la Cour du Québec dans l'affaire Breton contre Nouveler dans son interprétation de l'article 4 alors qu'elle soutenait que le fonds social de Nouveler faisait partie du domaine public. La Cour supérieure, appelée à se prononcer en évocation, a établi que la décision du juge de la Cour du Québec était raisonnable et bien fondée. Insatisfaite de cette jurisprudence, la Commission d'accès à l'information réclame une modification à sa loi constitutive pour assujettir spécifiquement les filiales d'organismes eux-mêmes assujettis, tel Hydro-Québec. Il s'agit d'un point sur lequel, à l'évidence, Hydro-Québec et la Commission d'accès ont des positions divergentes.

Mes commentaires, ici, seront prudents puisque cette question d'assujettissement d'une de nos filiales est actuellement débattue devant les tribunaux. En effet, Hydro-Québec conteste une décision de la Commission d'accès dans l'affaire François Pouliot contre Hydro-Québec, assujettissant Hydro-Québec International, cette fois, à l'application de la loi sur l'accès. Suite à une demande de documents faite directement auprès d'HQI en vertu de la loi sur l'accès, la Commission se prononçait sur l'application de la loi à la filiale d'Hydro-Québec au motif que celle-ci serait un organisme gouvernemental au sens de l'article 4 de la loi sur l'accès, que son fonds social fasse partie ou non du domaine public. Hydro-Québec a obtenu le 1er octobre dernier la permission d'en appeler de cette décision à la Cour du Québec. Dans le respect de l'objectif que je me suis donné de faire des commentaires prudents, si vous souhaitez qu'on échange davantage sur cette question – et je le dis bien en respectant les contraintes qu'on a vu qu'il y a un débat devant les tribunaux – ça me fera plaisir de le faire avec vous, et Me Paquette qui est à ma gauche représentera Hydro-Québec devant les instances judiciaires.

Peut-être si je revenais sur les filiales – si j'ai encore quelques minutes là-dessus – il m'apparaît important ici de souligner que, si une filiale d'un organisme assujetti n'est pas elle-même assujettie à la loi d'accès, ça n'en fait pas pour autant une compagnie qui opère dans l'obscurité totale. Les principes de régie d'entreprise prévalent. La société d'État applique à ses filiales les mêmes principes de régie d'entreprise en matière de planification stratégique, de reddition de comptes, de rapport annuel, de contrôle des risques de gestion, des risques de contrôle de l'information interne et il y a reddition de comptes au conseil d'administration d'une société mère sur l'évolution des filiales.

Peut-être aussi un aparté sur la notion de filiale, parce que beaucoup de filiales – on ne parle pas d'HQI ici – mais on emploie souvent le terme filiale dans le cas d'Hydro-Québec en pensant à des entreprises dans lesquelles on a une participation. En réalité, plusieurs de ces entreprises-là, et c'est le cas, pour en citer une qui a fait l'objet d'un débat médiatique encore dernièrement, de M3i, où nous avons une participation minoritaire... ce n'est donc pas, malgré la façon dont c'est traité dans les médias, une filiale d'Hydro-Québec.

(16 h 40)

Pour les autres commentaires que je voulais faire, les identifiants, le 11 mars 1997 Hydro-Québec déposait auprès de la commission de la culture un mémoire sur cette question dans le cadre du mandat d'initiative portant sur les cartes d'identité et la protection de la vie privée. Ce mémoire portait plus particulièrement sur notre expérience suite à l'adoption en juin 1996 d'une nouvelle pratique de cueillette du numéro d'assurance sociale intégré dans le cadre des relations de l'entreprise avec sa clientèle. Cette pratique a d'ailleurs été acceptée par la Commission d'accès à l'information et fait l'objet d'un suivi par la Commission.

Sommairement, notre mémoire concluait qu'étant donné le contexte d'affaires particulier de notre entreprise, c'est-à-dire, comme vous le savez, que nous devons vendre de l'électricité à tout client qui en fait la demande indépendamment de sa solvabilité et de sa capacité de payer – ce qu'on appelle l'obligation de servir – Hydro-Québec a besoin d'un identifiant universel, unique et vérifiable pour lui permettre de distinguer adéquatement ses clients et les retracer en cas de nécessité et de recouvrement. Hydro-Québec garantissait, par le fait même, à la Commission qu'elle limiterait le numéro d'assurance sociale à cette fin et en assurerait en tout temps la confidentialité. Quant à l'instauration d'un identifiant universel, Hydro-Québec soutient que sa mise en place devra s'inscrire dans le respect de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. En particulier, les modalités de son utilisation devront permettre de garantir en tout temps le maintien du droit à la vie privée et à la protection des renseignements personnels.

En conclusion, sans reprendre l'ensemble des autres commentaires que nous avons formulés dans notre mémoire, j'aimerais en souligner un qui me paraît particulièrement important et qui vient de faire l'objet, aussi, de vos questions devant l'organisme qui nous précédait, le Barreau du Québec. Il s'agit du maintien du droit d'appel sur une décision interlocutoire de la Commission. Tout à l'heure, j'évoquais la situation qui est pendante devant les tribunaux concernant l'assujettissement de nos filiales. Bien, c'est sur une décision interlocutoire que nous sommes intervenus, et Hydro-Québec, particulièrement sur les questions de droit strict, considère essentiel de maintenir le droit d'appel, surtout lorsque ça concerne des questions de compétence de la Commission.

Alors, voilà, pour l'essentiel, mes commentaires préliminaires, et je serai heureuse de poursuivre la discussion sous une forme plus dynamique. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames, merci pour votre présentation. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Il est clair que vos recommandations feront toutes l'objet d'une analyse de la part du ministère, de l'équipe qui a été constituée pour procéder à la révision de la loi, et que ça sera aussi largement débattu dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental au cours des prochaines semaines.

Posons la question directement. Si le gouvernement décidait d'assujettir des filiales comme Nouveler à la loi sur l'accès, est-ce que des dispositions prévues aux articles 21 et suivants de la loi sur l'accès vous apparaissent offrir des protections suffisantes pour éviter, effectivement, de nuire à la compétitivité des filiales ou s'il faudrait revoir certains des articles 21 et suivants, qui prévoient des mesures d'exception où des gens peuvent... des motifs pour invoquer le refus de communiquer des renseignements?

Mme Nadeau (Marie-José): Les articles 21 et suivants – j'y vais de mémoire – concernent les questions qui ont trait aux informations de nature commerciale et stratégique. C'est sûr que c'est un élément fondamental qui devrait s'appliquer aux filiales si telle était la volonté du législateur d'assujettir les filiales de deuxième rang et je pense...

M. Boisclair: Mais est-ce que c'est suffisant?

Mme Nadeau (Marie-José): Ce qui risque d'arriver, c'est que les filiales sont souvent constituées... et je parle vraiment des filiales, ici, non pas nécessairement des filiales à 100 %, mais des filiales dans lesquelles on a une participation supérieure à 50 %. Les organismes ou les autres compagnies avec lesquelles on traite ne sont pas assujettis à la loi d'accès à l'information, qui sont des compagnies du domaine public. Nous ne traitons pas nécessairement avec d'autres sociétés d'État, qui constituent des filiales de premier ou de deuxième rang, et c'est la crainte qu'auraient ces entreprises – crainte dont je ne peux pas vous dire et je ne voudrais pas que vous déduisez de mon propos que c'est une crainte justifiée – mais il y a une méconnaissance fondamentale quant à la portée et à l'application de la loi et une crainte, donc, qu'auraient les entreprises intéressées à venir en partenariat avec Hydro-Québec ou une filiale de se voir exposées à des demandes publiques.

Vous savez, au fil des ans, Hydro-Québec, je crois pouvoir dire qu'on a atteint une certaine paix d'entreprise. Après des départs difficiles en matière d'accès à l'information, ça va bien. Ça ne veut pas dire qu'on abdique et qu'il n'y a pas des sujets sur lesquels on conteste des décisions de la Commission, mais généralement ça va bien. Le système est bien rodé, les employés comprennent bien le but de la loi – les gestionnaires et les cadres supérieurs aussi – le système de répondants, le système d'information et de communication qu'on a mis en place. Mais c'est une entreprise qui est obligée, avec le temps, de s'adapter et de bien performer. On a été souvent la cible de critiques, et les critiques ne sont pas toujours négatives, en ce sens qu'elles forcent l'adaptation et l'ajustement. À une plus petite échelle, les compagnies qui ne sont pas habituées, qui ne sont pas formées, qui n'auraient pas cet objectif autrement que par une association avec une entreprise assujettie à la loi, je me permets de soulever la question. Et, à cet égard-là, j'ai vu qu'un des groupes de travail que vous aviez formés, ou le groupe de travail, avait à se prononcer sur un de ces enjeux-là – il y a trois enjeux – et je vous offre toute la collaboration d'Hydro-Québec pour documenter votre réflexion, si tel est votre souhait.

M. Boisclair: Je dois vous dire, madame, que c'est une question qui sera traitée avec beaucoup d'attention et qu'on comprend facilement les enjeux qui sont en cause. Je ne peux pas vous dire que nous sommes prêts, à ce moment-ci, à trancher sur le fond. Il y a encore des études qui doivent être faites et, je pense, des discussions, certainement, avec d'autres de mes collègues au Conseil des ministres. Donc, je ne peux, à ce moment-ci, indiquer une orientation gouvernementale claire. Cependant, la question qui se pose à nous, c'est: Si jamais on décidait d'assujettir, peut-être pourrions-nous aussi revoir les dispositions des articles 21 et suivants, pour éviter ce qui pourrait être des effets pervers que certains de vos éventuels partenaires anticipent et craignent. Donc, à cet égard-là, je pense que, sur le fond des choses, nous nous entendons, sur le fait de ne pas créer ce genre d'anticipation qui pourrait nuire à l'environnement commercial des filiales de deuxième ou troisième ordre.

Vous nous questionnez aussi sur la question du droit d'appel, vous nous proposez un certain nombre de modifications et précisez, entre autres, 147 de la loi sur l'accès. Est-ce que, dans la façon que nous aurons à traiter ces modifications à apporter, il n'y aurait pas lieu de s'inspirer des dispositions du Code civil, en prévoyant que les décisions interlocutoires sont appelables seulement si l'appel en décision finale ne peut y remédier?

Mme Nadeau (Marie-José): Jusqu'ici, les cas, M. le ministre, sur lesquels nous avons demandé un appel sur des décisions interlocutoires ont vraiment porté sur les questions non pas de fait – et je sais que c'est très limité, les possibilités, dans ce cas-là – mais sur les questions de compétence, et il nous apparaît que ce sont des questions fondamentalement importantes qui doivent être tranchées avant que le débat n'ait lieu. Si on peut ajouter à la sévérité du traitement et passer l'étape de la requête ou permission d'appeler pour aller directement...

M. Boisclair: Il y a un assez large consensus là-dessus.

Mme Nadeau (Marie-José): Nous serions partie prenante du consensus à cet égard-là.

M. Boisclair: Je prends note aussi des nombreuses autres recommandations pour resserrer la question de la protection de la vie privée; nous nous réjouissons de vos recommandations sur ces questions. Je voudrais vous remercier pour votre contribution, en vous assurant à nouveau la disponibilité de notre équipe pour poursuivre avec vous une réflexion plus dans le cadre de réunions de travail ou... Nous aurons à le faire.

Mme Nadeau (Marie-José): Merci beaucoup.

M. Boisclair: Ma collègue... à l'oreille, elle dit: Tu devrais rajouter: Et c'est rare de voir qu'une société d'État est représentée comme ça, en commission parlementaire, par trois femmes. Elle tenait à le souligner.

Mme Nadeau (Marie-José): Madame, je prends bonne note.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

(16 h 50)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À notre tour, il nous fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentantes d'Hydro-Québec. Je veux enchaîner sur ce que le ministre disait tantôt car, effectivement, on sait tous qu'Hydro-Québec s'est souvent prévalue de son droit d'appel. Une partie de la jurisprudence à laquelle je faisais allusion, tantôt, avec le Barreau est le fait d'Hydro-Québec – on ne se fera pas de cachotteries là-dessus – et j'ai plutôt tendance à être d'accord avec le ministre lorsqu'il dit que le travail, pour nous, consiste à cerner, avec exactitude, la limite entre ce qui devrait être, justement, d'intérêt public, et donc prévoir un droit d'accès à ces choses-là, et protéger ce qui devrait, dans l'intérêt du public, être réservé, car il y va de la vitalité d'un organisme qui, dans notre système, est payé avec des fonds publics. Aux États-Unis, dans beaucoup de juridictions avec lesquelles on fait affaire, puis on parle de «open skies» dans le domaine aéronautique, bien, on parle de «open lines» dans le domaine de l'électricité, les échanges se font de plus en plus aisément. On parle d'un «spot-market» maintenant comme on pouvait parler d'un «spot-market» en matière de pétrole il y a seulement quelques années. Ces choses-là sont des réalités. Chez nous, c'est public. C'est un fait historique au Québec que l'électricité, ça fait partie de la chose publique. Alors, si on va concurrencer dans ces marchés-là, l'objectif pour nous devrait être de décrire les règles plus clairement pour des sociétés d'État comme Hydro, pour leurs filiales, au sens propre. Et vous nous avez extrêmement bien soulevé le point, tantôt, de dire qu'on parle un peu trop facilement de filiales. Dès qu'il y a un petit peu d'argent public là-dedans, est-ce qu'on va exiger que tous les livres soient ouverts comme si c'était un ministère ou un organisme du gouvernement? C'est des points extrêmement bien soulevés.

Mais, de notre côté, on préfère de loin dire publiquement, clairement, par voie législative, qu'est-ce qui serait du domaine public, ce à quoi le monde aurait un droit d'accès et, à ce moment-là, limiter autant que faire se peut les droits d'appel autour de ce qu'on aurait décrété qui devrait être public et accessible et, pour le reste, vous défendre et permettre aux Hydro-Québec puis aux autres d'avoir la capacité de concurrencer dans ce marché où pas tout le monde ne serait assujetti aux mêmes règles. Ça, c'est une réalité qui ressort de plus en plus de nos conversations, et on est vraiment de plus en plus sensibilisé à cet égard-là. Mais les moyens diffèrent souvent, effectivement, puis dans des cas bien connus comme Norsk Hydro et des choses comme ça. Hydro est allé jusqu'au mur, puis l'argent dépensé dépasse largement ce qu'aurait pu jamais osé espérer comme budget de fonctionnement l'un ou l'autre des différents organismes qui ont gravité autour de ces questions-là dans l'intérêt des citoyens.

Je pense que c'est vraiment dans ces termes-là, M. le Président, que le débat devrait se poser. Si, nous, on a le droit comme législateurs d'exiger au terme de ces principes-là que des sociétés d'État soient plus ouvertes, en retour, c'est notre obligation de s'assurer qu'on ne demande pas de dévoiler les choses qui vont les mettre dans une position désavantageuse vis-à-vis leurs concurrents.

Alors, c'est un message extrêmement bien présenté aujourd'hui, très bien reçu de notre part, et on prend acte des autres commentaires. Mon collègue le député de Jacques-Cartier avait aussi une question, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci. Juste pour revenir à la page 6 de votre mémoire, juste pour mettre les choses au clair dans ma tête, on parle d'essayer de limiter l'utilisation des données de caractère public. Dans l'expérience d'Hydro-Québec, qu'est-ce que vous avez en vue quand on parle de cette recommandation de trouver un moyen de limiter la diffusion des banques de données? C'est quoi, les banques de données les plus sensibles chez Hydro-Québec? Et comment est-ce qu'on peut donner suite à la recommandation que vous avez faite dans votre mémoire?

Mme Nadeau (Marie-José): Vous savez, c'est une question intéressante parce qu'elle me permet de mettre en évidence que trop souvent Hydro-Québec a été la cible de commentaires parce que nous refusions de donner des informations, parce que ça évoquait un caractère commercial, confidentiel ou que des tiers refusaient l'accès à l'information, enfin, les dispositions des articles 20 et suivants. Dans ce cas-là, la demande était faite par un commerçant qui voulait, à partir de nos listes de données, de nos banques de données – il connaissait donc le nom du client, son adresse, son numéro de téléphone, des renseignements qui pourraient être accessibles autrement – profiter de l'ensemble de notre banque de données pour se monter une base d'affaires et une base commerciale. Et, pris individuellement, chacun de ces renseignements aurait pu être accessible à l'information s'il s'agissait d'une demande visant un client en particulier.

Nous avons refusé à ce moment-là parce que nous avions estimé que c'était utiliser des informations autrement accessibles, que c'était utiliser à mauvais escient et à des fins commerciales, et ce n'était pas pour ce but-là qu'Hydro-Québec en arrivait finalement, au terme d'une compilation, à avoir cette liste-là. Et, suite à notre refus, comme je le disais tout à l'heure, ça a été contesté, on s'est retrouvé devant la Commission d'accès à l'information qui a reconnu le mérite de notre argument.

Donc, pour répondre très spécifiquement à votre question, c'est un exemple et c'est ça que la Commission vise lorsqu'elle demande de restreindre la portée de l'utilisation des banques de données. Il s'agit de cas où chaque item serait accessible à l'information, mais la compilation, telle que colligée, évidemment, c'est une source importante d'information, ça a une valeur commerciale aussi, et ce n'est pour ça que la société d'État les a boutés.

M. Kelley: Et c'était quoi – parce que je ne suis pas familier avec la cause, avec Glentec – les fins pour lesquelles Glentec aimerait utiliser les banques de données d'Hydro-Québec?

Mme Nadeau (Marie-José): Je ne me souviens pas exactement, alors, sous réserve que ma mémoire ne me fasse pas défaut, il me semble que c'était une entreprise qui faisait du ménage et qui voulait, dans des secteurs donnés, se construire une base d'affaires et avoir accès à différents clients, avoir leur adresse et pouvoir communiquer directement. Et leur outil, ça a été de se servir de la loi d'accès à l'information en disant: Ce sont des informations publiques; voici une société d'État qui les a; on va les avoir; ça ne nous coûtera pas cher. Puis vous connaissez la suite. Je ne répéterai pas ce que je viens de vous dire, là, mais, pour cette raison-là, on a refusé. Mais, de mémoire, il me semble que c'était le cas de Glentec. C'est ça, à ma droite?

Une voix: Oui.

Mme Nadeau (Marie-José): Oui. C'est ça.

M. Kelley: O.K. Parfait. Merci beaucoup.

Mme Nadeau (Marie-José): Merci.

Le Président (M. Garon): Comme il n'y a pas d'autre demande d'intervention, je vais remercier les représentants d'Hydro-Québec de leur contribution aux travaux de cette commission et je vais inviter, maintenant, l'Association des fondations des hôpitaux du Québec de s'approcher de la table des témoins.

C'est maintenant le tour de l'Association des fondations des hôpitaux du Québec. Nous avons une demi-heure ensemble, ce qui veut dire, normalement, une dizaine de minutes pour votre intervention et une dizaine de minutes pour les interventions de chacun des partis politiques. Maintenant, j'ai, ici, M. Roland Granger, président. Est-ce que vous voulez, M. Granger, vous présenter, présenter les gens qui vous accompagnent et nous donner le contenu de votre mémoire et de la présentation que vous voulez faire.


Association des fondations des hôpitaux du Québec (AFHQ)

M. Granger (Roland): Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Roland Granger, président de l'Association des fondations. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Denis Frenière, qui est vice-président de l'Association et président de la Fondation de l'hôpital Honoré-Mercier à Sainte-Hyacinthe. J'ai, à ma gauche, M. Jean-Yves Desbiens, qui est administrateur également de l'Association et vice-président au développement de la Fondation de l'hôpital Sainte-Justine de Montréal; Mme Michèle Quintin, qui est adjointe administrative à l'Association; et M. Raymond Doray, qui est conseiller juridique de l'Association.

Nous nous présentons devant vous pour réclamer une modification législative parce que nos fondations sont dans l'incapacité, dans le cadre des lois actuelles, d'obtenir de leur centre hospitalier la liste nominative nécessaire à la poursuite de leur mission. Enfin, le carcan actuel nuit au succès de nos levées de fonds. Nous n'élaborerons pas sur les besoins criants que rencontrent nos centres hospitaliers, ni non plus sur tout le domaine de la levée de fonds où la concurrence est de plus en plus féroce. Les fondations se considèrent pénalisées de ne pouvoir solliciter la clientèle qui, la première, devrait être susceptible de contribuer à l'amélioration des soins et de la qualité de son séjour à son centre hospitalier. Il s'agit des usagers de nos centres hospitaliers. Pour réussir une levée de fonds, il y a un certain nombre de conditions: d'abord, obtenir la liste des donateurs potentiels à jour, bien ciblés; il faut un rappel systématique des personnes qu'on aura sollicitées; il faut qu'il y ait l'existence d'un lieu ou d'un contact professionnel ou personnel entre le solliciteur et le sollicité et, aussi, l'exploitation d'un lieu de rattachement entre le donateur et la cause.

(17 heures)

Notre situation juridique actuelle. D'abord, nous sommes assujettis à la loi sur le secteur privé qui permet, premièrement, l'utilisation de listes nominatives à des fins de prospection commerciale ou philanthropique et, deuxièmement, oblige d'offrir au donateur potentiel l'occasion de faire retirer son nom de la liste nominative. Ces règles nous semblent inspirées pour des fins de sollicitation commerciale et non philanthropique.

L'opinion de l'AHQ à cet effet. Les fondations ne devraient pas avoir l'obligation d'offrir l'occasion de retrait. Nous sommes cependant disposés à respecter la volonté de la personne qui demande elle-même le retrait de la liste. Évidemment, nous souhaitons aussi que le retrait soit fait, s'il y a lieu, pour une période limitée, et ce, en considération que les fondations ont une mission philanthropique et, aussi, travaillent dans l'intérêt public du Québec. De son côté, la loi d'accès... Nous avons fait la démonstration que les principaux donateurs à une fondation hospitalière sont d'abord leurs patients et leur famille. Donc, nous avons besoin d'obtenir la liste de ces personnes.

Or, la loi d'accès et la Loi sur les services de santé et les services sociaux interdisent aux établissements, soit aux centres hospitaliers, de transmettre la liste des patients. Selon la Commission, en vertu des lois applicables, la sollicitation dans les centres hospitaliers doit être faite par l'un ou l'autre des moyens suivants: soit obtenir le consentement des usagers, ou c'est le CH qui, lui-même, agit à titre d'agent distributeur. Ces deux solutions nous apparaissent irréalistes. D'abord, c'est la difficulté d'obtenir le consentement des personnes, soit à l'entrée ou à la sortie du centre hospitalier. Alors, on pense qu'il peut y avoir de la part de cette personne un risque de chantage, en voulant dire: Si je ne signe pas cette liste-là, peut-être que je n'aurai pas de bons soins. Et, à la sortie, la personne peut dire: Je vous enverrai quelque chose, mais c'est une promesse qui est bien souvent sans lendemain. Le CH comme agent distributeur: distribuer des brochures au grand public, à la personne à qui on envoie un relevé de compte, nous apparaît, comme moyen, comme étant nul ou presque. Ça équivaut à lancer une bouteille à la mer et le rendement, évidemment, est très faible.

Voici donc la situation. Les entreprises du secteur privé peuvent utiliser des listes nominatives à des fins de prospection commerciale ou philanthropique; donc, elles utilisent des renseignements qui n'ont pas été obtenus pour fins de prospection et servent à la vente de biens et services ou de philanthropie. Alors, donc, nous considérons qu'il y a incohérence, puisque les CH ne peuvent, dans notre cas à nous, nous fournir la liste nominative – et, quand on parle de liste nominative, on parle uniquement de noms, adresses et numéros de téléphone, on n'a besoin d'aucun renseignement sur l'état de situation médicale de la personne – et les CH, les centres hospitaliers, ne peuvent solliciter à notre place.

En conséquence, nous demandons que les lois soient changées pour permettre aux organismes publics – je pense ici aux centres hospitaliers – de transmettre la liste nominative à leurs fondations, qui ont une mission exclusive à leurs centres hospitaliers, pour fins de prospection philanthropique. Nous demandons également des assouplissements qui soient apportés à la loi sur le secteur privé. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais vous remercier pour votre présentation. Question bête, question un peu crue: Pourquoi vous transmettrait-on de l'information? Par exemple, si, moi, je vais à l'hôpital, pourquoi est-ce que vous sauriez que je suis allé à l'hôpital et pourquoi, moi, est-ce que je n'aurais pas droit, comme citoyen, au respect de ma vie privée, de faire en sorte que ce renseignement ne soit pas communiqué à l'extérieur des murs de l'hôpital, et à ce que cette information demeure entre les mains de l'administration de l'hôpital, entre les mains des professionnels, qui sont soumis à des codes de déontologie? Pourquoi cette information-là devrait-elle circuler?

M. Granger (Roland): Je vais tenter une première partie de la réponse. Si mes confrères veulent compléter... Actuellement, on a relevé que les fondations des centres hospitaliers, au Québec, avaient au moins contribué pour 45 000 000 $ – la dernière année de compilation, en 1996 – à leurs centres hospitaliers, et il y avait des engagements pour 9 000 000 $. Alors, c'est dire que la place des fondations dans le réseau dans la santé est importante. Alors, si nos centres hospitaliers ont besoin de la contribution des fondations, il faut que les premières personnes qu'on doit solliciter, c'est celui qui a un lien ou qui a une raison d'être avec le centre hospitalier, c'est le patient et sa famille. C'est la première personne qu'on doit solliciter, c'est lui avec qui on peut faire un lien entre la qualité de ses soins, le séjour en centre hospitalier et son rétablissement, etc. Alors...

M. Boisclair: C'est ce qui se fait déjà fort bien. Des médecins, du personnel infirmier qui invitent des gens de la famille à contribuer à une fondation, ça se fait, là, régulièrement.

M. Granger (Roland): Mais je ne pense pas, en tout cas, que tout le personnel du centre hospitalier a cette responsabilité-là ou qu'il prend le temps de le faire. Mais, nous, nous venons le faire de façon systématique.

Le Président (M. Gaulin): M. Desbiens.

M. Desbiens (Jean-Yves): J'aimerais souligner que, sur le plan américain, les infirmières et les médecins sont des solliciteurs très... avec beaucoup de pression auprès des clients. Au Québec, la situation ne se présente pas. Mais le citoyen dans notre société est sollicité constamment, il y a des risques que... Si vous êtes membre de Châtelaine ou de différents magazines, à ce moment-là, pourquoi ne pas lui laisser exercer son libre choix dans la société de vouloir faire un don?

En quittant l'hôpital ce matin, moi, il y a quelqu'un qui est venu faire un don substantiel parce qu'on avait sauvé son enfant avec une excellente recherche. Il a dit: Je veux que mon nom soit mis sur la liste et j'espère que vous allez continuer à solliciter de la clientèle, c'est une clientèle privilégiée.

Je trouve qu'on est incohérent dans le moment où ce que les centres hospitaliers nous demandent, c'est de ramasser des sous de plus en plus. Et vous avez une clientèle et un des derniers moyens, très peu efficace, c'est d'envoyer des dépliants «at large» qui ne donneront absolument rien. En philanthropie, si vous avez l'occasion de créer un lien avec un individu avec le temps... Et on ne demande pas d'autre chose que le nom et l'adresse.

M. Boisclair: Comme en politique.

Le Président (M. Gaulin): M. Frenière.

M. Frenière (Denis): Merci, Roland. Je veux juste ajouter que, comme bénévole au sein d'un conseil d'administration d'une fondation, j'ai été appelé à aller suivre des cours pour connaître mieux la philanthropie parce que ce n'était pas mon métier, ça, dans la vie. Et la première chose qu'on nous dit quand on suit des cours, là, chez les experts en philanthropie, avec toutes les firmes connues, qu'elles soient canadiennes, américaines, la première chose qu'on dit: Quand vous voulez faire une campagne de souscription, il faut cibler vos clientèles et la première clientèle à cibler, ce sont les usagers ou, en tout cas – je ne sais pas vraiment comment appeler ça aujourd'hui – des clients de l'hôpital, ce sont les clients de l'hôpital, premièrement; deuxièmement, c'est la famille, la famille qui comprend le personnel et les médecins; et, troisièmement, avant d'aller dans le grand public, troisièmement, les fournisseurs de l'hôpital.

M. Boisclair: Oui, mais je comprends tout ça, là, monsieur. C'est à la base de n'importe quelle stratégie de marketing. Mais je reviens à la question: Pourquoi quelqu'un, son nom devrait automatiquement circuler? Et, moi, je peux avoir le droit de ne pas vouloir donner mon nom à votre fondation. Et je dois vous dire que c'est de la même façon que réclamer le droit de se soustraire d'une liste, la pression serait aussi grande que si on sollicitait son consentement avant ou après ses visites à l'hôpital.

M. Granger (Roland): On n'est pas contre le retrait de la personne, on voudrait que ça soit possible, mais à la demande de la personne même et non pas par obligation comme si on était des vendeurs de biens.

M. Boisclair: Donc vous êtes prêts...

M. Desbiens (Jean-Yves): Ah, oui. Très disposés à ce qu'une personne demande d'être retirée de la liste, à ce moment-là, on le fait continuellement.

M. Boisclair: Oui. Je le sais bien. Mais pourquoi, moi, je vais à l'hôpital, pourquoi je serais sollicité du fait de ma présence à l'hôpital, par une fondation, sans que moi j'aie donné mon consentement à être sollicité?

M. Granger (Roland): Bien, c'est parce que je pense que c'est une responsabilité, aujourd'hui, sociale que toute personne puisse, dans le réseau dans lequel on est, puisse recevoir de la sollicitation pour son centre hospitalier.

M. Desbiens (Jean-Yves): Oui, dans la pratique, la méthode du consentement, je peux vous assurer, apporte très peu de résultats. Quand un citoyen se présente dans un centre hospitalier avec la nervosité, qu'il a 32 formules à remplir, puis vous lui en rajoutez une autre par-dessus, je vous avoue que... On l'a essayé, nous, et ça ne produit pas des grands résultats.

M. Boisclair: Mais est-ce que pour autant le respect de cette personne à sa vie privée doit être protégée? Puis est-ce qu'un système d'«opting out» est un système qui est efficace? Moi, en tout cas, je me pose sérieusement la question. Il faut avoir fréquenté récemment beaucoup d'hôpitaux, dont un en particulier pour quelqu'un de la famille, pour vous dire que, quand on est sorti de l'hôpital, tous les membres de la famille ont contribué, puis on l'a tous fait volontairement, puis les formulaires sont à tous les coins dans la salle d'attente, dans le tiroir dans la chambre, devant la réception. En tout cas, vous réussissez quand même à ramasser 45 000 000 $, là.

(17 h 10)

M. Desbiens (Jean-Yves): Moi, je peux vous dire que, quand vous apprenez la démarche du consentement, vous avez facilement un 50 % de moins de réponses. Si vous demandez aux individus de signer une formule ou quoi que ce soit, nous, on l'a expérimenté et on a eu une baisse de 50 % dans notre centre hospitalier.

Des brochures, vous savez, ça traîne un peu partout. Ce n'est pas comme ça que vous allez créer un lien très étroit avec un donateur, avec le temps.

M. Boisclair: Non, puis ce n'est sans doute pas plus par un envoi par la poste, comme j'en reçois, moi, de l'hôpital Sainte-Justine et d'autres hôpitaux. Ce n'est pas par un dépliant qui est imprimé à des milliers d'exemplaires que je vais plus me sentir...

M. Desbiens (Jean-Yves): Bien, je peux vous dire qu'on a, sur les listes qu'on utilise, nous, des pourcentages de refus très élevés.

M. Boisclair: D'où viennent ces listes?

M. Desbiens (Jean-Yves): Ah, quand on fait un publipostage «at large», au grand public, qu'on transige avec une firme privée, qui va acheter une liste de Châtelaine ou ces choses-là, là, vous avez des 10 %... La moyenne canadienne, c'est à peu près 2,3 %. On obtient, nous autres, jusqu'à 8 %. Mais, si vous avez une liste de gens qui sont passés dans un centre hospitalier, qui ont été sensibilisés et qui veulent que leur centre hospitalier ait un succès, là, vous pouvez facilement monter en haut de 35 %, 40 %. C'est ce qui vous permet, dans l'avenir, de garder un lien avec ces gens-là pour expliquer la croissance, les sous dont on peut avoir besoin pour la recherche ou quoi que ce soit.

M. Boisclair: Je comprends. Je conclus tout simplement cet échange en vous disant que je ne suis pas convaincu que le moyen demandé est justifié et qu'il y a toutes sortes... J'imagine ma collègue, à Rimouski, quand l'hôpital fait une collecte de fonds, c'est la communauté qui se mobilise. Quand l'Hôtel-Dieu ou Saint-Luc font une collecte de fonds, il y a des communautés, il y a des réseaux qui se mobilisent. Est-ce que ça vaut la peine de faire une brèche importante dans un principe qui est l'obligation de demander un consentement? Est-ce que, avec ce qui est demandé comme amendement, le résultat, en bout de course, en vaut la peine? On va continuer à réfléchir, mais je dois vous dire que je ne suis pas prêt à trancher à ce moment-ci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À notre tour, il nous fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des fondations des hôpitaux du Québec. Mon collègue, le député de Jacques-Cartier, aurait voulu commencer avec une question, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. J'ai un petit peu de misère aussi avec le manque de consentement. Vous avez parlé tantôt des listes de Châtelaine , et tout ça, ou de Maclean's et des autres revues, L'Actualité , mais il y a dans ça... on a le droit de se désister ou non. Alors, règle générale, les personnes qui ont accepté que leur adresse soit partagée avec d'autres compagnies de sollicitation, il y a déjà un tri qui est fait avant de vous vendre la liste. Alors, les personnes qui n'aiment pas ça, les personnes qui ne veulent rien savoir des sollicitations sont exclues de la liste. Je pense que c'est souhaitable d'avoir un triage et, moi, juste en jasant avec mon collègue, le député de Chomedey, on peut voir, dans deux situations, deux réactions très différentes à votre demande.

Moi, je me rappelle la naissance de ma première fille à l'Hôpital général de Montréal. Nous avons contribué, l'année d'après, à la campagne de financement de l'hôpital, parce que c'est un événement qui était plein de joie pour un jeune couple, et tout ça. Mais mon collègue a eu une réaction très négative, parce que son père est décédé dans un hôpital de Montréal et c'était comme briser le deuil de la famille ou toucher la famille à un moment très sensible.

Alors, je pense que, vous autres, vous avez tout intérêt à avoir un certain triage, un certain consentement sur la liste avant de faire la sollicitation des fonds, parce que, avec moi, dans l'année 1982, vous avez trouvé quelqu'un de très sensible et très ouvert à la notion et, chez mon collègue – une famille qui était profondément touchée et qui, peut-être, n'était pas encore sortie du deuil – vous avez trouvé une réaction très négative.

Alors, moi, je pense qu'il faut trouver un moyen de demander le consentement, et ça me surprend, dans la sortie, ce n'est pas... Tout le monde dit: Il y a trop de papiers, et tout ça, mais, dans les choses quand on sort de l'hôpital, d'avoir, à ce moment, est-ce que vous allez donner votre consentement à être inclus sur la liste pour la sollicitation de la fondation? Moi, je pense qu'il faut examiner de près cette possibilité. Au lieu de créer un «opting out», moi, ma préférence est toujours un «opting in», qu'il y ait quelque chose de proactif de fait par la personne. Parce que je peux voir, pour beaucoup de raisons, qu'on ne veuille pas indiquer à personne qu'on est à l'hôpital. C'est un renseignement très privé, et on ne veut pas partager ça avec quelqu'un. Alors, je ne peux pas voir pourquoi on peut donner suite à votre demande et vous donner, d'une façon automatique, la liste de tous les patients d'un hôpital. Je pense que ça fait une brèche dans le secret médical qui est trop large pour les fins qui sont visées.

Le Président (M. Gaulin): M. Frenière.

M. Frenière (Denis): Moi, je suis très heureux d'entendre des gens comme vous autres qui contribuez de bonne volonté à une fondation ou à votre fondation, mais je peux vous dire que je suis dans l'organisation de campagnes et ce n'est pas aussi simple que vous le dites et l'argent n'entre pas comme ça. J'aimerais bien ça. En tout cas, je vais vous demander de déménager dans ma région pour vous avoir comme donateurs dans ma fondation.

Je reviens de façon un petit peu plus sérieuse sur votre question. Chez nous, au centre hospitalier Honoré Mercier, on ne fait pas la demande d'autorisation au début. Je siège aussi sur le conseil d'administration du centre hospitalier comme représentant de la fondation et, dans le réaménagement de tout le système de la santé que vous connaissez sûrement, on est à réexaminer une nouvelle façon de faire l'admission des patients et qui va faire en sorte qu'ils vont passer tout droit et qu'ils auront, en tout cas, moins de paperasse, moins de choses à remplir, et que je vais les échapper.

Moi, ce qui est important pour moi quand vous dites que vous voudriez garder le secret de votre séjour à l'hôpital, ce qui est important pour moi comme président de fondation, c'est de savoir que quelqu'un rappelle à une personne, à un moment donné, qui que ce soit rappelle à une personne, si elle a été bien servie, qu'elle pense à sa fondation.

À venir jusqu'à aujourd'hui, puis je parle de Saint-Hyacinthe, bien, jusqu'au mois de mai, notre D.G., dans son questionnaire sur la qualité adressé à tous les patients de l'hôpital, avait un petit paragraphe sur la fondation et glissait un feuillet de la fondation. Bien, ça donnait à la fondation quelque chose comme 25 000 $ par année en dons venant de patients de l'hôpital. Depuis le mois de mai, zéro, parce qu'il y a eu un jugement qui interdit à mon directeur général de faire de la sollicitation indirectement pour la fondation dans son questionnaire sur la qualité. Ça, c'est un jugement qui vient de la Commission, que j'ai ici.

Alors, moi, ce que je vous dis, c'est que j'essaye, comme bénévole, par toutes sortes de moyens – puis je pourrais vous en donner des moyens parce que j'ai toutes sortes de projets – j'essaye d'apporter des fonds à mon centre hospitalier, et je dis que tous les moyens qui peuvent être ma disposition sont bons et, si vous m'en enlevez des moyens, bien, moi, je dis: Crime! Je travaille pour vous autres. Je travaille pour tous nous autres. Alors, essayez au moins d'adoucir les moyens. La liste des patients de l'hôpital, les noms, numéros de téléphone, les adresses, si vous ne voulez pas me la donner par une modification à la loi, je n'en ai pas besoin en autant que vous laissez mon D.G. faire ce qu'il faisait à venir jusqu'à aujourd'hui. Bien non, c'est ça, il n'a plus le droit de le faire, il ne le fait plus, mais à venir jusqu'à aujourd'hui il y avait quand même une tolérance qui faisait en sorte que... Qui en était le bénéficiaire? Bien, mon centre hospitalier, parce que cet argent-là, il retourne là.

Alors, c'est ça qu'on veut vous dire. On dit: On essaye de trouver des suggestions à vous faire pour adoucir la loi ou la modifier, peu importe, pour faire en sorte qu'on ne soit pas brimé dans la recherche de fonds que l'on fait pour notre centre hospitalier. Ce n'est rien que ça. Parce que chez nous on est une petite fondation, on ne fait pas de relance téléphonique, on a cette façon-là d'écrire ou on avait cette façon-là d'écrire via notre directeur général. Maintenant, on ne l'a plus. Alors, on dit: Je peux le faire. On pourrait écrire directement, puis s'adresser directement à une personne, mais j'aimais bien mieux l'autre système, avant, où c'était le directeur général. Je n'ai pas besoin de la liste, moi. Je ne la veux pas non plus. Je ne suis pas médecin, puis, bon, etc. Alors, c'est un peu ça qu'on vous dit.

Le Président (M. Gaulin): M. Doray.

M. Doray (Raymond): Juste une petite remarque technique, M. le Président. Il faut bien comprendre que, dans le secteur privé, les cliniques privées, les établissements hospitaliers privés peuvent faire de la sollicitation. Le régime de la loi du secteur privé leur permet de le faire alors que, dans la situation actuelle, suite à la décision de la Commission d'accès à l'information, les fondations des hôpitaux publics se retrouvent dans une situation nettement défavorable.

(17 h 20)

D'autre part, M. le ministre a mentionné tout à l'heure que les médecins et les infirmières peuvent faire de la sollicitation. Je voudrais porter à son attention que, si on applique la décision de la Commission d'accès à l'information, les médecins et les infirmières dans les établissements publics ne pourraient pas non plus utiliser les renseignements qu'ils ont à leur disposition pour faire de la sollicitation, ce qui serait, aux dires de la Commission d'accès, du détournement de finalité. Mais on ne vit pas dans la République des anges; on vit dans une société où nos hôpitaux ont moins d'argent. Il ne faut quand même pas nier cette réalité-là et je pense que c'est ce qui vous a été mentionné dans le mémoire qui a été soumis.

M. Boisclair: Quand même, quand même.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Quand même, Me Doray, nous avons jusqu'à date de bonnes relations à cette commission; vous êtes venus nous voir à plusieurs reprises. Il ne faudrait tout de même pas faire des procès d'intention alentour de cette table.

Deuxième chose, ce que je voudrais aussi bien comprendre, c'est que ces listes-là, une fois que vous les avez obtenues, vous-mêmes pourriez les vendre pour des fins de sollicitation. Tout à fait. Vous seriez un organisme privé soumis à la loi sur le secteur privé et vous-mêmes pourriez utiliser ces listes et même être tentés de les vendre pour des fins de sollicitation ou des fins philanthropiques. Alors, la question qu'il faut, je pense, se poser, c'est: Est-ce que la Commission d'accès à l'information a rendu une bonne décision? Je ne sais pas si c'est Me Doray qui vous représentait à cette audience, mais nous savons pertinemment que, par exemple, l'Université Laval ou des grandes universités sollicitent certains de leurs anciens étudiants sans, par exemple, communiquer de renseignements à un mouvement de retrouvailles, mais utilisent plutôt le dépliant d'une association qu'ils glissent dans leurs envois. Peut-être y aurait-il lieu à nouveau de faire en sorte que la Commission se penche sur cette question.

Le Président (M. Garon): M. Desbiens.

M. Desbiens (Jean-Yves): Bien, je connais les exercices que font les universités de télémarketing et de relance des étudiants et puis des anciens gradués, et je trouve qu'ils utilisent des listes très concrètes à partir de l'informatique, de l'inscription. L'autre chose que j'aimerais souligner, nous, les professionnels de la philanthropie, on fonctionne avec des codes de déontologie aussi. Je ne connais pas de fondation hospitalière qui ait vendu des listes à l'extérieur. Le troisième point, c'est que je n'en connais pas, pour être en relation avec les hôpitaux nord-américains et canadiens qui ont des succès énormes dans la sollicitation de la clientèle, qui utiliseraient une méthode du consentement. Parce que je suis convaincu, moi, qu'on n'arriverait pas à de bons résultats si on procédait par le consentement.

M. Boisclair: Mais vous comprenez comme moi, monsieur, que ce n'est pas tout d'avoir un droit, encore faut-il avoir un recours. Et dans ces domaines, lorsqu'il y a une atteinte à la vie privée, il n'y a pas de retour en arrière. Le code déontologie, sans doute est-il bien important, mais il faut, si jamais il y a une infraction, il y a un bris à ce code de déontologie, le citoyen doit avoir un recours. Donc, ces fondations seraient considérées comme des organismes privés et vous pourriez vendre ces listes-là, le nom, le numéro de téléphone et l'adresse, pour des fins de sollicitation ou des fins philanthropiques. Moi, la question que je me pose, ce que monsieur me disait tout à l'heure...

M. Frenière (Denis): Il n'y avait pas pensé.

M. Boisclair: Non, mais ce que monsieur me disait tout à l'heure, c'est: Pourquoi le D.G. ne peut-il pas mettre le dépliant de la fondation dans un envoi à l'occasion, par exemple, d'un sondage sur la qualité des services? Je pense que Me Doray a suffisamment d'expérience et serait capable de bien plaider cette cause devant la Commission.

M. Granger (Roland): Ça ne donne aucun résultat de travailler de cette façon-là. C'est parce qu'il n'y a pas de suivi. Il faut un suivi systématique, fait à un moment bien précis avec la personne.

Vous parliez de procès d'intention, je ne connais pas de fondation qui irait donner la liste de ses clients à d'autres ou les vendre du tout parce qu'il y a tellement à faire avec ces listes-là. Mais je ne connais pas non plus... à ce que je sache, il n'y pas de précédent dans le réseau des centres hospitaliers au Québec et des fondations où on a agi de façon éhontée pour mettre en péril les fondations sur la place publique, sur nos façons de faire. Moi, je pense que nos fondations ont une très, très, très bonne réputation à cet égard-là.

M. Boisclair: Monsieur, quand même, là, sérieusement, la question, ce n'est pas de voir... je ne jette aucun... il n'y a personne qui a ces intentions-là, mais il s'agit que ça se passe une fois pour qu'il y ait un problème. Et ce n'est pas tout que d'avoir un droit, Me Doray vous le rappellerait, encore faut-il qu'il y ait un recours, et les codes de déontologie, on en a fait la preuve ici depuis le début de cette commission, ne sont pas une façon qui nous apparaît suffisante pour assurer le droit au respect de la vie privée, le droit d'accès qui est prévu à la charte québécoise, qui est prévu dans les lois québécoises. Alors, je pense qu'il faut un peu regarder les ... Il n'y personne qui prête de mauvaises intentions à personne, mais il y a un droit tant et aussi longtemps qu'il y a un recours.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey. Il vous reste quatre minutes.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je veux enchaîner justement sur cette question de la possibilité de vente. Personne, de notre côté non plus, n'est en train de mettre en question la bonne volonté ni la turpitude morale des gens qui s'occupent de ces questions-là avec les fondations des différents hôpitaux. Cependant, je pense qu'il faut tous être conscients du fait que ça part toujours d'une bonne intention. À chaque fois que quelqu'un est venu devant cette commission: Bien, donnez-nous une exemption; que ce soit l'État qui dise: Bien, laisse-moi brancher tous mes ordinateurs, puis je peux mieux détecter la fraude fiscale; mais, un moment donné, il y a des principes en jeu, puis il me semble que, s'il y a un domaine dans lequel personne n'a besoin d'être convaincu que c'est ce qu'il y a de plus vital comme information dans la vie privée d'un individu, c'est le fait même d'avoir été hospitalisé.

Et je comprends les renvois aux professionnels qui ont un code de déontologie, qui peuvent être sanctionnés. Mais, malgré le fait que ce sont des gens sans qui on ne saura jamais faire fonctionner le secteur des fondations, si ce sont des bénévoles qui ont accès à toute cette information-là dans leur communauté, qui a été hospitalisé, et quand, et tout ça, je m'excuse mais, malgré le fait que je ne doute nullement de la bonne volonté des gens, le danger est trop gros.

Par ailleurs, il ne faut pas être naïf. Si vous, comme fondation, vous êtes déjà capables d'acheter les listes d'envoi de Châtelaine et de tous les autres, ou quelqu'un dans un domaine connexe a déjà fait une levée de fonds va vous vendre leur liste, parce qu'eux ils l'ont épuisée pour leurs propres fins, mais ça peut être la même liste pour vous autres. La même chose, la même demande, le même retour d'ascenseur, si vous me passez l'expression, va se faire à votre égard. Les gens vont dire: On veut bien vous donner ça. Que ça soit public, d'autres fondations, ou que ça soient des compagnies pharmaceutiques ou des compagnies qui fabriquent des choses pour les mères des nouveau-nés, c'est tellement privé, c'est tellement fondamental que vous comprenez notre réticence à vous suivre dans votre analyse.

Cependant, pour ce qui est de la partie du directeur général et de la personne qui est astreinte à des règles internes, puis qui peut être contrôlée, et qui a, de toute façon, déjà ce texte-là, si c'est l'hôpital même et non une fondation, il y a peut-être une manière qu'on peut concevoir de vous laisser atteindre une certaine finalité. Mais de là à laisser cette information si vitale et si privée, si confidentielle, si intimement reliée à l'être humain, à sa personne, de la laisser circuler même avec des gens de bonne volonté et très bien intentionnés, qui essaient, oui, de faire quelque chose de correct pour avoir de meilleurs services pour la population en allant chercher des moyens à l'extérieur, quand même, je ne suis pas capable de suivre, M. le Président, les représentants des fondations sur ce terrain-là. Je trouve que c'est vraiment trop mettre en péril les droits fondamentaux des citoyens du Québec.

Le Président (M. Garon): M. Granger.

M. Granger (Roland): Écoutez, nous, on est convaincus qu'on a besoin de moyens additionnels pour aller se chercher des fonds. Et le moyen de base, c'est cette fameuse liste-là. Et ce qu'on demande, ce n'est pas une liste avec l'état de santé. Parce que ce sont des milliers de personnes qui, un jour, vont faire prendre une prise de sang ou vont à la clinique externe ou sont hospitalisées. Alors, est-ce qu'il y a une confidentialité si importante attachée au seul fait que j'aie été traité à mon centre hospitalier?

M. Mulcair: Ah oui! Il y a une grande confidentialité attachée à ça, à notre point de vue. Oui, une très grande confidentialité.

M. Granger (Roland): Alors, nous, on est très convaincus qu'on a beaucoup de fonds à aller chercher. Ce qu'on vous demande, c'est: Donnez-nous les moyens – cette liste-là est un moyen important – et aidez-nous à vous aider. Parce qu'on fait partie des solutions, nous, les fondations, on ne fait pas partie des problèmes, au Québec.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de l'Association des fondations des hôpitaux du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission.

(17 h 30)

J'invite maintenant les représentants de la Communauté urbaine de Québec, avec M. Ralph Mercier, à s'approcher de la table. Alors, nous avons une demi-heure ensemble. Donc, M. Mercier, si vous voulez nous présenter, pour les fins d'enregistrement du Journal des débats , les gens qui vous accompagnent. Nous avons une demi-heure, donc, normalement 10 minutes pour votre exposé et 10 minutes pour chacun des deux partis politiques. À vous la parole.


Communauté urbaine de Québec (CUQ)

M. Mercier (Ralph): Alors, M. le Président, tout d'abord vous remercier, vous et les membres de la commission, d'avoir accepté d'entendre les représentants de la Communauté urbaine de Québec ici aujourd'hui. Je dois vous dire que notre présence ici est en raison de problématiques qu'on puisse vivre quotidiennement au niveau de l'article 79 de la Loi sur la fiscalité municipale et particulièrement en termes d'accès à l'information. Il y a des particularités qui nous ont même conduits, à certains moments donnés, devant les tribunaux, et qui ont fait en sorte que ça crée un problème majeur en raison du fait qu'il y a ce qu'on peut qualifier peut-être de zone grise à l'intérieur de l'article 79.

Je pense que là-dessus les représentants qui sont avec moi ici aujourd'hui, d'abord M. Pierre Rousseau qui est secrétaire général de la Communauté et responsable de l'accès aux documents à la Communauté, et Me Anne Sylvie Arteau qui est du service du contentieux, pourront vous apporter toutes les précisions particulièrement peut-être un peu techniques sur ce dossier. Alors, Mme Arteau, je pense que le moment est opportun pour exposer la situation.

Mme Arteau (Anne Sylvie): Je vous remercie, M. Mercier. Alors, comme vous avez pu remarquer, le mémoire que la Communauté urbaine de Québec a présenté est tout de même assez succinct et ne comporte donc que sept pages. Le résumé à faire sera donc assez bref. Ce que je pourrais dire, c'est que la Communauté urbaine de Québec n'a pas de problèmes majeurs en matière d'accès à l'information. La Communauté urbaine, comme vous le savez, s'occupe de différents champs et en l'occurrence en matière de fiscalité municipale, d'aménagement, d'environnement.

Le problème, par contre, auquel se heurte de façon régulière à la Communauté urbaine de Québec a trait à l'application de l'article 79 de la Loi sur la fiscalité municipale. Cet article, évidemment, concerne l'accès à l'information pour différentes personnes, notamment quant aux documents qui ont été préparés par l'évaluateur et qui servent de base au dépôt de valeur au rôle foncier ainsi qu'au dépôt de valeur au rôle locatif. Les personnes, donc, qui sont expressément nommées par l'article 79, lequel est un article qui vient déroger aux règles générales de l'article 9 de la loi de l'accès, sont nommées dans l'article et sont en l'occurrence le propriétaire de l'immeuble, l'occupant de l'immeuble – et nous verrons plus tard quel est pour nous, quant à la Communauté urbaine, cet occupant – l'occupant d'une place d'affaires ou la personne qui a logé une plainte. L'accès à ces documents, évidemment, se fait par consultation seulement.

Donc, la Communauté urbaine a eu à se pencher de façon régulière sur l'interprétation à faire à cet article, plus particulièrement notamment à cause des demandes d'accès de certains locataires de centres d'achats, et on a eu des problèmes ici, dans la région, où des locataires de centres d'achats demandent d'avoir accès à des documents qui sont colligés et préparés par l'évaluateur et qui servent de documents pour déposer la valeur au rôle, mais pour l'ensemble du centre d'achats. C'est souvent dans le cadre de procès particuliers entre un locataire et un propriétaire, notamment pour l'interprétation de clauses contractuelles de baux, que le locataire se tourne vers la Communauté urbaine pour avoir accès à des documents qui, quant à nous, sont confidentiels.

Le problème, donc, est à l'effet que nous sommes pris entre l'arbre et l'écorce dans la mesure où nous avons déjà à respecter une confidentialité que nous donnons au locataire qui nous donne accès évidemment à des documents d'importance, ne serait-ce qu'au niveau de leurs revenus d'affaires, ne serait-ce également qu'au niveau de certaines données qui sont confidentielles. Nous sommes pris, donc, entre cette confidentialité que nous devons assurer aux personnes qui nous donnent de l'information et les demandes de ces locataires qui se targuent fort de l'interprétation de l'article 79 et notamment de la notion d'occupant pour avoir accès à ces documents-là.

Évidemment, la Communauté urbaine s'est toujours opposée, pour les raisons suivantes, à savoir: premièrement, nous obtenons ces renseignements sous le sceau de la confidentialité; nous avons le devoir d'assurer les citoyens que les renseignements qu'ils nous fournissent sont utilisés dans le but et la finalité prescrits par la loi en matière d'évaluation; la divulgation de ces renseignements pourrait causer un préjudice à certains, procurer des avantages financiers à d'autres; et je pense notamment aux articles 23 et 24 de la loi de l'accès qui demandent que nous obtenions le consentement de tiers pour divulguer certains renseignements qui sont considérés comme étant des secrets commerciaux. Quant à nous, la notion d'occupant du premier membre de la phrase de l'article 79 fait référence à l'occupant d'un immeuble. Donc, pour la Communauté urbaine, les locataires des centres commerciaux ne pourraient avoir accès à ces informations à moins qu'ils ne soient inscrits au rôle foncier.

La position que la Communauté urbaine a défendue depuis plusieurs années a été confirmée par la Commission d'accès à l'information dans une décision que nous avons annexée au mémoire, qui est celle de La Baie et Zellers; c'est Hudson's Bay Cie c. Communauté urbaine de Québec. M. Paul-André Comeau, à cette époque, nous avait donné raison quant à l'interprétation de l'article 79. Ce jugement, par contre, a eu une permission d'appeler en Cour du Québec. La Cour du Québec avait infirmé la décision de M. Paul-André Comeau disant en fait – c'est le juge François-Michel Gagnon – que la notion d'occupant, telle que libellée à l'article 79 de la Loi sur la fiscalité, comprenait les occupants inscrits au rôle de valeur locative et qu'à cet effet donc ils devaient avoir accès aux documents du centre d'achats en entier.

Ce jugement de la Cour du Québec a été porté en évocation en Cour supérieure. Le problème est à l'effet que des propriétaires de centres d'achats, lesquels nous appuyaient jusqu'à temps que nous arrivions à une évocation, se sont désistés de leur requête en évocation et nous ont laissé supporter les frais de ces procès qui sont tout de même d'importance.

La Communauté urbaine évidemment est soucieuse de préserver la confidentialité de ces renseignements. Nous nous retrouvons donc aux prises avec un problème qui, quant à nous, est majeur de par le fait que nous avons un devoir de confidentialité. Nous avons déjà parfois quelques difficultés à obtenir de l'information de la part de locataires, lesquels sont toujours réticents à nous donner de l'information qui éventuellement pourrait se retrouver dans d'autres mains que celles de la Communauté urbaine de Québec, pourrait être utilisée à mauvais escient. Nous devons leur donner cette assurance que nous préserverons ces renseignements qui sont considérés – qui l'ont toujours été – par la Communauté urbaine comme étant confidentiels. Nous nous retrouvons donc dans une position où nous aimerions avoir une clarification de la part du législateur quant à la notion d'occupant du premier membre de phrase de l'article 79.


Document déposé

À cet effet, nous avons préparé un amendement, qui n'est pas inclus au mémoire mais dont nous aimerions que la commission de la culture prenne connaissance. Nous en avons plusieurs exemplaires. Il s'agit donc de la proposition d'amendement de la Communauté urbaine quant à la clarification de l'article 79 de la Loi sur la fiscalité municipale.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Je vous remercie pour votre présentation. Vos recommandations seront étudiées. Mes collègues, le député de Rimouski, le député de Taschereau voudraient peut-être poursuivre cette discussion. Je devrai moi-même m'absenter, étant appelé en comité ministériel, mais je voudrais vous remercier pour votre présentation.

Mme Arteau (Anne Sylvie): On vous remercie, M. le ministre.

(17 h 40)

Mme Charest: Alors, M. le Président, merci, messieurs, merci, madame. Dans votre mémoire, il est question du fait que seul le propriétaire ou l'occupant peut avoir accès aux documents ayant servi de base à l'évaluation d'un immeuble. C'est ce qui retient le plus votre attention et qui vous préoccupe. Par rapport à ça, il y a eu votre cause, qui a été entendue, rejetée, maintenue. Moi, j'aimerais savoir, par rapport à ça, dans une suite de réflexion, ce que vous pensez de l'accès à la matrice graphique par les évaluateurs agréés. Parce que les gens du domaine municipal, vous connaissez bien ça, la matrice graphique, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, que les évaluateurs agréés aient accès à ça.

M. Rousseau (Pierre): Écoutez, c'est une bonne question, madame. Disons que le mandat en rapport avec la présentation que nous faisons aujourd'hui concerne l'article 79. C'est sur cette présentation technique là que nous avons mandat de nous exprimer au nom de la communauté sur ce point que nous avons soulevé.

Concernant la matrice graphique, évidemment, c'est un point technique sur lequel... Moi, je suis membre d'une corporation professionnelle qui s'appelle la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec qui vous a fait, déjà, ou qui va vous faire des représentations là-dessus. Évidemment, sur le plan professionnel ou personnel, je suis en accord avec ce que la COMAQ ou la Corporation des officiers municipaux du Québec va exprimer là-dessus. Mais, sur les fins de la présentation d'aujourd'hui et de la Communauté urbaine de Québec, je voudrais m'en tenir strictement au mandat, qui est celui de l'article 79, qui est celui sur la fiscalité municipale.

Mme Charest: O.K. Dans un autre ordre d'idées, vous savez, la Commission d'accès à l'information, à la recommandation 22 de son rapport... Même si vous vous êtes attardé, quand même, sur l'article 79, ça, je comprends ça, je saisis l'importance, pour vous, compte tenu des causes et tout ça. Vous aviez pris part dans une cause devant les tribunaux concernant l'affaire ville de l'Ancienne-Lorette et Loranger contre la Communauté urbaine de Québec dans laquelle il était question du droit d'accès, par les élus, aux renseignements pertinents à leur fonction. Et, dans votre mémoire, vous n'en parlez pas. J'aimerais vous entendre, même si ce n'est pas l'article 79, sur cet élément-là.

M. Rousseau (Pierre): Alors, écoutez, sur cette question-là, il y a eu jugement, et moi, comme responsable d'accès à l'information, je m'accommode très bien du jugement qui a été rendu. J'ai toujours été d'avis que l'élu, dans le cadre de ses fonctions, avait le droit à toute l'information pertinente nécessaire à sa prise de décision et le point qui faisait problème, dans le cas qu'il y avait avec l'Ancienne-Lorette à ce moment-là, c'était qu'il y avait une crainte qu'un document que nous considérions confidentiel, et même le tiers nous l'avait fourni comme étant confidentiel, on craignait que, en le remettant à l'élu dans le cas des circonstances de cette affaire-là, le document se ramasse publiquement, devant le public, et ça pouvait nous créer un préjudice parce que le tiers qui avait fourni le renseignement nous défendait de le rendre public et nous disait qu'il l'avait fourni sous l'effet de la confidentialité et qu'il y aurait une action en dommages qui serait intentée contre la Communauté si le document était rendu public. Et c'est ça qui a créé toute la difficulté.

Finalement, le compromis qui a été trouvé et dont le jugement fait état, c'est que l'élu a pu avoir accès au document, mais que cette obligation de confidentialité, il a été obligé de l'assumer lui aussi. Et c'est ce qui a réglé définitivement le problème et nous a protégés, donc, à l'égard des recours qui auraient pu être intentés à ce moment-là. L'élu a eu l'information, ce que je ne dénie pas en aucune espèce de façon, mais il l'a eue sous la même responsabilité qu'il devait en assurer la confidentialité à l'égard du public, puisque ce renseignement-là ne devait pas être rendu public. Alors, écoutez, le jugement qui a été rendu, moi, je m'en accommode très bien.

Mme Arteau (Anne Sylvie): Et je pense que l'application de ce jugement reflète en fait la recommandation 22 de la Commission d'accès à l'information quant à son rapport quinquennal.

Mme Charest: Oui, ce qu'on me souffle, puis je pense qu'on a raison de me le souffler, c'est que la Commission propose un droit d'accès. Est-ce que, à ce moment-là, on aurait avantage à l'inscrire dans la loi comme telle?

M. Rousseau (Pierre): Ça serait certainement un avantage, ça serait certainement...

Mme Charest: Est-ce que vous seriez d'accord avec ça ou...

M. Rousseau (Pierre): ...un point pertinent. Pardon?

Mme Charest: Est-ce que vous êtes en accord avec ça ou en désaccord, ou pas tout à fait en accord? J'aimerais avoir quand même une opinion, là. Ça ne vous engage à rien, ça nous donne un...

M. Rousseau (Pierre): Bien, moi, je suis en accord avec le jugement qui a été rendu.

Mme Charest: Et sur le droit d'accès inscrit dans la loi?

M. Rousseau (Pierre): Que l'élu a droit d'accès à tous les documents qui sont pertinents à une prise de décision dans le cadre de ses fonctions.

Mme Charest: Oui, O.K. Moi, j'aimerais quand même revenir sur votre proposition d'amendement à l'article 79. J'aimerais que vous me l'expliquiez un peu, parce que j'ai l'article, ici: Ajouter au deuxième alinéa, après le premier terme «occupant» du premier membre de phrase, les mots suivants «en partie ou entier, inscrit au rôle d'évaluation foncière». J'aimerais que vous me...

Mme Arteau (Anne Sylvie): Oui, alors, je vais vous éclairer là-dessus dans la mesure du possible. C'est une loi qui est tout de même relativement complexe.

Mme Charest: Parce que j'ai l'article, ici, j'ai votre amendement et j'essaie de voir.

Mme Arteau (Anne Sylvie): Effectivement, c'est que, nous, ce qu'on propose au législateur de faire, c'est d'insérer, au deuxième alinéa, après le mot «occupant» qui est dans le premier membre de phrase, qui est juste après le mot «propriétaire» et qui est séparé par un «ou», ce qu'on aimerait, évidemment, que le législateur puisse faire, c'est de bien spécifier que l'occupant qui est indiqué dans ce premier membre de phrase fait référence à un occupant qui est au rôle d'évaluation foncière. C'est sûr que, dans la loi sur la fiscalité, il y a toujours, évidemment, une personne qui peut être inscrite au niveau d'une place d'affaires qui est relative à un local ou à un endroit où elle peut exercer des affaires. Ça, c'est prévu dans le deuxième bout de la phrase où c'est indiqué «relatif au lieu d'affaires dont il est l'occupant». Nous aimerions que le législateur puisse préciser, de façon très claire, que le premier membre de phrase soit relatif à un occupant qui est inscrit, en partie ou en entier, au rôle d'évaluation foncière. Parce qu'il arrive, dans la loi sur la fiscalité, qu'un locataire soit considéré comme occupant au rôle foncier, et ça, je donnerai simplement un exemple.

Il y a eu un arrêt, qui est assez connu, qui est Cara c. ville de Mirabel, où, dans cet arrêt, il a été décidé que Cara, qui était, enfin, une cafétéria qui opérait à l'intérieur de l'aérogare de Mirabel, qui était donc une aérogare qui appartenait à un mandataire du gouvernement fédéral, laquelle aérogare était exempte au niveau foncier. À ce moment-là, il y a une application, un article de loi qui est bien précis, qui vient dire que, quand un occupant occupe un immeuble qui appartient à un mandataire qui est exempt par la loi, ce locataire ou cet occupant devient occupant foncier, si on veut, de cette partie d'immeuble qu'il occupe. Donc, il y a une gymnastique à faire, dans la mesure où...

Enfin, ce que, nous, on aimerait que le législateur puisse préciser, c'est que le mot «occupant» qui est utilisé ici, que ça soit un occupant, mais inscrit au rôle d'évaluation foncière. Et, en ce moment, évidemment, nous incluons, dans cette définition, les personnes qui occupent un immeuble qui appartient à un organisme qui est mandataire du gouvernement. Mais ce qu'on aimerait, évidemment, c'est que toute confusion quant à la notion d'occupant – que nous, nous accolons évidemment au rôle foncier – soit écartée par le législateur pour que, quant à nous, cet article ait tout son sens, à savoir qu'il y a deux réalités dans le monde de l'évaluation: il y a la réalité de l'évaluation foncière et le rôle de valeur locative.

Mme Charest: Oui, c'est vrai.

Mme Arteau (Anne Sylvie): Mais, quant à nous, cette confusion devrait être écartée par l'application, comme indiquée dans la proposition d'amendement, de la précision que «l'occupant» du premier membre de phrase soit celui qui est, «en partie ou en entier» inscrit au rôle d'évaluation foncière, et que le deuxième terme «occupant», lui, soit celui qui est impliqué, donc, par le rôle de valeur locative.

Mme Charest: Je vous remercie, madame. Vos explications sont très claires. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

(17 h 50)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Les explications sont tellement claires que nous n'avons aucune difficulté, justement, à nous rallier à cette proposition, d'autant plus que ça ne vise pas du tout à mettre en question quelque fondement que ce soit de la loi. Bien au contraire. Par l'explication qui a été donnée, c'est une manière de clarifier les choses. Trop souvent, au cours de nos audiences, on a eu l'occasion d'entendre des groupes, souvent avec les représentants légaux qui avaient plaidé et perdu une cause, venir dire: Vous savez, ils se sont trompés, mais, pour éviter le problème, on va changer la loi. Mais je vous avoue qu'ils n'ont pas eu une oreille très attentive jusqu'à date. Mais ici, ce n'est pas du tout ça. Vous vivez une situation ambiguë à cause d'un problème simple de rédaction législative, et on va pouvoir pallier à cette difficulté avec la modification proposée. De notre côté, on ne voit aucune difficulté. Petite question technique: Combien de temps ça a pris, du début à la fin, à la Commission d'accès à l'information, sur cette cause-là? Celle de Hudson's Bay Company.

Mme Arteau (Anne Sylvie): Je dirais que la première requête a été logée en 1994, et ça s'est échelonné sur deux ans, le premier dossier. Il existe d'autres dossiers qui sont devant la Commission d'accès. Donc, évidemment, on n'a pas la possibilité de les commenter.

M. Mulcair: Plus avant.

Mme Arteau (Anne Sylvie): Mais, effectivement, il y a d'autres dossiers qui sont encore en délibéré ou pendants devant la Commission d'accès.

M. Mulcair: Cette clarification permettrait de résoudre ces dossiers-là.

Mme Arteau (Anne Sylvie): Effectivement.

M. Mulcair: O.K. Bien, écoutez, nous sommes très réceptifs à votre demande. C'est très clair, très bien exprimé, puis on va pousser dans ce sens-là.

Mme Arteau (Anne Sylvie): Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je vais remercier les représentants de la Communauté urbaine de Québec de leur contribution aux travaux de cette commission et, puisque l'heure est presque arrivée et que nous n'avons pas d'autres intervenants qui doivent venir témoigner, j'ajourne les travaux de la commission à mercredi, le 29, demain, après les affaires courantes, pour une séance de travail dont vous avez tous convenu.

Une voix: Demain?

Le Président (M. Garon): Demain après-midi, après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 17 h 52)


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