L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 10 février 2000 - Vol. 36 N° 22

Auditions sur la Société de développement des entreprises culturelles et le Conseil des arts et des lettres du Québec dans le cadre du mandat de surveillance des organismes publics


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Remarques finales


Autres intervenants
M. William Cusano, vice-président
M. Pierre-Étienne Laporte
*M. Pierre-Paul Savoie, RQD
*Mme Françoise Bonnin, idem
*Mme Ginette Laurin, idem
*M. Louis Robitaille, idem
*Mme Sylvie Gamache, CQM
*M. Michel Duchesneau, idem
*Mme Claudette Lacharité, idem
*M. Marie Lavigne, CALQ
*M. Gaëtan Gosselin, idem
*Mme Denise Melillo, idem
*Mme Ginette Richard, idem
*M. Pierre Lafleur, SODEC
*M. Stéphane Cardin, idem
*Mme Roxane Girard, idem
*Mme Lucille Veilleux, idem
*M. Bernard Boucher, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-sept minutes)


Auditions

Le Président (M. Rioux): Alors, le Regroupement québécois de la danse est là. M. Savoie, vous allez nous présenter vos collègues.


Regroupement québécois de la danse (RQD)

M. Savoie (Pierre-Paul): Je dois dire, au début, que je suis déçu de voir autant de chaises vides, parce que, à mon humble avis, c'est important d'être ici, nous y sommes, et j'aurais aimé que les gens qui font partie de cette commission entendent ce que nous avons à dire.

Le Président (M. Rioux): Ils vont se joindre à nous, ça ne sera pas très long.

M. Savoie (Pierre-Paul): Je l'espère. Je vous remercie.

Le Président (M. Rioux): Alors, présentez-nous vos collègues.

M. Savoie (Pierre-Paul): Absolument. Je vous présente Mme Ginette Laurin, directrice artistique et chorégraphe d'O Vertigo Danse; M. Louis Robitaille, directeur artistique et danseur interprète aux Ballets Jazz de Montréal; Mme Françoise Bonnin, directrice générale du Regroupement québécois de la danse; et moi-même, Pierre-Paul Savoie, directeur artistique, chorégraphe et interprète de Pierre-Paul Savoie Danse.

Le Président (M. Rioux): On vous écoute.

M. Savoie (Pierre-Paul): «On vous écoute.» Dans un premier temps, je dois dire qu'on aurait peut-être préféré s'exprimer par la danse qui a su convaincre le monde entier, je pense qu'on aurait probablement réussi à vous convaincre aussi. Mais aujourd'hui, comme on doit utiliser le langage verbal au lieu du non verbal, j'ai d'ailleurs demandé à Mme Bonnin de créer une introduction, finalement.

Mme Bonnin (Françoise): Eh bien, quelques mots simplement sur le Regroupement québécois de la danse. C'est une association qui a la particularité d'être la seule association en danse professionnelle au Québec. Elle a été créée il y a 16 ans. Ses objectifs étaient et sont toujours de favoriser le développement social, économique et artistique des créateurs, interprètes et autres professionnels de la discipline afin d'assurer à cette forme d'art un développement dynamique continu. Il faut savoir qu'à l'origine le Regroupement n'était composé que d'individus: les interprètes, les formateurs en danse, les chorégraphes indépendants. En 1994, après un immense mouvement du milieu de la danse qui a donné lieu aux états généraux, les compagnies ont intégré le Regroupement. C'est aujourd'hui, donc, 430 membres qui le composent, qui sont des interprètes, des chorégraphes indépendants, des formateurs en danse, les compagnies de danse, et les diffuseurs spécialisés, et les écoles de formation professionnelle.

(9 h 40)

Les activités du Regroupement sont des activités de représentation. Nous travaillons beaucoup à la concertation avec tous les intervenants qui sont proches de nous et nous offrons également des services aux membres. C'est un aspect important, puisque nous offrons notamment un programme de remboursement des classes d'entraînement pour les danseurs. Aussi, nous avons oeuvré depuis trois ans à la remise de la danse sur les routes du Québec par un projet qui s'appelle La danse sur les routes du Québec. Merci.

M. Savoie (Pierre-Paul): Alors, tout bien considéré, l'exercice que nous propose la commission de la culture nous donne l'occasion d'évaluer les retombées des deux politiques que l'État s'est données dans les années quatre-vingt-dix pour guider et réaliser sa mission culturelle. Toutes deux ont d'ailleurs fait l'objet de lois votées à l'Assemblée nationale, et ce, dans une belle unanimité.

La politique culturelle du Québec, lancée en grande pompe en décembre 1992, visait à placer la mission culturelle au même rang dans les priorités de l'État que les missions sociale et économique. Dans les années qui suivirent, décembre 1996, la Politique de diffusion des arts de la scène ne voulait-elle pas Remettre l'art au monde ? Depuis, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et le fleuve a quitté son lit.

Ces engagements de l'État à l'égard des arts et de la culture et vis-à-vis de l'ensemble de la population québécoise ont nourri beaucoup d'espoirs. Comme vous le savez, les milieux des arts et des lettres sont en crise. Comment expliquer l'incapacité actuelle de notre société à se projeter dans l'avenir, à se constituer une mémoire, à comprendre le présent, à se donner des références communes – des «raisons communes», écrivait le regretté Fernand Dumont – au sens de valeurs morales, sociales et politiques garantes d'une société démocratique et de la capacité d'agir des citoyens au sein d'une communauté?

Que la commission de la culture veuille étudier l'ensemble des mesures d'aide financière au milieu culturel rejoint les préoccupations quotidiennes de tous les artistes et artisans de la danse, qu'on soit interprète, chorégraphe, diffuseur spécialisé, administrateur de compagnie, agent de développement, enseignant, relationniste, qu'on soit professionnel reconnu ou en début de carrière, qu'on vive à Montréal, Sherbrooke, Drummondville, Trois-Rivières, Chicoutimi, Amos, Jonquière, Carleton. L'insuffisance de l'aide financière accordée par l'État au Conseil des arts et des lettres, notre principal subventionnaire, affecte toutes les catégories de professionnels de la danse, y compris la relève dont une part significative cumule déjà une bonne dizaine d'années de pratique et qui ne voit pas le jour où elle pourra faire le passage à l'âge adulte.

L'essor prodigieux qu'a connu la danse dans les 15 dernières années, sans que le Conseil des arts et des lettres ait pu s'ajuster à cette nouvelle réalité, explique la crise structurelle dans laquelle nous nous débattons. Freinée dans son développement, la danse est aujourd'hui entraînée dans un mouvement de déflation qui mine les énergies, sape le travail de plusieurs années et alimente un fort sentiment de découragement. Gérer la décroissance, c'est renoncer à l'avenir et consentir à revenir, plus ou moins à court terme, à la case départ. Belles perspectives! Sur la page couverture de La politique culturelle du Québec , en sous-titre, on lit pourtant: Notre culture notre avenir .

Nos collègues des arts et des lettres vous ont déjà fait part de cet état de fait, et vous êtes parfaitement informés des revendications du Mouvement des arts et des lettres, le MAL, qui vise spécifiquement à obtenir d'urgence 45 000 000 $ supplémentaires pour le CALQ afin d'assurer à court terme la consolidation et le rattrapage du soutien aux artistes, aux organismes et aux travailleurs culturels du milieu des arts et des lettres. Vous n'êtes d'ailleurs pas sans connaître l'extrême précarité du milieu de la danse et la fragilité qui en résulte pour la création en danse au Québec.

Dans une logique de survie, les artistes de la danse consentent à emprunter les couloirs de tous les labyrinthes administratifs, essaient de se conformer aux règles et aux mécanismes de sélection de chacun et espèrent avoir misé juste. À l'usage, ils finissent par comprendre qu'il existe autant de politiques d'aide financière que de partenaires impliqués et qu'ils auraient intérêt à réviser leur définition de «politique».

Toujours à l'usage, quand les artistes en danse obtiennent les aides en question, ils doivent se prêter à des opérations administratives et comptables exigeantes en regard des ressources dont ils disposent pour rédiger des demandes, des rapports d'étape, des rapports d'utilisation et des bilans, pour répondre, en d'autres mots, aux critères et modes d'évaluation, de vérification et de contrôle de toute une kyrielle de mesures éphémères. Ainsi, faute de fonds supplémentaires alloués au CALQ depuis sa création, la solution des dernières années pour les danseurs et les chorégraphes, qui a constitué à frapper à toutes les portes, a largement contribué à l'essoufflement de notre milieu.

Que la commission de la culture du Québec sollicite notre avis sur l'organisme de gestion qui nous concerne directement permet d'en rappeler le caractère essentiel en dépit de sa position extrêmement difficile dans la conjoncture actuelle. Gérer en toute équité dans la neutralité active et avec transparence les crédits qui ne cessent de décroître condamne l'organisme à appliquer contre tout sens commun une logique nécrophage. Cette logique à laquelle refusent de se prêter les artistes qui siègent sur les conseils d'administration, au sein des comités consultatifs et dans les jurys a son revers: le saupoudrage, en espérant que le principe de sélection naturelle fasse tout naturellement son oeuvre.

Comment réussir autrement à faire éventuellement de la place aux jeunes, à la relève, une préoccupation de première importance pour la danse? Un nombre imposant de compagnies sont freinées dans leur évolution parce que faisant partie d'une première relève qu'on n'a pas pu soutenir adéquatement. À elles s'ajoutent d'autres compagnies émergentes et un nombre de chorégraphes dits indépendants, à défaut d'avoir les moyens de se constituer en entreprise.

Dans une vision cohérente et prospective du développement des arts, le Conseil des arts et des lettres du Québec doit aussi considérer d'autres réalités: l'essor des pratiques interdisciplinaires et des nouvelles technologies, les conditions particulières d'exercice des artistes oeuvrant en région et celles issues des communautés culturelles. À cela viennent s'ajouter de nombreuses visées de la Politique de la diffusion des arts de la scène. Mais comment, dans les limites budgétaires de l'organisme, soutenir adéquatement le développement des marchés locaux et internationaux, le développement des publics partout sur le territoire, une meilleure circulation des productions artistiques dans les régions, entre les régions et des régions vers les grands centres?

Que la commission veuille porter à notre attention les critères de sélection des personnes et organismes qui reçoivent de l'aide du CALQ et la composition des jurys nous rassure. Nous y voyons là réaffirmer les principes à la base même de la création du Conseil des arts et des lettres.

Les artistes et les organismes regroupés au sein du Regroupement québécois de la danse peuvent témoigner de leur satisfaction quant aux modes et mécanismes d'évaluation de leurs dossiers. Rigueur, équité, souplesse et clairvoyance sont les termes qui reviennent le plus souvent dans leurs appréciations. Ils soulignent aussi la qualité du soutien, de l'encadrement qu'ils obtiennent de la part des agents disciplinaires qu'ils qualifient d'experts dans l'identification des forces et faiblesses de la discipline et d'interlocuteurs de premier choix dans l'analyse des problèmes de la danse, dans la recherche de solutions et la définition d'interventions visant à favoriser, autant que faire se peut, l'amélioration des conditions générales et particulières de la pratique de la danse.

Ce que nous sommes forcés de croire, c'est que d'un côté existe le Conseil des arts et des lettres pour assurer l'intégrité morale de l'État par la gestion des fonds alloués aux arts; de l'autre côté se multiplient les modes et les règles d'attribution de fonds attachés à des obligations qui confirment la politisation de l'art et de la culture et légitiment le pouvoir d'attribution discrétionnaire des fonds publics destinés à la vie des arts. Que le Conseil des arts et des lettres soit devenu un cadeau piégé pour les artistes, un bureau des plaintes sans conséquence, un organisme trop exemplaire dans sa gestion pour faire le poids dans la balance politique, il est aisé d'en faire le constat, constat que nous refusons d'admettre et qui alimente jusqu'à l'exaspération notre désir que les choses changent expressément. Mme Laurin.

Mme Laurin (Ginette): Je vais vous parler de la diffusion ou de l'exportation de la danse, qui est un secteur très important pour la communauté de la danse québécoise.

N'eût été de l'ouverture des marchés étrangers à la danse et de leur grand intérêt pour les compagnies québécoises de danse, où en seraient les Édouard Lock, Jean-Pierre Perreault, Marie Chouinard, Les Ballets Jazz de Montréal, Margy Gillis, pour n'en nommer que quelques-uns? Si ceux-là n'avaient pas réussi à percer le marché international et à imposer sur la scène internationale l'image de prestige dont bénéficient les chorégraphes québécois, comment les Danièle Desnoyers, Lynda Gaudreault, Sylvain Émard, Roger Sinha, Hélène Blackburn, José Navas, pour en nommer d'autres, auraient-ils fait leur place et trouvé les moyens de développer leur art? Ceux-ci ont malheureusement fait partie d'une première relève sans moyen mais ont pu profiter à répétition de résidences de création à l'étranger et de cachets de représentation qui leur ont permis d'exister comme chorégraphes. Le dynamisme de la danse québécoise sur le terrain de l'exportation est exceptionnel sans doute parce que la création québécoise est très vivante, très variée dans ses expressions et que, dans le monde international de la danse, on est à la recherche de signatures chorégraphiques fortes, distinctes, novatrices.

Confrontés à une crise structurelle profonde, les professionnels de la danse ont actuellement toutes les raisons de s'inquiéter, entre autres parce que le marché de l'exportation, qui constitue une part importante de leurs revenus, se resserre de plus en plus. Une partie des sources de revenus provenant de l'étranger est liée à la coproduction, une pratique courante d'accueil qui permet aux chorégraphes de créer et de produire dans des conditions à leur mesure. Pour vous donner un exemple de coproduction, c'est, disons, un diffuseur qui est rattaché à un théâtre en Europe qui investit directement dans la création pour payer les costumes, les décors, la musique d'une création.

Une autre part des revenus de l'étranger, en cachets de représentation souvent plus élevés que ce qu'ils peuvent obtenir ici, permet de faire rouler l'entreprise avec une structure minimale de fonctionnement, c'est-à-dire quelques postes stables occupés par des compétences administratives et artistiques plus dévouées que bien rémunérées, et d'assurer à leurs danseurs un salaire annuel moyen de 18 000 $. Et là je parle des compagnies majeures. Prenons l'exemple de Louise Lecavalier, qui est une de nos très grandes interprètes en danse. Pour plusieurs années, c'était à peu près le salaire qu'elle avait.

(9 h 50)

La question de l'exportation est cruciale quand on comprend que la vitalité des entreprises artistiques en danse au Québec dépend fortement de la diffusion à l'étranger et que l'envergure de leurs productions est redevable en partie aux conditions de création et de production qu'on leur offre ailleurs avec les coproductions.

Les compagnies qui tournent régulièrement à l'étranger ont atteint une relative stabilité financière et une expertise exceptionnelle en développement de marchés, en gestion d'entreprises, en relations publiques, promotion, débrouillardise. Ce faisant, elles portent sur leurs épaules une large part des responsabilités quant au développement de la discipline, au maintien des acquis et à la transmission des savoirs: promotion de la discipline sur la scène nationale et internationale, création et maintien d'emplois salariés ou de contrats réguliers avec les danseurs, formation et intégration d'une relève de danseurs, de chorégraphes, d'enseignants et de toute autre fonction nécessaire dans un organisme de production et de diffusion de la danse.

Il paraît évident que l'aide financière de l'État, déjà bien en deçà des besoins de la profession, doive assurer – et je souligne – une continuité dans le développement de marchés à l'international. Il paraît illusoire de compter uniquement sur le marché local qui, bien qu'en développement, reste limité dans ses possibilités de diffusion, de coproduction et d'achat de spectacles au prix réel. Les faibles revenus tirés des commanditaires ne risquent pas d'augmenter dans les années à venir, si l'on en juge par leurs objectifs de très grande visibilité que plusieurs grands événements populaires se disputent déjà.

Dans la situation actuelle, soutenir la concurrence dans un marché extérieur désormais extrêmement compétitif et exigeant en termes de réciprocité est une question de survie pour les compagnies établies, les compagnies en plein essor et pour la jeune relève qui dépend de la vitalité des autres. Ce que l'on sait, c'est qu'il y a urgence en la demeure de mesures vigoureuses, cohérentes et bien financées si l'on veut rester dans la course et survivre à la mondialisation des marchés des arts.

L'aide à la diffusion hors Québec passe par des programmes qui gèrent des demandes de subvention à la pièce et dégagent des sommes qui permettent d'amortir une partie des coûts de transport et de per diem. Pour le reste, il faut savoir négocier avec les partenaires étrangers, faire en sorte qu'ils fassent une bonne affaire et frapper à toutes les portes des ministères qui ont affaire avec les relations internationales, dont le ministère des Affaires étrangères du Canada qui, dans les dernières années, s'est fixé des quotas, réduisant de façon importante le soutien à l'exportation du produit québécois.

Quand on considère les mesures d'aide à l'exportation mises à la disposition des petites et moyennes entreprises du Québec – on pourrait aussi évoquer les ponts d'or offerts aux entreprises étrangères – l'on se dit que quelqu'un quelque part n'a pas encore réalisé qu'une compagnie de danse est une entreprise de biens symboliques de plus en plus en demande à l'étranger par les temps qui courent. L'on se dit aussi que, dans le marché international des biens courants, les partenaires impliqués sont dans une relation d'échange donnant-donnant. Il faudrait donc sérieusement prendre en compte, dans la perspective où l'État voudrait améliorer les conditions de l'exportation du spectacle vivant, les attentes formulées à répétition par les acheteurs étrangers. Ce qui revient à dire que des mesures sérieuses d'exportation impliquent la capacité de réciprocité, donc des mesures énergiques d'importation du spectacle étranger.

Pour soutenir la concurrence et maintenir les acquis d'un développement exceptionnel mais fragile, les compagnies de danse doivent pouvoir compter sur des mesures d'exportation et d'importation pensées selon une logique de développement durable, pour reprendre une expression à la mode dans le monde des affaires.

M. Robitaille (Louis): Pour ma part, je vais survoler les conditions de la danse au Québec. Pour Remettre l'art au monde , le Regroupement québécois de la danse et huit diffuseurs s'engageaient, à l'automne 1997, dans un projet-pilote, La danse sur les routes du Québec, grâce à l'obtention pour trois ans d'une subvention du nouveau programme Projets innovateurs de concertation et de coopération en diffusion des arts de la scène.

Au début des années quatre-vingt-dix, la danse ne tournait presque plus au Québec alors qu'elle était de plus en plus présente sur les grandes scènes internationales. C'est tout un public qu'il fallait reconquérir, d'où l'idée de mettre en place un dispositif impliquant de nouveaux modes de promotion, des activités de sensibilisation adaptées et une véritable stratégie de développement de la discipline en région.

Dès la première année, 1997-1998, 10 compagnies de danse empruntaient les routes du Québec, 28 spectacles étaient présentés et 110 activités de développement de publics touchaient près de 5 000 personnes. Pour l'année 1999-2000, 18 compagnies seront en circulation dans 32 villes du Québec, pour un total de 92 représentations de danse. Quant aux activités de sensibilisation, leur nombre se maintient depuis le début du projet et elles ont une incidence concrète et directe sur l'augmentation des spectateurs de danse dans les sept régions impliquées dans le projet-pilote.

Une autre importante retombée du projet concerne les artistes de la danse en région. Tous ceux qui ont été impliqués dans le projet de La danse sur les routes du Québec constatent que la danse, dans leur milieu, a désormais une existence concrète et que leur travail artistique est davantage compris et apprécié. Au-delà, ces compagnies ont pu nouer des contacts essentiels avec des compagnies de l'extérieur et ont désormais le sentiment de faire partie intégrante du grand ensemble disciplinaire. Si la danse arrive à tourner au Québec, c'est parce que les professionnels de la danse et les diffuseurs ont pris sur eux la responsabilité et les risques financiers de faire en sorte que la population ait accès à des spectacles de danse reflétant sa force et son dynamisme sur le plan de la création québécoise. Ceci dit, les artistes en danse ont un besoin urgent de plus de soutien pour tourner au Québec et continuer le développement disciplinaire en cours depuis trois ans.

M. Savoie (Pierre-Paul): Maintenant, nos recommandations. Nous recommandons que le Conseil des arts et des lettres soit dûment reconnu comme le principal organisme de gestion des crédits alloués aux arts et aux lettres, que tous les nouveaux crédits alloués aux arts et aux lettres transitent directement par lui et que son enveloppe budgétaire soit ajustée à la hauteur de son mandat.

Nous recommandons que le ministère de la Culture et des Communications soit enfin reconnu comme le maître d'oeuvre de la mission culturelle de l'État, qu'il soit mieux soutenu et largement promu sur la scène publique par le gouvernement.

Nous recommandons que l'État réaffirme le besoin d'une gestion neutre, efficace, souple, équitable des deniers publics consacrés aux arts et à la culture et qu'il mette tout en oeuvre pour que ce principe soit respecté.

M. Robitaille (Louis): Nous recommandons que le ministère de la Culture et des Communications mette en place des mesures favorisant l'harmonisation des actions et des interventions sur le terrain de la diffusion en les intégrant dans une démarche et une vision globale et que des crédits adéquats y soient affectés.

Nous recommandons que le bureau des tournées prévu dans la politique culturelle devienne une priorité de réalisation.

Mme Laurin (Ginette): Nous recommandons que le CALQ oeuvre à la mise en place d'un fonds de création qui, automatiquement attribué chaque année aux compagnies ou créateurs soutenus par le Conseil, permettrait aux artistes d'avoir en réserve les moyens nécessaires à leur prochaine création.

Nous recommandons que la présente commission de la culture rende publiques les conclusions de son mandat de surveillance et que la question de l'ensemble des mesures d'aide financière aux arts et à la culture fasse l'objet d'une investigation plus poussée.

M. Savoie (Pierre-Paul): On vous remercie de votre écoute.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Alors, vous avez fait un voeu qui est bien important, c'est: Les travaux de cette commission, est-ce qu'il y aura des suites à ça? Est-ce qu'il y aura un rapport? Je peux d'ores et déjà vous dire que dès aujourd'hui nous réunissons tous les membres de la commission pour évaluer quelles seront les recommandations que nous allons acheminer au gouvernement. Alors, n'ayez crainte, la commission qui a tenu ces travaux et qui termine aujourd'hui, on n'a pas l'intention que toutes ces énergies-là restent sans lendemain. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. D'abord, mon premier mot peut-être pour remercier les gens de la danse de venir nous parler. D'habitude, vous ne venez pas nous parler.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie (Pierre-Paul): On s'est parlé.

M. Dion: Vous vous exprimez autrement.

Le Président (M. Rioux): Avec élégance, d'ailleurs.

(10 heures)

M. Dion: Oui, évidemment. Alors, je vous remercie beaucoup. Évidemment, on a lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire qui essaie d'identifier avec précision les difficultés ou enfin les besoins auxquels vous faites face, qui sont les vôtres. C'est sûr qu'il y a un besoin d'argent; je pense que, là-dessus, tout le monde s'entend. Bon. Ça, on l'a entendu plusieurs fois, mais je ne dis pas qu'on l'a entendu trop. Je pense qu'il faut l'entendre beaucoup. Alors, vous avez fait votre part de ce côté-là.

Maintenant, au sujet des mécanismes, vous tombez d'accord que le CALQ, c'est l'instrument central pour l'aide à l'artiste. Donc, je pense que, ça aussi, il y a beaucoup de convergence là-dessus. Là où j'aimerais que vous m'expliquiez un peu, au début de votre mémoire, à la page 4, vous parlez de la politique culturelle du Québec, et on a l'impression que vous accusez l'arbitraire des décisions. Vous dites qu'il y a autant de politiques qu'il y a de demandeurs. Ou j'ai mal compris, j'ai mal lu, peut-être? Et un peu plus tard, à la page 8, vous parlez de toutes les complications des demandes, des difficultés qu'il y a, les mémoires à remplir, les formulaires à remplir, ce qui fait que l'artiste se sent piégé. Alors, tout ça me laisse perplexe. Je ne vois pas le lien entre ça et la recommandation finale qui est qu'il faut que le CALQ continue de faire son travail. Alors, pourriez-vous me mettre plus au parfum de ce que vous pensez vraiment de tout ça?

Le Président (M. Rioux): Alors, c'est M. Savoie qui intervient?

M. Savoie (Pierre-Paul): Je vais commencer.

Le Président (M. Rioux): Oui, allez.

M. Savoie (Pierre-Paul): Mais la façon dont nous aimerions fonctionner: qui a à parler le fera.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Allez, M. Savoie.

M. Savoie (Pierre-Paul): Mais je peux initier. En fait, moi, je peux très bien vous en parler, parce que je suis un artiste qui a dû créer, produire, faire la promotion de ses spectacles lui-même, et qui a eu, le lendemain matin, à faire les demandes de bourse, et qui a eu, en même temps qu'il a eu à créer, à faire l'administration de sa compagnie – ce qui était trop – et, je dois le dire, avec une expertise très mince. Ce que je peux dire, c'est que le nombre de demandes, de guichets différents, de programmes différents, ça nous demande finalement des énergies et du temps que nous n'avons pas. Je veux dire, dans l'administration d'une compagnie, disons la nôtre, par les administrateurs qui sont des fois à temps partiel ou des fois c'est fait par les artistes eux-mêmes, presque la moitié de l'année va justement à remplir ces demandes, à faire les rapports. Donc, il y en a énormément.

La façon dont on voit ça, ce serait quelque chose, à quelque part, où on fait une demande qui comprend la globalité de notre demande plutôt que par projet, par projet, par projet, par projet. Il y en a une multitude. Les gens qui viennent de l'industrie privée, qui viennent voir la façon dont on procède n'en reviennent tout simplement pas de tout ce que nous avons à faire pour gérer, en plus d'avoir à créer avec peu de moyens, tout ce que nous avons à faire administrativement.

Le Président (M. Rioux): Vous voulez une simplification des procédures.

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui. Absolument.

Le Président (M. Rioux): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui. Je pense qu'il y a un message qui est très clair dans votre mémoire, c'est que vous voulez une amélioration surtout du financement de fonctionnement par rapport au financement par projet. Mais, nécessairement, si je comprends bien, vous faites affaire avec le CALQ, mais vous faites affaire aussi avec la SODEC.

M. Savoie (Pierre-Paul): Non.

M. Dion: Pas du tout.

M. Savoie (Pierre-Paul): Nous, en danse, je crois qu'il n'y a presque aucune compagnie qui fait affaire avec la SODEC. En fait, c'est pour ça que le CALQ est notre intervenant, parce qu'il n'y a rien dans la SODEC qui, pour l'instant, nous concerne. Peut-être qu'un jour ça deviendra le fait, mais, pour arriver à ce genre d'intervention avec la SODEC, je crois qu'on devrait avoir les ressources, ne serait-ce que de penser comment on peut y accéder. Pour l'instant, je parle d'une compagnie moyenne qui est la mienne. Il n'y a rien dans la SODEC qui me concerne.

M. Dion: Je vous remercie.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Merci pour la qualité de votre mémoire. Vous êtes des artistes, vous êtes des gens d'action, mais vous avez démontré que vous étiez aussi des gens de coeur et de raison. C'est tout à votre honneur.

Pour revenir à l'argent, parce que l'argent, c'est le nerf de la guerre. Mme Bégin, au dernier gala des Masques, à la Soirée des Masques, a lancé un cri du coeur pour le milieu artistique. Nous avons reçu hier les gens du MAL, le Mouvement des arts et des lettres, qui réclamaient une augmentation du simple au double de l'enveloppe du CALQ, de 45 000 000 $ à 90 000 000 $. Donc, dans une perspective de ce genre, vous seriez à l'aise.

M. Savoie (Pierre-Paul): Vous parlez du 45 000 000 $ spécifiquement?

M. Bergeron: Oui.

Le Président (M. Rioux): 45 000 000 $ de plus, est-ce que ça vous rend à l'aise, monsieur?

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui, tout à fait, parce que je crois que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Savoie (Pierre-Paul): Tout à fait. J'espère pouvoir l'atteindre un jour. De toute façon, oui, je suis très à l'aise avec ça, parce que je suis conscient, pour avoir travaillé dans le milieu du théâtre, dans le milieu de la danse et un peu dans le milieu de la musique, que tous ces organismes, finalement, nous sommes une discipline, mais, autour de nous, il y a d'autres disciplines qui vivent dans des conditions, je dois le dire... et je pense ici en particulier à la relève.

Je veux dire, c'est presque indécent de voir – parce que je travaille avec des gens, je suis un chorégraphe qui engage des danseurs, disons, par contrat – la réalité de ces gens-là, c'est presque honteux. Il y a des gens qui vont venir répéter avec moi l'avant-midi, qui vont aller répéter ailleurs l'après-midi et qui vont aller travailler ailleurs le soir. Et souvent, ces gens-là... Les danseurs, on a des particularités dans notre discipline. On parle d'un entraînement. Donc, ça veut dire qu'il faut aussi s'entraîner. Et on parle aussi de blessures. Ce qui veut dire qu'il faut avoir les sous pour aller s'entraîner, il faut avoir les sous pour aller chez le physiothérapeute, parce qu'il y a beaucoup de gens qui finalement, faute de moyens, sont obligés de continuer à danser avec des blessures. On ne demanderait ça à personne dans notre société; les danseurs le font.

Alors, je pense que la condition économique des danseurs est tout à fait... je pense qu'elle est extrême dans le milieu des arts, mais elle reflète très bien une situation générale. On peut parler des comédiens, on peut parler des musiciens, des artistes en arts visuels, je crois que c'est le cas partout. Et cette demande de 45 000 000 $ est, à mon humble avis, tout à fait justifiée, parce qu'il est temps que nous cessions... En fait, moi, je peux très bien en parler, j'ai toujours sous-estimé le travail que je faisais personnellement. J'ai préféré l'intérêt de ma compagnie avant les miens. J'ai travaillé 10 ans sans un salaire avant d'avoir finalement, l'an passé, lorsque j'ai atteint le statut international, seulement un salaire minimum. Alors, si on prend cet exemple et on le multiplie dans les autres organismes, la somme de 45 000 000 $, je pense que c'est de savoir... que l'État réalise en fait qu'on devrait investir dans la culture parce que, quelque part, c'est donner à ces artistes-là, qui nous représentent et qui sont, je pense, un des éléments créatifs de notre pays, la valeur qu'ils méritent. Alors, pour moi, il est très justement raisonnable.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député.

M. Bergeron: Vous conviendrez que cette question-là était facile à répondre.

M. Savoie (Pierre-Paul): Mais, en même temps, elle est vraie.

M. Bergeron: Elle vous interpelle. Oui, je veux en venir, dans ma deuxième question, à l'exportation. C'est que vous avez dit que la danse québécoise, elle est présente à l'étranger, du côté international. Moi, dans ma tête, c'est que, pour être fort à l'international, pour être fort ailleurs, il faut être fort ici.

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui, on est bien d'accord.

M. Bergeron: C'est qu'il faut développer une expertise solide ici. On se rend compte que c'est fait et que les moyens ne sont pas à la hauteur du travail investi, des attentes, ainsi de suite. Donc, vous devez faire un tour de force pour pouvoir projeter à l'extérieur, sur les grandes scènes du monde, des spectacles de très haut niveau, de très grande qualité, avec des moyens qui souvent sont déficients. Et vous avez parlé des ponts d'or que le gouvernement peut des fois ériger pour certaines sociétés étrangères pour venir s'établir ici. Donc, on se rend compte que, pour l'entreprise, on va dire, matérielle, il y a de l'argent disponible et, lorsqu'on est rendu dans le milieu artistique, bien là les cordons de la bourse se délient beaucoup moins facilement.

Alors, j'aimerais vous entendre parler un petit peu plus en détail de l'exportation des marchés, des efforts que ça demande à une compagnie comme la vôtre ou d'autres entreprises pour projeter une image de force de la danse québécoise à l'extérieur des frontières nationales.

Le Président (M. Rioux): M. Savoie, je vais vous demander, ou à vos collègues, d'être plutôt bref.

M. Savoie (Pierre-Paul): O.K. Mme Laurin, voulez-vous y répondre?

Mme Laurin (Ginette): D'accord. Comme je disais, l'exportation, c'est quelque chose de très, très important pour nos compagnies québécoises. Je pense que, sans l'exportation, sans la chance de pouvoir donner des spectacles à l'extérieur, beaucoup de nos compagnies ne survivraient pas. Je dirais qu'on fait entre 70 % et 80 % de nos spectacles à l'extérieur du pays.

(10 h 10)

Bien sûr, il y a une plus grande tradition dans plusieurs pays, une tradition de danse où on a installé des réseaux de tournées très développés, où on peut tourner dans toutes les petites villes d'un pays très facilement. C'est-à-dire qu'il y a des réseaux, des diffuseurs qui se concertent et qui organisent des tournées pour les compagnies et qui présentent des spectacles de danse à toutes les semaines. On est loin de ça au Québec. Et, pour nos compagnies, ça veut dire constamment être en contact, ça veut dire aussi exiger de nos danseurs d'être disponibles sur une longue période dans l'année pour pouvoir sortir du pays et aller présenter les spectacles ailleurs, ça veut dire des infrastructures très particulières, ça veut dire un pouvoir de gérer des tournées et d'exporter.

Ceci dit, tout ça nous amène une bonne partie de nos revenus. Ça nous amène des coproducteurs qui sont très importants, parce que, au Québec, souvent, à partir de nos subventions de fonctionnement, on peut tout simplement payer les artistes, les cachets, les salaires des danseurs qu'on doit garder presque à temps plein dans une année, et, pour la création, il ne reste plus d'argent. Alors, il faut simplement essayer d'établir des contacts avec des coproducteurs étrangers parce que, ici, il n'y en a pas.

Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Laurin. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Oui, merci. Merci non seulement pour votre mémoire, mais pour votre travail, parce que je pense effectivement qu'on peut être très fiers de la danse au Québec. Mais je me mets à votre place puis je me dis: Ça doit être un peu choquant de voir que... Lorsqu'on parle du rayonnement de la culture québécoise, très souvent on va mentionner le succès, le rayonnement de la danse. Puis, quand on voit les chiffres de votre situation, la situation des artistes, la situation des compagnies, je me dis: Ça doit être un peu choquant d'entendre le discours officiel sur: On est fiers, entre autres, de la danse québécoise, puis voir la situation dans laquelle vous travaillez.

Je voyais, dans l'étude de DBSF qui a été déposée voilà une semaine ou deux, le fait que juste en contrats de services – on sait ce que ça veut dire, hein, c'est des échanges – il y a une augmentation fabuleuse, 4 000 % à peu près, où vous fonctionnez en échange de services. En tout cas, il y a une augmentation depuis les quatre, cinq dernières années. Mais l'étude montre bien que, ça, ça veut dire aussi la fragilité. Ça veut dire qu'il n'y a pas d'argent, en fait, puis que c'est le système D, c'est la débrouillardise, c'est le troc, c'est ce genre de chose là qui fait fonctionner finalement vos compagnies. Moi, je veux juste vous dire qu'on en prend bonne note. Bien sensible, votre mémoire le démontre bien.

Mais je veux continuer aussi sur le thème de l'exportation et l'aspect vraiment des tournées, l'aspect international. Je pense que votre comparaison est bonne. Non seulement on amène ici des compagnies étrangères dans le secteur manufacturier ou industriel, puis on en est fiers, mais on est aussi très fiers de nos compagnies industrielles manufacturières qui exportent. Moi, je m'occupais de développement économique dans l'est de l'île de Montréal, et plus une compagnie exportait ses produits, plus c'était un signe de santé, un signe de développement, je veux dire, la création d'emplois passe par là, et tout ça. Et c'est assez fabuleux de voir vos chiffres, quand vous dites que 80 % de vos spectacles se font à l'étranger et que ça ne soit pas plus salué et reconnu comme vraiment un critère de santé aussi de votre création, parce que c'est ça que ça signifie.

J'aimerais vous entendre peut-être sur l'urgence des mesures à prendre pour la diffusion, pour la tournée, pour l'international. Lors d'une rencontre récente avec Mme Bonnin, on mentionnait que votre marché étranger, il est en mutation en ce moment. On m'expliquait que l'arrivée, par exemple, en Europe, un peu plus des troupes des pays de l'Est, qui envahissent un peu ces marchés-là, est en train peut-être aussi de changer la donne économique pour vous. Vos tournées à l'étranger seront peut-être moins faciles. En fait, c'est ça que j'ai compris. Mais j'aimerais peut-être que vous nous indiquiez l'urgence. On ne peut pas attendre très, très longtemps – c'est ce que j'ai compris – pour soutenir vos tournées à l'étranger, entre autres.

Le Président (M. Rioux): M. Savoie, c'est vous qui répondez à ça?

M. Savoie (Pierre-Paul): Bien, je vais commencer.

Le Président (M. Rioux): Oui, allez.

M. Savoie (Pierre-Paul): Alors, bien il y a une intervention en fait qui vient des deux, ça m'intéresse d'en parler. En fait, si on parle, disons, des industries qui ne sont pas nécessairement culturelles et que l'État supporte, je crois que, pour moi, ça correspond à une réalité qui est que le secteur culturel n'a pas la place qu'il mérite ni la reconnaissance, parce que les chiffres le disent, ça équivaut à beaucoup d'autres secteurs. Sur notre PIB, ça équivaut à beaucoup d'autres choses. Alors, j'ai l'impression que, là, il y a un décalage. Et pourquoi on est ici? Je crois aussi que c'est pour remettre ça en situation, que les arts et la culture, ça devrait être un secteur dans lequel on investisse. Des fois, on parle à des étrangers, et qu'est-ce qu'ils retiennent du Québec? Bien, c'est son activité culturelle et, des fois... Ils vont nommer trois industries, et c'est souvent la culture qui va faire la différence. Pourquoi des gens auraient envie de venir s'installer ici, une industrie? Parce qu'à quelque part il n'y a pas juste un marché, il y a aussi une culture. Et je crois que, lorsque les gens auront compris ça, qu'on investisse dans l'art, on aura ce qu'on mérite, en fait.

Une deuxième chose par rapport à la diffusion internationale. Je crois que, oui, on est en concurrence souvent avec des pays qui sont très bien organisés culturellement et avec des budgets qui conviennent à la culture. Alors, c'est évident, quand on arrive sur un marché international – on peut prendre comme exemple le marché européen – avec les ressources qu'on a, oui, la compétition est très, très grande, et on doit faire preuve encore de beaucoup plus de créativité pour arriver à diffuser là-bas.

Alors, ça, je pense que c'est... Par rapport au danger de... un besoin, c'est nécessaire finalement que les créations d'ici aient les sous pour concurrencer avec le marché international. On parle spécifiquement du marché de la danse, et c'est très important. Je crois que la création est nécessaire pour arriver à une oeuvre, parce que ce qui fait la différence dans la diffusion, c'est la qualité de l'oeuvre. Alors, si on veut des oeuvres de qualité qui peuvent concurrencer sur le marché international, je pense qu'il faut investir dans la création, parce qu'il y a beaucoup d'artistes qui tournent à l'international. Finalement, c'est presque un miracle qu'ils soient arrivés là avec ce qu'il y avait comme ressources.

Mme Laurin (Ginette): J'ajouterais simplement l'idée de continuité aussi. Souvent, une compagnie reçoit le support financier pour aller faire un spectacle dans un pays pour la première fois. Elle est réinvitée l'année d'après et, cette fois-là, elle ne sera pas supportée. Alors, s'il y a un manque de continuité, c'est très, très difficile, surtout avec le marché qui se resserre, de pouvoir développer et de se maintenir en force dans les pays concernés.

M. Savoie (Pierre-Paul): Des fois, il y a des compagnies – je peux vous donner un exemple – comme émergentes qui sont, disons, invitées en Écosse. Ces gens-là sont obligés d'aller quêter des billets d'avion pour pouvoir y aller. Souvent, ils sont obligés d'annuler à quelques mois d'avance parce que, finalement, ils n'ont pas l'argent pour y aller. Ils ont eu une invitation mais pas l'argent pour y aller. Les plus grosses compagnies ont un peu plus de facilité à avoir accès à ça, mais ceux qui arrivent en bas de la liste, «forget it!»

Mme Laurin (Ginette): Et la dernière chose aussi, c'est bien sûr la réciprocité. Il y a des réseaux formidables en Europe. Au Québec, on peut compter sur les doigts d'une main le nombre de compagnies de danse étrangères qui viennent se produire à chaque année. Alors, ça, ça devient aussi très, très, très important, surtout en termes d'échanges pour les coproductions, parce que, en plus de se faire inviter, nos compagnies québécoises reçoivent énormément d'argent de l'étranger pour leurs créations, et ça devient gênant un petit peu.

Mme Beauchamp: Justement, vous avez parlé tout à l'heure, et ça m'a intriguée, parce que je ne crois pas qu'on le retrouve nommément dans votre mémoire, mais une de vos recommandations était un fonds de création. J'aimerais ça peut-être vous réentendre là-dessus, parce que, pour des gens qui nous écoutent, ils se disent: Bien, il y a des bourses au CALQ. C'est quoi, la différence entre une bourse et un fonds de création? Moi, je me dis: Il y a peut-être un parallèle à faire avec le secteur du cinéma où il y a des fonds, par exemple, maintenant un peu plus, pour de la scénarisation sans que ce soit nécessairement attaché à un projet où on est sûr qu'il sera diffusé, et tout ça. On a plus mis en place des outils permettant un peu plus la création pure, j'ai envie de dire. Mais j'aimerais vous entendre sur cette recommandation aussi d'un fonds de création. Qu'est-ce que vous voulez dire, au juste?

Le Président (M. Rioux): M. Savoie.

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui. En fait, je peux amorcer; Ginette pourra continuer. Je peux vous donner mon exemple. Moi, je suis une compagnie subventionnée par le secteur de la danse. J'ai un montant pour mes activités pour l'année, qui comprend finalement mon mince personnel, et pour créer. En réalité, j'ai une compagnie qui a un rayonnement international. Ce que je peux payer avec ce que je reçois, c'est un petit salaire pour moi, un petit salaire pour ma directrice administrative et soutenir un bureau. Ce qui reste pour la création, il n'y en a presque pas. Moi, je suis obligé... Et, en plus, je travaille présentement avec une nouvelle technologie. Donc, je n'ai pas les sous pour réaliser en un an une création. Je suis obligé d'échelonner ma création sur deux ans. Si j'avais un fonds spécifique à la création, je ne serais pas obligé de prendre l'argent sur mon fonds de fonctionnement, déjà assez mince, pour créer. Pour l'instant, je n'ai aucune marge de manoeuvre en tant que créateur. Je me dois d'être en dessous de mes capacités. Alors, le fonds de création viendrait soutenir la réelle création.

(10 h 20)

Mme Beauchamp: Je ne veux pas être trop technique, mais, dans le fond, est-ce qu'on ne revient pas au thème qui dit tout simplement: Il n'y a pas assez d'argent?

M. Savoie (Pierre-Paul): Bien, on est tout à fait d'accord.

Mme Beauchamp: Puis est-ce que vous tenez spécifiquement à une division fonctionnement-création ou si, finalement, vous dites: Si on me donnait plus d'argent, je serais capable de créer?

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui. Je ne tiens pas à diviser, au contraire.

Mme Beauchamp: O.K.

M. Savoie (Pierre-Paul): Je considère que, par contre, on devrait prendre en considération, dans la somme que l'État nous donne, que quelque part il doit y avoir de l'espace pour un fonds de création, ce qui est, dans mon cas, plus ou moins reconnu.

Mme Beauchamp: Juste une question également sur le thème de la diffusion, des tournées, et tout ça. RIDEAU, donc les diffuseurs en région sont venus nous parler de la nécessité de créer un nouvel organisme qui serait un bureau de la diffusion. Je ne sais pas si vous avez entendu leurs représentations. D'autres gens, par exemple l'ADISQ, au niveau du spectacle, plus en chanson, et tout ça, sont venus nous dire: Non, ce n'est pas nécessaire, et on ne comprend pas cette demande-là, cette recommandation-là.

Je suis intriguée de vous entendre. Vous êtes aussi des arts de la scène, je ne sais pas si vous fonctionnez avec RIDEAU ou pas, mais je voudrais savoir si vous croyez que ce serait nécessaire de mettre en place une nouvelle entité qui serait consacrée à la diffusion des arts de la scène.

Le Président (M. Rioux): Vous pouvez répondre rapidement, M. Savoie?

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui.

Le Président (M. Rioux): Oui? Rapidement, allez.

M. Savoie (Pierre-Paul): Ça va. À mon humble avis, ce qu'il y avait d'écrit à l'origine était un bureau des tournées. Je crois que ça pourrait très bien être le mandat du Conseil des arts et des lettres du Québec de gérer la diffusion sur notre territoire. Oui, je crois que la diffusion – et, là aussi, tantôt le monsieur parlait justement de la diffusion internationale – oui, c'est très important. Nous sommes prêts à investir le territoire québécois. Comme Ginette disait, c'est presque gênant d'être à l'étranger, alors que, ici, on n'est pas reconnu, c'est un fait. Alors, je crois que le bureau des tournées, au Québec, est nécessaire pour que les fonds nécessaires... parce qu'il y a des gens qui pourraient tourner qui ne tournent pas. Aussi, en danse, on a réussi à construire un réseau avec huit diffuseurs. Il y en aurait peut-être 17 qui seraient intéressés, mais il n'y a pas de fonds pour les supporter. Alors, nous allons rester à sept. Donc, on devance quelque part les sous.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui, trois questions assez pointues. D'abord, êtes-vous satisfaits de l'enveloppe qui est consacrée à la danse à même l'enveloppe générale du CALQ?

M. Savoie (Pierre-Paul): Non. La réponse est non, parce que je crois que, dans le XXe siècle, la danse est l'art quelque part qui pose le plus de questions. Nous sommes quelque part à reformuler le langage scénique, des formes de langage en particulier. Ça a des influences dans d'autres secteurs. Je crois qu'il faut un développement. Lorsqu'une chose pousse, il faut l'arroser. Alors, je considère que ce qu'on reçoit n'est pas nécessairement une part que l'on mériterait. Je crois qu'il n'y a vraiment personne qui reçoit ce qu'il mérite, mais, à mon humble avis, la danse, quelque part, est un peu l'enfant pauvre d'un secteur, parce qu'elle connaît un développement. Je pense qu'il faut savoir sentir qu'il y a un développement et le supporter avant qu'il ne soit trop tard. En fait, les gens s'essoufflent quelque part, parce qu'il y a une demande mais peu de soutien.

M. Beaulne: Je pose la question parce que, comme la plupart des groupes, vous appuyez une augmentation des fonds pour le CALQ. Mais, si on augmente l'enveloppe pour le CALQ, ça ne veut pas dire nécessairement que la redistribution à l'intérieur va se faire de manière différente.

Deuxièmement, la question des jurys. Êtes-vous satisfaits de la manière dont fonctionne le système des jurys dans votre discipline? Et y aurait-il lieu à amélioration?

M. Savoie (Pierre-Paul): Je peux vous en parler très bien, des jurys, j'en ai déjà fait partie. Et, plus récemment, il y a deux jours, j'ai été au CALQ lire les évaluations de ma compagnie qui ont été faites, des évaluations faites par mes pairs, et j'ai été presque estomaqué de la réalité de mon évaluation, de la qualité et de la globalité de ce que je suis et non un segment de ce que je suis. L'évaluation était tout à fait, à mon humble avis – et ça, j'ai été bien surpris – un portrait tout à fait juste de ce que je perçois être. Alors, à ce titre, oui, je suis très content du travail des jurys. Je crois que la notion de pairs, à mon humble avis, est inébranlable. Je crois que c'est là, et ça se doit d'être là, et je considère que c'est le meilleur moyen d'avoir le pouls d'une réalité.

Par rapport aux jurys, on parle encore aussi d'un problème de financement. Souvent, on est obligés de se résumer à trois personnes, alors que, dans une discipline, il va y avoir plus de courants que trois, disons trois. Ça mériterait d'avoir un jury qui aurait plus que trois personnes. Souvent, c'est faute de moyens. Le problème avec les jurys, souvent, c'est que la somme qu'on a à distribuer est vraiment en deçà des gens qui le mériteraient, ce qui crée beaucoup de refusés, souvent déçus et souvent des artistes qui sont obligés de ravaler leur désir de créer quelque chose. Et je crois que, là encore, le manque d'argent est un problème, parce qu'on a à distribuer, des fois... J'ai vu des jurys où il y avait des sommes ridicules à distribuer, des concours.

M. Beaulne: Un dernier point. Vous avez mentionné quelque chose d'assez troublant dans votre présentation, le fait que des danseurs et des danseuses doivent continuer à performer même s'ils sont blessés. C'est quelque chose d'assez préoccupant. Alors, moi, j'aimerais savoir – ma première réaction: Bien, comment est-ce qu'on peut éviter cela? Ce n'est pas en demandant une bourse additionnelle au CALQ que ça règle ce problème-là. Comment pourrait-on remédier à cette situation-là?

M. Savoie (Pierre-Paul): Je vais être encore plus exact dans mon exemple. Disons, il y a plein de danseurs qui sont pigistes, qui n'ont absolument aucun filet social, qui vont se blesser, et ils n'auront pas les sous pour aller voir un praticien. Ils n'ont pas les sous, c'est aussi simple que ça. Donc, à ce moment-là, ils continuent parce qu'ils n'ont pas le choix, parce qu'il faut qu'ils paient leur loyer, il faut qu'ils mangent. Ils n'ont pas le choix. Alors, c'est quelque part, je crois, une reconnaissance finalement que les compagnies aient des sous pour payer les gens beaucoup mieux. Je veux dire, les gens vont payer les danseurs avec les moyens qu'ils ont. Je crois que, là aussi, je veux dire, c'est une structure qui devrait permettre aux gens qui engagent des danseurs de pouvoir les payer convenablement, que ces gens aient des conditions de travail... en fait, ça part de là aussi, qu'on puisse leur offrir des conditions de travail qui leur permettent, s'ils sont blessés, de pouvoir arrêter. Pour l'instant, dans notre société, la société telle qu'elle est bâtie aujourd'hui, il n'y a rien pour ces gens-là.

Le Président (M. Rioux): Mais votre situation de travailleur autonome, j'imagine, ne vous rend pas admissible à la loi québécoise sur la santé et sécurité au travail.

Une voix: Exactement.

M. Savoie (Pierre-Paul): Ni à l'assurance emploi.

Le Président (M. Rioux): Ni à l'assurance emploi.

M. Beaulne: Bien, c'est justement la question que j'allais poser. On a parlé beaucoup de contributions à la création, aux tournées, bon, l'ensemble des différents volets de la culture et de la performance, mais y aurait-il lieu d'examiner, que ce soit sous l'égide du CALQ, ou du ministère de la Culture, ou d'un autre organisme, la possibilité d'avoir une espèce de fonds d'assurance qui couvrirait ce genre d'éventualité là, qui pourrait être sur une base de contribution modeste alignée sur les revenus des danseurs et des danseuses et qui servirait un peu de filet de protection advenant qu'une personne se trouve dans la situation où elle doit absolument continuer à danser pour vivre? On parle un peu de cuisine technique ici, mais il me semble que, entre ne rien faire et simplement augmenter des bourses où je soupçonne que, bien souvent, les créateurs ou les danseurs peuvent être tentés de les utiliser à d'autres fins que simplement de se soigner... Trouvez-vous que ce serait une bonne idée, ça, d'examiner cette possibilité-là?

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui. Alors, je vais laisser Ginette poursuivre. Oui, je trouve que c'est une très belle proposition. Je pense que ça va jusque-là, je veux dire, parce que je considère que les danseurs sont eux-mêmes quelque part avec tellement peu de ressources que ça ne viendra pas d'eux. Alors, j'ai l'impression que le gouvernement doit faire sa part là-dedans.

Le Président (M. Rioux): Il y a une réflexion sûrement à faire de ce côté-là.

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui, absolument. Alors, je considère que la proposition est très intéressante. Je pense qu'on ne doit pas juste voir le salaire, on doit voir les conditions d'existence.

Le Président (M. Rioux): Voilà!

M. Savoie (Pierre-Paul): Alors, votre proposition, je suis parfaitement d'accord pour qu'elle soit étudiée.

M. Beaulne: Merci.

M. Savoie (Pierre-Paul): Ginette aurait quelque chose à rajouter.

Mme Laurin (Ginette): Si vous me permettez, oui, je trouve que c'est une très belle solution. Il y aurait peut-être aussi à mettre sur pied des méthodes préventives, soit par des formes d'entraînement ou des formes de traitement où on prend le bobo vraiment au début, et qu'on puisse bien prévenir les blessures graves chez le danseur.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme la députée de Sauvé.

(10 h 30)

Mme Beauchamp: Merci. Vous savez, ce type de suggestion, c'est effectivement intéressant. Par contre, il faut voir là-dedans aussi qui devient le leader de ce type de filet de protection sociale pour les artistes, les artisans, qui suit ça, qui en est le leader, afin que ça réponde bien à la réalité que vous vivez. Vous faites vous-même des commentaires sur la place que prend le ministère de la Culture et des Communications, la place que prend le Conseil des arts et des lettres du Québec dans l'ensemble des politiques gouvernementales. Si on pousse un peu plus loin cette hypothèse amenée par mon collègue, par contre, j'aimerais vous entendre sur qui prend le leadership de quoi.

Dans le fond, mon commentaire, c'est: Imaginons ça, mais imaginons qu'on invite, par exemple, Emploi-Québec à développer quelque chose. Est-ce que ça vous rassure ou pas? Et qu'est-ce qu'on fait par rapport à une telle hypothèse, par rapport au fait qu'en même temps vous demandez que les argents pour la culture soient bel et bien gérés, dans le cadre, par exemple, de la politique culturelle, vraiment dans le lien de confiance qu'on a voulu installer avec le milieu culturel? On revient un peu à toute la question de la place du CALQ, du Conseil des arts et des lettres, et de la place du ministère de la Culture et des Communications. Vous en parlez déjà dans votre mémoire, mais j'aimerais ça que vous nous reparliez de ça.

Le Président (M. Rioux): M. Savoie.

Une voix: Mme Bonnin va lui répondre.

Le Président (M. Rioux): Mme Bonnin.

Mme Bonnin (Françoise): Oui. Je pense qu'il y a deux niveaux, là. Vous parlez de leadership, vous parlez de responsabilité. Je pense qu'il ne faut pas confondre les choses. Quand on parle de création, de production, de diffusion, on a un organisme qui est le Conseil des arts et des lettres du Québec et qui, s'il a le soutien adéquat, assume et va assumer, continuer à assumer son leadership et son rôle. Maintenant, il y a tout l'examen du filet social, des conditions acceptables de vie en dehors même des besoins financiers qui doivent être mis à la disposition du Conseil des arts et des lettres du Québec. Je pense que c'est une question de reconnaissance des artistes dans la société.

Qui doit faire quoi? Je pense qu'il y a un gouvernement qui doit prendre ses responsabilités à ce titre-là. Je ne pense pas que l'enjeu soit entre le leadership de l'un ou de l'autre. Je pense que le ministère de la Culture a ses responsabilités. Je pense que, si le gouvernement lui reconnaît aussi un rôle majeur dans la société, il y a des responsabilités qu'il assume et qu'il va continuer d'assumer, et encore plus. La même chose pour le CALQ. Je pense que c'est ça, la réponse, c'est la reconnaissance des artistes à part entière comme des travailleurs dans la société québécoise.

Mme Beauchamp: Je comprends bien. Je dis juste que, dans le fond... Il reste néanmoins que ce que je voulais vous entendre dire, c'est l'importance de l'augmentation de l'enveloppe du CALQ. Je vais vous donner un exemple. Je caricature une situation. Le gouvernement du Québec décide de mettre sur pied des programmes au niveau d'Emploi-Québec pour les travailleurs autonomes. Si, au bout de tout ça, on vous répond: Bien, regardez, là, il y en a, de l'argent pour vous, parce qu'il y a une enveloppe pour les travailleurs autonomes à Emploi-Québec. Est-ce que ça répond à tout ce que vous nous disiez dans votre mémoire? Moi, je ne crois pas.

Mme Bonnin (Françoise): Non, mais je pense...

Mme Beauchamp: O.K. Donc, c'est un peu ça que je voulais juste mettre au clair. Ça va être tant mieux. On va tous dire: Tant mieux. Mais on n'a pas répondu aux besoins des arts et des lettres et de la culture au Québec parce qu'il y a un programme de filet de sécurité pour les travailleurs autonomes québécois.

M. Savoie (Pierre-Paul): Ce sont deux besoins.

Mme Beauchamp: C'est la distinction que je voulais faire.

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui, ce sont deux besoins.

Le Président (M. Rioux): Oui, allez.

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui. Je voulais juste dire, en fait, qu'il y a un besoin par rapport à un financement et, je crois, qu'il y a un besoin par rapport à des conditions d'exercice de profession. Je pense que le CALQ ne pourra tout résoudre. Mais je crois que c'est comme Mme Bonnin disait, je pense qu'il faut, à l'intérieur du gouvernement, que le statut de travailleur autonome quelque part soit reconnu, et des conditions de pratique. Alors, il y a deux volets: le volet financement et le volet conditions de travail, je dirais.

Mme Beauchamp: Moi, j'aimerais peut-être vous réentendre sur une de vos recommandations. Vous êtes peut-être les représentants du milieu culturel qui ont exprimé quelque chose le plus clairement, mais j'aimerais vous réentendre. On a souvent parlé du positionnement du Conseil des arts et des lettres, son positionnement même, je pourrais dire, politique. Le fait qu'il y a eu des décisions provenant, par exemple, du ministre des Finances, l'arrivée même de la Caisse de dépôt et placement dans le champ de la culture, et tout ça, on se dit: Est-ce que le CALQ est en train finalement de perdre de son poids? Et ça, ça fait souvent l'objet ici de discussions.

Mais, vous, vous avez une recommandation où vous dites carrément, vous recommandez que le ministère de la Culture et des Communications soit enfin reconnu comme le maître d'oeuvre de la mission culturelle de l'État, qu'il soit mieux soutenu et promu sur la scène publique par le gouvernement. Qu'est-ce qui vous fait dire que même le ministère de la Culture n'est peut-être pas le maître d'oeuvre vraiment de la mission culturelle de l'État?

M. Savoie (Pierre-Paul): Peut-être qu'à notre avis justement le budget consacré, sa visibilité est-elle suffisante? Je pense que, si on parle d'une culture, un avenir, je crois que ce ministère doit être important quelque part. Ça n'empêche absolument rien de ce qu'a à faire le CALQ. Je crois que la visibilité du ministère de la Culture et de la culture en général – c'est ce qu'il devrait représenter, la culture – je pense, a besoin justement d'être renforcée. Est-ce que tu veux ajouter quelque chose?

Mme Bonnin (Françoise): Très rapidement, j'ajouterais que... Vous avez entendu nos collègues les derniers jours. Dans le même esprit, je me souviens de l'intervention de M. Turgeon. Je pense qu'il a été affirmé et réaffirmé à plusieurs reprises par le gouvernement et beaucoup de leaders de ce gouvernement et des précédents l'importance de la culture dans la société québécoise. Je pense que c'est ça dont nous parlons. C'est dans les discours, c'est dans la politique culturelle, c'est ce qu'on a noté dans notre mémoire. Maintenant, nous voulons passer aux actes. Nous voulons que le gouvernement passe aux actes. Nous ne trouvons pas à l'heure actuelle que la culture québécoise, hormis des intentions, soit réellement, tangiblement dans les priorités du gouvernement. C'est ce que nous voulons dire.

Le Président (M. Rioux): Il y a une recommandation que vous faites qui est intéressante – en tout cas, elle s'inscrit en droite ligne dans la politique culturelle du gouvernement du Québec – lorsque vous dites que l'État réaffirme le principe de la liberté et de l'autonomie du créateur et qu'en conséquence on lui donne les moyens pour enfin soutenir le développement. Et il est bien dit que la création artistique exige des conditions favorables à son éclosion et à sa diffusion, c'est en toutes lettres dans la politique. Donc, au fond, vous nous rappelez que le gouvernement du Québec, par ses politiques, a des engagements très précis, sauf que, dans la vraie vie, ce n'est pas ça qui se passe.

M. Savoie (Pierre-Paul): On est bien d'accord. Et puis, aussi, il n'est pas question uniquement d'une somme d'argent, je pense que c'est une vision de société. J'entendais M. Fournier hier qui parlait, et je n'étais pas au courant de ça, que même dans les écoles le texte québécois est presque absent finalement, que le contenu québécois est presque absent. C'est gênant. Je considère que, lorsqu'on veut vraiment développer une culture, ça part de l'éducation. Et, à l'heure où on se parle, dans la transformation du système d'éducation, le théâtre a-t-il une place, la danse a-t-elle une place? Comment voulez-vous que demain on ait des gens qui apprécient cette forme d'art s'ils n'apprennent pas à la connaître dès le début de leur existence? Alors, je pense qu'on doit partir de là pour bâtir une vision d'une société. Pour l'instant, elle est encore, à mon humble avis, à définir, cette vision.

Le Président (M. Rioux): Oui, madame, parce qu'on n'a pas parlé beaucoup de formation en danse, alors il faudrait peut-être essayer de faire intervenir nos invités.

Une voix: Vous voulez qu'on en parle maintenant? Vous voulez poser des questions?

Mme Beauchamp: Bien, c'est parce que c'est sur mon temps, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Je lui vole du temps.

Mme Beauchamp: Oui. Et je suis très, très, très gentille dans la vie, mais ça m'intéresse, la danse, ça fait que j'aimerais mieux prendre mon temps. Mais on va en parler. Non, mais dans le sens qu'il y a l'aspect de la formation concrètement mais il y a l'aspect... Quand vous dites le leadership du ministère de la Culture puis la reconnaissance de la culture, il y a effectivement des questions importantes, même par rapport au nouveau régime pédagogique où on commence par dire que les arts et la culture sont essentiels puis, quand on arrive à la fin, dans la grille horaire que vont connaître nos enfants à partir de l'année prochaine, ce n'est pas sûr du tout qu'ils auront même une heure d'enseignement en arts et culture. C'est aussi vers ça que vous nous interpellez.

Et j'en profite aussi pour vous dire: Dans votre mémoire, vous nous parlez de la question de la relève. Et je touche donc l'aspect que vous vouliez aborder, M. le Président, la question effectivement de la formation puis de la relève en danse. Pouvez-vous nous en reparler? Vous sembliez dire qu'il y avait un problème avec ça pour vos compagnies.

M. Savoie (Pierre-Paul): Je suis bien placé pour en parler parce que, moi, j'ai eu pendant 10 ans un studio que j'ai tenu à bout de bras. Parce que j'ai fait partie de la relève, à un moment donné. Je dirais que ça a été pour moi une expérience douloureuse parce que quelque part je me sentais vraiment seul au monde, je me sentais isolé des autres personnes qui travaillaient à côté de moi parce que eux aussi étaient dans une situation de survie. Moi, j'ai fondé un petit programme dans mon humble studio. J'ai invité des jeunes, en fait, à venir, à avoir au moins un toit – essentiel – un plancher, un toit et un plancher pour créer. Ces gens-là n'ont aucune ressource. Alors, la situation de la relève, elle est épouvantable, parce que quelque part les sous qui sont là présentement, ils ne les atteignent jamais. Les gens de la relève, il y en a quelques-uns qui vont réussir à atteindre un financement, et tard déjà dans leur progression.

Mme Beauchamp: Juste jouer l'avocat du diable. J'entends d'ici le CALQ, le Conseil des arts, nous répondre: On a créé un fonds. Il y a 1 000 000 $, là, pour la relève. Un fonds spécial pour la relève, ce n'est pas suffisant?

(10 h 40)

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui, mais on parlait hier de 3 500 personnes. Et, c'est évident, les gens qui commencent n'auront jamais... Je pense que je peux très bien le dire, moi, il a fallu que je crée presque cinq ans avant d'avoir des sous. Alors, je m'imagine que, dans ce groupe de 3 500 personnes, il y a des gens qui ont déjà énormément de talent puis qui sont obligés d'attendre. Certains se découragent. Je crois que c'est une perte pour notre culture, que ces gens-là finalement n'aient pas les moyens de progresser et souvent se découragent, parce que, pour beaucoup de cas... Moi-même, après huit ans, j'ai failli abandonner. Le lendemain, ça a bien marché, mais quelque part j'ai failli abandonner avant que ça marche.

Mme Beauchamp: Vous vouliez ajouter quelque chose, Mme Bonnin?

Mme Bonnin (Françoise): Au sujet de la formation, et sans vouloir faire un petit côté misérabiliste, puisque vous posez la question, très brièvement, je voudrais vous dire que ça, c'est un aspect qui ne relève pas du CALQ – entendons-nous bien, mais je réponds à la question – qui nous préoccupe beaucoup. Par exemple, pour la formation professionnelle en danse contemporaine, si vous voyiez dans quelles conditions l'enseignement se fait, le peu de moyens qu'ont les locaux – et je pense à l'Académie de danse moderne de Montréal, qui est pratiquement la seule; il y en a aussi une à Québec, ici – c'est même indescriptible. Je veux dire, il n'y a pas de douche, les fenêtres ne s'ouvrent pas, il fait tellement chaud dans le bâtiment que les danseurs sont malades, enfin. Je pense qu'il y a vraiment une prise... Je parlais tout à l'heure de prise de conscience du gouvernement face à ça. Entendons-nous bien, je ne blâme personne, mais je pense que les moyens ne sont pas là pour qu'un soutien adéquat soit fait pour les créateurs que nous formons et qui deviennent extraordinaires. Mais je ne sais pas comment ils arrivent à être formés. C'est à ce point questionnable, en ce moment, et très préoccupant.

M. Savoie (Pierre-Paul): Et cela peut-il vraiment...

Le Président (M. Rioux): En terminant, M. Savoie.

M. Savoie (Pierre-Paul): Oui. Je voulais juste dire, par rapport à l'éducation: Lorsque ces jeunes-là commencent et voient la situation des gens au-dessus d'eux, est-ce que vous croyez que c'est encourageant d'embarquer dans ce métier? Alors, il y a beaucoup de passion, c'est évident, dans ce secteur, mais ce n'est pas suffisant pour faire vivre quelqu'un.

Le Président (M. Rioux): C'est tout le temps que nous avons. Je pense qu'on aurait pu continuer encore un bon moment.

M. Savoie (Pierre-Paul): Oh oui, on n'a même pas la bouche sèche!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Je suis content qu'on ait un peu abordé la question de la formation, parce que je sais que ça se fait dans des conditions difficiles, très, très difficiles.

M. Savoie (Pierre-Paul): Et c'est la base...

Le Président (M. Rioux): Et c'est difficile de penser à la relève quand on n'a pas les moyens, je dirais, minimaux pour préparer les danseurs et les danseuses. Je ne voudrais pas qu'on se quitte aussi sans qu'on revienne un tout petit peu sur les conditions d'exercice du métier, qui se fait dans des conditions également pénibles. Vous avez parlé de la sécurité, par exemple, qui entoure votre travail. Je pense que le message a été très bien passé. Et le député de Marguerite-D'Youville a mis de l'avant une idée quand même intéressante, qu'on va fouiller davantage. Et ce qu'on espère, c'est que vous vous reconnaissiez un peu dans nos recommandations.

M. Savoie (Pierre-Paul): Nous le souhaitons.

Le Président (M. Rioux): Merci.

M. Savoie (Pierre-Paul): Bonjour.

Le Président (M. Rioux): Au revoir.

(10 h 44 – 10 h 50)

Le Président (M. Rioux): Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir le Conseil québécois de la musique. Mme Gamache, vous allez nous présenter vos collègues.


Conseil québécois de la musique (CQM)

Mme Gamache (Sylvie): Alors, M. Michel Duchesneau, le rédacteur du mémoire, membre du Conseil québécois de la musique; Mme Claudette Lacharité, vice-présidente du Conseil québécois de la musique. Nous nous devons d'excuser Mme Vaillancourt qui était avec nous hier soir et qui devait absolument entrer à Montréal pour une répétition, une générale.

Le Président (M. Rioux): Est-ce que je dois comprendre que c'est M. Duchesneau qui va présenter le mémoire?

Mme Gamache (Sylvie): Et voilà.

Le Président (M. Rioux): M. Duchesneau, on vous écoute.

M. Duchesneau (Michel): Alors, écoutez, je commencerais par céder la parole quelques instants à Mme Lacharité, vice-présidente du CQM, pour vous présenter en quelques mots le CQM.

Mme Lacharité (Claudette): L'Association des organismes de musique du Québec, fondée en novembre 1987, est devenue, par l'élargissement progressif de ses membres, le Conseil québécois de la musique en juillet 1993. Le Conseil québécois de la musique est un organisme sans but lucratif qui regroupe 200 membres, à la fois des organismes et des individus, tous des musiciens professionnels et des organismes professionnels qui oeuvrent dans le domaine de la musique de concert.

Le Conseil a pour mission de rassembler les professionnels du milieu de la musique, de promouvoir la discipline qu'il représente et de soutenir son rayonnement. Le Conseil favorise deux axes d'intervention, soit la représentation du secteur et les services à ses membres. Il travaille à la cohésion, à la reconnaissance et au développement, à la défense des intérêts du milieu de la musique québécois. Des comités et des tables sectorielles travaillent à de nombreux dossiers qui concernent notamment la diffusion des concerts, la création musicale, les arts à l'école, l'enregistrement sonore, la stabilisation d'un emploi en musique et la présence médiatique de la musique à l'échelle nationale et internationale.

Le Conseil québécois de la musique gère de nombreux dossiers dont Diapason, qui est un service de soutien à la gestion pour les petites entreprises; le programme de tourisme Le Québec en musique; il organise la Journée internationale de la musique; la diffusion de calendriers de concerts, qui est un calendrier de gestion; le développement d'ententes avec différents partenaires commerciaux ainsi que la publication d'un répertoire imprimé et électronique de ses membres. L'action du Conseil québécois de la musique la plus remarquée par le grand public depuis 1997 a été la remise des prix Opus.

M. Duchesneau (Michel): Merci, Mme Lacharité. Afin de bien saisir l'importance du CALQ pour notre discipline, il faut se pencher sur ce qu'est la musique de concert au Québec, et cela, je le ferai en quelques phrases. La musique de concert au Québec se caractérise par la diversité de ses constituants. On retrouve les compositeurs, les interprètes, les ensembles, du soliste au grand orchestre symphonique de 90 musiciens, des organismes de services et des associations. Cette diversité sous-tend une multiplicité de besoins, de réalités et d'objectifs. Cependant, il est à noter que l'hétérogénéité de ce milieu mène à un dynamisme sans précédent.

Près de 800 concerts se donnent par année au Québec par les membres du CQM. Les organismes soutenus au fonctionnement par le CALQ ont attiré près de 1 000 000 d'auditeurs, dont 90 % au Québec. L'assistance moyenne est de plus de 750 personnes. Ces chiffres sont remarquables. Les Québécois sont des mélomanes. D'ailleurs, ne sont-ils pas les plus grands acheteurs de disques au Canada? Le milieu ne vit donc pas artificiellement, loin de là. Ajoutons à tout cela l'effervescence provoquée par les institutions d'enseignement qui alimentent la salle de concert en public et en musiciens.

Cependant, les fondements mêmes de la discipline nous mènent vers des problématiques qui lui sont propres. La musique de concert nécessite des investissements considérables si l'on tient compte de la particularité de la discipline. De nombreux coûts fixes sont élevés, tels que les masses salariales ou les cachets des musiciens qui forment les noyaux permanents des ensembles. C'est le cas bien sûr de l'OSM mais aussi de beaucoup d'autres ensembles. Ajoutons à cela que la tradition et les habitudes veulent que le concert soit un événement unique, à l'exception de l'opéra. La seule manière de rentabiliser la préparation des concerts consisterait à les faire tourner. Or, la diffusion de la musique au Québec est limitée, puisque la plupart des diffuseurs n'ont pas les moyens d'accueillir ces productions. De plus, la présence de la musique de concert en région, en bonne partie assurée par des organismes musicaux installés en région, permet aux diffuseurs de s'en remettre à cette autodiffusion qui les dispense de présenter plus de musique de concert.

Finalement, en ce qui concerne la diffusion internationale, celle-ci n'a pas encore totalement atteint le niveau d'importance qu'elle a pour la danse et le théâtre d'avant-garde. Cependant, à l'exception d'ensembles comme l'OSM et I Musici, plusieurs organismes musicaux québécois ont entamé leur développement international depuis moins de 10 ans. Des succès tels que celui du Nouvel Ensemble moderne ou celui des Violons du Roy témoignent du potentiel de ces formations et de leur niveau d'excellence.

Malheureusement, les moyens disponibles au CALQ pour soutenir ces développements sont ridiculement faibles. Et c'est ici que commence le problème. Comme nous venons de le constater, la musique fait partie du portrait global de la culture québécoise. Plusieurs de nos organismes ont plus de 50 ans: OSM, JMC, Pro Musica. Des sociétés de concert de musique contemporaine sont les plus vieilles en Amérique du Nord. Les ensembles spécialisés ont des réputations internationales à faire pâlir d'envie toute autre nation.

Certains de nos artistes sont considérés comme des maîtres incontestés: André Moisan, clarinettiste; Karina Gauvin, soprano; Alain Trudel, tromboniste; Marc-André Hamelin, pianiste. Nos compositeurs raflent des premiers prix à travers le monde. En 1999, Francis Dhomont, le père de la musique électroacoustique reconnu mondialement, se voyait décerner cinq premiers prix internationaux. Pas un, cinq!

Nous organisons des concours internationaux, des festivals internationaux. Nous participons et organisons des symposiums nationaux et internationaux. Alors, comment se fait-il que le CALQ ne puisse suivre ce mouvement ascendant et que sa paralysie nous mène tout droit au pied du gouffre où seuls les cailloux jetés par nos enfants voyageront à la vitesse d'un son inaudible?

La position actuelle du CALQ face aux besoins du milieu de la musique de concert est devenue intenable, car il n'y a pas 36 solutions au problème posé. Le sous-financement des arts de la scène doit être résolu par une politique claire et franche et où les investissements iront aux programmes qui ont fait leurs preuves, répondant ainsi à un principe cohérent de consolidation.

Avec un budget adéquat augmenté de 45 000 000 $, le CALQ pourra enfin assurer, nous l'espérons, le leadership qu'il ne peut assurer pour l'instant. Avec une politique franche, claire, nette et précise, les investissements dans la culture ne se feront plus sur des promesses et des cadeaux de sauvetage, mais bien sur une vision d'avenir assujettie à une planification rigoureuse que le CALQ est en mesure de réaliser avec le milieu.

En effet, les outils développés par le CALQ sont, à plusieurs égards, remarquables. Certes, il y aura toujours des failles, des faiblesses et des erreurs. Aucun processus humain n'est à l'abri de l'erreur, mais le processus d'évaluation et d'attribution des bourses et des subventions par des jurys de pairs nous semble une garantie fondamentale sur laquelle tous les investissements à venir doivent reposer. Un jury de pairs, ce n'est pas un clan d'orangs-outangs ou de chimpanzés qui se grattent mutuellement les puces dans le dos. Ils effectuent un travail approfondi d'analyse et assurent un haut niveau artistique à l'ensemble du milieu. Un refus ne veut pas signifier automatiquement l'absence de qualité ou un parti pris quelconque. Il s'agit d'établir des jugements comparatifs essentiels au développement de l'ensemble de la discipline, et malheureusement on doit tenir compte d'enveloppes, comme je le disais tout à l'heure, ridiculement faibles.

(11 heures)

Évidemment, les investissements dans le fonctionnement des organismes, dans les bourses aux artistes n'ont pas tout le potentiel de visibilité souhaité par un gouvernement à la recherche d'appuis, mais il faut dépasser ce stade infantile de gestion des fonds publics et les utiliser à bon escient. En tant que citoyens et artistes, nous ne pouvons plus accepter que le gouvernement dilapide notre argent. En mars 1999, le ministère de la Culture et des Communications annonçait 47 000 000 $ de fonds spéciaux, dont une grande partie est allée dans les goussets des uns et des autres en fonction du bon vouloir du gouvernement. À ce compte, j'aurais d'ailleurs bien des histoires d'horreur à vous raconter.

Pour conclure, je souhaiterais faire avec vous un petit exercice d'arithmétique. Sur un budget de 1 400 000 $, la Société de musique contemporaine du Québec, pour laquelle je travaille, verse au minimum 1 000 000 $ en salaires et cachets aux artistes et personnels de production, le reste est directement injecté dans l'économie québécoise. Les retombées en taxes et impôts directs pour le gouvernement québécois, outre le fait qu'on investit dans l'économie 1 400 000 $, sont de l'ordre de 200 000 $. Tiens, tiens! La subvention au fonctionnement de la Société – il n'y a pas de secret – est de 85 000 $. Ses subventions spéciales, lorsqu'elle a de la chance, peuvent atteindre 100 000 $. Chaque dollar investi est récupéré par le gouvernement, et cela ne tient pas compte de toute l'activité indirecte que nous générons. Rappelez-vous ce qui est sorti hier comme chiffre: un artiste mène à cinq ou six emplois indirects. Tous mes collègues, depuis des jours, vous ont fait la même démonstration.

L'ère de la culture non rentable est révolue. Chaque dollar investi dans la recherche fondamentale que les arts représentent est en fait un investissement au centuple, si l'on tient compte des retombées subséquentes dans cette fameuse industrie culturelle qui récupère les arts de la scène, dans l'économie québécoise générale et surtout dans l'essor d'une nation.

M. le Président, fini le temps du saupoudrage et de à la va comme je te pousse. Le Québec s'est doté, il y a cinq ans, d'une société d'État fondamentale reposant sur une politique culturelle gouvernementale. Il est de son devoir de lui donner maintenant tous les moyens nécessaires pour répondre aux ambitions d'une nation culturellement exceptionnelle. Merci.

Le Président (M. Rioux): Merci. C'est clair, c'est limpide, c'est courageux aussi. Vous avez décidé de nous faire valoir un point de vue qui est celui des musiciens. Au fond, vous dénoncez le système, vous dénoncez carrément le système. Vous dites que le CALQ passe un peu à côté de sa vocation qui lui est définie par le gouvernement. Cependant, vous retenez que le jugement des pairs pour les jurys de sélection et les comités, ça, ça peut aller. Mais, quant au reste, c'est une remise en question presque totale.

M. Duchesneau (Michel): Écoutez, il est évident que le Conseil des arts et des lettres du Québec actuellement ne peut pas répondre à nos besoins, puisqu'ils sont basés sur un sous-financement. Donc, nous imaginons très bien que le Conseil des arts et des lettres du Québec, lorsqu'il en aura les moyens, répondra tout à fait à nos besoins. Ce que nous remettons en question, ce n'est absolument pas le fonctionnement du CALQ ni les principes qui ont régi son élaboration, c'est le fait que le gouvernement, donc, ne prenne pas en considération le CALQ, que le gouvernement n'investisse pas les fonds nécessaires au CALQ pour lui permettre de remplir le mandat qu'on lui a confié.

Je pense que c'est simple et je pense que tout le monde l'a dit. Personne ne remet en question le Conseil des arts et des lettres du Québec; au contraire, c'est un organisme qui fonctionne très bien. Il y a des défauts, mais quel est l'organisme, quelle est la structure qui n'a pas de défauts? Moi, ce que je pense, et je pense au nom, je pense, de tous mes collègues, c'est le fait que le gouvernement n'a pas encore réussi à établir un fonctionnement cohérent de l'ensemble du financement des arts et de la culture.

Le Président (M. Rioux): Découlant de sa politique.

M. Duchesneau (Michel): Hélas!

Le Président (M. Rioux): M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Oui. Vous apportez un élément qui est assez intéressant, c'est l'idée d'identifier séparément des enveloppes pour les grands groupes: l'Orchestre symphonique de Montréal, de Québec, et ainsi de suite. C'est une idée, personnellement, que je trouve intéressante, parce que ça permettrait de cibler davantage sur les besoins des groupes moins importants. De toute façon, l'Orchestre symphonique de Montréal comme l'Orchestre symphonique de Québec ou les grands organismes, ça devient à toutes fins pratiques du financement récurrent, alors qui échappe au processus habituel des autres groupes. Alors, c'est une idée intéressante.

Vous avez également dit que Montréal est le poumon du Québec en matière culturelle. Ce n'est pas simplement limité au secteur culturel, c'est également au secteur économique. Mais vous dites que, si on augmente l'aide en région, à la culture et en particulier à la musique, il faudrait le faire de manière proportionnelle pour Mont-réal. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus, parce que, en d'autres mots, moi, la façon dont j'ai décodé ça, c'est une façon polie de dire: N'augmentez pas trop, trop la culture ou la subvention de la culture en région pour ne pas affaiblir les subventions à Montréal. Alors, c'est un peu alambiqué comme formule. J'aimerais que vous précisiez votre pensée là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Monsieur.

M. Duchesneau (Michel): Oui. Écoutez, je pense qu'il est fondamental que les régions soient soutenues. De toute façon, la musique en région se développe. Mais il faut qu'il y ait, donc, un rationalisme. Je veux dire, il faut que les subventions soient réparties d'une façon efficace. L'un ne peut pas aller au détriment de l'autre.

M. Beaulne: Mais, présentement... Vous avez sûrement entendu les différents groupes représentant la diversité des milieux culturels en région et qui sont venus, sans aucune réserve et de manière unanime, contester le fait que la plupart des fonds du CALQ allaient dans la région métropolitaine de Montréal et que les régions se sentaient un peu délaissées dans la politique d'attribution du Conseil des arts et des lettres. Alors, vous, ce que vous venez nous dire ici, c'est: Mettez-en plus à Montréal et moins dans les régions?

M. Duchesneau (Michel): Non. Je ne pense pas que nous disons ça. Ce que nous disons, c'est que, si vous en mettez plus en région, cela ne doit pas être au détriment de la région montréalaise. Ça veut dire que, si adjonction de fonds il y a, ce qui est souhaitable, c'est qu'il faut tenir compte des réalités du milieu. Écoutez, je pense que l'essentiel des ensembles et des formations des artistes vivent à Québec et à Montréal. La musique est une discipline qui nécessite aussi des institutions de soutien et aussi un bassin de public. Donc, si la région a besoin de plus de fonds, il faut soutenir la région, mais il ne faut pas pour autant, à ce moment-là, délester les enveloppes qui existent pour la région montréalaise. De toute façon, dans la problématique internationale, je veux dire, la régionalisation est importante, car il faut développer l'ensemble du pays, mais il ne faut pas mettre à mal les centres névralgiques de la société.

M. Beaulne: Oui. Mais, vous, vous êtes dans le domaine de la musique. Nous vivons présentement un sérieux problème au niveau du financement des orchestres symphoniques régionaux. Je suppose que c'est également quelque chose qui devrait vous interpeller dans le secteur de la musique. C'est le débat qu'on a présentement, c'est les discussions qui ont cours dans notre équipe, et il y a des démarches qui ont été faites par les orchestres symphoniques régionaux que nous, les députés, avons retransmises à la ministre de la Culture, de manière à trouver une solution à ce sous-financement.

Alors, c'est l'idée de proportionnalité, ici, qui me préoccupe ou qui m'intrigue dans votre aspect, parce que, en réalité, vous, ce que vous dites, c'est: Augmentez les fonds, très bien, de manière générale, mais surtout organisez-vous pour que la proportion telle qu'elle existe présentement reste la même. Vous voulez, en d'autres mots, figer la proportion qui serait attribuée aux organismes musicaux dans la région de Montréal par rapport à ceux qui sont en région, quelle que soit l'ampleur. Moi, ce qui m'intrigue ici, c'est le rapport entre les deux.

M. Duchesneau (Michel): Écoutez, de toute façon, je dois vous avouer que nous ne sommes pas ici pour discuter de la méthode qui sera employée pour la répartition d'enveloppes futures qui seront allouées aux différentes disciplines. Il est certain qu'il y a une immense problématique avec la région, et le milieu musical y travaille aussi très fort. Je tiens à vous faire remarquer que le CQM est particulièrement sensible à la région et cherche justement à intégrer le plus de membres possible de l'extérieur afin, justement, de discuter et de trouver des solutions. Cependant, je crois que, pour le moment, c'est prématuré de régler ce problème-là, alors que, de toute façon, il n'y a aucun fonds nouveau disponible.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Iberville.

(11 h 10)

M. Bergeron: Merci pour la qualité et l'humour de votre mémoire. Vous avez pu transmettre avec des images fortes ce que vous vouliez dire.

Je veux revenir, dans un premier temps, un peu à ce que disait mon collègue de Marguerite-Bourgeoys...

Une voix: D'Youville.

M. Bergeron: Marguerite-D'Youville, pardon.

Le Président (M. Rioux): Ils n'ont pas fait la même chose dans la vie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bergeron: Bon. Alors, on va revenir à ça, les orchestres symphoniques en région. Moi, je viens de la Montérégie. Nous avons un orchestre symphonique. Et vous avez dit: Bien, il ne faut pas que ça se fasse au détriment de Montréal. Mais, en tout cas, dans ma tête à moi, c'est que les orchestres symphoniques régionaux sont un bassin qui peut alimenter les grands orchestres nationaux. Et, à mon sens, c'est important que ces orchestres symphoniques en région aient droit à un support, à une aide plus consistante. Du fait qu'on fait du développement en région et que, inévitablement, les régions convergent vers le centre, vers Montréal, donc c'est important qu'il y ait une symbiose et qu'on n'oublie pas l'un au détriment de l'autre. Donc, il y a une complémentarité qui est très forte.

M. Duchesneau (Michel): Vous venez, en fait, de donner un bon terme, «complémentarité». Lorsque l'on dit qu'il faut maintenir un certain équilibre, c'est qu'il faut donc, lorsque le moment sera venu, confier aux responsables, aux personnes responsables de ce travail le mandat d'analyser la nécessité justement d'établir cette complémentarité. Ça veut dire que les régions doivent être suffisamment fortes pour pouvoir alimenter, comme vous le dites, après, donc, les formations nationales et les régions métropolitaines de Québec et de Montréal, et tout cela doit se faire en relation avec le milieu. Donc, il n'y a de notre part aucune intention de vouloir désavantager les régions face aux métropoles. Aucunement. La seule chose qui se passe, c'est qu'il faut concevoir aussi qu'il y a un aller et retour. Ça veut dire que les régions doivent être en santé, mais les métropoles doivent être aussi en santé. Et la santé de l'un ne doit pas aller au détriment des autres. C'est fondamental.

M. Bergeron: Mais l'Orchestre symphonique de Montréal a reçu récemment, je pense, 5 000 000 $, et cet orchestre-là, qui est majeur, a une capacité de financement autonome qui est beaucoup plus grande que celle des orchestres symphoniques régionaux.

Mais je veux revenir à votre première recommandation, et vous n'êtes pas les premiers à avoir dit ça, que le CALQ ne suit pas. Et, dans votre première recommandation, vous dites: «Revoir le mandat du CALQ afin qu'il puisse mieux remplir son rôle en lui donnant davantage de pouvoir d'orientation, de décision et une plus grande autonomie.» J'aimerais vous entendre, dans cette recommandation-là, quand vous parlez d'orientation, de décision, d'autonomie.

Le Président (M. Rioux): M. Duchesneau, rapidement.

M. Duchesneau (Michel): Oui. Écoutez, le Conseil des arts et des lettres du Québec est suffisamment bien outillé, notamment par ses relations au quotidien avec le milieu, pour pouvoir non seulement avoir le pouls du milieu, mais être parfaitement conscient des enjeux justement des régions métropolitaines. Et, faute de moyens, ils n'ont pas la capacité de pouvoir répondre à ces problématiques et puis d'orienter aussi les interventions de l'État efficacement, puisque les sommes additionnelles ne passent pas actuellement par le Conseil des arts et des lettres du Québec. Donc, il va falloir revoir le mandat du CALQ pour lui donner plus de poids dans la négociation gouvernementale.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Par les questions sur les orchestres symphoniques en région, dans le fond, on aborde par la bande le coeur de votre mémoire que vous venez de résumer, parce que c'est aussi la multiplication des enveloppes ponctuelles. On sait que sûrement l'aide à l'Orchestre symphonique de Montréal est passée par le bureau du premier ministre, à tout le moins du vice-premier ministre, et les orchestres en région n'ont peut-être pas accès à ce bureau-là.

Et peut-être aussi vous informer... Un autre guichet a été mis en place, qui est le Fonds de stabilisation et de consolidation. Il y a donc des orchestres qui se présentent, qui n'ont pas de déficit. L'Orchestre de la Montérégie n'a pas de déficit accumulé, et, aux dernières nouvelles, peut-être qu'on a trouvé une solution, mais il se faisait dire: Vous avez bien géré, vous n'avez pas droit à des enveloppes, à de l'aide supplémentaire. C'est malheureux, vous avez toujours bien géré, vous êtes à un déficit zéro. Et c'est un peu ça, la question qui est ici, la multiplication des enveloppes ponctuelles mais qui ne collent pas à une certaine réalité. Et le milieu dit: On serait peut-être les mieux placés pour dire comment utiliser les argents que vous voulez mettre en culture.

Vous dites, dans votre mémoire, que les retombées de ces multiples enveloppes sont faibles si on tient compte de la dimension politique des décisions prises qui a primé sur les besoins essentiels du milieu culturel, identifiés de façon précise par le Conseil des arts et des lettres du Québec. Et vous avez dit, dans votre présentation, qu'on disait imagée: J'aurais des histoires d'horreur à raconter. Je vous avoue que j'ai senti là-dedans une invitation. Je vous pose la question. Racontez-nous ce qui se passe.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Duchesneau (Michel): Écoutez, je vais répondre en deux temps rapidement. Vous me parlez beaucoup des orchestres en région, car c'est certainement quelque chose qui vous est particulièrement sensible, mais sachez que la situation est la même que celle des orchestres en région pour les dizaines de petites formations qu'il y a à Montréal, à Québec. Je pense que c'est fondamental. Nous aussi n'avons pas forcément des déficits et nous aussi n'avons pas droit aux cadeaux de sauvetage. Cependant, je vais vous souligner que, par exemple – si on veut finir avec l'OSM, qui est un problème délicat – il était fondamental que l'État soit sensible à l'OSM, car c'est un levier mondial pour la culture québécoise et qu'il nécessite ce genre d'investissement. Mais je tiens à vous faire remarquer que nous n'avons pas résolu le problème et que le problème de l'OSM est exactement le même que celui de tous les autres organismes, c'est le fonctionnement. Ils ont des problématiques qui sont liées à leur taille, mais, lorsqu'on va à l'essence du problème, il est le même, c'est que les contingences financières font en sorte que nous ne nous en sortons pas.

Maintenant, pour les histoires d'horreur, écoutez, ce sont des histoires universelles. C'est que, pour nous, la multiplication des guichets est infernale et, en plus, fait que nous ne nous en sortons plus. Je peux vous donner un exemple récent qui est lié à l'organisation de la Symphonie du millénaire. C'est un projet qui réunit 15 organismes musicaux québécois, il y a des organismes montréalais puis il y a des organismes d'ailleurs, 19 compositeurs. C'est un projet très important qui a obtenu des fonds. C'est un budget de 1 200 000 $, et, là-dessus, nous avons obtenu beaucoup de fonds. Nous avons été voir le Conseil des arts et des lettres du Québec. Compte tenu de sa capacité, il a fait le maximum de son soutien, mais, cependant, il a dit: Bien, maintenant, débrouillez-vous, allez cogner ailleurs si c'est possible. C'est ce que nous avons fait. Or, on nous renvoie systématiquement au CALQ en nous disant: C'est votre organisme répondant, c'est à eux de vous organiser. Mais on répond: Écoutez, ils l'ont fait, mais ils sont tellement étranglés qu'ils ne peuvent pas réagir. Donc, ceux qui détiennent les cordons de la bourse finalement non seulement, avec raison, ne veulent pas les délier de façon ad hoc, et nous sommes contre ça, mais, en plus, ne peuvent pas permettre au CALQ de répondre officiellement et de façon cohérente à la véritable demande, d'autant plus que les délais sont immensément longs. Donc, notre milieu ne peut même pas réagir au genre de situation que nous présentons.

Je tiens aussi à vous faire remarquer que le Fonds de stabilisation, à l'origine, c'étaient 18 000 000 $ qui avaient été annoncés officiellement par communiqué par le ministère de la Culture et des Communications. Comme, étrangement, ce fonds a été réduit à 15 000 000 $, donc nous cherchons les trois autres millions.

Le Président (M. Rioux): Oui, madame.

Mme Lacharité (Claudette): J'aimerais simplement dire à madame que le Fonds de consolidation, il me semble, a deux volets: un qui s'adresse aux organismes qui ont des déficits, et ceux qui ont des surplus. Donc, l'Orchestre Métropolitain pourrait revoir, je pense...

M. Duchesneau (Michel): L'Orchestre de...

Mme Lacharité (Claudette): Non, de la Montérégie, dont vous parliez. Je pense que ce serait intéressant qu'ils revoient ce programme-là, parce que, à ma connaissance, il y a un volet pour les organismes qui sont en surplus budgétaire.

Mme Beauchamp: Merci de la précision, mais je pense que la discussion, elle portait sur la reconnaissance aussi à l'intérieur de tout ça. Effectivement, on n'est pas là pour parler du cas spécifique de l'Orchestre de la Montérégie, mais c'était plus pour illustrer la multiplication des guichets.

Vous dites, dans votre mémoire, une phrase qui est très forte aussi – on souligne que votre mémoire, il est clair – vous parlez même de tutelle. Vous dites, à propos du mandat du CALQ, qu'il apparaît clairement qu'il est actuellement maintenu en tutelle. Pourquoi vous affirmez une telle chose?

Le Président (M. Rioux): M. Duchesneau.

M. Duchesneau (Michel): Écoutez, c'est une impression que nous avons, puisqu'il n'y a pas de coudées franches. Il y a des commandes. Il faut soutenir la diffusion internationale. Alors, le CALQ brasse la cage, puis, de la tirelire, tombe 200 000 $ pour un nouveau programme. Mais c'est une somme infinitésimale par rapport à ce qu'il faut. C'est 2 000 000 $ qu'il faut pour soutenir ça, d'autant plus que, une fois que cet argent-là est investi, qu'est-ce qui reste après, dans le sens pour faire la vraie tournée?

(11 h 20)

Autre exemple aussi: Le Printemps du Québec. C'est une conception extrêmement intéressante; énormément d'argent a été investi là-dedans. On a versé une enveloppe au CALQ. Commande: Vous allez soutenir des projets de tournée pour entrer là-dedans. Oui, mais après? Qu'est-ce qu'on fait après? Rien. Alors, tout ça tombe à plat. Quand je parle des investissements qui ne sont pas forcément organisés et qui tiennent compte d'une cohérence rigoureuse, bien je pense que ce sont des exemples. C'est des commandes faites. Donc, le CALQ doit réagir à ça. Ils font leur devoir, ils réagissent à la commande, et souvent le font, mais ils créent des mécontentements profonds dans le milieu, puis eux-mêmes sont devant des situations imparables.

Le Président (M. Rioux): Il reste trois minutes, Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Bien, c'est intéressant, parce que ça me fait penser un peu – je ne veux pas faire dévier le débat – à un débat qui a cours dans le domaine de la santé et des services sociaux sur le rôle des régies régionales. On peut faire la comparaison. On dit aussi des fois qu'il y a des enveloppes d'argent qui arrivent pour la santé, mais qu'elles arrivent – et vous excuserez l'expression – taguées. Elles arrivent avec une étiquette, en disant: Il y a plus d'argent, mais vous allez le mettre au maintien à domicile, même si, dans certains milieux, ils pourraient dire: Nous, le maintien à domicile, ça va bien, mais on aurait aimé ça le mettre, par exemple, plus au niveau des services sociaux, des clientèles avec problématique de santé mentale, etc. Mais les régies régionales répondent à des commandes ministérielles.

Je ne sais pas si ma comparaison est boiteuse, mais c'est un peu ça que vous nous expliquez. Vous nous dites: Il y a de l'injection d'argent. Tant mieux! On s'entend tous pour dire: Tant mieux! Mais vous dites: Elles arrivent étiquetées. Même si la politique culturelle veut que le CALQ soit... dans le fond, qu'on fasse confiance au milieu pour que le milieu des artistes, des arts et de la culture prenne les meilleures décisions possible pour son développement, vous dites: Le CALQ est un peu comme court-circuité et les enveloppes arrivent étiquetées.

M. Duchesneau (Michel): Tout à fait.

Mme Beauchamp: Et c'est ce que vous déplorez. Peut-être pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, il faut aussi se dire c'est quoi, les vraies conséquences, comme pour vous, concrètement. Parce que, vous savez, ça commence à être difficile des fois de se dire: Aïe! il y a de l'argent, puis ils ne sont pas contents. Donc, c'est quoi, la vraie conséquence pour vous de cette situation?

M. Duchesneau (Michel): Ça fait dériver le développement des organismes. C'est-à-dire que, pour obtenir la somme pour faire vivre les artistes, on est obligés de faire dériver les projets artistiques. On est obligés de faire finalement ce qui n'est pas forcément idéal pour le développement de nos organismes puis de la culture en général. Et puis souvent, en fait, on est en train aussi de liquider les ressources humaines qui sont obligées de démultiplier leurs efforts pour pouvoir répondre aux commandes qui nous arrivent donc directement de l'État. C'est la même chose d'ailleurs, vous savez, avec les programmes d'emploi. Ces programmes d'emploi qui sont très difficilement accessibles, je dirais, c'est des commandes. On est obligés de rentrer dans des moules qui n'ont absolument rien à voir avec la réalité de nos milieux. Donc, c'est déstabilisant. Et, au fond, dans ces cas-là, je veux dire, ce sont des investissements problématiques. Ça ne sera jamais de mauvais investissements. Mettre de l'argent dans la culture sera toujours un investissement intéressant, valable. Cependant, si on veut – et c'est le mot d'ordre universel, mondial – le rentabiliser et faire en sorte qu'il y ait un avenir, il faut que ça soit fait avec cohérence. Ce n'est pas le cas.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Duchesneau. Le temps est écoulé. Je dois céder la parole, du côté ministériel, à M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, pouvez-vous me dire la hauteur de la subvention du CALQ à votre mouvement?

M. Duchesneau (Michel): Donc, vous parlez de...

M. Bergeron: Combien d'argent?

M. Duchesneau (Michel): Du Conseil québécois de la musique?

M. Bergeron: Oui.

Mme Gamache (Sylvie): 28 % pour la musique, pour le secteur.

M. Duchesneau (Michel): Pour le CQM, c'est ça?

Mme Gamache (Sylvie): Non, pour le secteur.

M. Bergeron: Oui, pour votre organisme, pour le Conseil québécois de la musique. Vous recevez combien d'argent en tout?

Mme Gamache (Sylvie): Du CALQ?

M. Bergeron: Du CALQ, oui.

Mme Gamache (Sylvie): Au fonctionnement, 90 000 $.

M. Bergeron: Donc, 90 000 $ en tout. Vous avez 200 membres à peu près, bon.

Mme Gamache (Sylvie): Oui. C'est des membres, pour la plupart, corporatifs.

M. Bergeron: Donc, on a parlé des grands orchestres, on a parlé des orchestres symphoniques en région, maintenant on va parler des autres formations, des petits ensembles, parce que vous avez des membres individuels et vous avez aussi des groupes. Tantôt, Mme la députée de Sauvé a rappelé les histoires d'horreur, mais j'imagine qu'il doit y avoir – vous me pardonnerez l'expression – un certain misérabilisme au sein de la musique. Il n'y a pas beaucoup d'argent, 90 000 $, vous avez plein de membres, donc vous ne pouvez pas satisfaire à la demande.

M. Duchesneau (Michel): C'est clair, en fait. Je vais essayer de...

Le Président (M. Cusano): M. Duchesneau ou madame.

Mme Gamache (Sylvie): Juste préciser. On s'est mal compris, je pense. Le budget de la musique au CALQ est de 28 % de l'enveloppe. Le 90 000 $ dont on parle, c'est le budget du Conseil québécois de la musique pour faire de la promotion.

M. Bergeron: O.K.

M. Duchesneau (Michel): Mais, si on parle du misérabilisme du milieu, il est certain qu'il y a d'immenses problèmes. Les bourses aux artistes posent des problèmes, puisque, en quelques années, elles ont diminué. On est passé d'une moyenne d'environ 5 500 $ à 4 500 $. Et la réponse est tellement faible que bien des compositeurs, bien des artistes doivent renoncer parfois carrément à leur métier. Des musiciens professionnels avec 10 ans de carrière sont emballeurs chez IKEA. C'est certain, ces gens-là tiennent à leur art, mais il y a des limites. Et je crois qu'à ce niveau-là, si on exclut en effet les grandes formations, toute la vie des artistes, des musiciens dans les petites formations ou seuls, compositeurs, arrangeurs, interprètes, je veux dire, est actuellement, au Québec, très complexe.

Le Président (M. Cusano): Merci. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Depuis le début des audiences, on s'est fait dire à cor et à cri qu'on voulait de l'argent. Mme Bégin l'a rappelé à la Soirée des Masques. C'est peut-être une question large et, en fin de compte, je vous la lance quand même: Est-ce que c'est seulement un problème d'argent ou bien vous pouvez voir d'autres avenues de résolution des problèmes financiers des membres de votre organisme à part l'injection d'une somme quand même importante? Au lieu de 45 000 000 $ qui soient dévolus au CALQ, on demande 90 000 000 $. Mais est-ce que vous voyez d'autres avenues que l'arrivée subite de beaucoup d'argent public?

M. Duchesneau (Michel): Écoutez, c'est une priorité. Donc, ça commence par là, c'est fondamental. On ne peut pas concevoir d'autres avenues actuellement, car ces autres avenues sont totalement exploitées par notre milieu. La musique va aller chercher dans le milieu privé environ 6 000 000 $ ou 7 000 000 $. C'est un exploit, sachant qu'un commanditaire dans un grand festival va verser, grosso modo, 1 $, 1,50 $ par client, par personne qu'il y a dehors ou dans la salle. La musique va chercher presque 5 $ par personne. Nous faisons des efforts surhumains. Mais la priorité pour pouvoir développer de nouvelles avenues de financement, c'est d'avoir les moyens d'aller les chercher et, d'autre part, de consolider le produit culturel, si vous souhaitez qu'on utilise ce genre de terme, et, pour ça, c'est de faire en sorte qu'il ait les reins solides. Après seulement, on pourra parler éventuellement, donc, de diversifier les sources de financement. Mais il est fondamental que l'État conçoive son rôle comme le moteur initial du financement des arts.

Le 45 000 000 $ que le MAL réclame et que nous soutenons est fondamental, essentiel, incontournable. À partir de là, on pourra reparler des mécanismes de financement autres que cela: le secteur privé, la commandite, le mécénat. Je tiens à vous faire remarquer que le mécénat, au Québec, est pratiquement inexistant dans le domaine de la culture, pour une simple et bonne raison, c'est que les fondations qui ont des moyens – Stewart, bref toutes ces fondations – ont des priorités et des agendas très précis qui sont l'éducation et toutes les affaires sociales, dont la santé. Entre une commandite ou un don à la Société de musique contemporaine du Québec ou au Nouvel Ensemble moderne et l'appareil de radiologie de l'hôpital X, Y ou Z, le choix de la fondation est fait: c'est une priorité sociale et c'est comme ça que c'est défini. Une fois que certains problèmes seront résolus, on pourra passer à d'autres. Mais je pense que ça serait naïf de s'imaginer que l'État actuellement peut s'en remettre à un financement autre, notamment privé, notamment parce qu'il n'y a aucun incitatif puissant pour permettre, donc, au milieu privé d'investir massivement dans la culture.

M. Bergeron: Est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. Cusano): Oui, oui, oui.

(11 h 30)

M. Bergeron: On vient de parler de relève. J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous n'avez pas brossé un tableau très reluisant de la situation financière des musiciens au Québec, de la musique au Québec. Comment ça se passe chez vous? Comment vous voyez l'avenir dans votre boule de cristal?

M. Duchesneau (Michel): Très difficilement. Nous perdons actuellement nos forces. Elles s'en vont. On a parlé, dans le domaine universitaire, de l'exode des spécialistes. Actuellement, en musique, c'est un peu la même chose. Bien de nos grands interprètes quittent le pays parce qu'il n'y a pas de potentiel, donc pas de corps professoral ultraexpérimenté et de réputation internationale pour former des jeunes. Les jeunes perdent le goût.

Malgré cela, nous avons quand même un bassin extraordinaire au Québec. Ça veut dire que la musique est une dimension fondamentale, je dirais, d'une culture. Nous avons encore de nombreux étudiants en musique qui se destinent à une carrière professionnelle. Cependant, comme je vous le dis, il y a un danger évident de désaffection du milieu. Et ça serait épouvantable, alors que l'on sait que, dans bien d'autres pays, c'est l'inverse, donc actuellement ils se renforcent. Alors que dans l'enseignement de la musique et le développement des carrières professionnelles on se renforce, chez nous, il y a un danger évident de désagrégation du milieu.

M. Bergeron: Je vous ai parlé de relève, je veux vous emmener sur le terrain de la formation. Le ministère de l'Éducation, la formation au secondaire, au collégial, à l'université, est-ce que vous êtes satisfaits de ce qui se passe dans ces milieux scolaires là pour former justement la relève de demain?

M. Duchesneau (Michel): Nous ne serons jamais assez satisfaits de ce qui se fait. Je ne suis pas placé pour vous donner des explications théoriques très précises. Cependant, je peux vous dire que nous considérons l'enseignement pour la relève fondamental. Donc, il est certain qu'à ce niveau-là aussi il faut concevoir, donc, un soutien financier important et surtout que le gouvernement, dans sa politique éducative, mette de l'avant de façon systématique la culture. Vous parlez du collégial, du secondaire, mais ça commence aussi bien avant. Maternelle, primaire, c'est aussi fondamental. Le goût des arts, c'est à trois ans, deux ans que ça commence. Donc, il s'agit d'établir encore une fois une politique cohérente.

On sait que la culture est au Québec un élément absolument vital de son identité. Donc, pour ça, non seulement il va falloir soutenir la culture, mais aussi il faut soutenir toutes les ramifications à la culture. Ça veut dire aussi la culture au sein de l'éducation. Actuellement, il y a des problématiques dans lesquelles je ne rentrerai pas parce que je ne suis pas habilité pour le faire, cependant, ma perception est qu'il y a actuellement un dérapage immense dans le domaine de l'éducation quant à l'importance de la formation artistique.

Le Président (M. Cusano): Merci. Il vous reste à peine 15 secondes, M. le député.

M. Bergeron: Alors, c'était votre recommandation 4. J'aurais voulu...

Le Président (M. Cusano): J'ai dit 15 secondes, pas 15 minutes, M. le député.

M. Bergeron: C'est concernant la multiplication des programmes. Vous déplorez ça. Quelques mots là-dessus.

M. Duchesneau (Michel): Bien, écoutez, ça fait partie du problème de la démultiplication des guichets. Il y a 5 000 000 $. Bang! on crée un programme spécial pour le faire. Il y a 3 000 000 $. Bang! c'est un autre programme.

Le Président (M. Cusano): M. Duchesneau, c'est que le temps de réponse compte dans son temps, alors je m'excuse de vous interrompre. Mme la députée de Sauvé, s'il vous plaît.

Mme Beauchamp: C'est les bang! qui étaient clairs. Ha, ha, ha! J'aimerais ça parler de diffusion. Vous faites partie des arts de la scène. Il y a eu une politique de diffusion au Québec. Il y a plusieurs autres représentants d'arts de la scène qui ont fait toutes sortes de commentaires. Pour moi, le paysage de la question de la diffusion, ce n'est pas encore tout à fait clair. Vous êtes un des derniers organismes qu'on rencontre. Je voudrais en profiter pour vous poser la question, là. Pour ce qui est de la diffusion de votre art au Québec et à l'étranger, qu'est-ce que vous souhaitez ou quelle la situation actuellement? Quelle évaluation vous faites, là, de la situation?

M. Duchesneau (Michel): Écoutez, comme tous nos collègues, la diffusion tant au Québec qu'à l'étranger est problématique, car nous devons répondre à des normes internationales pour l'international, mais internationales aussi pour le national. Ce qui veut dire qu'aujourd'hui il faut beaucoup plus de moyens pour déplacer les spectacles musicaux, les concerts, et il faut reconnaître que ce sont de justes investissements. Les normes appliquées n'ont plus rien à voir avec la réalité, mais c'est lié intimement au manque de fonds. Les mesures prises pour la circulation des spectacles au Québec sont dans leur essence bonnes mais avec des enveloppes qui n'ont pas de sens.

Mme Beauchamp: Les 200 000 $ dont vous nous parliez un petit peu tôt.

M. Duchesneau (Michel): Quelques organismes vont avoir quelques milliers de dollars pour aller faire du développement de marché. Nous, 1 000 $, on ferait fructifier ça comme personne dans l'industrie lourde est capable de le faire. Donc, avec 1 000 $, on est capables de faire un bon bout de chemin. On revient en général avec une tournée internationale, donc des rentrées fiscales de devises étrangères, etc. Et, lorsqu'on arrive pour demander la subvention pour les billets d'avion, on dit: Ah! il n'y a pas de sous. Donc, c'est à ce niveau-là. La problématique est liée à une cohérence, et aussi donc injecter les fonds proportionnels à la politique.

Mme Beauchamp: Par rapport à la situation au Québec, certains nous ont dit qu'il y avait manque d'arrimage ou de cohérence – pour reprendre un terme que vous employez depuis le début de votre présentation – entre les argents versés en soutien à la tournée et le choix ou comment fonctionne la prise de décision du côté des diffuseurs. Ils en sont venus à dire: Bien, ça prendrait peut-être un bureau des tournées. Vous l'avez entendu précédemment du milieu de la danse. RIDEAU nous a aussi dit: Ça prendrait un bureau à part. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que ça doit être sous la SODEC ou pas, si jamais vous croyez qu'il doive vraiment y avoir un... pas de la SODEC, pardon, je voulais dire du CALQ, ou si ça doit être vraiment un nouvel organisme? Est-ce qu'il y a un tel besoin chez vous par rapport à vos relations avec les diffuseurs ici?

M. Duchesneau (Michel): Écoutez, il y a un besoin. De toute façon, le Conseil québécois de la musique organise des rencontres entre les organismes, les artistes et les diffuseurs justement pour discuter de la problématique. Nous n'en sommes pas encore précisément à dire: Oui, il faut un bureau; non, il ne faut pas un bureau. La seule chose que je peux vous dire, c'est que, pour maintenir le niveau de cohérence nécessaire, il serait peut-être sage, s'il y a un développement, je dirais, de structure, d'abord que cette structure soit légère et, d'autre part, qu'elle s'inscrive peut-être dans une plus grande structure qui existe déjà, notamment le Conseil des arts et des lettres du Québec qui gère donc le principal programme de diffusion des arts de la scène au Québec.

Mme Beauchamp: Je pense que vous étiez ici un peu plus tôt aujourd'hui. Vous avez vu la recommandation, enfin plutôt la suggestion – on verra si c'est une recommandation – du député de Marguerite-D'Youville quant à un filet social de sécurité pour les artistes. Mon petit doigt me dit qu'on va réentendre parler de ça peut-être par la ministre elle-même. Je voudrais savoir comment vous accueillez une telle proposition et comment vous la situez par rapport à votre revendication de l'augmentation d'argent au CALQ.

M. Duchesneau (Michel): Écoutez, ça va être encore un problème probablement politique. La réalité, c'est que, oui, nous avons aussi, en musique, besoin de ce fameux filet social. Les accidents qui arrivent en danse, la même chose arrive en musique. Un hautboïste peut se perforer le larynx à force de trop de pression; un violoniste, un violoncelliste peut se briser un doigt et avoir des problèmes. Et il n'y a aucune sécurité. En plus, nos emplois sont souvent temporaires, les musiciens sont au chômage une partie de l'année. Bref, s'il y a...

Mme Beauchamp: ...comme ça.

M. Duchesneau (Michel): On ne peut pas rester comme ça. D'autre part, si des mesures sont annoncées, encore une fois, si ça se retrouve, par exemple, sous l'égide d'Emploi-Québec, il va y avoir un problème, puisque les normes du programme seront politiques et s'adresseront à un ensemble immensément vaste d'organismes, de structures et de personnes. Les normes ne répondront pas à nos besoins.

Je vous donne un exemple. Emploi-Québec a monté des programmes d'aide à l'emploi pour lesquels, nous, il a fallu qu'on triture le tout pour arriver à s'insérer dans ces normes: le Fonds de lutte à la pauvreté, par exemple, etc. Il est nécessaire qu'on conçoive que l'emploi dans le milieu des arts soit intégré à nos fonctionnements. Donc, au fond, lorsqu'on demande de l'argent au fonctionnement, c'est notamment pour pouvoir justement mieux rentabiliser l'argent investi dans l'emploi. Parce que nous savons exactement ce qu'il nous faut et nous savons qui engager, nous savons quelles sont les compétences nécessaires, ce qui ne peut pas être le cas lorsqu'on passe à travers un programme général. Donc, je pense que, lorsqu'on demande des fonds au gouvernement pour le Conseil des arts et des lettres du Québec, on tient compte énormément justement de cette problématique de l'emploi, du filet social. Bien de nos organismes seraient en mesure d'offrir le bon filet social pour nos artistes, parce que justement, comme disait Ginette, on est conscients de la situation et on est aussi conscients des besoins de formation préventive puis aussi de sécurité ultérieurs.

Mme Beauchamp: Je vous remercie bien. Merci.

(11 h 40)

Le Président (M. Cusano): Merci. Le temps étant écoulé, j'aimerais bien vous remercier de votre présentation. Et je demanderais, à ce moment-ci, à M. Jean-Yves Leduc de prendre place à la table de nos invités, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Cusano): Depuis les débuts des travaux de cette commission, on a souvent parlé de relève. Je suis fier de constater que vous avez amené votre relève, qui est très jeune et présente ici pour suivre les débats. Alors, pour les fins de cette présentation, j'aimerais préciser, M. Leduc, que vous avez un temps de parole de cinq minutes et, du côté ministériel, un temps de parole de cinq minutes, ainsi que pour l'opposition. Alors, M. Leduc, la parole est à vous.


M. Jean-Yves Leduc

M. Leduc (Jean-Yves): Je remercie l'honorable commission...

Le Président (M. Cusano): Vous pouvez vous asseoir, monsieur.

M. Leduc (Jean-Yves): Oui, merci. Je remercie l'honorable commission de m'accorder la parole alors que je l'ai demandée seulement la semaine dernière. Et je me présente, je suis un éditeur privé d'un magazine de musique classique et contemporaine. J'ai décidé de monter un manifeste en solidarité avec les compositeurs du Québec qui sont, à mon avis, avec un 2,4 % représenté à l'Orchestre symphonique du Montréal... C'est un déni culturel de notre existence. Le CALQ verse à l'Orchestre symphonique de Montréal 4 600 000 $ dans le rapport 1998-1999. L'année d'après, en 1999-2000, qui est quand même une année symbolique de traversée du millénaire, l'Orchestre symphonique de Montréal va programmer des compositeurs indigènes du Québec, 2,4 %. Alors, moi, je me pose la question: Est-ce que les contribuables québécois veulent soutenir un orchestre de Montréal qui est presque exclusivement réservé aux compositeurs ouest-européens et qui exclut le patrimoine symphonique québécois?

Je vais tenter quand même de ne pas rester ici isolé, parce qu'il n'y a pas de compositeur qui s'est présenté avec moi, étant donné qu'il n'y en a pas beaucoup et qu'à une semaine d'avis ils n'ont pas pu se libérer pour m'accompagner. Je vais nous transporter sur un autre chemin, qui est en France, et tenter de savoir, disons, avec l'Orchestre national de France, combien de répertoire français indigène ils programment dans une saison.

J'ai reçu un appel de Mme Kesraoui hier, qui une des directrices des communications de Radio France et qui soutient cet orchestre-là. Eux, ils programment 40 % de répertoire indigène français. Et, paradoxalement, c'est le maestro Dutoit, qui est notre directeur artistique à Montréal, qui est également le directeur de cet orchestre-là. Alors, M. Dutoit, à Montréal, programme 2,4 % de répertoire indigène québécois et, en France, 40 %. Là, on va répondre: Bon, M. Dutoit aime le répertoire français. C'est vrai. M. Dutoit aime le répertoire français, c'est connu. Mais est-ce que, s'il était engagé par un orchestre allemand, les Allemands accepteraient de se faire jouer 40 % de répertoire français en Allemagne? Il est évident que les Allemands n'accepteraient pas ça. Il leur resterait 60 % pour tout voir le reste du patrimoine symphonique mondial. Alors, eux devraient prendre une proportion très mince. Si M. Dutoit devait diriger un orchestre symphonique en Allemagne, alors il devrait se plier également à un 40 % de répertoire indigène allemand. Alors, est-ce qu'on doit poursuivre? Les Italiens, est-ce qu'ils accepteraient que M. Dutoit leur joue 40 % de musique française en Italie?

Bon, les Américains, eux, dans leur programmation avec la Philharmonique de New York, ils ont, pour le millénaire, programmé toutes les oeuvres du compositeur américain Aaron Copland, au mois de novembre 1999. Alors, ils font une fête, ils savent que le millénaire s'en vient. M. Copland a 100 ans, alors ils le fêtent généreusement. Ici, on n'a fêté personne. On s'apprête à fêter la Symphonie du millénaire, mais la Symphonie du millénaire, il y a 16 ensembles qui vont être regroupés avec l'Orchestre symphonique de Montréal. On ne parle pas d'un concert vernis à la Place des Arts où ils ont bien travaillé une interprétation.

Le Président (M. Cusano): M. Leduc, puis-je vous rappeler qu'il vous reste 30 secondes?

M. Leduc (Jean-Yves): Trente secondes. Bon, il y a 600 oeuvres symphoniques québécoises au répertoire. Alors, 600 oeuvres, ça fait beaucoup. On pourrait, à 33 % par saison, tenir 14 saisons si on programmait du répertoire québécois, 14 saisons.

Maintenant, s'il me reste 30 secondes, j'ai une chose très importante à dire. Je crois que ça va prendre peut-être encore une autre minute, si je peux ambitionner sur mon temps de réponse tantôt. En fait, le fondement de l'art, c'est de pouvoir s'exprimer. Si une oeuvre ne peut pas être mise en expressivité, on ne peut pas s'exprimer. Si, avec 2,4 % de patrimoine symphonique québécois, les compositeurs québécois ne peuvent pas s'exprimer, eh bien, c'est un déni culturel de leur existence. Ici, la Chambre est un haut symbole de l'expressivité, car les députés et l'honorable commission entendent les membres de la communauté. Est-ce que ça veut dire qu'en art symphonique les Québécois n'ont pas le droit de se faire entendre à l'Orchestre symphonique de Montréal? Parce que c'est ça, la réalité. Avec 2,4 %...

Le Président (M. Cusano): M. Leduc, je m'excuse, mais je dois vous interrompre à ce moment-ci et céder la parole au député de Marguerite-D'Youville pour un temps maximum de cinq minutes.

M. Beaulne: Oui. Bien, vous touchez à un problème fondamental. D'ailleurs, je ne veux pas revenir sur la discussion de tout à l'heure concernant les orchestres symphoniques régionaux. Nous, représentants des régions, ici, on estime que nos orchestres symphoniques régionaux répondent en partie à votre préoccupation. Entre autres, l'Orchestre symphonique de la Montérégie, j'ai assisté à plusieurs de leurs concerts, et il y a régulièrement un volet de promotion des créateurs québécois. Donc, l'importance de ces orchestres-là, vous venez d'en donner la preuve.

Autre élément. Vous avez parlé du contenu de la musique. Mais on oublie également de mentionner que l'Orchestre symphonique de Montréal est parfois hermétique aux musiciens mêmes québécois et formés ici. Et je vais terminer simplement en mentionnant un petit exemple. Thérèse Ryan, qui est une des meilleures violoncellistes au Québec, la fille de notre ancien ministre, du gouvernement, n'a même pas pu passer à l'Orchestre symphonique de Montréal en raison de cette problématique-là. Alors, quand on veut verser des fonds publics pour faire la promotion de la culture québécoise, je pense que vous venez de mettre le doigt sur un sérieux problème qu'on va scruter davantage.

M. Leduc (Jean-Yves): Youpidou!

Le Président (M. Cusano): Vous pouvez réagir, M. Leduc.

M. Leduc (Jean-Yves): Bien, écoutez, l'honorable député a entièrement raison. C'est vrai que je ne peux pas répondre probablement pour les musiciens parce que je me suis penché sur la question des compositeurs indigènes du Québec. À mon avis, il n'y a aucun livre, aucune Bible, aucun bon Dieu qui dit que les Québécois n'ont pas le droit de composer avec l'art symphonique. L'art symphonique est un moyen d'expression comme la peinture, comme la poésie.

(11 h 50)

C'est vrai que c'est un gros ensemble, c'est un gros décorum, puis là on engage quelqu'un de l'étranger... D'ailleurs, ça fait 60 ans qu'on a des directeurs artistiques étrangers qui s'amènent avec leur répertoire, et leur répertoire, je m'excuse, à le répéter comme ça depuis 60 ans, ce n'est plus de la culture musicale, c'est de la vente sous pression. On est en train de nous vendre sous pression le répertoire ouest-européen. Et je dis ouest-européen parce que la programmation de l'Orchestre symphonique de Montréal est à 95 % de répertoire ouest-européen. On m'a répondu, à l'OSM, que c'est du répertoire international. Je m'excuse, il n'y a aucune oeuvre de Tibétains, aucune oeuvre de Japonais, aucune oeuvre d'Africains dans le répertoire. Il n'y a, à 95 %, que des oeuvres ouest-européennes. Alors, ils nous vendent sous pression, depuis 60 ans, cette culture, et, nous, nous sommes exclus. C'est un déni culturel de notre existence.

Les compositeurs québécois ont dûment été formés et ont travaillé leurs partitions, ils ont le droit de s'exprimer. Et je recommande, à la fin de mon manifeste, qu'ils puissent avoir 33 % d'accès au temps total de l'Orchestre symphonique de Montréal, pas seulement composer des oeuvres de garage, qu'on appelle, qui est une oeuvre en début de concert qui dure 10 minutes et qui signifie à l'auditoire que le Brahms à la fin, ça, c'est le plat de résistance. Alors, ça signifie à l'auditoire que la pièce de 10 minutes que je vous joue en début n'est pas importante, c'est le Brahms qui sera la pièce de résistance. Brahms, il est mort. Il n'a plus rien à dire aujourd'hui sur les problèmes qui nous occupent particulièrement. Les artistes, aujourd'hui, vivent des problèmes qui nous occupent, qui nous concernent. Eux, les vivants, on les tasse pour faire entendre un répertoire et non pas une culture musicale. C'est un répertoire que les chefs d'orchestre et les interprètes se sont montés avec les années pour, eux, se mettre en position de directeurs artistiques. Mais ça, ce n'est pas de la culture musicale, ça, c'est un répertoire. Du temps de Mozart, on ne jouait pas les oeuvres des anciens. Je regrette. Mozart jouait sa musique. Il avait une ouverture dans les opéras, il avait des entrées chez les aristocrates, parce que, dans ce temps-là, c'était ça. Mais aujourd'hui, les vivants, ils sont tassés.

Le Président (M. Cusano): M. Leduc, malheureusement, je dois vous interrompre, parce que le temps de parole est inclus dans le temps qui est accordé à l'opposition. Je dois, à ce moment-ci, céder la parole à la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Oui. Juste souligner que, sur la question des interprètes aussi québécois, mon collègue le député de Laporte a fait des interventions publiques sur ce qui se passait, par exemple, à l'Opéra de Montréal également, sur la place d'interprètes québécois au sein de la programmation de l'Opéra de Montréal.

Mais je veux revenir plus spécifiquement sur le domaine que vous représentez aujourd'hui, en tout cas au nom de votre revue, et tout ça, les auteurs-compositeurs, les compositeurs. Vous nous amenez effectivement une problématique qui a été peut-être trop rapidement abordée également avec Mme Francine Bertrand-Venne, de la Société professionnelle des auteurs et compositeurs québécois, qui nous ramenait aussi un peu cette réalité, c'est-à-dire qu'on pouvait, à l'aide de fonds publics, financer plein d'organismes culturels et se dire qu'il y a de la culture au Québec mais en n'entendant jamais des compositeurs québécois ou des créateurs québécois.

Donc, vous nous rappelez aussi cette réalité en l'illustrant très concrètement par ce qui se passe à l'Orchestre symphonique de Montréal qui effectivement touche des crédits publics assez importants. On est tous d'accord pour dire que c'est une institution importante à soutenir. Ma question, elle est bien directe, là: Est-ce que concrètement vous souhaitez, lorsque des fonds publics sont versés – prenons l'exemple de l'Orchestre symphonique – à l'Orchestre symphonique de Montréal, vous voudriez que le gouvernement exige, dans l'espèce de protocole qui a lieu entre l'Orchestre et le gouvernement, qu'il y ait engagement pour qu'il y ait un meilleur équilibre entre la présence de compositeurs québécois et de compositeurs étrangers?

M. Leduc (Jean-Yves): Écoutez, vous avez le choix de fixer des quotas. C'est délicat, c'est une question délicate. Cependant, il doit y avoir... Si l'OSM a des entrées à la chambre du premier ministre, a l'oreille du premier ministre, excusez...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Beauchamp: Peut-être qu'un orchestre de chambre aurait plus de chance. Ha, ha, ha!

M. Leduc (Jean-Yves): Écoutez, c'est délicat, sauf qu'il faut que le CALQ... Ou les organismes que vous représentez, à mon avis, doivent... Parce que l'assertion du CALQ, c'est que, dans la mesure du possible, on doit jouer des oeuvres québécoises. Mais, à 2,4 %, là, je m'excuse, le répertoire symphonique... Actuellement, on finance la culture ouest-européenne. Mais là ça fait 60 ans qu'on l'a entendu, le répertoire musical ouest-européen. À répéter une oeuvre constamment... Tout musicien sait qu'il faut répéter une oeuvre pour que le public commence à l'aimer.

Ça commence à être temps qu'on joue du Pierre Mercure, du Guillaume Couture, du Jean Papineau-Couture, Vivier. Actuellement, à Montréal, dans le Québec, il y a 20 compositeurs actifs, selon le petit carnet que j'ai ici. C'est mince un petit peu, là; c'est mince. Ces gens-là, ils ont des choses à dire. Pour moi, c'est une atteinte au droit de s'exprimer, le fait de dire: Nous, nous payons un orchestre symphonique qui, en tournée, va faire jouer du répertoire allemand à des Allemands. Quel intérêt pour eux? Ils l'ont, eux autres.

Si l'Orchestre symphonique s'en va en tournée, prioritairement il devrait, selon des concepts de rentabilité, de culture, apporter du répertoire symphonique québécois, prioritairement. D'ailleurs, Mme Divi, qui est une des directrices de communications de l'Orchestre national de France, a dit que, lorsqu'ils partaient en tournée, c'est prioritairement du répertoire indigène français qu'ils font transporter parce que c'est la façon la plus forte de vendre leur culture. C'est le compositeur qui a une certaine auréole de l'oeuvre qu'on va entendre. Quand on amène toujours des compositeurs ouest-européens, bien on vend la culture européenne. Que l'Orchestre symphonique se promène au Japon ou qu'il se promène en Autriche, il vend cette culture-là en premier.

Le Président (M. Cusano): Il reste 50 secondes, si vous voulez poser la question ou conclure.

Mme Beauchamp: Écoutez, je pense qu'on va prendre le temps de vous remercier de nouveau de nous avoir sensibilisés à cette question-là. Je pense que c'est une question importante. Il reste très peu de temps. Mais, dans votre lettre que vous adressiez, le 9 décembre dernier, à l'Orchestre symphonique, vous leur demandez de réagir à vos propos. Est-ce que vous avez eu officiellement une réaction?

M. Leduc (Jean-Yves): J'ai eu une rencontre avec Mme Courchesne. M. Dutoit, il est régulièrement absent. Il a quatre emplois, monsieur, dans le monde. C'est certain qu'il n'a pas le temps de voir le répertoire indigène québécois, il doit se déplacer à quatre endroits différents dans le monde. Alors, Mme Courchesne m'a dit, en entrevue privée, des choses. Lorsque M. Dutoit est revenu à Montréal, vers le 15 janvier, il ne m'a pas rappelé. Moi, j'ai fait mes articles. À 2,4 %, pour moi, c'est un déni culturel d'existence.

Le Président (M. Cusano): Merci, M. Leduc, de votre présentation. J'aimerais rappeler aux membres de la commission que, dans quelques instants, la commission va se transformer en séance de travail. Ceci, pour les gens qui sont dans la salle, ça veut dire une séance à huis clos. Et, puisque le temps presse, je demanderais aux gens, à nos invités ainsi qu'aux personnes, les techniciens qui sont ici présentement, de quitter la salle le plus tôt possible pour qu'on puisse procéder à la séance de travail. Et les travaux de la commission recommenceront cet après-midi, à 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Rioux): Je demanderais au Conseil des arts et des lettres de prendre place, s'il vous plaît. Alors, bonjour, Mme Lavigne. Est-ce qu'il y a des acteurs qui ont changé depuis la dernière fois? Vous allez nous les représenter, si besoin est.


Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ)

M. Lavigne (Marie): Oui, M. le Président. Bien, c'est-à-dire que Mme Melillo était là la première fois; Mme Gignac, qui est membre du Conseil et comédienne, était là aussi la semaine dernière; M. Gosselin aussi était là la semaine dernière; il s'est ajouté Mme Richard, Ginette Richard, qui est secrétaire du Conseil.

Le Président (M. Rioux): Alors, vous avez droit à un exposé de 20 minutes, un temps que vous utilisez selon votre bon vouloir, vous et vos collègues; ensuite, nous allons partager 40 minutes entre les députés de l'opposition et les députés ministériels pour la période de questions. Alors, tel qu'on l'avait prévu, les deux organismes reviennent devant nous, le CALQ et la SODEC, pour terminer nos travaux, terminer les travaux de la commission. Mais ça ne veut pas dire que notre réflexion est terminée pour autant. Alors, Mme la présidente, on vous écoute.

Mme Lavigne (Marie): Je vous remercie, M. le Président. Mme et MM. les parlementaires, je vais être la seule à vous faire part d'un certain nombre de réflexions et de commentaires à la suite de ces auditions de la commission.

(14 h 10)

Tout au long des audiences, près d'une trentaine d'organismes sont venus vous présenter leur point de vue sur la gestion et l'évolution du Conseil des arts et des lettres du Québec. L'abondance des mémoires qui vous ont été présentés témoigne de l'immense intérêt que la communauté artistique porte au Conseil. Au nom des membres du conseil d'administration, qui eux aussi sont majoritairement des artistes, je tiens à remercier les organismes artistiques de leur participation à ces audiences.

Dans cette brève présentation, nous allons reprendre certaines questions qui ont particulièrement retenu l'attention au cours de ces audiences. D'abord, en ce qui concerne le mandat du Conseil. Lors de l'ouverture de la commission de la culture, le député de Marguerite-Bourgeoys indiquait que l'un des objectifs de la commission était d'examiner si les structures mises en place répondaient de manière efficace et démocratique aux besoins des créateurs et des interprètes québécois. Le député de Vachon, quant à lui, souhaitait que l'on examine, et je cite, «de quelle façon on peut juger un arrimage nécessaire ou pas nécessaire entre le CALQ et la SODEC». Enfin, des questions, des interventions des députés visaient à explorer de potentiels chevauchements de mandats entre le ministère de la Culture, le CALQ et la SODEC.

En posant ces questions, la commission a singulièrement élargi son mandat initial. Il n'était pas prévu que nous serions interpellés collectivement sur les fondements des missions respectives des deux organismes qui font actuellement l'objet du mandat de surveillance. Nous comprenons toutefois, à la lecture des recommandations des mémoires déposés à cette commission, que les préoccupations d'ordre structurel qu'on y retrace aient orienté vos travaux.

Au premier chef, à la lecture de ces mémoires et à l'écoute des audiences, il nous apparaît clairement que les grandes associations représentatives de l'ensemble des clientèles desservies par le Conseil ainsi que les conseils régionaux de la culture donnent un appui entier aux principes de la politique culturelle ayant donné naissance au Conseil. Le maintien d'un organisme indépendant, l'affirmation de la nécessaire liberté des créateurs ainsi que la participation des artistes aux décisions qui les concernent sont l'objet d'un large consensus dans les mémoires. Ils témoignent éloquemment que la Loi du Conseil, créant une société autonome et décentralisée par rapport au gouvernement, loi qui a d'ailleurs été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, correspond aux besoins des créateurs et des artistes. Ce large consensus sur la pertinence de l'organisation qu'est le Conseil n'empêche évidemment pas l'expression de propositions d'ajustement.

Nos commentaires porteront sur l'autonomie du Conseil, sur son mandat consultatif ainsi que sur les chevauchements avec d'autres institutions.

En premier lieu, certains souhaitent que le Conseil jouisse d'une plus grande autonomie. Par sa loi, l'autonomie du Conseil des arts et des lettres du Québec est évidemment beaucoup plus restreinte que celle du Conseil des arts du Canada, ce dernier répondant directement à un comité parlementaire de la Chambre des communes. Le Conseil au Québec, pour sa part, répond à la ministre de tutelle. Ses crédits sont intégrés aux crédits ministériels et il doit faire approuver annuellement ses orientations, son plan d'activité ainsi que les barèmes de ses programmes par la ministre. Ce choix qui a été fait par le Québec à l'époque vise à assurer la cohérence et la concertation de l'action culturelle de l'État.

Cette loi, qu'on a qualifiée à l'époque de nouveau contrat social entre le gouvernement et les artistes, était audacieuse mais aussi particulièrement exigeante tant pour le gouvernement que pour la communauté artistique. Si elle signifiait pour la communauté artistique l'abandon d'un vieux rêve d'une véritable société «at arm's length» souhaitée depuis deux décennies, elle exigeait de la part de l'État une action culturelle concertée nettement axée sur la reconnaissance du rôle central des créateurs, comme le voulait la politique culturelle. Nous croyons qu'il serait inapproprié de revoir les termes généraux de ce contrat social.

Deuxièmement, certains ont insisté, au cours de ces audiences, sur la nécessité de renforcer le mandat consultatif du Conseil: programme d'avis à la ministre sur les enjeux liés à la création, production de recherches et de statistiques ou exercice plus soutenu du pouvoir d'orientation. Le Conseil reconnaît qu'il n'a pu exercer autant qu'il l'aurait voulu son rôle consultatif. Cela s'explique essentiellement par le fait que le Conseil n'a pas été doté, lors de sa création, de ressources à cette fin. Considérant que, pour donner des avis éclairés sur les tendances et orientations générales des arts et des lettres, il importe de se baser sur des études et des analyses, nous croyons que l'hypothèse d'un observatoire des arts et de la culture assorti de ressources humaines oeuvrant dans chacune des organisations de la culture dans une optique de recherche serait une piste prometteuse qui permettra au Conseil de mieux exercer son rôle consultatif.

Nous retenons par ailleurs que certaines organisations souhaitent un renforcement de la liaison et de la concertation avec le Conseil. S'inspirant partiellement du modèle des commissions de la SODEC, certains souhaitent la mise en place d'un mécanisme permanent de discussion et d'échange d'information avec les représentants des différentes disciplines artistiques. Le Conseil est ouvert à cette question et a prévu identifier au cours de la prochaine année un mécanisme qui s'inscrirait en complémentarité au rôle du conseil d'administration et serait un lieu privilégié de réflexion sur les perspectives de développement des pratiques artistiques.

Troisièmement, la problématique des chevauchements ou du dédoublement a été très présente au sein de cette commission. Vos questions ainsi que des commentaires des associations nous inspirent là aussi quelques remarques. Le chevauchement des sources de financement dont il a été question à quelques reprises ne provient pas principalement du secteur culturel pour lequel les mandats et les fonctions respectives du ministère de la Culture et des sociétés d'État qui en relèvent sont définis par des lois. Dans la famille culture, nous connaissons nos mandats et nous connaissons les lieux potentiels de chevauchement. Nous tentons régulièrement de les régler lorsqu'ils se présentent. Lorsque les organismes artistiques parlent d'éparpillement, ils réfèrent à leur recours obligé à une multitude de programmes, que ce soit à Emploi-Québec, au Tourisme, au ministère de l'Éducation ou à une multitude de petits programmes qui n'ont que peu à voir avec la culture.

La plupart des cas de chevauchement que l'on observe entre le CALQ et la SODEC sont, croyons-nous, liés à un anachronisme qui s'est glissé dans la Loi du Conseil. En effet, le Conseil ne peut soutenir des organismes à but lucratif. De plus, ici, une compagnie de théâtre privée n'est pas admissible au Conseil parce qu'elle est à but lucratif et ne l'est pas à la SODEC car un théâtre privé, pas plus qu'une compagnie de danse ou un orchestre ne peut prétendre être une industrie culturelle. Il devient nécessaire qu'une telle restriction soit enlevée de la loi, car, d'une part, elle peut pénaliser des organismes et, d'autre part, cela est porteur de confusion.

Enfin, on note une tendance à créer des fonds spéciaux. Cette tendance, le gouvernement fédéral nous en a donné une puissante illustration avec la création du Fonds des bourses du millénaire. Cette tendance est porteuse d'éparpillement de missions, de dilution des responsabilités et de l'imputabilité. Parfois, au nom de la concertation, elle devient tout simplement un contournement du principe de l'évaluation par les pairs.

Nous tenons à réitérer que la priorité à l'heure actuelle est la reconstitution d'un financement de base solide pour les organisations artistiques, et cela, sur la base des règles du jeu auxquelles adhèrent l'ensemble de la communauté artistique. Nous tenons à réitérer qu'une culture forte ne peut se construire qu'en misant sur le soutien à la qualité artistique. Elle ne saurait se construire sur une pléthore de programmes ad hoc.

En second lieu, j'aborderai la question des jurys et des comités consultatifs. Tout au long des travaux de cette commission, les parlementaires ont analysé de près le processus de prise de décision du Conseil qui est basé sur l'évaluation par les pairs. Les mémoires et les propos tenus par les associations et les artistes sont clairs, ils manifestent un très large consensus à l'égard de ce système. Tous les regroupements nationaux d'artistes l'ont réitéré en commission.

Je cite, à titre de rappel, la déclaration du RAAV: «Le jury, les pairs, ce principe nous y adhérons complètement et nous ne voulons pas en changer le principe.» Les conseils de la culture vont dans le même sens, et je cite: «Le jugement par les pairs, c'est une règle que le milieu ne remet nullement en question.» Catherine Bégin, devant vous, Danyèle Alain, Diane Isabelle, Louise Allaire, Alain Fournier, Danielle April, Denise Boucher, Pierre-Paul Savoie sont tous allés dans le même sens. Partout dans le monde, ce système fait l'objet de vérifications et d'ajustements périodiques, et cela est normal. On l'a même qualifié à quelques reprises de moins mauvais des systèmes. Même le groupe de travail sur la culture du Conseil de l'Europe concluait que, sans être parfait, et je cite, «le système d'évaluation par groupe de pairs reste le mieux à même de garantir des décisions informées et justes d'un point de vue artistique».

(14 h 20)

Permettez-moi quelques remarques sur les principales critiques qui nous ont été adressées à cet égard. D'abord, le Conseil est très préoccupé par certaines critiques portant sur la transparence du processus. Certaines recommandations faites à ce sujet, croyons-nous, relèvent d'une méconnaissance des pratiques et des méthodes d'évaluation du Conseil. Nous en concluons que nous avons un sérieux travail d'information à faire.

D'autres critiques portent sur les règles d'éthique applicables aux membres des jurys. Nous rappelons que chacun des 300 membres, des 300 artistes qui, chaque année, siègent à des jurys ou à des comités signe un engagement. Cet engagement est reproduit à l'annexe 7 de notre mémoire et comporte cinq points précis. Je vous y réfère.

Enfin, d'autres recommandations portent sur la formation des évaluateurs, l'explication des critères ainsi que sur la représentation de toutes les tendances et de toutes les expertises au sein des jurys. Notre conseil d'administration est très préoccupé par cette question et s'est déjà penché, au cours de l'automne, sur des recommandations qui étaient dans les mémoires dont nous avions déjà obtenu copie. Au cours de la prochaine année, nous travaillerons à rendre plus explicites certains critères qui semblent nécessiter des explications et nous publierons un document d'information portant sur le rôle et les fonctions des comités de pairs, des jurys, leur composition, les codes d'éthique qui leur sont applicables et l'ensemble des domaines sur lesquels il semble nécessiter de l'information supplémentaire.

L'autre aspect qui a été abordé est la question de l'équité, qu'il s'agisse de l'équité face aux artistes provenant des régions, des grands centres ou face aux personnes issues de l'immigration. Notre mémoire a fait largement état des réalisations du Conseil en la matière. Rappelons tout de même certains faits. Le programme de bourses aux artistes s'adresse à des créateurs, et rappelons que les artistes créateurs, dans la population québécoise, comptent pour 1 % de la main-d'oeuvre. Il ne s'agit donc pas d'un programme universel distribuant des bourses au prorata de la répartition territoriale de la population au Québec. Ce qui est fondamental, croyons-nous, en termes d'équité, c'est qu'un artiste ait proportionnellement autant de chances de recevoir une bourse selon qu'il habite Montréal, Québec ou une région. Ce qui est essentiel, c'est qu'un artiste ne soit pas défavorisé parce que sa langue maternelle n'est pas le français, parce qu'il est autochtone ou parce qu'il est issu de l'immigration. Et nous croyons que l'indicateur le plus fiable pour évaluer si le processus de sélection des boursiers est équitable est de comparer la demande à l'octroi des bourses.

Or, je vous rappelle les résultats. Au cours des trois dernières années, sur 100 demandeurs de bourse qui proviennent de Montréal, 31 ont reçu une bourse; sur 100 demandeurs de bourse qui proviennent des régions, 31 ont reçu une bourse; et, sur 100 qui proviennent de Québec, 28 ont reçu une bourse. Donc, proportionnellement, un artiste qui a fait une demande, qu'il vienne de Montréal ou d'une région, a des chances absolument identiques de recevoir une bourse. Et là où il demeure un certain écart, c'est à Québec. Le Conseil devra se pencher sur la persistance de cet écart, car on a un peu moins de chances lorsqu'on est à Québec, puisque c'est de 28 sur 100. Par ailleurs, 8 % des demandeurs de bourse s'inscrivent comme étant d'origine ethnique autre que francophone ou anglophone. Parmi les boursiers, 6 % sont de cette catégorie. Quant aux autochtones, ils sont 2 % dans les demandeurs et ils sont 2 % dans les récipiendaires de bourse.

La difficulté majeure réside, croyons-nous, dans notre incapacité financière à soutenir de très bons projets et qui mériteraient d'être soutenus. La croissance très forte dans la demande rend le système extrêmement et même beaucoup trop concurrentiel. Avec raison, des artistes sont déçus. Ils interrogent le système. Nous les comprenons, mais nous croyons que ce qu'il faut interroger, c'est d'abord et avant tout la faiblesse du budget que nous avons pour répondre à leurs besoins.

Nous sommes conscients que ce système d'évaluation est perfectible et nous sommes ouverts aux suggestions de bonification s'inscrivant dans le sens de l'équité tout en maintenant la raison fondamentale d'être de ce système, qui est l'évaluation de la qualité artistique.

En troisième lieu, cette commission a abordé le développement artistique sur l'ensemble du territoire. Le Conseil, par sa loi, a clairement reçu le mandat d'assumer le soutien au développement artistique sur l'ensemble du territoire. Il a hérité, à sa création, d'un état de sous-développement artistique dans plusieurs régions. Il a aussi hérité d'un gel de budget. Depuis quatre ans et demi, nous avons mis en oeuvre une série de mesures pour rétablir la situation, et on les a déjà exposées.

Au cours des dernières rondes budgétaires, nous avons formulé des demandes substantielles pour redresser la situation en région. Nous avons conçu et élaboré le programme Arts et collectivité dans l'optique d'un soutien adapté aux régions et aux collectivités. Nous avons travaillé un modèle de partenariat avec les CRD en vue d'ententes spécifiques. Nous avons des projets de mentorat, d'accueil d'artistes pour le développement des compétences. Nous avons consulté les artistes en région. Nous connaissons leurs besoins.

Le Conseil a assumé ses responsabilités. Le Conseil a manifesté un engagement profond envers le développement artistique en région avec les moyens dont il disposait. Le Conseil dresse un constat lucide: sans une volonté de l'État de réinvestir en région, nous n'avançons plus. Tous nos projets restent en attente. Ces difficultés ont amené certains à poser la question suivante: Le Conseil est-il véritablement l'organisme qu'il faut pour soutenir la vie artistique en région? La réponse des organismes présents à ces audiences a été affirmative. Le oui des organismes a aussi été une invitation à créer un nouveau modèle de présence qui ne soit pas calqué sur le passé.

Le RCAAQ a lancé des pistes novatrices pour assurer une meilleure présence en région. Des organismes de services ont pris des propositions de mentorat, etc. Surtout, nous voyons avec intérêt se dégager au cours des audiences un appui à l'élaboration d'ententes spécifiques de développement artistique avec des régions. Cela nous semble être une voie porteuse de retombées concrètes et structurantes pour les artistes en région.

Le secteur de la diffusion, enfin, est un secteur, vous le savez, en forte croissance. Le Conseil a été en mesure, au cours des dernières années, de soutenir plus vigoureusement les tournées grâce aux crédits supplémentaires issus de la Politique de diffusion des arts de la scène. Grâce à nos programmes, cette année, c'est plus de 700 représentations de théâtre, musique, danse qui seront offertes sur l'ensemble du territoire. Là-dessus, 500 seront données dans des régions autres que Montréal et Québec. Il s'agit d'un progrès majeur vers une plus grande démocratisation et une plus grande décentralisation de la culture et un pas en avant vers l'expansion des compagnies et le rayonnement des oeuvres.

Diverses questions toutefois ont été soulevées lors des audiences. Les décisions concernant l'octroi des subventions à la tournée sont-elles prises sans considération aucune des choix des diffuseurs? Autres questions: Les subventions du Conseil viennent-elles produire une distorsion à la loi du marché? Le soutien des projets de tournée émanant de groupes appartenant à une discipline est-il totalement illogique? Les projets de tournée sont-ils soumis à l'évaluation par les pairs? Le développement et la sensibilisation de publics sont-ils l'unique responsabilité des diffuseurs? La réponse à toutes ces questions est non. Le Conseil ne consulte pas sommairement les diffuseurs, il les consulte systématiquement. Et c'est sur le dépôt de contrats signés avec les diffuseurs qu'il verse des subventions.

Au cours des dernières années, le Conseil a appuyé tous les projets issus des programmes innovateurs de concertation, tels que la Danse sur les routes du Québec. Le Conseil y consacre plus de la moitié de ses budgets de tournée. Il travaille en étroite concertation avec les diffuseurs, et ceci, dans l'optique de la Politique de la diffusion.

(14 h 30)

Je raccourcis là-dessus et je conclus. Cette période de travaux étant consacrée au bilan, voici les grands consensus que nous avons notés, puisque nous avons attentivement observé cette commission: d'abord, un très fort consensus sur la pertinence de la mission du Conseil et de son fonctionnement en tant que société autonome et décentralisée par rapport au gouvernement; en second lieu, un large consensus quant au sous-financement du Conseil; troisièmement, une volonté très clairement manifestée quant au bien-fondé de l'évaluation par les pairs et aussi un souci très clair que ce système soit le plus équitable et le plus transparent possible; quatrièmement, une demande des grandes associations nationales, que l'État reconnaisse le rôle du Conseil en tant que guichet unique pour le soutien aux artistes et aux organisations artistiques et qu'il recentre les interventions qui sont destinées aux artistes et aux organismes vers le Conseil; et enfin une demande de simplification et d'assouplissement de nos programmes.

Notre Conseil s'est déjà penché sur une partie des recommandations. Au terme de cette commission, il est assuré que nous poursuivrons nos travaux dans l'esprit d'un meilleur service à la communauté artistique et surtout d'un développement optimal des arts au Québec. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Rioux): Merci, Mme Lavigne. J'aimerais clarifier une chose au départ. Vous avez semblé évoquer tout à l'heure, dans votre discours, au début, que la commission avait peut-être outrepassé son mandat. J'aimerais vous rappeler nos règlements. Nos règlements disent qu'une commission peut se donner un mandat d'initiative de surveillance d'un organisme pour examiner les grandes orientations, l'administration, la gestion et les activités. Si on se réfère à l'esprit de notre règlement, je ne pense pas qu'on ait outrepassé notre mandat. Au contraire, on est en plein dedans. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je remercie en particulier Mme Lavigne et les dirigeants du CALQ de revenir une deuxième fois ici nous rencontrer. Je pense que, dans tout le processus que nous avons suivi, il y a quelque chose de très important qui a été mentionné par M. le président lors de l'ouverture de la première rencontre, alors que M. le président a mentionné que le travail qu'on avait à faire était un travail qui découlait de notre mission fondamentale, de nos traditions parlementaires habituelles, qu'il ne s'agissait pas là de quelque chose d'exceptionnel face à deux organismes particuliers, mais bien dans le cadre de notre mandat habituel de parlementaires.

Je le rappelle parce que c'est très important, certains ont laissé entendre, parfois indirectement, parfois directement et parfois par des allégations, par certaines phrases dans certains journaux, que peut-être que quelqu'un dans le gouvernement remettait en cause l'existence du CALQ ou de la SODEC. Et pourtant – je ne sais pas – ça ne faisait pas partie de notre processus mental, de nos façons de réfléchir à la chose. Au contraire, je pense qu'on se considère, en tant que députés, comme partenaires de tout l'appareil qui, dans notre cas, veut appuyer le développement de la culture et l'appui aux artistes et aux créateurs. Donc, c'est dans cet esprit-là que le travail a été fait. Je prends bonne note de toutes les observations que vous avez faites qui nous disent bien évidemment que vous avez suivi avec beaucoup d'attention tout ce qui s'est dit, et je pense que c'est dans ce sens-là qu'on travaille. On est partenaires d'une même entreprise qui est celle de faire de notre mieux pour aider le milieu des arts, et de la culture, et des artistes.

Je voudrais m'arrêter et vous demander quelques commentaires supplémentaires quant aux jurys, parce que ça a quand même été une question qui est revenue souvent. D'abord, premièrement, tout le monde est d'accord, comme vous l'avez bien dit, que le CALQ doit rester et doit être mieux financé. Ça, tout le monde s'entend là-dessus. Tout le monde s'entend sur le fait que le jury des pairs, c'est le meilleur système qu'on connaisse. Vous avez dit «le moins mauvais», mais enfin, moi, je préférerais l'autre expression, c'est «le meilleur système qu'on connaisse». Non pas qu'il soit parfait, parce que rien de ce qui est humain n'est parfait, mais c'est le meilleur système qu'on connaisse. Donc, il y a l'appui au principe du jury des pairs. Il y a un appui aussi, qu'on a senti, au mécanisme en général.

Là où on s'est posé des questions, les gens ont posé des questions, c'est, par exemple, une certaine distanciation entre le CALQ et les artistes, mais surtout évidemment une distanciation qui semble être plus sentie à mesure qu'on s'éloigne de Montréal. Cela soit dit sans vouloir porter atteinte au fait qu'il y a beaucoup d'artistes à Montréal et qu'il y a beaucoup de... C'est normal que ce soit une patinoire bien importante pour vous.

Une autre chose que j'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez de ça: face à la question des possibilités de conflits d'intérêts qui font partie de la réalité humaine générale, partout où il y a des êtres humains. Évidemment il y a eu un certain nombre de représentations faisant référence à la nécessité de mieux encadrer et de rendre plus public le travail des jurys, peut-être aussi d'avoir des jurys plus nombreux et, troisièmement, d'avoir des jurys qui ont plus le temps de s'attarder sur chaque dossier. Alors, j'aimerais peut-être avoir des commentaires là-dessus.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme Lavigne, vous avez plusieurs questions qui ont été formulées par le député de Saint-Hyacinthe. Est-ce qu'on peut avoir des réponses claires mais rapides aussi, en même temps, parce qu'on a peu de temps.

Mme Lavigne (Marie): Je vous remercie, M. le Président. En ce qui concerne la recommandation qui est revenue à plusieurs reprises sur la notion de membres de jury qui soient plus nombreux, entre autres, il s'agit d'une suggestion fort pertinente. Plus les jurys sont nombreux, plus il y a une possibilité d'avoir un éventail de tendances.

Nous reconnaissons que nous avons été étranglés par la demande et aussi étranglés par le peu d'effectifs que nous avons. À cet égard, les comités ont, de façon générale, deux, trois à quatre, et certains comités à plus gros bassin ont cinq personnes aussi. C'est quand même à géométrie variable. Mais il existe effectivement des comités où il n'y a que trois personnes, et c'est une pratique que nous souhaitons le plus possible enrayer.

La question du temps, effectivement, c'est lourd pour les comités, mais ça dépend des comités. Il y a des possibilités d'ajustement. L'an dernier, nous avons fait toute une série d'ajustements à cet égard, et parfois les choses sont impossibles parce qu'il y a trop de candidats dans une même discipline. Mais cette question-là aussi se regarde et se revoit, et nous avons été extrêmement sensibles aux points qui ont été mentionnés.

Pour ce qui est des questions de conflits d'intérêts, je vais laisser mon collègue Gaëtan Gosselin continuer.

Le Président (M. Rioux): Oui, allez, monsieur.

M. Gosselin (Gaëtan): Merci. Alors, à cet égard, on aimerait aborder la question sur l'affirmation où on a dit à quelques reprises, où on parlait des soi-disant pairs. À cet égard-là, le Conseil aimerait rappeler que sa loi stipule que les membres de comité proviennent du milieu des arts et des lettres. Comment sont-ils choisis, ces membres de comité? Les membres de jury sont des personnes reconnues pour leur compétence dans une ou plusieurs disciplines artistiques, qui sont choisis à partir d'une liste de noms constituée après consultation auprès d'artistes, d'associations, de regroupements, de représentants du public. Ils sont sollicités pour suggérer des noms de membres de jury et de soumettre des curriculum vitae. Cette liste est approuvée chaque année par le conseil d'administration et elle compte aujourd'hui 3 500 noms d'artistes professionnels et de personnes qui proviennent du milieu des arts et des lettres.

Le processus de choix des jurys lors d'un comité. Alors, l'agent de programmes dépose une liste de noms substantielle qu'il soumet à sa direction de programmes. La direction de programmes doit valider la compétence reconnue du candidat, selon qu'il s'agit d'un jury de type A ou de type B. Elle doit valider son origine territoriale, sa participation antérieure à des jurys, parce qu'il y a une règle qui fait que les jurys ne peuvent pas assister, ne peuvent pas faire des jurys deux années consécutives. Elle a à valider la diversité des écoles ou des tendances artistiques parmi ses membres. Elle a à valider que le candidat jury ne soit pas un demandeur de bourse. On vérifie s'il n'y a pas un conflit d'intérêts potentiel connu, c'est-à-dire: Est-ce que l'artiste est marié avec un des demandeurs ou est en relation d'affaires, partage d'atelier par exemple? Et on vérifie la disponibilité du candidat. Cette liste, après validation, elle est soumise au conseil d'administration. Et, ensuite, le choix est fait en fonction des disponibilités.

(14 h 40)

Le Président (M. Rioux): Merci.

M. Gosselin (Gaëtan): Voilà pour ce qui est de la question des pairs. Si vous me permettez, M. le Président, j'aborderais la question du soi-disant copinage qui m'apparaît une question cruciale au regard de la commission, mais je vous laisse la parole.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Pouvez-vous nous régler ça en deux minutes, le copinage?

M. Gosselin (Gaëtan): Le copinage.

Le Président (M. Rioux): Ça serait bien.

M. Gosselin (Gaëtan): Deux minutes. Écoutez, je vais lire mon texte et, vous allez voir, je ne déborderai pas. Ce sera clair, net, précis.

Le Président (M. Rioux): Est-ce que chacun d'entre vous avez un texte à lire? Sinon, on n'en sortira jamais.

M. Gosselin (Gaëtan): Bien, écoutez, le Conseil reçoit 3 500 demandes de bourses par année. Il a reçu ces dernières années plus de 15 000 demandes. Il soutient 800 artistes, soit plus de 4 000 artistes. Il faut convenir, à la lumière de cette donne, qu'en matière de copinage une masse critique de copains aussi nombreuse frappe l'imagination. Rappelons que les évaluations pour les artistes en A se font sur une base nationale. Les artistes en bourse B sont évalués par des jurys interrégionaux. On peut avoir des amis certes dans le milieu des arts, mais encore faudrait-il en avoir dans toutes les régions du Québec.

Rappelons ici qu'un artiste, quel qu'il soit, quand il demande une bourse, ne peut préjuger de la composition d'un jury, pas plus qu'un membre de jury ne peut présumer des demandeurs quand il accepte de participer à un jury. La théorie de l'ascenseur ne saurait être qu'accidentelle, à moins que tous les agents du Conseil entretiennent cette vaste entreprise de copinage. Permettez-moi d'en douter, d'autant plus qu'un membre de comité aurait toujours à convaincre ses pairs sur la base d'arguments solides.

Il faut rappeler ici que la contribution d'un artiste au sein d'un comité constitue d'abord un geste d'engagement libre et de devoir qu'il exerce aux yeux de toute une communauté et qu'il accepte au nom de cette communauté à titre de pair.

Le Président (M. Rioux): On va devoir gérer le temps un peu plus serré, parce que, sinon, les parlementaires n'auront pas la chance de poser des questions. Vous pourrez revenir avec d'autres questions et peut-être compléter votre pensée, mais la synthétiser un tout petit peu. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Vous aurez sûrement l'occasion de compléter la lecture de votre texte.

Mme Lavigne, vous savez que, tout au long de ces journées qu'on a pu consacrer à la question de la culture, des arts et des lettres, il y a toujours eu un sujet... vous avez même parlé d'un consensus, c'était sur le financement, les crédits accordés au Conseil des arts et des lettres du Québec. Vous avez officiellement évalué le besoin d'augmentation du budget du Conseil à 30 000 000 $. Or, un regroupement important, imposant – je pense que c'est pratiquement une première au Québec de voir autant d'associations regroupées au sein d'un mouvement structuré ayant déposé des études à l'appui – demande 45 000 000 $. Et c'est souvent revenu. De part et d'autre de cette table, on a demandé à plusieurs organismes d'évaluer les besoins du Conseil, et ils nous ont parlé de 45 000 000 $, de passer du simple au double. Comment se fait-il que le Conseil des arts et des lettres demande 30 000 000 $ et qu'il y a un large consensus, que vous avez vous-même remarqué, qui demande 45 000 000 $?

Le Président (M. Rioux): Mme Lavigne.

Mme Lavigne (Marie): Je vous remercie, M. le Président. En tout cas, la première partie de réponse, c'est que je pense que c'est clair que nous n'avons pas travaillé ensemble à l'évaluation des besoins et que nous sommes partis de deux démarches différentes. Nous sommes un organisme qui gère des programmes et nous nous sommes inscrits essentiellement dans une démarche annuelle de demande de budget. Donc, notre évaluation est une évaluation des besoins strictement requis pour remettre le compteur à zéro et des besoins requis pour la prochaine année financière, c'est-à-dire que, pour remettre les pendules à l'heure, nous devons restaurer et revenir, ça prend absolument ce 30 000 000 $.

Les organismes ont une démarche qui s'inscrit dans une perspective, nous le reconnaissons, plus large et aussi, à certains égards, plus généreuse, mais plus large, et qui est une perspective plus englobante où on a intégré toute une série d'éléments de développement, une perspective de développement, ce que nous n'avons pas fait. Probablement que nous avons été particulièrement sages, probablement que nous étions conscients des difficultés budgétaires de l'État. Toujours est-il que je pense que les deux méthodes et les deux évaluations ont été faites en toute honnêteté, de part et d'autre, de façon très intègre, mais nous n'avions pas la même optique au départ.

Par ailleurs, nous n'avons pas travaillé non plus sur la même base de données. Le Conseil a travaillé sur des bases très précises de programmes qu'il gère, alors que, ce que je comprends à la lecture des documents qui ont été déposés, on a travaillé de façon plus large, les gens de l'Alliance des arts de la scène et les gens du Mouvement des arts et des lettres ont brossé un tableau qui est plus large. Donc, essentiellement, c'est une question qui se situe du court terme au moyen terme, mais, nous, c'est vraiment dans l'immédiat, c'est l'essentiel incontournable pour la prochaine année budgétaire.

Le Président (M. Rioux): Mme la députée.

Mme Beauchamp: À la lumière de ce que vous avez entendu au cours des derniers jours, est-ce que vous réévaluez vos besoins et votre demande?

Mme Lavigne (Marie): Écoutez, il faudrait prendre le temps de s'asseoir avec les organismes. Écoutez, ce qu'on a regardé des études, nous trouvons que les études sont extrêmement bien faites. Écoutez, l'an prochain, nous reviendrions avec probablement le même ordre de demande. Il y a certains ajustements qui relèvent de l'ordre de la perception. Immédiatement, cette année, nous, dans nos demandes, nous avions soustrait certains crédits, qu'on suppose qui seront accordés par le Fonds de stabilisation, mais en les inscrivant dans notre demande de l'année subséquente, qui est plus élevée. Donc, à toutes fins utiles, nous reconnaissons que ce qui a été fait de façon systématique et rigoureuse par les gens du Mouvement reflète bien un état de besoins. Simplement que, en tant qu'organisme situé dans le périmètre administratif de la culture, nous avons eu probablement une vision plus administrative.

Le Président (M. Rioux): Bien.

Mme Beauchamp: Est-ce qu'il reste encore du temps?

Le Président (M. Rioux): Oui, oui. Il y a le député d'Outremont aussi qui avait demandé la parole.

Mme Beauchamp: Pour terminer ce bloc-ci.

Le Président (M. Rioux): Allez-y, madame.

Mme Beauchamp: C'est parce que je pense que c'est un son de cloche important, premièrement, quand vous dites reconnaître la qualité des études et des chiffres déposés par le Mouvement pour les arts et les lettres. Dites-moi, est-ce que je vous entends... Concrètement, ce que vous êtes en train de me dire, c'est que vous vous attendez, enfin votre demande est de 30 000 000 $ pour cette année et que ce serait une très bonne nouvelle que, déjà, vous sachiez qu'on prévoit 15 autres millions pour l'année prochaine.

Mme Lavigne (Marie): Ah! bien, ça va être essentiel pour l'autre année. Ça, c'est évident. Non, mais ça, c'est très clair. C'est qu'on s'est situés, nous – comment, bon, ce n'est peut-être pas un mot à la mode – disons qu'on s'est situés dans une perspective étapiste.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lavigne (Marie): Je pense que le résultat, en bout de piste, est exactement le même. C'est que, au terme de deux ans, les besoins sont les mêmes et les demandes sont du même ordre au terme de deux ans.

Mme Beauchamp: Merci.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Mme Lavigne, votre ministre va être sûrement très contente de vous, parce que c'est rare, les dirigeants d'organisme qui demandent des budgets inférieurs à ceux qui correspondent aux attentes de leurs clientèles.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Mais, moi, je voudrais vous poser une petite question sur le bilan que vous avez fait. Je pense que vous avez vraiment bien fait le tour de toutes les questions qui ont été soulevées, mais il y en a une – et j'ai peut-être mal compris – à mon avis, que vous n'avez pas soulevée et qui a été soulevée par un petit nombre d'organismes. C'est une question sur la définition de ce que c'est qu'une pratique artistique légitime. Il y a des gens qui sont venus nous dire que, dans la définition... je ne veux pas dire dans la définition, mais dans l'image, dans la représentation que le Conseil des arts et des lettres du Québec se fait de ce qui est une pratique artistique légitime, donc subventionnable, si j'ai bien compris – c'est là qu'est l'indicateur de légitimité – eux autres, ils sont laissés pour compte. Il y a des laissés-pour-compte du processus de subvention.

(14 h 50)

Je pense, par exemple, au Conseil des arts textiles du Québec. Il y a une dame qui est venue nous dire longuement que sa pratique artistique renvoie à une très longue tradition, disons, des arts d'illustration, des arts textiles. Elle m'a même rappelé que j'avais déjà vu, de mon vivant, la grande collection des arts textiles des Ursulines de Québec et que, ça, ça ne fait pas l'objet d'une pratique artistique qui est reconnue comme étant subventionnable par le Conseil. Il y a aussi évidemment Les Bouquinistes du Saint-Laurent. Eux autres, c'était dans un autre espace, mais, encore là, pour eux autres, il me semble qu'il y avait un problème de reconnaissance comme étant une organisation qui a une pratique artistique et légitime. Et hier on a eu peut-être un petit peu le Conseil de la sculpture. Mais l'exemple le plus clair, c'est la dame qui est venue nous parler du Conseil des arts textiles du Québec. Celle-là, vraiment, elle...

Une voix: Musique traditionnelle.

M. Laporte: Musique traditionnelle, oui. Elle se sentait vraiment comme étant du monde qui ne faisait pas partie des pratiques artistiques que le Conseil semble avoir définies comme étant des pratiques légitimes dans sa constitution ou dans sa représentation de ce que c'est que la culture. Est-ce que je me trompe ou est-ce que vous avez...

Il me semble que c'est une question importante. En d'autres mots, pour terminer là-dessus, il y a des gens qui sont venus dire – et, moi, je ne peux pas, comme parlementaire, décider s'ils ont tort ou raison – qu'ils sont exclus. Ils ne sont pas exclus par mauvaise volonté ou ce n'est pas de la discrimination systématique, ils sont exclus par l'idéologie que le Conseil des arts et des lettres – et, dans d'autres cas, ça peut être aussi la SODEQ – se donne de ce que c'est qu'un art qui est légitime. Et ça, ça serait peut-être là que le 15 000 000 $ qu'ils demandent, entre le 30 000 000 $ et le 40 000 000 $, devrait aller.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y aurait des pratiques illégitimes?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Des pratiques artistiques illégitimes.

M. Laporte: Pas illégitimes, non, non, non. Ce n'est pas le problème de l'illégitimité, ici; c'est le problème de la légitimité, c'est-à-dire qu'est-ce qui est reconnu comme étant une pratique...

Le Président (M. Rioux): Légitime.

M. Laporte: ...artistique subventionnable, donc légitime, au sens où Bourdieu parle de légitimité, là...

Le Président (M. Rioux): Alors, celles qui ne le sont pas.

M. Laporte: ...qu'est-ce qui est la langue légitime.

Le Président (M. Rioux): Mme la présidente.

Mme Lavigne (Marie): D'accord. En premier lieu, je veux uniquement préciser que ce qui concerne Les Bouquinistes du Saint-Laurent, je pense que ça s'adressait à la SODEQ. Ils sont...

Une voix: D'accord.

Mme Lavigne (Marie): D'accord. Pour ce qui est des arts textiles, je vais laisser Gaëtan Gosselin répondre.

Le Président (M. Rioux): On a dit qu'on avait tendance à les classer dans les métiers d'art.

M. Gosselin (Gaëtan): Oui, exactement. Je pense que c'est le fond du problème, parce que...

Le Président (M. Rioux): Ils ne se sentaient pas très confortables avec ça.

M. Gosselin (Gaëtan): Le Conseil accepte les demandes des artistes en arts textiles. Ils font partie de la grande famille des arts visuels. Je pense que, quand on parle maintenant des artistes, avec une identité propre à un artiste, aujourd'hui les artistes sont des artistes à la fois en arts textiles, sont à la fois sculpteurs, installateurs, et évidemment que c'est un défi continuel pour le Conseil de les orienter. Il y a tout de même 200 artistes en arts textiles qui ont déposé des demandes au Conseil. Ces cinq dernières années, on en a retenu une sur quatre, une bourse sur quatre, ce qui correspond, je dirais, à l'étalement qu'on retrouve dans d'autres disciplines.

Cela étant dit, il y a de nombreux artistes en arts textiles qui postulent, la grande majorité en métiers d'art. Certains revendiquent un statut en arts visuels. Ils peuvent le faire, ils peuvent postuler en arts visuels. C'est ce problème de perception qui est à la source des revendications des arts textiles qui souhaiteraient avoir un programme spécifique, comme les sculpteurs aimeraient avoir un programme spécifique, comme les installateurs aimeraient avoir un... C'est difficile de penser à une telle fragmentation et de comités et de jurys spécifiques. Cela dit, le Conseil est conscient d'une requête comme celle-là, parce que, dans certains champs disciplinaires, il n'hésite pas à faire appel à des examinateurs experts pour donner des avis. Et, dans le cas des arts textiles, nous pourrions, nous serions très ouverts à l'idée de regarder ce qui se produit dans ce domaine-là.

Je vais conclure en disant qu'il y a, je dirais, une centaine de demandes qui ont été adressées par des membres du Conseil des arts textiles au Conseil dans une autre discipline que les arts textiles, alors des gens qui se définissent, qui sont membres du Conseil des arts textiles mais qui ont demandé en sculpture, en peinture, en installation. Donc, il y a vraiment une mouvance dans, je dirais, le travail de l'artiste, qui fait qu'aujourd'hui il travaille autant dans les savoir-faire traditionnels que dans les nouvelles technologies. Mais on est sensibles à leurs préoccupations.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Écoutez, on va parler d'écriture, maintenant. Les écrivains et les écrivaines sont venus nous rencontrer, et on a entendu un cri du coeur. Je ne voudrais pas travestir leur pensée, mais on a dit quelque chose: qu'on paie notre dû. Et ils nous ont rappelé que ces gens-là ont aussi un compte d'électricité à payer.

Dans un premier temps, ils nous ont parlé d'un contrat type minimum. J'aimerais vous entendre, Mme Lavigne, sur la pertinence, la vraisemblance, la possibilité, vis-à-vis des écrivains, d'avoir un contrat type. On a parlé, on a fait référence à des traitements semblables, bien de ce genre, dans des pays de l'Europe de l'Ouest ou en Scandinavie. Mais, disons, vis-à-vis toute cette problématique-là de l'écriture, qu'à un moment donné ils vivent de leurs droits d'auteur et du produit de leur plume, bon ça prend un certain temps avant d'avoir des résultats concrets. J'aimerais savoir qu'est-ce que vous pensez de ça, d'un contrat type minimum.

Le Président (M. Rioux): Mme Lavigne.

Mme Lavigne (Marie): Merci, M. le Président. Écoutez, cette question d'un contrat type est effectivement une revendication des écrivains depuis un grand bout de temps. Je dois vous dire cependant que ce n'est pas du tout dans la sphère d'intervention du Conseil, puisque, s'il y avait un contrat type, cela se ferait entre un éditeur et les écrivains.

Toutefois, le Conseil, là-dessus, a eu plusieurs interventions, que ce soit lors de différentes commissions, en différents lieux, pour que se développent des mécanismes qui permettent le respect des droits des artistes et des auteurs. Vous avez eu devant la commission, ici, des gens qui vous ont dit que le Conseil obligeait maintenant les éditeurs de périodiques culturels de se doter de politique de droits d'auteur pour qu'ils rétribuent les collaborateurs, les artistes et poètes qui collaborent à leurs revues. Il s'agit d'un ordre de préoccupations pour le Conseil. Je dois vous dire cependant que ce n'est pas dans notre mandat d'intervenir, mais je pense que, dans tous les secteurs où le Conseil peut, par ses programmes, avoir des incitatifs qui permettent un meilleur respect des droits des artistes et des créateurs, le Conseil le fait. Le Conseil évalue ces éléments, trouve extrêmement important que chacun des organismes qu'il subventionne l'ait comme préoccupation.

Je dois vous signaler cependant que nous ne sommes pas un organisme qui intervient dans des relations entre un écrivain et son éditeur ni entre un producteur d'une compagnie de théâtre et les comédiens qu'il engage. Il y a, pour cela, d'autres lieux et, pour cela, des mécanismes. Mais tout ce qui peut soutenir l'amélioration du statut des écrivains, c'est dans ce sens-là d'ailleurs que le Conseil a soutenu la mise sur pied de la SODART, qui est un organisme de perception des droits des artistes en arts visuels que nous avons soutenu, qui est en train de se développer et de se mettre en oeuvre, donc que les artistes puissent avoir des outils pour que leurs droits soient respectés.

M. Bergeron: Une dernière question.

Le Président (M. Rioux): Allez, monsieur.

M. Bergeron: Nous avons reçu aussi une troupe de théâtre qui a dû fermer ses portes, le Théâtre du Soleil Levant, pour ne pas le nommer – la diffusion a paru hier soir. Leur mandat est de produire de grands textes, les grands textes de la dramaturgie mondiale, selon un souci d'orthodoxie. Ces gens-là n'ont pas mâché leurs mots. Ils n'ont bénéficié d'aucune subvention du CALQ. Bon, ce qui transpirait, c'est qu'ils disaient qu'ils étaient victimes du système, si je peux m'exprimer ainsi.

Ma question est la suivante: Quand vous donnez une subvention à une troupe de théâtre, quels sont les critères qui font en sorte qu'il y aura de l'argent ou qu'il n'y en aura pas? Mme Melillo.

(15 heures)

Mme Melillo (Denise): Alors, écoutez, oui, il y a des critères bien établis pour évaluer – donc les comités – les projets qu'ils nous ont soumis: le premier critère est un critère de qualité artistique – alors c'est le premier critère sur lequel les jurys de pairs se penchent – la qualité des réalisations de l'organisme; la place accordée à la création et au répertoire québécois – oui, on y tient; l'apport de l'organisme au développement de sa discipline ou au développement artistique de sa région; l'impact des activités sur le public; l'originalité des activités de mise en marché; l'équilibre financier et la diversification des sources de revenus. Alors, ce sont les principaux critères. Ce sont les mêmes pour toutes les compagnies. Qu'elles soient en théâtre, en musique et en danse, elles sont toutes jugées selon ces mêmes critères.

Le Président (M. Cusano): Bien. M. le député de Matane.

M. Rioux: Mme Lavigne, j'aimerais qu'on aborde un peu l'aspect éthique et déontologie. On sait qu'il est prévu un code pour les administrateurs membres du Conseil, mais on ne retrouve pas les mêmes exigences lorsqu'on se retrouve dans les comités et dans les jurys de sélection. Et on sait pertinemment que c'est là que ça se passe. L'immense majorité des travaux du Conseil se passe dans les comités où on décide des subventions, de l'aide et des bourses. Est-ce que vous croyez que, pour la transparence, étant donné que c'est de l'administration publique qu'on parle, on devrait resserrer les critères du côté de l'éthique, de la déontologie et descendre jusqu'au niveau des comités où les pairs siègent?

Le Président (M. Cusano): Est-ce qu'il y a une réponse à la question?

Une voix: Oui. Mme Richard.

Mme Richard (Ginette): Si vous permettez, je vais répondre à la question. Alors, au niveau du conseil d'administration, le Conseil des arts a un code d'éthique et de déontologie qu'il a mis à jour suite au dernier règlement du gouvernement sur le code d'éthique. Alors, ce code d'éthique est très complet. Il définit très clairement les principes et les devoirs. Au niveau également des conflits d'intérêts, c'est très bien déterminé, c'est très bien suivi. Chacun des membres du conseil d'administration doit faire une déclaration d'intérêts quand il est en poste au début, et c'est mis à jour annuellement, et c'est consigné dans les procès-verbaux.

Au niveau du personnel du Conseil, nous avons également un code d'éthique que chacun des membres du personnel connaît. Aussitôt que quelqu'un entre en poste lui est remis le code d'éthique, et il doit signer un formulaire de déclaration. Ce code d'éthique pour le personnel est, je dirais, assez similaire à celui des membres du conseil d'administration à cet égard et très complet.

Au niveau des membres des comités, des jurys, on fait signer, quand on les engage, comme on vous le disait précédemment, un formulaire d'engagement de membres de comités et jurys. Ce formulaire-là reprend cinq points qui précisent les principes et les devoirs des membres. Alors, on a repris, de façon synthèse, les devoirs des membres mais qui s'appliquent plus particulièrement au mandat qu'on leur donne. C'est bien sûr qu'on peut reprendre ce code d'éthique et on peut le faire plus complet, le mettre similaire, mais, à notre avis, il reprend tous les devoirs qui sont indispensables pour réaliser le mandat.

M. Rioux: C'est un document interne.

Mme Richard (Ginette): C'est un document, oui, que chacun des membres des comités et jurys doit signer et qui reprend les engagements à respecter: le caractère confidentiel des délibérations – alors, ça touche ce point-là; les divulgations de conflits d'intérêts directs et indirects – et ça, c'est très bien expliqué par les agents aux gens; et puis à ne pas discuter de tout sujet à propos des demandes d'aide; et puis à ne pas divulguer la participation à titre de membre de jury. Alors, pour nous, on a vraiment circonscrit les devoirs qui étaient essentiels pour remplir ce mandat-là et les principes qui sous-tendent d'assumer leurs fonctions en toute bonne foi, impartialité, diligence.

M. Rioux: C'est un document de régie interne.

Mme Richard (Ginette): C'est un document... Oui.

M. Rioux: Est-ce que vous pourriez le déposer, madame?

Une voix: Permettez-moi. Il s'agit...


Document déposé

Le Président (M. Cusano): On vous demande s'il y a possibilité de déposer le document en question.

Mme Lavigne (Marie): Oui, ça va me faire plaisir d'ailleurs de déposer – juste avant de partir, on a sorti des dossiers, un certain nombre, bien c'est-à-dire qu'on a pris les premiers qui étaient là... Mais, chaque année, c'est plus de 300 de ces formulaires qui sont signés, qui font partie de l'ensemble des documents. Il s'agit de documents qui ne sont absolument pas internes. Vous avez les signatures de tous les artistes qui ont signé. On vous en met une vingtaine ici, mais avec les signatures d'artistes qui ont participé à des comités, que ce soit en musique, en poésie, en théâtre ou en arts visuels, et qui se sont engagés par écrit, et qui ont signé ce code de déontologie qui ramène les principaux points.

M. Rioux: On peut déposer le document?

Mme Lavigne (Marie): Alors, ça me fait plaisir de vous en remettre, mais, si vous souhaitez recevoir, il y en a 300 par année, alors ça fait probablement 1 200 signatures, chacun des artistes s'engage... Et il s'engage aussi, à chacun des cas, s'il s'avère qu'il connaît la personne, et c'est signé sur l'ensemble des dossiers... Il s'agit d'une procédure très claire et très limpide, et un membre de comité ne peut pas être engagé pour siéger s'il n'a pas signé cette déclaration.

M. Rioux: Je voudrais comprendre, M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Cusano): Votre temps est écoulé, M. le député.

M. Rioux: Je voudrais juste comprendre si le document...

Le Président (M. Cusano): M. le député.

M. Rioux: ...de régie interne découle des principes qui sont écrits ici pour les administrateurs. Est-ce que ça découle des mêmes principes?

Mme Richard (Ginette): Je veux dire, le document... Depuis qu'on a refait le code d'éthique et de déontologie des administrateurs, on n'a pas repris le formulaire interne, mais ce sont les principes et les devoirs qu'on attend de membres des comités et des jurys pour bien remplir leurs fonctions.

M. Rioux: Merci.

Le Président (M. Cusano): Merci. Je passe la parole maintenant à la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je veux revenir, moi, un peu sur l'écart entre vos demandes et celles du milieu, pas strictement sur la question d'argent, mais un peu sur ce qu'il y a derrière ça. Vous avez répondu tantôt – et je vous ai bien compris – que le niveau d'évaluation n'était pas le même, que le contexte d'évaluation n'était pas le même, et je pense que je vous ai entendu utiliser le mot «bureaucratique». Peut-être que, vous, vous aviez pris une position un peu plus bureaucratique. Il faudrait retourner voir dans les galées, à la transcription, mais je pense que je vous ai entendu dire ça. En tout cas, chose certaine, vous avez dit: On n'avait pas tout à fait la même piste de départ dans l'évaluation des besoins.

Mais je pense qu'il y a plusieurs mémoires qui ont justement abordé la question du rôle et du positionnement du Conseil des arts et des lettres quant à la défense des intérêts du milieu des arts et des lettres. Dans votre présentation, je pense qu'avec beaucoup de clarté vous avez expliqué comment, lorsque la politique culturelle a été adoptée, il y a eu des discussions puis une décision de prise pour mettre le Conseil des arts et des lettres sur pied, tel qu'on le connaît. Vous avez précisé les différences dans votre mission entre, par exemple, le Conseil des arts du Canada, et sûrement d'autres exemples ailleurs, et vous. Et vous avez dit: Dans la décision prise de structurer le Conseil des arts et des lettres tel que nous le connaissons, il y avait un souci... Donc, le fait que vous êtes sous la ministre de la Culture, vous signez avec le ministère un plan d'action, les orientations, les barèmes, et tout ça, vous avez dit: Il y a un souci de cohérence dans l'action gouvernementale.

Or, je crois qu'on a entendu encore ce matin de façon très claire, et maintes fois au cours de ces six journées d'audiences, le fait que plusieurs déploraient le manque de cohérence dans l'action gouvernementale avec l'apparition – que, vous-mêmes, vous déplorez – de nouveaux guichets, de nouvelles structures, le fait qu'on place de l'argent public dans de nouveaux fonds qui ne sont pas sous la juridiction du milieu, donc du Conseil des arts et des lettres du Québec.

Vous avez vous-mêmes demandé une certaine modification à la loi vous constituant – on pourrait y revenir – en disant: Il y a un anachronisme. Peut-être qu'il faut élargir ça. On se consacre aux organismes sans but lucratif, et peut-être que ça nous empêche de tout à fait bien faire notre boulot. Moi, quand je regarde le mandat même du Conseil des arts et des lettres, que je soutiens, je considère qu'il est extrêmement important au Québec, je me pose juste la question: Est-ce que, dans sa structure même, il n'y a pas un problème? Peut-être qu'il n'y en a pas, mais je suis obligée de me dire que l'objectif qu'on poursuivait, qui était la cohérence gouvernementale pour le soutien à la culture au Québec, je ne l'ai pas plus, par exemple. Et vous savez vous-mêmes qu'il y a plusieurs organismes qui demandaient qu'on divise le poste – c'était pour eux peut-être une forme de solution – de la présidente-directrice générale, de la présidence en deux. Je pense qu'il y avait là-dedans un souci que l'organisme, le CALQ soit encore plus distant du politique et fasse entendre les revendications du milieu.

Mais j'aimerais vous entendre, vous, là-dessus, parce que, moi, je suis là puis je me dis: Je ne l'ai pas atteint, l'objectif de cohérence gouvernementale. Nous ne l'avons pas atteint. On règle comment cette question?

Le Président (M. Cusano): Mme Lavigne.

Mme Lavigne (Marie): Bien, c'est une question à plusieurs volets, hein.

Mme Beauchamp: On a une heure et demie. Ha, ha, ha!

(15 h 10)

Mme Lavigne (Marie): Par quel bout je la prends? Écoutez, je pense que la question... Cette politique culturelle comporte un grand rêve qui est de vouloir que l'ensemble des partenaires gouvernementaux s'inscrivent dans le sens du développement culturel. Et le ministère a hérité de ce mandat de concertation.

Mais permettez-moi de faire un peu d'histoire. C'est relativement difficile de nous comparer au Conseil des arts du Canada, qui a 40 ans maintenant, qui a un historique d'autonomie et qui a été mis sur pied au moment où il n'y avait pas de préoccupation culturelle de la part de l'État, c'était le seul lieu culturel qui existait au sein de l'État canadien, qui a donc une autonomie extrêmement forte, extrêmement grande.

Dans la mesure où la donne culturelle a changé, dans la mesure où il y a une série de politiques culturelles qui nécessitent des arrimages avec d'autres partenaires, nous ne sommes plus dans le même contexte. Nous sommes donc dans un contexte où le développement de la vie artistique va se faire si les artistes sont bien soutenus. Il va se faire aussi si l'éducation prend au sérieux son rôle dans le secteur de la culture et si chacun des secteurs arriment ses actions.

Donc, cette volonté de faire du ministère de la Culture un ministère de coordination de l'action, là où le bât blesse principalement, c'est là. On a de la difficulté en tout cas à saisir ce qui se passe véritablement si on réussit à faire ces arrimages. Et je pense que c'est le défi auquel sont confrontés la plupart des États occidentaux qui ont réécrit des politiques culturelles. Ce n'est pas parce que, comme ça, en trois ou quatre ans, on n'a pas encore réussi qu'il faut se dire que ce n'est pas la bonne piste, parce que, tant qu'il n'y aura pas une action concertée de l'Éducation qui travaille dans le même sens que la Culture, on ne pourra pas développer la culture comme ça. Bon. C'est de faire ce point-là, et ce rôle de coordination du ministère est absolument essentiel.

On a compris parallèlement aussi que le rôle du Conseil, d'un lieu indépendant pour les créateurs, était absolument essentiel, d'autant plus que la mission culturelle est devenue de plus en plus large. On sait ce qui se passait par le passé et on sait que... Et le budget des arts, c'est uniquement... C'est 10 % du budget du ministère, notre Conseil, alors un 10 % parmi un ensemble. Effectivement, ça a été un lieu où ça devenait de plus en plus difficile de défendre des dossiers artistiques qui sont essentiellement misés sur le risque, essentiellement misés sur de la création. Donc, on ne peut pas calculer la rentabilité et on ne peut pas l'inscrire dans une pensée économiste.

Dans ce sens-là, ça a été absolument nécessaire de faire cette division et de donner une forme d'autonomie qui est limitée, j'en conviens, et qui est difficile à vivre. Nous sommes les premiers à trouver ça extrêmement difficile à vivre, c'est clair, parce que nous sommes dans un mécanisme de transition, et la transition n'est pas finalisée. La transition n'est pas finalisée. Et ça a été, je dois vous le dire, probablement un des accouchements les plus difficiles d'une société d'État au Québec, cet organisme.

Vous me permettrez de revenir à mon ancienne expérience. Disons, auparavant, j'étais directrice générale des régions à ce ministère. Mis à part le patrimoine, j'ai géré des dossiers qui étaient sensiblement les mêmes. J'avais sous ma direction 150 personnes, sans compter les services administratifs du ministère, les services de communications et des bureaux sur l'ensemble du territoire. On donne à ce nouveau Conseil, à qui on donne l'ensemble des mandats de développement, 50 personnes, des crédits qui ne lui permettent pas d'embaucher plus que 50 personnes, et on lui dit: Maintenant, vous réalisez des miracles. Bon. Vous devez être un leader de la pensée artistique, vous devez être un leader du développement artistique dans les régions mais vous devez fonctionner à budget gelé. C'est la situation dans laquelle le Conseil se retrouve. Et, quand le Conseil dit: Nous croyons qu'il s'agit d'un mandat fondamental et nécessaire, mais, si on croit à l'autonomie de la création artistique et si on croit aussi, en même temps, à la nécessité d'établir des partenariats, qu'on donne des chances à ce Conseil, chances qu'il cherche depuis qu'il est né.

Le Président (M. Cusano): Merci. Mme la députée de Sauvé, en vous rappelant que vous avez 1 min 45 s à votre disposition.

Mme Beauchamp: Non, je pense que votre plaidoyer est convaincant. Et, chose certaine, il faut retenir ce que vous nous avez rappelé avec beaucoup de justesse, c'est la jeunesse du CALQ. Mais ce que nous ont rappelé avec insistance, je dirais, plusieurs des organismes qui sont venus nous rencontrer, c'est l'importance qu'ils accordent à l'autonomie et à l'indépendance du CALQ et le fait que ce soit vraiment le milieu, les artistes, les créateurs qui participent à la prise de décision. Ils ont illustré, non pas à l'intérieur du CALQ, mais ils ont illustré de maintes façons, comme ça, le manque cohérence entre peut-être non seulement entre le CALQ et ministère de la Culture – malgré que ce n'est pas tant ça qui a été soulevé; vous avez parlé, vous, du ministère de l'Éducation, mais je pense qu'on peut donner aussi d'autres exemples, des fois, de manque de cohérence – on l'a soulevé entre le CALQ et la SODEC, mais aussi avec le ministère des Finances: certains choix dans les crédits d'impôt, la constitution de fonds, etc.

On remarque aujourd'hui, là, la présence des deux attachés politiques de la ministre qui sont assis juste derrière vous. C'est la première fois en six jours. Non, ce n'est pas la première fois qu'ils sont ici, mais aussi proches de la table, directement derrière vous. Pour moi, ça me frappait. Je regarde la table et je me dis: On a deux façons de voir ça, c'est soit que c'est la volonté de la cohérence entre le ministère et le CALQ ou c'est soit le fait que ça illustre un peu le poids des fois que prend le ministère sur le CALQ. Mais je pense que l'historique que vous avez décrit était assez convaincant que c'est avant tout un organisme qui est jeune et à qui il faut donner la chance.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme la députée de Sauvé. Je dois maintenant céder la parole au député de Marguerite-D'Youville et je vais vous revenir par après. M. le député.

M. Beaulne: Mme Lavigne, certains organismes sont venus nous dire qu'ils considéraient l'enveloppe qui était consacrée à leur discipline un peu faible. Ma première question est la suivante: Comment sont déterminées les différentes enveloppes budgétaires au sein du CALQ?

Mme Melillo (Denise): Écoutez, on va d'abord parler d'enveloppes historiques. Vous savez que, quand nous avons été créés, nous avons hérité de programmes et donc des enveloppes qui étaient attachées à ces programmes. Donc, on peut parler d'enveloppes historiques qu'on a maintenues pour deux raisons principales. La première, c'est que notre marge de manoeuvre n'était pas très grande pour faire varier ces enveloppes. Après tout ce que vous avez entendu dans les dernières journées, il aurait été, vous imaginez, très difficile d'aller chercher 1 000 000 $ en théâtre pour le mettre en danse ou 2 000 000 $ en musique pour le mettre en littérature, d'autant plus difficile qu'une partie de l'argent qui est consacré à chacun des programmes va à des subventions de fonctionnement. Et on peut parler presque ici de nos frais fixes, au fond, parce que les organismes qui sont soutenus au fonctionnement souhaitent toujours avoir une augmentation de leur budget, mais au moins ils souhaitent qu'il soit maintenu. Donc, année après année, c'est une partie de l'argent qui est attaché à un programme qui ne peut pas bouger. Ce sont des subventions de fonctionnement et donc très minimales, vous l'avez entendu cette semaine.

Alors, on peut parler d'enveloppes historiques. Et, comme il n'y a pas eu d'augmentation des budgets, ces enveloppes ont été plus ou moins gelées, quoique le Conseil ait réussi à aménager certaines sommes d'argent qui provenaient notamment ou des intérêts qu'il accumulait au cours d'une année ou d'un organisme. Par exemple, le jour où le Cirque du Soleil n'a plus été soutenu par le Conseil, eh bien, il y a un 300 000 $, là, qu'on a pu réinjecter ailleurs. Donc, il y a eu des aménagements qui ont été faits considérant les besoins des différents secteurs.

Mais, si nous avions 45 000 000 $ demain matin, ça ne veut pas dire que toutes ces proportions seraient préservées telles quelles. D'abord, on se collerait pas mal aux besoins exprimés par les organismes qui sont venus nous dire exactement quels étaient leurs besoins, et là il y aurait moyen de redynamiser et de dégeler ces enveloppes historiques.

M. Beaulne: Mais ces enveloppes historiques – vous avez d'ailleurs devancé ma deuxième question – ont été déterminées par qui? Est-ce que c'est le ministère de la Culture qui vous a dit: Le pourcentage va être distribué de telle façon? Est-ce que c'est une décision du conseil d'administration du CALQ? Qui a décidé ces enveloppes historiques et la forme, la charpente qu'elles ont prises?

(15 h 20)

Mme Melillo (Denise): Les enveloppes ont suivi les dossiers. On nous a confié la gestion de certains programmes, et les dossiers d'organismes soutenus à l'intérieur de ces programmes sont venus chez nous. Donc, l'argent était déjà plus ou moins collé à des organismes. Il y a eu, comme je vous dis, des aménagements, mais c'est comme ça que ça a été déterminé surtout.

Mme Lavigne (Marie): Si vous permettez, ce qui est important de saisir là-dedans, c'est que l'ensemble du milieu artistique, dans les faits, c'est comme si on se retrouvait face aux gens du domaine de l'éducation. Dans le secteur de l'éducation, il y a des enveloppes pour les universités, il y en a pour les collèges et il y en a pour les écoles. On ne peut pas, d'une année à l'autre, dire: On fait transférer 20 %, 30 % de l'enveloppe des universités vers les collèges, etc., parce que ce sont des institutions qui existent, qui ont leurs employés, et qui sont là des acteurs sociaux, artistiques importants, qui, d'année en année, travaillent, produisent.

Et la majeure partie de nos budgets qu'on dit au fonctionnement... Il y a 275 organismes qui sont au fonctionnement, et c'est la majeure partie du budget qui est déjà inscrite, ces organismes. Alors, une diminution de subvention de ces organismes signifie une mise en péril ou un déséquilibre budgétaire profond. Donc, ces questions sont à toutes fins utiles figées. Il y a eu des mouvements d'évaluation qui ont amené certains choix, mais c'est dans un respect d'une écologie, d'un système qui est la base même de notre vie artistique au Québec.

L'autre volet de votre question, où, là, il y a beaucoup de jeu qui peut se faire, c'est les programmes de bourses. Là, dans les programmes de bourses, il n'y a pas d'enveloppes historiques. Les programmes de bourses, ça fonctionne essentiellement au prorata de la demande. Alors, si une discipline artistique, si, disons, la littérature, les écrivains, nous nous retrouvons une année avec 20 % de la demande qui est en littérature, 20 % de l'enveloppe de bourses sera affecté à la littérature. Si c'est 12 %, ce sera 12 %. C'est une méthode qui... Donc, les enveloppes, et tout ça, fluctuent en fonction de la demande mais avec une équité transdisciplinaire qui existe.

M. Beaulne: C'est un point important, puis je pense qu'il est très pertinent qu'on comprenne bien la mécanique, ici. Parce que, dans vos remarques, vous avez reflété que la plupart des organismes qui sont venus ici appuyaient le CALQ, sa façon de fonctionner, l'autonomie du CALQ, les jurys par les pairs, ainsi de suite. Fort bien. Tous sont venus, pour la plupart, demander également des augmentations des crédits du CALQ. Mais je soupçonne – on n'a pas eu le temps d'explorer à fond avec eux ce qui les amenait à se positionner de cette manière – en faisant ces affirmations et en vous donnant cet appui, qu'ils présupposent qu'avec ces augmentations de budget il va y en avoir pour tout le monde là-dedans.

Alors, la question que je posais, et je pense qu'il est important que, nous aussi, autour de la table, on saisisse bien votre réponse: Si on augmente le budget du CALQ, que ce soit de 30 000 000 $, de 45 000 000 $ – on n'en est pas à discuter des montants ici – est-ce que ça veut dire que les quatre, cinq organismes qui accaparent à eux seuls presque 48 % du budget du CALQ au niveau des subventions, comme l'Orchestre symphonique de Montréal, et ainsi de suite, vont continuer à conserver ce pourcentage-là et que tous les autres vont devoir se répartir ce qui reste, indépendamment des montants qu'on ajoute, que ce soit 35 000 000 $, 40 000 000 $, 100 000 000 $? C'est la marge de manoeuvre qu'on veut voir là-dedans, parce que bien sûr les groupes appuient l'augmentation des budgets, mais ce qui sous-tend cet appui, c'est qu'il va y avoir à boire et à manger pour tous. C'est ce qu'on veut vérifier par ces questions.

Mme Lavigne (Marie): Première des choses, réglons tout de suite le cas de l'Orchestre symphonique de Montréal. Quant à nous, il s'agit d'un cas qui est réglé, on pense que c'est assez clair. D'ailleurs, je pense qu'un des éléments de l'écart entre l'analyse qui a été faite par l'Alliance des arts de la scène et celle qu'on a faite: nous, on avait déjà retiré, dans nos demandes budgétaires, ce qui a déjà été octroyé à l'Orchestre symphonique de Montréal. Bon, ça, je pense que c'est clair pour nous. Il y a des choses qui sont réglées.

La façon dont le Conseil a procédé pour l'évaluation des besoins – et ça rejoint de toute façon le type de réflexion qu'on avait – la priorité numéro un, c'est la consolidation des organismes, c'est-à-dire du fonctionnement des organisations et de la mission des organisations. Et cela, nous avons fait une analyse dossier par dossier, compagnie par compagnie pour voir quelle était la masse salariale qui était octroyée, les types de cachets qui étaient octroyés, pour évaluer les besoins. Mais ça, c'est dossier par dossier que ça s'évalue.

L'autre façon d'évaluer, c'est aussi la mission des organisations. Il y a certaines organisations qui sont arrivées plus tardivement que d'autres, qui sont arrivées dans des périodes ou qui ont un rattrapage plus fort que d'autres à faire. Il y a certaines organisations qui répondent à une mission pour laquelle on n'a même pas un début de soutien qui peut être accordé. Ça, donc ça fait partie aussi de l'évaluation de la mission, qui est complètement autre chose, qui doit se faire organisation par organisation: Quelle est leur mission? Parce qu'il y en a qui ont des missions uniques et irremplaçables, et il n'y a pas tout le monde qui fait la même chose.

En second lieu, il y a aussi à voir là-dedans: il y a des gens qui ont des missions à développer, soit des nouveaux publics, soit des nouvelles clientèles, soit à travailler dans un type, dans un milieu particulier ou autre chose, et qui sont des choses pour lesquelles les organismes attendent, réussissent à aller chercher 500 $ là, 1 000 $ là, 1 000 $ là, et qui commencent à travailler avec une collectivité X, l'année suivante, ça tombe, etc. Donc, ça, on appelle ça la consolidation de mission. Il y a tout un bloc qui rentre là-dedans mais qui fait partie du développement. Donc, ça ne sera pas, c'est impensable – chacun des dossiers doit être évalué au regard de la mission de chacun – un truc mécanique. J'accélère donc.

Le Président (M. Cusano): Il vous reste 15 secondes, Mme Lavigne.

Mme Lavigne (Marie): D'accord. En troisième lieu donc, il y a ce qui concerne création, innovation, donc la majoration de tout ce que sont les budgets pour l'émergence, les jeunes, les projets. Ça, ces enveloppes-là, nous sommes sur la même longueur d'onde que le Mouvement: il y a besoin d'une injection de fonds pour la relève, tout ce qui est innovation. En quatrième lieu, ce qui concerne l'accessibilité, les ententes en région, il s'agit aussi d'autres éléments dans lesquels des provisions budgétaires doivent être inscrites.

Le Président (M. Cusano): Merci, Mme Lavigne. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui, M. le Président, je voudrais revenir à cette question de la culture légitime. Bon. M. Gosselin tantôt nous a bien expliqué qu'au Conseil on gérait la culture légitime pour qu'il n'y ait pas de problème de légitimité, mais je vais revenir à la charge avec un autre exemple qui nous a été apporté ce matin. J'ai hâte de voir votre réponse à ça, ça concerne l'Orchestre symphonique de Montréal.

On a eu le privilège de se faire remettre une petite revue qui s'appelle Con Tempo , dans laquelle on nous dit que l'Orchestre symphonique de Montréal de M. Dutoit, n'est-ce pas, inclurait dans son répertoire 2,4 % d'oeuvres indigènes, comme on dit. Lorsqu'on majore avec d'autres données, on atteint 3,1 %. On cite ici le Conseil. Il est dit: «D'autres informations prises au Conseil des arts et des lettres du Québec par l'entremise d'une directrice des comptes aux subventions, Mme Sophie Galaise, stipulent que les organismes qui reçoivent des subventions doivent programmer des oeuvres de compositeurs québécois dans la mesure du possible.» Or, M. Dutoit est aussi directeur de l'Orchestre national de France. 30 % du répertoire de l'Orchestre national de France est fait d'oeuvres indigènes, franco-françaises, n'est-ce pas? Il y a actuellement au Québec, d'après cet article-là, 600 oeuvres indigènes musicales présentables, écoutables et jouables à la Place des Arts, au Québec.

(15 h 30)

Ça s'explique comment, ça? Faudrait-il conclure que les oeuvres québécoises en musique ne font pas tout à fait partie de la culture légitime à la fois pour M. Dutoit lui-même et aussi pour ceux qui le subventionnent? Il y a un problème, là. Dans aucun pays du monde, mais dans aucun pays du monde, comme les gens d'en face nous l'affirment, qui se veut une nation, dans aucun pays du monde se voulant une nation accepterions-nous comme étant acceptable que 3 % du répertoire musicologique indigène, musique orchestrale, d'orchestre, soit joué par des organismes qui sont largement subventionnés par l'État. S'il fallait dire ça en Norvège, il y aurait des manifestations de rue, on en convient; au Danemark, ce serait la même chose.

Alors, c'est quoi? Je sais que vous allez sûrement me trouver une réponse à ça, ça fait partie du rôle de fonctionnaire d'avoir des réponses pour ces choses-là. Mais comment se fait-il que nous soyons devant une situation, disons, d'abandon aussi aigu des oeuvres symphoniques québécoises par une organisation qui est, si j'ai bien compris, assez largement subventionnée par le Conseil des arts et des lettres du Québec? Et ne me dites pas que c'est un budget qui transite du ministère des Finances à chez vous, là. Vous autres, vous êtes responsables de la défense et de l'illustration de la culture québécoise. Donc, à ce moment-là, il faut que vous m'expliquiez pourquoi M. Dutoit nous programme si peu de nos oeuvres dans un orchestre évidemment qui est subventionné à partir de mes taxes à moi, là.

Mme Lavigne (Marie): Oui. Je vais laisser Mme Melillo...

M. Laporte: J'aurais une deuxième question, après ça, à vous poser.

Mme Lavigne (Marie): Oui. O.K. C'est bien correct. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Cusano): Alors, il y a une réponse?

Mme Melillo (Denise): Ah! il y a une deuxième question qui vient après la réponse.

Le Président (M. Cusano): Oui.

M. Laporte: Bien, oui. La deuxième, elle est liée.

Mme Melillo (Denise): Ah! d'accord. Là, je vais répondre à la première. Écoutez, je pense que le mieux placé pour répondre à cette question, ce serait l'Orchestre symphonique lui-même. Mais, quand même, nous avons fait une recherche à ce sujet-là parce que les commentaires de M. Leduc justement sur cette présence des oeuvres québécoises et canadiennes dans le répertoire de l'OSM nous a quand même étonnés.

Je vais revenir à un critère que j'ai mentionné tantôt, un critère d'évaluation auquel nous tenons beaucoup, c'est la place accordée par les organismes, qu'ils soient en théâtre, en musique ou en danse, à la création et au répertoire québécois, compte tenu de la mission de l'organisme, évidemment. Alors, l'Orchestre symphonique n'échappe pas à ce critère d'évaluation, mais nous croyons quand même que l'Orchestre symphonique donne une bonne place à la musique québécoise et canadienne.

Et je pense qu'il faut voir l'implication de l'Orchestre dans la musique québécoise à différents niveaux. Oui, l'Orchestre programme des oeuvres de compositeurs québécois. Cette année, ils vont participer notamment à la Symphonie du millénaire. Ils ont créé une oeuvre de Michel Gonneville cet automne, qui a été un fier succès. Mais aussi l'Orchestre symphonique accueille en résidence des compositeurs québécois. Donc, il faut prendre ça en compte. L'Orchestre symphonique tient des concours pour les jeunes musiciens d'ici, des auditions, des concours de musique. Et des chiffres que nous avons démontrent que la programmation d'oeuvres québécoises dans le répertoire d'orchestre a considérablement augmenté tout au cours des années: c'étaient trois oeuvres canadiennes en 1957, c'est passé à presque 11 oeuvres par année. Alors, on ne peut pas parler de rejet ou d'une non-intégration d'oeuvres québécoises dans nos répertoires.

M. Laporte: Alors, moi, je ne parle pas de rejet, là – je ne veux pas entrer en bataille avec Charles Dutoit – tout ce que je fais, c'est demander des explications sur des données. Ce que M. Leduc nous dit, c'est que, à ce rythme-là, ça se développe, mais ça va prendre 150 ans pour qu'on en arrive à la fin du répertoire, compte tenu du fait qu'il y en a 600, puis on arrête là. Puis on nous a dit ici que nous étions – et ça, moi, je le sais – d'une vitalité culturelle extraordinaire dans le domaine de la musique. Au Québec, on a une créativité musicale qu'on nous a affirmé comme étant de classe mondiale et on est encore à 3,1 %.

Donc, moi, je ne sais pas. J'y vais, à l'Orchestre symphonique de Montréal, de temps en temps, mais je ne peux pas vérifier ces données-là. Mais je vous demande à vous, là... Là, il me semble que vous, comme Conseil des arts et des lettres du Québec, vous pourriez peut-être, disons, resserrer un peu l'interprétation du critère, dans la mesure du possible.

Mme Melillo (Denise): Oui, ça fait partie de nos critères, comme je vous dis.

M. Laporte: La deuxième question que je veux vous poser, ça a à voir avec ce qu'on nous a souvent ici suggéré de créer, à savoir un observatoire de la culture, n'est-ce pas? Si on avait un observatoire de la culture, on serait peut-être capables d'avoir des chiffres sur des affaires comme ce que nous dit M. Leduc.

Mes questions, c'est: Est-ce que vous jugez que c'est opportun, un observatoire de la culture? Deuxièmement, où est-ce qu'on le mettrait, l'observatoire de la culture? Et je ne voudrais pas qu'on entre là-dedans pour jusqu'à la fin des jours. N'examinons pas le mandat. Mais un observatoire de la culture, ce n'est pas un système d'information de gestion, on s'entend là-dessus. Ça, vous pouvez en avoir un chez vous, puis la SODEC peut en avoir un chez elle, puis il peut y en avoir un au ministère. Un observatoire de la culture, c'est un appareil qui nous donne des informations sur le niveau de vitalité d'une culture. C'est ça, un observatoire de la culture. Donc, est-ce qu'on en a besoin d'un? Si on en a besoin d'un, on le met où? Puis peut-être qu'un observatoire de la culture ça nous permettrait aussi d'essayer de connaître un peu mieux ce qu'est la culture légitime puis ce qui n'est pas la culture légitime.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Parce que c'est vrai dans la musique, mais, moi, j'ai des gens que je connais, à Montréal, qui sont des poètes de l'est de la ville, qui sont dans l'underground de la poésie montréalaise, et qui, eux autres aussi, se sentent exclus de l'affaire, des appareils. Donc, l'observatoire nous permettrait de voir jusqu'à quel point les appareils, les organismes gouvernementaux contribuent à donner une voix à toute cette vitalité culturelle. Donc, est-ce que c'est opportun qu'on en ait un et puis, ensuite de ça, où est-ce qu'on l'installe?

Mme Richard (Ginette): Alors, si vous me permettez, on est tout à fait d'accord avec votre définition d'observatoire. C'est très important pour nous. Oui, d'une part, on juge essentiel qu'il y ait sur place un observatoire, parce qu'on comprend bien, comme vous le dites, que c'est pour avoir une plus-value, que ça aille au-delà des statistiques et des informations que, nous, on peut colliger pour notre propre gestion interne.

Et, nous, l'observatoire, on le verrait un observatoire externe au Conseil mais qui regrouperait le ministère de la Culture, le Conseil des arts et des lettres du Québec, la Société de développement des entreprises culturelles, également les universitaires – alors tous ceux qui ont un besoin – et l'Institut de la statistique du Québec. Alors, l'ensemble de ces partenaires, ce serait... Ah! les regroupements nationaux, excusez. J'aurais dû prendre mes notes, comme Gaëtan. Et les regroupements et les associations pour que tout le monde qui a des besoins d'information, qu'il puisse puiser des données dans l'observatoire et puisse regarder l'ampleur, faire de la veille informationnelle, puis on pourrait avoir de la récurrence de données. Alors, ça serait vraiment externe et avec un conseil d'administration.

M. Laporte: Vous le mettriez où?

Le Président (M. Cusano): En terminant, s'il vous plaît.

M. Laporte: Vous le mettriez où? À l'INRS?

Mme Richard (Ginette): Non. On le verrait plutôt à l'Institut de la statistique du Québec, qui pourrait colliger l'ensemble.

Le Président (M. Cusano): Merci. Je dois maintenant céder la parole au député de Matane, en rappelant au côté ministériel qu'il vous reste sept minutes à votre disposition. M. le député de Matane.

M. Rioux: On va essayer de faire rapidement, M. le Président. Mme Lavigne, il y a des gens qui, dans leurs critiques sur le Conseil des arts et des lettres, ont déploré, par exemple, que ceux qui siégeaient au conseil d'administration, on retrouvait surtout des Montréalais et quelques personnes de la région de Québec et que les régions étaient à peu près absentes. De là la difficulté de se comprendre entre les régions, les besoins des artistes en région et votre organisme.

Mais il y a une suggestion qui a été faite. Je pense que c'est par les gens de théâtre, je pense que c'est les compagnies théâtrales. Elles sont venues ici et elles nous ont dit: On verrait d'un bon oeil, pour essayer de redynamiser un peu l'organisme et faire entrer un peu d'oxygène dans la machine, qu'on invite des gens qui ne sont pas du milieu nécessairement des arts ou de la culture, mais d'autres personnes de la société québécoise. On pourrait essayer de rendre le conseil plus représentatif et peut-être aussi amener des éléments qui dynamiseraient le Conseil, l'organisme.

Je sais que l'orientation qui est présente, ce n'est pas du tout dans ce sens-là qu'on se dirige, mais est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil, le fait d'amener au conseil des consommateurs de la culture qui ont un peu de matière grise entre les deux oreilles et qui seraient capables d'aider le milieu à leur façon?

(15 h 40)

Mme Lavigne (Marie): D'abord, essentiellement une précision sur la première partie de votre intervention. Je suis étonnée que des gens disent encore que le conseil est formé essentiellement de Montréalais ou majoritairement de Montréalais. Je tiens à rappeler que, sur ce conseil d'administration, il y a cinq membres des régions, cinq de Montréal et deux de Québec. Donc, les gens habitant à Montréal sont minoritaires au sein de ce conseil d'administration.

En second lieu, lorsque vous parlez... Ça, c'est la proposition de TAI qui s'inspire effectivement directement de la Loi du Conseil qui potentiellement permet cette forme d'élargissement. Le souhait qui a été fait d'avoir un conseil d'administration formé principalement d'artistes, d'artisans, ou d'artisans du milieu artistique ou de gens extrêmement proches, est un choix qui finalement permet, en tout cas se révèle, à ce jour, comme une façon de dynamiser et d'avoir un flux constant et qui permet à ce conseil d'administration d'être très, très proche du milieu. N'ayant que 12 sièges à ce conseil d'administration et compte tenu du grand nombre de disciplines artistiques, je dois vous dire que ça serait un problème logistique assez complexe de vouloir accroître dans cette perspective, c'est-à-dire intégrer au sein du conseil des gens avec différentes expertises, légale ou économique, etc., ce qui pourrait, en soi, être important et intéressant.

Une piste qui pourrait être fructueuse et qui pourrait s'inscrire dans le sens de la remarque que je faisais tout à l'heure à l'effet que le Conseil sent le besoin de se doter d'instruments beaucoup plus serrés de rapports avec les organismes, avec le milieu, pourrait s'inspirer, comme je le disais tout à l'heure, d'un modèle semblable ou aux commissions de la SODEC ou autre chose sur la question du financement, de liens avec des milieux économiques, de diversification du financement, etc. C'est le genre d'outils que le Conseil pourrait avoir. Donc, c'est un conseil qui pourrait avoir...

M. Rioux: En quoi c'est complexe de passer de 12 à 17 pour y faire entrer des gens qui ont une expertise autre?

Mme Lavigne (Marie): Ah non! mais, écoutez, là, si vous vous inscrivez dans le sens d'une modification législative, c'est autre chose. Je n'avais pas interprété votre question dans ce sens-là. Je l'interprétais essentiellement à partir du nombre de personnes au sein du conseil d'administration actuel, où c'est déjà un casse-tête assez incroyable pour avoir une représentation de l'ensemble des disciplines artistiques. Alors, si ça s'inscrit dans une démarche où ce conseil accroît le nombre de personnes, je pense que ça peut être intéressant dans la mesure où ces personnes ont un intérêt extrêmement fort, mais aussi dans la mesure où nous respectons le fondement même de cette loi qui est de remettre aux créateurs, au milieu artistique une gouverne sur sa destinée.

Le danger: il ne faudrait pas se retrouver avec un modèle de conseil où finalement les milieux artistiques n'y seraient plus. Alors, s'il y avait des ouvertures dans ce sens-là, il faudrait qu'elles soient nécessairement limitées. Il faudrait qu'elles soient limitées.

M. Rioux: Ce n'est pas le sens de mon intervention. Ce n'est pas d'éliminer les artistes.

Mme Lavigne (Marie): O.K.

M. Rioux: Je vous dis: Ajouter des compétences au sein du conseil, est-ce que ça aurait un effet, selon vous, bénéfique? Est-ce que vous êtes prêts à le recommander? C'est M. Turgeon qui recommandait ça hier, Serge Turgeon, qui est le représentant des gens de théâtre.

Mme Lavigne (Marie): Oui, c'est ça. Mais ce que je vous dis, c'est une proposition qui pourrait être intéressante, un, dans la perspective que ce conseil d'administration soit plus nombreux que 12 personnes – d'accord? – deuxièmement, dans une hypothèse où on s'assure qu'une très forte majorité des membres de ce conseil soient des gens du milieu artistique.

Le Président (M. Cusano): Il vous reste 30 secondes, M. le député.

M. Rioux: Oh là là! Je voulais vous parler des disciplines marginales qui ne trouvent pas leur niche au Conseil, mais j'y reviendrai.

Le Président (M. Cusano): Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Sauvé, en rappelant qu'il reste sept minutes à sa disposition.

Mme Beauchamp: J'ai peut-être deux à trois questions, ça fait que je vais vous demander votre collaboration à vous tous. Je vais essayer de raccourcir mes questions, et vous, vos réponses.

Moi, il y a un dossier qui m'a frappée et qui me préoccupe. C'est lorsque les sociétés, par exemple la SPACQ, la Société professionnelle des auteurs et compositeurs, ou encore la Société des auteurs dramatiques, sont venues nous expliquer dans quelle situation elles sont. Ça me préoccupe parce que je crois sincèrement que, à la base, la protection de ceux qui ont des idées, de ceux qui font la création au Québec, c'est important. Et je vais résumer ça simplement. Ils nous ont expliqué que des associations qui représentent l'industrie sont très souvent subventionnées, par exemple par la SODEC, et c'est son rôle, je ne remets pas ça en cause. Par contre, par exemple, la SPACQ, qui doit négocier avec ces sociétés représentant l'industrie des protocoles d'entente sur le respect du droit d'auteur – ils sont finalement comme des syndicats – eux reçoivent, par exemple, du CALQ... La SPACQ, c'est 45 000 $; les auteurs dramatiques, 15 000 $.

Et, honnêtement, je suis là puis je me dis: Dans le soutien entre l'industrie et les créateurs, la description qu'on m'en a faite, il y a une disparité importante, et je ne suis pas sûre que des deux côtés de la table on ait la même... qu'il y ait équité dans la défense de ces intérêts. En tout cas, il ne semble pas y avoir équité au niveau du soutien, des argents publics face à l'industrie de la culture et face aux créateurs. Est-ce que vous pouvez nous expliquer la position du CALQ dans ce dossier et pourquoi le Conseil des arts et des lettres choisit et annonce enfin qu'il arrêtera de rémunérer ce type d'associations qui représentent vraiment les créateurs?

Mme Lavigne (Marie): Bon. Le Conseil a, dans un premier temps, réaffirmé la nécessité de soutenir l'ensemble des grandes associations représentatives et vouées à la défense des droits et des intérêts des artistes. Et le Conseil a une enveloppe pour l'ensemble de ces organisations et soutient près d'une trentaine d'organisations là-dedans. La question que vous soulevez est directement liée aux fonctions que nous soutenons dans certaines associations.

Le Conseil a déjà résolu qu'il souhaitait dans un moyen terme se retirer du soutien à des activités qui sont purement de nature syndicale. Bon. Certaines associations qui sont venues ici sont d'ailleurs des associations avec affiliation à la CSN. Ça ne fait pas en soi, en principe, partie de nos prérogatives de soutenir cela. Ce pour quoi il est important de soutenir ces associations, c'est lorsque nous sommes face à des droits nouveaux, lorsque nous sommes face à de la défense d'intérêts globaux, lorsqu'il s'agit de présenter des mémoires, lorsqu'il s'agit de travailler, bon, sur des objets de modification de lois de travail, etc. C'est le type de position que le Conseil a pris il y a trois ans.

Depuis ce temps, nous avons eu de nombreuses discussions avec ces associations. Et il est évident que le monde n'est pas aussi simple que ce que je viens de vous présenter. Et je crois que, là-dessus, les présentations qui vous ont été faites reflètent bien la complexité de la situation. Alors, il est évident que nous tenons, comme Conseil, à éviter autant que faire se peut tous les morcellements qui puissent exister. Une des difficultés qu'ont les artistes, c'est la multiplication de lieux. Et une des principales réorganisations que nous avons faites a été vraiment de dire: Certaines grandes associations, nous les soutenons pour la défense des droits, d'autres, nous les soutenons comme organisations de services. Et il y a les autres que vous mentionniez, qui sont venues, qui effectivement sont dans une situation de redéfinition. Et nous avons donc établi un moratoire sur la position, nous sommes en discussion constante, parce qu'effectivement le monde évolue. Donc, nous sommes extrêmement attentifs à cette situation, mais on tient aussi à soutenir des fonctions qui permettent l'avancement du statut des artistes.

Le Président (M. Cusano): Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Oui, merci. Prendre bonne note que je suis très au courant, là. Je comprends que c'est complexe, mais je pense qu'on réalise tous qu'il y a comme, on dirait, à sa face même, un problème. Si l'industrie est organisée, si on aide, comme État, l'industrie à s'organiser puis que... Je sais que c'est de nature syndicale. Ça peut faire bien bizarre, mais il y a une équité à quelque part. Il va falloir trouver une solution.

(15 h 50)

Une de mes dernières questions, Mme Lavigne, c'est l'avenir. J'aimerais vous entendre sur votre perception de l'avenir du CALQ, mais peut-être encore plus spécifiquement sur qu'est-ce qui arriverait si le signal et le cri – on va appeler ça comme ça, vraiment c'est un cri d'alarme – du Mouvement des arts et des lettres, qui demande qu'on double le budget du CALQ, ou vos propres revendications qui étaient un peu plus basses, donc votre propre revendication, n'étaient pas entendus? Je veux vous entendre parler d'avenir, mais aussi que ce soit clair, qu'est-ce qui arriverait si ce n'était pas entendu.

Le Président (M. Cusano): Mme Lavigne.

Mme Lavigne (Marie): Bien, je crois que ça serait dramatique pour un ensemble d'organisations, mais absolument dramatique. C'est parce que les gens ont été très, très éloquents. Il y a un état d'essoufflement, un état d'éparpillement du dynamisme créateur, et on ne peut plus continuer comme ça. Nous sommes en train de ruiner un héritage qu'on s'est construit comme société. Et ça, là-dessus, s'il n'y a pas une action rapide qui est faite, c'est tout cela que l'on perd. Et c'est aussi tous ces jeunes créateurs qui trouvent mal leur place, qui ont de la difficulté à entrer. Et il me semble que, comme société, on ne peut tout simplement pas se permettre ça.

Mme Beauchamp: Encore un peu de temps?

Le Président (M. Cusano): Quinze secondes.

Mme Beauchamp: Non. En 15 secondes, je vais tout simplement vous remercier du temps que vous avez consacré.

Le Président (M. Cusano): Merci. Au nom des membres de la commission, je tiens aussi à vous remercier de votre collaboration.

Et, à ce moment-ci, j'aimerais inviter les représentants de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec. Et, puisque je crois qu'il y a une représentation assez nombreuse, je suspends les travaux pour trois minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

(Reprise à 15 h 56)

Le Président (M. Rioux): Nous accueillons maintenant la Société de développement des entreprises culturelles. Alors, M. Lafleur, présentez-nous vos collaborateurs.


Société de développement des entreprises culturelles (SODEC)

M. Lafleur (Pierre): M. le Président, j'ai eu l'occasion la semaine dernière de vous présenter certains de mes collaborateurs et collaboratrices. Cet après-midi, se sont joints à nous Mme Roxane Girard, à ma gauche toujours, qui est directrice générale du financement des entreprises culturelles, et M. Stéphane Cardin, qui est responsable de la gestion des crédits d'impôt à la Société de développement des entreprises culturelles.

Le Président (M. Rioux): Alors, M. Lafleur, nous avons deux heures à passer ensemble. Vous avez un temps pour votre exposé, une vingtaine de minutes, et ensuite nous allons entreprendre ensemble la période d'échanges, période de questions et de réponses. On vous écoute.

M. Lafleur (Pierre): Merci, M. le Président. J'ai pu, comme tout le monde, suivre les travaux de la commission au cours des cinq dernières journées. Les interventions des associations professionnelles ont bien sûr nourri notre réflexion. Fort probablement que de nombreuses questions seront soulevées tout à l'heure par les parlementaires par rapport à cela. D'entrée de jeu, je voudrais, d'une part, compte tenu de l'évolution des travaux et de certains niveaux de perception, peut-être ramener les pendules à l'heure sur des éléments de compréhension qui sont nécessaires à une vision la plus juste possible de la SODEC.

Dans un premier temps, je me rends compte, nonobstant les explications qui ont été fournies, qu'il y a quelque part de la confusion quant au budget de la SODEC. Je m'explique de la façon suivante. Notamment dans le secteur du cinéma et de la télévision, la SODEC administre des programmes d'aide dans le cinéma, ce qu'on appelle des programmes d'aide à l'investissement pour le long métrage, pour la scénarisation, pour le cinéma indépendant. Parallèlement, la SODEC administre également, conjointement avec le ministère du Revenu, ce qu'on appelle les crédits d'impôt. On croit, à tort, comprendre que la SODEC dispose d'un budget et qu'elle retourne à des entreprises, à hauteur de 82 000 000 $ en 1998-1999, des crédits d'impôt. Ce n'est pas le cas.

Je vous rappelle ce que sont les crédits d'impôt. Les crédits d'impôt sont établis pour permettre aux producteurs, particulièrement dans le secteur de la télévision, d'avoir ce qu'on appelle un rabattement fiscal sur une portion de la masse salariale. Autrement dit, plus les producteurs engagent de main-d'oeuvre, plus les crédits d'impôt grimpent, jusqu'à concurrence d'un certain plafond, qu'on appelle le plafond des 15 %. Ce sont des dispositions qui ont été prises par le ministère des Finances. Les crédits d'impôt ont évolué au Québec de façon directe en adéquation avec l'augmentation du volume des productions. Alors, si nous avons quelque part 82 000 000 $ de crédits d'impôt en 1998-1999, ils correspondent à un quantum en adéquation avec un volume global de production qui chiffrait aux alentours de près de 600 000 000 $, un demi-milliard.

Nous sommes donc gestionnaires conjoints avec Revenu Québec du crédit d'impôt. Il ne s'agit pas d'argent sonnant. Alors, conséquemment, quand on calcule, quand on fait des parallèles entre les budgets du Conseil des arts et des lettres pour les artistes et les budgets consentis à la SODEC pour les entreprises culturelles, on retourne à un ratio de 31 200 000 $ pour les budgets de la SODEC l'année dernière. Je pense que c'est une mise au point qui est importante pour le bénéfice de tout le monde.

(16 heures)

J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de parler aussi du rôle de banque d'affaires de la SODEC à même son fonds de dotation initial de 20 000 000 $. Je suis convaincu qu'il y aura des questions là-dessus tout à l'heure.

On a également dit, la semaine dernière, que les producteurs assument un risque minime ou n'assument pas de risque par rapport à la production. Dans le domaine du cinéma, je tiens à vous rappeler que la cinématographie québécoise occupe sur les écrans québécois quelque chose comme 6 %. La majeure partie du cinéma est essentiellement américain. Je tiens à vous rappeler que le Québec est une population dispersée sur un territoire immense, nous vivons une exiguïté de marché, ce qui fait et ce qui peut légitimer des investissements des pouvoirs publics jusqu'à hauteur de 77 %. Quand on dit que les producteurs en cinéma n'assument pas de risque, ils assument les risques des dépassements possibles de coûts, ils assument les risques nécessaires liés à l'identification de sources complémentaires de financement. Je tiens à rappeler que la SODEC investit, pour un film, disons, à hauteur de 1 000 000 $, peut aller jusqu'à 35 %. Son aide varie entre 10 % et 35 %. Les producteurs doivent aller chercher le financement complémentaire en l'investissant de leurs poches, en allant du côté des pouvoirs publics fédéraux, etc.

La deuxième des choses, c'est par rapport à ce qui a été affirmé dans le dossier de Renaud-Bray par une association professionnelle au cours des audiences de la commission parlementaire. On a déploré le fait que l'État n'aidait pas les petites librairies. Pourtant, la semaine dernière, lors de mon exposé, j'avais fait part des suites de la politique de la lecture et du livre. Pour l'année de référence 1998-1999, quelque 95 librairies, dont la plupart sont situées en région, ont été aidées à hauteur de 2 000 000 $.

La troisième des choses ou le troisième élément de confusion qu'il m'apparaît important de dissiper ici aujourd'hui, c'est en ce qui concerne l'ambiguïté entre les industries culturelles sous la gouverne de la SODEC et les artistes sous la gouverne du Conseil des arts et des lettres. On a eu l'occasion, au cours de la commission parlementaire, d'évoquer les lois 90 et 78 sur le statut de l'artiste, qui balisent les rapports entre associations d'artistes et producteurs. Ce sont des règles du jeu que l'État québécois s'est données de façon originale. Il s'agissait d'une première dans les pays industrialisés. Il y a donc dans le milieu des règles d'établissement, de conventionnement entre producteurs et artistes.

Quand on regarde du côté des budgets de la SODEC, on dit que ce sont des budgets qui sont consacrés aux industries culturelles. Je tiens à vous rappeler là-dedans que nous avons également le secteur des métiers d'art, secteur pour lequel le Conseil des métiers d'art a fait la démonstration, cette semaine, que les artisans sont des artistes ou sont à mi-chemin entre une fonction d'artiste et une fonction d'entrepreneur culturel.

Je tiens à rappeler également l'impact des investissements des industries culturelles sur les milieux de la création. À partir du moment où l'État investit en cinéma, il y a des retombées substantielles qui vont au niveau de la scénarisation, qui vont au niveau de la réalisation, qui vont au niveau des comédiens, qui vont au niveau des musiciens, qui vont également au niveau d'une main-d'oeuvre qualifiée de techniciens.

Le dernier élément consiste peut-être à rappeler à la commission, compte tenu d'un article qui a paru ce matin dans Le Devoir – j'avais ouvert là-dessus la semaine dernière, ça m'apparaît important de le rappeler, ne serait-ce que pour bien situer les perceptions collectives par rapport à cela – que le Vérificateur général du Québec a établi un travail de préquestionnement auprès de la SODEC. Pour le bénéfice de la commission parlementaire, il s'agit de questions pour lesquelles la SODEC a déjà fourni des réponses à la satisfaction du Vérificateur général. Il s'agit de questions qui ont été remises aux parlementaires pour le bénéfice d'une meilleure alimentation de la réflexion. Il ne s'agit en aucun cas de conclusions d'un rapport de vérification comme tel. Ça m'apparaît important de le dire aujourd'hui.

J'aimerais, pour les 12 minutes qui suivent, y aller peut-être d'une présentation de ce que sont les industries culturelles québécoises en chiffres. Les industries culturelles au Québec dans les secteurs du cinéma et de la télévision, du disque, de l'édition, du spectacle et des métiers d'art représentent quelque 77 000 emplois directs et indirects pour l'année de référence 1998-1999. Les parts de marché québécoises, c'est-à-dire ce que nos industries, ce que nos entreprises culturelles réussissent à obtenir sur notre marché domestique québécois, sont les suivantes: en télévision, 70 %; en spectacles de variétés, plus de 60 %; en livres, incluant le manuel scolaire, à hauteur de 50 %; dans le secteur du disque, à hauteur de 25 %, c'est-à-dire que 75 % de la masse de consommation des produits culturels se porte sur autre chose que le disque produit ici, au Québec; et, pour le cinéma en salle, pour l'année de référence 1998-1999, la part de notre cinématographie sur les écrans des salles de cinéma est de l'ordre de 6 %.

Je tiens à rappeler également que, dans le secteur de la télévision, avec l'instauration du crédit d'impôt notamment, avec une augmentation de l'aide sélective qui a été consentie à la SODEC par le gouvernement du Québec en matière de cinéma, le niveau de production qui était de 125 000 000 $ en 1990 est passé à 680 000 000 $ – et non pas 580 000 000 $, comme je le disais tout à l'heure – en 1997-1998, avec un financement public direct et indirect global d'environ 30 %.

Les entreprises culturelles du Québec sont productrices de contenus pour le Québec et pour l'étranger. En cinéma et en production télévisuelle, il s'agit, pour l'année de référence 1998-1999, de 260 productions; pour le livre, de 4 500 titres par année; pour le disque, de plus de 200 disques produits d'artistes québécois; pour le spectacle de variétés, on parle de plus de 600 productions au cours de l'année de référence 1994 – les données quant au spectacle québécois sont beaucoup moins récentes que les autres; pour le secteur des métiers d'art, on parle d'un chiffre d'affaires de 45 000 000 $ par année; pour le secteur du multimédia qui est un secteur en émergence, qu'on appelle les nouveaux secteurs de création, on parle, pour 1998-1999, de la production de 103 titres québécois.

Ce qui caractérise la SODEC, je prendrai quelques minutes là-dessus, si vous me permettez, M. le Président, et c'est directement découlant de sa loi constitutive, ce qui a été adopté à l'Assemblée nationale à l'unanimité en 1994, c'est le cadre consultatif permanent dans lequel la gestion de la SODEC s'exerce. L'objectif de base était d'assurer une adéquation entre les interventions de l'État et les besoins des milieux culturels. La SODEC a donc comme mandat de demeurer en phase avec les besoins des milieux. Trois objectifs, donc: réunir les compétences professionnelles des milieux, s'appuyer sur une expertise permanente des milieux et constituer un forum ou des lieux de réflexion permanents, ce qui permet à la SODEC de s'ajuster, d'ajuster ses programmes en concertation avec le milieu. Quant à nous, il s'agit d'un élément fondamental de ce qu'on peut appeler la transparence de la SODEC dans sa façon de fonctionner. Je tiens à rappeler que c'est une centaine de personnes qui représentent les différents milieux culturels, les différents secteurs culturels, et qui, bénévolement, contribuent à ces exercices permanents de réflexion. Donc, transparence et intelligence de fonctionnement qui sont, à mon sens, la marque de commerce de la SODEC.

En ce qui concerne sa gestion, la question a été posée la semaine dernière: Est-ce que la SODEC demande des états financiers vérifiés pour chacun des projets de production qui sont déposés par les producteurs? Nous ne demandons pas de façon systématique les états financiers vérifiés pour chacun des projets de production – on vous a donné des éléments de réponse la semaine dernière là-dessus – nous entendons le faire à compter d'avril prochain. De façon à permettre l'allégement administratif auprès de nos clientèles, un temps de réponse accéléré auprès de nos clientèles, nous avons constitué ce qu'on appelle un dossier maître qui permet à chacun des secteurs de la SODEC d'aller chercher les références de base qui ont été fournies par les entreprises et qui sont les mêmes en termes de données pour chacun des secteurs. C'est, encore là, un modus operandi qui est original à la Société de développement des entreprises culturelles.

(16 h 10)

Pour ce qui est de nos procédés d'évaluation, tout dépendant des secteurs, notamment le secteur du financement, on dispose d'expertises internes. On peut aller chercher des expertises externes, le cas échéant, pour l'appréciation de dossiers d'investissement de la SODEC. Et, pour la plupart des dossiers programmes d'aide sélective ou d'aide remboursable, nous fonctionnons sur le principe de l'expertise externe avec des comités d'évaluation dans le domaine du cinéma, des lecteurs externes, etc. Nous avons été en mesure de vous déposer d'ailleurs à cet égard, la semaine dernière, notre politique de recours aux comités d'évaluation.

Je terminerai mon exposé sur les faits saillants qui ont caractérisé la SODEC depuis 1995. La SODEC, dès sa constitution, a procédé, de concert avec les sept commissions permanentes et le Conseil national du cinéma et de la télévision, à la révision des 19 programmes qui la composent.

La SODEC a été initiatrice d'un Forum national sur le livre, lequel a permis ultimement un Sommet sur le livre et la lecture et l'aboutissement d'une politique sur la lecture et le livre.

La SODEC s'est impliquée largement, au cours des trois dernières années, en soutien au contenu culturel en multimédia, a mis sur pied une commission multimédia. À l'heure actuelle, la SODEC est en train de faire la démonstration au gouvernement du Québec, en demande auprès du gouvernement du Québec pour, à tout le moins, la récurrence des crédits de 1 000 000 $ qui ont été consentis au cours des trois dernières années, pour permettre le soutien à une production culturelle québécoise de qualité en matière de multimédia.

La SODEC a, entre autres, contribué à la relance du Salon du livre de Québec. La SODEC – les questions sont venues là-dessus la semaine dernière – a effectivement, oui, contribué à la création du FICC, le Fonds d'investissement de la culture et des communications, et de la FIDEC de façon à assurer une gamme diversifiée d'outils au bénéfice des entreprises culturelles.

La SODEC a été largement impliquée au niveau du Forum et de l'aboutissement d'un plan d'action stratégique en métiers d'art qui est une des priorités de la SODEC au cours de la prochaine année.

La SODEC, comme gestionnaire au nom du gouvernement du Québec de place Royale, a encadré les travaux de restauration des maisons Hazeur et Smith, lesquelles sont converties en centres d'interprétation pour le bénéfice du Musée de la civilisation.

Et la SODEC a, en premier lieu, dès sa création en 1995, révisé la politique financière qui avait lieu depuis 20 ans pour l'adapter aux besoins des dernières années.

Je terminerai, M. le Président, s'il me reste quelques minutes, trois minutes, sur nos grandes perspectives d'orientation au cours des prochaines années. La première consiste à assurer de façon encore plus soutenue cette convergence, dont j'ai fait part la semaine dernière, entre la culture et l'économie, notamment au niveau des nouveaux créneaux de création, l'animation 2D, 3D, le multimédia, la mise à niveau technologique de nos entreprises culturelles pour être en mesure de répondre à la concurrence, pour être en mesure de répondre aux nouveaux courants d'information.

Le deuxième objectif majeur pour la SODEC et pour la continuité des entreprises culturelles au Québec réside dans la consolidation véritable des entreprises culturelles compte tenu de la concurrence qui s'exerce de plus en plus âprement sur les marchés mondiaux, compte tenu des perspectives de déréglementation – l'exemple de Seattle a été largement évocateur à cet effet – compte tenu des nouveaux courants de diffusion, ce qu'on appelle les courants «on-line» ou en ligne, les nouveaux courants de téléchargement sur Internet, et compte tenu aussi de la précarité de nos entreprises québécoises si on considère, par exemple – je pense que les gens de l'ADISQ ont pu l'évoquer auprès de la commission parlementaire – une soixante d'entreprises, au moment où s'exercent au niveau mondial des mégafusions d'entreprises, qui permettent une surcapitalisation et qui risquent de mettre en péril les acquis que nos entreprises québécoises ont pu gagner au cours des années.

Le troisième objectif: l'optimisation du professionnalisme des entrepreneurs au regard notamment de leur management – il y a des lacunes là-dessus – au regard également de leur mise en marché. Des obligations d'amélioration de nos performances sur les marchés étrangers. Des obligations de diversification des outils financiers: le développement de nouveaux leviers financiers, le développement de nouveaux crédits d'impôt. Je vous rappelle le dossier du crédit d'impôt à l'édition que nous négocions à l'heure actuelle avec le ministère des Finances, lequel a sûrement été évoqué par l'ANEL lors de sa présentation.

Nos grands chantiers pour cette année, en 30 secondes: la mise en oeuvre du plan stratégique pour le développement économique des métiers d'art; la présentation et la mise en oeuvre, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, d'un plan d'intervention pour la production de contenu culturel en multimédia, pour que le secteur du multimédia ait sa place au niveau de la reconnaissance d'une production québécoise culturelle de qualité au même titre que les autres secteurs qui composent les industries culturelles; la contribution à la mise en oeuvre d'un observatoire de la culture et des communications de concert avec le ministère et avec le Conseil des arts et des lettres; et un dossier d'études de faisabilité pour la création d'une société de financement des édifices patrimoniaux, comme nous en avons parlé dans notre mémoire qui a été déposé en octobre dernier.

Je prendrai les 10 secondes qu'il me reste pour dire aux membres de la commission, à titre de nouveau président de la SODEC – je suis en poste depuis deux mois – c'est un objet de fierté quant à moi. Merci.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup. Alors, M. Lafleur, on a quand même un bon moment à passer ensemble. Ça va nous permettre de clarifier un certain nombre de choses, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Et puis vous avez parlé de mettre les pendules à l'heure. Remarquez que c'est excellent que ce soit fait ainsi. Maintenant, nous, on a aussi d'autres questions à vous poser. Alors, on va commencer avec le député de Marguerite-D'Youville, et suivront le député de Saint-Hyacinthe et moi-même.

M. Beaulne: Merci. Merci, M. Lafleur. D'ailleurs, on apprécie également à la commission que vous ayez fait cette mise au point concernant ce qui est paru dans les journaux. Ça, je pense que ça nous met tous plus à l'aise pour poursuivre nos échanges. Je me réjouis également que M. Cardin soit là pour discuter des crédits d'impôt, et c'est la première question avec laquelle je vais commencer.

La notion ou le thème des crédits d'impôt est revenu assez souvent dans les échanges qu'on a eus avec les groupes qui sont venus nous voir. Le crédit d'impôt est une forme qu'utilisent les gouvernements pour aider certains secteurs à se développer, à émerger plus vite. Ç'a été le cas, entre autres, en matière de recherche et de développement. On se rappellera, il y a quelques années, que le Conseil de la science et de la technologie du Canada avait mis un bémol, avait émis des réserves quant à l'impact réel qu'avait sur la recherche et le développement cette pratique des crédits d'impôt. Je pense, il faut le rappeler pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent et qui suivent nos échanges, quand on parle de crédit d'impôt, on veut dire du même coup manque à gagner pour le gouvernement. Alors, ça coûte, ça, à l'État, ces crédits d'impôt là, en termes de manque à gagner en matière de revenus.

Ceci étant dit, le rapport Lampron, M. Lampron, dans son rapport, disait de façon très lapidaire et très simple, puis je lis: «Les objectifs visés par le crédit d'impôt, croissance de l'industrie et création d'emplois, ont été atteints.» Point final. Vous, lorsque vous êtes venu la semaine dernière devant nous, avez semblé un peu plus nuancé sur cette question. Alors, vous comprendrez que, pour nous, c'est important, surtout dans une période prébudgétaire, de connaître véritablement l'impact structurant de ces crédits d'impôt.

Alors, c'est la question que je vous pose: Est-ce que, d'après vous, l'objectif a été atteint? M. Lampron semblait catégorique. D'après vous, est-ce qu'il a été atteint? Et sur quelles données vous basez-vous ou se basait M. Lampron pour faire de telles affirmations?

Le Président (M. Rioux): Oui.

M. Lafleur (Pierre): Avant de céder la parole à mon collègue Stéphane, je voudrais dire la chose suivante. Vous parlez d'un manque à gagner pour le gouvernement dans la colonne des revenus. C'est un fait. Mais on peut parler également, à partir du moment où on crée de l'emploi via les crédits d'impôt, de rentrées fiscales substantielles pour le gouvernement.

M. Beaulne: Bien, c'est ce qu'on veut savoir. Quel est l'impact réel dans votre sphère d'activité?

M. Lafleur (Pierre): Bon. La façon pour nous de le calculer – et c'est ce que documentent les annexes et le contenu même du rapport de Pierre Lampron, mon prédécesseur – on le calcule en termes de fidélisation des auditeurs québécois par rapport à leur télévision.

(16 h 20)

M. Beaulne: Ça veut dire quoi, ça?

M. Lafleur (Pierre): Ça veut dire, par exemple, que, en 1983, la place qu'occupait la télévision québécoise pour nos téléphiles québécois était à un niveau x; maintenant, le nombre d'émissions les plus regardées sont des émissions à contenu québécois. On le calcule également par l'augmentation des volumes de production au cours des dernières années. Je référais tout à l'heure à quelque chose à hauteur de 125 000 000 $ de production en 1990 et à quelque chose à hauteur de 680 000 000 $ en 1998-1999. Ça, je pense que c'est une des premières donnes.

Là où je mets en quelque sorte... Je n'émets pas des doutes formels sur la légitimité du crédit d'impôt, bien au contraire. Dans un pays comme le nôtre, avec l'exiguïté de nos marchés, je pense que ce sont des mécanismes que l'État se doit de mettre de l'avant, d'ajuster de façon à assurer une production cinématographique et télévisuelle de qualité, en termes de volume également.

La question qui se pose par rapport à l'atteinte des objectifs... Je vous rappelle que les crédits d'impôt ont été mis de l'avant pour assurer, entre autres, une plus grande capitalisation des entreprises. Si on regarde le topo à l'heure actuelle, ce que je disais la semaine dernière par rapport aux 137 entreprises de production cinématographique et télévisuelle du Québec, nous en avons quatre en Bourse et nous avons un modèle à géométrie variable assez substantiel en ce qui concerne le profil des autres. C'est dans ce sens-là que je pense que, même si on sait des crédits d'impôt qu'ils doivent prendre un cycle d'implantation relativement long avant de faire leurs preuves, quant à moi, les crédits d'impôt n'ont pas encore atteint les objectifs escomptés en termes de véritable capitalisation d'entreprise, notamment dans le secteur du cinéma.

Je ne sais pas si Stéphane veut rajouter quelque chose.

Le Président (M. Rioux): M. Cardin, voulez-vous ajouter?

M. Cardin (Stéphane): Je trouve que ça résume très bien, en ce sens qu'on pourrait obtenir davantage de capitalisation, mais certainement on pourrait se demander... Si les crédits d'impôt n'étaient pas là, je pense que le milieu de la production indépendante n'aurait quand même pas la vitalité qu'il a à l'heure actuelle dans le domaine de l'audiovisuel.

M. Beaulne: Dans un ordre d'idées connexe, on a également parlé, au cours de nos échanges avec les groupes, de la problématique du risque. Vous l'avez d'ailleurs abordée vous-même au début puis vous venez encore d'y faire allusion. On remarque que, au 31 mars 1999, la SODEC avait effectué pour 17 200 000 $ de prêts à terme à des clients, si on peut appeler ça comme ça, et que, là-dessus, vous aviez provisionné pour pertes 3 900 000 $. Pour le commun des mortels, ça peut sembler une proportion assez énorme par rapport au capital investi. Alors, expliquez-nous donc comment ça se fait que vous avez pris une provision pour pertes quand même pas mal élevée, là, sur 17 200 000 $.

M. Lafleur (Pierre): Si vous me permettez, je vais laisser la parole à Mme Roxane Girard, qui est directrice du financement.

Le Président (M. Rioux): Mme Girard.

Mme Girard (Roxane): Merci. En fait, 3 000 000 $ sur 17 000 000 $, il faut comprendre que le 3 000 000 $ s'échelonne dans le temps. La banque d'affaires de la SODEC est là depuis 20 ans. 3 000 000 $, c'est sur un certain nombre de temps, et ça s'accumule. Un dossier qui est radié ou connaît des difficultés financières peut s'éliminer au cours d'un certain nombre d'années, cinq ans. Par contre, parce que là on parle de provisions au bilan, ce qu'il faut ramener plutôt, c'est la charge de mauvaises créances. Dans ce cas-ci, en moyenne, c'est de 4 % à 5 % par année – ce qui est plus élevé qu'une banque, j'en conviens, mais on n'est pas une banque traditionnelle naturellement, on est une banque de développement – ce qui est tout à fait respectable par rapport au niveau de risque qu'on prend.

M. Beaulne: Oui, j'en conviens. C'est tout à fait respectable si on s'en tient à la deuxième catégorie de chiffres que vous avez présentés. Mais alors, si l'expérience réelle de pertes se chiffre à 4 %, pourquoi prenez-vous des provisions pour pertes si élevées? Avez-vous des anticipations que plus de prêts ne seront pas remboursés? Parce que la façon dont habituellement on fait les provisions pour pertes, on prend une expertise sur une certaine période de temps, on transpose ça, puis c'est ça qui nous donne à peu près le pourcentage de pertes qu'on va prendre. Mais là il y a un décalage pas mal énorme entre l'expérience réelle de pertes que vous nous affirmez et les provisions que vous prenez.

Mme Girard (Roxane): Vous oubliez peut-être une portion, là. C'est que le portefeuille global n'est pas de 17 000 000 $, mais bien de 32 000 000 $, parce qu'on fait de la garantie de prêt. Donc, on a une dotation de 20 000 000 $ qu'on utilise soit pour prêter directement aux entreprises ou encore pour garantir les banques. Alors, premièrement, le ratio, on doit le prendre sur le 32 000 000 $ et non pas sur le 17 000 000 $, et, ensuite, c'est une provision qui est prise au cours de l'année. Donc, en fait, quand on fait la moyenne totale, ça fait 10 % du portefeuille. Et c'est vraiment les cas, en fait, qu'on a depuis plusieurs années.

M. Beaulne: On a parlé également beaucoup du niveau de risque qu'assumaient les producteurs. En fait, en réalité – d'ailleurs, vous l'avez mentionné vous-même – la perception, je dis bien «la perception», à cette étape-ci, c'est que les producteurs assument un niveau de risque relativement faible par rapport aux organismes subventionnaires comme le vôtre ou les organismes publics du gouvernement fédéral. Apportez-nous donc certaines précisions là-dessus. Et vous avez mentionné que tout ce qui était au-delà des avances qui sont faites par la SODEC était au risque de l'entrepreneur. Est-ce qu'il arrive que ce niveau de risque ne se réalise pas et que la SODEC puisse recouvrer des fonds?

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur, très rapidement.

M. Lafleur (Pierre): Alors, très rapidement, j'ai le goût de vous dire que le producteur, nonobstant la faiblesse de son investissement, assume beaucoup plus de risques que la SODEC. Le producteur risque de perdre parce qu'il doit absorber les dépassements de coûts. Et la SODEC risque d'obtenir des ristournes sur certains «success stories», même s'ils se font rares au Québec.

Le Président (M. Rioux): Alors, Mme la députée de Sauvé.

M. Beaulne: Juste une petite...

Le Président (M. Rioux): Non, c'est terminé pour vous, monsieur. Vous pourrez revenir, M. le député de Marguerite-D'Youville. Très bien. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci. D'entrée de jeu, la semaine dernière, on a dit que c'est peut-être... Malheureusement, le dossier de la production de films et de télévision a pris beaucoup de place dans la première rencontre qu'on a eue la semaine passée à cause de toutes les circonstances qu'on connaît. Puis je pense que, même à la fin de notre rencontre d'aujourd'hui, il y aura encore des besoins d'éclaircissement. Mais notre travail ne porte pas uniquement là-dessus. J'ai le goût, d'entrée de jeu, qu'on reprenne un peu de distance et qu'on examine l'ensemble de la SODEC.

On a pu, au cours des derniers jours, entendre des représentants de différentes industries, je pense, par exemple, effectivement à l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, je pense à l'ADISQ, l'industrie du disque et du spectacle, je pense au Conseil des métiers d'art, je pense aux éditeurs de livres, qui ont pris le temps de venir nous dire qu'en peu de temps la SODEC avait eu des interventions remarquées et des interventions qu'ils avaient appréciées dans leur industrie. Je pense que c'est un premier message qu'on se doit d'entendre et d'examiner quand on examine l'ensemble de la SODEC.

On dirait que les questions, finalement... Puis je tenais à le souligner, je pense qu'en peu de temps l'intervention de la SODEC a été importante, mais ça a justement amené une impression dans le grand milieu de la culture qu'il y a eu disproportion entre l'effort mis pour structurer certains marchés, certaines industries, puis les retombées, j'ai envie de dire, concrètes, réelles, j'ai presque envie de dire dans le réfrigérateur de nos artistes et artisans. Vous avez mentionné tantôt que cet effort que fait la SODEC pour structurer des industries, vous avez dit: Il y a des retombées pour le scénariste, le musicien, l'artisan. Est-ce qu'on est en mesure de connaître et êtes-vous en mesure de chiffrer cet impact qu'ont non seulement les travaux du CALQ, les efforts du CALQ, mais, à travers la SODEC, l'impact qu'ont vos efforts sur l'individu, le créateur, celui qui a l'idée?

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur.

(16 h 30)

M. Lafleur (Pierre): J'ai parlé, Mme la députée, la semaine dernière, de l'impérieuse nécessité pour les parlementaires, les administrateurs, les politiciens, les milieux culturels eux-mêmes de se doter de ce qu'on appelle un observatoire de la culture et des industries culturelles, ne serait-ce que pour avoir des données objectives sur ce sur quoi les débats portent. J'ai eu quelque part la naïveté ou le courage de dire, il n'y a pas tellement longtemps, dans une entrevue, que, si nous avions eu à l'automne, au moment de la grande tourmente par rapport aux crédits d'impôt, ce type de documentation objective sur la juste part de rémunération des uns et des autres, je pense que quelque part le débat n'aurait pas galopé de façon aussi mythique qu'il a pu le faire. Les données sont malheureusement fragmentaires. J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de dire que, pour la documentation qui a permis de constituer le rapport de mon prédécesseur, Pierre Lampron, on est obligés, dans bon nombre de cas, de nous appuyer sur des données qui sont vieilles de sept ans.

L'ADISQ, l'APFTQ, l'ANEL – l'ANEL réclame un observatoire du livre depuis longtemps – je pense que les messages qui sont envoyés par tout un chacun présentement – et c'est un outil fondamental dont nous avons besoin collectivement – c'est de savoir, à partir de gestes qu'on décide, des orientations budgétaires, des orientations de programmes que nous prenons, quels sont les véritables effets structurants ou encore – parce que ça peut exister – déstructurants ou pervers par rapport à ces gestes-là.

Je mentionnais tout à l'heure qu'à l'heure actuelle, dans un contexte de mondialisation, de mégafusions d'entreprises, on a quelque chose comme 60 entreprises culturelles dans le secteur du disque québécois qui sont en train de se poser des questions sur les parts de marché. La dégringolade de parts de marché ou l'appréciation à la hausse de parts de marché, quelque part nous n'avons pas et ils n'ont pas ces données-là. On est quelque part en quelque sorte piégés, finalement.

Mme Beauchamp: M. Lafleur, votre réponse me fait dire justement que vous l'affirmez, mais ça a été un peu l'impression laissée, et même par le rapport Lampron, c'est qu'il y a une série de choses d'affirmées mais on ne sait pas vraiment clairement sur quoi ça se base et la validité des informations dont nous disposons. Et ça nous amène aussi, même au niveau du rapport Lampron sur la situation du cinéma, de la télévision, à mettre énormément de bémols sur l'ensemble de ce rapport et même l'ensemble des affirmations qui sont faites aujourd'hui.

Je vais aborder peut-être un sujet plus précis, parce que vous avez mentionné l'importance de se doter d'une culture québécoise forte. Vous avez mentionné les résultats, par exemple, au niveau de la production de films et de télévision au Québec. Votre adjoint a mentionné l'impact des crédits d'impôt sur les productions indépendantes. Or, on a pu entendre aussi, tout au long de cette commission, plusieurs intervenants du milieu du film et de la télévision déplorer – ils ont été clairs – une action qui a été prise par le ministre des Finances d'autoriser des crédits d'impôt aux télédiffuseurs privés, donc à ceux qui peuvent mettre leur propre produit en ondes. Et certains ont clairement indiqué que, pour eux, c'était un retour en arrière, que c'était une lutte acharnée des producteurs privés depuis des années et que le ministre des Finances a pris une décision qui allait à l'encontre des intérêts de nos entreprises et qui n'aidera pas à la capitalisation de nos entreprises indépendantes dans le domaine du film et de la télévision.

Ma question est: Quel a été la consultation faite avec la SODEC? On a eu droit ici à tellement d'avis clairs de ce secteur-là, qu'ils étaient contre cette décision gouvernementale, que je me demande quelles ont été la consultation de la SODEC et la participation de la SODEC à cette prise de décision.

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur.

M. Cardin (Stéphane): Bien, premièrement, ce n'est pas une décision, mais deux décisions, parce qu'il y en a une qui a eu lieu en juin 1998 et la seconde en juillet 1999. La première a fait l'objet d'une consultation certainement avec l'industrie: l'annonce du budget en mars 1998 et une ouverture limitée qui a été accordée aux télédiffuseurs pour un volume de production de 20 000 000 $ par année et qui était assortie d'une obligation de réinvestissement dans le cinéma québécois d'expression française de l'ordre de 50 %. Donc, on leur octroyait 3 000 000 $, et ils devaient en réinvestir 1 500 000 $. Ça, c'était en juin 1998.

Il y a une deuxième décision qui a été prise en juillet 1999, où là, pour certaines catégories de production, on a donné une exemption, si l'on veut, aux télédiffuseurs privés à deux niveaux, c'est-à-dire qu'ils n'étaient plus assujettis au volume de production maximal de 20 000 000 $ par année et, deuxièmement, qu'ils n'étaient pas, pour ces productions, contraints à réinvestir 50 % des crédits d'impôt accordés.

Bon. Toutefois, je me permettrai peut-être de répéter – parce que ça a déjà été dit auparavant, ce n'est pas un secret – c'était dans l'optique, à ce moment-là, d'une potentielle acquisition d'entreprises. Cette transaction-là n'a jamais eu lieu. À ce jour, il n'y a aucune demande qui a été déposée à la SODEC pour une décision préalable en crédits d'impôt qui viserait une production exemptée. Nous avons reçu, conformément au protocole d'entente que nous avons signé avec les télédiffuseurs privés, des demandes de crédits d'impôt mais uniquement pour des productions pour notre marché national – les Rue L'Espérance , Le Retour , Ent'Cadieux , etc. – et donc pas une seule demande visée par l'exemption accordée.

Mme Beauchamp: Vous êtes en train de nous dire que le ministre des Finances a mis en place un programme dont personne n'avait besoin.

Le Président (M. Rioux): En 30 secondes, est-ce qu'il y a une réponse à ça?

M. Lafleur (Pierre): Je peux vous répondre bien humblement, M. le Président, que...

Mme Beauchamp: Mais qui fait peur à bien du monde.

M. Lafleur (Pierre): ...vous questionnez la SODEC. Peut-être que la meilleure personne à questionner par rapport à cela, c'est le ministère des Finances lui-même.

Mme Beauchamp: Oui, le vrai ministre de la Culture.

Le Président (M. Rioux): On pourra peut-être revenir là-dessus, Mme la députée de Sauvé?

Mme Beauchamp: Oui. On disait «le vrai ministre de la Culture». On va aller l'interviewer.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Alors, M. le député de Marguerite-D'Youville, vous sembliez avoir une autre question. Il ne faudrait pas prendre le bloc de 10 minutes à vous seul, par exemple, mais vous sembliez avoir une dernière question à formuler à l'endroit de la SODEC.

M. Beaulne: En tout cas, j'ai un peu perdu le fil de ce que j'allais dire tout à l'heure, mais je vais revenir à ma deuxième question. C'est pour ça que j'aurais voulu la poser tout de suite, ça fait un peu passer du coq à l'âne. Enfin. C'est concernant le FICC et la FIDEC. On en a parlé un peu lorsque vous étiez venus la dernière fois. En fait, la question qu'on se pose encore, c'est: Est-ce qu'il y a une nécessité d'avoir deux organismes qui jouent un rôle en apparence assez identique, d'une part? Également, on a entendu certains commentaires à l'effet que les critères qu'utilisait la FIDEC pour venir en aide aux entreprises étaient un peu restrictifs. Alors, je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Lafleur (Pierre): Avant de céder la parole à Mme Girard là-dessus, d'une part, il a été avancé par un des membres de la commission parlementaire la semaine dernière que ça coûtait 600 000 $ de fonctionnement. Je tiens à vous dire que, dans le cas du FICC, Fonds d'investissement de la culture et des communications, qui est né à l'instigation et à la demande des associations professionnelles d'artistes, notamment l'UDA, en tête de file, le ministère de la Culture et des Communications, via la SODEC, a une convention qui arrive à échéance au terme de l'exercice financier 2000-2001, à savoir une subvention de fonctionnement de 300 000 $ par année pendant cinq ans pour lui permettre de s'implanter de façon réaliste. En ce qui concerne la FIDEC, il n'y a eu aucune subvention de fonctionnement qui a été consentie à cet organisme-là. Je laisserai la parole à Mme Girard.

Le Président (M. Rioux): Mme Girard, s'il vous plaît.

Mme Girard (Roxane): Oui, merci. Je vais peut-être essayer de clarifier un petit peu la différence entre les deux outils, le FICC et la FIDEC. D'abord, c'est dans la continuité des outils qu'on a déjà en financement, à la SODEC. On a constaté que le financement a quand même certaines limites lorsqu'on veut justement partager le risque, chose qui semble effrayer certains.

Mais, dans le cadre du FICC, l'objectif naturellement était un objectif de capitalisation des entreprises. Donc, le FICC intervient en capital-actions, il a une approche proactive, il a des représentants au conseil d'administration de l'entreprise dans laquelle il investit. Le FICC est en participation avec le Fonds de solidarité. Donc, lorsque le gouvernement a autorisé par décret à la SODEC de verser 5 000 000 $ au FICC, le FICC a reçu aussi 10 000 000 $ du Fonds de solidarité. Donc, c'est quand même un levier financier important.

(16 h 40)

Lorsqu'on regarde maintenant la FIDEC, on constate que les outils sont plutôt pour des projets d'envergure qui ne pourraient pas être, je dirais, assumés par une entreprise à même son équité. Parce que le risque est assez grand, les possibilités de retombées économiques le sont aussi, mais les entreprises auraient de la difficulté, si on veut, à utiliser toute leur équité pour l'investir dans un seul projet, ce qui pourrait mettre leur pérennité en péril. Donc, c'est pour ça qu'on a la FIDEC qui intervient essentiellement en crédits d'anticipation, et souvent dans un syndicat financier. La FIDEC a une dotation de 46 000 000 $, dont 20 000 000 $ viennent du gouvernement et 26 000 000 $ du secteur privé, ce qui est encore une fois un bon effet de levier pour investir dans des projets d'envergure internationale. Est-ce que vous comprenez bien la différence entre les deux outils?

Le Président (M. Rioux): M. le député.

M. Beaulne: Bien, c'est-à-dire, je pose la question parce que M. Turgeon, qui est le président du conseil d'administration du FICC, qui a été l'instigateur également au sommet de la création de cet organisme-là, nous dit qu'effectivement il faut regarder ça de plus près parce qu'il y a risque de chevauchement. Alors, nous, on se pose la question, là: Pourquoi ces deux organismes-là... N'y aurait-il pas moyen de les rendre complémentaires les uns avec les autres?

Mais je veux terminer, pour laisser la place à mes collègues, simplement avec un petit commentaire en réponse à ce que vous avez affirmé, à l'effet que, quand vous parlez de capital de risque, ça semble faire peur aux gens, ça. La raison pour laquelle on insiste sur cette dimension-là, c'est que, dans les autres programmes gouvernementaux qui s'appliquent aux subventions à l'industrie via les centres locaux de développement, les fonds d'investissements régionaux qui existaient auparavant, on exige de la part des entrepreneurs qu'ils mettent 50 % de la mise de fonds avant d'avoir accès aux subventions gouvernementales. Alors, la question qu'on se posait, nous: Pourquoi votre secteur d'activité fait-il tellement exception à la règle, que, dans le domaine industriel ou manufacturier, on exige 50 % et puis que, chez vous, c'est difficile à déterminer, quelle est la part du risque de l'entrepreneur?

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y aurait une réponse rapide à ça? Remarquez que c'est un commentaire en même temps aussi, mais quand même.

Mme Girard (Roxane): Oui. Je voudrais juste peut-être clarifier certaines choses. De quoi on parle? Est-ce qu'on parle d'investissement capital-actions dans une entreprise ou est-ce qu'on parle d'investissement dans un film?

M. Beaulne: Un investissement dans un film.

Mme Girard (Roxane): O.K. Parce que c'est tout à fait différent, là. Dans le cadre d'un film, je pense que je vais laisser M. Lafleur répondre.

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur.

M. Lafleur (Pierre): Écoutez, la notion de risque dans un film, j'ai eu l'occasion allègrement d'en parler. Il y a une différence fondamentale, à mon sens, entre bon nombre des secteurs industriels et l'industrie du cinéma. Il s'agit d'un produit qui est unique, d'un produit qui est à risque, d'un produit qui doit rattacher son financement, d'un produit imaginaire à la limite, puisqu'il fait appel à l'imaginaire, il s'agit d'un choix culturel, il s'agit d'un risque quant à sa diffusion sur le marché québécois, etc. On n'est pas du tout dans les mêmes paramètres, à mon sens.

J'ai été assez longtemps sous-ministre adjoint au ministère de la Culture et des Communications pour travailler avec d'autres secteurs où effectivement on demandait, par exemple au niveau des municipalités dans le cadre des programmes d'aide aux équipements culturels, entre autres, une contribution équivalente. Les règles du jeu ne sont pas les mêmes, puisque les environnements sont tout à fait différents les uns par rapport aux autres.

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur, j'aimerais vous poser une petite question rapide. Il reste peu de temps, là, pour notre bloc, il reste deux minutes. Est-ce que la gestion du crédit d'impôt est une gestion à responsabilité partagée entre le ministère du Revenu et la SODEC? Et j'aimerais savoir qu'est-ce que vous faites, vous autres précisément, dans le cheminement du dossier. Est-ce que vous êtes l'organisme qui donnez l'avis et que le ministère du Revenu se contente de réaliser vos demandes? Comment ça fonctionne dans la vraie vie, concrètement?

M. Lafleur (Pierre): Stéphane.

Le Président (M. Rioux): Qui décide du 75 %, par exemple?

M. Cardin (Stéphane): Notre rôle est de déterminer l'admissibilité des productions à la mesure. Le rôle du ministère du Revenu est de déterminer l'admissibilité des entreprises au crédit d'impôt et d'effectivement valider, faire le calcul du crédit à partir des dépenses de main-d'oeuvre et des coûts de production qui sont indiqués dans les déclarations de revenus des sociétés. Et c'est eux qui émettent les chèques.

Le Président (M. Rioux): M. Cardin, la SODEC décide de la valeur du projet et le ministère du Revenu décide de la crédibilité de l'entreprise.

M. Cardin (Stéphane): Ce n'est pas une question de crédibilité, je vous dirais, il y a des paramètres précis. Donc, il faut être évidemment non exonéré d'impôts, il faut être de contrôle québécois, etc. Il y a une série de dispositions définies dans la Loi sur les impôts. Ensuite, il y a aussi des définitions dans la Loi sur les impôts de ce qu'est un frais de production, une dépense de main-d'oeuvre et une dépense de main-d'oeuvre admissible. Bon.

Le Président (M. Rioux): Merci. Oui, vas-y.

M. Cardin (Stéphane): C'est parce que, du côté de notre rôle, il y a quand même plusieurs paramètres à respecter, là, et c'est ce que je peux vous énoncer, si vous le souhaitez, au niveau de l'admissibilité des productions.

Le Président (M. Rioux): Oui, on va fouiller ça un peu. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Je veux être aussi dans la foulée de mon collègue de Marguerite-D'Youville. Ça m'a frappée quand vous avez tracé des perspectives d'avenir, que vous avez parlé du développement de nouveaux outils financiers. Or, c'est un fait que, même de vos partenaires favorables à l'action de la SODEC, certains ont fait des commentaires sur le fait qu'on avait de la difficulté peut-être un petit peu à s'y retrouver parce que ça devient une multitude de guichets possibles. Donc, il y a la présence déjà du Fonds d'investissement en culture et communications, la présence de la FIDEC, et, moi, je tiens à souligner la présence aussi de la Caisse de dépôt et placement qui développe un volet culture. Ça fait beaucoup de joueurs.

Et je suis en train de me poser deux questions: Est-ce que vous n'êtes pas en train de faire indirectement ce que vous ne pouvez pas faire directement? Mais aussi, encore plus concrètement, est-ce que, avec la présence maintenant dans le champ de la culture, mais sans présence vraiment des gens du milieu de la culture, mais avec la présence de la Caisse de dépôt et placement, est-ce que vous êtes en train de vouloir défendre votre terrain, votre champ de bataille avec le développement de nouveaux outils financiers?

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur.

M. Lafleur (Pierre): C'est une fort bonne question, Mme la députée.

Mme Beauchamp: Merci beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): On veut une bonne réponse aussi.

M. Lafleur (Pierre): Écoutez, je vais vous dire, par rapport à cela, ma vision des choses. Nous avons travaillé, comme les milieux culturels, à la démocratisation de la culture. Nous avons travaillé pour que la culture soit prise en charge par un ensemble d'instances. Nous avons travaillé de façon à ce que quelque part au niveau du Québec on comprenne que la culture est facteur de cohésion sociale, est facteur d'intégration sociale, est facteur de rayonnement international, est facteur de développement économique, est facteur de développement touristique. Et, sans vouloir paraphraser le film Rosemary's baby , quelque part, on vit avec les conséquences des actions qu'on a menées au cours des dernières années.

Alors, il est normal que le ministère de la Métropole, au nom du rayonnement de la métropole, investisse dans le secteur de la culture. Il est normal que les CLE, les CLD investissent dans la culture, parce qu'ils considèrent que la culture est un enjeu majeur au niveau de l'échiquier régional. On a créé, finalement, cette situation de fait. Ça, c'est en ce qui concerne les bâilleurs de fonds traditionnels. L'enjeu au cours de l'année et des prochaines années, à mon sens, c'est un enjeu de concertation et de coordination des efforts.

Mme Beauchamp: Si vous permettez, il y a aussi une différence entre que des partenaires assurent leur rayonnement de la culture québécoise puis assurer la structuration de l'industrie culturelle.

M. Lafleur (Pierre): Tout à fait.

Mme Beauchamp: C'est bien de la structuration de l'industrie culturelle dont je parlais quand je parlais de votre volonté de développer des outils financiers.

M. Lafleur (Pierre): Quand je référais à notre volonté de diversifier l'éventail de nos outils financiers, je référais au dossier du crédit d'impôt et je référais à une étude de faisabilité que nous sommes à bâtir à l'heure actuelle sur la création éventuelle d'une FIDEP, une société d'investissement sur le patrimoine immobilier. C'est un projet que mon prédécesseur avait amorcé. C'est un projet pour lequel on doit rencontrer la commission de M. Arpin sur le patrimoine pour voir la faisabilité d'une telle possibilité.

Les nouveaux outils financiers vont porter également sur le secteur des métiers d'art, sur le secteur du livre. Je vous rappelle qu'un des objectifs de la SODEC, c'est la rentabilité culturelle, et le fait de pouvoir permettre une capitalisation de son fonds de dotation lui donne une certaine marge de manoeuvre qui lui permet d'intervenir.

(16 h 50)

Je vous donne l'exemple récent du secteur des métiers d'art. Le Conseil québécois des métiers d'art rendait public son plan stratégique de développement en cours de printemps 1999, réclamait des crédits au gouvernement du Québec pour sa mise en application. Dans une perspective transitoire à même le fonds de capitalisation de la SODEC, nous avons été en mesure, avec l'accord de la ministre, de soutenir cette phase transitoire. Donc, l'idée d'outils de diversification vise également en quelque sorte l'enrichissement du portefeuille de la SODEC au bénéfice évidemment des entreprises culturelles.

Quant à la Caisse de dépôt, la question est tout à fait judicieuse. Je pense qu'il va falloir, au cours des prochaines semaines, s'asseoir avec les gens de la Caisse de dépôt. Ils peuvent être des partenaires; ils peuvent être perçus comme des concurrents. J'ai l'impression que c'est l'adhésion des forces des uns et des autres qui va faire que quelque part, en autant que tout le monde s'y retrouve, il y a des choses qui vont s'exercer au bénéfice des entreprises culturelles. Mais que la Caisse de dépôt s'intéresse à l'industrie culturelle, je pense que c'est un effet conséquent des actions qui ont été mises de l'avant de façon à ce qu'on comprenne la portée véritable de la culture au-delà de ses valeurs intrinsèques.

Mme Beauchamp: M. Lafleur, je suis contente – parce qu'on n'a jamais rien contre le fait qu'on s'intéresse à la culture, au contraire – je suis heureuse d'entendre votre appel à la cohérence des actions gouvernementales. C'est ce que j'entends quand vous dites que, dans les prochaines semaines, on devrait s'asseoir pour discuter de ça.

Je veux aborder un autre volet. La SODEC a fait des interventions directes dans certains secteurs. Je pense, par exemple, à la participation au capital-actions dans les librairies de grande surface, le consortium Renaud-Bray. Donc, pour que les gens nous comprennent bien, comme Québécois, on est devenus propriétaires, en partie, de librairies. Je pense à l'intervention directe par le lancement d'un appel d'offres pour faire un festival de films à Québec. Je pense à l'intervention directe dans le champ, par exemple, du Salon du livre de Québec. Le monde des communications et de la culture bouge très, très vite en ce moment.

Ma question, c'est: Est-ce que vous avez l'impression que, par exemple – parce que déjà l'horizon est loin quand on parle de ça – d'ici deux ans, il y aura de nouvelles interventions gouvernementales? Et je pense peut-être plus particulièrement – mais ce n'est pas le seul, je ne voudrais pas que vous vous limitiez à ça – à ce qui se passe avec l'industrie du disque. Parce que ce qui était vrai selon les dires de votre prédécesseur, M. Lampron, ou même selon les dires de la ministre, sur la nécessité que le Québec devienne propriétaire de librairies de grande surface, c'est-à-dire, c'est important de se protéger contre une industrie qui se structure autour de grands joueurs qui ne sont pas de propriété québécoise. Or, dans le secteur du disque, je suis, à l'échelle planétaire, devant une structuration de joueurs extrêmement importants. On a entendu les gens de l'ADISQ nous dire que vous les aviez aidés à tenter de structurer cette industrie du disque où il y a somme toute des petits joueurs.

Donc, ma question, c'est plus sur l'avenir à court et moyen terme: Avez-vous l'impression qu'il y aura, comme ça, des secteurs où vous devrez faire des interventions directes? Et je donne l'exemple du livre.

M. Lafleur (Pierre): De Renaud-Bray.

Mme Beauchamp: Pas du livre, mais du disque. Pardon?

M. Lafleur (Pierre): Je pensais que vous disiez que vous donniez l'exemple de Renaud-Bray, en termes d'intervention directe.

Mme Beauchamp: Bien, je donne cet exemple-là, mais je veux savoir si vous prévoyez intervenir dans d'autres secteurs.

M. Lafleur (Pierre): C'est-à-dire, ce que nous entendons faire de concert avec les commissions au cours des prochains mois... La question leur a été posée et la question nous a été également posée par les commissions: Ça veut dire quoi véritablement, consolider les entreprises culturelles au Québec dans la mouvance accélérée qu'on connaît dorénavant? Je ne connais pas les réponses; les réponses, on va devoir les forger en consensus collectif. Mais je rappelais tout à l'heure les grands mouvements internationaux, les mégafusions, l'accélération du développement des technologies qui vont amener des modes comportementaux tout à fait différents de ceux auxquels on était habitués à faire face antérieurement. Nécessairement, il va falloir qu'on trouve des réponses collectivement qui vont amener, à mon sens, certains bouleversements structurels par rapport à ce qu'on a connu de façon plus traditionnelle.

Pour ce qui est d'éléments ponctuels ou d'événements ponctuels de type Renaud-Bray, je tiens à rappeler que nous y sommes allés pour trois raisons fondamentales: la protection de nos investissements de base dans Renaud-Bray; la crainte que quelque part cette entreprise ou les entreprises québécoises passent sous domination américaine, parce que le risque était là; troisième des choses, nous y sommes allés, selon notre loi constitutive, en capital-actions, en étant bien conscients que, si on n'y allait pas, quelque part on était dans une situation extrêmement précaire au Québec. Quant à moi, il n'y a pas d'intervention ponctuelle prévisible au cours, je dirais, de la prochaine année de façon aussi significative et aussi exceptionnelle que ce qui a pu se faire antérieurement.

Mme Beauchamp: À l'intérieur des discussions que vous aurez – c'est sept commissions, si je ne me trompe pas, que vous avez, où sont assis vos partenaires, les gens du milieu – dans les discussions à venir sur cette possibilité-là que l'État québécois, à travers la SODEC, intervienne dans des secteurs, dans des marchés, est-ce que vous allez aborder la question – qui a été, je pense, quand même une forme d'irritant, on l'a entendu à cette table au cours des derniers jours – sur comment on établit puis comment on maintient un lien de confiance, autrement dit, comment on évite d'éventuels conflits d'intérêts entre une SODEC qui administre des programmes pour différents partenaires puis une SODEC qui devient propriétaire ou copropriétaire de certains éléments, de certaines entreprises dans une industrie? Ça s'est posé dans le domaine du livre. Je pense que, quand il n'y a pas apparence qu'on évite les conflits d'intérêts, c'est malsain. Donc, est-ce que vous allez aborder cette question de comment la SODEC va être positionnée lorsqu'elle participe, à travers différents outils financiers, à la propriété d'entreprises puis qu'en même temps elle gère des programmes qui touchent des concurrents de cette entreprise-là?

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur.

M. Lafleur (Pierre): C'est des questions qui vont nécessairement être soulevées parce qu'elles font partie intégrante de toute la réflexion qu'on va devoir mener.

Le Président (M. Rioux): Très bien. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur la question, un peu, évidemment, de... C'est que vous avez affirmé tout à l'heure les données à l'effet que, dans nos salles de cinéma au Québec, il y a à peine 6 % de films québécois qui tournent, qui sont projetés. Évidemment, c'est peu de chose. À ce sujet, j'aurais deux questions. Je vais commencer par la première. Est-ce que vous avez des mécanismes qui vous assurent que les films québécois, d'abord, ils font le tour du Québec – je parle des salles commerciales, les salles intégrées, là – puis, deuxièmement, ils s'arrêtent assez longtemps à chaque endroit pour que le mouvement de bouche à oreille, et tout ça, permette à un film d'aller chercher la clientèle qui lui appartient?

M. Lafleur (Pierre): Je vais céder la parole à Mme Lucille Veilleux pour votre question, M. Dion.

Le Président (M. Rioux): Mme Veilleux.

M. Lafleur (Pierre): Mais, d'abord, je tiens à rappeler juste peut-être un élément d'information qui est important. Quand on parle de 6 %, on parle de temps d'occupation écran sur l'ensemble de la plateforme d'occupation écran du cinéma québécois.

Le Président (M. Rioux): Oui, Mme Veilleux.

Mme Veilleux (Lucille): Oui. Alors, oui, c'est ça, c'est important de ramener ça dans des proportions comme celle-là. C'est quand même substantiel, surtout quand on regarde quand même les résultats de cette année au box office, aux revenus et guichets. Sur 80 %, donc, du nombre de projections de films qui sont d'origine américaine, 10 % des revenus du box office ont été générés par deux films québécois.

Donc, on sait que, quand il y a des films qui ont le potentiel de rejoindre le public, ils peuvent rejoindre leur public. Alors, c'est des films qui évidemment ont tenu suffisamment l'affiche pour récolter des 5 500 000 $, Les Boys II par exemple, ou Elvis Gratton , 3 700 000 $. Donc, le distributeur, conjointement avec le producteur, va élaborer une stratégie de mise en marché et de marketing pour maximiser le potentiel et il va faire... Je vais vous donner un exemple: Laura Cadieux II . Laura Cadieux I aussi, je crois, a été lancé en région, et Laura Cadieux II a été lancé ici, à Québec, où on a amené une partie de la distribution.

On essaie d'intéresser vraiment les producteurs, les distributeurs à faire des lancements. Par exemple, la SODEC va soutenir en publicité, en promotion, en déplacement d'artistes pour qu'il y ait une prise de contact plus proche avec le public. Et c'est toujours très apprécié, autant par les artistes d'ailleurs que par le public, et ça donne des résultats qui sont certains.

Les films, évidemment, sont pris dans un réseau d'exploitation indépendant ou qui appartient à Famous Players ou à Cinéplex Odéon et, par la suite, vont circuler à travers le Québec via l'Association des cinémas parallèles que vous avez rencontrée. On a des programmes de soutien qui sont, je veux dire, des petits soutiens ici et là mais qui ont vraiment un résultat et une efficacité qui sont très importants.

(17 heures)

M. Dion: Entre autres, l'Association des cinémas parallèles est venue nous dire qu'une chose qu'ils déploraient, c'était de ne pas pouvoir avoir de copies, de telle sorte qu'à Gaspé, bien, ça sort trois semaines après la sortie à Montréal, et tout ça, alors qu'on sait que les copies d'un film, c'est un pourcentage négligeable du coût de la production globale. Est-ce que la SODEC exige des choses, quand elle finance un film, pour s'assurer que les films seront en copies suffisantes pour sortir en même temps un peu partout?

Mme Veilleux (Lucille): C'est quand on aide un distributeur à sortir un film, à son lancement, à sa promotion, qu'on va exiger qu'il y ait au moins une copie qui circule en région, et, évidemment, il doit l'inscrire dans une démarche, comme je vous dis, de stratégie de mise en marché. Évidemment, on peut intervenir sur les films québécois qu'on finance. Je sais que j'ai entendu, par exemple, devant... L'Association des cinémas parallèles nous a donné l'exemple de La vie est belle . Bon, on ne peut pas vraiment intervenir sur un film qui est un chef-d'oeuvre mondial. Évidemment, à ce moment-là, le distributeur et le producteur ont une stratégie, c'est les règles du jeu. Mais je dois vous dire qu'on s'efforce vraiment de sensibiliser les distributeurs, et ils ont une obligation contractuelle de livrer une copie à l'Association des cinémas parallèles. Mais on doit intervenir.

M. Dion: Vous ne trouvez pas que ça ne fait pas beaucoup, une copie pour toutes les régions du Québec...

Mme Veilleux (Lucille): Elle circule.

M. Dion: ...qui sont une trentaine?

Mme Veilleux (Lucille): Ça peut être deux, dépendant de l'ampleur de la stratégie de mise en marché, effectivement, mais, quand on le dit, c'est au moins deux. Alors, quand on parle du réseau de cinémas parallèles, on ne parle pas évidemment, ici, du complexe Charest, par exemple, bien entendu. Donc, partout où il y a un réseau de salles organisé, les films québécois devraient circuler. Je pense que c'est aussi l'importance de la mise en marché qui est en cause.

M. Dion: Il y aurait peut-être lieu de revoir cet aspect-là étant donné le coût minimum que ça représente.

Mme Veilleux (Lucille): Tout à fait. On le fait et on va continuer de le faire parce que c'est payant; c'est payant pas juste en argent, c'est payant en termes d'auditoire, de public et d'intérêt pour le public de prendre connaissance de sa cinématographie.

Le Président (M. Rioux): C'est une bonne nouvelle. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Je veux revenir sur les crédits d'impôt et le multimédia. Il y a deux, trois mois, un grand reportage avait paru dans le journal Les Affaires , qui disait que, tout compte fait, il n'y avait peut-être pas tant de nouveaux emplois que ça qui étaient apparus, qui avaient été créés, que les entreprises qui s'en allaient à la Cité du multimédia en profitaient pour relocaliser leurs activités, pour concentrer leurs activités. Donc, on a presque assisté à une guerre de chiffres. Mais est-ce que c'est la conséquence qu'il n'y a pas d'observatoire? Si on avait un observatoire, est-ce qu'on aurait pu savoir de façon bien précise le nombre d'emplois?

M. Lafleur (Pierre): Je pense qu'on est capables quand même... Si on regarde l'évolution des crédits d'impôt, et l'évolution du volume de production, et l'évolution des coûts des volumes de production, on est en mesure d'apprécier le nombre d'emplois. La question se pose de façon plus fondamentale: Quant aux clés de répartition, quelles sont les véritables retombées? J'évoque les débats de l'automne dernier. Quelles sont les véritables retombées? Nous n'avons pas ce qu'on appelle en anglais – vous excuserez l'expression – le «fine tuning» de cela, sauf que nous sommes capables, à partir de l'analyse qu'on fait, je pense, des crédits d'impôt, de toute façon, puisqu'ils portent sur la main-d'oeuvre, d'être en mesure de faire des projections sur le développement de la main-d'oeuvre effectivement, la création du nombre d'emplois. Je laisserais Stéphane peut-être terminer.

Le Président (M. Rioux): Oui, M. Cardin.

M. Cardin (Stéphane): Je voudrais apporter quelques précisions justement. Ça revient un petit peu aussi à une question précédente de Mme Beauchamp. C'est qu'effectivement les budgets de production qui sont soumis pour analyse, pour fins d'obtention de crédit d'impôt, évidemment sont ventilés par postes de production. Ils nous permettent donc de voir, mais c'est toujours au niveau d'un budget, quels sont les montants qui vont être versés à un scénariste, à un réalisateur, à un directeur artistique, à un compositeur, etc. Et, comme la majorité de la production, si l'on veut, est soutenue par les crédits d'impôt, l'on pourrait effectivement, si on se lançait dans cet exercice de compilation de données, en arriver à des pourcentages et à des montants de salaires versés aux différents créateurs.

En ce qui concerne votre question par rapport au débat qui entourait la Cité du multimédia, je voudrais toutefois quand même préciser que ce n'est pas nous qui gérons ces programmes. Il y a une entité qui relève directement du ministère des Finances, qui s'appelle le Bureau de développement de la nouvelle économie, qui est responsable de la gestion de l'ensemble des mesures fiscales liées aux nouvelles technologiques de l'information, et ça inclut même, depuis le 1er janvier de cette année, le crédit d'impôt pour la production de titres multimédias que nous gérions auparavant à la SODEC. Donc, c'est directement au ministère des Finances que ces programmes-là sont gérés.

M. Bergeron: Et, dans une perspective beaucoup plus large, la question a été posée à plusieurs intervenants: Est-ce que ça serait avantageux pour vous de profiter de crédits d'impôt qui sont dans des secteurs bien ciblés? Et c'est le sens de ma question: Le crédit d'impôt, est-ce qu'on peut l'établir «at large» dans toute l'industrie ou bien il faut que ça soit bien localisé? Est-ce que c'est une panacée qui pourrait être généralisée ou il faut que ça soit bien ciblé puis qu'il y ait des paramètres bien précis?

Le Président (M. Rioux): Une réponse ciblée et brève.

M. Cardin (Stéphane): Parfait. Les crédits d'impôt peuvent avoir à la fois des objectifs économiques et culturels. Par exemple, nous avons des bonifications, dans le domaine de l'audiovisuel, pour les productions régionales, pour les travaux d'animation et d'effets spéciaux et également pour les longs métrages de langue française et les documentaires de langue française.

Le Président (M. Rioux): Très bien. Merci. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci. Je voudrais revenir aux suites du rapport Lampron. J'ai posé des questions là-dessus à différents de vos partenaires. Pour moi, et malheureusement je considère que ce n'est pas normal, je ne sais toujours pas quelles sont les suites qui sont réellement données au rapport Lampron et quels correctifs, parce qu'il y avait des éléments de correction de la situation par rapport au soutien public au secteur du film et de la télévision. Je ne sais toujours pas, moi, quelles corrections ont été apportées ou le seront.

Vous nous avez appris la semaine dernière, parce que ça faisait partie des éléments importants du rapport, que l'intervention du ministère du Revenu, entre autres, ne prendra pas la forme d'une des recommandations qui était la présence d'un fonctionnaire du ministère du Revenu au sein de la SODEC. Les producteurs de films sont venus nous faire un plaidoyer pour qu'on ne suive pas la recommandation de la transparence des informations au niveau des argents publics investis. M. Lampron disait qu'il recommandait de faire des démarches auprès de la Commission d'accès à l'information pour que ça soit fait. Les producteurs sont venus nous dire: Nous, on ne veut pas. Donc, je me suis dit: À tout le moins, ça veut dire que ce n'est pas décidé, on ne sait pas qu'est-ce qui se passe. Puis là je suis en train de me dire que, à part une notion de table de concertation qui signifie, au moment où on se parle, si je ne me trompe pas, une rencontre le 13 décembre dernier entre la ministre et les différents intervenants, je ne sais absolument pas qu'est-ce qui se passe avec le rapport Lampron. Je vous donne la chance qu'enfin on sache qu'est-ce qui a été fait, qu'est-ce qui a été corrigé, qu'est-ce qui est en voie de l'être et quand. Merci.

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur.

M. Lafleur (Pierre): Mme la députée, on va se faire un plaisir immense de répondre à toutes vos questions en ce qui concerne, entre autres, les démarches à la Commission d'accès à l'information, en ce qui concerne la présence ou la non-présence du Revenu au sein de la SODEC suite à une des recommandations du rapport Lampron et en ce qui concerne l'évolution des travaux de la table de concertation entre la SODEC, le ministère du Revenu et le ministère de la Culture et des Communications. Je donne donc la parole à Stéphane Cardin.

Le Président (M. Rioux): M. Cardin.

M. Cardin (Stéphane): Donc, il y a un communiqué de presse qui a été émis par le ministre Bégin et la ministre Maltais à l'effet qu'on mettait sur pied cette table de concertation. On a indiqué dès le début que les travaux devaient mener à la production d'un rapport en avril 2000. Alors, cette table de concertation, qui est composée de représentants du ministère du Revenu, de la SODEC et du ministère de la Culture et des Communications, travaille à l'heure actuelle. Nous avons déjà eu cinq réunions. C'est une révision de fond en comble de l'ensemble de l'architecture, si je peux utiliser cette expression-là, c'est-à-dire qu'on regarde tous les paramètres, les éléments de risque. Et l'objectif de ça, c'est de développer, si l'on veut, des mesures qui faciliteront l'observance fiscale par les demandeurs et les travaux de vérification par le ministère du Revenu.

(17 h 10)

Il n'est pas exclu qu'il y ait des mesures de contrôle supplémentaires qui soient annoncées, quoique ce ne soit pas le but premier. Le but premier est d'examiner la pertinence de celles qui sont en place, de pouvoir les ajuster au besoin. Et j'ajouterais, parce que c'est important, qu'il y a déjà un mécanisme de consultation qui est prévu avec l'ensemble du milieu sur les recommandations de la table, et qui ne sera pas a posteriori, mais a priori, et qui devrait avoir lieu au courant du mois de mars avec l'ensemble du milieu, comme je disais, à la fois au niveau des producteurs et des associations de créateurs. On ne voulait pas jeter de la poudre aux yeux, c'est vraiment un travail en profondeur qui se fait à l'heure actuelle et qui mènera à la production d'un rapport en avril 2000, qui sera soumis aux ministres Bégin et Maltais. Ça, c'est une des choses.

Une autre chose, c'est évidemment que la ministre de la Culture a annoncé que le ministère se chargeait de discuter avec la Commission d'accès à l'information pour la parution des estimations de crédits d'impôt. Encore une fois, je vais être très précis là-dessus. Ce que la SODEC publiait auparavant, ce ne sont que des estimations de crédits que nous pouvons faire à partir de budgets de production. Ce ne sont pas les montants de crédits réellement obtenus par production pour les entreprises. Évidemment, ça, ça serait couvert... Le ministère du Revenu ne peut pas, pour raison de secret fiscal, émettre ces informations-là. Mais nos estimations, le ministère regarde cette question-là.

Troisièmement, je vais me permettre de faire une précision, même si ça ne touche pas vraiment un suivi du rapport Lampron, parce que c'est quelque chose qui s'est fait antérieurement. Le ministère a tout à fait accentué sa présence en vérification dans le domaine depuis 1998. Alors, il y a de la vérification qui se fait en ce moment dans des secteurs identifiés par les vérificateurs de Revenu Québec, qui porte notamment sur certaines des questions qui ont été évoquées dans le rapport Lampron. Alors, il y a des suites très concrètes qui sont données à l'heure actuelle.

Mme Beauchamp: Dans le rapport Lampron, il y avait une dimension qui, je pense, nous interpelle. Vous disiez tantôt, par rapport aux crédits d'impôt, que ça peut être à la fois un soutien à la culture et à l'économie. Et on arrive au coeur de cet enjeu-là – donc l'ancien président de la SODEC le soulevait – lorsqu'on est devant des compagnies dont une bonne part de la production est clairement destinée à un marché étranger, par exemple au marché américain. Donc, un producteur peut en ce moment être en train de développer une série d'émissions télévisées destinées à un canal télévisé américain. Donc, son premier client, la cible qu'il essaie d'atteindre, c'est le consommateur américain.

Et il se posait la question – ça a d'ailleurs aussi été traité, je pense que c'est en discussion en ce moment au niveau fédéral: Est-ce qu'on se retrouve devant... est-ce qu'on peut toujours appeler ça de la culture québécoise? Dans le sens: Est-ce que je me retrouve ultimement devant un produit culturel québécois qui mérite d'être soutenu par de l'argent public? Est-ce que je dis ça ou si je dis plutôt: Je suis devant une entreprise qui crée de l'emploi, elle veut exporter son produit, je la soutiens? Mais vous savez que, pour le milieu de le culture, le milieu des créateurs, à un moment donné, c'est un peu inquiétant, parce qu'on se dit: Bien, on est devant une enveloppe, par exemple la vôtre, qui est quand même sous le ministère de la Culture et des Communications. On se dit: L'argent est rare en culture, est rare pour les créateurs au Québec. Est-ce que je dois aussi faire ça? Puis est-ce que ces compagnies-là en ont besoin? Je pense qu'on est devant un grand débat où la réponse n'est pas simple, mais je veux vous entendre, vous, là-dessus, la SODEC.

M. Cardin (Stéphane): Bien, encore une fois, vous avez déjà apporté certains éléments de réponse, je crois, en disant effectivement, comme on disait plus tôt, qu'il y a des considérations économiques aux crédits d'impôt et qu'il y a des considérations culturelles. Bon. À la base, le crédit d'impôt se veut une mesure la plus universelle possible. Et, lorsqu'on parlait des sommes dont on dispose en aide sélective, par exemple, à la SODEC, certainement, ces productions-là ne sont pas visées. C'est plutôt pour notre cinématographie nationale que les aides sélectives sont réservées. Alors, ce genre de production ne bénéficie que du soutien des mesures fiscales à concurrence, donc, de 15 %. Ce qu'on peut voir, c'est...

Mme Beauchamp: Vous êtes en train de me répondre que des fois on ne finance pas un produit culturel. Vous financez de la création d'emplois, du développement économique au Québec.

M. Cardin (Stéphane): Oui. Ce n'est pas uniquement de la création d'emplois, c'est aussi avec le but de structuration d'entreprises. Il faut comprendre que, dans certains cas, une même entreprise, je ne sais pas, moi, prenons Motion International, peut faire des projets hautement culturels et faire des projets qui sont effectivement destinés au marché de l'exportation. Et le fait de pouvoir faire une production et de la rentabiliser peut aussi nous permettre de faire des choix plus culturels dans la panoplie de productions qu'on peut mettre en démarrage. Encore une fois, il y a certaines catégories de production et, quand même, comme je vous le disais, des façons de paramétrer le crédit d'impôt pour atteindre des objectifs culturels. Si l'on fait un documentaire ou un long métrage de langue française en région au Québec, on a droit à 25 %. Si on fait une production destinée au marché américain à partir de Montréal, on a droit à 15 %. C'est un petit peu dans cette optique-là, si l'on veut. Et ça représente, ces productions-là, à peu près le tiers des crédits d'impôt consentis sur une base annuelle.

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur, j'aimerais qu'on clarifie un élément qui a fait l'objet de débat, puis c'est allé dans la presse abondamment, c'est les fameux 10 %, les deux 10 %: le 10 % qui va au producteur ou à l'entrepreneur, calculé sur la base du tournage et de la postproduction, et le 10 % des frais d'administration. Moi, ce que j'aimerais savoir clairement: Est-ce que le calcul de ces deux 10 % se fait sur la base du plan d'affaires, c'est-à-dire le budget anticipé, ou si le calcul se fait sur les coûts réels? Supposons que le film, on avait prévu qu'il coûterait 4 000 000 $, il en coûte 3 200 000 $. Bon. Moi, là, je veux une réponse nette là-dessus, claire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lafleur (Pierre): Vous aurez une réponse nette. Lucille.

Mme Veilleux (Lucille): Alors, évidemment, quand on parle d'un budget, on parle de prévisions de dépenses. Donc, c'est sur cette base-là que c'est élaboré, le 10 %, et, par la suite, lorsque le film est entré en production, ça sera ajusté en fonction des coûts réels.

Le Président (M. Rioux): Donc, le 10 % est...

Mme Veilleux (Lucille): Donc, à la baisse éventuellement s'il y avait des coûts moindres. Évidemment, si le budget devait baisser, comme on dit, donc, tout va être en proportion.

Est-ce que je pourrais en profiter, peut-être, pour répondre à une question de Mme Beauchamp de tantôt concernant la proportion des retombées sur les créateurs? On parle de 10 % pour un producteur, un maximum de 10 %, sur une base x; l'auteur et le réalisateur se partageront 8 % du même budget, sur la même base. Alors, le producteur a le bénéfice d'un maximum de 10 % et l'auteur et le réalisateur pourront bénéficier d'un 4 %, 4 % chacun, calculé sur la même base pour un long métrage.

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur, quand est-ce que vous allez élargir vos largesses aux sociétés sans but lucratif qui n'ont pas... Ceux qui vont frapper à votre porte ne trouvent pas de réponse chez vous. Dans les consultations que vous allez faire avec vos commissions bientôt, est-ce que vous allez examiner cette possibilité-là de venir en aide à des sociétés sans but lucratif?

M. Lafleur (Pierre): Écoutez, M. le Président, d'une part, nous soutenons certaines sociétés à but non lucratif. Je vous donne l'exemple des festivals: film, cinéma. Je vous donne l'exemple des associations professionnelles...

Une voix: Les salons du livre.

M. Lafleur (Pierre): ...les salons du livre en région, etc. Nous aidons également, à même nos programmes de financement – je l'ai rappelé la semaine dernière lors de la présentation de l'impact des 20 ans du fonds de dotation consenti initialement à la SODEC – nous soutenons les secteurs des arts de la scène, etc.

Le Président (M. Rioux): C'est ponctuel, quand même. Ce n'est pas dans votre culture de faire...

M. Lafleur (Pierre): Écoutez, je pense que je vais être obligé de prolonger finalement le discours de Mme Marie Lavigne, d'entrée de jeu, la semaine dernière, pour les travaux de la commission parlementaire. Quelque part, il y a eu une logique d'application qui découlait de la politique culturelle et des entendements communs qui étaient ressortis à ce moment-là. On a fait ce qu'on appelle une partition du monde en fonction d'objectifs idéologiques qui correspondaient, pour le ministère de la Culture et des Communications, à des notions d'accessibilité culturelle, qui correspondaient, pour le Conseil des arts et des lettres, à une distance critique et à une prise en charge par les milieux artistiques de leur développement culturel et qui correspondaient, pour la SODEC, au regroupement des différents secteurs constituant les entreprises culturelles et au regroupement des différents outils de façon à avoir un tout intégré dans un guichet unique. Encore faut-il savoir quels seraient les organismes à but non lucratif qui seraient intéressés à venir à la SODEC.

(17 h 20)

Peut-être juste pour terminer, M. le Président, il faut éviter quand même le piège de créer quelque part une impression où des organismes pourraient se déplacer selon leur gré, d'un côté ou de l'autre, en se disant: On ira au plus fort. C'est pour ça, je pense, que c'est important que les créneaux soient bien identifiés, puis les dédoublements, s'ils ont pu arriver dans quelques cas mineurs et ont été réajustés, il faut s'assurer que les corridors soient relativement étanches par rapport à ceux-là.

Le Président (M. Rioux): M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Je veux vous parler de la FIDEC. Ce n'est pas clair dans ma tête. Tantôt, madame a donné quelques chiffres. La FIDEC est dotée de 46 000 000 $, dont 20 000 000 $ viennent du gouvernement. La FIDEC ne donne aucune subvention de fonctionnement. C'est pour les projets d'envergure, disons des projets où il y a beaucoup de risques, notamment pour l'exportation. On parle de crédits d'anticipation. O.K. J'aimerais que vous m'éclaircissiez là-dessus. Qu'est-ce que c'est qu'un crédit d'anticipation? Tantôt, quand on a parlé du 3 900 000 $ par rapport au 17 200 000 $, est-ce que c'est relié à ça? Parce qu'il y a des risques qui sont plus grands, donc on anticipe? Et, «at large», du rôle de la FIDEC. Seulement ça.

Mme Girard (Roxane): O.K. Je pense qu'on va commencer par les crédits d'anticipation. En fait, ça s'adresse essentiellement à la production audiovisuelle. Ce genre d'outil financier là existe à peu près depuis cinq ans, surtout en Europe puis aux États-Unis. L'objectif d'un crédit d'anticipation, c'est de permettre à un producteur de ne pas avoir à compléter entièrement sa structure avant de produire un film, parce que, en fait, lorsqu'un producteur vend un long métrage, ou une série, basé sur seulement le scénario, il va le vendre moins cher que lorsqu'il vend un produit fini. Alors, depuis quelques années, les Anglais ont développé ce genre d'outil qui permet au producteur... et ça lui coûte assez cher, mais il se dit: Je préfère aller financer une partie de la structure de financement de ma production pour éventuellement avoir de plus grandes ventes sur le marché international. C'est ce qu'on appelle un crédit d'anticipation. Donc, on prête un certain montant basé sur des estimations de ventes futures d'une production audiovisuelle.

M. Bergeron: Donc, c'est basé sur un futur qui peut être très aléatoire.

Mme Girard (Roxane): Bien, oui et non. Je pense qu'effectivement il y a toujours un risque. Dans ce cas-ci, on parle bien d'un risque de ventes, parce que tous les autres risques sont déjà circonscrits, le risque d'achèvement, de dépassement sont assurés par d'autres partenaires. Effectivement, c'est risqué, parce qu'un film peut ne pas rencontrer les objectifs de ventes qu'on avait estimées, mais ça peut facilement être bien circonscrit, puisque, dans le fond, on ne prête pas l'équivalent du total de ventes estimées. Par exemple, sur un estimé de ventes de 2 000 000 $, on peut accepter d'en prêter l'équivalent de 600 000 $ ou 800 000 $. Donc, le risque est quand même bien circonscrit et bien analysé par les spécialistes qui sont en lien constant avec les agents de ventes qui connaissent bien le marché international et qui sont en mesure de dire: Un film avec un devis à tel montant peut générer un montant x de ventes en Asie, un montant y de ventes en Inde, etc. Parce que ces agents-là sont constamment dans le monde à vendre ces produits-là.

M. Bergeron: Ma deuxième question: La FIDEC, si vous me brossiez rapidement, à grands traits, un tableau, le rôle de la FIDEC, tout ça. Est-ce que c'est trop large, comme question?

Mme Girard (Roxane): Bien, écoutez, je pense qu'un des principaux outils est celui-là, donc le crédit d'anticipation. La FIDEC estime son chiffre d'affaires, depuis sa création, à 35 000 000 $. C'est un 35 000 000 $ de chiffre d'affaires au niveau de ce genre de crédit là qui, en fait, avant, si on veut, était ailleurs, n'était ni au Québec ni au Canada, puisqu'il se faisait en Europe ou aux États-Unis.

M. Bergeron: Parfait.

Le Président (M. Rioux): Merci. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci. Quelques petites questions pour terminer. On vous a posé la question: Quand allez-vous vous ouvrir aux OSBL? Mais j'ai envie de vous demander quelle est votre réaction à la recommandation de Mme Lavigne de modifier la Loi du Conseil des arts et des lettres du Québec pour lui permettre d'intervenir auprès d'entreprises qui ne sont pas à but non lucratif.

M. Lafleur (Pierre): Bien, écoutez, là-dessus, je voudrais bien savoir de quelles entreprises il s'agit, puisque, autant du côté du Conseil des arts que de la SODEC, les balises législatives sont claires, les balises de programmes sont relativement claires.

Mme Beauchamp: Mais vous avez entendu comme moi cette demande de modification législative?

M. Lafleur (Pierre): Malheureusement, je n'étais pas présent à ce moment-là.

Mme Beauchamp: D'accord. La question de l'observatoire, tout le monde en parle, mais c'est extrêmement flou. On parle des fois d'observatoire du livre, par exemple. Des fois, on parle d'observatoire de façon plus globale, carrément sur la culture. Ma question, c'est: Comment vous le voyez? Rapidement. Mais surtout: Où est-ce que vous le placez? Sous la responsabilité de qui?

M. Lafleur (Pierre): O.K. Écoutez, on a, depuis quelques années, entendu de plusieurs secteurs la nécessité de mettre en place un observatoire. Dans le cas de la politique du livre, suite au Sommet sur le livre, les milieux de l'édition et du livre ont exprimé le besoin de mettre en place un observatoire du livre pour voir justement l'évolution du livre sur nos marchés domestiques, sur les marchés internationaux, le positionnement de nos éditeurs, etc.

Dans d'autres secteurs... Jusqu'à tout récemment, au moment où j'étais au ministère de la Culture et des Communications, j'ai mené la consultation en concertation avec la SMQ sur le projet de politique muséale. Encore là, on parlait d'un observatoire de muséologie. On parle d'observatoire dans le secteur de la danse, du théâtre, etc. Compte tenu de ce qu'on peut appeler l'interpénétration des différents secteurs, qui est de plus en plus manifeste, de plus en plus évidente, ce qu'on appelle la transmédiatisation des secteurs, quelque part il faut avoir une lecture d'ensemble, il faut avoir une lecture d'ensemble avec un tronc commun, avec des éléments spécifiques qui correspondent à chacun des secteurs. Et le projet qui est sur la table à l'heure actuelle, qui est à l'étude, n'est pas localisé à la SODEC, ou au ministère de la Culture et des Communications, ou au Conseil des arts et des lettres. C'est beaucoup plus sous l'idée d'un consortium, en association avec l'Institut de la statistique du Québec, de chercheurs universitaires, etc. Nous sommes à élaborer le cadre de financement de cela et l'échéancier d'implantation de cela.

Parallèlement à cela, le dossier de l'observatoire du livre est un dossier concret qui est en train de connaître des phases d'implantation et de réalisation. Je vais laisser Bernard Boucher, si vous le permettez, M. le Président, répondre de façon plus spécifique à cette question-là.

Mme Beauchamp: Je vous demanderais de le faire rapidement, parce que c'est notre dernier bloc d'intervention. Donc, j'ai une autre question.

M. Boucher (Bernard): Tout brièvement, c'est que, après le Forum du livre et après le Sommet sur la lecture, nous avons entrepris un travail spécifique dans le domaine du livre dans l'esprit d'inclure le travail du livre dans l'éventuel observatoire de la culture et des industries culturelles. C'est un travail à l'heure actuelle qui se situe principalement dans une enquête de conjoncture avec l'Institut de la statistique sur la valeur des ventes au détail dans le domaine du livre au Québec, qui serait une publication mensuelle. Les outils de cueillette sont en cours d'élaboration. Les premières cueillettes vont commencer bientôt. Donc, nous pourrons déjà avoir une première enquête de conjoncture récurrente qui pourra nous donner un premier instrument qui sera lié au marché au détail. Mais, comme M. Lafleur vient de le dire, il y a un ensemble, à partir de la création, de la valeur de la production, des emplois créés, du marché au détail, de l'exportation, il y a donc une foule, et multipliez ça par autant de domaines qu'il y en a à la SODEC et autant de domaines culturels qu'il y en a, donc il y a un chantier considérable à mettre en place.

(17 h 30)

Mme Beauchamp: Je veux maintenant peut-être revenir sur d'autres propos qu'on a entendus au cours des derniers jours, c'était un peu sur l'attitude de la SODEC dans son rôle de banque d'affaires. On a entendu Les Bouquinistes du Saint-Laurent, on a entendu, par exemple – ah oui! – l'Académie du théâtre raconter des choses qui... Si ce n'était pas triste, ce serait amusant, mais c'était plutôt triste d'entendre la SODEC exiger des lettres de garantie provenant d'autres institutions gouvernementales, refusant même comme garantie une commandite de Loto-Québec qui est une institution gouvernementale puis exigeant une lettre de garantie du Conseil des arts et des lettres avant d'octroyer un prêt, et ça, après 10 à 12 mois. On a entendu Les Bouquinistes du Saint-Laurent, etc.

Tantôt, madame disait: On n'est pas une banque d'affaires comme les autres, on est une banque d'affaires de développement. Ma réaction, c'est: Il faudrait se brancher. On est une banque d'affaires comme les autres, avec des critères rigoureux de gestion, et tout ça, qu'on peut comprendre, ou on est une banque d'affaires de développement. Mais il ne faudrait peut-être pas deux poids, deux mesures. Et ça, ça donne une impression, à ce moment, d'iniquité dans l'attitude que vous avez par rapport à différents secteurs dans votre rôle de banque d'affaires.

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur.

M. Lafleur (Pierre): Voulez-vous qu'on prenne les dossiers l'un à la suite de l'autre, parce qu'il s'agit de deux dossiers, de façon spécifique, Mme la députée?

Mme Beauchamp: Je pense que ça peut être intéressant pour les organismes qui sont venus, mais malgré que je ne veux pas... Ma question, elle est plus globale. Ce que j'ai entendu, c'est deux attitudes différentes face à différents secteurs d'intervention. Un certain: Je suis une banque de développement, je peux prendre beaucoup de risques dans le domaine du cinéma au nom de: il n'y a pas beaucoup de films québécois ou je veux de la production télévisuelle québécoise sur mes écrans et donc je prends un risque. Et, à un autre bout: Je ne suis même pas capable d'aider une entreprise à effacer un certain déficit puis j'exige une lettre de garantie du CALQ en ayant refusé à l'avance une lettre de Loto-Québec. Tu sais, ça fait deux poids, deux mesures, vraiment.

Donc, ma question est plus globale, mais peut-être que ça intéresserait nos organismes d'entendre vos réponses précises.

M. Lafleur (Pierre): D'une part, rapidement, avant de céder la parole à Roxane Girard plus spécifiquement sur la banque d'affaires, il y a une différence, je pense, entre les investissements qu'on consent via l'aide sélective au cinéma, sur la notion de risque, par rapport à la notion de risque qui est liée à la banque d'affaires que gère la SODEC.

Je laisserais Mme Girard, sur la question de la banque d'affaires.

Mme Girard (Roxane): Je pense que c'est une première clarification importante. On parle d'investissement en cinéma. Dans le cas d'une banque d'affaires, on parle plutôt de financement. Alors, moi, je vais vous parler de financement. Vous l'avez bien dit, vous avez dit: Financer un organisme pour éponger son déficit. On considère que, si on parle à un banquier, le banquier, normalement, n'aurait pas à financer un déficit. On peut...

Mme Beauchamp: Écoutez, là, c'est le danger de rentrer dans le détail...

Mme Girard (Roxane): Non, non, mais, écoutez...

Mme Beauchamp: ...mais ils vous demandaient un soutien financier le temps qu'ils épongent leur déficit. Je pense que c'est plus comme ça qu'il fallait l'entendre et non pas que vous subventionniez l'Académie. Ils demandaient un instrument financier le temps qu'ils puissent éponger leur déficit. C'était clair dans leur présentation. Ils ne demandaient pas une subvention directement à la SODEC, là.

Mme Girard (Roxane): Oui. Mais, en fait, lorsqu'on examine le plan d'affaires d'une entreprise ou d'un organisme, on s'assure qu'il y a une expectative raisonnable de pérennité. Et malheureusement, quand cette pérennité-là ne peut pas être assurée, je dirais, par sa croissance, son chiffre d'affaires ou sa capacité à générer des revenus, cet organisme-là est tributaire, si on veut, des subventions qu'il recevra des différents organismes. On ne peut pas prévoir que l'Académie aurait pu éponger son déficit sans l'aide d'une subvention. Si cette subvention-là n'arrive pas, on pourrait être accusés à tort de lui avoir prêté de l'argent qu'elle ne recevra jamais.

Mme Beauchamp: Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous avez refusé comme garantie la commandite de Loto-Québec et pourquoi ça a pris 10 mois avant de demander, finalement de trouver la solution qui était une lettre de garantie de la part du CALQ? Mais comment on peut refuser comme élément indiquant qu'ils sont en train de se structurer le fait que Loto-Québec, une institution gouvernementale, croit en eux et investit en eux?

Une voix: ...

Mme Beauchamp: Pardon?

Le Président (M. Rioux): Est-ce qu'il y a une réponse?

Mme Girard (Roxane): Écoutez, je ne suis pas au courant du refus de la commandite de Loto-Québec. Ce que je peux vous dire toutefois, c'est que les délais ont été aussi longs justement pour aider l'entreprise à se structurer. On a travaillé avec elle conjointement et avec la Caisse qui a aussi accepté d'escompter la subvention, et on a bien fait comprendre à l'entreprise quels étaient ses besoins pour réussir à éponger ce déficit-là. Ça a été fait en collaboration avec l'entreprise, et peu à peu on a réussi à lui faire comprendre comment elle devait se structurer.

Mme Beauchamp: Écoutez, c'est juste comique, mais je vais arrêter là. Mais vous me dites: On l'a aidée. Puis eux ont dit: Ils ont failli nous faire mourir. Tu sais, ça fait comme deux discours pas mal différents.

Si vous permettez, juste à la fin, pourquoi un nouvel outil financier pour le patrimoine immobilier? Et c'est vraiment une question ouverte sans préjugé: À quoi ça va servir? Et est-ce que ça veut dire que l'État devient propriétaire de nouveaux bâtiments?

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur.

M. Lafleur (Pierre): Écoutez, Mme la députée, je vais répondre rapidement à votre question. Quand je suis entré en poste, c'était une des perspectives pour l'année 2000, la création d'une société en commandite avec des fonds gouvernementaux et des fonds privés pour assurer une certaine forme de protection du patrimoine, une rentabilité culturelle, compte tenu de notre patrimoine, notre cheptel immobilier, et une rentabilité économique, le cas échéant.

Moi, ce que je dis par rapport à cela, je continue l'engagement de mon prédécesseur, mais je veux davantage documenter, au regard d'une étude de faisabilité, la véritable viabilité d'une société comme celle-là, les champs dans lesquels elle serait appelée à exercer et en tenant compte des joueurs qui existent à l'heure actuelle, la SOMHADEC du côté de Québec, la Société de développement de Montréal, le fait que le ministère de la Culture et des Communications gère un portefeuille de 20 000 000 $ au regard du patrimoine religieux, etc., voir, donc, de quoi il s'agit.

Nous avons entrepris cette réflexion-là pour la bonne et simple raison que la SODEC, à même son bureau de la capitale nationale, a développé une expertise relativement substantielle en patrimoine au cours des dernières années et que, comme je le rappelais tout à l'heure, développer des outils financiers qui ont des impacts et culturels et économiques, c'est d'amener finalement des perspectives d'autofinancement de la SODEC au profit des entreprises culturelles. Je donnais l'exemple des métiers d'art tout à l'heure. Je ne dis pas que c'est quelque chose qui va se faire, mais c'est quelque chose qui est en réflexion sur la table chez nous à l'heure actuelle.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe, il y aurait peut-être une minute et demie. Il faudrait que vous soyez très rapide et très succinct.

M. Dion: Très, très, très rapide. Vous avez parlé tout à l'heure d'une possibilité. Vous travaillez sur un programme de crédits d'impôt, nouveau crédit d'impôt à l'édition. On a beaucoup entendu parler quand même du problème qu'ont les auteurs à faire respecter leurs droits d'auteur. Souvent, les auteurs disent: On n'a même pas le moyen de poursuivre pour faire respecter nos droits. Alors, la question que je me pose: Est-ce que c'est pensable que, à l'intérieur d'un nouveau programme de crédits d'impôt, il y ait des dispositions qui favorisent, ou qui facilitent, ou qui rendent plus réel le respect des droits d'auteur pour les auteurs?

M. Lafleur (Pierre): Je vais demander à M. Stéphane Cardin de répondre à cette question-là, parce que le travail qu'on fait à l'heure actuelle sur les crédits d'impôt est relativement avancé.

Le Président (M. Rioux): M. Cardin.

M. Cardin (Stéphane): Bien, évidemment, on ne pourra pas dévoiler en ce moment les paramètres d'un programme dont on vise l'adoption dans le prochain budget. Toutefois, il est clair que...

M. Lafleur (Pierre): C'est dommage.

Mme Beauchamp: C'est vraiment dommage.

M. Cardin (Stéphane): Ça serait un bon scoop, ça.

Une voix: ...

M. Cardin (Stéphane): Non, tout ce que je peux dire là-dessus, c'est qu'évidemment...

Une voix: ...

M. Cardin (Stéphane): Pardon?

Le Président (M. Rioux): C'est une belle tribune pour annoncer quelque chose.

M. Lafleur (Pierre): On laissera la ministre l'annoncer, le cas échéant.

M. Cardin (Stéphane): Je voudrais tout simplement affirmer que, dans l'ensemble des crédits d'impôt que l'on gère, évidemment, une partie de notre travail, c'est s'assurer que la chaîne de titres pour une oeuvre quelconque, qu'elle soit du visuel, dans le temps, multimédia, le disque, le spectacle, et ce serait le cas avec l'édition, que la chaîne de titres soit libre et claire, donc que le producteur ou, dans ce cas-ci, l'éditeur détienne les droits, et je ne dis pas «droits d'auteur», mais bien les droits nécessaires à la production et l'exploitation de l'oeuvre. Ceci étant dit, en plus, comme les crédits d'impôt sont versés sur de la main-d'oeuvre, évidemment, il serait raisonnable de prévaloir que, dans un cas comme celui-ci, le crédit d'impôt porterait sur l'à-valoir, en partie à tout le moins, l'à-valoir versé aux auteurs.

Le Président (M. Rioux): Oui, une dernière remarque.

M. Boucher (Bernard): Une petite précision concernant le respect des droits d'auteur. Les maisons d'édition qui ont droit à des aides de la SODEC sont des maisons d'édition agréées et sont agréées auprès du ministère de la Culture. Pour obtenir l'agrément, il faut déposer la preuve qu'on a acquitté ses droits d'auteur. Et, deuxièmement, lorsqu'une maison d'édition obtient une aide de la SODEC, elle doit signer une déclaration solennelle comme quoi elle a aussi respecté ses droits d'auteur. Donc, en ce sens-là, il y a deux mesures qui font que les maisons d'édition aidées par la SODEC, on a une garantie morale qu'elles ont respecté le droit d'auteur.

Le Président (M. Rioux): J'aimerais, en terminant, M. Lafleur, dire que je regrette amèrement ce qui s'est passé au sujet des articles publiés dans les journaux, en particulier dans Le Devoir . La collaboration que nous avons eue du Vérificateur général, c'était vraiment un document... ce n'était pas un rapport, il faut bien le préciser. Le Vérificateur général nous a aidés à mieux comprendre la problématique financière de la SODEC et aussi nous a amenés à poser des questions qui nous permettent de faire sortir un peu d'information.

(17 h 40)

À deux reprises, lors de votre premier passage et encore aujourd'hui, vous avez parlé de démocratisation de la culture et de l'accessibilité des Québécois à la culture et aux arts. Vous avez dit, lors de votre première visite, qu'il y avait une recherche à faire, une recherche en vue de trouver un équilibre entre la création et la business, au fond, l'industrie. Moi, ce que je souhaite ardemment, c'est qu'avec vos commissions vous puissiez vous pencher là-dessus, parce qu'il y a vraiment un équilibre à chercher, je pense, tous ensemble pour que la création ne soit pas pénalisée ou écrasée par la business. Je sais que c'est important. Vous manipulez et vous gérez des gros budgets. Vous aidez le développement. Bien, enfin, personne n'a demandé de doubler votre budget.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Rioux): Alors, je souhaite que ça demeure une grande préoccupation de la SODEC, d'essayer de trouver cet équilibre-là en ce qui a trait à l'aide à octroyer à la création, à l'industrie et aux industries culturelles.

M. Lafleur (Pierre): Si vous me permettez une dernière intervention, M. le Président. Je vous ai parlé des commissions du Conseil national du cinéma et de la télévision. Depuis bientôt deux ans, l'année dernière pour certaines commissions, nous avons une représentation d'artistes également, de façon à s'assurer que le débat se fasse dans des équilibres, en toute équité, en toute connaissance, au-delà d'intérêts corporatifs.

Le Président (M. Rioux): M. Lafleur, je voudrais vous remercier, ainsi que les gens qui vous accompagnaient aujourd'hui. Je pense que ça a été une séance fructueuse.

M. Lafleur (Pierre): Tout à fait.

Le Président (M. Rioux): On était très heureux qu'on puisse avoir cette deuxième chance de vous rencontrer et de vous interroger. Je pense que les réponses que nous avons eues étaient claires. En tout cas, on en est très satisfaits. Merci infiniment et bonne chance dans vos mandats.

M. Lafleur (Pierre): Merci beaucoup.


Mémoires déposés

Le Président (M. Rioux): Alors, je voudrais, à ce moment-ci, déposer la liste des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus par la commission. Alors, dans ces documents, il y a le Conseil québécois du patrimoine vivant; il y a également à venir un mémoire de l'organisme. Ensuite, Terres en vue, relativement à la diffusion de la culture autochtone. Il y a le Conseil québécois des arts médiatiques; Fortin, Patrice; le Groupe Analekta, Angèle Dubeau; la Société pour la promotion de la relève musicale de l'espace francophone; et l'Union des artistes.

Alors, vous pouvez maintenant disposer, les gens de la SODEC. Nous, on va poursuivre nos travaux entre nous.


Remarques finales

Alors, Mme, MM. les députés, nous allons maintenant procéder aux remarques finales. Les députés qui ont le goût d'exprimer un certain nombre de remarques sur l'ensemble des travaux que nous avons tenus jusqu'à maintenant, ça nous fera plaisir d'entendre les propos que vous avez à tenir, et on vous écoute. Mme la députée de Sauvé?

Mme Beauchamp: Non, je préférerais qu'on respecte la tradition installée.

Le Président (M. Rioux): La tradition? Oui? M. le député de Saint-Hyacinthe.


M. Léandre Dion

M. Dion: M. le Président, je serai très bref parce qu'on a eu quand même deux semaines de travail intensif qui nous ont été très, très profitables, je pense. Je profite donc de l'occasion pour remercier tous les collègues, de ce côté-ci et de l'autre côté, pour le climat dans lequel ce travail-là s'est fait. Je pense que c'était sensible, c'était perceptible, que tout le monde faisait ce travail-là dans un seul et unique but, c'est que la culture ait toute la considération qu'elle mérite en termes d'intervention gouvernementale. Alors donc, c'est des remerciements. Et je pense que la dernière réflexion que vous avez faite, M. le Président, à l'effet que l'industrie tire sa source, sa valeur et son rayonnement de la création de l'auteur, de l'artiste, est tout à fait indiquée, et je serais porté à dire: Je persiste et signe.

Le Président (M. Rioux): Merci. M. le député d'Iberville.


M. Jean-Paul Bergeron

M. Bergeron: Écoutez, je trouve qu'on vient de vivre des moments forts de démocratie parce qu'on a permis aux gens de s'exprimer. Les gens l'ont fait sans contrainte et avec sérieux, sans fausse démagogie et sans complaisance. Le fait de recevoir cet après-midi les deux principaux organismes subventionneurs, le CALQ et la SODEC, ça a bien clôturé. Et, en même temps, moi, j'ai été agréablement surpris par la qualité des réponses et par le sérieux de la SODEC; Lafleur et sa gang avaient des réponses à tout, et on voit que c'est sérieux, leur affaire. Si, à quelque part, des fois, ils ont des critiques, bien je pense qu'ils sont pris un petit peu dans le système, comme le CALQ l'est aussi.

Le Président (M. Rioux): Merci, M. le député. M. le député de Marguerite-D'Youville.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Oui. Je pense que le travail qu'on vient de faire au cours des deux dernières semaines non seulement va porter fruit, parce que nous allons nous pencher sur une problématique qui est d'actualité, c'est-à-dire la manière la plus efficace de soutenir la culture, la culture qui, autour de cette table, bien sûr bénéficie d'un préjugé favorable, encore faut-il que, au-delà de l'injection pure et simple de nouveaux fonds, nous nous assurions que ces fonds vont véritablement venir enrichir les grandes orientations de la politique culturelle du gouvernement du Québec.

Et je terminerai en remerciant tous les groupes et les individus qui se sont présentés devant nous, en soulignant que le travail que nous avons fait, certainement, ceux qui suivent les discussions et les échanges de notre commission auront noté que ces travaux se sont déroulés dans un contexte non pas partisan, mais dans un contexte plutôt soucieux d'explorer des avenues d'amélioration de nos sociétés d'État qui ont pour mandat de soutenir la culture. Et c'est dans cet esprit-là que nous allons maintenant compiler les renseignements que nous avons obtenus et les points de vue que nous avons reçus pour émettre des recommandations qui, je l'espère, refléteront ce que nous avons entendu.

(17 h 50)

Le Président (M. Rioux): Merci, M. le député. M. le député d'Anjou.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Oui, très rapidement, M. le Président, pour suivre un peu ce que mes collègues ont fait, je pense, remercier tous les groupes qui sont venus devant nous témoigner. Je vous dirais très succinctement que ce qui m'a frappé, moi, un jeune Montréalais, quelqu'un qui est né dans la région de Montréal, qui habite là depuis 25 ans, pour moi, le plus gros choc que j'ai eu dans cette commission-là, c'est de réaliser à quel point la culture québécoise, c'est difficile de la vivre en région, qu'elle soit connue ou qu'on puisse la vivre. C'est un constat, moi, qui m'a frappé, de voir l'engagement extraordinaire des groupes, particulièrement en région. C'est du bénévolat, de l'acharnement du matin jusqu'au soir pour faire vivre notre culture, et ça, c'est une réalisation, pour moi, je vous dis, qui est majeure. C'est de voir à quel point, dans le fond, il va falloir se pencher là-dessus, je pense, pour les semaines à venir, au niveau de nos réflexions. Parce qu'on est très bons pour exporter notre culture québécoise outre-mer, mais, quand j'entends que des gens du Québec, en région, sont incapables d'avoir accès à des films ou à des festivals, je me pose des questions. Ça m'a frappé beaucoup, puis j'ai hâte de voir la suite des événements quant à notre commission.

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, M. le député. Mme la députée de Sauvé.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci. Bien, moi aussi, je pense que mes premières remarques vont vers l'ensemble des intervenants, le CALQ, la SODEC, mais aussi l'ensemble des intervenants. Parce qu'il faut réaliser que le milieu culturel, les artistes, les industries, mais peut-être plus particulièrement les créateurs ont produit des mémoires d'une très grande qualité, puis on a vu, on a pu constater dans quelles conditions de travail ou de vie ils sont. Je pense qu'il y a là un effort très méritoire et qui, moi, m'a grandement impressionnée, puis je tiens à les remercier. Je tiens aussi à vous dire que ça a été six jours très agréables, M. le Président, je vous remercie; M. Jolicoeur, secrétaire de la commission; également Christina, du service de la recherche. Ça a été, je pense, un travail basé sur le professionnalisme.

Je vous dirais que ce qui m'a, moi, de mon côté, le plus interpellée, c'est la description de la situation concrète, réelle dans laquelle vivent nos artistes et créateurs québécois. L'autre chose qui m'a frappée, c'est que la troisième consultation en importance dans l'histoire de l'Assemblée nationale, soit la consultation ayant mené à la politique culturelle du Québec, je pense que ça a été, à l'époque, un effort important, une consultation extrêmement importante mais qui est solide, dont les racines sont solides. On a entendu maintes et maintes fois les gens du milieu nous répéter que c'était une bonne politique culturelle et qu'entre autres le CALQ et la SODEC étaient des éléments structurants qui, dans la mesure du possible, accomplissaient leur mission.

Je vous dirais que j'ai, moi, personnellement, des inquiétudes quant aux crédits alloués, c'est-à-dire aux budgets qu'on met concrètement en culture. J'ai des inquiétudes quant à la multiplication des guichets en ce moment non seulement à travers des politiques de développement régional ou des choses comme ça, mais carrément aussi de nouveaux guichets qui interpellent directement le milieu de la culture. Et là je parlais plus, donc, du Conseil des arts et des lettres et de ses multiples revendications qu'on a entendues pour l'augmentation de son budget.

Quant à la SODEC, je pense qu'il faut entendre et se rappeler le bilan positif qui a été fait par plusieurs représentants de différentes industries et aussi le bilan positif, de fait, de leur cadre consultatif, les différentes commissions qui ont été mises sur pied. Moi, je garde des réserves quant à, j'ai envie d'appeler ça le contrôle de la qualité à l'interne, les différents outils dont ils se sont dotés. Et aussi, moi, personnellement, j'ai des inquiétudes quant, un peu, à l'interventionnisme de l'État dans différents secteurs, qui ne semble pas toujours être fait dans un grand souci de cohérence du développement culturel.

Puis je terminerais en disant que la principale chose que j'ai entendue, c'est aussi que la culture soit vraiment considérée comme un élément essentiel du développement de notre société québécoise. Et le fait qu'on a aussi interpellé, dans le cadre de cette commission, le ministère de l'Éducation, par exemple, le ministère des Finances et tout autre intervenant, il y a un appel là-dedans à ce que la culture québécoise prenne tout à fait sa place et soit pleinement reconnue. Merci à tous.


M. Matthias Rioux, président

Le Président (M. Rioux): Merci beaucoup, Mme la députée. Moi, je ne veux pas répéter ce qui a été dit, parce que ça a été brillamment fait, mais ce qui est frappant, c'est que le soutien à la culture est éparpillé dans de nombreuses instances qui souvent travaillent de façon concurrentielle, et non seulement concurrentielle, mais non complémentaire. Ça, c'est un premier problème: comment assurer un meilleur arrimage. Ça, ça a été soulevé et dit très souvent.

L'autre chose. On a découvert aussi que la politique culturelle en ratisse large. C'est une politique qui a donné naissance à beaucoup de programmes et même fait naître des organismes, tant et si bien que cette politique-là a tellement fait de petits qu'aujourd'hui elle a de la difficulté à les nourrir. Moi, ça m'a frappé, ça, je dois avouer. Et les groupes, au fond, poliment nous ont dit: Il y a peut-être une incohérence là-dedans entre la politique et ce qu'elle véhicule comme objectif et espoir et les petits moyens qu'on met à la disposition des organismes pour réaliser ces grandes politiques.

Moi, je pense aussi que le CALQ et la SODEC vont sortir grandis de l'expérience parce que ce qui a été dit sur eux ne remet pas leur existence en cause, bien au contraire. Mais, cependant, ils ont des choses à améliorer, il y a des méthodes à changer, il y a une gestion qui doit être faite un peu plus... Et, moi, je prends juste l'exemple, et je voudrais juste illustrer ma pensée par ce petit exemple: lorsque la SODEC demande, par exemple, une lettre de garantie au CALQ pour subventionner un organisme, il y a quelque chose de bizarre là-dedans. D'ailleurs, M. Lafleur semblait assez malheureux de tout ça. J'espère qu'avec ses commissions il va réussir à régler ce genre de folie, parce que ça jette un discrédit et ça n'améliore pas l'image d'un organisme subventionnaire à caractère public.

Je voudrais vous remercier toutes et tous et vous dire que le rapport qui va sortir de ces travaux-là, je ne vous dis pas que ça va être un grand moment de l'histoire de la culture au Québec, mais ça sera peut-être une belle occasion d'interpeller le gouvernement et ses institutions – je pense au ministère de la Culture – qu'il y a des correctifs à apporter. Là comme ailleurs, il n'y a rien de parfait.

Alors, merci, tout le monde, et on va lever cette séance sine die.

(Fin de la séance à 17 h 58)


Document(s) associé(s) à la séance