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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 4 juin 2002 - Vol. 37 N° 43

Étude détaillée du projet de loi n° 104 - Loi modifiant la Charte de la langue française


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures cinquante et une minutes)

Le Président (M. Beaumier): Nous pouvons commencer nos travaux. Alors, le mandat de la commission de la culture pour cette séance est de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 104, Loi modifiant la Charte de la langue française.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Kelly (Jacques-Cartier) remplace Mme Beauchamp (Sauvé) et M. Pelletier (Chapleau) remplace Mme Gauthier (Jonquière).

Étude détaillée

L'officialisation et la francisation

La francisation des entreprises (suite)

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup. Alors, je vous rappelle que, au moment où nous avions ajourné nos travaux, vendredi dernier, nous avions adopté les articles de 1 à 18... ou les articles 1 à 18. Nous avions convenu de suspendre les articles 18 à 21 inclusivement et nous avions entrepris d'étudier l'article 22. Alors, nous sommes à l'article 22. J'attends les interventions. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, pour que nous puissions travailler, commencer ces travaux aujourd'hui du bon pied, je referais la lecture de l'article 22, qui se lit comme suit:

22. L'article 137 de cette Charte est modifié par le remplacement, dans la première ligne du premier alinéa, des mots «Le tiers» par les mots «La moitié».

Donc, le sens de cette modification est à l'effet de revoir la composition des comités de francisation dans les entreprises employant 100 personnes ou plus afin de prévoir un meilleur équilibre entre les travailleurs et les employeurs en rendant leur représentation paritaire. Et il s'agit également d'une recommandation qui a été appuyée et supportée par la Commission des états généraux et par d'autres intervenants également. Alors, nous en étions là, je crois.

Le Président (M. Beaumier): Oui, merci. Alors, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Je repose ma question, M. le Président, là-dessus. C'est: Le motif qui fait qu'on passe du tiers à la moitié... Je me rappelle de ce qui était dit dans le rapport Larose. Évidemment, c'est une décision qui n'est pas appréciée de la même façon selon qu'on est du côté patronal ou du côté syndical. Est-ce que ça va avoir un impact sur la qualité des programmes, l'efficacité de la certification et de la francisation? Pourquoi est-ce qu'on passe du tiers à la moitié?

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je crois qu'une des constatations de la commission Larose et de plusieurs intervenants est à l'effet que, d'abord, les enjeux les plus importants au sujet de la place du français au Québec concernent l'utilisation du français dans les milieux de travail, que c'est là un enjeu relativement important qui doit nous interpeller.

On le sait, on a fait des progrès très importants au sujet du français comme langue d'enseignement, qu'on a réussi complètement à renverser la situation qui prévalait au début des années soixante-dix. Il y a eu, évidemment, dans plusieurs grandes entreprises qui étaient particulièrement visées... Parce qu'il faut comprendre que la loi, la Charte de la langue française a été bâtie autour d'obligations modulées en fonction de la taille des entreprises.

Un des mécanismes qui avait été identifié à l'époque, qui nous apparaît toujours pertinent, c'est cette idée que dans des entreprises soit obligatoire la formation de comités de francisation, donc qu'il y ait une dynamique, qu'il y ait une démarche organisée impliquant évidemment la participation des travailleurs et, bien entendu, celle des représentants des entreprises.

Et donc, une des constatations du rapport Larose et de plusieurs intervenants, c'est qu'il y a encore beaucoup de défis quant à la question de l'utilisation du français dans les milieux de travail et qu'une des manières ? ce n'est pas la seule et ça ne remplit pas tous les objectifs ? mais une des manières de redonner du souffle à cette dynamique qu'il doit y avoir dans les entreprises au quotidien sur la question de la francisation est d'essayer de renforcer le rôle des comités de francisation.

Je rappellerai qu'actuellement dans la Charte de la langue française l'article 136 décrit le mandat du comité de francisation. Alors, je réfère le député d'Outremont au deuxième alinéa de l'article 136 où on nous dit que «le comité de francisation procède à l'analyse linguistique de l'entreprise et en fait rapport à la direction de l'entreprise pour transmission à l'Office. S'il y a lieu, il élabore le programme de francisation de l'entreprise, en surveille l'application. Il doit, lorsqu'un certificat de francisation est délivré à l'entreprise, veiller à ce que l'utilisation du français demeure généralisée à tous les niveaux de l'entreprise selon les termes de l'article 141.

«Le comité de francisation peut créer des sous-comités pour l'assister dans l'exécution de ses tâches.»

Et je vous rappelle que l'article 136 actuel de la Charte de la langue française prévoit que la composition soit d'au moins six personnes et que le tiers de ses membres, du comité de francisation ? et ça, c'est précisé à l'article 137 ? doit représenter les travailleurs de l'entreprise.

Alors, l'objet de l'article 22, c'est de passer du tiers à la moitié de représentants qui seraient des représentants des travailleurs, et, le but avoué de cela, c'est ? je reviens avec ce concept ? de redonner une valeur, redonner du souffle, donner le goût également aux travailleurs de s'impliquer dans ces débats sur la francisation dans une entreprise, et nous croyons que la parité des comités peut nous aider à rencontrer cet objectif.

Le Président (M. Beaumier): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Donc, le Conseil du patronat... dans son rapport, le Conseil du patronat est en désaccord profond, disent-ils, avec cette mesure qui risque de faire perdre davantage de terrain à la cause du français en milieu de travail dans les entreprises déjà certifiées. «Mettre l'accent sur le processus n'est pas, à notre avis, la meilleure solution. Ce dont les entreprises ont davantage besoin, c'est de soutien et de support. La francisation doit demeurer, à notre avis, une responsabilité de l'entreprise et non devenir l'otage de débats patronaux et syndicaux», là.

La ministre nous dit que le raisonnement derrière, c'est que, plus vous avez de pouvoir, plus vous êtes intéressés à participer à un processus, là. Mais... Enfin, il y a une divergence de points de vue importante ici entre les représentants de l'entreprise et le représentant du milieu syndical.

Et est-ce que c'est vrai que «la francisation doit demeurer, à notre avis, une responsabilité de l'entreprise et non devenir l'otage de débats patronaux et syndicaux»? C'est-à-dire que, la certification, tout le processus, là, de certification et de francisation étant maintenant un processus paritaire, est-ce que ça sera un processus plus conflictuel, moins conflictuel qu'actuellement? Est-ce que ça sera un processus qui donnera lieu à une meilleure qualité de programmation du changement?

Dans le rapport Larose, il n'en est pas vraiment... on ne s'est vraiment pas posé ces questions-là, là. Donc... Ici, il y a un biais en faveur des syndicats, et, moi, je n'ai rien contre qu'on ait des biais syndicaux, là. J'en ai eu dans ma vie puis j'en ai encore. Je suis toujours un social-démocrate, n'est-ce pas? Mais je trouve que dans ce cas-ci c'est loin d'être motivé à ma satisfaction.

Il y a, bien sûr, du côté du Conseil du patronat, une objection, un désaccord profond. Alors... Même ces gens-là doivent savoir un peu de quoi ils parlent. Mais là on y dit que ça devrait donner plus le goût aux travailleurs de participer. Alors, à ce moment-là... Mais ça, évidemment, est-ce que c'est le goût des travailleurs? C'est ça, le sens du processus, que les travailleurs aient le goût d'y participer, ou est-ce que ça va avoir un impact sur la qualité du processus, sur son harmonie de déroulement? Il y a des questions ici auxquelles la partie ministérielle ne répond pas, à mon avis.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, effectivement, on a constaté que le Conseil du patronat du Québec est en désaccord. Il dit ? je reprends la formulation de leur mémoire: «Cette mesure qui risque de faire perdre davantage de terrain à la cause du français en milieu de travail dans les entreprises déjà certifiées, mettre l'accent sur les processus, n'est pas, à notre avis, la meilleure solution.»

n(12 heures)n

Écoutez, moi, je ne suis pas en accord avec la position du CPQ là-dessus, là. Pour bien des questions, je peux être en accord avec le CPQ, mais je ne suis pas d'accord... je ne sais pas où le biais du CPQ, à l'effet qu'il ne faut pas mettre l'accent sur les processus, que ça risque de faire perdre du terrain à la cause du français. Il ne faut quand même pas charrier, là; puis là, à mon avis, il y a un petit peu de charriage. Écoutez, regardons d'autres expériences.

D'abord, la francisation, ultimement, bien sûr que la responsabilité appartient à l'entreprise, c'est bien évident. Mais ce que la loi, la Charte de la langue française a fait ? et, à ce que je sache, on n'a certainement pas fait la démonstration que c'était une erreur ? c'est de dire, à certains moments, à certaines étapes cruciales de démarches de francisation: C'est intéressant d'avoir une dynamique autour de représentants d'un employeur ou d'une entreprise et de représentants des travailleurs. C'est une valeur ajoutée.

On a fait le même constat dans le dossier de la santé et sécurité au travail. Vous savez qu'il y a cette idée ? dans les dossiers de santé et sécurité au travail et surtout dans la loi, cette idée ? de comité paritaire axé sur la résolution de problèmes qui concernent la santé et la sécurité dans une entreprise. Et, ça aussi, ça a été une valeur ajoutée.

Quand le CPQ dit: Mettre l'accent sur les processus n'est pas la meilleure solution, écoutez, je ne veux pas revenir à des données ou à des concepts de base, assez fondamentaux tant qu'à moi, mais il me semble ? et je ne suis pas une grande sociologue, je ne prétends pas ça, mais il me semble ? que souvent la qualité des résultats, hein, les résultats qu'on a dans le dossier, est souvent tributaire à la qualité du processus: Comment on fait les choses, en général, nous dirige vers de meilleurs résultats. Alors, ce n'est pas un défaut, ça, de mettre l'accent sur les processus.

Autre chose. Je le rappellerai, le député et le CPQ ont posé cette question-là d'introduire la parité dans les comités de francisation, dans un angle d'analyse patronale-syndicale. Nous, on parle ici, là, d'une composition du comité de francisation à moitié de travailleurs. Alors, entreprise syndiquée ou pas, là, ce n'est pas ça, le débat. L'important ? c'est ce qu'on dit ? c'est qu'il doit y avoir une dynamique riche et constructive. En impliquant donc les travailleurs, on peut avoir cette dynamique qui va nous donner un peu plus de chance quant à la qualité des résultats.

L'autre chose qu'il faut se rappeler, c'est que... regardons également des expériences dans d'autres secteurs. J'ai parlé du domaine de la santé et sécurité; regardons le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. Il existe au Québec, à une large échelle, des comités patronaux où ce sont des entreprises qui sont représentées et des travailleurs qui sont représentés ? et je conviens dans ce cas-là qu'en général ce sont des travailleurs issus de grandes organisations syndicales ? qui ont pour mandat d'essayer de mieux définir et surtout de mieux répondre aux besoins de formation de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité. Et on s'est rendu compte que ça fonctionnait bien parce que les projecteurs, ils sont tournés vers un sujet: celui de la formation de la main-d'oeuvre. Et c'est le même cas ici, les projecteurs...

Alors, quand le CPQ dit: Ça va devenir l'otage de débats patronaux-syndicaux, écoutez, un comité de francisation n'a pas pour objet de discuter de convention collective ni de conditions de travail puis est-ce qu'on augmente le salaire, puis est-ce qu'on change les heures de travail, etc. On dit: Il y a une démarche qui est en dehors de la négociation des conditions de travail, parce que sinon on va contaminer négativement le dossier de la francisation. On parle d'une démarche en dehors justement de cette dynamique, parce que, si elle est au coeur de négociations de conditions de travail, c'est là qu'on risque de rater notre coup. Alors, l'idée donc, c'est d'avoir... et ça, c'est démontré, l'expérience tend à en témoigner. Lorsque j'étais responsable de l'organisation à Emploi-Québec, on gérait ces comités sectoriels de main-d'oeuvre, et, honnêtement, je n'ai jamais vu de chicane là. Pourquoi il n'y en avait pas? Parce qu'il y avait un sujet à l'ordre du jour.

C'est la même chose pour la francisation. On dit: Donnons-nous une démarche où on va s'appuyer également sur les travailleurs, qui disposent d'informations, qui voient, eux, les problèmes de francisation, qui disent même: Il arrive des fois qu'on a nous-mêmes des mauvais plis, hein, par rapport à l'utilisation du français dans leur entreprise. Parce que des mesures de francisation, ça concerne la direction d'une entreprise, mais ça peut concerner aussi les processus de production, les manières de faire, les manières d'être en relation avec les clients.

Donc, les travailleurs sont aussi une source d'information qui est très précieuse pour une entreprise qui a à avoir des résultats quant à la francisation de son établissement. Alors, c'est l'esprit de cet amendement.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre.

M. Laporte: Non, mais il reste encore une objection de fond, là-dedans, là. Ça a toujours été ma position là-dessus, M. le Président, c'est que tout dépendra du niveau de ? disons, j'emploierai ce mot sans aucune prétention ? «confliction» des rapports patronaux-employés; je ne parle pas des rapports patronaux-syndicaux.

Dans les entreprises où les rapports patronaux-employés sont non conflictuels ou sont des rapports d'harmonie, de bonne entente, je pense que l'augmentation du pouvoir des employés devrait produire les effets dont parle la ministre. Mais, dans les entreprises, évidemment, au Québec, il y a eu une diminution, disons, du taux de rapports conflictuels au sein des entreprises, mais il en reste encore tout de même, et ça reste encore conflictuel, c'est conflictuel dans sa nature. Je pense que, dans les entreprises où il y a conflit entre le patronat et ses employés, la parité risque, à mon avis, de donner lieu à une lutte de pouvoir qui pourrait être néfaste pour l'opération de francisation.

Donc, encore ici, la ministre fait la comparaison avec la santé-sécurité au travail. Les enjeux ne sont pas évidemment les mêmes, dans un cas comme dans l'autre, là. Moi, je trouve que ce n'est pas motivé, je ne vois pas quelle est la... Je pense qu'il y a des aspects, il y a des risques que cette mesure pourrait faire encourir au processus de francisation qui, à mon avis, n'ont pas été examinés avant de prendre cette décision-là, et, moi, je suis bien d'accord avec le Conseil du patronat que ce qu'il faut, c'est plus du soutien, de l'aide, de l'information plutôt que de la parité. En tout cas, la parité peut être bonne dans certains contextes, mais elle peut aussi être néfaste dans certains autres contextes. Donc, moi, à moins qu'on me convainque du contraire, je pense que je vais voter sur division.

Mme Lemieux: Oui. Je voudrais faire une dernière remarque là-dessus. D'abord, écoutez, dans une loi, quelle qu'elle soit, je crois qu'on ne peut pas avoir... Parce que, à la limite, si j'allais au bout du raisonnement du député d'Outremont, notre article se lirait un peu à la manière suivante, en disant: Il y a des comités paritaires... il y a des comités de francisation, ils sont paritaires. Mais, si jamais les relations de travail sont difficiles dans l'entreprise, vous pouvez passer à côté. Ça ne marche pas comme ça, la vie.

C'est un mécanisme, bien sûr, qui est obligatoire, mais, en même temps, qui est mis à la disposition des entreprises qui ont des défis particuliers à relever en ce qui concerne la francisation. Je crois que les gens nous ont beaucoup dit ? ça a été vrai notamment de certains représentants syndicaux: Il faut trouver une manière de mettre un peu plus de dynamisme dans cet outil-là qui est à la disposition des entreprises et surtout à la disposition de cet objectif d'une plus grande, une plus large francisation d'un plus grand nombre d'entreprises. Ça améliore donc les conditions dans lesquelles s'exerce cette démarche quand une entreprise s'engage dans une démarche de francisation.

Alors, je crois qu'on ne peut pas avoir deux poids, deux mesures, et, je le répète... Et, moi, j'ai vu des cas où véritablement les employeurs, les représentants des employeurs et les représentants des travailleurs ont été des partenaires et ont eu un succès. Évidemment, ce n'est pas une révolution, là, d'arriver à mettre le doigt sur des correctifs à apporter au sujet de la francisation, mais ils ont eu des succès fort intéressants qui, au contraire, ont eu des effets positifs sur le reste. Le fait d'avoir un succès sur quelque chose, un sujet qu'on contrôle bien, qui est dans des conditions un peu plus contrôlées, un sujet qui est plus limité, qui ne s'étend pas à toutes sortes de dimensions, ça peut également avoir des effets positifs.

Alors, comme je le dis, on ne peut pas aller au bout du raisonnement du député d'Outremont, en disant: Bien là, si le monde se chicane, par ailleurs, on n'en fera pas. Alors, c'est un outil, puis nous avons l'occasion de le bonifier, de le renchausser, d'y donner un peu plus de vie, de vigueur. Alors, je ne vois pas pourquoi on passerait à côté de cette occasion.

n(12 h 10)n

Le Président (M. Beaumier): Bien.

M. Laporte: Non. Mais, M. le Président, moi, je n'ai pas d'objection à ce que la ministre utilise des arguments ad absurdo, mais il ne faudrait pas me prendre pour un niaiseux, là. C'est-à-dire que ce n'est pas ce que je dis, là. Depuis le début de ces débats-là, là, elle a tendance à prendre le député d'Outremont pour un niaiseux, là. Ce n'est pas ça que j'ai dit, là, qu'il devrait y avoir dans certains contextes trois puis, dans certains contextes, pas de parité... Ce que je dis, là, c'est que, là où les relations sont conflictuelles, la parité risque d'intensifier la «confliction», la conflictualité des rapports entre employeurs et employés et d'avoir certains impacts sur le processus de francisation.

Je pense que, dans le cas des comités qui sont voués à la question de la santé et de la sécurité, la problématique n'est pas la même, là. C'est-à-dire que les travailleurs, syndiqués ou non, ont tendance, ont évidemment intérêt à arriver à des arrangements avec l'entreprise parce que c'est des questions de santé puis de sécurité qui sont en jeu, là.

Ici, on... Écoutez, c'est des questions de, disons, d'utilisation du français, de francisation de manuels, de terminologie. Ce n'est pas comme la question de savoir si vous allez crever, disons, d'une maladie pulmonaire ou pas, là. Donc, moi, ce que je revendique, ce n'est pas qu'on contextualise l'application de la parité versus le tiers. Je dis que je ne vois pas pourquoi on ne s'en tient pas tout simplement au statu quo, puisque le statu quo...

S'il y a des problèmes avec le fonctionnement des certificats... Ça, c'est un autre commentaire que je fais, là. Si on observe ? et ça, je pense qu'à l'Office on l'a observé à maintes reprises ? que la participation des travailleurs aux comités de francisation ou que le niveau de vitalité des comités de francisation n'est pas ce qu'il devrait être, il y a certainement beaucoup de facteurs qui expliquent ce déficit des comités de francisation, en plus de cette question du tiers ou de la moitié, là.

Donc, moi, je ne suis absolument pas convaincu que cette décision-là est une décision dans le meilleur intérêt de la francisation, puis ce n'est pas parce que j'ai des attitudes antisyndicales ou anti-employés, là. C'est tout simplement parce que je me dis que... Je reviens toujours à mon argument de fond, à savoir que les mesures, non motivées ou motivées, qui... des mesures motivées mais qui ne me convainquent pas, je ne vois pas pourquoi j'y donnerais mon aval. C'est tout. Et, dans ce cas-là, je ne suis pas convaincu. Je ne suis pas convaincu, mais il ne faut pas, M. le Président, me réduire au statut de niaiseux, là. Vous comprenez ce que je veux vous dire, là? On va dire, bon...

Mme Lemieux: Mais, M. le Président...

M. Laporte: Le député d'Outremont, il dit: On va l'utiliser dans le contexte a mais pas dans le contexte b, là, tu sais. Ce n'est pas ça que je veux dire.

Mme Lemieux: M. le Président, le député d'Outremont sais très bien que ce n'est pas ça que j'ai dit. Mais il n'y a pas de solution, à ça, de dire... Quand le député d'Outremont dit: Il y a des fois que les conditions optimales de la mise en place d'un comité de francisation, elles ne sont pas là. Bien sûr, j'en conviens, mais il n'y en pas, de solution. Ou bien il y en a, les comités, ou il n'y en a pas. Et on ne peut pas moduler ça. C'est insoluble, le problème qu'apporte le député d'Outremont, c'est-à-dire à l'effet qu'il arrive que des fois les conditions dans lesquelles s'implante ce genre de processus ne sont pas les conditions les plus idéales.

Par ailleurs, je conviens tout à fait que le fait de renchausser, de renforcer les comités de francisation n'est pas le seul élément en termes de représentativité des travailleurs, n'est pas le seul élément ou le seul facteur qui peut dynamiser, là. Je conviens que c'est une contribution qui est modeste. C'est un ensemble de choses; c'en est une. Je conviens également que les comparaisons avec les comités paritaires dans le domaine de la santé et sécurité ne représentent pas le même niveau de dangerosité, si je peux m'exprimer ainsi. Mais, en même temps, je dirais que le dossier de la langue, on ne peut pas le traiter d'une manière nonchalante parce qu'il n'y a pas une question de vie ou de mort, là, comme c'est le cas dans certains cas, évidemment, en santé et sécurité. On ne peut pas se permettre, parce qu'il y a moins de questions vitales au sens vie humaine du terme, de le traiter avec nonchalance.

Et je dirais ? et ça, ce n'est pas négligeable: La francisation a aussi pour objet de faire en sorte que les travailleurs comprennent ce qu'ils ont à faire. Et ça s'est vu; moi, j'en ai vu, des cas, dans une entreprise de mon comté, où tous les manuels étaient en anglais. C'étaient des travailleurs qui étaient ce qu'on appelle non spécialisés, qui avaient à faire des opérations; il y a des fois ils ont été mal pris. Alors, ça force le jeu quand un comité de francisation où il y a des travailleurs puisse nommer ce genre de problème puis dire: Écoutez, là, on a des gens qui ne maîtrisent pas beaucoup l'anglais, qui, même, ont des difficultés de lecture. Donc, on a des enjeux, là.

Alors, je veux bien, là... je sais bien qu'on ne peut pas comparer, on ne peut pas mettre au même niveau les dossiers de santé et sécurité que celui de la langue, mais on ne peut pas être nonchalants non plus par rapport à ça, parce que là c'est la survie... ce n'est peut-être pas la survie individuelle dont on parle, mais on parle de la survie d'une langue en Amérique, et tous les gestes comptent pour pouvoir sécuriser le français dans un contexte où nous sommes en Amérique.

Le Président (M. Beaumier): Bien.

M. Laporte: Mais, encore là, M. le Président, ce n'est pas une question d'être nonchalants puis de dire qu'utiliser des manuels avec une terminologie scientifique, technique anglaise qui est mal comprise... Écoutez, l'Office a fait des études là-dessus, sur l'impact de la francisation sur la productivité, bon, et puis l'importance d'avoir des manuels français, et ainsi de suite, là; la question n'est pas là, là.

La question, c'est que, depuis les toutes premières années de l'application de la Charte de la langue française, on entend toujours la même rengaine, à savoir que les comités de francisation, ça ne fonctionne pas tel que prévu. Moi, j'aurais aimé qu'on me dise exactement pourquoi ça ne fonctionne pas tel que prévu et puis qu'on essaye de les faire fonctionner mieux que ce qu'ils fonctionnent dans la réalité. Mais là on nous dit: Ça ne fonctionne pas tel que prévu, puis, pour les faire fonctionner encore mieux, il va falloir qu'on passe à la parité plutôt qu'au tiers.

Moi, je ne suis pas convaincu de ça. Je pense que ça peut avoir des effets ? je n'aime pas le mot «d'effets pervers», parce qu'on l'emploie trop souvent dans un sens moral, là, ce n'est pas dans le sens où on l'emploie, dans un sens technique ? mais ça peut avoir des effets inattendus ou non souhaitables sur la certification et sur la francisation, que, dans certains cas où les rapports sont conflictuels, tout bloque, tout bloque, parce que ça peut être le patronat qui décide d'utiliser le contexte de conflit pour mettre... pour, disons, contrarier les demandes des travailleurs, ou ça peut être le contraire.

Donc, moi, je pense que c'est un autre exemple d'une mesure, d'un changement qui n'est pas motivé autrement qu'en disant: Oui, bien, écoutez, ça pourrait peut-être être un truc qui marcherait. Mais, moi, j'ai l'impression que le problème du fonctionnement et du fonctionnement efficace des comités de francisation, c'est un problème beaucoup plus compliqué et dont la solution est beaucoup plus difficile à trouver que celle qui consiste à faire passer la représentation des travailleurs du tiers à la moitié, là; c'est ça que je veux dire, là. Alors, ce n'est pas le...

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, moi, je crois que je ne peux rien ajouter de plus, là. Je pense que j'ai bien expliqué l'intention que nous avions en apportant cet amendement, et, visiblement, on doit constater que, l'opposition et du côté ministériel, on ne s'entend pas sur cette question-là. Bon. Alors, on peut en parler pendant des heures, là, mais c'est ça.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Alors, est-ce que je comprends qu'on procéderait à l'adoption de l'article 22? Est-ce que l'article 22 est adopté?

M. Laporte: Sur division.

Le Président (M. Beaumier): Sur division. Bien. Alors, article 23.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, avant l'article 23, je voudrais apporter un amendement.

Le Président (M. Beaumier): Bien sûr.

Mme Lemieux: En ajoutant l'article 22.1. Et j'avertis le député d'Outremont que je ne suis pas si sûre qu'il va apprécier mon amendement, considérant la discussion que nous venons d'avoir. Ha, ha, ha! Mais il faut s'assumer, dans la vie.

M. Laporte: C'est ça...

Mme Lemieux: C'est ce que je vais faire. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Excusez, étant donné que je viens de le lire bien rapidement, là, ce serait peut-être important que tous les membres aient l'amendement.

Alors, je vais suspendre quelques minutes pour pouvoir faire faire les photocopies.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

 

(Reprise à 12 h 21)

Le Président (M. Beaumier): La commission reprend ses travaux. Alors, nous avons un amendement au projet de loi qui consiste à insérer, après l'article 22, l'article 22.1. J'inviterais peut-être la ministre à le lire et puis à l'expliquer, au besoin. Merci.

Mme Lemieux: Alors donc, insérer, après l'article 22, le suivant:

22.1. Cette Charte est modifiée par l'insertion, après l'article 137, du suivant:

«137.1. Les représentants des travailleurs qui sont membres du comité ou d'un sous-comité peuvent, sans perte de salaire, s'absenter de leur travail le temps nécessaire pour participer aux réunions du comité ou d'un sous-comité ainsi que pour effectuer toute tâche requise par le comité ou le sous-comité. Ils sont alors réputés être au travail et doivent être rémunérés au taux normal.

«Il est interdit à un employeur de ne pas rémunérer, de congédier, de mettre à pied, de rétrograder ou de déplacer un travailleur pour la seule raison qu'il a participé au comité de francisation... ? je me reprends ? pour la seule raison qu'il a participé aux réunions du comité ou d'un sous-comité ou effectué des tâches pour eux.

«Un travailleur qui se croit victime d'une mesure interdite en vertu du deuxième alinéa peut exercer les droits prévus au deuxième ou troisième alinéa de l'article 45, selon le cas.»

Donc, le sens de cet amendement, c'est de venir protéger les représentants des travailleurs qui sont membres des comités de francisation. Et j'ajouterais qu'il y avait deux préoccupations qui m'apparaissaient importantes: un, avoir une représentation paritaire, même si on a convenu tout à l'heure que le député d'Outremont n'acquiesçait pas à cette analyse; c'est son droit. Alors, ça, c'est le premier problème. Le deuxième problème, c'est qu'on s'est rendu compte à l'usage que, lorsque des travailleurs participent, qu'ils soient au tiers ou à la moitié du comité de francisation, le problème était le même, hein, lorsqu'ils participent à des comités de francisation, il y avait dans certains cas un certain flou artistique faisant en sorte qu'il n'était pas clair que le travailleur était protégé, qu'il était considéré être au travail, comme c'est le cas notamment en santé et sécurité.

Écoutez, lorsque, sur un comité de francisation, une entreprise ou un employeur désigne son V.P. aux ressources humaines, ou peu importe, on peut présumer que cette personne est dans le cadre de ses fonctions. Alors, l'idée, c'est d'établir ce climat-là, là, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté autour de la participation des travailleurs. C'est donc l'esprit de l'amendement que je propose. Évidemment, le problème, je le répète, le problème, il existait. Ce flou-là existait, qu'on parle de la participation au tiers des travailleurs aux comités de francisation ou à la moitié, cette clarification-là s'avérait tout de même nécessaire.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont? Oui.

M. Laporte: Oui. Juste un point de clarification, parce que, sur le contenu de la disposition, là, on est d'accord, parce que, de toute façon, c'est un vieux problème dont on nous a souvent fait... qui a été porté à l'attention de l'Office à maintes reprises, là. Mais qu'est-ce qui arrive dans le cas où «un travailleur qui se croit victime d'une mesure interdite en vertu du deuxième alinéa peut...» Il exerce ses droits comment? Il se plaint devant qui?

Une voix: Le Tribunal du travail.

M. Laporte: Devant le Tribunal du travail?

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, effectivement, le dernier alinéa de l'amendement que je propose... Je le cherche, là. D'abord, je veux rassurer le député, là. La formulation qui est proposée, elle est tout à fait dans la même lignée. Par exemple, la Loi sur la santé et sécurité, la Loi sur l'équité salariale, c'est ce même type de formulation. On n'a pas été très, très original, là. On est allé dans les standards habituels.

Et l'article 45 prévoit... c'est donc un article de recours, là, qui est déjà prévu à la Charte de la langue française où on dit, à cet article, qu'«il est interdit à un employeur de congédier, de mettre à pied, de rétrograder, de déplacer un membre de son personnel pour la seule raison que ce dernier ne parle que le français ou qu'il ne connaît pas suffisamment une langue donnée autre que la langue officielle ou parce qu'il a exigé le respect d'un droit découlant des dispositions du présent chapitre.» Donc...

Et quand on fait appel aux recours, il y en a deux qui sont prévus. Ils sont prévus aux deux alinéas qui suivent ce premier alinéa de l'article 47. Alors: «Le membre du personnel qui se croit victime d'une mesure interdite [...] ? donc, dans ce cas-ci, la mesure qui est prévue à l'article 22.1 que je propose ? lorsqu'il n'est pas régi par une convention collective, peut exercer son recours devant un commissaire du travail.»

Et: «Lorsqu'il est régi ? là, je résume, là, on se comprend, je résume les dispositions ? lorsqu'il est régi par une convention collective, il...» soumet son grief à l'arbitrage.

Alors, ça aussi, ce sont des mesures assez standard.

Le Président (M. Beaumier): Merci.

M. Laporte: À moins que mon collègue ait un commentaire...

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Chapleau.

M. Laporte: ...moi, je suis bien d'accord.

M. Pelletier (Chapleau): Non, non, M. le Président. Mon collègue a tout dit. C'est un amendement avec lequel nous sommes d'accord et qui semble aller dans le sens de l'équité dans le domaine des relations de travail.

Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, est-ce que l'article 22.1 amené par l'amendement est adopté?

M. Laporte: Adopté.

Le Président (M. Beaumier): Adopté. Alors, article 23.

Mme Lemieux: Alors, oui, M. le Président. L'article 23 se lit comme suit:

23. L'article 139 de cette Charte est modifié par le remplacement, dans la première ligne du troisième alinéa, du mot «douze» par le mot «six».

Alors, cette modification a donc pour objet de ramener à six mois plutôt que 12 le délai accordé à une entreprise pour transmettre à l'Office québécois de la langue française son analyse de la situation linguistique. Cela permettra une mise en place plus rapide de tels programmes. Donc, il n'y a pas d'autres éléments, à l'article 36, qui sont... à l'article 139, pardon, qui sont modifiés, sauf le délai. Et, pour engager ce débat, j'aimerais donner un certain nombre d'informations à nos collègues de cette commission.

Parce que je sais qu'il y a eu des commentaires à l'effet: Est-ce que c'était judicieux de ramener cette période où une entreprise doit fournir l'analyse de sa situation linguistique de 12 mois à six mois? Il y a eu un certain nombre de questions à ce sujet. Alors, partageons un peu une information, une information, là, qui date du 4 juin 2002. Elle provient de l'Office de la langue française. Alors, ce qu'on dit, c'est que, un, le délai moyen pour l'analyse linguistique est de 10,57 mois; bon, mettons 10 mois. Pour les dossiers actifs, là ? on parle de 3 714 dossiers ? donc, les entreprises qui ont l'obligation de déposer une analyse de leur situation linguistique, en général, ça prend une dizaine de mois à fournir cette analyse de la situation linguistique. Sur l'ensemble de ces entreprises, 51 % de ces entreprises fournissent leur analyse de la situation linguistique en moins de six mois ? 51 %; il y a 21 % qui prennent entre six et 12 mois pour déposer cette analyse de la situation linguistique, et 27 % qui prennent plus de 12 mois.

Alors, l'idée derrière cette proposition est assez simple, elle est... et je comprends également que ce sont des statistiques qui sont établies sur plusieurs années d'observation et d'expérience, là. Ça semble le portrait: plus de la moitié des entreprises fournissent cette analyse de la situation linguistique en moins de six mois, et il y a une autre moitié ? ça se partage, là ? entre six et 12 mois, et d'autres vont jusqu'à 12 mois et plus.

Donc, l'esprit pour quoi on apporte cette recommandation, c'est une recommandation qui nous a été faite par la Commission des états généraux, et je ne vous cacherai pas qu'elle m'a été également proposée par l'Office de la langue française, qui actuellement est au coeur de l'application de la Charte de la langue française, et l'Office a véritablement identifié cet élément-là comme un plus, comme une manière de travailler plus fort et plus intensément autour de cette partie d'entreprises qui, pour toutes sortes de raisons, prennent plus de temps.

n(12 h 30)n

Alors donc, pour la moitié des entreprises, il n'y en a pas, de problème. De toute manière, cette opération-là se complétait dans un délai de six mois. Mais on a à voir... on doit être clair quant à nos exigences pour l'ensemble des entreprises, et, de ramener le délai, ça force le jeu, si vous me permettez cette expression, et ça permet de travailler plus rapidement. Parce qu'on peut supposer que les entreprises qui prennent plus de temps, il y a deux raisons: ou bien elles sont nonchalantes, ça ne les intéresse pas, elles ne s'en occupent pas, ou je ne sais quoi, ou bien il y a des éléments plus difficiles dans cette opération-là.

Alors, ça permet de travailler plus rapidement, de manière ciblée auprès des entreprises qui, pour toutes sortes de raisons, ont de la difficulté à livrer cette première étape de francisation. Voilà.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Cette question-là, c'est une question extrêmement difficile, M. le Président. J'ai eu tantôt une conversation là-dessus avec un des employés de l'Office. Dans le rapport de l'Office de l'an 2002 ou 2001, on présente une observation qui est tout à fait ? comment dirais-je? ? paradoxale. On montre, on présente une courbe sur l'évolution de la fréquence de certification, et là on parle de certification finale, c'est-à-dire qu'on ne parle pas d'analyse linguistique, mais on montre une courbe sur la présence de certification dans les entreprises depuis 1990. Et ce qu'on observe, c'est qu'à partir de 1997 la fréquence de certification, c'est-à-dire la fréquence d'obtention par l'entreprise du certificat attestant que le français y occupe le statut prévu par la loi, compte tenu des nuances à faire qui ont à voir avec les conditions particulières de l'entreprise... on observe que cette fréquence de certification, d'obtention du certificat final diminue. La courbe est comme ça, elle monte comme ça puis, rendue à 2,97, il y a un petit déclin comme ça, qui va jusqu'en 2002.

On me dit que ça a peut-être à voir avec le fait qu'il y a plus d'entreprises qui entrent dans le circuit, qu'il y a plus d'entreprises de 50 qu'antérieurement, étant donné l'expansion économique, ou l'expansion industrielle, et ainsi de suite, et c'est peut-être vrai. Mais ce qu'on observe, c'est que, depuis 1997, il y a un déclin de la francisation, entendu au sens où je l'ai mentionné plus tôt, et on pourrait même dire qu'il y a un déclin de la performance de l'organisme opérateur. Donc, la francisation s'est poursuivie en montant jusqu'en 1997 et, à partir de 1997, il y a un déclin. Je ne sais pas si vous avez retrouvé la statistique...

Mme Lemieux: Oui, je l'ai.

M. Laporte: ...mais je l'ai fort en mémoire. Si on avait un tableau, je pourrais vous l'illustrer, là. Et la question que je me pose ? mais là c'est une question, disons, ce n'est pas une question partisane, c'est purement une question, disons, une question intellectuelle ? la question que je me pose, c'est que, compte tenu qu'on observe ce déclin, qu'est-ce que pourrait être... comment peut-on... quelle prévision, ou quelle anticipation, ou quelle prédiction peut-on faire sur l'impact d'une mesure comme celle-là?

Et là, évidemment, tout dépend de l'interprétation qu'on fait de ce déclin. Si le déclin de la certification ? on ne parle pas d'analyse linguistique, là, on parle du déclin de la fréquence d'obtention d'un certificat qu'on appelait final à l'époque où j'étais à l'Office de la langue française ? si ce déclin est dû à une complexité des... ? parce que, là, la ministre l'a invoqué tantôt ? si ce déclin est dû à une complexité de la situation linguistique qui fait qu'on s'est engagé présumément à faire des programmes de francisation avec des résultats terminaux au cours de la prochaine année ? mais il y en a, disons, comme elle le dit, il y en a 21 % qui vont de six à 12 mois, il y en a 27 % qui prennent plus que 12 mois ? si le déclin tient à la complexité même de l'opération de franciser, suite à une analyse de notre programme, moi, ce que je pense, c'est que cette mesure-là qui réduit, qui raccourcit les délais, qui évidemment crée une pression accrue sur les entreprises, en tout cas pour remettre dans un délai plus court leur analyse linguistique... moi, ce que je crains, c'est que cette mesure-là entraîne, pour certaines entreprises et non pas pour toutes, un processus qu'on appelle le déplacement d'objectif, c'est-à-dire que les gens se mettent à faire des analyses et des programmes dans les délais prévus, mais sans tenir compte de la complexité d'une situation, ou enfin en en tenant moins compte, avec la conséquence ou l'impact éventuel que la qualité des programmes soit moindre que ce qu'elle est ou ce qu'on souhaite qu'elle soit ? je ne dirais même pas «moindre que ce qu'elle a été dans le passé», parce qu'il y en a tout de même, des entreprises qui témoignent déjà de difficultés là-dessus ? et que la qualité de la francisation, entendue comme, par exemple, la probabilité qu'une francisation d'entreprise soit durable, soit stable, on peut avoir un effet de baisse de qualité de toute l'opération.

Et, encore là, je suis tout à fait, disons, dans l'incertitude quant à savoir si ça aura ses impacts ou pas, là, mais je m'interroge, je pense, je m'interroge rationnellement, compte tenu même des statistiques qui viennent de nous être faites, là, sur l'opportunité de cette mesure, du point de vue de l'objectif de produire une analyse, un programme et une opération de francisation qui soient de la plus haute qualité possible. Si, évidemment, tout ça est dû à des faits qu'il y a des augmentations d'entreprises... Mais ça m'étonnerait, parce que la courbe de déclin, elle part de 1997 puis elle va jusqu'en 2002, et le déclin est quasiment continu, sauf que la courbe fait un peu ça, pour reprendre à la baisse ensuite. Ça me paraît autre chose que le résultat, disons, d'un artefact ou d'une... C'est autre chose, à mon avis, que le résultat d'une artificialité statistique.

Il y a un problème dans la francisation des entreprises depuis 1997, et j'aimerais qu'on me fasse la démonstration qu'en augmentant la pression sur l'entreprise et sur les comités on résoudra ce problème. Plutôt que de créer une situation où les gens vont se mettre à faire des analyses, les gens vont se mettre à faire des programmes, les gens vont se mettre à appliquer des programmes parce qu'ils ont des diktats administratifs à rencontrer... Ce ne sera pas nécessairement des meilleures analyses, des meilleurs programmes et puis des francisations plus durables et plus stables dans l'avenir. Il y a un problème, là.

De la même façon qu'il y avait tantôt un problème avec les comités de francisation, qui sont souvent non pas, je pense, comme le dit la ministre, dans un état de nonchalance, mais dans un état d'apathie, n'est-ce pas, parce que la nonchalance, on revient un peu à dire... Nonchalant, c'est quoi, «nonchalant»? On me reprochait ça à l'école primaire, d'être nonchalant. C'est quoi, cette affaire-là? C'est une histoire de bonnes soeurs, ça, là, ou de bons Frères des écoles chrétiennes. Mais il y a un problème d'apathie, c'est-à-dire que les gens manquent d'intérêt, les gens manquent de motivation, les gens sont découragés par une situation pour laquelle ils ont relativement peu de temps à consacrer ou parce qu'ils doivent y consacrer du temps, mais aux dépens de leurs revenus, puis ainsi de suite. Tout ça, ça crée des situations de désengagement, d'apathie, de désintérêt, là.

Et je pense que, de la même façon qu'il y avait un problème avec les comités de francisation, il y a un problème avec la certification; l'obtention d'un certificat final, ça décline. Et là je me dis: Coudon, c'est-u ça, la solution? Ou, comme le dit le Conseil du patronat: Est-ce que c'est de leur donner davantage de ressources, leur donner davantage de soutien, leur donner davantage d'aide, d'expertise? Il dit: Le raccourcissement des délais n'influencera pas les résultats à moyen ou à long terme de la politique et ne constitue, au mieux, qu'une occasion pour l'organisme de contrôle de sanctionner des entreprises pour les retards non voulus. Et ça, c'est exactement un raisonnement ? et là je me place, je parle en sociologue plus qu'en politicien ? qui mène à l'observation du déplacement d'objectif. L'objectif, c'est de produire une francisation durable, et on déplace cet objectif pour produire une analyse, une programmation puis une francisation le plus rapidement possible, c'est-à-dire dans les délais qui nous sont imposés. Donc, encore là, ce n'est pas sûr qu'il s'agisse d'une mesure opportune. Et j'aimerais que la ministre puisse réagir...

n(12 h 40)n

Mme Lemieux: Ça va me faire plaisir.

M. Laporte: Et ce n'est pas une question de me rassurer, M. le Président, parce que je n'ai pas de problème de rassurance. Mais je voudrais qu'on précise, qu'on motive, qu'on justifie rationnellement les décisions qu'on a prises. Pour ce qui est de me faire rassurer, j'ai du monde à Montréal qui sont parfaitement capables de faire ça, au besoin. Mais je n'ai pas besoin d'être rassuré, M. le Président. Je n'ai pas besoin d'être rassuré. Je ne suis pas inquiet. O.K., là? Mais j'essaie de raisonner, de penser à un phénomène, et je dis que, dans ce cas-là, je m'interroge et j'ai des réserves tenaces sur l'opportunité de la mesure.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je comprends que le mot «rassurer» n'est pas un mot à utiliser à ce moment-ci, alors je me mets en garde moi-même, même si je n'ai pas de mauvaises intentions lorsque j'utilise ce mot.

D'abord, au niveau de... lorsque le député d'Outremont nous dit: Je regarde les courbes, je constate que le pourcentage d'entreprises certifiées est en baisse, a été en baisse et que cette baisse-là est identifiée aux années plus ou moins autour de 1997... Bon, sur cette première question là.

Les éléments qui expliquent cela... Effectivement, le nombre de nouvelles entreprises créées, ça semble à la marge. Bon. Ce qui expliquerait ça, c'est qu'il y a eu à ce moment-là une opération de relance très consistante auprès d'entreprises qui n'étaient pas inscrites, donc il y a eu un retour en arrière, et que, au cours de l'année ? là, je ne sais pas si on était au début ou à la fin ? ...mais autour de cette année critique qui apparaît dans nos tableaux, de 1997, il y a 700 entreprises qui sont entrées dans le système, si vous me permettez l'expression, d'un seul coup, parce qu'il y a eu une opération de l'Office de dire: Ah! on réalise que des entreprises, pour toutes sortes de raisons, n'étaient pas inscrites, des entreprises qui pouvaient exister depuis 12 ans ou six mois, là. Alors, d'un coup, il est entré dans le système 700 nouvelles entreprises, si bien que ça a eu des effets sur le taux relatif de certification, hein. Étant donné que là, tout d'un coup, la base n'était plus la même, alors le pourcentage de succès, entre guillemets, était moindre à partir de cette année-là.

Je dirais tout de même au député que le nombre relatif de certifications est toujours... Il n'y a pas une diminution, mais, comme la base, c'est le pourcentage sur le nombre d'entreprises qui ont des obligations, par rapport à cet indicateur de succès qu'est la certification, alors c'est sûr que ça a joué sur le pourcentage.

Je crois comprendre que cette situation actuellement serait régularisée. Ça veut dire qu'on aurait... On est sur une base un peu plus ? je cherche le mot, là ? standard, ou fiable. Mais cette année-là est une année un peu exceptionnelle, puisqu'il y a 700 inscriptions qui sont arrivées d'un coup. Donc, évidemment, ça joue sur le pourcentage de certifications dans l'année 1997 et les années suivantes.

Par ailleurs, sur l'argument de fond du député d'Outremont... Bon, il y a deux grandes étapes qui mènent à la certification. Un, on dit aux entreprises: Vous devez nous produire un diagnostic, une analyse quant à l'utilisation du français dans votre entreprise. Deuxièmement, si des problèmes sont constatés ? je résume, on se comprend, là, je résume un petit peu les passages obligés de la loi ? si des problèmes sont constatés, vous devez apporter des correctifs. Donc, vous devez développer un programme pour corriger ce qui aura été identifié dans l'analyse de la situation linguistique.

Deux échéances sont accordées pour ces deux grandes étapes jusqu'à maintenant, jusqu'à aujourd'hui, là: 12 mois sont prévus à la loi pour faire la première étape, l'analyse de la situation linguistique, et 12 autres mois sont prévus pour le développement du programme qui apporte donc les correctifs. Le député d'Outremont sait que la proposition est double. Là, on examine la réduction du délai de 12 à six mois pour l'analyse de la situation linguistique, mais il sait bien que je fais la même proposition pour le programme, de passer de 12 à six mois. Donc, je pense qu'il faut le voir un peu dans son ensemble.

Comme je le disais précédemment, pour la moitié des entreprises, ces délais-là ne poseront pas de problème, parce que la base historique de l'Office de la langue française nous dit clairement qu'au moins la moitié des entreprises sont tout à fait dans les délais de six mois et qu'il y a des enjeux plus particuliers pour les entreprises... pour à peu près, plus ou moins, la moitié des autres entreprises donc qui iraient au-delà du délai de six mois.

L'objectif... Puis je comprends, là ? même si je ne peux pas utiliser le mot «rassurer» ? je comprends la préoccupation du député d'Outremont. L'objectif, ce n'est pas de créer... d'avoir des analyses de situation linguistique et des programmes fast-food, là: On va vite, puis il faut aller plus vite, puis... Ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif, c'est de resserrer le processus, et, resserrer le processus, ça veut dire, entre autres... On le sait, là, dans nos rôles de député et moi dans mon rôle de ministre, on le sait que, quand on demande à une organisation, quand on demande aux gens qui travaillent avec nous... Si on veut s'assurer des résultats, qu'est-ce qu'on leur dit? Quelle est notre échéance de travail? quand est-ce que je veux tel rapport? quand est-ce que j'aimerais envoyer telle lettre? qu'il me faut un projet de lettre d'ici 48 heures. On le sait que c'est le premier geste à poser pour resserrer un processus, c'est de se donner des échéances. Alors, c'est ça, le sens de cette modification-là.

Et, par ailleurs, il faut dédramatiser, là. Le CPQ dit: Ne constitue pas une occasion pour... «Le raccourcissement des délais n'influencera pas les résultats ? bon, on est toujours sur le même problème, là; je suis persuadée que, si on améliore le processus, on se donne plus de chances d'avoir des résultats qui vont dans le sens de ce qu'on veut ? et ne constitue, au mieux, qu'une occasion pour l'organisme de contrôler, de sanctionner les entreprises.» Là, écoutez, je ne veux pas faire de mauvais jeu de mots, là, mais il n'y a personne qui va en prison parce qu'il est rendu à six mois et deux jours, là.

Et pour ce qui est, par exemple, de l'application d'un programme où il y a des difficultés particulières, l'organisme opérateur, l'organisme en charge de l'application de la Charte de la langue française a toutes les dispositions dans la loi pour être capable de répondre à des réalités un peu particulières, là. Il n'y a personne qui sont des fous, là-dedans, là. Puis, quand il y a des réalités particulières, bien, oui, il peut y avoir... on peut étaler les mesures correctrices, etc.

Alors, je pense qu'il y a une pratique, la loi a des outils raisonnables puis des outils qui nous permettent de faire face aux vraies difficultés, pas aux situations où les gens sont un peu plus nonchalants ou... Puis, en même temps, je ne juge pas, là. Je peux comprendre, pour une entreprise, là, que ça peut les exaspérer de dire: Ah! une autre nouvelle loi à laquelle je dois me conformer, etc., là. Bon. On peut comprendre ça. Mais c'est ça, c'est ça, les obligations qu'on s'est données. Et, pour avoir des résultats puis s'assurer que la langue française, elle est utilisée dans la plus large majorité des entreprises au Québec, bien, il faut se donner des outils puis, entre autres, il faut se donner des échéances. Alors, c'est ça, le sens de la modification.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: D'abord, je dois dire qu'on verra si la courbe de fréquence annuelle de la certification continue à aller dans le sens d'un déclin ou si elle va remonter. Je vous le répète, M. le Président, c'est la courbe comme ça, là. Bien, là, écoutez, en 1997, puis on est rendu à 2002, 2001. Ça fait quatre ans, là. C'est peut-être un effet du changement de condition que la ministre décrit, là, mais encore faudrait-il voir si, à un moment donné, la courbe va se remettre à remonter au niveau où elle était en 1997. Donc, je ne suis pas sûr, là, de l'explication qui nous est fournie, mais enfin ça serait fort intéressant que... On y reviendra plus tard. D'ailleurs, ça serait pas mal intéressant que l'Office nous rende des comptes là-dessus, là.

n(12 h 50)n

Par ailleurs, je continue à avoir une... Enfin, moi, je continue à avoir une réserve là-dessus, là. Et je pense que le Conseil du patronat a mis le doigt sur le problème, pour l'organisme de contrôle de sanctionner des entreprises pour des retards non voulus. En d'autres mots, est-ce qu'il existe toujours à l'Office cette mentalité, cette culture organisationnelle de contrôle, versus une culture organisationnelle d'aide, de service, là, tu sais? Les 27 % d'entreprises qui prennent plus de 12 mois, là, est-ce que c'est vraiment en resserrant l'étreinte qu'on va arriver à les amener, disons, à s'enligner ou si c'est en les examinant comme une clientèle ayant des problèmes particuliers à laquelle il faut offrir des services particuliers, il faut offrir une aide d'expertise particulière?

Et je répète en terminant que, à mon avis, c'est un cas classique de ce qu'on appelle le déplacement d'objectif, là. Il faut bien entendre par là que l'objectif, ce n'est pas de faire des programmes fast-food, là, l'objectif, c'est de faire des programmes de haute qualité. Mais, compte tenu du contexte dans lequel on anticipe l'opération, on oublie l'objectif puis on se met à vouloir atteindre l'autre objectif qui est celui de faire une analyse plus vite, un programme plus vite, une application de programme plus vite, de sorte qu'on se prévient contre le danger de se faire donner un coup de baguette par l'opérateur, qui est un opérateur dont la culture est encore, comme dans beaucoup d'opérateurs étatiques, une culture de contrôle.

Donc, tu sais, ici, là, encore là, je n'ai pas de... je ne suis pas convaincu de l'opportunité de la mesure, d'autant plus ? oui, comme on me le signale maintenant ? que, évidemment, il y a des sanctions de prévues. Mais ma question revient: Vous faites quoi avec les 27 %, là? Vous leur donnez la... Vous faites comme dans les situations scolaires, où on vous donne un coup de règle? Vous augmentez la pression? Vous faites quoi avec ces gens-là? C'est beaucoup, ça, 27 % d'entreprises qui prennent plus que 12 mois pour faire une analyse linguistique, là. On ne parle pas de l'application. La ministre ne nous a pas dit comment est-ce qu'ils prenaient de mois pour arriver, disons, au bout du processus, là. C'est beaucoup, ça, 27 %. Et là on dit: On rétrécit le délai. Les 27 % font preuve de nonchalance; ils vont s'enligner puis ils vont se conformer au délai prescrit.

Je reviens à ce que je disais tantôt. À mon avis, ça risque d'avoir un effet indésirable sur la qualité d'une francisation. Parce qu'il ne faut pas non plus ? je le répète depuis des années ? confondre entre l'attribution d'un certificat de francisation puis une francisation durable, stable, permanente. Et c'est ça qui est l'objectif, c'est de faire en sorte que le changement sociolinguistique à l'intérieur de l'entreprise soit un changement qui soit permanent. Et, pour que le changement soit permanent, il faut que les gens y aient réfléchi, il faut qu'ils aient fait des analyses, il faut qu'ils aient examiné toutes les complexités du changement.

Et, à mon avis, en réduisant les délais, vous allez certainement, oui, vous allez certainement, disons, exercer des pressions pour eux, pour ceux qui se traînent les pieds. Mais est-ce que les 27 %, là, c'est 27 % du monde qui se traînent les pieds, là? La démonstration n'est pas faite. Il y en a peut-être là-dedans qui sont des entreprises de complexité fonctionnelle et, je dirais, sociolinguisticofonctionnelle, ce qui fait que c'est beaucoup trop court pour eux autres, c'est beaucoup plus complexe, à cause, disons, de la diversité de leurs lignes de produits, de l'échelle mondiale de leurs opérations.

Donc, rétrécir les délais, ça va faire plus de paperasse. Il n'y a pas de doute qu'ils vont vous en donner, des programmes puis des analyses conformément aux délais. Mais on n'est pas là pour faire de la paperasse, on est là pour faire de la francisation. Et je reste sur mon appétit quant à l'explication qui nous est fournie par la ministre. Et je répète, M. le Président, que ce n'est pas parce que je suis dans un état d'insécurité, n'est-ce pas, là. Non, non, pas du tout. Mais je trouve que, du point de vue rationnel, c'est loin d'être la meilleure décision et que les réserves du Conseil du patronat devraient être prises au sérieux. L'organisme de contrôle... ça va créer une occasion pour l'organisme de contrôle de sanctionner des entreprises pour des retards non voulus. Bien, il s'agirait d'étudier pourquoi les retards se produisent, pas de leur donner un coup de baguette puis de finalement dire: On rétrécit les délais. Ça ressemble un peu à la baguette, on est d'accord avec ça? Il y a même parmi vous des gens qui sont des anciens professeurs et qui convergent sûrement avec moi là-dessus. Donc, je reste, encore ici, opposé à cette mesure qui, à mon avis, reste une mesure inopportune.

Le Président (M. Beaumier): Bien, M. le député...

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, j'apporterais peut-être deux précisions. La première. Je reviens au phénomène identifié par le député d'Outremont au sujet de l'évolution du pourcentage d'entreprises certifiées. On a identifié que l'année 1997 était une année particulière, je le répète. Une des raisons, donc, parce qu'il y a eu une opération à ce moment-là où on a repéré des entreprises non inscrites, si bien qu'il y a 700 entreprises qui d'un seul coup sont entrées dans la banque de données, influençant donc le processus de certification des entreprises.

Je voudrais ajouter un deuxième élément qu'on vient de porter à ma connaissance. Évidemment, j'ai eu de la misère à identifier lequel des deux phénomènes a le plus d'importance, mais enfin. On m'indique qu'en 1997-1998 l'Office de la langue française a demandé à toutes les entreprises certifiées depuis 1980 ? et je crois comprendre que c'était une disposition qui était prévue dans le projet de loi n° 86... Donc, l'entreprise a refait le tour des entreprises certifiées depuis 1980 afin de produire un rapport triennal, et cette opération-là avait aussi influé sur le volume du nombre d'entreprises. Donc, ça a eu aussi pour effet de diluer les certificats qui étaient accordés au cours de cette année et des années subséquentes.

Finalement, bon, écoutez, je crois que, sur la question de fond, maintenant, au sujet de resserrer un peu les échéances, de passer de 12 mois à six mois, je répète l'importance que, si on veut qu'un processus fonctionne bien, en général, c'est préférable de se donner des échéances. Deuxièmement, nous connaissons le comportement humain: lorsque nous recevons une contravention parce que nous sommes allés trop vite sur la route, en général on paie cette contravention l'avant-veille au mieux ou la veille, hein. Alors, plus l'échéance est longue, plus les processus se mettent en branle tardivement. Alors, l'objectif, c'est de resserrer le processus. Ce n'est pas de taper sur les doigts du monde, c'est de resserrer les processus pour avoir des résultats concluants dans les meilleurs délais.

Et je termine en disant que, quant à moi ? et je crois que c'est l'esprit... Enfin, tous les indices convergent à l'effet que l'esprit dans lequel l'Office travaille est un esprit d'accompagnement des entreprises. C'est ce que je souhaite, c'est ce qu'en général je crois qu'une société comme la nôtre souhaite. Je ne dis pas qu'il n'y a pas quelques cas ? on en a discuté d'ailleurs, au sujet de certaines situations d'actualité attribuables notamment à la Commission de protection de la langue française ? je ne dis pas qu'il n'y a pas quelques cas où on peut discuter des moyens utilisés. Mais, globalement, quand on regarde ? et c'est plus que des indices ? quand on regarde le matériel, quand on regarde la manière de travailler de l'Office, je crois que l'Office est dans une perspective d'accompagnement. Mais, là aussi, on connaît le comportement humain: en général, ce type de loi... parce que la Charte de la langue française était vraiment axée sur une prise en charge des entreprises, on ne voulait pas être strictement dans une dynamique de contrôle. Il faut qu'il y ait certains éléments, dans une loi comme ça, où on est capable de ramener à l'ordre des délinquants, ça, on le sait, mais ce n'est pas le coeur de l'intervention de l'Office, ce n'est pas l'esprit dans lequel l'Office travaille.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. Alors, étant donné l'heure, est-ce qu'on est prêt à adopter l'article 23? Sinon, on reviendra à 15 heures, et il restera deux minutes au député d'Outremont.

M. Laporte: ...on va voter sur division.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Moi, je ne force pas, j'offre. D'accord. Alors, est-ce que l'article 23 est adopté?

M. Laporte: Sur division.

Le Président (M. Beaumier): Sur division. Parfait. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Et vous pouvez laisser ici vos documents, il n'y a aucun problème.

(Suspension de la séance à 13 heures)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Beaumier): La commission de la culture reprend ses travaux pour l'étude détaillée du projet de loi n° 104, Loi modifiant la Charte de la langue française. Et nous étions rendus à l'article 24, et la parole est à la ministre.

Mme Lemieux: Oui, M. le Président. Donc, l'article 24 se lit comme suit: L'article 140 de cette Charte est modifié par le remplacement du deuxième alinéa par les suivants:

«Toutefois, si l'Office estime que l'utilisation du français n'est pas généralisée à tous les niveaux de l'entreprise, il avise l'entreprise qu'elle doit adopter un programme de francisation. Il peut en outre, dans le cas d'une entreprise visée par l'article 139, ordonner la création d'un comité de francisation composé de quatre ou six membres; les articles 136 à 138 sont alors applicables, compte tenu des adaptations nécessaires.

«Le programme de francisation doit être transmis à l'Office dans les six mois de la date de réception de l'avis. Il est soumis à son approbation.»

Alors, le sens de cette modification proposée par le projet de loi n° 104 est le suivant. Donc, cette modification vise à accorder à l'Office, qui est responsable de la francisation des entreprises, le pouvoir d'ordonner, lorsqu'il le juge nécessaire, après examen de la situation linguistique d'une entreprise de 50 à 99 employés, la formation d'un comité paritaire de francisation formé de quatre ou six membres, selon la taille de l'entreprise. De plus, le dernier alinéa de cette modification vient ramener à six mois le délai antérieur de 12 mois qui est accordé à une entreprise pour soumettre son programme de francisation à l'Office québécois de la langue française pour approbation.

Donc, si j'avais à résumer, il y a deux éléments qui sont abordés dans l'article 24. D'abord cette idée que l'Office peut, dans certaines circonstances, ordonner la création d'un comité de francisation pour une entreprise de 50 à 99 employés, ce qui n'est pas le cas actuellement. Pour les grandes entreprises de 100 employés et plus, la mise en place d'un comité de francisation est obligatoire, mais, selon la situation particulière des entreprises de 50 à 99 employés, l'Office pourrait donc ordonner la création parce qu'il suppose... Là, évidemment, on a des éléments qui nous indiquent qu'il y a des problèmes de francisation. Et le deuxième élément concerne le délai qu'une entreprise doit respecter pour soumettre son programme de francisation, qu'on ramènerait donc de 12 mois à six mois.

Le Président (M. Beaumier): Bien. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, évidemment, les réactions à cet article ont été mitigées. C'est sûr que, dans le cas du Conseil du patronat, ils sont contre. Mais, avant d'examiner le problème sous cet angle-là, je dirais: Est-ce qu'il faut comprendre que cette décision découle d'une constatation de l'échec de la stratégie de francisation volontaire qui avait été adoptée par l'Office antérieurement? Ça, c'est une première question. Parce que, jusqu'à maintenant, l'Office avait une stratégie d'encouragement basée sur le volontarisme à l'endroit de ces entreprises; là, ce qu'on dit, c'est que... Et, évidemment ? et ça, c'est un autre aspect de la question, là ? on ne sait pas quels seront les bases ou les critères sur lesquels l'Office pourrait se fonder pour décider qu'une entreprise de 50 à 99 deviendrait sujette à la certification, c'est-à-dire à la certification standard. Il n'y en a pas là-dedans, on ne le voit pas, là. Ça donne une large part de discrétion à l'Office de la langue française.

Ensuite de ça, eh bien, mon Dieu, avec les comités paritaires, le rétrécissement des délais, moi, ce qui m'inquiète là-dedans, c'est... Bien, enfin, ce que j'anticipe, c'est que ça va alourdir évidemment le processus pour ce qui est de ces entreprises-là. Et puis, dans les 50 à 99, il y a beaucoup de petites entreprises qui sont des entreprises innovantes; je ne sais pas si ça n'irait pas à l'encontre de leur mission première qui est celle d'innover, de performer dans un environnement financier et économique qui est de plus en plus compétitif. Donc, un peu comme pour les articles précédents, j'anticipe que cette décision-là aura des effets qui seraient indésirables du point de vue du fonctionnement des entreprises, mais...

n(15 h 10)n

Et je reprends le commentaire qui avait été fait sur l'article 24 par le Conseil québécois du commerce de détail, ça rejoint beaucoup ce que dit le Conseil du patronat: L'article 24 du projet de loi accorde un pouvoir discrétionnaire à l'Office lui permettant d'ordonner la création d'un comité de francisation pour les entreprises qui emploient 50 personnes ou plus. De plus, l'article vient réduire le délai pour la production du programme de francisation de 12 à six mois de la réception de l'avis d'adoption d'un programme de francisation, modifiant l'article 140 de la Charte. Le pouvoir d'ordonner la création d'un comité de francisation par l'Office devrait être mieux balisé ? bien, c'est ce que je viens de dire tantôt ? tel que proposé par la loi... C'est-à-dire qu'on devrait savoir un peu, là, dans quelles conditions une entreprise serait-elle assujettie au modèle standard de certification.

Enfin, je ne veux pas revenir sur des choses que j'ai déjà dites, mais je trouve qu'il faut faire beaucoup confiance à la bureaucratie de l'opérateur, à l'opérateur, pour lui déléguer une telle... pour lui transférer, lui donner une telle marge de discrétion face à des entreprises qui vont trouver que c'est très lourd à porter, ce processus-là. On ne sait pas non plus s'il y en aura beaucoup, ou est-ce que... On ne sait pas non plus quelle est la nature du problème qui a fait qu'on en est venu à prendre cette décision-là. Donc, je reviens toujours à la même question, je veux dire, ce n'est pas motivé à ma satisfaction, hein, ce genre de changement législatif. Et les enjeux sont importants. Il y a évidemment des enjeux pour la francisation, j'en conviens, mais il y a aussi des enjeux pour la performance, la productivité, la capacité qu'ont les entreprises... disons, la capacité financière des entreprises aussi.

Enfin, au minimum, j'aimerais savoir si, vraiment, c'est un constat d'échec pour la stratégie de volontarisme adoptée jusqu'ici, et puis c'est motivé pourquoi, c'est motivé comment, c'est-à-dire qu'on veut solutionner quels problèmes en proposant ce changement législatif, M. le Président?

Le Président (M. Beaumier): Bien. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Bon, alors reprenons les éléments abordés par le député d'Outremont sous deux... de manière ? vais-je le dire? ? de manière un peu logique, là. D'abord, le premier élément, qui concerne l'ordonnance de la création d'un comité de francisation pour les entreprises de 50 à 99 employés; après ça, on reviendra sur la question du délai.

Bon, d'abord, je rappellerai que les entreprises... Il y a une obligation pour les entreprises de 50 employés et plus, y compris des entreprises de 100 employés et plus, d'avoir leur certificat de francisation. Cette obligation-là, elle existe pour tout le monde. Maintenant, les modalités et les moyens mis en place sont, dans la Charte de la langue française... sont modulés différemment dépendamment de la taille de l'entreprise. Comme je le disais, pour l'entreprise de 100 employés et plus, le comité de francisation est obligatoire. Alors, à la question: Est-ce que c'est un constat d'échec face à la stratégie du volontarisme visant les entreprises de 50 à 99 employés? Vous savez, il y a un certain volontarisme, mais, en même temps, je reviens au fait que tout le monde a l'obligation d'avoir son certificat de francisation.

En fait, cette modification-là vient régler des problèmes bien pratiques d'entreprises qui sont à 97 employés ? j'exagère à peine, là ? et qui sont dans un secteur d'activité où les défis quant à l'utilisation du français sont tout aussi importants, peu importe la taille de l'entreprise. Et c'est la raison pour laquelle c'est un pouvoir discrétionnaire, entre guillemets, là, c'est-à-dire qu'on n'en a pas fait un automatisme. Parce qu'on avait le choix aussi, on aurait pu dire: On impose un comité de francisation dans toutes les entreprises de 50 employés et plus, point à la ligne. De 50 à 99, on reprend cette idée-là qui existe pour les entreprises de 100 employés et plus et puis on l'impose également aux entreprises de 50 à 99, ce qu'on a pas fait. On a dit: Il y a des cas limites; l'entreprise grossit, il y a un peu plus d'employés, un peu moins d'employés, sur une certaine période, puis que, dans le fond, là, il devrait y avoir à peu près les mêmes exigences que nous avons pour une entreprise de 100 employés et plus.

Par ailleurs, le secteur est important. On va en reparler un peu plus tard dans nos discussions. Pour une entreprise de plus petite taille mais qui est dans un secteur où il y a eu des efforts de francisation à faire dans des entreprises plus grandes, ça finit par poser des problèmes d'équité. Et je me permettrai de donner un exemple d'une entreprise dans mon comté qui est une grande entreprise, là, de quelque 2 000 employés qui ont travaillé très fort pour faire l'analyse de leur situation linguistique, qui ont travaillé très fort pour développer leur programme et pour finalement avoir leur certificat de francisation. Et, quand on leur a remis ce certificat de francisation ? enfin, j'ai eu l'honneur d'y être quand on l'a fait ? ils m'ont signalé qu'il y avait des sous-traitants qui étaient à 92 employés, exactement dans le même secteur d'activité, mais pour lesquels on avait moins les projecteurs sur eux, et qu'il y avait un sentiment d'une certaine injustice. Alors, ça permet de régler ces problèmes-là.

Par ailleurs, je vous dirais également que, même pour les entreprises de 50 employés et moins, il y a un pouvoir également qui est accordé au ministre pour forcer le jeu en matière de francisation. Et je relis l'article 151 de la Charte: «Avec l'approbation du ministre, l'Office peut, à condition d'en publier avis à la Gazette officielle du Québec, exiger d'une entreprise employant moins de 50 personnes qu'elle procède à l'analyse de sa situation linguistique, à l'élaboration et à l'application d'un programme de francisation.» Alors, même pour les plus petites entreprises... Mais là on est vraiment dans des situations où il y aurait de gros problèmes de francisation. Et on peut présumer, là, parce que je sais que ce pouvoir-là a pas été... Il n'y a personne qui en a abusé. Je crois que j'ai signé une situation, peut-être, depuis que j'y suis, ou à peine.

Une voix: ...

Mme Lemieux: Bon, deux ou trois, me dit-on, là. On n'en abuse pas, mais on se donne les moyens, de temps en temps, de pouvoir exercer notre jugement puis de dire: C'est vrai que la loi, elle ne pose pas d'exigences particulières pour les entreprises de 50 employés et plus, mais, en même temps, si jamais on voit qu'il y a une concentration de problèmes dans ce type d'entreprises là, on a un levier. On ne veut pas le généraliser, on veut pas faire du mur-à-mur, mais c'est un peu la même chose pour les entreprises de 50 employés et plus.

Par ailleurs, bon, évidemment, je reprends l'argument du député d'Outremont qui a été évoqué aussi par certaines organisations qui se sont présentées devant nous en commission parlementaire, un comité de francisation, c'est là pour faciliter les choses. Et on peut très bien comprendre que, si l'Office décide d'imposer la création d'un comité de francisation dans une entreprise de 50 à 99 employés, c'est parce qu'il y a des problèmes particuliers puis qu'il faut donner un signal à l'entreprise. Parce qu'on leur dit: Utilisez le moyen supplémentaire qui est à votre disposition et qui est déjà prévu pour des entreprises de plus grande taille. Alors, ça, c'est pour le deuxième alinéa, donc, de l'article 24.

En ce qui concerne le troisième alinéa, alors là on revient un petit peu à notre discussion de ce matin, où là on ramènerait les délais de préparation du programme de francisation qui doit être, donc, soumis à l'Office pour son approbation. On ramènerait donc ces délais de 12 mois à six mois. Je redis ce que je disais ce matin, et je vais me permettre de préciser les chiffres qu'on à ce sujet. Alors, actuellement, on sait que le délai moyen pour le dépôt d'un programme est de 9,9 mois, donc un peu moins de 10 mois. Ça, c'est les délais actuels. On sait également que, sur le nombre d'entreprises qui ont déposé leur programme, 53 % d'entre elles ? donc, 53 % des entreprises ? ont complété cette opération de développer le programme de francisation en moins de six mois, 23 % l'ont fait entre six et 12 mois et 23 % en plus de 12 mois. Alors, un peu comme la discussion qu'on avait sur les délais accordés sur l'analyse linguistique, au moins la moitié des entreprises le font parfaitement, sans difficulté, dans un délai de six mois et moins, et, pour les autres, c'est six mois et plus.

n(15 h 20)n

Je donnerais également d'autres chiffres ici qui m'apparaissent... qui mettent... qui jettent un bel éclairage, là, sur cette question-là. Alors, ce sont des statistiques ? et je pourrai les fournir, là, une fois que j'aurai complété ma courte intervention ? des statistiques d'avancement de la francisation entre 1997 et 2002. Donc, c'est vraiment depuis que ça existe.

Une voix: ...

Mme Lemieux: Qu'est-ce que j'ai dit? 1977, pardon, et 2002. Donc, c'est une période de plus de 20 ans. J'essaie de faire les calculs, mon calcul mental... 25 ans. Que dis-je? Que dis-je? 25 ans. Bon.

Alors, pour les grandes entreprises de 100 employés et plus, il y a eu 1 282 entreprises qui ont obtenu leur certificat de francisation durant cette période. Et, là-dessus, il y en a 636 qui ont obtenu leur certificat de francisation sans avoir besoin de développer un programme et 646 qui ont obtenu leur certificat à la suite du dépôt et de l'approbation d'un programme. Donc, on est à peu près moitié-moitié. Pour la moitié des entreprises, ça veut donc dire que ces entreprises rencontrent les objectifs de la loi et que l'on considère, que l'Office considère que l'utilisation du français est généralisée et qu'il n'y a pas besoin d'apporter des correctifs.

Pour les petites entreprises, maintenant. Et ça, c'est assez intéressant, parce que je comprends, moi, qu'on ne veuille pas faire porter un poids plus grand aux petites entreprises et que, dans certains cas, il peut y avoir certaines exigences de loi qui soient plus lourdes à porter dans les plus petites entreprises. Alors donc, pour les entreprises de 50 à 99 employés, donc, depuis 1977, il y a eu 1 535 entreprises, donc, de 50 à 99 employés qui ont obtenu un certificat de francisation. 1 055 d'entre elles ont obtenu ce certificat sans programme, alors que 480 ont dû procéder à des correctifs pour obtenir leur certificat de francisation.

Alors, on se rend compte que c'est assez localisé, là, comme problème. Donc, à chaque fois qu'une entreprise s'engage dans un processus de francisation, il ne faudrait pas laisser croire que ça amène toute une lourdeur et toute une intervention, parce que dans bien des cas, en tout cas pour la moitié des grandes entreprises, la moitié des PME, là ? je raccourcis un peu les interventions, on se comprend? ? pour au moins les moitié des entreprises, des grandes entreprises, il n'y a pas besoin de développer un programme, puis, à l'oeil, le deux tiers des entreprises de 50 à 99 n'ont pas besoin de développer un programme, parce qu'ils respectent les standards de la loi qui sont décrits à l'article 141 de la Charte. Il y a une bonne connaissance de la langue officielle chez les dirigeants, les membres des ordres professionnels et les autres membres du personnel; il y a, au sein du conseil d'administration ? évidemment, s'il y a lieu ? un nombre de personnes significatif qui ont une bonne connaissance de la langue française; l'utilisation du français comme langue du travail et des communications internes est adéquate; l'utilisation du français dans les documents de l'entreprise, notamment dans les manuels et les catalogues, est également généralisée et adéquate; l'utilisation du français dans les communications avec l'administration, la clientèle, les fournisseurs répond à une utilisation d'un français... à une généralisation de l'utilisation du français; l'utilisation d'une terminologie française est également appropriée, etc. Alors, c'est ça, la réalité, là.

Le Président (M. Beaumier): Bien. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Bien, M. le Président, ce sont des... D'abord, il faut dire, là, que, pour ce qui est de l'opposition officielle, il faut tout de même que nous fassions preuve de cohérence. Étant donné qu'on s'est prononcé contre l'article 22, contre l'article 23, ça va être difficile de se prononcer contre l'article 24... pour, en faveur, là. Mais, indépendamment de cette exigence de cohérence, ce que je... Puis, on l'avait anticipé, on n'a pas de surprise là-dedans. Ce que je comprends des propos de la ministre, c'est que, pour ce qui est de la population des 50-99, là, on est devant une population d'entreprises qui est déjà largement francisée, là. La ministre a dit: 66 % de ces entreprises ont obtenu un certificat sans programme. Donc, c'est un milieu qui fonctionne déjà largement, à trois... aux deux tiers, qui fonctionne en français.

Et la question que je me pose là-dessus, c'est: Puisqu'il y a cette francisation qu'on retrouve dans cette population-là, pourquoi ne pas continuer à appliquer un programme, je ne dis pas de... Je comprends bien que ces entreprises-là ont l'obligation de se donner un programme de francisation, mais pourquoi ne pas continuer à leur accorder un traitement qui ne soit pas un traitement standard et qui repose largement sur l'aide, l'accompagnement, le soutien, plutôt que d'aller dans le sens qui est choisi ici où on assujettit ces entreprises à une... Et je conviens qu'il y en a tout de même... Il en reste un tiers à être francisées. C'est déjà beaucoup, mais... Mais je ne suis pas encore convaincu que ce haut niveau de francisation de la population des 50 à 99 ne justifie pas d'autant... et d'autant mieux que, plutôt que de leur appliquer le modèle standard, on ne fasse pas appel à des incitatifs, à des mesures d'encouragement.

Donc, ici, je trouve que l'application du modèle standard de certification risque, comme je l'ai dit tantôt, d'alourdir, d'entraîner des frais supplémentaires, et je suis loin d'être convaincu que c'est opportun de le faire, surtout avec les statistiques que vient de nous donner la ministre, à savoir que... L'Office aurait donc, si on veut... Évidemment, ça peut varier d'un... Il y a certainement des cas où l'argument serait moins porteur, mais l'Office a de bonnes raisons d'argumenter, face à cette population d'entreprises, que la francisation est possible, puisqu'elle est déjà largement réalisée, à 66 %, au sein de la population en question. Donc, pourquoi ajouter à ça encore des mesures qui viennent alourdir le processus de francisation des entreprises? Encore là, je suis étonné de voir que l'Office fasse état d'un besoin d'utiliser la méthode qui est proposée dans la... qui est préconisée par la loi n° 104, compte tenu du fait que je pensais que, finalement, pour ce qui est, disons, de la très grande majorité des entreprises, la méthode employée jusqu'ici avait donné des résultats relativement satisfaisants.

Donc, il y a probablement des personnes qui... Est-ce que la loi prévoit, en passant, M. le Président, une mesure... Parce que ça serait une alternative, ça: Est-ce que la loi prévoit que... quoique c'est un peu l'esprit de l'article, mais que ? et là on pourrait donner quels sont les critères de décision ? dans certaines conditions très précises, l'Office pourrait imposer à des entreprises la certification standard? Donc, à certaines conditions qui seraient connues et qui seraient affichées, on pourrait... Donc, ça serait des cas d'exception. Et là, ce n'est plus des cas d'exception, on leur applique la méthode standard. On applique la méthode standard aux 33 % qui restent, là. Ça me paraît... Je ne sais pas, je me dis que c'est peut-être essayer de... Je ne dirais pas de tuer une mouche avec un marteau, mais je trouve que c'est lourd pour ces petites entreprises qui sont souvent au seuil de la rentabilité, qui sont dans des domaines d'innovation très, très forts.

n(15 h 30)n

Je comprends que ça peut nuire à la francisation, comme la ministre nous disait, là, des entreprises plus grandes, là. Je comprends que ça pourrait poser un problème d'équité. Est-ce qu'on peut penser que ce problème d'équité puisse être résolu sans avoir à passer par l'infrastructure standard de la certification? Et le Conseil du patronat, encore ici, nous dit qu'il s'agit d'une mesure avec laquelle ils ne sont pas d'accord et ils disent aussi que le fardeau administratif, réglementaire de milliers d'entreprises québécoises... Parce qu'on n'est pas en présence d'une petite population là aussi, là, il y a beaucoup de monde là-dedans. Donc, ça va entraîner, disons, des investissements de personnel, alors qu'il me semble que dans ce milieu-là il y a déjà un mouvement d'entraînement.

Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas y aller par incitation, par aide, par reconnaissance, par reconnaissance des réalisations faites par l'entreprise? Pourquoi faut-il leur dire... brandir un peu la menace de leur appliquer le processus standard dans le cas où ils ont de la difficulté, comme il le mentionnait tantôt, à atteindre l'objectif prévu par la loi, quoi? Ça me paraît être une mesure... je ne suis pas convaincu de l'opportunité de la mesure. C'est malheureux, on n'a pas de données, on n'a pas de... enfin, la ministre nous en donne, mais elle nous donne la population qui est largement francisée, comparativement à la population qui reste à le devenir. Mais est-ce que l'Office... toutes ces années... depuis 1977, ils ont dû acquérir une expertise, là, qui pourrait être mise en mode d'une façon efficace.

Là, on se rabat sur le pouvoir réglementaire. Et ça me paraît une façon un peu paresseuse de procéder, même si on peut dire que, en brandissant comme ça le spectre, c'est peut-être plus facile de faire que les gens s'enlignent. Mais là, c'est toute une philosophie, là, qui est en cause. Ce n'est pas seulement le fait qu'on se rallie à une opinion exprimée par un groupe d'intérêts plutôt qu'à un autre. Il y a une philosophie de la francisation qui, dans ce cas-là, fait beaucoup plus largement recours à la coercition légale que ce que, moi, je juge à propos. Je ne sais pas, mes collègues ont peut-être des commentaires à faire là-dessus, là. Mais cette mesure ne m'inspire pas confiance, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Mme la ministre, oui.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, écoutez, visiblement, je vais faire quelques remarques, mais je ne crois pas que je vais convaincre le député d'Outremont. Je conviens que je pars perdante. Et il a dit, à juste titre évidemment, qu'il serait cohérent par rapport à la position qu'il a tenue au sujet de l'article 22 ou 23. Alors, il est cohérent dans une certaine... Oui, il est cohérent. Je ne qualifierai pas cette cohérence.

Bon. D'abord, si je me permets d'intervenir, c'est que je ne voudrais pas que les interventions du député d'Outremont nous laissent sur de mauvaises impressions, de mauvaises pistes. On ne change pas la méthode. On resserre les processus, et ça, je tiens à le dire, là. Ce n'est pas vrai que l'Office va débarquer, bing! bang! la police, ou je ne sais quoi, là. On resserre les processus. On se donne un outil supplémentaire dans les cas des entreprises de 50 employés et plus, dans le cas où c'est nécessaire. C'est un signal qui est raisonnable; il n'y a rien d'abusif ni d'excessif. Alors, je crois qu'on a raison de le faire.

Et je vous dirais... Écoutez, la langue au travail, là, c'est le sujet; c'est beaucoup ressorti dans les délibérations de la Commission des États généraux. C'était très présent de la part des gens qui s'y sont présentés. Si on lit le moindrement les gens qui suivent le dossier de la langue française, ça tourne beaucoup autour de la langue au travail. C'est là qu'on a le plus d'inquiétudes, et c'est le milieu de vie où il y a le plus de pression quant à l'utilisation ? je cherche le mot, là ? l'utilisation massive de la langue anglaise, c'est dans les milieux de travail.

Écoutez, la Charte de la langue française, elle a été conçue à une époque où on n'exportait pas autant que maintenant. Aujourd'hui, 60 % de ce qu'on produit au Québec est destiné à l'étranger. On est très forts dans les nouvelles technologies, mais ça fait en sorte qu'on est dans un contexte où il y a une pression énorme pour l'utilisation de l'anglais de manière généralisée. C'est ça. Et, si on suivait strictement la loi ? comment je dirais? ? oui, la loi de l'offre... les lois du marché quant à la question de la langue, ça ferait longtemps qu'il n'y aurait plus de français dans bien des entreprises au Québec. Il faut se le dire.

Alors, dans le fond, l'intervention du député d'Outremont est une intervention qui tourne un petit peu autour du statu quo. Ce qu'il dit, c'est: Bien, écoutez, Mme la ministre, je vous ai apporté des chiffres, puis ça a l'air à plutôt bien aller. Pourquoi on changerait ça? Bien, on changerait ça parce qu'il faut être archivigilants. Puis ce n'est pas excessif, qu'est-ce que je propose là, là; il n'y a pas de révolution, là. On reprend un mécanisme qui est déjà existant, qui a fait ses preuves, et on dit: De temps en temps, ça pourrait être utile pour des plus petites entreprises.

Alors là, c'est sûr, si on se dit: Bien, ça va plutôt bien, laissons ça comme ça, on ne changera rien, moi, je dis: La question de l'utilisation du français dans le milieu de travail, elle est cruciale. Nous devons évoluer, nous devons faire en sorte de faire des gains, pas gérer le statu quo. Parce qu'il en reste, des entreprises qui n'ont pas reçu leur certificat de francisation; il en reste, des entreprises où il faut provoquer une utilisation du français adéquate, eu égard aux objectifs qu'on a. Alors, non, ce n'est pas le statu quo; oui, il faut évoluer. Il faut le faire évidemment de manière raisonnable, mais il faut poser des gestes, et c'est dans les milieux de travail qu'il faut poser des gestes.

Je le rappelle, le Québec représente 2 % de la population en Amérique, qui parle français. Puis ça, ça ne changera pas. Alors, si on fait juste se laisser aller au gré du vent, là, je vous le dis, ça ne prendra même pas deux ans, là, que, dans bien des entreprises à Montréal, le français, ça va être terminé. Il faut évoluer, et c'est un geste qui nous permet de faire un peu plus. C'est un geste qui est raisonnable, qui n'est pas excessif, et il me semble que c'est le sens qu'on devrait avoir, qu'on devrait donner aux travaux que nous avons à cette commission.

Le Président (M. Beaumier): Bien. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Bien, ce qu'on peut dire, M. le Président, c'est que la ministre caricature assez, disons, généreusement la position de l'opposition. On n'est pas en train de dire que c'est: Ou bien on francise ou bien on ne francise pas; ou bien on pose des gestes ou bien on n'en pose pas, là. La question, c'est de savoir comment on francise puis quels gestes on pose. On est en désaccord sur les moyens choisis, plutôt que sur l'objectif de franciser les milieux de travail. C'est clair que, à la fois pour les grandes, les moyennes et les petites, si tout pouvait se faire par le recours aux mécanismes du marché, on n'aurait pas besoin de la loi 101. On a besoin de la loi 101 parce qu'il existe ce qu'on appelle des imperfections du marché, dans ce domaine-là. Le marché est incapable de produire les résultats qu'il devrait produire normalement s'il fonctionnait selon les objectifs qui sont définis par l'État. Donc, ce n'est pas un marché qui est efficient, du point de vue de la francisation.

Donc, les entreprises ont besoin d'être encadrées. Les entreprises ont besoin d'être encadrées par le recours à une coercition légale dans le cas où il y a des ressources pour pouvoir soutenir ce genre de changement. Donc, ce n'est pas la lutte entre le bien puis le mal, là. Ce n'est pas... il ne faut pas être manichéen dans ce genre de discussion là. C'est avec certains interlocuteurs qu'on a entendus ici en consultation, on s'interroge sur l'opportunité d'une mesure qui, pour ce qui est de cette catégorie, de cette population d'entreprises, vient alourdir une démarche de certification et de francisation, et on aurait bien aimé que la décision qui est celle du gouvernement puisse être justifiée ou motivée par une démonstration de quoi: il n'y a pas d'alternative, les tentatives qui ont été faites jusqu'à maintenant ont échoué, elles n'ont pas produit les résultats prévus.

Alors que là, ce qui se produit en réalité, là, c'est que le gouvernement accroît le processus, accroît la capacité coercitive de l'Office, c'est-à-dire, l'Office devient une organisation qui étend son pouvoir de contrôle, là. Sur ça, il y a une philosophie derrière ça, il y a une philosophie, il y a une façon de concevoir le bien, si on veut, là, ou enfin la façon dont on y arrive. Ce n'est pas sur la question de savoir si la francisation est une bonne chose ou pas. Il y a de notre côté une exigence de cohérence mais aussi une interrogation, qui me paraît fondée, sur l'opportunité d'une mesure dont la démonstration d'opportunité n'a pas été faite.

Alors, je ne sais pas si mes collègues ont des commentaires, de leur côté, là. Mais, sinon, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez? On a des positions qui sont irréconciliables là-dessus et il va bien falloir qu'on le reconnaisse.

n(15 h 40)n

Le Président (M. Beaumier): Alors, est-ce que je comprends par cette intervention qu'on pourrait procéder à l'adoption de l'article 24?

M. Laporte: Sur division.

Le Président (M. Beaumier): Sur division, oui. Alors, l'article 25, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Oui. Merci, M. le Président. Donc, l'article 25 se lit comme suit:

25. L'article 142 de cette Charte est modifié par l'addition, après le paragraphe 4°, du suivant, paragraphe 5°, donc:

«5° du secteur d'activité de l'entreprise.»

Alors, le sens de cette modification: Cette modification vise à préciser que les programmes de francisation doivent tenir compte du secteur dans lequel oeuvre une entreprise. Le rapport de la Commission des États généraux recommandait que la francisation des entreprises se fasse à la fois sur une base individuelle et sectorielle afin de tenir compte des caractéristiques et des besoins dans lesquels opère une entreprise. La modification proposée institutionnalise cette approche sectorielle afin qu'elle soit bien intégrée au processus de francisation.

Alors, je me permettrai peut-être de passer rapidement à travers l'article 142 comme tel, que nous nous proposons de modifier, où on dit, à l'article 142, que les programmes de francisation doivent tenir compte de la situation des personnes qui sont près de la retraite ou qui ont de longs états de service au sein de l'entreprise, des relations d'entreprise avec l'étranger, du cas particulier des sièges et des centres de recherche établis au Québec, des entreprises produisant des biens culturels à contenu linguistique, et là on ajouterait donc le fait que les programmes de francisation doivent tenir compte du secteur d'activité de l'entreprise.

Je dirais, en quelques mots... bon, même si j'ai déjà exprimé le sens de la modification, je reviens sur cette idée que c'est important, dans les années 2000, considérant les connaissances que nous avons, l'expertise qu'on a développée quant à la francisation des entreprises, de jumeler l'objectif de francisation autour du fait... non pas de jumeler, mais d'appuyer le processus de francisation sur le fait que, oui, entreprise par entreprise, il doit y avoir des exercices de francisation, mais on doit aussi tenir compte de la situation du secteur d'activité dans lequel se situe une entreprise.

Je comprends également que de considérer le secteur d'activité d'une entreprise était quelque chose qui est plutôt... est quelque chose qui est plutôt bien intégré dans la manière de travailler de l'Office, mais que... Et c'est le sens un peu, lorsque je disais que la modification institutionnalise cette approche, qu'il y a des avantages à cristalliser cet élément-là, donc le fait de considérer également le secteur d'activité de l'entreprise dans la loi.

Je comprends également que l'Office travaille autour de ces grands secteurs de regroupement des entreprises. Il y en a quelques-uns qui sont déjà identifiés au sein de l'Office, dont l'agroalimentaire, hébergement et restauration, aménagement et habitat, communications, transport, finances et assurances, textile et habillement, productions électriques et électroniques, minéraux, métalliques, pharmaceutique et technologies de l'information. Et je comprends que l'Office doive travailler à partir des secteurs d'activité, parce que les exigences qu'on peut avoir quant à l'utilisation du français doivent être teintées de la connaissance qu'on a du secteur d'activité où oeuvre une entreprise. Alors, c'est un peu le raisonnement qui sous-tend cet amendement à l'article 142.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: D'abord, sur cet ajout-là, là, mes collègues auront peut-être des commentaires. Mais, moi, en tout cas, si je peux parler au nom de l'opposition, là, je suis tout à fait d'accord, je veux dire que la... D'ailleurs, ça me paraît être le côté le plus fort des recommandations de la commission Larose sur la question de la francisation des entreprises, c'est-à-dire la priorisation qu'on fait d'une approche sectorielle, parce que cette approche-là va permettre une synergie, cette approche-là va nous sortir des carences en fait qui étaient celles de l'approche cas par cas, entreprise par entreprise, qui a été celle de l'Office depuis le début. Ça, je pense que, là-dessus, M. le Président, enfin, je ne veux pas parler pour mes collègues, mais, moi, en tout cas, je trouve que c'est... moi, je trouve que, ça, c'est une approche à la fois plus intelligente, plus opportune que ce qui avait été prévu dans la loi 101 antérieurement.

D'ailleurs, on peut toujours se demander... et ça, c'est l'expérience qui nous l'a appris, là: Comment se fait-il qu'on n'y a pas pensé plus tôt? Mais... comme l'article 4 a été aussi, si je ne me trompe pas, ajouté. Donc, oui, les programmes de francisation doivent tenir compte du secteur d'activité de l'entreprise. Là, j'en suis. On est d'accord.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Est-ce que j'en conclus que l'article 25 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaumier): Alors, on irait à l'article 26. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Donc, l'article 26 se lit comme suit:

26. L'article 144 de cette Charte est modifié par l'addition, à la fin du premier alinéa, de la phrase suivante: «Ces ententes sont valables pour une période d'au plus 5 ans, renouvelable.»

Cette modification vient spécifier que les ententes particulières conclues avec des entreprises pour leur permettre d'utiliser une autre langue que le français à l'intérieur de leurs sièges sociaux ou centres de recherche comme langue de fonctionnement devront être revues à tous les cinq ans, et il s'agit là également d'une recommandation de la Commission des États généraux.

Alors, je rappellerai qu'on dénombre à peu près 150 ententes particulières au sujet donc des sièges et des centres de recherche, des ententes avec l'Office qui permettent l'utilisation d'une autre langue que le français. Je crois qu'il est sage ? et c'est vraiment le sens de la modification qui est proposée ? de se donner un moment pour faire le point sur ces ententes-là. Parce que là il faut se le dire, là, tout le monde est un peu sur le pilote automatique. Il y a des ententes, puis ça continue, alors que peut-être on aurait intérêt de temps en temps à jeter un regard sur la pertinence des ententes: est-ce qu'elle est toujours appropriée? etc. Alors, c'est le sens de cette modification.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Merci. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Juste un bref rappel historique pour ceux qui sont... disons, ont été moins mêlés de près à cette question-là que je l'ai été, là.

À l'origine, la loi 101, à l'époque où elle a été adoptée par l'Assemblée nationale, en 1978, ne prévoyait pas des ententes particulières. Prévoyait des ententes particulières, mais, en tout cas, pas des ententes particulières dans le sens où l'on l'entend et surtout pas des ententes particulières pour les centres de recherche. On parlait des sièges sociaux, mais on avait complètement oublié les centres de recherche. L'application des programmes de francisation à l'intérieur des sièges sociaux peut faire l'objet d'entente particulière avec l'Office... bon, est en vigueur. Bon. Enfin, il y avait... Il n'était pas question d'assujettir les centres de recherche et de développement à ce moment-là.

Évidemment, ici, là, c'est un bel exemple de quoi on n'en fait pas une question d'idéologie, là. Le Conseil du patronat est contre la proposition que vous suggérez, mais, moi, pour un, je suis favorable à cette proposition-là. Je trouve que ça n'est pas une mauvaise décision de la part de l'Office, qui a d'ailleurs, sur ces ententes, acquis au fur et à mesure des années... parce que ça fait quoi? Ça fait à peu près 25 ans, là, que des ententes particulières sont signées? Je pense que l'Office a acquis une expertise là-dessus et qu'on peut, oui, pourquoi pas? prévoir que ces ententes sont valables pour une période d'au plus cinq ans, renouvelable.

Enfin, cinq ans, ça aurait pu être six, ça aurait pu être huit, ça aurait pu être dix, là. Mais je pense que c'est une bonne chose, que les sièges sociaux et l'Office devraient être suffisamment avertis pour pouvoir appliquer cet article-là avec sagesse et avec doigté, là. Je pense que c'est une bonne décision que de demander à ces types d'organisations de revoir leur fonctionnement linguistique pour justifier s'il est toujours opportun de conserver ce qui avait été décidé antérieurement ou si on ne peut pas faire certaines améliorations, à tous les cinq ans. Évidemment, ça va... quoiqu'il y a 150 ententes particulières. Donc, encore là, la tâche de l'Office est alourdie, là. Ça, c'est un... Mais je pense que, là, il faudra que le gouvernement donne à l'Office... Je ne sais pas quel est le nombre d'employés qu'il y a à l'Office actuellement, là; ça doit friser 200, 225?

Mme Lemieux: Ah! un peu plus de 200, 210.

M. Laporte: Donc, il va certainement y avoir un problème de déficit des ressources, là, parce que là on ajoute, on ajoute, on ajoute des tâches nouvelles. Mais, sur l'opportunité de cette décision-là, moi, ça me paraît être une décision opportune.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Alors, est-ce que l'article 26 est adopté?

Des voix: Adopté.

n(15 h 50)n

Le Président (M. Beaumier): Adopté. L'article 27. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, l'article 27 se lit comme suit:

27. L'article 151 de cette Charte est modifié par l'insertion, dans la première ligne du premier alinéa et après le mot «ministre», des mots «responsable de l'application de la présente loi».

Alors, il s'agit d'une modification de concordance. M. le député d'Outremont, je n'ai pas fait d'intervention particulière à ce sujet, je peux vous le dire, ha, ha, ha!

Étant donné que cet article est désormais le premier où l'on réfère au terme «ministre», il est nécessaire de spécifier qu'il s'agit du ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Laporte: On précise quelles sont les responsabilités de la ministre ou du ministre, là.

Mme Lemieux: C'est ça. On ne change pas le sens de 151, là.

M. Laporte: Franchement, non. Non, ça, ça précise... enfin.

Mme Lemieux: Voilà.

Le Président (M. Beaumier): Est-ce que l'article 27 est adopté?

M. Laporte: Oui, monsieur.

Des voix: Adopté.

L'Office québécois de la langue française

Le Président (M. Beaumier): 28.

Mme Lemieux: 28.

28. L'intitulé du titre III de cette Charte est remplacé par le suivant: «L'Office québécois de la langue française».

Alors, il s'agit donc d'un nouveau titre qui coiffe les dispositions relatives au nouvel organisme succédant à l'Office de la langue française, à la Commission de protection de la langue française et à la Commission de toponymie.

Le Président (M. Beaumier): Bien. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Encore là, je voudrais savoir qu'est-ce qui motive ce changement de nom. Parce que, évidemment, ceux qui travaillent à cette question-là le savent mieux que moi, là.

L'Office de la langue française, c'est une dénomination qui remonte à la fin des années quarante, en France, alors que l'organisme avait été créé par Guillermou. Il n'y a plus d'office... Il n'y a pas un Office français de la langue française, là; on s'entend là-dessus, là, mais il y a un Office de la langue française. Mais il n'y a plus de...

Mme Lemieux: Non. Il y a un office français de la langue... Il y a un office...

M. Laporte: Il doit y avoir un conseil.

Mme Lemieux: Il y a des offices français de toutes sortes de choses, là, mais pas de la langue française. Pardon, je m'excuse.

M. Laporte: Ça m'étonnerait qu'on ait décidé de jeter aux poubelles M. Guillermou, là, n'est-ce pas, qui était une grande figure de la défense et de l'illustration de la langue française.

Donc, pourquoi a-t-on senti ce besoin de créer un Office québécois de la langue française? Évidemment, comme je l'ai déjà mentionné, M. le Président, c'est peut-être un peu moins pire, quoique ça dépend, encore là, d'une position idéologique que d'avoir créé un office de la langue québécoise, n'est-ce pas? Ça aurait beaucoup plu à Léandre Bergeron et à certains des intellectuels de mon comté. Je pense à Claude Jasmin, par exemple, qui aurait été ravi de voir qu'on aille jusque-là dans la recherche de la distinction, n'est-ce pas? Mais... Moi, je suis bien prêt à accepter la modification de nom, mais je voudrais savoir pourquoi.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, d'abord, l'utilisation... de qualifier «l'Office québécois», on le fait pour beaucoup d'autres types d'organismes. La ministre des Relations internationales aujourd'hui a déposé à l'Assemblée le projet de loi créant l'Observatoire québécois de la mondialisation. Il y a la Fédération québécoise de la faune, la Cinémathèque québécoise, la Société québécoise d'information juridique, le Conseil québécois de la recherche sociale, bon, etc. Alors, il n'y a rien d'incongru à utiliser le mot «québécois».

Deuxièmement, je dirais que, essentiellement, le député d'Outremont aura compris que nous créons un nouvel organisme, mais, en même temps, on sait très bien qu'on le crée à partir... on bâtit ce nouvel organisme à partir de ce qui existe déjà. On est donc dans la continuité de ce qui a été fait jusqu'à maintenant, dans la continuité des mandats qui ont été dévolus par la Charte de la langue française, mais on donne un nouveau mandat, on réagence un nouveau mandat à l'Office québécois de la langue française à partir de ce qui existait jusqu'à maintenant.

Alors, évidemment... je vais être très honnête avec le député d'Outremont: Évidemment, je n'ai pas passé des heures à me poser des questions: le nom de cet organisme... j'étais plus intéressée à la substance, au contenu qu'au contenant. Mais je voulais donner... je tenais à ce qu'on donne un signal qu'on se donne... on entre dans une nouvelle génération d'interventions.

Ça fait 25 ans qu'on a cette Charte. On entre dans une phase 2, si je peux m'exprimer ainsi. On a tiré beaucoup de leçons, il y a beaucoup d'apprentissages, il y a beaucoup d'acquis de ce qui a été fait jusqu'à maintenant. Mais on entre dans une autre étape, un nouveau siècle, de nouveaux moyens, de nouveaux défis. Un défi, je dirais, de persévérance encore plus grand, parce que c'est difficile, ce qui nous attend quant à la protection et la promotion de la langue française.

Alors, on a donc cherché à ce que l'intitulé, le titre, le nom, la manière de décrire, de nommer cet office-là puissent à la fois témoigner du fait qu'on est en continuité. On n'a pas un virage quant au fondement de l'approche, on en a parlé à quelques moments aujourd'hui. On a toujours eu une approche, au sujet de la langue, qui était un agencement de la sensibilisation d'accompagner les entreprises. Mais, de temps en temps, il faut avoir les idées claires puis il faut mettre le poing sur la table. On le sait, là, parce que, sans ça, on n'avancerait pas. Mais ce sont des outils à notre disposition, cette idée de contrôles, de sanctions. Ça doit être strictement des outils, ce n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est que les entreprises, elles soient francisées. Puis, de temps en temps, on a besoin d'avoir des outils plus durs, plus costauds. Alors donc, d'où l'Office québécois de la langue française, qui était une manière de nommer cet office-là qui est à mi-chemin et qui nous ne nous amenait pas... Parce que j'ai exploré toutes sortes d'affaires, là; on aurait pu appeler ça: Commission, Office, Observatoire, tout ce que vous voulez. Je ne voulais pas changer totalement, parce qu'il y a 25 ans de travail de l'Office, et l'Office est connu sous le nom de «Office». Puis, en même temps, donner le signal qu'on se redonne des nouveaux moyens, un autre souffle, un second souffle pour passer à travers les défis qu'on a devant nous. Voilà.

Le Président (M. Beaumier): Bien.

Mme Lemieux: Ce n'est pas des raisons... Je ne veux pas en parler pendant des heures, là.

M. Laporte: Non, non. Je comprends.

Mme Lemieux: C'est vraiment ça l'esprit qui nous a guidés.

Puis je dirais peut-être en dernier lieu: Vous savez, il y a tout un vocabulaire, là, pour les initiés. Moi, je suis moins familière à tout ça, je ne suis pas une linguiste de formation. J'aime le français, j'essaie de le parler le plus correctement possible. Quelquefois où je suis colorée, je m'enfarge avec plaisir ? enfarger est un très joli mot, par ailleurs.

Alors, vous savez qu'il y a tout un vocabulaire du français standard, la langue québécoise... de développer un français qui est standard, mais on a un français québécois. Vous savez qu'on travaille... Il y a des travaux qui se font actuellement dans des universités pour développer des dictionnaires de français dit québécois, là; je ne sais pas quelle est l'expression appropriée. C'est des projets formidables parce que ça permet de dire qu'il y a des mots qui ont un sens différent ici, parce qu'on est sur ce territoire-là. Le mot «le nord», pour les Québécois, ne veut pas dire la même chose que si on est en Europe. Il y a une tonne d'exemples en ce sens-là.

Alors, c'est aussi, «Office québécois de la langue française», un message qu'il y a et que nous avons intérêt à développer un français standard, un français standard au Québec. Alors, il y a aussi cet élément-là qui est plus marginal mais qui a fait partie des éléments que j'ai considérés pour le choix du nom de cet organisme.

Le Président (M. Beaumier): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Juste un commentaire, M. le ministre... M. le Président, avant de finir, sur ce que j'ai dit tantôt: La ministre est plutôt favorable au poing sur la table. Je trouve qu'elle sous-estime son... le pouvoir de séduction, n'est-ce pas?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Je comprends qu'on va adopter l'article 28? Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Non. Je dirais là-dessus que...

Le Président (M. Beaumier): Oui. Allez-y! Ha, ha, ha!

M. Laporte: ...nous sommes d'accord, parce que, d'abord, c'est moins ambigu que ce qu'on disait habituellement, «l'Office de la langue française du Québec», où c'est évidemment moins osé que de parler d'un Office de la langue québécoise. Donc, finalement, oui, si on veut mettre du québécois là-dedans, je pense qu'on peut vivre avec ça, quoi.

Mme Lemieux: Ça va bien! Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Alors, je comprends que l'article 28 serait adopté.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaumier): Alors, on irait à l'article 29. Mme la ministre.

n(16 heures)n

Mme Lemieux: Oui. Alors, l'article 29 se lit comme suit:

29. Les chapitres I et II du titre III de cette Charte, comprenant les articles 157 à 165, sont remplacés par les suivants:

Alors, j'y vais? On y va. O.K. Alors, article 157: «Il est institué un Office québécois de la langue française.»

Est-ce que je lis l'ensemble?

Le Président (M. Beaumier): Moi, je suggérerais, à moins d'avis contraire, qu'on prenne article par article et qu'on les vote.

Mme Lemieux: D'accord, parfait.

M. Laporte: Oui, c'est ça.

Mme Lemieux: Excellent. Donc, je...

Le Président (M. Beaumier): Mais ce n'est pas article par article, là, c'est...

Mme Lemieux: O.K. Bien, enfin, les composantes de l'article 26.

Institution

Le Président (M. Beaumier): Oui, introduites par l'article 29, voilà.

Mme Lemieux: Voilà. Donc, article 157: «Il est institué un Office québécois de la langue française.»

Cette disposition, donc, institue l'Office québécois de la langue française qui succédera à trois organismes de la Charte, l'Office de la langue française, la Commission de toponymie, la Commission de protection de la langue française, dont l'existence était prévue aux articles 100, 122 et 157 de la Charte. Comme nous le verrons subséquemment, les pouvoirs dévolus à ce nouvel organisme sont de même nature que ceux exercés par l'Office, la Commission de protection et la Commission de toponymie.

Le Président (M. Beaumier): Bien. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Enfin, M. le Président, sur le 157, on est tout à fait d'accord, là, mais il y a tout de même... On voit l'intention derrière, là. Puis, c'est sûr que les remarques qu'on a faites la semaine passée touchant la Commission de toponymie sont toujours des remarques que nous ferions, là, mais je pense que ça ne sert à rien de se... Enfin, on pourrait toujours, disons, argumenter là-dessus durant des heures et des jours, là, la ministre ne me semble pas vouloir redonner à la Commission de toponymie le statut d'organisme indépendant, enfin, pas administrativement, mais du point de vue de... professionnellement, si on veut, qu'elle avait, et aussi son statut de commission plutôt que de comité, là. Il y a les articles d'Henri Dorion qui se sont élevés contre la décision qui a été prise par le gouvernement. Ce n'est pas, disons, un crime de lèse-majesté, là, mais je pense qu'il faut qu'on fasse état de notre regret de ne pas voir conserver cet organisme qui avait acquis une telle notoriété et une telle réputation à l'échelle internationale. Donc, finalement, là, on institue un office à l'intérieur duquel il y a un comité de toponymie, un comité de... Je pense que, sur l'article 157, M. le Président, il n'y a pas grand-chose à dire, là, puisque...

Le Président (M. Beaumier): Alors, est-ce que l'article 157 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaumier): Adopté. L'article 158.

Mme Lemieux: Est-ce que je peux avoir deux secondes?

Le Président (M. Beaumier): Bien sûr.

Mme Lemieux: Merci.

(Consultation)

Le Président (M. Beaumier): Je crois que nous allons suspendre quelques secondes.

(Suspension de la séance à 16 h 3)

 

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Beaumier): Alors, nous reprenons. Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors donc, on est toujours dans l'article 29 qui modifie l'article 158. «L'Office a son siège à Québec ou à Montréal, à l'endroit déterminé par le gouvernement.

«L'adresse du siège est publiée à la Gazette officielle du Québec; il en est de même de tout déplacement dont il fait l'objet.

«L'Office a un bureau à Québec et un autre à Montréal; il peut aussi en établir ailleurs au Québec.»

Alors, il s'agit d'une disposition usuelle relative au siège d'un organisme. Actuellement, les articles 110 et 165 prévoient des règles de même nature.

Le second alinéa est nouveau. Il s'agit tout de même d'une disposition usuelle, et l'Office québécois de la langue française aura, tout comme l'actuel Office, un bureau à Québec et un autre à Montréal.

Le Président (M. Beaumier): Alors, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Juste une question pour la ministre: Est-ce qu'il faut comprendre, M. le Président, que la ministre entend créer des bureaux régionaux, quand elle dit qu'il peut aussi en établir ailleurs au Québec? Est-ce qu'il y aura des bureaux régionaux?

Mme Lemieux: Actuellement, il y a... Je n'appellerais peut-être pas ça des... Oui, c'est des bureaux régionaux, mais ce sont quand même des ressources...

M. Laporte: Des bureaux à l'extérieur de Montréal et de Québec?

Mme Lemieux: ...oui, oui, limités en nombre, qui sont en région. D'ailleurs, souvent, ces personnes qui sont des employés de l'Office sont souvent logées dans les bureaux du ministère de la Culture, là. Il y a un peu plus de monde, alors ça donne une masse critique qui est intéressante. Mais il y a déjà une infrastructure qui est en région.

Le Président (M. Beaumier): Bien. D'autres interventions? Non? Ça va? Est-ce que l'article 158 est adopté?

Des voix: Adopté.

Mission et pouvoirs

Le Président (M. Beaumier): Alors, nous allons à l'article 159.

Mme Lemieux: Alors, l'article 159: «L'Office définit et conduit la politique québécoise en matière d'officialisation linguistique et toponymique, de terminologie ainsi que de francisation de l'Administration et des entreprises.

«Il est également chargé d'assurer le respect de la présente loi.»

Alors, cette disposition définit la mission du nouvel organisme en reformulant les articles 100 et 157 de la Charte.

Le Président (M. Beaumier): Bien. D'autres interventions?

M. Laporte: Bien, là, ici, il y a... Encore là, j'ai une question à poser. Les fonctionnaires seront certainement capables d'y répondre, là. Il y a une... Comment dirais-je? Il y a une mission de l'Office, là, qui est abandonnée, et je suis très conscient de la difficulté d'opérationnalisation de cette mission-là. Et c'est que, dans l'article 100 de la version antérieure, là, on disait: «Un Office de la langue française est institué pour définir et conduire la politique québécoise en matière de recherche linguistique et de terminologie», là. C'est beaucoup plus large, ça, là, que ce qu'on vient de dire: Définit et conduit la politique québécoise en matière d'officialisation linguistique, et de toponymie, et de terminologie, là. Dans l'intention du Dr Laurin, là, cet article-là, ça voulait dire que l'Office avait un mandat très important à la fois de définition des priorités, mais aussi de subvention de la recherche linguistique. Sauf que, au fur et à mesure des années, l'actualisation de ce mandat ne s'est jamais vraiment faite tel que prévu parce qu'on entrait en conflit avec les universités, et ainsi de suite, là.

Mais qu'est-ce qui est arrivé? Pourquoi est-ce qu'on a décidé... «Un Office de la langue française est institué pour définir et conduire la politique québécoise en matière de recherche linguistique et de terminologie.» Chez l'un des conseillers de la ministre qui était secrétaire de la commission Larose, si je me souviens, il y a un travail de deuil qui se fait là-dedans, là, parce que M. Corbeil avait été, à mon avis, à ma connaissance, un des... avait préconisé ce genre de mission. Cette mission-là est maintenant abandonnée. Parce que c'est beaucoup plus petit comme mandat, ce qui est dans la loi n° 104, que ce qui était dans la loi 101 à l'origine. Et ce qui est là, dans la loi 101, depuis le début, là, ça n'a pas été changé, hein?

Et d'ailleurs, il y a l'autre aspect de cette question-là. Encore là... C'est-à-dire que l'article 101 est modifié d'une façon radicale, parce que l'autre volet de l'article 100, c'était de «veiller à ce que le français devienne, le plus tôt possible, la langue des communications, du travail, du commerce et des affaires dans l'Administration et les entreprises». Donc, l'article 100 du chapitre II de la Charte à la fois originelle est revu. L'article 100 a été radicalement modifié, là. Moi, je n'ai rien contre ça, là, mais j'aimerais savoir pourquoi. parce que ça n'a pas dû se faire sur... Ce n'est pas un caprice, là, le fait qu'on ait modifié ça.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, effectivement, le député repère, là, que, même si globalement la description des mandats de l'Office est à peu près la même, il y a des éléments qui n'apparaissent pas exactement de la même manière que par rapport à la formulation de l'article 100 de la loi actuelle. Alors, il note que, effectivement, à l'article 100, on disait: «Un Office [...] est institué pour définir et conduire la politique québécoise en matière de recherche linguistique et de terminologie.»

n(16 h 10)n

Bon, d'abord, la fonction de recherche, elle demeure toujours, on la retrouve à l'article 163. Ce qui est vrai... Bon, le député a présenté ça comme: Est-ce que c'est un deuil? Moi, je dirais que c'est un constat de réalisme par rapport à ce qui se passe maintenant. Ce n'est pas vrai de dire que l'Office est le leader et le seul qui s'occupe et se préoccupe de recherche linguistique et de terminologie. Il s'est développé une expertise extrêmement importante dans plusieurs universités. Bon, je n'en ferai pas état, mais c'est quelque chose qui s'est développé au fil des années, et l'Office n'est pas le seul joueur sur cette question. L'Office est particulièrement leader dans la recherche de terminologie qui concerne son champ d'activité.

Prenons l'exemple, tout à l'heure, quand je vous disais que, par rapport au secteur d'activité, l'Office a développé un découpage des grands secteurs d'activité, autour de l'agroalimentaire, autour de la métallurgie, autour du pharmaceutique, autour de... Bon. Alors, c'est bien évident que dans le cadre de ses fonctions... la production électrique, etc. Dans le cadre de ses fonctions, notamment de soutenir les entreprises, vous savez que l'Office développe beaucoup, par exemple, des guides de termes à employer dans certains secteurs spécialisés: c'est quoi, la terminologie d'une sécheuse, ou la terminologie dans le domaine de l'électricité, ou dans la production de ceci ou de cela. C'est sûr que la recherche de l'Office est particulièrement concentrée sur des sujets pour lesquels l'Office intervient.

Alors, je dirais que c'est une modification... Enfin, oui, une... Par rapport à la version originale de l'article 100... qui est un regard un peu plus réaliste sur l'emprise réelle de l'Office sur la recherche linguistique et de terminologie. L'idée, ce n'est pas d'enlever quelque chose. L'idée, c'est la photographie de ce qui se passe maintenant. Et voilà, il n'y a pas d'autres... Honnêtement, il n'y a pas d'autres intentions derrière ça, si ce n'est qu'on s'est dit: Tant qu'à reformuler, tant qu'à apporter des amendements à la loi, soyons clairs, là, puis ce n'est pas vrai qu'on va donner l'impression que c'est l'Office qui est le leader en matière de recherche linguistique et terminologique.

Le Président (M. Beaumier): Bien.

M. Laporte: Donc, je le fais sans méchanceté, M. le Président, mais on a cessé de rêver, là. Parce que c'est évident que l'étendue de la mission de l'Office, ce que les Américains appellent «the scope», est diminuée par rapport à ce qu'elle était au début. Je suis d'accord avec la ministre, parce que, évidemment, c'était donner à l'Office une mission d'une étendue frisant l'utopie, là. C'est-à-dire de donner à l'Office la mission d'être...

Mme Lemieux: Écoutez, moi, je ne veux pas porter de jugement.

M. Laporte: Non, non, d'accord. D'accord.

Mme Lemieux: C'est difficile, avec le recul... Mais, je dirais une chose, ce qui est formidable, c'est que maintenant ce rêve que nous ayons des connaissances linguistiques et en termes de terminologie qui soient beaucoup plus poussées, beaucoup plus raffinées... Ce rêve, il est partagé par d'autres. Voilà.

M. Laporte: ...le deuil de ce rêve par rapport à soi et célébrer la transmission aux autres.

Mme Lemieux: Enfin, je ne sais pas si c'est un deuil. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Je le comprends...

M. Laporte: C'est toujours difficile, ça, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Oui, je comprends comme quoi...

M. Laporte: Ça va nous créer de l'insomnie, M. le Président, de l'insomnie.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Est-ce que l'article 159 est adopté?

M. Laporte: Oui. Oui.

Le Président (M. Beaumier): Bon. Alors, on va à l'article 160.

M. Laporte: Je m'excuse, là, mais, ici, il y a le petit ajout: «Il est également chargé d'assurer le respect de la présente loi.» Ça veut dire que la fonction de contrôle de la Commission est maintenant transférée à l'Office?

Mme Lemieux: Exact.

M. Laporte: Là, encore là... Là, j'aurais une question, M. le Président, si vous me permettez, mais... Moi, j'ai fait le débat avec Mme Beaudoin au moment de la loi n° 140, où on a ressuscité la Commission de protection, et là je me retrouve avec une nouvelle ministre qui, elle, l'assassine, n'est-ce pas? Donc, je me dis: Il y a des enjeux partisans, là-dedans, qui ne sont pas du domaine de la logique pure, n'est-ce pas? Et donc, là... Parce que je me rappelle qu'à ce moment-là la CPLF, le gouvernement y tenait comme à la prunelle de ses yeux, n'est-ce pas? Mais là, aujourd'hui, on dit: La CPLF, bien, mon Dieu... Nous, les libéraux, on ne peut pas être en désaccord avec ça, parce que ça nous est toujours apparu comme étant une fonction qui pouvait être exercée ailleurs. Et là le gouvernement, si je peux me permettre, M. le Président, se rallie à nous, mais je ne comprends toujours pas la raison. Nous avions nos raisons, nous. Maintenant, quelle est la raison du gouvernement? Nos raisons étaient largement inspirées par une philosophie libérale, n'est-ce pas, pour qui la police de la langue, comme on l'appelait, était vue avec méfiance. Mais là, non, je me suis battu contre la résurrection, mais là voici que j'assiste à son assassinat, alors, ou à sa mise à mort.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, le député d'Outremont a quand même le sens théâtral développé cet après-midi, parce qu'on utilise des grands mots, «résurrection» et «assassinat». Alors, je le répète, écoutez, moi, je pense qu'on est déjà quelques années plus tard, et il y a des enjeux d'efficience, d'efficacité, et que le plus important, c'est que les fonctions demeurent, mais seront donc mieux agencées dans ce nouvel organisme.

Le Président (M. Beaumier): Alors, je considère qu'on réadopte, dans un certain sens, 159. 160.

Mme Lemieux: Oui, 160: «L'Office surveille l'évolution de la situation linguistique au Québec et en fait rapport tous les cinq ans au ministre, notamment en ce qui a trait à l'usage et au statut de la langue française ainsi qu'aux comportements et attitudes des différents groupes linguistiques.»

Alors donc, le sens de cette modification est de confier à l'Office québécois de la langue française le mandat de suivre l'évolution de la situation linguistique au Québec, rôle qui relevait auparavant du Conseil de la langue française. Elle spécifie de plus que l'Office devrait faire rapport au ministre à tous les cinq ans sur la situation linguistique au Québec.

Le Président (M. Beaumier): Bien.

Mme Lemieux: Et j'aurais un amendement. Ah oui, j'aurais un amendement à l'article 160 pour ajouter, dans la deuxième ligne et après le mot «rapport», les mots «au moins».

Alors, l'intégration de ce changement ferait en sorte que l'article se lirait de la manière suivante: «L'Office surveille l'évolution de la situation linguistique au Québec et en fait rapport au moins tous les cinq ans au ministre», le reste étant la même chose.

Le Président (M. Beaumier): Alors, nous comprenons, je crois... L'amendement, c'est recevable.

Mme Lemieux: Et le sens de cet amendement, c'est qu'on a eu des discussions, en commission, particulières. Certains disaient que ça devrait être aux trois ans, d'autres aux cinq ans. Alors, écoutez, en fait, ce n'est pas le délai, là, qui est important. Toutes les informations ne sont pas disponibles aux cinq ans, par exemple. Il y a des choses qui sont disponibles, là, le... Statistique Canada, par exemple, c'est disponible de manière périodique, on peut faire une analyse de ça. D'autres types de rapports sont disponibles à d'autres moments. L'idée, ce n'était pas de fixer dans le béton l'échéance où ce rapport doit être fait. Donc, d'ajouter cette expression: «fait rapport au moins tous les cinq ans», donne toute la flexibilité, nous sort du débat: Est-ce que ça doit être trois ans ou cinq ans? C'est un peu difficile à évaluer. En fait, on veut que les choses se fassent un peu au fur et à mesure où les connaissances s'accumulent.

Le Président (M. Beaumier): Bien. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Alors, sur cet article-là, M. le Président, c'est la ministre qui va finalement décider de son sort, n'est-ce pas?

Le Président (M. Beaumier): Je comprends, là, qu'on discute...

M. Laporte: De l'article 160.

Le Président (M. Beaumier): Et de l'amendement aussi en même temps.

M. Laporte: Et de l'amendement. Sur l'amendement, je pense que ça va.

Le Président (M. Beaumier): Ça va? Bon, bien.

M. Laporte: Moi, je maintiens mon argument à l'effet que le mandat qui est confié maintenant à l'opérateur le place, à un haut degré de probabilité, dans une situation de conflit d'intérêts. Je me suis prononcé là-dessus, d'autres se sont prononcés là-dessus. Je pense que, étant donné surtout que «l'Office surveille l'évolution de la situation linguistique au Québec», ce qui était antérieurement le mandat du Conseil, «et en fait rapport au moins tous les cinq ans au ministre»... Je dis que l'opérateur est dans un conflit d'intérêts ou un conflit potentiel d'intérêts, en ce sens où il doit faire rapport de son efficacité ultimement, n'est-ce pas, puisque finalement l'Office a un impact sur l'évolution de la situation linguistique, à une autorité face à laquelle il est en situation de dépendance.

n(16 h 20)n

Donc, on s'entend bien, n'est-ce pas, que faire rapport de ses carences, ou de ses manques, ou de ses incapacités, ou de ses inefficacités à une personne ou à une autorité, à un pouvoir dont on est dépendant, c'est toujours inconfortable. Je répète ce que dit Peter Drucker: «The priority of managers is the management of their careers.» Alors, aller dire à la ministre: Écoutez, Mme la ministre, je regrette, mais l'évolution de la situation linguistique piétine, il n'y a pas eu de changement comme nous l'aurions envisagé, j'ai hâte de voir quel est le président ou la présidente de l'Office qui aura, disons, le... Est-ce qu'on peut appeler ça du courage? Ou qui aura, en fait, l'indépendance d'esprit pour pouvoir aller dire ça à sa ministre. Donc, on reste... Nous, de l'opposition, nous restons intraitables sur la décision de fusionner les fonctions d'opération et d'évaluation de situation linguistique, qu'on pourrait appeler d'évaluation de politique linguistique, à l'Office de la langue française.

J'ai pensé à ça beaucoup, M. le Président, et c'est pour ça que je dis que c'est à la ministre de faire son lit. Si elle veut avoir notre accord, il y aurait une condition, c'est d'inclure un amendement qui précise que, en plus de faire rapport au ministre à tous les cinq ans ou au moins à tous les cinq ans, l'Office doive aussi faire rapport à l'Assemblée nationale. Là, je pense que le conflit d'intérêts... la probabilité du conflit d'intérêts serait moins élevée parce que l'Office pourrait faire rapport à une autorité par rapport à laquelle elle n'est pas en dépendance, et on aurait donc une... Et là je sais que les gens me diront: Oui, mais, ça, ça peut se faire comme ça se fait normalement. On pourrait aussi évidemment donner au président ou à la présidente de l'Office... Mais là ce serait monter encore un cran et ce serait rendre l'Office encore plus indépendant, de lui donner un statut d'être nommé par l'Assemblée nationale, à l'unanimité de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Si nous allons sur une discussion sur l'amendement, il faudrait le déposer par écrit et, comme disent nos règlements, que ce soit lisible. Ha, ha, ha!

M. Laporte: Ah non, mais je comptais sur l'expertise de la ministre pour en faire un, si elle l'accepte, quoi.

Le Président (M. Beaumier): Bien, on ne peut pas fonctionner tellement comme ça.

M. Laporte: On ne peut pas fonctionner comme ça?

Le Président (M. Beaumier): Non, mais...

M. Laporte: ...en faire un...

Le Président (M. Beaumier): Alors, je suspendrais quelques minutes pour procéder, là, à l'écriture de l'amendement.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

 

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Beaumier): Alors, nous reprenons nos travaux. Alors, je comprends que la parole est au député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, vous me permettrez peut-être de préfacer des amendements, je ferais quelques commentaires. Je voudrais dire que les amendements que nous proposons sont, je pense, inspirés par une intention...

Le Président (M. Beaumier): M. le député d'Outremont, là je m'excuse d'intervenir. Nous avions convenu tantôt, dans l'entracte, si on peut parler dans ces termes-là, qu'il y aurait des textes de disponibles.

M. Laporte: Ah bon, oui, vous les avez, les textes. D'accord, oui, oui.

Le Président (M. Beaumier): Même si ce n'est pas un dépôt officiel d'amendements, je voudrais que tout le monde ait les textes.

M. Laporte: Je m'excuse, je m'excuse.

Le Président (M. Beaumier): Ah, c'était tout simplement un quiproquo, comme on dit. Alors, allez-y, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Je pense que les propos que je vais tenir maintenant, là, sur l'amendement, ce sont des propos qui ne sont pas partisans. Et je le dis en toute honnêteté, je pense que ce serait un héritage que la ministre pourrait laisser de son passage ? je ne veux pas dire que ça se terminera, là ? mais de son passage aux organismes de la langue que de proposer un amendement qui viserait à asseoir d'une façon beaucoup plus forte l'indépendance de l'Office de la langue française, ou de l'Office québécois de la langue française.

Et je pense qu'en allant dans le sens de l'amendement que nous proposons, on aurait deux gains: le premier, ce serait de réduire ? dépendamment de l'option qu'on prendra ? de réduire au maximum ou de réduire, disons, d'une façon acceptable le risque de conflit d'intérêts pour un opérateur qui devient un évaluateur.

Je le répète: Lorsqu'on doit évaluer une situation sur laquelle des interventions, nos interventions ont eu un impact, il est toujours un peu embêtant de faire une évaluation qui irait à l'encontre, c'est-à-dire de produire une évaluation qui puisse être jugée par l'opinion publique comme étant une évaluation fiable ou objective, puisque finalement on est dans la position de s'autoévaluer. Donc, dans un sens, je pense que mon amendement élimine ou, enfin, abaisse considérablement la probabilité de conflit d'intérêts.

D'autre part, et là je ne veux pas présumer de ce que pense l'opinion publique, mais je pense que des personnes qui se sont prononcées contre la décision de transférer à l'Office le mandat de surveiller l'évolution de la situation linguistique accepteraient ce transfert d'autant plus facilement qu'elles auraient la certitude que l'évaluation sera faite par un acteur, par un opérateur qui aura toute liberté de faire une évaluation sans encourir le risque d'être jugé par son patron.

Donc, dans ce sens-là, je ferais deux amendements, enfin deux propositions d'amendement. Dans une première proposition qui est vraiment, à mon avis, celle qui... l'amendement qui me paraît le plus souhaitable, mais peut-être que, pour des raisons techniques, c'est un peu plus difficile, ce serait le premier amendement, c'est-à-dire: L'article 160 proposé par l'article 29 est de nouveau modifié par le remplacement, dans le troisième alinéa, des mots «au ministre» par les mots «à l'Assemblée nationale».

Donc, on le voit, là, on se retrouve devant un Office de la langue française qui a un statut à peu près comparable à celui du Protecteur du citoyen, ou du Directeur des élections, ou de la Commission d'accès à l'information, où périodiquement le président se présente devant les parlementaires pour faire état de l'évolution de la situation linguistique. Et le président ou la présidente peut alors le faire avec d'autant plus d'objectivité que le risque d'être... de déplaire à l'autorité ministérielle est moins grand ou est nul.

L'autre amendement, c'est celui qui vise à ajouter...

Le Président (M. Beaumier): M. le député, je m'excuse, parce que là on ne se comprend pas beaucoup, là. L'article 160, il y a un alinéa, et là on parle du troisième alinéa. Donc, c'est la deuxième ligne.

M. Laporte: À la deuxième ligne, oui. Alors: L'Office surveille l'évolution de la situation linguistique au Québec et en fait rapport au moins tous les cinq ans à l'Assemblée nationale, notamment en ce qui a trait à... Ça, c'est une proposition forte.

Le Président (M. Beaumier): Là, on s'entend bien sur la proposition.

M. Laporte: Une proposition qui est moins forte que celle-là, c'est: L'Office surveille l'évolution de la situation linguistique du Québec et en fait rapport tous les cinq ans à l'Assemblée nationale et au ministre. Mais je pense que je ne suis pas en train de... je ne suis pas partisan, là, en disant ? évidemment, si on dit qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts, c'est une autre question, là ? que l'un et l'autre de ces amendements, et en particulier le premier amendement, éliminent le danger de conflit d'intérêts, puisque je fais rapport à l'Assemblée nationale, qui n'a pas à décider de mon avenir comme président ou présidente d'organisme.

Évidemment, ça enlève à l'autorité ministérielle un certain pouvoir, puisque ce n'est plus par rapport à cette autorité, quoique la présidente ou le président reste dépendant de l'autorité ministérielle, bien entendu, mais elle a tout de même ou il a tout de même ? comment dirais-je? ? une marge de manoeuvre accrue en ce sens qu'il peut tout de même se présenter devant l'Assemblée nationale et dire: Écoutez, pour toutes sortes de raisons qui ont à voir, et que nous avons bien étudiées, en ce qui concerne la francisation des entreprises de telles catégories, de tels secteurs, comme on l'a dit, ça ne marche pas. Et j'en fais rapport à l'Assemblée nationale conformément au mandat qui m'a été confié de surveiller l'évolution de la situation linguistique.

n(16 h 40)n

Ça peut être aussi sur d'autres choses, peut-être qu'on imagine une situation où le... Tiens, disons qu'il y a dans la société québécoise un débat qui se déclenche à un moment donné sur la détérioration de la qualité du français, ou l'abâtardissement, ou la créolisation, ou je ne sais pas trop quoi, l'Office a les ressources à la fois intellectuelles et financières pour pouvoir examiner ce problème-là et, en toute indépendance, dire à l'Assemblée nationale: À notre avis, ce qu'on raconte sur la détérioration de la qualité du français, ce n'est pas juste, ou c'est exagéré. Bien là, ce n'est pas comme de présenter devant un ministre ou une ministre qui, elle, est assujettie à des commentaires qui lui sont faits par des collègues, par des électeurs, par des militants, puis ainsi de suite; ça donne au dirigeant ou à la dirigeante de l'Office une autonomie d'expression que le rapport à l'autorité ministérielle, à mon avis, ne lui donne pas.

Alors, moi, je conclus, M. le Président, en disant: Si la ministre souhaite vraiment que l'article 160 soit applaudi par la galerie, de tous bords et tous côtés, il va falloir, à mon avis, qu'elle y fasse une modification allant dans le sens de ce que j'ai proposé, parce qu'il y a beaucoup de gens qui m'ont dit: Oui, c'est vrai qu'on aurait aimé ça que ça reste au Conseil de la langue française, et ainsi de suite, mais ils m'ont dit: Tout de même, l'Office a une autonomie d'évaluation, là-dedans, qui est considérable, donc ils vont nous donner l'heure juste. Parce que c'est ça qui est le problème finalement qui fait que Guy Rocher est plutôt méfiant à l'égard de la modification qui est proposée. On dit: Coudon, vont-ils être capables de nous donner l'heure juste? Puisque, ici, ils nous donnent l'heure juste, ils prennent le risque de se faire administrer une taloche, hein.

Et, moi, en tout cas, pour un, j'ai travaillé à l'Office et j'ai été président de l'Office à l'époque où il y avait... j'en ai connu, des ministres, à la fois des ministres femmes et des ministres hommes, et j'aurais toujours souhaité avoir plus d'autonomie de parole, d'évaluation, et je pense que, ça, ce serait une excellente façon de le faire.

Évidemment, plus que ça, ce serait de dire: La nomination du président ou de la présidente de l'Office relève de l'Assemblée nationale. Là, vous donnez à l'organisme un statut, un prestige, une autorité que l'Office n'a pas parce que l'Office, fondamentalement, ça reste un opérateur qui est assujetti à une autorité ministérielle, alors que si ça devenait, disons, un organisme qui avait l'autonomie et, disons, l'autorité, le statut légal du Protecteur du citoyen, là, à mon avis, il y aurait à l'Office une écoute qui serait...

Et je le remarque aussi, c'est parce que, tout de même, il y a des choses dans ce projet-là qui sont très intéressantes. Par exemple, on conserve à l'Office évidemment la capacité d'établir les programmes nécessaires à l'application de la loi ? ça, c'est ce qu'on appelle la recherche d'évaluation ? mais ce qui est très intéressant, c'est la création de ce qu'on appelle le comité de suivi de la situation linguistique. Donc, le suivi de la situation linguistique, si j'ai bien compris, il n'est plus le résultat de fonctionnaires exclusivement. Il y a des gens là-dedans qui sont des experts, qui sont des académiciens, et ainsi de suite, alors vous imaginez ce que ça veut dire, là, que cinq ans... Ces gens qui sont des experts de la question se présentent devant l'Assemblée nationale et disent: Nous vous faisons rapport de l'évolution de la situation linguistique. Moi, je pense que ça pourrait avoir pour effet de... enfin, en supposant que la situation évolue dans le bon sens, ça pourrait avoir pour effet de sécuriser beaucoup... de créer beaucoup de sécurité linguistique, parce qu'on l'aurait, l'heure juste, à ce moment-là.

Et je ne présume pas des intentions malicieuses, ou malignes, ou malhonnêtes de personne, je dis qu'il y a des rapports de force dans la société qui font que... des rapports de dépendance qui font que l'objectivité du dirigeant est plus ou moins suspecte, alors que là il n'y en aurait plus parce que le dirigeant pourrait dire: Écoutez, moi, là, je suis imputable à l'Assemblée nationale et, voilà, c'est ce que je décide de dire. Évidemment, s'il était nommé par l'Assemblée nationale, ce serait encore beaucoup plus indépendant, là; mais je n'irai peut-être pas jusque-là, on ira peut-être jusque-là dans une prochaine étape, là, la loi sera encore modifiée.

Mais, moi, je pense que c'est dans l'intérêt de la ministre, pour asseoir l'autorité ? parce que vous savez que l'autorité repose sur le respect, M. le Président ? pour asseoir le respect de l'Office et son autorité, qu'elle lui confère, comme ça, une autonomie et une indépendance par rapport aux politiques. Bien, pas aux politiques au sens... à l'autorité ministérielle, parce que, évidemment, si on fait rapport à l'Assemblée nationale, on est aussi redevable aux politiques, c'est clair.

Mais ça me paraîtrait comme... Ça, je le répète en terminant, je pense que ça serait un bel héritage que la ministre pourrait laisser à la structure administrative de la Charte.

Le Président (M. Beaumier): Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. le Président, il y a plusieurs éléments dans les remarques du député d'Outremont et dans les propositions d'amendement qu'il nous fait. Je voudrais en reprendre quelques-unes. D'abord, il y a un premier choix dans cet article-là. Le premier choix, c'est de maintenir une fonction conseil, mais que cet aspect du suivi de la situation linguistique ne soit pas confié au Conseil mais à quelqu'un d'autre. Ça, c'est un premier mouvement.

M. Laporte: La fonction conseil reste au Conseil.

Mme Lemieux: La fonction conseil reste au Conseil et un conseil peut massacrer ? on se comprend, là, on était dans la résurrection et l'assassinat tout à l'heure ? un conseil pourrait massacrer un rapport de l'Office sur la situation linguistique au Québec. Et si ce premier choix a été fait, c'est qu'il y a eu un constat réaliste des dernières années. Le Conseil de la langue française ? ce n'est pas une question de compétence ou de personne ou de quoi que ce soit ? n'avait pas ou ne disposait pas des données brutes, des données de première main pour pouvoir faire ce travail de ces suivis de la situation linguistique.

Et, deuxième raison ? et celle-ci m'apparaît majeure ? on ne demande pas au Conseil supérieur de l'éducation de faire le suivi de la situation de la scolarisation au Québec ou de nos succès, des indicateurs quant à l'enseignement, etc., on ne demande pas au Conseil de la famille de porter le poids du suivi de la situation des familles, mais tout ce monde-là peuvent massacrer ce qu'ils veulent. Ils peuvent dire ce qu'ils veulent, ils peuvent mettre les projecteurs ? à partir du moment où on a des diagnostics, on a des indicateurs ? ils peuvent mettre les projecteurs sur certains éléments, ils peuvent exprimer des doutes, des insatisfactions, ils peuvent formuler des recommandations, des revendications, tout ce que vous voulez, et ça, c'est la fonction qu'on attribue au Conseil de la langue française, qui pourra, une fois que ces rapports d'évaluation de la situation linguistique sont connus, mettre les projecteurs sur certains éléments et dire: Vous êtes dans le champ, vous vous êtes trompés, il y a des affaires qui ne fonctionnent pas bien, etc. Ça, c'est le premier élément.

Et, pour compléter ce premier élément, écoutez, c'est le ministère de l'Éducation qui est le bras opérateur ? je ne veux pas réduire les ministères et les organismes à si peu de mots, là, mais il faut se le dire ? c'est le ministère de l'Éducation qui est l'opérateur; bien, c'est le ministère de l'Éducation qui fournit l'information sur les indicateurs. Bon, bien, c'est la même chose. L'opérateur, dans ce cas-ci, c'est l'Office. L'Office n'est pas le seul organisme à avoir des informations sur la situation linguistique, mais il en a beaucoup. Puis le reste, c'est de la coordination, puis c'est de la cueillette de données ailleurs, puis c'est le fait de lui donner un sens. Mais, comme l'a dit le député d'Outremont ? et on y reviendra ? la création du comité de suivi de la situation linguistique amène la participation d'autres que des fonctionnaires de l'Office. On se comprend, là? Il va y avoir une interface qui va être vraiment un plus, parce qu'il y aura des intrants ou de l'input qui viendra de spécialistes de certains aspects qui concernent la langue française. Bon, ça, c'est le premier élément.

Le deuxième élément quant à l'héritage que le député d'Outremont tient absolument que je laisse, moi, je veux bien. Mais vous savez qu'il y a une règle qui dit... Elle le dit... En fait, c'est exprimé un peu plus joliment que ce que je vais dire, mais, dans une loi, il ne faut pas parler pour ne rien dire. Et là on a d'autres outils qui sont à la disposition de tous les parlementaires et de la grande famille de la fonction publique, qui s'appellent la Loi sur l'administration publique. Et le lien que le député d'Outremont cherche à voir entre des travaux éventuels de l'Office et l'Assemblée nationale, bien, ces liens-là, ils existent déjà. Par exemple, dans la loi n° 82, Loi sur l'administration publique ? je ne veux pas reprendre tous les éléments de cette loi ? vous le savez, tout le processus de reddition de comptes, notamment, devant l'Assemblée nationale a été révisé et modernisé, révisé de fond en comble. Et la reddition de comptes, donc, a été revue dans un contexte, un État plus moderne et un rôle beaucoup plus actif des parlementaires.

n(16 h 50)n

Et je rappellerai que, par exemple, la loi n° 82 prévoit que chaque ministère et organisme ? ce sera le cas de l'Office québécois de la langue française ? doit établir un plan stratégique, et ce plan stratégique doit comporter un certain nombre d'informations. Chaque ministre doit transmettre au gouvernement le projet de plan stratégique et chaque ministre doit déposer à l'Assemblée nationale le plan stratégique de son ministère et de celui de tout organisme relevant de sa responsabilité. Bon. Alors, le député d'Outremont fait un geste comme si ce n'était pas important, mais...

M. Laporte: Non, non, j'ai dit: Je n'ai pas de problème avec ça.

Mme Lemieux: Bon. Alors... Mais là on a un premier élément.

Deuxième élément, qui est contenu dans cette loi sur l'administration publique, article 24: «Un ministère ou un organisme doit préparer un rapport annuel de gestion. Ce rapport doit [...] comprendre...» toutes sortes de rubriques. «Chaque ministre dépose à l'Assemblée nationale le rapport annuel de gestion». Deuxième poignée, deuxième levier que les parlementaires ont sur la performance ou l'efficacité d'un organisme comme l'Office de la langue française.

Et, plus loin que ça, article 29: «Un sous-ministre ou une personne exerçant les pouvoirs que la Loi sur la fonction publique attribue à un sous-ministre et un dirigeant d'un organisme de l'Administration gouvernementale ? là, c'est le cas, ce n'est pas une exception, là, l'Office québécois de la langue française, ça entre tout à fait dans cet article 29 ? [...] sont, conformément à la loi... donc, un sous-ministre ou une personne exerçant les pouvoirs que la Loi sur la fonction publique attribue à un sous-ministre et un dirigeant d'organisme [...] sont, conformément à la loi, notamment en regard de l'autorité et des pouvoirs du ministre de qui chacun d'eux relève, imputables devant l'Assemblée nationale de leur gestion administrative.

«La commission parlementaire compétente de l'Assemblée [...] doit entendre au moins une fois par année le ministre et, s'il le juge opportun, le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme afin de discuter de leur gestion administrative.»

La commission parlementaire peut discuter notamment de... 1°, 2°, 3°. Bon. Bref, ce lien que je comprends, ce lien que le député d'Outremont cherche à faire entre l'Office et l'Assemblée nationale, je dis: Nous avons tous les outils.

Et je terminerais sur la question de l'indépendance, parce que le député a beaucoup insisté sur cette question d'autonomie et d'indépendance de l'Office. Je comprends bien ce qu'il dit, mais le vrai enjeu de l'indépendance concerne le Conseil de la langue française. Il est là, l'enjeu de l'indépendance. Voilà. Alors, moi, je pense qu'on a... je saisis les intentions du député et, honnêtement, considérant les outils dont on dispose déjà, je ne me sens pas en mesure d'accepter ses propositions d'amendement.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Merci, Mme la ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Deux commentaires. D'abord, le Conseil supérieur de la langue française, tel qu'il est rebaptisé, là, n'aura pas les moyens à la fois financiers et techniques pour faire un rapport au ministre sur l'évolution de la situation linguistique au Québec; ça ne fait plus partie de son mandat. Deuxièmement. Écoutez, j'ai été dans la chaise assez longtemps pour savoir que, pour ce qui est des conseils qu'on donne à un ministre ou à une ministre, on a vraiment tendance à donner les conseils que le ministre ou la ministre nous demande. Bon. C'est comme ça.

Mme Lemieux: Là, ça dépend comment vous avez exercé vos fonctions. Ha, ha, ha!

M. Laporte: Donc, M. le Président, nous allons voter contre le projet de l'article... Je propose que nous passions au vote, M. le Président. Entre la ministre et nous, il y a une différence de philosophie fondamentale, elle ne veut rien comprendre, M. le Président, elle s'arrangera avec son problème, parce qu'il y a du monde que je connais qui sont dans la société québécoise et qui vont trouver, continuer à trouver que c'est une très mauvaise décision d'avoir, comme elle le fait, assujetti un enjeu aussi important que celui de l'évolution de la situation de notre langue nationale, n'est-ce pas, à un opérateur qui se retrouvera totalement en conflit d'intérêts. Alors, qu'on passe au vote, je n'ai pas de temps à perdre là-dessus.

Mme Lemieux: Bien là, M. le Président, là...

Le Président (M. Beaumier): Bien, un instant... Oui.

Mme Lemieux: Je m'excuse, là. Moi, je pense qu'on a toujours un ton très correct, à ces délibérations-là. Je sens que le ton change.

M. Laporte: C'est quoi, mon ton? Il n'est pas correct?

Mme Lemieux: Non. Mais je vais vous dire une chose ? je l'ai dite ici, je l'ai dite la semaine dernière: mon idéal n'était pas ça. Mon idéal n'était pas ça. La proposition de Larose sur l'observatoire de la langue était une proposition intéressante, mais tout le monde a voulu subordonner cette idée d'observatoire au fait qu'on conservait les organismes et les fonctions telles quelles à côté, et ça, jamais je ne vais faire ça. Alors là, il faut faire des choix. Ou bien le député d'Outremont dit: Je suis d'accord avec l'observatoire, mais, le reste, on fusionne, ou bien on se campe sur le modèle qui est là. Mais ce n'est pas vrai ? je vais redire ce que j'ai dit la semaine dernière ? qu'on va gérer le dossier de la langue comme si c'étaient des interventions étagées, oui, en club sandwich. Ha, ha, ha!

M. Laporte: Eh bien, M. le Président, si la ministre ne veut pas gérer des club sandwichs, ça la regarde. Moi, je n'ai pas l'intention de contribuer à la création d'un organisme ou d'une structure administrative qui, je le répète, a perdu beaucoup de son tonus depuis qu'on a abandonné la question de l'observatoire et qui, à mon avis, marque une régression par rapport à la situation actuelle, du point de vue en tout cas de l'indépendance de la fonction de réflexivité, qui ne peut pas être confiée à un opérateur. Voilà! Ce n'est pas des propos insultants, je vous dis tout simplement ce que je pense. Alors, c'est vous qui allez vivre avec cette loi-là, ce n'est pas moi. Mais, moi, je ne peux pas, l'opposition ne peut pas se rallier, je le répète, à un choix aussi régressif face à l'économie de la Charte, qui avait été inventée par le défunt Dr Camille Laurin. Alors, il n'y a plus besoin de discuter, M. le Président. On vote, c'est tout.

Le Président (M. Beaumier): Bien, oui, c'est...

Mme Lemieux: M. le Président, je veux quand même ajouter quelque chose...

Le Président (M. Beaumier): Oui.

Mme Lemieux: ...parce que, évidemment, ces débats sont houleux, et le député d'Outremont pourrait laisser des impressions. Écoutez, c'est la première fois qu'on campera de manière aussi claire le fait que nous avons le devoir de se donner des objectifs, une méthode et des échéances quant à l'évaluation de la situation linguistique. Jusqu'à maintenant, cette fonction, pour toutes sortes de raisons ? puis je n'ai pas à juger le passé ? elle n'était pas assumée totalement et selon les règles de l'art ? pour toutes sortes de raisons; je ne porte pas de jugement, je le dis.

C'est la première fois qu'on va s'équiper, comme société, qu'on va se donner un lieu et des moments pour évaluer l'évolution de notre situation linguistique, et j'ajoute que cette disposition-là doit se lire également en parallèle avec le fait que nous créons une structure intermédiaire de spécialistes qui ne seront donc pas des gens uniquement à l'emploi de l'Office, mais qui seront des spécialistes de l'extérieur et qui vont contribuer formellement et officiellement à l'évaluation de notre situation linguistique. Et ça, c'est une valeur ajoutée par rapport à la situation actuelle.

Le Président (M. Beaumier): Je crois que chacun s'est bien exprimé. Alors, je vais donner suite à la demande, et nous allons disposer de l'article 160. Alors, il y avait une première proposition d'amendement. Est-ce que cet amendement est adopté?

Une voix: Non, rejeté.

Le Président (M. Beaumier): Rejeté. Il y avait une deuxième proposition d'amendement. Est-ce que cette proposition d'amendement, ou cet amendement est rejeté?

Une voix: Rejeté.

Le Président (M. Beaumier): Rejeté. Alors, nous en arrivons à l'article 160. Est-ce que l'article 160 est adopté avec l'amendement où on ajoutait «au moins»? Donc, d'accord?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Beaumier): Alors, c'est adopté?

M. Laporte: Sur division.

Le Président (M. Beaumier): Sur division. Alors, tel que prévu, nous ajournons nos travaux sine die, et merci à tout le monde.

(Fin de la séance à 16 h 59)


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