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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le jeudi 1 juin 2006 - Vol. 39 N° 19

Étude détaillée du projet de loi n° 20 - Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications


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Table des matières

Journal des débats

(Vingt heures dix minutes)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte et je demande à toutes les personnes assises en arrière de bien vouloir éteindre leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît. Le mandat de la commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gaudet (Maskinongé) remplace M. Mercier (Charlesbourg); M. Blackburn (Roberval) remplace M. Moreau (Marguerite-D'Youville); Mme Maltais (Taschereau) remplace Mme Caron (Terrebonne); et M. Jutras (Drummond) remplace Mme Papineau (Prévost).

Étude détaillée

Fonds du patrimoine culturel québécois (suite)

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Nous allons maintenant poursuivre l'étude article par article du projet de loi. Lors de l'ajournement, M. le député de Mercier, juste pour vous rappeler que vous étiez à l'article 1.

M. Turp: Mais je voudrais vous poser une question d'éclaircissement sur la façon d'étudier l'article premier, M. le Président, parce que c'est un article qui comprend plusieurs articles, là, 22.1 jusqu'à 22.12, donc 12 articles. Et je crois qu'il serait tout à fait approprié de les étudier un par un, là, de procéder d'une façon à ce qu'on puisse faire des débats sur chacune des composantes de l'article premier.

Le Président (M. Brodeur): Êtes-vous bien certain? Vous êtes certain de ça?

M. Turp: Alors, je vous demande de m'éclairer sur la bonne façon de procéder.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Normalement, la façon usuelle que le secrétaire me rappelait il y a quelques instants était du fait que vous aviez ? oui, si on parle de temps ? vous aviez 20 minutes sur la première partie, la partie introductive qui nous amène au chapitre III.2, et 20 minutes sur le reste. M. le secrétaire, quelle est la règle à ce sujet?

Le Secrétaire: C'est le règlement qui précise que, pour un projet de loi qui agite... qui ajoute plutôt de nouveaux articles dans une loi existante, le temps de parole est de 20 minutes pour l'alinéa introductif et 20 minutes pour le reste de l'article.

Le Président (M. Brodeur): O.K. Suivant une décision qui a été rendue...

Le Secrétaire: Attendez un instant... le 2 décembre 2003, à la CFP, par M. Paquet.

M. Turp: Alors, pourriez-vous nous expliquer, M. le secrétaire, la portée de cette règle s'agissant de l'article premier de ce projet de loi?

Le Président (M. Brodeur): Chacun des membres de la commission peut parler donc 20 minutes sur la première partie, soit la partie:

1. La Loi sur le ministère de la Culture et des Communications (L.R.Q., chapitre M-17.1) est modifiée par l'insertion, après le chapitre III, du suivant.

Donc, 20 minutes accordées à cette partie-là et 20 minutes sur le reste de l'ensemble de l'article 1, qui s'étend des mots «Chapitre III.1...» jusqu'à la page 5, deuxième paragraphe, «...qu'il établit.», «...modalités qu'il établit.».

M. Turp: Est-ce que je peux vous demander une suspension rapide, là?

Le Président (M. Brodeur): Oui, je peux... Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 13)

 

(Reprise à 20 h 15)

Le Président (M. Brodeur): Nous allons donc continuer nos travaux. Et je reconnais...

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): J'ai... Non, je n'ai... Vous savez que j'ai un devoir de neutralité. Je ne suppose absolument de rien. Donc, M. le député de Mercier, vous avez demandé la parole. Maintenant, je vous la cède.

M. Turp: Merci. Alors, j'ai pris acte de cette règle. Mais je crois comprendre que la pratique a voulu par le passé qu'on puisse...

Le Président (M. Brodeur): De consentement.

M. Turp: ...la ministre puisse donner son consentement à ce que chaque article puisse être examiné de façon distincte. Donc, les 21.1 à 22.12, qu'ils puissent être examinés de façon distincte. Et je voulais savoir de la ministre si elle consentait à ce que nous procédions ainsi.

Mme Beauchamp: Malgré toute l'amitié que je peux avoir pour le député de Mercier, il comprendra que, compte tenu aussi que l'opposition officielle a déjà manifesté aussi son appui à ce projet de loi, je pense qu'au nombre de députés que vous êtes, on a manifestement assez de temps pour procéder à l'étude de ce projet de loi, selon les règles en vigueur.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Nous avons déjà inversé les rôles. J'interpelle la ministre actuelle de la Culture et des Communications. Il m'est arrivé de lui accorder ce consentement, malgré les règles en vigueur. Et cet article qui est très long comporte beaucoup de technicalités sans être... sans avoir du tout, du tout d'opposition nécessairement... n'est vraiment pas voulue à ce projet de loi.

Il y a là-dedans, pour le bien du milieu culturel, une nécessité d'en comprendre les technicalités. C'est pour ça que je suis sincèrement ici, et je serais désolée de voir qu'on soit obligé de... qu'on oublie les règles d'usage, qui sont des règles de bonne entente, surtout quand on sait déjà qu'il y a entente autour du projet de loi, pour permettre une bonne législation. Alors, j'interpelle la ministre, comme elle m'a déjà interpellée dans le passé.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée de Taschereau. Malheureusement, j'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas de consentement. Et les règles veulent que, malheureusement, s'il n'y a pas de consentement, on ne peut plaider les questions de règlement sur la possibilité d'un consentement futur.

Donc, nous allons procéder... Nous étions à l'étude du premier paragraphe tel que le règlement et les décisions nous le spécifient. M. le député de Mercier avait-il épuisé son temps sur la première partie?

Le Secrétaire: 5 min 40 s sur le...

Le Président (M. Brodeur): Il vous restait 5 min 40 s sur le premier paragraphe. Et naturellement les députés de Drummond et de Taschereau, s'ils veulent s'exprimer, s'ils veulent s'exprimer, auront un temps de 20 minutes. Donc, M. le député de Mercier.

M. Turp: Juste un instant, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Ah! Oui. Mme la députée de Taschereau, la parole est à vous.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes devant une loi qui est importante pour moi parce qu'elle touche à une loi qui est rarement touchée, la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications.

Il y a très longtemps qu'on n'a pas joué, si j'ose dire ? parce que c'est le terme, c'est le terme habituel, c'est le terme populaire ? qu'on n'a pas joué dans la Loi du ministère de la Culture et des Communications.

C'est une ouverture qui s'avère exceptionnelle, d'où mon plaidoyer, qui n'était pas un plaidoyer effectivement mais qui était un rappel des règles d'usage en la matière quand s'ouvrent des lois qui touchent au ministère de la Culture et des Communications.

Le ministère de la Culture et des Communications est un ministère extrêmement sensible. C'est un ministère qui touche l'identité des citoyens et des citoyennes du Québec. C'est un ministère qui gère le quotidien souvent des gens. C'est un ministère qui gère la partie plaisirs, bien sûr. Souvent, les gens d'ailleurs réfèrent au ministère de la Culture et des Communications comme étant la partie plaisirs de leur vie.

On parle de culture, on parle de communications, on parle des enfants qui apprennent à danser, on parle des jeunes qui vont au conservatoire. On parle aussi des communications, donc de notre relation avec le réseau des télécommunications, c'est-à-dire le réseau de la télévision, le réseau radiophonique, c'est-à-dire avec le cinéma québécois, cinéma qui est en pleine expansion actuellement. Donc, la partie plaisirs.

n(20 h 20)n

Mais c'est d'abord et avant tout... Pour les fonds, le citoyen, c'est la partie plaisirs, mais collectivement c'est la partie identitaire. Individuellement, c'est la partie à laquelle on est associés, la partie plaisirs, mais collectivement c'est la partie identitaire. Le ministère de la Culture et des Communications est le ministère qui veille à ce que l'identité québécoise, la partie rassembleuse de notre société, le vivre-ensemble s'exprime à travers ses arts, à travers sa culture, à travers ses sociétés d'État, à travers mille expressions, mille formes, tant aimées des Québécois.

J'ai dit «sociétés d'État», parce qu'en ouvrant la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications, ce que nous ouvrons, c'est une loi qui aussi gère une multiplicité de domaines, j'en ai parlé très brièvement, très brièvement, parce que j'aurais pu parler des arts d'interprétation l'un après l'autre, je ne le ferai pas, je le ferai peut-être plus tard, mais j'aurais pu parler de danse, de théâtre, de musique. Mais on parle aussi d'art... J'ai parlé d'art cinématographique, j'aurais pu parler d'art médiatique, j'aurais pu parler d'arts visuels où par ailleurs ? j'ouvre une autre parenthèse, si vous me le permettez, M. le Président ? les arts visuels, où nous avons tant de chemin à faire non pas au niveau de la pertinence artistique, non pas au niveau de la qualité artistique, mais au niveau de la façon de mettre au monde nos artistes et de les faire rayonner à travers le monde. Voilà les grands travaux qui normalement, je crois, moi, qui est une petite expérience du monde artistique et culturel, voilà les grands travaux, par exemple, qui nous attendraient dans le monde des arts visuels. Mais nous n'ouvrons pas le réseau arts visuels, nous ouvrons la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications, qui, je le rappelle, gère donc des sociétés d'État.

Quand je parlais, tout à l'heure, de cinématographie québécoise, bien sûr je disais que cette loi sur le ministère de la Communication touche à la SODEC, Société de développement des entreprises culturelles, cette SODEC, cette Société de développement des entreprises culturelles qui a atteint un point d'efficacité tellement extraordinaire qu'aujourd'hui le cinéma québécois est parmi les cinémas les plus écoutés par les gens du Québec et parmi les cinémas le plus aimés des gens du Québec. Ça ne fait pas longtemps que ça s'est fait. C'est parce qu'un jour un ministre, une ministre ? je crois que c'était une ministre ? a décidé d'entreprendre une législation sur la culture, comme aujourd'hui, je fais référence à ces gestes historiques que l'on pose, et la SOGIC est devenue la SODEC. La Société de gestion des industries culturelles, comprenez bien la différence, gestion seulement d'industries culturelles, est devenue une société de développement des entreprises culturelles. On est passés de la gestion simple et pure au développement. En un simple geste légal, législatif, on a transformé une société d'État et en a fait un outil de développement culturel aujourd'hui extraordinaire, apprécié par les citoyens et citoyennes ? enfin, je dirais, apprécié, les gens ne connaissent pas la SODEC; ce qu'ils connaissent, c'est l'impact sur le cinéma québécois, et ils aiment l'impact sur le cinéma québécois.

Donc, quand on ouvre des lois en matière de culture, on touche à quelque chose de fondamental: notre identité et la façon dont elle s'exprime dans la société québécoise. C'est pourquoi pour moi ce soir est un événement important qu'il faut prendre le temps d'exprimer, qu'il faut prendre le temps de regarder, il faut prendre le temps d'en peser le poids pour notre société. Bien sûr, cet ajout que nous avons, qui est simplement un ajout d'un fonds du patrimoine culturel québécois, n'est peut-être pas un ajout fondamental. Nous ne touchons pas, par le biais de l'ouverture de cette loi, nous ne touchons pas à l'essence d'une activité. Si nous avions voulu toucher à l'essence de l'activité du patrimoine, nous aurions ouvert la loi sur le ministère et fouillé dans la loi même, par exemple, dans la façon dont on exprime qu'est-ce que le patrimoine.

Je remarque d'ailleurs, dans ce projet de loi, que, tout en parlant du patrimoine culturel québécois et d'un fonds qui va gérer le patrimoine culturel québécois, il n'y a aucune expression, aucun mot, aucune définition de ce qu'est le patrimoine, de ce qu'est le patrimoine culturel et de ce que serait un patrimoine culturel québécois. Donc, il y aura des questions à venir, dans ce projet de loi, sur: Qu'est-ce que le patrimoine? Qu'est-ce que le patrimoine culturel? Si on crée un fonds de patrimoine culturel québécois, il va falloir ensemble se parler d'à quoi servira ce fonds, quelles seront les manières de discriminer, d'intégrer, de comprendre le patrimoine culturel. Il y aura des choix à faire. Quand on parle d'argent, on parle de choix. N'importe qui qui a assumé de la gouverne, particulièrement en matière de culture, particulièrement en matière de culture parce que ça n'a pas toujours été le secteur le mieux desservi, mais particulièrement en matière de culture, il y a des choix à faire.

Alors, il y a un choix qui a été fait de créer un fonds du patrimoine culturel québécois sans définition de ce qu'est le patrimoine culturel québécois. Il y a un choix aussi qui a été fait de créer un fonds. Cette loi crée un fonds. J'ai souvent entendu, dans le passé, la ministre actuelle décrier la création de fonds. Alors, en ouvrant la loi et en créant un fonds, est-ce qu'on aide vraiment le secteur de la culture et des communications? Pourquoi on a créé un fonds? Pourquoi on le crée, ce fonds, à l'intérieur de la loi?

Il est arrivé dans le passé, je l'ai fait personnellement, de créer des fonds. Moi, je me souviens du fonds de consolidation et de stabilisation de la culture qui a été créé, on l'a fait. Je pense que même la ministre actuelle, ministre de la Culture et des Communications du Québec, a continué à perpétuer ce fonds. Elle l'a continué pendant quelques années, n'y injectant pas nécessairement beaucoup d'argent neuf, mais comprenant l'importance d'un fonds comme ça, mais n'a pas décidé de... Moi, je n'avais pas décidé, à l'époque, à titre de ministre, de l'inscrire dans un projet de loi.

Alors, pourquoi est-ce qu'on ouvre la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications, hein? Parce que c'est ce dont on parle exactement, M. le Président. Pourquoi on sent la nécessité de la créer à l'intérieur de la loi? Quels sont les mécanismes qui font qu'on est obligé de l'inscrire dans la loi, alors que d'autres fonds ayant aidé dans le passé la culture ? je l'ai nommé, fonds de consolidation et de stabilisation de la culture ? d'autres fonds ont été créés pour appuyer la culture, de même type, mais n'ont pas été inscrits dans une loi? Donc, on a ouvert la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications et on a décidé de modifier la loi par une insertion qui, je le répète, n'est pas nécessairement fondamentale mais est un outil important.

Est-ce qu'un outil se devait d'être législatif? C'est ma première question. Quelle était la nécessité d'inscrire ce fonds dans la législation? L'autre volet, c'est: Qu'est-ce qui fait que, dans ce ministère de la Culture et des Communications, on n'est pas encore capable de nous décrire le patrimoine culturel québécois, tout en créant un fonds? Peut-être y a-t-il, à l'intérieur du ministère, une description du patrimoine culturel québécois.

J'ai participé personnellement ainsi que d'autres à beaucoup de réflexion sur le patrimoine culturel québécois. Je pense au rapport Arpin, Le présent du passé, c'était le titre du rapport Arpin, Le présent du passé, qui est un rapport qui, il faut le dire, après 15 ans de doute, j'appellerai cela «doute»... Parce qu'évidemment, dans le monde culturel, on ne parle pas de... Le doute est fondamental. Le doute est la base de la création. Si on ne s'interroge pas, on ne crée pas. Alors, le doute qui régnait dans le monde du patrimoine était à l'effet de, si on définit le patrimoine, quelle sera la place du patrimoine vivant, du patrimoine bâti, du patrimoine industriel?

Parce qu'il en existe, un patrimoine industriel. S'il y a des députés de Montréal, ils savent très bien, par exemple, que le silo du Vieux-Port de Montréal fait partie du patrimoine industriel et est une matière à débats, mais... depuis des années, à Montréal. J'ai vu personnellement ce silo dont je ne me souviens pas la numérotation. Je me demande si c'était le silo n° 11 ou silo n° 15...

Mme Beauchamp: N° 5.

n(20 h 30)n

Mme Maltais: N° 5. Merci, Mme la ministre. Alors, le silo n° 5, et je vois qu'elle le connaît bien, elle vit au coeur de ces débats, donc ce silo n° 5 est exactement la matière à débats en matière de patrimoine culturel. Le silo n° 5 est un bâtiment industriel remarquable, témoin de son époque, mais d'une époque qui n'est pas considérée encore, dans la tête des gens, comme une époque importante.

Alors, en ouvrant la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications, et donc en insérant un bout du patrimoine, on entre dans un débat sur le patrimoine qui n'a pas trouvé encore son assise. 15 ans de doute, non pas de tergiversation, non pas d'incertitude et non pas de débat ? parce que ce serait peut-être blesser des gens qui ont des convictions profondes et intimes parce qu'ils adhèrent au patrimoine culturel québécois, mais qu'ils en voient un secteur ? mais donc 15 ans de discussion ont amené le doute, ont amené au rapport Arpin, Le présent du passé, que jusqu'ici ? et là je le fais très simplement; jusqu'ici ? personne n'a réussi à faire aboutir en politique.

Parce que justement cette matière, le patrimoine culturel québécois, est une matière extrêmement difficile à quantifier, à rendre tangible, à exprimer, parce qu'elle est matière à débats avec les municipalités. Les municipalités sont de grands gestionnaires du patrimoine culturel québécois. Les individus, le privé est un grand gestionnaire du patrimoine culturel québécois.

Il existe, par exemple, au ministère de la Culture et des Communications, la ministre nous en parlera sûrement aujourd'hui, puisque nous préparons une ouverture de projet de loi qui ouvre le Fonds du patrimoine culturel québécois, donc qui va parler, qui va participer... des technicalités autour des fondements de la gestion, mais surtout du financement du patrimoine culturel québécois. Donc, en ouvrant cela, on parle du privé, puisque dans les grandes... particulièrement dans les grands centres urbains, je pense à Québec, notre capitale nationale, je pense à Montréal, notre métropole, je pense à Gaspé, Gaspé où il y a un patrimoine culturel, où il y a d'ailleurs des ententes avec les municipalités où c'est un secteur... je me demande si ce n'est pas déclaré secteur patrimonial. Donc, le privé gère ces résidences, ces maisons qui sont le fondement de notre patrimoine.

J'ai parlé de Gaspé d'ailleurs, justement une anecdote en passant, hier soir, j'écoutais la télévision et j'ai vu un débat à Gaspé... à Percé, pardon, à Percé... J'ai dit Gaspé, je me suis trompée, j'ai erré, M. le Président, vous me permettez d'errer parfois.

Le Président (M. Brodeur): Vous êtes pardonnée pour cette fois.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. J'erre, mais si peu. Peut-être est-ce le doute qui m'assaille, peut-être est-ce mon fonds artistique qui resurgit parfois quand on parle de culture, mais voilà. Donc, j'ai vu un reportage, hier soir, sur Percé où il y avait un débat, parce que, même si la municipalité gère très bien son patrimoine, il y a un centre-ville où la ville est responsable de la gestion du patrimoine, où les commerçants sont tout à fait d'accord avec cela. Un bâtiment s'est élevé et le toit est trop élevé, ce qui coupe la vue sur le rocher Percé.

La municipalité, à ce que je voyais, disait: Mais, mon Dieu, on ne l'a pas vu passer. Les architectes disaient, les ingénieurs disaient: On ne l'a pas vu passer. Mais c'est ça, le patrimoine. C'est qu'il est en mouvement. Le patrimoine bâti est en mouvement perpétuel, et le patrimoine bâti n'est pas géré que par le ministère de la Culture et des Communications, il est géré par une foule d'instances et d'individus. Donc, en ouvrant la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications et en touchant un fonds du patrimoine culturel québécois, il va falloir voir jusqu'à quel point ça... d'où je parlais de technicalités, mon petit, tout petit plaidoyer du début disait: Toutes ces technicalités, toutes ces façons dont ça va être géré sont extrêmement importantes. Parce que plein de gens, tout le Québec est intéressé par le patrimoine culturel québécois.

Prenons Percé. Je vous ai parlé du patrimoine bâti, mais le véritable impact de ce bâtiment, ce n'est pas son impact sur le patrimoine bâti, c'est son impact sur le patrimoine visuel. Vous rendez-vous compte de la façon dont on détermine maintenant le patrimoine culturel québécois, quand on en est rendu à parler de politique du paysage, de patrimoine visuel. Parce que les personnes qui sont sur le terrain de camping en haut du rocher Percé, qui paient un emplacement parce qu'ils ont accès tout à coup au patrimoine visuel, un des patrimoines visuels les plus formidables du Québec, le rocher Percé, attrait touristique. Et ici c'est la porte-parole en matière de tourisme qui va peut-être vous dire: Il y a quelque chose d'extraordinaire dans ce rocher Percé, il est un des points remarquables, une des images de marque du Québec. Des gens vont à ce terrain de camping pour avoir une vue sur le rocher Percé, mais, oups! un bâtiment a échappé aux règles du patrimoine bâti et brise le patrimoine visuel, brise le paysage visuel, brise une percée visuelle unique. On parle de patrimoine culturel québécois. Comment est-ce que ça va s'inscrire dans cette ouverture sur la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications? En créant un fonds du patrimoine culturel québécois, comment est-ce qu'on va gérer le patrimoine de toute matière? Comment est-ce que ça va s'inscrire? La députée de Bellechasse semble fascinée de voir, de découvrir tout à coup, elle qui pourtant a une bonne expérience en matière culturelle, tous les aspects du patrimoine et non seulement les aspects différents, mais la façon dont ils s'enchâssent dans le vécu quotidien des Québécois et des Québécoises.

Donc, en ouvrant cette Loi sur le ministère de la Culture et des Communications... M. le Président, déjà? Je suis... Mais la grandeur du patrimoine culturel québécois me force à ne toucher qu'un petit secteur du patrimoine culturel québécois. Donc, l'ouverture de cette loi est importante. La création d'un fonds est importante. J'ai souvent entendu la ministre, à l'époque où elle était dans l'opposition, décrier les fonds qui avaient été créés. Je ne ferai pas la même chose, mais je serai attentive, M. le Président, tout simplement attentive à ce que cela aura comme impact sur le vécu, sur la façon dont des gens intéressés, brillants, inventifs, innovateurs, et surtout, surtout amoureux de leur patrimoine vont réussir, avec ce fonds, à continuer à le protéger pour les générations futures. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée de Taschereau. Donc, on peut constater qu'un trou dans le règlement empêche de voir le rocher Percé. Donc, M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. Alors, merci, M. le Président. D'abord, une question de précision de votre part, M. le Président, question de directive, là. Je comprends que nous n'en sommes que sur ce qui se lit, là: La Loi sur le ministère de la Culture et des Communications (L.R.Q., chapitre M-17.1) est modifiée par l'insertion, après le chapitre III, du suivant ? deux points. Nous en sommes là-dessus?

Le Président (M. Brodeur): Exactement. Donc, vous avez 20 minutes sur le mot de votre choix ou la ligne de votre choix.

M. Jutras: Bon. Alors...

Des voix: ...

Mme Beauchamp: Moi, je suggère 20 minutes sur les deux-points.

M. Turp: Les deux-points. Il est capable pour les deux-points. Il est capable.

n(20 h 40)n

M. Jutras: Chaque chose en son temps. Moi aussi, M. le Président, je dois vous dire que j'ai eu une certaine surprise de voir qu'un fonds était constitué, qui sera appelé, là, si la loi est adoptée, le Fonds du patrimoine culturel québécois, à moins que ce ne soit amendé, là.

Mais je suis retourné à la loi, parce qu'on nous arrive avec une loi qui rajoute un chapitre. Alors, je suis allé voir de quelle façon, M. le Président, cette loi-là était constituée. Et ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de travailler dans cette loi-là, et j'ai encore la même surprise que j'ai déjà eue: c'est étonnant de voir à quel point c'est une loi dans laquelle on retrouve peu de choses, M. le Président. Il y a en fait à peu près seulement 22 articles, il y en a quelque chose comme une dizaine qui ont déjà été abrogés, puis les autres articles, ce sont des dispositions transitoires.

Alors, ça veut dire que, sur le fond de cette loi-là, on se retrouve donc, M. le Président, avec 22 articles, et là on rajoute un chapitre qui va rajouter environ 14 articles, là, quand on comprend tous les alinéas. Alors, ça veut dire, M. le Président, que l'ajout qu'on fait à la loi est important, là, et un peu plus, là, l'ajout l'emportait sur la loi, quand on regarde le nombre d'articles par rapport à ce qui est constitué, à ce qu'on voit dans la loi existante.

Mais cette surprise-là, M. le Président, je veux la redire, parce qu'on pourrait penser que, dans la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications, il y a beaucoup de matière, mais en fait, là, on constate qu'il y a un premier chapitre qui parle de l'organisation du ministère. Et ça, ce que l'on peut dire, c'est en quelque sorte standard. On retrouve ça dans toutes les lois constitutives d'un ministère, à savoir que, bon, on a un ministre responsable, on a un sous-ministre, avec les fonctions du sous-ministre en question, l'autorité, la délégation de pouvoirs, la subdélégation, le personnel, la signature et qu'est-ce qui... et l'appareil automatique, là, aux fins de signature, document authentique. Ça, c'est la première partie de cette loi-là.

On a, M. le Président, le chapitre II ? puis, encore là, ça aussi, c'est standard ? Fonctions et pouvoirs du ministre. Et ça, j'y reviendrai. Et par la suite on a le chapitre III, qui concerne les bibliothèques publiques et les centres régionaux de services aux bibliothèques publiques. C'est tout ce qu'il y a dans cette loi-là.

C'est quand même assez étonnant, parce qu'à mes yeux, M. le Président, le ministère de la Culture et des Communications, c'est un ministère important. Mais, quand on constate que la loi constitutive contient si peu d'articles, mais surtout, M. le Président, quand on va aux fonctions et pouvoirs du ministre... Et là je vais faire le lien tantôt avec le fonds que l'on crée, parce que c'est un peu spécial, là, la façon de procéder.

Et, moi aussi, à l'instar de ma collègue la députée de Taschereau, j'ai hâte d'entendre la ministre sur la justification d'un fonds, parce que je me souviens, quand nos amis d'en face étaient dans l'opposition, à quel point ils ont décrié la constitution et la création de fonds.

Une voix: ...c'était effrayant.

M. Jutras: Oui. Quelqu'un me glisse à l'oreille que «c'était effrayant». Ils ont condamné ça sur toutes les tribunes, dans toutes les commissions parlementaires, partout, au vu et au su de tous. Et là, tout à coup, tout à coup, M. le Président, on assiste à la création de fonds par les mêmes personnes qui les ont tant dénoncés.

Je vois qu'effectivement vous froncez les sourcils. Je vous comprends de froncer les sourcils parce qu'effectivement c'est à se demander qu'est-ce qui a pu justifier le revirement de position, le revirement de situation.

Et c'est pour ça que, moi aussi, je le dis: J'ai hâte d'entendre la ministre là-dessus, voir comment elle va nous justifier ça, surtout avec certains articles qu'on voit dans les articles constitutifs du fonds, là. On va voir que la ministre, là, finalement, là, va devoir négocier avec le ministre des Finances. Alors, ce n'est pas elle qui aura la pleine autorité sur un fonds qui est pour le patrimoine culturel québécois, c'est le ministre des Finances qui, entre autres, va gérer cet argent-là. Alors, il me semble que, si on croit vraiment dans la culture, ça m'apparaît être une étrange façon de procéder.

Mais, M. le Président, je veux revenir sur le chapitre II. Je vous parlais... Puis je vais faire le lien, là, avec le chapitre qu'on ajoute. Je vous ai parlé du chapitre I, qui était l'organisation du ministère, le chapitre II, les fonctions et pouvoirs du ministre.

C'est étrange de voir que, dans cette loi-là, il n'y a pas de définition; on ne définit pas ce qu'on entend par «patrimoine», on ne définit pas ce qu'on entend par «culture» ni ce qu'on entend par «les arts», et on... Je lis, là, l'article 10, qui parle des responsabilités de la ministre, où on dit: «En matière de culture...», et il n'y a pas d'article au début de la loi, article de définition: «En matière de culture, le ministre exerce ses fonctions dans les domaines du patrimoine, des arts, des lettres et des industries culturelles.» Et aucun de ces éléments-là, que l'on parle de patrimoine, que l'on parle d'arts, que l'on parle de lettres ou d'industries culturelles, on ne trouve aucune définition dans la loi.

Et, quand on parle de la responsabilité de la ministre, on dit: «Dans ces domaines, le ministre a pour fonction de soutenir principalement les activités de création, d'animation, de production, de promotion, de diffusion, de formation, de recherche et de conservation et de contribuer à leur développement. Il veille en outre à l'harmonisation des activités du gouvernement, des ministères et des organismes publics en matière de culture.» Alors, même par rapport à tous ces autres éléments-là qui concernent les activités de création, d'animation, encore là, M. le Président, il n'y a aucune définition.

Par ailleurs, il faut se souvenir qu'on parle du ministère de la Culture et des Communications, et, en matière de communications, ce qu'on y lit tout simplement, c'est deux courtes lignes: «En matière de communications, le ministre exerce ses fonctions dans les domaines des médias, des télécommunications et des entreprises de communication.»

Moi, je voulais quand même souligner ça, M. le Président, et de voir une loi d'une telle importance... parce que, pour moi, c'est une loi importante. Et pourquoi c'est une loi importante? Parce que ça tient à l'identité québécoise, que le mandat qui est confié à la ministre, là, soit en des termes aucunement définis, je trouve ça, je trouve ça tout à fait particulier.

Puis, je vous le disais, chapitre III, c'est les bibliothèques publiques. Mais, quand on regarde le fonds qui est constitué, ce qu'on s'aperçoit encore là, comme le disait ma collègue il y a quelques minutes, la députée de Taschereau, il n'y a aucune définition. On parle du Fonds du patrimoine culturel québécois, on ne dit pas ce qu'on entend par le mot «patrimoine», puis là on parle aussi de restauration, de recyclage, de mise aux normes, de diffusion, d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois. Encore là, il n'y a aucune définition.

Mais je veux vous référer tout de suite, M. le Président, à l'article 22.4 de la loi...

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Oui. O.K., allez-y, continuez.

M. Jutras: Si vous n'en avez pas une copie, je peux...

Le Président (M. Brodeur): Non. Non, laissez faire, continuez.

M. Jutras: ...on peut suspendre pour en faire une photocopie. Ça va?

Le Président (M. Brodeur): Non, non, non. Allez-y, allez-y.

M. Jutras: Alors, on dit: «La gestion des sommes constituant le fonds est confiée au ministre des Finances. Celles-ci sont versées à son crédit et déposées auprès des institutions financières qu'il désigne.»

Alors, moi, M. le Président, je me pose deux questions à partir de ça: Pourquoi on crée un fonds? Pourquoi on rajoute ça à l'intérieur de cette loi-là et, partant de là, pourquoi on confie la gestion des sommes au ministre des Finances? Pourquoi ce ne serait pas la ministre de la Culture qui gérerait ces argents? Il me semble que ça irait de soi. Alors, et ça rejoint aussi l'interrogation de ma collègue il y a quelques minutes, la députée de Taschereau qui disait: Pourquoi on crée un fonds? Pourquoi finalement, effectivement, on modifie la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications pour ajouter le chapitre III.1 qui va après le chapitre des bibliothèques pour dire qu'on crée le fonds? Ce n'est pas nécessaire. La ministre gère déjà des argents. Les argents lui viennent, là, par les voies normales, par les voies administratives, mais là on crée un fonds, et ce qui est le pire, M. le Président, c'est qu'on nous dit que la gestion des sommes va relever du ministre des Finances.

Moi, il me semble qu'être le ministre de la Culture j'aurais dit: Envoyez-moi ces argents-là dans mon ministère, et, moi, comme ministre de la Culture, je vais les gérer. Pourquoi créer un fonds dont la gestion appartient au ministre des Finances? Alors, j'ai vraiment hâte, M. le Président, d'entendre les explications que va nous donner la ministre à cet effet-là, mais ça m'apparaît tout à fait particulier. Surtout que, quand on regarde l'article 14 qui est dans le chapitre II, quand on dit: «Aux fins de l'exercice de ses fonctions, le ministre peut notamment ? bon ? accorder, aux conditions qu'il fixe, une aide financière ou technique relative aux activités ou aux équipements ? donc, elle en gère déjà, là, des argents ? conclure des ententes de développement avec des municipalités, des organismes régionaux ou des groupes, en matière de culture ou des communications ? c'est-u bien ça? ? [contribuer] favoriser le rayonnement au Canada et à l'étranger de la culture québécoise et de l'expertise québécoise en matière de communications ? puis ? contribuer, en collaboration avec les autres ministères et les organismes publics, au développement des industries culturelles et au développement des entreprises de communications, au Québec, dans le reste du Canada et à l'étranger...»

n(20 h 50)n

Moi, je me dis: Tout ce qui est là, M. le Président, permet déjà à la ministre de prendre des décisions et surtout de gérer les argents qui sont dévolus à la culture pour effectivement, là, accomplir les pouvoirs qu'elle a en vertu de l'article 14. Alors, on aurait pu se contenter, M. le Président, et l'exercice que nous avons à faire ici, en commission parlementaire, aurait été beaucoup moins long... Mais là, là, on a choisi une voie qui nous annonce de plus longues heures de travail, mais on aurait pu tout simplement, s'il le fallait ? parce que je ne suis même pas convaincu que c'était nécessaire ? mais on aurait pu tout simplement apporter un ajout à l'article 14 du chapitre II, puis, quand on dit: «Aux fins de l'exercice de ses fonctions, le ministre peut notamment...», bien on aurait pu dire qu'«elle accorde une aide financière pour la restauration, le recyclage, la mise aux normes, la diffusion d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois». On aurait pu tout simplement procéder comme ça. Et, plutôt que d'ajouter un chapitre complet dans la loi, on aurait pu tout simplement faire un ajout à l'article 14, y rajouter un alinéa, et les fins que nous poursuivons, M. le Président, auraient été atteintes.

Et on ne procède pas de cette façon-là. Alors, il me semble que, là aussi, en tout cas on va voir ce que la ministre va nous dire, là, quant à la justification de la constitution de ce fonds. Mais il me semble qu'elle doit se sentir un peu inquiète par la constitution de ce fonds-là alors qu'elle a déjà des pouvoirs de par la loi, et on le dit, là, à l'article 10, là: «En matière de culture, le ministre exerce ses fonctions dans les domaines du patrimoine, des arts, des lettres et des industries culturelles.» Elle l'avait déjà, là, le pouvoir de s'occuper du patrimoine québécois.

Alors, tout simplement, si effectivement le gouvernement libéral voulait faire une annonce quant à la restauration du patrimoine culturel québécois, qu'il le fasse dans le budget, ça, on comprend ça. Mais pourquoi créer le fonds? Pourquoi ne pas tout simplement faire en sorte que les argents concernés s'en aillent au ministère en question et que la ministre elle-même gère ce fonds-là? Il me semble que ça aurait été plus simple et surtout que la loi est déjà faite, est déjà constituée dans ce sens-là.

Alors, en tout cas, on va voir de quelle façon la ministre va nous justifier ça. Peut-être nous dira-t-elle qu'elle est quand même, en vertu de l'article 22.7 qu'on veut rajouter, là, par le projet de loi n° 20, peut-être nous dira-t-elle que... Et l'article 22.7 se lit ainsi: «Le ministre de la Culture et des Communications peut, à titre d'administrateur du fonds, emprunter auprès du ministre des Finances des sommes prises sur le Fonds de financement institué en vertu de la Loi sur le ministère des Finances.»

Alors, peut-être nous dira-t-elle qu'elle est administrateur du fonds, mais par contre ce que je vais lui dire, c'est que la gestion des sommes est confiée au ministre des Finances, et il me semble, M. le Président... Puis même aussi, quand on regarde en plus l'article 22.8 qui vient rajouter que «les sommes nécessaires au paiement de la rémunération et des dépenses afférentes aux avantages sociaux et [aux] autres conditions de travail des personnes affectées, conformément à la Loi sur la fonction publique, aux activités reliées au fonds sont prises sur ce fonds».

Si l'argent avait été dévolu comme il aurait dû se faire normalement, si l'argent avait été dévolu directement au ministère de la Culture à partir du ministère des Finances, bien oui, ça veut dire qu'effectivement la rémunération puis les dépenses, effectivement, de quelle façon ça doit être géré, on n'aurait pas eu besoin de rajouter ça.

Alors, M. le Président, je dis donc...

Une voix: ...

M. Jutras: Pardon?

Une voix: Quatre minutes.

M. Jutras: Seulement quatre minutes.

Une voix: Ça passe vite, hein?

M. Jutras: Oui. Alors, je dis donc, M. le Président, que cette idée de consacrer des argents à la restauration, le recyclage, la mise aux normes, la diffusion du patrimoine culturel québécois, je la trouve intéressante. Je la trouve très intéressante. Cette idée de prendre cet argent à même, là, finalement, la taxe... c'est-à-dire l'impôt sur le tabac, là, qui était prélevé en vertu de la Loi concernant l'impôt sur le tabac, elle aussi, M. le Président, je la trouve intéressante, cette idée-là. Mais l'idée de procéder par un fonds, ça, je conclus de cette façon-là, je conclus de la même façon que j'ai commencé, avec la même question. J'ai hâte d'entendre la ministre, voir de quelle façon elle justifiera la création de ce fonds-là. Et nous pourrons, c'est ça qui va être intéressant, M. le Président, nous pourrons au fur et à mesure lui ressortir les arguments qu'elle nous servait à l'époque, les uns après les autres, et voir comment elle aura changé d'idée par rapport à chacun de ces arguments-là. C'est toujours intéressant de voir l'évolution de la pensée de quelqu'un. Comment il se fait que quelqu'un, à un moment donné, a pu penser de telle façon et en venir à défendre avec force, là, l'idée tout à fait contraire. Ce sera, M. le Président, des plus intéressants, surtout qu'aussi ce que j'ai hâte de voir, là, c'est...

On nous parle d'un montant de 10 millions, ça aussi, je trouve ça intéressant. Mais pourquoi seulement 10 millions? J'ai hâte de voir si la ministre a des études qui vont nous permettre de savoir quel bout de chemin on va pouvoir faire avec 10 millions. Parce que, quand on est dans le domaine culturel puis qu'on parle de restauration, de recyclage, de mise aux normes, de diffusion du patrimoine culturel québécois, les piastres s'additionnent vite parce que, bon, on parle, là, de patrimoine, puis de respect du patrimoine, puis de conservation du patrimoine. Puis à chacun, chacune...

M. Turp: La première année, c'est juste 5 millions?

M. Jutras: Oui. Puis à chacun, chacune d'entre nous, s'il y a quelque chose de précieux, c'est bien ça, le patrimoine québécois. Alors, moi, quand je vois que... 10 millions, je me demande quel bout de chemin la ministre va pouvoir faire avec ça. C'est sûr qu'elle va pouvoir en faire un, mais jusqu'à quel point elle va pouvoir s'avancer. Et surtout, comme me le dit mon collègue, là, le député de Mercier: La première année, c'est seulement 5 millions. Alors, ça veut dire que... Et puis quand on tient compte que les articles prévoient que les dépenses qui ont trait à la rémunération, et les autres avantages sociaux, et autres conditions de travail sont prises à même le fonds, alors je vais vous dire, M. le Président ? vous me faites signe qu'il me reste juste une minute ? alors, je vous dis, M. le Président, que je ne suis pas sûr que la ministre va faire un bon bout de chemin. Mais c'est un premier pas. On verra, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Drummond. M. le député de Mercier, vous nous avez indiqué votre intention d'intervenir?

M. Turp: M. le Président, juste pour notre gouverne, là. Je souhaitais présenter un amendement, mais je veux le présenter à l'article 22.1 qu'ajoute l'article premier. Et je voudrais savoir à quel moment procéder au dépôt de cet amendement, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Je vous conseille, pour plus de clarté, peut-être vous avez un peu plus de cinq minutes à compléter sur... je suis convaincu que vous voulez encore vous exprimer sur le premier paragraphe de l'article 1. À la suite de ça, peut-être que ce sera le moment opportun.

M. Turp: On pourra le présenter dans les 20 minutes qui...

M. Jutras: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Jutras: ...si mon collègue ne se prévaut pas du cinq minutes, est-ce que je peux m'en prévaloir? Parce que j'aurais...

Le Président (M. Brodeur): Malheureusement... Malheureusement, non.

M. Jutras: Non?

M. Turp: Je serais disposé à prêter du temps à mon collègue, mais...

Le Président (M. Brodeur): Oui, mais dans la rubrique «prêt» du règlement, ce n'est pas inscrit.

M. Turp: Alors, M. le Président, je vais compléter mes 20 minutes.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Vous pouvez... Exactement, il vous reste 5 min 40 s.

M. Turp: 5 min 40 s. Alors donc, pour ma gouverne, M. le Président, lorsque ce cinq minutes sera terminé, on va commencer la période d'intervention sur le corps de l'article et non pas son...

Le Président (M. Brodeur): Exactement.

M. Turp: Et c'est à ce moment-là que je pourrai présenter mon amendement.

Le Président (M. Brodeur): À votre guise.

M. Turp: J'ai compris?

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Turp: Très bien. Alors, pour ce qui est de... M. le Président, lorsque nous étions réunis, il y a quelques jours, pour parler du projet de loi n° 20, j'avais effectivement dit à la ministre l'importance que nous devions conférer au patrimoine en général. Nous avions commencé un débat sur le patrimoine culturel, la signification de cette notion de «patrimoine culturel». Et mes deux collègues se sont interrogés d'ailleurs sur la signification de cette notion, puisqu'il n'y a pas de définition qui est incluse dans le projet de loi n° 20 et qu'une personne qui lirait le projet de loi n° 20 pourrait avoir une certaine difficulté à comprendre l'objet qu'on va pouvoir soutenir ou l'ensemble qu'on va pouvoir soutenir parce qu'il n'y a pas de définition de la notion de «patrimoine culturel».

n(21 heures)n

On a rappelé que la notion de «patrimoine culturel» avait connu une première insertion dans une loi québécoise parce que la Loi sur le développement durable comprend une référence au patrimoine culturel, puisque l'article 6 et son alinéa k, lorsqu'ils parlent d'un des principes applicables en matière de développement durable, ils parlent de la protection du patrimoine culturel en disant ceci: «Le patrimoine culturel, constitué de biens, de lieux, de paysages, de traditions et de savoirs ? et on continue en disant ? reflète l'identité d'une société. Il transmet les valeurs de celle-ci de génération en génération et sa conservation favorise le caractère durable du développement. Il importe d'assurer son identification, sa protection et sa mise en valeur, en tenant compte des composantes de rareté et de fragilité qui le caractérisent.»

Vous constatez tout de même, M. le Président, que c'est assez laconique, hein: «Le patrimoine culturel, constitué de biens, de lieux, de paysages, de traditions et de savoirs...» Alors, le patrimoine culturel, c'est un peu la définition qu'on y trouve, on dit qu'il est constitué d'un certain nombre de choses, là, mais pas seulement des choses, là, des biens en effet, mais des lieux, des paysages, des traditions, ce qui est plus immatériel, des savoirs, ce qui est immatériel également.

Et je ne crois pas que cette référence au patrimoine culturel soit très satisfaisante lorsqu'il s'agit de définir la notion de «patrimoine culturel». Et il sera donc sans doute intéressant de proposer l'insertion, dans le projet de loi n° 20, d'une définition de ce qu'est le patrimoine culturel pour que ceux et celles qui vont être appelés à revendiquer le soutien financier du fonds puissent savoir, puissent savoir si ce qu'ils revendiquent appartient au patrimoine culturel. Et il en ira de même pour les personnes qui auront la responsabilité d'attribuer ce soutien financier et qui pourront savoir ce qu'est ce patrimoine culturel.

Et je crois qu'il y aurait intérêt à ce que la loi qui crée ce fonds définisse ce qu'est le patrimoine culturel plus qu'il ne le fait maintenant, parce que l'article 22.1 vraiment est plus que laconique. Il ne fait qu'affirmer l'existence du patrimoine culturel québécois, de dire qu'il est important d'adopter ou de soutenir des mesures qui favorisent la conservation et la mise en valeur, dont la restauration, le recyclage, la mise aux normes et la diffusion, d'éléments significatifs de ce patrimoine culturel. Alors, ça ne nous dit pas ce qu'est le patrimoine culturel, ça nous dit qu'il faudrait adopter des mesures pour soutenir les éléments significatifs du patrimoine culturel.

Alors, M. le Président, je crois que mes collègues, là, ont très rapidement vu qu'il y avait comme une lacune qui mériterait d'être comblée et que l'opposition officielle va chercher à combler en présentant, dans quelques instants, un amendement visant à intégrer, dans le projet de loi, une définition de la notion de «patrimoine culturel».

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Mercier. Donc, je vous suggère d'entamer cette deuxième partie sur le reste de l'article à partir des mots «Chapitre III.1».

M. Turp: Très bien.

Le Président (M. Brodeur): Et, j'ai compris, vous avez signalé déjà votre intention de déposer un amendement immédiatement?

M. Turp: Tout à fait, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Allez-y, M. le député.

M. Turp: Je peux le formuler?

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Turp: Alors, je propose donc que soit ajouté à l'article 22.1 un troisième alinéa qui se lirait comme suit:

«Est considéré comme appartenant au patrimoine culturel québécois tout objet ou ensemble matériel ou immatériel reconnu et apprécié collectivement pour sa valeur de témoignage et de mémoire historique et méritant d'être partagé, conservé et mis en valeur.»

Le Président (M. Brodeur): Je vais prendre connaissance de votre proposition d'amendement, M. le député.

(Consultation)

Le Président (M. Brodeur): Je viens de prendre connaissance de votre amendement. Il est recevable, M. le député. Vous pouvez donc nous entretenir sur votre amendement.

M. Turp: Merci, M. le Président. Pourriez-vous me rappeler le temps que j'ai à ma disposition pour présenter cet argument...

Le Président (M. Brodeur): 20 minutes.

M. Turp: ...ou cet amendement? 20 minutes. Et mes collègues aussi, je crois?

Le Président (M. Brodeur): Je pense que oui.

M. Turp: Oui? Bon. C'est bien.

Mme Maltais: M. le Président...

Le Président (M. Brodeur): Oui?

Mme Maltais: ...j'aurais un point d'information.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Allez-y.

Mme Maltais: Comme nous étudions globalement tout l'article 1, c'est-à-dire de 22.1 à 22...

M. Blackburn: 22.12.

Mme Maltais: ...22.12...

Le Président (M. Brodeur): Oui.

Mme Maltais: ... ? je vois que le député de Roberval s'intéresse aux débats, j'en suis heureuse; 22.1 à 22.12 ? est-ce que, si on fait un amendement par exemple à 22.2 où j'ai découvert une chose intéressante, est-ce qu'on va pouvoir revenir à 22.1?

Le Président (M. Brodeur): Oui, oui. Sans aucun...

Mme Maltais: Comme c'est traité dans l'ensemble, là...

Le Président (M. Brodeur): Oui, oui. C'est traité dans l'ensemble.

Mme Maltais: ...on n'a pas à veiller à ne pas échapper...

Le Président (M. Brodeur): Non, non, non.

Mme Maltais: ...une partie de phrase qui pourrait être dommageable pour l'avenir.

Le Président (M. Brodeur): Si, à un moment donné, il y a une partie de l'article sur laquelle vous pouvez proposer un amendement, vous pouvez aller autant de 22.1 à 22.12 et retourner à 22.4 après, il n'y a aucun problème.

Mme Maltais: Pour bien comprendre, M. le Président, donc nous pouvons oeuvrer à notre patrimoine législatif en toute sérénité.

Le Président (M. Brodeur): Exactement, oui.

Mme Maltais: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Je suis gardien de tous ces patrimoines-là.

M. Turp: Ça entre dans la définition...

M. Jutras: M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Oui, M. le député de Drummond.

M. Blackburn: Est-ce que c'est sur le temps de l'amendement, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Pardon, M. le député de Roberval?

M. Blackburn: Est-ce que c'est sur le temps de la proposition d'amendement du député de Mercier?

M. Turp: Je crois que c'est des questions...

Le Président (M. Brodeur): Non. Malheureusement... C'est-à-dire, c'est une question de règlement, devrais-je dire, M. le député de Roberval. M. le député de Drummond.

M. Blackburn: O.K. Bien, je suis en train de feuilleter le livre de règlements d'ailleurs, et je me demandais si, en vertu de l'article 36.7...

M. Jutras: Bien, c'est pour être sûr qu'on se comprend bien, M. le Président, pour éviter...

Le Président (M. Brodeur): Oui. Il vaut mieux être sûr. Je comprends. Il vaut mieux être certain, oui.

M. Jutras: ...pour éviter des mésententes, là, parce qu'après, bon, ça évite des discussions qui pourraient être plus houleuses, là. Ça veut dire que là il y a un amendement à 22.1, mais ça veut dire que le prochain amendement pourrait très bien être à 22.12, puis l'autre après pourrait très bien être à 22.7, puis on pourrait revenir à 22.1.

Le Président (M. Brodeur): Présumant que vous allez déposer d'autres amendements.

M. Jutras: Non, non, mais...

Le Président (M. Brodeur): Je ne veux rien présumer, comme président, là...

M. Jutras: Non, non.

Le Président (M. Brodeur): ...mais vous pourriez le faire, le cas échéant.

M. Jutras: Ça peut se faire de cette façon-là.

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Jutras: Bon.

Mme Maltais: Toute loi étant perfectible...

M. Turp: En tout cas, il a du temps pour y réfléchir, le député de Drummond, là, hein? Au moins une minute.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Donc, M. le député de Mercier, vous venez de déposer un amendement que j'ai considéré recevable. Donc, la parole est à vous.

M. Jutras: Bien non! Bien là, un instant, là!

Le Président (M. Brodeur): Ah! la parole...

M. Jutras: M. le Président... Oupelaïe!

Le Président (M. Brodeur): Est-ce que vous contestez le temps de parole du député de Mercier ou autre chose?

M. Jutras: Non, ce n'est pas ça. C'est parce que je voulais avoir l'amendement. Mais là on a de la difficulté à le lire. Bon.

M. Turp: ...aujourd'hui, avec nos imprimantes... D'ailleurs, le président et moi, aujourd'hui même, on a eu des problèmes avec notre imprimante...

Le Président (M. Brodeur): Exactement en même temps.

M. Turp: ...le même jour.

Le Président (M. Brodeur): Il faudrait commander une enquête là-dessus.

M. Turp: C'est une bonne idée.

M. Blackburn: M. le Président, on est en commission parlementaire 101, à ce que je comprends, ce soir.

Le Président (M. Brodeur): Exactement.

M. Turp: Ah oui? Pourquoi?

M. Blackburn: Bien, on est en train de se former mutuellement sur les règles et les procédures, les...

Le Président (M. Brodeur): Donc, M. le député de Drummond, est-ce que la rédaction du député de Mercier vous satisfait? Ou si...

M. Jutras: Bien, la rédaction me satisfait. C'est l'impression...

Le Président (M. Brodeur): C'est sa teinte.

M. Jutras: ...que j'aime moins. C'est qu'on a de la difficulté un peu à lire ce qui est écrit, M. le Président. Mais, écoutez, on va collaborer, là. Puis je ne demanderai pas qu'on suspende puis qu'on copie ça. Je vais m'organiser avec ça, là.

Le Président (M. Brodeur): J'en ai...

M. Turp: C'est un peu pâle.

M. Jutras: C'est vrai que c'est pâle. Bon.

M. Turp: C'est un peu pâle. Mais on pourrait écrire par-dessus.

Le Président (M. Brodeur): Oui, vous pourrez toujours.

M. Turp: Écoutez, je vais le relire, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Allez-y, M. le député de Mercier. Donc, on va comptabiliser votre temps.

M. Turp: D'accord. Bon, bien, écoutez, je crois que ce projet d'amendement résulte d'une réflexion qui a commencé lors des travaux de cette commission, lorsque nous avons commencé à examiner ce projet de loi n° 20, parce que je me suis interrogé quelle était la définition que donnaient la ministre et le gouvernement de la notion de «patrimoine culturel».

n(21 h 10)n

Nous avons eu des échanges au départ, et il me semblait que la référence au patrimoine culturel qui était donnée dans la Loi sur le développement durable était une référence qui, il est vrai, démontrait qu'il y avait eu ce virage dans le vocabulaire, la terminologie, qu'on optait dorénavant pour une notion globale de «patrimoine culturel», mais qu'il ne suffisait pas qu'il y ait un renvoi au patrimoine culturel dans la Loi sur le développement durable, et qu'il y aurait sans doute lieu de préciser, avant qu'on ait peut-être à notre disposition une loi sur le patrimoine culturel, parce qu'on a évoqué l'idée que la Loi sur les biens culturels soit éventuellement remplacée par une loi sur le patrimoine culturel. Il n'en demeure pas moins que, lorsqu'on va adopter cette loi ? si elle est adoptée ? il existera un Fonds du patrimoine culturel québécois.

Alors donc, je me suis demandé où l'on pourrait trouver une définition du «patrimoine culturel» qu'on pourrait incorporer dans cette loi, et je crois que la référence la plus adéquate serait le rapport Arpin, puisque le rapport Arpin, dans son premier chapitre, dans le chapitre qui est relatif au contexte dans lequel s'insérait une politique du patrimoine, présente un inventaire des définitions du patrimoine en général.

Il y a, aux pages 17 et suivantes, tout un chapitre qui porte et qui s'intitule Pour une définition du patrimoine. C'est très, très instructif, M. le Président, je vous suggère de lire ça dans vos temps libres. D'ici mardi, par exemple, là, vous pourriez peut-être envisager de lire ça. Et c'est un chapitre qui nous éclaire beaucoup sur l'évolution de la notion du «patrimoine», qui distingue le patrimoine matériel du patrimoine immatériel. Et, dans nos travaux sur le patrimoine religieux, cette distinction a été rappelée maintes fois, et nous avons été à même de constater jusqu'à quel point certaines personnes pensaient que le patrimoine immatériel avait été négligé, et que ce patrimoine immatériel méritait... Comme l'UNESCO le propose d'ailleurs, elle a adopté, il y a quelques années, une convention de sauvegarde sur le patrimoine immatériel, et donc le rapport Arpin présente certaines définitions, et il présente également ? et c'est un grand intérêt du rapport Arpin ? il présente deux tableaux: l'un qui porte sur l'évolution de la Loi sur les biens culturels et le concept de «patrimoine». Partant de 1922, l'époque où la première loi, si je me rappelle bien, a été adoptée, et la phase I jusqu'à une phase VI qui évoquent l'idée de l'élargissement de la notion du patrimoine, un élargissement qui faisait qu'aux monuments qui étaient considérés comme le patrimoine, en 1922, l'on ajoute les sites, les oeuvres d'art, les objets archéologiques, les arrondissements historiques, les patrimoines linguistiques, le patrimoine immatériel et même les paysages.

Et il y a également, M. le Président, quelque chose de plus particulier, ce qui nous intéresse, ici, au plus haut point et qui est à l'origine de l'amendement, une partie concernant la définition même du «patrimoine culturel». Aux pages 29 et suivantes du rapport Arpin, il y a tout un développement sur la définition du «patrimoine culturel». Il y a un essai typologique sur ce qu'est le patrimoine culturel, un tableau, je vous le présente. Je peux faire ça, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Vous pouvez me le présenter comme ça.

M. Turp: Dans une commission comme celle-ci, j'ai le droit de présenter un tableau?

Le Président (M. Brodeur): Oui, oui, vous avez le droit... oui, vous avez le droit de procéder à un tel mouvement.

M. Turp: Oui, bien, il y a un tableau, c'est écrit en petit, par exemple, c'est assez difficile, je pense, vous auriez de la difficulté, je crois, à lire le petit caractère...

Une voix: ...

M. Turp: Il est très, très petit, même quand on l'a devant nous.

M. Marsan: Ce n'est pas le tableau de M. Legault.

M. Turp: Non. Le tableau de M. Legault... qui était d'ailleurs, si vous vous en rappelez, le vôtre. Ce tableau, il avait été...

M. Marsan: On ne l'a jamais vu, on ne l'a jamais vu.

M. Turp: ...préparé par votre gouvernement, d'ailleurs.

M. Marsan: Nous ne l'avons jamais vu.

M. Turp: Ou par le gouvernement de votre parti.

Une voix: Il n'a pas voulu le déposer, on n'a pas été capables de le voir.

M. Turp: Mais, en tout cas, ce tableau, cet essai typologique nous présente ce qu'est le patrimoine culturel avec toutes ses branches, patrimoine matériel, immatériel.

Dans le patrimoine matériel, on constate qu'il y a les espaces du patrimoine, les arrondissements: historiques, les sites historiques, les sites archéologiques, les sites du patrimoine, les aires de protection, les paysages humanisés ? urbains et ruraux.

Dans le patrimoine matériel, il y a le patrimoine immobilier: les monuments historiques. Il y a le patrimoine mobilier et le patrimoine artistique: les objets muséologiques, les oeuvres d'art, les objets ethnographiques. Le patrimoine archéologique: donc les sites archéologiques, les collections et objets archéologiques. Le patrimoine archivistique: les archives. Et le patrimoine documentaire: les documents imprimés.

C'est intéressant, il n'y a pas le patrimoine visuel, celui auquel faisait référence la députée de Taschereau, mais j'imagine que c'est compris dans ce qui est peut-être le patrimoine documentaire.

Une voix: ...

Mme Maltais: Non.

M. Turp: Non? Ce n'est pas dans le patrimoine documentaire?

Mme Maltais: Non.

M. Turp: C'est un patrimoine donc distinct. Déjà, l'essai typologique du rapport Arpin pourrait être enrichi par l'existence d'un patrimoine dit visuel qui s'ajouterait au patrimoine documentaire.

Et, dans la branche patrimoine immatériel, M. le Président, il y a le patrimoine ethnologique: la culture populaire, les savoirs, le savoir-faire, les traditions. Le patrimoine linguistique: les archives sonores. Le patrimoine scientifique et technique: les connaissances, les inventions. Et le patrimoine... Ah! Voilà, le patrimoine audiovisuel et artistique: films, vidéos, télévision, théâtre, arts de la scène.

Mme Maltais: Non.

M. Turp: Alors donc, ce n'est pas le patrimoine visuel. Vous voyez jusqu'à quel point c'est complexe, hein, cette typologie, parce qu'il y aurait un patrimoine audiovisuel et artistique qui ferait partie du patrimoine immatériel, mais il y aurait, d'après la députée de Taschereau, un patrimoine visuel qui pourrait être intégré au patrimoine matériel, quant à lui. Mais, si ce n'est pas le cas, il y aurait peut-être lieu de voir qu'une autre catégorie serait incluse à ce qui est considéré comme le patrimoine culturel.

Et, comme la ministre le disait l'autre jour, il faut opposer au patrimoine culturel le patrimoine naturel, et le patrimoine naturel, lui, serait composé des parcs naturels: des arrondissements naturels et des parcs nationaux; les rivières et cours d'eau; les réserves de la biosphère; et même, vous vous rendez compte, du patrimoine génétique. Donc, le génome humain ferait partie du patrimoine dit naturel. Et...

Le Président (M. Brodeur): Comment qu'on le met en valeur, M. le député, le patrimoine génétique?

M. Turp: Ah! Les gens vous diraient que, mettre en valeur le génome humain, c'est, par exemple, utiliser le génome humain à des fins thérapeutiques.

Le Président (M. Brodeur): Oui?

M. Turp: Par exemple, la thérapie, la thérapie génétique permet de trouver des moyens de régénérer des tissus, par exemple, et de greffer des tissus, de trouver les moyens d'utiliser des gènes pour guérir un certain nombre de maladies. Alors, j'imagine que le patrimoine génétique est un patrimoine qui peut être utile à des...

Le Président (M. Brodeur): Ça ne peut pas être exposé à un musée, par exemple.

Mme Maltais: ...

M. Turp: Je ne sais pas, ce serait un peu difficile, mais je crois que la députée de Taschereau pourra nous éclairer sur cette question...

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Turp: ...et j'ai bien hâte de l'entendre, puisqu'elle s'intéresse de toute évidence à cette question.

Alors, M. le Président, c'est pour vous dire que le rapport Arpin, dans sa définition du «patrimoine culturel», nous présente certains éléments qui peuvent être utiles, nous présente cet essai typologique qui permet de clarifier les choses. Il y a même un tableau sur le système dit patrimonial, un système qui en est un où il est question de sa conversation... conservation, dis-je, et sa mise en valeur, sa reconnaissance collective. Et donc on érige en système ce qui gravite autour du patrimoine sous l'angle de sa conservation et de sa reconnaissance.

n(21 h 20)n

Mais, M. le Président, pour en revenir à la définition et à la définition que je propose d'inclure dans cette loi et que nos collègues ont pu examiner, en fait je reprends la définition qui est proposée par le rapport Arpin après ce développement. Parce qu'à la toute fin du chapitre 1, le rapport Arpin, et je le cite, page 33, dit ceci: «Bien que toute tentative de définition soit relative, le groupe-conseil, au terme de ses travaux, propose une définition qui semble répondre à la réalité québécoise en ce début de XXIe siècle et qui tient compte également de la mission du ministère de la Culture et des Communications.»

Et je vous lis la définition: «Peut être considéré comme patrimoine tout objet ou ensemble, matériel ou immatériel, reconnu et approprié collectivement pour sa valeur de témoignage et de mémoire historique et méritant d'être protégé, conservé et mis en valeur.»

Alors, M. le Président, voilà la source de l'amendement que je vous propose. C'est une source quand même bien autorisée, c'est M. Arpin et le groupe-conseil qu'il avait mis sur pied qui a fait cet effort pédagogique dont il serait très utile de s'inspirer...

Le Président (M. Brodeur): Roland, de son prénom, hein?

M. Turp: Roland Arpin.

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Turp: Oui, c'est exact. Roland Arpin, un grand serviteur de l'État québécois et quelqu'un qui a beaucoup contribué à la, comment dire, à l'avancement des connaissances sur la culture mais bien au-delà de la culture, et qui doit avoir bien hâte que son rapport soit mis en oeuvre, hein? Il doit avoir bien hâte que ce rapport, qui a été quand même publié en 2001...

Le Président (M. Brodeur): Y en aura-t-il un meilleur qui suivra? Nous verrons.

M. Turp: Alors, nous verrons si nos efforts conjugués permettent de mettre en oeuvre le rapport Arpin, bien que je ne suis pas certain ? peut-être la députée de Taschereau pourrait nous éclairer là-dessus; je ne suis pas certain ? qu'il ait suggéré de mettre sur pied un Fonds du patrimoine culturel québécois, qu'il ait proposé d'utiliser cette méthode pour financer et accorder du soutien financier aux personnes qui veulent assurer la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel.

Et donc, M. le Président, je nous propose donc d'inclure une définition dans ce que serait le nouvel article 22.1, parce qu'à la lecture de cet article les gens comprendraient ce qu'est le patrimoine culturel, parce qu'après avoir lu: «Est institué, au ministère, le Fonds du patrimoine culturel québécois», et avoir su que le «fonds était affecté au soutien financier à des mesures favorisant la conservation et la mise en valeur, dont la restauration, le recyclage, la mise aux normes et la diffusion d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois», après, on lirait, on lirait, les gens qui liraient cet article liraient: «Est considéré comme appartenant au patrimoine culturel québécois tout objet ou ensemble matériel ou immatériel ? moi, je trouve que c'est très, très utile, pour la reconnaissance notamment de cette dimension immatérielle, que d'ajouter cette qualification de "matériel ou immatériel" ? reconnu et apprécié collectivement pour sa valeur de témoignage et de mémoire historique et méritant d'être partagé, conservé et mis en valeur.»

Alors, vous voyez, M. le Président, dans un souci de compréhension de cette loi, de cet article en particulier, dans un souci de lisibilité des lois... Et vous savez jusqu'à quel point c'est un souci qui est le mien, qui est le souci de plusieurs députés qui veulent faire de la bonne législation: il faut que les lois soient lisibles. Et, si par exemple mes deux collègues, les deux députés qui m'accompagnent généreusement ce soir ? et je les en remercie ? déjà eux voient une lacune parce qu'il n'y a pas de définition, qu'en est-il du citoyen et de la citoyenne, du militant du patrimoine par exemple, les gens qui militent pour le patrimoine, à qui on remettrait cette loi, et qui liraient, puis qui se poseraient nécessairement la question: Oui, mais en fait ils ne disent pas c'est quoi, le patrimoine, ils ne nous définissent pas ce qu'est le patrimoine? Puis, après cet article-là, tout devient très technique, et tout n'est pas compréhensible, parce que nulle part on a eu le souci de définir ce qu'est le patrimoine culturel.

Alors, c'est la raison pour laquelle, M. le Président, je crois que, pour contribuer de façon constructive aux débats de cette commission, enrichir la disposition de... qui est d'ailleurs la plus importante de ce projet de loi, c'est la seule disposition qui n'a pas un caractère vraiment technique où il est présenté la notion autour de laquelle gravite le projet de loi: celui de patrimoine culturel. Je crois que c'est la raison qui justifie l'inclusion de cette définition que je vous propose.

On pourra revenir aussi tout à l'heure; peut-être qu'il y aura lieu d'amender cette partie de l'article également sur la notion «d'éléments significatifs». Parce que là non plus ce n'est pas très clair, qu'est-ce qui fait qu'un élément est significatif. De ne pas définir la nature de ce qui est significatif, je crois que c'est aussi une lacune du projet de loi.

Je dois avouer avoir fait des recherches, là, pour voir à quel endroit... si on avait déjà utilisé, dans une autre loi, la notion «d'éléments significatifs». J'ai vu des documents publiés par la Fondation du patrimoine religieux, par exemple, certains documents de l'UNESCO où le mot «significatifs» revient. Parfois, la notion «d'éléments significatifs», ça revient parfois pour les paysages davantage que pour les biens, mais peut-être là encore y aurait-il un effort à faire pour donner à ces termes une signification, ah!, une signification qui sera plus claire, plus accessible, et ce sera l'effort que je nous invite à faire après avoir fait l'effort de définir, comme je le propose, en faisant appel tout de même au rapport Arpin puis aux délibérations du groupe-conseil.

Et c'est quand même assez impressionnant, là. Dans le rapport Arpin, on a des annexes qui présentent le nombre de personnes, d'institutions qui ont témoigné, et qui ont donc conseillé le groupe-conseil, et qui l'ont amené à consacrer des développements importants sur la définition de ce qu'est le patrimoine et en particulier le patrimoine culturel, et qui en fait nous proposent de retenir la notion de «patrimoine culturel».

Et c'est ça que je retiens, moi, de la volonté du gouvernement, là, de faire graviter toute la future architecture législative, cette loi et une éventuelle loi de portée générale, une loi-cadre, autour de la notion de «patrimoine culturel». Alors, si c'est le cas, faisons bien les choses. Commençons par définir ce qu'est le patrimoine, et ça pourrait être utile pour la suite des choses et les débats éventuels sur une loi sur le patrimoine culturel.

Alors, je vous remercie de votre attention, M. le Président, parce que je trouve que votre attention est très, très grande, même si l'heure avance.

Le Président (M. Brodeur): Je n'ai pas perdu un mot de ce que vous avez dit, M. le député de Mercier.

M. Turp: Bien, écoutez, j'en suis honoré.

Le Président (M. Brodeur): Et, comme disait Jules César: De minimis non curat lex; la loi ne s'occupe pas de petites choses.

M. Turp: Il parlait le latin.

M. Jutras: Bien...

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Taschereau.

M. Jutras: ...il y a la députée de Bellechasse qui copie au fur et à mesure, qui transcrit au fur et à mesure.

Le Président (M. Brodeur): C'est tout inscrit au fur et à mesure, oui.

M. Jutras: C'est pour dire comment c'est intéressant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, M. le Président.

Une voix: On a le temps, d'ailleurs.

n(21 h 30)n

Mme Maltais: J'accueille avec beaucoup de plaisir l'ajout... l'amendement proposé par le député de Mercier, d'autant qu'il a su se référer à ce qui enfin a fait à peu près, à peu près consensus dans le milieu patrimonial québécois, et ça n'a pas été simple.

Avant de passer au contenu, je vais quand même répéter quelque chose, prendre l'occasion de voir le moment où arrive cet amendement et où le député de Mercier a eu l'intelligence de le placer dès le début de l'article. Ce qui va me permettre, M. le Président, de répéter à la ministre que le fait d'étudier l'article au grand complet va nous obliger, comme c'est le cas actuellement par cet amendement, pour pouvoir étudier chaque paragraphe un derrière l'autre, probablement à être obligés de découvrir, dans tous les paragraphes, comme ça, au jugé, à l'oeil, sans vraiment avoir le temps de débattre du fond de chaque phrase, calmement, sereinement, dans un ordre logique, le fait de tout brasser la soupe ensemble en même temps sans avoir d'ordre logique va nous amener à avoir une mauvaise compréhension de l'architecture du projet de loi; c'est mon opinion.

Et croyez-moi, M. le Président, si vous voulez jaser culture, on peut jaser longtemps. Mon opinion est à l'effet que l'architecture de ce projet de loi est extrêmement importante. J'apprécie que le député de Mercier ait déposé un amendement, d'entrée de jeu, dans le premier article, ce qui nous permet, à tout le moins, d'être sur le premier article et de pouvoir en débattre.

Le problème que nous allons avoir, au fil du temps, et problème qui va nous amener à passer beaucoup plus de temps que prévu normalement à cette commission qui devrait se dérouler dans une atmosphère toute simple où on y va article par article et qu'on y va en technique, 1, 2, 3, 4, on suit l'architecture, on suit la logique du projet de loi, on regarde à quoi sert l'argent, comment il entre au ministère, comment on visionne la dépense et ensuite comment sort l'argent puis ensuite les modalités techniques d'adoption du projet de loi, ça, c'est la façon dont, toutes les fois, toutes les fois où des projets de loi ont été déposés en général, de gré à gré, on a travaillé. Et, en culture, M. le Président, en culture, il y a toujours eu accord là-dessus.

C'est la première fois, M. le Président, où je ne comprends pas pourquoi on se retrouve avec une étude en bloc dans une grosse soupe d'un projet de loi qui est fondamental. Et le député de Mercier vient de le souligner d'entrée de jeu, par cet amendement où il exprime, dès le départ, la difficulté que nous avons, qui est de positionner qu'est-ce que le patrimoine culturel québécois. Il nous oblige...

Le fait de prendre la soupe au grand complet, d'un coup, a amené le député de Mercier à faire ce que j'oserais appeler un geste d'éclat, c'est-à-dire nous dire: Oui, mais quel est l'objet du projet de loi en partant? Alors, imaginez, si on avait commencé par gérer l'argent puis, tout à coup, à la fin, on serait arrivés avec: De quoi on parle?

Alors, le député de Mercier vient de nous dire... il nous a envoyé un signal. Et je réitère mon appel: Je trouve assez incohérent et surtout en rupture totale avec la tradition de compréhension, d'accompagnement qui s'est toujours faite, des deux côtés de la table, en matière de culture et de communications, opposition et gouvernement ont toujours travaillé main dans la main, pour adopter des projets de loi. En posant ce geste, le député de Mercier, en nous disant: Mais qu'est-ce que le patrimoine, de quoi on va parler dans l'architecture de ce projet de loi? Le député nous rappelle que ce projet de loi est porteur, il porte une sensibilité et une identité, et il faudrait être prudent. Il porte l'identité et il porte la longévité, il porte le legs, il va toucher au legs aux générations futures. Nous bâtissons le patrimoine de demain, c'est aussi dans le rapport Arpin.

Donc, moi, je voulais l'étudier sérieusement article... Alors, ce qu'on va faire, ce que ça pourrait amener... Pas ce qu'on veut faire, parce qu'on verra au fil du temps, mais ce qu'on pourrait amener, c'est d'être obligés d'y aller par amendements pour réussir à voir tout l'ensemble, toute la mécanique du projet de loi, et je trouve que ça va nous faire perdre, un, un temps fou, deux, d'efficacité, on va perdre de l'efficacité.

Une voix: ...entièrement d'accord...

Mme Maltais: Et, du point de vue législatif, on risque de faire des erreurs.

Je trouve ça dommage, parce que, quand on désire poser une pierre, et tout ministre ou toute ministre qui dépose un projet de loi désire poser une pierre dans l'édifice non seulement législatif, mais, ici, patrimonial, toute ministre qui désire poser une pierre doit la poser au bon endroit. Chaque pierre porte la force du mur, chaque pierre doit être bien enchâssée au bon endroit. On parle de patrimoine bâti, si vous comprenez bien, M. le Président: chaque pierre doit être bien située, porter sa force, porter son poids, et être solide. Si l'architecture de ce projet de loi n'est pas étudiée par étapes, de façon cohérente, nous risquons d'avoir des problèmes, et je ne parle pas de ce soir, je parle de l'avenir, M. le Président.

Donc, j'apprécie que le député de Mercier, d'entrée de jeu, ait posé le premier jalon qui est la définition du patrimoine culturel québécois. Il a référé fort heureusement au passé du présent, c'est le titre du rapport Arpin. Moi, je n'aime pas l'appeler le rapport Arpin, parce que je trouve que M. Arpin a été génial de lui donner ce titre: Le présent du passé.

M. Turp:Un présent du passé.

Mme Maltais: Le présent du passé: quelle force d'évocation dans ce titre. Et...

M. Turp: C'est un jeu de mots...

Mme Maltais: ...c'est une puissance évocatrice qui nous... C'est mieux qu'un jeu de mots...

M. Turp: C'est plus que... Oui.

Mme Maltais: ...c'est une puissance évocatrice qui nous permet de réaliser à quel point ce que... là je m'amuserais, je dirais: Cette brique ? là, j'en ferais un, jeu de mots; cette brique ? qu'est le rapport Arpin est une pierre qui pourrait être une pierre fondatrice. Malheureusement, aucun gouvernement jusqu'ici, puis c'est des deux côtés, on n'a pas réussi à le mettre en forme.

Donc, M. Arpin a été sous-ministre de la Culture et des Communications, et il a été celui qui a pensé, bâti et géré le Musée de la civilisation de Québec. Donc, c'est lui qui a inventé cette idée de la muséologie vivante qui aujourd'hui rayonne à travers le monde, rayonne internationalement. C'est lui qui est allé, à travers le monde, expliquer aux gens comment se faisait la nouvelle muséologie, et c'est lui qui a eu le défi insensé de partir un musée sans aucune collection.

Parce que c'était ça, le défi: le Musée de la civilisation n'avait pas de collection. Il a donc bâti toute l'idée de ce musée-là sur le patrimoine vivant et sur le fait d'aller chercher des éléments et de les amener à chaque fois sans faire de rétention. Lentement s'est accumulée une collection. D'ailleurs, aujourd'hui, il y a un magnifique endroit pour... les réserves du Musée de la civilisation sont faites, sont belles, elles ont été bien créées, elles sont bien dotées, mais au début il n'y avait presque pas de collection. Alors, il a inventé la muséologie sans collection, d'où la circulation des expositions, le renouvellement des expositions, les premières expositions, où les jeunes allaient toucher, allaient vivre. Il fallait qu'il trouve une autre force d'attraction que simplement la force de l'oeuvre. La force qu'il est allé chercher, c'est la force de l'expérience, c'est-à-dire dans le sens d'expérimentation, la force du plaisir, du contact avec la muséologie.

Excusez-moi, je rends hommage à M. Arpin ici, mais je pense que cet homme mérite un petit trois minutes quand on est en train de parler de patrimoine culturel québécois. M. Arpin mérite à mon avis un petit coup de chapeau de la commission; il a beaucoup donné pour la conservation et surtout la mise en valeur du patrimoine culturel québécois.

J'avais dit que j'expliquerais un peu qu'est-ce que le patrimoine génétique, hein...

Des voix: Ah oui?

Le Président (M. Brodeur): Ça m'intéresse beaucoup.

Mme Maltais: Je ne perds pas le fil, hein? Le patrimoine génétique fait référence à la biodiversité. Le patrimoine génétique, ça, c'est les espèces. Chaque espèce porte des gènes, chaque espèce humaine, chaque espèce animale, chaque espèce végétale et même chaque espèce minérale porte des gènes, c'est un patrimoine, c'est le patrimoine de l'humanité. Quand on parle de patrimoine génétique, on touche à la convention sur la biodiversité, convention internationale, convention... Et comprenez bien, cette convention sur la biodiversité est ce qui a servi de modèle à la convention sur la diversité culturelle.

Une voix: ...un lien?

Mme Maltais: Ah! Oui, il y a un lien. C'est la convention sur la biodiversité qui, du temps de Louise Beaudoin, ensuite de moi, a été agréée comme étant le modèle et qui pouvait... donc c'est là qu'on s'est dit: Tiens, il pourrait y avoir une convention sur la diversité culturelle, c'est venu de là.

Le député de Mercier semble découvrir cet aspect.

M. Turp: Non, non, diversité biologique...

Mme Maltais: Non? il le savait. Voilà. Alors, le patrimoine génétique, c'est le patrimoine que constituent ces gènes, qui permet effectivement de préserver la diversité qui est importante, sinon il y a dépérissement. S'il n'y a pas diversité, il y a dépérissement des espèces; l'échange entre les espèces est extrêmement important.

L'autre chose, c'est qu'il y a aussi perte de patrimoine. Donc, encore aujourd'hui, par exemple, dans des forêts du Brésil, on va découvrir qu'une nouvelle plante porte en soi un produit ou quelque chose de chimique qui fait qu'on va découvrir un nouveau remède. C'est ça, le patrimoine génétique. Alors, même humainement, nous avons un patrimoine génétique à préserver, à mélanger...

Le Président (M. Brodeur): Aucun problème...

n(21 h 40)n

Mme Maltais: ...je vais vous dire aussi ceci, à mixer dans le plus agréable, le plus agréable des... des mises en valeur du patrimoine, c'est celle-là probablement, M. le Président, c'est la mixité du patrimoine génétique, vous serez d'accord avec moi.

Je lis la définition, je regarde... parce que je m'interrogeais pendant que le député de Mercier nous lisait son amendement. Il nous a lu aussi ce qui est contenu dans la Loi sur le développement durable, et je voulais vraiment qu'on examine la question qui se pose: Laquelle des deux définitions est la meilleure définition? Parce que je fais confiance à mon collègue, mais je pense que, quand on est ici pour légiférer, on doit le faire de façon... pas de façon approximative.

Alors, j'écoutais, il a souligné cinq traits du patrimoine qui sont dans la Loi sur le développement durable: les biens, les lieux, les paysages, les traditions et les savoirs. Évidemment, avec les biens, nous pouvons avoir tant le patrimoine bâti que le patrimoine audiovisuel, par exemple. C'est-à-dire qu'un bien... Parce qu'il y a un support.

Du moment où il y a un support, il y a donc un bien. Sur la télévision et le cinéma, il y a des cassettes, il y a des enregistrements. Donc, même à l'époque de la numérisation, il y a des CD, donc il y a bien. Parce que je me demandais: Est-ce que ce patrimoine de communication audiovisuelle existe? Bon. Donc, dans «biens», il est compris.

Dans «lieux», les lieux sont importants. Tous nos arrondissements historiques, le Mont-Royal, Percé, dont je parlais tout à l'heure avec tant de plaisir, sont des lieux. Les biens et les lieux comprennent évidemment les bâtiments. Cette Assemblée nationale est un lieu...

M. Turp: L'hôtel du Parlement.

Mme Maltais: ...l'hôtel du Parlement. Les paysages. Le patrimoine visuel, c'est le paysage. Par exemple, ces percées visuelles, sur le trou de Percé, sont patrimoniales. Il faut protéger. Imaginez si tranquillement on construirait des hôtels de 10 étages autour du rocher de Percé, ce serait une perte patrimoniale. Donc, ces percées visuelles, cette force du paysage qui est une image de marque du Québec à mon sens et donc fait partie du... c'est ça, le patrimoine visuel. Les traditions, bien sûr. Et les savoirs: c'est une nouveauté, les savoirs font partie du patrimoine maintenant.

On regarde ça puis on se dit, bien: Qu'est-ce qui manque? Je vais vous donner un exemple de ce qui manque. Est-ce qu'une chorégraphie de Jean-Pierre Perreault fait partie de notre patrimoine? Joe. Joe. Joe fait partie du patrimoine artistique québécois. Les chorégraphies antérieures de MM. Lock et Perreault ? d'Édouard Lock ou de Jean-Pierre Perreault ? leurs premières n'ont pas été fixées sur pellicule. Elles ne sont ni un bien, ni un lieu, ni un paysage, ni une tradition, ni un savoir. Quand l'homme disparaît, l'homme qui porte l'oeuvre ? je dis «homme» dans ce cas-ci parce que ce sont deux hommes que j'ai choisis comme exemples ? quand l'homme disparaît, le patrimoine peut disparaître. Or, aujourd'hui, je vous le dis comme ça, on revoit les oeuvres quand c'est possible, et on note. On note. Il existe des notes chorégraphiques qui nous permettent de noter des chorégraphies comme on écrit. Comme on écrit une mise en scène, on peut noter une chorégraphie. Mais cela n'est pas compris ni dans «biens», ni dans «lieux», ni dans «paysages», ni dans «traditions», ni «savoirs». Tant qu'elles ne sont pas notées, elles existent mais elles ne sont donc pas là.

Tandis que la définition que nous a concoctée M. Arpin avec les gens avec lesquels il a travaillé, «patrimoine culturel»: tout objet ou ensemble, matériel ou immatériel. Je suis conquise. Tout y est. Évidemment, c'est large toutefois, c'est extrêmement large. C'est extrêmement large. Mais c'est la définition qui a été acceptée. Mais il y a quand même des balises là-dedans. C'est ce que j'apprécie. Parce qu'«objet ou ensemble matériel ou immatériel» ? bon, j'ai parlé de l'argent, mais ? «reconnu ou apprécié collectivement»; reconnu, il y a le terme de «reconnaissance». Donc, cette définition dit bien qu'il doit y avoir, par quelque mécanisme que ce soit, une reconnaissance.

Par exemple, la ministre peut nommer des biens, peut donner des titres à des choses, des titres de bien culturel québécois, peut, comment dire, classer, les mettre dans le classement du patrimoine culturel. On a des églises classées, on a des lieux classés, des bâtiments classés, des couvents classés, des presbytères. Alors, on peut classer. Donc, la reconnaissance existe.

Et apprécié collectivement ? donc il doit y avoir probablement des textes, des moments ? par sa valeur de témoignage. C'est le témoin de quelque chose. Témoin en général égale époque, mémoire historique, témoignage et mémoire historique. Il y a témoin, il ou elle est un témoin, le bien est un témoin, le geste est un témoin, l'oeuvre est un témoin et entre dans notre mémoire historique. Donc, c'est tout à fait méritant d'être partagé, conservé et mis en valeur. J'ai trouvé la... bien, je l'aime encore, cette définition, M. le Président. Je trouve qu'elle est tout à fait pertinente. Elle va au bon endroit parce que, d'entrée de jeu, elle parle de mise en valeur, et le paragraphe précédent parle de mise en valeur.

La question que je me suis posée, c'est: Est-ce qu'on devrait la présenter avant le paragraphe 2: «Ce fonds est affecté» ou après? J'avoue que ça mérite réflexion. D'habitude, on met l'objet, et ensuite on dit: On va lui affecter des... on va le modifier. Là, l'objet, on parle de le modifier ou de le restaurer ou de le recycler, et tout, puis ensuite on définit l'objet. C'est sûr qu'il y a une inversion, c'est ça qui m'a semblé étrange. Mais, toutefois, quand je le lis, je vois que, bon: «Ce fonds est affecté à», et ensuite on parle d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois, et ensuite on définit le patrimoine culturel québécois.

Donc, après réflexion, je pense que mon collègue a bien agi, bien réfléchi; on définit le fonds d'abord, le patrimoine ensuite, le fonds est pour le patrimoine. Cette logique, qui paraît toute simple, méritait quand même un moment de réflexion, M. le Président, que je viens de terminer sur cette phrase.

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste deux minutes, hein?

Une voix: Deux minutes...

Mme Maltais: Je... je... je... Écoutez, M. le Président...

Le Président (M. Brodeur): Oui?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Maltais: ...je suis soufflée de voir que j'ai encore deux minutes.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): Oui!

Mme Maltais: Je croyais être allée au bout de ma...

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'on peut vous suggérer un thème quelconque?

Mme Maltais: Non, non. Mais, M. le Président, non, je croyais être allée au bout de ma réflexion...

Le Président (M. Brodeur): Non, non.

Mme Maltais: ...sur cette insertion d'un paragraphe de cet amendement.

Le Président (M. Brodeur): Oui.

Mme Maltais: Je comprends qu'on veut que, passionnés par mes propos probablement concernant le patrimoine québécois...

Le Président (M. Brodeur): Oui, sur le génome humain et sur les...

Mme Maltais: ...sur le génome humain, le patrimoine génétique...

Le Président (M. Brodeur): Oui, ça m'a particulièrement intéressé.

Mme Maltais: ...la force du paysage visuel, les coeurs de villages dont je n'ai pas parlé...

Le Président (M. Brodeur): Oui, c'est vrai, c'est très beau.

Mme Maltais: ...les coeurs de villages, lieux, patrimoines visuels où se balade notre patrimoine génétique, n'est-ce pas, mais je comprends qu'on veuille que je continue à discourir là-dessus peut-être parce qu'on aime bien, mais, M. le Président, je pense être allée à peu près au bout des réflexions que je pouvais faire sur cet amendement qui a été apporté.

Le Président (M. Brodeur): Oui. D'ailleurs, le patrimoine génétique, on le voit aussi dans d'autres biens classés, surtout les annonces classées.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Brodeur): M. le député...

Des voix: ...

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Moi, je vais vous dire, M. le Président, je suis content d'être ici, ce soir...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: ...parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: ...parce que je trouve ça très, très, très intéressant d'entendre mes collègues, et j'ai hâte que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: ...la ministre échange elle aussi, qu'elle nous fasse part de c'est quoi, le patrimoine culturel québécois, pour elle. Vraiment, là, je ne regrette pas d'être ici, ce soir. Je ne vous dirai pas que je ne suis pas venu ici à mon corps défendant...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: ...mais, finalement, une fois rendu, on apprécie...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: ...on apprécie les travaux.

Une voix: ...patrimoine génétique...

M. Jutras: Oui, il y a ça aussi. Et là, et là, tout en vous faisant valoir mon argumentation, M. le Président, au soutien de l'amendement qui est fait par mon collègue le député de Mercier, je réfléchirai aussi sur la question, à savoir: Est-ce qu'on ne devrait pas faire un sous-amendement quant à la question de savoir où devrait-on rajouter cette définition-là?

Parce que la députée de Taschereau m'a quand même quelque peu ébranlé, et je me demande...

Le Président (M. Brodeur): ...aperçu de ça.

M. Jutras: ...je me demande sérieusement si, pour la compréhension de tous, ce ne serait pas préférable que finalement ça devienne le deuxième alinéa.

Mme Maltais: Ah!

M. Jutras: Il faudrait regarder ça, là. Bon.

M. Turp: O.K. Je vais y réfléchir sérieusement.

M. Jutras: Bon. Mais je n'en suis pas là. Moi, j'en suis, là, sur l'amendement comme tel, présentement, M. le Président.

Alors: «Est considéré ? je veux le relire; est considéré ? comme appartenant au patrimoine culturel québécois tout objet ou ensemble matériel ou immatériel reconnu et apprécié collectivement pour sa valeur de témoignage et de mémoire historique et méritant d'être partagé, conservé et mis en valeur.» C'est vrai que monsieur...

Mme Maltais: Arpin.

M. Jutras: ...Arpin, c'est quelqu'un, hein, c'est quelqu'un de bien. C'est quelqu'un qui a des lettres, c'est certain.

Alors, moi, M. le Président, aussi, avant d'aller plus loin, ce que je veux dire, c'est que je veux quand même déplorer le choix qu'a fait la ministre de procéder, là, globalement, sur l'article, et je rejoins là aussi les propos de ma collègue la députée de Taschereau, parce que, finalement, ce qu'on se rend compte, c'est que nos travaux vont être beaucoup plus longs de cette façon-là. Et j'aurais aimé qu'on puisse procéder assez rondement, rapidement même. Mais là on s'aperçoit que...

Le Président (M. Brodeur): Le consentement peut être donné en tout temps, hein?

Une voix: Oui.

n(21 h 50)n

M. Jutras: Oui. Alors donc, qu'on redonne... Oui? Bien, moi, je sollicite de nouveau le consentement, parce que probablement que la ministre elle-même réalise qu'effectivement ça va être plus long de procéder par la voie qu'elle a choisie. Alors, il n'est jamais trop tard de remettre ça en question. Et, moi, je sollicite de nouveau le consentement de la ministre à l'effet que: Est-ce qu'on ne devrait pas procéder 22.1 et le liquider; et après faire 22.2, liquider; 22.3, liquider, plutôt que de se promener, là? Bien là, on vient de commencer à 22.1, mais, comme je le disais tantôt, là, s'il y a un amendement qui nous vient par la suite à 22.10, là ? je ne sais pas quels sont les amendements des collègues d'en face ? ça va aller drôlement, ça, là, M. le Président, oui...

M. Turp: La députée de Bellechasse...

M. Jutras: Elle soupire. Alors... Mais... De sorte que je le déplore qu'on ait choisi cette façon de procéder, et ce que je dis à la ministre, c'est qu'il est toujours temps de s'amender et d'améliorer notre façon de faire.

Moi, M. le Président, vous savez qu'il y a des modes dans la rédaction des lois comme il y a des modes dans maints domaines, et ce que l'on constate au cours des dernières années, au Québec, c'est qu'on voit de moins en moins d'articles de définition dans les lois, et il y a deux écoles de pensée, là, à cet effet-là. Et, présentement, l'école dominante, c'est à l'effet qu'on n'a pas à inclure de définition, on a à se référer au sens commun, et, lorsqu'on se pose une question sur la définition d'un mot contenu dans une loi, bien, on y va selon le sens commun, on prend le dictionnaire et on y va avec ça, bon.

Par contre, ce que l'on voyait plus et ce que l'on voyait davantage auparavant, c'était: au début de chaque loi, vous aviez l'article 1 qui donnait le titre de la loi, et vous aviez l'article 2 qui était ce qu'on appelait l'article des définitions.

M. Turp: Oui, oui, oui.

M. Jutras: Et, moi, M. le Président, bon, de quelle école suis-je? Moi, j'aimais beaucoup les articles de définition, parce que ça...

Une voix: ...

M. Jutras: ...ça clarifie les choses. Mais disons que... je pense qu'il n'y a pas personne qui a complètement raison là-dedans. D'une école ou de l'autre, je pense qu'il n'y a personne qui a complètement raison. Mais, dans certains cas, cependant, M. le Président, c'est évident qu'il faut des définitions, et, s'il y a un cas où il faut une définition, c'est bien celui-ci. Parce que, quand on parle de patrimoine, de quoi parle-t-on?

Et référant à ce que je vous disais il y a quelques instants, M. le Président, si on n'a pas de définition, ça veut dire qu'on s'en va donc au dictionnaire. Parce que vous allez vous promener et demander à M. et Mme Tout-le-monde, là: Qu'est-ce qu'on entend par la notion de «patrimoine»? Là, je vais vous dire qu'il y a bien des gens qui vont froncer les sourcils. Parce que c'est quand même large, là, le patrimoine...

Le Président (M. Brodeur): Ça peut être un bar sur Grande Allée, aussi.

M. Jutras: Pardon?

Le Président (M. Brodeur): Ça peut être un bar sur Grande Allée, également.

M. Jutras: Oh! Oui? Il y en a un qui s'appelle comme ça?

Une voix: Oui, Le Patrimoine.

Le Président (M. Brodeur): Un restaurant.

M. Jutras: Ah oui? Bon.

M. Turp: On le fréquente moins que vous...

M. Jutras: Bon.

M. Turp: Ce n'est pas un de ceux qu'on fréquente.

Mme Maltais: Est-ce qu'il est apprécié collectivement?

M. Turp: Le bar?

M. Jutras: Oui...

M. Turp: On ne...

M. Jutras: Bon. Alors, s'il vous plaît, là...

M. Turp: Oui, on distrait notre collègue.

M. Jutras: C'est ça.

Le Président (M. Brodeur): Alors, je vous rappelle à l'ordre, M. le député de Mercier.

M. Jutras: Oui. Et là, donc, n'ayant pas de définition, ce que la personne va faire pour savoir comment interpréter la loi, elle va aller au dictionnaire. Et, quand on regarde la définition qu'il y a dans le dictionnaire, M. le Président, du mot «patrimoine», c'est essentiellement la définition juridique. Au sens où on l'entend, là, le patrimoine d'un individu, c'est-à-dire l'ensemble de ses biens, là, actifs et passifs. Et je vous en donne la preuve, là.

Voyez-vous, on dit: les biens de famille; les biens que l'on a hérités de ses ascendants. La fortune, l'héritage, la propriété. «L'ensemble des droits et des charges d'une personne, appréciables en argent.» L'ensemble des biens corporels et bien incorporels et des créances nettes d'une personne ? physique ou morale ? ou d'un groupe de personnes, à une date donnée.

On voit aussi la définition: «différence entre les avoirs»... ah non! mais c'est quand on parle de la valeur nette du patrimoine, donc la différence entre les avoirs et les dettes. Puis une autre définition: «Ce qui est considéré comme un bien propre, comme une propriété transmise par les ancêtres.» Alors, c'est ça, la définition qu'on voit, donc ça fait beaucoup davantage référence, comme je vous disais, à la notion juridique du mot «patrimoine». Et, dans le cas présent, c'est évident que, lorsqu'on parle de patrimoine, ce n'est pas ça qu'on veut dire. Tu sais, on ne veut pas parler de l'ensemble des biens d'un individu, de son actif et de son passif, on ne veut pas parler, là, d'un héritage. Parce que, lorsqu'on regarde la définition qu'on veut mettre de l'avant, là, on s'aperçoit que, oui, le patrimoine, ça peut être un ensemble de biens, mais que... puis on le dit, là «tout objet ou ensemble matériel ou immatériel ? mais là, on ajoute plus, là ? reconnu et apprécié collectivement pour sa valeur de témoignage et de mémoire historique et méritant d'être partagé, conservé et mis en valeur». Alors, ça va beaucoup plus loin, M. le Président, que la définition que l'on retrouve dans le dictionnaire.

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'on peut amender le dictionnaire?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: Non, ça, ce serait beaucoup trop long.

Le Président (M. Brodeur): Non? O.K...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: Moi, je préfère qu'on procède à un amendement de l'amendement, s'il faut, là, ou à un amendement de l'article, on verra, M. le Président, en temps et lieu. Comme on dit: On traversera la rivière quand on sera rendu.

Mme Maltais: Il me semblait, aussi.

M. Jutras: Mais on voit donc que... Ce qu'on veut dire ici, le patrimoine, c'est un ensemble de biens, mais je dirais, en quelque sorte, là, à valeur ajoutée, tandis que, dans le dictionnaire, on ne trouve pas cette notion-là.

Alors, j'en viens donc à la conclusion, M. le Président, à partir du moment où la définition que vous retrouvez dans le dictionnaire ne correspond pas à ce que vous vous voulez dire dans la loi, bien, à ce moment-là, ça s'impose donc qu'on en fasse une définition. Alors, moi, je pense que déjà ce premier élément, M. le Président, fait en sorte que, dans le cas présent, c'est certain qu'il s'impose que nous ayons une définition du mot «patrimoine».

Puis un autre élément. M. le Président, j'ai eu l'occasion, là, pendant que j'écoutais quand même attentivement mes collègues, j'ai pris connaissance de certains éléments du rapport Arpin. Et je vais vous dire, là, que, quand on lit ça, on est davantage convaincus qu'effectivement il faut définir la notion de «patrimoine» dans le cas présent. Parce que M. Arpin part... parle aussi, là... il procède de façon étymologique, là, puis il dit: Bon, bien, «patrimoine», ça vient du mot latin «pater», père, puis «monere», qui veut dire avertir, conseiller, là, à l'indicatif présent, le verbe «moneo». Alors donc, il dit que ce à quoi on réfère finalement, ce sont des choses qui rappellent le père. Et là il fait la référence à l'anglais où en anglais on utilise le mot «héritage», «heritage». Mais, quand...

Le Président (M. Brodeur): Oui, hein, on peut mêler le latin et l'anglais, oui?

M. Jutras: Oui, oui.

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Jutras: Oui. Alors, ce sont toutes des langues...

M. Turp: ...

M. Jutras: ...dérivées, alors... Mais, quand je lis ça, M. le Président, là... Parce que vous allez demander, vous allez demander à quelqu'un, quand on parle de patrimoine ici, si on comprend les paysages, moi, je suis convaincu que les gens vont dire non.

Mme Maltais: Ah!

M. Jutras: Le commun des mortels? Je ne sais pas...

Mme Maltais: Aux Éboulements, ils vont peut-être te dire oui.

Le Président (M. Brodeur): Oui? Ici, il y a des mortels, peu de communs.

M. Jutras: En tout cas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: Bien, moi, je vous livre une première impression, là, ce serait intéressant...

Le Président (M. Brodeur): Il dit: Le commun des mortels. S'il y a des mortels, il y a peu de communs.

M. Jutras: Mais, voyez-vous, à partir du moment où, M. le Président, je soulève une interrogation comme celle que je viens de faire et que déjà on a des doutes, ça nous démontre encore plus, je pense, M. le Président, qu'il faut définir le mot «patrimoine».

n(22 heures)n

Je veux aller plus loin, là, dans... je vais vous dire, c'est très intéressant, hein, c'est pour ça que je suis content d'être ici, ce soir. Quand je lis, là, les passages du rapport Arpin et qu'on voit la définition qu'il donne du patrimoine culturel du Québec et ce que ma collègue évoquait tantôt, Un présent du passé, c'est vrai que c'est beau.

Quand il parle de la reconnaissance du patrimoine, ce que M. Arpin nous dit: «Le premier critère concourant à faire d'un objet singulier un objet patrimonial pourrait être l'unicité. Dans la très grande majorité des cas, un édifice ou un objet sont classés comme biens patrimoniaux dans la mesure où ils sont considérés comme les représentants exemplaires d'un style ou d'un mode de vie passé et reconnus comme tels par la collectivité. Dans la pratique, ce sont généralement des organismes qui soumettent un dossier à la ministre de la Culture pour justifier le classement ou la reconnaissance au titre de bien culturel national.»

Alors, quand je lis ça, là, ça veut dire que c'est dans l'intérêt de la ministre, cette définition-là, pour l'aider à accomplir son travail, parce que c'est elle qui aura à déterminer ce qui en est. Alors, je ne vois... je vois difficilement... J'ai hâte de l'entendre, là, pourquoi... Bien, j'aimerais savoir... Bien, peut-être avant d'aller plus loin, on pourrait arrêter immédiatement puis demander à la ministre si elle est consentante avec l'amendement. Peut-être qu'on parle en vain, là. Oui?

Mme Beauchamp: S'il termine son bloc, là, il a terminé?

M. Jutras: Pardon?

Le Président (M. Brodeur): Non, son bloc n'est pas terminé, mais je pense que... peut-être pour la compréhension du ministre, je pense que vous devriez terminer votre intervention. Et plusieurs ministres ont souvent à répondre à l'item des remarques finales également.

M. Jutras: Ah oui!

Le Président (M. Brodeur): Donc, soyez sans crainte.

M. Jutras: Bon. Non, mais c'est parce que je me disais, toujours pour l'avancement de nos travaux, M. le Président, je me suis dit, là, j'argumente, là, mais, si la ministre dans le fond est d'accord, on va arrêter là puis on va passer à autre chose, là. Mais elle n'est peut-être pas encore complètement convaincue.

Le Président (M. Brodeur): Plus tard. On verra plus tard.

M. Jutras: Bon. Alors, on va continuer. Et ce qu'on lit aussi, bien, toujours dans le rapport Arpin, on dit: «Dans la pratique, ce sont généralement des organismes qui soumettent un dossier à la ministre de la Culture...» Bon, ça, je le disais déjà.

Mais, quand M. Arpin plus loin dit, parle de Patrimoine et paysage: un nouveau regard, ça montre en tout cas qu'il y a eu une évolution à ce chapitre, on dit: «Il y a quelques années, on se contentait de compartimenter le patrimoine en deux grands secteurs: le patrimoine culturel et le patrimoine naturel. À partir des années 1970, la montée de la pensée et du discours écologistes ainsi que l'introduction du concept de développement durable, au Québec comme ailleurs, ont accentué l'intérêt collectif pour la protection et la conservation du patrimoine naturel. Dès le moment où l'environnement s'est trouvé menacé par la pollution, l'étalement urbain et le développement économique, les citoyens ont pris conscience de la valeur et de la fragilité des forêts, des lacs, des rivières et des sites naturels, mais aussi de l'ensemble des composantes du tissu urbain ou rural.»

Puis il rajoute: «L'idée que le patrimoine culturel et le patrimoine naturel soient intimement liés a rapidement fait son chemin. D'ailleurs, plusieurs dispositions de la Loi sur les biens culturels permettent d'identifier ce que nous pourrions nommer "les espaces du patrimoine". La loi reconnaît en effet [des] arrondissements historiques, les arrondissements naturels, les sites archéologiques, les sites historiques, les sites historiques nationaux, les sites du patrimoine et les ensembles architecturaux...»

Alors, M. le Président, moi, je ne peux pas voir comment on peut passer à côté de cet amendement et comment on pourrait faire en sorte d'adopter cette loi-là sans procéder à une définition de ce qu'on entend par le «patrimoine culturel». Moi, j'ai vu trop de fois, M. le Président, devant les tribunaux, des gens s'y retrouver et ne pas s'entendre ? oui, je comprends qu'il me reste peu de temps, M. le Président ? des gens ne pas s'entendre sur l'interprétation qu'il faut donner à une loi et surtout sur le sens des mots que l'on retrouve dans une loi. Et je pense qu'il faut éviter ça le plus possible. Et je n'aimerais pas que, dans x mois, des gens se retrouvent devant un tribunal, ils disent: Bien, comment il se fait que le législateur ? c'est nous tous, là, ici, autour de la table, là; comment il se fait que le législateur ? n'a pas procédé à une définition de «patrimoine culturel», comment il se fait que le législateur a laissé ça en blanc et que là finalement on a des gens qui plaident devant un tribunal avec ce que ça représente comme frais, comme honoraires, comme délais, pour savoir qu'est-ce que le législateur a voulu dire. Ça fait que qu'est-ce qu'on veut dire? C'est nous, ça, là, le législateur. Alors, qu'est-ce qu'on veut dire? Qu'est-ce qu'on entend par «le patrimoine culturel québécois».

Alors, pourquoi ne pas procéder, M. le Président, immédiatement, à la définition parce que, comme le disait mon collègue, il y a quelques minutes, le député de Mercier, il faut que les lois que l'on fait ici, que l'on adopte ici, à l'Assemblée nationale, il faut que M. et Mme Tout-le-monde se retrouvent dans ces lois-là. Il faut que, quand ils lisent ces lois-là, ils soient capables, là, de les comprendre et de les interpréter. Et je vous soumets, M. le Président, que, si on se retrouvait avec aucune définition de «patrimoine culturel québécois» et qu'on parlerait de la conservation, de la mise en valeur, de la restauration, du recyclage et mise aux normes, diffusion... puis là il y a un autre problème aussi dont on va parler plus loin, d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois. Des éléments significatifs du patrimoine culturel québécois, je vais vous dire, ça, M. le Président, là, je pense qu'un avocat peut faire un bon bout avec ça. Il peut faire un long chemin avec ça, et un autre avocat, d'un autre côté, pourrait faire lui aussi tout un long chemin.

Alors, nous mettons donc en garde la ministre, et notre travail en est un de collaboration, pour améliorer cette loi, nous lui disons qu'à notre avis il y a une défaillance dans cette loi-là. Nous sommes en train d'y travailler, et, d'entrée de jeu, il faudrait donc l'améliorer. Parce que ces lois-là, ce n'est pas juste pour nous qu'on fait ça, là, on les fait pour les Québécois et les Québécoises. Alors, il y aurait donc lieu de l'améliorer en procédant immédiatement à une définition de ce qu'on entend par «le patrimoine culturel québécois».

Le Président (M. Brodeur): Donc, merci, M. le député de Drummond.

Donc, est-ce que l'amendement proposé par le député de Mercier est adopté?

M. Jutras: Bien là, là... peut-être que la ministre a quelque chose à dire. Vous allez un peu vite, là, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Bien, il n'y a pas personne d'autre qui m'a signifié son intention d'intervenir, donc je dois le mettre aux voix. Est-ce que l'amendement...

M. Jutras: Bien, moi, je vais demander, monsieur... un vote par appel nominal.

M. Turp: Vote par appel nominal, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Vote par appel nominal, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Turp (Mercier)?

M. Turp: Pour.

Le Secrétaire: M. Jutras (Drummond)?

M. Jutras: Pour.

Le Secrétaire: Mme Maltais (Taschereau)?

Mme Maltais: Pour.

Le Secrétaire: Mme la ministre?

Mme Beauchamp: Contre.

Le Secrétaire: M. Marsan (Robert-Baldwin)?

M. Marsan: Contre.

Le Secrétaire: Mme Vien (Bellechasse)?

Mme Vien: Contre.

Le Secrétaire: Mme Gaudet (Maskinongé)?

Mme Gaudet: Contre.

Le Secrétaire: M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Je m'abstiens.

Le Secrétaire: Résultat: 3 pour, 4 contre, 1 abstention.

Le Président (M. Brodeur): L'amendement est donc rejeté.

Et je vais suspendre nos travaux quelques instants, le temps d'une petite pause.

(Suspension de la séance à 22 h 7)

 

(Reprise à 22 h 22)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux, et je vois que le député de Mercier désire s'adresser à la commission. M. le député de Mercier.

M. Turp: Et en particulier à son président, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Ah bien, allez-y. Allez-y, ça me fait grand plaisir quand vous vous adressez à moi.

M. Turp: Alors, M. le Président, j'ai un autre amendement à proposer à l'article 22.1, qui est ajouté par l'article premier de ce projet de loi n° 20. Et, puisque nous venons de rejeter l'amendement précédent, il s'agirait d'ajouter à nouveau un alinéa à la fin de cet article 22.1, donc un troisième alinéa qui se lirait comme suit:

«Sont considérés comme des éléments significatifs du patrimoine culturel québécois les parties constituantes de ce patrimoine qui sont indispensables à l'identité de la société québécoise et à la transmission des valeurs de celle-ci de génération en génération.»

Le Président (M. Brodeur): Je vais prendre connaissance de visu de votre amendement, M. le député.

Je viens d'en prendre connaissance, et il est recevable.

M. Turp: Il est recevable?

Le Président (M. Brodeur): Oui, oui, oui. Ça vous fait plaisir?

M. Turp: Vous me faites un grand plaisir. C'est vraiment...

M. Jutras: Alors, est-ce que, M. le Président, on pourrait suspendre quelques instants, là, pour qu'on ait une copie.

Le Président (M. Brodeur): Je ne suspendrai pas, mais on va attendre quelques instants, là, une...

M. Turp: Une copie foncée...

Le Président (M. Brodeur): Foncée?

M. Turp: ...pour le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. Oui, madame, s'il vous plaît.

M. Turp: Plus foncée que la précédente, s'il vous plaît.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Je vais suspendre 30 secondes.

(Suspension de la séance à 22 h 24)

 

(Reprise à 22 h 29)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et, durant la suspension, nous avons reçu copie de la proposition d'amendement du député de Mercier, qui, je le répète, était recevable. Donc, M. le député de Mercier, comme vous le savez, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour vous exprimer sur votre proposition d'amendement.

M. Turp: Et je crois que c'est le cas aussi de mes collègues, là...

Le Président (M. Brodeur): Évidemment.

M. Turp: ...qui vont disposer, eux aussi, de 20 minutes chacun.

Le Président (M. Brodeur): Évidemment, s'ils veulent ajouter à vos propos, ils le pourront.

M. Turp: J'en exprime déjà le souhait, parce que tout à l'heure leurs propos ont été tout à fait intéressants, et j'espère que tout le monde a appris. Patrimoine génétique, par exemple, notre collègue la députée de Taschereau nous a beaucoup instruits sur ce qu'est le patrimoine génétique.

Le Président (M. Brodeur): ...le Journal des débats, qui est disponible, pour relire les propos de chacun des députés.

n(22 h 30)n

M. Turp: Sans doute allons-nous les relire, ils auront passé à la postérité. Mais, M. le Président, j'aurais vraiment souhaité qu'on adopte l'amendement précédent parce que je crois que ça aurait été très utile de préciser la notion de patrimoine culturel. Mais, M. le Président, ce n'est pas la seule notion qui mériterait d'être précisée, et tout à l'heure, à la fin de son intervention, le député de Drummond a, lui aussi, remarqué jusqu'à quel point il y avait une autre imprécision dans l'article 22.1, une notion qu'on pouvait très, très difficilement comprendre le sens et la portée si cette expression n'était pas accompagnée d'une définition. Et je fais référence à la notion d'éléments significatifs. M. le Président, lorsqu'on lit cet article: «Ce fonds est affecté au soutien financier à des mesures favorisant la conservation et la mise en valeur, dont la restauration, le recyclage, la mise aux normes et la diffusion, d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois.» Est-ce que même vous, M. le Président, avec toutes vos connaissances, et notamment votre formation de notaire, votre fonction de juriste, est-ce que vous seriez capable de me dire maintenant ce que signifie «éléments significatifs», en l'absence d'une définition...

Le Président (M. Brodeur): De façon significative, maintenant, non.

M. Turp: Ah! Vous voyez, donc...

Le Président (M. Brodeur): Mais je pourrais peut-être... Je me réserve le droit d'y revenir.

M. Turp: Comme mon collègue le député de Drummond, sans doute votre premier réflexe, ce serait d'aller voir un dictionnaire. Alors, qu'est-ce que le mot... que veut dire un élément? Et que veut dire le qualificatif «significatif»? Alors, pour éviter aux futurs lecteurs de cette loi l'obligation de se rendre au dictionnaire et d'aller y trouver la définition, ma suggestion est donc d'inclure une définition d'«éléments significatifs» dans cet article-là pour que les gens sachent quels éléments significatifs du patrimoine culturel pourront obtenir un soutien financier et quelles mesures pourront obtenir un soutien financier s'agissant du patrimoine culturel.

Alors, c'était un petit peu plus compliqué penser élaborer une définition d'«éléments significatifs» parce que je n'ai pas trouvé, dans cette source qui est le rapport Arpin, de définition. Il n'y avait pas une définition faite sur mesure comme la définition qui était proposée du concept de patrimoine culturel dans le chapitre I. Peut-être que les gens qui connaissent le rapport Arpin sur le bout de leurs doigts m'indiqueront que j'ai omis quelque chose, là, mais je n'ai pas vu de définition de cette notion, de ce concept d'éléments significatifs.

Mais j'ai quand même fait des petites recherches, là, pour voir si on définissait ailleurs cette notion d'éléments significatifs, et cette recherche m'a permis de constater qu'on affirme la notion d'éléments significatifs sans la définir. Alors, par exemple, la Fondation du patrimoine religieux, lorsqu'elle présente les principes de conservation, elle dit ceci: «La conservation exige des interventions minimales et soucieuses [...] de préserver les éléments significatifs qui respectent l'oeuvre et qui témoignent ? je pense que c'est ça; témoignent ? de son évolution.»

Vous savez, ça arrive souvent, là, quand on imprime des documents sur Internet, il nous manque toujours les dernières lettres à droite, là, tu sais. Un jour, on va faire en sorte que ça n'arrive plus, mais ça arrive assez fréquemment. Il n'y a pas toujours les fonctions impression qui permettent d'éviter ce problème, mais, voyez, j'ai dû deviner que c'était «témoignent de son évolution».

Mais cette référence aux éléments significatifs dans la documentation de la Fondation du patrimoine religieux, que nous connaissons bien maintenant, M. le Président, pour avoir étudié ce qu'elle fait, et ce qu'on pense de ce qu'elle fait, bien ça ne nous dit pas c'est quoi, les éléments significatifs.

Qu'est-ce que j'ai retrouvé encore? S'agissant des prix du patrimoine de la région de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, alors là, dans une description et une inscription concernant les prix, les prix sur la conservation et la préservation, on donne des exemples de prix qui peuvent être attribués. Il y en a un pour la préservation d'éléments significatifs mais du paysage: «les éléments significatifs du paysage», cette fois-ci. Alors, voilà donc une autre référence qui permet de constater qu'on ne fait qu'affirmer quelque chose sans le définir.

J'ai retrouvé aussi ? ça, c'est assez intéressant ? vous savez qu'il y a un fonds du patrimoine culturel ailleurs dans le monde? Oui, il y a un fonds du patrimoine culturel, c'est dans la ville belge de... Attendez. C'est quelle ville déjà? Est-ce que c'est Namur? La Fondation [du] Roi Baudouin... ça s'appelle le site du Fonds du patrimoine culturel mobilier de la Fondation Roi Baudouin. Étiez-vous au courant? Connaissez-vous ce Fonds du patrimoine culturel mobilier? Hein, donc, il y a quelque part, ailleurs dans le monde... Et là...

Le Président (M. Brodeur): Je pense que je peux vous référer au rapport de la Commission de la culture qui a fait un séjour à Bruxelles.

M. Turp: Mais est-ce que vous avez vu des gens de ce...

Le Président (M. Brodeur): On a rencontré des gens de cette fondation.

M. Turp: Ah oui? Ce n'était pas juste comme l'Institut du patrimoine wallon et...

Le Président (M. Brodeur): Il y avait plusieurs personnes alentour de la table, dont une personne qui était membre de cette association.

M. Turp: Ah bon, ah, ça... Et donc la Fondation Roi Baudouin.

Le Président (M. Brodeur): Oui.

M. Turp: Oui. Le roi était-il là, lui-même?

Le Président (M. Brodeur): Non, non. On était près de chez lui, mais il n'était pas là.

M. Turp: D'ailleurs, il est mort, je pense, hein, le roi Baudouin, c'est comme...

Le Président (M. Brodeur): Y est-u mort, le roi Baudouin?

M. Turp: ...le fils, là, maintenant, qui est devenu le roi, là.

Le Président (M. Brodeur): Le roi Baudouin également?

M. Turp: Oui. C'est un roi Baudouin, mais c'est le fils de, j'imagine, ce roi Baudouin là.

Le Président (M. Brodeur): Oui? Ah.

M. Turp: Mais en tout cas, écoutez ça, comment on présente le Fonds du patrimoine culturel mobilier. Alors, c'est quand même intéressant, c'est juste mobilier dans ce cas. Je pense qu'il y a quelqu'un qui le connaît, là, derrière, qui semble connaître ce fonds. Regardez comment on le présente: «Le fonds veut sauvegarder des éléments significatifs de notre patrimoine national afin d'éviter[...], leur départ à l'étranger [et] dans le but de les ramener dans nos collections publiques. Il agit principalement ? là, il manque des mots, là ? [sur son] acquisition.»

Alors, ce qui est intéressant, c'est que la notion d'éléments significatifs est liée à: «[le] départ à l'étranger ou [le retour] des collections publiques», mais on ne le définit pas non plus.

Alors donc, j'ai trouvé quelques exemples encore là, par exemple dans un des mémoires qui nous a été présenté, M. le Président, devant notre Commission de la culture sur l'avenir du patrimoine religieux, le mémoire conjoint de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs et de la Société québécoise d'ethnologie. Dans ce mémoire, dans la partie qui concerne les paysages cette fois-ci, on lit, et je cite: «Quelles seraient les façons de protéger les éléments significatifs du patrimoine religieux paysager», du patrimoine religieux paysager. Alors... Et donc il y a une autre référence, là, à la notion d'éléments significatifs. Et donc j'ai retrouvé quelques exemples, il y en a aussi dans un document du Comité international pour la conservation du patrimoine industriel de juillet 2003, un document sur Toponymie et mémoire: vers des balises internationales pour la commémoration toponymique où il est question de la... toponymie, pardon, des éléments significatifs du paysage.

n(22 h 40)n

Mais tout cela pour dire que cette recherche ne m'a pas amené à trouver de définition de ce qui est un élément significatif. Alors donc, j'ai essayé, j'ai fait un petit effort pour être constructif, là, aujourd'hui, pour susciter le débat. J'espère, au-delà de mes collègues, j'espère que la ministre, mes collègues les députés du parti ministériel prendront part à ce débat pour nous éclairer sur ce qui est, ce qui pourrait être un élément significatif. D'ailleurs, la députée de Bellechasse, je vois qu'elle est même branchée sur l'Internet, elle pourrait peut-être, tu sais, nous aider, trouver sur ces sites, là, des notions et d'autres évocations de cette notion, là.

Mais alors qu'est-ce que j'ai fait pour essayer de trouver une définition? Alors: «Sont considérés [...] des éléments significatifs du patrimoine culturel québécois [des]parties [constitutives] de ce patrimoine.» Je construis la définition en définissant ce qu'est un élément d'abord. Et, quand on prend le dictionnaire, un élément, c'est une «partie constitutive», c'est une partie constitutive. En tout cas, c'est vrai que c'est comme un synonyme, là, mais...

Le Président (M. Brodeur): Un élément peut chauffer, également.

M. Turp: En effet, et il vaut mieux ne pas mettre ses doigts dessus...

Le Président (M. Brodeur): Non.

M. Turp: ...comme les enfants, hein, le font parfois.

Le Président (M. Brodeur): Oui, c'est élémentaire à part ça.

M. Turp: Ce qui fait que leurs parents deviennent très, très inquiets et croient que c'est la fin du monde.

Alors donc, ce qu'est un élément est une «partie constitutive», et là j'ai voulu ajouter «de ce patrimoine», mais alors qu'est-ce qui est significatif? C'est ça qui, je crois, est le plus important, c'est vraiment ce qualificatif qu'il faut comprendre en le définissant. Et alors j'ai essayé de voir qu'est-ce qui peut traduire la notion de significatif en regard du patrimoine, et là je suis allé à la définition du patrimoine culturel dans la Loi sur le développement durable. Pourquoi? Parce que ce qui est significatif devrait être dans la perspective d'un patrimoine qu'on veut protéger pour les fins du développement durable.

Et d'ailleurs c'est intéressant, je ne sais pas si mon collègue le député de Drummond l'a remarqué, quand il lisait, tout à l'heure, le rapport de M. Arpin, M. Arpin parlait du développement durable. Ça, c'était en 2001, quelques années avant que la notion devienne très, très populaire et très, très structurante, qu'on commence à penser qu'il faut adopter, comme on l'a fait il y a quelques semaines, des lois sur le développement durable, qu'on devrait nommer, désigner des ministres du Développement durable.

Alors, l'idée donc de définir la notion de significatif par un renvoi à ce qui s'inscrit dans le cadre du développement durable me paraissait utile, et donc qu'est-ce qui est significatif dans cette perspective? Alors, pour moi, ce qui est donc significatif, c'est ce qui est indispensable, indispensable à l'identité de la société québécoise, et je prends cela de l'alinéa k, hein, de l'article 6 de la Loi sur le développement durable qui définissait le patrimoine culturel comme étant «constitué de biens, [...]lieux, [...]paysages, [...]traditions et [...]savoirs ? la députée de Taschereau, tout à l'heure, nous a bien présenté ces cinq notions, mais qui ? reflète l'identité d'une société».

Alors, qu'est-ce qui est significatif, donc? Ce qui est significatif, c'est ce «qui est indispensable à l'identité de la société» ? là, j'ajoute ici «de la société québécoise». Et l'article de la Loi sur le développement durable, là, qui présente ce qu'est la «protection du patrimoine culturel» ajoutait: «Il transmet les valeurs de celle-ci de génération en génération et sa conservation favorise le caractère durable du développement.» Et, de cette partie, de cette définition, moi, je retiendrais donc ce que sont des éléments significatifs, ce sont «des éléments indispensables à l'identité de la société québécoise et à la transmission des valeurs de celle-ci de génération en génération».

Alors donc, quand il s'agira de déterminer ce qui est significatif dans le patrimoine culturel québécois, bien, cette définition offrira des références, des critères, des repères en fait, pour, tu sais, vraiment savoir ce qui est significatif. Et ce qui sera significatif, c'est ce qui est indispensable à l'identité de la société québécoise et à la transmission des valeurs de génération en génération... de celle-ci de génération en génération.

Alors, je ne le sais pas, c'est très abstrait comme définition. Si on essayait de l'appliquer, par exemple, si on essayait d'appliquer cela pour distinguer ce qui est significatif de ce qui ne l'est pas. Disons, par rapport au patrimoine bâti, disons par rapport au patrimoine religieux, et on a eu vraiment des grands débats sur cette question-là, parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire, il y a un homme qui est venu même nous le dire, c'était à Gatineau, je me rappelle, il pleurait à la fin de son intervention. Il nous disait: Oui, mais c'est l'église où j'ai été baptisé, c'est l'église où je me suis marié et c'est l'église où je voudrais probablement avoir mes funérailles, mais maintenant on va la détruire, mon église.

Et là la question lui était posée: Oui, mais a-t-elle une valeur patrimoniale, cette église? Est-ce qu'elle a quelque chose qui la distingue? Est-ce qu'elle a des belles statues? Est-ce qu'elle a des oeuvres d'art? Est-ce qu'elle a été construite par un architecte qui était connu, réputé? Et je pense qu'il pouvait admettre que non, et que beaucoup de personnes lui avaient posé la même question. Et alors peut-être que c'est ça qui distingue ce qui est significatif ou ne l'est pas, ou peut-être qu'il ne le distingue pas, parce que sans doute, pour cet homme, ce qui est indispensable à l'identité de la société québécoise et la transmission de valeurs de celle-ci de génération en génération, c'est même son église à lui, c'est une église à lui, celle... même si elle n'a peut-être pas de valeur patrimoniale.

Mais en fait ça démontre jusqu'à quel point il faudrait définir, comme on vient de le suggérer, ce qui est le patrimoine culturel québécois. Parce qu'en réfléchissant sur cette définition que je vous propose, je me rends compte que la notion de patrimoine culturel doit être définie. Même si on devait ajouter une définition d'élément significatif, ça ne suffirait pas parce que la notion de patrimoine culturel doit être définie pour savoir si ce qui est indispensable à l'identité d'une société puis à la transmission des valeurs de celle-ci de génération en génération est tout de même patrimonial.

Et vous voyez, j'espère donc, en faisant cet exercice, qu'on pourra reconsidérer le fait qu'on a refusé d'intégrer une définition du patrimoine culturel québécois, comme on l'a fait tout à l'heure, parce que je pense que c'est quelque chose qu'on peut faire.

Alors, M. le Président, je soumets donc à votre attention et à celui des collègues cette définition, je suis certain que mes collègues voudront ajouter aux propos et vous convaincre qu'il faut aussi ajouter cette définition à la loi.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Mercier. M. le député de Drummond, vous m'avez signifié de façon vigoureuse votre intention d'intervenir.

M. Jutras: Oui, mais j'ai cru comprendre qu'on suit, dans la mesure du possible, la règle de l'alternance, j'ai cru comprendre...

Le Président (M. Brodeur): Oui, chacun votre tour.

M. Jutras: ...qu'il n'y avait pas d'alternance. Non, mais c'est parce que, moi, je ne veux pas brimer le droit de parole de qui que ce soit.

Le Président (M. Brodeur): C'est certain. Mais soyez...

n(22 h 50)n

M. Jutras: Alors, M. le Président, j'interviens donc sur l'amendement, relativement à l'amendement qui est apporté par mon collègue le député de Mercier, lequel amendement veut lui aussi rajouter un élément significatif de définition à l'intérieur de l'article 22.1. Mais lequel article, M. le Président, je le rappelle, nous étudions globalement et non pas article par article. Je vous vois debout, M. le Président, voulez-vous suspendre quelques minutes?

Le Président (M. Brodeur): Non, non. Généralement, on ne voit pas la différence, vous l'avez perçue.

M. Jutras: Bien, voyez-vous, j'ai tout de suite vu la différence. Alors, je relis donc l'amendement déposé, à savoir: De modifier l'article 22.1 par l'ajout d'un quatrième... d'un quatrième alinéa?

M. Turp: C'est le troisième en fait, là-dedans.

M. Jutras: Oui, c'est d'un troisième, hein? Ah! vous aviez pris pour acquis que le... serait adopté, oui. Alors, il faudra donc faire un sous-amendement ici, là, tantôt... Par l'ajout d'un quatrième alinéa:

«Sont considérés comme des éléments significatifs du patrimoine culturel québécois les parties constituantes de ce patrimoine qui sont indispensables à l'identité de la société québécoise et à la transmission des valeurs de celle-ci de génération en génération.»

Quand j'ai lu le projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Culture et des Communications, lorsque je l'ai lu la première fois, M. le Président, effectivement, là, j'ai buté sur deux éléments. J'ai buté sur la notion de patrimoine culturel québécois, et c'est pourquoi, il y a quelques minutes, nous avons voulu la clarifier. Cependant, de justesse, ça a été rejeté, mais je dis bien «de justesse», M. le Président, 4-3. Mais là j'avais donc buté sur cet élément-là, mais j'ai buté aussi sur la notion d'élément significatif. Puis, quand on relit cet alinéa-là ainsi: «Ce fonds est affecté au soutien financier à des mesures favorisant la conservation et la mise en valeur, dont la restauration, le recyclage, la mise aux normes et la diffusion, d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois», alors au-delà de se demander: Qu'est-ce que c'est, le patrimoine culturel québécois?, l'autre question, c'est: Qu'est-ce que c'est qu'un élément significatif du patrimoine culturel québécois? Et c'est pourquoi, M. le Président, il m'apparaît important de définir ce qu'on entend par un élément significatif, pour plusieurs raisons.

La première raison que j'ai mise de l'avant il y a quelques minutes, moi, les définitions, ça m'apparaît important dans une loi: De quoi parle-t-on dans cette loi? Et qu'est-ce qu'on a à perdre, à clarifier une loi? Qu'est-ce qu'on à perdre, à faire en sorte que quelqu'un qui lira la loi saura exactement de quoi on parle. Parce que, là, c'est certain que, comme je le disais tantôt, pour la notion de patrimoine, bien on est obligé de référer au dictionnaire pour savoir ce que l'on veut dire. Et je vous ai démontré tantôt, d'après le dictionnaire Le petit Robert, que la notion de patrimoine, là, ce n'est pas dans le sens... la définition de «patrimoine» que l'on retrouve dans le dictionnaire Le petit Robert ne correspond pas à ce que l'on prévoit dans la loi, ici.

Et, quand on parle d'éléments significatifs, alors, et je repose la question: C'est quoi, un élément significatif du patrimoine culturel québécois? Et d'où la nécessité à mon avis, M. le Président, d'apporter une définition. Sans ça, c'est évident que des gens, à partir de cet article-là, vont se les poser, ces deux questions-là, c'est certain. C'est certain. Et, nous, du côté de l'opposition, ce que l'on veut faire, c'est clarifier la situation pour éviter justement qu'il y ait des débats sur la notion de patrimoine culturel québécois et pour éviter qu'il y ait des débats sur la notion d'éléments significatifs.

Et l'élément significatif dans le cas présent, M. le Président, prend d'autant plus d'importance que... Moi, il m'apparaît que, quand on parle d'un élément significatif du patrimoine, un élément significatif, ça peut être très, très, très subjectif. Pour une personne, un élément peut être significatif, pour une autre personne, il ne le sera pas. Et je reviens à l'exemple... je trouvais l'exemple de mon collègue le députée de Mercier tout à fait pertinent, l'individu qui, pour lui, cette église-là, l'église de son village, où il a été baptisé, où il a été confirmé, où il a fait sa première communion, où il s'est marié, où il veut avoir ses funérailles, c'est significatif. Mais par contre pour quelqu'un d'autre effectivement ce serait: Bien non, c'est une église, mais c'est une église qu'on peut peut-être même qualifier de banale. Je ne sais pas comment était cette église-là, là ? mais quelqu'un dirait: Bien, elle est banale, cette église-là, elle n'est pas significative. Mais on voit que, pour cet individu-là, elle est significative.

Et on voit donc qu'on tombe, là, dans quelque chose qui devient suggestif. Et, à ce moment-là, ça veut dire que les personnes qui seront appelées à prendre de telles décisions, parce qu'il y a des modes là aussi... Je vous disais qu'il y a une mode dans la rédaction des lois, il y a une mode dans les termes économiques que l'on peut utiliser à un moment donné, d'une année à l'autre. Bien, à un moment donné, effectivement, la notion d'éléments significatifs, je vous dis qu'elle est subjective, mais, en plus de ça, c'est une notion qui peut évoluer dans le temps dans le sens que quelque chose qui est significatif dans telle décennie ne sera pas ou sera moins significatif dans une autre décennie. Alors, de sorte qu'on... Ou encore un élément du patrimoine pourra devenir significatif parce qu'il y aura eu quelque chose qui se sera passé à cet endroit-là, un événement particulier puis qui encore là pourra être significatif pour certaines personnes et ne le sera pas pour d'autres.

Alors, on voit qu'on tombe, M. le Président, dans l'arbitraire. Et on verrait des gens, à ce moment-là, soumettre des candidatures, là, soumettre des dossiers au fond puis qui seront frustrés parce qu'ils diront: Bien, moi, il me semble que ça correspond effectivement à la notion de patrimoine culturel, il me semble que c'est un élément significatif du patrimoine, du patrimoine culturel du Québec, et la ministre rejette ça parce qu'elle, ce n'est pas significatif. Mais peut-être que, M. le Président, tel autre élément situé dans le comté de la ministre, ça pourrait être plus significatif? C'est ça, le danger qui nous guette si on n'a pas de définition dans le cas présent. Parce que, je le répète, la notion d'éléments significatifs, elle devient très subjective. Alors, il m'apparaît donc, M. le Président, que c'est préférable de procéder à une définition.

Un autre point aussi, M. le Président, pourquoi il m'apparaît primordial que l'on procède à une définition, c'est que le fonds n'est que de 10 millions de dollars. Et, moi, je dis: C'est mieux que rien, là, mais, avec seulement 10 millions de dollars, je ne suis pas sûr, comme je le disais au début de nos travaux vers les 8 heures, je ne suis pas sûr que la ministre va pouvoir poser des gestes significatifs à l'égard de la protection de notre patrimoine culturel québécois. Alors, on voit donc d'autant plus la nécessité de procéder à une définition parce qu'il y a seulement 10 millions. Alors là, il y a bien des gens, là, qui vont arriver, là, puis qui vont prendre leur rang, puis qui vont dire: Moi, c'est un élément significatif. Puis l'autre personne va dire: C'est moi qui l'ai, l'élément significatif. Puis, si on n'a pas de définition, ça veut dire qu'on soumet ça à l'arbitraire d'un ou d'une ministre. Bon. Mais, M. le Président, ça m'apparaît tout à fait incorrect. Je pense qu'on n'a pas, en matière de protection du patrimoine culturel québécois, à tomber dans l'arbitraire.

n(23 heures)n

Et, quand je regarde et quand je reviens à la définition que mon collègue le député de Mercier veut faire adopter à l'endroit de cette notion d'élément significatif, on qualifie, là, ce qu'on entend par un élément significatif. On le dit, ce qu'on entend par un élément significatif. On parle: «...les parties constituantes de ce patrimoine ? on parle du patrimoine culturel québécois ? qui sont indispensables à l'identité de la société québécoise et à la transmission des valeurs de celle-ci de génération en génération.» Alors, on fait donc référence, M. le Président, à l'identité de la société québécoise, à la transmission des valeurs de génération en génération. Alors, il me semble qu'on balise, et ça nous permet de mieux apprécier ce qu'on entend par un élément significatif, parce que là, ici, là, vraiment, là, il faudra que la personne qui soumet la candidature, qui soumet le dossier ayant trait à tel élément du patrimoine culturel québécois, il faudra qu'on réponde à la question effectivement: Est-ce que cette partie-là du patrimoine, est-ce qu'elle est indispensable à l'identité de la société québécoise? Alors ça, c'est un test, là, auquel il faudra répondre positivement. Puis est-ce que c'est indispensable également à la transmission des valeurs de la société québécoise de génération en génération?

Et peut-être, M. le Président, la première fois que j'ai entendu l'amendement de mon collègue le député de Mercier, je le trouvais quand même assez restrictif, je vais vous dire, je le trouvais assez sévère. Non, mais c'est vrai. Mais je me suis convaincu du bien-fondé de cette définition-là tenant compte du fait que, dans le fonds, il n'y a que 10 millions. Alors, il va donc falloir, M. le Président, faire des arbitrages. Et, si on veut faire des arbitrages, il va falloir qu'on ait des balises, qu'on ait des notions qui nous guident pour prendre des décisions. Et, à ce moment-là, c'est pourquoi je me rallie à l'amendement que mon collègue le député de Mercier propose. Ça m'apparaît un ajout intéressant. Et je dis: Le fonds n'est que de 10 millions.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier aussi, M. le Président, que le fonds, cette année, n'est que de 5 millions. Alors, ça veut dire que ça va être encore plus difficile de faire des arbitrages, parce qu'on a vu, quand on a étudié précédemment la notion de patrimoine culturel québécois, on a vu à quel point c'était vaste. C'est très vaste, la notion de patrimoine culturel québécois. Mais là, vu qu'on n'a pas de définition, peut-être que quelqu'un pourrait nous dire: Ce n'est pas si vaste que ça. Mais on ne sait pas. Mais en tout cas, moi, je pense que c'est vaste, la notion de patrimoine culturel québécois. Alors, de sorte qu'avec un fonds qui n'est que de 5 millions cette année puis qui même, l'an prochain, ne sera que de 10 millions, bien, moi, M. le Président, il faut surtout, quand on parle du patrimoine culturel québécois... Puis nous sommes tous attachés au patrimoine culturel québécois, mais nous sommes attachés l'un et l'autre d'entre nous, nous sommes attachés à différents éléments du patrimoine culturel québécois. Moi, je suis attaché à certains éléments, puis je suis convaincu que ma collègue la députée de Taschereau est attachée à d'autres éléments comme le député de Berthier, comme vous-même, M. le Président, parce que, pour moi, certains éléments sont significatifs, et pour ma collègue la députée de Taschereau, c'est d'autres éléments qui sont significatifs.

Mais, si je dis par contre à ma collègue la députée de Taschereau que: Oui, mais l'élément significatif auquel elle est attachée, est-ce qu'il est indispensable à l'identité de la société québécoise et est-ce qu'il est indispensable à la transmission des valeurs de celle-ci de génération en génération? Moi, je pense qu'à ce moment-là ça peut écourter drôlement une plaidoirie, ça peut écourter drôlement une argumentation et ça peut faire en sorte que, d'entrée de jeu, certains dossiers seront même déclarés irrecevables parce que vraiment ils n'entrent pas dans cette définition d'élément significatif. Mais, si on ne l'a pas, la définition, M. le Président, je le répète, là, on va tomber dans l'arbitraire.

Un autre point aussi qui fait que je suis en faveur de cet amendement, M. le Président, c'est que c'est étrange, cette disposition-là, j'ai hâte qu'on soit rendu là, mais au rythme où on va, ça va être long avant que j'aie ma réponse, mais on procède avec le choix de la ministre. Mais l'article 22.12 dit ceci: «Les dispositions du présent chapitre cesseront d'avoir effet à la date ou aux dates fixées par le gouvernement, lesquelles ne peuvent être antérieures au 1er avril 2020...» C'est bizarre comme formulation. Je me demande si ce n'est pas la première fois que je vois ça, là. Il faudra faire des recherches.

Mais on dit qu'on ne peut pas mettre fin au fonds avant le 1er avril 2020. Mais en tout cas, à compter du 1er avril 2020, remarquez qu'à mon avis ça vaut ce que ça vaut. Parce que même si, par règlement, le gouvernement ne peut pas y mettre fin, même si le gouvernement ne peut pas y mettre fin avant, par règlement, une loi, ça s'amende.

On voit ce qui se passe avec la loi sur le Mont-Orford, les parcs nationaux sont protégés, puis là on décide qu'une loi fondamentale, qui est la loi sur la protection de nos parcs, on la viole, et on décide que le mont Orford, qui fait partie d'un parc provincial, bien on vend la montagne. Alors, c'est pour ça que je me dis: Bien, ça vaut ce que ça vaut, ça, là, là, cette date-là.

Mais j'y vois quand même un argument, M. le Président, dans le sens que, bon, il y aura la possibilité, à compter de 2020, de mettre fin au fonds. Moi, je dis même qu'il y aura des possibilités avant, là, parce que la loi pourrait être changée. Alors, ça veut dire que ça peut être donc limité dans le temps. Alors, si, donc, on parle d'un fonds qui n'est que de 5 millions cette année, qui ne sera que de 10 millions par année les autres années, on parle de la protection de notre patrimoine culturel, sa mise en valeur, sa restauration, son recyclage, la mise aux normes, la diffusion. Ça coûte cher, ça. C'est évident, on le sait, là, que ça coûte très cher.

Alors, tenant compte, M. le Président, de tous ces éléments-là, encore là au même titre qu'il y a quelques minutes j'argumentais à l'effet qu'il m'apparaissait fondamental qu'on définisse la notion de patrimoine culturel québécois, il m'apparaît tout aussi fondamental qu'on définisse la notion d'élément significatif.

Parce que là, je vais vous dire, M. le Président, là, plus on relit ce projet de loi là, plus on a l'impression de nager dans le vague. Tu sais, tu te dis: Mais on s'en va où, là, avec ca? Et on a l'impression que la loi est vraiment... pas l'impression, j'en ai la conviction que la loi est vraiment trop imprécise. Alors, je...

M. Turp: Des fois, ça peut être déclaré inconstitutionnel, des lois imprécises.

M. Jutras: Oui, oui. Bon, j'entends mon collègue le député de Mercier qui dit qu'une loi pourrait être déclarée inconstitutionnelle en raison de son imprécision. Oui, je le crois, parce que si, à un moment donné... Tu sais, les lois sont au service du monde, sont au service des gens, et si, à un moment donné, la loi ne rend pas service tellement elle est imprécise, bien, effectivement, ça donne quoi, une loi comme celle-là? Alors, moi, j'en appelle au sens du travail bien fait qui anime la ministre, et ce que je lui dis, ce que je lui offre, c'est la collaboration de l'opposition pour un travail bien fait, une loi bien ficelée avec des définitions adéquates, ce qui fera en sorte que le Québécois ou la Québécoise qui prendra connaissance de cette loi-là saura à quoi s'en tenir.

Et je suis convaincu qu'à cet égard la ministre est animée par les mêmes intentions que nous, à savoir qu'elle veut une loi, là, bien comprise par les gens, et une loi qui répond aux besoins du patrimoine culturel québécois. C'est ça qui nous anime de ce côté-ci, et je suis convaincu, M. le Président, que c'est ce qui anime mes collègues également de l'autre côté de la table. Alors, c'est pourquoi, M. le Président, je vous annonce que je vais voter en faveur de l'amendement de mon collègue.

M. Turp: Ça me réconforte.

Le Président (M. Brodeur): Ah, O.K., merci. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Je pense que je vais prendre le temps d'intervenir sur l'amendement de mon collègue.

Le Président (M. Brodeur): Prenez tout votre temps, à condition que ça dure juste 20 minutes.

n(23 h 10)n

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Considérant ce que j'ai à dire, je serai brève, mais je prendrai le temps, considérant la masse d'informations que nous désirons partager aujourd'hui, vu qu'il y en a très peu d'inscrites dans le projet de loi. On sait que, quand on discute d'un projet de loi, ensuite, quand il est adopté et que les avocats ferraillent autour des projets de loi, on parle de l'esprit et de la lettre. Alors, la lettre, elle est écrite, mais l'esprit, on est en train de le créer, puisque la lettre ne définit pas, et il va falloir que... c'est pourquoi les esprits travaillent très fort, ce soir, pour essayer de trouver une manière d'inscrire, dans la lettre, les manquements de ce projet de loi.

Évidemment, on travaille par amendement. Ce n'est pas notre choix, c'est le choix de la ministre. Je continue à trouver qu'on aurait pu privilégier une autre façon de faire qui aurait permis probablement, je vous dirais, d'être plus... légèrement plus respectueuse du travail non pas des parlementaires ? on est tous respectueux les uns des autres ? mais du travail que nous avons à faire en tant que législateurs.

J'ai fait un léger calcul et je me suis dit: Si on acceptait la proposition... si la ministre... si on travaillait selon... sans amendement, par exemple, on allait seulement sur le projet de loi tel qu'il est actuellement, bien, pour 12 articles qui traitent du fonds lui-même, de ses définitions, à quoi il va être... Pourquoi... À quoi servira le soutien financier? Par des mesures, qu'est-ce qui déterminera ces mesures, les éléments significatifs, les fonds sur les actifs, sur les passifs, la nature des activités, la nature des coûts? D'où viendront les fonds? Partout. D'où viendront les sommes? La gestion des fonds sera confiée à qui? Versés où? La comptabilité du fonds, l'enregistrement des engagements financiers, les modalités de gestion. D'où vient l'argent par rapport au ministère du Revenu? Bon. Le fonds, le 10 millions, les sommes affectées au fonds. Les ententes de versement de fonds entre le ministère de la Culture et le ministère des Finances... Vous voyez ce que je suis en train d'énumérer? C'est beaucoup de choses qui sont là, 12 articles qui comprennent tout ça. Comment seront payés... D'où proviendront les sommes qui serviront à rémunérer le personnel de ce fonds? Tout cela est dans ces 12 articles et, si on n'amenait pas des amendements, bien, si mon collègue de Mercier n'avait pas eu l'intelligence de préparer des amendements, nous aurions, à trois, chacun 20 minutes pour poser des questions à la ministre, avoir quelques réponses. Donc, en une heure, nous aurions essayé de discuter entièrement du fonds de ce projet de loi en une heure. Ce que la ministre nous a proposé, c'est qu'en une heure nous disposions de ce projet de loi avec tous les éléments que je viens d'énumérer. Cela n'aurait pas donné à mon sens, M. le Président, un bon travail de législation.

Alors, je continue à réitérer ma demande à la ministre de permettre aux législateurs que nous sommes, des deux côtés de la salle, de travailler non pas seulement efficacement, mais de travailler intelligemment au texte de projet de loi qui définit quelque chose d'important, la façon dont, dans l'avenir, nous affecterons des fonds à la conservation, à la mise en valeur, à la restauration, le recyclage, la mise aux normes et la diffusion d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois.

Alors, quand la ministre... si la ministre veut revenir sur sa décision à un moment ou l'autre, nous accueillerons avec plaisir sa décision. Alors, voilà pour cette entrée en matière.

Ensuite, j'ai relevé quelque chose qui, je pense, appuie l'idée de la motion d'amendement du député de Mercier. C'est le mot «mise aux normes». Je relis le paragraphe qui précède le paragraphe que notre collègue propose comme amendement. Voici le paragraphe: «Ce fonds est affecté au soutien financier à des mesures favorisant la conservation et la mise en valeur, dont la restauration, le recyclage, la mise aux normes et la diffusion, d'éléments significatifs du patrimoine culturel québécois.»

Donc, on va jusqu'à la mise aux normes d'éléments significatifs. Or, la mise aux normes, là, on n'est pas dans la, j'oserais dire, dans la préservation pure. On n'est pas dans la conservation pure. Dans la mise aux normes, on est dans l'aménagement. On est dans... D'habitude, quand on dit, on utilise les termes, légalement, «mise aux normes», on parle de mise aux normes au Code du bâtiment. Donc, le flou engendré par le fait de n'avoir ni définition de «patrimoine culturel» ni définition du mot «élément significatif» nous amène à penser que la simple mise aux normes, par exemple, pourrait être privilégiée dans le fonds du patrimoine culturel québécois. Il n'y a aucune priorisation entre toutes ces valeurs, actuellement. Il n'y a aucune échelle, aucune hiérarchisation. Des projets de simple mise aux normes pourraient complètement prendre tout ce fonds de 5 millions, cette année, il pourrait n'y avoir aucune conservation, aucune mise en valeur, aucune restauration, aucun recyclage, puisque «mise aux normes» n'est pas hiérarchisée. Et en plus, comme «élément significatif» n'est pas hiérarchisé non plus, n'est pas défini, la mise aux normes est dépendante, devient extrêmement dépendante de la définition d'«élément significatif». Qu'est-ce qu'on va privilégier? La mise aux normes ici est exactement au même niveau que les autres formes, les autres manières de conserver et de mise en valeur, et de mettre en valeur notre patrimoine culturel québécois. Alors, d'où...

D'abord, la définition de «patrimoine culturel», pour moi, aurait été intéressante. Ça a été rejeté, d'accord, mais les éléments significatifs deviennent d'autant plus importants, parce que des éléments significatifs, c'est subjectif, c'est entièrement subjectif. Nous ne savons pas le sens ? signification, sens, signe. Quelle est la définition voulue du signe, dans notre société, du signe que signifie ce patrimoine. Il n'y a rien, là, on ne le sait pas. L'élément signifie... En plus, quand on dit qu'un élément signifie, il signifie quelque chose pour quelqu'un. Qui définit ce quelqu'un? Il sera signifiant pour qui?

La proposition d'amendement de notre collègue dit pour qui il y a signification, d'où est le sens. Le sens, c'est dans «indispensable à l'identité de la société québécoise». Il balise. «Indispensable à l'identité de la société québécoise», tu ne fais pas n'importe quelle mise aux normes.

J'ai entendu, tout à l'heure, un commentaire autour de la table, qui disait: Oui, mais «patrimoine culturel», c'est bien ? moi-même, je le disais; c'est bien ? large, la définition qui était... la définition proposée était celle du rapport Arpin. Mais aucune définition, n'est-ce pas encore plus large? Je comprends, à ce moment-ci, qu'on ne veut pas définir par faute d'être trop large, mais aucune définition, zéro définition, ça, c'est large.

Ça signifie aussi que peut-être le ministère de la Culture et des Communications n'a pas réussi encore à définir ce qu'est le patrimoine culturel québécois. J'en prends acte, j'en prends acte. Ce n'est pas de la négligence, ce n'est pas des fautes, mais c'est extrêmement difficile, mais pourtant on amène un fonds du patrimoine culturel québécois, et on légifère là-dessus sans définition. Alors, comment tu vas appliquer la loi, si tu ne définis pas l'objet de la loi, et comment tu vas... l'objet d'ensemble, et comment tu vas appliquer la loi, si tu ne définis pas les éléments auxquels le fonds qui est créé par la loi va servir?

Donc, moi, j'accueille, et je suis vraiment sincère, j'accueille avec intérêt la recommandation d'amendement de notre collègue de Mercier. Je vais vous donner quelques exemples peut-être qui vont vous prouver à quel point la signification, le sens est important.

n(23 h 20)n

L'église Notre-Dame-du-Chemin, pour les gens qui s'interrogent, qui connaissent un peu le patrimoine de la ville de Québec, c'est un débat qui a eu lieu décembre 1998 et janvier 1999, qui a enflammé la ville, enflammé la ville. L'église Notre-Dame-du-Chemin, sise au coin de des Érables et d'une petite rue entre chemin Sainte-Foy et René-Lévesque, l'église Notre-Dame-du-Chemin allait être démolie, et il y a eu un tollé, mais un tollé! Dans les médias, des pages complètes, et ta, ta, ta. Moi, je venais d'entrer en fonction à titre de ministre de la Culture et des Communications, j'habite à quatre coins de rue de l'église Notre-Dame-du-Chemin, imaginez-vous donc que les défenseurs de l'église Notre-Dame-du-Chemin, ça n'a pas été long qu'ils ont trouvé où est-ce qu'elle était, ma boîte à lettres, où est-ce qu'elle était, ma maison, puis ça cognait à la porte vraiment, le soir, chez moi, en se disant: Hé, on la connaît, elle n'est pas loin, elle est accessible, puis c'est dans son comté. Jamais elle ne voudra que la première église à être démolie au Québec soit dans son comté, elle vient d'être nommée ministre. Hé! Et pourquoi? Parce que, pour les paroissiens, les paroissiennes, l'église a un sens profond. La religion, bien sûr c'est un peu une des quintessences du sens pour certains. C'est le fondement de la vie pour certains, pas pour moi, mais pour certains, la religion donne un sens à toute leur vie. Imaginez ce qu'est l'église, le lieu où ils ont été baptisés, confirmés, mariés, où souvent ils ont enterré leurs parents, il y a eu des funérailles. L'église, le lieu est extrêmement significatif. Ces gens-là, ils voulaient vraiment... ils étaient convaincus que j'allais sauver l'église Notre-Dame-du-Chemin. Elle est démolie. Parce qu'à mon sens et au sens du ministère évidemment qui recommandait ce genre de chose, cet élément n'était pas significatif.

Mais je vous jure que ce n'était pas si simple que ça, même au ministère, de dire que cet élément n'était pas significatif. Les débats, à l'intérieur même des milieux du patrimoine, faisaient rage. Je lis aujourd'hui qu'est-ce qu'un élément significatif tel que proposé par mon collègue: Indispensable à l'identité de la société québécoise; les parties constituantes qui sont indispensables. Je pense que cette église n'était pas indispensable à l'identité de la société québécoise. Voilà! Parce que quelqu'un actuellement aurait pu brandir la loi et dire: Hé! Mme la ministre, c'est un élément significatif. Puis dites-moi pas que ça ne fait pas partie du patrimoine culturel, vous ne définissez pas le patrimoine culturel. C'est un exemple pour moi qui va dans le sens de mon collègue.

Le pont de Sainte-Marie-de-Beauce, je suis sûre que les gens qui connaissent le patrimoine ont un sourire en m'entendant, le pont de Sainte-Marie-de-Beauce, un autre objet qui a fait rage dans les débats sur le patrimoine québécois. Le pont de Sainte-Marie-de-Beauce allait être démoli. Le pont de Sainte-Marie-de-Beauce est important pour les gens du village depuis plus d'un siècle, je crois. Le pont n'était pas bâti depuis plus d'un siècle, c'est un pont, à mon souvenir, d'entre les années vingt et quarante. Ce pont de Sainte-Marie-de-Beauce traversait et arrivait juste derrière l'église, faisait le tour, puis après on passait par le coeur du village, puis là il y avait des camions, mais le pont de Sainte-Marie-de-Beauce, à un moment donné, était fragile. La population de Sainte-Marie-de-Beauce, les défenseurs du patrimoine ne voulaient pas qu'on démolisse le pont de Sainte-Marie-de-Beauce. C'était l'enfer dans les médias là-bas. Je regarde ma collègue de Bellechasse, elle a l'air de se souvenir un peu ou de connaître. Quels débats! Quels débats! Est-ce que le pont de Sainte-Marie-de-Beauce était un élément significatif pour les gens de Sainte-Marie-de-Beauce? Je peux vous dire que oui. Est-ce que c'était un élément significatif pour la Beauce? Je peux vous dire que oui. Je suis allée visiter là-bas, les camions faisaient le tour. Ça fait qu'en plus la proposition du ministère des Transports amenait le pont en plein coeur du village. Au lieu d'être derrière l'église, ça arrivait devant l'église maintenant. Alors, il y avait tout, là, l'aménagement urbain, le coeur... tout le principe, le coeur du village, la visibilité, le pont, tout y passait. Or, aujourd'hui, ce pont n'est plus là. On l'a changé. Pourquoi? Parce que, même s'il était un élément significatif pour les gens de la région, il y en avait d'autres de ce type de pont au Québec en meilleur état et en quantité suffisante pour que ce pont ne soit pas considéré comme étant vital, indispensable à l'identité québécoise. Donc, ici, la définition d'élément significatif aurait été intéressante. Hein? C'est intéressant de l'avoir.

Regardons là, il y a des principes dans l'histoire, c'est d'aller voir qu'est-ce qui s'est passé, les principes historiques. Il y a la cathédrale de Gaspé. La cathédrale de Gaspé est un élément important mais n'était pas considérée comme...

Le Président (M. Brodeur): ...intervention?

M. Jutras: Oui. Je voudrais soulever une question de règlement immédiatement.

Le Président (M. Brodeur): Oui, question de règlement.

Mme Maltais: Oui, ça va.

M. Jutras: Moi, je voudrais, M. le Président, faire une motion en vertu de l'article 165 de notre règlement...

Le Président (M. Brodeur): L'ajournement, oui.

M. Jutras:...pour qu'on ajourne les travaux de la commission et qu'ainsi on puisse donner un peu plus de temps de réflexion à la ministre quant à l'amendement qui est mis de l'avant.

Le Président (M. Brodeur): Donc, M. le député de Drummond... Le député dépose une motion d'ajournement dont on peut disposer de deux façons. Elle est soit débattable ou soit adoptable immédiatement. Donc, je constate qu'il y a adoption de la motion.

Donc, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 25)


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